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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
CNIDARIA:
INSTALLATION ROBOTIQUE INTERACTIVE D'IMMERSION
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN COMMUNICATION
PAR
JEAN-AMBROISE VESAC
JANVIER 2007
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-200G). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf ententè contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
AVANT-PROPOS
Elle ani me le vide de ses mouvements itératifs et enserre le temps de ses anneaux cycliques.
Je remercie Louis-Claude Paquin, Professeur de J'École des médias de l'Université du Quéhec à
Montréal, pour avoir dirigé mon projet de recherche ainsi que Jean-François Renaud, ProFesseur de
['école des médias de l'Université du Québec à Montréal, et Nicolas Reeves, Professeur de l'École de
design de l'Université du Québec à Montréal pour avoir accepté d'évaluer mon mémoire-création.
Je remercie Jean Décarie, Professeur de l'École des médias de l'Université du Quéhec à
Montréal, pour ses enseignements et pour m'avoir invité à participer au groupe de recherche VitGl1Iin
Beziehungen ; Jean-Pierre Boyer, Professeur de j'École des médias de l'Université du Québec à
Montréal, pour ses enseignements et pour m'avoir confié la production de l'aspect sonore de son projet
Totem de l'humanité, au sein du Lahoratoire de technologie interactive (LTI) ; Simon-Pierre Gourd,
Professeur de l'École des médias de l'Université du Québec à Montréal, pour m'avoir invité à
participer au groupe de recherche en algorithmie musicale et interactive, Picrre-L Harvey, Prof'esseur
au département de communication sociale et publique de l'Université du Québec à Montréal, pour ses
enseignements et pour m'avoir fait participer aux recherches du Lahoratoire de communautique
appliquée (LCA).
Je remercie Pierre Grou, Attaché d'administration, Dany Beaupré, Animateur pédagogique,
Pierre Mercure et Claude Lortie du Laboratoire de communication, pour leur confiance et leur soutien.
Je remercie Louise Poissant, Professeur de J'école des arts visuels et médiatiques de l'Université
du Québec à Montréal, et le Centre interuniversilaire des ,Hts médiatiques (ClAM) pour leur soutien
financier au projet; Marc Fourne! et le PARC du Vidéographe pour m'avoir accueilli dans leur alelier
de travail.
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES v
RÉSUMÉ... VI
CHAPITRE 1
THEORIE
1.1 Le concept d'écocybernétique ..
1.2 La genèse de Iô créature.......................................... 4
1.3 L'ontologie de Cnidaria 6
1.4 L'écologie algorithmique................................................................... 10
1.5 Les comportements individuels et collectifs............................................. 12
1.6 L'esthétique . 13
CHAPITRE Il
JOURNAL D'UNE DÉMARCHE.. .
2.1 Prototype numéro 1............................................................................ 16
2.2 Prototype numéro 2............................................................................ 17
2.3 Prototype numéro 3............................................................................ 18
2.4 Prototype numéro 4 .. 19
2.5 Prototype numéro 5............................................................................. 22
iv
CONCLUSION........................... 24
RÉFÉRENCES............................ 26
ANNEXE- DYD
DESSINS
EXPLICATION DE L'ALGORITHME: INTERACTION
EXPLICATION DE LA COMPLEXITÉ DE GROUPE: COLONIE
PROTOTYPE NUMÉRO 1
PROTOTYPE NUMÉRO 2
PROTOTYPE NUMÉRO 3
PROTOTYPE NUMÉRO 4
PROTOTYPE NUMÉRO 5
LISTE DES FIGURES
Figure Page
1.1 Une parabole cubique . 7
1.2 Un filtre résonnant. . Il
RÉSUMÉ
Le projet porte sur la communication homme-machine. Homme et mac hi ne sont pris comme deux espaces cognitifs distincts, naturel et artificiel. Quelle perception ont-ils l'un de l'aulre ? Comment interagissent-ils? L'expression sonore constitue un point commun aux deux espèces. Cnidaria est une installation robotique interactive et immersivc. Une communauté de robots occupent un territoire public. Le public peut interagir avec l'installation et entrer dans la représentation cn usant d'un langage rudimentaire. Le spectacle se crée par la dynamique entre les interacteurs et un système informatique autonome et génératif.
CHAPITRE [ THÉORIE
1.1 Le concept d'écocybernétique
Le concept d'écocybernétique exprime une élpproche clc la création mécliatique inspirée de la
biologie. C'est un mélélnge de modèles biologiques (né1lurels) el C) belïlétiques (élrlifieiels).
L'écocybernétique simule la vie dans un dialogue entre information et matière. Des systèmes de
contrôle sont intégrés il l'environnement. L'écocybernétique esl une métélphore qui considère la pensée
comme un système vivant, tout comme le cerveau. L'information qui découle cie l'activité du cerveau
est également vivante et élinsi doit s'adapter et évoluer pour survil'l'e, rester pertinente. L'inf'ormation
et son interprétation sont sensibles au milieu écologique cl élU conte\le socio-culturel d'interprétation
et forment le paradigme de communicéltion qu'aborde notre projet. Pour exprimer CCllC conception de
l'information vivante, sa médiatisation doit être émergente. Cc n'est pas la forme clu sujet qui est prise
comme représentation mais son éJlergie.
La mécanique est profondément inscrite dans notre culture occidentale. Nous avons un rapport
fonctionnel élvce l'outil. La fonction ne sc sépare pas de son déterminisme. Lél machine n'a PélS d'être;
seule la tâche qu'elle élccomplit existe. Celte \'ision n'est pas étri1ngère ~ nous-même. Si l'on me
demande qui je suis, je parle de ce que je fais l De la même manière, le uesign électromécanique est
généralement interprété au niveau causal, plus rarement iconique. Par manque de contenu ou de
langage, l'art technologique tend à se prendre lui-même comme discours. Le sujet esthétique se
déplace. Ce n'est plus le quoi ou le pourquoi mais le comment qui l'élit lieu de discours.
Contrairement à l'objet d'art prenant son sens dans notre culture. Cllidario génère ses formes
d'expression à l'exemple du vivant qui engendre ses propres représentations. Même si les robots ont
l'apparence de méduses, le projet Cnidaria n'imite pas un objet e\ist<lnt, mais dc\ient le sujet d'un
spectacle nouveau ct présente eommc œuvre l'exploration de techniques d'intelligence artificielle à des
2
fins de spectacle. Cnidaria s'imprègne de l'environnement. donl clle e'\trLlil des fmgments qu'elle
interprète et auxquels elle ajoute sa signification.
C'est la définition de l'art interactif qui est remise en cause; la machine n'est plus au service de
l'homme. Tout se passe dans la relation à l'oeuvre, qui est inversée. L'œuvre n'est plus uniquement
dans notre univers; nous faisons partie de l'univers cie l'œuvre, qui a sa vie propre. On pénètre dans
l'univers immersif cl' une population de robots, cl' une colonie cie méduses.
La réalité dans son infini insaisissable est porteuse du sens ct de ,"essence clu Verbe.
L'information est un processus émergent de cetle complexité. La Beauté s'exprime par ces lois. partout
disponibles, comme autant de champs cosmiques nous tra\"crsant. Crécr une Œuvre équivaut, dans un
tel contexte, à développcr un microcosme et à y laisser sc dévclopper les formes spontanées de son
énergie. Un effacement personnel est requis dans cet accompagncment.
Les données collectées par les senseurs clans le contexte cI'une galeric sDnl C\ponentielles et
se présentent comme une parabole cubique. Nos perceptions sont cie nature exponentielle. L'ouïe en
est un bon exemple. En effet, nous sommes aclaptés à cI'énormes diflérences de Iluissance sonore, ce
qui nous permet cie percevoir aussi bien un chuchotement qu'un marleau piqueur. La zone cie confort
sensoriel est d'amplitucle moyenne ct nécessite cie grancles cl) namiques cie puissance, car nous
percevons mieux les hauts contrastes. Nous avons aussi une grande habileté il percevoir les
imperfections. Comme une tache nous fait oublier le mur qu'elle souille. Nous reconnaissons aisément
les variations et les écarts clans une suite répétitive. De la même manière. les senseurs ont une courbe
de sensibilité cubique. Les données recueillies se présentent comme une pLlraoole cubique. Il ya une
étroite zone de stabilité OLt l'écart entre les valeurs est faible, coincé entre cieux l'alaises.
y
Fit- .8 Cuhic\Ù parabole.
Figure 1.1 : une parabole cubique
La perception est le résultat d'un effon organisationnel cognitif qui catégorisc Ics phénomènes
perçus pour être ensuite capable d'anticiper les événements à Icnir. Notre faculté de saisir les
comportements et de comprendre un état intérieur par ses signes e\térieurs prOlicnl. selon moi, de
facultés héritées de la chasse que l'on appelle palfois culture. Cil/dar/a inlerroge celle facullé culturelle
d'interprétation de nos perceptions, qui nous permet d'apprécier une œuvre. La culture esl un guide à
l'extérieur duquel les phénomènes sont inconnus.
Cn/dar/a se place dans ùn courant artistique donL Ken Rinaldo fait partie. Rinaldo utilise
l' i ntell igence artificielle afi n de donner un comportemenl v/valll à son installalion AUlopo/es/s'. Le
système cie Rinaldo utilise un langngc minimal pour communiquer des fréquenccs sonores
sinusoïdales. Le système réagit à la présence du puhlic ct élolue en conséquence. l,cs automates sont
construits à l'aide de hmnchcs d'arbres, ilfin de tircr parti de la f1C\ibilité cl dc la I·ésistance de ce
matériau. Cn/dar/a se distingue par l'importance donnée à l'aspect sonore el à l'algorithme de
génération sonore, la technologie complètement embarquéc, la reconnaissance et l'interaction vocilles.
1 http://www.ylem.org/artists/krinaldo/emergent1.html
4
1.2 La genèse de la créature
Cnidaria est un projet de recherche artistique qui fail la synlhèsc dc plusieurs dc mes
préoccupations. L'installation interactive combine intelligence artificielle, robot-sculpture et
environnement sonore immersif. Cnidaria questionne notre aptitude à décoder les comportements
d'espèces artificielles différentes de nous et notre habilité à entrcr cn contact mec elles. À un certain
point, l'expérience cnidarienne stimule la réflexion sur les relations imer-csrèccs ou entre des groupes
sociaux différents.
Pour que deux espèces communiquent ensemble, clles uoi",;nt partager un canal de
communication physique et perceptible et un langage formé (le cocles interprétables. S'il n'y a pas de
disposition commune. l'information cloit être tracluite afin de cOITespondre aux caractéristiques de
chaque espèce. L'environnement est un médium dynamique où chaque élémcnt a Ull impact global.
Edward Lorentz appelle cela l'efFet papillon. Donc. deux espèces vjlant (Ians le même environnement
s'influencent, même inconsciemment. Elles se stimulent sans pour autant commulliquer. Ces
stimulations se confondent, dans l'enl·ironnement. à l'ambiance générale.
La communication est l'interprétation cie signes codilïés aux caractéristiques communes. Si le
développement cognitif n'a pas eu lieu dans le même environnement, la compréhensioll, qui est basée
sur une expérience préalable et sur le partage de références. n'cst pas possible. à moins d'une grande
ouverture à l'autre et d'une bonne capacité d'adaptation. Les histoires pculenl se l'aconter, mais leurs
interprétations varient. La communication implique plusieurs IÙl'e,llIX cie COl11act dont la disponibilité
et la complicité.
Cnidaria met les interacteurs dans une situation qui les incite à interagir. Dans une situation
extraordinaire, les codes de conduite changent. Le danger potentiel libère la communication
interpersonnelle de la contingence sociale. C'est la solidal'ilé des temps de crise. La dynamique de
groupe devient plus sourie et plus créatil e pour réussir à contrôler la siluation. Cc n'est ras une mise
en scène que l'on retrouve à l'opéra.
La conception des machines a pris comme inspiration le modèle biologique des cnidaires et plus
particulièrement des méuuses. Leur signification ambiguë, chargée clc malélïces et de beauté, me
fascine. Elles existent depuis 700 millions d'années, cc qui les classe parmi les organismes
pluricellulaires les plus anciens. Elles sont constituées à 98 9(, d'cau Cl leur forme leur permet de
glisser sur les ondes marines sans que les variations de pression ne les écrascill. clics possèdent des
statocystes qui leur permetrent de maintenir leur assiette dans l'eau. Ces statocystes sont des organes
maintenant l'équilibre, sortes d'oreilles archaïques formées de minuscules poches d'cau et de grains de
sable. En transposant ces e.\traordinaires organes de l'univers aquatique au monde terrestre, Ics ondes
deviennent dcs sons ct la communication est alors possible.
Le visiteur est immergé dans un champ de méduses artificielles. Il est cntouré par une colonie
de robots. C'est la rencontre de d~ux sociétés, hommes et machines, ne P,lrl,lgeanl pas le même univers
sensoriel, mais ayant un canal de communication sonorc commun et disposant d'un code simple: allo.
Le jeu commence. Le visiteur peut interagir alec les méduses, s'il en comprend les codcs. Pour cela, il
lui faut les observer pour reconnaître leur langage de robot. L'interactcur est invité il considérer ces
machines comme des animaux artificiels. Comme un enfanl peUl confondre un jouet pour un être. En
cela, Cnic!aria questionne les limites de nos représentalions cl la flexibilité des catégories qui la
composent. Notre capacité à reconnaître le vivant peUl nous sen'ir il considérer la nature comme un
grand tout vivant, où l'homme n'occupc plus la place centrale. En effct. CI/idario dénonce la vision
anthropocentrique de notre société, qui ignore la dilersité ct lïntcnlépcndance des écosystèmes
vivants ainsi que le droit il la vie.
Mon projet de recherche est empreint ct animé de mu préoccupation pour l'écologie. Il prencl à
contre-pied les principes cie compétition clans la sélection naturclle (lhéorie cie "él'olulion) et de lulle
pour la survie où le plus fort gagne. Cc principe eSI tt'ès utilisé comme justification aux inégalités
socio-économiques. Cnidaria part d'une vision systémique du 1 il(1nt et présente un modèle où la
survie (individuelle) est remplacée par la coexistence et la coopération. L'exemple du poisson clown et
de l'anémone de mer est notre modèle. Ces deux espèces échangent des sen'ices. Les tentacules
empoisonnées de l'anémone procurent un habitat sécuritaire au rJOissonoocloll1l qui est immunisé contre
leur venin. En relour, l'anémone se nourril des restes du repas de son hôte. Le projct rcprend ce modèle
dans une métaphore simple: l'anémone représente la machincrie ct le poissoll cloll Il. lïnleracteur.
6
1.3 L'ontologie cie cnidaria
L'ontologie cie Cnidaria est celle d'un être communicant. Sa raison d'être est d'altiser la
curiosité et de divertir. Bien qu'elle puisse servir cie robot de compagnie, clle n'a aucune utilité
pratique, Comme machine, Cnidaria provient de la tradition des objets surréalislcs. Cependant, la
manifestation artistique n'est plus lil représentation d'une forme dilns un objet, mais se situe clans les
processus d'émergence. On ne représente plus, on produit des génératcurs clc représentations. Le
travail artistique se concentre donc sur le fonctionnement dc ces processus générateurs, là où s'inscrit
son ontologie.
Qui sommes-nous? Cette question est toujours présente dans le travail d'interprétation
artistique de nos réalités, dans ses méandres. Les approches artistiques actuelles ont été bouleversées
par les avancées des sciences de la vie. La compréhension cie la réilJilé à changer ct cie ce que nous
croyons être aussi, Actuellement, les scientifiques enfantent dcs créaturcs méclicinales dont l'existence
nous bouscule. La science a chassé l'Homme du centre de l'unilers pour le pl,lccr à la périphérie du
réel, à l'intérieur d'un moncle multiple et complexe, correspondant ilU rythme cie nos 1 ies économiques.
Les biotechnologies se développent, repoussa ni les frontièrcs clu l'il'ililt el clu nalure!. Noire culturc, par
le travail cles artistes, cherche des rcprésentations acceptables cie ces changements pour permellre leur
assimilation idéologique. Les nanoteehnologies nous l'hèlent cks unil'ers sans lien perceptuel avec le
nôtre et dont la logique est étrangère à notre culture. La culture cherche de nouveaux modèles afin
d'accepter ces nouvelles réalités. Nous sommes en contact avec des systèmes informatiques, chimiques
ou biologiques ne pouvant pas être pel'çus par nos sens. Le lieu de représcntation n'cst plus visible, il
est à l'intérieur des choses, dans leur génétique. Ce n'est plus la contemplation d'un paysage créé par
Dieu, mais bien un paysilge qui s'auto-construit dans la jonction cie scs énergies el dans sa relation à
l'environnement. L'artiste ne modifie plus les apparences, mais bien l'ossature interne, lil structure de
la réalité. L'action de 1'interacteur ou de l'artiste s'inscrit dans la genèse de l'objet cie la représentation.
Les approches ont changé. L'artiste ne tfilvaille plus les nppmenccs cI'une réalité inaccessible et
inconnue comme nous lil présente la caverne de Platon. L'artiste crée mec l'énergie cie la struclure
interne cles choses. Ses actions ont cles répercussions probables sur les apparences mais non
déterminées. Cette approche change donc l'inconscience etl'indéterminalion du gesle créilteur.
De manière classique, l'artiste peut inscrire ses émotions et ses pensées dans le style de l'œuvre,
son sujet ou ses médiums, Aujourd'hui, il a la possibilité d'inscrirc dcs intentions?t la genèse du sujet
de la représentation. La structure de son œuvre finale, s'il y en a une, est probable mais inconnue, les
7
résultats de son contact 3 l'environnement sont imprélisibles. Nous \"i\"ons des réalités multiples et
simultanées, alors que l'acceptation socialement raisonnable est souvent univoque. Où est le point de
passage?
Enfin, le public ne se contente plus de contempler le paysage ou la vic (l'un autre. Il l'cul vivre
de nouveaux états de conscience. de nouvelles expériences. Il l'eut se surpasscr. sc surprendrc.
Cnidaria est une robot-sculpture autonome qui ne dépcnclljue de son alimcnlation électrique.
Elle accorde son comportement à l'environnement auqucl elle est sensible. Son architecture est de type
modulaire, avec des fonctions et des sous-fonctions ratlacl1écs 8 UIlC séquence d'exécution principale
(une colonne vertébrale) structuranl le cycle dcs processus indépcndanls. 1.<1 duréc globale d'e.xécution
varie dépendamment des modules. Le résultat des fonctions est rnpponé dans une mémoirc glohale
disponible à toutes les autres fonctions du programme. Cilie/aria possède ainsi une mémoire où clle
sauvegarde des informations proyenant de ses perceptions. Elle disccrne des éléments sonores
constituant la base d'un langage pri miti f. Ce code a une fonction cl' exci lation qui la sti mule. Elle a
aussi, en quelque sorte, connaissance de son corps pm la mesurc de l'amplitude de ses mouvements.
Son enveloppe physique a un impact sur ses processus internes. Bien qu'elle ne possède qu'une
connaissance limitée d'elle-même, elle se représente comme étant plus 011 moins calme ou agitée.
L'automate se représente ses états émotifs par des posilions sur une échelle de valeurs
numériques composée de sei7.e points. Cet axe est la colonnc ICrléhrale, la cohérence du systèmc et
organise les états intérieurs Jes uns par rapport aux <lutres, en l'éponse à !'en\"ironnemenl. Les
mécanismes de perception de l'automate)' sont compi lés. Les élénements réels y sont rapportés.
L'automate est capable de se situer pm rapport aux él'énemenls extérieurs et d'y adapter son
comportement grâce à une échelle de l'aleurs abstraite sur laquelle est hasée son comportement.
Pour doter l'automate d'un algorithme simulant une actil ité automne, j'êli choisi le modèle de
programmation génétique (PG). Ce modèle copie les mécanismes dc sélection naturelle. Les spécimens
qui sont le mieux adaptés aux conditions de leur environnemellt sont sélectionnés pour la reproduction.
Leurs caractéristiques génétiques deviennent alors proportionnellement plus influentes dans l'ensemble
de la population. D'une génération à l'autre. les informations génétiques se mélangent pour former de
nouvelles combinaisons. Ce modèle est particulièrement bien adapté all), contraintes des oeuvrcs
médiatiques, qui requièrent constance, redondance et rupture pour être intéressantes. Il est prévisible
mais varié. Il génère plusieurs variations du même thème. Les élénelllents comportent des similarités.
Ils sont familiers, tout en étant différents. Cette caractéristique permet de s'adresser à l'attention du
8
spectateur. Pour attirer son attention, il faut slll'prendre. La surprise arrive d'une rupture dc rythme,
d'une incongruité. Attention, pour ne pas effrayer le visiteur, il faut se garcler de rebondissements trop
nombreux. Une forme lrop libre provoque un sentiment d'insécurité chef les non-iniliés. .le ne suis pas
personnellcment de cet avis, mais je suis forcé de constater que le moderJli~ll1e n'est pas intégré dans la
culture populaire.
L'algorithme est constitué d'un point de référence interactif, jilllesl. que l'on appelle aussi
fonction de référence. Cette fonction détermine l'objectif que le système doit alleinllre. Ce point est
déterminé par l'interaction du système avec J'environnement et lui permet de <) ad<lpler. La fonction
d'évaluation donne le résultat, le score, la pertinence, de chaque indilidu par rapr>0rl aux objectifs. La
fonction de ventilation des résultats (distribution) distribue les indil idus sur un axe
proportionnellement à leur score; les meilleurs individus prennent plus de place sur cel axc et auront
donc plus de chances de se faire sélectionner pour la reproduction. La fonction dc sélection utilise une
échelle stochastique. Le prcmier point de l'échelle est tiré au hasard ct comme les barreaux d'une
échelle, les sélections suilantes se font à intel"l'alle régulier.
Le point de référence correspond à la somme, sur une échelle de seize l'aleurs, des stimulus
r>rovenant des organes de perception de l'autom,lte : la reconnaissance localc ct l'équilibre. JI est
stimulé par l'environnement ou par l'automate lui-même. Cetle échelle de v(lleurs représente l'état
intérieur de l'automate et génère son comportement: 0 =: neutre, 1-.') =: calme. 6-10 =: évei lié, 11-15 =:
agité. La banque de sons a les mêmes catégories.
L'activité globale est le signe litai le plus aisément reconnaiss"ble par l'interacteur. Le
caractère supposé de l'automate dirige j'amplitude et la frécluencc des moul emenLS et des sons. Une
grande activité correspond à un état agité. À J'inverse, le peu d'activité correspond à un état de repos,
de calme. En définitive, quand il n'esl pas stimulé, l'automatc cst calme. À l'inverse, quand
l'interacteur le stimule par le mouvement (toucher) ou 18 voix (Allol), l'automate s'énen'e. Il devient
plus dynamique.
La fonction d'él'aluation compare les échantillons alcc le point de rél"érence. Chaque
échantillon obtient un pointage (score) qui mesure sa proximité au point de référence. Les échantillons
sont ensuite e1assés par leur pointage, du meilleur au moins bon.
Puis, on redistribue cet ensemble sur une échelle de 120 positions Oll chaque échantillon prend
le nombre de positions correspondant à son poi ntage. Lc premier échantillon ohtient les 15 premières
9
positions, le second, les 14 suivantes et ainsi ete suite. Ils oecurent le nombrc ete positions
correspondant à la probabilité ete leur sélection. L'échelle des échantillons possèete 120 positions.
15+ 14+ 13+ 12+ 11 + 10+9+8+7+6+5+4+3+2+ 1+0= 120
Enfin, la sélection des échantillons s'effecllle par la comparaison cie l'échellc des échantillons à
une échelle linéaire à écart fixe de 16 positions. Les échantillons situés au croisement de ces cieux
échelles seront retenus. On commence par une position au hasard entre 0 el 15, ft l'intérieur du premier
échantillon, puis on fait des sauts réguliers de 7 positions (15 / 2 arroncli) jusqu'au dépassement clu
maximum de positions. Le premier échantillon a clonc 100~ de chances c1'être sélectionné, le second
presque autant, le suivant un peu moins et de moins en moins. La probabilité cie sélection de chaque
pointage: 1=15/15=100.00%, 2=14/15=93,33!~, 3=13/15=86.66'Ir, -\'=12/15=80,00%,
5= 11/ 15=73.33%, 6= 10/15=66,66%, 7=9/15=60.00<;{,. 1\=8/15=53.33"lL 9=7/15=46.66%,
10=6115=40.00%, 11=5/15=33.33OK, 12=4/15=26.66%, 1.1=3/1 5=20.o(J'if , 1.:\.=211.1=13.33%,
15=1/15=06.66%,16=0/15=00,00%. L'algorithme génère cles suites cohérentes de laleurs en rappOrL à
l'objectif, le point de référence.
La spécificité cie cette méthode est cie prenclre Jes échantillons ayant les meilleurs pointages
ainsi que certains en ayant cie moins hons. Ce moclèle permet cI'amener clc la clil'ersilé el de la surprise
clans une séquence automatisée. Il agit comme un l'iltre résonant qui renforee une gamme cie
fréquences cléterminées.
Fréquences Frequenceumplifl e~ de COUPUfd
( o
/ Pente./ Je coupUI.}
\
'" Fr QuenCf>
Figure 1.2 : Un filtre résonant
10
1.4 L'écologie algorithmique
L'algorithme principal a un cycle d'exécution répétitif comme une boucle qui tourne ù l'infini,
chaque fois différente, toujolll's semblable. JI s'agit du mécanisme de prise de clécision soutenant
l'identité du robot. Varela définit la propriété de génération, l'aulO{loiesil. comme un système qui
contient une structure interne lui permettant de garder son homéostasie'. Il génère. il son gré, des
formes d'expression uniques n'existant qu'en lui. Bien que l'algorithme ne génère qu'un nombre fini
de combinaisons, le grand nombre de possibilités rend les limites du système respectables. Il ya 1024
combinaisons possibles. II y a quatre banques de seize sons. Chaque son peut êlre individuellement
distribué aux seize positions possibles, soit 16": 16"A = 1024.
L'algorithme ordonne les actions de l'automate dans le lemps, selon la siluation. En effet, il
interprète son environnement et décide alors de son comportement. I.'<llgorithme et l'environnement
sont reliés par une interface, la structure physique du robot. Celle interface combine les fonctions de
perception et d'expression. Elle est dotée de senseurs cie lumière. d'accélération et de reconnaissance
sonore qui recueillent les données cie l'environnemenl ct rendenl le comportemcnt de l'algorithme
visible par l'entremise de ses expressions sonores et cie ses moul'cments.
Le comportement doit être cohérent pour être reconnaissable. La relation entre la réaction et les
circonstances doit être claire. Une certaine simplicité cst nécessaire pour que des comportemcnts
caricaturaux soient perçus. Les mêmes types de réponses uoilenl corresponclre aux mêmes
stimulations. L'interactelll' ne voit que la surface, le résull<lt. La 1ll::lI1ireslatÎon esl la seule manière de
percevoir l'état du système.
L'algorithme, globalement, repose sur l'équilibre enlrc dcux boucles cie rétroaction, l'une
positive et l'autre négative. Le processus interne a un mouvement itératif négatif ajoutant des valeurs
négatives à ehaque cycle, ce qui a eomme conséquence cie donner au système une tendance lourde à
retourner el à se stabiliser autour de zéro. À j'inverse, l'inlerface physique el les processus d'analyse
des données ont une courbe d'excitation exponentielle positive. Le système a donc une réponse
dynamique aux stimuli externes. Juxtaposés, ces cieux moulcmen[s opposés se contrebalancent et
forment un système quasi-stable. Le comportement de l'algorithme est exponentiel dans les eXlrêmes
" Humberto R. Maturana & Frarcisco 1. Varela. AII/0l'0inis ulld CO~lIilioll: TI", RculhtliOIl of lite Livillg. p. 48. «A living system is an homeoSlaTic system \l'hose homeOSlarie organizaTion has ils 0\1 n organizaTion as rhe variable Thal il mainlains constant rhrough the produclion and funcrioning of rhe COII/l'lIlIcn/.\' [hal spccif, il. and is defined as a unil of intcractions bl' this
very organization. »
Il
et linéaire dans les valeurs moyennes. Celle configuration crée un comportement calme dans les
valeurs faibles, assurallila cohérence immersive cie l'espace narratif, alors que la réactivité dynamique
à l'interaction apporte changement et cliversité aux formes narratives. Le comporlement de
l'algorithme est initialement calme. Les stimuli l'excitent et entrnÎnent une C\pression plus vive. Dans
pareil cas, sa séquence d'exécution est plus rapide. En absence cie stilllulation, le robot retourne à son
calme initial. Zéro.
Pour assurer l'équilibre et réguler le comportemenl cie l'automate. la calibration du système est
critique. Il faut limiter sa perception de l'environnement pour qu'il ne soit pas trop sensible et instable.
En effet, l'environnement est insdisissable ; sa définition comprend unc inlïnité de paramètres. Aiin de
composer un univers mesurable et compréhensible. il est clone nécessaire d'occulter une grande partie
du rée] et de réduire ses perceptions à des paramètres limités, soit la lumière, certains codes sonores et
le mouvement.
Pour obtenir des informations cohérentes des senseurs, il l'<lui réduil'e le IHuit et amplifier le
signal. La calibration de la sensibilité des senseurs permet au s)stème c1'être optimisé pour le registre
du phénomène perçu et d'offrir une lecture détaillée des fluctuations. La filtration permet de limiter
l'impact d'erreurs et le bruit électrique dans un circuit. On utilise typiquement un filtre passe bas qui
ne laisse passer que les basses fréquences.
Le robot ne considère pas l'environnement clans son cntier. Le~ données sont filtrées par la
configuration matérielle de son interface. La sensibilité des senseurs est réduite. Le microphone
d'analyse a un rayon de captation limité, ce qui réduit les parasites. Lc programme ré-échantillonne les
données (lumière et mouvement) sur une échelle moins précise pour éliminer les variations infimes et
le bruit. Le ré-échantillonnage des valeurs permet cie récluire le bruil en réciuisant la définition du
signal. Le signal est lissé en récluisant la définition, le nombre de points pos~ibles entre le minimum et
le maximum.
L'environnement de Cnidaria se compose des éléments d'une salle d'exposition, soit la
1umière, l'espace sonore et les i nteracteurs. La lumi nosi té affecte son fonctionnement interne en
servant de générateur stochastique. L'automate est donc différent le jOllr et la nuit. L'acoustique
affecte la reconnaissance sonore. Le niveau de bruit ambiant, comme le bruit blanc cie la ventilation,
voile les données et fausse l'analyse. Les sons ponctuels sont parfois malencontreusement confondus
et reconnus comme des sign,wx. Enfin. les courants d'air. même infimes, donnent à la sculpture de
l'automate des mouvements qui le stimulent.
12
Mais ce n'est pas tout, le robot est aussi autonome. Il peut se passer de stimulation extérieure
car il est en lui-même un générateur de représentations, l'autopoiesis. La proximité des mécanismes
d'expression et de perception forme un arc de réinjection des actions clu robot sur lui-même. Il s'auto
stimule.
1.5 Les comportements individuels et collectifs
L'on peut distinguer deux types cie comportemcnts. Le comportement de l'individu dans son
environnement (la bête dans tous ses états) et le compOriemenl de la colonie (l'ensemble des
individus). Ces deux niveaux se confondent, l'individu étant le plus petit dénominateur commun clu
groupe. La dynamique de groupe est importante clans la compréhension et clans l'appréciation du
projet. En effet, l'ensemble des individus interconnectés forme un réseau social artificiel. Oc cette
organisation ou intelligence artificielle émerge de nouleaux comportements. Nous allons donc traiter
ici du comportement de l'indilidu ct de la colonie face à l'ell\·Îronnement.
C'est à travers le langage cl la culture que l'humain ren,:oit ct comrrend son environnement.
Dans les limites de ses moyens ~ognitifs, l'Homme crée son unil"ers. À l'e\lérieur cie ses limites, il
n'existe rien. Les mots et ce qu'ils évoquent lui permettent de sc saisir du néant. Le vcrbe et les
interrogations qu'il provoque nous conduisent à la connaissance du monde. Devant j'inconnu,
l'Homme s'interroge, échange des observations, communique cie manière lerbale et non verbale ce
qu'il ressent et comprend. Il est donc naturel pour l'Homme d'interagir verbalement et celle aptitude
peut optimiser "interaction homme-machine, grâce à un module de reconnaissance locale"
L'espèce humaine a développé une subtilité de langage inégalée, pouvant saisir des réalités
abstraites, inexistantes. impossibles. Les illOIS contiennent une ou plusieurs significations propres qui
varient selon Je contexte cul turel cl' interprétation et l' enl'i ronnelllcnl. Les informalions contextuelles
sur l'état émotif passent par un canal de communication non-I"erbale. Dans une situation nouvelle, qui
n'a pas de référence historique vécue, les indiviclus s'entraident en I)art,lgeanl leur point de vue. Les
différentes attitudes des visiteurs, l'obserl'ation, la confrontation. "c\ploration tactile ct kinesthésique
( ... ), apportent au groupe une richesse cI'interprétation qu'une seule personne ne peut pas avoir. La
vitesse de compréhension du mécanisme, de ce qui se passe là-dessous. cette situation de découverte
est l'un des uniques moments où l'on peut s'adresser à un inconnu. sans être soupçonné de mauvaises
intentions.
13
Chaque automate est cloté cl' un système cie reconnaissancc l'onde configurable rouI' réagir à cles
commancles pré-enregistrées, Ces cocles cie contrôle peul'ent être uniques et s'adresser à un indiviclu ou
communs et faire réagir l'ensemble des automates, Pour compléter l'infrastructure cie communication
émetteur-récepteur, chaque automate possècle une banque cI'échantillons sonores qui constitue son
vocable d'expression, Le vocabulaire de base est caricatural: le cri strident sans moclulation, le cri
strident avec modulation, un son rond à variations cie hauteur et de rythmes scmblablc à une mélodie,
les onclulations lentes. La commancle allo! permet aux automates de sc slimuler en déclenchant
l'excitation. Allo! veut littéralement clire : je veux prendre contact. La struclUre communicationnelle cie
la colonie propage la stimulation d'un indiviclu à l'ensemble du groupe. Lcs robots bavarclent et
s'excitent, pris dans une boucle infinie. Celte sensibilité commune créc la cohésion clu I!roupe,
Un langage rudimentaire, cles mécanismes cie percertion identiques cl la volonté symbolique de
communiquer unissent les automates pour former une colonie, La colonie est un système complexe.
Chaque automate possède un algorithme interactif qui i?-énère ses propre~ stimulations internes, Les
automates sont donc tous autonomes et clifférents à l'intérieur cie la colonie. Cclle configuration
provoque l'émergence cie formes spontanées de régulation clans la circulation de l'information, qui est
l'expression même de Cnidaria. Cette représentation cie l'ewressivité est la rmHière malléable du
projet.
1,6 L'esthétique
Plusieurs aspects de la production possèclent une esthétique. Il s'agit du comportement, cie
l'expression sonore et cie l'aspect visuel.
Le comportement est un ensemble cie signes et de codes faisant état clc 1,1 disl)()silion psychique
et émotive intérieure. Le comportemcnl est une réponse à l'environnemcnt, à un changement. Pour être
remarqué, il doit se clistinguer cles activités normales cie l'automate comme une rupture cie continuité,
un changement de rythme, cI'intensité ou de registre. Pour être significatif, le comportement doit
corresponclre à l'apparition d'un changement significatif clans J'ell\ironnement ou dans la relation avec
l'environnement. Un comportement est clécrit comme normal quand il est une réponse prévisible et
cohérente,
Le comportement de Cnidaria varie sllr une échelle linéaire allant cie très calme à très agité.
Partant de la référence avec l'agilation de la surface de l'eau et cles vagues, les signes extérieurs sont
14
de type ondulatoire. Le comportement s'exprime dans la vitesse, l'amplitude et la complexité dans les
mouvements, le son et la lumière. Le trait de caractère le plus marqué est la capacité d'adaptation d'un
être constitué à 95% de son environnement. Sa physiologie amortit les l'ariations et lui permet de
retrouver son calme rapidement après un saut d'humeur.
Tous les individus ont des comportements différents. En effet. le comportement est le résultat
de l'effet combiné de facteurs différents comme l'émotivité, la raison et la condition physique, Dans
une même catégorie de comportements, plusieurs styles se distinguent. par exemple le comique, le
déprimé, le patient ou le violent.
L'esthétique sonore s'inspire de la l'oix humaine ct d'ulle espèce imaginaire d'oiseau aquatique,
Elle se veut originale tout en respectant l'audition humaine afin cI'être agréahle ct de communiquer de
l'émotion, Les matériaux sonores sont générés par des algorithmes Rëllé/iques basés sur le même
modèle que les méduses, Ils combinent des variations de rythme ct d'oscillation sonore avec des
déplacements cie fréquences. En effet, les émotions tellcs que trembler de pcur ou éclater de rire, sont
des phénomènes contenant une oscillation forte et des lariations de hauteur marquées, Les timbres
sonores évoquent un univers fanraisiste. Les sons sont rudimentaires ct component des silences pour
former un ensemble parfois harmonique, Une densité trop ['orte 8 l'intérieur de chaque élément
individuel engendre une densité globale chaotique.
Mon approche de l'esthétique visuelle est simple: .i'essaie cj'i!tre authentique ct de ne pas trop
me poser de questions, Je me concentre pour être à l'écoute de mes intuitiolls. Avec la matière, il n'y a
pas moyen de défaire ce qui a été fait. Il faut poser le bon geste, En cas d'erreurs. il ne faut pas
chercher à les cacher, cela empirerait. J'aborde volontiers le terme d'art brut. Travailler le latex liquide
est un véritable jeu, Cette matière a des propriétés esthéliques et dynamiques très intéressantes, Le
latex peut être texturé, coloré, moulé pour développer lies eill'eloppes lie rceoUll'ement d'apparence
organique aux propriétés élastiq ues.
La recherche plastique est centrée sur la souplcsse, le dynamisme et la transparence, Les
matières utilisées sont la fibre plastique, le latex et un peu de métal. Ces malières aident la disparition
métaphorique de l'objet dans son environnement. L'objet n'cxiste pas de lui-même, mais sc révèle par
ses réverbérations et sa résistance. Cl1idaria se sert de l'effacement comme c>,istence esthétique.
Comme une méduse dans l'eau, elle s'adapte, se déforme, fillre, glisse,
La structure de l'automate est un équilibre dynamique qui exprime les processus informatiques
internes. Différents modules s'organisent autour d'un a.\e 1 ertical dil'eeteul', La relation entre les
15
parties est souple. Celle souplesse exprime la vie en ce qu'elle a de changeant et d'instable. L'extérieur
est mobile et l'intérieur est stable. L'axe central est une colol1l1e vertéhrule assurant la stabilité de la
structure. Les mouvements donnés aux parties extérieures se répartissenl de l'e\térieur vers l'intérieur
à l'ensemble du robot.
Il existe des critères esthétiques intrinsèques aux arts technologiques: la simplicité, la finesse,
la robustesse el l'unité de la forme et clu fonctionnement. J'ai clone choisi d'e,\plorer la transparence et
la souplesse qui, je crois, répondent à ees exigences. La tl'ansparence laisse voir uniquement
l'expression, dans le lieu intime où s'opère l'art: l'esprit. Car c'est dans l'esprit que l'art existe. Il
puise sa matière dans ce qui nous habite: l'information.
L'information est la forme et la limite de la forme. Ce qui n'est pas compris dans cc qu'elle
contient n'existe pas. Les mécanismes intérieurs de l'automate n'existent pas quand ils ne sont pas
visibles. Autrement dit. il pourrait y avoir n'importe (Iuoi dans la ooîle à surprise. Il faul éviter le
bavardage et réduire le nombre d'éléments au strict minimum nécessaire pour soutenir l'expression.
Une forme dépouillée a un grand pouvoir d'évocation parce que le sens clc l'objet n'est pas circonscrit
et qu'il laisse place à l'interprétation de la pan de l'interaeteur, qui peul alors se projeter dans la forme.
Une oeuvre d'art doit transcender la réalité du visiteur en le menant à se dépasser dans un
ailleurs poétique. Le visiteur doit se sentir dépossédé cie lui-même. Pour cela. il ne doit plus être en
mesure d'analyser la situation dans laquelle il se troul·e. La proposition artistique (Ioit dépasser le
raisonnement et déjouer l'anticipation. Le sentiment cie présence doit êlrc fort.
CHAPITRE II JOURNAL D'UNE DÉMARCHE
La recherche d'une démarche personnellc à tr<Jlers la matérialisation d'intuitions
communicationnelles sous une forme robotique ouverte cl interaClil C conuuit parfois ù un lieu
commun.
2.1 Prototype numéro 1
R3Z est le premier prototype de robot-sculpture Illusicalc d'unc série de cinq. Les propriétés de
Ja matière plastique ressemhlent, par leur souplessc, aux fonctions de régulation d'un réseau de
neurones. Captée par des senseurs et utilisée dans un programme informatique de performance sonore,
cette propriété plastique simule un réseau neuronal. Le programme informatique ulilise une inlerfilce
physique afin de générer et de réguler des impulsions. La structure cie ccllc interface musicale amortit
les mouvements. En régulant les moulements, J'interprétation du jcu musical est détournée, les
habitudes sont déjouées. De nouvelles formes sonores inusitées et incongrucs sont alors possibles.
L'interprétation devient subjective. R3Z génère des données dénuées cie présupposé musical.
Cette robot-sculpture ressemble à un neurone. Elle possède cinq dendrites au bout desquelles
sont placées les entrées et sorties du système. L'entrée du système est un senseur mesurant la stilbilité
de la dendrite, un interrupteur au mercure. La sortie est un moteur IOléltir uéséL\é transférant son
mouvement à la dendrite. Le mouvement de chacune des dendrites est mesuré. Le mouvement des
moteurs se transmet au senseur par le matériau plastique sur lequel ils sont fixés. L'élasticité du
matériau amortit les stimulations faibles comme un filtre et répartit les mouvements puissants dans
toute la robot-sculpture comme un réseau neuronal. Ainsi, le mouvement puissant d'une dendrite va
17
stimuler les autres entrées. Après un déséquilibre prol'oquant une actil alion des moteurs. la robot
sculpture retourne progressilement il la stabilité. Le système a les propriétés ,fun régulateur et aplanit
les données en répartissant les stimulations dans le temps et l'espace, cc qui lui donne des similitudes
avec les réseaux de neurones. Voir DVD.
Les mêmes données, les impulsions émises par les senseurs, sont interprétées de différentes
manières afin cie former une composition sur plusieurs niveaux. Les impulsions sont lraduites
intégralement en son percussir. Les cinq entrées affectent la même grosse-caisse pour obtenir une base
rythmique dense. Indépendamment, chacune des entrées possède un son unique. clair et bref. La
vitesse et les intervalles sont analysés et traités pour être cohérents musicalemenl. La grande variabilité
des données pose des difficultés d'organisation. Par exemple, dans Ic contexte d'une installation, les
écarts de données peuvent être fort grands en raison des momcnls d'in<lction causés par l'absence
d'inreracteurs. Alors que. normqlement, quand un intcractcur jouc. les écarts 1 arient de quelques
dizaines de secondes à quelques millièmes de secondes. L'étalol1l1<1ge des teml)s d'entrée ne peut être
linéaire. L'algorithme de composition doit être en mesure dc s'adapter il de tcllcs données.
2.2 Prototype numéro 2
Le second prototype est une installation immersil'e appel,1I1t la participation du puhlic. À celle
fin, la méduse fut surdimensionnée pour contenir plusieurs intcracteurs dans ses voiles et filaments
synthétiques. Des projections vidéo d'images fantasmatiques colomicnt le blanc laileU\ cie cette espace
intérieur médusaI. Suspendus au corps central, quatre tentacules lumineuses, membres sensibles de la
bête, attendent l'interacteur. Les tentacules sont conçues sur le même principe que le premier
prototype. Elles conjuguent entrée et sortie en un même poi Ill. Toutcfois, cc disposi tif s' inspi re du
scorpion. qui détecte la présence d'intrus grâce à des poils captant Ics librations du sol. Un
microphone piézo-électrique, sur lequel est soudée une corde métallique clc guitare, transforme les
vibrations et les sons en courant électrique. Ce courant électrique est ensuite eonl'eni en données (note
et vélocité) MIDI par un module de percussion électronique. La correspondance des entrées (senseurs)
et sorties (notes) permet d'identifier les él"énements. À chaque tent:lcule correspond une famille de
sons typiques, traités de manières il obtenir plusieurs l'arimions. L'intensité de l'activité détermine
l'échantillon qui est joué. Le déclenchement de la note est déterminé par le seuil d'amplitude du signal.
Dans ces conditions, la calibmtioll des données est cruciale. Une rïltl'atioJl limite 1,1 quantité de données
afin de dégager une sensibilité musicale cOl1\aincante. Voir DVD.
18
L'approche musicale est similaire au premier prototype. Là encore, deux couches sonores se
superposent. La première provient directement du geste de l'interacteur. Les microphones captent des
sons qui sont rediffusés dans les hauts-parleurs pour permettre à 1ïnleracteur de perccvoir son action
dans le paysage sonore. La secondc couche sonore est généréc en réponse au comportement de
l'interacteur, tel qu'analysé pm le système. L'interacteur pose donc des gestes sans mesurer toutes leur
portée. Cette indétermination se retrouve constamment dans mes trmau\.
Du point du vue musical, la structure r) thmique n'est pas assez forte pour soutenir l'écoute. Le
déploiement est trop immédiat, ce qui ne laisse aucune place ~l la surprise. La correspondance est trop
littérale. Ce point peut être amélioré en raffinant la sensibiJité des entrées el en modulant la filtration
de la sortie afin d'optimiser l'équilibre dynamique du S)stèmè. encore ici. la superposition de couches
d'échantillons sonores au spectre harmonique trop riche. crée un elle! de rideau (noise) app8uvrissant
la composition d'ensemble. Chaque niveau étant trop complne, l'unité d'ensemhle est diminuée.
2.3 Prototype numéro 3
Le troisième prototype reprend le concept d'interface collcctil'e en y rajoutant 18 notion de
multitude. puisée du modèle de la programmation agent. Pour préciser celle notion, nous parlons de la
propriété d'émergence des systèmes complexes. L'action conjointe de nombreux agents permet
d'effectuer des tâches complexes. Chaque agent ne connaît que quelques instructions simples; c'est
véritablement de leur interaction qu'émergent des comportements de groupe comple\es. Ce modèle a
l'énorme avantage d'être simple et rapide à prototyper.
Encore une fois, la même démarche s'applique. L'automate cst centré <lutour d'un membre
artificiel comprenant le couple émetteur-récepteur, micro piézo-électriljue cl'entrée et haut-parleur de
sortie intégré à la robot-sculpture. Le moteur désa.\é du premier prolotype esl réutilisé et le
microphone provient du second prototype.
L'installation est composée de trois agents, trois méduses. Chacune est connectée à un
programme identique. Ce programme convertit les fréquences en notes MIDI. en arrondissant les
valeurs. Ces notes sont enregistrées dans un séquenceur afin d'être ensuite rcjouées. Le séquenceur
enregistre et rejoue alternativement sur une durée de cinq secondes. Les notes MIDI sont rejouées par
un module de synthèse par saturation de phase (PAf~). Pour augmenter la variété sonore, la hauteur
des fréquences d'entrée est utilisée pour moduler la synthèse de sortie. Les trois méduses ont été typées
19
pour leur donner un caractère singulier et ce, en réglant le niveau de sensibilité du micro et en filtrant
les sorties. L'une d'elles est plus grave, l'autre, plus aigu et une plus puissanle et sourde ft la fois.
Les méduses s'enregistrent entres elles et forment ainsi unc boucle de rétroaction positil'e, un
système itératif. Yoir DYD. Au-delà d'un certain seuil d'énervemcnt, le système s'emballe, ce qui
conduit à une phase de pulsation commune! Des formes sonores émergent de l'ÎnteracLÎon des trois
agents. Mervei lieux. Quand il n'y a pas de sti mulation, l'installation est presque silencieuse.
Comme toujours, j'ajuste le système à un point entre équilibre ct déséquilibre. L'analyse des
notes jouées permet de détecter les phases de répétition. qui sont en quelque sorle un étal slable. Quand
un tel état advient, les moteurs sont activés et brisent ainsi l'équilihre. L'activation des moteurs est
l'objectif à atteindre pour les intcracteurs qui veulent joucr. fis chantent, frottent, grattent et très
rapidement interpellenl les méduses: « Parles-moi! ». Un constat s'impose, les humains sc servent du
langage pour interagir 3I'ec le moncle. Ils le comprennent à travers leur culture ct communiquent à
l'aide de symboles. Le prochain prototype en tiendra compte.
Ce prototype est très convaincant, simple et efficace. Cela dit. un changement technologique
s'est imposé pour trois raisons. Premièrement, la mise en place clu syslème était trop complexe à cause
des nombreux branchements; il fallait le simplifier. Deuxièmement, la puissance de calcul de
l'ordinateur utilisé était disproportionnée par rapport à la simplicité des processus requis; un
microeontrôleur suffil. Enfin, il est paradoxal de parler cI'agents autonomes qU~lnd ceux-ci sont les
parties d'un même programme l
2.4 Prototype numéro 4
Le quatrième prototype est construit autour d'un microeontrôkur à programmation embarquée.
Le BasicSramp a été choisi pour sa simplicité de programmation ct la disponibilité de modules
externes compatibles. La réputation de la compagnie Paralla\ assure lin apprOlisionnement fiable et
une documentation accessible au.\ débutants.
Progressivement, par des séries de tests, la peur et 1ïgnorance se dissi pent. La première étape
d'apprentissage, hautement symbolique, est un «HELLO WORLD 1». Avec la technologie
BasicStamp, cela équivaut à faire clignoter une LED. En effet. la spécificité cie cerre technologie est
20
d'être proche de la machine et de l'électronique avec une programmation de bas niveau. Cet
apprentissage apporte une connaissance profonde de l'informatique et contribue à sa démystification.
Une seconde étape importante est la construction du premier bouton-pressoir. qui révèle deux
aspects essentiels. Premièrement, que la mise à la masse est obligatoire pOUl' neltO)er le bruit parasite
d'une entrée. Deuxièmement, que le programme d'un BasicStamp ne peut raire qu'une seule chose à la
fois. Pendant que le BasicStamp sonde l'entrée du bouton pour connaître son élal, il ne peul rien faire
d'autre! C'est la paralysie ... Il y a deux solutions: SOil on sonde le plus souvent possible l'entrée en
espérant ne pas manquer d'événements, soit on rajoute à l'entrée unc mémoire électrique (un
condensateur) qui prolonge de quelques secondes son état logique. Cet exemple démontrc que les
solutions sont à la fois électromécaniques et informatiques.
Cnidaria est constitué de différents modules: reconnaissance \ocale. interrupteur lilt, leetelll'
d'échantillons sonores, enregistreur sonore et contrôleur de charge pour moteur De. Chaque module
est testé et implémenté un après l'autre, pour limiter les erreurs. La démarche est relativement simple.
Elle revient à piloter différents modules à partir du contrôleur. Pour cela, il surrit de connaître le
protocole de communication machine, la communication sérielle. Il raut s'assurer ue la bonne
connexion physique des machines clans les deux sens ct S) nchroniser leur \'ilesse de communication
(baud rate).
Pour les modules. l'interaction sonore est prise en chmge par Ic module de reconnaissance
vocale. Le fonctionnement consiste à comparer ce qui est dit en l'échantillonnant avec un modèle pré
programmé. La reconnaissance (Ost effectuée par lin réseau de ncurones. Pour créer un modèJe, il faut
entraîner le réseau de neurones à le reconnaître. Pour cela, il faut enregistrer à dcux reprises le même
message, si possible dans le contexte final d'analyse. Le programme \ a comparer les dcux échantillons
qui ne devront être ni lrop différents, ni trop semblables. Si tel est Ic C,lS, le modèle créé est prêt
fonctionner. Même s'il peut contenir plusieurs modèles, le module ne peut reconnaître qu'un groupe de
syllabes (mot) à la fois. Reconnaître plusieurs mots demande de scénariser leur enchaînement logique;
dans le cas contraire, on risquerait de ne jamais rien trouver à dire. La scénarisation d'une suite de
mots me semble artificielle. Je préfère donc ne reconnaÎlre qu'un seul mot, le simple «Allo '». Ce mot
exprime parfaitement la rencontre. À chaque mot ["econnu, le module cn\oic au microcontrôlcur un
message sériel. Le moteur DC est alors activé et j'hélice tourne, ce qui permet à l'inleracteur de
constater son influencc et facilite ainsi l'interaction.
21
Pour la méduse, la détection de l'inclinaison est vitale pour garder l'équilibre. L'automate prend
en compte son mouvement. Un interrupteur au mercure est utilisé pour mesurer le mouvement et
l'agitation du mobile. II ouvre ou ferme le circuit dépendamment de l"inclinaison, cc qui active
l'hélice. L'interaction physique avec ce prototype n'est pas évidente, car son apparente fragilité
n'incite pas le toucher.
L'automate s'exprime par le son. Le module Quadral'ox de lecture d'échantillons sonores
contient deux minutes de contenu audio de basse résolution. Soixantc et quatre échantillons distincts
ont été enregistrés dans cette mémoire à partir d'un ordinateur. Il surfil d'appcler le numéro de
l'échantillon pour que le module le joue. La sortie audio, de ni\l~(llI ligne, est connectée ~I un
amplificateur de sortie.
L'automate enregistre et rejoue des échantillons sonores. Cc comportement mimétique de la
méduse symbolise noll'e ressemblance et notre fusion à l'cl1\ironnement. I.e module SoundApp est un
enregistreur audio de basse résolution très rudimentaire. II pcut enregistl'er jusqu'à cleu\ minutes
d'audio. Il a la même fonction cie réinjection sonore que clans le troisième rrololype.
La forme extérieure du rrototype est complètement dénudée, Son aprarencc est brute malgré la
technologie déployée. Seul le montage électronique exprime un certain choix esthétique: sa forme
globale est carrée et la couleur des câbles codifie et idcntifie les connexions.
C'est à cette étape que je présente mon protot) pe fi Louis Bec ct i1 Marcin Sobieslcznnski.
Leurs commentaires se résument à une exclamation de Louis Hec: « Mais c'est un objet 1 ». La réalité
me rattrapait et je pesais le poids de ma matière. Cette rencontre réoriente alors mes perspectives su l'
l'art sensualiste et sur J'interactivité. L'nrt existe aux tral'ers de nos perceptions, exprime Marein
Sobieszczanski. Et me voici dans un processus d'épuration minimalisle! Le conslnt est cinglant, la
matérialisation de l'objet doit être remplacé par un sujet immatériel. Bec demande: « Que veux-tu
faire .) ». Je réponds: « Un champ de méduses ». Bec renchérit: "Lin espace médusai' ». Il s'ngissait
de donner les propriétés perceptuelles d'une espèce alli male à une installalion spatiale. Bri liant! Me
voici arrivé à mon dernier prototype.
22
2.5 Prototype numéro 5
À ce stade de développement, je ne peux plus changer dc projet, malgré mes nouvelles
perspectives. Il faut continuer le projet en le rendant plus convaincant. Je décide de donner à
l'automate une apparence plus réaliste, plus fidèle à celle de la méduse. L'immatérialité s'exprime
dans la transparence de la matière, sorte de dématérialisation symbolique de l 'objel. Ne connaissant
pas de matière organique pouvant servir à la fois d'em"eloppe et de structure. les matières plastiques au
latex sont utilisées à cette fin. Les composantes électroniques restent visibles. Elles sont rattachées à
l'axe central vertical. L'enveloppe est fai le d'un rideau de fi bres plastiques disposées en couches
autour de cet axe. Ces fibres brillent et créent un jeu de lumière et unc présence discrète. La tête de la
méduse a été modelée en terre pour être ensuite thermofonnée en pl c. Îrès résistante, cette partie a un
fini industriel qui la distingue du reste cie l'ensemble.
Pour donner un aspect plus organique à la robot-sculpture, la tête est recouverte de tentacules et
de voilettes de latex qui se mélangent aux fibres plastiques. Cc matériel est trop lourd et mériterait
d'être animé par des moteurs. De la peinture phosphorescente a été zijoulée au latex pour lui donner un
aspect fantomatique dans l'obscurité et rappeler le modèle biologique de la méduse. La robot-sculpture
est faite pour être exposée dans un espace sombre. La couleur de 13 lumière qu'elle dégage est d'un
vert phosphorescent. Les plaquettes électroniques sont d3ns la même gamme cie tons.
La créature comporte plusieurs moyens d'C\pression qui symbolisent scs rapports à
l'envjronnement ainsi que son état intérieur. Les voyants lumineux (DEL) sont les lémoins de la
fonctionnalité des circuits électroniques. Elles clignotent et passent du vert au rouge, d'une opération à
l'autre. Elles permettent de connaître le processus en cours. Elles sonl c10nc un rcpère temporel et
participent également au détail I"isuel.
Des fils blancs sont accrochés à la tige de plastique pour cn acccntuer les mouvements. Les
vibrations les font onduler. La finesse des fils trahit le moindre glisscment c1'air, même imperceptible.
Ils expriment la légèreté et la suspension. Les nœuds qui se t·orment après une nuit d'activité
témoignent de l'ouvrage du temps. L'extrémité des fibres plastiques l'orme une voie lactée de petits
poi nts brillants, ponctll3tion visuelle flottante.
Le mouvement est indispensable pour animer un objet et lui (lonner un comportement. Dans le
cas d'une méduse, il est naturel de chercher à la faire onduler. Quatre servo-molcurs et une tige de
plastique constituent le dispositif symbolisant les voiles flottant clans l'eau. Les moteurs sont placés au
point cardinaux d'un cercle cie métal rigide. La tige de latex, plusieurs fois plus grancle que le diamètre
23
du cercle, est fixée aux moteurs à distances égales. Les servo-moteurs sont conçus pour se placer et
conserver une position précise. cie zéro à cent quatre-vingts degrés. La torsion exercée par la rotation
du moteur courbe la tige. La synchronisation des moteurs donne à la tige le mouvement d'une onde
sinusoïdale. Ce dispositiF symbolise la fluidité de l'eau, son enl in>nnelllent. Son mouvement est
composé de trois phases correspondant à son comportement. La phase nulle est sans mouvement el sa
forme est plate. La phase d'excitation, lorsqu'il ya reconnaissance d'un mol. crée une ondulation
maximale. Enfin, la phase normale est calquée sur le modèle biologique. Sa forme s'ajuste
constamment afin de garder son équilibre. La position des moteurs est déterminéc par son assiette
globale.
Les automates émettent des sons qui nous interpellent par leur présence et leur émotivité. Les
vibrations rapides et les changements de hauteur chatouillent Ics oreilles. ViF, il mi-chemin entre la
mélodie et le langage, le chant de la méduse ressemble au chant d'un oiseau aquatique. Les
échantillons les plus calmes et atmosphériques campent le paysage ';onorc. Plutôt doux el ronds, ils
forment une ambiance homogène. Les bruits mécaniques de l'intérieur de l'automate se mêlel1\ à
l'univers sonore médusaI. Les sons fonctionnels du module cie reconnaissancc l'ocale émettent un BIP
sonore pour marquer les analyses positives. Ce son pur ct dUI' est une référence ù 1<1 machine et fait aete
de sa soumission. Il nous ramène au niveau Fonctionnel dc l'objet. Celle confirmation de commande
nous encourage à interagir. D'un autre côté, ce BIP est égalemenl la preuve des disfonctionnements,
car les erreurs ne sont pas rares. D'ailleurs, il ne faut peut-être pas parler d'erreurs d'analyse mais
plutôt d'événements sonores semblables. On devrait alors considérer ce module comme un générateur
stochastique dont on peut calibrer les probabilités. Toujours esl-il que la reconnaissance de «Allo!»
fonctionne convenablement et demeure joviale.
Pratico-pratique, la robot-sculpture se démonte en quatre panics pour le transport: la tête,
l'enveloppe, le eorps et J'alimentation électriques. La qualité des composantes est importante pour la
fiabilité du montagc électronique. Oc bons connecteurs. rapides et solides, assurenl un temps de
montage court, une quinzaine de minutes, en plus de faciliter une l'éparatiol1 él·entuelle. Les
informations à ec sujet sont difficiles ù trouver, le jargon est complc\e et les fournisseurs ne vendent
souvent que par correspondance et cn grande quantité.
CONCLUSION
Ma compréhension des médias interactifs s'est développée de manière plus structurée pOlir
devenir plus critique grâee à une démarche de création plus méthodique el il la maîtrise des techniques
de production. La réalisation est devenue pour moi un travail pl us rationncl ct moins émotif, cc qui me
permet de mieux évaluer la pertinence d'un projet dans scs objectil's de communication. Celte
expérience m'amène à questionner l'esthétique de la programmation invisible réservée aux initiés. Elle
est la démonstration du snobisme et de la stérilité artistique des approches axées sur la technologie. En
effet, les efforts qui ne sont dirigés que l'ers le but fonctionncl dc l'objet, sans atteinte d'un
symbolisme quelconque, donnent des résultats décelants.
J'ai rencontré Marc Fournel, alors directeur de la production du Vidéogr<lphe. Marc m'a
introduit à la communauté des arts médiatiques et m'a pcrmis de me développer comme artiste
professionnel. Maintenant, je déploie des efforts afin de consolider la pratique et le développement des
médias interactifs. Notre communauté est petite el doil dcvenir une industrie pour permettre à ses
intervenants de gagner Jeur vie.
Ma relation au domaine et les opportunités d'enscignementl]ui m'ont été offertes m'ont permis
d'expliciter et d'approfondir mes connaissances. Ma curiosité m'a mené sur un long chemin
d'apprentissage ardu. Cette expérience m'a apporté une expertise reposant sur une précieuse diversité.
Je connais les joies de l'accompagnement dans une démarche d' apprentissage. Ces moments sont
marquants. On y rencontre des personnes dans une rare situation de questionnement ct de fragilité. On
se rapproche afin de les aider à se développer, à trouver lem démarche. Je sais mon st) le ct' inten'ention
trop directif, mais je ne peux retenir mes idées.
Après avoir passé de nombreuses heures à programmer ou à résoudrc des problèmes, l'écriture
me semble moins ennuyeuse, un moindre mal. C'est peut-être un terrain de création fertile et je vais
désormais m'y attarder. La curiosité technique l'a deI air se restreilH.lre et laisser place à ce qui me
préoccupe depuis toujours: trouver une voie de dépassement. J'ai besoin de retourner à mes racines, la
solitude et la peur, la concentration et l'espoir.
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À trop déshabiller la vie, on devient une dépouille. C'est pour ne pas pereire ma chaleur que je
m'enveloppe de poésie. Je laisse aux autres cyniques ma place à la table routière. Des cadavres encore
tièdes y sont serl'is. Je n'ai plus faim de cette pensée innovante, fumée noire. .le cherche ailleurs au
risque de m'y perdre, de me diluer dans la mer. Au bout du quai, un millier t!'!lori7.ons m·attendent. Et
je construit déjà le bateau.
RÉFÉRENCES
Esthétique:
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Robotique:
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http://wIVIV.antec.nct/ArtProjects/GeorgeStone/BodyBags. html
http://IVIVIV.antec.net/A rt Projects/Mi Iton/Mi 1ton LED.html
http://brucecannon.org/
Programmation:
hltp://W\\·\~llctic-uœwammin~.\.llgL
lillpJj~\v\\),'i:IJffillj()1l5 .() rg�
L'oreille primitivc:
Cubical ParaboJa :
Autopoiesis :
hl( p:I/\\'\V\\ .(s.ucl.ac. ukistalTit. li ich./aull lmÜssi s. hLml�
bl! Il;!!\\'~~~\\'.C'llolal;illa.cI)111/i ode>;. Ill. n)�
Les Cniclai res :
Gorgons:
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