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La réussite par l'expertise procédurale
Changement de paradigme dans la représentation des intérêts en application du traité
de Lisbonne
Dr. Klemens Joos
Chargé de cours à la Faculté d’Economie
à l’Université Ludwig Maximilian à Munich
Publiée dans: Doris Dialer, Margarethe Richter (dir.): Lobbying in der Europäischen Union: Zwischen Professionalisierung und Regulierung. Springer VS 2014, pp. 29-45.
La réussite par l'expertise procédurale: Changement de paradigme dans la représentation des intérêts en application du
traité de Lisbonne
Dr. Klemens Joos
Touts droits réservés, ceux de la reproduction photomécanique et de l'enregistrement sur supports électroniques inclus. Il est interdit de repro-duire ou de transmettre toute partie de cette œuvre sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'autorisation écrite préalable.
2
Table des matières
1 Introduction ................................................................................................................... 3
2 Le traité de Lisbonne : changement significatif des conditions générales de
la politique – et avec cela de la représentation des intérêts – en Europe ................. 5
2.1 Renforcement de l'UE vers l'extérieur – l'UE comme acteur mondial .................... 5
2.2 Renforcement intérieur de l'UE – du principe d'unanimité au principe de
majorité, ou plus exactement la communautarisation de facto de plus de
domaines politiques.............................................................................................. 6
2.3 Acquisition de compétences pour le parlement européen ..................................... 9
3 Absence de reconnaissance du changement de paradigme dans l'opinion
publique ....................................................................................................................... 11
4 Rééquilibrage de la représentation des intérêts après Lisbonne – mutation
du centre de gravité de l'expertise sur le contenu vers l'expertise
procédurale .................................................................................................................. 12
5 Résumé et perspectives .............................................................................................. 14
Bibliographie ...................................................................................................................... 15
L'auteur Dr. Klemens Joos ................................................................................................ 17
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traité de Lisbonne
Dr. Klemens Joos
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1 Introduction
La protection des brevets dans l'UE est une affaire complexe et couteuse : pour être protégé
dans les 28 états membres, il faudrait tout un "paquet" d'autant de brevets déposés selon la
loi de chaque état membre, ce qui impliquerait pour commencer la traduction des fascicules
de brevets dans plusieurs langues, et en partie le suivi de procédures très différentes.1 A
cela s'ajoute qu'en cas de litige, il faudrait tenir compte de 28 législations nationales, et le
risque pour les détenteurs de brevet d'être poursuivi en justice dans les états membres. Il en
résulterait d'importantes insécurités juridiques et ce qu'on appelle le "Forum-Shopping", c'est
à dire le fait de tirer profit des différences d'interprétation du droit européen des brevets dans
les tribunaux nationaux, les droits nationaux applicables et la vitesse des procédés respec-
tifs. Dans ce contexte, il est peu étonnant qu'il y ait depuis longtemps grand besoin d'un
"brevet unique" valable partout dans l'union européenne. Lorsqu'au début des années
soixante-dix, les premières discussions à propos du "brevet unique" comme alternative aux
"brevets nationaux" eurent lieu à Bruxelles,2 nul n’aurait cru que le débat pouvait durer
presque quarante ans. C'est seulement en 2011 qu'une solution a été trouvée. Ainsi, un bre-
vet unique européen pourra vraisemblablement être proposé dans un avenir proche.3
Les raisons de ce retard sont multiples. Une discorde sur les termes adoptés avait entravé
les négociations. D’après l'accord sur les brevets européens, ceux-ci doivent maintenant être
traduits en anglais, en français et en allemand ; l'Espagne et l'Italie ont continuellement insis-
té pour une traduction dans leur langue. Problème : l'article 118 paragraphe 2 TFUE4 exige
l'unanimité au conseil – il suffisait d'un véto d'un état membre pour faire obstacle à l'accord.
La percée n'a finalement pas fait lâcher prise aux deux états membres, mais a permis l'ins-
trument réglementé dans l'article 20 TUE en combinaison avec les articles 326 - 334 TFUE,
nommé coopération renforcée :5 Si un consensus entre deux états membres à propos d'un
acte juridique n'est pas trouvé dans un délai acceptable, une "coalition de bonnes volontés" -
au moins neuf - peut adopter cet acte juridique en "dernier recours". Ceci avait été possible
également dans le domaine du marché intérieur - et donc celui du droit des brevets. L'habili-
tation indispensable doit certes être votée à l'unanimité par le conseil, toutefois, seuls les
1 Le présent brevet européen est un brevet selon la convention sur le brevet européen, auquel ont adhéré 10 pays de l'UE en
attendant tous les 28, qui pourtant, en tant que traité international, ne présente pas de contrainte juridique avec l'union eu-
ropéenne. Après émission par l'office des brevets à Munich, le brevet européen se divise en brevets selon les droits natio-
naux (d'où "brevets nationaux").
2 Cf. la convention sur le brevet européen pour le marché commun (Convention sur le brevet commun) de l'année 1975, dont
la ratification a toutefois échoué (sur ce sujet et sur l'histoire du brevet unique : Luginbühl 2013, pp 305 suiv.)
3 Cf. Europäisches Patentamt (Office européen des brevets).
4 Vertrag über die Arbeitsweise der Europäischen Union (Traité sur le fonctionnement de l'union européenne), ABl. EG N° C
115 du 9 mai 2008, p 47.
5 Pour la procédure, cf. Bieber/Epiney/Haag 2013, § 3 Rn 43 suiv.; Woods/Watson 2012, p 72.
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états membres impliqués dans la coopération renforcée ont le droit de vote,6 si bien que le
véto de l’Italie et de l’Espagne ne constitue plus une menace.7
Le contournement effectif du principe d'unanimité dans le cadre de la coopération renforcée
est un exemple clair de la progression de la perte d'importance des états membres par rap-
port au niveau politique supranational de l'union européenne. Le traité de Lisbonne principa-
lement a fortement restreint l'influence des états membres sur le processus de décision eu-
ropéen. Ainsi, tous les domaines essentiels de la politique pour tous les citoyens et les en-
treprises sont "communautarisés" de facto. Comme il sera à montrer par la suite, cela a des
conséquences pratiques de grande importance pour la représentation des intérêts : les inter-
locuteurs, les réseaux nécessaires, les procédures et les instruments applicables ont été
fondamentalement modifiés. Les exigences quant à une représentation des intérêts ordon-
née et couronnée de succès dans l'UE ont fortement augmenté.
D'autre part, le cas du brevet unique illustre l'importance des procédures et des processus
politiques dans le but d'imposer un objectif politique et nous conduit au second thème de cet
article. Déjà depuis les premiers jours de l'union européenne, la connaissance des procé-
dures déterminantes de décision européennes et la maîtrise des mécanismes formels et
informels de décisions politiques européennes ("expertise procédurale") sont déterminantes
pour le succès de la représentation des intérêts – à côté de l'aspect du contenu, c'est à dire
des arguments objectifs et du contenu ("expertise sur le contenu"). Au plus tard avec le traité
de Lisbonne, l'importance de l'expertise procédurale dans l'UE, vue comme système à plu-
sieurs niveaux très complexe, est devenue similaire à celle de l'expertise sur le contenu :
Une représentation des intérêts couronnée de succès à long terme en Europe présuppose
inévitablement l'expertise procédurale.
La "représentation des intérêts" dans ce sens ne veut d'ailleurs pas seulement dire – comme
pourrait le laisser supposer l'utilisation du terme synonyme "Lobbying", eut égard aux asso-
ciations politico-économiques – la représentation politique des intérêts des entreprises et des
associations.8 Toutes les parties prenantes des processus de décision à l'intérieur de l'UE
sont en fin de compte des représentants d'intérêts dans leur propre domaine – que ce soient
des ONG en conflit, par ex. sur des thèmes sociaux, des communautés religieuses sur la
question de la liberté de culte et de la vie collective en société, des états membres, par ex.
dans le domaine de l'agriculture, de la circulation, de l'environnement ou même des entre-
prises en ce qui concerne des procédures législatives pertinentes pour un secteur. L'impéra-
tif d'expertise procédurale est complètement indépendant d'acteurs concrets et d'arrière-
plans de représentations d'intérêts.
6 Cf. article 330 TFUE – ainsi, au cours des coopérations renforcées, des résolutions sont possibles à la majorité qualifiée,
alors qu'elles devraient être adoptées à l'unanimité avec une procédure régulière.
7 La plainte de l'Espagne et de l'Italie devant la CJCE contre la coopération renforcée ou plus particulièrement contre la sous-
jacente autorité de décision du conseil a été rejetée le 16 avril 2013, cf. EuGH, Urt. (CJCE, jug.) du 16 avril 2013, Az. C-
274/11 et C-295/11; à ce sujet Jaeger 2013, p 1998.
8 Cf. Lösche 2007, pp 12 suiv., 63 suiv.
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2 Le traité de Lisbonne : changement significatif des conditions générales de la
politique – et avec cela de la représentation des intérêts – en Europe
La représentation des intérêts en face de l'exécutif et du législatif ne peut avoir lieu que dans
le cadre que lui fournit la politique.9 Sont ici visés moins les déterminants légaux tels que les
formalités d'enregistrement ou les exigences de conformité pour les lobbyistes10 que les
conditions et les liens des politiques même. Quelle institution prévoit un système politique,
avant tout législatif et exécutif, et comment le personnel - les décideurs - de celui-ci est-il
recruté, comment sont structurés les processus de décision individuels formels et informels
etc. - chaque système politique définit par son organigramme et ses conditionnements à la
fois les possibilités et les points de départs de la représentation politique des intérêts. Com-
ment le traité de Lisbonne ("traité modificatif") a-t-il donc changé l'organigramme de l'UE, et
quelles conséquences cela a-t-il eu de façon pratique dans la représentation des intérêts tant
sur le plan européen que sur le plan national pour les états membres ?
L’un des objectifs principaux du traité était de mettre en place une réforme fondamentale du
système politique de l'UE.11 Pour l'objet de cet article, voici trois aspects particulièrement
intéressants :
Premièrement, le renforcement de l'UE à l'extérieur par l’amélioration de sa politique ex-
térieure,
deuxièmement son renforcement interne, par le maintien de la capacité d’action de l’UE,
par la réduction des risques de blocage de certains états membres, pour faire face aux
crises globales et aux nouveaux défis dans un environnement en pleine mutation, et
troisièmement l'augmentation de la légitimité démocratique de l'UE à travers la valorisa-
tion du rôle du parlement européen dans les procédures législatives.
2.1 Renforcement de l'UE vers l'extérieur – l'UE comme acteur mondial
C'était une préoccupation particulière du traité de Lisbonne que de donner un visage à la
politique extérieure de l'UE et de lui procurer une capacité d'action justifiant son rôle "d'ac-
teur mondial".12 L'UE – dont la politique extérieure était jusqu'alors plus considérée comme
un chœur à plusieurs voix que comme une voix commune des états membres – devrait pou-
voir apparaître cohérente et visible de l'extérieur.13 La communauté d'états est en concur-
rence économique rude avec les anciens et les nouveaux centres économiques de ce
monde comme les USA, la Chine, le Japon, le Brésil, l'Inde et la Russie, qui en définitive, ne
se servent pas de leur force économique pour faire également des revendications politiques
de grande ampleur. L'Europe, dans ce contexte global – que ce soit au fond monétaire inter-
9 Cf. à ce sujet Joos 1998, p 29.
10 Cf. à ce sujet par ex. Joos/Waldenberger 2004, pp 45 suiv.
11 Woods/Watson 2012, p 17; Seeger 2008, p 63.
12 Cf. Pollak/Slominski 2006, p 214; pour la mise en place des relations extérieures jusqu'alors, voir Sabathil/Joos/Keßler
2008, pp 185 suiv.
13 Maurer 2008, p 13.
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national, au conseil de sécurité des nations unies ou dans d'autres commissions internatio-
nales de pilotage et de coordination – ne peut jouer un rôle à part entière que si – en tant
qu'UE –, elle peut parler d'une seule voix.14
Le traité de Lisbonne s'attaque au cœur du problème avec trois mesures :
L'UE a désormais une personnalité juridique (article 47 TUE) et peut donc conclure des
conventions internationales ou prendre part à des organisations internationales. Ainsi, elle
devient plus accessible en tant que partenaire pour les pays tiers et les organisations in-
ternationales.15
En outre, le traité modificatif a introduit, en tant qu’image de la politique extérieure et inter-
locuteur pour les partenaires internationaux, le poste de haut représentant pour la poli-
tique extérieure et la sécurité – en fin de compte une sorte de ministère des affaires
étrangères de l'UE – (article 27 paragraphe 2, 3 TUE), nommé par le conseil. Le haut re-
présentant est à la fois président du conseil des affaires étrangères et vice-président de la
commission (article 18 paragraphe 4 TUE).
Le service européen pour l'action extérieure est subordonné au haut représentant (article
27 paragraphe 3 TUE), et est composé de fonctionnaires de la commission, du secrétariat
du conseil et du service diplomatique venant de tous les pays membres.
Même si jusque-là, l'UE n'a pas vraiment réussi à renvoyer une image cohérente à l'extérieur
– on pense aux controverses de politique extérieure en Libye et en Syrie ou aux va-et-vient
difficilement compréhensibles pour de nombreux partenaires internationaux à propos des
mesures de l'UE dans la crise de l'euro –, l'émancipation de la politique extérieure de l'UE de
ses états membres a tout de même en partie posé des jalons décisifs : L'UE tire à elle les
compétences en matière de politique extérieure et se crée la possibilité d'une stratégie
propre et au moins partiellement émancipée des états membres.16 En fin de compte, ici ré-
side une étape importante vers plus d'indépendance de l'UE17 et vers une perte d'impor-
tance – en tout cas à long terme – des états membres18
2.2 Renforcement intérieur de l'UE – du principe d'unanimité au principe de majori-
té, ou plus exactement la communautarisation de facto de plus de domaines
politiques
Bien plus fortement que l'amélioration de la visibilité de l'UE en matière de politique exté-
rieure, les mesures de réforme dans le domaine des processus de décisions politiques ont
des répercussions sur la pratique de la représentation des intérêts. Un point essentiel de ces
mesures est la transition du principe d'unanimité au principe de majorité au conseil européen
14
Cf. Giegerich/Wallace 2010, pp 451 suiv.
15 Parlement européen 2013; cf. aussi Bieber/Epiney/Haag 2013, § 3 Rn 49 suiv.; Murswiek 2008, p 66.
16 Mix 2013, p 2.
17 Cf. Mursiwek 2008, pp 66 suiv.; cf. aussi les conséquences Hauser 2011, p 706.
18 Sceptique Giegerich/Wallace 2010, p 454.
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("conseil des ministres" ou "conseil") dans 48 cas d'application de plus. Au-delà des cas an-
térieurs comme par exemple le marché intérieur il s’agit des domaines politiques aussi es-
sentiels que l'intérieur, l'agriculture, l'énergie, la propriété intellectuelle, les services d'intérêt
général, la justice, l'immigration et bien plus.19 Les décisions à la majorité deviennent de
cette façon la règle (article 16 par. 3 TUE) et englobent la quasi-totalité des domaines poli-
tiques essentiels pour les citoyens et les entreprises. La nécessité de l'unanimité au conseil
existe seulement exceptionnellement. La conséquence est une perte d'influence considé-
rable pour les états membres seuls : lorsque le principe d'unanimité était valable, le véto d'un
seul état membre suffisait à bloquer une décision au conseil ou à l'orienter dans une direc-
tion. Maintenant, avec le principe de la majorité, une "minorité de blocage"20 d'au moins
quatre états membres représentant ensemble plus de 35% de la population de l'UE est né-
cessaire.21 Inversement, par ex. l'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne seules ne
peuvent plus bloquer une décision à la majorité du conseil. Toutefois, les "non" de quatre
états pourraient suffire s'il s'agissait des quatre plus gros états membres : l'Allemagne, la
France, la Grande-Bretagne et l'Italie. Une minorité de blocage constituée par les plus petits
états membres nécessiterait théoriquement 13 membres.
L'étendue de l'avancée de la "communautarisation" des domaines politiques depuis le traité
de Lisbonne apparaît lorsqu'on s'intéresse aux domaines encore soumis au principe d'una-
nimité. On peut y différencier les domaines politiques orientés vers l'extérieur (concernant les
relations entre l'UE et des états tiers ou des organisations internationales) et ceux orientés
vers l'intérieur (concernant les relations entre l'UE et ses états membres).
Illustration 1: En application du traité de Lisbonne – il ne reste que peu de domaines politiques de l'UE nécessi-
tant encore une décision à l'unanimité du conseil
© Dr. Klemens Joos
19
Cf. le tableau de données au Bundestags-Drs. 16/8300, Tableau 1: passage à la majorité qualifiée, pp 142 suiv.
20 À partir du 1er novembre 2014, cf. article 16 par. 4 TUE.
21 À partir du 1er novembre 2014, cf. article 238 par. 3 TFUE.
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Pour le premier domaine ("extérieur"), à quelques détails près, le principe d'unanimité s'ap-
plique encore, en particulier en ce qui concerne les traités d'adhésion, les accords commer-
ciaux particuliers22 et la politique de défense ainsi que (en principe) la politique commune
extérieure et de sécurité (PESC). Cependant, ici aussi, le traité de Lisbonne a introduit
quelques cas relevant de la majorité qualifiée (cf. en particulier article 31 TUE). De plus, en
utilisant la réglementation passerelle de l'article 48 paragraphe 7 du TUE, il est possible de
passer du principe de l'unanimité à celui de la majorité. De toute façon, il y a dans ce do-
maine une tendance à plus de supranationalité, identifiable par exemple à la création du ser-
vice pour l'action extérieure.
Pour ce qui concerne les domaines politiques dirigés vers l'intérieur, seulement les do-
maines de la sécurité sociale et de la politique sociale ainsi que la coopération policière opé-
rationnelle sont encore soumis au principe de l'unanimité, à côté de l'harmonisation fiscale et
du budget de l'UE. Sont concernés en plus certains domaines de la politique environnemen-
tale. En revanche, d'après le traité de Lisbonne, le principe de la majorité s'applique mainte-
nant aussi à de nombreux domaines politiques centraux – parmi eux l'intérieur, la justice,
l'agriculture et (largement) le commerce extérieur – en plus du domaine entier du marché
unique. De surcroit, avec l'instrument de la coopération renforcée, des domaines encore
soumis au principe d'unanimité peuvent être convertis de facto en cas d'utilisation du prin-
cipe de majorité – comme l'exemple introductif du brevet unique l'a montré.
Les conséquences pour la représentation européenne des intérêts sont évidentes : avec le
principe d'unanimité, il est régulièrement suffisant de convaincre les décideurs prépondé-
rants d'un seul état membre de ses propres demandes et d'influencer leur vote sur la scène
européenne.23 L'exemple des négociations à propos de la directive sur la taxation des inté-
rêts, en 200024, montre là où cela peut conduire. L'ancien ministre des finances allemand
Hans Eichel fait cas de la menace d'un véto italien pendant les négociations, dans le cas où
les quotas laitiers de l’Italie n'auraient pas été augmentés – une thématique ne tombant pas
dans le domaine de compétences du ministre des finances. La tactique du lobby agricole
italien fut toutefois couronnée de succès : les ministres des finances ont aussitôt téléphoné
aux ministres de l'agriculture de leur pays pour les amener à prendre les mesures adé-
quates. C'est seulement alors que l'Italie a cédé et a donné son accord sur le compromis
concernant la directive sur la taxation des intérêts.
En revanche, avec l'application du principe de majorité, les exigences et la complexité de la
représentation des intérêts ont clairement augmenté : même si un défenseur d'intérêts a un
assez bon réseau dans "son" état membre, il n'a ainsi souvent dans l'Europe de l'UE qu'une
position isolée. Il ne suffit donc plus d'exercer une influence sur quelques décideurs – pré-
pondérants – dans son état membre ou de faire des campagnes publiques dans les grands
médias de l'état membre. Même si les voix d'un état membre sont gagnées de cette façon
pour une demande propre, les intérêts de la politique des 27 états membres restant peuvent 22
Accords commerciaux sur les services culturels et audiovisuels ainsi que sur les services sociaux, de formation et de santé.
23 Cf. Joos 2011, p 110.
24 Déclarations Hans Eichels dans ARD, L'histoire: exonérés d'impôts – comment les trusts pillent les caisses de l'Europe,
envoyé le 19 août 2013, 22h55.
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fondamentalement s'en écarter – d'une indifférence générale à une opposition ouverte. Pour
influencer les processus de décision sous le principe de majorité, est nécessaire au mini-
mum une minorité de blocage d'états membres. Ainsi, une défense d'intérêts fructueuse im-
plique par principe une base européenne : des réseaux et des coalitions équivalentes (du
point de vue des thématiques) traversant les frontières et les partis sont nécessaires. En
pratique, leur construction demande des dépenses énormes – si toutefois cela aboutit.
2.3 Acquisition de compétences pour le parlement européen
Pour la pratique de la représentation d'intérêts, des changements décisifs comme le chan-
gement de la nécessité de majorité au conseil ont pour conséquence l'extension des compé-
tences législatives du parlement européen.25 A travers le traité de Lisbonne, le parlement est
placé sur un pied d'égalité avec le conseil dans presque tous les domaines politiques impor-
tants et est ainsi devenu un partenaire à part entière dans le processus législatif :26 la procé-
dure de codécision passant par la concertation entre le parlement et le conseil, pour l'adop-
tion d'une mesure législative, est maintenant devenue la "procédure législative régulière"
(article 289, 294 TFUE).27 Après le traité de Nice, il y avait encore 45 domaines dans les-
quels les décisions ne pouvaient être prises sans l'aval du parlement. Après le traité de Lis-
bonne, ce nombre a quasiment doublé, s'établissant désormais à 85 domaines.28 A côté du
marché unique, et parmi d'autres, presque tous les points particuliers dans la politique inté-
rieure et juridique, les décisions cadres concernant l'agriculture et la pêche, la politique
commerciale, des parties de la coordination des politiques économiques, et les nouveaux
domaines politiques (protection contre les catastrophes et coopération administrative), sont
dans le domaine de compétences du Parlement.29 Le pouvoir budgétaire du parlement a
aussi été nettement augmenté à travers l'extension au domaine agricole – tout de même
environ 45% du budget de l'UE jusqu'à maintenant.30 En outre, les droits de contrôle du par-
lement européen vis-à-vis de la commission ont été étoffés. Entre autres, le parlement euro-
péen élit le président de la commission (article 17 paragraphe 7 TUE).31
Le but principal de cet élargissement de compétences du parlement (à titre de seul organe
de l'UE élu au suffrage direct) était de créer une plus forte légitimation de la législation euro-
péenne.32 Naturellement, l'accroissement des pouvoirs de codécision du parlement a en
outre des répercussions notables sur la représentation des intérêts politiques : dans les do- 25
Cf. valorisation progressive du parlement européen dans la structure des institutions Joos 1998, p 159.
26 À ce propos Selck/Veen 2008, p 18.
27 Bieber/Epiney/Haag 2013, § 7 Rn. 18 suiv.; Joos 2011, p 100 suiv.
28 Maurer 2008, p 10 ; cf. tableau récapitulatif au Bundestags-Drs. 16/8300, Tableau 2: Übergang in das ordentliche Gesetz-
gebungsverfahren, pp 146 suiv.
29 Seule la politique extérieure générale et la politique de sécurité est restée la compétence unique du conseil. Cf. Mangiameli
2012, p 107.
30 Europäische Kommission (Commission européenne ); cf. aussi à ce propos Hauser 2011, pp 688 suiv.
31 À ce propos Bieber/Epiney/Haag 2013, § 4 Rn. 27.
32 Cf. Maurer 2008, pp 8 suiv.; Pollak/Slominski 2012, p 185.
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maines politiques qui tombent nouvellement sous la compétence du parlement, les représen-
tants d'intérêts doivent désormais convaincre la majorité des députés de leurs préoccupa-
tions – ce qui représente souvent un gros challenge, eut égard à la composition du parle-
ment et à sa structure de décision particulière. Pour mieux le comprendre, il faut observer les
différences du parlement européen par rapport aux représentations populaires des états
membres :
Ainsi, le parlement européen ne connaît ni groupes parlementaires gouvernementaux, ni
groupes d'opposition. L'exécutif de l'UE – on entend par là la commission et aussi le con-
seil (dans certains domaines) – ne résulte pas du législatif. Pour ce qui concerne le con-
seil, c'est clair : il est composé du rassemblement des représentants des gouvernements
de chaque état membre. Pour la commission, le parlement européen peut refuser un can-
didat présenté par le conseil au poste de président de la commission (article 17 para-
graphe 7 TUE). La compétence et l'intégrité des commissaires potentiels sont vérifiées
après leur nomination dans les commissions spécialisées respectives du parlement euro-
péen (avec un regard critique33). Toutefois, le parlement européen ne peut accepter ou re-
fuser en conséquence que certains des membres. Il doit statuer sur la commission toute
entière. La question des partis ou groupes ayant la majorité au parlement est fondamenta-
lement sans importance pour la composition de la commission : au contraire des parle-
ments des états membres, il n'y a pas de rapport entre l'appartenance politique des
"membres du gouvernement" (commissaires) et les partis ayant la majorité au parle-
ment.34 Ainsi, les mécanismes de contrôle au niveau des états membres – la ligne du
gouvernement est soutenue en général par les parlementaires du groupe de la majorité –
n'entrent pas en ligne de compte. Par conséquent, un représentant d'intérêts doit cons-
tamment suivre de près le point de vue à la fois du parlement européen et de la commis-
sion (en ce qui concerne l'établissement et la mise en œuvre de l'agenda) au sujet de ses
revendications.
A côté du vote motivé par l'appartenance à un groupe parlementaire, il est courant de voir
un vote qui est fonction de la nationalité des députés, donc qui va au-delà de
l’appartenance à un parti.35
Tout cela a des répercussions sur la question de la "formation de coalitions européennes"
dans la représentation des intérêts,36 donc sur la formation d'alliances parmi les acteurs du
33
Cf. la décision visant la candidate bulgare Schelewa en janvier 2010
(http://www.spiegel.de/politik/ausland/0,1518,672706,00.html), consultée la dernière fois le 21 août 2013.
34 Notez cependant Article 17 alinéa 7 phrase 1 demiphrase 2 TFUE: „En tenant compte des élections au Parlement euro-
péen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose
au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission.” Néanmoins le Président de la Commis-
sion Européenne ne doit pas obligatoirement appartenir au plus fort groupe politique du Parlement Européen. En outre, la
position de puissance du Président de la Commission Européenne n’est en réalité pas comparable avec celle d’un chef de
gouvernement ce que se manifeste également dans le choix des membres de la Commission Européenne qui est en pra-
tique seulement possible en accord avec les Etats membres. Dans ce contexte les considérations partisanes du côté d’Etat
membre jouent un plus grand rôle que ceux du côté européen.
35 Cf. Wessels 2008, p 141.
36 Joos 2011, p 91.
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législatif et de l'exécutif : le plus souvent, de telles coalitions ne se rapportent qu'à des de-
mandes et des projets particuliers, de sorte à devoir construire de nouvelles coalitions à
chaque occasion. En outre, il résulte souvent de ces coopérations des opinions inattendues.
On a par exemple pu observer lors du débat sur la limitation des rejets de CO2 pour les vé-
hicules particuliers un partenariat entre l'industrie automobile allemande et les syndicats,
pour qui le sujet (protection du climat) jouait tout au plus un rôle secondaire. L'industrie et le
salariat organisé se sont mobilisés unanimement contre les projets de loi de Bruxelles per-
çus comme une menace ; les uns, préoccupés par les lieux de production et à la concur-
rence, les autres par la sauvegarde des emplois.37 En conséquence, il a fallu chercher et
trouver des alliés au parlement européen parmi tous les groupes parlementaires, les groupes
d'intérêts et les états membres. Il s’agit aussi d’aborder la thématique déjà évoquée de l'ab-
sence de formation d'un gouvernement dans les rangs du législatif : l'appartenance à des
partis ou à des groupes n’implique en rien de probables prises de position d'un membre du
parlement européen. Un réseau s'étendant au-delà des partis et des états membres ainsi
que des accès sûres pour les parlementaires, en tout cas pour les états membres les plus
importants, sont devenus, dans cette mesure, une des conditions indispensables à une ré-
ussie représentation des intérêts à Bruxelles.38
3 Absence de reconnaissance du changement de paradigme dans l'opinion pu-
blique
Eu égard au transfert de pouvoir des états membres vers le niveau européen et du gain
d'influence du parlement européen, on pourrait s'attendre à une prise de conscience fonda-
mentale du problème dans l'opinion publique. C'est pourtant le contraire : jusqu'ici, les chan-
gements sont à peine perçus. Généralement, c'est le désintérêt qui règne en grande partie à
propos des thèmes européens, aussi bien dans les médias que dans la population – malheu-
reusement même chez les élites –, ce qui peut venir en partie de la complexité et de la dis-
tance ressentie par rapport aux décisions prises à Bruxelles, et d'autre part de la simple
ignorance des rapports de pouvoir effectifs entre l'UE et les états membres. A cela s'ajoute –
comme l'a révélé une enquête eurobaromètre publiée en juillet 2013 – une méfiance généra-
lisée vis-à-vis de l'UE : seulement 31 % des sondés dans les six plus gros états membres
ont indiqué avoir confiance en l'UE ; seuls 30 % attribuent à l'UE une image positive.39 Dans
ce contexte, les politiques des états membres n'éprouvent évidemment pas le besoin de
mettre les thèmes européens à l'ordre du jour – cela s'est par exemple vu aux campagnes
des partis pour les élections nationales allemandes de 2013 : scandale relatif à la protection
des données personnelles, politique fiscale, égalité des droits et bien d'autres sujets. À la
rigueur, la crise de l'euro peut jouer un rôle, en grande partie du point de vue des états
37
Cf. les déclarations d'Erich Klemm, président du conseil d'entreprise de DaimlerChrysler AG, et Jürgen Peters, président
d'IG Metall sur : Die Zeit online du 28. janvier 2007 (http://www.zeit.de/online/2007/05/klima-autos-glos), consultée la der-
nière fois le 21 août 2013.
38 Cf. Joos 2011, p 93.
39 Cf. Eurobarometer 2013, p 10.
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membres (participation aux plans de sauvetage, etc.), beaucoup moins avec une perspective
européenne.
Il est évident qu'avec tout ça, les réalités sont méconnues et les possibilités d'action des poli-
tiques des états membres sont souvent surestimées. Et pendant que les politiques alle-
mands débattaient avec une forte participation de l'opinion publique des réformes du fédéra-
lisme I et II (donc du réglage de la répartition des compétences, ou plus particulièrement des
relations juridiques entre l'état fédéral et les Länder),40 la mutation du centre de gravité du
niveau national au niveau européen passe manifestement inaperçue devant les citoyens et
les politiques (celles des états membres). "La politique européenne est passée d'une appli-
cation de la politique extérieure à une partie intégrante de la politique intérieure tout à fait
ordinaire, avec les procédures correspondantes". Cette phrase provient du président du
Bundestag allemand en personne, Norbert Lammert.41 Il serait souhaitable que plus de res-
ponsables politiques et de personnalités de la société partagent ce point de vue.
4 Rééquilibrage de la représentation des intérêts après Lisbonne – mutation du
centre de gravité de l'expertise sur le contenu vers l'expertise procédurale
Pour la représentation des intérêts – qu'il s'agisse des intérêts des états membres, des par-
ties prenantes dans la société ou de différentes branches économiques et entreprises – les
tendances d'évolution de l'union européenne et en particulier les réformes du traité de Lis-
bonne génèrent une forte pression d'adaptation. Si on part du principe que le but essentiel
de la représentation d'intérêts est d'influencer une conclusion précise, en mettant en avant
des arguments pertinents, dans le cadre d'un processus de décision,42 jusqu'ici, l'accent était
mis en pratique moins sur la compétence procédurale que sur l'expertise en matière de con-
tenu.43 L'essentiel de l'activité des associations, des ONG, mais aussi des parties prenantes
économiques comme la représentation des entreprises ou les prestataires externes (par ex.
les cabinets d'avocats et les agences de relations publiques) est le travail sur le contenu :
participation à des consultations publiques, rédaction d'argumentaires et d'expertises détail-
lés, réalisation de campagnes médiatiques. C'est frappant, les tendances de développement
de la politique de l'UE – comme décrit § 2 (cf. aussi illustr.2) – concernent bien plus de ques-
tions de procédures de la politique européenne : quels échelons de l'UE sont impliqués dans
des décisions ? A quel niveau (UE ou état) sont finalement prises les décisions ? Quels or-
ganes décident avec quelles modalités sur quels thèmes ?44
40
Cf. par ex. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15 décembre 2004, N° 293, p 1 („Hitzige Debatte über die Föderalismusreform“).
41 Cf. Interview dans le Frankfurter Allgemeine Sonntagszeitung, 8 septembre 2013, p 4.
42 Définition par Joos 2011, p 44 ; Lösche 2007, p 20 ; van Schendelen 2002, pp 203 suiv. ; McGrath 2005, p 17.
43 À propos des domaines d'expertise sur le contenu et les procédures cf. aussi Godwin/Ainsworth/Godwin 2013, pp 216 suiv.
44 Joschka Fischer, ancienne ministre des aff. etr. allemande, a formulé l'importance de telles questions de procédures en
politique : "Au début, je n'avais aucune idée de l'importance des questions de compétence en politique. Prenez par ex. les
accords de coalition : les compétences y sont le thème central. Au fond, on peut former une coalition avec un partenaire
avec lequel on ne s'entend pas sans accords ayant un contenu. Vous devez alors élucider seul la question des compé-
tences dans chaque domaine politique." (Joschka Fischer dans „Joschka und Herr Fischer“, envoyé dans ARD le 28 mai
2013, à 22:45).
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Illustration 2 : Changement d'importance de l'expertise sur le contenu et de celle en matière de procédures pour
une représentation d'intérêts fructueuse au cours du développement de la CE / de l'UE
© Dr. Klemens Joos
A cela s'ajoute l'accroissement constant des compétences de l'union européenne : De plus
en plus de domaines politiques sont soumis aux procédures complexes de décision de ce
dynamique système à plusieurs niveaux, dans lequel sont impliquées l'échelle supranatio-
nale (européen), nationale et régionale. Les acteurs de chaque échelon n'agissent pas isolés
les uns des autres. Au contraire, si un acteur veut atteindre un objectif particulier à travers
des compétences constitutionnelles et politiques, des possibilités d'influence et les intérêts
du moment, la coopération et une attitude conciliante sont nécessaires.
Pour ce faire, des questions primordiales "artisanales" se posent aux représentants d'intérêts
– Indépendamment du fait qu'ils travaillent pour un état membre, une ONG ou une entre-
prise. Déjà trouver de bons partenaires constitue souvent un défi. Dans l'UE, il n'y a pas
d'exécutif uniforme – un "gouvernement" selon l'interprétation des états membres". Au con-
traire, la représentation d'intérêts en Europe doit être basée aussi bien sur le plan européen
(commission, conseil ou COREPER etc.) qu'au niveau des états membres (membres du
conseil). Une image similaire ressort concernant les procédures législatives européennes :
une représentation d'intérêts efficace n'exige pas seulement la prise en compte des trois
organes de l'UE (commission, conseil et parlement), mains bien sûr aussi de l'échelon des
états membres, par exemple des membres du conseil isolés ou les partis représentants du
parlement européen.
Pour être absolument présent sur toutes ces interfaces – et surtout régulièrement sous pres-
sion – et ainsi pour pouvoir influer avec succès les processus de décision dans l'UE, un re-
présentant d'intérêts doit avoir une expertise procédurale – il doit donc, à côté de la connais-
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sance, formelle et informelle, des processus de décision déterminants, disposer également
de toutes les possibilités d'accès (réseau) aux échelons de décision. Eu égard aux "travaux
de l'UE", maintenant étendus du Portugal à la Finlande et de l'Irlande à Chypre, ceci est en-
core réalisable pour seulement très peu d'acteurs. À cela s'ajoute le fait que l'influence d'un
acteur est à relativiser par rapport aux états membres et à la scène européenne : Ainsi, les
entreprises, associations ou ONG qui trouvent habituellement une oreille attentive dans les
états membres, se retrouvent souvent avec le rôle du "un contre tous".
Plus une procédure est structurée de Facon complexe – et le droit procédural européen est
un exemple type de complexité –, plus la structure et le processus de décision sont perti-
nents pour des décisions concrètes. Le contenu et les arguments sont encore pertinents,
mais leur importance sur le résultat d'un processus de décision a tendance à diminuer. Prin-
cipalement à la suite du changement du mode de vote au conseil et à cause de l'intégration
plus forte du parlement dans le législatif, les résultats des processus de décision sont plus
influencés par les aspects procéduraux. Les arguments du contenu risquent d'être négligés
dans les processus de décision pour des raisons procédurales. Selon le stade du procédé
politique, les contenus modifient leur pondération dans le panel d'argumentation car les diffé-
rents acteurs ont aussi différentes préférences sur le contenu. Pour trouver un compromis,
ils affaiblissent abandonnent des positions afin d'obtenir autre chose. En partie, les argu-
ments sur le contenu peuvent être totalement masqués par l'utilisation d'un processus parti-
culier de décision – voir par exemple la coopération renforcée dans le domaine du brevet
unique, dont il a été question dans l'introduction.
5 Résumé et perspectives
Le traité de Lisbonne a fondamentalement modifié les exigences envers la représentation
d'intérêts dans l'UE. L'importance de l'expertise procédurale en comparaison à l'expertise en
matière de contenu a clairement augmenté. Pour chaque représentant d'intérêt – qu'importe
s'il s'agit d'un groupe d'intérêts de la société civile, d'un état membre, d'une association ou
d'une entreprise –, il y a de nouveaux défis. Plus les règles, formelles comme informelles,
d'un processus de décision sont compliquées, plus la transmission des contenus dans la
pratique et difficile. Les réformes du traité de Lisbonne ont nettement augmenté la complexi-
té des processus de décision européens, et ainsi conduit à un véritable changement de pa-
radigme dans la représentation des intérêts : il est de la même importance dans de nom-
breux cas de connaître et de savoir appliquer les règles de chaque processus de décision
déterminant que de chercher seulement les meilleurs arguments. Pour beaucoup de repré-
sentants d'intérêts, c'est assurément la douche froide. Dans un système complexe à plu-
sieurs niveaux comme l'UE, il est nécessaire de bâtir et de maintenir un réseau, ce qui im-
plique des dépenses énormes. Une grande partie des représentants d'intérêts ne peut se le
permettre à long terme pour des raisons de capacité et de coût.
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L'auteur Dr. Klemens Joos
Klemens Joos a étudié la gestion
d’entreprises à l’Université Ludwig-
Maximilian de Munich. En 1997 déjà, il y a
soutenu sa thèse de doctorat, avec comme
titre « Représentation des intérêts
d’entreprises allemandes auprès des institu-
tions européennes ». Après avoir été assis-
tant d’un député européen, il fonda en 1990
la société à responsabilité limitée EUTOP
International GmbH. Depuis lors, EUTOP se
charge, en tant que partenaire structurel et
durable, d’accompagner les représentations des intérêts d’entreprises privées,
d’associations et d’organisations auprès des décideurs au sein non seulement des institu-
tions européennes mais aussi de certains Etats membres de l’UE. Basée à Munich et Berlin,
EUTOP International dispose aujourd’hui de filiales à Bruxelles, Vienne et Prague, de bu-
reaux à Londres et Paris ainsi que de bureaux de représentation à Pékin, Tokyo et New
York. La société est spécialisée en relations institutionnelles structurelles, orientées proces-
sus (« Process-oriented Structural Governmental Relations », PSGR®).
Klemens Joos dirige le groupe EUTOP en sa qualité d’associé-gérant. Outre sa thèse de
doctorat, il est l’auteur et l’éditeur de nombreuses publications au sujet de la représentation
des intérêts. Depuis 2013, Klemens Joos est également chargé de cours à la Faculté
d’Economie et de Gestion de l’Université Ludwig-Maximilian de Munich dans le domaine
spécialisé « Convincing Political Stakeholders ».
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