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DOSSIER PÉDAGOGIQUE 2013-2014élaboré par Catherine Duhtérian
professeur missionné par l’Éducation Nationale auprès de la Scène Nationale d’Albi
LES MAINS DE CAMILLEou le temps de l’oubli
COMPAGNIE LES ANGES AU PLAFOND
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Les mains de Camille ou le temps de l’oubli
Objectif Le but de ce dossier est de sensibiliser les élèves au spectacle de marionnettes. Il vise à leur faire découvrir que le théâtre de marionnettes ne se résume pas au divertissement enfantin qu’ils connaissent. C’est un spectacle en effet qui rend hommage au sculpteur Camille Claudel en retraçant les différents moments de sa vie. Objectifs pédagogiques Au collège : Cette étude pourra constituer un prolongement à la thématique « les arts témoins de l’histoire du monde contemporain » en Histoire des Arts ou Histoire en 3°. Elle pourra être aussi l’occasion de s’informer sur l’histoire de la marionnette en tant que genre complétant ainsi la culture artistique de l’élève au sortir du collège. Au lycée : Cette étude pourra prolonger la réflexion sur la femme-artiste qui jusqu’au XIXème siècle possédait un statut bien fragile , peu reconnu et peu accepté, autant dans le domaine littéraire que pictural. Le dossier s’organisera donc en 4 parties :
1. La biographie de Camille Claudel 2. Etude d’une de ses oeuvres « Les causeuses »
3. La femme-artiste
4. Les marionnettes dans l’histoire
5. Pistes pédagogiques 6. Bibliographie, filmographies
7. Annexes
1. La biographie de Camille Claudel
Son enfance • née le 8 Décembre 1864 à Fères-en-Tardenois, petite cité de l’Aisne
• Fille d'un conservateur des hypothèques
• Elle passe son enfance à Villeneuve-sur-Fère, habitant le presbytère que son grand-père, le docteur Athanase Cerveaux, avait acquis.
• Aînée de quatre ans de Paul Claudel, elle impose à celui-ci, ainsi qu'à leur soeur Louise, sa forte personnalité.
• Elevée dans une famille de notables de province, sur laquelle sa mère Louise-Athénaïse règne en maître, elle reçoit l’éducation bourgeoise et rigide d’une jeune fille de son temps. Elle révèle très tôt un caractère fier, enflammé et s’autoproclamant « l’artiste » de la maison, elle tyrannise son entourage. Paul son frère pour d’interminable séances de pose, Louise sa soeur pour le gâchage du plâtre et même la cuisinière pour la cuisson des oeuvres… Son père occupe une place à part dans le
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clan Claudel puisque convaincu du « génie » de ses enfants, il défend le projet d’une installation à Paris où Camille pourrait profiter des meilleurs maîtres.
Paris Très tôt convaincue de sa vocation de sculpteur, elle obtient, en 1881, d'aller à Paris faire ses études. Elle entre alors à l'Académie Colarossi et y a pour maître d'abord Alfred Boucher puis Auguste Rodin. C'est de cette époque que datent les premières oeuvres qui nous sont connues : La Vieille Hélène (Coll. Part.) ou Paul à treize ans. (Châteauroux).
Rodin, impressionné par la solidité de son travail, la fait entrer comme praticienne à son atelier de la rue de l'Université en 1885 et c'est ainsi qu'elle collabora à l'exécution des Portes de l'Enfer et au monument des Bourgeois de Calais.
Rodin
Ayant quitté sa famille pour l'amour de Rodin, elle travaille plusieurs années au service du maître et aux dépens de sa propre création. Parfois les créations de l'un et de l'autre sont si proches qu'on ne sait qui du maître ou de l'élève a inspiré l'un ou copié l'autre. De plus, Camille Claudel se heurte très vite à deux difficultés majeures: d'une part, Rodin ne peut se résoudre à quitter Rose Beuret, sa compagne dévouée des débuts difficiles et d'autre part, certains affirment que ses oeuvres sont exécutées par le maître lui-même.
Buste de Rodin par Camille Claudel
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Le besoin d’indépendance et la rupture douloureuse
Elle tente de s'éloigner et l'on perçoit bien cette tentative d'autonomie (1890-94), tant dans le choix des thèmes que dans le traitement, avec des oeuvres comme La Valse (Paris, Musée Rodin) ou La Petite Châtelaine (Paris, Musée Rodin). Cette mise à distance va jusqu'à la rupture définitive en 1898.
Blessée et désorientée, Camille Claudel voue alors à Rodin un amour-haine qui la mènera à la paranoïa et l'enfermement psychiatrique. La rupture est narrativisée dans l'oeuvre à juste titre célèbre qu'est l'Age mûr.(Paris, Musée d'Orsay)
Une non-reconnaissance tragique
Elle s'installe alors 19 quai Bourbon et poursuit sa quête artistique dans une grande solitude malgré l'appui de critiques comme Octave Mirbeau, Mathias Morhardt, Louis Vauxcelles ou du fondeur Eugène Blot. Celui-ci organise deux grandes expositions, espérant la reconnaissance donc un bénéfice moral et financier pour Camille Claudel. La critique est élogieuse mais Camille Claudel est déjà trop malade pour en être réconfortée.
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Après 1905, les périodes paranoïaques de Camille Claudel se multiplient et s'accentuent. Selon elle, Rodin retient ses sculptures pour les mouler et se les faire attribuer, l'inspecteur des Beaux-Arts est à la solde du maître, des inconnus veulent pénétrer chez elle pour lui dérober ses oeuvres. Elle vit alors dans une grande détresse physique et morale, ne se nourrissant plus et se méfiant de tous.
Ses rapports avec sa mère
Les rapports entre Camille et sa mère sont très conflictuels. Dans le roman d’Anne Delbey, Une Femme, l’auteur nous présente sa mère comme une femme jalouse de sa fille. Elle est en effet jalouse de la relation que son mari entretient avec elle. Il est obnubilé par son talent et oblige sa femme à déménager sur Paris pour la carrière de Camille. Plus tard, la mère de Camille verra d’un très mauvais oeil sa relation avec Auguste Rodin, un homme marié. A la mort de son mari, Louise-Athénaïse reprendra les reines de la famille en faisant interner sa fille de force. Le spectacle Les Mains de Camille fait la part belle à cette relation compliquée qui marque la vie de Camille Claudel. Ses rapports avec son frère Paul Claudel Camille est très proche de son frère Paul jusqu’aux premiers voyages de celui-ci. Dans leur enfance, c’est Camille qui embarque son frère dans ses aventures, elle lui parle beaucoup de ses rêves, de ses projets de sculpture, ne doutant jamais de ses capacités. Elle aime beaucoup son frère qu’elle appelle affectueusement « Mon petit Paul ». Paul Claudel s’éloignera de sa soeur à l’âge adulte. Au retour de ses différents voyages, Paul prendra des nouvelles de sa soeur, lui donnera un peu d’argent… Pour autant, il ne la visitera presque jamais lors de ses trente années d’internement. Son internement pendant 30 ans
En effet, son père, son soutien de toujours, meurt le 3 mars 1913 et elle est internée le 10 mars à Ville-Evrard puis transférée, à cause de la guerre, à l'hôpital de Montdevergues situé sur la commune de Montfavet à côté d'Avignon (84), hôpital qui est d'ailleurs toujours en activité.Durant ces années, Camille Claudel est mise au secret. Personne ne peut lui rendre visite, elle ne peut recevoir de courrier et ne peut non plus en envoyer. Pourtant elle écrira de nombreuses lettres à sa mère, à son frère et même au directeur de la prison pour plaider sa cause et tenter de sortir. De plus, durant ces trente années il lui sera interdit de sculpter. La pire des punitions pour cette artiste qui mit sa vie en jeu pour assouvir sa passion. Elle y meurt trente ans plus tard, le 19 octobre 1943.
Sont proposées en annexe quelques lettres de la correspondance de Camille Claudel extraites de l’édition d’Anne Rivière et de Bruno Gaudichon. La teneur de ces lettres montre toute la complexité des relations familiales et apporte une approche « à la fois objective et subjective de la vie de Camille Claudel ».
2. Etude d’une ses oeuvres « Les Causeuses »
Le spectacle « Les Mains de Camille » se construit autour d’un quatuor de filles : une chanteuse à la voix sensuelle Awena Burgess, une violoncelliste Martina Rodriguez, Camille Trouvé marionnettiste et Marie Girardin comédienne. Ces 4 filles racontent l’histoire de lutte, d’abandon et d’oubli , en hommage à l’oeuvre de Camille Claudel « les causeuses ».
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Les Bavardes ou Les Causeuses
ou La Confidence
(1893-1905)
La lettre de décembre 1893, déjà plusieurs fois citée, de Camille à Paul Claudel témoigne de l'importante créativité de l'artiste dans les années 1893-1894. Dans ce document, en effet, apparaît également l'une des oeuvres clefs de la carrière de Camille Claudel, un petit groupe très original qu'elle intitule, dans un premier temps, La Confidence : « trois personnages en écoutent un autre derrière un paravent »
Pour M. Morhardt, l'idée du groupe naquit de l'observation de « quatre femmes assises les unes en face des autres dans l'étroit compartiment d'une voiture de chemin de fer et qui semblaient se confier on ne sait quel précieux secret »[2]. Étude d'après nature, et s'inscrit-elle dans une série de groupes mettant également en scène des observations de la vie quotidienne et projetés à la même époque.
Il convient d'associer à cette oeuvre un nombre inconnu de plâtres (au minimum huit). En 1897, Camille Claudel présente à la Société Nationale la version achevée de son groupe, travaillée dans l'onyx vert et le bronze.
Les nuances notables entre ces réalisations successives tiennent essentiellement au traitement du paravent, le groupe de personnages semblant presque immuable.
Le groupe fut bien accueilli par la critique qui saluait une oeuvre totalement originale ; ainsi, Charles Morice écrivait-il : « Les Bavardes (...) appartiennent en propre à Camille Claudel, personne avant elle n'avait fait cela, personne ne l'a refait après elle : dans des silhouettes aussi réduites matériellement et encore limitées par la recherche des seuls modelés essentiels, qui donc a mis tant d'expression, si intensément vivifié les attitudes et groupé les unités dans un si naturel mouvement de vie ? »[8]. Mais davantage que l'originalité, il semble que ce soit essentiellement la haute qualité technique, le parti pris de difficulté qui ait valu une bonne fortune à cette oeuvre étonnante : « On s'arrête, étonné et ravi devant cette oeuvre étrange, d'un métier savant et d'une ampleur peu commune »[9], écrit G. Jeanniot en évoquant l'onyx de 1897.
Au-delà de l'originalité de l'oeuvre et de l'habileté de son auteur, les commentateurs sauront également traduire le charme des Bavardes. Rendant compte du Salon de 1895, R. Marx note que « des poses éloquentes, des voussures de dos, des croisements de bras, traduisent, dans un groupe minuscule et admirable, le repliement de l'être tout entier absorbé par l'attention aux écoutes »[10]. La même année, G. Geffroy évoquait une « apparition de vérité intime, poésie de la vieillesse et de l'ombre. C'est
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une merveille de compréhension, de sentiment humain, par les pauvres corps, réunis, les têtes rapprochées, le secret qui s'élabore, et c'est aussi, par l'ombre de l'encoignure, le mystère du clair-obscur créé autour de la parleuse et des écouteuses, une preuve qu'une force d'art est là, prête à créer des ensembles »[11]
[2] M. Morhardt, art. cit. p. 744.
[8] Ch. Morice, 1905, p. 610.
[9] G. Jeanniot, 1897, p. 413.
[10] R. Marx, 1895, p. 119.
[11] G. Geffroy, 1895, art. cit., p. 225.
3. La femme-artiste
Une femme dans un monde masculin Camille Claudel était une artiste femme entourée d’hommes : Auguste Rodin, Paul Claudel, les critiques d’art… Malgré un talent indéniable, elle a dû se battre pour faire ses preuves et montrer au monde de l’art qu’elle avait sa place parmi les hommes. Quelques critiques ont su reconnaître son talent, mais Camille Claudel ne devint reconnue que très tard, une fois décédée. Etre une femme artiste Les femmes ont eu accès à l’école des Beaux-arts en 1897, mais seuls les cours théoriques étaient autorisés, il faut attendre 1900, pour que les ateliers leur soient ouverts. Elles peuvent concourir au prix de Rome en 1903. Avant cela des cours privés s’ouvrent uniquement pour les femmes. Camille Claudel prit des cours à l’académie Colarossi, ainsi qu’à l’Académie de la Grande Chaumière à Paris. Le spectacle Les mains de Camille aborde cette question de la place de l’artiste femme dans un monde d’homme. La compagnie nous montre Camille Claudel travaillant dans son atelier entourée de ses modèles et de ses consoeurs artistes. Elle nous montre également à voir la relation avec les praticiens hommes dans l’atelier de Rodin. Maria Lomer De Vits, Les femmes sculpteurs et graveurs, Paris, 1905, recensa toutes les femmes sculpteurs de paris et en compta 231. Elle dit : « Le mot art n’a pas de sexe et le mot artiste est un substantif de deux genres ». Une seule de ces 231 artistes fut reconnue et exposée à Orsay il s’agit de Camille Claudel avec L’Age mûr.
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Camille Claudel dans son atelier avec Jessie Lipscomb, photographie, 1888
Sculpter le nu pour une femme est indécent La représentation du nu dans l’oeuvre d’une femme faisait l’objet d’un contrôle sévère. Et la censure pouvait être brutale, les femmes pouvaient être exclues des principales expositions et se voyaient refuser des commandes. La censure pouvait être dû à des interprétations erronées de la critique ou encore pire le silence de ces mêmes critiques. Le débat à l’époque se faisait sur la capacité de Claudel à inventer mais surtout sur la légitimité des femmes artistes à représenter un corps nu. La question essentielle repose sur le droit des femmes à accéder au savoir et au débat public sur la sexualité.La Valse fût censurée sous prétexte qu’elle serait une violation des lois sur les bonnes moeurs. Alors que Rodin montre à l’exposition universelle de 1889, Le Baiser rebaptisé Le Péché. Les propos de Rodin sont ambiguës : « […] Laissons-lui le nu car c’est bien et du moment qu’elle ne désire pas la draperie c’est qu’elle la ferait mal ». Camille finit par ajouter une draperie.
mage 1 : La Valse, Camille Claudel, 1889-1905 Image 2 : Le Baiser, Auguste Rodin, 1888-1898, Musée Rodin
Camille Claudel sculptant du marbre, photographie, 1905
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4 Les marionnettes dans l’histoire
Je vous conseille la lecture du dossier réalisé par les enseignants missionnés auprès de la Scène Nationale Equinoxe, avec la participation de Jeanne Champagne, metteure en scène, responsable du Service Educatif d’Equinoxe.
http://www.equinoxe-lagrandescene.com/action-culturelle/1112/DosInfo_marionnettes.pdf
5. Pistes pédagogiques
Arts plastiques - Questionner le support, la matière, la fragilité du papier ainsi que son potentiel créatif. Modeler le
papier en le pliant de manière à ce qu’il prenne vie/forme/volume. - Sur le principe du théâtre d’ombre traditionnel, constituer une silhouette que l’élève animera.
Apprendre à l’animer et gérer les jeux d’échelles, de flou par rapport à la toile. - « Les images et leurs relations au réel » , dialogue entre l’image et son référent réel. Ainsi, une étude
d’œuvres de Basquiat, Picasso ou encore Calder permettrait de travailler sur la source d’inspiration des artistes et de « mettre en regard la matérialité et la virtualité ». Il serait ensuite possible de demander aux élèves de déformer et/ ou de transformer un portrait photo existant.
Français, Lettres, ECJS, Littérature et Société - Travail autour de l’autobiographie. - Rédiger un portrait - Démarrer un débat. Existe t-il aujourd’hui une même distinction entre les hommes et les femmes ? - Elargir le débat en Education civique sur les questions de mixité. Les hommes et les femmes ont-ils les
mêmes droits, en France et dans le monde ?.... Nous vous proposons en annexe, pour aller plus loin dans la discussion, le propos de Nathalie Heinich extrait de Etre artiste. - Rédiger la critique d’une œuvre - Rédiger des fiches d’analyse d’œuvres Histoire , géographie - le professeur peut choisir un itinéraire composé d’une œuvre et/de l’artiste pour traiter le thème
transversal au programme d’histoire « Les arts, témoins de l’histoire des XVIIIe et XIXe siècle », en 3°.
SVT - observation de la marionnette et étude du mouvement et de la façon dont on l’actionne ; Cela
permet à l’élève de mieux comprendre les mécanismes sensoriels et moteurs de la commande nerveuse.
EPS - un travail sur la danse à partir de la gymnastique rythmique et de l’analyse des mouvements et
déplacements.
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6. Bibliographie, filmographie
Livres Histoire de femmes, le 19ème siècle, George Duby et Michelle Perrot Une Femme Camille Claudel, Anne Delbée Correspondance, Camille Claudel, Edition d’Anne Rivière et Bruno Gaudichon Camille Claudel, sa vie, Odile Ayral-Cause Camille Claudel, 1864-1943, Musée Rodin Camille Claudel, Vincent Gravé, Eric Liberge Camille Claudel, une mise au tombeau, Jean-Paul Morel Folie et création, Jean Gilibert Films - Camille Claudel, réalisé par Bruno Nuytten, avec Isabelle Adjani dans le rôle-titre (1988) : film biographique, qui insiste sur la liaison – amoureuse et artistique - tumultueuse de Camille Claudel et de Rodin. - Camille Claudel 1915, réalisé par Bruno Dumont, avec Juliette Binoche dans le rôle-titre (2013) : quelques jours de l’internement de Camille Claudel à Montdevergues, filmés à la manière d’un documentaire ; une réflexion également sur l’art-thérapie puisque Bruno Dumont dirige aux côtés de Juliette Binoche des handicapés mentaux. Vidéos du spectacle http://www.dailymotion.com/video/xvtuor_locb-du-11-decembre-avec-les-mains-de- camille_news?start=5#.UPQWmfIY72E http://www.lesangesauplafond.net/index.php?/les-mains/video/ (Interview de Camille Trouvé et Brice Berthoud)
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