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2014
LA BONNE FOI À L’ÉTAPE DES
NÉGOCIATIONS CONTRACTUELLES EN
DROIT CANADIEN
Chirine Haddad
Chirine Haddad
1
Chirine Haddad
2
La bonne foi à l’étape des négociations contractuelles en droit canadien
Introduction
La bonne foi est à l’origine une notion à laquelle il est impossible de donner une définition
déterminée, donc il faut se demander, qu’est-ce qu’il constitue la bonne foi? Est-ce le concept de
bonne foi a un contenu qu’on pourrait l’identifier? Qu’est-ce qui constitue la bonne foi?
Plusieurs exemples surgissent :
On peut dire qu’un contrat serait de mauvaise foi s’il y aurait un gagnant et un perdant, c’est une
possibilité.
On pourrait définir la bonne foi en se basant sur les résultats de la négociation; c’est-à-dire s’il
y a un bon résultat ça veut dire que les parties ont négocié de bonne foi.
Lorsqu’on négocie de bonne foi, c’est sans l’intention de nuire à autrui.
Si une partie suit une tactique d’intimidation pour obliger l’autre partie à conclure le contrat, on
pourrait ici dire que ses actions sont de mauvaise foi.
La bonne foi c’est de dire la vérité, d’être honnête, sans nécessairement divulguer certain
information.
Est-ce que le concept de bonne foi est un concept flou ou un concept certain?
C’est un concept qui n’a pas un contenu très déterminé.
Est-ce qu’il est plus facile de définir la mauvaise foi? Est-ce que le vendeur du commerce a le
devoir de négocier de bonne foi ou de mauvaise foi?
Les informations qui sont fourni ne doivent pas être faute, il faut divulguer toutes les
informations pertinentes. C’est un concept flou. Et ce n’est pas facile de définir la mauvaise foi.
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La plupart des auteurs avouent que la notion de bonne foi manifeste plusieurs facettes1. Le
dualisme de cette notion se révèle en générale par la distinction établie entre la bonne foi sous
forme de croyance erronée, et la bonne foi sous forme de norme de comportement. On emploie
parfois l’expression « bonne foi subjective » pour référer au cas premier, et de « bonne foi
objective » pour référer au second. Le vocabulaire Capitant illustre ce dualisme et définit la
notion de bonne foi comme suit : « 1) Croyance erronée en l’existence d’une situation juridique
régulière. 2) Comportement loyal que requiert, notamment l’exécution d’une obligation; attitude
d’intégrité et d’honnêteté »2. L’auteur Brigitte Lefebvre propose une définition qui distingue
entre la bonne foi objective et la bonne foi subjective en indiquant que
« [l]a bonne foi se conçoit de deux façons, selon qu’elle est objective ou subjective. La
bonne foi subjective représente l’état psychologique ou intellectuel (ignorance ou erreur)
d’une personne et a une incidence directe sur l’exercice de certains droits et certains
recours. C’est le type de bonne foi auquel renvoient les codes lorsqu’ils traitent de la
prescription acquisitive, de l’accession immobilière, du mariage putatif.3 »
D’autres auteurs ont été poussés par un discours moraliste en essayant de définir la notion de
bonne foi, en considérant que
« [l]es mots « bonne foi », expriment tous les sentiments d’une droite conscience, qui
pousse le désintéressement jusqu’au sacrifice, la loi bannit des contrats les ruses et les
manœuvres astucieuses les procédés malhonnêtes, les calculs frauduleux, les
dissimulations et les simulations perfides, la malice, enfin, qui tout en se déguisant sous
1 Robert Vouin, la bonne foi : Notion et rôle actuels en droit privé français, 1939, Paris: LGDJ, à la p 32 et s.
2 Gérard Cornu, dir, Vocabulaire juridique, 5
e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 1996, sub verbo « bonne
foi ».
3 Brigitte Lefebvre, « La bonne foi dans la formation du contrat », (1992) : 37 RD McGill 1053 [Lefebvre].
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les apparences de la prudence et de l’habilité, spéculant sur la crédulité, la simplicité et
l’ignorance »4
Malgré le lien direct entre la notion courante de la bonne foi et l’attitude psychologique d’un
individu, le concept juridique de bonne foi quant à lui renferme en principe deux éléments :
l’élément psychologique essentiellement associé à la personne, et l’élément moral qui s’en
dissocie, s’attachant plutôt aux valeurs de la société plutôt qu’à la morale individuelle. Ainsi
dans certains cas, l’attitude psychologique sera à elle seul décisive, tandis que dans d’autres cas,
on se rendra compte des considérations extérieures, souvent à connotation morale, afin de
déterminer s’il y a bonne foi ou non; à la suite du doyen Ripert, la doctrine française adopte le
précepte d’une bonne foi qui sert à faire introduire la morale dans le droit positif5. Parfois,
l’intention elle-même perd toute importance. En dépit du fait que la bonne foi est
intrinsèquement perçue comme une question d’ordre psychique, nous constatons que la bonne foi
se dissimule parfois pour céder la place à des considérations extrinsèques.
« Chronologiquement, on voit que la bonne foi que la bonne foi joua un rôle lors du passage du
droit romain archaïque au droit romain classique, qui marque une profonde transformation du
droit. Puis, on trouve dans l’ancien droit, une théorie imprégnée par la bonne foi6 ».
Depuis les dernières décennies, le droit des obligations est en pleine évolution marquée par
une nouvelle philosophie fondée sur la notion de justice contractuelle7.
4 Larombière, Traité théorique et pratique des obligations, vol I p 331, n°5, sous l’art 1134.
5 G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, 4
e éd., Paris, LGDJ, 1949, à la p1.
6 Élise M. Charpentier; Le rôle de la bonne foi dans l’élaboration de la théorie du contrat; (1996) : 26 RDUS 310.
7 L. Perret, « Une philosophie nouvelle des contrats fondée sur l’idée de justice contractuelle » (1980) : 11 RGD
537.
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Pour les fins de notre recherche, nous allons examiner la bonne foi à l’étape des négociations
contractuelles telle que conçue en droit québécois et en common law, afin d’établir une
comparaison entre ces deux systèmes juridiques qui reflètent l'hétérogénéité du droit canadien.
1 : La bonne foi de la perspective québécoise
1.1 : La bonne foi – aperçu général
En droit québécois, le législateur a voulu que le principe de bonne foi gouverne la naissance des
obligations, leur exécution, et leur extinction, comme en témoignent les formules générales
employées aux articles 6, 7 et 13758.
La notion de bonne foi comme telle, n’est pas une création nouvelle du droit québécois. Elle était
présente bien avant la réforme du droit civil. L’influence du droit français est certaine à cet
égard. La bonne foi figurant à l’article 1134 du Code civil français9, n’a pas été codifiée dans le
Code civil du Bas-Canada. Mais malgré cela, les tribunaux ont adopté cette notion en droit
québécois. Pour ce faire, les juges se sont référés au droit français10
. Sous cet angle le droit
français avait un rôle important dans l’évolution du droit québécois.
8 Pierre – Gabriel Jobin, « la modernité du droit commun des contrats dans le Code civil du Québec : quelle
modernité ? » (2000) : 24 RIDC 49.
9 Art 1134 CN.
10 Banque Nationale c. Soucisse et autres, [1981] 2 RCS 339 (disponible sur QL) [Soucisse].
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Ainsi, à l’article 6 CCQ11
on lit ceci : « [t]oute personne est tenue d’exercer ses droit civils selon
les exigences de la bonne foi. ». De plus l’article 137512
indique clairement que « [l]a bonne foi
doit gouverner la conduite des parties tant au moment de la naissance de l’obligation qu’à celui
de son exécution ou de son extinction ». Enfin l’article 713
du présent Code nous rappelle
qu’ « [a]ucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive et
déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi ».
La bonne foi est appréciée objectivement (in abstracto); elle est établie par référence à une règle
de comportement acceptable14
: est-ce qu’une personne raisonnable considère que le
comportement en question est en conformité avec les normes de la société?15
En matière
contractuelle, on peut dire que tous les contrats contiennent une «clause de bonne foi» implicite,
conformément à l'art. 1375 CCQ précité.
L’obligation d'agir de bonne foi gouverne toutes les étapes de la relation contractuelle, dès sa
négociation jusqu’à son extinction, même si dans certains cas, des règles juridiques plus
spécifiques peuvent être employées pour administrer une norme de bonne foi: par exemple, la
responsabilité extracontractuelle ou d'autres principes contractuels peuvent adopter "l'esprit" de
bonne foi soutenu par l'art. 1375 CCQ.
11
Art 6 CcQ.
12 Art 1375 CcQ.
13 Art 7 CcQ.
14 Vincent Karim, Les obligations, vol 1, 3
e éd, Montréal, Wilson & Lafleur, 2009, à la p 54.
15 S. Guillemard, « Tentative de description de l’obligation de bonne foi, en particulier dans le cadre des
négociations précontractuelles », (1993) : 24 RGD 369 [Guillemard].
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1.1.2 L’obligation d’agir en bonne foi à l’étape des pourparlers.
Dans le cadre des négociations, le comportement des parties peut violer l'obligation d'agir de
bonne foi, s’il est abusif ou déraisonnable. Un comportement qui équivaut à une «faute» peut
donner lieu à une responsabilité extracontractuelle. Ainsi, lorsqu’une partie entre en négociation
avec une autre partie, non pas par la fin d’en venir à une entente, mais bien dans le seul but
d’obtenir, par exemple, de l’information privilégiée, le responsable de la rupture des pourparlers
a commis une faute qui peut donner ouverture à la responsabilité extracontractuelle16
. Toutefois,
les parties n’ont pas une obligation de conclure un contrat uniquement du fait qu’elles sont
entrées en négociations. Les parties peuvent négocier pour protéger leurs propres intérêts dans la
mesure où ils ne se comportent pas de façon malveillante ou illégitime17
. "Dans les juridictions
canadiennes de common law, un tel comportement pourrait aussi donner ouverture à un recours
« en fonction des concepts de l’abus de confiance et du manquement à l’obligation fiduciaire18
».
1.1.3. La bonne foi à la formation du contrat
À la formation du contrat, la bonne foi est assurée par le biais de la théorie de vices du
consentement, ce qui reflète le même souci d'équité et relations équitables en matière
contractuelle. À ce sujet, l’auteur Brigitte Lefebvre dit ceci : « [l]e contrat est formé lorsqu’il y a
16
Lefebvre Supra note 3 à la p1058.
17 Guillemard, supra note 15.
18 Lefebvre Supra note 3 à la p 1057.
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accord de volontés. Le consentement doit cependant être libre et éclairé. Il y a vice de
consentement lorsque celui-ci a été obtenu suite au dol de l’une des parties.19
».
Ainsi, par exemple, une partie ne peut pas agir illégitimement ou recourir à la violence pour
obliger l'autre partie à conclure le contrat. Conformément à l'art. 1399 CCQ20
, [l]e consentement
doit être libre et éclairé » et « [i]l peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion. ». L’affaire
Saulnier c Giasson21
, illustre ce principe, où le tribunal a invalidé une clause de garantie
conventionnelle parvenue suite au dol des acheteurs qui étaient en plein connaissance du défaut
faisant l’objet de la garantie. En général, quand l’un des cocontractants n’est pas de bonne foi,
l’autre partie pourra obtenir des dédommagements et le cas échéant, l’annulation de l’entente.
1.1.3. La bonne foi et l’interprétation du contrat
Selon certains auteurs22
, le rôle de la bonne foi est crucial à l’interprétation du contrat; elle se
rajoute aux règles d’interprétation édictées au Code civil. Ainsi, découvrir l'intention des parties
n’est plus la seule tâche qui incombe aux tribunaux lors de l'interprétation d'un contrat, « [l]e
contrat valablement formé oblige ceux qui l'ont conclu non seulement pour ce qu'ils y ont
exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d'après sa nature et suivant les usages, l'équité ou
la loi. » (art 1434 CCQ). Dans leur traité Colin et Capitant23
s’expriment ainsi : « s'il y a doute
19
Ibid, à la p 1059.
20 Art 1399 CcQ.
21 [1990] RDI 578 (CQ), JE 1990-1029.
22 Sébastien Grammond, Anne-Françoise Debruche et Yan Campagnolo : Quebec Contract Law, Montréal, Wilson
& Lafleur, 2011, à la p 17.
23 Ambroise Colin et Henri Capitant, Traité de droit civil, t 2, Paris, D. 1959 à la p 454.
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sur le sens de leur accord, celui-ci doit s'interpréter d'après les règles de la bonne foi, c'est-à-dire
d'après le sens qui, en raison de la matière du contrat, s'imposerait normalement à un individu
honnête, loyal en affaires. »
1.1.4. Bonne foi et l’exécution du contrat
La bonne foi joue un rôle important au niveau de l’exécution des obligations contractuelles.
La Cour supérieur du Québec dans l’affaire Métromédia CMR inc. c Tétreault24
reproduit les
propos du professeur Jean Pineau dans "La Réforme du Code civil", publiée par le Barreau du
Québec et la Chambre des notaires, Tome 11 aux pages 28 et 29:
« 10. Rôle de la notion de bonne foi.
« Parmi les principes du droit des obligations, il en est un qui n'était pas expressément
énoncé dans le Code civil du Bas-Canada, bien qu'il fût fondamental; il est désormais
consacré dans un texte: "La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au
moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction"
(art. 1375). Cette disposition, inspirée de l'article 1134, alinéa 3 C.c. français reprend,
dans le cadre de la théorie des obligations, le principe général que nous livre l'article 6:
"Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi",
ce qui laisse évidemment entendre que l'on ne peut exercer ses droits civils de façon
abusive, comme l'édicte d'ailleurs clairement l'article 7, que l'on soit sur le plan
contractuel ou extracontractuel. C'est dire que la bonne foi doit régner à tout moment au
cœur des relations de droit entre les personnes; certes, il n'y a là rien de nouveau, mais
l'insistance que met le législateur sur cette notion indique clairement que la morale n'est
pas absente du droit des obligations, et devrait sensibiliser le juge, lors de l'analyse qu'il
est éventuellement mené à faire des rapports d'obligation, dans son souci de rendre une
meilleure justice. »
24
[1994] RJQ 777, [1994] JQ 2785.
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10
1.1.5. La bonne foi à l’extinction du contrat
Me Jean Pineau25
, écrit relativement dans La Réforme du Code civil, aux articles 6, 7 et 1375
C.c.Q. que :
« [c]'est dire que la bonne foi doit régner à tout moment au cœur des relations de droit
entre les personnes; certes, il n'y a là rien de nouveau, mais l'insistance que met le
législateur sur cette notion indique clairement que la morale n'est pas absente du droit des
obligations, et devrait sensibiliser le juge, lors de l'analyse qu'il est éventuellement mené
à faire des rapports d'obligation, dans son souci de rendre une meilleure justice. »
Ceci étant dit, la Cour supérieur du Québec a établi dans l’affaire Thalasso PDG
Inc. c Laboratoires Aeterna Inc.26
que: « [q]uant à l'article 1375 C.c.Q., il a plus de pertinence et
son texte couvre non seulement les droits des parties à un contrat, mais leur conduite sur toute la
période s'étendant de la naissance à l'extinction d'une obligation. » et elle poursuit en disant que
« La Cour est d'avis que le but des articles précités [6, 7 et 1375 CCQ] est de permettre au juge
d'atténuer l'effet et la portée d'une obligation légale ou contractuelle, lorsqu'une des parties a fait
preuve de mauvaise foi. »
L’obligation d'agir de bonne foi peut parfois s'étendre au-delà de l'extinction du contrat lui-
même (art. 1375 CcQ). Par exemple, l'employé doit remplir ses obligations de loyauté et de
confidentialité, non seulement au cours de l'emploi, mais aussi lors d'un « délai raisonnable
après la cessation du contrat»27
L’art 2088 CCQ stipule clairement que :
25
Jean Pineau, « Théorie des obligations », dans La Réforme du Code civil, tom 2, Québec, PUL, 1993, à la p 29.
26 [1997] JQ 1619, JE 97-1115.
27 J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations, 4
e éd, Montréal, Thémis, 2001, au para 17.4.
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11
« [l]e salarié, outre qu'il est tenu d'exécuter son travail avec prudence et diligence, doit
agir avec loyauté et ne pas faire usage de l'information à caractère confidentiel qu'il
obtient dans l'exécution ou à l'occasion de son travail. Ces obligations survivent pendant
un délai raisonnable après cessation du contrat, et survivent en tout temps lorsque
l'information réfère à la réputation et à la vie privée d'autrui. ».
Pour les fins de cette présente recherche, nous allons aborder le principe de la bonne foi durant
les négociations, les obligations qui y sont afférents ainsi que les sanctions qui résultent de la
violation de ce principe.
1.2 : la bonne foi à l’étape de la négociation et les obligations qui y sont afférentes
1.2.1 : La bonne foi à l’étape des négociations selon la jurisprudence et la doctrine
québécoise :
Le droit civil québécois attache une grande importance à la notion de bonne foi, de sorte que les
parties qui négocient ont l’obligation d’agir en bonne foi, que les négociations aboutissent à une
entente ou qu’elles échoppent. "En droit civil québécois, cependant, il faut négocier, (...) les
conventions en toute bonne foi28
".
Il semble communément admis que la bonne foi gouverne aussi bien les relations contractuelles
que précontractuelles. Outre le fait que le législateur québécois avait envisagé l’application de la
bonne foi aussi bien dans l’exécution que dans la formation du contrat, ce principe a été mis à
profit dans les relations précontractuelles.
L’obligation de négocier de bonne foi est reconnue depuis fort longtemps dans la doctrine
civiliste québécoise; l’auteur Brigitte Lefebvre affirme à ce sujet que « [l]a bonne foi est sous-
28
Hôtel de l'aéroport de Mirabel Inc. c. Aéroports de Montréal, [2003] JQ 9406, [2003] RJQ. 2479.
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12
entendue et doit exister tant lors de la phase précontractuelle qu’au moment de la formation du
contrat29
».
Par ailleurs, la personne qui s'engage dans un processus de négociation doit avoir la ferme
intention de conclure le contrat projeté. Il est contraire à l'obligation de bonne foi d'entrer dans
les négociations d'un contrat sans avoir l'intention de le signer, mais dans le seul but de nuire à
l'autre partie ou d'obtenir des renseignements privilégiés. Les deux parties doivent agir dans un
esprit de coopération et se retirer des négociations dès qu'elles perdent l'intérêt de passer ledit
contrat. 30
»
La jurisprudence Québécoise souscrit à la position de la doctrine citée, dans l’affaire Monit
International Inc. c Canada31
, la Cour s’est penchée sur le principe de la bonne foi lors des
négociations en soulignant l’importance de ce principe qui « doit inspirer tous les actes juridique
et, à tout moment », et elle a conçu « la rupture des pourparlers » comme « un fait générateur de
responsabilité » :
« 50 Les parties ne sont plus des tiers lorsqu'ils entrent en pourparlers. De cette
situation naît des obligations; leurs violations constituent une faute génératrice de
responsabilité. L'obligation de négocier de bonne foi est reconnue par les tribunaux du
Québec.
51 On ne doit pas rompre les négociations sans justification lorsqu'on a suscité chez le
partenaire une confiance dans la conclusion d'un accord.
[…]
53 L'obligation de négocier de bonne foi interdit à une partie de s'engager dans un
processus de négociations en sachant qu'il ne mènera à rien ou pour d'autres fins. Si
29
Lefebvre Supra note 3 à la p 1054.
30 Vincent Karim; « La règle de la bonne foi prévue dans l’article 1375 du Code Civil du Québec: sa portée et les
sanctions qui en découlent », (2000) 41 C de D 435 [Karim].
31 [2004] FCJ 59, 2004 CF 75 [Monit].
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13
généralement la bonne foi n'exige pas qu'on divulgue des négociations parallèles, il
demeure toutefois des exceptions très importantes, selon lesquelles il est impératif
d'informer le co-contractant qui croit à l'unicité des négociations ou qui pose une question
à ce sujet».
54 Pour déterminer si une rupture est abusive, certains éléments factuels doivent être
analysés, soit la longueur des négociations, la nature des documents échangés et la qualité
des parties. L'existence de relations d'affaires antérieures joue un rôle prépondérant. Le
degré de confiance est alors augmenté »
Cette approche a été adoptée par la décision de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Cie
France Film inc. c. Imax Corp.32
, où on lit le passage suivant :
«37. L'obligation générale de bonne foi dans la formation des contrats n'impose point de ne pas
rompre les pourparlers contractuels mais elle commande de ne pas y mettre fin sans justification
lorsqu'on a suscité chez le partenaire la confiance dans la conclusion de l'accord. »
Cependant rien dans le Code n’impose de façon expresse aux parties une obligation de bonne
foi à l’étape de négociation comme tel. En effet, l’article 1375 CcQ ne vise que le cas où il y a
formation d’un contrat, et non celui où une partie décide de mettre fin soudainement aux
négociations. Malgré l’absence de dispositions spécifiques imposants aux négociateurs une
obligation de mener leurs pourparlers de bonne foi, la majorité des auteurs ainsi que la
jurisprudence sont, toutefois, d’avis que les parties, à l’étape des négociations, doivent obéir à un
certain nombre de devoirs qui viennent restreindre l’exercice de leur droit de ne pas contracter33
,
tout en opérant une distinction entre l’obligation de négocier de bonne foi et l’obligation de
négocier.
32
[2001] JQ 7084,109 ACWS (3e) 893.
33
Paul-André Crépeau, avec la collaboration d’Élise Charpentier, Les principes d’UNIDROIT et le Code civil du
Québec : valeurs partagées?, Toronto, Carswell, 1988, à la p 56.
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14
1.2.2. Distinction entre l’obligation de négocier de bonne foi et l’obligation de négocier :
Le droit civil québécois opère une distinction entre l’obligation de négocier de bonne foi et
l’obligation de négocier proprement dite. Comme la Cour d’appel au Québec le souligne:
« [o]n doit faire une distinction entre l'obligation de négocier de bonne foi et l'obligation de
négocier. L'obligation de négocier ne doit s'imposer qu'une fois que les pourparlers sont
solidement amorcés
Les discussions ou les négociations en vue de renouveler un bail ne peuvent forcer les parties à
conclure un contrat.34
»
De son côté la doctrine soutient cette distinction comme suit :
« [n]ous somme dans le contexte des négociations où d’aucune façon les parties ne se
sont engagées à contracter. Lorsque les négociations sont rompues pour cause de
mésentente, mais en tout bonne foi, il semble a priori impossible qu’il en résulte une
sanction. Puisqu’il s’agit d’une obligation de moyen, aucun des cocontractants n’a
l’obligation de fournir un contrat valable à l’autre partie. Cependant devons-nous en
arriver à la même conclusion lorsque les négociations sont rompues après une longue
période de pourparlers, à cause de l’attitude malveillante d’un des contractants qui n’a
pas de motifs valables? Ne pouvons-nous pas y voir un comportement socialement
inacceptable? Lorsqu’une partie entame des négociations avec une autre partie, non pas
dans l’intention d’en venir à une entente, mais bien dans le seul but d’obtenir par
exemple, de l’information privilégiée, nous sommes d’avis que le responsable de la
rupture des négociations a commis une faute qui peut donner ouverture à la responsabilité
délictuelle.35
»
Ainsi, le simple fait pour une partie d’entrer en négociations n’implique pas nécessairement que
cette partie a l’obligation de poursuivre ces négociations jusqu’à ce qu’elle conclut un contrat.
34
Monit, supra note 31 aux para 84 et 85.
35 Lefebvre, supra note 3 à la p1058.
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15
Cependant lorsque les pourparlers sont engagés, ils doivent se dérouler en bonne foi, ce qui sous-
entend de les mener honnêtement et de ne pas y mettre fin promptement, sans aucune raison
valable, comme nous avons déjà signalé.
« Cette obligation dont le contenu réel demeure à plusieurs égards énigmatique a toujours été
perçue comme une obligation de moyen36
», puisqu’il semble toujours possible de mettre fin aux
pourparlers, l’obligation n’étant pas tellement de réussir la négociation mais plutôt d’utiliser tous
les moyens disponibles afin d’en aboutir à un résultat qui serait estimé satisfaisant par un
négociateur prudent et raisonnable.
Ainsi « [l]'obligation de négocier de bonne foi peut globalement être définie «comme la
recherche par les deux parties de solutions dans une volonté positive d'entente». Elle ne
comporte pas, cependant, l'obligation de conclure une convention collective37
» par exemple.
L’obligation de négocier de bonne foi comme obligation de moyens est traitée dans l’affaire
Nunez c Lloyd’s Electronics Limitée38
, dans le cadre d’une convention collective de travail où la
cour établit que :
«L'obligation imposée aux deux parties, l'employeur et l'association accréditée, de
négocier de bonne foi implique un comportement de nature à engager une discussion (ou
négociation positive) "en vue de conclure une convention collective de travail", une
recherche apparente de solutions bilatérales et synallagmatiques, une attitude démontrant
un effort véritable et réel d'entente.»
36
Jean-Pierre Villaggi; « La convention collective et l’obligation de négocier de bonne foi »; (1996) : 26 RDUS 357.
37 Ibid, à la p359.
38 [1978] TT 193, à la p119.
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16
En effet, même si la liberté contractuelle peut comprendre le droit de rompre les négociations,
encore faut-il que l'exercice de ce droit n'ait pas été réalisé de façon abusive39
.
Cela étant, il s’agit d’établir dans quelles situations où une partie pourra raisonnablement rompre
les négociations sans engager sa responsabilité.
1.2.3 La façon de rompre les pourparlers
La bonne foi « est invoquée pour délimiter la liberté de rompre les négociations »40
. Selon la
majorité des auteurs québécois, les exigences vont s’accroitre lorsque les négociations atteignent
un certain degré de maturité accompagnées d’un certain degré de formalisme41
et où à un certain
moment une relation de confiance s’établit entre les négociants. Ainsi, il sera relativement
pratique de mettre un terme aux négociations après la première prise du contrat s‘il s’avère que
les parties négociantes n’ont pas eu vraiment de terrains d’entente communs. Toutefois, la
situation changera, quand les parties négociantes se seront entendues sur les grands paramètres
de l’opération et qu’elles auront pris la peine de constater leur accord de principe, contrat
préparatoire ou leur lettre d’intention dans un document précontractuel42
.
39
J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations, 3e éd, Montréal, Thémis, 1996, p 106-107.
40 Mackaay Ejan, Leblanc Violette et Kost-De-Sèvres Nicolette , « L'économie de la bonne foi contractuelle », dans
Benoît Moore, dir, Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, à la p 421 et s.
41 Jean Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 5
e éd., Cowansville, Yvon Blais, 1998, n° 95
[Baudouin].
42 Rainville c Jolicoeur, [2000] JQ 13, JE 2000-201 (l’honorable juge Louise Otis cite l’auteur Jacques Ghestin qui
associe aux contrats préparatoires une obligation contractuelle de bonne foi; aux paragraphes 51 et 52 de la décision
on lit : « 51 Dans un autre registre, celui de la responsabilité précontractuelle, l'auteur Jacques Ghestin, dans son
Traité de droit civil (J. Ghestin, Traité de droit civil - la formation du contrat, 3e éd., Paris, L.G.D.J., 1993, no 344, p
316), précise que les accords de principe font émerger une obligation contractuelle de négocier de bonne foi sur les
prémisses convenues. Il définit l'accord de principe comme "l'engagement contractuel de faire une offre ou de
Chirine Haddad
17
De fait, selon la doctrine québécoise, plus la lettre d’intention intervient à un stade avancé des
négociations, plus il sera difficile aux parties de remettre en cause les éléments qui y sont
consignés. Ainsi ce qui a été tout à fait acceptable au début des négociations devient
répréhensible et, au risque d’exagérer, l’obligation qui n’était au départ qu’une obligation de
moyens se transforme, au fur et à mesure des négociations, en ce qui serait presque ce qu’on
appelle une obligation de résultat. Effectivement une exécution partielle des prestations prévues
dans un contrat préparatoire pourrait être facilement traduite comme une reconnaissance tacite
d’un engagement de la part de l’une des parties négociantes43
.
La jurisprudence québécoise prévoit, qu’après la signature d'une lettre d'intention non
exécutoire, les parties impliquées doivent se comporter avec diligence puisqu'elles ont
l'obligation de négocier de bonne foi. L'obligation de négocier de bonne foi n’empêche pas une
partie de rechercher son propre intérêt mais plutôt lui impose un devoir de traiter avec l'autre
partie de manière raisonnable, prudente et diligente. Ce sont les faits et les circonstances qui
permettront au tribunal de déterminer si une partie a agi de manière raisonnable, prudente et
diligente au cours des pourparlers ou lorsque la partie a rompu les pourparlers. Le manquement à
l’obligation d’agir de bonne foi en cours de négociations peut entraîner une responsabilité civile
donnant lieu à des dommages-intérêts, de plus, si le tribunal conclut que les parties se sont
poursuivre une négociation en cours afin d'aboutir à la conclusion d'un contrat, dont l'objet n'est encore déterminé
que de façon partielle et en tout cas insuffisante pour que le contrat soit formé.
52 En l'espèce, pourrait-on prétendre que l'appelant a engagé sa responsabilité précontractuelle? En effet, même si
la liberté contractuelle peut comprendre le droit de rompre les négociations, encore faut-il que l'exercice de ce droit
n'ait pas été réalisé de façon abusive. »).
43
Brigitte Lefebvre; La bonne foi dans la formation du contrat, Cowansville (QC), Yvon Blais, 1997, à la p129.
Chirine Haddad
18
entendues sur les conditions essentielles du contrat mais que la partie n'ayant pas fait preuve de
bonne foi a rompu les pourparlers.
Nous citons à titre d’exemples une décision qui s’est penché sur ce que signifie le devoir d'agir
de bonne foi au cours des négociations lorsque les parties ont signé une lettre d'intention. Avant
de traiter les principes énoncés dans cette décision, il importe de résumer brièvement les faits de
cette affaire de façon à nous permettre d'en percevoir le contexte très particulier. Nous nous
limiterons à l'énoncé des faits pertinents pour notre propos.
La décision clé à cet égard c’est l’affaire Friedman c Ruby44
, où la Cour supérieur du Québec a
procédé à une analyse du devoir d’agir en bonne foi à l’étape des négociations lorsque les parties
qui ont signé une lettre d’intention stipulée comme étant « non exécutoire » concernant la vente
d’une entreprise, n’ont pas réussi à conclure un contrat. Dans ce cas Jeffrey Friedman
(l’acheteur) et Stephen Ruby (vendeur) entament des négociations vers la fin du 2007, les termes
d’une lettre d’intention et commencent à négocier un projet de convention d’achat. À ce stade-ci,
seul Friedman est représenté par un avocat. Stephen choisit de ne pas avoir recours aux services
de son avocat jusqu’au mois de mai 2008, lors de la rédaction du 2ème
projet de convention
d’achat. En Juin 2008, après plusieurs échanges de projets de contrats préparatoires, Ruby avise
Friedman qu’il refuse le dernier projet proposé par celui-ci. En Juillet 2008, le procureur de
Ruby envoie un autre projet de convention d’achat comprenant des modifications de plusieurs
dispositions, accompagnée d’une lettre explicative. Le procureur de Friedman répond que ce
dernier projet est inacceptable, que Ruby (le vendeur) a agi de mauvaise foi, et que son client
44
2012 QCCS 1778 (disponible sur QL).
Chirine Haddad
19
refuse de conclure l’opération envisagée par la lettre d’intention. Friedman entente une action
contre Ruby.
Le tribunal a indiqué que même si le libellé de la lettre d'intention n'en faisait pas un contrat
liant les parties, elle constituait tout de même un engagement précontractuel entraînant
l'obligation d'agir de bonne foi. Le tribunal a repris le principe selon lequel l'une des parties peut
se retirer des pourparlers en cours si elle en vient à la conclusion qu'elle n'a plus intérêt à
conclure l’entente proposée, tant qu'elle agit de bonne foi et raisonnablement. Le tribunal indique
également que la simple absence de bonne foi, même si la mauvaise foi n’est pas prouvée,
constitue en elle-même une violation de l'obligation d'agir de bonne foi. Afin de déterminer si
une partie a manqué à son devoir d’agir de bonne foi, un tribunal comparera la conduite de la
partie dont l'absence de bonne foi est alléguée à celle d'une personne raisonnable se trouvant
dans les mêmes circonstances, qui agit avec prudence et diligence.
À notre avis, la meilleure approche à adopter vis-à-vis la signature des lettres d’intention, c’est
d’examiner le contexte dans lequel se déroulent les pourparlers, les comportements de chaque
partie, ainsi que le contenu de la lettre, notamment s’il comprend véritablement les éléments
essentiels de l’entente. Dans ce cas une rupture des pourparlers sans motifs valables par l’une des
parties peut donner ouverture à un recours contre celle-ci.
Une fois le principe de la bonne foi dans les négociations est posé, on peut s’interroger sur les
obligations qui y sont accessoires. Formulée d’une autre façon il s’agit de déterminer quelles
Chirine Haddad
20
sont les obligations afférentes du devoir d’agir de bonne foi durant les négociations en absence
de toute entente conclue à cet effet?
1.2.4 Les obligations afférentes de la bonne foi :
L’obligation d’agir de bonne foi comprend effectivement un nombre d’obligations, les plus
essentielles, peut-on dire, sont les obligations de loyauté et de coopération, d’information ainsi
que l’obligation de se renseigner.
1.2.4.1 L’obligation de loyauté de coopération
A. Le devoir d’agir avec loyauté :
Le problème que peut poser cette doctrine au stade des pourparlers, c’est qu’elle laisse
entendre que le droit québécois « impose de plus en plus de limites à la [liberté contractuelle] au
nom de la bonne foi »45
En effet ceci ne nie pas qu’à l’étape des négociations contractuelles, la liberté contractuelle
demeure la règle, mais certaines limites, dictées par la bonne foi doivent être tenues en compte.
En fait, comme le souligne Brigitte Lefebvre:
« [l]e Code rejette l’idée que la force obligatoire repose uniquement sur l’autonomie de la
volonté. Il reconnait plutôt que cette force obligatoire découle de la loi qui peut limiter la
liberté contractuelle par l’entremise de certaines règles d’ordre public.
La mise en œuvre de cette idée s’est faite par divers moyens qui relèvent [parmi d’autres]
du principe de la bonne foi »46
.
45
Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 6e éd. par Pierre-Gabrielle Jobin avec la
collaboration de Nathalie Vézina, Cowansville (Qc), Yvon Blais, 2005, à la p 147.
46 Brigitte Lefebvre, « L’évolution de la justice contractuelle en droit québécois : une influence marquée du droit
français quoique non exclusive », dans Jean-Louis Navarro et Guy Lefebvre, dir, L’acculturation du droit des
affaires, Montréal, Thémis, 2007, à la p 208.
Chirine Haddad
21
Imposer un devoir de négocier en bonne foi n’est qu’une interprétation de la fonction
complétive de la bonne foi; lorsqu’une des parties négociante est dans une position où elle peut
contrôler la gestion des intérêts d’une autre partie, la bonne foi comme principe lui impose d’agir
avec loyauté, c’est-à-dire en tenant compte, dans les limites du comportement raisonnable, des
intérêts de cette autre partie. On tente de cette façon de rétablir l’égalité et la responsabilité. Il est
d’ailleurs intéressant de rapporter les commentaires d’un auteur français sur le devoir de
loyauté et d’honnêteté.
« Dans les rapport entre les individus, l’obligation de loyauté est souvent invoquée pour
limiter, supprimer l’exercice d’un droit subjectif ou engager la responsabilité d’un
contractant. Les manifestations de ce devoir en effet sont toujours négatives : il paralyse
ou interdit l’exercice d’un droit, comme s’il exprimait une composante constante de tout
droit, souvent inexprimée, mais toujours sous-entendue.
[…]
La loyauté exige […] bien sûr, ne pas tromper, ne pas mentir. Mais surtout, adopter une
attitude cohérente, une unité de comportement, qui permette à autrui de déterminer avec
confiance sa propre conduite. En ce sens, le contraire de la loyauté est la duplicité,
l’attitude double, qui égare autrui et ruine ses prévisions. 47
»
En d’autres mots, le devoir d’agir avec loyauté vise à restreindre les prérogatives d’une partie
avantagée afin de permettre à son cocontractant désavantagé de veiller à la saine gestion de ses
propres intérêts. Ce devoir suppose de ne pas se comporter de façon à empêcher l’autre partie de
retirer du contrat le profit attendu. Ainsi le devoir de loyauté pourra, par exemple empêcher une
partie de rompre les négociations de façon abusive, de poursuivre volontairement des
négociations manifestement vouées à l’échec ou d’utiliser pour des fins étrangères à la
négociation et sans le consentement de l’autre partie des informations confidentielles obtenues au
cours des négociations. « N’agira pas de bonne foi celui qui profitera de la faiblesse de son
47
François Terré, Philippe Simler, et Yves Lequette, Droit civil, Les obligations, 9e éd, Paris, D, 2005, n°440.
Chirine Haddad
22
cocontractant pour négocier pour lui-même des conditions avantageuses et non pertinentes au
contrat »48
.
Le devoir de loyauté est reconnu par la jurisprudence québécoise où la Cour d’appel du Québec
impose cette obligation au vendeur dans le cadre d’une vente immobilière comme suit :
« Les relations entre un vendeur et un acquéreur d'une propriété immobilière ne
s'assimilent pas à un jeu de cache-cache. Les vendeurs demeurent soumis à des
obligations d'honnêteté et de loyauté vis-à-vis de l'acquéreur potentiel. Connaissant un
problème sérieux, ils se doivent, à tout le moins, de ne pas induire en erreur l'autre partie
en l'envoyant délibérément sur une fausse piste ou en induisant chez elle un sentiment de
fausse sécurité.49
»
De même, dans la décision Monit International on lit : « les négociations doivent être menées
de bonne foi, imprégnées des principes de loyauté et de divulgation et ne pas être rompues sans
justification »50
.
Donc selon ce courant, il serait abusif dans certains cas de rompre les négociations51
. Il y aurait
donc lieu d’aménager le principe de liberté contractuelle pour tenir compte des exigences de la
bonne foi. Ainsi, s’il est acquis qu’une partie n’est jamais obligée de signer une entente, encore
faut-il qu’elle s’abstienne, lors des négociations, d’agir de façon déraisonnable et excessive
causant ainsi un préjudice à la personne avec qui elle négocie.
À notre avis, le devoir de loyauté est une obligation intrinsèquement lié au devoir de négocier
de bonne foi, puisque cette obligation est fondée sur la confiance que doivent les parties, l’une
48
Lefebvre, Supra note 3 à la p 1059.
49 Collins c Proulx-Robertson, [1992] JQ 214, [1992] RDI. 154.
50 Monit, supra note 31 au para 148.
51Ibid.
Chirine Haddad
23
envers l’autre. Le devoir de loyauté assure une protection contre toute rupture péremptoire des
pourparlers ou contre le fait de continuer des négociations vouées à l’échec ou d’utiliser les
informations confidentielles communiquées d’une partie à l’autre durant les négociations.
B. L’obligation de coopération :
Il nous semble intéressant d’observer l’analyse effectuée par la Cour d’appel dans l’arrêt
Supermarché A.R.G. Inc. c Provigo Distribution Inc.52
Dans ce cas, deux supermarchés passent
sous la bannière Provigo. Dès 1981, cette dernière lance un nouveau concept de magasins
d'alimentation connu sous le nom "Héritage". Ces magasins sont détenus corporativement et
Provigo en est donc à la fois propriétaire et gestionnaire. En 1993, Provigo décide de ne pas
instaurer le programme "bas prix tous les jours" dans les supermarchés Provigo conventionnels,
puisque cela risque de nuire à la croissance des magasins Héritage. Le groupe propriétaire des
deux supermarchés poursuit alors Provigo en dommages. La Cour supérieure lui donne raison, et
condamne Provigo à lui payer une somme totale de 3 762 835,20 $. Provigo en appelle de ce
jugement.
La Cour d’appel, impose au nom du devoir de bonne foi et celui de loyauté qui en découle, des
obligations implicites et positives de coopération en fournissant de l’assistance technique et
commerciale et de maintien de la pertinence du contrat pour le cocontractant. Dans sa décision
on lit ce qui suit :
« Le franchiseur possède, en effet, le savoir-faire et l'expertise dans le secteur
commercial particulier où il œuvre et c'est en partie ce qu'il vend à son franchisé. Ce
52
[1997] JQ 3710, [1998] RJQ 47.
Chirine Haddad
24
faisant, il doit, bien évidemment et d'ailleurs dans son propre intérêt, suivre l'évolution
du marché et adapter ses méthodes et ses techniques aux nouvelles réalités. Il doit
cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de loyauté qu'il assume à
l'égard de son franchisé, faire bénéficier celui-ci de son assistance technique, de sa
collaboration donc de ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de
maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que 1-5 considérations motivant
l'affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes. »
Nous constatons clairement que l’imposition de l’obligation de coopération et de loyauté est
une des manifestations directe du principe de ne pas nuire indûment à autrui et pourtant, c’est ce
qui se produit lorsqu’une partie tire avantage d’une situation de domination en niant les intérêts
légitimes de l’autre partie en position de vulnérabilité.
À notre avis ce devoir de coopération renforce les assises de la liberté contractuelle; le
franchiseur est en position de domination sur ses franchisées notamment en contrôlant jusqu’à
90% de leur opérations (approvisionnement emplacement des entreprises, financement,
publicité). Cette domination d’une partie à l’autre, pose un grand risque sur les parties
négociantes, surtout celle qui est en position de vulnérabilité et dépendance de l’autre, où elle se
trouve restreinte dans sa liberté et donc incapable d’assurer la sauvegarde de ses propres intérêts.
Dans ce contexte, la partie en position de domination se voit imposer des obligations de loyauté
et de coopération fondées sur la bonne foi, afin de l’obliger à sauvegarder certains intérêts de son
cocontractant placé dans une situation de vulnérabilité.
L’obligation de négocier de bonne foi comprend effectivement une autre obligation sur lequel
la plupart des auteurs s’entendent : l’obligation de divulguer de l’information.
Chirine Haddad
25
1.2.4.2 L’obligation de divulguer de l’information
L’arrêt Banque de Montréal c Bail53
a reconnu et balisé véritablement l’obligation
d’information en droit québécois. Le devoir d’information reconnu par la cour suprême dans cet
arrêt s’avère d’une nature générale et s’applique à tout genre d’entente, même peut-on prétendre
qu’elle s’applique à la phase précontractuelle.
Dans cette affaire, on est face à un appel d'offres, où Hydro-Québec a remis aux
soumissionnaires un rapport géotechnique. Des difficultés sont survenues au cours des travaux,
et Hydro-Québec a modifié ses plans au moyen d'un avenant. Elle n'a pas communiqué le rapport
géotechnique modifié à Bail Ltée et Sotrim Ltée (l'entrepreneur) ni au sous-traitant. Le sous-
traitant a fait faillite. La Banque, cessionnaire des créances, a invoqué l'avenant et poursuivi
l'entrepreneur et sa caution, Travelers du Canada, en responsabilité contractuelle. L'entrepreneur
a appelé Hydro-Québec en garantie, à titre de maître de l'ouvrage. Le sous-traitant a reçu copie
du rapport modifié et s'est aperçu qu'une erreur concernant l'endroit précis des travaux était la
source des difficultés rencontrées durant les travaux. La Banque a intenté une action en
responsabilité délictuelle contre Hydro-Québec.
La Cour suprême a jugé qu’Hydro-Québec était dans une situation informationnelle privilégiée
puisqu’elle avait en sa possession des documents qui dévoilent que la vraie nature du sol n’était
53
[1992] ACS 66, [1992] 2 RCS 554 [Bail].
Chirine Haddad
26
pas convenable à la méthode de travail imposée par les ingénieurs d’Hydro-Québec, bien que
cette information occupe une grande importance pour l’entrepreneur ayant la charge d’exécuter
les travaux requis. Hydro Québec a omis de transmettre cette information à l’entreprenant
général, causant ainsi la faillite du sous-entrepreneur responsable de ces travaux. Or, il est
évident que l’entrepreneur général ainsi que son sous-entrepreneur étaient en situation de
vulnérabilité informationnelle. Cette vulnérabilité n’est pas causée par la négligence de
l’entrepreneur puisqu’il était tributaire des informations fournis par Hydro-Québec dans les
documents de soumission et ne pouvait obtenir lui-même ces informations à un coût raisonnable.
Selon ces circonstances, Hydro-Québec était débitrice d’une obligation de renseignement et
devait divulguer tous les renseignements en sa possession afin que les soumissionnaires puissent
protéger adéquatement leurs intérêts. En omettant de respecter son devoir de divulgation
d’information elle a menacé les droits et intérêts de ses cocontractants, et a de ce fait commis une
faute donnant droit aux dédommagements à l’autre partie.
En se référant aux écrits de l’auteur français Jacques Ghestin54
, la Cour suprême définit les
paramètres de l’obligation d’information comme suit:
1- « la connaissance réelle ou même présumée de l’information par la partie débitrice de
l’obligation d’information ».
2 – « La nature déterminante de l’information ».
54
Dans sa décision la Cour suprême reprend le passage suivant de l’auteur Jacques Gestin : « Finalement, celle des
parties qui connaissait, ou qui devait connaître, en raison spécialement de sa qualification professionnelle, un fait,
dont elle savait l'importance déterminante pour l'autre contractant, est tenue d'en informer celui-ci, dès l'instant qu'il
était dans l'impossibilité de se renseigner lui-même, ou qu'il pouvait légitimement faire confiance à son
cocontractant, en raison de la nature du contrat, de la qualité des parties, ou des informations inexactes que ce
dernier lui avait fournies ».
Chirine Haddad
27
3 – « L’impossibilité du créancier de l’obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance
légitime du créancier envers le débiteur ».
À notre avis, ce test proposé par la Cour suprême n’est qu’une consécration de sa part, des
préceptes de liberté, responsabilité et commutativité normative objective. On vise par
l’imposition d’une obligation de renseignement, à rééquilibrer la position des parties dans leur
liberté contractuelle et leur saine gestion d’intérêts. Et il nous semble évident que le test proposé
par la Cour dans l’arrêt Bail, n’est pas lié à la qualité des parties mais à leur situations réelle qui
révèle que l’une des parties est en position de vulnérabilité informationnelle.
En effet, l’obligation de l’information pourrait s’appliquer même entre deux parties
expérimentées ou ayant des statuts similaires mais dont la situation factuelle aurait pour résultat
la vulnérabilité informationnelle de l’une d’elle. La Cour suprême du canada dans l’affaire ABB
Inc. c Domtar Inc.55
a souligné l’importance du déséquilibre résultant des situations factuelles
qui ne sont pas automatiquement reliées à la qualité de chacune des parties cocontractantes.
Il faut par ailleurs indiquer que plusieurs années précédentes l’arrêt Bail, la Cour suprême s’est
penchée sur l’obligation d’information dans l’affaire Banque national de Canada c Soucisse56
55
2007 CSC 50, 287 DLR (4e) 385.
56 Soucisse, Supra note 10 (Dans la décision de la Cour on lit les passages suivant :« dès que la Banque a pris
l’initiative de renseigner la succession sur les obligations de la caution vis-à-vis d’elle, elle s’est obligée à le faire
complètement car des renseignements partiels sont des renseignements trompeurs. La Banque ne pouvait surtout pas
se permettre de révéler ce qu’il était à son avantage de révéler et de taire ce qu’il était dans son intérêt de cacher ».
Et la Cour poursuit en disant :
« [e]n ne révélant pas aux héritières de la caution l’existence et le caractère révocable des lettres de cautionnement,
la Banque modifie unilatéralement la situation à son avantage en rendant les lettres de cautionnement pratiquement
irrévocables. Elle s’est ainsi placée dans une position plus favorable que du vivant de la caution. Elle augmente aussi
sa sûreté puisque les chances sont bien plus grandes que, si elles ignorent le cautionnement, les héritières accepte-
ront purement et simplement la succession de la caution et deviendront ainsi personnellement garantes des dettes
Chirine Haddad
28
précitée, un arrêt clé sur ce point. Ce cas concernait les héritiers d’une caution à qui la Banque
réclamait des sommes pour des montants pour des dettes contractées en majeure partie depuis le
décès de la caution. Cependant, les héritiers n’avaient pas été informés par la Banque du
caractère révocable du cautionnement. Dans ces circonstances la Cour a imposé une fin de non-
recevoir partielle à la demande de la banque, soit pour les sommes contractées depuis le décès.
La Cour a établi que la si Banque prenait l’initiative de renseigner les cautions de l’existence
du cautionnement, elle ne pouvait par ailleurs rompre l’équilibre qui doit gouverner les
prestations du contrat en cachant les modalités qu’il était avantageux de dissimuler.
Dans cet arrêt, la Cour a affirmé qu’elle ne peut accepter qu’une partie omet de dévoiler à
l’autre, en situation de vulnérabilité informationnelle - ce qui était le cas ici puisque les cautions
n’étaient pas en possession d’une copie du cautionnement et ne pouvant que faire confiance aux
dires de la Banque -, qu’une information partielle l’avantageant indûment. En procédant ainsi, la
banque n’a pas agi de bonne foi vis-à-vis les intérêts de ses cocontractantes, alors qu’elle savait
qu’il existait une situation d’inégalité en raison d’un déficit informationnel. En d’autre mots, au
lieu de rééquilibrer la situation de vulnérabilité informationnelle et de s’assurer que les cautions
puisent recouvrir la liberté de la sauvegarde de leurs intérêts, la Banque a accentué l’inégalité des
parties afin de protéger ses propres intérêts au mépris de celui des héritiers.
principales. En se taisant, la Banque obtient donc trois cautionnements additionnels garantis par trois nouveaux
patrimoines en plus du patrimoine de la caution décédée.
[…]
Parce que la Banque a été fautive en ne révélant pas l’existence des lettres de cautionnement aux héritières de la
caution et en les empêchant par-là de les révoquer, la Banque à mon avis est irrecevable à soutenir que c’est sur la
foi de ces lettres qu’elle a consenti de nouvelles avances aux débiteurs. Son action contre les héritières de la caution
est aussi irrecevable car nul ne doit tirer avantage de sa propre faute ni surtout demander le secours des tribunaux
pour y arriver »).
Chirine Haddad
29
En effet, à notre avis, il est légitime de penser que le devoir d’information tiré des exigences de
la bonne foi ne permettrait pas de conclure à la présence d’un devoir général de divulguer des
informations en relation avec l’opportunité ou les risques potentiels de la transaction qui relève
plus précisément d’un devoir de conseil que d’un devoir d’information. La Cour suprême dans
l’arrêt Bail indique qu’ « [i]l faut se garder de confondre l'obligation de renseignement, qui reste
une obligation accessoire, avec l'obligation de conseil, obligation principale de nombreux
contrats, dont les mandats confiés aux notaires et avocats ».
Cependant, un consentement éclairé exige l’exécution de deux obligations : l’obligation de
renseigner et l’obligation de se renseigner.
1.2.4.3 L’obligation de se renseigner.
À l’instar de l’obligation de renseignement, l’obligation de se renseigner tire sa source de la
nouvelle moralité contractuelle dont se trouve imprégné le droit des contrats, et la Cour du
Québec dans l’affaire Banque royale du Canada c Audet57
a clairement souligné que
« [l]'obligation de se renseigner constitue en quelque sorte une limite à l'obligation de
renseignement en ce que le droit des contrats ne saurait sanctionner la négligence et
l'omission de précaution élémentaire. L'art. 1400, alinéa 2 du Code civil énonce
d'ailleurs que l'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement ».
Ainsi, la portée et l’étendue du devoir de se renseigner sont établies en fonction de l’obligation
de renseigner. La première obligation semble un critère déterminant non seulement pour cerner
les limites de l’obligation d’information précitée, mais aussi pour établir si l’autre partie a
véritablement manqué à une obligation de renseignement.
57
[1997] JQ 5549, JE 97-882 [Audet].
Chirine Haddad
30
L’obligation d’agir en bonne foi à l’étape des négociations, prévue notamment par la doctrine et
la jurisprudence, impose à une partie négociante à s’informer sur le droit de son cocontractant, et
le défaut de s’informer doit être sanctionné, surtout lorsque les faits entourant l’entente l’exige à
procéder ainsi. Dans ce cas, la partie négociante a le devoir d’agir de bonne foi en se renseignant,
non pour l’unique fin de se protéger elle-même, mais aussi pour protéger le droit de l’autre partie
avec qui elle communique. Partant de ce concept, l’acheteur dont la bonne foi est contestée doit
porter la preuve qu’il a agi en toute justesse et conformément aux normes sociales que la
collectivité reconnait58
Comme, nous l’avons déjà mentionné, l’existence d’une obligation de bonne foi ne crée pas une
devoir de conclure un contrat, mais bien plutôt une obligation de coopérer de façon constructive
dans la conduite des négociations. Chaque partie a l’opportunité, en vertu du principe de
l’autonomie de volonté de se retirer des négociations mais il est également nécessaire que la
rupture des pourparlers ne soit abusive. Une telle rupture pourra être assimilée à une violation du
devoir d’agir en bonne foi et par la suite engager la responsabilité de celui qui l’a commise.
1.3 La sanction pour violation du devoir d’agir en bonne foi
La question liée aux sanctions de l’inexécution du devoir de bonne foi à l’étape précontractuelle
a fait l’objet au Québec d’une importante évolution jurisprudentielle au Québec. Selon la
décision Banque Royale du Canada c Audet59
précitée, en cas d’un contrat de cautionnement, le
contractant doit avoir en sa possession tous les éléments fondamentale lui permettant de prendre
58
Vincent Karim, « Preuve et présomption de bonne foi », (1996) : 25 (2) RDUS 442.
59 Audet, supra note 57.
Chirine Haddad
31
une décision en toute connaissance de cause. Ainsi le défaut de transparence de la banque a vicié
le consentement de la caution ce qui a entrainé la nullité du contrat par le tribunal. Cette décision
n’est qu’une application du principe de ne pas induire indûment à autrui. Une partie en position
de force imposant un contrat doit en exposer clairement ses termes et s’assurer à ce qu’ils ne
soient pas abusifs. De même dans l’affaire Cadieux c St-A. Photo Corp.60
, une poursuite est
intentée pour annulation d’un contrat conclu de façon dolosive et en violation du devoir d’agir en
bonne foi. Dans ce cas, la partie demanderesse a signé avec la partie défenderesse un contrat de
franchise concernant l’exploitation d’un studio de photographie situé dans un magasin Zellers.
La demanderesse allègue que le représentant de la partie défenderesse lui a fait des
représentations fausses et inexactes quant à la situation financière et à la rentabilité du studio. La
Cour a conclu que :
« La bonne foi est le fondement de toute relation contractuelle. Elle doit gouverner la
conduite des parties (1375 C.c.Q.). Le tribunal est d'opinion que la défenderesse en a
oublié certains éléments quand elle a induit Line Cadieux à contracter. La réticence ou
l'omission de lui révéler la réalité entourant le studio a vicié le consentement donné par
Line Cadieux et est suffisant pour justifier une annulation de contrat et le remboursement
de la somme versée. »
Ainsi, le manquement à l’obligation d’agir en bonne foi en omettant de communiquer certaines
informations à l’autre cocontractant vice le consentement de ce dernier, et cette violation a été
sanctionné par la Cour en annulant le contrat en question.
60
[1997] JQ 1268, REJEB 97-00638.
Chirine Haddad
32
Certains auteurs sont d’avis que le manquement à l’obligation d’agir en bonne foi en omettant
de donner les renseignements fondamentaux au cocontractant est lié au dol, particulièrement au
silence dolosif61
.
L’article 1401 du Code civil du Québec62
a codifié le concept selon lequel le dol peut être un
résultat d’un simple silence. Comme on a déjà mentionné, l’obligation d’agir en bonne foi
comprend également cette obligation d’information, ce qui permet d’assimiler le fait d’omettre
de donner les informations fondamentales à la formation du contrat à un silence dolosif.
La jurisprudence semble être d’être d’accord avec cette analyse où la Cour supérieure a affirmé
dans l’affaire Cie Trust Royal c Entreprises B.M. St-Jean Inc.63
, qu’un simple silence, soit de
dissimuler les renseignements pertinents, peut être assimilé à une des renseignements erronés ou
faux; dans cette décision on lit le passage suivant :
« En bref, le droit à l'information est l'obligation pour toute personne de divulguer à son
cocontractant toute information pertinente à la formation d'un consentement libre et
éclairé. En d'autres termes, c'est l'obligation de transparence, où même le silence peut
devenir fautif. C'est ce qu'on appelle le dol incident. En d'autres termes, cette obligation
de transparence repose sur l'obligation de satisfaire aux exigences de la bonne foi.
[…]
En d'autres termes, le fait de ne pas dévoiler un fait pertinent, c'est-à-dire manquer au
devoir d'informer, constitue une faute dont la sanction consiste soit en l'annulation, soit
à la réduction des obligations assumées dans le contrat. »
Cependant, à notre avis, cette position ne peut être toujours conforme à la réalité, puisque le
dol exige des actes volontaires chez son auteur et à cela s’ajoute un élément intentionnel qui
61
Baudouin, supra note 41 aux pp196, 304 et s.
62 Art 1401 CcQ.
63 [1997] JQ no 1657, REJB 1997-00768.
Chirine Haddad
33
s’apparente à la mauvaise foi. Le manquement au devoir d’agir en bonne foi ne survient pas
toujours avec l’intention malveillante, puisque le critère essentiel à retenir est celui d’un
comportement raisonnable. Le silence n’est pas toujours intentionnel, et le fait de lui attribuer
cette qualification entrainerait un élargissement de la notion du dol. Pour cela, il faut bien
distinguer entre la notion du dol, et le manquement au devoir d’agir de bonne foi, et sanctionner
cette violation en vertu d’une base légale différente de celle du dol.
Par ailleurs, selon nous, il parait possible de sanctionner le manquement au devoir d’agir de
bonne foi en se référant au concept du vice de consentement fondé sur l’erreur prévue à l’article
1400 CcQ64
. Certains cours indiquent que l’exécution même partielle de l’obligation
d’information peut, en raison de l’insuffisance des renseignements fournis, justifier l’erreur
inexcusable du créancier de cette obligation qui aura alors le droit de demander l’annulation du
contrat65
. En d’autres termes, le manquement d’un contractant à son devoir d’agir de bonne foi,
peut mener un tribunal à qualifier d’erreur excusable, une erreur qui est faite par le créancier de
cette obligation qui, sans cette violation, serait probablement conçue comme une erreur
inexcusable.
D’un autre point de vue, certains auteurs assimile le manquement au devoir d’agir de bonne foi à
un abus de droit. Selon Brigitte Lefebvre66
,
« [l]a rupture des pourparlers peut également donner ouverture à un recours sur la base
d’abus de droit. Le contractant a abusé de son droit de négocier et de contracter et a
64
Art 1400 CcQ.
65 3090-6499 Québec Inc. c Hart, [1995] JQ 3231, [1995] RDI. 289.
66 Lefebvre, supra note 3 à la p1058.
Chirine Haddad
34
causé de préjudice à son cocontractant, qui a peut- être perdu une occasion d’affaires,
puisqu’il négociait une entente avec lui. Dans ce domaine, la théorie d’abus de droit ne
fait pas double emploi avec la notion de faute délictuelle. L’utilisation de ce mécanisme
juridique permettra de sanctionner des situations où l’une des parties agit sans malice ou
mauvaise foi, c’est-à-dire sans l’intention de nuire, mais cause par ailleurs préjudice à
autrui. »
À première vue, cette analyse semble simple puisqu’elle est codifiée à l’article 7 CcQ précité.
Par contre cette perspective porte à confusion tant en jurisprudence tant en doctrine.
À notre avis, la notion d’abus de droit exige un droit dont pouvait jouir la partie qui a commis
l’abus. Il faut donc être en présence d’un véritable droit, et non d’une obligation de faire ou de
s’abstenir à faire quelque chose. Cette exigence qui semble être évidente, est pourtant source
réelle de confusion. Nous lisons souvent dans la jurisprudence des commentaires soulignant
qu’un individu avait le devoir d’agir suivant une norme spécifique, et que conséquemment, son
manquement d’agir en conformité avec cette norme entraîne un abus de droit. Ainsi les
expressions comme « [l]e manquement à une telle obligation de loyauté peut entraîner un abus
de droit puisque cette théorie ne se limite pas aux seuls cas où l'on agit avec malice »67
ou «[n]e
pas exercer ses obligations contractuelles de bonne foi constitue un abus de droit68
» nous
paraissent en contradiction avec la notion d’abus de droit.
Cette conclusion qu’on rencontre fréquemment, semble découler de l’arrêt Banque Nationale
du Canada c Houle69
, où la Cour suprême du Canada a reconnu officiellement l’existence de
67
Posluns c Les Entreprises Lormil Inc, [1990] JQ no 2741, JE. 90-1131.
68
Conexsys Systems Inc. c Aime Star Marketing Inc., [2003] RJQ 2875, REJB 2003-46933.
69
[1990] ACS 120, [1990] 3 RCS. 122, (l’honorable Claire L’heureux-Dubé explique ce qu’est l’abus de
droit de la façon suivante : «La théorie de l'abus des droits contractuels est conforme aux principes
fondamentaux du droit civil québécois où les notions de bonne foi et de conduite raisonnable imprègnent
Chirine Haddad
35
l’abus de droit contractuel en droit de contrat. Elle spécifie aussi les critères d’application de ce
concept. Suivant le raisonnement de la Cours, l’abus de droit ne résulte pas uniquement de la
malice ou la mauvaise foi. Il peut aussi être une conséquence d’un exercice déraisonnable d’un
droit. Et c’est dans l’application de ce dernier critère que la confusion entre l’abus d’un droit et la
violation d’une obligation a pris racine.
Ceci étant, la Cour suprême emploie elle-même l’expression « violation d’une obligation
implicite » pour désigner l’abus de droit. Pourtant, droit et obligation sont certainement deux
concepts différents, notamment parce que le terme « obligation » a ici un sens de « devoir ». Or
un droit ne peut être un devoir, il ne peut y avoir un abus de devoir.
L’abus de droit ne peut être analysé comme un manquement à une obligation. Il doit être plutôt
conçu comme le fait de ne pas nuire indûment à autrui dans l’exercice d’un droit. Cette
toute la théorie des droits et des obligations, tant dans le domaine contractuel (art. 1024 C.c.B.C.) qu'extra-
contractuel. Elle correspond également à la philosophie générale du traitement favorable accordé au
débiteur dans les rapports contractuels.
Mais, de façon plus fondamentale, la théorie de l'abus des droits contractuels remplit aujourd'hui une
importante fonction à la fois sociale et économique, celle d'un contrôle nécessaire des droits
contractuels. Bien qu'elle puisse représenter un écart par rapport à la conception absolutiste des décennies
antérieures, qu'illustre la célèbre maxime «la volonté des parties fait loi», elle s'inscrit dans la tendance
actuelle à concevoir les droits et obligations sous l'angle de la justice et de l'équité. […]Si cette théorie ne
faisait pas déjà partie du droit civil québécois, il ne devrait donc plus y avoir aucune hésitation à l'adopter. »
Et plus elle ajoute : «En résumé, donc, il semble que la théorie de l'abus des droits contractuels fasse
incontestablement partie du droit québécois. Fondée au départ sur le critère rigoureux de la malice ou de la
mauvaise foi, la norme servant à apprécier l'existence d'un tel abus s'est élargie pour inclure maintenant le
critère de l'exercice raisonnable d'un droit, tel qu'il est incarné dans la conduite d'une personne prudente et
diligente. Ce critère peut couvrir un grand nombre de situations, y compris l'utilisation d'un contrat à une
fin autre que celle envisagée par les parties. On pourrait donc formuler ainsi le critère approprié : tels droits
ont-ils été exercés dans un esprit de loyauté? Pour ce qui est du fondement de la théorie, suivant la solution
à la fois doctrinale et jurisprudentielle au Québec, c'est bien le régime contractuel de responsabilité qui régit
l'abus d'un droit contractuel puisque, implicitement en droit civil, les parties à tout contrat s'engagent à agir
dans l'exercice de leurs droits contractuels, à la manière prudente et diligente d'une personne raisonnable et
dans les limites de la loyauté. S'il y a violation de cette obligation implicite, la responsabilité contractuelle
est alors engagée à l'égard du cocontractant.»).
Chirine Haddad
36
distinction est importante puisque pour que l’on puisse alléguer un abus de droit, il faut comme
point de départ, démontrer l’exercice d’un droit. Cependant, depuis la reconnaissance de la
théorie d’abus de droit dans l’arrêt Houle précité, dans la plupart des cas, seule un manquement
à une obligation a été démontré. Les manquements à une obligation de loyauté ou d’information
ne doivent pas être examinés sous l’angle d’abuse de droit.
À cette confusion, s’ajoute un débat au sein de la doctrine concernant la nature de la
violation de l’obligation de bonne foi. La règle générale énoncée à l’article 1416 CcQ70
prévoit
de façon expresse que le contrat qui n’est pas conforme aux conditions fondamentales à sa
création peut être frappé de nullité. Cet article ainsi que l’article 1375 CcQ précité qui exige la
bonne foi lors de la formation du contrat, lorsqu’ils sont jumelés justifient une sanction
autonome pour le manquement à ce devoir, à condition qu’on puisse établir, en premier lieu, un
manquement sérieux par le débiteur à son devoir d’agir de bonne foi envers un créancier ayant
les « mains propres » et qu’en deuxième lieu, ce manquement a été d’une importance
remarquable lors de la conclusion de l’entente ou a été l’origine du préjudice subi par une des
parties négociantes en cas de rupture abusive des pourparlers.
Finalement, il est important de déterminer la nature du recours sanctionnant le devoir d’agir de
bonne foi à l’étape de négociation. Est-ce que c’est un recours fondé sur la responsabilité
contractuelle ou extracontractuelle?
La tendance jurisprudentielle ainsi que doctrinal au Québec est que la violation du devoir d’agir
de bonne foi dans le cadre de négociation mène à une responsabilité de nature extracontractuelle.
70
Art 1416 CcQ.
Chirine Haddad
37
Comme il est établi dans la décision Monit International Inc. c Canada 71
« [l]e défaut de
négocier [en bonne foi] entraîne une responsabilité extracontractuelle ». On est ici dans la
logique d’un manquement à un devoir social qui est celle de l’article 1457 CCQ72
. Ce qui
implique évidemment, qu’il faudra démontrer un préjudice et un lien de causalité. L’arrêt Trust
La Laurentienne du Canada c Losier s’est prononcé sur la nécessité de démontrer un préjudice
par le créancier de l'obligation de renseignement, qui repose sur l'obligation de bonne foi73
.
En 1861, Rudolf Von Jehring tentait de trouver un remède aux solutions problématiques
envisagées en Allemagne; une partie qui, ayant pris l’initiative de conclure un contrat avec une
autre partie, désirait par la suite annuler son engagement pour motif d’erreur. À son époque, le
droit Allemand ne prévoyait pas un dédommagement à un cocontractant qui a subi des préjudices
suite à l’annulation d’un contrat pour vice de consentement. Afin de protéger ce cocontractant,
Jhering propos la théorie de la Culpa in contrahendo, théorie qui oblige les cocontractants à agir
de manière diligente à l’étape de négociation et de la formation du contrat. Cette théorie
établissait l’existence à l’étape de négociation, d’une sorte d’avant contrat dont l’une des
obligations implicites était d’imposer aux parties l’obligation d’agir avec bonne foi et diligence
lors des pourparlers. Ainsi, la partie qui manquait à ces obligations pouvait être condamné au
paiement de dommages pour le préjudice encouru par son cocontractant. Selon cette théorie la
71
Monit, Supra note 31.
72 Art 1457 CcQ.
73 [2001] JQ 18, JE 2001-254.
Chirine Haddad
38
responsabilité qui peut découler de cette période précontractuelle est une responsabilité
contractuelle74
.
Au Québec le professeur Vincent karim a repris la théorie de Jhering. Selon lui
« [l]a sanction de la rupture des pourparlers ne peut plus être envisagée de la même façon
qu'elle l'était en vertu de l'ancien Code civil. En effet, la nouvelle disposition établit
clairement le concept de la culpa in contrahendo donnant ainsi une base contractuelle, et
non délictuelle, à l'obligation de négocier de bonne foi. Ce concept tient, en droit civil, à
l'existence d'un « avant-contrat » selon les modalités duquel les parties s'engagent à se
comporter loyalement et à collaborer à la recherche d'un accord possibles. En ce sens,
cette obligation peut laisser voir un double caractère ou deux volets : un volet (ou aspect)
positif et un volet (ou aspect) négatif. En ce qui concerne le volet positif, chaque partie
est tenue de fournir l'information nécessaire à l'autre partie pour prendre une décision
éclairée relativement à la conclusion du contrat. Quant au volet négatif, chacune des
parties doit s'abstenir de donner à l'autre de fausses impressions ou de faux espoirs qui ne
pourront se concrétiser relativement à la conclusion du contrat. Une partie aux
négociations ne doit pas, a fortiori, accomplir des actes ou des gestes ayant pour objet de
frustrer ou de décourager son cocontractant et, ainsi, l'amener à mettre fin aux
négociations75
».
Néanmoins nous sommes d’avis que cette perspective ne doit pas influencer la position
traditionnelle de la jurisprudence québécoise quant à la nature extracontractuelle de la
responsabilité attachée au stade des pourparlers, puisque la faute sanctionnée se situe dans une
phase où le contrat n’est pas encore conclu, elle intervient dans des relations où les parties
négociants sont des tiers, l’une par rapport à l’autre. Établir une responsabilité contractuelle à ce
stade risque d’étirer le domaine du contrat jusqu’aux pourparlers qui est en fait «la période
74 Jhering Rudolph von, Culpa in contrahendo oder shadensersatz bei nitchtigen oder nicht zu perfection
gelangetenr vertragen, Iheringsjabrbucher IV (1861), à la p 1 et s ; traduction in O. de Meulnaere, Œuvres choisies,
Paris, 1893, I, p 1 et s; Béatrice Jaluzot, La bonne foi dans les contrats. Étude comparative de droit français,
allemand et japonais, coll. « Nouvelle Bibliothèque de thèses », Paris, D, 2001, aux pp 361, 369.
75 Karim, supra note 30 à la p 459.
Chirine Haddad
39
exploratoire, durant laquelle les futurs contractants échangent leur point de vue, formulent et
discutent les propositions du contrat, sans pour autant être assurés de le conclure »76
. Imposer
une responsabilité contractuelle à cette étape, compromettrait la nature même de cette opération,
puisque à cette étape le projet de conclure le contrat est mal défini ou bien assorti de conditions
imprécises. En raison de leur imprécision, les pourparlers ne lient pas les parties et leur rupture
est libre, sous réserve de l’abus commis par son auteur.
Quel que soit le fondement juridique de la responsabilité de la partie qui a entrainé la rupture
des pourparlers, il suffit que la partie lésée fasse preuve de l’absence de bonne foi de l’autre
partie durant les négociations pour que sa responsabilité soit établie77
. Et telle qu’il est indiqué
par le professeur Vincent Karim,
« [e]n règle générale, les dommages-intérêts sont limités à ce qui est nécessaire pour
replacer la partie lésée dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si elle n'avait
pas entamé des négociations avec la partie responsable de la rupture. Ils doivent donc
principalement couvrir le coût de la négociation, notamment le temps perdu, les frais de
déplacement et de séjour, les études préalables, les frais d'expertise, les honoraires de
conseillers ainsi que toutes autres dépenses liées directement au coût de la négociation.
Cependant, en l'absence de circonstance particulière, les dommages-intérêts ne peuvent
s'étendre au bénéfice perdu qu'aurait pu réaliser la partie lésée si le contrat avait été
conclu.78
»
Reste que le Canada est un des pays où coexistent deux régimes juridiques fondamentalement
distincts; la common law et le droit civil. L’héritage de cette dualité juridique au Canada est le
76
François Terré, Philippe Simler, et Yves Lequette, Les obligations, 11e éd, D, Coll. « Précis », 2013, aux pp 131,
200.
77 Verrelli c Brave, [1994] JQ 2962, [1994] RDI 85.
78 Karim, supra note 30 à la p 460.
Chirine Haddad
40
fruit des rapports de complémentarité historiques que la common law et le droit civil ont
entretenu et qui ont été traduits par l’Acte de Québec 1774 et, plus tard, par le partage des
compétences législatives établi par la Loi constitutionnelle de 1867. Ceci étant, pour une
meilleure compréhension de l’obligation de négocier de bonne foi, il nous parait nécessaire
d’aborder la perspective de la common law vis-à-vis cette obligation, en exposant la position des
tribunaux à son égard.
3. Le devoir de négocier de bonne foi en Common Law
3.1 Le rejet du principe de bonne foi en common law :
Pour l’obligation d’agir en bonne foi à l’étape de négociation, on va examiner dans combien de
cas la Common Law réglemente non pas le contrat en tant que tel mais le résultat des
négociations. Donc la question est de savoir comment la Common Law règlemente sur les parties
qui vont aller vers la négociation, et la question est souvent formulée de la façon suivante : est-ce
qu’il y a un devoir de négocier de bonne foi? Est-ce que le vendeur du commerce a le devoir de
négocier de bonne foi ou de mauvaise foi?
Dans l’affaire Wellford c Miles79
, la question qui surgi c’est est-ce que le vendeur a négocié de
bonne foi ou de mauvaise foi?
Les vendeurs de commerce ont dit qu’ils cesseraient toute négociation avec des tiers, mais en
réalité ils négociaient avec un autre acheteur, même s’ils n’ont pas conclu un contrat avec ce
dernier, cela n’empêche de dire, qu’ils n’ont pas négocié en bonne foi, ils ont induits les Walter
79
[1992] 2 AC 128, [1992] 2 WLR 174 [Wellford].
Chirine Haddad
41
d’agir dans une certaine manière et ensuite ils les ont avisé de la vente de leur entreprise à un
tiers. Donc on peut dire que le comportement de Miles n’est pas un comportement de bonne foi.
Dans l’affaire Westcome TV Group Ltd c CanWest Globa Broadcasting Inc.80
, Est-ce que Global
a agi de bonne foi?
La société Westcom TV Group Ltd, achète de la société CanWest Globa Broadcasting Inc., des
émissions de télévision pour diffusion par ses postes de télévision à Alberta. La question est de
savoir si ce que CanWest Global a fait est de bonne foi ou de mauvaise foi?
Il nous a paru nécessaire de poser ces questions, parce qu’en common law, le débat par rapport
à l’obligation de négocier de bonne foi est fondé en grand partie sur les difficultés de définir le
concept de bonne foi. En faisant un parcours sur la jurisprudence, on pourrait peut-être chercher
à préciser comment la common Law perçoit la bonne foi ou la mauvaise foi. Mais c’est un
concept, selon les tribunaux, qui a quand même une certaine ambiguïté, mais ce problème
définitionnel n’a pas empêché d’autres systèmes juridiques d’adopter le concept de bonne foi,
comme par ex au Québec où on a établi qu’il existe un devoir de négocier de bonne foi et le droit
civil n’a pas eu des difficultés en codifiant la notion de bonne foi.
Par contre la Common Law a toujours rejeté l’idée du devoir de négocier de bonne foi de bonne
foi pour des raisons expliquées dans Wellford c. Miles. Pourquoi est-ce la Chambre des lords
rejette la notion de bonne foi dans Wellford c Miles?
Parce que la nature même de la négociation c’est un comportement intéressé, on cherche à
obtenir le meilleur résultat possible et on est des acteurs égoïstes et on cherche à maximiser nos
80
[1997] 1WWR 761, 29 BLR (2d) 123 (CS) [Westcom].
Chirine Haddad
42
profits et le fait d’imposer un devoir de négocier de bonne foi irait à l’encontre du principe même
de la négociation. Lord Atckin fait le commentaire suivant au sujet de l’obligation de négocier de
bonne foi :
“The reason why an agreement to negotiate, like an agreement to agree, is unenforceable
is simply because it lacks the necessary certainty. The same does not apply to an
agreement to use best endeavours. This uncertainty is demonstrated in the instant case
by the provision which it is said has to be implied in the agreement for the determination
of the negotiations. How can a court be expected to decide whether, subjectively, a
proper reason existed for the termination of negotiations? The answer suggested
depends upon whether the negotiations have been determined ‘in good faith’. However,
the concept of a duty to carry on negotiations in good faith is inherently repugnant to the
adversarial position of the parties when involved in negotiations. Each party to the
negotiations is entitled to pursue his (or her) own interest, so long as he avoids making
misrepresentations. To advance that interest he must be entitled, if he thinks it
appropriate, to threaten to withdraw from further negotiations or to withdraw in fact in
the hope that the opposite party may seek to reopen the negotiations by offering him
improved terms. […]How is the court to police such an ‘agreement’? A duty to
negotiate in good faith is as unworkable in practice as it is inherently inconsistent with
the position of a negotiating party. It is here that the uncertainty lies. In my judgment,
while negotiations are in existence either party is entitled to withdraw from these
negotiations, at any time and for any reason. There can be thus no obligation to continue
to negotiate until there is a ‘proper reason’ to withdraw. Accordingly, a bare agreement
to negotiate has no legal content.”
Ceci étant, la common law perçoit la négociation comme une interaction libre de toute
obligation. Le tribunal ne doit pas prescrire aux parties des obligations auxquelles elles n’ont pas
consenti. La relation entre les parties négociantes est une relation adversative. Les parties
poursuivent leurs propres intérêts où chacune cherche la meilleure stratégie pour accroitre ses
profits. Cette liberté entraine automatiquement des ruses et des manœuvres, et le faite d’imposer
le devoir de bonne foi va à l’encontre de l’utilité des négociations.
Chirine Haddad
43
« La politique sociale du respect de la liberté des parties est fondamentale. Le contrat
étant la loi des parties, celle-ci doivent établir leurs propres obligations. À l’étape de la
négociation, il n’existe pas d’entente susceptible de lier les parties. L’obligation, le cas
échéant, sera de nature délictuelle. »81
La Chambre de Lord dans Wellford perçoit la bonne foi comme concept trop imprécis
puisqu’on n’a pas de définition précise. Donc la Chambre de Lord se base sur un problème de
définition du concept.
Par contre, c’est un argument possible de dire qu’il y a un devoir de négocier de bonne foi, et
qu’un manquement à ce devoir donne droit à une réparation. Ce devoir est reconnu en droit civil
par les 3 articles mentionnés qui soulignent l’importance de la bonne foi.
Dans les affaires, Wellford et Westcom, les tribunaux canadiens et anglais sont très réticents à
reconnaitre un devoir de négocier de bonne foi. Cette réticence est expliquée surtout par rapport
à l’incertitude que le concept de bonne foi peut créer; on parle de 2 formes d’incertitudes,
l’incertitude juridique et l’incertitude pratique. L’incertitude juridique fait référence aux
difficultés que les tribunaux ressentent avec la définition de l’obligation de bonne foi, les
tribunaux révèlent qu’il s’agit d’un concept qui est trop flou, c’est un concept qui n’est pas
susceptible d’une définition suffisamment précise pour permettre aux tribunaux d’identifier ce
qui constitue la bonne foi et ce qui constitue la mauvaise foi, ça c’est le problème de l’incertitude
juridique. L’autre dimension à l’incertitude c’est la dimension pratique; les cours révèlent
81
John Manwaring, « Les contrats » dans Éléments de la common law canadienne : comparaison avec le droit civil
québécois, dir, Louise Bélanger-Hardy et Anne Grenon, Montréal, Thomson Carswell, 2008 à la p 270
[Manwaring].
Chirine Haddad
44
qu’elles sont réticentes à adopter ce concept parce que ça serait difficile pour les parties qui
doivent déterminer leurs actions en fonction des principes juridiques de savoir si leur
comportement constitue un comportement acceptable, et quand on parle d’une incertitude
pratique on parle de l’incertitude du point de vue des personnes actives en commerce qui
cherchent à agir conformément aux principes juridiques pertinents. Si le concept n’est pas
susceptible d’une définition suffisamment claire et certaine ça serait impossible pour les parties
de se conformer au principe juridique82
.
Les cours aussi sont réticentes à reconnaitre une telle obligation parce qu’elles craignent qu’une
telle réforme du droit pourrait créer un surcharge de travail pour les tribunaux c’est-à-dire qu’il y
aurait beaucoup de cas où on allègue la mauvaise foi ou un manquement au devoir de négocier
de bonne foi ce qui augmenterait le travail des tribunaux judiciaires et les juges ne veulent pas
encourager une telle inflation de leurs charges de travail parce qu’ils voient que ça serait
difficile, vu les difficultés de définir l’obligation de bonne foi, de gérer toute cette inondation de
poursuites83
.
Ainsi, les cours en common law paraissent très réticentes de reconnaitre un devoir de bonne
foi.
82
Ibid, à la p271 (« Les tribunaux ont aussi des préoccupations concernant l’incertitude juridique qui résulte de
définitions imprécises. Les juges affirment que parce qu’ils ne savent pas ce que signifie le concept de bonne foi,
cette incertitude incite les parties déçues à intenter des poursuites, ce qui obligent les tribunaux à trop s’ingérer dans
la négociation de contrats. Cette intervention accrue en absence de définition précise crée de l’incertitude au plan
pratique, étant donné que les personnes en cause ne peuvent pas savoir si leurs actes, à l’étape de la négociation,
engagent leur responsabilité envers des personnes avec lesquelles aucun contrat n’a été conclu. »).
83 Ibid.
Chirine Haddad
45
Mais il faut s’interroger sur le bien-fondé de ces objections, parce que s’il est possible pour les
systèmes civilistes de reconnaitre une telle obligation, on pourrait peut-être considérer que les
tribunaux en common law exagèrent l’incertitude qui pourrait résulter d’une telle obligation.
Les systèmes civilistes ne sont pas pris avec des problèmes majeurs à cause de cette obligation
et on ne voit pas pourquoi dans le système de common law on devrait avoir une telle difficulté.
Mais c’est clair que les cours en common law sont réticentes à reconnaitre une obligation de
négocier de bonne foi. Dans l’affaire Wellford84
, la Chambre de Lord voit que cet engagement
de négocier exclusivement avec des acheteurs déçus est sans force et cet engagement s’assimile à
une obligation de négocier de bonne foi et la Cour dit que c’est une obligation qui n’a pas de
contenu précis, c’est une obligations trop imprécise pour être reconnue en common law. Alors,
malgré le fait que les acheteurs avaient fait ce qui se sont engagés à faire, c’est-à-dire obtenir une
lettre de confort de leur banque, malgré le fait qu’ils avaient fourni cette lettre au vendeur, la
cour conclut que cette entente préliminaire n’est pas obligatoire.
Dans Westcom tv group Ltd c CanWest Global broadcasting Inc85
, la Cour rejette le devoir de
négocier de bonne foi, et conclu que Westcom tv group Ltd n’a pas droit de réparation. La Cour
reprend les propos du juge Ackner dans Wellford, et suggère que les parties négociant doivent
avoir une certaine latitude en dissimulant leurs vrais intérêts comme faisant partie du processus
de négociations. Le juge Lowry fait le commentaire suivant :
84
[Wellford], Supra note 79.
85 [Westcom], Supra note80 note au para 13 et 18.
Chirine Haddad
46
“[t]he common law has generally never recognized a duty to bargain in good faith in
normal commercial transactions between parties acting at arm's length […]
Parties involved in arm's length negotiations commonly conceal their true intentions. It is
part of the negotiating process that positions are advanced that do not represent what a
party truly expects or is prepared to agree to in the end. A party may well say it will pay
no more than a stated amount, or agree on no more than a limited term, when in fact it
would pay more or agree on a longer term in order to conclude a deal. Intentions are, in
that sense, commonly "misrepresented" in the interests of achieving a better bargain in
the end”.
Westcom aurait pu, pour se protéger, établir un délai fixe et à l’expiration de ce délai ils sauront
exactement ce qui va arriver et ils pouvaient chercher d’autres solutions aux problèmes des
émissions qu’ils auront à diffuser.
À ce sujet aussi, une décision de la Cour suprême du Canada, est particulièrement intéressante;
l’affaire Martel Building c La Reine86
, où la Cour a procédé à une analyse des avantages et
inconvénients pour la société en générale attachés à l’imposition d’une obligation de négocier de
bonne foi.
La question à trancher par la Cour, était de savoir si l’obligation générale de faire preuve de
diligence de façon à ne pas nuire à autrui, pourrait, s’étendre à la rupture intempestive par une
partie en négociation avec une autre. La Cour en arrive à la conclusion qu’une telle obligation
n’existe pas en droit canadien.
86
[2000] 2 RCS 860, 193 DLR. (4e) 1.
Chirine Haddad
47
« Comme l'ont signalé les tribunaux inférieurs, le droit canadien ne reconnaît pas encore
l'obligation de négocier de bonne foi. Les présents motifs ne portent que sur la question
de savoir s'il y a lieu d'élargir la portée du délit de négligence au contexte des
négociations, et non si les parties devraient être tenues de négocier de bonne foi. Cette
dernière question devra être tranchée une autre fois. »
Selon la Cour, priver une partie de la possibilité de conclure l’entente la plus avantageuse pour
ses intérêts du point de vue économique pourrait décourager un comportement utile sur le plan
économique et social et résulter à terme en une contribution sub-optimale des ressources de la
société en son ensemble.
La Cour conclue qu’imposer le devoir de négocier en bonne foi impose un fardeau lourd et
qu’il va à l’encontre de la liberté contractuelle qui constitue le fondement du système juridique et
économique Canadien. De même un tel devoir peut encourager des poursuites inutiles puisqu’un
grand nombre de négociations ne débouchent pas nécessairement sur une entente entre les
parties.
Ceci étant la Cour conclut « que, règle générale, le déroulement de négociations ne donne pas
naissance à une obligation de diligence. Il se pourrait bien qu'une situation particulière engendre
une obligation de diligence, mais cela ne s'est pas produit à ce jour.87
»
À la lumière de ce qui précède, l’obligation d’agir de bonne foi à l’étape des négociations est
généralement accueillie avec hostilité par les tribunaux en common law. De même, et
contrairement à ce qui est prévu en droit québécois, les tribunaux rejette l’obligation de
divulguer de l’information au co-contractant durant les négociations, conçue comme une des
obligations fondamentale pour la conclusion des ententes en bonne et due forme au Québec.
87
Ibid.
Chirine Haddad
48
3.2. Rejet de l’obligation de divulgation par la common law.
Contrairement à la position québécoise vis-à-vis l’obligation de renseignement qui occupe une
grande importance, la common law a conclu au rejet d’une telle obligation.
Dans Smith c Huges88
, nous avons un contrat de vente et d’achat de l’avoine et lors de la
livraison, l’acheteur exprime son refus d’en prendre livraison.
Normalement, selon la common law, s’il y a contrat, l’acheteur ne peut pas refuser d’en prendre
livraison sans violer cette entente. Par définition lorsqu’il y a un contrat de vente et d’achat de
bien, d’un objet, l’acheteur est obligé d’en prendre livraison.
Dans ce cas ici, l’acheteur refuse en alléguant que l’avoine n’est pas de qualité acceptable
selon lui, donc il refuse d’en prendre livraison et il refuse de payer le prix déterminé dans le
contrat. La question plus globale dans cette affaire est de savoir si ce refus viole le contrat. Le
vendeur poursuit pour inexécution du contrat. L’argument juridique du vendeur pour justifier sa
demande d’une réparation, c’est qu’il a conclu un contrat avec l’acheteur en bonne et due forme,
l’acheteur a refusé de prendre livraison de l’avoine, son refus n’est pas justifié, donc le vendeur a
droit à une réparation, il doit être dédommagé. Et dans ce cas il y a offre, acceptation et
contrepartie donc il y a contrat, et l’acheteur refuse d’agir conformément au contrat donc il a une
obligation d’indemniser le vendeur. C’est essentiellement l’argument du vendeur.
L’acheteur argumente en réplique pour réfuter l’argument du vendeur, que son refus ne viole
pas le contrat en alléguant que le vendeur avait une obligation de lui divulguer qu’il s’agit d’une
88
(1871), LR 6 QB 597 [Smith].
Chirine Haddad
49
nouvelle avoine et non pas de la vieille avoine, donc il y avait une obligation de divulguer de
l’information, dans ce cas on ne parle pas d’un obligation de négocier de bonne foi, mais en
omettant de divulguer de l’information l’acheteur considère que le vendeur l’a induit en erreur.
La 2ème
allégation de l’acheteur, c’est que le contrat n’a pas pris naissance parce que chaque
partie avait une intention différente; le vendeur avait l’intention de vendre de la nouvelle avoine,
l’acheteur avait l’intention d’acheter de la vieille avoine, par conséquence le contrat n’a jamais
pris naissance, car il n’y avait pas de consensus ad idem.
Mais la Cour donne raison au vendeur et elle rejette les 2 arguments de l’acheteur et retient
l’argument du vendeur. La Cour rejette l’argument de l’acheteur par rapport au devoir de
divulguer de l’information parce que le vendeur a déjà envoyé un échantillon à l’acheteur avant
de conclure le contrat, et lorsqu’on reçoit un échantillon du produit qu’on va acheter, on peut
examiner cet échantillon et à partir de cet examen, on peut déterminer la qualité du produit.
Au point de vue juridique, quand un vendeur envoi un échantillon, c’est une façon de
communiquer un message à l’autre partie, et le vendeur exprime clairement en envoyant
l’échantillon que l’acheteur doit se fier à son examen de l’échantillon et si c’était possible de
déterminer la qualité de l’objet vendu à partir de l’examen, le vendeur ne garantit pas cet objet ou
la qualité de l’objet.
Donc on présume ici que c’est possible en regardant l’échantillon de déterminer l’âge de
l’avoine, et apparemment l’âge de l’avoine a un impact sur ses qualités nutritives pour les
chevaux de course donc c’était une caractéristique importante du point de vue de l’acheteur.
Mais du point de vue du vendeur, il exprime en envoyant l’échantillon qu’il ne garantit rien, c’est
à l’acheteur de déterminer la qualité du produit. Mais il faut faire une distinction entre un vice
Chirine Haddad
50
apparent et un vice caché; lorsqu’on envoie un échantillon, le vendeur communique à l’acheteur
qu’il doit se fier à ses propres ressources en ce qui concerne les vices apparents, ce qu’on peut
découvrir en examinant l’objet, mais on ne peut pas nécessairement identifier un vice caché.
Donc la Cour considère qu’en envoyant l’échantillon le vendeur a dit à l’acheteur que c’est
l’acheteur lui-même qui assumait la responsabilité de déterminer la qualité.
Mais pourquoi est-ce que le vendeur n’avait pas le devoir de divulguer de l’information? Dans
quelles circonstances est-ce que le vendeur a un devoir de divulguer de l’information? Est-ce que
la Cour est en train de nous dire que le vendeur n’a pas une obligation de corriger l’erreur de
l’acheteur? Il savait que l’acheteur se trompe mais il ne fait rien, et donc dans quelles
circonstances est-ce qu’il a une obligation d’agir, de corriger l’erreur?
Si l’acheteur pose la question, le vendeur a une obligation soit de répondre en disant la vérité
ou il peut refuser de répondre, dans ce l’acheteur peut peut-être se méfier de conclure le contrat
de vente et d’achat. L’acheteur en posant la question, oblige le vendeur à répondre honnêtement
à ses questions ou à refuser de répondre à ses questions, et le refus communique un message.
Donc la Cour dans cette affaire a conclu qu’il n’y a pas d’obligation de divulguer de
l’information.
La Cour rejette l’argument de l’intention posé par l’acheteur qu’ils n’étaient jamais d’accord
sur l’objet de la vente, il avait l’intention d’acheter de la vielle avoine, et le vendeur avait
l’intention de lui vendre une nouvelle avoine, donc il n’y avait jamais eu de consensus ad idem.
La Cour considère que le consensus dans ce type de contrat est relativement simple, on a une
quantité de l’avoine, l’acheteur examine son échantillon, ensuite il décide d’acheter, et l’autre
partie décide de lui vendre. Donc il y avait u consensus, selon la Cour, il y avait tous les éléments
Chirine Haddad
51
nécessaires pour qu’un contrat soit conclu, et c’est vrai que subjectivement les 2 parties ont fait
une erreur, mais cette erreur n’affecte pas la validité du contrat, elle n’a aucune conséquence sur
la validité du contrat, subséquemment, le vendeur n’avait aucune obligation de corriger cette
erreur et c’est l’acheteur qui est responsable de cette erreur et celle-ci ne peut pas empêcher la
naissance de l’obligation contractuelle.
Donc il faut noter, que selon la common law, l’erreur n’a pas d’impact sur la validité du contrat.
Selon ce système juridique, les erreurs ont très peu de pertinence. Si une partie se trompe, c’est
uniquement son problème. Il n’y a pas de doctrine d’erreur très développée en common law, par
contre en droit civil elle est bien développée.
Selon la doctrine de caviat emptor, il faut que l’acheteur se méfie, c’est un principe qui a
beaucoup de poids en common law des contrats, mais la Common Law considère que chaque
partie doit se méfier, chaque partie doit être vigilante et s’assurer que le contrat protège ses
intérêts. Dans l’affaire Smith précitée on lit le passage suivant:
“although a vendor is bound to employ no artifice or disguise for the purpose of concealing
defects in the article sold, since that would amount to a positive fraud on the vendee; yet,
under the general doctrine of caveat emptor, he is not, ordinarily, bound to disclose every
defect of which he may be cognizant, although his silence may operate virtually to deceive
the vendee.” “But”, he continues (s. 518), “an improper concealment or suppression of a
material fact, which the party concealing is legally bound to disclose, and of which the other
party has a legal right to insist that he shall be informed, is fraudulent, and will invalidate a
contract89.”
À la lumière de ce qui précède, la common law ne reconnait pas de devoir général de négocier
de bonne foi durant les négociations et deuxièmement, il n’y a pas de devoir positif de divulguer
89
Ibid.
Chirine Haddad
52
de l’information, donc une partie contractante n’a pas un devoir général de divulguer de
l’information pertinente à l’opération envisagée par les parties.
Mais même si les cours de justices maintiennent qu’il n’y a pas d’obligation de négocier de
bonne foi, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autres doctrines juridiques qui interviennent
durant la période des négociations. Une des doctrines juridiques c’est la déclaration inexacte;
lorsqu’une partie pose une question à l’autre partie concernant un aspect important de l’opération
envisagée, cette dernière a une obligation d’y répondre honnêtement ou de refuser d’y répondre.
Même si la réponse à la question n’est pas incorporée au contrat comme clause ou engagement
expresse, il est possible de poursuivre la partie fautive parce que la Common Law impose des
devoirs qui s’appliquent à l’étape de la négociation suivant deux doctrines fondamentales;
- La doctrine de déclaration inexacte
- L’abus de confiance
3.3. Les mesures de rechanges prises à l’étape de la négociation en common law :
3.3.1 La Doctrine de la déclaration inexacte :
Dans Queen c Cognos90
, on a une décision de la Cour suprême où on applique la doctrine de la
déclaration inexacte dans le contexte de la négociation d’un contrat et la question était de savoir
si deux parties qui négociaient en vue d’un contrat pourrait utiliser la doctrine de la déclaration
inexacte faire par négligence, est-ce que cette doctrine s’applique à l’étape de la négociation d’un
contrat?
90
[1993] ACS 3, [1993] 1 RCS 87 [Queens].
Chirine Haddad
53
La réponse traditionnelle était négative, parce que dès qu’il existe un contrat on ne peut pas
poursuivre en délit civil. On était limité à une action en contrat. Mais en droit contemporain, la
responsabilité concurrente existe actuellement, et le simple fait qu’il existe un contrat, ne veut
pas dire qu’on ne peut pas poursuivre en délit civil. La Cour dit :
« il est maintenant clair qu'une action en responsabilité délictuelle fondée sur une
déclaration inexacte faite par négligence peut être intentée malgré l'existence d'un lien
contractuel entre les parties à l'action (à savoir le destinataire de la déclaration ou
demandeur et l'auteur de la déclaration ou défendeur) (…) En particulier, le fait que les
déclarations inexactes alléguées soient faites avant la passation d'un contrat, par exemple
au cours des négociations ou dans le cadre d'une entrevue d'embauchage, et le fait qu'un
contrat soit par la suite passé par les parties n'excluent pas, en soi, une action en
responsabilité délictuelle pour dommages-intérêts fondée sur lesdites déclarations
inexactes ».
La question dans Queen c Cognos est de savoir si on peut appliquer la doctrine de la déclaration
inexacte faite par négligence à une situation où la déclaration est faite durant les négociations
menant au contrat. La Cour suprême répond qu’il est possible d’appliquer cette doctrine et de
tenir une partie responsable de sa déclaration faite durant les négociations. Elle dit qu’il n’a y a
pas d’obligation de négocier de bonne foi mais une partie lésée peut poursuivre en délit civil si
les éléments constitutifs de la doctrine sont établies. Mais dans cette affaire la Cour applique la
doctrine de la primauté du contrat. Nous sommes en présence de la responsabilité concurrente,
on peut poursuivre soit en contrat soit en délit civil, s’il y a un acte fautif qui produit un préjudice
mais la question était de savoir quel est le rapport entre la responsabilité délictuelle et la
responsabilité qui découle du contrat? Quel est le rapport entre la responsabilité civile et le
contrat?
Chirine Haddad
54
La Cour, en réponse à cette question, considère que c’est le principe de la primauté du contrat
qui s’applique, s’il y a une incompatibilité entre le contrat et la responsabilité civile, il n’est plus
possible de poursuivre en délit civil, c’est le contrat qui prime, c’est la volonté des parties qui
prime, c’est la loi légiférée par les parties qui détermine leurs droits et leurs obligations.
Il existe 2 formes d’incompatibilités entre un contrat et la responsabilité civile; il y a
premièrement la situation où on prend la déclaration qui est faite à l’étape de la négociation, et
on l’incorpore au contrat comme stipulation expresse. S’il y a une stipulation expresse au contrat
qui détermine les droits et les obligations des parties, c’est cette stipulation qui détermine la
responsabilité des parties, on met de côté le droit de délit civil et on interprète les dispositions du
contrat et on les applique. Afin de démontrer cette forme d’incompatibilité, il faut démontrer
qu’il y a une clause dans le contrat qui traite le même sujet que la déclaration.
La deuxième forme d’incompatibilité est différente; il est possible par contrat, de limiter ou
d’exclure complètement sa responsabilité en délit civil. Il est possible pour une partie
contractante de dire qu’elle n’assume aucune responsabilité en délit civil, et si elle agit d’une
manière négligente elle est à l’abri de toute poursuite, c’est qu’on appelle une clause
d’exonération de responsabilité ou une clause limitative de responsabilité s’il s’agit d’une
limitation partielle de cette responsabilité. Ses clauses sont légales et il n’y a aucune difficulté de
faire respecter ce genre de clauses sauf, premièrement, s’il y a une interdiction législative qui
prohibe une exonération de certaines responsabilités, ou deuxièmement, si la clause est inique.
Chirine Haddad
55
Dans Queen c Cognos, l’argument de l’employeur par rapport à la relation entre le contrat et la
responsabilité civile, était que contrat comprend des clauses expresses qui permettait à Cognos de
mettre fin à n'importe quel moment à l'emploi de Queen «sans motif» sur préavis d'un mois, ou sur
paiement d'un mois de salaire, ou de le réaffecter à un autre poste au sein de la société sans
diminution de salaire et sur préavis d'un mois. Donc l’employeur invoque le principe de la primauté
du contrat. Et la Cour considère que ces clauses expresses ne constituent pas une clause
d’exonération, et l’employeur allègue que ces clauses sont incompatibles avec la responsabilité
civile en argumentant que ces clauses comprennent tout ce qui était dit durant l’entrevue et
l’incorporent au contrat, en exprimant l’étendue de l’obligation de l’employeur, et qu’il est possible
de mettre fin avec un préavis d’un mois. La Cour dit que ces clauses ne sont pas des clauses
d’exonération de responsabilité et l’employeur a le droit de congédiement. Mais l’employeur
allègue que ces clauses ne sont pas compatibles avec la responsabilité civile, car on s’est réservé la
discrétion de congédier un employé avec un mois de préavis. Mais la Cour dit que même si c’était
vrai que ces clauses prévoient le droit de l’employeur de congédier l’employé avec un mois de
préavis, il n’existe pas d’incompatibilité entre la responsabilité civile pour déclaration inexacte faite
par négligence et la clause du contrat, donc le principe de la primauté du contrat ne s’applique pas
dans ce contexte, car il n’y a pas de conflit directe entre la clause du contrat et ce qui était déclaré,
parce que la déclaration faite à l’étape de la négociation porte sur un sujet différent; la déclaration
alléguée par l’employé est à l’effet que le poste existe. Une déclaration que la poste existe ne traite
pas le sujet de congédiement. La Cour considère que cette déclaration faite à l’étape de l’entrevue,
ne traite pas le même sujet que les clauses dans le contrat, pour cette raison il n’y a pas
d’incompatibilité entre les deux, et il est possible de poursuivre en délit civil.
Chirine Haddad
56
À ce point il faut établir que les éléments constitutifs sont présents; on est en présence d’une
déclaration inexacte qui est relative à l’existence du poste, il s’agit d’une déclaration factuelle
puisqu’elle porte sur l’existence ou la non-existence du poste, est- ce que le conseil d’administration
dans Cognos, a pris la décision ou pas vis à vis du poste.
Deuxième élément, c’est le lien spécial établi entre l’auteur de la déclaration et son destinataire de
sorte qu’il existe un devoir de diligence, et un devoir de diligence est établi, et s’il n’y a pas de
devoir de diligence il n’y a pas une obligation d’indemniser l’autre partie. La Cour conclut qu’il
existe un devoir de diligence car premièrement, c’est facile pour l’employeur qui convoque
quelqu’un à une entrevue de prévoir que cette personne va agir sur la foi des informations qu’il a
fourni, et deuxièmement, c’est tout à fait raisonnable de faire confiance aux informations qu’on
obtient durant l’entrevue, comment est-ce qu’on pourrait obtenir ces informations autrement?
L’employeur est la source la plus fiable d’information concernant l’emploi. Mais il faut aussi établir
que la responsabilité est raisonnable dans les circonstances, qu’il est raisonnable d’imposer une
responsabilité ou un devoir de diligence dans ce contexte;
« La norme de diligence applicable devrait être celle qui est utilisée dans toute affaire de
négligence, à savoir celle universellement reconnue, quoique hypothétique, de la
«personne raisonnable». La norme de diligence requise d'une personne qui fait des
déclarations est objective. Il s'agit de l'obligation de faire preuve de la diligence
raisonnable requise par les circonstances pour que les déclarations faites soient exactes et
non trompeuses 91
».
La Cour considère qu’il n’y a pas vraiment de problème pour reconnaitre un devoir de diligence
dans cette affaire parce que ça peut être raisonnable du point de vue social d’obliger un employeur
de fournir des informations exactes, et il ne s’agit pas d’un fardeau trop onéreux, tout ce qu’on
91
Ibid.
Chirine Haddad
57
oblige l’employeur à faire c’est de fournir des informations pertinentes, donc il est raisonnable
d’imposer cette responsabilité à la partie en position de force, et compte tenu l’importance des
informations fournis, du point de vue de l’employé c’est raisonnable d’obliger l’employeur à être
vigilant pour éviter la négligence.
Il faut établir que l’auteur de la déclaration a manqué à cette obligation d’être diligent, après avoir
établi qu’il existe un tel devoir, donc que l’employeur a agi de manière négligente, s’il n’y a pas de
négligence il n’y a pas de responsabilité. Dans cette affaire un débat s’est produit sur ce qu’on veut
dire par un devoir de diligence dans ce contexte; l’employeur allègue qu’il faut simplement établir
qu’il agit d’une manière honnête en croyant sincèrement que ce qu’il avait dit était correct, donc
selon cet argument, il faut seulement établir que l’employeur a agi de manière honnête. L’employé
propose une autre version de l’obligation, il argumente qu’il y a une obligation de tout divulguer,
qu’il faut divulguer toute information pertinente durant la négociation d’une entrevue. La Cour
suprême rejette ces 2 arguments, et elle considère que si on assimile le devoir de diligence à une
obligation d’honnêteté, on assimile la négligence à la fraude, parce que la croyance sincère serait
suffisante pour réfuter l’argument de la négligence, et si on procède ainsi, la négligence n’aurait plus
de pertinence, et on a déjà la doctrine de la déclaration inexacte frauduleuse. Si on dit qu’il faut
simplement agir d’une manière sincère, la négligence n’aurait plus de l’impact. La Cour rejette aussi
l’argument de l’employé qui dit qu’il y a une obligation de tout divulguer, car le faite d’imposer une
telle obligation pourrait créer un fardeau trop onéreux;
« La première est trop souple car elle assimile essentiellement l'obligation de diligence à
une obligation d'honnêteté ordinaire. Par contre, la norme de diligence proposée par
Chirine Haddad
58
l'appelant est trop lourde car elle équivaut à exiger de l'employeur la divulgation complète
pendant les entrevues de préembauchage92
.»
La Common Law dans l’affaire Smith c Hughe93
s rejette le devoir général de divulguer de
l’information, et la Cour dans Queen c Cognos, dit qu’on ne veut pas créer un tel devoir en
assimilant le devoir de diligence à une obligation de tout divulguer, il faut simplement agir d’une
manière raisonnable dans les circonstances. Il faut simplement éviter la négligence, il faut respecter
les normes raisonnables du comportement dans le contexte. La Cour conclu dans cette affaire, qu’il
y avait une négligence de la part de l’employeur parce qu’il n’a pas fourni une information
fondamentale que l’employé aurait jugé très pertinente à sa décision, et ce n’est pas une obligation
de tout divulguer mais c’est une obligation de divulguer les informations les plus importantes qui
peuvent influencer la décision de l’autre partie. Donc la négligence dans ce cas, est le fait d’avoir
omis cette information.
Le prochain élément de la doctrine, c’est les actions sur la foi de la déclaration. Est-ce que le
destinataire de la déclaration a agi sur la base de cette déclaration?
Dans cette affaire Queen a accepté l’offre d’emploi a déménagé de Calgary à Ottawa, il a installé sa
famille à Ottawa et il a commencé son travail à Cognos.
Il faut établir un préjudice. Dans ce cas le préjudice que Queen a perdu son emploi précédent, il a
vendu sa maison à Calgary pour acheter une autre maison à Ottawa, et il y a tout une série de
conséquences découlant du fait qu’il s’est trouvé dans un emploi qui n’avait rien à faire avec ce
qu’il avait l’intention de faire et il a éventuellement perdu son emploi. Et la Cour a conclu qu’il n’y
pas d’incompatibilité entre le contrat et la responsabilité.
92
Ibid.
93 Smith, Supra note 88.
Chirine Haddad
59
Tous les éléments sont réunis dans cette affaire et la Cour a conclu que Queen a droit à une
réparation dans cette affaire.
Le délit de déclaration inexacte faite par négligence est un principe reconnu dans le droit canadien
de la responsabilité délictuelle. Il existe « cinq conditions générales pour qu'il soit fait droit à une
demande: (1) il doit y avoir une obligation de diligence fondée sur un «lien spécial» entre l'auteur
et le destinataire de la déclaration; (2) la déclaration en question doit être fausse, inexacte ou
trompeuse; (3) l'auteur doit avoir agi d'une manière négligente; (4) le destinataire doit s'être fié d'une
manière raisonnable à la déclaration inexacte faite par négligence, et (5) le fait que le destinataire
s'est fié à la déclaration doit lui être préjudiciable en ce sens qu'il doit avoir subi un préjudice.94
»
Malgré le fait qu’il n’existe pas en common law le devoir de négocier de bonne foi, ni le devoir
de divulguer de l’information, il existe quand même une autre doctrine qui s’applique à cette
étape de la relation commerciale.
3.2 La doctrine d’abus de confiance et l’affaire Lac Minerals ltd c International Corona
Resources Ltd95
.
C’est une affaire qui occupe une grande importance à cause des sommes en jeu, et à cause de
l’impact de la décision sur l’industrie minière et sur les pratiques de commerce.
94
Ibid; Hedley Byrne & Co. c Heller & Partners Ltd., [1964] AC 465 (H.L.)
95 [1989] 2 RCS 574, 61 DLR (4
e) 14.
Chirine Haddad
60
Dans ce cas le débat porte sur une mine d’or, donc on parle de sommes très importantes qui
sont en jeu, la valeur de la mine à l’époque était au-delà d’un milliard de dollars, et on a une
bataille entre deux sociétés minières pour déterminer qui aurait le contrôle de cette mine d’or. La
question posée dans cette affaire est de savoir dans quelles circonstances des parties qui
négocient en vue d’un contrat doivent tenir compte des intérêts de l’autre partie? Dans quelles
circonstances est-ce qu’on impose ce qu’on pourrait appeler une obligation « altruiste »?
Ce qui arrive dans ce cas, qu’il y a une société minière qui s’appelle International Corona, une
compagnie relativement petite, qui fait la prospection dans le nord de l’Ontario pas loin de
Thunderbary, et pas loin de la Trans-Canadien, et découvre un gisement d’or, pour des raisons
qui ne sont pas très claires, personne n’a pas pensé à faire inspection à cet endroit. International
Corona est une petite compagnie qui a décidé de faire la prospection à cet endroit-là, et elle
constate avec ses efforts qu’il existe ce gisement d’or. Mais International Corona n’a pas les
ressources financières nécessaires pour développer la mine, car un tel travail exige des ressources
importantes. Et elle envisage une coentreprise avec une autre compagnie minière, ce qui arrive
souvent dans ce type d’industrie. Donc elle contacte les dirigeants de Lac Minerals et elle
propose une coentreprise.
Au cours de cette négociation, International Corona était obligé à fournir des informations, pour
établir qu’il existe un gisement d’or. Donc ils ont fourni des informations, et certaines d’elles
étaient déjà rendus publics, mais aussi d’autres information que International Corona n’avait pas
encore publiés, donc ce sont des informations confidentielles qui étaient le fruit des recherches
géologiques et autres sur le territoire.
Chirine Haddad
61
Les efforts de conclure le contrat de coentreprise échouent, les parties étaient incapables de
s’entendre et ce que Lac Minerals a fait à la fin des négociations, et après avoir acquis certaines
informations entre autres les informations concernant le site où se trouve le gisement d’or. Donc
Lac Minerals rencontre le propriétaire de ce terrain, Mme Williams et lui avise qu’ils veulent
acheter le terrain, ce qu’ils ont fait par la suite. International Corona se trouve exclut du projet.
International Corona n’a pas demandé à Lac Minerals de signer une entente de confidentialité au
début des négociations, elle a simplement fait confiance à Lac Minerals, elle lui a divulgué de
l’information sans cet engagement de respecter la confidentialité des informations. International
est exclu du projet et elle vient de payer une somme extrêmement importante. International
Corona intente une poursuite, et elle demande une réparation.
La question qui se pose : est-ce qu’une action à l’étape de la négociation engage la
responsabilité de la partie?
On peut certainement argumenter que Lac Minerals a agi de mauvaise foi ici, car sans les
informations fournis par International Corona, Lac Minerals n’aurait jamais su qu’il y avait un
gisement d’or à cet endroit, ils n’auraient jamais su que c’était nécessaire d’acheter le terrain de
Mme Williams. Donc on peut argumenter que Lac Minerals a agi de mauvaise foi, elle a pris
avantage de la situation. Il est clair que International Corona n’avait aucun chois sauf de
divulguer de l’information, parce qu’elle ne pouvait négocier une coentreprise sans divulguer de
l’information concernant le projet proposé.
Dans ce cas, on a deux jugements importants; le jugement du juge Sopinka, et le jugement du
Chirine Haddad
62
juge La Forest. Mais pour la fin de notre étude, ce qui nous intéresse c’est le jugement du juge
Sopinka.
Donc la question est de savoir si Lac Minerals a violé un droit?
Un argument serait de dire à l’étape de la négociation, il n’y a aucune obligation96
. Il n’y a pas
de déclaration inexacte dans cette affaire, car Lac Minerals n’a pas induit l’autre partie en erreur
et s’il y a des déclarations dans ce cas, elles sont de la part de International Corona, donc on ne
peut pas poursuivre pour déclaration inexacte. Donc on pourrait dire il n’y aucune obligation de
négocier de bonne foi, et aucune déclaration, alors aucune réparation.
Mais la Cour n’est pas satisfaire de ce raisonnement et conclut que Lac Minerals doit réparer la
situation, donc elle violait un droit d’International Corona et doit corriger le préjudice qui en
découle.
La 1ère
majorité examine la question du droit qui est violé ici, quelle est la nature du droit violé.
Le Juge Sopinka se base sur la doctrine de l’abus de confiance, et conclut que Lac Minerals a
violé le droit d’International Corona, le droit de protéger les informations confidentielles. La
majorité des juges sont d’accord sur ce point.
La minorité dit que ça serait possible de fonder la poursuite sur l’obligation fiduciaire et ce
n’est pas nécessaire de fonder la poursuite sur la doctrine de délit civil d’abus de confiance. Le
juge La Forest aurait conclu qu’il existait dans ce cas une obligation fiduciaire reconnue en
equity.
96
Wellford, Supra note 79 ; voir aussi Westcome; Supra note 80 .
Chirine Haddad
63
La doctrine d’abus de confiance oblige une partie qui reçoit des informations confidentielles à
respecter le caractère confidentiel de ces informations. Il y a 3 éléments qu’il faut établir pour
pouvoir invoquer cette doctrine.
Premièrement, Il faut établir que les informations fournies étaient de caractère confidentiel,
les informations ne sont pas publiées, ne sont pas généralement disponibles, il faut prouver que
les informations résultent d’un travail de la partie qui exige la confidentialité (dans ce cas ici on a
les rapports des géologues qui n’étaient pas publiés, ils étaient uniquement entre les mains
d’International Corona et elle ne l’avait pas rendus public). Lac Minerals argumente dans ce cas
que International Corona aurait due exiger la signature d’une entente de confidentialité, c’était la
meilleur façon d’établir le caractère confidentiel des informations. Mais la Cour rejette cet
argument, en considérant que ce n’est pas obligatoire de faire signer une entente de ce genre.
Deuxièmement, Il faut établir que les informations étaient communiquées à titre confidentiel, et
la Cour dit que même à ce stage il n’est pas nécessaire de signer une entente de confidentialité.
C’est évident que pour négocier un contrat de coentreprise, International Corona n’avait aucun
choix que de divulguer les informations confidentielles, et c’était claire qu’elle n’avait l’intention
de rendre public ces informations en les communiquant à Lac Minerals, ces informations ont été
communiquées seulement pour les fins de la négociation.
Troisièmement, Il faut établir un emploi abusif par la personne à qui les informations ont été
communiquées. Dans ce cas l’emploi abusif est effectué par l’achat du terrain par Lac Minerals.
En s’appropriant le terrain clé pour le développement de la mine, et en excluant International
Corona, Lac Minerals a abusé de ces informations.
Chirine Haddad
64
En abordant cette doctrine, la Cour fait une distinction importante en ce qui concerne le fardeau
de la preuve, et normalement ce fardeau incombe à la partie demanderesse, donc normalement le
fardeau de la preuve général d’établir, sur la balance des probabilités, les éléments constitutifs de
la doctrine d’abus de confiance incombe à la partie demanderesse. Mais à l’intérieur du
raisonnement le fardeau de la preuve peut changer et la Cour parle d’un fardeau de la preuve
spécifique par rapport à une question; une fois que la partie demanderesse établi le caractère
confidentiel des renseignements et deuxièmement la communication de ces informations à titre
confidentiel, on peut dire que le demandeur a réussi de démontrer que la partie défenderesse a
fait un usage de ces informations, et le fardeau spécifique est transféré à la partie défenderesse
qui doit démontrer sur la balance des probabilités, que l’usage qu’elle a fait des informations
confidentiel, n’était pas abusif. Donc dès que le demandeur démontre qu’il y a usage des
informations, il y a une présomption que cet usage est abusif et le fardeau spécifique incombe à
la partie défenderesse de réfuter cette présomption.
Ceci étant, il n’en demeure pas moins que les doctrines de la déclaration inexacte et l’abus de
confiance pallient, dans une certaine mesure, l’absence du concept de la bonne foi à l’étape de
négociation en common law. Mais un commentaire du juge La Forest dans l’arrêt Lac Minerals
laisse entrevoir une possibilité que la notion de négocier de bonne foi serait peut-être admise en
common law canadienne. Dans sa décision on lit le passage suivant : « [l]'institution que
constitue la bonne foi dans les affaires mérite la protection de la loi dans les circonstances où
cette protection est conforme aux attentes des parties97
.
97
Ibid.
Chirine Haddad
65
Finalement, une distinction entre la common law et la perceptive civiliste représentée par la
juridiction québécoise s’avère importante à ce stade, et constitue l’objet de notre conclusion aux
passages suivants.
Conclusion
Le droit en common law peut paraitre étrange pour un juriste civiliste parce qu’il leur parait
imprévisible, et il est imprévisible puisqu’il dépend à la fois de la volonté des parties et de la
décision du juge, ce qui, pour ce juriste, créerait une insécurité, alors qu’on a l’impression qu’en
droit civil, le droit écrit permet de savoir ce qu’il faut faire, on explique, on est guidé, alors qu’en
common law, on a l’impression que les parties, les entreprises sont laissées à elles-mêmes, peut-
être c’est une impression fausse qu’on peut avoir dans le fond.
Les particularités de ce système jurisprudentiel, on ne peut que remarque que dans le monde des
affaires la common law veut dire « je fais ce que je veux, je vois ce qui se passe » alors que les
juristes en droit civil ont une culture différente, et un droit différent. Comme point de départ, on
voit quel est le texte qu’on doit respecter, quelle est notre cadre, quelles sont les conditions
générales en quelque sorte du contrat qu’on veut signer, et à la limites les juristes civilistes au
Québec n’ont que les conditions particulières, tout est déjà écrit, par exemple en droit de la vente
immobilière, la common law considère que c’est à l’acquéreur de prendre toutes les garanties sur
le bien qu’il va acheter et en plus l’acquéreur va être dénommé l’offrant, il offre d’acheter. Par
contre dans les systèmes civilistes, c’est le vendeur qui est considéré l’offrant, il offre son bien à
vendre et c’est le vendeur qui doit fournir toutes les garanties et c’est particulièrement flagrant
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66
dans les ventes immobilières parce que c’est à lui de faire les diagnostiques, de faire expertiser sa
maison et de donner une sorte de cahier de charge sur le contrat qu’il propose en donnant une
quantité d’information qui n’est pas concevable dans le système civiliste, parce qu’il est obligé
par sa loi.
La représentation que fait la common law et que peuvent se faire les civilistes québécois n’est
pas la même. Ils ne construisent pas leurs phrases de la même façon.
Dans le monde de la common law, l’individu occupe la place primordiale, l’individu est libre de
faire ce qu’il veut, c’est l’autonomie de la volonté qui règne, ensuite les autres n’ont qu’à se
défendre pour schématiser. Alors qu’en droit civil québécois, c’est l’inverse; d’abord on protège
les tiers, d’abord on protège la collectivité, le texte est contraignant. Donc c’est un problème
culturel qui rend les choses plus compliquées.
Notamment, comme on a déjà examiné, la notion de bonne foi n’existe pas en common law; un
contrat n’a pas à être passé, ni signé, ni discuté en bonne foi. La notion de bonne foi existe mais
elle ne vient que dans le cadre du procès pour la communication des pièces. Par contre en droit
québécois, il y a eu des litiges importants dans le monde des affaires puisque les juristes
civilistes estiment que tout le monde, comme eux, va négocier, discuter et signer le contrat de
bonne foi. Pour le juriste civiliste, c’est quelque chose qui fait partie de sa culture et ça va avec le
comportement de bon père de famille qui doit penser aux conséquences de ses actes, qui est une
référence qui est vissée dans la culture civiliste depuis longtemps; le comportement de bon père
de famille c’est non seulement être de bonne foi avec les personnes auxquelles on contracte,
mais également on doit penser aux conséquences de son acte, les conséquences de l’acte qu’on
Chirine Haddad
67
va signer, alors qu’en common law, la bonne foi n’existe pas au stade de négocition, on n’a pas à
envisager tout cela.
Le système de Common Law est construit de manière complètement différente du système de
système civiliste, il en est ainsi pour la vente, la notion de bonne foi ou encore la rédaction d'un
contrat. Le système de Common Law est un système jurisprudentiel tandis que celui de Civil
Law est un système de droit écrit, il est logique de penser a priori qu'ils sont opposés et pourtant
les solutions de ces droits se rejoignent et sont assez semblables.
En common law, comme on a déjà mentionné, on aborde la négociation comme si c’est une
activité essentiellement adversative; chaque partie doit agir de manière égoïste et agir pour
protéger ses propres intérêts. La politique sociale qui sous-tende cette approche est reléguée
premièrement à liberté contractuelle, la liberté qui implique nécessairement l’absence
d’obligation avant la naissance de l’obligation contractuelle. Donc en droit des contrats, on a
tendance à aborder l’obligation comme une situation noir et blanc, c’est-à-dire il y a soit aucune
obligation ou il y a contrat, et on ne veut pas reconnaitre des situations ambiguës où il y a une
obligation en partie, une zone grise.
La première politique sociale qui traduit cet esprit c’est la liberté contractuelle. La Deuxième
politique sociale découle de la liberté contractuelle, et c’est la responsabilisation des parties.
Donc si on veut reconnaitre la liberté contractuelle des parties, et si on considère que ce n’est pas
le rôle des tribunaux d’imposer des obligations de nature contractuelles auxquelles les parties
n’ont pas consenti, ça devient la responsabilité des parties de faire ce qui est nécessaire pour se
protéger.
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68
Donc chaque partie qui participe à une négociation doit faire le nécessaire pour se protéger,
elle doit faire les recherches nécessaires, elle doit développer une stratégie de négociation qui lui
permet d’atteindre ses objectives, et chaque partie doit proposer des engagements nécessaires
pour protéger ses intérêts. Si les négociations échouent parce que les parties ne peuvent
s’entendre sur leurs engagements, les tribunaux en common law sont très réticents à intervenir,
puisqu’il n’y a pas de contrat, donc sur quelles bases est-ce qu’ils vont intervenir, selon eux. Le
fondement de l’obligation contractuelle étant le consentement des parties, et au cas où ce
consentement est absent, s’il n’y a pas cet exercice de leurs volontés, quelle serait la source de
l’obligation?
Ça c’est la position de la Common Law des contrats. Mais si on rejette la notion de bonne foi, si
on rejette un genre de réglementation de la négociation, la Common Law développe d’autres
outils juridiques qui permettent de contrôler ce qui se déroule durant les négociations. Pour
procéder ainsi, la Common Law a développé une série de concepts et de doctrines qui permettent
à la cour d’intervenir.
Par contre, le devoir de négocier en bonne joue un rôle majeur en droit québécois, afin que le
contrat ne devienne un outil d’exploitation La jurisprudence québécoise souscrit à cette
position.98
98
Vachon c Lachance, [2001] JQ 5825, [2002] RRA 42 (« [l]a bonne foi est un principe qui doit être respecté en
tout temps; que ce soit au stade précontractuel, contractuel ou extracontractuel de sorte que, tel qu'en fait foi
l'abondante jurisprudence ayant trait à la rupture du lien d'emploi, même la rupture du lien contractuel y est
assujettie. De plus, sous réserve bien sûr du principe général de la bonne foi, au stade précontractuel il n'existe, à
proprement parler, aucune obligation de négocier. » )
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69
À notre avis cette dichotomie entre ces deux systèmes juridique revient à l’esprit paternaliste et
protecteur traduit par le droit civil où le code vise à protéger l’individu. Le droit civil semble
adopter cette attitude qui consiste à vouloir protéger les individus d'eux-mêmes ou à tenter de
réaliser leur bien sans tenir compte de leur opinion; les mesures imposées par celui-ci sont
justifiées par des principes généraux tell que la dignité humaine par exemple. La Charte des
droits et libertés de la personne99
traduit cet esprit. Inspiré par le droit civil français, le
législateur québécois consacre une grande part au concept de dignité. La Charte québécoise
assure de façon péremptoire le droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité de chaque personne. Cette
déclaration est consolidée par la reconnaissance expresse des droits à la sauvegarde de la dignité
et au respect de la vie privée. Surtout, cette loi quasi constitutionnelle condamne les atteintes aux
attributs principaux de l'être humain. Chaque personne détient en soi-même une valeur
intrinsèque la rendant digne de respect. Du coup, ça fait aussi de ce droit un guide paternaliste
protégeant les individus contre leurs faiblesses. Cet esprit qui caractérise le droit civil, se
distingue de l’esprit individualiste de la common law où l’individu occupe la place la plus
importante, et l’autonomie de la volonté est le fondement de toute entente. Ainsi on trouve une
jurisprudence abondante au Québec qui traite de cette obligation d’agir en bonne foi et la
nécessité d’entamer des négociations franches et de favoriser une divulgation complète des
renseignements pertinents et primordiaux quant à la conclusion de l’entente. Si la bonne foi
s’ancre dans la moralité, le Code civil du Québec serait alors un appel exprès à la moralité : en
terme purement quantitatifs, la loi nouvelle parait deux fois plus morale que l’ancienne. Si on
99
Charte des droits et libertés de la personne, LRQ c C-12, art 2 (« [t]out être humain dont la vie est en péril a droit
au secours. Toute personne doit porter secours à celui dont la vie est en péril, personnellement ou en obtenant du
secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour elle ou pour les tiers ou
d'un autre motif raisonnable »).
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examine la jurisprudence québécoise, les divers conclusions qui peuvent être tirées par un
tribunal du manquement à la bonne foi à l’étape des négociations, on s’aperçoit que, dans un
grand nombre de cas, ces sanctions se trouvent dans une logique, peut-on dire, obligationnelle;
l’exigence de bonne foi au stade des pourparlers est traitée par différentes décisions comme étant
une obligation, ou comme une origine d’autres obligations ou devoir à contenu plus spécifique,
et celui qui y a manqué encourra les sanctions qui s’attachent normalement à l’inexécution des
obligations contractuelles. Tandis qu’en common law les tribunaux vont être plus réticents à
l’admettre, même parfois hostiles à l’égard cette obligation compte tenu de son sens flou et
imprécis et les incertitudes qu’elle créerait tant au plan économique qu’au plan juridique.
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71
BIBLIOGRAPHIES
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