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Sommaire
Introduction ............................................................................................................................................ 2
Historique du déclin urbain en Allemagne .......................................................................................... 2
Les politiques urbaines fédérales pour les villes en déclin ................................................................. 3
Leipzig, « la ville perforée » .................................................................................................................... 5
Données générales .............................................................................................................................. 5
Histoire contemporaine ...................................................................................................................... 5
Contexte du déclin............................................................................................................................... 6
Politiques urbaines et de logement .................................................................................................... 7
Halle, deux modèles au sein d’une même ville : la ville compacte et la « ville-forêt » ..................... 12
Données générales ............................................................................................................................ 12
Histoire contemporaine .................................................................................................................... 12
Contexte du déclin............................................................................................................................. 13
Politiques urbaines et du logement .................................................................................................. 13
Altena, “the power of thinking small” ................................................................................................. 17
Données générales ............................................................................................................................ 17
Contexte du déclin............................................................................................................................. 17
Politiques urbaines ............................................................................................................................ 18
Conclusion ............................................................................................................................................. 20
Bibliographie.......................................................................................................................................... 21
2
Introduction
Comme nous avons pu l’évoquer dans la première note introductive sur les « shrinking cities », le
phénomène du « rétrécissement urbain » touche de manière contrastée les différentes régions
européennes : même si le vieillissement démographique est européen et si la globalisation de
l’économie n’a épargné aucune région, les pays anciennement soviétiques sont particulièrement
touchés par le phénomène de décroissance urbaine, car la transition post-industrielle s’est doublée
d’une transition post-soviétique.
C’est pour cette raison que les villes allemandes de Leipzig et de Halle ont été choisies pour ces
études de cas ; elles ont toutes deux souffert d’une chute démographique, économique et sociale
sans précédent. Mais malgré la pérennité du déclin, on observe dans ces villes l’avènement de
politiques urbaines adaptées qui proposeraient des pistes pour de « nouveaux » modèles urbains.
C’est d’ailleurs en Allemagne que la thématique des « shrinking cities » a émergé au début des
années 2000, donnant naissance à une littérature et des études foisonnantes et opérationnelles.
C’est en effet dans les « villes laboratoires » d’ex-RDA que seraient nées les premières « politiques
urbaines de la décroissance », politiques novatrices ne cherchant pas un « renouveau » calqué sur le
modèle de croissance urbaine classique, mais visant plutôt une adaptation urbaine au
rétrécissement.
Les deux premières parties s’attardent donc sur le cas des villes de Leipzig et de Halle (I et II). La
troisième partie (III) se concentre sur une échelle plus locale : le cas d’une ville de plus petite taille,
Altena, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Allemagne de l’Ouest), qui a elle aussi souffert d’un
processus de rétrécissement, et qui a déployé des moyens novateurs pour repenser l’urbain.
En explorant les succès et échecs des nouvelles politiques urbaines et de logement des villes
allemandes précitées, nous allons nous demander si elles sont bel et bien le fruit de « nouveaux »
modèles urbanistiques, adaptables aux situations de rétrécissement urbain.
Historique du déclin urbain en Allemagne
En Allemagne, les villes rétrécissantes sont les « schrumpfende Städte », « Schrumpfung » désignant
les pertes conjointes de population, d’emplois et de richesse. Le rétrécissement des villes allemandes
n’est pas un phénomène nouveau : il est déjà observé à la fin du XIXe siècle avec une différenciation
3
régionale de l’industrialisation et une polarisation de l’urbanisation, multipliant les cas de
décroissance urbaine. En particulier, dès la partition de l’Allemagne en 1945, les différences de
développement entre Est et Ouest entraînent les villes industrielles de la Sarre et de la Ruhr dans la
« spirale du déclin urbain » (Haüßermann et Siebel, 1988).
Le mouvement de désindustrialisation massive de la 2nde moitié du XXème siècle, en plus du contexte
particulier de la RDA et de son économie dirigée avant la chute du Mur, précipite les villes de l’ex
Allemagne de l’Est au cœur d’une double transition : une transition postindustrielle et une transition
postsocialiste. Le système productif et l’organisation du système économique sont bouleversés, dès
1989, en une décennie seulement : la faillite de grandes industries a des conséquences économiques
tragiques pour la plupart des villes d’ex-RDA. Le processus a été si violent et si rapide par rapport à la
désindustrialisation de l’Europe de l’Ouest qu’il a été qualifié de « déséconomisation » par Christine
Hannemann (2003). Derrière ce terme extrêmement fort, il faut comprendre une dissolution de la
majeure partie du tissu productif, aussi bien agricole qu’industriel.
De plus, le phénomène de vieillissement démographique est particulièrement sensible en Allemagne,
et plus encore à l’Est de l’Allemagne : en 2012, l’Indicateur Conjoncturel de Fécondité indique une
moyenne de 1,38 enfant par femme en Allemagne (source INED), ce qui est bien inférieur à la
moyenne de 2,1 enfants par femme que l’on considère comme nécessaire à la reproduction à
l’identique d’une population. L’Allemagne est le pays au plus faible taux de fécondité en Europe, avec
un manque d’apports migratoires compensateurs.
A cela s’ajoute, dans les années 1990, une vague importante de suburbanisation au profit des
communes rurales périphérique, faisant perdre encore plus de population aux villes des « nouveaux
Länders ».
Les politiques urbaines fédérales pour les villes en déclin
Le déclin a entraîné un phénomène de vacance des logements qu’il s’agissait de contrer. Le
gouvernement fédéral a ainsi adopté une batterie d’outils afin de lutter contre ce phénomène : en
2000, une Commission de « changement structurel de l’économie immobilière dans les nouveaux
Länder » est constituée pour évaluer la situation, suite à quoi un programme conjoint à la Fédération
et aux Länder est mis en place pour aider les villes en déclin à s’adapter aux changements
économiques, démographiques et sociétaux. C’est le programme « Stadtumbau Ost » de rénovation
4
urbaine, qui apporte des aides aux communes pour la démolition des logements et la mise en place
de mesures de revalorisation. Il est doté de 2,5 milliards d’euros pour 2002-2009 (Wiechmann, 2007).
C’est un programme novateur, puisque pour la première fois il s’agit de démolition non suivie de
reconstruction systématique. C’est également un changement de paradigme majeur dans le domaine
des politiques urbaines, puisqu’il ne suit par la ligne directrice de l’idéal traditionnel de la croissance,
et qu’il ne correspond pas non plus à la rénovation urbaine à la française (diversification de l’habitat
et règle du « un logement reconstruit pour tout logement détruit ») (Noyé et Lelévrier, 2009).
D’autres mesures ont été prises pour appuyer cette politique : les « Altschulden », dispositions qui
ont permis aux entreprises immobilières de recevoir des aides en cas de démolitions de logements
pour lesquels elles remboursaient encore des prêts datant de l’époque de la RDA1. Ainsi, beaucoup
de démolitions ont été effectuées, permettant de stabiliser la situation économique des entreprises
immobilières, et visant principalement les grands ensembles, symboles de l’urbanisme socialiste en
RDA. Entre 2001 et 2010, dans l’ensemble des nouveaux Länder, 284 700 logements ont été démolis,
dont 260 800 dans le programme Stadtumbau Ost. Les quartiers anciens quant à eux sont sujets de la
revalorisation urbaine.
La Stadtumbau Ost, « en cherchant à adapter la ville physique aux pertes de population, révèlerait un
changement de posture face au déclin, une volonté politique assumée d’organiser la décroissance et
de s’en donner les moyens, plutôt que de la minimiser et de l’enrayer. » (Roth, 2011). Elle a eu des
conséquences diverses selon les villes où elle a été appliquée.
L’étude des cas de Leipzig et Halle, terrains d’expérimentation et d’application de la Stadtumbau Ost,
va donc nous permettre d’explorer non seulement les tenants et les aboutissants de ces politiques
fédérales du déclin, mais également leur adaptation particulière à chaque contexte urbain,
produisant de nouveaux modèles urbanistiques de la décroissance.
1 Les entreprises immobilières sont des acteurs locaux de premier plan, encore aujourd’hui en Allemagne de
l’est : sous la RDA, les propriétaires constructeurs des grands ensembles étaient soit des coopératives (à 40%), soit l’Etat (à 60%). A la réunification, les logements appartenant à l’Etat ont été transférés à des sociétés immobilières communales. Cette structure reste présente aujourd’hui, avec en plus l’entrée des investisseurs privés sur le marché.
5
Leipzig, « la ville perforée »
Données générales
Leipzig est située dans le nord-ouest du Land de Saxe (Etat libre de Saxe). 524 145 habitants étaient
recensés en juillet 2013, ce qui en fait la première ville de Saxe, devant Dresde. Leipzig n’est plus tout
à fait une « shrinking city », puisque depuis les années 2000 la population a cessé de décroître, et
certains parlent d’un « renouveau de la ville » ; les politiques urbaines ont joué un rôle dans ce
« renouveau », qui dans les faits ne bénéficie pas à tous les quartiers de la ville.
Le taux de chômage à Leipzig est de 10% environ en 2013, contre 7% au niveau national ; on compte
beaucoup d’emplois précaires.
La ville accueille des firmes telles que Porsche, BMW, Siemens, DHL, Amazon.
Histoire contemporaine
Leipzig était un carrefour de communication au XIXe siècle. C’était une ville pionnière en matière de
chemin de fer. Avec l’industrialisation, et l’incorporation de nombreuses communes de banlieue, le
nombre d’habitants s’accrut très rapidement à la fin du XIXe siècle : à la veille de la 2nde Guerre
Mondiale, Leipzig est la 5ème ville d’Allemagne, avec 750 000 habitants. Elle accueille également des
industries chimiques.
6
C’est aussi la ville du livre et de l’édition. La 2nde Guerre Mondiale détruit 60% du centre-ville. Sous la
RDA, Leipzig est la deuxième ville après Berlin. Elle est également le théâtre des « manifestations du
lundi », qui ont précipité la fin de la RDA.
Contexte du déclin
Leipzig perd 100 000 habitants entre 1989 et 1999, et 90% des emplois industriels en moins de cinq
ans entre 1989 et 1993. Ce déclin très fort s’inscrit au cœur de la situation particulière de l’Allemagne
décrite en introduction, ainsi que dans les logiques européennes de désindustrialisation et de
vieillissement démographique.
La transition postindustrielle et postsocialiste bouleverse le système productif leipzigois en dix ans
seulement : face à la nouvelle concurrence, une très grande partie de l’industrie de la ville se
retrouve dans une situation de faillite presque immédiate. En à peine quatre années, de 1989 à 1993,
la ville perd 90 000 de ses 100 000 emplois industriels (Nuissl & Rink, 2004). Cette situation affecte
une grande partie des villes d’ex RDA.
FLORENTIN D., 2011, « Les Plattenbauten et le déclin », Géocarrefour Vol 86-2/2011, p. 115.
7
Aux spirales de déclin démographique et socio-économique s’est ajoutée celle des finances publiques
de la commune : les difficultés financières de Leipzig l’ont forcée à être placée sous tutelle pendant
quelques années pour opérer le désendettement. Toute marge de manœuvre des pouvoirs publics,
en matière d’aides sociales (dont les frais sont majoritairement assumés par la commune), de
rénovation urbaine et de réhabilitation du parc immobilier a été réduite de manière drastique.
Si certains chercheurs considèrent que la situation démographique de la ville s’est à peu près
stabilisée depuis l’inversion de la tendance à la baisse démographique dans les années 2000
(Wiessner, 2007), cela s’est fait au prix d’une aggravation des disparités socio-spatiales, dont les
effets pourraient se concentrer dans certaines zones comme les grands ensembles. (Florentin, 2011).
Politiques urbaines et de logement
« Importants taux de vacance des logements, multiplication de friches, sous-utilisation des
infrastructures sociales, éducatives et techniques : le « rétrécissement » implique de nombreux défis
pour les politiques urbaines, inscrites depuis des décennies dans des logiques de croissance qui ont
imprégné les théories et les instruments de la planification urbaine. » (Roth, 2011).
Leipzig fut l’une des premières collectivités à reconnaître l’existence du déclin, pour mieux le gérer.
Cette particularité fait de Leipzig un cas d’étude du déclin et un modèle de gestion de ce processus.
Elle fait partie de ces villes devenues laboratoires d’observation du déclin et d’expérimentation de
solutions anti-déclin.
Un nouveau modèle de restructuration urbaine a été conçu par et pour Liepzig : celui de la « ville
perforée » (Engelbert Lütke-Daldrup, 2003, chargé d’urbanisme de Leipzig), qui traduit une ville
morcelée par les friches urbaines et industrielles, un paysage transformé par la vacance. En 2006,
entre 14 et 16% du parc total est vacant dans la ville, un des chiffres les plus élevés d’Allemagne pour
une ville de ce rang.
A Leipzig, au niveau infra-urbain, la politique de rénovation urbaine Stadtumbau Ost, qui vise à
retendre le marché immobilier est-allemand en réduisant la vacance à travers des actions de
démolition (et plus secondairement de revalorisation), a pris pour cible principale les grands
ensembles de logements, les « Plattenbauten », symboles de l’urbanisme socialiste sous la RDA. La
ville de Leipzig concentre dans son parc immobilier près de 30% de grands ensembles. Ces grands
ensembles de l’Est de l’Allemagne, souvent improprement considérés comme des logements sociaux
8
sur le modèle ouest-allemand ou français, sont l’objet d’une représentation collective négative,
idéologiquement et symboliquement marquée2. C’est pour cette raison que les politiques de
démolition ont été particulièrement concentrée dans ces quartiers de grands ensembles, entraînant
la concentration des processus de déclin urbain sur certains quartiers : c’est ce que certains
chercheurs appellent l’ « effet Plattenbau » (Florentin, 2011). L’ « effet Plattenbau » serait, selon
Daniel Florentin, « une forme aggravée du déclin, propre aux quartiers de grands ensembles,
amplifiée en particulier par la politique de rénovation urbaine enclenchée au début des années 2000,
Stadtumbau Ost. » Il serait à la fois un processus de détérioration socio-économique et urbaine de
ces quartiers, et le résultat de ce processus ; il serait à la fois le moteur et la conséquence de la
dévalorisation de l’image externe de ces quartiers. La population vieillissante et socialement plus
fragile, le taux de chômage plus élevé que dans le reste de la ville, le solde migratoire très en-dessous
de la moyenne sont les caractéristiques de ces quartiers subissant l’ « effet Plattenbau ».
Les succès de la Stadtumbau Ost en matière de lutte contre la vacance ne font aucun doute. Mais des
dérives du programme sont soulevées, et l’ « effet Plattenbau » apparaît en décalage avec les
paysages urbains transformés et les représentations des habitants.
- Un ciblage quasi-systématique et idéologique des grands ensembles, et une orientation
quasi-exclusive vers la démolition, au détriment de la revalorisation :
Les Plattenbauten sont à la fois l’archétype de la conception fonctionnaliste du progrès et le lieu
d’accomplissement supposé du projet socialiste (Schmidt, 1959), d’où leur association avec une
forme d’idéologie que la République Fédérale Allemande a souhaité détruire dès la chute du Mur
(Bafoil, 2006). Ils étaient cependant, pour leurs habitants, un symbole de citoyenneté, permettant
notamment l’accomplissement du droit au logement garanti pour chacun qu’établissait la
constitution du régime de la RDA (Hannemann, 1995).
Ainsi, les grands ensembles à Leipzig ont fait l’objet d’un ciblage quasi-systématique pour les actions
de démolition sans reconstruction : la politique du Land de Saxe est à la base de ce ciblage, via la
banque de construction du Land, qui finance en grande partie la politique de rénovation, et par là
influence largement sa mise en œuvre. Le choix a été fait de ne pas investir dans la revalorisation de
2 « L’image des grands ensembles de l’Est de l’Allemagne, les Plattenbauten, est devenue la représentation
iconique des processus de déclin urbain, à la fois figure du déclin dans les imaginaires collectifs et cible de
nombreux discours publics. Derrière cette combinaison d’une forme de dépression démographique, de
mouvements de désindustrialisation et de fragilisation urbaine qui forge le canevas du déclin urbain (Fol et
Cunningham-Sabot, 2010), les grands ensembles sont devenus le lieu des crispations sociales et des spirales
socio-économiques négatives. » (Florentin, 2011).
9
ces quartiers de grands ensembles, voire de dissuader toute volonté d’investissement pour leur
revitalisation3. Les effets pervers de la politique de dégrèvement fiscaux, visant au départ la
participation large de tous les acteurs immobiliers aux actions de démolition, se sont traduits par des
démolitions exclusivement ciblées sur les Plattenbauten, sans que les bâtiments concernés soient
toujours vacants.
Le Land de Saxe a ainsi opté pour un équilibre plaçant 80% des investissements liés au programme
dans la démolition, contre seulement 20% pour les mesures de revalorisation (Wiechmann &
Siedentop, 2005 ; Bernt et al., 2006), au motif que d’autres programmes existaient déjà pour
accomplir l’accompagnement social ou les projets d’embellissement, notamment avec le programme
« Soziale Stadt », pourtant financièrement moins doté. Cette stratégie, classique, de dissociation
entre politiques urbaines et politiques sociales ne fait que renforcer de manière indirecte les spirales
du déclin.
- « Les démolitions sans revalorisation contribuent à une dégradation de la réputation et ainsi
de l’image du quartier, et donc à un renforcement des processus caractérisant le déclin
urbain » (Florentin, 2011)
Le manque de planification d’ensemble a eu des conséquences néfastes : déstructuration du tissu
urbain, image dégradée et insécurité locative. Cette politique a en effet poussé bon nombre
d’habitants au départ, amplifiant les dynamiques de dépopulation de certains quartiers de grands
ensembles. Les démolitions complètes opérées là où les bailleurs comptaient mettre en place des
projets d’embellissement ont créé une frustration de la population. La démolition de certains
services, comme des commerces de plain-pied, a amplifié l’impression d’une perforation de la trame
urbaine. L’insécurité locative provoquée par le manque de transparence et le court délai de
notification de démolition (un an dans le meilleur des cas) a poussé les locataires à fuir les bailleurs
en masse, et si les coopératives de logement ont pu se séparer de leur parc vacant, elles l’ont fait au
prix d’une image dégradée de « bailleur-destructeur ».
C’est pour lutter contre l’aggravation de ces spirales que la plupart des bailleurs, et notamment la
coopérative Kontakt, qui fut la seule à refuser la logique de démolition de Stadtumbau Ost, ont signé
un appel demandant l’arrêt des démolitions dans le quartier de Grünau dès 2006. Un tel appel
montrait l’ampleur du malaise créé par les démolitions au sein de la population, en décalage avec
l’image qu’elle se fait de son quartier.
3 Dans une enquête restituée par Daniel Florentin dans son article « Les Plattenbauten et le déclin », un
responsable d’une coopérative de logement leipzigois évoque ce refus d’investissement : « La banque m’a refusé un crédit pour un projet alternatif à la destruction complète, un projet de maisons-terrasses, car elle trouve que le quartier n’est pas assez sûr pour des investissements. »
10
- Un attachement résidentiel profondément ancré chez les habitants des Plattenbauten
Les perceptions des habitants dans des conditions de déclin ont été peu analysées dans la littérature
aussi bien universitaire que professionnelle (Brandstetter et al., 2005). Pourtant, leur prise en
compte est tout à fait primordiale pour évaluer les éléments de succès et d’échec d’une politique
urbaine. A Leipzig, en opposition à la vision dominante du Plattenbauten comme cause et
conséquence du déclin, les habitants des quartiers de grands ensembles témoignent d’un puissant
attachement résidentiel (Kil, 2004 ; Bernt et Kabisch, 2006). Cet attachement est même nourri de
l’image externe dégradée, et participe d’un mouvement de construction d’un discours interne visant
à promouvoir une image différente des grands ensembles. Grâce à la restitution d’entretiens
qualitatifs effectués lors de son enquête avec des habitants des Plattenbauten leipzigois, Daniel
Florentin livre les facteurs de cet attachement résidentiel profondément ancré : la correspondance
entre l’installation dans un logement de grand ensemble et l’entrée dans une forme de confort
moderne (certains vont même jusqu’à comparer la valeur architecturale des Plattenbauten avec
l’héritage du mouvement du Bauhaus)4.
Une volonté de contrer les dynamiques du déclin et de promouvoir une image positive des grands
ensembles est ainsi observable au sein de ces quartiers. Ainsi, diverses initiatives, menées par des
acteurs locaux, sont à relever : dans le quartier de Grünau, un journal local permet le débat public et
valorise fortement l’évolution du quartier, favorisant par là un renouvellement de son image.
Egalement, la sociabilité d’immeuble, qui était organisée à l’époque socialiste avec des
« Hausgemeinschaften » a été parfois remplacée par de nouvelles formes de communautés qui se
développent à nouveau et où l’entraide est la règle. Certaines coopératives de logement, comme la
coopérative Kontakt, essaient de favoriser ce renouveau des sociabilités, en mettant à la disposition
des habitants de certains quartiers des locaux communs et en organisant des petits événements, qui
sont cependant surtout fréquentés par les plus âgés.
Car en effet, deux défis principaux restent à relever pour ces quartiers : celui du vieillissement
généralisé de la population, et celui d’une paupérisation qui ne fait que s’accroître, alimentant un
mouvement d’opposition entre les habitants anciens des grands ensembles et les nouveaux arrivants
parfois plus paupérisés (Kil, 2004).
4 « La Platte est ainsi envisagée comme l’aboutissement d’un parcours résidentiel, et non comme une simple
phase transitoire dans l’attente de trouver un logement de standing plus élevé. Cela rappelle que, aujourd’hui encore, les Plattenbauten ne sont pas strictement des logements sociaux dans l’Est de l’Allemagne, car ils étaient des logements pour la classe supérieure du monde ouvrier, représentant une sorte de promotion sociale, à l’opposé de la représentation des tours et barres de logements sociaux qu’on peut trouver à l’Ouest de l’Allemagne ou en France (Fourcaut et Dufaux, 2004). Cet attachement s’explique notamment par les avantages des réseaux de proximité que les grands ensembles procurent. » (Florentin, 2011)
11
Le marché immobilier très déprimé ouvre également des possibilités d’occupation innovante ou
d’opportunités immobilières : ainsi l’exemple, dans l’ancien quartier industriel de Plagwitz-Lindenau,
d’une « Wächterhaus », une « maison gardée », dont les « gardiens » se partagent l’espace. Ils ne
paient qu’un euro symbolique de loyer, en échange de quoi ils doivent rénover la maison. De
nombreux projets de ce type, émanant de la société civile, et bénéficiant parfois du soutien financier
de l’Union Européenne, ont ainsi vu le jour pour essayer notamment de revitaliser un patrimoine
architectural de valeur. Mais ils ne représentent que quelques maisons (une douzaine de
Wächterhäuser) pour une ville comptant près de 20% de logements vacants.
Face à cette tendance lourde, certains acteurs du monde immobilier cherchent malgré tout à
réinventer une forme de modernité des grands ensembles (Baron et al., 2010).
12
Halle, deux modèles au sein d’une même ville : la ville compacte et la
« ville-forêt »
Données générales
Halle est située dans le land de Saxe-Anhalt, sur les bords de la Saale. Là aussi, la situation
démographique s’améliore depuis peu ; 231 440 habitants résidaient à Halle en 2012.
Histoire contemporaine
Halle est une ville de tradition industrielle depuis le XIXe siècle, avec à cette époque l’exploitation des
ressources de la région en lignite (roche sédimentaire) et un riche secteur agricole. Après la partition,
la région de Halle sous la RDA s’est spécialisée dans l’industrie chimique. Une ville nouvelle, la 4ème
fondée en RDA, a été construite aux portes de Halle : Halle-Neustadt, qui devait être une ville modèle
du socialisme. Le paradigme de la modernité prédominait, d’où le nombre de grands ensembles
présents dans la très grande majorité des villes est-allemandes. Ainsi, Halle-Neustadt, au départ
destinée à être une ville-usine rattachée au réseau urbain existant, est devenue un grand ensemble
de la ville voisine, d’où la transformation de son statut et son rattachement officiel en 1990 : c’est
aujourd’hui un quartier de Halle.
13
Contexte du déclin
Halle a perdu environ 80 000 habitants depuis 1990. Même si le processus de déclin démographique
s’est enrayé, la situation économique de la ville reste préoccupante.
Les grands ensembles sont particulièrement touchés par le déclin : à partir de 1997, en quelques
années, le quartier de Halle-Neustadt perd 45% de sa population. Un autre quartier de grands
ensembles, Silberhöhe, est passé de 40 000 habitants à moins de 15 000 en 2011.
Politiques urbaines et du logement
A Halle, dans le cadre du programme Stadtumbau Ost, 12 000 logements ont été démolis entre 2002
et 2009, dont 4 000 à Halle-Neustadt, et 5 000 à Silberhöhe. Les grands ensembles ont concentré au
total 95% des démolitions de la commune.
Les formes de la restructuration sont plurielles, et fortement liées à une volonté de transformation
du paysage urbain :
- Démolitions et « rétrécissement » de la trame urbaine
Un des objectifs recherchés est de limiter l’étalement, voire réduire le tissu urbain. Les espaces
périphériques sont donc visés. La libération des espaces en situation périphérique signifie la
disparition de toute infrastructure accompagnant le développement urbain, ce qui a un impact
écologique et paysager intéressant ; la libération d’emprises de petites surfaces au sein des quartiers
permet souvent de rechercher une meilleure qualité résidentielle, avec un verdissement de ces
espaces.
A Halle-Neustadt, diverses expériences ont été menées avec des succès différents :
Un ensemble de terrains libérés a été proposé aux habitants et aux associations pour qu’ils puissent y
implanter de petits jardins. Des initiatives limitées ont vu le jour, et la zone est restée relativement
vide et peu soignée. L’échec partiel de cette initiative est lié à la non-proximité directe des logements
et à l’absence d’eau et d’électricité, limitant l’intérêt pour les riverains d’y cultiver leur propre jardin.
En revanche, en périphérie du même complexe5 de grands ensembles, une plantation destinée à
fournir du bois de chauffage a été développée conjointement par une société immobilière (à laquelle
5 A l’époque de la RDA, les quartiers de grands ensembles étaient organisés en « complexes » ; au sein de
chaque complexe, les habitants devaient trouver les services quotidiens dont ils avaient besoin.
14
appartenait le terrain) et une entreprise d’équipement de la ville de Halle, sur un terrain
périphérique libéré par la démolition d’immeubles. L’opération a été menée à bien et est reconduite
avec une nouvelle plantation.
- Silberhöhe, le modèle de la « ville-forêt »
Dans le quartier de Silberhöhe, c’est la « renaturation » massive qui est utilisée pour réinventer des
terrains devenus superflus. La baisse démographique dans cette partie de Halle a été telle (37 000
habitants en 1993, 12 800 en 2013) que beaucoup d’infrastructures se sont retrouvées en situation
de vacance et de surcapacité. Cela pose des problèmes en matière de réseaux et d’équipement
(chauffage et eaux usées par exemple), entraînant des surcoûts pour les usagers et les acteurs
urbains. C’est donc ici un « rétrécissement » de la trame urbaine poussé à son extrême qui est
privilégié : il s’agit de réduire la ville dans sa périphérie, en transformant les friches et les terrains
vacants en espaces verts. Les démolitions se font sur des surfaces vastes, et à long terme, c'est une
réduction du sud vers le nord qui est envisagée (ce qui correspond à la situation du quartier, qui
constitue l’extrémité sud de la ville, et est bordé au sud et à l’est par des zones vertes). La décision a
été prise d’implanter une forêt, qui doit se développer à partir de l’espace central du quartier. Le
paradoxe que peut constituer l’implantation d’une forêt en plein cœur du quartier, alors que des
complexes périphériques sont maintenus renvoie là aux difficiles processus d’accord entre les
différents acteurs.
- Transformation et rénovation du bâti
En plus de la démolition, la transformation des bâtiments est également un outil du programme de
Stadtumbau Ost : entre 2003 et 2010, dans le cadre de l’ « Internationale Bauaustellung », 19 villes
de Saxe-Anhalt ont été choisies pour être le support d’actions et de projets phares destinés à mettre
en scène un déclin et une restructuration positifs. Halle en faisait partie, et à Halle-Neustadt, le cœur
d’un complexe a été totalement remanié : création d’un parc de skateboard pour les adolescents et
transformation d’une barre d’immeubles6. L’opération a été un succès pour l’organisation
propriétaire de l’immeuble, les logements ayant très rapidement trouvé preneurs. Ces opérations
permettent de diversifier l’offre en logements, et de réaliser une amélioration du paysage des grands
ensembles.
- Développement urbain intégré : une vision globalisante et transversale du « renouveau
urbain »
6 La barre d’immeuble a été raccourcie, « évidée » pour alterner vides et pleins, ajout de balcons, intérieur
transformé également pour offrir différentes typologies d’appartements, « relooking ».
15
A Halle, le grand point fort de la Stadtumbau Ost a été de permettre de construire des accords entre
les acteurs des politiques urbaines, car le programme a été mis en place via des schémas intégrés de
développement urbain, ce qui a été l’occasion d’encourager la pratique d’une politique urbaine
globalisante : « les dispositions à prendre, quel que soit leur lieu de mise en place et leur catégorie,
doivent être envisagées en lien avec l’ensemble des actions prévues. L’ensemble des déterminants
sociaux, démographiques et économiques entre en compte pour définir le schéma de
développement urbain. L’impact attendu des actions ainsi liées les unes aux autres dépasse le cadre
du bâti, pour toucher l’attractivité globale de la ville, là encore envisagée en termes
démographiques, économiques et sociaux. En outre, le schéma vise une démarche de restructuration
des villes partagée et concertée entre le plus grand nombre d’acteurs possible, conduisant ainsi à un
consensus quant à l’emploi des ressources. » (De Gasperin, 2011).
Un outil, spécifique à la ville de Halle, est cité à l’échelle fédérale comme exemple de bonnes
pratiques : les cercles de discussion. Un réseau d’acteurs de l’habitat, « Développement urbain à
Halle », a été créé en 1999 par les entreprises de logement, réunissant des représentants de
l’administration de la ville, de l’union des locataires, d’une association défendant l’intérêt des petits
propriétaires, du Ministère de la Construction de Saxe-Anhalt, des deux associations qui regroupent
au niveau du Land les entreprises immobilières, des entreprises communales d’équipement et des
gros propriétaires privés. Afin de permettre de faire le lien entre le réseau et la sphère politique, la
maire et ses adjoints ont créé un groupe de travail afin de coordonner les différents domaines de
l’administration sur le sujet de la restructuration (y sont présents les adjoints à la planification, à la
construction et au transport, au domaine social, à la jeunesse et à la santé, et les porte-parole du
réseau précédemment décrit).
Malgré tout cela, certains éléments peuvent ralentir ou compliquer la mise en place du schéma de
développement :
- Le décalage des temporalités peut parfois empêcher le recul souhaité des constructions en
périphérie ; les modèles offrent des solutions sur le long terme, alors que les mesures
doivent être réalisées à court terme.
- Les intérêts ne sont pas les mêmes entre acteurs : les entreprises immobilières, surtout
quand leur patrimoine est situé majoritairement dans la commune, ont des intérêts locaux
qui recoupent ceux de la municipalité. Mais les stratégies d’acteurs plus éloignés, dont les
patrimoines sont répartis en différents lieux, peuvent être différentes. En 2006, Dresde a
privatisé 100% de son parc de logements publics afin d’assainir sa situation financière ;
depuis, les possibilités de discussion et d’action de la ville en matière d’urbanisme ont été
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largement réduites, et on assiste à une gentrification massive des quartiers les plus attractifs
(Lechevalier-Hurard, 2008).
« Les stratégies des acteurs aboutissent à deux mouvements contradictoires, avec une même
constellation d’acteurs au sein du processus. Tous partagent des intérêts communs, et avant tout
l’attractivité du quartier considéré ou de la ville, ce qui s’exprime dans le choix d’outils destinés à
trouver des consensus dans les mesures et actions ; les intérêts particuliers divergent cependant,
créant des stratégies différentes, voire contradictoires, qui freinent l’adaptation matérielle de la ville
au déclin. » (De Gasperin, 2011).
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Altena, “the power of thinking small”7
Données générales
Petite ville de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Altena est située sur la frange périphérique de la
plus grosse conurbation industrielle allemande, la Ruhrgebiet, et est entourée de grandes villes
industrielles prospères. La ville est localisée le long d’une rivière, compte un château et un centre
historique attractifs et visités.
Contexte du déclin
Dans les années 1970, la population à Altena avoisinait les 32 000 habitants ; en 2013, on en
dénombrait 17 595. En parallèle, le nombre d’emplois dans les industries du métal ont diminué de
9 000 emplois en 1970 à 5 000 en 2012, avec le départ de nombreuses compagnies. Durant des
siècles, Altena a en effet été un centre de production et de transformation du métal.
La municipalité s’attend à rétrécir encore entre 1,5% et 3% chaque année au cours des 20 prochaines
années. La ville est donc aujourd’hui caractérisée par une énorme vacance en termes de logement et
de commerces, et une baisse de la qualité des services. De ce fait, beaucoup d’habitants ont
déménagé dans les villes alentours plus attractives, tout en gardant leur emploi à Altena ; la ville a
perdu sa fonction de centre administratif sous-régional.
7 URBACT (2013), From crisis to choice : re-imagining the future in shrinking cities, Cities of Tomorrow – Action
Today, URBACT II Capitalisation, p.17.
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Politiques urbaines
Un tournant est observé dans les années 1990, avec le changement d’administration. Avant cette
date, la municipalité niait en bloc le déclin de la ville. Mais la nouvelle administration se positionna, à
l’inverse, en faveur de la reconnaissance par tous (les habitants et les entités extérieures) d’Altena en
tant que ville rétrécissante qui avait plus souffert que les autres villes de la région. Le maire mettait
ainsi en avant le fait que la perte de population à Altena était la plus forte d’Allemagne. Cette
stratégie visait deux objectifs : générer plus de soutien financier de la part du gouvernement
régional, et expliquer le pourquoi de l’ajustement et de la réduction des services aux habitants.
Au départ, une certaine résistance de la part de la population a été observée, due à la difficulté
d’accepter de se faire représenter en tant que « shrinking city », et à la réduction de l’offre de
services.
Finalement, c’est par un projet de recherche sur le vieillissement démographique dans les petites
villes, auquel la ville se greffa, qu’une dynamique collective de débat, de réflexion et d’action
s’engagea. Dépassant largement les objectifs initiaux du projet, ce large débat dura deux ans,
explorant les possibilités pour la population d’Altena d’arrêter le déclin et de développer de
nouvelles perspectives pour le futur. Cela déboucha sur un concept de développement intégré, avec
10 priorités stratégiques et 300 actions, la plupart étant centrées sur comment gérer le
rétrécissement, et comment créer des solutions par des actions collaboratives. Par exemple, les
personnes âgées étaient pour la première fois présentées comme une population jouant un rôle-clé
dans le renversement de paradigme de la ville, au lieu d’être présentées comme un fardeau pour les
dépenses publiques. La question n’était donc plus « comment encourager la croissance économique
pour enrayer le déclin », mais plutôt « comment la qualité de vie peut être améliorée avec les
ressources existantes et par des méthodes durables », avec une inclusion des habitants dans la
réflexion, ce qui a permis de transformer les à prioris négatifs en énergies positives.
Quelques exemples de projets d’ « adaptation au déclin » à Altena :
La piétonisation de la place du marché et des bords de la rivière a été enclenchée, ce qui a amélioré
les relations entre municipalité et habitants de manière spectaculaire. En effet, ces projets avaient
été mis de côté depuis des années à cause du manque de fonds, mais la municipalité, avec ce nouvel
esprit « bottom-up », acheta les matériaux de construction, ferma la rue les vendredis et samedis et
appela les habitants à « venir mettre la main à la pâte ». Citoyens, commerçants et personnel de
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l’administration (y compris le maire) travaillèrent ensemble aux travaux. Depuis, la force de l’action
en volontariat des habitants d’Altena n’a fait que croître.
La création de coopératives d’habitants pour leur quartier s’est multipliée : boucherie, petit marché
et reprise en main de certains locaux vacants par les habitants (anciennes crèches ou écoles), afin
d’héberger des soins de protection sociale ou des initiatives culturelles.
Certains atouts patrimoniaux, non exploités auparavant (« unpolished diamonds »), ont été identifiés
par ce processus de « réinvention » de la ville. Par exemple, les rives, qui étaient autrefois cachées
par les infrastructures de protection des inondations, ont été réaménagées afin d’ouvrir le
panorama, créer un accès au rivage et encourager l’ouverture de cafés. Egalement, le château
d’Altena, qui reçoit environ 100 000 visiteurs par an, tourisme qui n’avait jamais profité à la ville
(seulement 10 000 de ces visiteurs vont jusqu’au centre-ville) puisque le château est la propriété
d’une autre entité publique, et que les visiteurs y accèdent par un réseau de routes qui contournent
la ville. Pour remédier à cela, et au lieu de créer une attraction « rivale » dans le centre-ville pour
faire faire un détour aux visiteurs, l’idée de la construction d’un ascenseur dans la falaise émergea. Le
but : permettre aux visiteurs d’accéder au centre-ville, depuis le château, en quelques minutes, pour
offrir des services de restauration, de découverte de la ville. Depuis quelques temps, Altena peut
envisager ce projet grâce aux fonds de l’UE, des propriétaires du château et de sponsors privés. En
parallèle de ce projet se sont greffés d’autres initiatives (chemin aménagés le long de la rivière,
ouverture de commerces : cafés, « pop-up shops »…)
Les premiers signes d’un succès de ces stratégies de « réinvention » de la ville ont fait leur apparition
: les ventes de biens immobiliers augmentent avec un flux croissant de personnes emménageant à
Altena, et le secteur commercial reprend vie avec de nouveaux magasins et de nouveaux restaurants.
Et, plus important, les habitants utilisent fortement les atouts de la ville pour subvenir à leurs
besoins.
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Conclusion
On observe que les modèles urbains ont sous-tendu la restructuration des « grandes et moyennes »
villes d’Allemagne de l’Est : à Leipzig, le modèle de la « ville perforée » a été créé pour adapter la
trame urbaine à la vacance. Mais le programme fédéral de rénovation urbaine, axé uniquement sur
des objectifs patrimoniaux de démolition du bâti dans les zones de grands ensembles et de
revitalisation des zones centrales, n’a pas été inclus dans une vision globale de l’adaptation au
déclin : les habitants des quartiers de grands ensembles, dont la qualité de vie et les représentations
n’ont que peu été prises en compte, ne sont majoritairement pas satisfaits de leur nouveau cadre de
vie. A Halle, le modèle global choisi a été celui dit de la « ville compacte », d’une disparition du bâti
plutôt en périphérie et en particulier dans les grands ensembles, et d’une valorisation du centre-ville.
Le modèle est finalement très proche de celui de Leipzig : les quartiers centraux et péricentraux sont
porteurs de l’identité de la ville et offrent une bonne qualité de vie, en partie liée à leur historicité.
Ce type de reconstruction est la voie privilégiée au niveau fédéral : c’est même l’expression de la
« bonne urbanité » à l’européenne (cf. première note introductive). Ces « nouveaux » modèles
urbanistiques, même si ils opèrent un changement de positionnement en assumant pleinement le
rétrécissement urbain, ne sont donc pas si « nouveaux » que ça.
Mais on voit, au sein de Halle, dans le quartier de Silberhöhe, qu’un autre principe a été retenu : celui
de la « ville forêt ». Cela permet de dire que ces stratégies d’enrayement du déclin urbain, si elles
sont appliquées via un processus intégré et transversal, sont adaptables et appropriables par les
quartiers en fonction de l’échelle considérée et selon leurs spécificités. Ainsi, la « schrumpfende
Städte » a plusieurs visages : « A l’échelle infra-urbaine, les dynamiques régressives s’expriment de
façon différenciée, laissant la place à une ville aux mille visages, alternant entre des quartiers
déclinants et parfois abandonnés ou délaissés par les pouvoirs publics ou les bailleurs, des quartiers
en croissance dont on encourage le développement, et des quartiers stagnants dont le devenir est
souvent vacillant. » (Florentin, 2011).
Finalement, le cas d’Altena permet d’affirmer qu’à une échelle très locale, les politiques urbaines de
« smart shrinking », dont l’objet est d’accepter et de faire accepter le rétrécissement, permettent aux
villes de s’engager sur la voie de la résilience et de l’amélioration de la qualité de vie de leurs
habitants.
Chloé Serme-Morin
Stagiaire – Trainee | Etudiante Master 2 Altervilles – Université Saint-Etienne/Sciences Po Lyon
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Union Sociale pour l’Habitat - Représentation auprès de l’Union européenne
Square de Meeüs, 18 • 1050 Bruxelles- Belgique
chloe.sermemorin@live.fr
Tél. : +32 487 216 613
www.union-habitat.eu • twitter : @USH_Bruxelles
Bibliographie
BAFOIL F. (2006), Transfert institutionnel et européanisation. Une comparaison des cas est-allemand
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Action Today, URBACT II Capitalisation, European Union, p.17.
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