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Les 9 premiers chapitres du Roman à venir.
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Je ddie cette histoire Thomas Martin avec qui je partage le
carburant de cette histoire: La Musique.Et aussi tous mes amis qui
m'ont accompagn durant ma premire anne de Collge. (2011)
I
Un homme de haute taille se tenait sous une pluie martelant son
casque et sa cotte de mailles. Ses bottes taient mles la fois de
boue et de sang. Il tenait une pe; elle et t noble sans les filets
carlates glissant le long de l'instrument de mort. La fire croix
rouge sur la pice de tissu blanche tombant jusqu' ses genoux se
mlait avec les claboussures qui rendait le dessin de plus en plus
dtaill: la saintet de la croix avec le sang impie. Il respirait
bruyamment, expirant un panache argent. Son regard tait riv sur un
enfant. Le seul survivant d'une caravane de marchands et de
voyageurs se rendant Damas. Ils taient dans une dimension part o
seul ces deux tres existaient dans une inertie de mort. Ni l'orage
ensanglant par le soir ni la multitude de corps gisant achevs par
tous ces croiss ne les proccupaient.Ici, la mort tait le Dieu et
allait treindre une dernire personne.Tremblant, l'enfant, l'oeil
terroris, ses larmes constamment laves, tenait gauchement un sabre.
M par l'instinct animal, il se protgeait, mais l'humain connaissait
pourtant l'issu de cette silencieuse joute.Soudain, le crois avana.
Le gamin recula, expirant des cris touffs. Il avanait toujours
grands pas. Le gamin trbucha sur un cadavre. L'avance de la
sentence continuait. L'enfant leva sa lame mais se la fit souffler
instantanment. La mort leva son pe; mais alors une personne cheval
s'approcha. Il tait habill exactement comme le crois en face du
gamin mais il n'tait pas souill. Il vocifra quelque chose
d'incomprhensible mais cet instant, le bourreau abaissa sa lame,
soupira, les yeux ferms d'exaspration, excuta un habile mouvement
pour nettoyer le sang et le rangea avec dextrit dans son fourreau
avant de retourner vers son escadron comme si de rien
n'tait.L'enfant, bless, fatigu, s'effondra, se confondant avec tous
les autres sous une pluie tentant vainement de laver le sang rpandu
sur cette terre sainte. Aprs tout, et fortiori ici, mme la Mort
savait se montrer magnanime.
II
-Un mot pour te dfinir: arrogant! La personne qui venait de
prononcer ces paroles tait d'un ge respectable portant des vtements
amples d'un riche tissu; son visage d'une peau sombre creuse par le
temps prolonge par une barbe noire terminant en pointe, il imposait
assurment le respect... mais non pour le jeune homme devant lui.
Celui-ci tait assis sur l'un des nombreux coussins multicolores
sems ici et l l'intrieur de cette tente. Deux bougies clairaient
l'intrieur, la lumire reflte par les rouge tentures rendaient une
atmosphre intime.- Tu le sais, et pourtant tu continues faire comme
si de rien n'tait. Arrogant ou inconscient, probablement les deux.-
An-Lahad, jamais tu ne changeras, tu es toujours aussi protecteur
envers moi. J'ai tout de mme vcu vingt-et-un ans au milieu de
musulmans tant europen, et m'lever jusqu' ce grade dans l'arme de
Salah Ahdin, rpliqua-t-il d'un ton badin.-Aprs tout, fais comme bon
te semble, tu ne m'coutes jamais, mais sache tout de mme que les
vents de complots contre toi sont rels et que tous les musulmans ne
te respectent pas et ne sont pas tes pieds comme tu te plais le
penser. Loin de l, ton sang pose problme bien des personnes sans
compter avec ton grade de commandant de la police militaire.-Ah?
rpondit-il indiffremment.Il se leva, carta le tentures et sorti.
An-Lahad, interloqu, sortit galement. Ils se retrouvrent alors en
hauteur sur une colline; et de l ils pouvaient contempler les
milliers de soldats s'occupant comme ils pouvaient la tombe du
soir. Le soleil s'clipsant, tous ces hommes paraissaient tre des
ombres errant sur une terre qui n'tait pas la leur. Des ombres au
services d'un homme dont un seul mot suffisait pour dclencher une
tempte de violence faisant pleuvoir le sang qui abreuvait leur
dvotion. Des ombres au services de la mort.Alors, l'outrecuidant
les brossa un moment du regard et s'cria:-Mes frres! (ils tournrent
tous la tte pour l'apercevoir) qui obissez-vous?Soudain, une
terrible clameur retentit de plus en plus fort dans le dsert, ml
des tintements du fer: "Allah et son prophte Mohammad, Salah Ahdin
le grand et Defabre le bienheureux!"Defabre resta dos tourn
An-Lahad, apprciant la vue de ces soldats l'acclamant. Il posa
alors ses mains sur ses hanches et se retourna en haussant les
paules d'un air exaspr pendant que la clameur s'estompait voyant
qu'il ne prononcerait pas de disours.-Ils n'ont toujours pas
compris qu'ils devaient me citer en premier.- Ta fiert est donc
aussi touffante au point que tu t'estimes suprieur Allah!Defabre
soupira et gloussa gentiment.-Mais non, voyons, je faisais de
l'esprit, dit-il en lui tapotant l'paule.-Idiot. Ces blasphmes te
conduiront la tombe. Allah n'apprcie pas les vaniteux.-Calme-toi
donc, pas de quoi me condamner comme ces conjurs dont tu m'avertis
l'existence. Tu devrais laisser ces proccupations et te relaxer.
Tiens! dit-il en claquant des doigts, je te laisse mon harem pour
cette nuit, je peux te garantir que cela te fera le plus grand
bien.An-Lahad touffa une remonte violente de gne mle de colre mais
il fut tout de mme oblig de le rappeler svrement l'ordre.-Silence!
J'en ai assez! Je ne suis pas venu pour parler de chair mais de ta
vie!-C'est honorable de ta part, vraiment.-Je m'en vais, assez
d'humiliations pour ce soir. Je te laisse, toi et tes sarcasmes.
Qu'Allah te garde.Il tourna les talons et descendit la colline
grandes enjambes, la tte renfonce dans ses paules. Defabre le
suivit du regard jusqu' ce qu'il le perdit de vue, dissout dans la
multitude.Il croisa les bras pour prendre appui sur sa rflexion.
Malgr le masque de firet, il prenait au srieux ces complots,
souvent ce qu'An-Lahad disait se passait, son plus grand dam.
Defabre tait pourtant au courant que si on ne l'adorait pas: on le
dtestait. Non pas une aversion d'actes mais de sang. Celle-l est
rellement pire car bien que l'on fasse de bonnes choses pour les
gurir, le sentiment reste et est incurable. Celui-ci est fortement
dangereux surtout dans un milieu de guerriers dvts en guerre contre
les Francs, son sang. Il en avait dj une reprsentation. Des
souvenirs de jeunesse lui revenaient. Les coups, les insultes, la
solitude... An-Lahad. Il se forgea des actes qui taillrent alors sa
grande fiert: un dclic n d'une impulsion animale. Aprs avoir sem
des combats o il rendait enfin les coups, une rputation naquit. Et
de cette rputation naquit sa fiert. Une fiert trs explicitement
arbore, celle qui vous intimide et vous donne la sensation de n'tre
qu'infrieur. C'tait cela que Defabre cultivait durant toute son
adolescence. Et peu que de dire que cette puissance impalpable
fonctionnait.Une enfance d'humiliation, une adolescence de
construction, une maturit de jouissance.Nanmoins, il secoua la tte
et rangea cette ide au coin de son esprit et se para de nouveau de
sa firet. Cette expression tait un bon bouclier face au danger...
au danger de la haine de sang.An-Lahad ne changera jamais, comme
personne d'ailleurs.
III
- Vraiment? Au sein de mon arme?Salah Ahdin aimait recevoir ses
personnes qu'il considrait proches dans le plus simple des
apparats; montrer sa vritable personne plutt que l'image tait, pour
lui, la plus grande marque de confiance qu'il pouvait offrir. plus
forte raison envers An-Lahad, celui qui l'a suivi depuis son
ascension au trne lorsque le dernier fatimide mourut.-Oui, et ces
complots visent le "Grec". Je l'ai averti, mais il n'en a que
faire. Vous le connaissez.-Je vois, mais que veux-tu que j'y fasse
? Tu n'as aucun nom me donner, de plus c'est son problme. Il sera
chti pour son manque d'humilit, si c'est ce qu'Allah dsire.-Vous ne
comprenez pas. Ce que je souhaite exprimer par l est que si ces
personnes son capables de conspirer contre Defabre, il se pourrait
bien qu'ils s'attaquent vous par la suite! dit An-Lahad en
affichant sa terrible inquitude.Salah Ahdin fit craquer son
fauteuil en changeant de position. Il se lissa sa barbe, tout ce
que disait An-Lahad tait prendre au premier degr, jamais aucune
circonlocution de sa part.-Explique-toi, An-Lahad.-Defabre, malgr
ses accents impertinents, prouve un impressionnant respect votre
gard par la clmence que vous lui avez accord par le pass. Il vous
l'a bien rendue et est certainement le guerrier le plus habile que
les musulmans n'eurent jamais lev; et ils le savent.-Cela est vrai,
ils lui obissent aveuglment sur le terrain. Sa seule prsence fait
balancer le cours d'une bataille, dit-il en levant le menton comme
pour revoir contre le plafond de tissu ses quelques prouesses.-Oui,
et c'est bien cette obissance qui rend jaloux certaines
personnes.Ces mots tranchrent net le fil des souvenirs des combats
o Defabre se colletait gracieusement contre ses ennemis. Il
resserra ses longs doigts sur le bras du fauteuil. An-Lahad
reprit:-coutez, pour vous protgez, il donnerait sa vie. Personne ne
monte jamais de conspiration envers votre personne pour la simple
raison que Defabre reprsente un cueil considrable, j'irais mme me
risquer dire: insurmontable. Votre neveu Farruk-Shah galement, est
fort mais n'a pas autant d'impact que lui. Il n'a pas son charisme
droutant ni son gnie. carter Defabre, c'est se frayer un chemin au
sultanat, comprenez-vous?Le sultan afficha une moue grave.-Que
proposes-tu?Dployer une garde autour de lui. Nul besoin qu'il soit
au courant, le connaissant, son go surdimensionn le lui
interdirait. Doubler la nuit, videmment. Un homme a beau tre aussi
dangereux que l'ire d'Allah, endormi, il est aussi inoffensif qu'un
agneau. Comprenez que garantir sa vie, c'est renforcer votre
assise.Salah Ahdin ferma les yeux pour mditer ces dangers. Il se
leva lentement, prit une profonde inspiration et lissa les plis de
ses habits.-S'il y a une chose dont j'ai horreur, c'est bien les
dissensions parmi mes hommes. Comment unir les musulmans si dj mes
hommes s'empoisonnent? C'est pour cela que j'ai cr ma police
militaire et plac Defabre leur tte, sans doute l'homme le plus
capable pour ce travail...Beaucoup de superlatifs lui
conviennent... se dit An-Lahad.-Fais comme bon te semble. Jusqu' ce
jour, jamais tu ne m'as fait dfaut. Si c'est pour garantir ma
scurit et celui de mon meilleur guerrier.Il avana jusqu' son
coneiller et posa ses mains sur ses paules.-Va, fais ce qui te
semble juste.An-Lahad rprima sa joie et resta srieux.- grand Salah
Ahdin, je vous remercie. Que l'histoire retienne votre gnrosit. Je
m'en vais m'occuper de cette garde.Il s'inclina respectueusement et
sortit htivement. Un sourire se faufila entre les lvres sches de
Salah Ahdin.Defabre... Tu dois tre plus qu'un protg ses yeux.En
sortant de sa tente, il bouscula un soldat. Dans son zle, il
n'avait pas fait attention o il marchait. Il relissa un pli de son
vtement tout en s'excusant sans regarder qui il avait affaire.-Et
bien, mon cher An-Lahad, te voil bien press, cela ne te ressemble
gure?La personne qu'il venait de bousculer n'tait autre que
Defabre, habill normalement mais sans sa cape rouge habituelle qui
lui couvrait la jambe droite.-Ah, Defabre! Que fais-tu l? dit-il
surpris.-Moi? Je suis venu montrer mes respects au sultan et aprs,
je pensais aller taquiner mes hommes, histoire qu'ils se musclent
autre chose que la mchoire. Et toi?-Et bien... la mme chose que toi
sauf que je me suis encore inform de nos relations avec les Francs
Jrusalem..-Je vois. Alors? Sont-ils sages?-Oh et bien, ils
respectent leur part de la trve. Ce Raymond privilgie la paix mais
peut-on vraiment lui faire confiance? Son pre combattait Nur ed-Din
qui poursuivait les mmes desseins que Salah Ahdin. Et jusqu' quand
sa rgence va tenir? Jrusalem est un nid de serpents.-Oui, Guy de
Lusignan est un vrai cobra. Il sautera sur l'occasion de se faire
couronner ds qu'il le pourra. J'ai peur pour le jeune
Baudoin.-Effectivement, cette situation va exploser au bout d'un
moment. Ils sont assis sur une bouilloire hermtique en bullition.
Guy fera tout pour possder le trne et nous faire la guerre par
cette occasion.-On sera l pour fendre l'air au cas o, c'est pour
cela que nous devons au moins traverser le Jourdain pour tre prt
assurer nos positions au cas o. ajouta-t-il en souriant.-Tu sais,
j'aimerais bavarder avec toi plus longtemps mais je dois m'en
aller. Je suis press. Je te souhaite une bonne journe.Defabre
s'inclina respectueusement avec son once d'impertinence. An-Lahad
fit rapidement volte-face et partit grands pas laissant Defabre
perplexe quant son comportement. Il esquissa un menu sourire, amus
de le voir ainsi, mais ses yeux exprimrent une certaine inquitude:
jamais il n'est ainsi.Enfin, l'esprit humain est si complexe.
IV
Le soleil avait termin sa course dans les cieux. L'arme pouvait
enfin prendre du repos aprs une longue journe reintante. Certains
aiguisrent leur lame ou poussetrent la sable acide; d'autres les
jetrent et s'adonnrent au bavardage; d'autres encore s'endormirent
rapidement, puiss, que ce soit de corps ou d'me.Le rgiment
personnel de Defabre, lui, n'tait pas particulirement atteint par
la fatigue. Il faut dire qu'il tait assurment imbu de lui-mme, mais
c'tait de la minauderie. Face ses guerriers, il affichait un
puissant charisme solennel. Et durant les entranements qu'il aimait
donner personnellement, son charisme devenait acte et poussait la
rigueur disciplinaire. Des punitions? Il n'en donnait pas; mais ils
savaient qu'elles n'taient pas qu'hypothtiques. Leur promptitude
tait l; les rsultats musculaires galement.En dpit de l'effort
physique dont Defabre devait cultiver un amour probable; il en
cultivait un plus grand pour la volupt.Aussi, il voyageait toujours
avec son harem personnel.Toutes des femmes de son ge d'une beaut
ensorcelante, slectionnes lui-mme en Egypte. Elles n'taient pas
maltraites; bien au contraire, elles taient choyes, buvant leur
soif et mangeant leur faim, voyageant dos de chameau, les chevaux
tant rservs pour la guerre. La nuit, souvent, le Grec s'adonnait
ces plaisirs; et les concubines le lui rendaient bien. Il tait bel
homme, sa peau claire et ses longs cheveux d'or rendaient ses
caresses exotiques, ses rles d'un autre monde.La tente fut monte
rapidement si bien que les femmes s'apprtaient dj l'intrieur tout
en se demandant qui passerait la premire pour le plaisir personnel
du Grec. Pourquoi la premire? Pourquoi une plutt que plusieurs la
fois, comme d'autres personnes avises? "Le lit est fait pour deux
personnes" disait-il. Cette prfrence tonnait ses frres d'arme dans
ce milieu polygame, d'autant plus qu'il a baign dans ces us et
coutumes depuis un ge dont les souvenirs taient maintenant effrits.
Une fois, la remarque lui a t faite, ce quoi il rpondit:
"Certainement que la conscience atavique de mon sang est plus forte
que n'a t votre ducation." Jamais plus on ne lui reposa la
question...Les femmes causaient. Autant de robes qu'elles allaient
s'offrir une fois revenues en Egypte que de pierres qu'elles virent
chez un marchand plus tt. Moult sujets abords dans une ambiance
gaie.C'est alors que Defabre carta les tentures. Les discussions
s'arrtrent et tous les regards le pointrent. C'taient des regards
qui avivaient la flamme de l'excitation en leur poitrine.Il brossa
le panorama que bien de ses paires enviaient. Il faut dire qu'il
possdait le don avec et pour les femmes.Defabre s'avana tout en se
dshabillant de son haut. Aussitt sa chemise tomba sur le sol qu'une
heureuse concubine s'en saisit et la huma; un tourbillon de
fantasmes l'emporta alors. Torse nu, les courtisanes avaient le
souffle qui se faisait profond.Il se dirigea alors vers le lit
ceintur de fines draperies rouges, au fond de la tente. Il s'y
allongea en soupirant.-De l'eau! exigea-t-il.Aussitt demand, une
carafe lui fut apporte par l'une des nombreuses femmes. Il s'en
saisit et but grande gorge sous le regard de toutes.-Matre Defabre,
il est de mon devoir en tant que garante de votre bien-tre de vous
faire remarquer que boire aussi rapidement peut entraner
l'touffement, dit une des concubines qui semblait tre une sorte de
suprieure hirarchique parmi elles.Il agita la main tout en
continuant de boire et elle s'inclina.L'estomac rempli, il la
reposa terre.-As-tu quelques remarques plus intressantes que
celle-l?Elle s'humecta les lvres avant de rpondre:-Oui. Salah Ahdin
vous a fait parvenir une nouvelle femme avec comme message: "Voil
une rcompense pour tes loyaux services."-Je vois. Qu'on me
l'amne!Elle s'inclina de nouveau et partit. Quelque moment plus
tard, la rcompense se dtacha du groupe.Elle tait effectivement trs
agrable au regard. L'agencement de son visage tait son got ainsi
que sa longue chevelure d'bne coulant le long de son dos. Elle tait
vtue d'une riche soierie qui pousait parfaitement le dlicieux
relief de son corps lanc. Certainement que la partie droite de son
clatant visage cach par ses cheveux rajoutait un mystre sensuel
auquel Defabre frtillait l'ide de rsoudre.-Et bien! Salah Ahdin
doit vraiment apprcier mes services pour me rcompenser si
grassement, dit en la contemplant de bas en haut et vice-versa.
Laissez-nous seuls, les filles. ces mots, elles s'clipsrent toutes
rapidement. Enfin dans l'intimit, il demanda:-Quel est ton
nom?-Djamila.Defabre se leva et reprit la carafe.-Voil un trs beau
nom, remarqua-t-il tout en se renversant le reste de l'eau au
visage et l'talant sur sa poitrine pour se rafrachir. Elle sourit
discrtement et s'assit avec une lenteur gracieuse tmoignant son
raffinement et sa condition sur les draps finement dcors de motifs
reprsentant des lunes: la tranquilit de la nuit. Defabre l'observa,
tant retourn, du coin de l'oeil.-Es-tu une prisonnire ou as-tu dj t
concubine? dit-il toujours en arborant son dos humide.-Je suis
nouvelle, mais on m'a bien lev dans l'art de satisfaire les hommes,
rpondit-elle en triturant les manches de sa soierie.Il nota ce tic.
Bien leve et pourtant gne?... Je fais toujours cet effet,
remarque.Il s'assit ct d'elle et lui caressa son paule nue avec le
revers de ses doigts.-Je vois. Es-tu vierge, Djamila?-Je le
suis.Defabre la coucha en douceur et s'insinua au-dessus d'elle
pour l'observer, tendue, les cheveux pars, les yeux envots par son
visage.-As-tu peur, Djamila ?-Non.-Es-tu ton aise.-La vue ne m'est
pas dplaisante.Tu respires pourtant trs profondment pour quelqu'un
de calme.Il laissa un silence intime s'installer entre eux-deux. Il
continuait de l'observer tout en restant dans cette mme position de
promiscuit visuelle, appuy sur ses coudes, son visage dix
centimtres de la sienne. C'est alors qu'elle lui effleura la joue
ce qui rendit extatiques les fibres de sa peau sur cette surface.
Il se laissa rouler sur le dos et ils inversrent les positions.
Elle se retrouva assis en califourchon sur son entrejambe, ce qui
l'excitait agrablement.-Ce que j'ai toujours trouv amusant c'est
que les seules personnes que je laisse me regarder de haut sont des
femmes, avoua-t-il.-Que fais-tu de Salah Ahdin ?-Il me parle ma
hauteur.-Il te considre comme son gal ? demanda-t-elle.-Il aimerait
me considrer comme son fils. Et je pense le considrer comme un pre
d'une certaine manire... mme si je ne saurais jamais vraiment ce
concept, remarque.-Oh, Defabre le bienheureux s'apitoie?-C'est de
l'analyse.Et c'est ce que je fais l, maintenant. Ton manque de
respect cache quelque chose...-Ferme donc les yeux, j'ai quelques
artifices qui vont te plaire, toi qui est friand de ce genre de
douceur, dit-elle en promenant ses mains sur sa
poitrine.-tonne-moi.Oui, tonne-moi.Il ferma donc les yeux comme
elle lui demanda et ouvrit fond ses autres sens. Elle promenait ses
douces lvres sur le sillon entre ses seins et descendait
sinueusement jusqu' son nombril. Son ivresse se faisait profond. Il
sentit sa douce main caresser le long de son torse encore suintant,
et revenir vers son cou qu'elle caressa de son pouce. Il entra
dlicieusement dans une transe et soupira pour vacuer le surplus,
jusqu' ce que, soudain, trs faiblement mais srement, il sentit son
pouce se crisper sur sa gorge.Danger !Il rouvrit les yeux et vit
Djamila une dague la main en plein lan pour lui poignarder d'un
coup sec et prcis le torse. D'une rapidit entrane, il se saisit de
son poignet et arrta la frappe mortelle, et, dans le mme effort, la
prcipita sur le dos et jeta son arme. Elle resta d'abord muette, ne
comprenant visiblement pas ce qui venait de se passer, ne
s'attendant pas une riposte aussi vive de sa part. Elle commenait
gmir: Defabre serrait son poignet.-Je ne tiendrais pas compte de ce
que tu allais faire, tu as chou, mais j'exige de savoir
immdiatement qui a commandit mon assassinat!Elle hsita un moment en
pivotant sa tte sur la couverture.-Rponds-moi o je te brise le
poignet qui te fait dj souffrir.-Me tueras-tu?-Je punirais
l'assassin, non l'arme.-Qu'est-ce qui me garantit que tu ne le
feras pas?-Ma parole.Elle frona les sourcils, cette rponse ne la
satisfit visiblement pas. Mais elle sembla se rsigner, elle n'avait
pas tant de choix possibles...-L'homme qui t'abhorre et dsire ta
mort est Abbas.-Abbas? Je vois...Il relcha sa main et sortit du
lit. Il posa les mains sur ses hanches et rflchit. Abbas tait un
homme ambitieux qui hassaiait Defabre. Il se doutait bien qu'un
jour il essaierait de l'occire pour la honte qu'il ressentait
l'gard de l'Egypte d'tre dfendu par un Franc. C'tait habile
d'utiliser une concubine pour le tuer, durant l'acte on baisse
videmment toutes ses barrires mme les plus profondes, en
particulier lui, friand de ce genre de loisir... Sa seule erreur
fut d'avoir utilis une amatrice; et cela allait lui tre fatale. La
question tait comment allait-il le punir. Plusieurs schmas
s'talrent dans son esprit, des plus amicaux aux plus embarrassants.
L'homme n'a jamais t assez cratif que dans le dessein de se
nuire.Il sourit intrieurement face l'chec retentissant du plan
d'Abbas.-Que vas-tu faire ? demanda nerveusement Djamila toute
tremblante.-M'occuper de lui bien sr.-Et moi? Que vais-je
devenir?-Si je te renvoyais, connaissant Abbas, il te tuerait, tu
n'es qu'un outil et les outils deffectueux, on les jette.Elle
frissonna l'ide d'avoir si peu d'importance mme si au fond elle le
savait. Mis en face du mur, la raction est autre que la
conecptualisation.-N'as-tu rien contre moi personnellement?La belle
courtisane tourna vivement sa tte dans sa direction.-Rien...-Alors,
veux-tu tre ma concubine, Djamila? Au lieu de donner la mort, tu
donneras l'amour. Qu'en penses-tu?-Ma formation premire est dans ce
but, je ne ferais que faire ce pourquoi j'ai t forme.-Alors,
inaugurons, veux-tu?-Comment? N'ai-je pas essay de t'occire? Et
pourtant...-Oh, allons, le pass appartient au pass, je ne peux
dcidment pas laisser une femme malheureuse sous cette tente.Il
rampa sur les draps laissant les sillons de son corps dessus et
baisa avec grande douceur ses fines lvres. Mme si normalement,
c'tait elle de mener l'exercice, elle se laissa bercer toute la
nuit dans un ocan d'extase.
V
-Comment? Djamila a manqu son excution?-Oui, on a vu le Grec se
pavaner aujourd'hui.Les deux personnes qui venaient se consulter
taient assez grands et relativement minces. L'interrogateur portait
des vtements riches et bigarrs mais qui ne ressortaient pas sous la
clart de cette nuit, et lui donnaient un clat sombre papillonnant
dans la pnombre. En revanche, l'informateur tait vtu d'habits de
simple soldat. Ils causaient derrire une grande dune, au loin du
campement des autres guerriers. Tous ses fragments de disussion se
dissolvaient dans la clart obscure en cette frache nuit.-J'enrage.
Le temps que j'ai pass chercher une catin qui rponde aux critres de
cet imbcile hautain. Je me demande comment il a fait pour savoir
que c'tait moi qui l'avait envoye? Rpondant au nom de Salah Ahdin,
sa confiance devrait tre absolue! s'nerva-t-il en agitant ses bras
d'agacement.-Je l'ignore, seigneur Abbas, rpondit l'informateur en
baissant la tte.Abbas, serra les mains et relcha ses paules pour se
calmer.-L'a-t-il tue?-Non, seigneur.-Voil le pire des scnarii, son
amour pour les femmes est donc si colossale qu'il a pardonn celle
qui a voulu le tuer et elle aura certainement parl! Flonie! Que de
flonie dans cette arme divine. Heureusement que je suis l pour
rectifier certains dfauts. Bref, je vais devoir exploiter son autre
gnante faiblesse.-Seigneur?-Maintenant que cet incident est pass,
il n'acceptera plus de cadeau dans ce genre et son attention
redoublera... surtout en mon intention.-C'est vrai, et mme si ce
n'tait gure le cas, ses gardes s'en seraient chargs. Ils le
vnreraient presque, tellement leur confiance est grande pour lui.
De plus, de nouveaux gardes se sont forms autour de lui, d'aprs mes
informations: An-Lahad les auraient post pour le protger des
tentatives d'assassinat.Abbas carquilla les yeux de rage et dut
faire de grands efforts pour se contenir.-Maudit soit An-Lahad et
son intelligence, maudit soit Defabre et son sang, maudit soit
Salah Ahdin et son trne divin!-Seigneur...-Soit, je vais utiliser
une autre tactique. Je ne voulais pas faire cela mais les
conditions ont chang. J'ai manqu avec la chair, je russirais avec
sa fiert. Je ferais en sorte qu'il se pige lui-mme, conscient de sa
position mais forc par son outrecuidance. Tu vas faire ce que je
vais te dire...
VI
-Vraiment, il se moque de moi, il a rig la stupidit au rang
d'art!Defabre faisait les cents pas dans sa tente, les bras croiss,
devant un An-Lahad exaspr face ses ractions puriles.-Vraiment,
pensais-tu qu'il allait baisser les bras aprs un chec?-videmment
que non! Mais je pensais avoir faire avec un pige plus... disons...
labor que a, tu vois? Quelque chose digne de moi, enfin...-Le
meilleur des cas et t qu'il ne te prpare pas de pige du tout.
Quelle est la nature de sa prochaine farce dj?-Ce matin, un soldat
d'Abbas me fait parvenir un message comme quoi il souhaiterait
s'entretenir avec moi au sujet de ce qui s'est pass dans mon harem,
il y a trois jours de cela, au point d'eau sud. Le fait est qu'il
me demande de venir seul et que ce point d'eau est vraiment loign
de tous regards trangers (il se tourna vivement vers An-Lahad)
trange qu'est tout cela, non? dit-il avec une intonation niaise et
ironique.-Que comptes-tu faire alors?-Ce que je compte faire? Je
compte y aller!An-Lahad frona les sourcils: cette rponse ne
concordait pas avec ses dductions.-Oui, quoi de plus magnifique,
que de se prendre au pige et de le saboter de l'intrieur?-Je dois
avouer que je ne te suis pas, Defabre.-C'est simple, je vais y
aller, m'expliquer avec lui jusqu'au moment o on atteindra un point
de non-retour: j'aurais en ma connaissance assez d'informations
pour connatre ses motivations, ce qui est justement la raison pour
laquelle il voudra me mettre mort. N'tant pas assez idiot pour
omettre mes talents de bretteur, il aura certainement pris avec lui
une huitaine ou une dizaine de guerriers pour tre vraiment sr que
mon excution sera...Le problme est que sa faiblesse est de me
sous-estimer, et il ne l'a toujours pas compris.-Je vois, je pense
que c'est exactement ce qu'il a prvu. Il veut te prendre au pige de
ta fiert ne l'oublie pas, et nous avons faire avec Abbas, un
vritable cobra. Il te rserve fort probablement des fourberies. Si
j'tais toi j'en avertirais Salah Ahdin mais...-Comment! Aller
geindre vers le Grand Salah Ahdin? Il a autre chose faire que de
s'occuper de mes querelles. De plus, me plaindre porterait prjudice
ma rputation.-C'est ce que j'allais ajouter. Bon, fais ce que tu as
accomplir, alors, si tu en es si sr. J'ai d'autres choses faire moi
aussi. On se revoit ce soir pour le souper des gnraux.-Oui, je te
prcde An-Lahad.Ils sortirent alors tous deux de la grande tente
rouge et se sparrent la fourche du chemin grossirement trac par les
va-et-vient. An-Lahad ne put se retenir de se retourner pour
regarder Defabre s'loigner et se diriger vers le Sud.Peut-tre la
dernire fois que je peux te voir; fais attention toi, crtin.Defabre
lui ne se retourna pas. Il tait sr de lui. Son masque avec son lger
rictus ternellement tir tait royalement pos sur son visage. Il
avanait. Son pe claquait sur sa jambe gauche pendant que sa cape
rouge virevoletait au rythme de ses pas sur celle de droite. Il
regardait et l les diffrents guerriers des diffrents rgiments qui
trompaient l'ennui comme ils le pouvaient. Ils le salurent ds
qu'ils le voyaient. Bien que son escadron lui ne comportait que
cinq cents guerriers avec qui il entretenait une relation de pre
disciplinaire envers ses fils obissants, il entretenait cette mme
relation avec tous les musulmans de Salah Ahdin. Un profond
respect, voil ce que tous lui vouaient, quand a ne frisait pas la
vnration. Un pre, un modle ayant fier allure autant hors et en
guerre dont tout le monde souhaitait ressembler. Un Achille pour
l'Islam.Malgr son go qui balayait un grand nombre de doutes,
certains subsistaient tout de mme. Et si vraiment Abbas avait tout
prvu? Et si il allait mourir ce point d'eau? Mourir l o tous
retrouvaient le souffle de vie en quelques gorges.Hum, vritablement
impossible, se dit-il en souriant face au soleil qui commenait
rougeoyer derrire les dunes.Aprs quelque moment de montes et de
dgringolades le long des dunes, il distinguait le fameux point de
rencontre. Un point vert disparate pos sur le dsert avec quelques
palmiers sems et l. Un autre point rouge, cette fois-ci, tait
prsent.Abbas, chuchota-t-il avec ddain.Il continuait de cheminer
dans les sables, ne quittant pas un instant le point d'eau des
yeux. Malgr sa grande confiance en ses capacits, il commenait
ressentir un pincement au coeur.Arriv, il pntra ce sanctuaire dtach
de cet ocan brlant. Il eut un frisson cause de la fracheur des
lieux. Enfin, il aperut une silhouette humaine sous les
palmiers.Tout en s'approchant, ils s'changrent longuement des
regards amuss, se souriant, alors que leurs mains taient poss sur
le manche de leur arme...Ds que le Grec arriva six pas de lui,
Abbas l'accueillit:-Te voil donc, Defabre.-Et voil le crotale qui
envoit ses subordonns faire tout le travail pendant qu'il reste
dans son nid, railla-t-il.Une lgre brise souffla, comme si
l'atmosphre tentait vainement de calmer la tension. Elle repartit
avec la certitude que la violence tait l'issue par laquelle cette
altercation allait se conclure. La question tait: qui allait lancer
les hostilits?-Je suis dsol du terrible malentendu entre nous, mon
ami, s'excusa Abbas en soupirant mais sans lcher le manche de son
sabre.-Oh, voyons, pas d'hypocrisie entre nous, crotale. Tu as bien
voulu me tuer, n'insulte pas mon intelligence, ce serait un appel
au meurtre, affirma Defabre d'un ton excessivement calme.Abbas le
pera du regard, en raction aux acides paroles jetes par les lvres
tires.-Trs bien, j'avoue, j'ai attent ta vie. Mais pas juste pour
la violence, c'est pour...-Mon sang? Mon outrecuidance? Ma
popularit? Ma place envers Salah Ahdin? Pas besoin de te justifier,
crotale, tu as assez de raison de vouloir me tuer.-Tu as pu djouer
ce plan, tu t'es dfait des charmes de la jeune concubine. C'est
bien une preuve de ta perspicacit et de ton habilet, voudrais-tu te
joindre moi?Defabre souligna l'abrupt de la rponse par un spasme la
commissure des lvres.-Me joindre quoi?-Pourquoi crois-tu vraiment
que j'ai tent de t'ter la vie?Il fit une moue de perplexit.-Sais-tu
que personne n'ose t'affronter face face?-Je suis le plus mme de le
comprendre, crotale.-Le fait est que tu respectes normment Salah
Ahdin, tu donnerais ta vie pour son Djihad.Il ne rpondit
pas.-Justement, je souhaite m'emparer de son sultanat et arrter ce
Djihad.L, Defabre afficha une autre expression que celle de la
condescendance: la surprise. Cette affirmation l'tonna vraiment: il
n'et jamais pens qu'il visait si haut.Il souffla du nez et repris
son masque habituel.-Le sultanat? Arrter le Djihad?
Explique-toi.-Ce Djihad me dgote, nous n'avons que faire des
Musulmans syriens et des Francs. Nul besoin d'une mme bannire alors
que notre pays a dj besoin du plus grand soin. Ne me dis pas qu'il
y a de la saintet derrire, ce n'est vraiment que pour la gloire et
rien d'autre! Regarde le nombre de morts. Tout a dans le but d'une
unification? La reconqute de Jrusalem est stupide aussi, nous ne la
prendrons jamais. Nous devrions retourner en notre bel Egypte et
nous occuper dj de cette terre qui en a besoin. Ne le penses-tu
pas? Il resta un moment, dubitatif. Ce crotale n'tait pas si idiot
qu'il ne le pensait.-Je ne pense pas. Je pense que les musulmans
doivent s'unir sous une mme bannire pour contrer les Francs. Les
Byzantins nous abhorrent dj, nous nous devons de nous montrer forts
pour les dissuader de vouloir nos terres. ce moment nous pourrions
nous occuper en paix de nos terres. Cette guerre est utile pour
notre paix, aux Egyptiens et aux musulmans. Le terme de Djihad, la
guerre sainte existe pour une raison.Un silence souffla.Defabre
projeta son regard dans son esprit et rflchit. Les paroles d'Abbas
l'avait vraiment mis en branle, malgr la confiance qu'il avait en
la sagesse de son Sultan. Jamais il n'avait tourn le problme dans
ce sens; il se contentait de faire tournoyer l'pe dans la mania et
la chaleur du combat: extension de son orgueil qu'il aimait le
montrer tous.Mais, est-ce que je crois vraiment ce que je dis? La
guerre est-elle vraiment si utile que a? Tous ces morts pour une
bannire. Le sacrifice est invitable, mais cette ampleur...-Je vois
que nous ne serons pas d'accord. Jamais tu ne te ligueras contre
Salah Ahdin? demanda Abbas sans rellement attendre
d'infirmation.-Jamais.C'est alors qu'Abbas leva le bras et
l'abaissa aprs un moment.Defabre fit une moue ennuye.Tout coup, une
dune derrire l'oasis cracha un soldat, un sabre la main... et un
autre, et encore un autre.Je vois, comme je l'avais imagin, une
dizaine de guerriers.Mais la dune continuait, n'en finissant pas de
vomir des ombres. D'une huitaine, ils passaient une quinzaine, une
vingtaine, une trentaine...Oh? Une vraie arme!Une quarantaine, une
cinquantaine... une soixantaine! Soixante! Il y avait maintenant
plus de soixante guerriers encerclant les deux
interlocuteurs.Defabre, calme, n'ayant pas chang de position
regardait sans bouger la tte droite et gauche pour jauger ses
adversaires.-Frres, je n'ai rien contre vous. Je n'aimerais pas
avoir tuer des musulmans mais si vous m'y contraignez...Abbas
poussa un gloussement grinant.-Ce sont des mercenaires. Tu penses
bien que personnes dans cette arme ne lverait d'arme contre
toi.Juste, se dit Defabre.-Je penserais toi quand je serais sur le
trne.Et il passa travers les guerriers de sorte que plus qu'eux
n'taient dans le champ de vision de Defabre.Il dgana son sabre et
fit tourner son paule gauche pour se chauffer.-Quand vous voulez
messieurs, dit-il avec son expression la plus fire qu'il et
arbor.C'tait l l'invitation aux hostilits.
VII
-Seigneur An-Lahad, tes-vous srs que tous ces guerriers mobiliss
soient utiles? Je veux dire... oui Abbas a certainement appel des
mercenaires, mais pensez-vous que dans une si grande
quantit...An-Lahad marchait aux cts d'un chef d'escadron stress par
la mobilisation d'autant de musulmans pour une seule personne. Il
lui avait expliqu brivement la raison de ce dplacement mais n'en
avait pas vraiment saisi la gravit.-Farid, n'coutes-tu pas quand je
te parle?Il baissa la tte de honte.-En rsum, la destine du sultanat
rsultera d'un combat entre Defabre et Abbas.-Defabre et Abbas? Le
sultanat?-C'est un peu long expliquer en dtail, mais Defabre va se
battre contre Abbas; et nous connaissons Abbas, il a srement recrut
plusieurs mercenaires pour ne pas avoir se salir les mains.-Mais
vraiment, quinze de mes soldats?-Et qui sait? Ca ne sera peut-tre
pas suffisant.Farid garda la tte baisse. Dans quoi s'tait-il laiss
entraner? Quoiqu'il en soit, il n'avait d'autre choix que d'obir au
conseiller personnel du grand Salah Ahdin, et de mettre un terme ce
combat fratricide.Le chemin tait long. Defabre avait-il fait tout
ce chemin rien que pour un combat? Pour affirmer un honneur dj
acquis? Plus pour l'asseoir, il n'avait jamais assez d'assise pour
ce genre de confort d'esprit, de gonflement de l'me. Les diffrents
soldats spculaient aussi sur la vritable nature de leur
mobilisation mais, quoique cela fusse, si An-Lahad lui-mme
recrutait, cela impliquait une mission des plus importantes. Donc,
le sang tait invitable. Ils le savaient, mais tout cela dans quel
but? Ils en savaient encore moins que Farid.An-Lahad menant la
marche, et son escadron suivant docilement esaladrent dune aprs
dune, au bout d'une quarantaine, ils commenaient peiner. Defabre
n'tait pas un grand commandant pour rien. Ses capacits taient
proporionnels sa rsistance physique. Et aprs tous ces exercices, il
avait encore se battre! Ces escalades minaient le corps mais
renforaient davantage le respect pour le Bienheureux.Le conseiller
tait arriv en-haut d'un nime colline de sable mais il s'arrta. Son
inertie interloqua Farid et ses guerriers qui ne comprenaient pas
le pourquoi de cette pause. An-Lahad garda ses yeux rivs sur un
point dont il ne dtacha pas son regard en restant immobile. Tout
tait fig en lui, ses bras, ses jambes et mme son visage.Farid,
d'une nature curieuse, escalada son tour la dune et put contempler
le spectacle.Ils taient bien arrivs au point d'eau sud mais quelque
chose n'tait pas normal l'horizon. Plusieurs taches noires se
massaient autour d'un point... rouge...-Mais, qu'est-ce? demanda
navement Farid.-Au centre c'est Defabre et autour... je dirais
environ une soixantaine de mercenaires, si ce n'est plus, rpondit
An-Lahad.
VIII
La lame tournait, les hommes tombaient.Voyez un poisson, il est
l'aise dans l'eau, nous en conviendrons; Defabre, l'image du
poisson, tait son aise dans les combats; et les mercenaires le
comprenaient.Il combattait. Un piquet droite, une estafilade
gauche, une taillade l, une estocade ici: les coups fusaient de
partout. Pourtant il n'avait pas l'air de rellement se battre, il
bougeait, dansait, il ne gardait quasiment jamais les deux pieds
terre ou s'il les gardait, c'tait pour mieux les relancer. Le sabre
semblait avoir une conscience propre: parade dans le dos,
retournement, contre-attaque: il agissait avec l'instinct, voil la
source de ses techniques arythmiques. Bien qu'ils fussent, plus de
soixante, aucun ne parvenait le toucher. Si on tentait de s'amasser
sur lui, il bondissait et se frayait un chemin travers les
mercenaires vtus de noire, pour mieux repartir dans son tourbillon
spasmodique.Abbas, apeur, contemplait la scne avec effroi depuis
une petite dune surleve.Est-ce un dmon?Il l'observait les yeux
grands ouverts. La violence image par les filets de sang giclant
des entailles traces par le sabre conscient tait contraire avec
l'expression de Defabre, toujours impassible avec son rictus. Il
s'amusait, ce qui le dgotait.Defabre en avait maintenant occis peu
prs le quart et il n'tait pas essouffl. En revanche, la multitude
qui l'entourait l'tait.-Et bien? On s'arrte alors que le travail
n'est pas fini? Oh, allez, vous tes une myriade, je suis seul,
persiffla-t-il.Les tueurs ne comprenaient pas. Ils taient pourtant
une plthore mais cette personne blonde qui se tenait devant eux,
seul, les remplissait d'apprhension. Ses lvres tires et ses yeux
mi-clos, il dgageait une aura impressionnante. Une aura de
puissance sans mme qu'il ait bouger, il ne tenait qu' voir son
absence de blessure et le nombre de cadavres ou d'expirants allongs
prs de ses pieds.Il avana. Ils se crisprent, ses pas semblaient tre
une alarme, un glas qui sonnait. Une sentence, les treignant.Une
pluie martelant le casque d'un homme.Son sourire s'effaa et son
regard devint vide, il tait soudain ailleurs, un trauma
ressurgissait.Les larmes sales laves par l'eau coulant du ciel.Il
secoua la tte et tenta difficilement de se reconcentrer.Qu'est-ce
que...Il se remit en position de combat avec un visage agac. Les
victimes devant lui prirent cela pour un signe de faiblesse et
redoublrent de motivation pour l'liminer; ou ne serait-ce que pour
le blesser, au moins a. Defabre, lui, continuait les mettre terre
aprs avoir pralablement trac un sillon carlate sur leurs corps,
mais avec de plus en plus de difficult. Un souvenir, si c'en tait
un, incomplet, revenait sans cesse le harceler sous forme de bribes
d'images fugaces ou de fragments de son qui partaient et
revenaient. Ces -coups lui faisaient ressentir un noeud l'estomac.
Il serrait les dents, cette boule le gnait au plus haut point et
ralentissait ses mouvements. Ses mouvements fluides semblables un
drapeau que l'on agiterait taient maintenant devenus saccads,
s'arrtant chaque impulsion. Il essayait vainement de contrer ce
sentiment handicapant, mais c'tait en vain.Mais merde, qu'est-ce
que j'ai!Il ne l'avait pas remarqu mais son visage d'auparavant
arborant la condescendance avouait maintenant l'effort.C'est alors
que, sans qu'il ne s'en soit rendu compte, des clats de son
pourpoint vert vola d un coup ascendant.Ces clats taient mls de
gouttes rouges.Soudain, il sentit un long trait trs douloureux lui
parcourir du sein gauche son paule droite. Par cette fente taille
par un adversaire face lui, son bras encore en-haut aprs
l'excution, il eut l'impression que toute sa force s'chappa
brusquement de cette ligne.Il s'affaissa, mais s'appuya encore sur
son sabre.-Ha... si... si... tu restes en vie... quelle gloire...
insultante tu pourrais... ramener... chez... toi... balbutia-t-il,
son sang s'coulant le long de la plaie.Avec le peu de rserve
d'nergie qu'il lui restait, il cingla vers son ennemi et lui pera
le torse droit au coeur. Il n'avait pas eu le temps de ragir face
la vitesse d'excution du Grec. Il ne put que constater dans son
dernier souffle.Defabre l'observa tomber. Il ne reprit pas son
sabre plant dans le corps du cadavre mais il garda son bras gauche
pour essayer de contenir le sang s'coulant du sillon rouge. Il
respirait bruyamment par la bouche.Il contempla son oeuvre, des
cadavres, encore et encore partout. Il devait rester sept
mercenaires encore en vie, l'observant.-Bien quoi?... ne venez...
vous pas... chercher... le Bienheureux Defabre?... Le Franc
parmi... les musulmans? mprisa-t-il.Sa vue commena baisser. Il
vacilla et retomba sur ses genoux, ivre de douleur et de fivre
mmorielle. Il perdait contact avec tout ce qui se passait autour de
lui. Ses paupires s'affaissrent et dans une dernire fente, il vit
un autre spectacle. Des amoncellements de cadavre une nuit de
pluie, un homme barbu drap dans un tissu blanc avec une croix rouge
sur son torse, une pe en main, le sang courant le long du fil.Avant
de se sentir tomber lentement, sa joue rsonnant lourdement sur le
sable et la poussire, il entendit vaguement une clameur
fantomatique derrire lui, et son nom scand.Defabre!
IX
-Abbas, tu es reconnu coupable de haute trahison envers le
commandant en chef de la police militaire de l'arme du Djihad du
Grand Salah Ahdin.An-Lahad avait fait dferl en urgence ses quinze
soldats de fortune pour liminer les derniers mercenaires pris de
court du tratre et fait port Defabre dlirant le plus rapidement au
campement.Abbas tait genou devant lui, Farid et les quinze soldats
dont deux avaient pos leurs sabres sous son cou pour l'gorger s'il
tentait quoi que ce soit. De toute manire: maintenant ou aprs
qu'est-ce qui changeait part le protocole?-Trahison? J'ai tent
d'aider l'Islam en menant en enfer ce Franc! objecta-t-il
vivement.An-Lahad le considra un moment. Il paraissait sous le choc
et prt se dfendre chaque attaque qu'on lui porterait tel un serpent
accul. Il commenait prouver de la piti pour lui. Ses intentions
n'taient pas si mauvaises aprs le complot pour s'emparer du
sultanat. Il voulait mener l'Egypte dans la paix. Aprs tout, qui ne
le voulait pas?-Ce que tu as tent de faire n'tait pas une aide mais
une condamnation. Penses-tu tre vraiment plus sage que Salah Ahdin?
rpondit An-Lahad.-Ce Djihad n'a pas de sens. Il ne se terminera
jamais. Nous pouvons vaincre nos ennemis en les dissuadant de nous
affronter en appuyant la puissance de notre pays. Les morts ne sont
pas requis.-Vraiment? Et Defabre? Et tous ces mercenaires morts?-Il
tait un ennemi de par sa nature martiale, le laisser en vie et t
une menace constante pour l'Egypte! C'est un Franc. Et qui nous
fait la guerre? Les Francs!Les Francs.Ce mot tait appuy avec
tellement de rancoeur que c'en tait presque effrayant. Cela avait
rappel An-Lahad un jour o il tait parti Jrusalem en compagnie de
ses quelques gardes, pour il ne sait plus quelle flnerie. Il passa
alors ct d'une glise et entendit une clameur se lever au-dedans.
Des voix puissantes et basses s'levaient et sortaient du clocher
pour se disperser dans tout le quartier, distribuant sa ferveur
tous. An-Lahad leva la main pour cacher le soleil du matin et
regarda cette glise.-Qu'est-ce? demanda-t-il un de ses gardes.-Une
prire francque, seigneur, rpondit-il.-Et quel Dieu
prie-t-il?-Jhovah, seigneur.-Jhovah... Et que dit cette prire, toi
qui connais la langue francque?Le garde dgagea une de ses boucles
de cheveux qui passait sur son oreille droite et couta.-Ils disent:
"Lou soit Jhovah Dieu l'unique et son fils Jsus Christ crucifi pour
l'amour des hommes ici en cette ville sainte. Lou soit l'amour de
Jhovah Dieu pour l'homme pcheur et imparfait, pardonne-le. Que ton
rgne soit universelle et que ton Fils rgne sur le royaume clste,
Amen."Il l'coutait, et pensait: "cette religion prche donc la
paix?" Il laissait vagabonder son esprit sur l'me de ces barbares
vnrant un Dieu d'amour, comme eux.-Cette prire ressemble beaucoup
au ntre, ajouta-t-il.Son interprte se contenta de hausser les
paules mais un autre bondit dans la discussion et dit avec
ddain.-Peut-tre, mais n'oubliez pas qu'ils sont francs!L'intonation
sur le mot: franc tait rempli d'aversion. An-Lahad ne fit
qu'observer son visage dform par ce sentiment.Ainsi, ce sentiment
est si puissant?-Bref, qu'allez-vous faire? Me tuer je pense. Et
bien faites ce qu'il y a faire. ces mots An-Lahad dgana son pe et
trancha sa tte. Elle roula, ensanglantant le sable. Le corps
retomba lourdement.Farid resta coi devant la vlocit de la rponse
d'An-Lahad devant ce sarcasme. An-Lahad excuta un mouvement sec
pour nettoyer le sang sur sa lame et la rengana sans mot dire.-Les
sarcasmes. J'ai toujours eu beaucoup de peine avec ce genre
d'humour. Surtout s'il vient d'un tratre ayant attent la vie de
Defabre.Il fit demi-tour laissant Farid toujours paralys face la
brivet des vnements qui se sont enchans. Il reprit son souffle et
ordonna que l'on rapporte le corps au camp, sans oublier la tte
ayant roul jusqu'en bas de la dune.-Je n'ai pas que a faire,
rajouta An-Lahad, une longue guerre se dfile l'horizon, par-del le
Jourdain. Nous avons la mener contre eux et non pas contre nous. De
plus nous aurons besoin de toutes les ressources disponibles mme
s'ils sont d'une fiert d'un mpris infini. Vous me trouverez chez
les mdecins si vous me cherchez.
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