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Secrétariat d’ État à l’Enseignement supérieur et à la Recherche
Ministère de l’ Économie, de l’Industrie et du Numérique
Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la Recherche
Conseil général de l’économie,
de l’industrie, de l’énergie et des technologies
N° 2015-071 N° 2014/19/CGE/SG
Les relations entre les entreprises et la recherche publique
Lever des obstacles à l’innovation en France
Rapport à
Madame la Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
Monsieur le Secrétaire d'État en charge de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
Monsieur le Ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique
établi par
Benoît LEGAIT
Ingénieur général des mines
Armand RENUCCI Inspecteur général de l’administration
de l’éducation nationale et de la recherche
Jean-Louis SIKORAV Ingénieur général des mines
Avec la participation de Jean-François Cervel, Jacques HAUDEBOURG et de François Loos
Octobre 2015
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 2
SOMMAIRE
SYNTHESE .................................................................................................................................... 4
TABLE DES RECOMMANDATIONS .................................................................................................. 7
1 Introduction ............................................................................................................................ 9
1.1 Objectifs généraux de la mission ..................................................................................... 9
1.2 Méthode de travail ........................................................................................................... 9
2 Contexte général ................................................................................................................... 11
2.1 Les bénéfices des coopérations public-privé en matière de R&D des entreprises ........ 11
2.2 Quelques indicateurs macroéconomiques montrent que ces relations apparaissent plus
développées dans plusieurs pays ................................................................................... 12
2.2.1 La stagnation de la dépense intérieure de R&D (DIRD) française entre 1995 et 2013 ............. 12
2.2.2 La stabilité de la DIRDE française entre 1995 et 2013 .............................................................. 13
2.2.3 La DIRDA française décroit entre 1995 et 2013, avec une très faible part consacrée au
développement expérimental .................................................................................................. 15
2.2.4 Les financements croisés : la part de la recherche des entreprises financée directement par
l’État baisse dans tous les pays étudiés. En France, la prise en compte du CIR inverse la
tendance. .................................................................................................................................. 16
2.2.5 Les financements croisés : la stabilité française du financement privé de la recherche publique
18
2.2.6 D’autres indicateurs de coopération confirment les données économiques ........................... 19
2.3 L’État finance de très nombreux dispositifs et structures incitant les entreprises et les
laboratoires publics à coopérer ..................................................................................... 22
3 Perception par les entreprises de leurs relations avec les laboratoires publics ......................... 24
3.1 La recherche publique française est jugée de grande qualité, avec une organisation qui
se complexifie, dans un contexte de concurrence avec les laboratoires étrangers ...... 25
3.2 La mise en œuvre des relations avec la recherche publique rencontre de multiples
difficultés. ....................................................................................................................... 27
3.2.1 L’accès à l’information, un problème surtout exprimé par les PME et les ETI ......................... 27
3.2.2 Une communication difficile et des négociations trop longues constituent des obstacles
importants ................................................................................................................................ 28
3.2.3 Des publications que certaines entreprises aimeraient différer .............................................. 28
3.2.4 La propriété intellectuelle souvent l’objet de négociations difficiles ....................................... 29
3.2.5 Des coûts de la R&D parfois jugés opaques .............................................................................. 30
3.2.6 La réalisation des projets de R&D avec les laboratoires peut être source de difficultés .......... 30
3.3 Les cadres et les outils qui soutiennent la recherche collaborative font l’objet de
nombreuses critiques ..................................................................................................... 31
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 3
3.3.1 Des dispositifs incitatifs nombreux, complexes à mettre en œuvre, avec des taux de
financements parfois dissuasifs ................................................................................................ 31
3.3.2 Des échanges trop limités en matière de ressources humaines ............................................... 33
3.3.3 Une fiscalité très appréciée avec des demandes d’amélioration exprimées ............................ 34
4 Analyses et recommandations ............................................................................................... 36
4.1 Gouvernance des politiques publiques et des établissements ...................................... 36
4.1.1 Une théorie élémentaire de la gouvernance de l’innovation ................................................... 37
4.1.2 L’innovation au sein de l’administration : gouvernance et méthodes ..................................... 39
4.1.3 La participation des entreprises à la gouvernance des établissements publics de recherche . 47
4.2 Ressources humaines et mobilité entre les secteurs public et privé ............................. 48
4.2.1 Accroitre la mobilité entre les secteurs public et privé via un nouveau dispositif incitatif ...... 49
4.2.2 Contribuer aux relations avec les entreprises par une meilleure gestion des chercheurs publics
51
4.3 Les interfaces entre les entreprises et le monde académique ...................................... 51
4.4 Mise en œuvre des politiques incitatives et modalités de coopérations ...................... 55
ANNEXES ................................................................................................................................... 61
Annexe 1 : Lettre de mission ............................................................................................................ 62
Annexe 2 : Méthodologie générale, une approche unificatrice d’un problème complexe ............. 64
Annexe 3 : Méthodologie de l’approche bibliométrique ................................................................. 68
Annexe 4 : Comparaison de la gouvernance des instituts Carnot et des Fraunhofer...................... 72
Annexe 5 : La Grande Bretagne ........................................................................................................ 77
Annexe 6 : L’Allemagne .................................................................................................................... 84
Annexe 7 : Les États-Unis ................................................................................................................. 89
Annexe 8 : Israël ............................................................................................................................... 96
Annexe 9 : Missions et programmes du PIA susceptibles de financer des projets associant
entreprises et établissements public de recherche ..................................................... 111
Annexe 10 : Guide d’entretien ....................................................................................................... 113
Annexe 11 : Suivi des entreprises innovantes par les DIRECCTE ................................................... 115
Annexe 12 : Tableau de correspondance entre des points de vue des entreprises et les
recommandations ........................................................................................................ 118
Annexe 13 : Personnes rencontrées .............................................................................................. 119
Annexe 14 : Sigles ........................................................................................................................... 125
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 4
SYNTHESE
Des relations étroites entre entreprises et établissements publics de recherche apportent de clairs
bénéfices en termes d’innovation, et répondent à des objectifs convergents des entreprises, des
acteurs de la recherche publique et de l’administration. Néanmoins, ces relations apparaissent moins
intenses en France qu’en Grande-Bretagne, aux États-Unis, et surtout en Allemagne et en Israël, à la
lecture de plusieurs indicateurs, depuis au moins vingt ans, et ce malgré plusieurs actions de l’État
(notamment par la création de structures dédiées, et par la mise en place de financements soutenant
la recherche collaborative, au demeurant en baisse ces dernières années).
Les entreprises, qui opèrent près des deux tiers de la R&D française, jouent un rôle moteur dans ces
relations. La plupart de celles qui ont été interrogées par la mission estiment que la recherche
publique française est importante et de qualité, et que même si elle doit faire face à une
concurrence croissante des universités étrangères, dont certaines sont très proactives, elle dispose
de réels atouts. La R&D des entreprises internationales tend à accompagner les marchés à l’étranger,
même si aujourd’hui l’essentiel de leur R&D est en général encore effectué sur le sol national.
Le système public français de R&D, qui a beaucoup évolué au cours des dernières années (création
de l’ANR1, autonomie des universités, création des dispositifs et des structures du Programme
d’Investissements d’Avenir…) est malheureusement devenu encore plus complexe, et moins lisible,
pour beaucoup d’entreprises consultées et même pour certains grands groupes (multiplicité des
guichets à travers le PIA, notamment). Un manque de professionnalisme et de réactivité de certains
acteurs publics est souvent pointé malgré le développement des dispositifs de valorisation :
méconnaissance des besoins et des attentes des entreprises qui affectent la mise en œuvre et la
qualité de projets collaboratifs, activités de recherche menées dans des champs scientifiques trop
étroits, tarifs parfois élevés et opaques, communication et gestion des projets inadaptées. Les
négociations avec les établissements publics de recherche sont, pour de multiples raisons, trop
longues : des interlocuteurs trop nombreux, en particulier dans le cas des laboratoires multi-tutelles,
parfois à cause de problèmes de confidentialité associés aux publications, et très souvent en raison
de clauses de propriété intellectuelle. Les brevets sont devenus des enjeux forts pour les
établissements publics, qui ne disposent souvent ni des moyens, ni des compétences pour les
valoriser selon nombre d’acteurs économiques consultés. Enfin, la mobilité humaine entre le privé et
le public en R&D est très faible en France, à l’exception des doctorants CIFRE2 qui sont très appréciés
par les entreprises qui en bénéficient.
Privilégiant une recherche des causes constantes de ces insuffisantes relations privé/public en R&D
et des difficultés rencontrées, la mission a d’abord voulu se concentrer sur les invariants de ce
phénomène, les hommes et les femmes impliquées dans ces relations et sur l’adéquation entre leurs
compétences et les tâches qu’ils ont à effectuer. La mission s’est donc d’abord orientée vers un
examen de la gouvernance de l’innovation, qui constitue le cœur du capital humain des organisations
considérées (laboratoires, administrations, entreprises). Elle a montré que l’on pouvait établir une
théorie élémentaire unifiée de cette gouvernance, qui définit des compétences requises, et qui
1 Agence nationale de la recherche. Tous les sigles employés dans le rapport sont aussi définis dans l’annexe 14.
2 La Convention Industrielle de Formation par la Recherche subventionne toute entreprise de droit français qui embauche
un doctorant pour le placer au cœur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 5
conduit à introduire des indicateurs individuels quantitatifs de performance passée, dont elle a décrit
à la fois l’intérêt et les limites. La mission a montré que cette approche théorique décrit
convenablement la gouvernance des Instituts Fraunhofer, une référence internationale en matière
de recherche publique menée avec les entreprises. Cette même approche permet, à la fois par
référence à la théorie et par comparaison entre les Instituts Fraunhofer et les Instituts Carnot, de
mettre en évidence des dysfonctionnements dans la gouvernance des Instituts Carnot, ce qui ouvre
la voie à des améliorations du fonctionnement non seulement de ces 34 instituts, mais aussi de leurs
organismes de tutelle.
Les questions de ressources humaines apparaissent centrales au regard de la qualité insuffisante des
relations privé/public en matière de R&D et une série de recommandations proposées portent
spécifiquement sur cet aspect du problème. La mission recommande notamment de :
- nommer les responsables en charge de la R&D dans les administrations et établissements
publics selon des critères inspirés des meilleurs exemples internationaux afin de garantir la
mobilisation des compétences indispensables.
- créer, au sein des ministères, des postes de directeurs scientifiques, dotés d’une part de
fonctions comparables à celles des « chief scientific advisers », mis en place dans plusieurs
autres pays, et complétées d’autre part par des responsabilités administratives plus
importantes. Ceux-ci seront placés au sommet de la hiérarchie administrative afin de
participer efficacement à l’élaboration des politiques publiques ; créer un réseau d’experts
au sein de l’administration en matière de gouvernance et d’économie de l’innovation, et
susciter des travaux universitaires sur ces questions.
- développer la mobilité entre le public et le privé, en étendant le principe du dispositif CIFRE
aux post-doctorants et aux chercheurs statutaires sur la base d’un nouveau programme
similaire au « Knowledge Transfer Partnership » britannique.
- afficher de manière explicite dans les statuts des chercheurs et des enseignants chercheurs
fonctionnaires, une mission de valorisation à la même hauteur que leurs missions de
recherche, comme cela apparaît pour les établissements publics concernés (loi du 22 juillet
2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche).
La mission est convaincue qu’en l’absence de changements profonds d’une part de la gouvernance
de l’innovation dans l’administration et dans les établissements publics de recherche et d’autre part
des méthodes des politiques publiques, toute tentative d’amélioration « à la marge » est illusoire,
comme le montrent les dernières décennies.
Les recommandations qui précèdent sont complétées par d’autres visant à :
- améliorer la connaissance croisée des entreprises et de la recherche publique : mise en
place de « coupons pour l’innovation » à destination des PME, désignation, au sein des
structures publiques de recherche, d’interlocuteurs spécifiques des entreprises (« industrial
liaison officers »), accroissement de la visibilité et la lisibilité de la recherche publique, avec
une nouvelle interface complétant l’outil internet, regroupement des « petits » appels à
projets publics.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 6
- accélérer la mise en place des projets publics/privés de R&D : procédures plus rapides pour
les programmes de recherche collaborative, clauses types de propriété intellectuelle,
mandataire unique pour négocier les contrats.
- porter le taux d’abondement des Instituts Carnot à 30%, avec parallèlement la remise à plat
de leur gouvernance, et affecter une part significative du PIA3 à des projets associant des
entreprises et des laboratoires publics, avec une gouvernance exemplaire.
- améliorer les outils de pilotage de la R&D publique pour développer ses relations avec les
entreprises : notamment définition d’indicateurs de performance pertinents et création d’un
« comité industriel d’orientation » au sein des établissements publics de recherche.
*
* *
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 7
TABLE DES RECOMMANDATIONS3
Recommandation n° 1. L’État doit définir rigoureusement les compétences requises pour
occuper des postes de gouvernance de l’innovation dans
l’administration et dans les organismes qui sont sous sa tutelle, en
s’inspirant des meilleures pratiques internationales......................... 45
Recommandation n° 2. Identifier au sein de l’administration les personnes possédant une
expérience réussie dans des activités innovantes, pour les préparer à
assumer des fonctions de responsabilité en matière de recherche et
d’innovation, notamment par des formations, et des cursus
appropriés. ......................................................................................... 45
Recommandation n° 3. Créer des postes de directeurs scientifiques (« chief scientific
advisers ») dans les différents ministères, ayant un statut
hiérarchique adéquat pour contribuer efficacement à définir les
objectifs stratégiques des ministères et, notamment, participer à
l’élaboration de la réglementation et des budgets R&D, ainsi qu’à la
coordination interministérielle. ........................................................ 47
Recommandation n° 4. Créer un réseau d’experts au sein de l’administration (France
Stratégie, DGE, DGRI) en matière de gouvernance et d’économie de
l’innovation et susciter des travaux universitaires sur ces questions.
........................................................................................................... 47
Recommandation n° 5. Créer, au sein des établissements publics ayant une mission
recherche, un « Comité industriel d’orientation », composé de
personnalités compétentes du secteur économique, rapportant au
responsable exécutif de l’établissement, et dont les
recommandations et leurs suivis feront l’objet d’un rapport annuel au
Conseil d’administration. ................................................................... 48
Recommandation n° 6. Mettre en œuvre un programme de transfert de compétences
analogue au « Knowledge Transfer Partnership »
britannique facilitant le recrutement de docteurs et de chercheurs
issus des établissements publics par les entreprises, dans le cadre de
projets de R&D. .................................................................................. 51
Recommandation n° 7. Pour favoriser une prise en compte effective des relations avec le
secteur économique dans l’évaluation des chercheurs et enseignants-
chercheurs publics, afficher de manière explicite dans leurs statuts
les missions de valorisation des activités de recherche au même
3 Les recommandations sont présentées dans l’ordre d’apparition dans le texte.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 8
niveau que leurs missions de recherche (et le cas échéant de
formation). ......................................................................................... 51
Recommandation n° 8. Mettre en œuvre un point d’entrée national d’information pour les
entreprises qui souhaitent interagir avec la recherche publique. Une
plateforme de service téléphonique et un site internet permettraient
de présenter le paysage institutionnel de la recherche publique
française avec les dispositifs incitatifs en matière de collaboration et
d’orienter les entreprises vers les interlocuteurs adéquats. ............ 52
Recommandation n° 9. Mettre en place un mécanisme similaire aux « Innovation vouchers »
britanniques à destination des PME souhaitant consulter un
établissement public de recherche pour un projet innovant. ........... 53
Recommandation n° 10. Généraliser la présence, au sein des structures de recherche, d’un
chargé des relations industrielles (« Industrial Liaison Officer »),
interlocuteur des entreprises et acteurs des écosystèmes régionaux
de l’innovation, en charge de promouvoir et de soutenir la
construction de partenariats ainsi que d’en assurer le suivi. ............ 55
Recommandation n° 11. Des procédures accélérées de mise en place de projets devraient être
proposées, dans le cadre des appels d’offres de R&D collaborative. 56
Recommandation n° 12. Demander à l’ANR et à Bpifrance de définir des modalités communes
pour les AAP, et faire étudier le regroupement des «petits »
dispositifs d’AAP, en priorité par ministère technique. ..................... 57
Recommandation n° 13. En s’appuyant sur les acteurs concernés, formaliser des accords types
de propriété intellectuelle, et les rendre publics, afin d’accélérer et
de faciliter les négociations entre les entreprises et les
établissements publics. ...................................................................... 58
Recommandation n° 14. Définir des indicateurs de performance pertinents pour la propriété
intellectuelle allant au-delà du nombre de brevets ........................... 58
Recommandation n° 15. Porter le taux d’abondement des Instituts Carnot à 30%, avec une
refonte de la gouvernance. ................................................................ 59
Recommandation n° 16. Affecter une part significative du PIA3 (estimée à 20%) à des projets
associant des entreprises et des laboratoires publics, avec une
gouvernance simplifiée, réactive, et garantissant la qualité des
projets retenus. .................................................................................. 60
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 9
1 INTRODUCTION
1.1 Objectifs généraux de la mission
La mission s’inscrit dans un contexte international où l’économie des pays développés apparaît de plus en plus fondée sur la connaissance et l’innovation. La création de connaissances nouvelles, à la base de tous les processus d’innovation, joue aujourd’hui un rôle fondamental dans la compétitivité, la croissance et l’emploi. Deux constats majeurs peuvent être formulés :
1) La situation de la France est insatisfaisante en ce domaine, ainsi que le souligne la lettre de mission et de très nombreuses études.4 La capacité innovatrice des entreprises françaises n’est pas au niveau du rang que la France occupe en matière de recherche.
2) Cette situation perdure depuis plus de trente ans5, et ce en dépit d’une intervention constante de l’État, amplifiée ces quinze dernières années; ainsi, de nouvelles structures et de nouveaux dispositifs ont été créés visant à soutenir d’une part la valorisation de la recherche publique et d’autre part la R&D des entreprises. Cela a conduit à un paysage institutionnel compliqué, à la gouvernance peu lisible, et ayant eu peu d’impact sur les indicateurs des relations entre la recherche publique et les entreprises (§2.2)6.
La mission (annexe 1) a eu pour objectif général d’identifier les causes de cette situation en s’appuyant notamment sur les avis des acteurs économiques, et de formuler des propositions pour y remédier, en s’inspirant notamment de comparaisons internationales. Elle s’est attachée à comprendre la nature des obstacles qui s’opposent au développement des relations entre les entreprises et la recherche publique. La mission s’est focalisée sur les relations directes entre la recherche publique et les entreprises, et n’a pas examiné la création d’entreprises à partir des laboratoires ou des incubateurs publics : les processus et les acteurs diffèrent, et cette question a fait l’objet de plusieurs rapports récents. La mission, devant avant tout recueillir le point de vue des entreprises, n’a pas consulté les directions des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
1.2 Méthode de travail Les travaux de la mission sont basés sur trois points d’entrée relativement indépendants dont les résultats ont été croisés et ont nourri de manière itérative ses réflexions et conclusions. 1. La mission a rencontré 70 entreprises (annexe 13), sélectionnées selon des critères appropriés (§3) pour recueillir leur avis sur leurs relations avec les structures de recherche publique. Un certain nombre d’acteurs institutionnels nationaux, concernés par les relations entre les entreprises et la recherche publiques ou ayant mené des réflexions sur celles-ci, ont été également entendus.
4 Nous mentionnerons en particulier la récente et très complète étude de l’OCDE (datée de 2014) consacrée à l’examen de
la politique d’innovation de la France. Il s’agit de la troisième étude de l’OCDE sur ce sujet, après celles de 1985 et 1999. 5 A titre d’illustration, le volume de la recherche réalisée par les entreprises françaises représentait 1,2% du PIB en 1982
(contre 2,1 % en Allemagne de l’Ouest), et l’État s’était donné comme objectif d’atteindre 1,5% en 1985 (rapport OCDE 1985 sur la politique de l’innovation en France). En 2013, ce volume représentait 1,44 % du PIB (contre 1,99 % en Allemagne) : l’objectif visé il y a plus de trente ans n’est toujours pas atteint. 6 La complexité du paysage institutionnel français de l’innovation a été soulignée par la très grande majorité des entreprises
que la mission a interviewées (§3.1). L’étude de l’efficacité de ces aides (pour laquelle la mission n’avait pas reçu de mandat, et qu’elle n’a donc pas approfondie) a été effectuée par d’autres rapports, par exemple par la Cour des Comptes en 2013 pour le Crédit Impôt Recherche.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 10
2. Avec l’aide des ambassades, la mission a rencontré des acteurs institutionnels étrangers impliqués dans la définition et la mise en œuvre des politiques publiques de recherche et d’innovation (annexes 5, 6, 7, 8 et 13). Elle s’est ainsi rendue en Grande-Bretagne, en Allemagne, et en Israël, et a fait un point concernant les États-Unis sur une base purement documentaire. 3. La mission a développé les éléments d’une théorie de l’innovation basée sur les observations suivantes (précisées en annexes 2 et 3) :
- la difficulté de la question des relations insatisfaisantes privé/public en R&D résulte à la fois de sa permanence dans le temps et de sa complexité ;
- un grand nombre de causes possibles peuvent expliquer le dysfonctionnement observé ; - la recherche et l’innovation sont deux aspects d’un processus créatif commun ; - il existe un langage commun, élaboré à partir de l’économie de la connaissance et d’autres
disciplines (science de la documentation, bibliométrie) pour décrire la recherche et l’innovation ;
- la gouvernance des organisations impliquées est souvent un révélateur des difficultés rencontrées.
L’approche proposée remet l’être humain, ses compétences et ses motivations au centre du problème posé, d’une manière qui complète les approches traditionnelles, en particulier macroéconomiques, telles qu’on les trouvera exposées dans le contexte général (§2). Cette réflexion s’applique aussi bien aux entreprises, qu’à l’administration et aux laboratoires publics. L’approche proposée permet des comparaisons de la gouvernance d’organisations françaises et étrangères, décrites dans le chapitre « analyses et recommandations ». Les conclusions obtenues permettent à la mission de faire des recommandations opérationnelles pour améliorer la situation actuelle.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 11
2 CONTEXTE GENERAL
2.1 Les bénéfices des coopérations public-privé en matière de R&D des entreprises
Ainsi qu’il l’a été souligné dans l’introduction, des relations étroites entre entreprises et
établissements publics de recherche apportent des bénéfices en termes d’innovation, et au-delà de
croissance et d’emploi. Les données empiriques en faveur de ce consensus sont bien connues ; elles
sont rappelées dans les annexes 2 et 3. D’un point de vue théorique, la situation est moins claire. Les
approches économiques de la recherche et de l’innovation conduisent à des distinctions parfois
discutables (par exemple entre R&D et innovation), dont la mission a constaté qu’elles peuvent
reposer sur des conceptions erronées de la recherche et de l’économie de la connaissance (idée que
la connaissance est un bien commun, qu’il y a non-rivalité entre les idées ; ces considérations sont
aussi détaillées dans l’annexe 2). La mission a proposé de plus une méthodologie unifiée, qui
s’applique aussi bien la production de connaissances qu’à l’innovation faisant l’objet d’un brevet
(développée dans l’annexe 3), dont elle montre l’utilité pratique, et qui illustre en même temps
l’intérêt d’une approche unificatrice du problème. Dans la description du contexte général qui suit, et
pour simplifier la présentation, la mission tiendra pour acquis l’existence des bénéfices résultants de
bonnes relations entre la recherche publique et les entreprises, sans examiner les questions
théoriques, souvent difficiles, sous-jacentes.
Les coopérations entre les entreprises et la recherche publique répondent à des objectifs
convergents de trois types d’acteurs impliqués : les entreprises (TPE, PME, ETI, grandes entreprises),
les administrations, et les acteurs de la recherche publique.
1. Les entreprises, quelle que soit leur taille, ont besoin d’avoir accès à des compétences du
meilleur niveau présentes dans les établissements publics de recherche pour mener les
projets interdisciplinaires innovants qui répondent aux marchés de demain. Cette
démarche, qualifiée d’« open innovation », ou innovation ouverte, se traduit par des
coopérations avec des entreprises de filières différentes (par exemple : constructeurs
aéronautiques, ferroviaires, automobiles, navals concernant la conduite automatisée) et
avec des établissements académiques, sans préoccupation de frontières. Les entreprises
veulent par ailleurs améliorer leur vision prospective des technologies et de leurs
évolutions, en coopérant avec ceux qui imaginent la science et la technique de demain.
Elles cherchent aussi un accès privilégié à de bons étudiants, et au-delà à des docteurs à
travers les projets de recherche collaboratifs développés. Les réseaux académiques, en
particulier à l’étranger, les intéressent aussi, pour entrer en relations avec d’autres
scientifiques.
2. Les objectifs des acteurs académiques sont variés : les dirigeants des établissements
publics de recherche peuvent souhaiter augmenter leurs ressources propres, développer
la notoriété, et la reconnaissance de leur établissement, ou d’atteindre d’autres objectifs
fixés par le contrat avec l’État. Les chercheurs et les enseignants-chercheurs peuvent
trouver un intérêt à explorer de nouveaux champs d’investigations, associant souvent
plusieurs disciplines, à développer des travaux de recherche jusqu’aux applications avec
un bénéfice financier potentiel, à créer de la synergie en partageant les efforts humains
et matériels. Dans leur mission d’enseignement, ils sont également intéressés par de
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 12
nouvelles relations avec des responsables d’entreprises qui favorisent l’insertion de leur
étudiants, stages, et emplois à l’issue de leur formation, ou pour identifier un intervenant
possible dans leurs formations.
3. Les administrations centrales ont pour objectif que les investissements et aides de l’État
en matière de R&D contribuent non seulement au progrès des connaissances mais
également au développement économique et à la compétitivité des entreprises, en
soutenant l’innovation et la maîtrise des technologies. Elles espèrent que ces
coopérations augmenteront les ressources propres des établissements sous leur tutelle
et inspireront les programmes de recherche et de formation : une bonne compréhension
des attentes des entreprises par les enseignants/chercheurs ne peut que rendre plus
pertinentes les formations et favoriser l’insertion professionnelle des étudiants.
2.2 Quelques indicateurs macroéconomiques montrent que ces relations apparaissent plus développées dans plusieurs pays
Face à ces objectifs très généraux de coopérations privé-public qui peuvent être considérés comme
« universels », les situations des différents pays visés par la lettre de mission7 se révèlent assez
différentes avec des dynamiques variées. Plusieurs indicateurs macro-économiques en matière de
R&D vont d’abord permettre de comparer les différents pays examinés : France, Allemagne, Grande-
Bretagne, Israël, et États-Unis (§2.2.1 à 2.2.4). Quelques indicateurs qui caractérisent plus
précisément les coopérations privé-public en R&D (financement de la recherche publique par les
entreprises, co-publications privé-public, licences de brevets…) seront ensuite précisés pour les pays
considérés, et commentés (§2.2.5 et 2.2.6).
2.2.1 La stagnation de la dépense intérieure de R&D (DIRD) française entre 1995 et 2013
L’évolution des dépenses totales de R&D (privées et publiques, DIRD8) par rapport au PIB entre 1995
et 2013 (figure ci-dessous) montre, selon les statistiques de l’OCDE, une stagnation de la France9 aux
alentours de 2,3 % du PIB avec un minima en-dessous de 2 % en 2007, contre une croissance très
significative en Allemagne de 2,1 % à 2,9 % : l’Allemagne dépasse la France depuis fin 1996. Si la
croissance chinoise est spectaculaire (0,55% à 2%), comme celle d’Israël (2,5 % à 4,2 %), celle des
États-Unis est plus lente (de 2,4 % à 2,8 %). La Grande-Bretagne fait exception : ses dépenses de
R&D diminuent de 1,79 % à 1,63% du PIB dans la période.
7 USA, Allemagne, Grande-Bretagne, Israël, France, moyenne OCDE. La Chine a été ajoutée le cas échéant.
8 Y compris les dépenses R&D de Défense Nationale.
9 Avec une valeur très voisine de la moyenne OCDE sur cette période.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 13
Figure : Evolution de la DIRD rapportée au PIB
Source : données macroéconomiques OCDE, http://www.oecd.org/sti/msti.htm
Les chiffres clefs de la R&D française (voir tableau ci-dessous selon les dernières statistiques du
MENESR) montrent que les entreprises exécutent près des deux-tiers de la R&D française.
Part de la DIRD exécuté par En Mds€ En %
Les entreprises (DIRDE) 30,071 64 ,6%10
Les administrations (DIRDA) 16,474 35,4%
Total 46,545 100%
Tableau : Part de la DIRD française exécutée par les entreprises et les administrations
Source : L'état de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en France (n°8 - Juin 2015).
L’emploi des chercheurs dans les entreprises était en 2012 de 156 584 ETP11 et de 102 482 dans les
laboratoires publics ; il est à noter qu’entre 2009 et 2012 l’emploi privé de chercheurs a augmenté de
17% pendant que l’emploi public ne progressait que de 3,5 %.
Une faible fraction, de l’ordre de 1 % de la DIRD, est financée par la Commission européenne12.
2.2.2 La stabilité de la DIRDE française entre 1995 et 2013
L’évolution de la part des dépenses de R&D des entreprises (DIRDE) par rapport au PIB entre 1995 à
2013 explique pour l’essentiel la stagnation de la DIRD sur cette période. Trois types de pays peuvent
être distingués selon les statistiques de l’OCDE :
- Les pays stables, ou en légère décroissance : la France (1,36 % en 1995 à 1,44 % en 2013), et
la Grande-Bretagne (1,16 % à 1,05 %).
10
La moyenne OCDE est de 66%. 11
Equivalent Temps Plein 12
La contribution du 7ème
PCRDT (2007-2014) à la DIRD a été de 5,1 Mds€, source E-Corda, Horizon 2020.
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
4,5
5
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
France
Allemagne
Israël
Grande-BretagneUSA
OECD -MoyenneChine
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 14
- Les pays en croissance significative: Allemagne (1,41 % à 1,99 %), USA (1,69 % à 1,96 %), et la
moyenne OCDE (1,33 % à 1,64 %).
- Les pays où la progression est spectaculaire : la Chine (de 0,24 % à 1,55 %) et Israël (1,46 % à
3,49 %).
Figure : Evolution de la part de la DIRDE dans le PIB
Source : données macroéconomiques OCDE, http://www.oecd.org/sti/msti.htm
En France, la part de la DIRDE dans le PIB est restée stable alors que la part de la production
l’industrie manufacturière dans le PIB a fortement diminuée, et que l’industrie manufacturière est
traditionnellement plus intensive en R&D que les services : l’industrie française a accru son effort de
R&D : alors que la France est en 6ème position au sein de l’OCDE pour la part de DIRDE dans le PIB, elle
est en deuxième place (derrière la Suède) après correction de la structure sectorielle13 ; les
entreprises françaises sont effet très présentes dans des activités peu intensives en R&D. Dans leurs
domaines, les entreprises françaises sont actives en R&D, par comparaison avec leurs concurrents
étrangers.
La répartition des dépenses de R&D des entreprises par type de recherches en 2012 dans les
principaux pays servant d’échantillon à la présente mission figure dans le tableau ci-dessous14: la
13
Source :Science, technologie et industrie, tableau de bord de l’OCDE 2013. 14
Les travaux de recherche et développement ont été définis et codifiés par l’OCDE, chargée d'assurer la comparabilité des informations entre les pays membres de l'organisation (Manuel de Frascati, 2002). Ils englobent les travaux de création entrepris de façon systématique en vue d'accroître la somme des connaissances, y compris la connaissance de l'homme, de la culture et de la société, ainsi que l'utilisation de cette somme de connaissances pour de nouvelles applications. Ils regroupent de façon exclusive les activités suivantes : - la recherche fondamentale (ces travaux sont entrepris soit par pur intérêt scientifique - recherche fondamentale libre -, soit pour apporter une contribution théorique à la résolution de problèmes techniques - recherche fondamentale orientée) ; - la recherche appliquée (vise à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance ; - le développement expérimental (fondé sur des connaissances obtenues par la recherche ou l'expérience pratique, est effectué - au moyen de prototype ou d'installations pilotes - en vue de lancer de nouveaux produits, d'établir de nouveaux procédés ou d'améliorer substantiellement ceux qui existent déjà).
0
0,5
1
1,5
2
2,5
3
3,5
4
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
France
Allemagne
Israël
Grande-Bretagne
USA
OECD - Moyenne
Chine
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 15
répartition française des dépenses de R&D des entreprises est similaire à celle de la Grande-Bretagne
et de l’Allemagne (qui est un peu plus présente en recherche appliquée et moins en développement
expérimental).
Dépenses R&D en Mds$
Recherche fondamentale
% Recherche appliquée
% Développement expérimental
% TOTAL
Israël 0,4 4,3 0,9 9,8 7,9 85,9 9,2
États-Unis 14 4,4 50,7 16 252 79,6 316,7
France 1,9 5,4 15 42,6 18,3 52 35,2
Grande-Bretagne
1,3 5,3 11 44,7 12,3 50 24,6
Allemagne (2011)
3,2 4,9 32,6 50,1 29,3 45 65,1
Tableau : Répartition des dépenses de R&D des entreprises par type de recherches en 2012
Source : OCDE 2015 – Dépenses de R&D en milliard de dollars des entreprises par type de R&D
Par contre, le différentiel avec les États-Unis et Israël est flagrant car le développement expérimental
dans ces deux pays représente 80 % ou plus de la R&D alors qu’en France il se situe seulement à un
peu plus de 50 %.
La répartition par type d’entreprises montre qu’en 2012 les PME et les Entreprises de Taille
Intermédiaire (ETI) de moins de 500 personnes ont exécuté 32 % de la DIRDE, que celles comprenant
entre 500 et 5 000 personnes (pour l’essentiel des ETI) en ont exécuté 33 % et que les groupes
(supérieurs à 5 000 personnes) ont pour leur part réalisé 35 % de la DIRDE 15.
2.2.3 La DIRDA française décroit entre 1995 et 2013, avec une très faible part consacrée au développement expérimental
La part des dépenses publiques de R&D 16 (DIRDA) par rapport au PIB évolue de manière beaucoup
moins importante (en valeur absolue de point de PIB) sur la période 1995-2013. Ici, on peut
distinguer deux groupes de pays, ceux où cette part décroit, et ceux où elle croit.
Pays 1995 2013
France17
Israël
Grande-Bretagne
0,84 %
0,92 %
0,6 %
0,75 %
0,68 %
0,55 %
Allemagne
États-Unis
Chine
0,72 %
0,63 %
0,30 %
0,94 %
0,74 %
0,48 %
Tableau : Part des dépenses publiques de R&D dans le PIB Source : données macroéconomiques OCDE, http://www.oecd.org/sti/msti.htm
15
Source : Concentration de la R&D en fonction de la taille des entreprises en 2012 – MESR. 16
GOVERD et HERD selon la terminologie de l’OCDE. Y compris les dépenses R&D de Défense Nationale. 17
Les dépenses publiques françaises ont surtout diminué hors enseignement supérieur, qui est passé de 0,37 % du PIB à 0,46 %.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 16
La moyenne OCDE est en légère croissance sur la période (de 0,61 % à 0,67 % du PIB). A l’exception
notable d’Israël, une augmentation des dépenses de R&D des entreprises est toujours associée à
celle des dépenses de l’État.
Pour tous les pays étudiés, les dépenses R&D des entreprises (DIRDE) sont deux à trois fois
supérieures à celles des États (DIRDA) avec une exception : Israël, où ce rapport est de l’ordre de 5.
Leurs évolutions jouent un rôle directeur dans celles des dépenses de R&D des pays rapporté au PIB.
La France est un des pays où ce ratio (DIRDE/DIRDA) est le plus faible, soulignant la faiblesse globale
de l’investissement de recherche des entreprises, en raison de la structure de l’économie française.
Selon les données de l’OCDE, la France ne consacre que 35,5 % de son activité aux recherches
appliquées et au développement expérimental, quand le Royaume-Uni y consacre 66,5 % les Etats-
Unis 55,2 %, et Israël 40,6 %. Sur le seul champ du développement expérimental, alors que la R&D
consacrée représente 4,5 % des dépenses en France, elle représente 15,6 % au Royaume-Uni, 20,3 %,
en Israël et 28,7 % aux Etats-Unis18).
PAYS 2012 Dépenses de
R&D hors entreprises
Total des dépenses
de recherche
Total des dépenses de
recherche fondamentale
En %
Total des dépenses
de recherche appliquée
En % Total des dépenses de
développement expérimental
En %
France 17,47 11,28 64,5 5,41 31 0,79 4,5
Etats-Unis 135,85 60,89 44,8 36,02 26,5 38,95 28,7
Israël 1,87 1,11 59,4 0,38 20,3 0,38 20,3
Royaume – Uni 14,24 4,77 33,5 7,25 50,9 2,23 15,6
Tableau : Répartition de la DIRDA selon le type de recherche
Source : OCDE 2015
2.2.4 Les financements croisés : la part de la recherche des entreprises financée directement par l’État baisse dans tous les pays étudiés. En France, la prise en compte du CIR inverse la tendance.
Tous les États étudiés financent de moins en moins directement la R&D des entreprises (en
pourcentage de la DIRDE), comme le montre le tableau ci-dessous. Les raisons de ces baisses peuvent
être, selon les pays, une préférence pour des mesures générales (baisses de charges ou réduction
d’impôts, comme le CIR), la baisse des dépenses militaires etc.
18
Les données allemandes ne sont pas renseignées sur le site de l’OCDE.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 17
Pays 1995 2012
France19
Allemagne
Israël
Grande-Bretagne
États-Unis
Moyenne OCDE
Chine
12,7 %
10,2 %
21,3 %
10,5 %
16,3 %
11,0 %
7,0 %
7,8 %
4,3 %
4,1 %
7,9 %
11,5 %
7,7 %
4,6 %
Tableau : Part de la recherche des entreprises financée par les États étudiés Source : données macroéconomiques OCDE, http://www.oecd.org/sti/msti.htm
Alors que l’État français consacrait près de 3,5 Mds€ à la recherche privée en 1991, il n’en consacre
plus qu’un peu moins de 2,5 Mds€ en 2012. Le financement de la R&D des entreprises a doublé sur la
même période, passant de un peu plus de 11 Mds€ à plus de 28 Mds€. Plus globalement, en tenant
compte des financements étrangers, le financement de la R&D des entreprises en France a évolué de
la façon suivante :
Financement global de la R&D des entreprises en %
1991 2000 2010 2012
Entreprises 68,8 80,9 83,4 84,5
Financement public20 20,7 10,8 8,3 7,3
Financement étranger 10,5 8,3 8,3 8,2
Total du financement (1) 16 657 20 791 30 422 33 742
(1) En M€
Tableau : Origines du financement de la DIRDE Sources : Statistiques du MENESR 2014 La DIRDE est en partie financée par la Commission européenne (voir financement étranger dans le
tableau ci-dessus)21.
Avec le Crédit Impôt Recherche qui a représenté en 2012 environ 5,3 Mds€ (voir infra), l’État français
a financé en 2012 (CIR et subventions directes) environ 23% de la R&D des entreprises (7,8 Mds€22),
et a ainsi presque doublé sa part de financement de la R&D privée depuis 1995.
En prenant en compte le Crédit impôt recherche (CIR), et les dépenses du Programme
d’investissements d’avenir (PIA), la Cour des Comptes écrit23 que « S’agissant des investissements
immatériels, le financement public de la dépense intérieure de recherche et développement est plus
élevé en France (1,0 % du PIB en 2013) que dans la moyenne de la zone euro ou de l’Union
européenne (0,7 % du PIB). Le financement privé (1,2 % du PIB) y est en revanche plus faible (1,4 %
19
Hors CIR. 20
Hors CIR. 21
La contribution du 7ème
PCRDT (2007-2014) aux acteurs publics et privés français a été de 5,1 Mds€, source E-Corda, Horizon 2020. 22
Le rapport « revue de dépenses relative aux aides à l’innovation », IGF, CGE, CGEDD, juin 2015, évalue ce même montant à 9 Mds€ pour 2013, en prenant en compte le PIA, et les subventions de la l’Europe. 23
Extrait : Cour des Comptes « la situation et les perspectives des finances publiques » du 24 juin 2015, p 155.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 18
dans la zone euro ou l’Union européenne). De plus, la recherche apparaît insuffisamment appliquée
et ne permet pas de positionner la France parmi les pays innovateurs en Europe. Au total, les
entreprises françaises n’innovent pas assez par rapport à leurs concurrents étrangers24, ce qui est
une des causes de leur manque de compétitivité hors prix ».
En effet, le CIR qui représente environ 0,25 % du PIB, ajouté au 0,75 % de la DIRDA (voir ci-dessus)
conduit au chiffre de 1 % mentionné par la Cour des Comptes25.
2.2.5 Les financements croisés : la stabilité française du financement privé de la recherche publique
Cet indicateur apparaît particulièrement important à la mission pour caractériser l’intensité des
relations entre les entreprises et la recherche publique, même si d’autres indicateurs sont aussi
possibles (§2.2.6).
La part de la recherche publique26 financée par les entreprises varie de manière très différente selon
les pays de 1995 à 2012 (voir graphique).
- Les pays où cette part stagne ou décline : France (4,5 % à 4,7 % en passant par 3,9 % en
2004), Grande-Bretagne (6,5 % à 6 %), USA (3,1 % à 2,4 %) ainsi que la moyenne OCDE (4,8 %
à 4,9 %). La Chine est elle aussi stable, mais à un niveau très élevé, autour de 14 %.
- Deux pays où cette part croît significativement : l’Allemagne (6 % à 12,4 %) et Israël (1,6 % à
10,2 %).
Figure : Part de financement de la DIRDA par les entreprises en %
Source : données macroéconomiques OCDE, http://www.oecd.org/sti/msti.htm
24
Nous avons vu plus haut que dans leur domaine les entreprises françaises dépensent souvent plus en R&D que leurs concurrentes étrangères. La Cour des Comptes fait ici référence à la faiblesse de la DIRDE françaises. 25
Voir aussi : Cour des comptes, Rapport public thématique : Le financement public de la recherche, un enjeu national. La Documentation française, juin 2013. 26
GOVERD+HERD selon la terminologie OCDE.
0
2
4
6
8
10
12
14
16
18
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
France
Allemagne
Israël
Grande-Bretagne
Etats-Unis
OCDE
Chine
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 19
L’exemple de ces six pays montre que l’évolution des coopérations privé/public, caractérisées par la
part de R&D publique financée par les entreprises est corrélée à celle des dépenses de R&D des
entreprises, à l’exception du cas des États-Unis. Il faut noter que parmi les 40 pays figurant dans la
base de données OCDE, tous ceux dont le financement de la recherche publique par les entreprises
croît entre 1995 et 2012 voient croître aussi les dépenses de R&D des entreprises. En plus des pays
précédemment cités (Allemagne, Israël et Chine), c’est le cas du Danemark, de la Grèce, de la
Hongrie, des Pays-Bas, de la Slovénie, de Singapour. On peut en effet penser qu’une entreprise, qui
accroît ses dépenses de R&D, peut vouloir financer plus de travaux de recherche publique ; ceci
semble a contrario plus difficile pour une entreprise dont le budget de R&D stagne ou décroît.
Or, cette condition (augmentation de la DIRDE) qui apparaît nécessaire à l’augmentation du
financement de la DIRDA par les entreprises semble difficile à remplir en France. En effet, l’écart des
dépenses R&D des entreprises entre la France et l’Allemagne s’explique en particulier par la
différence de la structure sectorielle des industries des deux pays (moins d’industries
manufacturières et d’industries de haute technologie en France qu’en Allemagne)27. Un autre
handicap est constitué par le taux de marge des entreprises (excédent brut d’exploitation/valeur
ajoutée) en France (29 % en 2011) qui est le plus faible d’Europe (Allemagne 41 %, Royaume-Uni
34 %)28.
Le financement par les entreprises de la recherche publique (DIRDA) illustre uniquement la
recherche contractuelle (environ 0,77 Mds€, en France) ; or il existe d’autres formes de projets
associant le privé et le public (pour un montant total d’environ 4 Mds€, en France, hors PIA, voir
§2.3).
2.2.6 D’autres indicateurs de coopération confirment les données économiques
Les coopérations privé/public en matière de R&D ne se caractérisent par ces seules données
macroéconomiques. Elles se traduisent aussi par des publications conjointes, par des co-brevets, par
l’usage de brevets académiques par des entreprises, et par la mobilité des chercheurs entre secteurs
publics et privés.
Les établissements publics français déposent beaucoup de brevets, mais les 2.2.6.1recettes des licences restent modestes dans leurs ressources privées.
Les établissements publics français de recherche ont déposé significativement plus de brevets au
cours de la période 2006-2010 qu’au cours de la période 2001-2005. Leur nombre, rapporté au PIB
dépasse celui de la Grande-Bretagne, et est bien au-dessus de leurs homologues allemands29. La part
relative des instituts publics de recherche30 (organismes, universités, hôpitaux) dans le total des
dépôts de brevets de la France (12%) est plus élevée que celle d’Israël (11%), de la Grande-Bretagne
(11%), des États-Unis (9%) et Allemagne (3%) : les établissements publics français brevètent de
manière massive. Cependant, les données disponibles suggèrent que les revenus issus de la PI sont
27
Un déficit d’effort de recherche des entreprises françaises ? Une comparaison France-Allemagne. Note d’information MESR de juillet 2012. 28
Examen de l’OCDE des politiques d’innovation – France. 2014. 29
Examens de l’OCDE des politiques d’innovation. France. 2014. 30
OCDE 2012.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 20
souvent limités; ceci souligne la nécessité d’employer d’autres indicateurs que ceux portant sur des
nombres de brevets pour en estimer la valeur économique.
Le rapport entre les revenus de licence et les dépenses de R&D des organismes publics de
recherche31, que ce soit en France, en Grande-Bretagne, ou en Europe est de l’ordre de 1 %, alors
qu’il oscille entre 3 % et 5 % aux États-Unis ; il atteint 39 % en Israël (annexe 8). Ainsi en France, les
recettes sur licence représentent seulement en moyenne 20 % des ressources contractuelles privées
des établissements publics de recherche (§2.2.5), sauf cas particuliers (comme l’IFPEN…, pour lequel
ce ratio est plus élevé). L’hypothèse selon laquelle les établissements publics de recherche français
chercheraient à soutenir l’activité économique en cédant leurs brevets à des conditions
financièrement très avantageuses pour les entreprises est contredite par les entretiens de la mission
(voir §3.2.4).
La part des brevets académiques détenus par les entreprises en France (60 %) est sensiblement plus
faible qu’en Italie (74 %) et en Suède (82 %), mais nettement supérieure à celle observée aux États-
Unis (24 %)32. Différentes études montrent que les brevets liés au biomédical ont un énorme
potentiel, alors qu’en ingénierie le brevet n’est pas toujours un vecteur central pour le transfert de
technologies. En tout état de cause, les licences de brevets ne constituent que rarement des sources
de profit net, déduction faite des coûts d’entretien, et retours vers les inventeurs, et les autres
copropriétaires. Les revenus financiers issus des brevets sont souvent concentrés sur un nombre très
limité de « pépites » (Taxotère au CNRS, MP3 au Fraunhofer ; voir annexe 3).33
Les co-publications associant entreprises et recherche publique sont limitées en 2.2.6.2France
Les co-publications privé-public par millions d’habitants sur la période 2010-2013 sont sensiblement
inférieures en France à celles de l’Allemagne, et des États-Unis. Les publications sont affectées aux
pays qui sont les sièges des entreprises co-auteures.
Pays Pourcentage des co-publications par millions
d’habitants
États-Unis
Allemagne
Grande-Bretagne
France
174
74
73,2
51,3
Tableau : Pourcentage des co-publications par millions d’habitants
Source : CWTS Thomson Reuters-University Leiden, sur la base des publications Web of sciences 2010-
2013.
31
Valorisation de la recherche publique: quels critères de succès en comparaison international, note d’analyse du CAS, n°325, mars 2013. 32
« Academic patenting in Europe: new evidence from the KEINS database », Research Evaluation 17 (3), June 2008, p. 87-102, Francesco Lissoni et al. 33
La création de spin-offs, qui apparaît très liée aux contextes institutionnels des différents pays, sort du strict objet de cette mission.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 21
Une très faible mobilité des chercheurs publics vers le privé 2.2.6.3
Nous n’avons pas pu identifier des données comparables entre pays sur la mobilité privé/public des
personnels de R&D. En France, la commission de déontologie est saisie lorsqu’un fonctionnaire
souhaite participer comme associé ou dirigeant à la création d’une entreprise, comme conseiller
scientifique ou comme actionnaire, comme membre d’un conseil d’administration ou de surveillance,
ou pour y poursuivre sa carrière. Le nombre d’avis de la commission est de l’ordre de la centaine par
an, soit entre 0,1 et 0,2% des personnels des établissements publics à caractère scientifique et
technologique (EPST), et des universités. Une enquête R&D entreprise du MENESR34 estime que 0,8
% des chercheurs recrutés par les entreprises ont pour origine le secteur public en France. Selon ces
deux chiffres, quelques dizaines de chercheurs publics seraient recrutés chaque année par les
entreprises, ce qui apparaît faible dans l’absolu, même si aucune comparaison quantitative n’a pu
être faite avec des pays étrangers. A titre d’exemple, la Fraunhofer Gesellschaft, structure privée
adossée aux universités allemandes (voir Annexe 6), qui compte 24 000 personnes, connait un turn-
over annuel de 10 %, soit environ 2 400 personnes, essentiellement vers le privé.
Cette très faible mobilité de chercheurs publics français vers le secteur privé français n’est pas en
revanche constatée en ce qui concerne leur mobilité internationale vers d’autres établissements de
recherche public ou des entreprises. La mission a relevé de nombreux exemples de ce « brain drain »
au plus haut niveau qu’il serait utile de mieux connaître. L’hypothèse la plus simple permettant
d’expliquer la faible mobilité des chercheurs français vers des entreprises françaises est celle d’une
attractivité limitée de celles-ci : sur le plan intellectuel d’une part avec des perspectives de carrière
incertaines, d’autre part, dans le contexte d’une faible valorisation du doctorat par les entreprises
qui privilégient le recrutement d’ingénieurs (voir les analyses de la section 4).
Les indicateurs ci-dessus ne décrivent qu’une partie des relations privé/public en R&D ; par exemple,
la recherche collaborative n’apparaît dans aucun de ces indicateurs, pas plus que des structures
comme les IRT/ITE. Les relations informelles, qui peuvent être très fécondes, ne sont par définition
pas quantifiées.
En comparaison avec les autres pays examinés, les résultats décevants de la France en matière de
coopérations public/privé en R&D tels qu’ils transparaissent des quelques indicateurs ci-dessus sont
aussi ressentis par les acteurs économiques. C’est ce que révèle une enquête de satisfaction établie
par le World Economic Forum, dans le cadre de son rapport global sur la compétitivité (WEF GCI)
2014-2015, dont la valeur des conclusions est cependant limitée par ses insuffisances
méthodologiques (notamment, le faible nombre de personnes interrogées). A la question, «Dans
votre pays, dans quelle mesure coopèrent les entreprises et la recherche publique en R&D? (1 = ne
collaborent pas du tout, 7 = collaborent beaucoup)”, les pays étudiés ont eu les notes suivantes :
Pays Note Rang mondial
États-Unis 5,8 2
Grande Bretagne 5,7 4
Israël 5,5 7
Allemagne 5,3 10
France 4,6 29
Tableau : notes des pays à l’enquête du World Economic Forum, Source : rapport global sur la compétitivité (WEF GCI). 2014-2015
34
Les chercheurs en entreprise en 2011 ; note d’information enseignement supérieur et recherche, juillet 2014.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 22
2.3 L’État finance de très nombreux dispositifs et structures incitant les entreprises et les laboratoires publics à coopérer
L’État encourage les projets de recherche qui impliquent à la fois des établissements publics et des
entreprises, et que l’on peut regrouper en trois types35 :
- la recherche collaborative, lorsqu’une entreprise s’associe avec un laboratoire public pour
mener un projet de recherche dont les efforts sont partagés ;
- la recherche contractuelle, lorsqu’une entreprise finance un établissement public pour
réaliser une recherche ;
- les activités de consultance, lorsqu’une entreprise emploie temporairement un chercheur
public.
L’État finance plusieurs types de structures et une vingtaine de dispositifs, pour un montant total
d’environ 1,3 Md € en 201136 . Ces derniers peuvent être regroupés en cinq familles :
1. les appels à projets partenariaux, émis par des administrations centrales (FUI, direction générale
de l’armement, direction générale de l’aviation civile, …), et par des opérateurs de l’État (Agence
Nationale de la Recherche, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, Bpifrance…).
2. les incitations fiscales : le dispositif le plus important en volume est le doublement du crédit impôt
recherche, pour les dépenses « sous traitées à des organismes de recherche publics, des fondations
de coopération scientifiques37 ».
Le mécénat de chaires d’enseignement et de recherche auprès de fondations reconnues d’utilité
publique permet une réduction d’impôt de 60 % des dépenses, dans la limite de 0,5 % du chiffre
d’affaires de l’entreprise donatrice.
3. la mise en place de réseaux, comme les pôles de compétitivité qui permettent d’associer des
établissements publics de recherche, et des entreprises.
4. les structures qui favorisent ou abritent des activités de recherche partenariale, et de diffusion des
technologies comme les Instituts Carnot, les Centres Régionaux d’Innovation et de Transfert de
Technologies (CRITT), les Cellules de diffusion technologiques a(CDT), les Plates-formes
technologiques a (PFT), les Centres de ressources technologiques
a (CRT), les Instituts de recherche
technologique (IRT), les Instituts pour la transition énergétique (ITE), les Instituts hospitalo-
universitaires (IHU) et les Sociétés d’accélération de transfert technologique (SATT), ces trois derniers
étant financés par le PIA (programme d’investissement d’avenir). Dans le même esprit, l’Agence
Nationale pour la Recherche finance le programme Labcom pour inciter les acteurs de la recherche
publique à créer des laboratoires communs avec une PME ou ETI.
5. les aides au doctorant en entreprise dans le cadre du dispositif CIFRE38. Le salaire brut des
doctorants est subventionné par le Ministère chargé de l’enseignement supérieur via l’ANRT
35
Mission sur les dispositifs de soutien à la recherche partenariale - IGF, CGE, IGAENR - février 2013. 36
Mission sur les dispositifs de soutien à la recherche partenariale - IGF, CGE, IGAENR - février 2013. 37
Article 244 quater B du code général des impôts. a - Label national, garantissant le respect d’un cahier des charges rédigé en collaboration avec l'AFNOR, mis en place en 2007 par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 23
(Association nationale de recherche technologique) à hauteur de 14 000 €. A cette subvention
s’ajoute le crédit impôt recherche, calculé sur la part non subventionnée des coûts complets.
A ce montant d’1,3 Md € (2011) s’ajoutent :
- les dépenses des laboratoires publics, pour les projets de recherche partenariaux,
- les incitations fiscales (crédit impôt recherche accordé aux entreprises pour la part des
dépenses de celles-ci non couvertes par les subventions accordées pour les projets
collaboratifs) et les réductions d’impôt au titre de mécénat,
- certains projets du PIA, même si tous n’ont pas pour objectif explicite de favoriser les
coopérations privé-public en R&D.
En prenant en compte les dépenses des laboratoires publics, et les incitations fiscales, le rapport
récent sur la recherche partenariale39 évalue les dépenses totales de l’État dans ce domaine à
environ 2 Mds € (2011), dont 1,3 Mds € de crédits incitatifs (avec le Programme d’Investissements
d’Avenir, ce dernier montant est de l’ordre de 2 Mds €/an, voir ci-dessous et annexe 9). En prenant
en compte les financements européens (PCRDT), les dépenses d’entreprises et celles des collectivités
locales le volume total de la recherche partenariale est évaluée à 4 Mds €/an soit 10 % de la DIRD.
La première phase du Programme d’investissement d’avenir (PIA1) a été mise en place par la loi de
finances rectificative du 9 mars 2011, pour un montant total de 35 Mds €, dont 21,9 Mds € pour la
mission « recherche et enseignement supérieur ». Une nouvelle phase (PIA2), dotée de 12 milliards
d’euros, figure dans la loi de finances pour 2014 : 3,5 Mds € doivent bénéficier à la recherche et à
l’université. Le 12 mars 2015, le Président de la République a annoncé une troisième phase du plan
(PIA3) qui devrait être dotée de 10 milliards.
Une partie des dotations des PIA est non consomptible, et dans ce cas seuls les intérêts (de 3,14 %
pour le PIA1) peuvent être dépensés.
Les programmes du PIA n’ont pas seulement pour objectif de financer des projets ou des structures
privé/public en R&D. A titre d’illustration figurent en annexe 9 des programmes qui associent ou
peuvent associer des entreprises et des établissements publics de recherche. La totalité de ces
programmes représente un montant de 15 200 M€40. Plus précisément, le financement moyenné sur
une période d’un an des actions PIA ayant pour sujet le transfert, la valorisation et le partenariat
public/privé (et notamment les IRT, ITE, IHU, SATT…) sur lesquelles l’ANR est opérateur, représente
un total approximatif de 370 M€ (voir détail en annexe 9). Par une simple règle de trois, le
financement PIA de l’ensemble ces programmes susceptibles de susciter des projets publics/privés
en recherche et innovation, est évalué à environ 700 M€41 en rythme annuel.
Ainsi, le financement par l’État des dispositifs finançant des projets collaboratifs associant des
entreprises et des établissements publics de recherche serait de l’ordre de 2 Mds€, soit environ 0,1 %
du PIB, et 4,3 % de la DIRD.
38
Convention Industrielle de Formation par la REcherche qui subventionne toute entreprise de droit français qui embauche un doctorant pour le placer au cœur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public. 39
Mission sur les dispositifs de soutien à la recherche partenariale - IGF, CGE, IGAENR - février 2013. 40
Le rapport « revue de dépenses relative aux aides à l’innovation », IGF, CGE, CGEDD, juin 2015, évalue ce même montant à 14 500 M€ 41
Le rapport « revue de dépenses relative aux aides à l’innovation », IGF, CGE, CGEDD, juin 2015, évalue le montant de PIA perçu par les entreprises en 2013 à 675 M€
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 24
3 PERCEPTION PAR LES ENTREPRISES DE LEURS RELATIONS AVEC LES LABORATOIRES PUBLICS
La mission a réalisé une série d’entretiens, avec un échantillon d’entreprises, sur leur perception de
leurs relations avec la recherche publique. L’élaboration d’une liste d’entreprises pertinentes s’est
faite en collaboration avec le Pôle Recherche du département des études statistiques du SIES (Sous-
direction des systèmes d’information et des études statistiques du MENESR), dans le respect du
secret statistique ; par ailleurs cette liste a été enrichie avec l’aide des Délégations régionales à la
Recherche et à la Technologie (DRRT) concernées géographiquement.
La mission, qui visait des entreprises innovantes, a sélectionné les entreprises visitées sur deux
critères :
- le dépôt d’au moins un brevet auprès de l’INPI entre 2007 et 201042. Une liste initiale de
200 entreprises a été ainsi constituée, comprenant d’une part les 50 entreprises ayant les
dépenses intérieures de R&D les plus importantes en France et d’autre part un échantillon de
150 autres entreprises de tailles variées (un tiers - soit 50 – de moins de 20 salariés, un tiers
comprenant entre 20 et 249 salariés, et un tiers comprenant 250 salariés et plus). De plus,
ces entreprises assurent une représentation égale des cinq secteurs de l’industrie et de
services définis par l’OCDE en termes d’intensité technologique (soit à chaque fois
30 entreprises)43 :
- la collaboration avec la recherche publique sur la base de la réalisation d’au moins une
dépense extérieure de R&D avec le secteur public soit : l’enseignement supérieur
(universités, grandes écoles, CHU), les organismes publics (EPST, EPIC, etc.) ou les institutions
sans but lucratif. Sur cette base, 70 % des entreprises présélectionnées (105) collaborent
avec le public, et 30 % (45) n’ont pas de collaboration.
Au final, la mission a mené des entretiens avec 70 entreprises : 32 groupes, 15 ETI et 23 PME
(annexe 13). Le tableau ci-dessous montre que l’échantillon sur-représente les grandes
entreprises, et les PME au détriment des ETI44.
PME ETI Groupes
Effectifs Moins de 250 De 250 à 499 De 500 à 999 De 999 à
4999 Plus de 5000
DIRDE en % 24 % 8 % 10 % 23 % 35 %
Entreprises rencontrées en
% 33 % 6 % 6 % 9 % 46 %
42
Une entreprise peut évidemment innover sans déposer de brevets, et la mission en a tenu compte, en complétant la liste des entreprises. 43 Pour l’industrie : haute technologie, moyenne haute technologie ; moyenne faible technologie –faible technologie-
Energie/BTP). Pour les services : forte intensité de connaissances, moindre intensité de connaissances. 44
Source : Etat de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, MENESR, juin 2015.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 25
Cet échantillon n’est donc pas globalement représentatif de l’activité de R&D en France, et les
opinions qui ont été recueillies par la mission ont une valeur avant tout qualitative. Seules 38
PME/ETI, qui ont opéré en 2012 environ 42 % de la R&D française, ont été rencontrées : ce petit
nombre ne permet pas d’avoir une vision globale de l’activité de R&D de ce type d’entreprises.
Néanmoins, la mission a rencontré une part significative des plus grandes entreprises françaises (32
groupes) qui représentent une fraction notable de l’ensemble de la DIRDE (35 %) et des
collaborations recherche publique-entreprises.
La mission a respecté la confidentialité attachée aux données fournies lors de ces entretiens et les
données nominatives qui figurent dans le présent rapport sont toujours des données publiques sur
les entreprises citées, accessibles par internet, en particulier obtenues à partir de documents
réglementaires établis par les sociétés cotées.
Les visites des entreprises ciblées ont en général été réalisées avec les cadres impliqués dans la
stratégie et la mise en œuvre de la R&D. Les considérations que la mission a évoquées plus haut l’ont
amenée, au-delà de l’objectif initial de la mission, à examiner la gouvernance de la R&D au sein des
entreprises, ses compétences, et sa place hiérarchique.
Les entretiens se sont déroulés en s’appuyant sur le guide figurant en annexe 10. Les retours des
entreprises et les opinions exprimées ont été qualitatifs. Ils n’ont très souvent porté que sur un petit
nombre de thèmes, certains interlocuteurs insistant sur certains sujets, souvent liés aux spécificités
de leur domaine d’activité et n’abordant pas l’ensemble des points figurant en annexe 10.
L’expression très hétérogène des réponses ainsi que leur dispersion sur de très nombreux sujets
(avec le plus souvent un nombre très faible d’opinions associées) n’ont pas permis d’établir de
statistique.
Les éléments rapportés qui suivent, tout au long de ce chapitre, doivent être pris pour ce qu’ils sont,
c’est à dire la parole des interlocuteurs rencontrés, que la mission a rassemblée et résumée en
respectant le contenu sans y apporter des éléments d’analyses ou d’appréciation. Ils n’engagent
donc, bien sûr, pas la mission.
A côté d’avis positifs, la mission a recueilli beaucoup de critiques qui, bien que parfois très partagées,
ont été appréciés dans un cadre conceptuel global sur lequel s’est appuyé la mission pour réaliser ses
analyses et émettre des recommandations. Les intérêts, problèmes et attentes des PME/ETI et
grands groupes sont apparus distincts sur plusieurs thèmes.
Un tableau en annexe 12 établit une correspondance entre des points de vue recueillis (§3) et les
recommandations (§4).
3.1 La recherche publique française est jugée de grande qualité, avec une organisation qui se complexifie, dans un contexte de concurrence avec les laboratoires étrangers
Plusieurs interlocuteurs ont spontanément indiqué qu’ils considèrent la recherche française
comme excellente avec des laboratoires de classe mondiale. Un certain nombre
d’entreprises, notamment les grands groupes conçoivent leurs marchés à l’échelle internationale,
et doivent parfois implanter des centres de R&D à l’étranger, soit à la demande des États, soit pour
être plus proches de leurs clients et partenaires industriels ; ils ont ainsi acquis l’expérience de
coopérations avec des établissements de recherche étrangers. Dans ce contexte, quelques
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 26
interlocuteurs ont tenu à nous rappeler que les laboratoires publics français ne sont pas en situation
de monopole auprès des entreprises françaises, soulignant ainsi que les faiblesses des centres publics
de R&D français s’apprécient également à l’aune de cette concurrence étrangère croissante45.
Dans ce cadre, presque toutes entreprises rencontrées, des grands groupes aux PME, estiment que
l’organisation de la recherche publique française, déjà éclatée entre de nombreux acteurs, s’est
encore complexifiée. En particulier, à côté des interlocuteurs traditionnels des entreprises,
Universités, Écoles, EPST et EPIC, de nouvelles structures, fruits des politiques d’innovation mises en
œuvre ces dernières années, sont apparues : pôles de compétitivité, IRT/ITE, SATT.
- Les pôles de compétitivité dont la mission est d’associer PME/ETI/grands groupes/laboratoires
publics sur des projets de R&D avec un accès aux crédits incitatifs du FUI ont été souvent
mentionnés et sont appréciés par les entreprises. Néanmoins, plusieurs entreprises considèrent que
le dispositif des pôles souffre globalement de défauts qui atténuent l’impact recherché46 (voir aussi
§3.3.1).
- Les Instituts de Recherche technologiques (IRT) et les Instituts pour la Transition Energétique (ITE)
ont surtout fait l’objet de commentaires de la part des grands groupes (même si certains ont
découvert l’existence de ces structures). Bien que la mutualisation et le partage de moyens que
permettent ces structures, ainsi que l’opportunité de travailler avec des start-up innovantes soient
appréciés47, nombre d’entreprises considèrent qu’ils peinent à devenir opérationnels avec une
pérennité très incertaine48 dans un contexte de concurrence avec d’autres organismes de
recherche49 ou avec les entreprises elles-mêmes.
- Enfin les SATT (Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies) apparaissent à plusieurs
entreprises en concurrence avec les services de valorisation des organismes de recherche et
souffriraient de défauts similaires à ceux-ci50
Pour conclure, quelques entreprises ont partagé avec la mission leur vision quant à des évolutions
systémiques possibles. Leur souhait principal porte sur une rationalisation et/ou une coordination
des dispositifs existants51 avec une meilleure répartition des rôles entre les différents acteurs de la
recherche publique afin d’éviter des chevauchements52 et de garantir une visibilité suffisante des
acteurs et outils de la recherche publique auprès des entreprises.
45
Le représentant d’un grand groupe a expliqué que son entreprise faisait 80% de son chiffre d’affaires à l’étranger, et néanmoins que 80% de sa R&D était réalisée en France, situation « anormale » selon lui due au crédit impôt recherche. 46
Un effet insuffisamment attractif sur les laboratoires publics, une organisation et une gestion des projets trop complexes avec une activité trop locale. 47
L’IRT NanoElec du CEA Tech a, par exemple, développé des projets courts pour PME. 48
L’objectif d’équilibre économique assigné aux IRT/ITE, basé sur le développement de la propriété industrielle apparaît
peu crédible à plusieurs entreprises ; des coûts de concertation trop importants ; un effet attracteur sur le monde
académique sur-estimé. 49
L’exemple de l’ONERA et de l’IRT Saint-Exupéry a été souvent cité par des acteurs de l’aéronautique. 50
Des difficultés pour recruter des professionnels de qualité, une vision internationale des marchés insuffisante pour un
choix judicieux des projets à maturer, des revendications excessives dues ici à l’exigence de rentabilité, qui pèse sur elles. 51
Des entreprises imaginent des mises en réseau ou CEATech jouerait un rôle pivot. 52 plusieurs entreprises ne voient pas aujourd’hui de cohérence entre les IRT/ITE et les pôles de compétitivité alors qu’il
était prévu expressément d’articuler les deux lors de leur création.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 27
3.2 La mise en œuvre des relations avec la recherche publique rencontre de multiples difficultés.
Beaucoup d’entreprises considèrent que les laboratoires publics, y compris au sein des universités
(qui ont été rarement mentionnées en tant que telles), apparaissent plus intéressés par le
développement de relations avec les entreprises que dans le passé (les collaborations avec les écoles
d’ingénieurs semblent d’ailleurs ne pas soulever de problèmes particuliers53). Néanmoins elles
soulignent un certain nombre de problèmes qui entravent ce développement et minorent la qualité
de ces relations.
3.2.1 L’accès à l’information, un problème surtout exprimé par les PME et les ETI
Les difficultés rapportées concernent surtout les petites et moyennes entreprises ainsi que des ETI
qui veulent, en particulier, explorer les potentialités d’un nouveau sujet ou développer des relations
avec un secteur de la recherche publique qu’elles connaissent mal. Des entreprises disent peiner à
identifier des laboratoires partenaires même dans des régions où la densité de la recherche publique
est importante. Pour les grandes entreprises qui possèdent en général un réseau de relations et des
interactions organiques avec la recherche publique, ces questions apparaissent beaucoup moins
aigües. Néanmoins le directeur scientifique d’un grand groupe français estime qu’il existe un manque
de proactivité des laboratoires publics avec le secteur industriel alors que des concurrents américains
et chinois viennent leur proposer leurs services. Ces observations s’inscrivent dans un contexte où le
manque de dynamisme « commercial » et de connaissance du secteur économique de la part des
équipes françaises, en comparaison avec les laboratoires étrangers54 avec lesquels traitent certaines
entreprises ont été plusieurs fois soulignés par nos interlocuteurs.
Les interfaces utilisées par les entreprises sont diverses : sites web des laboratoires et des
organismes, services de valorisation, évaluation de l’AERES, colloques organisés par des sociétés
savantes, acteurs des écosystèmes régionaux en matière d’innovation…
Néanmoins, le niveau d’information disponible sur les compétences des laboratoires publics est
souvent considéré comme insuffisant : certains souhaiteraient pouvoir accéder à un catalogue de
compétences selon les secteurs, et à un panorama des grands équipements scientifiques et
plateformes. Pour un certain nombre d’entreprises, la recherche d’informations et d’interlocuteurs
pertinents s’avère longue, consommatrice de plus de temps et de moyens que ne peuvent mobiliser
certaines d’entre elles. Les relations individuelles jouent alors un rôle précieux et permettent de
gagner du temps ; néanmoins elles présentent un caractère très aléatoire.
Les attentes exprimées convergent vers la demande d’un outil ou d’un dispositif bien identifiable, vu
par certains comme un point d’entrée au niveau national, afin de guider l’entreprise vers les bons
interlocuteurs capables de répondre aux différents types de questions posées.
53
Mises en œuvre des collaborations sous de multiples formes : chaires, doctorants, recrutement d’ingénieurs, stages, recherche partenariale. Une grande facilité de contractualisation, peu de difficultés sur la propriété industrielle, un respect des délais et de bons contacts avec des élèves-ingénieurs qui associent la recherche à la mise au point de nouveaux produits ont été rapportés. 54
Les instituts Fraunhofer et le MIT ont été cités.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 28
3.2.2 Une communication difficile et des négociations trop longues constituent des obstacles importants
L’établissement de relations se heurte tout d’abord pour certaines entreprises à de réelles difficultés
de communication. La formulation de leurs attentes et leur traduction en termes de problématique
scientifique sont souvent présentées comme des obstacles importants. Enfin, beaucoup
d’entreprises estiment que des laboratoires publics «manquent de professionnalisme relationnel et
marketing»: difficultés à respecter les indications de l’industriel et notamment les contraintes de la
production industrielle, méconnaissance des réalités des entreprises et des enjeux financiers liés aux
marchés.
Certaines entreprises estiment que les acteurs publics manquent d’appétence pour les travaux de
recherche très appliquée. Certains laboratoires auraient pour seul objectif, dans leurs relations avec
le secteur économique, de trouver des ressources complémentaires. Enfin, les chercheurs publics
formés à l’approfondissement de questions scientifiques pointues peineraient à s’impliquer dans des
recherches multidisciplinaires, souvent nécessaires au développement d’un produit.
Les entreprises expriment souvent une attente pour des outils ou des compétences dédiées afin de
faciliter ce premier contact.
La signature d’accords ou de contrats avec des partenaires publics, en particulier dans le montage de
consortium, peut nécessiter beaucoup de temps (jusqu’à deux ans). Ce problème majeur, signalé par
un nombre important d’entreprises entendues, est lié selon elles à plusieurs causes : les publications,
(§3.2.3), le partage et l’exploitation de la propriété intellectuelle (§3.2.4), et la définition des prix
(§3.2.5). Ces questions peuvent parfois compromettre l’établissement d’un accord. Les accords-
cadres sont très appréciés par les entreprises qui ont réussi à en conclure, que ce soit avec le CNRS
ou le CEA, organismes les plus souvent cités à ce titre : ce sont généralement des entreprises de
grandes tailles, qui emploient des chercheurs en leur sein, et qui travaillent avec le CNRS ou le CEA
dans le cadre d’une collaboration régulière. Les entreprises qui bénéficient de ce type d’accord se
félicitent de leur collaboration avec le CNRS ou le CEA. Pour les autres entreprises, des procédures
trop lourdes, des négociations en termes de propriété intellectuelle souvent très longues, et des
circuits de signature compliqués, sont souvent signalés dans leurs relations avec le CNRS. Pour les
laboratoires multi-tutelles, le trop grand nombre d’interlocuteurs contribuerait à ralentir les
processus de décisions, et nuirait à la réactivité des acteurs publics.
Enfin, des entreprises attendent une offre plus développée de recherches sur des TRL plus élevés
(type développement expérimental) de la part de la R&D publique : les Instituts Fraunhofer par
exemple couvriraient une gamme beaucoup plus large de TRL que les établissements de recherche
français55.
3.2.3 Des publications que certaines entreprises aimeraient différer
Même si les entreprises reconnaissent en général le besoin pour les chercheurs publics de publier
leurs résultats dans des revues scientifiques ou de les présenter dans des conférences, élément
central pour leur reconnaissance académique et institutionnelle, certaines estiment que les
publications doivent pouvoir être différées à la demande de l’entreprise, ne serait-ce que pour
55
La notion de TRL classifie les niveaux de recherche. Des TRL bas (1 à 3) correspondent à de la recherche fondamentale, les TRL intermédiaires (3 à 6) à de la recherche appliquée, et les TRL élevés (6 à 9) au développement expérimental. Cette remarque des entreprises est confirmée au §2.2.3.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 29
évaluer la brevetabilité du résultat de la recherche, ou le degré de confidentialité des données
utilisées.
Le travail de thèse, notamment dans le cadre de CIFRE, ayant vocation à être public, soulève une
difficulté analogue, même si l’entreprise peut demander une soutenance à huis clos, sous la
responsabilité du président du jury. La diffusion des thèses est régie par l’arrêté du 7 avril 2006 :
comme toute œuvre de l’esprit, une thèse ne peut être diffusée sans l’accord de son auteur, qui peut
demander un embargo. Le directeur de l’établissement qui délivre le diplôme peut décider de la
confidentialité et de la durée de confidentialité. Le cadre existe donc pour permettre un accord entre
l’entreprise et l’établissement délivrant le doctorat sur la diffusion de la thèse.
3.2.4 La propriété intellectuelle souvent l’objet de négociations difficiles
Les marques, les dessins et modèles industriels n’ont pas été mentionnés lors des entretiens. Par
contre, la mission a constaté que la propriété et l’exploitation des éventuels brevets issus des projets
de recherche suscitent de vraies difficultés et conduisent parfois les entreprises à renoncer à un
partenariat. L’outil juridique que constitue le brevet est, pour certains secteurs, une arme
stratégique très importante : offensive, défensive ou même de leurre. Des entreprises déposent
parfois des brevets sur des impasses technologiques pour égarer leurs concurrents ; les brevets
peuvent être des éléments de négociation dans des opérations de fusion-acquisition ; ils peuvent
aussi être mis dans le domaine public pour être à l’origine de normes. Certaines entreprises ont
développé des politiques brevets très précises, sélectives, avec une vision mondiale des frontières
technologiques : pour quelques entreprises, le fait de disposer de la PI est une condition sine qua
non de la coopération, quitte à indemniser le laboratoire public par un versement libératoire.
Parfois, le nombre des brevets déposés par la R&D de l’entreprise est un indicateur de performance,
et les chercheurs qui travaillent dans le privé peuvent être aussi intéressés financièrement au dépôt
ou à la valorisation des brevets. C’est aussi souvent la pratique de l’établissement public partenaire.
Les deux parties peuvent donc avoir intérêt à revendiquer la propriété, ou le droit d’exploitation des
brevets issus de travaux conjoints, ce qui explique en partie les difficultés pour aboutir à un accord.
La volonté des établissements publics de détenir et de gérer des brevets développés dans un cadre
partenarial est très mal comprise par les entreprises. Celles-ci estiment (1) que cela n’est pas
raisonnable quand l’idée initiale du projet vient du donneur d’ordre, (2) que le partenaire public est
déjà rémunéré par le contrat et (3) que les revenus de licences sont en général très limités. Cette
incompréhension est d’autant plus grande que beaucoup d’entreprises estiment que la plupart des
établissements publics n’ont ni les compétences ni la connaissance du marché mondial pour valoriser
les brevets, et que de plus ils n’ont pas les moyens financiers pour les défendre efficacement.
Les négociations sur ce point sont en général considérées comme faciles avec les Grandes Écoles,
tendues mais pragmatiques avec le CEA, difficiles et longues avec le CNRS56.
Les chercheurs publics eux-mêmes apparaissent plus ouverts aux arguments des entreprises que les
juristes des cellules de valorisation, peu au fait des enjeux technologiques, sans doute figés sur les
56
Les universités ont été peu citées sur ce point
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 30
instructions de leur tutelle; mais selon les entreprises consultées ces deux types d’interlocuteurs ne
communiquent que de manière très limitée. Dans le cas de laboratoires mixtes, la multiplicité des
interlocuteurs rend les négociations particulièrement difficiles.
Face à une politique des établissements publics en matière de brevets qualifiée de rigide, les
entreprises envisagent plusieurs voies : copropriété des brevets et droit d’utilisation gratuit et
exclusif dans le domaine de l’entreprise, versement libératoire, clause de revoyure, droit de rachat
des brevets, etc.
Les entreprises qui ont des relations avec des laboratoires académiques à l’étranger reconnaissent
avoir aussi des difficultés de négociation avec ceux-ci: les Instituts Fraunhofer57 apparaissent
beaucoup plus exigeants que les universités allemandes, au point que certains grands groupes
français ont renoncé à travailler avec eux, et certaines universités américaines58, en particulier le MIT
revendiquent la propriété des résultats acquis dans le cadre de collaborations.
3.2.5 Des coûts de la R&D parfois jugés opaques
Les entreprises estiment parfois que leur part de financement des travaux de R&D est trop élevée,
dans le cadre de contrats, ou de projets collaboratifs et que les recherches menées par les
laboratoires publics sont trop coûteuses. Le CEA, souvent, et le CNRS, plus rarement, ont été cités.
Au-delà de ces questions classiques dans des négociations, les entreprises déplorent parfois un
manque de transparence des coûts affichés par certains établissements publics de recherche. Elles
regrettent aussi que les laboratoires ne s’engagent que sur des moyens à mettre en œuvre et pas sur
des résultats. Dans le cadre de projets collaboratifs, menés avec le soutien de l’État (FUI, ANR…), des
organismes de recherche, souhaitant que leurs travaux de recherche soient financés à des taux
élevés, demanderaient aux entreprises parties prenantes de ces projets de leur apporter un soutien
financier complémentaire : ainsi des entreprises ne seraient presque plus financées par les crédits
incitatifs publics, alors que les organismes publics le seraient presque en totalité. Une doctrine de
l’État a été souhaitée par certains sur cette question précise.
3.2.6 La réalisation des projets de R&D avec les laboratoires peut être source de difficultés
Les entreprises estiment souvent que les travaux de recherche opérés par les acteurs publics
(notamment au sein des universités et du CNRS) durent trop longtemps. Les entreprises attendent
une valeur ajoutée rapide, et les laboratoires publics les plus académiques semblent ne pas pouvoir
ou ne pas vouloir répondre à cette attente. Les marchés évoluent très rapidement et demandent un
temps d’études adapté. Une des causes avancées par les entreprises touche à l’absence très
fréquente de connaissances des contraintes des entreprises tant sur le respect des délais, la
propriété industrielle ou les budgets alloués, de la part des chercheurs/enseignants-chercheurs
publics. Des prestations plus flexibles et plus réactives sont souhaitées, quitte à ce qu’elles soient
57
Des accords-cadres peuvent nécessiter jusqu’à deux ans de négociation, ou ne pas aboutir. 58
Selon le Bayh-Dole Act (Patent and Trademark Amendments, 1980), les universités obtiennent la propriété des résultats des inventions faites dans le cadre de recherches financées par des agences fédérales.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 31
plus chères, notamment dans tous les domaines touchant à l’informatique et au numérique, qui
évoluent très vite59.
Un certain nombre d’entreprises signalent, en cours de projet, des problèmes d’échanges en raison
d’une périodicité faible de rencontres, l’apparition de fortes dérives des projets vers des questions
secondaires au regard des attentes de l’entreprise. Des échos négatifs liés également à la gestion et
au suivi des projets engagés au sein ou avec les IRT ont été recueillis. Certaines entreprises
souhaitent disposer d’une meilleure interface pour répondre à ces questions (un personnel dédié par
exemple).
Très souvent, après des recherches académiques, les entreprises ont besoin de reformuler leur
demande en termes industriels, afin de préparer des produits correspondants à leur stratégie
marketing. Or, le développement de produits semble souvent secondaire aux acteurs de la recherche
publique. Les services de valorisation pourraient avoir un rôle d’intermédiaires, mais il semble que ce
soit très rarement le cas.
3.3 Les cadres et les outils qui soutiennent la recherche collaborative font l’objet de nombreuses critiques
3.3.1 Des dispositifs incitatifs nombreux, complexes à mettre en œuvre, avec des taux de financements parfois dissuasifs
De nombreux dispositifs dans un contexte de baisse des crédits. 3.3.1.1
Les entreprises (même de grands groupes) estiment souvent que les crédits de l’État en matière de
recherche sont morcelés entre de nombreux dispositifs de financement alors que certaines
préfèreraient une concentration des crédits sur un seul acteur : gain de temps pour les entreprises,
coûts de gestion plus faibles, meilleure efficacité, meilleure visibilité et plus grande lisibilité des
différents dispositifs incitatifs.
Certaines constatent aussi que les enveloppes budgétaires des programmes de recherche
collaborative, notamment du FUI et de l’ANR, sont en baisse60. Les financements FUI seraient un bon
vecteur pour mobiliser les crédits européens. D’autres estiment que l’ANR est devenue moins
attractive pour les entreprises, au profit des laboratoires publics, considérant qu’il n’y a plus de
rubriques qui encouragent spécifiquement le partenariat public/privé61.
Des niveaux de financements dissuasifs au regard des attentes des PME 3.3.1.2
Estimant que les paiements sont très tardifs et constatant que les aides financières de l’État viennent
en déduction du CIR, des PME estiment qu’il est plus intéressant d’avoir recours aux financements
européens avec de bien meilleurs taux de financement et la liberté de sous-traiter aux laboratoires
de leur choix. Ceci souligne la difficile articulation entre les financements nationaux et européens.
59
Cette vision est résumée par un industriel qui estime qu’avec les laboratoires publics, il travaille « en mode dégradé, coûteux en temps et en argent ». 60
La Cour des Comptes dans son rapport d’octobre 2011 le constatait déjà lorsqu’elle notait que la recherche civile des entreprises avait été subventionné par l’ANR à hauteur de 92 millions d’euros en 2007 et seulement 62 millions d’euros en 2010 et que le FUI avait attribué aux entreprises 433 millions d’euros en 2007 contre 312 millions d’euros en 2010. 61
En fait, les projets ANR sont portés par quatre instruments financiers « jeunes chercheurs et jeunes chercheuses », « projets de recherche collaborative (académique)», « projets de recherche collaborative entreprise », « projets de recherche collaborative international ».
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 32
Les financements incitatifs ANR/FUI, par leur montants minimaux élevés et les durées d’engagement
sur plusieurs années, répondent mal à des projets collaboratifs d’ampleur limitée pour des durées
courtes inférieures à un an, correspondant en particulier à des objectifs de mise sur le marché d’un
produit ou à des cycles de développement très courts comme dans le domaine du numérique. Les
financements ANR/FUI actuels sont considérés plus adaptés au temps de la recherche exploratoire
(la durée d’une thèse par exemple) qu’à celui de la recherche appliquée plus en phase avec le temps
des marchés. Or, les PME auraient souvent besoin de crédits limités sur des petits projets avec des
temps de réalisation courts, possibilité qu’elles ne trouveraient ni à l’ANR, ni au FUI. Plusieurs
entreprises préfèrent la voie contractuelle pour les projets stratégiques, et utilisent les dispositifs
publics de type ANR/FUI pour les projets exploratoires.
La multiplicité des partenaires, avec des montages longs et des contrats 3.3.1.3complexes freinent la mise en œuvre des projets
La multiplicité des partenariats imposés et la complexité de la formulation des contrats qui en
découle font aussi partie des difficultés rencontrées par les entreprises; le temps de montage du
projet et du dossier est souvent considéré comme beaucoup trop long (pouvant aller jusqu’à deux
ans pour une signature d’un contrat de consortium). La mise en place des subventions est jugée aussi
trop tardive. Ceci semble conduire un certain nombre d’entreprises à ne plus rechercher les crédits
de l’État.
Dans le cadre de projets labélisés par les pôles de compétitivité, des entreprises ont rapporté que les
contraintes existantes quant aux choix de partenaires académiques locaux (en particulier quand un
financement est assuré par une collectivité) représente un impact négatif quant à la qualité du
projet. Même s’il est déjà possible d’avoir des partenaires extérieurs à la région concernée, un
assouplissement de ces contraintes est souhaité.
Par ailleurs la multiplicité potentielle des dossiers selon les appels à projets avec des formes
différentes avec les coûts et le temps associés, sont également présentés comme des freins pour les
entreprises. Les règles en matière d’avances remboursables pour les dispositifs Bpifrance sont parfois
considérées comme trop complexes. Une attente souvent exprimée touche à une simplification des
dossiers à fournir avec par exemple un outil numérique qui permettrait à l’entreprise de ne pas être
obligée de reprendre et valider des informations générales communes aux différents appels d’offre.
Des taux de succès jugés trop faibles 3.3.1.4
Des PME estiment difficile de participer à des projets soutenus par les pôles de compétitivité, ou
dans le cadre des IRT, estimant que les logiques mises en œuvre favorisent les entreprises de grande
taille. Le taux de succès aux appels à projets soutenus par l’État est souvent considéré comme trop
faible.
Des manques apparents de coopérations entre acteurs 3.3.1.5
En cours d’exécution des contrats collaboratifs, les échanges entre partenaires seraient parfois
insuffisants, conduisant les entreprises et les laboratoires publics à travailler « en silo ». Certaines
entreprises regrettent aussi que les équipements, financés par exemple dans le cadre du FUI,
resteraient acquis à tel ou tel partenaire et deviendraient inaccessibles aux autres à l’issue d’un
projet collaboratif.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 33
3.3.2 Des échanges trop limités en matière de ressources humaines
Les entreprises entendues soulignent l’intérêt majeur de bénéficier des compétences issues du
secteur académique dont elles ont besoin dans le cadre du développement de leur R&D et qu’elles
ne possèdent pas.
Doctorants : Les entreprises apprécient particulièrement, sauf très rares exceptions, le dispositif
CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche). Destiné à favoriser le
développement de la recherche partenariale publique-privée et en œuvre depuis une trentaine
d’années, il est financé par le ministère en charge de la recherche et géré par l’ANRT (Association
nationale de la recherche et de la technologie). Sur la base d’un projet de R&D défini au regard des
besoins d’une entreprise avec un encadrement assuré par un laboratoire public, l'entreprise recrute
le doctorant en CDI ou CDD, l'ANRT signe avec l'entreprise une CIFRE sur la base de laquelle une
subvention lui est versée. Le dispositif peut en particulier présenter un intérêt majeur pour de petites
entreprises où le doctorant porte le projet, situation moins fréquente dans les entreprises de plus
grande taille. Néanmoins, qualitativement, les entreprises ont rapporté un certaine nombre de
limites portant en particulier sur l’adéquation entre leurs attentes et les contraintes associées à une
thèse : difficulté d’adaptation d’un sujet de thèse à un projet où l’approfondissement académique
nécessaire ne répond pas au besoin défini par l’entreprise, une durée de trois ans parfois trop longue
au regard de la stratégie de l’entreprise, la nécessité pour le doctorant de publier, la publication
étant une source de difficulté contractuelle (voir §3.2.3), des problèmes d’encadrement par le
laboratoire avec a contrario un doctorant qui peut parfois être transformé en ingénieur comme le
rapportent certains témoignages.
En dehors des CIFRE, de nombreuses entreprises financent des thèses dans des laboratoires publics,
avec lesquels elles travaillent en général de manière pérenne. Il est parfois regretté que les
encadrants académiques ne prennent pas assez de temps pour diriger les travaux de thèses. D’une
façon générale, la thèse est considérée comme une occasion pour tester des jeunes en vue de leur
recrutement futur ce que les entreprises mettent souvent en œuvre à l’issue de leur thèse (voir
§4.2).
Jeunes docteurs : La plupart des entreprises tendent à privilégier pour de nombreuses raisons les
profils ingénieurs en matière d’embauche de cadres pour leur R&D. Quelques entreprises ont indiqué
augmenter le flux de recrutement de docteurs ou de post-docs, et avoir modifié le positionnement
des docteurs à l’embauche dans leur grille salariale. L’emploi des jeunes docteurs est parfois délicat
pour les petites entreprises: en effet, les dix-huit mois correspondant à un recrutement en CDD sont
en général insuffisants au regard de la finalisation d’un projet bien que la nouvelle législation doive
autoriser un renouvellement pour les PME ; un recrutement en CDI apparaît trop contraignant pour
l’entreprise (un pari risqué sur ses besoins futurs ainsi que le profil du chercheur). La plupart des
interlocuteurs de la mission ne connaissaient pas la proportion de docteurs dans leur entreprise.
Chercheurs statutaires : le nombre de chercheurs appartenant aux établissements publics qui
réalisent une mobilité temporaire vers le privé est très faible et les cas d’embauche de seniors dans
une entreprise apparaissent également très rares (dans un contexte où un retour vers le public est
quasi-impossible). D’une part dans le cadre d’un projet collaboratif, ils interviennent essentiellement
en restant au sein de leur laboratoire ou dans le cadre d’un laboratoire commun dont beaucoup sont
des structures virtuelles, d’autre part, les entreprises constatent et comprennent que l’implication
d’un chercheur dans un projet collaboratif, qui plus est, dans un contexte de mobilité ne bénéficie
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 34
pas à sa carrière. Quelques entreprises ont mentionné l’intérêt de recruter des chercheurs publics
(expertise internationale, réseau humain), et ont souhaité en accueillir plus, sur des durées limitées
ou de manière permanente. Certaines entreprises considèrent qu’il serait bénéfique que les futurs
chercheurs et surtout les directeurs de laboratoires du secteur public acquièrent une expérience
dans la recherche privée.
En sens inverse, quelques représentants des entreprises ont fait état de la participation des cadres de
leur entreprise à des conseils d’administration d’établissements publics d’enseignement supérieur et
de recherche (même si ceux-ci traitent peu des questions stratégiques et sont donc peu attractifs
pour les personnalités extérieures), à des comités scientifiques, à des jurys de thèses, à des activités
d’enseignement, ou d’encadrement de thèses. Seule une entreprise a indiqué tenir un inventaire de
ce type de coopérations, qui ne semblent jamais quantifiées, en termes de temps passé. L’embauche
de personnels du privé sur des postes académiques apparait très rare, à l’inverse de l’activité de
formation où l’embauche de professeurs associés ou de vacataires d’enseignement est plus
courante. La participation à des instances publiques nationales n’a été que rarement mentionnée,
même si la co-construction public/privé des orientations de la recherche publique a été souhaitée ; le
CORAC62, qui permet de construire un programme spécifiquement français de R&D dans
l’aéronautique a été cité comme un exemple à généraliser.
3.3.3 Une fiscalité très appréciée avec des demandes d’amélioration exprimées
Le Crédit d’impôt recherche (CIR) 3.3.3.1
- Un dispositif très apprécié par l’ensemble des entreprises
Le crédit d’impôt recherche, géré par le ministère en charge de la recherche, est un dispositif majeur
dont l’objectif est de soutenir la R&D des entreprises. Le dispositif a été fortement amplifié depuis
2008, la mise en œuvre du doublement du CIR pour les activités sous-traitées aux partenaires
académiques est clairement considérée comme un élément incitatif important du dispositif pour
développer ce type de relations. Néanmoins, les interlocuteurs de la mission n’ont, en général, pas
pu documenter la part que représente le CIR doublé dans leur enveloppe globale CIR et la perception
rapportée des entreprises concerne donc le dispositif dans son ensemble.
La plupart des entreprises et plus spécifiquement celles de grande taille, considèrent que le CIR a un
impact majeur sur le volume de R&D mis en œuvre par l’entreprise dont il permet non seulement le
maintien mais également l’accroissement. Le CIR, en corrigeant en partie le différentiel du coût du
travail en matière de R&D et des équipements/infrastructures associés par rapport aux entreprises
étrangères, permet d’une part le développement de projets représentant une prise de risque au
regard de nouveaux marchés visés et d’autre part développe l’attraction de notre territoire en
matière de localisation des activités de R&D menées par les entreprises. Le dispositif du CIR permet
ainsi à la France, selon de nombreuses entreprises, de devenir compétitive vis-à-vis de pays comme
notamment les États-Unis et la Chine ; des interlocuteurs de la mission considèrent que sans cela une
partie de leur capacité de R&D serait délocalisée à l’étranger.
62
Conseil pour la recherche aéronautique civile.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 35
- Des points négatifs et des attentes dans le cadre de la mise en œuvre du CIR ont été exprimés :
a) Suite aux contrôles administratifs menés par les services fiscaux, le risque de contentieux et de
redressement in fine a été présenté comme un frein à l’utilisation du CIR pour les PME avec des
conséquences négatives potentiellement très lourdes pour les entreprises. Les témoignages portent
sur l’identification correcte des dépenses éligibles qui constitue une question essentielle. Ce
problème amène des entreprises à sécuriser le processus du CIR via un cabinet ; néanmoins, cette
intervention apparaît particulièrement coûteuse pour les petites entreprises avec une qualité de
services aléatoire.
b) Les délais de remboursement des sommes engagées atteignant plusieurs mois génèrent des
problèmes de trésorerie pour des PME. La procédure est considérée par certains comme de plus en
plus lourde et trop chronophage (exemple : production de descriptifs techniques).
De jeunes entreprises innovantes souhaiteraient bénéficier des avantages accrus en matière de CIR
accordés aux start-up bénéficiant du statut de Jeune Entreprise Universitaire (JEU) ; elles
souhaiteraient également que la mise en œuvre du doublement du CIR soit prolongé jusqu’au
dégagement de profits par l’entreprise.
L’extension du bénéfice du CIR pour les stagiaires en entreprises travaillant sur des projets innovants
a été également suggérée. Enfin, une augmentation du plafond pour le CIR doublé qui pourrait être
compensée par une baisse du plafond global des dépenses éligible, a été évoquée.
Le Crédit d’Impôt Innovation (CII) 3.3.3.2
Très peu d’entreprises rencontrées ont eu recours au CII récemment mis en place avec des échos très
positifs quant à la prise en charge d’éléments liés au développement de projets innovants qui ne
seraient pas éligibles au CIR bien que directement liés aux activités de R&D de l’entreprise.
Néanmoins, le plafond de 20 % dans la prise en charge des dépenses concernées leur apparaît
insuffisant (30 % pour le CIR).
La réduction d’impôt au titre du mécénat 3.3.3.3
Ce dispositif a été peu cité, même si les chaires d’enseignement et de recherche, qui donnent droit à
cette réduction d’impôt, sont appréciées par les entreprises pour des recherches très amont et pour
mettre en place de nouvelles formations. Les actions de mécénat hors chaires n’ont jamais été
mentionnées.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 36
4 ANALYSES ET RECOMMANDATIONS
Lever les obstacles à l’innovation en France constitue une tâche primordiale pour libérer la
croissance et l’emploi. La mission a examiné dans cette perspective les conditions de l’amélioration
des relations entre les entreprises, la recherche publique et l’administration, qui constituent les trois
intervenants principaux de la relation recherche-entreprises.
Le constat que les relations entreprises /recherche publique sont globalement insatisfaisantes en
France est fait depuis plusieurs décennies (voir Introduction et partie 2). Privilégiant une recherche
des causes constantes de ce phénomène, la mission en a déduit qu’elle pouvait établir une hiérarchie
des causes possibles, et tenir en première approche pour secondaires les nombreuses actions de
l’État (création de multiples structures et dispositifs, voir §2.3) sur cette période longue, puisque
celles-ci n’avaient pas eu les effets escomptés. Notons qu’en toute rigueur ce raisonnement ne
s’applique pas aux initiatives les plus récentes, pour lesquelles il faut laisser un temps suffisant avant
de procéder à des évaluations approfondies préalables et qui pourraient à terme accroître leur
efficacité par des aménagements appropriés.
La mission s’est donc tout d’abord efforcée de se concentrer sur ce qu’elle considère comme les
causes principales, associées aux invariants de ce phénomène :
- d’une part les hommes et les femmes en charge du problème63, et en particulier la question
de l’adéquation entre leurs compétences et les tâches qu’ils ont à effectuer ;
- d’autre part les principes et les méthodes générales qui guident l’administration dans ses
actions, plutôt que les actions elles-mêmes.
Les conclusions sur cet aspect du problème apparaissent claires à la mission : il est possible
d’améliorer significativement la gouvernance de l’innovation exercée par l’encadrement supérieur et
dirigeant de l’État. Cette amélioration résultera d’une professionnalisation de la gouvernance, qui
doit reposer sur des compétences réelles, répondant autant que possible à des critères
internationaux, ainsi que d’une modernisation des méthodes employées. Des recommandations
concrètes sont formulées dans ce but.
Cependant, les questions de gouvernance ne sont pas les seules à résoudre : un bon général ne suffit
pas pour avoir une bonne armée, et la mission a donc aussi examiné les problèmes posés aux autres
niveaux opérationnels (§4.2), et a formulé des recommandations en matière de mise en œuvre des
politiques publiques concernant la recherche et l’innovation (§4.3 et 4.4). Le tableau en annexe 12
fait le lien entre les réactions des entreprises (§3) et les recommandations (§4).
4.1 Gouvernance des politiques publiques et des établissements
En s’appuyant sur une théorie simple de la gouvernance de l’innovation et de ses méthodes, basée
sur une lecture sélective de la littérature existante et enrichie par les entretiens menés avec les
63
Pour la Grande-Bretagne, The Dowling Review of business-university research collaborations, July 2015, fait une analyse similaire.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 37
entreprises, la mission a tenté de comprendre les causes des insuffisances et dysfonctionnements
observés et proposé des éléments de solution.
La mission a abordé cette question en examinant comment sont initiées, suivies et évaluées les
politiques publiques dans ce domaine en considérant trois exemples concrets :
- le projet des Instituts Carnot ;
- le suivi des entreprises innovantes par les DIRECTTE (Directions régionales des entreprises,
de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) ;
- le rôle de l’État actionnaire.
4.1.1 Une théorie élémentaire de la gouvernance de l’innovation
La mission se propose dans cette section de construire une théorie élémentaire de la gouvernance de
l’innovation qui s’applique aux différents types organisations hiérarchiques qui l’intéressent : institut
public de recherche, administration et entreprise64.
Dans la gouvernance de l’innovation, l’une des principales difficultés est de savoir lancer un
programme au bon moment. On sait en effet que dans la diffusion d’une innovation, il existe ce l’on
appelle « the first mover advantage », un avantage compétitif pour ceux qui sont les premiers. A
l’opposé, les derniers venus bénéficieront moins de cet avantage. Ce que l’on attend donc avant tout
de la direction d’une organisation qui gère de l’innovation, c’est une compétence permettant la
détection et le lancement précoce des bons sujets. Une personne qui a été elle-même créative dans
sa carrière est plus à même de participer utilement à l’élaboration d’une politique d’innovation. Un «
track-record », une expérience réussie est donc, sinon nécessaire, du moins très utile. Cette
expérience peut être de notoriété publique, par exemple parce qu’elle s’est accompagnée de
publications, de dépôt de brevet, ou d’autres activités innovantes accessibles à une évaluation
externe ; elle peut aussi demeurer confidentielle.
Dans le cas où une évaluation externe est réaliste, la littérature existante (développée plus en détail
dans l’annexe I) indique que :
- des mesures de compétences adaptées, fondées sur les analyses de citations (publication,
brevets) existent ;
- il y a une forte corrélation entre ces indicateurs et la qualité scientifique (pour les
publications) ou l’utilité économique (pour les brevets) ;
- la présence de « chercheurs étoiles » (dont les travaux, publications ou brevets sont très
cités) au sein d’une organisation (laboratoire ou entreprise) a un effet économique positif pour celle-
ci.
Nous étendrons ici cette idée en introduisant le concept de « manager étoile », qui participe à la
gouvernance de l’organisation, et qui possède une expérience en matière de recherche et
d’innovation objectivable par une analyse de citations. Un « manager étoile » est une personnalité
charismatique, respectée, qui possède des compétences en management, qui attire les meilleurs
chercheurs, qui est considérée comme légitime au sein de l’organisation et qui peut contribuer
utilement à la définition de la politique de recherche et d’innovation. C’est un profil rare et très
recherché au niveau mondial.
64
Ces idées sont détaillées dans les annexes 2 et 3.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 38
Ceci conduit à définir la forme théorique la plus simple de gouvernance d’une telle organisation : un
directeur unique (par simplicité), qui est aussi un « manager étoile ». Ceci définit un organisme de
type 1.
A l’opposé, on peut aussi envisager un organisme de type 2, où l’on a fait le choix d’un directeur sans
expérience réussie (ou « proven trackrecord ») (que celle-ci soit de notoriété publique ou non) en
matière d’innovation65. Les risques associés sont évidents : les plus faibles compétences conduiront à
des choix de projets de recherche erronés parce que trop tardifs (avec un profil de suiveur, plutôt
que de leader). Les travaux de recherche menés (fondamentale ou appliquée) ainsi que les travaux
de développement ne seront en moyenne pas couronnés de succès. L’attractivité de la gouvernance
sera faible, de même que sa légitimité au sein de l’organisation.
Ces concepts de gouvernance de type 1 et de type 2 peuvent être étendus à des formes de
gouvernance plus complexes, telles qu’on les trouve dans l’administration ou dans les grandes
entreprises. Ces organisations ont toujours une structure hiérarchique, en règle générale dirigée par
une seule personne (Ministre, « PDG »..), qui peut être ou non un manager étoile. Il faut tenir
compte du fait qu’il ne s’agit pas d’un individu isolé, mais plutôt le responsable d’une gouvernance
plus collégiale, qui, dans l’exemple d’une grande entreprise, dirige un comité exécutif (qui peut ou
non inclure un «manager étoile »), supervisé d’autre part par un conseil d’administration.
En résumé, la mission définit la meilleure structure de gouvernance de l’innovation comme une
structure de type 1, avec différentes possibilités :
- Le cas le plus simple, qui s’applique particulièrement à un institut de recherche appliqué (le
cas qui nous intéresse ici), où une seule personne (directeur/directrice) est en charge de la
gouvernance, avec un profil de « manager étoile ».
- Pour une grande entreprise, la structure de type 1 correspondra à la présence d’au moins
une personne avec un profil de « manager étoile » dans le comité exécutif de l’entreprise.
Les titres peuvent varier dans ce cas : il peut s’agir de la personne responsable de la stratégie
ou de la R&D, ou de l’innovation, d’un « Chief Scientist Officer » (CSO), d’un « Chief
Technological Officer » (CTO), etc.
- Dans le cas d’une grande administration centrale (comme un ministère) dont le domaine
d’activité couvre un certain champ scientifique ou technique, on parlera de structure de type
1 lorsqu’il existe en son sein un expert scientifique ou technique couvrant ce champ, avec un
profil de « manager étoile », et qui occupe une position hiérarchique appropriée dans cette
administration. Le concept de « Chief Scientist Adviser », que nous examinerons plus loin, est
intimement lié à l’existence d’une structure ministérielle de type 1.
A l’opposé on parlera de structure de type 2 dans tous les autres cas : pas de « manager étoile » à la
tête de la structure dans le cas le plus simple, pas de « manager étoile » au comité exécutif pour un
grand groupe, pas d’expert avec profil de « manager étoile » dans l’administration étudiée.
L’annexe 3 propose une approche fondée sur la bibliométrie permettant de quantifier les notions de
« chercheur étoile » (en termes de citations de publications ou de brevets) et donc de « manager
étoile ».
65
Il existe ici différentes possibilités : une personne peut avoir une expérience réussie sans notoriété publique associée, parce que son activité est demeurée confidentielle ; à l’inverse, il existe des situations où la notoriété apparente ne décrit pas correctement la contribution réelle de la personne à la réussite d’un projet innovant.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 39
4.1.2 L’innovation au sein de l’administration : gouvernance et méthodes
L’administration est constamment confrontée à l’innovation dans des situations très diverses : d’une
manière générale par son intervention dans les politiques publiques en matière de recherche et
d’innovation, dans son activité de tutelle d’établissements d’enseignement supérieur, d’organismes
publics de recherche etc.), et également en tant qu’actionnaire d’entreprises. De plus,
l’administration peut être elle-même une source d’innovation : on peut donner comme exemple la
création de la taxe à la valeur ajoutée par Maurice Lauré dans les années 1950. Mais les relations
entre innovation et administration peuvent aussi être de nature plus complexe66.
Pour comprendre la situation de l’administration française dans ce domaine, il est utile de rappeler
brièvement la structure de son encadrement supérieur et de la comparer à une gouvernance idéale
de type 1 définie plus haut. La mission peut s’appuyer ici sur le rapport récent (2014) consacré à
« L’encadrement supérieur et dirigeant de l’État »67, dont elle partage les analyses essentielles
suivantes :
- le rapport donne comme premier principe que « le seul critère véritable pour l’encadrement
supérieur et dirigeant doit être celui de la compétence » ;
- et souligne qu’il existe un besoin confirmé d’expertise technique de haut niveau :
« En effet, faute de disposer de ces compétences, l’État risque de se trouver en position de
grande faiblesse (il n’est pas exclu que cela se soit déjà produit au cours de ces dernières
années) pour jouer son rôle de stratège dans les secteurs industriels et technologiques, pour
prendre des décisions appropriées dans ses relations avec les autorités de régulation, pour
piloter de grands projets de système d’information, pour défendre les intérêts de la France au
plan européen ou international sur des dossiers à forte composante d’innovation. Les
décisions politiques dans chacune de ces matières doivent pouvoir reposer sur un éclairage et
une analyse technique incontestables des enjeux. Comme l’écrivaient déjà MM. Folz et
Canepa68, « le régulateur doit être aussi compétent que le régulé pour exercer efficacement
ses missions ».
D’après ce même rapport de 2014, l’encadrement supérieur de l’État est formé (fin 2012) de
13 542 hauts-fonctionnaires. La nature exacte des compétences de ce personnel ainsi que son
adéquation avec les besoins de l’État demeurent mal définies. On notera par exemple que les
formations de niveau troisième cycle ou équivalent (doctorat, PhD, etc.) ne sont pas mentionnées
dans ce rapport. Les capacités de prospective et d’imagination (cruciales pour l’innovation) de cette
population semblent elles aussi peu connues. La définition de la compétence en matière d’innovation
que la mission propose peut contribuer à cette réflexion globale. Comme on le verra par la suite, elle
permet en particulier des recommandations opérationnelles.
La mission souhaite insister sur l’importance de mieux connaître la nature exacte des formations des
personnels dans la question de relations entreprises-recherche publique : l’enquête annuelle 66
Voir, en autres, les travaux classiques de Burns et Stalker (The Management of Innovation, London, Tavistock, 1961), qui décrivent notamment une image traditionnelle de l’administration rétive au changement. 67
Rapport de Juillet 2014. 68
Rapport à M. le Premier Ministre : Mission d’étude sur l’avenir des corps d’ingénieurs de l’État (Janvier 2009).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 40
effectuée par le MENESR sur les moyens consacrés à la R&D dans les entreprises repose sur deux
formulaires (général ou simplifié) où le nombre de docteurs n’est pas recensé.69 La mission souligne
la nécessité de les modifier pour y faire figurer des questions plus précises70.
Lorsque l’on compare la gouvernance de l’innovation dans l’administration française telle qu’elle s’y
pratique, avec une gouvernance de type 1 (dans laquelle des experts techniques qui possèdent une
compétence internationale objective sont associés aux processus de décision), il apparaît de fait que
l’on a plutôt affaire à une administration de type 2, dans laquelle il peut exister des compétences
adéquates, mais qui ne sont pas exploitées au mieux.
Plus précisément, les structures administratives en charge de l’innovation dans l’administration
française peuvent être identifiées par une analyse lexicale des décrets qui les régissent, en y
comptant le nombre d’apparitions de ce mot. On conclut ainsi que la DGE71 est la principale structure
en charge de l’innovation à Bercy et la DGRI72 au ministère en charge de la recherche. Dans ce
contexte, la notion de compétence possède un sens administratif qui peut différer de la compétence
objective. D’une manière plus globale, l’administration d’État ne semble pas posséder des
compétences suffisantes en termes de gouvernance de l’innovation, ce qui se manifeste à la fois par
des faiblesses méthodologiques et par une négligence des conflits d’intérêts, et que nous illustrerons
par trois exemples.
Comparaison des instituts Carnot et Fraunhofer 4.1.2.1
Par le biais des Instituts Fraunhofer, l’Allemagne s’est dotée depuis longtemps d’un ensemble
d’organismes de recherche publics ayant pour objectif d’accompagner les industriels dans les besoins
de R&D. Les Instituts Carnot, créés plus récemment, regroupent en France les laboratoires les plus
investis dans la recherche contractuelle. Ils avaient en 2013 des recettes sur contrats de recherche
très voisines de celles des Fraunhofer : 455 M€, contre 462 M€ pour leurs homologues allemands, et
avec des recettes de projets collaboratifs pratiquement égales (530 M€). Les budgets consolidés sont
aussi très similaires : 2 200 M€ pour les Carnot, et 2 100 M€ pour les Fraunhofer.
La mission s’est posée la question de savoir de quelle nature (type 1 ou type 2) étaient les
organismes de recherche publique français ainsi que les entreprises qu’elle interviewait, et comment
ils se comparaient de ce point de vue aux meilleures pratiques observées à l’étranger. C’est de ce
point de vue qu’elle a comparé les instituts Carnot et Fraunhofer (annexe 4), en utilisant l’approche
méthodologique développée dans l’annexe 3.
Elle observe d’abord une présentation très hétérogène des différents Instituts Carnot sur internet (le
point d’entrée le plus important du point de vue de la communication), ce qui nuit à l’image de
69
Les questionnaires demandent 1) les effectifs des « chercheurs et ingénieurs de R&D » sans distinction dans le questionnaire général : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/formul/ent/moyens/qg2014%20.pdf 2) les effectifs des « chercheurs et ingénieurs de R&D (y compris doctorants)» dans le questionnaire simplifié : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/reperes/telechar/formul/ent/moyens/qs2014.pdf 70
Cette proposition figure dans le rapport IGAENR N°2015-074 sur l’emploi scientifique 71
Direction Générale des Entreprises 72
Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 41
marque globale. La simple identification du directeur de l’institut Carnot peut se révéler très difficile.
Le titre de directeur apparaît fréquemment sans poids réel dans les organismes de tutelle de l’institut
Carnot : la notion de gouvernance n’est souvent pas acquise. De plus ces problèmes concernent
22 Carnot sur 34 (représentant 70 % du budget total des Carnot), dont les Instituts Carnot de plus
grande taille.
Analyse bibliométrique de la gouvernance : publications et brevets
1) Publications :
L’analyse bibliométrique des publications de directeurs d’Instituts (nombre de citations pour les trois
publications les plus citées) différencie clairement les Instituts Carnot et Fraunhofer. Dans le cas des
instituts Fraunhofer, on observe globalement une population de chercheurs académiques très
expérimentés, avec des longues listes de publications et des nombres de citations élevés. Ceci est en
accord avec les faits qu’ils sont tous (à une exception près) docteur et professeur d’université.
L’analyse de la gouvernance des Instituts Carnot révèle l’existence de deux populations avec des
profils très différents. La première est constituée de chercheurs académiques de haut niveau,
comparables aux directeurs des Fraunhofer. A côté de cette population, 10 à 15 directeurs d’Instituts
Carnot ont peu (ou pas) de publications, qui sont peu (ou pas citées), ne semblent pas avoir une
expérience suffisante pour diriger un Institut Fraunhofer.
2) Brevets :
Les données bibliométriques pour la propriété intellectuelle, au cœur du sujet de la mission, sont
encore plus frappantes :
Carnot Fraunhofer
Nombre de brevets déposés 116
(17/35 sans brevet)
809
(14/68 sans brevet)
Directeurs avec 10 brevets ou plus 3 30
Directeurs avec un brevet cité 10 fois
ou plus
4 29
Citations des 3 brevets les plus cités 290
(13 brevets cités 1 fois
ou plus)
2749
(104 brevets cités 1 fois ou plus)
Comparaison de la gouvernance des 34 Instituts Carnot (35 directeurs) et des 66 Instituts
Fraunhofer (68 directeurs) : nombres et citations des brevets.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 42
- Les directeurs des instituts Fraunhofer ont déposé au total environ 800 (809) brevets
européens. Seuls 14 (sur 68) directeurs n’ont jamais déposé de brevets. 30 directeurs ont 10
brevets ou plus. En ce qui concerne les citations de ces brevets, en se limitant aux trois
brevets les plus cités de chaque directeur : 104 brevets sont cités une fois ou plus, et
l’ensemble des trois brevets les plus cités ont été cités 2749 fois au total. 29 directeurs ont
un brevet cité 10 fois ou plus.
- Les directeurs des instituts Carnot ont déposé au total environ 116 brevets européens. La
moitié des directeurs (17 sur 35) n’a jamais déposé de brevets. Seuls 3 directeurs ont 10
brevets ou plus. En ce qui concerne les citations de ces brevets, en se limitant aux trois
brevets les plus cités de chaque directeur: 13 brevets sont cités une fois ou plus, et
l’ensemble des trois brevets les plus cités ont été cités 290 fois au total. Seuls 4 directeurs
ont un brevet cité 10 fois ou plus.
Quels que soient les critères, nombre de brevets déposés (809/116), nombre de directeurs avec 10
brevets ou plus (30/3), nombre de brevets cités une fois ou plus (104/13), nombre de citations reçues
pour les trois brevets les plus cités, (2 749/290), nombre de directeurs avec un brevet cité 10 fois ou
plus (29/4), la mission observe une différence d’un facteur presque dix entre les deux gouvernances.
C’est ce déficit qui doit d’abord être corrigé si l’on veut améliorer durablement les instituts Carnot.
La mission tient à souligner les limites de cette approche bibliométrique (qui sont détaillées dans
l’annexe 3), qui s’applique avant tout à des populations et non à des individus. On ne peut en aucun
cas tirer de ce travail des conclusions portant sur un directeur particulier. Les données obtenues
fournissent uniquement des indicateurs partiels, qui doivent être complétés par d’autres dans le
cadre d’une évaluation individuelle.
Les critères conduisant à la désignation d’un directeur d’institut Carnot, ou de son organisme de
tutelle, ne font pas aujourd’hui l’objet d’un consensus, à la différence de ce que la mission a pu
observer dans les pays de référence, Allemagne ou Israël par exemple. Les compétences scientifiques
et techniques avérées (ou d’autres preuves d’une expérience réussie en innovation) ne sont pas
systématiquement prises en compte. La personne en charge de la gouvernance de ces instituts de
recherche doit apparemment souvent sa désignation à une compétence administrative antérieure
(c'est-à-dire à l’appartenance à une structure administrative qui affiche d’après un décret un certain
type de compétence), plutôt qu’à une compétence réelle, qui lui permettrait par exemple d’obtenir
un poste similaire en Allemagne ou en Israël. La légitimité d’une telle gouvernance, ainsi que son
attractivité sont vraisemblablement faibles.
Evaluation des Carnot par la commission « Carnot 3.0 »
Les instituts Carnot ont fait l’objet d’une évaluation l’année dernière par la commission « Carnot
3.0 ».73 Avant d’examiner le contenu du rapport final, il faut souligner que la composition de la
commission ne respecte pas les principes d’une évaluation faite par des pairs, et n’élimine pas le
risque de conflits d’intérêts.
La nécessité d’évaluer par des pairs suppose d’avoir recours à des personnes ayant de compétences
comparables à celles des directeurs des instituts Fraunhofer. De fait, compte-tenu de la taille globale
73
Commission Carnot 3.0. Rapport final. Janvier 2015.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 43
des 34 instituts Carnot, la présence d’experts étrangers s’imposait. En pratique, tous les experts
résident en France, peu ont des compétences objectives qui leur permettraient de gérer un institut
Fraunhofer avec un risque de conflit d’intérêt puisqu’un des membres de la commission a dans un
passé récent dirigé un laboratoire qui est aussi un institut Carnot.
En ce qui concerne le contenu du rapport : 1) il souligne la nécessité de renforcer la gouvernance des
instituts Carnot, une concordance de vue avec les propres analyses de la mission. 2) En revanche, la
conclusion finale de ce rapport sur les exigences de communication : « Chaque Carnot doit
impérativement mentionner qu’il est institut Carnot dans toutes ses communications externes,
hormis les publications scientifiques » laisse perplexe. Ce qui fait la valeur d’institut de recherche
(fondamentale ou appliquée, Fraunhofer ou Carnot…), c’est toujours in fine son capital humain, dont
le travail s’exprime en publications ou en brevets74.
La mission constate aussi que la taille des Carnot est en moyenne deux fois plus grande que celle des
Fraunhofer. Les plus gros Carnot se trouvent de fait ainsi dans des situations de quasi-monopole dans
leur domaine (c’est le cas par exemple pour le CEA, ou pour l’INRIA), là où une émulation existe chez
les Fraunhofer. Face à ces structures de grande taille, l’administration centrale se trouve dans une
position de faiblesse, n’ayant en son sein que peu de compétences scientifiques et techniques pour
exercer une activité de tutelle efficace.
Le suivi des entreprises innovantes via l’action des DIRECTTE 4.1.2.2
Un deuxième exemple est fourni par une analyse du travail des DIRECTTE dans le suivi des
entreprises innovantes. La mission peut s’appuyer ici sur les observations faites dans le rapport sur
Les Entreprises stratégiques de l’IGF et du CGEIET75, qui constate l’existence de lacunes
méthodologiques majeures dans la conception de cet important projet, et par voie de conséquence
dans son utilité réelle. Les lacunes méthodologiques portent en particulier sur les possibilités d’une
exploitation statistique des données recueillies. Cet exemple est développé dans l’annexe 11. D’une
manière plus globale, le rapport sur les entreprises stratégiques a conclu que les dysfonctionnements
observés en matière de veille et de stratégie à Bercy étaient suffisamment répandus et profonds
pour proposer un scénario consistant à créer une direction générale de la stratégie et de la veille au
sein de Bercy76, pour remédier aux lacunes de compétences.
L’État actionnaire 4.1.2.3
Le troisième exemple de gouvernance de l’innovation par l’administration est fourni par les
situations où l’État participe à la gouvernance d’entreprises, souvent innovantes, par le biais d’une
participation au capital, qui se traduit en particulier sur le plan humain par la présence de
représentants de l’État dans la gouvernance des entreprises (par exemple au conseil
74
La banque de données Publica des instituts Fraunhofer qui recense de manières très complète toutes les contributions de ses chercheurs illustre dans ce cas l’importance attachée à celles-ci. 75
Rapport Entreprises Stratégiques, Novembre 2014. Les entreprises innovantes constituent une partie importante des entreprises stratégiques étudiées dans ce rapport. 76
Ce scénario n’a pas été retenu par la mission pour des raisons de pragmatisme (car il nécessiterait une restructuration majeure des ministères économiques et financiers).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 44
d’administration). La mission a constaté que les grandes entreprises françaises sont
malheureusement trop souvent de type 2, comme le montre l’examen des rapports annuels
d’activité (place de la recherche et innovation dans la gouvernance, compétences des personnes en
charge).
Parmi ces entreprises, plusieurs se trouvent avoir l’État comme actionnaire. On en trouve en
particulier dans le portefeuille géré par l’Agence des Participations de l’État (APE). Il semble
vraisemblable que dans plusieurs de ces cas, une défaillance dans la politique d’innovation de ces
entreprises a contribué à la dégradation de sa situation, nécessitant au final une intervention de
l’État. Il semble que l’État actionnaire ne dispose pas des compétences requises pour aider à
améliorer la situation de ces entreprises en matière d’innovation et de gouvernance de celle-ci. On
peut rappeler à ce propos le principe énoncé par MM. Folz et Canepa77, « le régulateur doit être aussi
compétent que le régulé pour exercer efficacement ses missions », qui doit aussi s’appliquer aux
questions de R&D.
La gouvernance de l’innovation dans les ETI et les groupes rencontrés par la 4.1.2.4mission
La constatation que les grandes entreprises françaises ont souvent une gouvernance de l’innovation
de type 2 s’applique aussi à une fraction importante des ETI et des groupes rencontrés par la mission.
Les personnes en charge de l’innovation dans ces entreprises de type 2 n’avaient pas soit pas de
compétences avérées en R&D, soit des compétences insuffisantes comparées à celles des entreprises
concurrentes ; l’intérêt stratégique pour l’innovation de ces entreprises n’était pas non plus reflété
dans les compétences de comités exécutifs. Ces considérations permettent de relativiser l’intérêt des
opinions recueillies par la mission, qu’il s’agisse des louanges comme des critiques. La mission n’avait
pas pour mission de formuler des recommandations concernant des entreprises privées et n’a donc
pas poursuivi ces analyses au-delà. Elle tient à souligner l’intérêt qu’il y aurait à poursuivre ces
investigations par des études économétriques plus systématiques, en particulier pour tester
l’hypothèse qu’une gouvernance de type 2 est néfaste sur le long terme.
Recommandations portant sur la gouvernance de l’innovation dans le secteur 4.1.2.5public
Les analyses développées ci-dessus conduisent à conclure qu’il existe aujourd’hui des
dysfonctionnements en matière de gouvernance de l’innovation dans l’administration, et que ceux-ci
permettent d’expliquer d’une manière simple un grand nombre des difficultés observées dans la
relation entre les entreprises et la recherche publique.
Améliorer cette situation constitue un travail de longue haleine, qui rencontrera des résistances
fortes.
Les recommandations que la mission propose visent tout d’abord à définir une doctrine de l’État en
matière de gouvernance de l’innovation puis à examiner l’adéquation entre cette doctrine et la
gouvernance actuelle. A partir de ce diagnostic, il sera alors possible d’améliorer la situation actuelle.
77
Rapport à M. le Premier Ministre : Mission d’étude sur l’avenir des corps d’ingénieurs de l’État (Janvier 2009).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 45
La première recommandation de la mission porte donc sur la doctrine de l’État en la matière : il est
nécessaire de définir les compétences requises en termes de formation (en particulier au niveau du
troisième cycle) et d’expérience professionnelle en s’inspirant des meilleurs exemples
internationaux. Le recours à des critères internationaux d’évaluation doit être, autant que possible, la
règle générale (en tenant compte, le cas échéant, des données bibliométriques pour les ouvrages,
publications, brevets, et de création d’entreprises ou d’autres réalisations liées à l’innovation). Un
principe de base doit être que pour nommer une personne à un poste de gouvernance de
l’innovation, on vérifie d’abord que cette personne pourrait occuper un emploi similaire dans un pays
de référence en la matière.
Recommandation n° 1. L’État doit définir rigoureusement les compétences requises pour
occuper des postes de gouvernance de l’innovation dans
l’administration et dans les organismes qui sont sous sa tutelle, en
s’inspirant des meilleures pratiques internationales.
Une fois ces compétences définies, il sera alors possible d’analyser l’adéquation entre les
compétences présentes dans l’administration aujourd’hui et les compétences requises78. Cela
suppose qu’un recensement approprié soit effectué sur la population d’intérêt. Les personnes
identifiées pourront alors faire l’objet d’un plan de carrière pertinent (par exemple par le biais de
formations complémentaires) afin que leurs compétences soient exploitées au mieux dans le futur.
La mission a souligné l’ignorance relative dans laquelle on se trouve vis-à-vis des compétences
aujourd’hui présentes dans l’administration. Il existe sans nul doute des compétences inexploitées
que ce recensement contribuera à mettre en valeur. Il est aussi vraisemblable que des lacunes seront
mises à jour, qui devront être comblées par des recrutements externes.
Recommandation n° 2. Identifier au sein de l’administration les personnes possédant une
expérience réussie dans des activités innovantes, pour les préparer
à assumer des fonctions de responsabilité en matière de recherche
et d’innovation, notamment par des formations, et des cursus
appropriés.
78
La loi du 22 juillet 2013 prévoit, article 58 ,« Les dirigeants des grands établissements sont choisis après appel public à candidatures et examen de ces candidatures, selon des modalités fixées par les statuts de l'établissement. Ces dispositions ne sont pas applicables aux établissements dont les statuts prévoient que les dirigeants sont élus ou que les fonctions de direction sont exercées par des militaires ».Une disposition identique existe pour les dirigeants des EPST
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 46
Les recommandations qui précèdent n’auront sans doute pas un effet immédiat, à la différence des
recommandations suivantes qui visent elles-aussi à introduire un changement culturel radical au sein
de l’administration79.
---------
En s’appuyant sur des exemples étrangers (Israël, Grande-Bretagne, Nouvelle-Zélande…), la mission
propose qu’en parallèle les compétences scientifiques et techniques de l’administration soient
renforcées par le recrutement de directeurs scientifiques (« chief scientific advisers »), ayant pour
mission essentielle de contribuer à l’élaboration des objectifs et des stratégies du ministère, à la mise
en œuvre, au suivi des textes réglementaires et des budgets de R&D/Innovation mobilisés ainsi qu’au
pilotage des évaluations afférentes. Ils contribueraient à améliorer la culture de la conduite de
projets innovants, qu’ils soient ou non de nature scientifique ou technologique, ainsi que la culture
de l’évaluation80. Afin d’assurer leur mission, ces directeurs scientifiques auraient à la fois une
fonction de conseiller, mais aussi des responsabilités administratives bien définies, incluant par
exemple la gestion d’un budget d’études et de recherche dans le cadre de leur ministère81. Par
ailleurs, ces directeurs scientifiques participeraient, au sein d’un conseil les réunissant, à la
coordination interministérielle sur les sujets concernés. Il s’agit d’une proposition radicale qui vise à
changer de manière permanente les relations entre l’administration centrale d’une part, et les
sciences et la technologie, d’autre part.
Leur présence devrait immédiatement être bénéfique pour les ministères concernés. Ils devraient
avoir un statut hiérarchique suffisamment élevé pour pouvoir contribuer au plus haut niveau de
l’administration à l’élaboration des objectifs stratégiques du ministère, en particulier des textes
réglementaires et des budgets de R&D/Innovation. La mission s’est en particulier appuyée ici sur les
pratiques observées au Royaume-Uni et en Israël (voir annexes 5 et 8).
A titre d’exemple, les tragédies de l’amiante82 et du Médiator83 auraient peut-être pu être limitées
en étant mieux gérées grâce à la présence au sein des ministères concernés d’experts d’une
envergure intellectuelle et éthique indiscutable capables de communiquer efficacement avec les
différents acteurs. De même, la récente loi sur le renseignement a suscité des réactions négatives
79
La loi du 22/7/2013 a introduit une disposition qui mériterait d’être généralisée (article 96) : « Les dirigeants des établissements publics à caractère scientifique et technologique et le directeur général de l'Agence nationale de la recherche sont choisis après un appel public à candidatures et l'examen de ces candidatures par une commission dont la composition et le fonctionnement sont fixés par les statuts de l'établissement et dont les membres sont nommés par les ministres de tutelle ». 80
Gérer l’innovation, c’est gérer des processus depuis leur conception, leur suivi jusqu’à leur évaluation finale. C’est ici qu’un expert peut apporter toutes les compétences de la science et de la technique moderne. En effet, innover en recherche est un processus constamment soumis à une évaluation par des pairs indépendants, qu’il s’agisse de la demande de crédits initiales, de la publication dans des journaux à comité de lecture, ou de l’évaluation à posteriori des travaux effectués. 81
Le « CSA » du ministère de l’économie israëlien pilote et gère l’attribution des fonds du programme « Magnet » qui soutiennent des projets de recherche collaborative. (environ 400 millions de dollars annuels, programme similaire au FUI). 82
La dangerosité de l’amiante est connue dans la littérature scientifique mondiale depuis de nombreuses décennies. Mais ceci n’a eu en pratique pas d’impact sur l’action de l’administration française, et se traduit aujourd’hui par une surmortalité qui n’est observée dans pratiquement aucun autre pays développé. 83
La dangerosité des métabolites du benfluorex (principe actif du médiator) était décrite dans la littérature scientifique mondiale dès les années 1980-1990. Comme dans le cas de l’amiante, ceci n’a eu en pratique pas d’impact sur l’administration française jusqu’en 2009, année où le médicament a été retiré du marché. Le Docteur Irène Frachon a joué un rôle clé dans ce retrait. Ses connaissances scientifiques et son intégrité morale illustrent les deux qualités nécessaires que devrait posséder un directeur scientifique au sein d’un ministère.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 47
d’une partie de la communauté scientifique concernée: ceci aurait peut-être pu être évité si un tel
directeur scientifique avait participé à l’élaboration du texte de la loi. Enfin, une meilleure
acceptabilité des décisions et politiques publiques pourrait être obtenue sur la base de cautions
scientifiques adéquates.
Recommandation n° 3. Créer des postes de directeurs scientifiques (« chief scientific
advisers ») dans les différents ministères, ayant un statut
hiérarchique adéquat pour contribuer efficacement à définir les
objectifs stratégiques des ministères et, notamment, participer à
l’élaboration de la réglementation et des budgets R&D, ainsi qu’à la
coordination interministérielle.
______
La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI) entend améliorer
l’efficacité et l’efficience des politiques d’innovation et éclairer les décisions de tous les acteurs du
système national d’innovation, notamment les pouvoirs publics. Elle a été installée à France Stratégie
en juin 2014. Par ailleurs, des travaux académiques portent un regard extérieur sur la gouvernance et
sur l’économie de l’innovation : ainsi, la mission a rendu visite à un centre de recherche à l’université
de Manchester84 dédié à ces questions. Ces travaux académiques, ceux de la CNEPI, doivent être
suivis par les directions concernées (DGRI, DGE, essentiellement). Il est recommandé qu’un réseau
d’experts sur ces questions soit constitué autour de la CNEPI, avec la DGE, la DGRI, et avec des
experts académiques ; ce réseau devrait aussi susciter des travaux universitaires sur ces questions,
notamment sur la gouvernance de l’innovation, et les méthodologies d’évaluation des dispositifs mis
en place.
Recommandation n° 4. Créer un réseau d’experts au sein de l’administration (France
Stratégie, DGE, DGRI) en matière de gouvernance et d’économie de
l’innovation et susciter des travaux universitaires sur ces questions.
4.1.3 La participation des entreprises à la gouvernance des établissements publics de recherche
Les recommandations qui précèdent visent globalement à mettre plus de compétences scientifiques
et techniques dans l’administration. Des recommandations de nature symétrique, visant à mettre
plus d’économie réelle au sein des organismes de recherche, doivent également permettre
d’améliorer les relations entre les entreprises et la recherche publique.
Les conseils d’administration des EPST et des EPSCP85 comportent très peu de représentants du
secteur économique. Or, ces derniers peuvent contribuer très positivement à l’établissement de
relations privé/public en R&D, et à l’introduction de méthodes de gestion et de gouvernance plus
84
Manchester Innovation Public Policy Department . 85
A l’exception notable des EPSCP Grands Etablissements, dont les Ecoles d’ingénieurs
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 48
efficaces. Plutôt que de refondre les décrets statutaires de ces établissements, et leurs conseils
d’administration, il est recommandé d’introduire des représentants des entreprises dans des
enceintes consultatives, qui puissent être forces de réflexions et de propositions concrètes, auprès
des dirigeants d’établissements publics, afin notamment de raffermir les relations privé/public, par
exemple afin de les aider à conduire leur politique de valorisation. Le rapport IGF-IGAENR86 sur la
valorisation de la recherche faisait un constat similaire : « Les établissements qui ont établi des
relations durables avec les entreprises ont généralement mis en place des instances de concertation
avec leurs partenaires industriels afin d’être régulièrement tenus informés de leurs attentes. Ces
instances peuvent prendre plusieurs formes. Une première voie consisterait à introduire plus de
représentants du secteur économique dans les Conseils d’administration des établissements publics
de recherche : le caractère formel de ces Conseils, et leur composition actuelle ne plaident pas en
faveur de la modification des décrets statutaires qui serait nécessaire. Un moyen souple d’établir un
lien régulier avec ses partenaires industriels consiste pour un établissement à mettre en place des «
clubs d’affiliés », ou un « Comité industriel d’orientation » à l’image de ce qui se pratique
couramment dans les grandes universités américaines. Quelques organismes ont suivi cette voie en
France, comme l’INRIA et le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS ». Il faut
plus largement donner droit de cité aux entreprises dans la gouvernance des établissements publics
d’enseignement supérieur et de recherche (et réciproquement des chercheurs publics de renom
devraient plus participer aux CA des entreprises). Il est recommandé de créer (par exemple, par une
modification des décrets statutaires, ou via les contrats d’objectifs), au sein des établissements
publics comportant une mission recherche un « Comité industriel d’orientation », composé de
personnalités compétentes du secteur économique, et rapportant au responsable exécutif de
l’établissement, dont les recommandations et les suites données feront l’objet d’un rapport annuel
au Conseil d’administration.
Les compétences de ces représentants devraient être attestées par les critères objectifs introduits
dans ce rapport.
Recommandation n° 5. Créer, au sein des établissements publics ayant une mission
recherche, un « Comité industriel d’orientation », composé de
personnalités compétentes du secteur économique, rapportant au
responsable exécutif de l’établissement, et dont les
recommandations et leurs suivis feront l’objet d’un rapport annuel
au Conseil d’administration.
4.2 Ressources humaines et mobilité entre les secteurs public et privé
Les idées qui ont guidé les recommandations concernant la gouvernance de l’innovation dans
l’administration doivent être étendues à l’ensemble des ressources humaines du secteur public en
R&D. L’idée essentielle est de favoriser un accroissement de la mobilité entre les secteurs public
(laboratoires, administration) et privé à tous les niveaux de la pyramide hiérarchique.
De la même manière qu’il est important de mettre plus de compétences scientifiques dans
l’administration via les Directeurs scientifiques(« CSA »), et plus de compétences économiques
86
Rapport sur la valorisation de la recherche, IGF-IGAENR, N°2006-82.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 49
réelles dans la gouvernance des établissements publics, il est nécessaire d’introduire plus de
« compétences recherche » dans les entreprises, en favorisant la mobilité du public vers le privé.
Celle-ci peut se réaliser à trois niveaux différents (les niveaux Master et infra ne sont pas considérés
ici) :
- Les doctorants. Le dispositif CIFRE constitue un outil collaboratif majeur entre les entreprises et la
recherche publique ainsi que d’insertion avec un taux d’emploi excellent (93 % six mois après le
doctorat). Le coût du dispositif CIFRE est de l’ordre de 60 M€ pour le ministère chargé de la
recherche (hors CIR) pour 4 200 CIFRE en cours. Le mécanisme britannique assez similaire, « CASE
studenships » (voir annexe 5), fait aussi l’objet d’une très bonne appréciation outre-manche87.
- Les jeunes docteurs. Un nombre important de docteurs continue à mener une activité de recherche
sur un poste non permanent (sur la base de contrats de recherche). Définis comme « post-
doctorants » ils constituent un vivier, potentiel, très riche pour les entreprises dans l’optique d’un
développement de leur R&D, néanmoins leur emploi dans les entreprises, dans le cadre d’un projet,
soulève de nombreux problèmes (§3.3, et rapport IGAENR n°2015-074 sur l’emploi scientifique).
- Les chercheurs statutaires. La faible mobilité observée s’explique par différents facteurs dans le
contexte d’une reconnaissance limitée entre les secteurs privé et public. Le facteur le plus important
est sans doute l’antagonisme ressenti, de longue date, entre les objectifs et missions de chacun. Par
ailleurs, la culture et la gestion des personnels de recherche des établissements publics constituent
des véritables freins déjà identifiés88. En effet même si la mobilité des personnels publics vers le
secteur privé est statutairement possible, elle s’avère pénalisante pour leur carrière. La mobilité en
elle-même n’est pas reconnue dans les évaluations des personnels publics et la baisse du nombre de
publications souvent observée dans le cadre de recherches menées en entreprises pénalise le
fonctionnaire dans sa carrière car ce critère reste déterminant en matière d’évaluation.
L’exemple de l’Allemagne montre que la très forte mobilité (croisée) observée dans ce pays est avant
tout basée sur une reconnaissance réciproque et l’appréciation des bénéfices mutuels que procure
cette relation plus que sur des aspects règlementaires ou dispositifs incitatifs en la matière. Comme
l’ont souligné nos interlocuteurs allemands, cette relation s’est construite dans le temps et le
développement de la mobilité y a joué un rôle très important.
Le transfert de compétences public-privé est considéré comme critique afin de soutenir la R&D des
entreprises et améliorer leur performance, leur compétitivité et leur productivité. Deux propositions
destinées à favoriser la mobilité non seulement des doctorants mais également des jeunes docteurs
et de chercheurs confirmés sont émises afin de contribuer à la fois aux besoins des entreprises et au
développement de cette acculturation.
4.2.1 Accroitre la mobilité entre les secteurs public et privé via un nouveau dispositif incitatif
Un dispositif mis en œuvre au Royaume-Uni a retenu l’attention de la mission : le « Knowledge
Transfer Partnership » (voir annexe 5). Il permet, de manière prioritaire, à un jeune docteur, un
87
The Dowling Review of business-university research collaborations, July 2015. 88
Rapport sur la valorisation de la recherche IGF-IGAENR 2006-82.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 50
« post-doc » ou un chercheur en cours de carrière, défini comme un « associé », d’apporter ses
compétences dans le cadre d’un partenariat entre une entreprise et d’une institution universitaire
portant sur un projet à caractère innovant. Il répond à un besoin émis par l’entreprise avec une
mise en œuvre conjointement assurée par « Innovate UK » (similaire à Bpifrance), l’université et
l’entreprise. L’associé recruté est intégré à l’entreprise où il est appelé à jouer un rôle prépondérant
dans le développement du projet, au-delà du bénéfice direct pour celui-ci, il est attendu que son
rayonnement au sein de l’entreprise contribue à améliorer la capacité d’innovation de l’entreprise et
qu’il serve de vecteur pour de futurs projets et collaborations. La durée du contrat, co-financé par
IUK et l’entreprise, est très flexible allant de dix semaines à trois ans. Ce dispositif touche tous les
secteurs et des entreprises de toute taille, avec un bénéfice particulier pour les PME dont les moyens
et expertises sont limités.
Le « Manchester Innovation Public Policy Department » considère qu’il s’agit du meilleur dispositif de
rapprochement public/privé existant avec un niveau de satisfaction très important de l’ensemble des
partenaires et un impact significatif sur les performances des entreprises. Un rapport récent89 estime
que ce mécanisme a été extrêmement utile pour faciliter les transferts de connaissance et pour
initier des coopérations, et recommande d’augmenter le budget de ce programme.
En considérant la demande des entreprises, les bénéfices accrus apportés par un chercheur plus
confirmé dans le développement d’un projet, les limites de l’outil CIFRE ainsi que le bilan très positif
du dispositif « KTP » en Grande-Bretagne, la mission propose la mise en œuvre d’un dispositif
analogue ouvert aux docteurs et aux les chercheurs des établissements publics. Il est nécessaire de
donner un caractère attractif à ce programme de transfert en particulier pour les chercheurs
confirmés avec un niveau de salaire supérieur à leur traitement effectif usuel et de permettre que le
financement obtenu dans ce cadre puisse couvrir les coûts liés à la décharge d’enseignement dont
bénéficierait un enseignant-chercheur durant la collaboration.
L’évaluation, par la mission, du coût budgétaire d’une extension des CIFRE aux post-docs et aux
chercheurs et enseignants-chercheurs publics permanents repose sur les hypothèses suivantes :
- environ la moitié des docteurs diplômés entre 2007 et 2012 a connu au moins une période post-
doctorale. De l’ordre de 1350 doctorants nouveaux ont obtenu un contrat CIFRE en 2012, sur les 17
000 nouvelles inscriptions en doctorat (environ 9 000 doctorats sont soutenus par an). Ainsi, par
comparaison avec les « CIFRE doctorants », les « CIFRE post-docs » pourraient concerner environ
10% de la population des post-docs, soit environ 450 personnes par an. En partant de l’hypothèse
d’un soutien de l’Etat sur un an, d’un montant identique aux CIFRE docteurs, soit 14 000 euros par
an, la mesure coûterait à l’Etat 6,3 millions par an.
- actuellement, un très petit nombre de chercheurs et d’enseignants-chercheurs cherchent une
mobilité en entreprise (§2.2.6). En partant de l’hypothèse que, dans la phase initiale de lancement du
dispositif, cent chercheurs et enseignants-chercheurs soient concernés par une mesure « CIFRE
chercheurs statutaires », avec un soutien de l’Etat de 20 000 euros par an, et par personne, cette
mesure coûterait 2 millions par an.
Au total l’extension des CIFRE à des post-docs et chercheurs publics permanents pourrait coûter, à
court terme, environ 8,3 millions par an, soit 13,8 % du coût budgétaire des CIFRE.
89
The Dowling Review of business-university research collaborations, July 2015.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 51
Recommandation n° 6. Mettre en œuvre un programme de transfert de compétences
analogue au « Knowledge Transfer Partnership »
britannique facilitant le recrutement de docteurs et de chercheurs
issus des établissements publics par les entreprises, dans le cadre
de projets de R&D.
4.2.2 Contribuer aux relations avec les entreprises par une meilleure gestion des chercheurs publics
Il est primordial de soutenir la mobilité de chercheurs confirmés via le bénéfice du programme de
transfert proposé. Par ailleurs, des freins spécifiques doivent aussi être levés pour les fonctionnaires
concernés dans les EPST et les universités.
Bien que la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche indique que la
valorisation, dont le transfert de compétences est un aspect important, fait partie intégrante des
missions des établissements publics développant une activité de recherche, cette dimension n’est
pas prise en compte dans la pratique qui privilégie la production scientifique lors de l’évaluation des
chercheurs.
L’évaluation et l’avancement des personnels concernés devraient reposer sur quelques piliers
majeurs : recherche et valorisation pour les chercheurs auxquels s’ajoutent formation et insertion
pour les enseignants-chercheurs. En fonction des domaines et de l’investissement individuel, les
parts relatives seraient bien sûr différentes mais pourraient se compenser dans le cadre d’une prise
en compte effective de ces éléments lors de l’évaluation. Afin d’avancer dans cette voie, il est donc
proposé, en écho à la proposition numéro 2 émise dans le cadre du rapport indiqué90, de positionner,
de manière explicite, dans les statuts de ces deux catégories de personnels, la mission de valorisation
à la même hauteur que la mission de recherche.
Par ailleurs, dans le cadre d’une mobilité dans une entreprise, quelles qu’en soient les modalités et le
mode de financement, il est nécessaire, moyennant les modifications règlementaires ad hoc, de
pouvoir bénéficier d’un statut assurant un mode de calcul en matière de retraite équivalent à celui
de la pension d’État lié à l’emploi occupé dans la fonction publique.
Recommandation n° 7. Pour favoriser une prise en compte effective des relations avec le
secteur économique dans l’évaluation des chercheurs et
enseignants-chercheurs publics, afficher de manière explicite dans
leurs statuts les missions de valorisation des activités de recherche
au même niveau que leurs missions de recherche (et le cas échéant
de formation).
4.3 Les interfaces entre les entreprises et le monde académique
Les entretiens avec les entreprises ont mis en relief des problèmes d’accès à l’information qui
touchent davantage les PME et les ETI que les grands groupes et les jeunes entreprises innovantes
qui ont des liens privilégiés avec la recherche publique. Ce constat est confirmé en Grande-Bretagne
90
Rapport sur la valorisation de la recherche IGF-IGAENR 2006-82.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 52
où les PME manquent également de ressources et de compétences internes pour identifier les
partenaires adéquats et les dispositifs de soutien. De manière similaire, l’information dont elles ont
besoin reste dispersée avec de multiples points d’entrée possibles nécessitant des efforts importants
d’exploration. Une attente largement exprimée porte sur un outil pour guider l’entreprise.
En Grande-Bretagne, une plateforme « online » (« Gateway to Research ») décrit les thèmes et
activités de recherche des laboratoires soutenus par les « Research Councils » ; un premier bilan
mitigé souligne les difficultés de navigation liée à la complexité de l’information à gérer et de mise à
jour des bases de données nécessaires. Une plateforme, toujours au niveau national, plus
ambitieuse, a été initiée. Elle centraliserait, entre autres, des informations sur la propriété
intellectuelle détenue par les établissements avec une capacité d’interaction directe entre les
partenaires ; son développement, s’il est confirmé, serait à suivre. Les sites des établissements
publics de recherche français, qui pourraient être un vecteur important d’information, apparaissent
très insuffisants en termes de contenu et de qualité, au regard des attentes évoquées. L’État
britannique est aussi très soucieux de la promotion de ses différents dispositifs et fait par exemple
une promotion active des « Catapults » (annexe 5), dont le nom est plus facilement mémorisable que
celui de leurs équivalents français (IRT ou ITE) : le Commissariat général à l’investissement, et plus
généralement les services de l’État pour les autres dispositifs, devraient s’en préoccuper.
Toujours en Grande-Bretagne, la mise en place d’un point de contact au sein des universités
spécifiquement dédié aux PME, est envisagée; si l’intérêt d’une interface humaine est réel, la
capacité à maîtriser la variété et dans une certaine mesure la complexité des activités d’un grand
établissement fait largement débat et apparaît comme une difficulté majeure.
En Allemagne, ce besoin a été également identifié, avec une réponse au niveau national, soutenue
par une initiative interministérielle, sous la forme d’une plateforme téléphonique qui permet de
donner un premier niveau d’information afin de guider les entreprises vers les interlocuteurs
appropriés.
L’attention de la mission a été retenue par cette dernière solution où la dimension humaine donne à
l’information une qualité que n’offrent pas les plateformes « online » dont l’utilité est certaine mais
insuffisante. Afin de donner plus de visibilité et de lisibilité à l’offre de la recherche publique sur le
territoire, la mission propose la mise en œuvre d’un point d’entrée similaire, au niveau national, en
complément des actions locales des DRRT qui ont toute leur place. Deux objectifs sont poursuivis : (1)
offrir une description du paysage de la recherche publique avec une première vision des dispositifs
de soutien possibles ; (2) orienter vers les interlocuteurs les plus aptes à répondre à leur besoins
(chargés affaires SATT, « Industrial Liaison Officer » voir infra).
Une amélioration des sites internet des établissements publics avec des standards partagés en
termes d’information doit aussi être mise en œuvre.
Recommandation n° 8. Mettre en œuvre un point d’entrée national d’information pour les
entreprises qui souhaitent interagir avec la recherche publique. Une
plateforme de service téléphonique et un site internet
permettraient de présenter le paysage institutionnel de la
recherche publique française avec les dispositifs incitatifs en
matière de collaboration et d’orienter les entreprises vers les
interlocuteurs adéquats.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 53
------------------
Selon Eurostat91, les entreprises de moins de 50 salariés représentent environ 11 % des dépenses de
R&D des entreprises françaises (DIRDE), contre 5,5 % en Grande-Bretagne, par exemple. Pour tirer
parti de cette vitalité des petites entreprises, et compte tenu de la difficulté qu’elles rencontrent
pour bâtir des relations avec la recherche publique française, la mission recommande de s’inspirer
des « innovation vouchers » (coupons de l’innovation) financés par Innovate UK en Grande-
Bretagne92. Ce dispositif encourage les coopérations entre les universités et les PME qui n’ont pas
encore travaillé avec la recherche publique, et qui souhaitent développer un projet à caractère
innovant.
A la suite d’une procédure simple (trois questions, attribution de subventions par le biais d’un tirage
au sort quatre fois par an93) et d’un contrôle léger (PME localisée en Grande-Bretagne, un seul
voucher par PME), les entreprises reçoivent une subvention d’un montant inférieur ou égal à 5 000 £.
Le budget 2015 pour ce dispositif est de 5 M £, 400 à 600 dossiers sont déposés tous les trois mois.
Ce dispositif a été lancé le 24 septembre 2012, sur la recommandation d’un rapport de Lord
Sainsbury de 200894, à l’image de ce que faisaient la « Regional Development Agency » de West
Midlands et l’Irlande du Nord. Selon l’OCDE95, les deux principaux avantages de ces « bons » sont
(1) de permettre aux PME d’approcher des fournisseurs de connaissances au sujet de leurs questions
d’innovation, ce qu’elles n’auraient pas fait sans incitation et (2) de fournir une aide au chercheur
public pour travailler avec une PME, alors que sa tendance naturelle est de coopérer avec de grands
groupes.
Une évaluation de ce dispositif est en cours. Néanmoins, une évaluation globalement positive par
SQW Ltd 96du mécanisme similaire d’Irlande du Nord (11/11/2014) montre que le coût du
programme de mai 2008 à février 2014 a été de 5,9 M£, et estime que ce dispositif a généré 423
emplois et une activité de 9,3 M£ soit un effet de levier d’environ 1,4.
Les deux premières conditions de succès sont selon l’OCDE la simplicité administrative du dispositif
et sa promotion.
Recommandation n° 9. Mettre en place un mécanisme similaire aux « Innovation
vouchers » britanniques à destination des PME souhaitant consulter
un établissement public de recherche pour un projet innovant.
-------------------
91
Eurostat 2015. 92
Un dispositif similaire a été mis en place aux Pays-Bas. 93
Avec 90 % de taux de réussite. 94
Implementing « the race to the top » - Lord Sainsbury’s review of Government’s science and innovation policies. 95
« innovation vouchers », OECD Innovation policy platform 2010. 96
Société de conseil britannique qui possède notamment Oxford Innovation.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 54
Des difficultés de communication et de compréhension entre les entreprises et les laboratoires, en
particulier dans le cadre de la définition et de la mise en œuvre d’un projet collaboratif, ont été
largement rapportées par les entreprises consultées par l’équipe de mission.
Dans leurs relations avec les établissements publics de recherche, beaucoup d’entreprises déplorent
un temps excessif de négociation. Il est d’abord difficile d’identifier le bon interlocuteur, notamment
dans le cas des laboratoires mixtes. Le décret du 16 décembre 2014 a institué un mandataire unique
pour la gestion, l’exploitation et la négociation des inventions brevetables qui sont la propriété de
plusieurs personnes publiques.
Il est donc proposé que tout laboratoire public mixte définisse, en accord avec ses tutelles, un
mandataire unique, pour la négociation de contrats de recherche, de telle sorte qu’une entreprise
n’ait qu’un seul interlocuteur agréé par les tutelles, qui fera son affaire de la coordination des
différentes positions. Le laboratoire devra proposer à ses tutelles les modalités de désignation du
mandataire unique par entreprise : il pourrait être le même quelle que soit l’entreprise, ou changer à
un rythme convenu, ou dépendre du secteur, etc.
Par ailleurs, dans le cadre de ses visites, la mission a identifié des profils spécifiques qui répondent
clairement à cette question. La plupart des « grandes » universités britanniques ont mis ou mettent
en place, des « business developer », associés essentiellement aux départements scientifiques, ils ont
pour mission de prospecter les entreprises et de développer des collaborations ou réaliser des
contrats dont ils assument les premières étapes de mise en œuvre. Au Technion Institute en Israël,
cette activité est pilotée par un service de taille importante spécifiquement dédié aux relations avec
les sociétés industrielles bien distinct du« Technology Transfer Company » (TTC) de l’institut,
équivalent d’une SATT). Au MIT, USA, un « Industrial Liaison Program » (ILP) possède un portefeuille
de clients issus de plus de trente pays qu’il met, dans le cadre d’une prestation de service, en liaison
avec des chercheurs du MIT. Chaque client industriel est "accompagné" par un chargé de mission qui
possède un portefeuille d'une dizaine de sociétés, généralement regroupées par pays ou branche
économique. Le chargé de mission joue le rôle d'un médiateur : il traduit opérationnellement pour
les personnels de recherche du MIT les demandes d'expertise ou de veille technologique des clients,
l’objectif visé est que les premiers contacts établis débouchent sur des activités collaboratives ou
marchandes (contrats de recherche, acquisitions de licences…) ce qui est très fréquemment le cas.
Les CEATech ont également développé une mission « business developer » avec des profils de double
expérience recherche/entreprise. Ils sont rattachés à une thématique qui regroupe un certains
nombres d’équipes et sont des points de contacts pour les entreprises vers lesquelles ils ont
également une démarche proactive. Ils assurent plusieurs missions : une mission commerciale de
valorisation des travaux menés (analogue à celle menée par les SATT), la mise en œuvre de
prestations, de contrats de recherche et le développement des collaborations en s’appuyant sur des
programmes incitatifs. Ils initient également la mise en place de laboratoires communs et
accompagnent les projets développés.
Afin non seulement d’améliorer la qualité des interactions public-privé mais également d’en
augmenter l’intensité, la mission propose d’intégrer et de généraliser une interface correspondant à
un « business developer », assurant nombre des missions évoquées précédemment, à l’ensemble des
établissements publics de recherche susceptibles de développer des interactions avec les
entreprises. Un ciblage des Instituts Carnot où ces compétences seraient les plus utiles est à mettre
en œuvre prioritairement.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 55
Un profil avec une expérience en recherche et une connaissance de l’entreprise est essentiel.
L’affectation locale et thématique est à réaliser au niveau d’une grosse unité de recherche ou d’un
groupement d’unités ; elle garantit une connaissance fine des activités de recherche menées et des
chercheurs auxquels un soutien direct est apporté dans le cadre du dialogue qu’ils entament avec
des interlocuteurs extérieurs. Cette proximité est ainsi essentielle pour la réussite des relations qui
s’inscrivent souvent sur un long terme (au « TTC » de l’Université Hébraïque de Jérusalem qui
soutient également le développement de partenariats, les chargés d’affaires sont tenus de
rencontrer systématiquement les nouveaux chercheurs qui s’installent sur le campus). L’ « industrial
liaison officer » avec un statut de contractuel, agirait en lien mais sans dépendance vis-à-vis des
services de valorisation chargées de la gestion des relations partenariales ainsi que des tutelles des
unités de recherche. Ses missions devraient inclure les actions suivantes :
- répondre aux sollicitations des entreprises en identifiant le laboratoire susceptible d’apporter l’aide
nécessaire dans le cadre d’un premier contact ;
- réaliser une démarche proactive vers les entreprises en lien avec les champs scientifiques couverts
afin de vendre les compétences des laboratoires dans le cadre de son expertise des aides et
programmes incitatifs publics ;
- soutenir la définition et la construction des projets collaboratifs, en particulier dans le cadre de
programmes incitatifs, en suivre l’exécution en contribuant à résoudre les difficultés opérationnelles
rencontrées. Dans ce cadre, il contribuerait au montage des projets associés au programme
« Knowledge Transfer Partnership » proposé (supra) ;
- assurer les liens de la structure de recherche concernée avec les acteurs de l’écosystème régional
de l’innovation (chargés d’affaires des pôles de compétitivité et des SATT) dans le cadre de leurs
missions ;
- dans le cas des laboratoires multi-tutelles, être le mandataire unique pour la négociation de
contrats de recherche, en accord avec leurs tutelles, par extension du décret du 16 décembre 2014.
Ce mandataire unique fera son affaire de la concertation avec les établissements tutelle.
Recommandation n° 10. Généraliser la présence, au sein des structures de recherche, d’un
chargé des relations industrielles (« Industrial Liaison Officer »),
interlocuteur des entreprises et acteurs des écosystèmes régionaux
de l’innovation, en charge de promouvoir et de soutenir la
construction de partenariats ainsi que d’en assurer le suivi.
4.4 Mise en œuvre des politiques incitatives et modalités de coopérations
La gestion du temps est un facteur clef de succès pour les entreprises innovantes. Plusieurs
entreprises remarquent que le calendrier des sociétés du secteur concurrentiel n’est pas le même
que celui de la recherche publique, et notent que la coopération serait plus fructueuse pour elles si
les résultats pouvaient être obtenus plus rapidement. La mission formule donc quelques
recommandations pour accélérer la mise en place des projets, le calendrier des travaux de recherche
étant lui-même défini dans l’accord convenu de gré à gré entre les entreprises et les établissements
publics de recherche.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 56
La mécanique publique de définition des thèmes des appels d’offres de projets (AAP) de R&D
collaboratifs, de leur lancement, jusqu’à la sélection des projets, est trop longue, notamment dans
un secteur comme le numérique où les technologies évoluent très vite. Pour que les appels à projets
puissent contribuer à débloquer de vrais verrous scientifiques et techniques pour le secteur
économique, il faut que ce processus soit beaucoup plus rapide.
Le « Concours Mondial de l’Innovation », géré par Bpifrance dans le cadre du Programme
d’investissements d’avenir, permet de donner une réponse positive ou négative aux candidats sous
trois mois, après la date limite de remise des dossiers : à l’issue des auditions des candidats, un
premier Comité de pilotage présélectionne des dossiers, qui font l’objet d’une analyse approfondie, à
l’issue de laquelle une nouvelle réunion du Comité de pilotage arrête les dossiers retenus, qui sont
alors soumis à décision définitive du CGI.
Les « projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC) », gérés par Bpifrance, dans le cadre du
PIA, avec la Direction Générale des Entreprises (DGE), proposent une procédure accélérée de trois
mois, entre le dépôt complet du projet suite à l’audition et la contractualisation de l’aide accordée.
Dans ce cas, les conditions de financement du projet sont prédéfinies. Quelques critères doivent être
respectés : la désignation d’un mandataire unique, un nombre limité de partenaires (6), un montant
d’aide inférieur à un seuil (ici 15 M €), l’acceptation des conditions générales d’aide, et les éléments
indispensables au dossier, notamment l’accord de consortium. Bpifrance effectue, en amont de
l’audition, un travail avec les partenaires, pour faire évoluer le projet aux plans technique,
économique et juridique. Des auditions et des réunions de sélection de projets se déroulent
pratiquement tous les mois. A l’issue des auditions, l’entreprise, qui a reçu une réponse positive, et
qui a un mois pour déposer son projet complet, a de grandes chances d’être retenue. Cependant, la
notification des ministères, lorsqu’elle est nécessaire, doit être elle aussi rapide, par exemple par
défaut (exemple : sauf opposition de leur part sous une semaine).
Les facteurs clefs de la réussite de ces AAP sont d’abord : la compétence des personnes en charge de
l’évaluation (voir §4.1) et l’absence de conflit d’intérêt. Sur le plan méthodologique, un calendrier
soutenu d’AAP, d’auditions et de sélections, et un processus en deux temps (dossier simplifié pour
l’audition, dossier complet pour la sélection définitive) sont à mettre en place.
Recommandation n° 11. Des procédures accélérées de mise en place de projets devraient
être proposées, dans le cadre des appels d’offres de R&D
collaborative.
-------
Certaines entreprises qui ont déposé leurs projets à différents appels d’offres aux échelles nationale
et locale déplorent que des dossiers très différents soient demandés pour chaque dispositif, et
souhaitent qu’un seul et même dossier puisse être déposé en réponse à différents AAP. Un portail
unique pour la publication des AAP dans un domaine, une mise en cohérence des calendriers et des
formulaires de soumission, comme cela est envisagé pour différents AAP en recherche biomédicale
sous l’égide de l’ANR, contribueront à la simplification des procédures pour les entreprises.
Une impulsion forte devrait être donnée au niveau de l’État pour :
- simplifier et harmoniser les formulaires des AAP. Les deux principaux opérateurs d’AAP de
recherche collaborative, l’ANR et Bpifrance, devraient être chargés de définir des modalités
communes d’AAP, qui s’imposeront progressivement en France à toutes les initiatives territoriales.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 57
- encourager les regroupements des AAP, par domaine, pour limiter la multiplicité des dispositifs,
source de perte de temps pour les entreprises. Comme en Grande-Bretagne97, le système public de
soutien à la R&D et à l’innovation apparaît trop complexe.
Recommandation n° 12. Demander à l’ANR et à Bpifrance de définir des modalités
communes pour les AAP, et faire étudier le regroupement des
«petits » dispositifs d’AAP, en priorité par ministère technique.
-------
Qu’il s’agisse des contrats de recherche bilatéraux ou multilatéraux, la propriété et la gestion de la
propriété intellectuelle est une des clauses les plus susceptibles de retarder la signature des contrats
(voir § 3.2.4). La nature de l’accord dépend des acquis antérieurs des partenaires, des conditions
financières, des politiques brevets des contractants, de l’objet de la recherche, etc. Plusieurs pays ont
proposé des accords types.
- Aux États-Unis, l’accord CRADA (Cooperative Research and Development Agreement) est un contrat
de recherche entre un organisme fédéral et une entreprise, qui prédéfinit les modalités de propriété
et d’exploitation des connaissances générées. Différents types de contrats existent : un exemple est
par exemple le « Cost in Crada » ; c’est le cas où l’entreprise détient des connaissances, et supporte
le coût de la recherche. Le laboratoire fédéral peut utiliser les nouvelles connaissances en interne,
sans les valoriser.
Le consortium de laboratoires fédéraux FLC (Federal Laboratory Consortium for Technology Transfer),
créé en 1974 pour favoriser le transfert de technologie, analogue au Réseau Curie, a publié en 2007
un guide FLC Orta Handbook, qui fournit des informations juridiques et stratégiques sur le transfert
de technologie. Par ailleurs, l’University-Industry Demonstration Partnership (UIDP) a mis en ligne dix
types de contrats de collaboration.
- En Grande-Bretagne, sur la base du rapport Lambert Review (décembre 2003), un groupe de travail
« Lambert » sur la propriété intellectuelle a été créé en mai 2004 et a mis sur pied une boîte à outils
« Lambert Toolkit »98 (mis en ligne par l’IPO -Intellectual property office), qui comporte un ensemble
de cinq accords de recherche bilatéraux, quatre accords de consortium, un guide de décision, et des
documents supports afin de faciliter les négociations entre partenaires publics et privés, et la mise
sur pied d’accords « sûrs ». Un rapport récent99 fait plusieurs recommandations pour définir des
principes d’utilisation commerciale de la PI publique antérieure, pour diffuser des contrats-types, et
pour donner des exemples de bonnes pratiques en la matière.
- En Allemagne, la Fraunhofer Gesellschaft a mis au point une stratégie de PI claire et élaborée, et qui
est connue de ses interlocuteurs100. Le BMWi a aussi publié des exemples de contrats de
97
The Dowling Review of business-university research collaborations, July 2015. 98
Innovation collaborative et propriété intellectuelle. Le Royaume Uni. INPI- janvier 2014. 99
The Dowling Review of business-university research collaborations, July 2015. 100
Annexe 2, Innovation collaborative et propriété intellectuelle. L’Allemagne. INPI. Juillet 2014.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 58
coopération en R&D en 2010) pour aider à la rédaction des projets impliquant des entreprises et des
organismes de recherche, sur le plan juridique.
- En France, une réflexion est en cours autour de la DGE pour rédiger des clauses types sur les
transferts de technologies, à partir de bonnes pratiques. L’Alliance Aviesan101 (l'Alliance nationale
pour les sciences de la vie et de la santé créée en 2009) propose des modèles d’accord, dans le cadre
des Consortiums de Valorisation Thématiques (CVT) du PIA.
Recommandation n° 13. En s’appuyant sur les acteurs concernés, formaliser des accords
types de propriété intellectuelle, et les rendre publics, afin
d’accélérer et de faciliter les négociations entre les entreprises et
les établissements publics.
-------
La recherche publique française dépose un nombre très significatif de brevets, par rapport aux pays
étudiés, avec une croissance significative au cours des dix dernières années (§2.2.6) mais leur
valorisation financière reste très en-deçà de ce qui se pratique notamment aux États-Unis. Par
ailleurs, les négociations sur la PI retardent souvent inutilement les signatures de contrats de
recherche (§3.2.4), alors même que les établissements publics ne sont pas toujours en mesure
d’avoir une politique efficace en matière de brevets, à l’échelle internationale.
La mission estime aussi que les établissements publics de recherche ne doivent pas être évalués sur
le nombre de brevets, mais plutôt sur un nombre de citations de brevets, et/ou les recettes de
licences : les établissements publics doivent être très sélectifs sur le portefeuille de brevets protégés,
et ne pas dépenser d’inutiles efforts de négociation sur le PI lors de la signature de contrats de
recherche dans des domaines où l’établissement n’a pas une solide position brevet. Les contrats de
recherche génèrent en général des recettes financières bien supérieures aux licences de brevets (voir
§2.2.6).
Recommandation n° 14. Définir des indicateurs de performance pertinents pour la propriété
intellectuelle allant au-delà du nombre de brevets
-------
Le financement privé des établissements publics de recherche, qui est un des indicateurs les plus
pertinents de l’intérêt que manifestent les entreprises pour les résultats de la recherche, stagne
depuis 1995 à un niveau bas (4,5 %) en comparaison avec les pays qui ont été étudiés (Grande-
Bretagne, Allemagne et Israël), à l’exception des Etats-Unis. En Allemagne et en Israël, cet indicateur
a significativement augmenté au cours des dix dernières années. La recherche contractuelle
représente la part la plus significative de ces financements, elle est aussi considérée par plusieurs
entreprises rencontrées comme le moyen privilégié de coopérer avec les établissements publics de
recherche sur des thèmes « stratégiques », plus que les projets collaboratifs, qui nécessitent de
101
http://www.aviesan.fr/fr/aviesan/accueil/menu-header/partenariats-industriels/modeles-d-accords-de-collaboration-aviesan-ariis.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 59
dévoiler à des tiers, et notamment aux autres membres du consortium, ses sujets d’intérêt, et dont
la mise en place est lente (§3.3.1). L’abondement financier par l’Etat des contrats de recherche
privé/public élaborés de gré à gré, à la base du modèle financier des Instituts Fraunhofer, apparait
particulièrement simple, et efficace : le montant des recherches contractuelles des Carnot a été cru
de 51% entre 2010 et 2013, pour atteindre 455 M€. Leur développement est cependant handicapé
par un soutien insuffisant de l’État : le budget de 1,7 Md € des Fraunhofer est financé à 70 % par des
contrats (moitié recherche contractuelle, moitié recherche collaborative), et par 30 % par des
subventions (à 90 % du gouvernement fédéral et à 10 % par les Länder). Malgré la croissance
spectaculaire du montant des recherches contractuelles des Instituts Carnot, leur abondement est
resté plafonné à 60 M€. La commission « Carnot 3.0 102 » considère que « les moyens consacrés au
dispositif Carnot sont faibles au regard de l’enjeu et de l’ambition visée ».
Un taux d’abondement plancher de 30% devrait être institué, taux similaire à celui des instituts
Fraunhofer, ce qui porterait l’abondement Carnot à environ 135 M€, au périmètre actuel.
Néanmoins, comme le montrent les analyses de la mission, la gouvernance des Instituts Carnot doit
faire l’objet d’une remise à plat, en concertation avec les établissements concernés, pour que les
Instituts Carnot puissent prétendre à réelle comparaison avec les instituts Fraunhofer. Cette mesure
spécifique peut être un levier pour faire évoluer la gouvernance : une plus grande exigence en
matière de sélection des instituts Carnot devrait en résulter, ce qui réduira le surcoût budgétaire.
Recommandation n° 15. Porter le taux d’abondement des Instituts Carnot à 30%, avec une
refonte de la gouvernance.
-------
Comme l’a indiqué la Cour des Comptes dans son rapport d’octobre 2011, la recherche civile des
entreprises a été subventionnée par l’ANR à hauteur de 92 millions d’euros en 2007 et seulement 62
millions d’euros en 2010 et le FUI a attribué aux entreprises 433 millions d’euros en 2007 contre 312
millions d’euros en 2010. La baisse ne s’est pas arrêtée en 2010 : d’après le rapport d’activités 2014
de l’ANR, 11,6 % des crédits alloués l’ont été à des structures privées, et 8,1 % l’ont été à des
entreprises et associations, soit environ 33,5 M€. Un rapport récent103 recommande de réduire
l’enveloppe du FUI de 40 M€ sur trois ans. La baisse des financements publics sur des projets de R&D
associant entreprises et laboratoires publics a clairement un impact négatif sur les coopérations
public/privé, objet du présent rapport. La mission recommande de consacrer une part significative du
PIA3 à des projets associant explicitement les entreprises et les laboratoires publics. Les crédits du
PIA étant attribués sur plusieurs années, il est recommandé d’affecter 20% des 10 Mds€ du PIA3 à
des projets public/privé, avec une gouvernance garantissant la qualité des projets retenus. Ce
programme devra répondre aux critiques formulées par les entreprises (§3.3.1) : il devra se doter
d’une gouvernance innovante composée d’experts issus du public et du privé, capables de garantir la
qualité de la sélection des projets, dans des délais rapides, et être évalué périodiquement.
102
Commission Carnot 3.0. Rapport final. Janvier 2015. 103
Rapport IGF, CGE, CGEDD « revue de dépenses relative aux aides à l’innovation », juin 2015.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 60
Recommandation n° 16. Affecter une part significative du PIA3 (estimée à 20%) à des projets
associant des entreprises et des laboratoires publics, avec une
gouvernance simplifiée, réactive, et garantissant la qualité des
projets retenus.
-------
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 61
ANNEXES
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 62
Annexe 1 : Lettre de mission
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 63
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 64
Annexe 2 : Méthodologie générale, une approche unificatrice d’un problème complexe
L’identification des causes des relations insatisfaisantes entre les entreprises et la recherche publique
est un problème difficile pour deux raisons. Tout d’abord, le problème est reconnu en France depuis
au moins trente ans et est resté sans solution. La deuxième raison tient à la complexité du problème,
qui fait un qu’un grand nombre de causes possibles, qui ne s’excluent mutuellement, sont
envisageables. Cette complexité résulte directement de la multiplicité des facteurs à prendre en
compte :
- Nature spécifique des systèmes d’innovation nationaux, avec des organisations et des dispositifs propres, qui fait que les comparaisons internationales doivent toujours tenir compte de l’histoire de chaque système national et de son évolution particulière, et des spécificités culturelles ;
- Diversité des activités d’innovation, allant de la R&D (elle-même subdivisée en recherche fondamentale, appliquée et développement), à l’innovation (technologique ou non, incrémentale ou de rupture…) ;
- Spécificités liées aux secteurs économiques, à la taille des entreprises ; - Multiplicité des acteurs impliqués, variété des modalités d’interaction entre eux (par
exemple recherche contractuelle ou partenariale) ; - Rôle joué par la formation et par l’enseignement supérieur…
De cette complexité découle une multitude d’approches possibles, de nature économique, psychologique, sociologique, qui repose chacune sur des théories sous-jacentes, des définitions opérationnelles et sur l’élaboration d’indicateurs de performance pertinents.104 L’ensemble des considérations qui précèdent permet de saisir la complexité et la difficulté du problème. Néanmoins, par-delà les différences, il est possible de décrire un certain nombre de concepts communs qui conduisent à une approche unificatrice. Nous présentons ici les points essentiels de notre raisonnement, et nous en tirons les leçons pour la méthodologie adoptée par la mission.
1) La recherche et l’innovation sont deux aspects d’un processus créatif commun.
La distinction conventionnelle entre l’activité de recherche, conduisant à la création de connaissances nouvelles, et l’innovation, conduisant à la création de biens ou de produits ayant une valeur économique déterminée par un marché est pour une large part arbitraire105 :
- Les deux processus partagent la même quête de nouveauté. La nouveauté visée est mondiale, « universelle » en recherche, où le but explicite est l’accroissement des connaissances existantes de l’humanité toute entière ; cette nouveauté peut être plus modeste en innovation (où l’on accepte classiquement des nouveautés plus locales, au niveau d’une nation ou d’une entreprise). Cependant, comme en recherche, les innovations les plus importantes sont elles aussi associées à une nouveauté mondiale. Ce sont des innovations de ce type qui nous intéressent au premier chef ici, car l’objectif est bien entendu d’améliorer la compétitivité de la France dans une économie globalisée et mondiale.
104
Trois manuels de l’OCDE sont ainsi requis pour mesurer les activités scientifiques et technologiques : le manuel de Frascati pour la R&D, le manuel d’Oslo pour l’innovation technologique, le manuel de Canberra pour les ressources humaines consacrées à la science et à la technologie. 105
La distinction entre la recherche et l’innovation peut être rapprochée de celle faite entre la découverte et l’invention. Comme l’explique Hadamard dans son ouvrage classique sur l’invention dans le domaine mathématique, cette distinction est souvent difficile à faire, et de peu d’intérêt dans l’étude de la psychologie du processus créatif en général, qu’il s’agisse de créativité en science, en littérature, dans les arts ou en technologie (Hadamard, An Essay on the Psychology of Invention in the Mathematical Field, Princeton University Press, 1945).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 65
Un critère commun de nouveauté au niveau mondial conduit à considérer d’une manière similaire ces deux processus.
- Les deux processus reposent aussi sur une économie de la connaissance commune, qui fait que l’on peut parler aussi de marché, de biens et de produits, de compétition et de destruction créatrice aussi bien en recherche qu’en innovation. De fait, la création d’idées nouvelles repose sur une combinatoire faite à partir des idées existantes. Parmi l’immensité des idées existantes, certaines se révéleront in fine utiles au processus créatif : nous dirons qu’elles ont une utilité heuristique dans ce processus. Comment évolue l’utilité heuristique d’une connaissance nouvelle ? Les premiers chercheurs qui vont l’utiliser auront un plus grand choix pour leur combinatoire personnelle. Plus le temps s’écoulera, plus cette connaissance aura été utilisée par d’autres chercheurs de la communauté scientifique, et donc plus son utilité heuristique diminuera en moyenne pour la communauté des chercheurs qui l’exploitent. Chaque idée nouvelle qui l’utilise détruit une partie du « capital heuristique » de cette connaissance. Il y a donc une véritable compétition pour consommer l’utilité heuristique, dont l’utilité marginale moyenne décroît avec le temps (introduisant le concept d’impatience), qui exprime une obsolescence heuristique et avec l’usage (représentant une concavité et une aversion au risque dans la communauté des chercheurs impliqués). Ceci introduit une science de la recherche vue comme une économie de la recherche, une idée que l’on trouve développée par Charles Sanders Peirce, lentement redécouverte depuis106, et toujours imparfaitement comprise.107 On retrouve le concept d’une utilité marginale décroissant avec le temps dans l’attribution des brevets, qui confère une propriété intellectuelle, un certain monopole reposant sur une antériorité : on voit ici comment cette économie de la recherche permet d’unifier (plutôt que de distinguer) recherche et innovation.
2) Il existe un langage commun, élaboré à partir de l’économie de la connaissance et d’autres disciplines (science de la documentation, bibliométrie) pour décrire la recherche et l’innovation.
L’existence d’une économie de la connaissance commune à la recherche et à l’innovation permet d’utiliser un langage commun pour ces deux processus. Il existe dans les deux cas un marché : un marché des idées en recherche ; un marché de biens produits par l’innovation, dans lesquels on achète et on vend. Dans le cas de la recherche, pour décrire ce marché, on considérer non pas le monde des idées (qui est difficilement accessible) mais celui des documents écrits qui les décrivent, ce qui introduit les sciences de la documentation et de l’information dans les disciplines au cœur de l’économie de la connaissance. « Acheter » c’est ici choisir des connaissances parmi les documents existants pour créer un document nouveau. La citation formalise ce choix,108 les mesures de nombres de citations constituent des indicateurs d’utilité (voir plus bas) des documents cités, qui sont devenus au fil des années des indicateurs partiels de performance qui jouent un rôle central dans l’évaluation de l’activité des chercheurs.109 Ce que mesure un nombre de citations (impact, qualité, importance, éminence, notoriété,
106
Rescher a particulièrement contribué à la redécouverte des idées de Peirce (Cognitive Economy: The Economic Dimension of the Theory of Knowledge, University of Pittsburgh Press, 1989). Les idées de Peirce ont été retrouvées et développées indépendamment par Sikorav (The Utility of Scientific Papers, Scientometrics, 1991). 107
On peut en effet constater que la discipline de l’économie de la connaissance dans son état actuel, met en avant un concept de non-rivalité (nonrivalry) qui s’applique en réalité très mal à l’économie des idées en recherche. 108
Eugene Garfield a montré l’intérêt pour la recherche des banques de données des citations dès 1955 (Garfield, Citation Indexes for Science. A New dimension in Documentation through Associations of Ideas, Science, 1955), et ceci l’a conduit à construire les “Citation Indexes” devenus depuis des outils usuels de la documentation. 109
Les Citation Indexes développés par Garfield (qui sont maintenant la propriété de Thomson Reuters) sont un des outils les plus employés dans ce domaine, qui a vu l’apparition de nouveaux acteurs comme Scholar Google ou Scopus. Il existe une littérature très riche sur cette discipline documentaire (la bibliométrie), portant en particulier sur l’évaluation individuelle (par exemple le Hirsch Index) qui nous intéresse plus particulièrement ici, ainsi que sur l’évaluation des journaux scientifiques (type Impact Factor) ou d’autres types d’agrégats.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 66
popularité, influence…) fait toujours l’objet de débats animés : la théorie de la citation est toujours mal comprise.110 Du point de vue de l’innovation, une citation possède deux fonctions principales : préciser la nouveauté de ce qui est introduit par une référence spécifique ; indiquer l’utilité heuristique de la référence citée. La théorie économique de l’utilité appliquée au concept de citation permet de mieux comprendre la valeur économique de celle-ci.111 Ainsi les articles les plus cités de toute la littérature décrivent souvent des nouvelles techniques ou méthodes, plus efficaces que celles qui existaient jusqu’alors. Leur emploi (formalisé par la citation) a permis un gain de productivité par les chercheurs qui l’utilisent, ce gain est quantifiable économiquement et permet d’associer une valeur économique à un nombre de citations. Elle permet aussi de comprendre l’existence de corrélations positives entre taux de citations élevés et revenus des leurs auteurs. Ces considérations utilitaires dépassent le cadre de la recherche fondamentale pour inclure l’innovation et la propriété industrielle. De nombreuses études montrent ainsi que les citations de brevet sont elles aussi fortement corrélées à la valeur économique.112 Enfin, de point vue de la relation entre la recherche et les entreprises, au cœur de notre mission, les données empiriques indiquent que les collaborations étroites entre des « scientifiques étoiles » (Star Scientists, auteurs à la fois très productifs -en termes de nombre de publications.- et très cités) et les chercheurs d’une entreprise sont des prédicteurs du succès économique de celle-ci (exprimé en termes de nouveaux produits ou de croissance).113 Ceci nous montre l’importance qu’il y a à identifier les « scientifiques étoiles », qu’ils soient à l’extérieur de l’entreprise ou au sein de celle-ci. Finalement, l’immense importance économique des citations dans l’économie actuelle est immédiatement perçue en examinant Google, dont le moteur de recherche repose sur l’idée centrale que l’on peut classer (Page Ranking) les sites internet à partir de fonctions d’utilité semblables à celles des citations.114 L’ensemble de ces considérations permet de comprendre pourquoi des mesures reposant sur des nombres de citations peuvent fournir des indicateurs pertinents de la valeur économique de la recherche et de l’innovation. Nous devons aussi examiner les limites de ces mesures : - Il faut qu’elles soient accessibles, donc qu’il existe des publications et des brevets faites par
les chercheurs que l’on se propose d’évaluer. Or cela peut ne pas être toujours le cas, par exemple si le secret est préférable à la publication, comme cela peut l’être dans le secteur de l’armement et de la défense, ou dans d’autres secteurs où la confidentialité est plus importante que le faire savoir.
- Un deuxième point à souligner est que ces nombres portent sur des performances passées, et qu’ils ne prédisent donc qu’imparfaitement les performances futures.
- La valeur absolue des nombres de citations peut aussi varier avec les disciplines de la connaissance et les secteurs économiques, avec la langue utilisée, rendant éventuellement des comparaisons globales difficiles.
- Enfin, l’accumulation des citations est un processus lent, qui se déroule sur les années, et qui exprime aussi un certain consensus d’une communauté de chercheurs. D’un point de vue général, le plus important – et le plus difficile - est précisément de détecter le plus tôt les créateurs les plus brillants, avant que leurs travaux (et leur utilité) ne soient facilement identifiables, donc avant qu’ils n’aient eu le temps d’accumuler des citations.
110
Voir par exemple la revue de Bornmann & Daniel (What do citation counts measure? A review of studies on citing behavior, J. Documentation, 2010). 111
Sikorav (1991), op. cit. 112
Trajtenberg, A Penny for your Quotes: Patent Citations and the Value of Innovations, RAND J. Econ. 1990. 113
Zucker & Darby, Star scientists and institutional transformation: Patterns of invention and innovation in the formation of the biotechnology industry, PNAS, 1996. 114
Brin & Page, The Anatomy of a Large-Scale Hypertextual Web Engine, 1998 ; Page, Brin, Motwani & Winograd. The PageRank Citation Ranking: Bringing Order to the Web, 1998; Kleinberg, Authoritative Sources in a Hyperlinked Environment, JACM, 1999.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 67
- On voit donc pourquoi ces indicateurs quantitatifs sont toujours des indicateurs partiels qu’il est nécessaire de compléter par d’autres approches, en particulier une analyse des contenus des documents cités, pour examiner leur pertinence vis à vis de la stratégie de l’organisation, ou leur valeur économique, mesurée par d’autres outils. Le caractère partiel de ces indicateurs est aussi particulièrement clair dans le cas de l’évaluation d’une personne, pour laquelle les ressources humaines ont développé de nombreux autres indicateurs. Les résultats obtenus dans la comparaison des instituts Carnot et Fraunhofer montreront clairement à la fois l’intérêt et les limites de l’approche développée par la mission, qui pourrait en particulier être complétée par des approches économétriques et statistiques plus systématiques.
3) La structure hiérarchique des organisations impliquées permet de simplifier le problème posé. Les organisations que la mission doit examiner, entreprise, laboratoire ou organisme de recherche, administration, ont toute une structure hiérarchique au sommet de laquelle se trouve une gouvernance qui concentre les pouvoirs de décision, qui définit les orientations stratégiques, en particulier la politique de recherche et d’innovation. Il est donc naturel de rechercher les causes de dysfonctionnements importants et constants au sein de cette gouvernance, de ce petit nombre d’hommes et femmes qui exercent les responsabilités les plus élevées au sein de l’organisation. La permanence du problème sur une très longue période, qui est caractéristique de la situation que la mission doit examiner conduit elle aussi à se concentrer sur cette gouvernance, plutôt que sur les nouvelles structures et les nouveaux dispositifs qui ont été mis en place au cours des trente dernières, puisque l’on constate qu’ils ont n’a pas eu les effets recherchés.
4) L’approche proposée remet l’être humain, ses compétences et ses motivations au centre du problème posé. Ce dernier point est développé dans le chapitre 4.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 68
Annexe 3 : Méthodologie de l’approche bibliométrique
L’évaluation des travaux d’un (une) chercheur (chercheuse) doit d’une manière optimale être
conduite en concertation avec lui (elle), afin de pouvoir établir d’une manière fiable la liste des items
pertinents (publication, brevets etc.), et surtout afin de pouvoir connaître son point de vue sur leur
importance relative, qui n’est pas nécessairement reliée au nombre de citations reçues. Il est utile
par exemple demander des listes courtes de travaux les plus significatifs (et de fait de telles listes
sont souvent proposées par les chercheurs eux-mêmes sur Internet). Un autre aspect essentiel de
l’évaluation concerne les publications multi-auteurs, dans lesquelles il n’est pas toujours aisé de
savoir qui a fait quoi. La nature des contributions individuelle est un problème délicat ; le (ou les)
premier(s) auteur(s) d’une publication, ainsi que le (ou les) auteur(s) « senior » (à qui l’on doit
s’adresser le cas échéant) sont le plus souvent les principaux contributeurs, mais d’autres situations
existent aussi (emploi de l’ordre alphabétique par exemple). Nous avons laissé de côté ce problème
ici, en faisant l’hypothèse que les chercheurs étudiés étaient les principaux contributeurs de leurs
articles les plus cités. Cette hypothèse se révèle inexacte dans des cas peu fréquents, sans changer la
validité générale des conclusions de l’étude.
Dans le cadre de la mission, conduite sur la base des données disponibles sur Internet et sans
concertation avec les personnes examinées, l’approche optimale aurait consisté à établir deux listes,
une liste de publications et une liste de brevets, et à obtenir pour chacune d’entre elles les
distributions de citations obtenues. L’établissement de ces deux listes n’est en règle générale pas
aisée (à cause des synonymes, et parce que des banques de données spécifiques doivent être
consultées pour chaque cas).
La mission a donc retenu une approche plus simple consistant uniquement à collecter pour tous les
directeurs des instituts Carnot et Fraunhofer le nombre de brevets publiés dans la banque de
données European Patent Register ainsi que les nombres de citations des trois publications et des
trois brevets les plus cités (mesurés dans Google Scholar)115.
Cette approche repose sur l’existence de lois de concentrations en bibliométrie (semblables à la loi
de Pareto qui décrit la distribution de la richesse dans les classes les plus aisées de la société). Les
lois de Lotka pour la productivité scientifique et de Price pour la distribution des citations (des
publications ou des brevets) sont des lois de puissance qui montrent l’existence d’une concentration
de la productivité scientifique au sein d’une petite fraction de la communauté et de la même
manière d’une concentration de citations. Les chercheurs les plus productifs peuvent donc avoir des
centaines de publications et de brevets, mais les documents les plus importants parmi eux
concentrent les citations, et l’analyse de quelques documents les plus cités permet d’avoir une vue
d’ensemble raisonnable de leurs succès passés.116
Nous l’illustrerons par deux exemples :
1) Le Taxotère représente sur une période longue de l’ordre de 90% des revenus de la propriété
intellectuelle pour le CNRS. L’auteur principal de la découverte de cette molécule (Pierre
Potier 1934 -2006) est l’auteur de nombreuses publications d’après Web of Science : une
recherche sur le nom d’auteur « Potier P* » donne 570 documents, mais il y a dans ce
115
Dans de rares cas, on trouve de brevets cités dans Google Scholar mais pas de brevet dans European Patent Register : il s’agit de directeurs dont les brevets sont déposés aux USA, et le nombre de brevets dans ce cas a été obtenu à partir du US Patent & Trademark Office. 116
Une justification du choix de se focaliser sur les documents les plus cités repose sur la convexité de l’utilité mesurée par les nombres de citations : Cent publications (ou brevets) cités une fois ont en règle générale moins de valeur qu’une publication (ou brevet) cité cent fois (Sikorav (1991), op. cit.).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 69
nombres une majorité de documents dus à des homonymes ; une autre difficulté est due au
caractère complet de cette banque de données). En revanche, le tri par nombre de citations
donne pour les trois documents les plus cités trois articles sur le Taxol cosignés par « Pierre
Potier » et cités respectivement 507, 463 et 409 fois. Ces mêmes documents sont plus
facilement identifiables sur Scholar Google117, avec des données de citations similaires (588,
582, 389 :
Highly efficient, practical approach to natural taxol …, L Mangatal, P Potier - Journal of the …, 1988 - ACS Publications
Taxol (I)] is an exceptionally promising cancer chemotherapeutic agent with an unusually broad spectrum of potent antileukemic and tumor-inhibiting activity. 2 Taxol is active in vivo against P-388, P-1534, and L-1210 mouse leukemias, B-16 melanocarcinoma, Lewis lung ...
Cited by 588 Related articles All 2 versions Cite Save
Relationships between the structure of taxol analogs and their antimitotic activity …, MT Le Goff, L Mangatal, P Potier - Journal of medicinal …, 1991 - ACS Publications
A variety of synthetic analogues of taxol, a naturally occurring antitumor diterpene, were examined for their potency to inhibit microtubule disassembly. For some of the compounds,
the in vitro cytotoxic properties showed a good correlation with the tubulin assay. This ... Cited by 583 Related articles All 5 versions Cite Save
[PDF] from wisc.edu
Taxol and taxotere: discovery, chemistry, and structure-activity relationships …, F Gueritte-Voegelein, P Potier - Accounts of chemical …, 1993 - ACS Publications
The search for new antitumor compounds using the bioassay-guided fractionation of plant extracts has led to the discovery of a number of novel active structures. Unfortunately, only a few of these substances have proved to be of sufficient pharmacological interest to reach ...
Cited by 389 Related articles All 4 versions Cite Save
D’une manière semblable, « Pierre Potier » ( plus précis que «P* Potier », donc avec des risques bien
moindres d’homonymies) est l’auteur de 54 brevets européens (d’après la banque de données
European Patent Register) et les trois brevets les plus cités d’après Scholar Google sont aussi
consacré au taxol, et cités 243, 168 et 177 fois :
Taxol derivatives, their preparation and pharmaceutical compositions containing them
M Colin, D Guenard, F Gueritte-Voegelein… - US Patent …, 1989 - Google Patents ... which R represents hydrogen or acetyl, one of R1 or R2 represents hydroxy and the other
represents tert-butoxycarbonylamino and their isomers are useful antitumor agents....http://www. google.com/patents/US4814470?utm_source=gb-gplus-sharePatent US4814470 - Taxol ...
Cited by 243 Related articles All 2 versions Cite Save
Process for preparing derivatives of baccatine III and of 10-deacetyl baccatine III M Colin, D Guenard, F Gueritte-Voegelein… - US Patent …, 1990 - Google Patents
... or acetyl, by condensation of an acid of general formula (II) with a derivative of baccatine III or of 10-deacetylbaccatine III of general formula (III), R1, R2 and R3 denoting...http://www.google.
com/patents/US4924012?utm_source=gb-gplus-sharePatent US4924012 - Process for ... Cited by 168 Related articles All 2 versions Cite Save
Process for the preparation of taxol and 10-deacetyltaxol
M Colin, D Guenard, F Gueritte-Voegelein… - US Patent …, 1989 - Google Patents ... radical, by removal of the t-butoxycarbonyl radical, benzoylation of the amine product obtained,
and removal of the 2,2,2-trichloroethoxycarbonyl group(s)....http://www.google.com/patents/ US4857653?utm_source=gb-gplus-sharePatent US4857653 - Process for the preparation ...
Cited by 177 Related articles All 2 versions Cite Save
Ce premier exemple nous montre qu’en caractérisant le travail de Pierre Potier par les données de
citations des 3 publications/documents (article, livre, etc..), par le nombre de ses brevets et le
117
Car cette banque de donnée est libre d’accès, contrairement à Web of Science, qui requiert un abonnement.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 70
nombre citations de ses trois brevets les plus cités, on obtient des données qui décrivent
raisonnablement à la fois ses travaux scientifiques les plus connus et ceux qui ont eu l’impact
économique le plus important.
2) La même conclusion peut être faite en regardant les travaux de Karlheinz Brandenburg qui
dirige l’institut Fraunhofer IDMT (Digital Media Technology), et dont les brevets sur les
algorithmes de compression mp3 représentent une part importante des revenus de
propriété intellectuelle des instituts Fraunhofer. D’après la banque de données publica118,
« Brandenburg, K* » est l’auteur de 162 documents (toujours avec le problème d’éventuels
homonymes) :
Annual Report (1) Book (1)
Book Article (7) Conference Paper (64)
Conference Proceedings (21) Dissertation (1)
Electronic Publication (51) Journal Article (20)
Patent (47) Presentation (1)
Karlheinz Brandenburg a rempli un fichier sur http://www.researchgate.net qui indique qu’il est
l’auteur de « 53 publications, 3 chapters, 27 conference papers », en nombre moindre que les
données ci-dessus, ce qui souligne le problème des homonymies. La banque de données European
Patent Register indique qu’il est l’auteur de 42 brevets, en bon accord avec les données de Publica
(47). Les trois documents et brevets les plus cités d’après Scholar Google sont cités.
483, 473, 322 fois pour les publications:
ISO/MPEG-1 audio: A generic standard for coding of high-quality digital audio K Brandenburg, G Stoll - Journal of the Audio Engineering Society, 1994 - aes.org
The standardization body ISO/IEC/JTC 1/SC29/WG 11 (Moving Pictures Expert Group, MPEG) was drafting a standard for compressing the high bit rate of moving pictures and
associated audio down to 1.5 Mbit/s. The audio part of the proposed standard is described ... Cited by 483 Related articles All 19 versions Cite Save
ISO/IEC MPEG-2 advanced audio coding
M Bosi, K Brandenburg, S Quackenbush… - Journal of the Audio …, 1997 - aes.org The ISO/IEC MPEG-2 advanced audio coding (AAC) system was designed to provide MPEG-
2 with the best audio quality without any restrictions due to compatibility requirements. The main features of the AAC system (ISO/IEC 13818-7) are described. MPEG-2 AAC ...
Cited by 473 Related articles All 3 versions Cite Save
MP3 and AAC explained K Brandenburg - … : 17th International Conference: High-Quality Audio …, 1999 - aes.org
The last years have shown widespread proliferation of. mp3-files, both from legal and illegal sources. Yet most people using these audio files do not know much about audio
compression and how to use it. The paper gives an introduction to audio compression for ... Cited by 322 Related articles All 64 versions Cite Save
118
Une base de données bibliographique pour son personnel représente clairement un outil essentiel pour la
gouvernance d’un organisme de recherche. Les instituts Fraunhofer ont mis en place une telle banque de données :
http://publica.fraunhofer.de/
La banque Publica recense d’une manière très complète les travaux réalisés les personnels des instituts Fraunhofer (avec la
limitation qu’on n’y trouve pas les travaux faits avant le recrutement).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 71
Et 157, 123, 96 fois pour les brevets :
Digital encoding process B Grill, KH Brandenburg, T Sporer, B Kurten… - US Patent …, 1996 - Google Patents
... of the acoustical signal are transformed by means of a transformation or a filter bank into a sequence of second scanned values, which reproduce the spectral composition...http://www. google.com/patents/US5579430?utm_source=gb-gplus-sharePatent US5579430 - Digital ...
Cited by 157 Related articles All 2 versions Cite Save
Perceptual coding of audio signals K Brandenburg, JD Johnston - US Patent 5,040,217, 1991 - Google Patents
... a randomness metric related to the euclidian distance between (i) actual frequency components amplitude and phase for each block of sampled values of the signal...http://www.google.com/
patents/US5040217?utm_source=gb-gplus-sharePatent US5040217 - Perceptual ... Cited by 123 Related articles All 2 versions Cite Save
Method for coding an audio signal
J Herre, U Gbur, A Ehret, M Dietz, B Teichmann… - US Patent …, 2002 - Google Patents ... Subsequently, a prediction of the spectral values...http://www.google.com/patents/US6424939?
utm_source=gb-gplus-sharePatent US6424939 - Method for coding an audio signal. Advanced Patent Search. Publication number, US6424939 B1. Publication type, Grant. ...
Cited by 96 Related articles All 2 versions Cite Save
Sur la base de ces exemples (et d’autres données similaires), la mission a donc décidé de recueillir en
plus du nombre de brevets publiés dans European Patent Register les citations sur Scholar Google
des trois publications et des trois brevets les plus cités pour décrire d’une manière synthétique les
réussites passées d’un chercheur/innovateur.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 72
Annexe 4 : Comparaison de la gouvernance des instituts Carnot et des Fraunhofer
Les 34 instituts Carnot et les 66 instituts Fraunhofer sont globalement similaires, avec des nombres
d’employés et des budgets très proches (27 000 pour les Carnot, 24 000 pour les Fraunhofer ;
2,2Mds€ pour les Carnot, 2Mds€ pour les Fraunhofer).
Les instituts Fraunhofer possèdent une gouvernance claire, avec un comité exécutif de quatre
membres, dirigé par le professeur Reimund Neugebauer :
Executive Board of the Fraunhofer-Gesellschaft
Professor Reimund Neugebauer
President of the Fraunhofer-Gesellschaft, Corporate Policy and Research Management
Prof. Dr.-Ing. habil. Prof. E. h. Dr.-Ing. E. h. mult. Dr. h.c. Dr. h.c. Reimund Neugebauer
Professor Alexander VerlExecutive Vice President Technology Marketing and Business Models
Professor Alexander Kurz, Executive Vice President Human Resources, Legal Affairs and IP Management
Professor (Univ. Stellenbosch) Alfred Gossner, Executive Vice President Finance, Controlling and Information Systems
Les soixante-six instituts Fraunhofer sont dirigés par un directeur unique (à l’exception d’un institut
codirigé par deux directeurs). Ces 67 directeurs sont immédiatement identifiables à partir 66 des
sites internet propres à chaque institut.
Les instituts Carnot sont membres d’une structure légère (avec un budget de fonctionnement de
1.6 M€ en 2013), l’Association des Instituts Carnot, dirigée par Alain Duprey :
Team of AiCarnot
Alain Duprey, General Manager
Hubert Chameaud, Deputy Manager.
Annie Ciurana, Management Assistante.
Jacques Larrouy, Business Development Coordinator
Sabine Thomas, Business Manager
Diane Vinet, Communication Manager
Cette équipe est complétée par un comité de direction de 15 personnes et d’un bureau plus restreint
Board of Directors includes 15 representatives of Carnot institutes.
Composition of the association bureau:
Marie-Noëlle Séméria (institut Carnot CEA LETI)
Jean-Paul Papin (institut Carnot Cetim)
Pascal Deschaseaux (institut Carnot CALYM)
Christian Picory (institut Carnot Télécom & Société numérique)
Damien Goetz (institut Carnot M.I.N.E.S)
Jean-Luc Loubet (institut Carnot I@L)
Jacques Lafaye (institut Carnot ONERA ISA)
La charte des instituts Carnot stipule (Point 8-Gouvernance) :
« Un institut Carnot dispose ou met en place une organisation lui permettant d’assurer une réelle
gouvernance de ses activités de recherche partenariale, avec à sa tête un directeur bénéficiant des
prérogatives et délégations associées. Cette organisation est formalisée et validée par les
établissements de tutelle de l’institut ».
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 73
Au vu de cette charte, on s’attend donc à ce que chaque Institut Carnot soit doté d’un directeur bien
identifié, que la gouvernance de l’Institut soit décrite explicitement, en particulier du point de vue
des établissements de tutelle, et enfin que le (ou les) site(s) internet des établissements de tutelle de
l’institut affiche (nt) clairement le label « Carnot ».
Dans la pratique, l’identification des 34 directeurs des instituts Carnot, à partir d’internet se révèle
une tâche difficile.
Pour chaque institut Carnot, l’association renvoie à une fiche de deux pages ainsi qu’à un site
internet. Il n’y a pas d’harmonisation au niveau des fiches, entre la fiche et le site internet d’un
même institut et encore moins au niveau des sites internet. L’image de marque associée est très
mauvaise.
Du point de vue de la gouvernance :
1) Sur les 34 fiches décrivant les Instituts Carnot, seuls 12 indiquent clairement le nom et le titre
du directeur : 3BCAr, Calym, Chimie Balard, ICEEL, ICSA, Ingénierie@Lyon, LAAS CNRS,
M.I.N.E.S., MICA, PolyNat, Qualiment, Voir et Entendre. Le budget total de ces 12 instituts est
de 658 M€, environ 30 % du budget total des 34 Carnot. Dans 9 autres fiches, les noms des
directeurs figurent, mais sans leur titre ; dans les 13 fiches restantes les noms des directeurs
ne figurent pas. On retrouve des représentants des instituts qui ne respectent pas la charte
des Carnot dans le bureau de l’AI Carnot. Les directeurs des Carnot ne sont pas toujours les
directeurs d’unité, et ne disposent pas toujours d’autorité sur les équipes de recherche. Il
s’agit parfois d’animateurs du transfert.
2) Pour les 34 sites auxquels renvoie l’Association des Instituts Carnot, un est constamment
hors service (Carnot STAR : http://www.icstar.fr). Un autre, celui du Carnot ICM
(http://research.icm-institute.org) ne comporte pas le logo Carnot. Dans certains cas, le site
des AI Carnot (http://www.instituts-carnot.eu/) renvoie à un site d’un Institut Carnot, qui lui-
même revient sur le site des AI Carnot. Suivant les cas, le label Carnot est présent ou absent
de ces sites, et le directeur du Carnot y est ou non identifiable.
Globalement, la notion de gouvernance y est traitée avec la plus grande désinvolture.119
Analyse bibliométrique de la gouvernance
Pour les 67 directeurs des instituts Fraunhofer (ainsi que pour le directeur général Reimund
Neugebauer), nous avons obtenu les données bibliométriques suivantes : nombre de brevets
déposés, nombre de citations reçues par les trois publications et les trois brevets les plus cités
119
A titre d’illustration, le site internet du Carnot LISA déclare : « La gouvernance de l’IC LISA repose sur une dizaine de personnes intervenant à temps partiel en complément de leur activité principale. L’IC LISA affiche ainsi une organisation avec les fonctions suivantes : Directeur, Directeur Adjoint, Directeur Scientifique, Responsable Marketing et Commercial, Responsable Communication, Responsable juridique et Propriété Intellectuelle, Responsable « Bonnes Pratiques ». Chacune de ces fonctions s’inscrit dans un cadre collectif défini autour de quatre entités : un Comité d’Orientation et de Suivi (COS), un Directoire, un Comité de Coordination Scientifique (CCS) et un Comité de Coordination Opérationnelle (CCO). Cette gouvernance intègre les exigences de la Charte Carnot et des objectifs de progrès en termes de partenariats socio-économiques, de ressourcement scientifique, d’actions de professionnalisation et d’intégration au dispositif et au réseau Carnot. »
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 74
(suivant l’approche détaillée dans l’annexe 2). Nous avons procédé de même pour 33120 directeurs
des Carnot (ainsi que pour leur directeur général Alain Duprey).
Les données de citations montrent que les 3 articles les plus cités des directeurs des instituts
Fraunhofer ont reçu au total 62 517 citations, soit en moyenne plus de 300 citations par article. Il y a
une concentration des citations sur une fraction de la distribution, avec une valeur médiane à 87
citations. Seules 7 publications (sur 204) sont non citées.
Concernant les citations de publications, sachant qu’un directeur d’institut avec une expérience de
scientifique supervise en moyenne plusieurs centaines de chercheurs, on peut s’attendre à ce qu’il
fasse partie de la fraction des scientifiques les plus cités, ce qui nous conduit à définir le
« scientifique étoile » par la publication d’au moins trois articles cités 85 fois (ou un article cité plus
de 200 fois).121 Cette prédiction très simple (qui ne tient pas compte des différences de taux de
citations entre discipline, ni des objectifs appliqués des instituts Fraunhofer), décrit la majorité des
profils observés (la valeur médiane à 87 citations pour les 204 publications étant très proche des 85
citations), qui sont donc de fait identifiables directement comme scientifiques étoiles. D’une manière
générale, l’ensemble des directeurs possèdent une expérience de recherche accessible via Scholar
Google, comme le laisse prévoir le fait qu’ils ont tous fait des thèses et sont professeurs d’université
(à une exception).
Dans le cas des instituts Carnot, les 3 articles les plus cités des 35 directeurs ont reçu au total 20 011
citations, soit en moyenne environ 196 publications par article. Il existe là aussi une concentration
des citations, avec une valeur médiane plus faible à 52 citations. On peut distinguer clairement deux
populations, la première dont les données bibliométriques sont comparables à celles des Fraunhofer
et indiquent des expériences professionnelles semblables. Mais il y a aussi 27 publications sans
citation, et un nombre significatif de directeurs ont globalement peu de publications, peu citées.
Cette deuxième population (environ 15/34) n’a pas un profil de scientifique avec une expérience
suffisante pour diriger un institut Fraunhofer. Pour cette population, La gouvernance apparait
souvent imposée de l’extérieur et elle est sans doute peu légitime dans l’organisme.
La représentation de Zipf donnée ci-dessous compare les distributions des citations des trois
meilleures publications pour les instituts Carnot et Fraunhofer.
120
Nous n’avons pas réussi à identifier le directeur de l’Institut Carnot LSI. Joseph Sifakis a semble-t-il été un temps directeur de cet Institut, mais il est professeur à l’Ecole Polytechnique de Lausanne depuis 2011. 121
Nous utilisons ici l’observation empirique que la distribution des publications les plus citées suit une loi de puissance (loi de Pareto) pour environ 1,5 % des publications, citée 85 fois ou plus (Redner, How popular is your paper? An empirical study of the citation distribution, Eur. Phys. Lett. 1998). Nous négligeons ici les différences de taux de citations entre disciplines.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 75
Légende de la figure : nombre de citations reçues par les 204 (102) publications des instituts Fraunhofer (Carnot)
rangées en abscisse par nombre décroissant de citations. Seuls les publications citées une fois ou plus sont
représentés (il y a 7 publications non-cités pour les Instituts Frauanhofer, et 27 poir les Carnot). Coordonnées
doublement logarithmiques (représentation de Zipf). Le nombre de citations chute très rapidement au-delà du rang
60 pour les instituts Carnot.
Les données concernant les brevets donnent des résultats encore plus frappants :
- Les directeurs des instituts Fraunhofer ont déposé au total environ 800 (809) brevets
européens. Seuls 14 (sur 68) directeurs n’ont jamais déposé de brevets. Plus de la moitié a
déposé 5 brevets ou plus ; 30 directeurs ont 10 brevets ou plus. Pour les citations des 3
brevets les plus cités : il y a 104 brevets cités une fois ou plus qui ont été cités 2749 fois au
total. 29 directeurs ont un brevet cité 10 fois ou plus. La comparaison des deux populations
définies par les citations de publications et par les citations de brevets montre que parmi les
directeurs ayant les brevets les plus cités (31 directeurs ayant 17 citations ou plus sur les
trois meilleurs brevets), 10 ne figurent pas parmi les auteurs de publications les plus citées :
les profils de ces deux populations sont donc distincts.
- Les directeurs des instituts Carnot ont déposé au total environ 116 brevets européens. La
moitié des directeurs (17 sur 35) directeurs n’a jamais déposé de brevets. Seuls 6 directeurs
ont déposé 5 brevets ou plus ; 3 directeurs ont 10 brevets ou plus Pour les citations des 3
brevets les plus cités : il y a 14 brevets cités une fois ou plus qui ont été cités 290 fois au
total. Seuls 4 directeurs ont un brevet cité 10 fois ou plus.
Ces dernières données illustrent les différences entre les compétences de propriété intellectuelle
des Fraunhofer et des Carnot, avec en particulier très peu de secteurs couverts dans les Carnot.
1
10
100
1000
10000
1 10 100 1000
Fraunhofer 204 publications
Carnot 102 publications
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 76
En conclusion, cette approche bibliométrique élémentaire (qui mériterait d’être complétée par des
données plus systématiques et des analyses statistiques appropriées) met en évidence des
différences majeures entre les compétences présentes dans la gouvernance des instituts Carnot et
Fraunhofer. Il faut souligner que de telles différences ne sont pas perceptibles dans les comparaisons
macroéconomiques usuelles, ce qui montre l’intérêt de développer une telle approche.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 77
Annexe 5 : La Grande Bretagne
L’objectif est de décrire en grandes lignes l’organisation fonctionnelle du système britannique basée
sur le principe d’une séparation entre les ministères (priorités et grandes orientations qui guident la
définition des politiques publiques), les agences de moyens (programmation et financement des
opérateurs de la recherche) et donc ces opérateurs. Deux aspects sont plus particulièrement mis en
relief : les circuits de gouvernance et les outils/dispositifs mis en œuvre qui favorisent les échanges
publics-privés avec un focus sur leur dimension partenariale en matière de R&D.
1 - Organisation fonctionnelle du système de recherche britannique,
1-1 - La définition des orientations et des politiques publiques en matière de recherche,
l’allocation des moyens
Au niveau exécutif, le « Department For Business, Innovation and Skills » (BIS), le ministère des
entreprises, de l’innovation et des compétences est à la fois en charge de la recherche où il joue un
rôle central dans la définition des grandes orientations et de la définition des politiques de soutien à
l’innovation. Il assure une cohérence entre les différents ministères (défense, santé, agriculture,…)
qui définissent leurs propres priorités en la matière de recherche et est responsable du budget de la
recherche dont sa part représente l’essentiel du budget dédié er qui est destiné à financer les
agences de moyens et de programmation concernées (infra).
L’élaboration des politiques publiques en matière de recherche s’appuie sur un nombre important de
conseils liés au gouvernement et à ses administrations et est influencé par de nombreuses structures
extérieures (académies, sociétés savantes, « think-tank »…).
Une articulation majeure entre les décideurs et ces structures de conseil est réalisée par les « Chief
Scientist Adviser» (CSA) présents dans l’ensemble des ministères. Experts reconnus au sein de la
communauté scientifique, nommés pour 3 ans, ce sont les voix de la science au sein des ministères
où ils assurent l’interface avec la communauté scientifique, les entreprises et également les médias.
Sources indépendantes de conseil sur les décisions politiques, ils surveillent par ailleurs les processus
de construction et décisions des politiques publiques liées aux questions de science et de recherche
ainsi qu’à la mobilisation des ressources adéquates pour leur mise en œuvre. Au-delà de ce rôle, leur
présence reflète l’importance accordée à la science en Grande-Bretagne dans la définition des
grandes politiques publiques liées aux enjeux socio-économique et au-delà, pour lesquelles la science
est un élément important de qualité et doit assurer une compréhension par le public des méthodes,
enjeux et risques associés à ces politiques. Un « government chief scientific adviser » (GSCA) est
nommé auprès du premier ministre et son cabinet, pour remplir sa mission : il s’appuie sur le “chief
scientific adviser committee” (CSCAC) formé par le réseau des « CSA » où sont abordées en particulier
les problématiques de nature interministérielles.
Les ministères et leurs CSA s’appuient sur plusieurs conseils. Le « Government Office for science »,
avec le GSCA à sa tête, est relié au BIS mais est autonome ; il est composé de 60 fonctionnaires qui
travaillent tant sur des sujets sociétaux et économiques avec des objectifs à court terme que sur des
programmes d’études concernant le long terme. Le « Council for Science and Technology » (CST),
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 78
organisme consultatif indépendant, joue également un rôle important de conseil auprès du
gouvernement. Au niveau interministériel, des sources supplémentaires d’analyses et de conseil les
« Scientific advisory committee », (environ 70), travaillent également de manière indépendante.
Au niveau de chaque ministère, les « Scientific advisory councils » apparaissent plus impliqués dans
l’analyse de la mise en œuvre et de la gestion des politiques publiques en matière de recherche.
Enfin, le « Knowledge and innovation group » au sein du BIS regroupe un nombre important
d’acteurs afin soutenir les relations public –privé en matière de transfert et de partenariat.
Au-delà des structures gouvernementales, un grand nombre d’académies et de sociétés savantes
produisent un grand nombre de travaux tant pour répondre à des questions de société que pour
éclairer les politiques publiques de recherche et répondre à des sollicitations gouvernementales ou
des agences concernées (Royal Society, British Association, The Royal Academy of Engineering, The
British Academy of engineering, the Confederation for British Industry, The Academy of Medical
Sciences…). Enfin les agences « RC » via le RCUK, HEFC, IUK (infra) jouent également de conseil
auprès du gouvernement qui peut les consulter en ce sens.
-- L’allocation des budgets aux agences de moyens.
Sur la base des grandes orientations et priorités définis par le BIS, les agences récipiendaires des
fonds publics en matière de recherche, les conseils de recherche RC, les HEFC mais également
Innovate UK et d’autres agences comme le UK Space Agency définissent des plans d’action pluri-
annuels qui sont soumis au BIS. Celui-ci, via son directeur général, mène une large consultation en
particulier auprès d’acteurs extérieurs (académies et sociétés savantes) qui conditionne le processus
final d’allocation des ressources.
1-2 La programmation et le financement des actions et dispositifs sont mis en œuvre par
des structures autonomes, gouvernementales mais non ministérielles
-- La recherche est soutenue par deux flux majeurs issus du BIS à destination les conseils de
recherche et des HEFC (système dit de « dual support » pour caractériser cette allocation des fonds
publics).
-- Les « Higher Education Funding Council » HEFC sont des agences indépendantes déployées dans
les quatre régions (Angleterre, Ecosse, Pays de Galles et Irlande du Nord). Elles gèrent et distribuent
les enveloppes destinées aux universités pour financer l’enseignement supérieur et la
recherche principalement en termes de salaires et d’infrastructures. Cette distribution s’appuie sur
des évaluations basées sur le récent« research excellence framework » (REF) qui prévoit d’inclure des
indicateurs d’impact économique de la recherche conduite dans l’établissement.
-- Les « Research Councils » (RC)
Ils sont au nombre de sept avec des thématique spécifiques (infra) et sont l’équivalent le plus proche
de l’ANR. Ils établissent leur programme en accord avec les grandes orientations et priorités
stratégiques de recherche déterminées au niveau gouvernemental (supra) et financent la recherche
sur appels à projets sur une base compétitive afin de financer les meilleurs. Ils interviennent de
manière importante en matière de soutien à la recherche partenariale, la diversité de leurs actions
en la matière est décrite infra.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 79
• L’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC) n’est qu’une agence de moyens. • Le « Medical Research Council » (MRC) est l’un des trois RC opérateur de la recherche : il
possède trois instituts de recherche (voir Tableau 6), 27 unités de recherche (dont 17 sont associées à des universités), et 26 centres au sein d’universités et travaillant en partenariat proche avec des charities.
• Les activités du « Science and Technology Facilities Council » (STFC) incluent l'astronomie, l'astrophysique et la physique des particules, le nucléaire et la gestion du fonctionnement des grands équipements : Central Laser Facility (ISIS), High-End Computing Terascale Resource (HECToR), synchrotron Diamond. Il facilite l’accès au CERN, à l’European Space Agency (ESA), l’European Southern Observatory (ESO), l’European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), l’Institut Laue-Langevin (ILL) et les téléscopes du Chili, d’Hawaï, de la Palma et d’Australie. Il possède également un rôle de conseil stratégique auprès du gouvernement en matière de développement de la recherche.
• Le « Biotechnology and Biological Sciences Research Council « (BBSRC) est également opérateur de la recherche, disposant de huit instituts de recherche, d’un « BBSRC Sustainable Bioenergy Centre » établi en partenariat avec l’industrie, et de six centres de biologie des systèmes, en partenariat avec l’EPSRC et six universités.
• Le « Natural Environment Research Council » (NERC) est le troisième RC opérateur de recherche et dispose de six centres de recherche (voir Tableau 6), de dix infrastructures ou services associés (bateaux, avions, recherche polaire, etc.) et de six centres de gestion de données.
• L”'Economic and Social Research Council” (ESRC) n’est qu’une agence de moyens. • L »'Art and Humanities Research Council » (AHRC) subventionne également les musées,
l’entretien des collections et certains projets culturels.
Par ailleurs le BIS est un des principaux financeurs de « Innovate UK « qui a pour mission de soutenir
l’innovation technologique des entreprises britanniques.
-- Innovate UK
L’agence de l’innovation britannique (anciennement « Technology Stratégic Board », équivalent de
Bpifrance) a été créée en 2007 et est essentiellement financée par le BIS et les conseils de recherche
(budget 440 M£ en 2013-14). Elle compte environ 130 personnes issues en majorité de représentants
du secteur privé (entreprises et capital-risque). Sa principale activité est de développer et financer
des programmes et actions qui soutiennent la R&D des entreprises et la recherche partenariale avec
le secteur public. Depuis 2007, plus de 2 Md£ ont été investis dans le domaine de l’innovation en
travaillant en partenariat avec plus de 3000 entreprises.
1-3 - Les opérateurs de recherche
Les 166 universités britanniques sont aujourd’hui les seules institutions d’enseignement supérieur au
Royaume-Uni et le lieu où l’essentiel de la recherche publique est effectué à l’exception d’un certain
nombre de laboratoires thématiques directement soutenus par les différents RC (il n’y a pas
d’équivalents des grands organismes français du type CNRS).
Depuis plus de 25 ans, les universités sont caractérisées par une grande autonomie en matière de
politique scientifique, de recrutement et de gestion de leurs personnels, rémunérés sur des contrats
de droit privé (CDD ou CDI), avec une seule distinction entre une fonction académique et une
fonction support. Une quinzaine d’établissements capte une grande partie des financements publics
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 80
dédiés. Les activités de valorisation et de transfert de l’établissement sont directement prises en
charge par celui-ci via différentes modalités (services internes, filiales, prestataires externes)
2 - les outils de soutien à la R&D partenariale.
Différents outils sont mis en œuvre et financés par les trois agences concernées qui dans un certain
nombre de cas les cofinancent. La présentation des principales initiatives est basée sur cinq
approches complémentaires
Les dispositifs de soutien à l’innovation qui ne ciblent que l’entreprise (soutien direct aux activités de
R&D, utilisation des marchés publics) ou que les laboratoires dans des stratégies de valorisation
directe (soutien aux activités de maturation, activité commerciale du transfert technologique,
création d’entreprises innovantes et investissement associés) ne sont pas repris ici. Néanmoins il est
nécessaire de signaler la mise en œuvre d’un dispositif de crédit d’impôt au bénéfice des entreprises
qui développent de la R&D et qui apparaît comme le plus important mécanisme de soutien du
gouvernement pour l’investissement des entreprises en R&D. Depuis 2012, les PME peuvent
bénéficier d’une réduction de 225% des profits imposables réalisés, les grandes entreprises à hauteur
de 130%, en cas de bilan négatif un crédit d’impôt est accordé à hauteur de 10% des dépenses de
R&D.
2-1 - Favoriser les contacts et les échanges d’information
- Les « Knowledge Transfer Networks » (KTN), réseaux de transfert de connaissances ont été
développés afin de rassembler les universités, la recherche institutionnelle et privée, le milieu
financier et les entreprises et de les amener à collaborer afin de stimuler l’innovation dans des
secteurs stratégiques. Ce dispositif national est organisé en 16 réseaux thématiques couvrant les
filières stratégiques et les domaines technologiques en forte évolution : matériaux avancés,
santé, ingénierie et conception, électronique et photonique, nouvelles technologies énergétiques,
TIC, développement durable, et 20 groupes transversaux (exemples : développement durable,
énergie, etc…) rassemblant 60 000 membres. Sur la période 2011-12, 15 M£ ont été investis pour
assurer l’animation du réseau (120 chargés de mission).
- Les “Innovation Vouchers”, coupons pour l’innovation : ce nouveau programme lancé en 2012
permet à des PME de démarrer des collaborations avec des institutions dans les secteurs privés et
publics. Elles peuvent utiliser ces coupons pour avoir accès à des conseils et expertises, concept, PI,
soutien technologique auprès d’universités et d’organismes de recherche ou du secteur privé à
hauteur de 5 000
-- Les plateformes d’information « online ». Le « Gateway to Research” a été initié par le « RCUK »
en 2013, avec l’objectif de permettre à des entreprises, principalement des PME innovantes, d’avoir
un accès facile aux sujets de recherche développés et aux projets en cours soutenus par les « RC »
dans l’ensemble des domaines scientifiques couverts. Suite à une demande gouvernementale, Le
“National Centre for Universities and Business” (NCUB, structure équivalent à l’ANRT) a pour mission
de développer une plateforme plus ambitieuse avec une capacité d’échange directe entre les
partenaires.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 81
2-2 - Soutenir des projets collaboratifs via de financements incitatifs
- Le programme de « Collaborative Research and Development » soutenu par « Innovate UK »
s’appuie sur des appels à projets collaboratifs non ciblés avec des enveloppes allant de 5000 à 5 M£,
le secteur privé contribuant au minimum à hauteur de 40% des coûts.
- Des programmes spécifiques thématiques soutenus par différents « RC » sont mis en œuvre sur le
même principe (supra).
2-3 - Favoriser le transfert de compétences du public vers le privé.
- Le dispositif “Cooperative Awards in Science and Technology” (CASE) est un programme
offrant un financement de doctorat sur 4 ans pour un projet de R&D porté par une entreprise en
collaboration avec une université de son choix. Ces bourses sont octroyées par quatre des conseils de
recherche. L’étudiant passe au minimum trois mois au sein de l’entreprise.
- Le « Knowledge Transfer Secondments » consiste en des bourses octroyées à des
universités pour soutenir le détachement de personnels financés par le « Engineering and Physical
Sciences Research Council » (EPSRC, Conseil de recherche pour l’ingénierie et les sciences physiques)
au sein d’organisations qui peuvent exploiter les résultats de leur recherche. Ce fonds peut
également servir à accueillir des chercheurs de l’industrie.
- Les « Knowledge Transfer Partnerships » (KTP, partenariats de transferts de connaissances)
2-3-1 –Objectifs, principe et impacts des KTP
Objectif. Le transfert de compétences public-privé en matière de R&D est considéré en Grande–
Bretagne comme critique afin d’aider les entreprises à améliorer leur performance, leur
compétitivité, et leur productivité. Ce dispositif permet, de manière prioritaire, à un jeune docteur,
un « post-doc » ou un chercheur en cours de carrière, ‘l’associé’, d’apporter ses compétences dans le
cadre d’un partenariat entre une entreprise et d’une institution universitaire portant sur un projet à
caractère innovant.
Principe. Les trois points essentiels du « KTP » :
- Il répond à un besoin émis par l’entreprise avec une mise en œuvre conjointement assurée par
« Innovate UK », l’université (le « Knowledge Based Institute » , KBI) et l’entreprise.
- L’ « associé » recruté est intégré dans l’entreprise. Il est appelé à jouer un rôle prépondérant dans
le développement du projet, au-delà du bénéfice direct pour celui-ci, il est attendu que son
rayonnement au sein de l’entreprise contribue à améliorer la capacité d’innovation de l’entreprise et
qu’il serve de vecteur pour de futures projets et collaborations.
- La durée du contrat est très flexible allant de 10 semaines à trois ans.
Bénéficiaires et impacts. En termes de taille d’entreprises impliquées (chiffres 2010) : 9 % de TPE,
petites (38 %), moyennes (26 %) et grandes groupes (27 %). Les secteurs industriels bénéficiant
majoritairement de cette initiative: Industrie des services (23%), Technologies d’information,
multimédia (8%), Fabrication d’instruments électriques (8%), Secteur médical (incluant appareils
médicaux, 8%) ; Production métallurgique (8%).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 82
Selon le « Manchester Innovation public policy department », il s’agit du meilleur dispositif de
rapprochement public/privé existant en Grande-Bretagne. Ce dernier est particulièrement important
pour les PME dont les moyens et expertises sont limités. Une évaluation indépendante du dispositif
indique un niveau de satisfaction très important de l’ensemble des partenaires avec un réel impact
sur les performances des entreprises. L’impact économique est évalué à entre 2001 et 2008 à 4,5
milliards £ de ventes additionnelles et de l’ordre de 6000 nouveaux emplois (3 emplois créés par KTP
engagé) pour un coût moyen de 60 000 £. L’implication des universités dans les KTP, outre une
source annexe de revenus, est un des indicateurs d’impact économique retenu dans la nouvelle
évaluation des universités britannique (« REF »), conditionnant une partie de leur dotation.
2-3-2 – La mise en œuvre et l’exécution d’un KTP suit un processus formalisé avec un management spécifique
Plusieurs compétences sont spécifiquement dédiées dans les processus de construction, de
validation et de suivi. Côté d’Innovate UK (IUK), un « KTP adviser », basé régionalement (une
trentaine au niveau national), et adossé « KTP programm office and managing agent », et au sein de
l’université, un “KTP officer”.
- Ce sont les entreprises (via un appui sur des dispositifs de mis en réseau de type « KTN »)
qui assurent en général la première d’identification de l’institution et/ou des laboratoires. Elles sont
parfois aidées par les acteurs mentionnés supra.
- Le processus de dialogue et de construction du projet entre l’institution et l’entreprise est très
soutenu par les « KTP adviser » et le “KTP officer”. Ils aident à traduire les besoins des entreprises,
coordonnent les interactions et aident au montage du projet, vérifient la réalité en termes de
besoins de compétences et valident le dossier final.
- Le dossier de candidature soumis à IUK est évalué par le PAG « Partnership approval group » qui se
réunit 9 fois par an avec un panel incluant un représentant de IUK.
- Une fois le financement accepté, le recrutement de l’associé est assuré par l’établissement après
une sélection assurée par l’établissement/le laboratoire et l’entreprise.
- Un suivi du projet est assuré par un superviseur académique et un autre issu de l’entreprise. Un
« Local Management Committee » (LMC) contrôle tous les quatre mois la consommation et
l’utilisation des budgets avec la participation du « KTP officer »
- Sur la base d’un rapport émis à la fin du projet qui mesure en particulier l’impact obtenu, IUK réalise
une évaluation du KTP avec un panel d’experts indépendants.
2-3-3 –Financements et coûts du dispositif
Le financement est d’un « KTP » (au regard du processus complet) est essentiellement assuré par
« Innovate UK » (40%) et l’entreprise partenaire (60%) avec une petite participation des « Research
Councils ». La ventilation des dépenses afférentes à la mise en œuvre du projet est la suivante :
- Le « KBI » : il reçoit en particulier un « grant » spécifique de IUK et assure le salaire de l’associé, le
soutien du laboratoire partenaire, la prise en charge des « KTP officer de l’institution »,
- IUK, au travers de son « programme office », paye les « KTP advisers » régionaux et l’« associate
training » qui le prépare aux spécificités du projet
- L’entreprise paye les coûts en termes d’équipements et de consommables avec une
comptabilisation de la contribution, en nature, du personnel impliqué dans le projet.
Sur 2009-10, IUK a contribué pour 42 M£ et les entreprises à hauteur d’environ 97 M£ avec 1301
projets individuels dont 199 projets courts.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 83
2-4 Soutenir le développement de laboratoires communs privé-public
- Le “ UK Research Partnership Investment Fund” (UKRPIF) est un fonds d’investissement doté de
100 M£ en 2015-2016, administré par le HEFCE, qui soutient la mise en place de structures de
recherché commune entre les universités et le secteur privé afin de développer des partenariats
d’envergure (une quinzaine de projets déjà financés). Le financement n’est mobilisé que si
l’université candidate parvient à sécuriser deux fois le montant octroyé au projet soumis dans le
cadre d’un appel à projets auprès du partenaire industriel ou d’une charity.
2-5 Développer des structures d’intermédiation qui soutiennent le transfert des activités
de recherche et d’innovation vers les marchés
- Le dispositif des « Catapults ». Ces centres de technologie et d’innovation, proches des instituts
Fraunhofer allemands ont pour mission de fournir de l’expertise et de l’équipement permettant aux
entreprises de développer et commercialiser des technologies innovantes couvrant des TRL allant du
« proof of concept » (TRL 3) basé sur les travaux de recherche, jusqu’à des problèmes en lien avec la
production à l’échelle industrielle (TRL 8). Les modalités d’interaction avec les entreprises sont
nombreuses allant de la simple prestation jusqu’à des partenariats d’envergure avec des activités
internes de valorisation de leur propres travaux ou de ceux d’un laboratoire public (exemple :
création de start-up).
Les « Catapult centres » couvrent actuellement les domaines suivants : industrie manufacturière à
haute valeur ajoutée; thérapie cellulaire ; énergies renouvelables offshore; applications satellitaires ;
économie numérique connectée; villes futures ; systèmes de transport. Ils apportent en particulier
une expertise et des compétences techniques spécialisées pour une variété de PMEs et d’entreprises
avec des expertises multi-disciplinaires ainsi que l’accès à des équipements et des infrastructures
auxquels des entreprises individuelles ne pourraient prétendre (plateformes technologiques,
démonstrateurs).
Leur financement est basé sur trois sources :
- les contrats de recherche et développement financés par les entreprises ;
- les projets collaboratifs de recherche et développement financés conjointement par les
secteurs privés et publics, à nouveau octroyés sur une base compétitive (Europe, « RC ») ;
- le financement public assuré par IUK (200 M£ sur la période 2011-15) pour l’investissement
dans les compétences, savoir-faire, expertise et actifs immobilisés sur le long terme des
centres.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 84
Annexe 6 : L’Allemagne
L’objectif est de présenter en grandes lignes l’organisation du système allemand de recherche, en
distinguant (1) les structures impliquées dans la définition des priorités et des grandes orientations
qui guident la définition des politiques publiques, (2) les agences de moyens impliquées dans la
programmation et le financement des opérateurs de la recherche dont l’activité sera évoquée et (3)
les canaux de financement entre ces différents niveaux. Les principaux outils et dispositifs destinés à
favoriser les échanges publics-privés en matière de R&D sont évoqués.
1 -Organisation du système de recherche allemand
L'Allemagne a un statut fédéral avec 16 Länder qui dans le cadre de leur autonomie définissent des
orientations propres accompagnées d’actions spécifiques mais de manière très variable. Ainsi le
système de recherche est à la fois géré par l'État Fédéral et les Länder qui chacun peuvent mettre en
œuvre des priorités spécifiques en matière de recherche avec leurs propres mécanismes de
financement.
1-1 - Définition des politiques publiques et grandes orientations
La définition des priorités nationales et des politiques publiques, au niveau fédéral en matière de
recherche et d’innovation est largement guidée par les besoins économiques, industriels en
Allemagne. Elle se fait avec principalement le ministère fédéral de l’enseignement et la recherche
(« BMBF ») et le ministère fédéral de l'économie et de la technologie (« BMWi ») et repose sur une
coordination interministérielle. Elle s’appuie sur des démarches de prospectives, des analyses et des
recommandations menées et émises par différentes structures qui participent également au suivi de
leur mise en œuvre :
- L’Union de l’économie et de la science pour la recherche, composée de 25 personnalités issues du
monde de la recherche publique et de l’entreprise (« Forschungsunion Wirtschaft-Wissenschaft »), en
particulier en charge de de l’élaboration de la stratégie « High Tech » allemande a été reconduite
jusqu’en 2020. C'est au sein de la Stratégie High Tech que sont coordonnés les différents outils
d'incitation à la recherche au niveau fédéral). Elle est adossée d’un point de vue administratif au
BMBF qui joue lui-même le rôle d’interlocuteur privilégié pour la mise en œuvre de la stratégie pour
l’ensemble des ministères fédéraux concernés.
- Le groupe « dialogue pour l’innovation » (« Innovationsdialog ») est composé d’experts que la
Chancelière réunit deux fois par an auprès d’elle pour aborder les questions de stratégie en matière
d’innovation et de compétitivité.
- L’académie des technologies, créée en 2008, joue en particulier un rôle de coordination du groupe
« dialogue pour l’innovation ».
Deux structures extérieures à l'État fédéral et aux Länder, la Gemeinsame Wissenschaftskonferenz
(Conférence scientifique commune - GWK) et le Wissenschaftsrat (Conseil pour la science - WR)
fournissent également des analyses et avis avec une activité de suivi du mécanisme de financement
de la recherche publique allemande
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 85
Sur la base des champs thématiques définis, répondant en particulier à des enjeux économiques et
sociétaux, avec la définition de programmes-cadres adoptés, les financements fédéraux issus des
différents ministères sont mobilisés. Ils irriguent directement des structures qui ont des missions
d’agences de moyens en matière de recherche, et les grands organismes indépendants (Fraunhofer
etc.) ; ils peuvent être directement gérés par les ministères dans le cadre de programmes
transversaux, c’est le cas pour BMBF dans des programmes où intervient en particulier une
dimension de recherche partenariale. Il faut noter qu’au-delà des soutiens à la recherche mis en
œuvre par les Länder (incluant la dimension de recherche partenariale via par exemple ses clusters,
infra) ceux-ci sont en charge du budget de fonctionnement des universités présentes sur leur
territoire, les financements d’origine fédérale ne portant que sur les projets de recherche via en
particulier le DFG (infra). Néanmoins cette situation est en cours d’évolution.
1-2 - La programmation et le financement des actions
- Les « Projektträger » (« porteurs de projet ») sont des structures prestataires auxquels les
ministères fédéraux et des Länder confient la gestion des programmes fédéraux. Pour le BMBF, ils
sont chargés de mettre en œuvre les programmes de soutien à la R&D dont il a la charge ou assure la
coordination depuis la gestion des appels d’offre des projets, jusqu'à l’attribution des financements ;
ce sont en général des structures de gestion elles- mêmes rattachées à des centres de recherche
(Centre de recherche de Jülich – FZJ, Centre allemand de recherche aérospatiale – DLR etc.).
- La « Deutsche Forschungsgemeinschaft » DFG (l’équivalent de l’ANR) est l’agence de moyens
pour la recherche allemande. La DFG est le principal outil pour le soutien sur projets de la recherche
universitaire en faisant appel à des experts internationaux et en se basant sur l’excellence
scientifique. 80% du budget sert à financer les projets de recherche universitaires. Les différents
programmes d’actions de la DFG concernent des projets de recherche individuels, des centres de
recherche coordonnés, des programmes prioritaires, des écoles doctorales. L’ensemble des
disciplines est concerné. Le pilotage de la recherche via appels à projets joue donc un rôle important
en Allemagne mais une différenciation apparaît entre les universités et les grands organismes qui
gardent une autonomie programmatique forte en interne (infra).
1-3 - Les opérateurs
- Les universités
L’Allemagne compte environ 370 établissements publics ou semi-publics d’enseignement supérieur
dont 110 universités et 200 écoles supérieures spécialisées à vocation technologique (l’équivalent
d’écoles d’ingénieurs rebaptisées aujourd’hui universités technologiques). Elles concentrent en leur
sein une très grande part des activités de recherche du pays dont le financement est largement issu
du DFG. Elles développent dans tous les domaines une activité de recherche fondamentale mais sont
également orientées vers la recherche appliquée et développent de nombreuses collaborations avec
le secteur privé. La valorisation des travaux de recherche menés est assurée par des agences
d'exploitation des brevets (« Patent Verwertungsagenturen », PVA). Ces agences, qui sont réparties
dans les 16 Länder, ont été mises en place suite à la loi sur "l'abolition des privilèges des professeurs"
avec le transfert des droits de propriété intellectuelle des inventeurs aux institutions ; leur activité
est centrée sur la commercialisation des produits et brevets issus de la recherche.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 86
- Les grands organismes de recherche
L'Allemagne compte également 4 grands organismes de recherche disposant d’une autonomie de
gestion et bénéficiant de financements conjoints État Fédéral/Länder. Leurs champs de recherche
sont pluridisciplinaires. Ces organismes sont libres de définir leurs propres priorités de recherche en
toute indépendance des ministères. Trois sont décrits.
- La « société Max-Planck » (« Max Planck Gesellschaft », MPG) est orientée vers des travaux de
recherche fondamentale et complète ainsi par ses moyens et ses activités les structures
universitaires dans les domaines de recherche couvrant la physique-chimie, la biologie-médecine et
les sciences humaines et sociales avec une grande prise en compte de la pluridisciplinarité. La MPG
compte 83 instituts et emploie environ 17 000 personnes ; son budget est soutenu à 80 % par l'État
Fédéral et les Länder, le reste provient essentiellement du financement de contrats. Elle possède une
structure centralisée qui assure la valorisation des travaux menés dans la société.
- La « société Helmholtz » (« Helmholtz Gemeinschaft deutscher Forschungszentren », HGF)
correspond à 18 centres de recherche organisés autour de 6 piliers thématiques au sein desquels les
centres mènent des recherches dans le cadre de programmes stratégiques : énergie, terre et
environnement, santé, technologies clés, structures de la matière, transport et espace en s’appuyant
sur de grands instruments de recherche. En interne, la communauté HGF a adopté un concept de
financement de la recherche basé sur des programmes de recherche élaborés par les scientifiques de
la HGF et les centres de recherche sont mis en concurrence entre eux. Outre une politique de
valorisation propre, la HGF met en œuvre une stratégie propre en matière d’activité de recherche
collaborative avec le secteur privé. La HGF emploie de l’ordre de 28 000 personnes avec un budget
provenant à 70% essentiellement de l'État Fédéral avec une faible contribution des Länder, et à 30%
de financements propres. Les centres développent des actions en matière de recherche collaborative
et contractuelle avec une politique active de valorisation de leurs technologies.
- La société Fraunhofer, (« Fraunhofer Gesellschaft », FhG), est dédiée à la recherche technologique
et appliquée avec une dimension partenariale majeure afin de soutenir l’innovation du secteur privé
et accélérer le transfert de la recherche vers les marchés. Elle est composée d’environ 67 instituts
thématiques répartis sur 40 sites et emploie environ 23 000 personnes. Les instituts Fraunhofer se
sont regroupés en 7 alliances thématiques ("Verbünde") : Technologies de l’information et de la
communication, Défense et sécurité, Microélectronique, Sciences du vivant, Techniques des surfaces
et photonique, Technologies de la production, Matériaux. 15% du budget de la Fraunhofer
Gesellschaft est financé par l’État Fédéral et les Länder pour des infrastructures, et par le ministère
de la Défense. Le reste de son budget (85%) est financé à hauteur de 70% par des contrats passés
avec l'industrie ou dans le cadre de programmes collaboratifs (à parts égales) et 30% par des
subventions de l’État fédéral (90%) et des Länder (10%).
- Les « An-Institute » (« Institute an Hochschulen ») sont des instituts extra-universitaires
indépendants juridiquement de l’université dont ils sont issus, mais qui lui restent liés selon un
contrat de coopération, et qui se financent par des contrats avec les entreprises. Il en existe près de
550, qui emploient en Allemagne environ 5.200 personnes avec essentiellement des personnels
contractuels. Bien qu’un certain nombre peuvent avoir des objectifs orientés vers la recherche
fondamentale, le transfert de connaissances, ou l’enseignement, ils sont surtout dédiés à la
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 87
recherche technologique et appliquée et jouent depuis plusieurs décennies un rôle important dans le
transfert de technologies en Allemagne grâce à une grande proximité des entreprises.
2 - Outils et dispositifs incitatifs de soutien à l’innovation développés en matière de R&D
partenariale.
Le gouvernement fédéral a mis en place une série de programmes pour faciliter le transfert
technologique et les partenariats public-privé. Les dispositifs de soutien à l’innovation qui ne ciblent
que les entreprises (soutien direct aux activités de R&D) ou les laboratoires dans des stratégies de
valorisation directe (soutien aux activités de maturation, activité commerciale du transfert
technologique, création d’entreprises innovantes et investissement associés) ne sont pas développés
ici.
2-1 - Le programme des clusters de pointe « Spitzencluster » a été initié en 2007 par le
BMBF pour stimuler les partenariats public-privés dans les domaines-clés de la Stratégie High Tech.
Ouvert à toutes les thématiques et sur l’ensemble du territoire sans souci de répartition, le
programme des clusters de pointe s’est appuyé sur des appels à candidatures basés uniquement sur
des critères d'ancrage régional, une masse critique avec une excellence reconnue, une stratégie
durable identifiée et la capacité à lever les fonds privés à hauteur d’au moins 50% abondant la
subvention fédéral. Trois concours ont été lancés (2008, 2010 et 2012) et ont sélectionné les
thématiques de l’électronique organique (Rhin-Neckar), la microélectronique à haute efficacité
énergétique (Saxe), le photovoltaïque (Solarvalley dans le centre de l'Allemagne), l’aéronautique
(Hambourg), la médecine personnalisée (Munich et région Rhin-Neckar), les technologies de la santé
(Nuremberg), les TIC (Sud- ouest de l’Allemagne), les microtechniques (Bade-Wurtemberg),
l’efficience en logistique (Ruhr), la bio- économie (Saxe-Anhalt et Saxe), l’immunothérapie (Rhénanie-
Palatinat, Hesse, Bade-Wurtemberg), l’électro-mobilité (Bade-Wurtemberg), les systèmes intelligents
(Rhénanie du Nord-Westphalie), les nouveaux matériaux (Bavière). Les quinze clusters choisis
recevront un total de 600M€ sur cinq ans du BMBF sans renouvellement possible, l’objectif étant de
créer une dynamique autonome pérenne du cluster. L’objectif est atteint pour certains clusters issus
de la première vague. Ces clusters s’appuient sur des structures d’animation chargées en particulier
de mettre en œuvre les collaborations entreprises/laboratoires publics via des appels à projets qui
soutiennent le transfert de résultats de R&D vers des produits et services innovants.
La dimension de cluster est intégrée depuis une dizaine d’années dans les politiques R&D de certains
Länder (Bade-Wurtemberg et Bavière en particulier) et contribue à catalyser une part importante de
la recherche collaborative menée dans le pays. Les Länder soutiennent des initiatives locales ou sur la
base d’une politique locale définissent des clusters basés sur les points forts de la région et les
soutiennent via des subventions (en Bavière, le budget alloué à cette politique a été de 39M€ sur la
période 2006-2011, 9M€ pour le fonctionnement et 30M€ pour des projets collaboratifs).
2-2 - Les Campus de Recherche
Les grandes entreprises ont la préoccupation de développer une stratégie en matière de recherche
inscrite sur le long terme afin de garder leur compétitivité. L’appui de la recherche publique est
essentiel à cet égard et se concrétise de longue date par de nombreuses relations bilatérales
structurelles avec le cofinancement de laboratoires communs et de chaires (40% de chaires financées
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 88
par une entreprises sur les 600 chaires recensées en 2010, 550 instituts financés par le secteur
industriel au sein des universités).
Afin de renforcer cette coopération, le BMBF a lancé l’initiative « Campus de Recherche »
(« ForschungCampus) ») dont le principe est de réunir physiquement sur un même site et autour
d’une même thématique, les partenaires. Au-delà de la synergie habituelle attendue, cette
coopération est conçue dans une perspective à très long terme avec le développement de projets
collaboratifs originaux et pré-compétitifs. Ce sont les Universités qui élaborent le projet et attirent
les entreprises qui s’implantent sur le campus via en particulier des PPP qui permettent de
développer des laboratoires communs avec le soutien du BMBF (2M€/an avec 10 campus actifs
aujourd’hui).
Les Länder soutiennent aussi des initiatives locales de coopération public-privé où des centres mixtes
sont non seulement dédiés à la R&D mais également à la formation dans le champ concerné
2-3 - Le programme central d’innovation des PME (« Zentrales innovations programm
Mittelstand », ZIM) est mis en œuvre par le BMWi. Il est destiné à favoriser le développement du
potentiel technologique et d'innovation des PME. Il comprend plusieurs volets dont le principal
soutient les coopérations avec la recherche académique pour des projets collaboratifs sur le
segment R&D appliquée (« ZIM-KOOP », environ 70% du programme avec plus de 500M€ pour
2013). Ce programme est très flexible, il est mis en œuvre sans conditions thématiques ou
technologiques avec la possibilité de déposer un dossier au fil de l’eau ; la procédure est rapide et la
décision de financement intervient dans les trois mois.
2-4 - Le programme de recherche collective (IGF) développé par le BMWi, ciblé PME. Il s’agit
d’un dispositif de soutien à l’innovation des entreprises où un financement sur un projet, porté par
une entreprise, sélectionné par un comité ad hoc, est accordé à un laboratoire afin de travailler sur
un thème conduisant à une exploitation commerciale.
2-5 - Le programme GO-INNO correspond à des financements ponctuels destinés à
permettre à des entreprises de bénéficier de l’expertise de laboratoires publics pour répondre à des
besoins exploratoires ou développer des collaborations.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 89
Annexe 7 : Les États-Unis
Un descriptif de l’organisation du système de recherche, des instances d’élaboration des politiques
publiques de recherche et des principaux canaux de financements est présenté. Des dispositifs de
soutien, essentiellement de nature fédérale, sont également décrits.
1 - Les grandes orientations en matière de recherche sont élaborées par les agences fédérales et les
départements concernés ainsi qu’un ensemble de structures d’analyses et de conseil.
Aux États-Unis, la gouvernance de la recherche repose sur un système décentralisé. Les choix,
orientations et priorités en matière de recherche et de politique scientifique sont élaborées par une
trentaine d’agences fédérales, indépendantes ou adossées à leurs départements (l’équivalent des
ministères) et une série de conseils proches ou dépendants de la Maison-Blanche sans qu’une
coordination formelle existe (il n’y a pas d’équivalent d’un ministère de l’enseignement supérieur et
de la recherche). Les principales agences fédérales sont décrites §2. Trois structures de conseil
jouent un rôle majeur.
- L’« Office of Science and Technology Policy » (OSTP), le Bureau de la Politique Scientifique
et Technologique, dépend directement de l' « Executive Office » de la Maison Blanche. Son directeur
est, de fait, le conseiller pour la science du président avec plusieurs rôles :
1. conseiller le Président sur les impacts de la science et de la technologie sur les affaires intérieures
et internationales,
2. conduire un effort inter-agences afin de développer et de mettre en place des politiques et des
budgets équilibrés en matière de science et de technologie,
3. travailler avec le secteur privé afin de s'assurer que les investissements fédéraux dans la science et
la technologie contribuent à la prospérité économique, la qualité environnementale et la sécurité
nationale,
4. créer des partenariats entre le gouvernement fédéral, les gouvernements des États fédérés et les
gouvernements locaux, les pays étrangers et la communauté scientifique,
5. évaluer l'échelle, la qualité et l'efficacité de l'effort fédéral en science et en technologie.
- Le « National Science and Technology Council » (NSTC) est le comité de coordination de la
politique scientifique et technologique fédérale. Il rassemble les directeurs d’agences fédérales. Il est
présidé par le Président avec notamment le vice-président, le directeur de l'OSTP, des secrétaires du
« cabinet » (l’équivalent des ministres) et des directeurs des agences fédérales. Il joue un rôle majeur
dans la définition d’objectifs nationaux, des stratégies de recherche et de développement et les
investissements fédéraux mis en œuvre par les agences fédérales.
- Le « President’s Council of Advisors on Science and Technology » (PCAST) est un comité
consultatif avec 35 membres issus de l'industrie, de l'enseignement, de la recherche et d'autres
organisations non gouvernementales, dont le directeur de l’OSTP. Il constitue une interface avec le
secteur privé et la communauté universitaire dont il recueille les avis.
Il faut ajouter à ces organes de conseil de nombreux « think tanks » (« National Academy of
Science », « American association for the advancement of science », associations d’acteurs de
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 90
l’enseignement supérieur, lobbies…) qui alimentent les réflexions et influent sur la stratégie
nationale en matière de science et technologies.
Bien qu’à la suite de ce processus d’élaboration, chaque agence ou département concerné défende
ainsi directement auprès des commissions du Congrès ses priorités, programmes et financements
nécessaires, le Président américain reste un acteur central car il est responsable, in fine, de la
validation du budget fédéral de la recherche adopté par le Congrès au bénéfice de ces différents
acteurs.
2 - Les agences fédérales via leurs programmations et les financements associés assurent le
pilotage de la recherche menée par les opérateurs américains.
La grande majorité de la recherche financée sur fonds fédéraux est effectuée dans le cadre de
plusieurs centaines de programmes fédéraux gérés par les différentes agences et départements. Les
crédits sont attribués pour l'essentiel sur appel d’offres dans le cadre d’un processus compétitif guidé
par l’originalité, l’impact attendu et la qualité scientifique dans le cadre d’un projet (une évaluation
« par les pairs », est mise en œuvre avec des experts extérieurs et indépendants) et prennent la
forme de subvention (financement de projets ou accords de coopération pour la création de centres
de recherche et la mise en œuvre de grands équipements) et de contrats (certaines agences comme
la NASA passent directement des contrats sans appels d’offres). Ils sont répartis entre les trois
principaux acteurs de la R&D américaine : les universités, les laboratoires fédéraux et les entreprises
industrielles (infra). Une brève présentation des principales agences et départements impliqués qui
concentrent 90% du budget fédéral de R&D, est proposée en essayant de suivre un ordre décroissant
au regard du montant des budgets mobilisés.
- Les « National Institutes of Health » (NIH, au nombre de 27) dépendant du « Department
of Health and Human Services » (le ministère de la Santé et des Services à la personne) représentent
le premier poste du budget fédéral de R&D et constitue la principale source de financement de la
recherche médicale américaine. Cette agence de moyens subventionne la recherche universitaire au
niveau d’environ 32 milliards de dollars. Environ 10 % du budget des NIH est utilisé pour financer les
projets dans leurs propres laboratoires (recherche intra-murale, 6 000 scientifiques). Relativement
indépendants les uns des autres, les actions de chaque institut sont coordonnées par un « Office of
the Director ».
- La « National Aeronautics and Space Administration » (NASA), l’Administration Nationale
de l’Aéronautique et de l’Espace, avec 18 milliards de dollars de budget prévus pour 2015, est
indépendante. En matière de recherche et de développement, elle couvre l’exploration spatiale dans
ses différents aspects avec des programmes allant jusqu’à la biologie et les sciences de la terre. Outre
son activité d’agence de moyens, elle possède ses propres centres (« Ames Research Center », « Jet
Propulsion Laboratory »).
- Le « Department of Energy », (DoE), ministère de l’énergie est un autres grand acteur du
financement, avec environ 13 milliards de dollars (2014), gérés entre autres par son « Office of
Science et la National », la « Nuclear Security Administration », l’agence « ARPA-E ». Les laboratoires
du DoE, avec leurs très grands équipements, comptent parmi les principaux acteurs de la recherche
aux États-Unis dans le domaine des sciences physiques. Ils sont impliqués à la fois dans le militaire
(pour le domaine nucléaire) et le civil.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 91
- La « National Science Foundation » (NSF), Fondation Nationale des Sciences, indépendante,
est essentiellement tournée vers la recherche fondamentale et vers l’éducation dans tous les
domaines de la science et de l’ingénierie (excepté le domaine biomédical financé par les NIH) et
fonctionne exclusivement comme une agence de moyens (demande budgétaire 7,3 milliards de
dollars en 2015). Elle finance des projets, des grands équipements et des structures d’excellence,
« Science and Technology Centers » (STC), les « Nanoscale Science and Engineering Centers » (NSEC).
Elle possède un organe consultatif, le « National Science Board » (NSB), composé d'universitaires et
d'industriels, qui guide les activités de l'agence et remplit également une fonction de conseil pour la
politique scientifique nationale.
- La « Defense Advanced Research Projects Agency » (DARPA) avec un budget d’environ
3 milliards de dollars est adossé au « Department of Defense » DoD, ministère de la Défense qui
consacre environ 65 milliards de dollars sur actions de développement (le plus gros budget).
- Le « National Institute of Standards and Technology » (NIST) adossé au « Department of
Trade », ministère du Commerce, joue un rôle important à l’interface entre les mondes universitaire
et industriel ; il soutient en particulier les secteurs technologiques afin d’améliorer la productivité
industrielle.
- La “National Oceanic and Atmospheric Administration” (NOAA), agence indépendante est
un acteur important des programmes fédéraux liés à l’évaluation des changements climatiques et de
leurs conséquences.
- Le « Department of Homeland Security”, le ministère de la Sécurité Intérieure contribue en
matière de R&D à de sujets couvrant les risques chimiques, biologiques et nucléaires.
- Le “Department of agriculture” (USDA) mobilise de l’ordre de 2,5 milliards de dollars
3 - Les opérateurs de la recherche : les universités et laboratoires fédéraux
3-1 - Les universités
La recherche dite « académique » où la part de recherche dite fondamentale est exécutée, se
déroule pour une large part dans les universités publiques et privées (environ les deux tiers des
chercheurs du secteur public sont employés dans les universités). Celle-ci est concentrée sur environ
200 établissements qui recueillent la quasi-totalité des crédits fédéraux de recherche sur les 3000
établissements d'enseignement supérieur présents aux États-Unis. Quelques universités phares
comme Harvard, Stanford ou le « Massachusetts Institute of Technology » (MIT) sont ainsi des
champions mondiaux.
La mise en œuvre d’un projet de recherche revêt plusieurs spécificités dans le système universitaire
américain. Les financements de projets (une large partie des budgets fédéraux réalisées dans les
universités) sont effet alloués sur une base individuelle (« grant ») au chercheur (statutaire ou non au
sein d’une institution, université ou autre d’ailleurs) qui a déposé une demande de fonds dans le
cadre d’un programme : le « Principal Investigator ». Celui-ci assure la conduite scientifique et
administrative du projet ; au-delà des travaux de recherche qu’il pilote, il gère directement ses fonds
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 92
comme un entrepreneur (financement des équipements et des salaires pour des techniciens et des
post-doctorants).
Par ailleurs, une partie des professeurs développent plusieurs activités en lien avec leur laboratoire
mais hors de l’université, des activités de consultance ainsi que, souvent, des interventions dans une
entreprise qu’ils ont contribué à créer. Chaque université définit et applique une politique de
contrôle en matière de risque de conflits d’intérêt entre les activités de recherche menées dans le
cadre de leur fonction universitaire et leur activité d’entrepreneur privé.
Dans un contexte où seuls les professeurs titulaires (« tenured ») ont une stabilité de l’emploi
comparable à celle des enseignants-chercheurs français, la précarité prévaut pour les « assistant
professors » (équivalent des maîtres de conférences), les post-doctorants et doctorants qui
fonctionnent sur la base de contrats à durées déterminées (principalement d’origine fédérale). Le
niveau de financement de la R&D aux États-Unis permet un accès relativement aisé à ces contrats
mais dans un environnement compétitif. Cette situation explique la tradition de mobilité aux États-
Unis avec une intégration importante de ces personnels dans le secteur industriel.
En matière de valorisation et transfert de leurs travaux de recherche, la plupart des universités
disposent de leur propre centre de transfert de technologie. La loi Bayh-Dole (1980) et la loi
Stevenson-Wydler sur l'innovation technologie (1986) ont respectivement permis aux universités et
aux laboratoires fédéraux de conserver la propriété des inventions (en particulier si des fonds
fédéraux sont impliqués) et d’exploiter directement leur propriété intellectuelle via la négociation de
licences (exclusives ou non-exclusives) avec les entreprises.
3-2 - Les laboratoires fédéraux
Les agences et les départements mènent des programmes de recherche dans leurs propres
laboratoires (dite « intra-murale »), qui peuvent soit être financés par l'agence hors appel à projets
soit répondre aux programmes fédéraux évoqués. Par ailleurs, ils accueillent la plupart des grands
équipements de recherche américains.
Un certain nombre sont indiqués dans la présentation des agences (supra). Certains laboratoires
nationaux, internes aux agences et départements, sont administrés directement par le
gouvernement, d'autres sont gérés par des universités ou des entreprises avec des chercheurs qui
ont des statuts proches des postes permanents existants dans nos organismes de recherche. Ils
mettent en œuvre leurs propres structures de valorisation et transfert.
4 - Des dispositifs fédéraux et nationaux de soutien à l’innovation et la R&D partenariale.
La culture de la collaboration public-privé est considérée comme l'une des clés de la réussite des
États-Unis. L’activité spécifique que représente la recherche partenariale (recherche collaborative,
contrats de recherche) n’est pas renseignée de manière statistique dans les divers bilans et
évaluations menées sur la recherche dans ce pays. Pilotés au niveau fédéral avec des initiatives ou
interventions complémentaires des États, un certain nombre de dispositifs de soutien à la recherche
collaborative sont mis en œuvre (la dimension valorisation direct, transfert par licences ou création
d’entreprise n’est pas développée).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 93
4-1 - Des financements destinés à soutenir la R&D et l’innovation des PME sont mis en
œuvre depuis 1980.
- La « Small Business Administration » (SBA) fédérale pilote deux programmes de soutien à la R&D
des PME (selon la définition américaine le nombre d’employés ne doit pas dépasser 500). Elle en a la
coordination mais ce sont les agences fédérales réalisant des recherches extra-murales qui allouent
une partie de leurs budgets et ont la charge d’évaluer les projets dans leurs domaines d’expertise et
d’attribuer les fonds.
- Le « Small Business Innovation Research » (SBIR) est un dispositif créé suite à la loi de 1982 (Small
Business Innovation Development Act). Il oblige 11 grandes agences fédérales de recherche à
consacrer au moins 2,5% de leur budget au financement de programmes de recherche menées au
sein de PME (il s’agit d’une subvention à la R&D interne de l’entreprise). L’impact de ce programme
est considéré comme très bon.
- Le « Small Business Technology Transfer » (SBTR) lancé en 1993, est un programme
complémentaire du SBIR, qui subventionne la R&D des petites entreprises dans le cadre d’un projet
mené en collaboration avec une université ou une autre institution à but non lucratif. Cinq agences
fédérales de recherche sont tenues d’allouer 0,3% de leur budget à ce programme. La phase I est
destinée à une étude de faisabilité, avec une subvention pouvant aller jusqu'à 225 000$. Si l'étude
est concluante, l'entreprise peut alors prétendre à une phase II d'approfondissement afin de
développer la preuve de concept ou le prototype sur une durée de deux ans pour un montant
pouvant aller jusqu’à un million de dollars, dans le but de promouvoir le déploiement commercial de
cette technologie (phase 2).
4-2 - Des programmes de soutien à la recherche collaborative ciblés sont développés afin
de rassembler des chercheurs sur des thèmes prioritaires.
- Les “Industry / University Cooperative Research Centers” (I/UCRC) ont été lancés en 1996. Ce sont
des centres de recherche collaborative, généralement abrités par des universités où un groupe de
chercheurs portent une initiative qui doit regrouper un nombre minimal de partenaires industriels et
académiques. L’objectif est l’établissement et le développement de relations sur le long terme : les
laboratoires développent une recherche amont orientée jusqu’au stade « proof of concept » avant le
développement pris en charge par les partenaires industriels. Ce programme est soutenu par la NSF
avec un cofinancement des partenaires industriels qui ont un droit de regard sur les résultats des
projets de recherche. Selon la NSF, pour 1$ versé par le gouvernement fédéral, 10$ sont versés par
l’industrie et les retombées économiques sont estimées à 100$. On compte 64 centres en 2014 dans
des domaines variés : électronique de pointe et photonique, fabrication de pointe, matériaux
avancés, biotechnologies, infrastructures civiles, énergie et environnement.
- Les « Manufacturing Innovation Institutes » (MIIs)
Face au constat d’une perte de compétitivité et d’emplois dans l’industrie manufacturière
américaine, l’administration a décidé en 2012 de soutenir ce secteur en s’appuyant en particulier sur
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 94
un renforcement de l’innovation permettant le développement et la production de technologies de
pointe, compétitives à l’échelle mondiale ainsi que la mise en œuvre de procédés de fabrication
avancés afin d’augmenter la capacité de production de ses entreprises, quelle que soit leur taille.
L’initiative lancée en 2012 porte sur la création d’instituts basés sur un partenariat public-privé
dédiés au développement de technologies manufacturières spécifiques. Leur mise en place se
déroule dans un cadre concurrentiel d’appels à projets lancés par les agences fédérales, sous la
supervision du NIST (National Institute of Standards and Technology) où les fonds fédéraux sont
mobilisés à minima par les abondements des partenaires mise en œuvre sous forme de cotisations
annuelles (collectivités, industriels, universités). Organisée sous la forme d’un consortium avec une
gouvernance formalisée qui regroupe l’ensemble des partenaires et l’État fédéral, l’activité est
déclinée de manière centralisée ou au sein d’un réseau de plateformes pilotées par les différents
partenaires. L’objectif affiché est de voir chaque institut devenir autosuffisant financièrement au
bout de 7 ans par l’exploitation de brevets, l’obtention de contrats de R&D, la cotisation de ses
membres, etc.
Quatre instituts étaient actifs en 2014 :
- Le « National Additive Manufacturing Innovation » est un consortium 94 membres soutenu par un
investissement federal de 30 millions de dollars est dédié à l’impression 3D.
- Le « Next Generation Power Electronics Manufacturing Innovation Institute » avec 70 millions
de dollars a bénéficié d’investissement fédéral est consacré aux économies d’énergie dans le secteur
de l’électronique.
- Le “Digital Manufacturing and Design Innovation Institute “ avec 70 millions de dollars de
subventions regroupe 73 membres sur l’interopérabilité et la réduction des coûts de fabrication dans
le secteur du numérique.
- Le « Lightweight and Modern Metals Manufacturing Innovation Institute » avec aussi un
investissement fédéral de 70 millions de dollars, regroupe 60 membres sur les procédés de
production d’alliages légers (utilisés par exemple pour les éoliennes, les véhicules de combat et
l’appareillage médical).
Des initiatives portées par les états sont à noter. Par exemple,
- L'extension et la coopération au sein du cluster "Northwest Aerial Robotics Cluster". Autre projet, le
laboratoire de physique appliquée de l'université de Washington et l'université de Fairbank en Alaska
se sont associés afin d'obtenir un contrat du NSW à hauteur de 47 millions de dollars.
- La création du « Massachusetts Life Sciences Center », une agence de développement économique
quasi publique qui permet d’allouer un milliard de dollars (100 millions de dollars par an sur 10 ans)
afin d’encourager la coopération entre les établissements publics et privés dans le domaine des
sciences de la vie et de la santé ; en particulier le « Research Matching Grant Program » permet de
débloquer des fonds de l’état (sous réserve d’un co-financement par l’industrie) pour des
programmes de recherches menés conjointement par l’industrie et les centres de recherches.
4-3 - Le développement de la mise en réseau des acteurs industriels et des établissements
de recherche est soutenu au niveau fédéral et par les états.
Le concept de « cluster » (pôle) s’est développé aux États-Unis. L’un des plus emblématiques est
celui de la Silicon Valley, spécialisé dans les technologies informatiques. Il repose sur une
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 95
concentration géographique d'entreprises et d'industries qui ont des besoins communs en termes de
savoir-faire / main d'œuvre qualifiée, de technologies et d'infrastructures, et qui interagissent entre
elles en particulier dans le domaine de l’innovation en s’appuyant sur les ressources académiques
locales en matière de recherche. Le bénéfice est avéré en termes de croissance et de compétitivité
pour ces entreprises.
Afin de soutenir le développement de pôles de compétences, les « Regional Innovation Clusters »
(RICs), les agences fédérales ont mis en œuvre des programmes spécifiques, depuis 2010. En voici
quelques exemples :
- L'EDA ("Economic Development Aministration") qui a investi 75 millions de dollars, d'une part, dans
le programme "RIC framework" qui vise à financer les clusters régionaux les plus prometteurs, et
d'autre part, dans le programme "i6 challenge".
- Le SBA a lancé deux initiatives. La première finance à hauteur de 11 millions de dollars le
programme de l'EDA destiné à la formation, le mentorat et le transfert de technologie dans les PME.
La seconde soutient les programmes ADTs destiné aux PME dans les pôles en partenariat avec le
DoD.
- La NSF a, quant à elle, investi dans deux directions : 12 millions vont au programme "NSF Innovation
Ecosystems" visant à soutenir les universités (transfert de technologie, formation de start-ups) et
19,2 millions à l'initiative "Partnership for Innovation"
- Le DoE qui a initié en 2010 le "Energy Regional Innovation Cluster" (E-RIC) financé à hauteur
129,7 millions. Ce montant est attribué au GPIC ("Philadelphia Innovation Cluster").
Financé et créé par la législature du Massachusetts grâce à la « 2006 Economic Stimulus Bill », le
Massachusetts Life Sciences Center (MLSC) a été annoncé par le gouverneur début mai 2007, dans le
cadre du « Massachusetts' New Life Science Initiative ». Destiné à couvrir un large éventail de sujets,
des nanotechnologies à la bio-défense, le MLSC a pour but de promouvoir la meilleure recherche en
sciences de la vie, de renforcer les résultats dans le domaine de la santé et de soutenir une stratégie
globale au niveau de l’état dans les sciences de la vie en encourageant la coopération entre les
établissements publics et privés. Destinée à combler la baisse de financement de la recherche par les
Instituts nationaux de santé (NIH), cette initiative permet aussi de retenir les talents de renommée
mondiale établis dans le Massachusetts en leur offrant des fonds supplémentaires pour la conduite
de leur recherche.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 96
Annexe 8 : Israël
Un questionnaire établi par la mission a été rempli en mars dernier par le Service scientifique avec
l’appui du Service économique de l’Ambassade de France en Israël. Les données très complètes qu’il
contient ont été d’une grande utilité pour la mission. Il est reproduit ci-dessous. La conclusion
principale que l’on retire de ces analyses, est que d’une manière générale, et ce quelques soient les
indicateurs utilisés, Israël apparaît aujourd’hui comme un des « premiers de la classe » en matière
de relations entre les entreprises et la recherche publique.
La mission s’est donc rendue en Israël au mois de mai afin de comprendre les sources du dynamisme
israélien, en portant une attention particulière à la gouvernance, et en examinant les possibilités
d’importer en France les pratiques les plus efficaces.
1) D’un point de vue historique, il faut savoir que la création des premières institutions
d’enseignements supérieures (HEI ou Higher Education Institutions) a précédé la création de
l’État d’Israël : Technion en 1924, Université de Jérusalem en 1925. L’autonomie des HEI vis-
à-vis de l’administration centrale a donc un ancrage historique très fort. Il existe une
structure tampon assez légère qui fait l’interface entre le gouvernement et les HEI, appelée
le CHE (Council for Higher Administration) de 25 membres, créée en 1958, complétée en
1977 par un comité de 7 membres (PBC, Planning and Budgeting Committee). Ces deux
comités assurent la gestion de l’accréditation et de l’évaluation (CHE) ainsi que des finances
(planification et bugdet, PBC) de 63 HEI présentes en Israël aujourd’hui (dont 7 grandes
« universités de recherche » (Research Universities) qui concentrent l’essentiel de l’activité
de recherche).
2) L’extraordinaire succès d’Israël en matière de collaboration entre la recherche et les
entreprises peut être d’après le tableau comparatif ci-dessous, qui donne les chiffres clés de
l’activité d’invention d’Israël, du Japon, des USA et du Royaume Uni :
Israël Japon USA UK
Invention Disclosures
528 8 949 23 741 4 300
Patent Applications
431 6 962 13 224 1 942
License Agreements
1 053 8 808 5 130 4 300
IP Revenues (MUSD)
481 410 2 600 111
R&D Expenses in High Education (MUSD)
1 224 20 336 62 723 10 361
IP Revenues standardized with R&D expenses
39 % 2 % 4 % 1 %
(source : Israel’s Central Bureau of Statistics Survey, 2014, données transmises par Dana Gavish Frydman, VP Marketing du Yissum, structure de transfert de technologie de l’université de Jérusalem).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 97
Le « rendement » du système, défini en termes de Revenus de la propriété intellectuelle
divisés par les Dépenses globales en R&D faite dans l’enseignement supérieur est entre 10 et
40 fois plus grand en Israël que dans les trois autres pays.
3) L’examen de la gouvernance du système israélien montre clairement que les personnes en
charge ont dans une très grande majorité une expérience réussie en recherche/innovation
immédiatement détectable avec la méthodologie développée dans les annexes 2 et 3. A titre
d’exemple, on notera que le professeur Manuel Trajtenberg de l’université de Tel Aviv est
l’un des meilleurs experts mondiaux de l’économie des brevets et de sa relation avec les
analyses de citations. Il a été le président du PBC avant de devenir membre de la Knesset. Le
financement des 7 universités de recherche repose aussi directement sur des données de
citations (34 % du financement étant lié aux publications scientifiques, pondérées par les
facteurs d’impact des revues où elles ont été faites). L’excellence scientifique et technique,
l’ouverture sur l’extérieur (indispensable pour ce petit pays), une attention extrême
accordée à une évaluation internationale et sans conflit d’intérêt) apparaissent comme les
ingrédients essentiels du succès de cette gouvernance.
4) D’une manière générale, l’efficacité du système israélien est associée à une très grande
économie de moyens présents dans la gouvernance (petites structures avec peu de
personnes très qualifiées), et c’est sans doute la leçon la plus utile à en retirer.
5) L’administration Israélienne est épaulée par un ensemble de directeurs scientifiques (le
terme anglo-saxon courant étant celui de Chief Scientist Adviser ou CSA) qui conseillent le
gouvernement sur toutes les questions où la science et la technologie doivent être prises en
compte dans la prise de décision. Il y a un CSA par ministère. Deux ont un rôle particulier: le
CSA du ministère de l’économie est en charge du financement de la R&D dans les
entreprises, le CSA du ministère de la science et de l’espace préside le conseil formé par
l’ensemble des CSA et assure la coordination interministérielle. On retrouve ce concept de
CSA dans d’autres petits pays très innovants (par exemple la Nouvelle Zélande).
L’introduction d’une structure de ce type en France fait partie des recommandations de la
mission.
La réponse de l’ambassade de France en Israël au questionnaire de la mission a été intégralement
reprise ci-dessous, pour plus de précisons.
--------
Questionnaire international
Mission sur les relations entre les entreprises et la recherche publique
26 mars 2015
Ce questionnaire a été rempli par le Service scientifique avec l’appui du Service économique de l’Ambassade de France en Israël, ce dernier étant en charge des questions d’innovation et de R&D au sein de l’ambassade.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 98
Objet de la mission
La mission, réalisée conjointement par l’IGAENR, le CGE, est consacrée aux relations entre les entreprises et la recherche publique. Ces relations peuvent prendre plusieurs formes :
� recherche partenariale avec le secteur public : contrats directs, recherche collaborative, activités de consultation, chaires, labos communs, Instituts Carnot, CTI, CRT...,
� de licensing : cellules de valorisation, SATT..
� et de transfert de compétences et de création d’entreprises : transferts de personnels, incubateurs….
Les relations entre les entreprises et la recherche publique apparaissent meilleures qu’en France dans certains pays comme l’Allemagne ou Israël. L’objectif de la mission est de contribuer à l’amélioration de ces relations en France en s’inspirant des exemples donnés par les pays les plus performants.
La mission va pour cela :
� - Analyser les rôles joués par les trois acteurs impliqués dans la relation entreprises-recherche publique, à savoir les entreprises, la recherche publique et l’administration en charge de ces relations. Décrire la gouvernance de ces acteurs, en insistant sur l’aspect ressources humaines, sur la nature des compétences requises pour participer aux prises de décision.
� - Etablir un bilan des relations françaises existantes et des différentes modalités d’échanges entre les entreprises et les institutions publiques actives en matière de recherche ; analyser le rôle des différentes structures d’intermédiation. Ce bilan s’appuiera sur l’exploitation des « key performance indicators » (KPI) pertinents (données macroéconomiques de dépenses de R&D, nombre de brevets etc. complétées autant que possible par des indicateurs de qualité de type citations de publications ou de brevets).
� - Conduire une comparaison internationale sur la gouvernance, le bilan et les dispositifs avec notamment les États-Unis, Israël, Grande Bretagne et l’Allemagne, pour laquelle la mission approfondira les pratiques de coopération, les effets des dispositifs publics et des outils d’incitation avec en particulier une analyse du rôle des Instituts Fraunhofer comparé à celui des Instituts Carnot et en interrogeant des entreprises française implantées également en Allemagne.
� - Identifier les freins et les moteurs qui interviennent sur ces relations. Elle s’appuiera à la fois sur une approche hypothético-déductive et sur une analyse des attentes des entreprises et de leur degré de satisfaction dans la relation avec les institutions de recherche publiques (enquête sous forme d’interviews sur grille d’entretien).
- Faire des recommandations pour améliorer les échanges et interactions entre entreprises et recherche publique.
Questionnaire général122
1/ Acteurs impliqués dans la relation entre les entreprises et la recherche publique :
Trois acteurs participent à la recherche civile en Israël :
• la recherche académique, principalement publique (universités et hôpitaux), qui conduit l’essentiel de la recherche fondamentale, mais qui est également très engagée dans des partenariats publics-privés et la recherche appliquée, la commercialisation étant assurée par des sociétés de valorisation internes à chaque université et hôpital ;
122
Cette étude porte à titre principal sur la recherche civile.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 99
• la recherche privée en entreprise, de très loin majoritaire ;
• l’État qui joue un rôle important pour orienter et financer tant la recherche fondamentale qu’appliquée.
D’un point de vue global, les dépenses nationales de R&D se répartissent comme suit par type d’institution (source : Bureau national des statistiques) (1 € = 1,09 $ = 4,35 NIS au 25/03/2015) :
Institutions
année
Organisations privées à but non-lucratif
(collèges académiques notamment)
Institutions dépendant du Haut conseil à l’enseignemen
t supérieur (laboratoires universitaires
et hospitaliers)
Autres institutions publiques, financées
sur le budget de
l’État (instituts
spécialisés)
Entreprises Total
En Million de shekels (NIS) 2011 447 5 126 775 31 477 37 825
2012 462 5 299 793 34 719 41 273
2013 464 6 214 899 36 573 44 150
a. La recherche académique (6,7 milliards de shekels en 2013, soit environ 1,5 milliards d’euros au cours du 25/03/2015) se fait principalement dans les universités publiques. Le financement de la recherche académique dépend par ordre d’importance de dotations ministérielles (45%), de fonds internationaux type Horizon 2020, d’entreprises (commandes, partenariats et mécénat d’entreprises israéliennes et étrangères, de philanthropie (dons privés, fondations privées) et de revenus issus de la valorisation de la recherche.
Toutes les universités israéliennes (ainsi que plusieurs hôpitaux) se sont attachées depuis longtemps à assurer un lien fort entre enseignement, recherche et industrie. Le lien entre la recherche académique et l’industrie est principalement du ressort des offices de transfert de technologies (TTO) que les universités et hôpitaux ont développés en interne. Les principaux TTO (qui ont un statut de société dans la grande majorité des cas) sont Yissum (Université hébraïque de Jérusalem), Ramot (Université de Tel-Aviv), T3 (Technion de Haïfa), Yeda (Institut Weizmann), Birad (Université Bar Ilan), BGN Technologies (Université Ben Gourion), Carmel (Université de Haïfa) et Hadasit (Hôpital Hadassah). Dans le classement « IPO » 2014 des universités déposant le plus de brevets, on trouve les principales universités israéliennes (notamment Tel-Aviv : 35ème ; Jérusalem : 74ème ; Beer-Sheva : 91ème). Les sociétés de transfert de technologie internes aux universités et aux hôpitaux publics assurent la veille, la détection, la protection et la commercialisation des découvertes de leurs laboratoires, sous la forme de vente de licences d’exploitation des brevets. Elles supportent la charge financière et le suivi juridique lié aux brevets et la propriété intellectuelle reste la propriété de l’Université. Le TTO redistribue les revenus à l’Université/Hôpital et aux équipes de chercheurs, lesquels sont intéressés aux résultats selon des modèles variables d’un TTO à l’autre, et qui peuvent atteindre 40 à 60%.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 100
La vente de licence peut se faire soit à une entreprise existante, soit à une start-up créée à cette occasion (« spin-off »). Yissum, le TTO de l’Université hébraïque de Jérusalem a par exemple aidé à la création de 88 spins-off sur la période 1964-2014 (cf. infra). Les TTO peuvent même pour certains agir comme un fonds d’investissement, disposant de parts dans certaines sociétés créées. Poussant plus loin la logique de fonds, RAMOT, le TTO de l’Université de Tel-Aviv a inauguré en 2013 le fonds d’investissement Momentum ouvert aux États et aux acteurs privés internationaux. Doté de 24 millions de dollars d’acteurs principalement asiatiques (amorcé avec l’Indien Tata), il investit directement dans les recherches des laboratoires avec à la clé des options exerçables au moment de la commercialisation.
Exemple de YISSUM, TTO de l’Université hébraïque de Jérusalem
50 années de valorisation de la recherche 1964-2014
Inventions répertoriées 2403
Brevets déposés 8537
Licences commercialisées 725
Entreprises créés en Spin-off 88
Revenus générés par les licences donnée confidentielle
Impact évalué par Yissum des ventes de produits liés à ses technologies
2 Milliards $
Les sociétés de transfert de technologie peuvent bénéficier de programmes tels que Magnet (cf. 2.3/) afin de financer leurs projets sans que cela constitue l’essentiel de leurs ressources : l’OCS (Office of the Chief Scientist, au ministère de l’Economie) contribue par exemple à hauteur de 10 à 15% au budget de Yissum. b. La R&D privée en entreprise (36,6 milliards de shekels en 2013, soit euros) environ s’est développée historiquement autour de trois axes forts. Le premier est l’activité issue de la demande des armées, qui a conduit au développement d’une industrie militaire de premier plan, publique (ISRAEL AIRCRAFT INDUSTRIES, ISRAEL MILITARY INDUSTRIES et RAFAEL principalement) et privée (ELBIT et CHECKPOINT notamment), engagée dans de nombreux partenariats avec des universités et disposant en interne d’une importante activité de R&D. Le deuxième axe est celui de l’informatique et des TIC, sous l’impulsion notamment des grands groupes internationaux (américains pour l’essentiel) qui ont ouvert en Israël d’importants centres de R&D : Intel (4 centres de R&D), Cisco (seul centre en dehors des États-Unis), Motorola (2 centres de R&D) et Microsoft (le premier que le leader ait construit à l'extérieur de ses frontières) notamment. Le troisième axe est celui des sciences de la vie, domaine dans lequel la recherche publique israélienne est particulièrement développée (avec des brevets qui font la fortune de deux des universités). Le premier employeur privé israélien est le groupe TEVA, leader mondial du générique et qui dispose d’une importante activité de R&D ; par ailleurs, de grands laboratoires pharmaceutiques étrangers comme PFIZER et MERCK sont présents. Aujourd’hui, la R&D israélienne se déploie dans tous les pans de l’industrie. La R&D militaire irrigue de façon croissante la R&D civile et de nouveaux axes importants se développent, notamment sous l’effet d’une politique volontariste des autorités israéliennes : technologies « propres » (Israël est leader mondial dans le domaine des technologies d’irrigation par exemple) et carburants de substitution, nanotechnologies, cyber-sécurité principalement. c. Au niveau de l’État, la majorité des ministères possède une direction scientifique (un Chief scientist) qui oriente la recherche et finance des projets de R&D universitaires dans leurs champs de compétence. Les ministères disposant des budgets de recherche les plus importants sont les ministères de l’Economie, de la Défense, et de l’Agriculture.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 101
Pour ce qui est du soutien à la R&D en entreprise, c’est le Bureau du Chief scientist du ministère de l’Economie qui gère 65% des financements publics (l’équivalent d’environ 400 millions d’euros en 2014). Selon les secteurs, chaque entreprise peut faire appel en outre au ministère technique compétent sur son domaine pour des budgets spécifiques. C’est également l’OCS qui assure la mise en œuvre des accords de R&D collaborative signés par Israël à l’international et en bilatéral ; notamment la participation d’Israël dans Horizon 2020 et l’accord FIRAD signé avec la France en 1992. Pour ce qui est du financement direct par l’État de laboratoires publics non universitaires et non hospitaliers (0,9 milliard de shekels en 2013, soit environ 0,2 milliard d’euros), ce sont le ministère de l’Agriculture et du Développement Rural et le ministère de l’Énergie, de l’Eau, et de la Coopération Régionale qui en assurent l’essentiel du financement. Dans le secteur agricole, la R&D est menée principalement par l'Organisation de la recherche agricole du ministère de l'Agriculture dans son centre de recherche, Volcani, et ses antennes. Le budget de ce ministère pour l’ensemble de la R&D est de 314 millions de shekels en 2014. L'Institut israélien de recherche océanographique et limnologique participe aussi à l’effort de R&D mais dans une moindre mesure.
Le ministère de la Science, de la Technologie et de l’Espace (MOST) assure pour sa part une tutelle de l'activité de recherche scientifique publique mais n’a pas vocation à financer la R&D en Israël (son budget total pour la recherche est de 20 millions d’euros environ). Son Chief scientist préside le forum des Chief scientists des différents ministères ainsi que le comité ministériel pour la science et la technologie. Les principales missions de ce ministère sont de développer l’infrastructure scientifique et technologique avec une vocation à encourager les nouvelles technologies à fort potentiel économique et commercial, et de développer et maintenir les relations scientifiques internationales pour la promotion de la science israélienne. 2/ Les échanges entre les entreprises et la recherche publique : � Ampleur des partenariats de recherche public ? � Intensité selon les secteurs ? Il n’existe pas de base de données centralisée mesurant les partenariats de recherche public-privé. Leur intensité est palpable dans les secteurs des sciences de la vie, les technologies de l’information et la défense. � Organisation de la mobilité des chercheurs entre le privé et le public ? Il n’existe pas de mobilité organisée entre public et privé mais le passage du public au privé, et vice-versa, est fréquent, en lien notamment avec le nombre limité de postes de chercheurs statutaires au sein des universités. Ainsi, 70 % des chercheurs et managers diplômés du Technion travaillent dans des industries de haute technologie en Israël, en particulier dans les centres de recherche de grands groupes mondiaux : Microsoft, SAP, IBM, Google, Ericsson, Cisco, Motorola,… Toutes universités confondues, 30% des docteurs rejoignent le secteur public une fois leur diplôme obtenu. � Modalités du partage de la propriété intellectuelle, pour des brevets issus de coopérations
public/privé ?
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 102
Les sociétés de transfert de technologie privilégient la commercialisation de licences exclusives (y compris vis-à-vis des spin-offs), ce qui implique que la propriété intellectuelle des brevets reste dans les universités (les chercheurs percevant entre 40 et 60% des revenus générés par ces licences, le niveau dépendant à la fois de la politique du TTO et d’une approche au cas par cas). Une étude plus approfondie doit encore être menée en ce qui concerne les co-brevets. 3/ Outils d’incitation Il existe de nombreux programmes d’incitation à l’entreprenariat destinés aux étudiants. Un récent classement a montré que trois établissements universitaires israéliens figurent parmi les plus producteurs d’entrepreneurs au monde, le critère retenu étant que les entreprises créées par ces alumni soient soutenues par les fonds d’investissement, (Tel-Aviv : 9e ; Technion 19e ; Jérusalem : 37e). Pour être précis, il convient de remarquer que le moteur de l’entreprenariat israélien est davantage culturel que lié à des aides publiques directes. On encourage l’esprit d’entreprise plus que l’entreprise elle-même. Auprès du public étudiant, cet esprit est encouragé :
• par l’intégration d’accélérateurs sur les campus des Universités. ZELL dans l’Université privée IDC à Herzlia, ou encore l’exemple le plus emblématique, BIZTECH au Technion.
• par le biais de concours, suscités par ces mêmes accélérateurs : au Technion, le concours annuel BIZTECH est ouvert à plusieurs centaines de candidats. Sur les 25 dossiers présentés au jury, seuls 8 seront retenus sur des critères de sélection se fondent sur la force de l'équipe, le marché potentiel et la rupture technologique. Complètement gratuit, ce programme de deux mois entraîne les étudiants à l’exercice du pitch, les aide à construire leur projet et leur permet de jeter les bases de leur entreprise pendant leurs études. Le lauréat est doté de 50K$
• par le biais de conférences et formations dans toutes les facultés. A Tel-Aviv, ces formations sont centralisées par la Business School qui essaime aussi bien dans les écoles de sciences humaines et sociales que dans ses écoles d’ingénieurs et de mathématiques appliquées.
En ce qui concerne les chercheurs, comme cela a été évoqué en plusieurs endroits de cette étude, les incitations relèvent de la volonté de valoriser la recherche sur un plan commercial, de renforcer l’adéquation entre les besoins du marché et les orientations de la recherche, que d’une politique d’encouragement à la création d’entreprise. � Soutien public à cette recherche partenariale (montants financiers en Mds €, en % du budget
public de recherche etc.) ? Le programme Magnet (multisectoriel) est doté d’un budget de 60 M$ par an – détail infra. Le programme pour les nanotechnologies a reçu 150 M$ pour quatre ans. � Format privilégié par le gouvernement pour encourager les coopérations entre entreprises et
recherche publique :
Le gouvernement encourage les coopérations entre entreprises et recherche publique par le biais du programme-cadre « Magnet » de l’OCS, divisé en plusieurs programmes :
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 103
• Le programme central « Magnet » vise à promouvoir les transferts de technologie depuis les institutions universitaires vers l’industrie, en suscitant la création de consortia d’entreprises et de laboratoires académiques. Les programmes sont financés sur deux ans, à hauteur de 800 000 $, une collaboration entre un groupe de chercheurs et une entreprise dans le cadre d’un consortium. La durée de vie d’un consortium Magnet est de 3 à 5 ans et le financement peut être apporté jusqu’à 66% des dépenses de R&D pour les entreprises et jusqu’à 80% pour les universités. Un certain nombre de ces consortiums ont pour chef de file des groupes étrangers qui ont implanté des centres de R&D en Israël. Chacun des membres du consortium s’engage à autoriser ses partenaires à utiliser le savoir-faire acquis sans contrepartie. Les droits des brevets liés à la création de ces consortiums sont la propriété des différents partenaires.
• Le programme « Magneton » (ou « mini-Magnet ») poursuit le même objectif mais est destiné au soutien de relations déjà existantes entre des institutions académiques et des entreprises. Les modalités sont globalement comparables au programme central.
• Le programme « Nofar » soutient des projets de recherche universitaire dans des secteurs précis (biotechnologies, nanotechnologies, stockage d’eau et d’énergie, dispositifs médicaux) qui ont suscité l’intérêt d’une entreprise mais ne peuvent encore faire l’objet d’une application industrielle. L’objectif est de les faire progresser jusqu’au point où une coopération avec un partenaire commercial devient possible. Les subventions accordées, pour un an, sont plafonnées à 130 000 $ et peuvent constituer jusqu’à 90% du budget du projet soutenu, l’entreprise devant investir les 10% restants.
• Le programme « Kamin » vise à orienter la recherche universitaire appliquée et couvre 85 à 90% des dépenses plafonnées à 90K€ environ, sur 12 à 24 mois de R&D.
Israël valorise la prise de risque et l'innovation entrepreneuriale. La part de l'apport public dans cette réussite apparaît décisive et l'État israélien a choisi de concentrer ses moyens sur les premières phases de développement des projets entrepreneuriaux innovants.
Questions spécifiques
La recherche en entreprises
En Israël, les recherches menées par les entreprises représentent près de 85% de la DIRD et 90% des chercheurs :
• Comment est organisée cette recherche et quelles relations existent avec des structures publiques (université ou État) ?
Sur les 70 000 emplois dans le secteur de la R&D civile en Israël, 60 000 sont dans le privé. De nombreuses entreprises disposent de centres de R&D. Pour leurs relations avec des structures publiques, cf. 2.3/
• Y a-t-il des aides réciproques entre les entreprises, les universités et l’État (échanges de personnels, organisation de la propriété intellectuelle, création d’entreprises) ?
Plusieurs structures incitatives pour favoriser les partenariats entre les entreprises et la recherche publique sont mises en place par l’État (Programme Magnet, cf. 2. 3/).
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 104
Menant une expérience originale, le Technion propose à des entrepreneurs de l’extérieur via son Programme Entrepreneur in Residence (EIR), de venir sur site profiter de services d’accélération pour créer des sociétés basées sur les technologies développées dans ses laboratoires.
• Y-a-t-il une ou des politiques publiques encadrant la recherche privée, favorisant des secteurs de recherche ou des types de recherche (fondamentale, appliquée, développement expérimental) ?
Il existe plusieurs programmes de promotion ciblée de la recherche collaborative publique privée. Les deux programmes les plus stratégiques sont pilotés par le bureau du Premier Ministre dans les domaines Cyber et carburants de substitution.
• Filière Nanotechnologie Le plan quinquennal Nano - INNI – a été doté il y a 5 ans 250$M. Il est à l’heure se son bilan. Plusieurs de ces actions visaient directement à promouvoir la R&D collaborative. La coopération triangulaire pour le financement de projets R&D : supporté à un tiers par l’Académie, des fonds privés et trois ministères (ministères des Sciences, de l’Economie, et de l’Enseignement. Il implique 6 centres de recherche dans tout le pays. En 5 ans, Une subvention exceptionnelle de 2M$ par chercheur vise à encourager le retour en Israël de spécialistes israéliens. 6 chasseurs de tête ont même été affectés à cette tâche. 88 cerveaux ont ainsi été rapatriés et intégrés comme membres statutaires de l’académie. 6000 articles scientifiques ont été publics dont 1170 co-publications. 625 collaborations public-privé impliquant des acteurs israéliens et étrangers et 170 « success stories » enregistrées, dont création de start-ups ou approbations de brevets. 704 brevets sont en cours d’examen.
• Filière Cyber sécurité Le développement de cette filière qui remonte aux années 90 est emblématique aujourd’hui de ce qui est attendu des PPP en matière de R&D. Actuellement, les fonds affectés pour deux ans à cette priorité totalisent :
o Le plan KIDMA (progrès) est dédié à l’avancement de la R&D cyber-défense. 20$M. o Le fonds R&D dédié géré par le MOST est doté de 8M$. o Le plan MASAD vise au développement de technologies duales (civiles et militaires)
2,5M$. o Des bourses pour étudiants pour un montant de 4$M. o Des programmes d’excellence pour la formation de lycéens o La création d’un centre interdisciplinaire national basé à l’université de Tel-Aviv
• Initiative nationale Carburants de substitution (Fuels Choices)
Décidée en 2011 par le gouvernement et dotée d’un budget sur 10 ans, cette initiative vise à renforcer la filière et associe au sein d’un “cluster” des centaines d’organismes de recherche, secteur privé spécifiquement engagés à réduire la dépendance et développer des substituts aux carburants fossiles pour le transport.
Pas de données disponibles sur les PPP financés.
• Quel type de relations existe-t-il entre les entreprises et les universités ?
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 105
Les entreprises israéliennes travaillent en étroite collaboration avec les universités. En dehors de tous les programmes gouvernements, les directions de la recherche des universités et les sociétés de transfert de technologie organisent la communication entre chercheurs et entreprises ; notamment par le biais de séminaires d’échange sur les besoins du marché. Les grands groupes mettent en concurrence les meilleurs laboratoires et peuvent passer commande de recherches ou mettre en place des recherches partenariales via l’administration de l’université. Par exemple, 35 projets pour 13M$ pour les laboratoires de l’Université hébraïque de Jérusalem ont été commandés par Intel, Roche, Google, Philips, General Motors, Coca-Cola, Procter&Gamble, mais on compte aussi plusieurs dizaines de projets commandés par les Français ARKEMA et TOTAL à Tel-Aviv.
Des dirigeants d’entreprises sont par ailleurs présents aux conseils d’administration tant des grandes
universités (par exemple, Michael Federmann, qui dirige le groupe Elbit, préside le CA de l’Université
hébraïque de Jérusalem ; Jacob Frenkel, président de JP Morgan International, celui de l’Université
de Tel-Aviv) que des sociétés de transfert de technologie (où ils sont majoritaires : ainsi, neuf des
douze membres du CA de Yissum sont des personnalités du monde des affaires).
En outre, la plupart des grandes entreprises israéliennes comptent dans leur conseil d’administration
un ou plusieurs chercheurs (Teva Pharmaceuticals, la première capitalisation boursière du pays, en
compte quatre, de même que la plus grande banque du pays, Leumi).
• Quelle part et quel montant des recherches publiques sont financés par les entreprises ? Le ministère de la Science israélien indique qu’en 2014, les universités ont levé un record de 430 millions de dollars de fonds auprès d’acteurs privés (ce chiffre incluant les entreprises, mais aussi les fondations, mais excluant les autres dons philantropiques). Ce record constitue une hausse de 9% par rapport à l’année précédente mais dissimule une difficulté dénoncée par les universités à obtenir des financements pour la recherche de la part des pouvoir publics israéliens, affectant en particulier la recherche fondamentale. Les financements privés se sont répartis entre les principales universités de la manière suivante : Université hébraïque de Jérusalem 116 M$ ; Tel-Aviv 93 M$ ; Weizmann Institute 72 M$ ; Technion 62 M$ ; Ben-Gurion 51 M$ ; Bar-Ilan 26 M$ ; Haifa 19,5 M$.
• Dans quels secteurs d’activités ? Les 430 millions de dollars levés sont allés à 54% à la recherche en sciences exactes, 16% à l’ingénierie et l’architecture, 15% aux sciences sociales, 10% aux sciences de la vie et 4% à l’agriculture.
• Quel part et quel montant des recherches privées sont financées par les universités ou par l’État ? Dans quels secteurs d’activités ?
• Quelles sont les attentes des entreprises au regard de la recherche académique ? En France, la recherche en entreprises est consacrée pour 42% à de la recherche appliquée et pour 52% à du développement expérimental alors qu’en Israël, les entreprises consacrent 9% de leurs moyens à la recherche appliquée et 87% au développement expérimental
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 106
• Comment expliquez-vous cette différence ?
• Y a-t-il des volontés spécifiques israéliennes ? Lesquelles ? Le travail de sensibilisation mené par les TTO auprès des chercheurs pour inciter à envisager une valorisation commerciale de leur travail peut expliquer cette différence : la recherche appliquée serait faite plus en amont (par les chercheurs issus de l’université), permettant aux entreprises de se concentrer sur le développement expérimental.
• S’agit-il d’une réaction plus directe par rapport aux marchés des entreprises ?
Que représente la recherche partenariale123 par rapport à la recherche publique et privée ?
• Pouvez-vous remplir le tableau ci-dessous ?
Données 2014 Montant (Mds €)
Recherche contractuelle -
Recherche collaborative -
Total recherche publique 1,6 (1,7 Md $)
Total recherche privée 9,4 (10 Mds $)
• Quels sont les secteurs industriels qui coopèrent le plus avec la recherche publique en volume (montant de recherche contractuelle) ? Des chiffres sur le % d’entreprises ayant une activité de R et D par secteur d’activité et par taille d’entreprises
• Les relations contractuelles se font-elles individuellement, sont-elles organisées collectivement? Existe-t-il un organisme centralisateur et facilitateur des relations entre les entreprises et les structures de recherche?
Le bureau du « chief scientist » du ministère des Finance s’implique fortement dans les relations entre les entreprises et les structures de recherche.
• Y a-t-il des politiques d’accueil différentes pour les grands groupes et les différentes tailles de PME ?
Non. Le ministère de l’Economie finance la recherche dans toutes ses entreprises, de la Startup à la
grande entreprise. Il existe 40 programmes de financement pour répondre à la chaine de valeur de la
R&D dans les entreprises qui sous-traitent leurs activités de recherche avec les Universités.
• Quels sont le nombre de co-publications privé public, et le nombre total de publications du pays ?
123
La recherche contractuelle concerne le cas où un commanditaire finance une recherche sans y participer. La recherche collaborative concerne la situation où un ou des partenaires extérieurs s’associent à un ou des laboratoires publics pour réaliser un projet de recherche dont les coûts, les ressources et les résultats sont partagés entre les partenaires.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 107
En 2011, le nombre total de publications du pays était de 12 154. Le nombre d'études scientifiques par habitant en Israël a progressivement diminué au cours des dernières décennies. Alors qu'en 1991 Israël était le numéro un mondial du nombre d'études scientifiques publiées par habitant, en 2011 il avait chuté au 13ème rang.
• Même question pour les co-brevets public-privé Israël détient le record mondial du nombre de brevets déposés par les organismes de recherche publics et universitaires rapportés au PNB, ainsi que le record mondial du nombre de brevets rapportés au nombre d’employés dans la R&D dans le secteur privé, d’après l’OCDE. Nous ne disposons pas de données relatives aux co-brevets public-privé.
Rang
mondial
Institution Publications Brevets
22 Université hébraïque de Jérusalem 114 40
38 Institut des sciences Weizmann 233 51
86 Université de Tel-Aviv 95 28
109 Technion, Institut supérieur de technologies d’Israël 180 100
362 Université Ben-Gourion du Néguev 280 138
Source : Center for World University Rankings (2014)
• Quels sont les autres outils d’incitation ?
Quelle est l’intensité des échanges de personnes entre la recherche publique et les
entreprises
− Pouvez-vous remplir le tableau ci-dessous :
Données 2013 Nombre
Docteurs diplômés chaque année toutes disciplines confondues
1540
Docteurs rejoignant chaque année le secteur public
500
− Les chercheurs publics sont-ils nombreux à rejoindre les entreprises en cours de carrière ? Sont-ils encouragés ?
Oui. Cf. 2/2 et 3/3.3.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 108
− Les chercheurs publics participent-ils souvent à la gouvernance des entreprises (CA, conseil scientifique…) ?
La plupart des grandes entreprises israéliennes comptent dans leur conseil d’administration un ou
plusieurs chercheurs (Teva Pharmaceuticals, la première capitalisation boursière du pays, en compte
quatre, de même que la plus grande banque du pays, Leumi).
− Y-a-t-il des dispositions qui le favorisent ou le freinent ? Quels sont les modes de rémunération ?
Les règles de déontologie qui s’appliquent en Israël aux professions scientifiques correspondent aux
standards internationaux.
− Des cadres du privé rejoignent-ils souvent la recherche publique ? Sont-ils conseillers, membres de comités dans des établissements publics ?
Les cadres du privé et de l’armée rejoignent fréquemment l’administration de la recherche, et
notamment l’OCS (le Chief scientist actuel est un ancien dirigeant du secteur privé).
De nombreux programmes nationaux de recherche comme sur la cybersécurité, les
nanotechnologies ou les nouveaux carburants sont présidés et gérés par d’anciens dirigeants
d’entreprises.
Des dirigeants d’entreprises sont par ailleurs présents aux conseils d’administration tant des grandes
universités (par exemple, Michael Federmann, qui dirige le groupe Elbit, préside le CA de l’Université
hébraïque de Jérusalem ; Jacob Frenkel, président de JP Morgan International, celui de l’Université
de Tel-Aviv) que des sociétés de transfert de technologie (où ils sont majoritaires : ainsi, neuf des
douze membres du CA de Yissum sont des personnalités du monde des affaires).
− Certains enseignent-ils ? Y a-t-il des dispositifs publics pour encourager ce type d’activité ?
Oui, mais cet enseignement se fait principalement dans les business school plutôt que dans les
départements qui forment directement les chercheurs. Nous n’avons pas de données sur des
enseignements dispensés par des chercheurs issus du secteur privé dans les universités.
− Combien de start-up sont-elles crées chaque année par des chercheurs issus du public ? Est-ce un phénomène significatif ? Est-ce encouragé par l’État et comment ?
Sur la période 2012-2013, 72 start-up ont été créées dans le cadre des sociétés de transfert de
technologie, soit environ 7% des start-up créées en Israël (500 par an en moyenne) : il s’agit donc
d’un phénomène significatif. Toutefois, si les sociétés de transfert de technologie encouragent les
chercheurs à valoriser commercialement leurs découvertes, ceux-ci sont rarement les dirigeants des
entreprises créées. Leur implication dans les entreprises créées est variable : certains deviennent
CTO de l’entreprise, d’autres y continuent leurs recherches, d’autres ne sont pas impliqués (et
perçoivent simplement les royalties liées à leurs découvertes). Une fois la société créée, il arrive
qu’elles soient accueillies par l’un des incubateurs, l’État les cofinançant alors pendant deux ans.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 109
− Combien de start-up sont créées chaque année par des cadres d’entreprises ? Existe-t-il des encouragements ?
Il n’existe pas de programme d’encouragement à la création d’entreprise spécifique pour les cadres
en poste. Ceux-ci peuvent bénéficier des quelques dispositifs de formation à l’entreprenariat
(relativement peu ; il existe une « Agence des PME » qui anime quelques programmes de formation
et le « Centre de développement de l’entreprenariat » qui est un réseau d’espaces de conseil) et des
dispositifs d’accompagnement à la création de startups (incubateurs et accélérateurs, nombreux et
efficaces)
− Des évolutions qualitatives ou quantitatives des données de ce paragraphe au cours des dernières années seraient appréciées.
Comment est gérée la propriété intellectuelle privé-public ?
• Quels sont le nombre de co-brevets privé public, et le nombre total de brevets du pays (données 2012) ?
Israël avait, en 2013 (données 2012 non-disponibles), 25 372 brevets. Le licensing est le mode de gestion de la propriété intellectuelle privilégié : en 2012-2013, 1966 accords de licence permettaient à des entreprises de commercialiser des technologies issues de brevets détenus par des institutions universitaires ou des hôpitaux, dont 1 395 avec des entreprises israéliennes. En dépôt par année :
année 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014
Nombre de
brevets déposés
1031 1108 1260 1092 976 1325 1219 1312 1525 1917 2108 2598 3152 3617
Nous ne disposons pas de données relatives au nombre de co-brevets public-privé.
• En cas de co-détention d’un brevet privé/public, quelles sont les modalités usuelles de partage de la rémunération des inventions entre les inventeurs, l’employeur public, et le partenaire privé ?
Le licensing est le mode de gestion de la propriété intellectuelle privilégié : dans ce cadre, l’université ou l’hôpital conserve la propriété du brevet utilisé, que ce soit dans le cas d’un accord de commercialisation ou d’une création d’entreprise. Entre 40 et 60% des royalties sont reversées aux inventeurs. Le TTO du Technion par exemple a pour habitude de répartir 50% des revenus générés aux équipes de chercheurs.
• Quel est le montant global de redevances qui reviennent à des établissements publics ?
En 2012, le montant des redevances qui revenaient aux universités se montait à 1,8 milliards de
shekels (400 millions €).
• Est-il facile/difficile pour une entreprise de négocier la PI avec les établissements publics ? Y a-t-il des règles générales ou est-ce au cas par cas ?
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 110
Le mode licensing est privilégié, et ses modalités précises sont négociées au cas par cas par l’intermédiaire que constitue le TTO dans l’intérêt de l’établissement et des chercheurs.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 111
Annexe 9 : Missions et programmes du PIA susceptibles de financer des projets associant entreprises et établissements public de recherche
Mission, programmes Budget (M €)
Mission « recherche et enseignement supérieur » (PIA1) 21 900
Valorisation (SATT, CVT) IRT Instituts Carnot IHU Equipement d’excellence Espace ITE Démonstrateurs aéronefs du futur Traitement et stockage déchets nucléaires Sûreté nucléaire
911 1 975 600 850 813 500 889 1 685 75 50
Mission « recherche et enseignement supérieur » (PIA2) 5 335
Technologies clefs génériques Espace, lanceurs, satellites Recherche hospitalo-universitaire en santé Démonstrateurs aéronefs du futur
150 50 400 1 220
Mission Ecologie, développement et mobilité durable (PIA1) 2 681
Plateformes en énergies renouvelables… Transport et urbanismes durables Véhicule du futur
1 061 700 920
Mission Ecologie, développement et mobilité durable (PIA2) 2 320
Innovation pour la transition écologique et énergétique Villes et territoires durables
1 100 410
Mission Economie (PIA1) 8 060
Projets de pôles de compétitivités Innovation de rupture
250 150
Mission Economie (PIA2) 2 295
Innovation de rupture Projets structurants des pôles de compétitivité
150 300
Soit un total de 15 209 M€.
Le financement moyenné sur une période d’un an des actions PIA ayant pour objet le transfert, la
valorisation et le partenariat public/privé, sur lesquelles l’ANR est opérateur représentent un total
approximatif de 370 M€, dont l’essentiel sur les IRT/ITE/SATT :
Santé-Biotech : 18 M€
Démonstrateurs en BioTech : 10 M€
IHU : 46 M€
IRT : 115 M€
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 112
ITE : 60 M€
SATT: 110 M€
Carnot PIA: 6 M€
Recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection : 7 M€
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 113
Annexe 10 : Guide d’entretien
1. Place de la R&D (et de l’innovation) dans l’entreprise
− Quelle est la place de la R&D dans la stratégie de l’entreprise, et comment cela se reflète-t-il dans sa gouvernance ? Par Exemple : essentielle, directement suivie par le chef d’entreprise ; très importante, suivie par un membre du comité exécutif, importante, suivie par un responsable de la R&D rapportant à un membre du comité exécutif …
− Management de la R&D : nature des indicateurs utilisés (par exemple nombre de brevets, outils bibliométriques reposant sur des citations).
2. Coopération avec la recherche publique
− Quelle est la place de la coopération avec la recherche publique dans la stratégie de l’entreprise, et comment cela se reflète-t-il dans sa gouvernance ? Par exemple : essentielle, directement suivie par le chef d’entreprise ; très importante, suivie par un membre du comité exécutif, importante, suivie par un responsable de la R&D rapportant à un membre du comité exécutif (… Même question du point de vue du laboratoire public : nature des attentes, niveau du personnel impliqué (par exemple PDG/Directeur du laboratoire Cadre de la R&D/Chercheur statutaire, stagiaire/thésard…).
− Qualité des contacts …
− Quels sont les objectifs en coopérant avec la recherche publique française/étrangère?
− Sur quelle base, avec quels outils, s’effectuent les choix coopératifs ? Considère-t-elle et sur quelles bases des laboratoires publics comme « partenaires privilégiés »?
− Vis-à-vis de ses besoins, comment évalue-t-elle les forces et faiblesses de la recherche publique française par rapport à la recherche étrangère ?
3. Recherche partenariale
3.1 - Modalités d’interactions : Recherche contractuelle/recherche collaborative/mécénat /consultance
− Les attentes des entreprises :
Quelles sont les attentes des entreprises concernant les différents types de coopérations en
recherche (recherche contractuelle / recherche collaborative / mécénat / consultance) en
termes de conditions de contractualisation, de clarté du dispositif d’offre des labos publics,
de conditions de mise en œuvre et de réalisation et plus généralement de qualité finale des
services rendus ?
− Considérations sur la situation actuelle :
o Conditions de contractualisation : sont-elles satisfaisantes ? (procédures claires et suffisamment simples, la multiplication des organismes et des conditions de contractualisation sont-elles des handicaps, la mise en place de mandataires uniques a-t-elle amélioré les relations…?)
o Les laboratoires publics respectent-ils leurs engagements contractuels en termes de délais ? Les délais annoncés sont-ils satisfaisants ?
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 114
o Les travaux réalisés sont-ils utiles à l’entreprise ? La qualité de la coopération est-elle satisfaisante ? La conduite des travaux de recherche satisfait-elle l’entreprise ? Le jugement diffère-t-il selon les partenaires (universités, CNRS, écoles d’ingénieur, autres organismes de recherche, Institut Carnot, IRT/ITE)?
o Les laboratoires publics étrangers ont-ils des comportements ou des outputs différents des laboratoires publics français ?
3.2 - Soutien financier et structurel de l’État aux coopérations privé/publique
− Jugement sur l’accès à l’information sur les aides et dispositifs publics ainsi que sur leur mise en œuvre.
− En France, l’entreprise participe-t-elle aux pôles de compétitivité, aux IRT/ITE, aux Labex ? A-t-elle des laboratoires communs avec la recherche publique ? Son avis sur ces structures.
− Quel avis sur les services apportés par les CRITT/CRT/CT ?
− Que pensez-vous des différents dispositifs financiers publics de soutien aux coopérations entreprises/recherche publique : ANR, FUI, ADEME, OESO-ISI, Carnot, PCRDT ?
− Que pensez-vous du CIR en particulier sur son caractère incitatif pour l’entreprise ? Utilisez-vous le doublement du CIR ?
4. Publications & Brevets
− Quelle est la politique en termes de publication & brevets
− Quelle est la politique de l’entreprise en matière de partage de la PI avec les laboratoires publics ?
− Est-il facile/difficile de négocier la PI avec les établissements publics (universités, CNRS, écoles, autres organismes…) ? Comparaisons France/Etranger.
− L’entreprise achète-elle des brevets publics en France/à l’étranger ? Achète-t-elle des licences de brevets publics ?
− Que pense l’entreprise des SATT, de France Brevets ?
5. Transfert de compétences :
− Recrutez-vous des docteurs ? Pourquoi faire ? Répondent-ils aux besoins de l’entreprise ? Même question pour les niveaux master/ingénieur (recherche techno),
− Que pensez-vous du dispositif CIFRE ? En avez-vous ? Recrutez-vous des chercheurs publics en cours de carrière, de manière proactive (sur quelles bases, avec quelles difficultés) ou plus passive (circonstances, candidatures spontanées…) ? Avez-vous des chercheurs publics dans votre gouvernance (CA, conseil scientifique…) ? Comme conseillers ou consultants?
− Des membres de votre staff ont-ils rejoint la recherche publique ? Sont-ils conseillers, ATER, membres de comités dans des établissements publics ? Certains enseignent-ils ?
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 115
Annexe 11 : Suivi des entreprises innovantes par les DIRECCTE
1) Contexte général Les chargés de missions développement économique, positionnés au sein des pôles entreprises, emploi, économie (3E) des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), sont présentés comme des capteurs précieux permettant d’acquérir une connaissance fine des entreprises sur le territoire, et de faire remonter de l’information. Les chargés de mission développement économique, au sein des pôles 3E des Direccte, réalisent des visites d’entreprise dont ils saisissent le compte-rendu ainsi que les données pertinentes dans la base de données ISIS. À titre d’exemple, ont été réalisées en 2013 dans la région Rhône-Alpes 744 visites, dont 212 visites d’entreprises de taille intermédiaire (ETI).
2) Le projet de suivi des entreprises innovantes lancé en 2011 La mise en place de référents régionaux pour les entreprises de taille intermédiaire (E.T.I.) et les PME à potentiel de croissance a fait l’objet d’une lettre adressée par la Ministre Christine Lagarde et le Secrétaire d’État Christian Lefebvre aux Préfets de région le 28 janvier 2011. Cette lettre est accompagnée de deux annexes, dont une note de méthodes de la DGCIS du 10 janvier 2011. Une analyse de ces documents conduit aux observations suivantes :
- La lettre présente les objectifs de cette mise en place. Les ETI et PME sont ciblées sont celles qui ont des ambitions en termes d’innovation ou d’export. Un référent est censé fournir à ces entreprises « une écoute et un accompagnement de type transverse sur les problématiques de l’innovation, de la compétitivité et de la stratégie, du financement et de l’internationalisation, de la qualification des personnels et de l’intelligence économique ».
- La lettre indique l’existence d’une expérimentation d’un dispositif de référent qui a « confirmé la pertinence de cette action et a par ailleurs permis d’améliorer les conditions d’identification des entreprises les plus intéressées, d’élaborer les outils nécessaires aux référents et de tirer les enseignements des premiers contacts pris dans ce cadre avec des chefs d’entreprises ».
Il apparaît donc que deux objectifs distincts sont poursuivis ici. Le premier est l’identification des entreprises qui doivent être retenues pour un accompagnement par un référent, sachant qu’au total l’objectif est choisir au final 1000 ETI plus 1000 PME (ou « pépites », considérées comme « stratégiques »). Le problème fondamental est ici l’élaboration des critères de sélection, donc des indicateurs appropriés. Les capacités innovantes étant explicitement recherchées, on attend des critères portant sur la R&D et l’innovation et les indicateurs pertinents. Afin d’évaluer la pertinence des choix faits, il faudra montrer qu’avec le recul, on a bien sélectionné des entreprises innovantes, ce qui suppose clairement des études économétriques/statistiques. Le deuxième objectif est de fournir un référent, en faisant l’hypothèse que ce sera utile à l’entreprise. Là encore, l’évaluation a posteriori de cette politique nécessitera une analyse statistique.
- Il est donc logique de s’attendre à ce que l’élaboration de ce projet ait impliqué la sous-direction P3E de la DGE. Or il n’en n’a rien été. On a donc lancé un programme de travail pluriannuel (sans date de fin explicite) portant sur 2000 entreprises et impliquant environ 30 ETP chaque année sans mettre en place les outils de gestion (en particulier statistiques) nécessaires.
- De plus, les données accumulées par les DIRECCTE (dans des tableurs Excel) dans la banque ISIS ne permettent pas d’exploitation statistique aisée (il aurait fallu travailler avec le logiciel SAS). Une exploitation de ces données est en cours pour en tirer de « l’information littéraire ». Ceci traduit une incompréhension du rôle général joué par les statistiques dans le management, au-delà des statistiques descriptives ou des évaluations a posteriori.
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 116
- La lecture de la note de méthodes de la DGE permet de préciser les faiblesses du dispositif mis en place. La sélection des ETI et des PME de croissance ne repose pas explicitement sur des critères liés à l’innovation : le mot est absent du document pages 3 et 4/8. Seuls sont mentionnées « une volonté affirmée et forte de développement » et « une évolution du chiffre d’affaire annuel sur trois ans ».
- On peut effectivement constater que la liste des champs à compléter dans la banque ISIS est insuffisante en ce qui concerne l’innovation : seules des questions de type oui/non sont posées (« l’entreprise dépose des brevets », et aucune ne porte sur des données quantitatives.
- Le suivi et l’évaluation du dispositif (page 7 et 7/8) sont décrits trop succinctement et ne permettent pas d’attendre d’évaluation sérieuse. De fait, trois ans plus tard, on ne saurait dire ni si l’on a bien sélectionné des entreprises innovantes, ni si les référents leur sont utiles.
- On est globalement frappé par le faible niveau des raisonnements dans cette note de méthode. Ainsi, l’introduction du document intitulé contexte et enjeux fait mention d’un rapport de février 2010 du sénateur Retailleau qui « relève parmi les freins au développement des ETI la faiblesse des relais publics offrant au chef d’entreprise une écoute et un accompagnement… Il suggère que l’administration soit proactive dans ce domaine. » On ne sait pas par quelle analyse on est parvenu à cette conclusion, ni quels sont les autres freins identifiés. Pourquoi choisir celui-ci en particulier ? Comment passe-t-on de la suggestion à la décision ? Les deux paragraphes suivants ne donnent aucune réponse. Il n’y a aucune argumentation, aucune logique, seulement une juxtaposition de phrases sans liens : « Or, les DIRECCTE nouvellement créées ont pour mission d’offrir aux entreprises un interlocuteur unique… » : il s’agit d’offrir un interlocuteur pour toutes les entreprises, ce qui est très différent du projet mis en place. On peut d’ailleurs se demander comment ce projet sera compatible avec une « neutralité » des référents (mentionnée page 3/8).
Nous donnerons ci-dessous un extrait du rapport sur les entreprises stratégiques ayant trait au suivi des entreprises innovantes par la DGE :
« La connaissance de terrain obtenue via l’action des Direccte est peu exploitée.
Les chargés de missions développement économique, positionnés au sein des pôles entreprises, emploi, économie (3E) des Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), sont présentés comme des capteurs précieux permettant d’acquérir une connaissance fine des entreprises sur le territoire, et de faire remonter de l’information. Les chargés de mission développement économique, au sein des pôles 3E des Direccte, réalisent des visites d’entreprise dont ils saisissent le compte-rendu ainsi que les données pertinentes dans la base de données ISIS. À titre d’exemple, ont été réalisées en 2013 dans la région Rhône-Alpes 744 visites, dont 212 visites d’entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les exemples de comptes rendus consultés par la mission font néanmoins apparaître que ceux-ci sont saisis de manière très hétérogène selon les visites, et selon les chargés de mission réalisant les visites. Aucun retour aux Direccte n’est fait par la DGE sur l’exploitation de la base de données ISIS, si elle existe, et la lourdeur de l’outil ne permet pas de le manipuler à l’échelon local. La connaissance de terrain des Direccte peut certes être sollicitée dans le cadre d’opérations ciblées, comme celle qui a conduit, par exemple à l’identification de 1 000 pépites et de 1 000 ETI devant faire l’objet d’un suivi plus particulier. Pour autant, la méthodologie particulièrement souple encadrant la définition de cette liste (cf. annexe stratégie) n’a pas permis de véritablement orienter le travail des Direccte. Deux à trois fois par an des rencontres entre les chargés de mission locaux et les sectoriels de la DGE sont organisés par filières pour discuter des grandes problématiques. Les entretiens réalisés par la mission en administration centrale et lors de ses déplacements locaux ont mis en évidence la faiblesse des relations opérationnelles entre la DGE et les Direccte en matière
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 117
de veille stratégique. Le reporting imposé par ISIS est perçu par les agents comme un moyen de suivi des objectifs de visites d’entreprises plus que comme un outil de partage et de capitalisation des connaissances. Les services déconcentrés mettent donc en place leurs propres moyens d’échanges d’informations. Par ailleurs, les agents rencontrés en administration centrale et en services déconcentrés n’ont pas fait état d’échanges sur la méthodologie d’identification des entreprises stratégiques ni de partage au quotidien sur des cas d’entreprises. Il faut noter cependant que certains agents échangent efficacement, mais l’absence d’organisation formalisée en matière de veille rend les relations de travail très dépendant des individus sur ces sujets. »
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 118
Annexe 12 : Tableau de correspondance entre des points de vue des entreprises et les recommandations
Perception des entreprises Recommandations
Une recherche française de grande qualité, avec une organisation qui se complexifie, en
concurrence avec les laboratoires étrangers (§3.1)
1 à 4
L’accès à l’information (§3.2.1) 5 ; 6 ; 8 ; 9 ; 10
Une communication difficile et des négociations trop longues (§3.2.2)
6 ; 9 ; 10 ; 12 ; 13
Des publications que certaines entreprises aimeraient différer (§3.2.3)
10
La propriété intellectuelle souvent l’objet de négociations difficiles (§3.2.4)
13 ; 14
Des coûts de la R&D parfois jugés opaques (§3.2.5)
10
La réalisation des projets de R&D (§3.2.6) 10
Des dispositifs incitatifs nombreux, complexes à mettre en œuvre avec des taux de financement
parfois dissuasifs (§3.3.1)
11 ; 12 ; 15 ; 16
Des échanges trop limités en matière de ressources humaines (§3.3.2)
5 ; 6 ; 7
Une fiscalité très appréciée (§3.3.3) Néant
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 119
Annexe 13 : Personnes rencontrées
INTERLOCUTEURS
PME (23)
SMART PACKAGING SOLUTIONS
Michaël Zafrany, directeur général; Bernars Clavas, responsable de l'équipe "packaging"
LALEMANT PLAN CARE (LALEMANT SAS)
Bertrande Delaunois, Ingénieur R&D; Stéphane Griffouillère, directeur indutriel
Forsee Power J-F Herchin, vice-président en charge des opérations et de la R&D
FLAMEL G.Pouliquen, Directeur de l'innovation; Lucie Roumaner, juriste
Von Roll Isola Hubert Simon, responsable de la R&D de la division composites; Nicolas Mulot, manager for composites and ballistics
AB7 industries René Chelles, président directeur général
Xeda International Alberto Sordo, président directeur général
CIEL ET TERRE Bernard Prouvost, président directeur général
Machines Dubuit Didier Trollo, directeur général
Winlight (3 sociétés) Philippe Godefroy, Président
EVEON Vincent Tempelaere
PRONOE Romauld Favreau, gérant
ARDANS Alain Berger, directeur général
Hippocad Madjid Hamici, président directeur général
FIBROLINE Laurence Camaro, Directrice R&D
EDUPAD Jérôme Serre, CEO
Solvionic François Malbosc, Président; Sébastien Fantini, directeur de projets
CAYLAR Jean-Claude Germain, Gérant
Fly-n-Sense Christophe Mazel, fondateur
Argolight Gauthier Papon, cofondateur
IRTS Bernard Dellery, Président
Azur Light Systems Nicolas Traynor CEO
I2S (Innovation Imaging Solutions)
Jean-Louis Blouin Directeur Général Délégué
ETI (15)
ARaymond Frédéric Perrot, président directeur général
POMA Jean Souchal, président et Edouard Dovillaire, directeur adjoint Innovation et produit
Serge Ferrari SAS Carlos Saiz, directeur de l'innovation et de la R&D
RADIALL Julien Legrand, Responsable recherche et technologie groupe
Skis Rossignol Nicolas Puget, Responsable recherche et innovation du groupe
Galderma Research Developpement (Nestlé)
Laurent Hennequin, Directeur de la recherche
Labinal Power System (Safran)
Ludovic Ybanez, R&T manager
CEVA Valérie Test, responsable partenariats-innovation; Pascal Raoul, directeur scientifique et innovation pharmaceutique
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 120
CONTINENTAL AUTOMOTIVE France
Antoine Jouin, Président; Louis-Claude Vrignaud, directeur des partenariats public-privé
BlueStar Silicon Louis Vovelle, Vice-Président chargé de l’innovation/stratégie, responsable R&D (docteur)
LATECOERE (division aérostructure)
Gilles Triay, directeur technique de labranche aérostructure
BABOLAT Aristide Wolfrom, responsable R &D de produits
Inside Secure Pascal Didier, directeur général; Michel Martin, system architect et emulation manager
Microturbo SAS (sous-filiale de SAFRAN)
Vanessa Lecacheux, SG; Jean-François Rideau, Responsble de la R&T
SOITEC Carlos Mazure, vice-président exécutif
GROUPES (32)
GDF - SUEZ Raphaël Schoentgen, Director Research & Technologies (CTO), Dominique Kaczmarek, directeur du CRIGEN; Jean-Louis Rosch, responsable hydrogène
PSA Peugeot Citroën Sylvain Allano, dir. Scientifique et technologies futures
ORANGE Nicolas Demassieux, Directeur Orange labs recherche
VINCI Charles Caye, Délégué au développement durable
SNCF Patrick Aknin, directeur Scientifique; Carole Desnault, directeur de SNCF innovation et recherche, Marie-Hélène Poinssot, senior VP, corporate audit
DANONE Mme M'Rini, directrice de la recherche - division produits laitiers
ALSTOM Ronan Stéphan, Group chief innovation officer
AIR LIQUIDE Bruno Leprince-Ringuet, Directeur R &D Europe; Marianne Julien, directeur des partenariats académiques
SAFRAN Eric Bachelet, directeur général adjoint R&T
ALCATEL - LUCENT Jean-Luc Beylat, président Alcatel-Lucent Bell Labs France; Olivier Audouin, directeur des affaires externes
VALEO Guillaume Devauchelle, président de l'innovation et du développement scientifique
ST Microelectronics (Grenoble)
Dominique Thomas, directeur R&D des partenariats et des programmes avancés de R&D
Dassault Aviation Eric Bernard, directeur de la stratégie; Bruno Soufflet, directeur de la prospective et directeur de la stratégie scientifique à la direction générale technique, Olivier Savin, direction technique Systèmes
SANOFI PASTEUR (filiale de SANOFI)
Jacques Volkmann, directeur R&D sites, hubs et supports
Airbus Helicopters (Marignane)
Jamel Chergui, membre de la direction technique; Nicolas Belanger, responsable des programmes systèmes au département innovation
INSTITUT MERIEUX Marc Bonneville, vice-président chargé des affaires médicales et scientifiques
TOTAL Jean-François Minster, directeur Scientifique
SCHNEIDER ELECTRIC Pascal Brosset, Chief technology officer; Sylvain Pineau, directeur Innovation et partenariats
THALES Marko Erman, directeur technique du groupe; Philippe Valéry, VP stratégie et partenariats au sein de la direction technique
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 121
RENAULT Rémi Bastien, Directeur Recherche; Bertrand Hauet, directeur, SG de la recherche; Pierrick Cornet, Directeur Alliance ingéniérie avancée et incubateur marques, Mme June Thoyé, chef du service Financements publics au sein de la direction de l’ingénierie et de l’innovation
EDF Bernard Salha, directeur de la recherche et du développement; Paul Chabard, dir. Du projet Saclay et des partenariats en France
ARCELOR MITTAL Danièle Quantin, director human ressources, Quality management and researche centre mangement
DASSAULT SYSTEMES Valérie Ferret, public affairs&sustainability Director, Pascal Dalloz, Vice-président exécutif DS Brands and corporate Development, Patrick Johnson, VP R&D, sciences, corporate research
ZODIAC Thierry Rouge-Carrassat, Responsable technique en chef
Bouygues Construction Philippe van de Maele, directeur Innovation et Construction durable
Solvay Patrick Maestro, directeur scientifique
Technip Julien Denègre, directeur du développement mines et métaux
Michelin Maude Portigliatti, directrice scientifique
Servier Antoine Bril, Directeur Scientifique Recherche et Partenariat
Saint-Gobain Didier Roux, Directeur de la R&D et de l’innovation, et Christophe Bert, directeur du développement technologique; Daniel Urffer, ancien directeur scientifique (CREE)
MBDA Olivier Martin, secrétaire général, et Olivier Lucas, director of future capability solutions
AIRBUS GROUP Jean Botti, Chief technical officer; Jean Perrot, VP Dir des affaires institutionnelles R&T, Detief Müller-Wiesner, senior VP, head of E-Aircraft program Directorate
AUTRES ENTRETIENS AU NIVEAU NATIONAL
DREIC/MENESR Dominique Ducrocq, Jean-Luc Clément, conseiller, Margaux Ducros
SIES/MENESR Isabelle Kabla-Langlois, Sous-directrice des systèmes d’information et des études statistiques, Géraldine Seroussi, adjointe au chef de département
DGRI/MENESR Roger Genet, directeur, Pierre Valla, adjoint au directeur général, François Jamet, chef du service SITTAR, Pierre-Louis Autin, chef du département des politiques d'innovation au SITTAR, Frédérique Sachwald, Pascal Estraillier, chargé de mission STIC
DGE/Ministère économie Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité et du développement des PME, Laure Ménétrier, chef du bureau des politiques d'innovation et de technologies, Thomas Ailleret, chef du bureau de la politique des pôles, François MAGNIEN, Sous-directeur de la Prospective, des études et de l'évaluation économiques
Bpifrance Annie Geay, Directrice adjointe de l'Evaluation, des Etudes et de la Prospective, Laure Reinhart, Directeur des partenariats innovation, Nathalie Delorme
ANR Arnaud Torres, Directeur Investissements d'Avenir et Compétitivité
CGI Sylviane Gastaldo, Directrice du programme « Evaluation des investissements publics »
OCDE Dominique Guellec, chef de la division des études nationales et des perspectives
MEDEF Patrick Schmitt, Directeur Recherche et Innovation, avec Francis Hagel, consultant, stratégie PI, Laurent Gouzens, société d'avocats TAJ
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 122
CEA LETI Marie-Noëlle Semeria, directrice du LETI Nathalie Votta, représentant M. Jean Therme, directeur du CEATech Jean-Baptiste Albertini, Directeur développement des partenariats industriels.
CETIM Philippe Choderlos de Laclos, directeur général Jean-Paul Papin, directeur du développement
ANRT Denis Randet, délégué général, Violette Nemessany, chargée d'études, Paul Lucchese, Directeur de Futuris, Pierre Bitard, conseiller innovation et prospective
Académie des technologies Gérard Roucairol, président, Alain Bravo, délégué général, Jean-Claude Lehmann, Germain Sanz, Christian Brevard, membres, Wolf Gehrisch
Réseau CTI Monsieur Ginés Martinez, ancien Délégué général du Réseau CTI, Marie-Sabine Gavois
Université Jean Monnet Nadine Nassard, Professeur des universités, l'Université Jean Monnet de Saint-Etienne.
Centre technique industriel de la maroquinerie
Yves Morin, directeur général Françoise Nicolas, Direct. De l'innovation
AI Carnot Alain Duprey, directeur général
Comité Richelieu Christophe Lecante, Vice-Président
Grande-Bretagne
Ambassade de France à Londres
Dr Mariana Beija, Attachée pour la Science et la Technologie, Cyrille van Effenterre, Science and Technology Counselor
NCUB Joe Marshall (COO et director of strategy)
Imperial Innovations Lamia Baker (Senior Executive Technology Tranfer)
BBSRC Dr David McAllister, Head of Skills and Careers Unit Innovation and Skills Group
Innovate UK Mike Oldham, Head of Catapult Centres Programme Liz Flint, Head of Innovation Networks David Golding, Head of EU and International Strategy
Catapult “Cell Therapy” David Robertson, Head of Communications Prof. Johan Hyllner, Phd, Chief Scientific Officer
Isis Enterprise (Oxford) Dr Sarah Macnaughton, Managing consultant
Université de Manchester Dr Kieron Flanagan, Senior Lecturer in Sciences and Technology Policy Dr Elvira Uyarra, Senior Lecturer Professor Dr Jakob Edler, Professor of Innovation Policy and Strategy, Executive Director Ronnie Ramlogan, Senior Research Fellow
Université de Cambridge Tomas Coates, Ulrichstein
Université d’Oxford Dr Samantha Callagher, industrial research manager
Université de Leicester Dr Maggy Heintz, business development executive
Hefce Adrian Day, Senior Higher Education Policy Adviser Sophie Melton-Bradley (HE policy adviser)
Structural Genomic Consortium
Dr Wen Hwa Lee, Strategic Alliances Manager Pr Chas Bountra (Chief scientist)
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 123
Allemagne
Federal Ministry for Economic Affairs and Energy
Ullrike Blankenfeld, Industrial Collective Research
Federal Ministry of Education and Research
Jürgen Wengel, Assistant Head of division 112 New Innovation Support Instruments and Programmes Dr Maik Eichelbaum, Division 112 Dr Jutta Illichmann, Assistant Head of division 112 Anette Hilbert, responsable de l’évaluation du programme des Forschungscampus
Ambassade de France à Berlin
Simon Ulmer, Conseiller économique Entreprises – Industrie/Services Nicolas Cluzel, Attaché pour la Science et la Technologie Dr. Florence Rivière-Bourhis, Conseillère pour la Science et la Technologie Jolanta Lewandowska, Attachée pour la Science et la Technologie
Fraunhofer Gesellschaft Raoul Klingner, Director Alexander Kurz, Prof. Dr. membre du directoire de la Fraunhofer
Fraunhofer ISI (Karlsruhe) Pr. Knut Koschatzky
Institut Français Raoul Mille, Attaché de coopération Scientifique et Universitaire pour la Bavière et le Bade-Wurtemberg
IASP, Université Humboldt Dr. Stefan Köhler, Managing Director
DLR Dr. Ulrike Kunze, Senior Scientific Officer
BioM Pr. Horst Domdey, directeur du cluster BioM
VDI/VDE/IT Dr. Anette Hilbert, Head of Department Communication Systems and Human-Machine Interaction
PTJ Dr. Christopher Wolf, Diplom-Informatiker
AES Christophe Bruneau, Chief Executive Officer
Israël
Université de Tel-Aviv (TAU) Pr. Moshe Reshef, professeur au Département Géophysique, sur la valorisation de la recherche auprès des entreprises M. Boaz Mamo,Israel Innovation Institute, Directeur Exécutif Ecomotion Pr. David Mendlovic, Vice-doyen de la Faculté d’ingénierie (ancien Chief Scientist) M. Shlomo Nimrodi, Directeur général Ramot, Centre de Transfert de Technologie de TAU
Conseil de l’Education Supérieure (CHE)
Pr. Hagit Messer-Yaron, Vice-Présidente du Conseil de l’Education Supérieur (ancienne Chief Scientist)
Institut Weizmann
Elisabeth Kogan Senior VP Global Generic R&D Pr. Mudi Sheves, vice-président, Transfert de Technologies
TEVA Pharmaceutical Industries Ltd
Guy J. Rosenthal PhD, Manager, Global Academic Affairs & R&D Networks
Université de Jérusalem (HUJ)
Mme Dana Gavish-Fridman, VP Marketing, Yissum Research Development Company
Mobileye Tal Babioff VP Automotive Projects
Knesset Pr. Manuel Trajtenberg, membre de la Knesset, ancien Président du Council for Higher Education
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 124
Ministère des Sciences de la Technologie et de l’Espace
Pr. Nurit Yirmiya, Chief Scientist Ilana Lowi, Directrice du Département des Relations Internationales
Technion, Israel Institute of Technology
Pr. Alex Gordon, Directeur du Industral Liaison Office M. Benjamin Soffer, CEO du Technion Technology Transfer (T3) Pr. Ron Kimmel, Faculty of Computer Science Pr. Daniel Rittel Directeur Général Adjoint Vice-Président du Technion Pr. Moshe Tennenholtz
Bureau du Chief Scientist, Ministère de l’Economie
M. Ilan Peled, Directeur du programme Magnet
ICRI Pr. Uri Weiser, Professeur au Technion, Institute of Technology
Shakad Yarok Development Ltd
Dr. David Harari
Ambassade de France M. Patrick Maisonnave, Ambassadeur M. Lionel Corre, Conseiller économique M. Amos Schupak, Attaché économique Mme Anne Baer, Experte technique innovation (ETI) Mme Aurélie Guthmann, Conseillère Export
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 125
Annexe 14 : Sigles
AAP : Appel à Projets
ADEME : Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie
AiCarnot : Association des Instituts Carnot
ANR : Agence nationale de la recherche
ANRT : Association nationale de la recherche et de la technologie
Bpifrance : Banque publique d’Investissement
CDT : Cellules de diffusion technologiques
CEA : Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
CGI : Commissariat général à l’investissement
CGEIET : Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies
CIFRE : Conventions industrielles de formation par la recherche
CIR: Crédit d’impôt recherche
CNEPI : Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
CPER : Contrat de plan État Région
CRITT : Centre Régional d’Innovation et de Transfert de Technologies
CRT : Centres de ressources technologiques
CTRS : Centre thématique de recherche et de soin
CVT : Consortium de valorisation thématique
DGA : Direction générale de l’armement
DGAC : Direction générale de l’aviation civile
DGE : Direction générale des entreprises
DGRI : Direction générale de la recherche et de l’innovation
DIRD : Dépense intérieure de recherche et développement
DIRDA : Dépense intérieure de recherche et développement des administrations
DIRDE : Dépense intérieure de recherche et développement des entreprises
DIRECCTE : Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail
et de l'emploi
EPSCP : Etablissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel
EPST : Etablissement public à caractère scientifique et technologique
ETI : Entreprises de taille intermédiaire
FCS : Fondation de coopération scientifique
FUI : Fonds unique interministériel
HCERES : Haut conseil de la science et de la technologie
ITE : Institut de transition énergétique
IFPEN : Institut français du pétrole et des énergies nouvelles
IGAENR : Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche
IGF : Inspection générale des finances
IHU : Institut hospitalo-universitaire
INPI : Institut National de la propriété intellectuelle
INRA : Institut national de recherche agronomique
INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques
INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
Les relations entre les entreprises et la recherche publique 126
IRT : Institut de recherche technologique
MENESR : Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (actuellement Secrétariat
d’État)
MIRES : Mission recherche et enseignement supérieur
OCDE : Organisation de coopération et de développement économique
ONERA : Office national d'études et de recherches aérospatiales
OST : Observatoire des sciences et des techniques
PCRDT : Programme cadre pour la recherche et le développement technologique
PI : Propriété intellectuelle
PIA : Programme d’investissement d’avenir
PIB : Produit intérieur brut
PFT : Plates-formes technologiques (P.F.T.)
PME : Petites et moyennes entreprises
PSPC : Projets structurants des pôles de compétitivité
R&D : Recherche et développement
SAIC : Services d’activités industrielles et commerciales
SATT : Sociétés d’accélération du transfert de technologies
SHS : Sciences humaines et sociales
SIES : Systèmes d’information et d’études statistiques
SNR : Stratégie nationale de recherche
SNRI : Stratégie nationale de recherche et d’innovation
TGIR : Très grandes infrastructures de recherche
TIC : Technologies de l’information et de la communication
TEPA : Loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat
TPE : Très Petites Entreprises
TRL: Technology readiness level
TTC (TTO): Technology transfer company (office)
UMR : Unité mixte de recherche
UPR : Unité propre de recherche
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