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La Déclaration Idées7 de Québec sur la gouvernance mondiale et les défis
de la complexité et de l’inclusion
SOMMET IDÉES7
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Déclaration Idées7 de Québec sur la gouvernance mondiale
et les défis de la complexité et de l’inclusion
Le Sommet universitaire Think7/Idées7 : décloisonner pour innover
Le Sommet Idées7 a rassemblé des chercheurs d’universités et de laboratoires d’idées de tous les pays
membres du G7, ainsi que d’Afrique du Sud, de Chine et d’Inde. À l’invitation de l’Institut des hautes études
internationales de l’Université Laval, en partenariat avec six autres écoles d’études internationales et
laboratoires d’idées canadiens, nous nous sommes rencontrés à Québec et à Baie-Saint-Paul à la veille du
Sommet du G7 de Charlevoix, du 21 au 23 mai 2018. Nous sommes affiliés à 23 établissements universitaires
et laboratoires d’idées différents, mais les points de vue que nous exprimons dans la présente déclaration
ne reflètent pas nécessairement ceux de ces organisations.
Le Sommet de Charlevoix se déroulera dans un climat d’inquiétude à l’égard du devenir de la gouvernance
mondiale. En effet, les efforts entrepris pour faire face aux enjeux mondiaux actuels – des changements
climatiques aux guerres civiles en passant par les crises de réfugiés et les conflits commerciaux – piétinent
et même s’essoufflent. Des négociations internationales s’enlisent, des traités sont dénoncés, voire violés,
des organisations internationales sont sous-financées et des décisions arbitrales sont bafouées.
Parallèlement, dans toutes nos sociétés, un fort scepticisme s’est installé quant au réel pouvoir d’action de
la gouvernance mondiale. De larges pans de nos électorats ont conclu, à tort ou à raison, que les solutions
mondiales proposées par leurs représentants politiques les appauvrissent ou les privent de leur
souveraineté, voire les deux à la fois.
Que faire pour remédier à cette situation? Nous avons réfléchi à de nouvelles façons de s’attaquer
concrètement à deux des défis les plus pressants pour la gouvernance mondiale : la complexité et le besoin
d’inclusion. Plutôt que d’adopter une approche abstraite, nous nous sommes intéressés de près aux moyens
novateurs d’aborder certains problèmes concrets. Des problèmes qui s’avèrent complexes dans la mesure
où ils sont difficilement pris en charge par les outils traditionnels de la gouvernance mondiale. Inspirés par
les priorités adoptées par la présidence canadienne pour ce Sommet du G7, nous avons recherché des
solutions qui, par leur nature, se trouvent au confluent de cinq domaines traditionnels : le commerce, le
travail, l’environnement, la sécurité et les migrations. Nous avons également examiné les problèmes que
posent ces enjeux en matière d’inclusion – particulièrement sur le plan de l’égalité entre les sexes – et les
moyens d’intégrer l’autonomisation des groupes marginalisés dans toutes les solutions avancées.
Nous soumettons donc aux dirigeants du G7 des recommandations qui recouvrent un large spectre d’enjeux
transversaux. Mais avant de les présenter, nous voulons d’abord exposer nos conclusions générales sur les
leçons tirées de cet exercice concernant les défis de la complexité et de l’inclusion dans la gouvernance
mondiale.
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Le G7 et les défis de la complexité et de l’inclusion dans la gouvernance mondiale
Étroitement interconnectés, la complexité et le besoin d’inclusion minent la gouvernance mondiale de
l’extérieur et de l’intérieur.
De l’extérieur, le traitement efficace des problèmes à l’échelle mondiale exige de plus en plus des approches
intersectorielles. Ces problèmes touchent inégalement les populations, contribuant à la marginalisation de
certains groupes.
De l’intérieur, les institutions internationales ont proliféré à l’échelle multilatérale, régionale et bilatérale,
souvent investies de mandats qui se chevauchent ou se contredisent. Elles se sont également développées
selon différents modèles. Elles font souvent intervenir des parties prenantes infranationales et non
gouvernementales. Si cette nouvelle complexité de la gouvernance mondiale en a autonomisé certains, elle
en a en revanche marginalisé d’autres.
Le G7 illustre bien ce point. Il doit s’adapter pour s’attaquer à des enjeux toujours plus complexes. Forum
macroéconomique à son origine, il a vu sa liste de priorités s’allonger pour inclure des questions aussi
diversifiées que la sécurité, le développement, l’énergie et le terrorisme. Le G7 doit aussi faire face à la
prolifération des institutions internationales, alors que se multiplient les sommets « agenda-based »
comme le G20, opérant sur la base de différents critères d’appartenance.
Les dirigeants du G7 sont collectivement les témoins directs des défis que représentent la complexité et
l’inclusion pour la gouvernance mondiale. Ils sont aussi les mieux placés pour s’y attaquer. Les chefs d’État
et de gouvernement sont, au sein de leur administration, les seuls responsables de tous les enjeux qui
touchent leurs pays respectifs et ils doivent s’en saisir de manière multisectorielle. En tant que
regroupement des principales démocraties et économies de marché partageant les mêmes valeurs
fondamentales, ils exercent une grande influence sur le programme de la gouvernance mondiale et ont le
pouvoir d’y promouvoir l’innovation à tous les échelons.
La recherche de solutions pragmatiques et fondées sur des données probantes
Aucune recette miracle ni panacée ne nous fournira les réponses aux défis de la complexité et de l’inclusion.
Nous devons plutôt nous tourner vers une gouvernance mondiale porteuse de synergies et d’innovation qui
mise sur des données probantes et sur les méthodes scientifiques les plus avancées.
Le temps est venu pour les membres du G7 d’aborder les enjeux mondiaux et d’évaluer les mesures
stratégiques mondiales comme ils abordent les questions politiques et réglementaires nationales, donc en
s’appuyant sur des analyses bénéfices-coûts et des études d’impact fondées sur les données scientifiques
les plus solides. Des évaluations devraient tenir compte des cycles de vie, des solutions de rechange, des
occasions manquées et des autres « coûts cachés ». Les membres du G7 doivent unir leurs forces pour
exploiter les mégadonnées et se doter de protocoles communs pour échanger des données fiables sur les
politiques et les enjeux mondiaux. D’ailleurs, les pays du G7 ont déjà élaboré des modèles
intergouvernementaux de partage de données. Les établissements universitaires peuvent les aider à
étendre les pratiques de mise en commun des données, y compris celles qui touchent aux instruments et
aux pratiques de la gouvernance mondiale, et ce, dans le respect des normes les plus élevées de protection
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de la vie privée. Nous disposons maintenant de bases de données sur le commerce et l’environnement,
comme sur les organisations régionales et les cours internationales, dont le niveau d’exhaustivité aurait été
inimaginable il y a quelques années.
Par son histoire, le petit nombre de pays membres, la convergence de leurs valeurs et leurs niveaux de
développement similaires, le G7 est un forum propice à la conclusion d’accords multilatéraux. Aujourd’hui,
la confiance est essentielle. Que les membres du G7 parviennent à concevoir des accords multilatéraux, et
ils renforceront leurs liens tout en se positionnant de manière avantageuse vis-à-vis du reste de la
communauté internationale.
Recommandations aux dirigeants du G7
Nous recommandons aux dirigeants du G7 de prendre les mesures suivantes :
A. DÉVELOPPEMENT HUMAIN
1. Promouvoir une éducation qui favorise l’adaptabilité et une citoyenneté responsable en
rapprochant les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques) des sciences
sociales et humaines et des arts.
2. Coordonner leurs actions en matière d’éducation et de mobilité aussi bien au sein du G7 qu’à
l’extérieur afin de vaincre les vulnérabilités, notamment au sein des pays pauvres, et d’accroître
les possibilités pour les jeunes, les filles et les groupes marginalisés, dont les migrants.
3. Reconnaître et partager les responsabilités face au désordre qu’entraînent à l’échelle régionale
des flux massifs de réfugiés.
B. SÉCURITÉ DES DONNÉES ET SÉCURITÉ NUMÉRIQUE
4. Élaborer une stratégie en matière de sécurité et d’intégrité des données publiques, notamment
pour ce qui concerne la sécurité des systèmes électoraux, la non-prolifération des moyens
CBRN et le partage des données entre gouvernements.
5. Adopter des lignes directrices relatives à la cybersécurité pour renforcer le pouvoir judiciaire et
créer des synergies avec des entreprises de haute technologie afin de mieux identifier les
auteurs d’actes relevant de la cybercriminalité.
6. Collaborer avec le secteur privé et les pays non membres du G7 afin de prendre toute mesure
susceptible de garantir l’intégrité des données et capable de rehausser la confiance des
citoyens et afin de promouvoir la création d’une véritable communauté numérique globale.
7. Appuyer les efforts des universités pour renforcer la recherche et l’enseignement sur la
cybersécurité et la sécurité des données afin de sensibiliser une plus grande partie de la
population au bon usage des données et de l’informatique.
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C. COMMERCE PROGRESSISTE
8. Inclure dans tous les accords commerciaux l’obligation d’évaluer périodiquement leurs impacts
sur la société, l’environnement, le genre et les droits humains dans tous les pays touchés, afin
de forger de nouveaux accords et de modifier les accords existants. Ces évaluations reposeront
sur les méthodes scientifiques les plus éprouvées et les données les plus récentes.
9. Évaluer l’effet des changements technologiques rapides sur le commerce, l’environnement et
la société, en prenant en considération l’émancipation des groupes marginalisés. Le G7 devrait
créer un groupe de travail à cet effet.
10. S’inspirer des avancées accomplies dans les récents accords de libre-échange conclus par les
membres du G7, afin de les généraliser, ce qui pourrait donner une nouvelle impulsion au
régime commercial multilatéral et le revitaliser.
11. Inclure des chapitres consacrés de façon significative au genre dans tous les accords
commerciaux.
D. CROISSANCE DURABLE
12. S’engager à soutenir la stratégie de l’Organisation maritime internationale sur la réduction des
gaz à effets de serre afin de décarboniser davantage le secteur du transport maritime.
13. Renforcer les infrastructures côtières et les environnements côtiers pour limiter la pollution des
océans par les déchets, en particulier les plastiques.
14. Favoriser l’implication croissante des banques multilatérales de développement dans le
financement de projets d’infrastructure de qualité, en particulier ceux qui promeuvent un
environnement durable.
15. Abandonner progressivement d’ici 2025 les subventions aux combustibles fossiles et abolir
immédiatement celles qui octroient un avantage compétitif indu à la concurrence étrangère.
E. FISCALITÉ ÉQUITABLE
16. Envisager l’intérêt que représenterait la création d’un seuil minimum d’imposition des sociétés
afin de s’attaquer au problème de la concurrence fiscale déloyale.
17. Identifier et saisir les opportunités engendrées par une coopération fiscale mondiale au service
de la croissance soutenable.
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LISTE DES PARTICIPANTS
Professeur Abdoulaye Anne Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval, Québec, Canada Professeur Louis Bélanger Directeur, Institut québécois des hautes études internationales (HEI) Université Laval, Québec, Canada Dr. Matthieu Boussichas Responsable de programme, Fondation pour les études et recherche en développement international (FERDI), Clermont-Ferrand, France Professeure Caterina Carta Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en diplomatie publique Université Laval, Québec, Canada M. Régis Coursin Chercheur postdoctoral, Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM) Université de Montréal, Canada Professeur Peter Dietsch Professeur, Département de Philosophie, Université de Montréal Directeur de l’axe « éthique et économie » du Centre de Recherche en Éthique (CRE) Affilié au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CERIUM), Canada Professeur Hugo Dobson Directeur, School of East Asian Studies Université de Sheffield, Royaume-Uni Mme Judit Fabian Associée postdoctorale, International Policy & Trade Research Division École de politique publique, Université de Calgary Professeure Marie-Hélène Gagnon Département de finance, assurance et immobilier Faculté des sciences de l’administration, Université Laval, Québec, Canada Professeure Nathalie Gravel Centre d’études interaméricaines Département de géographie, Université Laval, Québec, Canada
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Professeur John Kirton Co-fondateur et Directeur, Groupe de recherche du G8 et du G20 École Munk des affaires, Université de Toronto Mme Madeline Koch Rédactrice en chef, Groupe de recherche du G8 et du G20 École Munk des affaires, Université de Toronto Professeur Patrick Legros Centre européen de recherches avancées en économie et statistiques (ECARES) Université libre de Bruxelles, Belgique Professeur Raffaele Marchetti Département de science politique et École de gouvernement Université libre internationale d’études sociales (LUISS) Guido Carli, Rome, Italie Mme Sithembile Mbete Chercheure associée, Centre for the Study of Governance Innovation (GovInn) Université de Pretoria, Afrique du Sud Professeur Jean-Frédéric Morin Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale Département de science politique, Université Laval, Québec, Canada Mme Claire Peacock Doctorante Université d’Oxford, Royaume-Uni Professeure Miriam Prys-Hansen Directrice académique, Programme de doctorat Institut allemand des études globales et régionales (GIGA), Hambourg, Allemagne Professeur Nicholas Redman Directeur des éditions, éditeur de la série Adelphi book et du Strategic Survey Institut international des études stratégiques (IISS), Londres, Royaume-Uni Professeur Simone Romano Senior Fellow Institut des affaires internationales, Rome, Italie Professeure Marie-Laure Salles-Djelic Doyenne, École de management et de l’innovation Sciences Po Paris, France
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Professeur Christopher Sands Directeur du Centre des études canadiennes Université Johns Hopkins, Washington, États-Unis Professeur Yves Schemeil Sciences Po Grenoble, France Professeure Miranda Schreurs Titulaire, Chaire en Politiques climatiques et environnementales École bavaroise de politique publique, Université technique de Munich, Allemagne M. Aaron Shull Directeur de gestion et conseiller général Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale (CIGI), Université de Waterloo, Canada Professeur Arthur Silve Département de science économique, Faculté des sciences sociales, Université Laval, Québec, Canada Professeure Élisabeth Vallet Directrice scientifique Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, Université du Québec à Montréal (UQAM), Canada Professeur Yorizumi Watanabe Faculté de gestion des politiques, Graduate School of Media and Governance, École supérieure des médias et de la gouvernance, Université Keio, Tokyo, Japon Professeur Jan Wouters Directeur, Centre pour les études de gouvernance mondiale de Leuven Président, Institut de droit international, KU Leuven, Belgique Professeur Jiejin Zhu École des relations internationales et des affaires publiques, Université Fudan, Shanghai, Chine
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