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Maison des Mérode Maison des Isenghien
Maison des Oignies
.
LES NOUVELLES
ONYACUM
N° 24
SEPTEMBRE 2016
Mot du Président
Vous trouverez dans ce nouveau numéro, les activités du club, le 1er article sur l’hôpital
Henri Anquetil, un aspect de la seconde guerre mondiale : le STO. Nous continuons à
évoquer la Grande Guerre avec les infirmières et les chansonniers, et notre ″écho du passé″
s’intéressera à la fête des pompiers.
Nous espérons que les 2 manifestations prévues, l’exposition en novembre et le montage
chanté en décembre susciteront votre intérêt et que vous serez nombreux à venir.
Bonne lecture
NOS RENDEZ-VOUS
18 & 19 septembre : Journées du Patrimoine : nous vous accueillerons au Club pour une
visite guidée de nos salles de Mémoire.
Du 22 au 27 novembre : L’exposition ″Occupation et pillage à Oignies en 1916″se dérou-
lera à la salle des Fêtes du 22 au 27 novembre ; du mardi au vendredi de 14h à 19h, samedi
et dimanche de 10h à 12h & de 14h à 19h. Entrée gratuite.
Mercredi 7 décembre : Soirée : ″les chansons de la guerre 14-18″dans la grande salle
Pasteur à 18h.
VIE DU CLUB
DES ″VACANCES BIEN REMPLIES″
Comme chaque année, pas de fermeture du club cet
été : la préparation des animations du dernier
trimestre oblige. Tout d’abord, le dimanche 28 août,
participation, à la journée ″Voitures anciennes″ de
Rencontre & loisir, à la fosse 9/9bis, avec une expo
sur le Patrimoine minier disparu et les garages
d’Oignies.
Et surtout l’exposition sur ″Oignies en 1916 » qui se
déroulera du 22 au 27 novembre à la salle des Fêtes.
Une expo c’est non seulement la recherche de
documents, commencée depuis le début d’année,
mais aussi toute la partie ″ matérielle″ : les panneaux
de bois, coupés par les services techniques de la ville, il faut les peindre, percer les trous pour les
suspendre ; les photos : il faut les imprimer, les coller sur le polystyrène, les découper. Et, enfin, le
collage sur les panneaux, avec titre et explications, si nécessaire.
RENCONTRE INTER-CLUB
Le 22 juin 2016, Bernard Demaire, comme nous historien amateur, habitant Orcq en Belgique nous a
rendu visite. Nous étions rentrés en relation avec lui en 2012, lors de recherches sur Victor Crombez,
frère de Madame De Clercq et avions depuis échangé maintes informations. C’est ainsi qu’en 2012,
nous avons pu visiter le parc du château de La Marlière, propriété de la famille De Clercq au début du
XIX è siècle, vendue par la suite à Victor Crombez. Là aussi, Victor avait déployé ses talents de
paysagiste éclairé comme en témoignent les quelques photos ci-dessous :
ORCQ- Parc de La Marlière –propriété privée-pas de visite
De nombreux arbres « remarquables » selon l’ONF, c’est-à-dire très âgés ou spécialement exception
nels de par leur forme, leur espèce, subsistent encore à La Marlière.
1
Par contre le château ″Crombez″ a été détruit durant la
première guerre. Une jolie bâtisse (qui n’est pas un
château) a été reconstruite au même endroit. Elle est la
propriété de la famille Letartre, de la société ANIOS,
spécialisée dans les produits désinfectants hospitaliers,
médicaux… et dont les laboratoires se trouvent à Sai-
ghin-en-Mélantois(59)
La Marlière, actuelle
Le château ″Crombez″-l’arrière avec le jardin
d’hiver, inauguré en 1858,
Lors de sa visite, Bernard Demaire a particulièrement admiré l’admirable robinier juste derrière le
château. Robinier du parc d’ Oignies
Bernard Demaire et notre président,
Dominique Prymak, à la fosse n°9
28 août 2016
Depuis quelques années, Onyacum s’associe à la journée
organisée, à la fosse 9/9bis, par l’association Rencontres &
Loisirs, sur le thème des voitures anciennes. Cette année,
l’exposition traitait du Patrimoine minier disparu à Oignies
et des garages.
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NOS DEUILS
Monsieur Henri CAMUS nous a quitté le6 juillet, à
l’âge de 82 ans. Avec son épouse et sa fille Anne, il a
toujours été présent à nos A.G. et aux expositions.
Par ses différents témoignages, il a contribué à l’écri-
ture de l’histoire d’Oignies, notamment l’épisode des
″otages″ en septembre 1944, à la Libération.
Nous présentons, à toute sa famille, nos sincères
condoléances.
A.G.du 05/02/2014 3
Cérémonie du 28 mai 2016 commémorant les massacres. Comme de coutume, tous les deux ans, la Municipalité en collaboration avec la société « Les amis
de BUXTON » recevait la délégation anglaise, « Les friends of OIGNIES » venant de BUXTON. Cette
cérémonie, toujours haute en couleurs a revêtu cette année, un cachet plus exotique.
À l’initiative d’un professeur du Lycée Guy Mollet à
ARRAS, cinq Indiens, ont en effet participé à la
cérémonie et déposé une gerbe devant le mausolée.
Ils étaient dans notre région suite à une cérémonie ayant
eut lieu à Neuve-Chapelle (Richebourg) deux jours
auparavant à l’initiative du lycée. Les élèves du lycée
arrageois Guy Mollet effectuent, depuis plusieurs années
des échanges avec des élèves du prestigieux MAYO
COLLEGE d’AJMER (Rajasthan – INDE). Cette année,
en présence de représentants de quatre nationalités, de
nombreuses personnalités et d’une centaine de jeunes, fut
rappelé le souvenir d’environ 5 000 soldats indiens
engagés avec les forces anglaises qui périrent à
RICHEBOURG en 1915.
Au Mausolée, à Oignies
Cérémonie du 26 mai 2016 à NEUVE-CHAPELLE
(RICHEBOURG)
en présence de M. Dhiraj Mukhia, Premier Secrétaire Y furent chantés l’hymne national français et l’hymne
de l'Ambassade d'Inde national indien
101 (100 ans + 1) petits drapeaux indiens avaient été confectionnés par les élèves.
Durant la Première Guerre mondiale, près de 100 000 soldats et officiers originaires
d’Inde combattirent sur le territoire français aux côtés des Alliés, l’Inde faisant alors
partie de l’Empire britannique. À ce groupe, il faut ajouter 48 000 hommes de
l’Indian Labour Corps, des travailleurs essentiellement originaires du Nord-Est de
l’Inde, qui passèrent généralement une année en France en 1917-1918. Ils étaient
utilisés comme main-d’œuvre à l’arrière, en même temps que des Chinois (plus
nombreux) et d’autres coloniaux.
Les élèves indiens avaient revêtu l’uniforme de leur collège et la coiffure de cérémonie
traditionnelle (des sikhs).
L’HÔPITAL HENRI ANQUETIL
L’hôpital fut construit parla Compagnie des Mines d’Ostricourt. On lui donna le nom d’un des administrateurs
de la Compagnie, M. Henri Anquetil
Sa construction débuta en juillet 1923 pour se terminer en octobre 1924.
Un reportage photographique sur l’évolution des travaux avait été réalisé à l’époque, et c’est un précieux docu-
ment qui nous a été confié par le docteur Bertrand.……
Voici donc, quelques clichés, parmi plus de 70, qui vous montreront la ″sortie de terre ″ de l’hôpital.
28 Juillet 1923 11 Août 19 23
12 janvier 1924 16 février 1924
19 avril 1924-Côté Est 19 avril 1924 Pavillon embauchage et concierge
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2 juillet 1924 : escalier d’accès au 1er étage
19 avril1924 – Côté Ouest
30 août 1924
2 juillet 1924
18 octobre 1924
(À SUIVRE) 6
1939-1945-Le S.T.O. –Service du Travail Obligatoire
À la fin de 1942, Hitler mène une guerre totale. Les usines d’armement fonctionnent 24h/24h et ont
besoin de beaucoup de main d’œuvre. Après avoir imposé à la France une forte contribution de guerre
destinée aux troupes d’occupation et une réquisition de la majeure partie de sa production industrielle
et agricole, les nazis réclament désormais une force de travail, des ouvriers.
Dans un premier temps, cette main d’œuvre est constituée de prisonniers de guerre, puis de volontaires
auxquels les services de propagande proposent de bons salaires et une bonne nourriture. En juin1942,
Fritz Sauckel, responsable nazi du recrutement et de l’emploi
de la main d’œuvre, impose à Laval le recrutement forcé de
350 000 travailleurs. À la fin de juin est annoncée à la radio,
la création de la RELÈVE : pour trois volontaires envoyés
dans les usines allemandes, un prisonnier de guerre sera
libéré. Mais le nombre de prisonniers libérés est en-dessous
des promesses et le nombre des travailleurs français partant
pour l’Allemagne est lui aussi inférieur aux prévisions.
À la fin de 1942, un décret de Sauckel concernant la zone
occupée lance le principe du travail obligatoire. Cette mesure
est aussitôt suivie par un décret de Laval destiné à la France
de Vichy. Les ouvriers français qui ne travaillent pas directe-
ment pour l’Allemagne peuvent être recrutés par les autorités
préfectorales et envoyés en Allemagne. Cette décision, prise
le 1er
février 1943, concerne toutes les femmes sans enfants de
18 à 45 ans et tous les hommes de 16 à 60 ans. Le 16 février
1943, une loi impose le Service du Travail Obligatoire :
tous les jeunes hommes de 20 à 22 ans peuvent être envoyés
de force en Allemagne. En juin 1943, Sauckel réclamera 220 000 hommes, puis en août 500 000. Plus
tard, il en exigera 1 000 000.
La France a fourni la main d’œuvre la plus importante à l’économie de guerre du IIIème
Reich : 400 000
travailleurs volontaires, 650 000 requis au titre du STO et près de 1 000 000 de prisonniers de guerre.
Les requis du STO étaient payés. À la Libération, ils seront reconnus comme des "déportés du travail".
Le STO a poussé un grand nombre de jeunes à rejoindre les maquis. Même si certains ont choisi de
s’engager dans la Milice ou dans la Légion des Volontaires Français-LVF- créée en 1941.
"Je fus S.T.O."-Mon histoire par M. Gaston Grulois
Ce témoignage fut recueilli par Jean-Pierre Foulon en 2004 ; M. Gaston
Grulois, était alors âgé de 84ans :« Tout notre entretien s’est très bien passé,
Gaston, avec une vive et excellente mémoire, souriait à l’évocation de ses
souvenirs de jeunesse. Lorsqu’on a commencé à parler de Dresde, il a pleuré
longuement. »
Gaston Grulois est né le 1er
août 1920 à Chagey (Haute-Saône). Il prit la suc-
cession de son père dans la menuiserie, rue Jules Guesdes. Il y travailla pres-
que toute sa vie.
« Les classes 39,40 et 41 ont été rappelées pour le S.T.O. Certains pré-
voyants s’étaient faits embaucher au fond de la mine pour échapper aux 7
réquisitions. Moi j’avais du travail dans la menuiserie de mon père, j’y suis resté. Il y avait déjà
eu des départs S.T.O en 1942. »
Le départ en 1943
« Pour ma part, j’ai été prévenu par un courrier de la mairie, apporté à mon domicile par Louis
Vanvoren. « Je t’apporte une triste nouvelle, fils. » Il connaissait bien mon père. [Bien qu’averti
la veille par le résistant ( ?), je n’ai pas osé me sauver : j’ai eu peur des représailles sur ma
famille]. Nous étions convoqués à la mairie de Carvin à l’"Arbeit Zone". Puis nous sommes
partis vers Lille, 1er
centre de regroupement. Pour y aller, j’étais dans une bétaillère. Nous avons
formé un convoi dans un train. Sur tout le trajet, nous n’avons mangé qu’une seule fois sur 6 ou7
jours. Nous étions plus de 200 après avoir ramassé une chaîne complète de production d’ouvriers
d’une usine Citroën sur Paris. Le voyage a duré plusieurs jours après un périple par
Magdebourg pour revenir à Erfut puis arrêter au petit village de Stadt-Rote ensuite à Dresde
pour arriver finalement à Leipzig. À chaque arrêt, le convoi déposait des civils français et faisait
le ravitaillement pour la loco ; mais rien pour nous »
Arrivée au camp à Polbitz (Saxe)
« Après une demi-heure de marche à pied, nous sommes arrivés à Zwickas (Saxe), le camp com-
prenait 30 000 civils travailleurs, esclaves du Reich. J’ai retrouvé, dans le camp, Louis Duparcq,
cousin de René Duparcq.
Il y avait des Tchèques, des Russes (des femmes également), des Hollandais, des Belges, des Fran-
çais et des Polonais. On distinguait les nationalités par des brassards jaunes avec les lettres F
(Français) et B (Belge) ; les Russes avaient sur la poitrine un losange violet avec un R(Ruska) ;
les Polonais, un losange orange avec la lettre P (Polski). Chez les Belges, il y avait beaucoup de
Flamands, ils avaient la plupart des places de confiance, il fallait voir comment ils traitaient les
Russes et les autres ; avant la fin, beaucoup d’entre eux se sont engagés dans les rangs de l’armée
allemande. »
Au travail à l’usine
« J’ai vite eu, sous ma coupe, cinq Russes. Je les faisais travailler, c’étaient des dégourdis, ils
n’arrêtaient pas de voler pour survivre. Ils avaient nettement moins à manger que nous et sou-
vent étaient battus par les Allemands et les Flamands.
Réveillés à cinq heures, on partait à l’usine Auto-Union (Audi) qui fabriquait des tanks Horsch,
des voitures pour D.C.A. et des ambulances. ( vers la fin de la guerre, elle devait produire 700
véhicules/mois, malgré les problèmes d’approvisionnement et les bombardements.) L’usine
travaillait, alors, 24 heures sur 24. Comme j’étais menuisier, j’ai été affecté au travail du bois et
je faisais notamment des plateformes ou plateaux pour des tourelles d’avions.
Logés dans des baraquements, on dormait dans des "lits" superposés en bois. La journée de tra-
vail de 12 heures se terminait vers dix-neuf heures. On mangeait trois rutabagas le midi et une
soupe épaisse au soir. Nous avons eu le droit à des colis jusqu’en 1944, puis plus rien après, au
moment où Oignies a été libérée. À vingt heures, c’était le couvre-feu ; au début nous avions le
droit de sortir, plus sur la fin. Le dimanche, s’il n’y avait rien à décharger le matin, certains
allaient à la messe en ville, d’autres jouaient des saynètes de théâtre ; moi, au début je jouais au
foot et faisais les déplacements avec les Allemands. [En 39-40, j’étais junior à l’A.S.S.B. où les
mineurs touchaient une prime de 100 F par match gagné et 50 F pour un nul ; moi, non
seulement je ne travaillais pas aux Mines mais je touchais 50 F et 25 F !].
Les ouvriers allemands de la Saxe, en majorité communistes, avaient peu voté pour Hitler et
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étaient très surveillés par la gestapo. Il y en avait à l’usine qui nous informeront, vers la fin, de
l’avancée alliée en Allemagne et ceci en cachette (peur de la répression). »
Un "pays"
«Un jour, de par ma situation, je suis désigné dans une corvée pour aller chercher du bois à
Rawaruska. Et là, surprise, je rencontre dans un kommando-scierie de prisonniers de guerre, un
gars d’Oignies, Marcel Duriez. Attiré à l’écart, il me dit : "J’ai un plan pour m’évader, mais il
me faut une carte d’identité." Je lui ai donc donné la mienne. Mon père ira le rechercher,
beaucoup plus tard avec notre camionnette et sa future femme en Hollande. Il avait réussi à
s’évader ! Rentré à Oignies, il se mariera quelques temps après. Les "pétains" l’attendaient à la
sortie de l’église pour le ramener chez les Allemands ; là encore, il a dû et a pu se sauver.» Triste corvée
« M’étant un jour plus ou moins vanté que je n’avais pas peur des morts et que j’avais déjà fait
plein de cercueils, je fus désigné pour aller dans un groupe de nettoyage des villes et communes
allemandes bombardées par les Alliés. Notre condition s’était améliorée : promenades dans les
vergers, dans les maisons éventrées, découverte de conserves et de pommes de terre ! Je pouvais
faire du troc quand je rentrai dans les baraquements quelques jours plus tard. J’étais depuis deux
mois dans ce commando, quand nous sommes allés déblayer Dresde pendant les bombardements
alliés. J’y étais le jour où 120 000 personnes ont été tuées par les bombes au phosphore. C’était
atroce tant par la chaleur, la vue et l’odeur. J’ai d’abord cru qu’il n’y avait que des enfants com-
me victimes du feu tellement les corps calcinés étaient petits. Dur, dur, aujourd’hui encore il m’ar-
rive d’y penser. Sur une partie de la ville déjà incendiée, je devais, avec mes chaussures à semelle
de bois articulée, sauter d’un pied sur l’autre tellement l’asphalte et les pavés étaient brûlants. Je
me souviens que mes semelles fumaient. Il y eut encore des vagues de bombardiers pendant que
j’y étais. Déclarée ville morte et interdite, tous les prisonniers sont repartis dans leurs camps. »
Les bombardements de Dresde
Les bombardements des 13 et 14 février 1945 sur-
viennent alors que la population de Dresde était
passée de 600 000 habitants à près de 1 million avec
l’afflux des réfugiés. Au total, en quinze heures,
7 000 tonnes de bombes incendiaires tombent sur
Dresde surnommée la ″Florence de l’Elbe″. Plus de
la moitié des habitations et le quart des zones indus-
trielles sont réduits en cendres et avec, 35 000 per-
sonnes tuées dont 25 000 furent identifiées.
Les Italiens
« Fin 1944, des éléments d’une division italienne qui avaient refusé de se battre sur le front de
l’Est avaient été désarmés et conduits dans le camp pour compenser les pertes humaines et aider
à l’effort de guerre entant que main-d’œuvre. L’usine tournait à plein rendement. Malgré les
difficultés d’approvisionnement, on devait sortir plus de 700 véhicules/mois. On travaillait nuit et
jour sans discontinuer même le dimanche. Les Italiens, pour la plupart siciliens, n’avaient pas la
côte ni avec nous, et pour cause, ni avec la garde allemande. C’étaient des sacrés voleurs ; ils
avaient inventé un système pour nous dépouiller de notre argent sans qu’on s’en aperçoive
À l’époque, nous portions tous notre portefeuille (pour ceux qui en avaient encore un !) dans la
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poche arrière de notre pantalon ; ils sectionnaient le tissu de la poche avec un instrument de leur
fabrication : une lame de rasoir montée sur un embout de bois. Il ne fallait pas appuyer fort vue
la vétusté de nos loques ! !
Libération & Retour
« Depuis quelques temps, comme je l’ai déjà dit, dans l’usine, les ouvriers allemands me mon-
traient, en cachette, sur des cartes l’avancée alliée en Allemagne. J’allais dans les ateliers re-
monter le moral des copains, en leur donnant, au jour le jour, l’avancée de notre libération.
Depuis maintenant trois mois, jour et nuit, je déblayais les décombles et les morts des bombar-
dements alliés.
Puis c’est enfin arrivé ! Le 17 avril 1945, l’armée de Paton nous a délivrés. Les prisonniers russes
ont saisi les armes des gardiens désarmés et se sont livrés à un véritable carnage sur eux, puis en
ville où ils avaient dû être mal traités par certains civils et commerçants.
Ce devait être un jour gai et ce fut un jour triste. »
ÉCHO DU PASSÉ
Extrait de la presse locale du début du XXè siècle
OIGNIES La fête des Sapeurs-Pompiers des Mines d’Ostricourt
Comme chaque année, à pareille époque, les Pompiers de la Compagnie des Mines d’Ostricourt
ont fêté la Saint-Mamert avec enthousiasme.
Dès neuf heures du matin, dimanche dernier, ils s’en furent, conduits par leur adjudant, M.
Goessens, porter fleurs et vœux à leur sous-lieutenant, M. Baudet, et à leur lieutenant-président
M. Raspiller.
En un court et charmant discours, M. Goessens se félicita de ces fêtes intimes où la concorde et
la joyeuse fraternité règnent souveraines ; il dit tout le respect et toute la confiance de ses hom-
mes en leur lieutenant ; toute la sympathie amicale pour leur sous-lieutenant ; et, aussi, toute
leur admiration pour leur cher et vénéré président d’honneur, M. Buchet ; toute leur affection
pour sa famille.
Accompagnés par l’excellente Fanfare qui jouait ses plus beaux pas redoublés, les Pompiers se
rendirent à l’église où une Messe était célébrée à leur intention, et au cours de laquelle les musi-
ciens interprétèrent deux de leurs plus belles œuvres ; puis, à l’issue de la cérémonie, après une
Fantaisie enlevée d’une façon impeccable par les Fanfaristes, ils parcoururent les principales
rues de la commune que ce défilé intéressait et amusait grandement.
Tous, pompiers et invités, se retrouvèrent, à deux heures, dans la salle des Fêtes coquettement
garnie, où les attendait un copieux et succulent repas servi par les soins de Madame Georges
Mayeux. Tous y firent honneur, cela se conçoit aisément.
Au champagne, M Rappiller, lieutenant-président, prit la parole : Affirmant sa volonté de justi-
fier la confiance qu’on avait eue pour lui confier la présidence de la Société, il fit l’éloge de ses
prédécesseurs et remercia de leur présence les nombreux invités, tant ingénieurs que membres
de la Municipalité d’Oignies, que membres honoraires et actifs, que représentants de Sociétés
amies. Il redit hommage au dévouement de ses collaborateurs, parmi lesquels Messieurs. Baudet
et Alexandre, puis regretta l’absence involontaire de Messieurs Tilloy et Buchet.
Il parla à ses hommes, dont la confiance et l’amour du devoir, font, de la Compagnie une Société
modèle ; dont l’abnégation saurait, le cas échéant, faire valoir la devise inscrite sur le drapeau
« Honneur, courage, dévouement ».
Levant son verre à la santé de Messieurs Tilloy, Buchet, des ingénieurs, du Maire d’Oignies, des
membres honoraires, des Sociétés sœurs de la Compagnie, de ses collaborateurs, il termina en
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portant l’ultime toast à l’étendard républicain, à l’emblème aux trois couleurs qu’il salua avec
respect et émotion.
Après ce discours fréquemment applaudi, les chanteurs eurent leur tour : MM Faideau Gabriel,
Vieslet Arthur, Godon Paul, Logé Henri, Gorin Jean-Baptiste, Sylvain Jean-Baptiste, Bernard
Etienne, Callot Ernest, Desprez Louis, Olivier Eugène, Tartare Léon, firent la joie des auditeurs.
Un bal très animé et très brillant, a clôturé cette belle fête dont les assistants emportèrent le
meilleur souvenir.
SAINT MAMERT
Saint Mamert a longtemps été préféré à Sainte Barbe, comme saint patron des pompiers. Il est fêté le
11 mai, c’est le premier des saints de glace avec saint Pancrace (le 12 mai) et saint Servais (le 13).Ces
3 saints sont traditionnellement les derniers jours où des gelées nocturnes peuvent se produire. Une
quatrième date, le 25 mai, la Saint Urbain, était associée aux saints de glace selon un vieil adage :
″Mamert, Pancrace, Servais sont les 3 saints de glace mais Saint Urbain les
tient dans sa main″. Finalement, l’évolution des croyances a fait remplacer
les saints de glace par d’autres saints : Sainte Estelle, Saint Achille et Sainte
Rolande. En effet, les rituels instaurés par les anciens saints de glace furent,
par la suite, considérés comme inspirés de pensées païennes.
Saint Mamert était évêque de Vienne – diocèse de Valence—. Vers 475, il
établit dans cette ville trois jours de supplications publiques avec jeûne,
avant la fête de l’Ascension du Seigneur, pour demander l’aide de Dieu et
l’éloignement des calamités (la ‘prière des ″Rogations″) .
″1916″ vu par Jules Mousseron
SCÈNE DE GUERRE
Matin et soir, dévant m’ ferniête,
Passe un groupe ed’ soldats all’mands.
Ils march’nt au pas, in r’lévant l’ tiête,
Carrés, solid’s comm’ des géants.
À l’ cadenc’ des marionnettes,
Fiers, ils cant’nt des airs conquérants.
À distanc’ cha donne el trannette,
D’ près ch’ est un peu pus rassurant,
Dûss’ qu’i s’in vont, tous ces r’doutapes,
Ces moustaches d’ cats, ces gris diapes,
L’ sourcil froncé in rachin’ d’ail ?
Ils vont au pillache, à l’ rapine,
Ils s’ in vont voler des machines
Aux Forg’s dé D’nain, au bin chez Cail
.
FRAUDEUSE
L’ femm’, trannant d’ peur, travers’ les camps,
Évitant les qu’mins, les voyettes,
All’ s’arrêt’ court, l’air hésitant,
Quand les avoin’s branl’nt leus sonnettes.
Soudain all’ sé muche, in s’ baissant,
Dins les épis d’ soile, à croupette ;
Car elle a vu, là pus avant,
Un gendarm’ prussien qui ravette.
L’ Boch’ s’éloigne, el visach’ bourru,
In vot glicher s’n’ ombrag’ pointu.
L’ femm’ tranne incor, sin cœur i floche.
Car – grand’ coupable – alle a fraudé
In acatant plein s’ poche d’ blé
Pou faire du pain blanc à s’ tiot mioche.
Flocher = battre ; soile = seigle —Les Forges de DENAIN : En 1839, Jean-François Dumont installe une
usine de fonte à Denain. En 1849, elle devient la société des hauts-fourneaux et des forges de Denain. En 1905,
la société rachète la Compagnie des Mines d’Azincourt et devient Usinor-Denain.
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″LA GUERRE 1914-1918 EN CHANSONS″
« Pourquoi un montage sur les chansons de 1914-1918 ? Tout simplement parce que ces chansons
racontent notre Histoire, proche, intime, vécue, qu’elles ne sont qu’un devoir de mémoire,
nécessaire, et qu’elles parlent directement à nos cœurs, à nos émotions, à nos entrailles. »
C’est par ces mots que Monique Dufour commence son recueil de chansons, document de travail pour
préparer la ″soirée musicale″ qui se déroulera le jeudi 7 décembre 2016 à 18 h à la Grande salle Pasteur
[entrée gratuite]. Dans ce recueil sont cités des noms de chansonniers, paroliers ou compositeurs, qui,
pour beaucoup, ne nous évoquent plus rien, mais qui ont eu, à l’époque et jusqu’après la seconde
guerre mondiale, une certaine notoriété. Dans cet article, nous parlerons de certains d’entre eux
(simplement par ordre alphabétique). Mais d’abord, un peu de vocabulaire : Chansonnier : faiseur ou
faiseuse de chansons (terme qui n’est d’usage que dans le style familier) —Dictionnaire académique
1932— En 1986, ce dictionnaire propose : personne qui compose des chansons ou des textes satiriques
et qui, le plus souvent, les interprète.
Tourlourou : familier et ironiquement, Fantassin / synonyme de comique troupier.
Comique troupier : chanteur de café-concert et de music-hall, interprétant en
tenue de soldat, des chansons souvent semées de sous-entendus grivois.
Gaston OUVRARD (1890-1981), reste pour beaucoup l’image du comique trou-
pier. Fils de l’artiste Éloi Ouvrard, il devient une vedette du café-concert, et
popularise le style comique troupier inventé par son père (1877). Il est l’auteur-
compositeur-interprète de ″Je ne suis pas bien portant″.
BACH (né Charles Joseph PASQUIER) : 9 novembre 1882 à Fonteni Cornillon (Isère)-
19 novembre 1952 à Nogent le Rotrou— Chanteur comique troupier, acteur et dramaturge.
Adolphe BÈRARD : 9 août 1870 à Carpentras- 1er
avril 1946 à Paris— Chanteur—
Pendant la Première Guerre mondiale son registre devient patriotique avec des chansons comme ″La
valse bleu-horizon″, ″L'étendard étoilé ″ou encore ″Verdun ! On ne passe pas″.
Eugène BIZEAU : 29 mai 1883 à Véretz- 16 avril 1989 à Tours—Poète et chansonnier anarchiste—
Il collabora à de nombreux périodiques et journaux libertaires de son époque, parmi lesquels ″Le Li-
bertaire″. Il appartint au groupe de la Muse rouge avec Gaston Couté et Aristide Bruant
Théodore BOTREL : 14 septembre 1868 à Dinan- 26 juillet 1925 à Pont-Aven.
Surnommé le ″chansonnier breton″, auteur-interprète de ″La Paimpolaise″, sur
une musique de Émile Feautrien, interprétée aussi par Mayol*. Membre de la
Ligue Patriotique de Paul Déroulède, il joint sa voix au courant belliciste et
revanchard, et écrit dès 1914 des chansons aux titres évocateurs, "La Kaiseriole",
"Au front", "Tant pis pour eux", dont la plus connu reste "Rosalie", du nom de la
baïonnette des soldats français. Il est décoré pour avoir chanté devant les soldats
pendant la Première Guerre mondiale.
*Félix MAYOL (1872-1941)
Lucien BOYER : 20 janvier 1876 à Léognan- 16 juin 1942 à Paris— Poète,
compositeur, chansonnier montmartrois, interprète de ses chansons et auteur
de livrets de revues.En 1920, il reçoit la Légion d’Honneur en récompense de
services rendus pendant la Grande Guerre comme ″chansonnier aux armées″. —Quatrain lancé aux Allemands dans une boule de papier de soie—:
Boches, votre malheur me touche
Lucien BOYER Prenez ce papier délicat
″chansonnier des poilus″ C’est pour essuyer votre bouch
par J.A. Grün Quand vous mangez du pain K.K.
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Aristide BRUANT (né Aristide Louis Armand BRUAND) : 6 mai 1851 à
Courtenay-11février 1925 à Paris— Chansonnier et écrivain— Ses chansons
populaires, sa présence en scène, sa voix rauque et puissante et sa carrure ont fait de
lui un monument de la chanson française réaliste, considéré comme un des plus
grands poètes de l'argot de la fin du XIXe siècle et du début du XX
e s. Il a été l'un des
créateurs de la chanson réaliste, mouvement qui a duré jusqu'au milieu du XXe
siècle .. Ce mouvement a laissé des traces durables jusque dans la chanson française
contemporaine.
Célèbre affiche de Toulouse-Lautrec
CHARLUS (né Louis-Napoléon DEFER) : 6 septembre 1860 à Aumale-21
février 1951 à Verberie— Chanteur—En 1896, Emile Pathé, de la société Pathé
Frères lui permet d'enregistrer pour la firme. Selon Charlus, il aurait enregistré pas
moins de 80 000 chansons pendant sa carrière ce qui lui vaut le surnom de ″forçat
du gramophone″. Charlus n'avait pas vraiment de style particulier : il était un
chanteur capable de remplacer n'importe qui en n'importe quel temps. On n'a, pour
en arriver à cette conclusion, qu'à étudier la liste de ses enregistrements : il passe du
répertoire-troupier aux chansons de charme en passant par les ″idioties″ de
Dranem, les chansons fantaisistes de Mayol ou de Fragson tout en étant un sérieux
candidat pour remplacer Bérard ou Bruant. DRANEM (Armand MÉNARD)-chanteur-1869/1935 ; Harry FRAGSON (Léon Philippe POT) auteur-compositeur-
interprète-1869/1913.
MONTHÉUS (né Gaston Mardochée BRUNSWICK) : 9 juillet 1872 à Paris-
31 décembre 1952 à Paris— Chansonnier— Il est l'auteur de ″Gloire au n°17″,
″La Butte Rouge″ et ″La Jeune Garde″ D'abord socialiste modéré, il évolue en
1906 vers un antimilitarisme radical proche du journal ″La Guerre Sociale avant
de rejoindre l'Union sacrée en 1914. Dans ses chansons au style vif, entraînant,
Montéhus s'oppose à la guerre, à l'exploitation capitaliste, à la prostitution, à la
misère, à l'hypocrisie religieuse, mais aussi à l'impôt sur le revenu :Il a également
défendu la cause des femmes d'une façon remarquable. .″ La grève des Mères″ fut interdite par
décision de justice en octobre 1905 et Montéhus condamné pour ″incitation à l'avortement″. Pour ses
chants patriotiques, il reçut, en 1918, la croix de guerre. En 1936 il soutient le Front Populaire. Il écrit
″Vas-y, Léon″ (Léon Blum). En 1942, il est obligé de porter l’″étoile jaune″. En 1947, Paul Ramadier,
Président du Conseil, lui remet la Légion d’Honneur
.
Vincent SCOTTO : 21 avril 1876 à Marseille-15 novembre 1952 à Paris—
Compositeur— Il débuta comme chanteur à Marseille en 1906. L'une de ses
toutes premières compositions fut adaptée par Henri Christiné pour devenir un
succès de Polin: ″La Petite Tonkinoise″. Fort de cette réputation, il monta à
Paris. Ce fut le début d'une production abondante et de qualité, comme : ″J'ai
deux amours″, ″Prosper″, ″La Trompette en bois″, ″Marinella″, ″Le Plus Beau
Tango du monde″, ″Sous les ponts de Paris″. Sa popularité est aussi due aux
nombreuses musiques qu’il composa pour le cinéma. On ne dénombre pas
moins de 200 films à son actif, dont ceux de son ami, Marcel Pagnol. POLIN (Paul Marsalès)- comique troupier -1863/1927 ; Henri CHRISTINÉ-compositeur, chef d’orchestre-1867/1941.
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1914-1918- LES INFIRMIÈRES
En France, à la suite de la déclaration de guerre, une grande partie de la société féminine n’hési-
te pas à aider les soldats partis au combat. Ainsi, dès août 1914, des jeunes filles et des femmes de
toutes catégories sociales suivent des cours de formation pour devenir infirmières.
L’uniforme d’une infirmière de la Grande Guerre se composait d’une blouse
blanche, d’un voile blanc et d’un manteau bleu marine sur lequel était cousu un
insigne de qualification comportant le symbole de la Croix Rouge française.
L’insigne de qualification de cet uniforme est « S.B.M » pour « Société de
secours aux blessés militaires ».
Des formations sont créées par l’Union des Femmes de France et l’Association
des Dames françaises. Elles comprennent un enseignement théorique et un ensei-
gnement pratique. A l’issue de ces formations, des diplômes sont décernés per-
mettant une véritable professionnalisation des infirmières qui évoluent du statut
d’aide/infirmière auxiliaire à celui d’infirmière hospitalière au titre de guerre.
Ainsi, dans le but de renforcer les
effectifs et de faciliter le travail des
infirmières diplômées, de jeunes au-
xiliaires suivent de brèves formations
d’une semaine complétées sur le ter-
rain par de la pratique dans les hôpitaux et les infirmeries.
Ces infirmières travaillent pour la Croix Rouge française et
6 000 d’entre elles exercent dans des hôpitaux militaires.
Les infirmières de la Croix Rouge française sont bénévoles,
en 1918, sur 110 000 Françaises infirmières, auxiliaires ou
visiteuses hospitalières, 70 000 sont des bénévoles de la Croix Rouge.
Afin d’accueillir l’afflux de blessés et de malades, trois sociétés composant la Croix Rouge ouvrent et
entretiennent immédiatement des hôpitaux auxiliaires : la Société de secours aux blessés militaires,
l’Union des femmes de France et l’Association des dames françaises. À l’initiative de femmes de la
haute société, des hôpitaux non-conventionnels voient également le jour dans de vastes demeures
transformées en hôpitaux bénévoles. De même, certaines congrégations religieuses deviennent des
maisons de convalescence. Source Internet-Verdun-Meuse.fr
Extrait du carnet de route d’un Poilu, Léon Warot, de la région d’Hesdin. En 1915, suite à une crise ″carabinée″ de rhumatisme il est envoyé, par train, à l’hôpital.
« Enfin Bordeaux. Nous sommes le 5 mai. Je ne saurai dire combien il y avait d’autos sanitaires.
Comme les autres camarades, je suis descendu sur le quai, toujours sur un brancard. Des infirmiers,
des infirmières se pressent autour de nous avec du lait, des boissons chaudes. En supplément des 4
majors du train, il y a 6 autres médecins civils. Selon notre fiche d’évacuation, on est dirigé sur divers
hôpitaux. Je suis chargé seul, dans une voiture particulière et me voilà parti dans Bordeaux mais rien
ne m’intéresse. Est-ce l’effet du transbordement, je souffre de nouveau. Pourtant, l’auto roule douce-
ment et s’arrête. Une dame qui me paraît sévère accompagne le chauffeur en costume blanc, elle-mê-
me est habillée en blanc. Ce doit être du beau monde. Nous sommes arrêtés dans la cour d’un grand
immeuble. C’est l’institut des sourds et muets de Bordeaux transformé en hôpital auxiliaire, dirigé par
des infirmières de très bonne famille et des sœurs de charité. On me descend avec toutes les précau-
tions voulues et on me monte au 1er
étage. Tout de suite, la dame de l’auto me dit : « Mon petit, n’ayez
crainte, avant tout autre chose, on va vous nettoyer, vous avez été courageux en toutes circonstances,
il va vous falloir l’être encore un peu car malgré toutes les précautions, on va peut-être vous faire mal,
mais laissez-vous faire, ce ne sera pas long » […]
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Le matin de mon arrivée, j’eus la visite du Docteur Teuillères, c’est un homme très doux. Lorsqu’il
m’eut regardé, ausculté de tous les côtés, appuyant les mains par-ci par-là, ce qui me faisait faire des
grimaces, il reconnut que les médecins qui m’avaient évacué ne s’étaient pas trompés. « Ce petit gars-
là est bien servi, dit-il. Il faut employer les grands moyens, si on ne veut pas qu’il reste paralysé. »
Et en effet pendant 15 jours, 3 fois par jour, je fus badigeonné à la teinture d’iode pure, sauf ma figure
et mon petit...hum. On me badigeonnait avec un pinceau, puis j’étais enveloppé de coton hydrophile et
de la toile gutta-percha (gomme issue du latex naturel). Boisson chaude spéciale, je n’en sais pas le
nom, mais agréable et du lait. Mais alors quand on me changeait, je poussais des cris, et le 4ème
jour, je
commençais à transpirer à un tel point, que la sueur dégoulinait tout le long du gutta-percha et cela
obligeait à me changer de drap tous les jours et le matelas très souvent. Àh ! J’étais bien soigné,
j’avais toujours une personne autour de moi, soit pour me relever mes oreillers, changer mes membres
de place, avec des précautions infinies mais je souffrais terriblement
Il faut que je vous parle de la chambre où j’étais couché. Nous étions 12 malades ou blessés, 4 surtout
bras ou jambes coupés. J’étais affecté au service de Madame Feuillan. C’est le nom de cette dame
dont j’ai fait plusieurs fois allusion plus haut et qui m’avait amené en auto. Je sus que c’était la direc-
trice de l’hôpital, mais elle nous donnait également des soins surtout aux plus malades. Dans son ser-
vice, étaient également ses deux filles, 18 et 20 ans Josette et Josèphe, Mlle de Nartigues, Sœur Marie
Rose et Sœur Marie-Antoinette de Saint Vincent de Paul. Et à titre amical, (ce n’était pas nous qui
avions commencé) on appelait sœur Marie-Rose, Marose, elle était toute jeune, 25 ans peut-être et
sœur Marie Antoinette, plus âgée, était appelée Manette, et elles en étaient fières mais aussi quel
dévouement de nos infirmières car il ne s’agissait pas toujours de pansements, certes pas toujours
beaux à voir, ni de tisane, il y avait les besoins dont personne n’est exempt et là c’était une affaire. Ces
demoiselles n’y assistaient pas.
Pour moi-même c’était plus difficile encore : on me glissait sur une planche, où était déjà une forte
toile, mais avec un trou au bon endroit et quand j’étais à proximité, deux convalescents attrapaient la
toile à chaque bout, on me retirait de la planche et on me laissait tomber, tout doucement sur le trou à
cet effet – ce qui ne m’empêchait pas de crier, malgré ma volonté de ne pas crier. C’était des scènes
pas ordinaires.
Il y avait bien 8 à 10 jours que j’étais dans cette triste situation, il me semble que je souffrais moins et
puis, on me dorlotait, on employait tous les moyens pour me distraire. Et on était obligé de me donner
à boire ou un peu à manger, comme à un bébé. Vraiment, j’étais bien soigné et au fur et à mesure de la
lente amélioration de mon état, j’avais plus de visites de la part des demoiselles Feuillan. C’était elles,
qui à tour de rôle, me donnaient à manger à midi, Oh ! Pas beaucoup, mais ces jeunes filles avaient
déjà des instincts maternels, surtout Mlle Josèphe (20 ans). Elle m’avait pris en amitié, toujours aux
petits soins, m’apportant toutes sortes de bonnes choses. Les autres personnes aussi d’ailleurs. Mais
c’était elle qui dépassait les autres.
Au bout de 15 à 20 jours de ce traitement de cheval, qui m’était imposé, j’étais mieux, mais ma peau
se boursouflait et on aurait dit que j’avais le corps couvert de feuilles de papier à cigarette et quand on
me rebadigeonnait à la teinture d’iode, on me décollait cette espèce de peau morte ce qui n’était pas
sans douleur, du fait que j’avais les membres et le corps assez poilus et il fallait voir le plaisir qu’
avaient ces demoiselles pour m’enlever cette peau. Elles faisaient semblant de se chicaner, prétendant
que l’une me faisait plus de mal que l’autre. Je souriais quand même. »
JOURNAL DE CARVIN-17 NOVEMBRE 1912 : LA CENTENAIRE HÉNINOISE On a fêté dimanche à Hénin-Liétard les cent ans de Madame Joseph Duquesnoy-
Hénocq. La messe solennelle fut célébrée pour elle et pour ses enfants, les époux
Sauvage-Duquesnoy dont on fêtait les noces d’or. La municipalité a reçu à l’hôtel de
ville la Centenaire et les jubilaires. C’est au son joyeux des accordéons que dimanche, à
la vesprée, à quatre heures, une de nos concitoyennes héninoises a franchi le cap de la
centaine : le poids de tout un siècle n’a pas eu prise sur cette bonne vieille, toute menue,
toute ramassée en elle-même, qui garde un éclat de vie surprenant dans l’œil unique qui
lui permet de distinguer. Jamais les moindres bésicles chevauchèrent sur son nez ou
emprisonnèrent ses tempes ridées. 15
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