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ABry,sessionspécialecontreles«dérapages»aucollège

société

LA VOIXESTLIBRE

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ERIC DELVAUX

RETROUVEZ LE BILLET

DE PIOTR SMOLAR DU MONDE

TOUS LES LUNDIS À 6H48

LE6/7

I l est ledénominateurcommund’une génération. 93% des15-17anset81%des13-15ansdis-

posent d’un compte sur le réseausocial Facebook. Chaque année,l’associationCalysto,qui sensibili-seaubonusagedesoutilsnuméri-ques, questionne 35000 enfantset adolescents. Le « baromètre2012 Enfants et Internet », quiparaît samedi 23mars, témoignenonseulementde laquasi-généra-lisation de la fréquentation de ceréseau mais aussi de son impres-sionnante remontée enâge.

Les deux tiers des 11-13 ansdétiennent un «profil», en dépitd’un âge minimumofficiellementfixéà13ansparl’opérateur.Etenco-re l’enquêtene sepenche-t-ellepassur les élèves de l’élémentaire…«Cela commenceenCM1et, l’annéesuivante, un tiers des élèves a déjàson profil », observe JacquesHenno, auteur et conférencier spé-cialistedesnouvelles technologies.A l’entrée en sixième, être initié àFacebook devient aussi incontour-nable à la survie socialeque l’aban-don du cartable à roulettes. En finde collège, «si deux élèves ne sont

pas sur Facebook, c’est le bout dumonde»,assure-t-il.Aucuncamara-dedeLisa,parexemple,enclassedetroisième dans les Yvelines, n’yéchappe. «Sinon, on lui demandes’ila l’eauet l’électricitéchezlui…Onse dit que ses parents sont trop der-rière lui, que c’est un bolos. »Condamnéà la stigmatisation.

Quid des autres réseauxsociaux? Twittergagnedu terrain,mais surtout au lycée; Tumblr neconnaît pas, loin s’en faut, lemême succès qu’aux Etats-Unis…Cinq années après la naissance desa version française, Facebookbénéficie d’une position hégémo-nique chez les adolescents et aspi-rants adolescents. Page d’accueildeleurordinateur,gesteréflexederetour à lamaison, il occupe leursrécréations, parfois même leurscours (portabledans le sac entrou-vert sur la table) dès l’âge venu dupremier smartphone, lui aussi deplus en plus précoce. Les troisquartsdes 11-13anspossèdentdéjàun téléphone, le plus souventconnecté auWeb, selonCalysto.

L’inscriptionsur Facebookvautdésormais marqueur d’avancéeen âge, rite d’initiation à l’adoles-cence. «Puisque par Facebook jepeux montrer que je suis ado, jedois y être» : voilà qui transformele réseau en impératif catégori-que, à en croire Cédric Fluckiger,maître de conférences en sciencesde l’éducationàLille-III.«L’adoles-cent prouve qu’il a gagné ce droitdes parents ou qu’ilmaîtrise le faitd’y être sans leur autorisation. Ilcommente à 23heures pour évo-quer sa liberté. Ilmontre samaîtri-se d’un certain nombre de codespropres à l’adolescence, en faisanttrès attention à ses “like”. Et il neparle surtout jamais de ce qu’il faitavec lesparents.»Auparavant, il se

sera«entraîné»à l’adolescenceenfréquentantlesprofilsd’amisplusâgés afin de découvrir leurs goûtset leursmotspour les dire.

Entrée facilitée en adolescence,donc… Et aussi plate-forme d’en-traide pour les devoirs. Fenêtrenumérique sur l’extérieur quandles parents ne permettent plus dese construire dans un espacepublic jugétropdangereux.Formi-dableoutildecommunicationper-mettant de valoriser ses activitéssportivesouculturelles,dedemeu-rerenlienaveclesamisaprèsdémé-nagement ou vacances d’été, enrelation avec le père ou les quasi-frères et sœurs après divorce.Offrant enfin à tous ceux que leurcorps inhibe une alternative poursesociabiliser,effectuerdesrencon-tres amoureuses… Facebook a biendesvertusquepassesoussilence lediscours volontiers alarmiste desadultes sur les jeunes et l’Internet,dont celle d’aider à la constructiond’uneindividualitédansunesocié-té où cette responsabilité incombedésormaisà chacun.

Xavier Pommereau, psychiatreen charge du pôle adolescents duCHU de Bordeaux, connaît bien« ces enfants de l’image qui seconstruisent à travers elle». «Face-bookestunecarted’identitévirtuel-le qu’ils se fabriquent eux-mêmes.Ons’affiche,onditqui l’onestà tra-verscequel’onmontre.»Etl’onprê-telaplusgrandeattentionauxréac-tions positives des pairs. «Jusqu’àl’addiction. On va en permanencevérifier sur sa page, comme sur unmiroir,que l’onexiste. Laqualitédu

reflet est fonction des pixels qui lacomposent: les “like”.»

Une notion jusque-là plutôtréservée à la culture anglo-saxones’impose:la«popularité».Lenom-bred’«amis»etderéactionsfavora-bles atteste et quantifie la valeursociale, étouffe les inquiétudes.«Support narcissisant», résume lepédopsychiatre Stéphane Clerget.L’adolescent est «visible et validéparlegroupedepairs,confirmeJus-tine Atlan, à la tête de l’associationde prévention e-Enfance. Il est ducôté de ceux qui sont “populaires”.A l’époque de la télé-réalité, on nesouhaiteplus être coolmais connu.

Avecunprofil, chacuna sonpropremagazine, sachaînede télévision».

Revers de la médaille : gérer audétail près son image, alimenterson journal quotidien, a de quoimettre sous pression. Les pédia-tres américains (American Acade-myofPediatrics)ontmêmerécem-ment estimé que les réseauxsociaux accéléraient la spiraledépressive chez les adolescents. Ledocteur Clerget n’est pas loin dedresserlemêmeconstat,évoquant

un « facilitateur de dépression».«On donne à voir une représenta-tion idéalisée de soi. Les adultes nesont pas dupes. Les ados, si. Voir lebonheuraffichépard’autresneren-force pas leur estime d’eux-mêmes.» Pour le psychiatre, il yaurait «désidentification au profitdecette imagevirtuelle», si flatteu-se et éloignéede ce qu’ils sont réel-lement que, « lorsqu’ils éteignentl’ordinateur, ils se sentent commedes ectoplasmes».

Evidemment,fairelebuzz,obte-nir que sa dernière publicationsoit la plus commentée, poussemoinsàlanuancequ’àlasurenchè-re – exhibitionniste ou violente.Catherine Blaya, professeur desciencesde l’éducationàNice,esti-me, après enquête nationalemenée auprès de 3600 collégienset lycéens,àenvironunquartceuxqui ont été victimes de violencesponctuellesvia leWeb.

Cinq ou 6% ont subi un cyber-harcèlement plus continu. Desjoyeusetés variées allant du «sim-ple» envahissement par l’insulted’un profil Facebook à la créationde faux profils peu flatteurs, autrucage de photos, à la diffusiond’imagesd’autruirelevantdel’inti-me, jusqu’au très tendance «tun-nel de la mort» – une haie d’hon-neur se forme dans un couloir ducollège, l’enfant qui passe est frap-pé tout du long, l’ensemble est fil-méet diffusé.

La fréquence de ces dérapages,perpétrés dans un anonymatnumérique propice au passage àl’acte, inquiète sérieusement le

milieu scolaire. Police et associa-tions spécialisées peinent à répon-dre aux demandes d’interventiondans lesclasses. Enchaînantassisesnationales et plans d’action, leministère de l’éducation, depuis2011,adonnéuneforteimpulsionàlaluttecontrecesviolencesnuméri-ques. Et les chefs d’établissement,longtemps tentés de renvoyer cet-teproblématiqueauxparents,sontdésormais conscients de la porosi-té entre univers numérique et cli-matde leurs collègeset lycées.

Deux élèves prennent un pro-fesseur en grippe ? Grâce auréseau, leur haine sera contagieu-se.Deséchangesvenimeuxsesontdéroulés sur Facebook le week-end? Ils se soldent en bagarres lelundimatindanslacour.Desgrou-pes s’y forment, reproduisant lespetites cellules amicales consti-tuées sur le réseau, dont seulsleursparticipantsont connaissan-ce. «Les gamins sont aussi plusdurs entre eux, ajoute M.Henno,comme si la liberté de parole surFacebookdéteignait.»

Un espoir néanmoins, selon lesobservateurs: de plus en plus dejeunes ont désormais des prochesà qui Facebook n’a pas amené quede grands bonheurs. Ils font doncplus attention, paramètrentdavantage leurs profils pour lesrendre moins accessibles. Encorefaut-il qu’ils sachent où passe cet-te frontière entre vie privée et viepublique que l’usage des réseauxsociaux, comme la télé-réalité, acontribuéà brouiller. p

PascaleKrémer

Al’entréeen6e,êtreinitiéàFacebook

devientaussiincontournableàlasurviesocialequel’abandon

ducartableàroulettes

ILS PORTENTDESSACÀDOSpluslourdsqu’euxmais n’ont pas l’airconvaincusd’avoir grand-choseàapprendrede l’animateur. Les 6e

ducollège privé Saint-Thomas-de-VilleneuvedeBry-sur-Marne (Val-de-Marne)ont session«Internetet nous» obligatoire, cemardiaprès-midi. Leur directeur a faitappel à l’associationCalysto à lasuite à de «dérapages tout demême lourds». «Deux ou troiscopines s’enprennent sur Face-bookàune 3e, “T’es grosse, toncopain estmoche”, occasionnantde vraies souffrances…»

Ambiance tamisée, rétroprojec-tion sur grand écran. Les gars dufondont déjà la tête qui repose aucreuxdesbras… FlorianFouchard,l’animateurCalysto, sonde le ter-rainhistoire d’obtenir que lesbras et l’attentionse lèvent. Lesvingt-neufmembresde l’assistan-ce ont Internet à lamaison. Seulstrois ou quatre, en revanche, ontun logiciel de contrôleparentaloudiscutent en famille de leursvirées Internet. «Qu’est-ce qu’onpeut faire, déjà, avec Internet?»Première réponse à fuser: «Pira-ter des comptes Facebook!»

Les réseaux sociaux, ony vientvite. Outil phénoménalpourpar-tager ses opinions, ses centresd’intérêt, prêche l’adulte auxenfants convaincus.Mark Zucker-berg? Ils connaissent, évidem-ment. Facebook, à quoi cela sert?«Adiscuter, exactement commeaucollège.»Est-ce qu’ony fait desrencontres? «Y’a plein d’autressites pour ça,Meetic, Attractiveworld, eDarling…», énumèreungarçon, avec grand sérieux.

Et Florian Fouchardde fournirquelques repères salutaires.Publier sur Facebook, c’est diffu-serdansunespacepublicplanétai-re de 2,3milliardsd’internautes,où il n’existepas de droit à l’oubli.Facebookest gratuit.Mais quedeviennent les données quevousdiffusez? «Elles sont envoyées àdes entreprises», sait un élève. Etqui est la cible de leurs publicités?«Nouuuus!», braille la salle, plusblaséeque choquée.

Il est encore question d’amisd’amis qui ne sont pas forcémentdes amis. D’apparences, dont ilfaut seméfier. Surtout si uneblonde gironde de 16 ans s’inté-resse au profilmoins avantageux

d’unpré-adolescent et lui deman-de de le rencontrer. «Oui, tu cher-ches une petite amie, ellemet unefausse photo, et au rendez-vous,c’est une vieille», témoigneun élè-ve, sur le ton de celui à qui on nela fait pas. Ne pas brancher sawebcamavec des inconnus, ne

pas fournir d’informations per-sonnelles, ni se rendre seul à unrendez-vous…

Et apprendre à gérer ses para-mètresde confidentialité.«Celaprendune heure environ(«Ohhh!», fait la classe). Les ques-tionsne sont pas faciles,mais vouspouvez faire appel à unadulte deconfiance», conseille l’animateur.«J’ai demandéàma sœurde

m’aider, ellem’apiratémon comp-te», grommelleune élève.

Suiventquelques rappels à laloi qui ne s’appliquepasmoinssur leNet que dans la rue («Mêmepour lesmineurs?»). Des conseilsvisiblementappréciés pour sup-primerun compte Facebook, ouréagir en cas deharcèlement.

Bonnetenfoncé jusqu’auxyeux,unpetit gars, séance finie,tented’arracherà l’animateurquelques tuyauxsur le change-mentd’adresse IP, pratiquepeurecommandée…«La gageure, sou-rit ThomasRohmer, le directeurdeCalysto, c’est de leur faire vitecomprendrequenous en savonsplusqu’eux. Inspirer suffisammentde respectpourqu’ils confientleursproblèmesà la fin.Mais c’estunevraie joute technique!»

Parfois, l’animateurcommencepar scannerdiscrètement la salleavec sonordinateurafindedétec-ter lesportablesallumésetd’édi-fier leurspropriétaires indélicats.«Il yaquelquesmois, se souvientM.Rohmer,ungaminamêmeprisle contrôlede l’ordinateurde l’ani-mateurdepuis sonportable.»p

P.Kr.

Spotted, du coupde foudre au coup depied

Facebook,ported’entréedansl’adolescenceDeuxtiersdes11-13ansontunprofil.Etdoiventapprendre,àpeinesortisde l’enfance,àgérerunesecondeidentité

«Lagageure,c’estdeleurfairevite

comprendrequenousensavons

plusqu’eux»ThomasRohmer

directeur de l’associationCalysto

Le phénomèneSpotted pourraitjeter de l’huile sur le feu. Cespages Facebook relatives à deslieux (collège, lycée, université,ligne de bus…) permettent à qui-conque de déclarer anonyme-ment sa flamme àune personnequ’il a pu croiser. Invariable-ment, au fil du temps, les tentati-ves poétiques se transformenten interpellations plus triviales,les commentaires se font insul-tants, la personne cherchée sevoit identifiée et dénigrée…

Au collège privé Saint-Thomas-de-Villeneuve de Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), les élèves de 6e assistent à une session obligatoire «Internet et nous» animée par l’association Calysto. CAMILLE MILLERAND POUR «LE MONDE»

12 0123Dimanche24 - Lundi 25mars 2013

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