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7/23/2019 l'Esthtique de Merleau-ponty
1/27
Presses Universitaires de Franceis collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Les tudesphilosophiques.
http://www.jstor.org
L'ESTHTIQUE DE MERLEAU-PONTYAuthor(s): Michal B. SmithSource: Les tudes philosophiques, No. 1, MICHEL HENRY / RECHERCHES (JANVIER-MARS 1988),
pp. 73-98Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41581739Accessed: 30-11-2015 17:14 UTC
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2/27
L'ESTHTIQUE
DE MERLEAU-PONTY
Le
but
de
ces
pages
est
de
dmontrer
u'il
existe
chez
Merleau-Ponty
une
thorie
cohrente
de
l'esthtique,
qu'elle
transparat,
ntgrale
et
moins
ambigu
qu'on
ne
l'a
dit
parfois,
dans
ses
crits ur
la
peinture
t
le
langage,
et
qu'elle
est
consquente
sa
thse
du
primat
e
la
perception,
dont elle constitue un dveloppementncessairesur le plan culturel.
Par
un
renversement
ien
connu
des ordres de
la
logique
et
de
la
dcou-
verte,
a
rflexion u
philosophe
sur
l'esthtique
renouvel et
modifi
ses
prmisses
de
dpart.
Ayant
nterrog
onguement
es
nigmes
de
la
cration
plastique
et
verbale,
Merleau
Ponty
fut
amen,
dans
Le
visible
et V
nvisible
uvre
nterrompue
ar
la
mort,
concevoir une
ontologie
indirecte.
Conformment
une
obliquit
essentielle
qu'il
avait
dcou-
verte
dans
toute
expression,
l
en
vint
rformer
'ide
mme
de
la
vrit.
Au
rve
trompeur
d'une
vrit
dentique, qui
feraitde
la
connaissance
concidence
muette,
crasement
e
l'esprit
contre a
chose,
est
substitue
une vritde la vision. Cettedernire omporterait n cart inhrent
qui
ne
nous
spare
pas
des
choses,
qui
au contraire ous
donne notre
eul
accs
possible.
La
proximit
par
distance
*
serait e
principe
et
de
la
perception
t
de
l'expression.
Alphonse
de
Waelhens,
dans
une
tude
critique
ur
a
philosophie
de
Merleau-Ponty,
affirme
ue
la
doctrine
que
nous
tudions
recle
vraiment es
germes
d'une
esthtique
cohrenteet
complte
2. Or
ce
jugement
de
195
1
ne
s'appuyait que
sur
deux
textes
yant
trait
l'esth-
tique
Le
doute e
Csanne
t
Le roman t
a
mtaphysiqueparus
dans
Cahiers
du Sud et
Fontaine
respectivement,
n
1945,
et
repris
dans
le
recueil
Sens t non-sensn 1948).Nous auronsl'occasion de confirmer'panouis-
I.
Merleau-Ponty,
e
visible
t
V
nvisible,
allimard,964, . 170.
2.
A.
de
Waelhens,
ne
hilosophie
e
V
mbigut,
ouvain,
967,
.
376.
Les
Etudes
hilosophiques
n
1/1988
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74
Michael B.
Smith
sementultrieur e cette sthtique n germe travers es analysesde Le
langage
ndirect
t
es
voixdu silence
Temps
modernes
1952,
repris
dans
Signes
i960),
jusqu'
sa culmination
dans
les
pages
foisonnantes
d'images
et
de
rsonances
mtaphysiques
de L'il
et
V
sprit
1961)
et de
Le
visible
et V
nvisible
posthume,
1964).
Mais avant
d'aborder
ces textes
mthodiquement,
l
convient
de
situer
l'esthtique merleau-pontyenne
ans
ses
grandes lignes,
dans
l'ensemble
de
son uvre.
Le rledel'esthtiqueans a philosophieeMerleau-Ponty
Remy
Kwant3
distingue
trois
phases
dans
la
carrirede Merleau-
Ponty.
La
premire,
elle
de
La structureu
comportement1942)
et
de
la
Phnomnologie
e
a
perception
1945),
voit
l'tablissement
es
bases
de
sa
philosophie.
La
seconde,
un
mouvement
en
largeur,
correspond
la
traduction
e cette
philosophie
en
prises
de
position
sur a
religion,
'art
et la
politique.
La
dernire
phase
constituerait
ne
nouvelle
lance,
peine esquisse
dans
le manuscrit nachev de
Le
visible
t
/'
nvisible
t
dans
un
certainnombre
d'essais
datant de
la mme
poque;
il
s'agirait
d'une rvision du rle de la contingenceen faveur d'une tlologie
transcendante
l'homme. Kwant
trace mticuleusement ettervision
quatre
notes
autocritiques epresparmi
es brouillons
de
l'auteur.
Cette
rpartition,
d'une
nettet toute
didactique,
fait
l'conomie
d'un fait
ssentiel
la
comprhension
u
penseur
xistentialiste.
oujours
hostile
la
pense
de
survol
,
Merleau-Ponty
n'a
jamais
cru
qu'un
philosophe
purement
contemplatif t
s'isoler
de
son
temps
pour
le
rejoindre
ensuite. Ce n'est
donc
pas
parmi
des
notes
autocritiques
que
nous avons
chercher
es
raisons
profondes
du
nouveau
tournant
de sa
philosophie,
mais
dans
son
Auseinandersetzung
vec tous
les
courants
intellectuels e son poque. Retracer cettehistoired'aprs-guerre,es
changes
dialectiques
avec
un
marxisme
tiraill
entre
le
stalinisme
t
l'humanisme
occidental,
une
psychologie
o s'enchevtraient
es
l-
ments
freudiens,
estaltistes
t
existentialistes,
t une
sociologie
structu-
raliste
naissante,
la
recherche
de
ses buts
et
ses
moyens,
ce serait
un
travail
qui
dpasse
de loin la vise
de
cette
tude.
Notons
cependant
ue
c'tait
a
convergence
de ces
forces
vec
la
logique
interne
de
la
phno-
mnologiequi
a
produit
e
mouvement
omplexe
de
la
pense
de
Merleau-
Ponty,
et
que
ce
n'est
pas
en s
interdisant
e
mler es niveaux
du
dis-
cours
qu'on parviendra
le
reconstituer.
Mais il y a une autreobjection la schmatisation e Kwant, et elle
nous
touche de
plus
prs.
Elle a le tortde
suggrer
ue
l'intrt
e
Mer-
3.
R.
Kwant,
rom
henomenology
o
MetaphysicsDusquesne
niversity,
966, .
15
t
q.
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L'Esthtique
de
Merleau-Ponty
75
leau-Ponty our l'artet l'expression n gnral e situeuniquementdans
la
priode
moyenne
et
pour
ainsi
dire mondaine de
sa carrire.
n
fait,
nous verrons
ue
ce n'est
pas
dans
quelques
uvres
de
circonstance
mais
un
peu partout,
t
de
plus
en
plus imprieusement,
u'il
s'interroge
ur
les
problmes
de
la
peinture
t
de
la
parole.
Si nous
le
croyons,
'ensemble
de
la
philosophie
de
Merleau-Ponty
doit
tre
compris
comme
un
empirisme
adical
(au
sens
husserlien) ui,
partant
d'une
critique
de
la
perception,
'tend
au domaine de
l'expres-
sion
pour
aboutir
une
ontologie
fonde
sur
le
sentant-sensible,
our-
quoi
ne
pas
admettre
ue
cet ensembleconstitue
une thorie
gnrale
de
l'esthtique Il faudrait, ien entendu, l'encontred'un usage du mot
souvent
plus
restreint,
nsister sur
le sens
philosophique
d
esthtique,
drive
du
grec
aisthsis
,
c'est--dire
sensation
. C'est
prcisment
partir
'une
critique
de
la thorie
lassique
de
la
sensation
ue
commence
le
magtum pus
de
Merleau-Ponty,
a
Phnomnologie
e
la
perception
Revenons
rapidement
ur les
moments essentiels
de
ces
analyses
de
la
perception,
puis
de
l'expression;
analyses
qui
ont
peu
peu
rvl
leur
auteur
le
sens
plein
des
hypothses implicites
de
ses
propres
recherches.
La structureu
comportement
montre
'insuffisance
es
explications
de la physiognomie t de la psychologiede l'poque4 l'gard de leurs
propres
constatations.
La
Gestalttheorie
plus prometteuse
ue
le beha-
viorisme,
emble
se dtourner
des
consquences
philosophiques
de
ses
mthodes.
Les
rapports
de
l'organisme
avec
son
entourage
ne
sauraient
tre
xpliqus
par
'action causale d'un
stimulus
xtrieur,
ar
'organisme
ragit
globalement
u contextevital
des
stimulus
dans
un milieu
qui
n'a
pas
d'existence
purement
bjective.
l
y
a donc
un a
priori
de
l'orga-
nisme,
qui
contribue
ctivement
la
mise en forme
du
stimulus
uquel
il
ragit.
Cette causalit
circulaire,
mpitement
mutuel
du
sujet
et
de
l'objet,
de
l'esprit
t la
matire,
'est
pas
un
cas
exceptionnel
mais
plutt
la norme, la condition ncessaire l'exprience vcue. Elle ne fait
problme
qu'
la rflexion c'est
elle
de
s'en accommoder.
Seule
la
pense
dialectique
reste
fidle
ce
phnomne d'appel
et
de
rponse
rciproques
entre
'intriorit
e
l'organique
et l'extriorit
u
monde,
entre
a
conscience
et la nature.
Avec
la
Phnomnologie
e la
perception
ous
passons
du
niveau de
la
critique
des
sciences
exprimentales
l'exploration plus
ample
du
Lebensweltont
parlent
es
uvres
posthumes
de
Husserl.
Mais
la
diff-
rence
de
ce
dernier,
Merleau
Ponty
s'astreint
tayer
a
spculation
constamment
ur
les
observations
des
psychologues
de
la forme
alle-
mande,Gelb,Goldsteinet Kohler. La notion du corps propre,ntroduite
4.
Merleau-Ponty
achev 'crire
a
structure
u
omportment
n
1938.
f.
Th.
Geraets,
Vers ne ouvelle
hilosophie
ranscendentales
ijhoff,
971, .
1.
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76
Michael
B. Smith
dans l'existentialisme ranaispar Gabriel Marcel6,se fait ci le sujet
naturel de la
perception.
L'espace,
le
temps
et
les
choses sont
moins
subis
que
constitus
ar
ce
corps
vcu,
dont
e
corps
physiologique
de
la
science
ne
reprsente
u'un
dcalque
driv
et affaibli.
Sige
de
la
perception,
e
corps
est aussi le
lieu
de
l'expression.
Le
geste
accomplit
une
transcendance ans
l'inhrence,
ar la
ligne
virtuelle
du
bout de mon
doigt jusqu'
l'objet dsign
donne
un
sens
(direction)
l'espace
et
exprime
du mme
coup
mon ens
(signification)
ntentionnel
d'autres
subjectivits.
a
parole
aussi
a
une
signification
estuelle.
Le
langage,
avant
d'tre
un
code
ou
un
dpt
de
significations
cquises,
n'est qu'un stylegnralis,une faon de chanter e monde (Phno-
mnologie
e
a
perceptionp.
218).
Mais comment
lors
d'un
usage
gestuel
ou motif
e
la
parole
passe-t-on
sa fonction
onceptuelle
Le
processus
serait
nalogue,
dans
son
commencement
u
moins,
aux
actes transcen-
dants
du
corps.
Le sens
du
mot
n'est
pas
contenu
dans
e
mot
comme on.
Mais
c'est
a
dfinition
u
corps
humain
de
s'approprier
ans une
srie ndfinie
'actes
discontinus
es
noyaux
ignificatifs
ui dpassent
t
transfigurent
es
pouvoirs
naturels.
et acte de
transcendancee rencontre
'abord
dans
l'acquisition
d'un
comportement,uis
dans
a
communication uette u
geste
c'est
par
a
mmepuissance ue le corpss'ouvre uneconduitenouvelle t la fait om-
prendre
des tmoins
xtrieurs
ibid.,
.
226).
Pour
qu'il
y
ait
communication
l
faut
qu'il
y
ait
une
gnralit
e
la
part
du
signifiant
t
un
fonds
d'expriences
communes
qui
constitue e
signifi.
n
ce
qui
concerne es
gestes corporels,
c'est
le
corps
humain
qui
fait a
gnralit
du
signifiant;
e
monde
peru
commun
fournit
n
arrire-plan
e
rfrents
ignifis. j
avec
ce
monde
peru
commun
est
donne
une
des
conditions
ncessaires
pour
qu'il
y
ait
langage parl.
La parole est un geste et sa signification n monde (ibid.,p. 214).
Mais
la
gnralit
du
corps
humain
se substitue
a
gnralit
d'une
langue.
Cette
institution,
igoureusement
omologue
au
corps
propre,
est
bien
plus qu'une
mtaphore
hez
Merleau-Ponty.
a
parole
n'est
pas
le
reprsentant
'une
pense
(et
encore
moins
d'une
chose),
ni
son vte-
ment
,
mais
exactement son
emblme
ou
son
corps
(ibid.y
.
212).
L'expression
fait
exister
a
signification
omme
une
chose au
cur
5.
L'Etre
t voire Gabriel
arcel
1935)
d xercer
ne nfluenceonsidrable
ur
e
jeuneMerleau-Ponty,en uger'aprsn ompteenducritar ederniern1936. 'extrait
suivant,
sumantarflexioneMarcelur e
corps ropre,
ait
ressentirj
athse e
la
Phnomnologie
e a
perception
Il
ne
m'apparatas
omme
n
objet,
omme
n nsemble
de
qualits
t
de
caractres
u'il
'agirait
e coordonner
t
de
comprendre;
es
rapports
que 'ai
vec
ui
ne
ont
as
eux u
cogito
tdu
cogitatimi,
u
sujet pistmologique
t de
l'objet. e
ais ause ommunevec
ui, t,
'une
ertaine
anire,
e
uismon
orps
(Mer-
leau-Ponty,
tre
t
voir,
ans a
vie
ntellectuellevol.
5,
n
1,
octobre
936,
.
100).
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6/27
L'Esthtique
de
Merleau-Ponty
77
mmedu texte . Et quinze ans plus tard,dans Le visib/et 'invisiblele
rle
du
langage
comme
corps
de
toute idalit est
affirm t affermi
davantage.
Disons
seulement
ue
l'idalit
ure
n'est
pas
elle-mmeans
chair i
dli-
vre
des
structures
'horizon
elle
en
vit,
quoiqu'il s'agisse
d'une autre hair
et
d'autres
orizons.
C'est
comme i
la
visibilit
ui
anime e monde ensible
migrait,
on
pas
hors
de
tout
corps,
mais dans
un
autre
orps
moins
ourd,
plus
transparent,
omme
i elle
changeait
e
chair,
bandonnant
elle
du
corps
pour
celle
du
angage,
t affranchie
ar
,
maisnon dlivre
e
toute
ondition
(Le
visible
tV nvisible
p.
200).
Le
problme
qui
proccupe
Merleau-Ponty
ci
est
le mme
qui
avait
t
soulev
lors
de
la
soutenance
de sa thse du
primat
de
la
perception
en
19466,
savoir
:
Comment
expliquer
e
passage
du monde
vcu
ori-
ginaire
au monde
culturel
Problme
constant
pour
toute
philosophie
qui
prend
au
srieux
a
gense
de
sa
propre
rflexion.
a
mthode
de
Merleau-Ponty
onsiste,
comme
on voit dans
le
passage
cit
plus
haut,
qualifier
es
termes
rop antithtiques
u
dilemme.
D'une
part,
'idalit
n'est
pas
sans
conditions
: elle n'existe
ue
dans
e
langage.
L'inhrence
dans
une forme
st vidente
pour
les
ides
musicales
t
ittraires,
ussi
bien que pour ce genre d'idalit de cohrence ou de styledvoile
dans
la
peinture;
ce
sont
l
des
ides
sans
quivalents
dont
parle
Marcel
Proust.
Mais
que
dire
de
ses
ides
de
l'intelligence
,
celles
qui
sont
susceptibles
e
transposition
n
algorithme
Merleau-Ponty
borde
le
problme
n
faisant
ppel
au
principe
ue Bergson
appelait
le mouve-
ment
rtrograde
du
vrai
7,
et
par
Husserl
E
ickgestaltung.
e
qu'on
appelle
sign
ne
prend
valeur
de
signe
qu'aprs
que
le sens
en a
t
donn.
Ce
phnomne
nous
met
dans
l'impossibilit
de
nous
dfaire
de
ce
que
nous avons
une fois
pens,
et nous
le fait
retrouver
ans
le
monde
peru.
D'autre
part,
a sensation
ponctuelle
brute
sur
laquelle
reposait
le vieil empirismede Hume n'existepas telle quelle. La perceptionest
exgse nspire
,
la
vision
et
le
toucher
nterrogent
es choses
selon
leurs
propres
vux
.
Le
vcu
est
dj
du
vcu-parl
avant
la
lettre.
(Citant
Lacan,
Merleau-Ponty
dit :
La vision
mme,
a
pense
mme
sont,
a-t-on
dit,
structures
comme
un
langage ,
sont
articulation
[...]. )
Jusqu'ici
on aurait
pu
penser
que
Merleau-Ponty
e
contenterait
e
rapprocher
es
termes
du
dilemme
matrialisme-idalisme9.
n
fait,
l se
6. Bulletine a SocitranaiseePhilosophie,ol.48,dcembre947, . 1 9-15.
7.
L'expression
e
rencontre
ans
e
premier
hapitre
e
La
pensee
t
e
mouvante
Bergson.
Cite
ar
Merleau-Ponty,
e visible
t
y
nvisible
p.
242-243.
8.
Le visible
t invisible
p.
168.
9.
Le matrialisme
t 'idalisme
ont
l
s
agit
ci seraient
eux
un cartsianisme
n
dgnrescence.
[...]
e
cartsianisme,
u'il
e
voult
u
non,
inspir
ne cienceu
corps
humain
ui
e
dcompose,
ui
aussi,
n
unentrelacement
e
processusbjectifs
t,
vec
a
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7/27
78
Michail
B. Smith
prpare frayer ne nouvelle voie, gale distance des deux, dans le
clair-obscur
de
l'exprience
vcue.
Il
y
a,
selon
lui,
une
tendance
construire
a
perception
partir
u
peru,
notre ontact
vec
le
monde
partir
de
ce
que
nous avons
appris
sur le
monde
10.
C'est
prcisment
cette
application rtrospective
es
accomplissements
e
la
perception
sa
propre
dfinition
ue
Merleau-Ponty
eproche
aussi bien aux
physi-
calistes
qu'
Husserl et Sartre. l
appelle
cette erreur le
prjug
du
monde
.
Comment
se
dfaire
d'une
erreur
apparemment
si
solidaire avec
notre
exprience
du monde
? Voil la tche
que
s'est
propose
Merleau-
Pontydans Le visibletV nvisible.l fautd'abord se dbarrasser u bric--
brac
positiviste,
es corrlatifs
u
monde
objectif qu'on appelle
tats
de
conscience
,
matire
,
forme
image
,
et
mme
perception
(dans
la mesure o elle
sous-entend
e
dcoupage
du
vcu en actes
discontinus
t
se
rfre ux
choses
,
dont
le statut
n'est
pas
encore
dtermin).
La
destructiones
croyances,
e
meurtre
ymbolique
es
utres tdu
monde,
la
coupure
e la
vision
t du
visible,
e
la
pense
t de
l'tre
ne nous
tablissent
pas,
comme ls le
prtentent,
ans
le
ngatif;
uand
on
a t tout
cela,
on
s'installe
ansce
qui
reste,
ensations,
pinions;
e
sontdes
fragments
utils
de la vagueomnitudoealitatisontreaquelle e doutes'exerait,t ls la rg-
nrent
ous d'autresnoms
-
apparence,
ve,
Psych,
eprsentation.
'est
au
nom
et au
profit
e ces ralits
lottantes
ue
la
ralit olide
est
miseen
doute.
On
ne
sort
pas
du
quelque
chose,
et
le doute comme destruction
es
certitudes 'est
pas
doute11.
La foi
perceptive
este
ntacte t
le
doute,
mthodique
ou
non,
ne
peut
que dplacer
son
objet.
Pour viter
de
rentrer ans les
impasses
d'o
il
s'agit
de
sortir,
l faut revenir
ux
expriences
non
encore
travailles,
antrieures u
partage
n
objet
ou
sujet
,
essence
ou
existence
.
Ces expriences ont voir tparler (On ne peut ajouter penser que
sous
certaines
rserves,
car la
distinction
bsolue entre
parler
et
penser
nous
mettrait
j
au niveau de
la
rflexion.)
Il n'est
pas
question
de
renoncer
la
rflexion,
mais de
la
rendre
ssez
consciente
de
ses
propres
dmarches
pour
se mettre n
rapport
vec ses
origines;
ni
la
raison,
mais de
la
ramener
ur
terre.
Or,
il ne
peut
y
avoir de
modle
ou
de
schma
qui
restefidle
la
perception
qui,
elle,
est antrieure
toute abstraction.
Et
quoi
notionesensation,rolongeettenalyseusqu'aupsychisme .es deuxdalisations
sont
olidairest doivent
tre
faites
nsemble
(Le
visible
t
'invisible
p.
46).
Pour
ne
analyse
lus
taillee
a
critique
erleau-pontyenne
e
a
pense
flexiveno-cart-
sienne,
f.F.
Olafson,
erleau-Ponty's
hilosophy,
ans
henomenology
nd
xistentialism,
John opkins,
967, .
179-205,
assim.
10.
Le vtsible
t
nvisible,
.
207.
il.
Ibid.,
. 145.
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8/27
U
Esthtique
e
Merleau-Ponty
79
bon une philosophiese donnerait-elle our but d'expliquer a possibilit
du
monde
rel,
une fois
qu'elle
a
appris
que
les
possibilits
ne
sont
elles
aussi
que
des
fragments
mutils
du
rel
et en drivent
Si le
possible
est
fond
sur
le
rel,
c'est l'tre
de
cette
ralit-l,
ur
laquelle
notre
perception
ouvre
directement,
u'il
faut
nterroger.
Une
ontologie
du
monde
vcu
ne
peut
s'tablir dans
le
langage
des
positivistes, angage
dont
la
pauvret
et
le
style
dcharn
ont
la
ranon
de
la clart.Le
visible,
'invisible,
a
voix
et le
silence,
a
chair,
e dedans
et
le
dehors
seront
les
lments de
cette
ontologie.
Il faut entendre
lment au
sens
o l'entendaient
es
Anciens.
La
chair
st lment
comme 'taient e eu Peau, 'air et a terrenotionsimple,pensableen soi.
(L'on
sait
'usage
qu'a
faitGaston
Bachelard
des
lments ans
la
psycha-
nalyse
de
la
littrature.)
Ce
que
nous
appelons
chair
[...]
n'a
de
nom
dans
aucune
philosophie
,
crit
Merleau-Ponty12.
l
nous
importe
de
donner
ci
une ide de
ce
que
c'est
que
l'lment chair
,
car
'esthtique
que
nous
tudions
est
fonde,
non
sur
une
esthsiologie
des
organes
de
la
perception
comme
nous
les dcrit
la
physiognomie,
mais
sur
le bti
ontologique
du
corps
vcu.
Or,
ce
corps-l,
mais
aussi le
monde vcu
qui
en est le
prolongement,
st
un
chiasme,
entrelacs
de
mouvement,
e
vision
et
de
toucher,
arcissisme
u
voyant-
isible,
rversibilit u
dedans
et du dehors,milieuformateur e l'objet et du sujet; c'est le Principe
barbare
,
antrieur
toute
objectivit,
nomm
chair
.
Voici
un
passage,
que
nous
appellerions
de
la
philosophie
lyrique,
o
Merleau-Ponty
dcrit
ce
qui
en
termes
analytiques
se rduirait
l'nonc
du
problme
de
la
perception
d'autres
subjectivits
:
Pour
la
premire
ois,
e
corps
ne
s'accoupleplus
au
monde,
l
enlace
un
autre
corps,
s'y appliquant
oigneusement
e toute son
tendue,
dessinant
inlassablement
e ses mains
'trange
tatue
ui
donne son
tour out
e
qu'elle
reoit,
erdu
hors
du monde
et des
buts,
fascin
ar
l'unique
occupation
e
flotterans 'Etre avecune autrevie,
de
se faire e
dehors
e
son
dedans
t
e
dedansde son dehors.Et ds lors,mouvement,oucher, ision,
'appliquant
l'autre t
eux-mmes,
emontenters
eur
ource
t,
dans e
travail
atient
et silencieux
u
dsir,
ommence
e
paradoxe
de
l'expression18.
Ce
n'est
pas
un
exemple
de la
posie prcieuse,
dite
mtaphysique
la
John
Donne,
ni le
lyrisme
idactique
d'un
Fontenelle,
our
enjoliver
la
mcanique
cleste.
Plus
prs
dans
le
temps,
les
descriptions
de
l'Autre
chez
Sartre ont trs
loignes
de
celle-ci
et
par
le
style
t
par
le
contenu
:
le
corps
d'autrui
y
est
le
plus
souvent
rduit
la Facticit
d'une
chose
par
mon
regard.
Nous aurons
revenir
ur
e sens
trs
prcis
que
Merleau-Ponty
donne
l'expression
du dedans du dehors et
12.
bid.,
. 193.
13.
btd.y
. 189.
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9/27
8o
Michael B Smith
vice versa non plus dans le drame ontologique de la rencontre vec
autrui,
mais
propos
des
rapports
de
l'image
la ralit
n
peinture.
La
chair
du
corps
et
du monde
vcus
n'est
pas
la
matrialit
inerte,
mais
perptuelle
rgnance,
erptuelle arturition,
nrativit
et
gnralit,
ssence brute et
existence brute
[...]
M. La
matire est
toujours
prgnante
e
sa
forme,
t les
dimensions,
es
pilotis
du
monde
vcu laissent
entrevoir
n
filigrane
n
Logos sauvage
.
L'idalit
est
idalit d'horizon
d'abord,
et
incruste
ux
jointures
de
mon
corps
et
du monde.
Si nous avons bien
compris
le
sens
de
la
dernire
philosophie
de
Merleau-Ponty, lle donnait l'anthropomorphisme a part de vrit,
en
vertu
du fait
que
les
conditions
ontologiques
de
notre
tre
(en
tant
qu'
tre-au-monde
)
et
de
celui du
monde
sont es mmes.
La chose est
une
variante e
moi-mme,
ui
suis tre
exemplaire,
t le
langage,
n'tant
la
voix de
personne,
est,
dans un
sens,
la
voix mme des
choses,
des
ondes et
des
bois
15.
Dire
que
les
choses ont une
prsence
,
c'est dire
qu'elles
nous
regardent
,
et
qu'une
mme
Visibilit,
tantt
errante
et
tantt
rassemble
16
fait
que
nous
voyons
le
monde
et
que
nous
sommes
visibles.
L'ontogense s'intgre
dans
l'ontologie
gnrale.
On
dit
qu'un
homme est
n
l'instant
o ce
qui
n'tait
au
fond du
corps
maternel u'un visible virtuel e fait la foisvisible pour nous et pour
soi.
La vision
du
peintre
st une
naissance
continue.
17
I
fautfaire
tat
de
cette
ontologie
de
la vision
qui
entoure
l'esthtique
de
Merleau-
Ponty,
qui
la
traverse
e
part
en
part,
t
qui
claire
notamment
es textes
sur
a
peinture,
onstamment
nims
par
une
dialectique
du
visible et de
l'invisible.
LA
PEINTURE
L'intrt
de
Merleau-Ponty
our
la
peinture
date
de
sa
thse
de
1945,
se
dveloppant
comme
la
suite
naturelle
de
son tude
de
la
perception.
Dans
un
chapitre
de
la
Phnomnologie
e la
perception
ntitul
La
chose
et
le
monde
naturel
il
avait
dj
tudi cette
qualit
de
l'objet
rel
que
Husserl
appelait
sa
transcendance
:
toujours
a
source
d'explora-
tions
plus
approfondies,
d'une
srie infinie
Abschattungen
la chose
relle
demeure
extrieure
la
conscience,
absolument
autre
.
Elle
provient
de cette mme
nappe
antprdicative
'o
surgissent
es hallu-
cinations, t elle est aussi rsistante u'elles aux rductions dalistesou
14.
bid.,
.
155.
15. bid., . 204 la
formule
st ttribue
Paul
Valry.
f. La
Pythie).
16.
bid.,
.
181.
17.
L'il t
'esprit,
allimard,
964,
.
32.
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10/27
L'Esthtique
de
Merleau-Ponty
8i
empiriques.La foiperceptive , appele parHusserl Urdoxa u Urglaube
trouve ou
constitue,
n
de
de la distinction
u vrai
et
du
faux,
de
la
passivit
t de
l'activit,
etteralit
riginaire.
e
premier
momentde la
vision
est
extase
,
garement
de
la conscience hors d'elle-mme.
La
conscience
se
perd
dans
l'objet.
Une
des
consquences
de
ce
postulat,
celle d'une
premire
laboration
nconsciente
de
la
perception
chez
le
sujet,
ne
sera
examine
que
beaucoup plus
tard,
dans
Le
visible
t Vin-
visible1*.
La
mme anne
de
la
parution
de
la
Phnomnologie
e
la
perception
Merleau-Ponty
crit
un
essai
sur
la
peinture
de
Czanne
(
Fontaine
n
8,
1945, p. 80-100,reprisdans Senset non-sens1948), intitulLe doute e
Csanne.
L'essai
prolonge
ses
rflexions
ur
Czanne
dans
la
Phnomno-
logie
e a
perception
et
dcouvre
dans
la
pratique
du
peintre
une
rsolu-
tion
concrte,
quoique toujours
provisoire,
du
dilemme
philosophique
de
l'intellectualisme
t
de
l'empirisme.
L'uvre
de
Czanne
serait
un
quilibre
malais
entre
a
logique
de
la
vision
et la nature
n
soi,
entre a
sensation
brute
et
la
pense.
Le
doute
e
Csanne
L'essai s'ouvre
sur
un ton
dsinvolte,
moncelant
fragments
iogra-
phiques,
paroles
de
l'artiste
t
jugements
des
contemporains.
A
travers
les faitsdivers
de
cette
vie,
presque
dpourvue
de
rapports
humains
et
qui
cherche
sa
justification
t
son
sens
dans
la
peinture,
ransparat
e
signe
menaant
du
doute.
Czanne se
rfugie
dans
son
art,
incapable
d'articuler
es raisons
de
cette vrit
qu'il pratique,
ni ses
amis,
ni
soi-mme.
[...]
lui-mmen'est
pas
au centre
de
lui-mme,
neuf
ours
sur
dix
il ne
voit
autour
de lui
que
la misre de sa vie
empirique
et ses
essais
manqus,
restes
d'une
fte
nconnue
20. l
en
vient
attribuer
l'originalitde son art un troublede ses yeux.Mais laissons de ct
18.
Merleau-Ponty
uvre
a
porte
une
horie
e
'inconscient
ans
a
Phnomnologie
de a
perception
orsque,
propos
e
'hallucination,
l
crit
[...]
l
nous
aut ien
efuser
la
conscience
erceptive
a
pleine
ossession
e soi
et l'immanence
ui
exclurait
oute
llu-
sion.
Et
dans
ne onfrence
onne
Genve
n
195 (Sigpes,
. 291),
Merleau-Ponty
signaleue
'inconscient,
cette
smosentre
a vie
nonyme
u
corps
t a
vie
officielle
de a
personne,
ui
st a
grande
couverteeFreud
,
est
ne
es
dcouvertes
es
plus
mar-
quantes
u
xxe
icle.
l dfend
a
notion 'un
nconscient
ontre
'objection
rincipale
e
Sartre
pour
ui
'inconscient
erduit
un
processus
en roisime
ersonne
),
t
l
ndique
que
on
tatut
hilosophique
erait 'une
perceptionmbigu
,
c'est--dire
pas
un
non-
savoir,
ais
lutt
n
avoir
on
econnu,
nformul,
ue
nous
e voulons
as
ssumer
.
Dans esderniresnnese avie,Merleau-Pontyttribue'inconscientn le rimordial
dans 'laboratione
'objet eru
cf.
e
visible
t 'invisible
p.
243, 23,
24).
Malgr
es
objections
e Husserl
t
de
Sartreontree
concept
e
'inconscient,
l
est vident
ue
es
termes
otivierung,
fungierende
ntentionnalitt
t
surtout
orizontbaftigkeit
hez e
premier,
et es
nalyses
e
a
mauvaise
oi chez
e
second,
elvent
'un
hnomnenalogue.
19. Phnomnologie
e
a
perception
p. 368,
73.
20. Sens tnon-sens
Nagel,
9665
d.),
.
43.
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11/27
82 Michail B.
Smith
cet aspect existentiel e l'essai, qui tented'tablir es liens subtils entre
l'uvre
et
la
vie
d'un
artiste
raqu
par
le
doute.
L'art
de Czanne semble
paradoxal,
en
ce
qu'il
se
propose
de
faire
de
l'Impressionnisme quelque
chose
de
solide
comme
'art
des
muses
.
Et en
effet,
zanne traverse
ssez
rapidement
a
priode
impression-
niste.
A
la
diffrence
e
l'objet
volatil,
perdu
dans
le
jeu
des
reflets,
enveloppe
de
la luminosit
nivrante
mpressionniste,
'objet
czannien
est
comme
clair
sourdementde
l'intrieur,
a
lumire mane de
lui,
et
il
en rsulteune
impression
de
solidit
et
de
matrialit
.
C'est
que
l'esthtique
de Czanne refusede choisir entre
a
pense
et la
sensation.
Son regard ssiste la gensede l'objet. L'objet rel estperu commela
source
essentielle
dont
toute
impression
est
une
expression.
l
y
a
une
logique
de
la
vision
que
l'il
comprend
ans l'intervention
e la
rflexion
(ce
qui
ne veut
pas
dire,
bien
entendu,
que
la rflexion
'intervient
as
au
stade de
l'agencement
echnique
de
l'expression
du
peintre).
Le
biais
fondamental
de
la
peinture
est
de
tout
exprimer,
ensations
tactiles,
mouvement,
usqu'aux
odeurs
au
dire de
Czanne,
rien
que
par
la
vision.
Mais
il
ne
s'agirait
pas
de
suggrer
es
sensations
par
un
code visuel
appropri;
le
peintre
voit
e
velout,
a
duret
dans
l'objet
mme. l
ne
faut
pas,
disait
Czanne,
vouloir
peindre
les
expressions,
es
physio-
nomies, es apparencesaffectives irectement. a peinturen'estpas une
calligraphie.
Balzac dcrit
ansLa
peau
de
hagrin
ine
nappe
blanche omme necouche
de
neige
frachement
ombe
et
sur
laquelle
s'levaient
ymtriquement
es
couverts
ouronns
de
petits
pains
blonds
.
Toute
ma
jeunesse,
disait
Czanne,
'ai
voulu
peindre
a,
cette
appe
de
neige
frache
...]
Je
ais mainte-
nant
u'il
ne
faut
ouloir
eindre
ue
:
s'levaient
ymtriquement
es
couverts,
et
de
petits ains
blonds.Si
je peins
couronns
je
suis
foutu,
omprenez-
vous ?
Et
si vraiment
'quilibre
t
e
nuancemes
couverts
t
mes
pains
omme
sur
nature,
oyez
srs
que
les
couronnes,
a
neige
et
tout e
tremblement
seront. ai
D'o l'effet
'un
fonds de
nature nhumaine
dans
ses
paysages.
Le
monde
est
gel,
nanim
le
lac
d'Annecy
est
sans
e
moindre
mouvement.
Le
mouvement,
e
sens,
n'est
pas
thmatis.
out
hsite,
omme
l'origine
de
la
terre.
La
nature
est au
premier our.
Cet
essai
nous
laisse
avec
une
vague inquitude.
En
associant
mplici-
tement 'effort
u
peintre
par
excellence,
Czanne
en
l'espce,
avec celui
de la
peinture
en
gnral,
Merleau-Ponty
ne nous
propose-t-il
pas
une
esthtique
rop
troite
Est-ce
que
les
Impressionnistes
nt tous
manqu
la voie de la peinture uthentique Et que dire alors de l'art abstrait
Il
est
certain
ue
la
carrire t l'uvre
de
Czanne
sont
particulirement
aptes
la
dmonstration
e certains lments
e
la
philosophie
de
Merleau-
2i.
Ibid.,
.
27,
28.
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12/27
L'Esthtique
de
Merleau-Ponty
83
Ponty,et dans un sens il estvrai que le meilleurmoyende saisir 'esprit
de la
peinture,
'est de
concider
en
partisan
vec
la
vision
d'm
peintre.
Nanmoins,
si
un
peintre,
dont
la forme
d'expression
n'est
pas
discur-
sive,
n'est
pas
tenu
formuler orrectement
n mots sa
pratique
rtistique
(et
encore
moins celle des
autres),
l n'en est
pas
de
mme
pour
un
philosophe.
Nous
verrons
dans
Le
langage
ndirect
t les voix du
silence
paru
sept
ans
aprs
Le
doute
de
Csanne
'apparition
d'une notion
de
l'historicit
es uvres
culturelles
t
de
la
peinture
comme
institution,
qui
rpondra
mieux
ces
exigences.
Le
langage
ndirect
t es voix du
silence
En
1952,
Merleau-Ponty
emania un
chapitre
de
La
prose
du monde*
uvre
qu'il
devait
abandonner
par
la suite22
our
publication
dans
Les
Temps
modernes
Il
l'intitula
Le
langage
ndirectt es
voix du silence
L'auteur de
l'essai
a
plusieurs
interlocuteurs
Saussure,
Sartre
(la
ddicace
en
tmoigne),
et
surtout
Malraux. Une
partie importante
de
l'uvre
traite
de
l'expression
verbale.
Rservons
notre
discussion
sur
le
langage
chez
Merleau-Ponty
our
plus
tard.
Mais
puisque
les
deux
formes
d'expression ont contrastes e faontrs ignificative,l fautque nous
disions
ci
comment
a
peinture
t
la
parole
s'clairent
mutuellement.
Merleau-Ponty
rcuse
la
sparation
trop
radicale
que
fait
Sartre
entre
a
peinture
t le
langage
dans
Qu'est-ce
ue
a littrature
23.
i le sens
parat
captif
dans
la
peinture,
'il
a
l'air
d'imprgner
e
tableau
au lieu
d'tre
exprim
par
lui,
c'est
que
nous, crivains,
vons
trop
l'habitude
de
l'expression
plus
explicite
de
la
parole.
C'est
que
le
langage
donne
l'illusion d'un
monde de
significations
utonomes,
d'un
accs
immdiat
au
domaine
du
signifi
n toute
sa
puret.
Mais
la
peinture
parle
sa
faon
:
ses
voix
sont
les
voix
du
silence.
Toutefois,
l'autonomie
du
signifide la parole n'est pas absolue, et en ce sens la diffrencentre
les
deux
modes
d'expression
est relative.
Le
langage
aussi,
nous
le
verrons
plus
loin,
a
un
rapport
essentiel
vec
le
silence.
Le silence
n'est
pas
le
contraire,
mais
Vautre
t
du
langage
:
il
s'agrandit
avec
lui.
Autant
l'essai
sur
Czanne
tait centr
sur la
peinture
d'un
seul
artiste,
utant
Le
langage
ndirect
t esvoix
du ilencehmatise
es
problmes
gnraux
de
l'expression
et l'historicit.
Aprs
quelques
pages
intro-
ductives
sur la
thorie
saussurienne
du
signe
diacritique,
'tude
sur
la
peinture
rend
on
dpart
n
reprenant
ous
un
angle
critique
es
analyses
de
Malraux
(il s'agit
d'essais
runis
plus
tard sous
le
titre Les voix
du
silence. Malrauxobserveque la thoriede l'artchez les matres lassiques
22. Claude
efort,
ans
on
vertissement
son dition
e
La
prose
u
monde
Gallimard,
1969),
rcise
e
rapport
ntre
es
deuxuvres.
23.
Sartre,
u
est-ce
ue
a
littrature
dans
ituations
l,
p.
60,
61.
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13/27
84
Michail B.
Smith
(mais non toujours leur pratique) faisaitdu tableau une reprsentation
quelque peu
embellie de
la nature
objective.
Les
modernes
en
posie
aussi
bien
qu'en
peinture)
uraient mis en
question
ce
prjug
objec-
tiviste de
l'art,
pour
y
substituer
ne
esthtique
ndividualiste
t
subjec-
tive.
Aux
yeux
de
Merleau-Ponty
ette
analyse
est
insuffisante,
ar
elle
mconnat
la
profondeur
laquelle
se
situe
ce
prjug objectiviste.
Mme
si
la
conception
moderne
de
l'art
abstrait ibre 'artiste
de
l'imi-
tation de
la
nature,
nous
croyons
aussi
fermement
ue
les
classiques
une ralit
extrieure
nous,
perceptible
par
nos
sens,
et
susceptible
d'une
reprsentation
isuelle
moyennant
ertains
procds
qui
en
don-
neraient ommeune illusionfidle.
Mais
n'est-ce
pas
concder la thorie
lassique
e
domaine du monde
visible
?
Est-ce
que
la
perception
des
classiques
ne relevait
pas
de
leur
culture,
omme
notre
perception
de
la
ntre
?
Les
donnes
des
sens
ne
sont
pas
des
faits
mmuables
qui
se
situent
u-del
de
l'historicit
culturelle.
Ce
n'est
pas
seulementnotre
rapport
la
cration
rtistique
qui
a
chang
:
la
vision
mme,
celle
des
classiques
non
moins
que
la
ntre,
est
une
mtamorphose
Soit
la
conception classique
de
la
perspective.
nvention,
technique
de
la
reprsentation our
les artistes e
la
Renaissance,
lle
s'est
impose
progressivement omme une vrit ternelle du monde en soi. Mais
malgr
a
force
persuasive,
l fautnous
soustraire
son
emprise,
veiller
l'univers
polymorphe
dont
cette
perspective
n'est
qu'une
expression
possible.
Elle est une
interprtation
acultative
e
la
vision
spontane,
on
que
le
monde
peru
dmente
es lois et en
impose
d'autres,
mais
plutt
parce
qu'il
n'en
exige
ucuneet
qu'il
n'est
pas
de
l'ordredes lois24.
Cette
perspective
elve d'un biais
fondamental
la
traduction
'incom-
possibles
sur
une
surface
lane,
selon une chelle constante
de
grandeur.
Mais la grandeur distancen'estpas pleinement ssimilable la grandeur
des
objets
vus
de
prs26.
'incompossibilit
imultane
u monde
baroque
vcu
cde
la
sagesse
de
la
subordination
du
point
de vue
unique.
Toutefois,
a modestie
pparente
qu'il
y
aurait
ne
voir
un
paysage
que
d'un seul
angle,
selon une
projection
gomtrique
rgle
sur
un
point
24.
Signes,
allimard,
960,
.
61.
25.
l faut
ire,
aralllement,
esrsumses ours
ue
donnait
erleau-Ponty
n
1950
et
195
a
Sorbonneur
a
psychologie
e 'enfant
Bulletin
e
sychologie
n
236,
.
XVIII,
-6,
novembre
964).
a
notion
ultrachosesde
Wallon,
es tres
inguliers
u'on
ne
peut
cerneru
regard,
ur
esquels
l
est
mpossible
e
varier
a
perspective
le
ciel,
a
terre,
e
soleil ...]), st voque our xpliqueres distorsionsdesdessinsnfantins.insies
parents,
e
champ
ont
grands
ommenemaison
pour
'enfant.'adulteduitenombre
de ces
grandeurs
bsolues
c'est
a
significationsychologique
e
a
rvolution
operni-
cienne,
ar xemple),
ais e
parvientamais
les
liminer
out
fait.
ous
ommesitus
toujours
e a
mme
manire
ar
apport
u
corps ropre,
t l
est
mpossible,
me
la
conscience
dulte,
e
concevoirellementa
propre
ort.
a
croyance
ue
nous ommes
coextensifs
l'tre
erait
nhrente
la
subjectivit.
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14/27
U
Esthtique
e
Merleau-Ponty
85
de fuite ne seraitqu'une faussemodestie.En ralit, e paysagerepr-
sente
ce
qu'on peut
voir
d'un monde
devenu
le
Grand
Objet.
Cache
au
cur
de
ce
pouvoir
circonscrit st
une
autre
perspective,
elle
de
Dieu,
celle
du
monde vu de
nulle
part
et de
partout.
Le
peintre
devient
ce
point
rtrci
de
la rtine
qui
reflteun
aspect
de
Yomnitudo
ealitatis
cartsienne.
a
modestie
est l'envers
de
cette
domination
du
monde,
qui
rduit celui-ci
au
uni-ver
um.
Ce
qu'il
importe
de
rvler,
pour
Merleau-Ponty,
'est
le
monde
polymorphe
qui
donne
lieu
toutes les
modalits
d'expression
sans
correspondre
aucune.
Ce
monde
sauvage
,
il
l'voque
dans
le
style
indirect, u rythmeaccad qui charriedes mtaphores, ui est celui de
sa
dernire
priode.
Les
choses
sont
,
non
plus
seulement,
omme
dans
a
perspective
e la
Renaissance,
elon
eur
pparence rojective
t selon
'exigence
u
panorama,
mais
au contraire
ebout, nsistantes,
corchant e
regard
de leurs
artes,
chacune
revendiquant
ne
prsence
bsolue
qui
est
incompossible
vec celle
des
autres,
t
qu'elles
ont
pourtant
outes
nsemble,
n
vertu
d'un sens
de
configuration
ont
e
sens
thortique
ne nous
donne
pas
ide26.
Malgr
l'importance
philosophique,
psychologique
et
mme
poli-
tique de la Weltanschauungui relvede la perspectivede la Renaissance,
qui dompte
l'tre
sauvage
du
monde
vcu,
et
malgr
l'importance
de
cette
tape
dans
l'histoire
empirique
et
pour
ainsi
dire linaire
de
la
peinture
mme,
l
y
a
une
autre
histoire
de
la
peinture
historicit
ans
progrs,
ans dbut
et
sans
terme.
La
vrit
de
l'art,
n'tant
ni une
correspondance
vec
une ralit xtrieure
e
laquelle
on
s'approcherait
progressivement,
i
un
volontarisme
rbitraire,
ne
subjectivit
bsolue
qui
n'aurait
rien
voir
avec
un
monde
objectif
car
quel
sens
pourrait-
on
assigner
une
subjectivit
ans
ralit
extrieure
ui
s'y
oppose
?),
ne
peut
tre
que
le retour
perptuel
cet
tre
polymorphe,
tre
qui
n'est pas plus objectivement peru que le peintren'est subjective-
ment
exprim
dans
son
uvre.
Toute
la
peinture
reprsenterait
n
projet
unitaire
n
quelque
sorte,
t c'est
pourquoi
les coles
rivales
et les
peintres
qui
se
sont
dtests
ont
l'air
de
collaborer
au
muse.
Mais
cette
gnralit
de
la
peinture,
fonds
commun
qui
doue
d'un
sens
la varit
des
techniques
et
des
esthtiques,
n'est
pas
comprendre
l'aide
des
concepts
dalistes,
monstre
hglien
ou
Esprit
de
la
Pein-
ture
qui
se
raliserait
travers
'histoire.
C'est
plutt
en
dessous
de
l'histoire
officielle e
la
Peinture,
dans
le
corps
humain
et
son
apparte-
nance
un
monde
unique,
non
pas
dans
les
vnements,
mais
dans
Y
v-
nemente la perception t esdimensionnalitsuvertesparelle,qu'on doit
saisir
a
gnralit
de
l'expression
plastique.
Gnralit
du
corps
et
non
26.
Signes,.
228.
Dans
e
philosophe
t on
mbre,
aru
'abordans
dmundusserl
i*J9-i99>
ijhoff,
959.)
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15/27
86 Micbal
B.
Smith
de l'esprit, ogique naissante ux jointuresde la spatialitdu corps et de
son
monde,
le
langage
de
la
peinture
n'est
pas
hors du
temps
et
de
l'espace,
mais
omnitemporel
et
partout
indigne,
universel
dans
la
mesure o elle est
lie
l'individuel concret.
La
quasi-ternit
e
l'art
se
confond vec
la
quasi-ternit
e
l'existence
incarne t nous avons
dans 'exercice e
notre
orps
et de
nos
sens,
en tant
qu'ils
nous
insrent
ans
e
monde,
de
quoi comprendre
otre
gesticulation
culturelle n
tant
qu'elle
nous insre
dans l'histoire87.
Prcisons
le
sens
de
cette
historicit
de
l'expression,
car c'est elle
qui conduit l'ontologie de Merleau-Ponty. a perception, 'histoireet
l'expression
sont
des
problmes
qui
s'clairent
mutuellement ans
leur
rapport
l'Etre.
L'Etre est
ce
qui
exige
e nous
ration
our que
nous
en
ayons
l'exprience.
28
L'histoire est
Stiftung
elon
le
terme
husserlien,
institution
u
sens actif
du mot. Elle est
donc
tradition,
mais tradition
dfinie
omme
le
pouvoir
'oublier
es
origines
t
de donner
au
pass,
non
pas
une survie
qui
est
la forme
hypocrite
e
l'oubli,
mais
une nouvelle
vie,
qui
est
la forme
noble
de la
mmoire 29.
Avnement, nstitution,
initiation,
uverture
'une
dimensionnalit
ui
ne
cessera
plus
de solliciter
un
avenir,
a
position
d'un monde
qui
soit
peindre
,
l'historicit
e
la peinture st aux antipodesde l'espritdu Muse, qui rend es peintres
aussi
mystrieux que
les
pieuvres
et les
langoustes
.
Ce
morcellement,
cette
extriorit
ecouvrent
'histoire
secrte,
pudique,
non
dlibre,
involontaire,
ivante
enfin
de
la
peinture.
Il
nous
reste montrer
comment
la
perception, l'expression
et
l'histoire,
ermes
dsormais
relis
entre
eux,
entreront
ans
la
configu-
ration
ontologique
de
U
il et
l'esprit.
Entreprise
d'autant
plus
difficile
que
le
style
mme
de
l'essai
est
souvent
allusif,
oblique,
un
exemple
du
langage
indirect l'uvre. Autre
difficult est
sous-jacente
ce
texte,
ui
dit
tout
,
selon
Sartre,
pourvu
qu'on
sache
le
dchiffrer
,
toute l'ontologie du Visibleet l'invisible. ssai sur la peinture,mais,
comme
L'origine
e la
gomtrie
e
Husserl,
essai
exemplaire,
recherche
de
l'originaire,
du
fondamental
non
seulement
de
la
peinture,
mais
de
toute
la
culture.
U
il
et
l'esprit
Tous
les
thmesde
cet
essai
de
1961
ont t
dj
introduits ans des
uvres
prcdentes.
Mais
une
modification
ans
la
terminologie
eflte
27.
bid
p.
87.
28. he visible
t
'invisible,
.
251.
29. Signes,.
74.
30.
Jean-Paul
artre,
Merleau-Ponty
,
dans
ituations
V,
Gallimard,
964, .
262
at
parGary
Madison,
a
phnomnologie
e
Merleau-Ponty
Klincksieck,
973, .
112).
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16/27
L'Esthtique
de
Merleau-Ponty
87
unchangement adicaldeperspective. a perception stdevenue vision
la
corporalit
chair
,
et l'tre
prend
a
majuscule.
C'est
que
ces
termes
dsignent
dsormais
es lmentsd'une nouvelle
ontologie.
La
peinture
n'est
plus
une
fonction
anthropocentrique.
L'homme,
travers
qui
l'Etre
s'exprime,
est
le lieu
privilgi
o le
monde
se retourne ur
soi,
se
fait
voyant-
isible
.
Il
s'agit
donc
d'une
mtaphysique
e
la
peinture.
Mais
le
textemme
nous
prvient
qu'il
ne
sera
pas
question
d'attacher
l'histoire
de
la
peinture
moderne
une
interprtation hilosophique
:
[...]
la
mtaphy-
sique
laquelle
nous
pensons
n'est
pas
un
corps
d'ides
spares
pour
lequel on chercherait es justificationsnductivesdans l'empirie... 31.
Son intention
pour
ce
qui
est
de
ses vues sur
l'art
moderne,
du
moins)
est formule ur
un
ton bien
plus
modeste,
ui
rappelle
cet autre
essayiste
qu'il
a tant
admir,
Michel de
Montaigne.
[...]
il n'est
pas
illgitime
u'un
profane,
aissant
parler
e
souvenir
de
quelques
tableaux
t
de
quelques
ivres,
ise
comment
a
peinture
ntervient
dans
es rflexions
t
consigne
e sentiment
u'il
a d'une
discordance
rofonde,
d'une mutation
ans
es
rapports
e l'homme
t de
l'Etre,
quand
l
confronte
massivement
n univers
e
pense
lassique
vec es
recherches
e la
peinture
moderne. orte
d'histoire
ar
contact,
ui
peut-tre
e
sort
pas
des limites
d'unepersonne,t qui pourtant oittout la frquentationes autres ...]#a.
L'essai
est
de
cinq
parties.
La
premire
oppose
l'art
et
la science
la seconde
montre
uelles
sont
les conditions
ontologiques
pour
qu'il
y
ait
une
Visibilit
,
ce
dlire
de
la vision
clbr
par
la
peinture;
la
troisime
est
une
critique
de
la
mtaphysique
de
la
peinture
telle
qu'elle
est
esquisse
par
Descartes
dans
La
dioptrique
la
quatrime,
introduite
par
notre citation
du
paragraphe
prcdent,
value et
inter-
prte
les
tableaux
et les noncs
thoriques
de
plusieurs
peintres
et
sculpteurs
modernes,
dont
Czanne,
Matisse,
Rodin,
Delaunay
et Klee.
(Les ditions de l'Art de France et de Gallimard, 1963, comportent
des
planches
de
Czanne,
Matisse et Nicolas de
Stal,
parmi
d'autres.)
Enfinune
cinquime
partie,
rs
brve,
conclut
sur
une
description
e
la
temporalit
ingulire
des
uvres
artistiques.
L'histoire
de
la
peinture
n'admet
pas
de
progrs
proprement
arler,
ar
en
un sens
la
premire
des
peintures
llait
usqu'au
fond de
l'avenir.
Les uvres
ont de l'ordre
de
l'acquis,
une
catgorie
sur
laquelle
nous aurons
revenir.
La science
manipule
les choses
et renonce
les
habiter.
Avec
cette
dclaration
liminaire
il
est clair
que
Merleau-Ponty
associe
la
science
moderne
la
pense
opratoire,
'
idologie
cyberntique
qui
pour lui prsage mal de l'avenir.
Si ce
genre
e
pense
prend
n
charge
'homme
t
'histoire,
t
si,
feignant
d'ignorer
e
que
nous
en
savons
par
contact
t
par position,
lle
entreprend
31.
U
il t
'esprit,
.
61.
32.
bid.t
. 63.
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17/27
88 Michael
B.
Smith
de les construire partir e quelques ndices bstraits,ommePont fait uxEtats-Unis ne
psychanalyse
t un culturalisme
cadents,
uisque
Phomme
devient raiment
e
manipulandum
u'il pense
tre,
n
entredans
un
rgime
de culture
il
n'y
a
plus
ni
vraini faux
ouchant
homme t
'histoire,
ans
un
sommeil
u
un
cachemar
ontne
saurait
e
rveiller38.
Cette
position
est
rapprocher
e celle
de
Heidegger, qui
situe
l'esprit
de
la
science
dans la
technologie.
Mais
Merleau-Pontyy
voit un
dve-
loppement
relativement
cent,
t admet
que
la
science
classique
gar-
dait
le sentiment
e
l'opacit
du monde
.
C'est
pourquoi
elle
cherchait
pour
ses
oprations
un
fondement
ranscendant
u
transcendantal.
Mais
le dtourpar la mtaphysique, ue Descartes avait tout de mme fait
une fois
dans
sa
vie,
la
science
s'en
dispense
elle
part
de ce
qui
fut
son
point
d'arrive
84.
C'est
dire
que
la
certitude
u
monde
extrieur,
ue
Descartes
fondait
ur
le
Cogito
et le
principe
de la cration
continuelle
de
Dieu,
la science
en
est venue
l'accepter
comme
allant
de
soi,
et
relgue
la
psychologie
e
problme
du
rapport
du
sujet
connaissant
avec
le
monde
et avec
lui-mme.
U
ilet
V
sprit
onstitue,
nos
yeux,
'expression
a
plus pleine que
Merleau-Ponty
it
donne
son
esthtique.
A
la force
discursivede
ses
arguments 'ajoute
la
sduction
d'un
style ui voque
constamment
otre
situationde faitau monde vcu, et dont la fonction est de maintenir
cette
situation,
rsente l'esprit,
u
cours de
l'analyse.
Il
est
essentiel,
par
exemple,
que
le
lecteur e
reprsente
n
monde
non
seulement
tal
devant
ui,
comme
l'objet
pistmologique,
mais
qui
l'entoure,
e com-
prend,
e
traverse.
La
vision clt au
milieu des
choses,
dans
l'cart,
e
creux
qu'on
a
appel
trop catgoriquement
subjectivit
,
la
dhiscence
de
l'Etre;
elle est
clatement
,
dflagration
de
l'Etre.
La vision ne
peut
pas
tre
Vintuitus entis
e
l'idalisme,
parce
que
la
vision
est mouvement
donc
elle
exige
un
corps.
Que
serait a
vision
sans mouvement
Elle
est
l'entrelacs
de
nos
projets
sensorimoteurs.
L'il
explore, interroge
es
objets,
et
voir,
c'est savoir
s'approcher
d'eux,
en
principe
du
moins. La
vision
n'est
pas
comme
e bout
du bton
de
l'aveugle
:
elle
se
prcde,
est
clairvoyance,
tlvision
.
Le
sujet
voyant
ne
ressemble
pas
non
plus
au
sujet
pistmologique
idaliste.
C'est
un
soi,
non
par transparence,
omme a
pense,qui
ne
pense quoi
que
ce soit
qu'en
l'assimilant,
n
le
constituant,
n
le transformantn
pense
-
mais
un
soi
par
confusion,
arcissisme,
nhrence e celui
qui
voit
ce
qu'il
voit,
de celui
qui
touche ce
qu'il
touche,
u
sentant
u
senti
un soi
doncqui estprisentre es choses,qui a uneface et un dos,un pass et unavenir
...]36.
33.
bid.,
. 9.
-
34.
btd.,
.
57-
35.
bid.,
p.
19.
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18/27
UEsthitique
de
Merleau-Ponty
89
En somme l'esthtiquede la peintureest fonde sur une mtaphy-
sique
de
la
vision,
et
la
vision
son tour
sur
une
description
ntologique
du
corps-sujet
omme
voyant-visible.
out
dpend
donc
de
la
validit
de
l'explication
du
corps
vcu. Voil ce
que
nous offre e
passage lyrique
remarquable,
qui
rsume
tout le
bti
ontologique
du
corps,
s
arrtant
sur une
vocation
du
rapport
ntre a
contingence
t
la
ncessit
ui
pour
Merleau-Ponty
aractrise
a
condition
humaine :
Un
corps
humain st
quand,
entre
oyant
t
visible,
ntre
ouchant t
touch,
ntre n il et
l'autre,
ntre
a main et la main se fait
une
sorte
de
recroisement,
uand
s'allume 'tincelle u
sentant-sensible,
uand
prend
e
feu
quinecessera asdebrler,usqu'ce que tel ccident ucorpsdfasse e que
nul
accident 'aurait uffi
faire
...]36.
Une
fois
pose
cette ituation
e
fait,
ous
es
problmes
de
la
peinture
sont l.
Le
tableau,
c'est la
trace
visible,
l'icne,
la formule
charnelle,
l'quivalent
interne
du
monde
en
moi.
Le
tableau
n'est
pas
une
chose
mais
l'essence charnelle
de
la
chose,
un
visible
la deuxime
puissance.
O
est le
tableau,
dans
quel espace
? Car
sa
spatialit
n'est
pas
celle
de
la
res
xtensa
mais
on ne
saurait ui
assigner
un lieu
dans
le ciel
plato-
nicien
d'essences,
puisqu'il
doit exister
pour
la
vision.
Les
animaux
eints
ur a
paroi
de Lascaux
n'y
sont
pas
comme
y
est a
fente
u
la
boursouflure
u
calcaire. ls
ne
sont
pas
davantage
illeursUn
peu
en
avant,
n
peu
en
arrire,
outenus
ar
sa masse
dont
ls
se
servent droite-
ment,
ls
rayonnent
utourd'elle sans
amaisrompre
eur
nsaisissable
marre.
Je
serais
bien
en
peine
de dire
o est
e
tableau
que je regarde.
Car
je
ne le
regarde
as
comme
on
regarde
ne
chose,
e
ne le
fixe
as
en
son
lieu,
mon
regard
rre n
lui
commedans les nimbes
de
l'Etre,
e
vois selon ou
avec
lui
plutt
que je
ne le vois37.
Quelle
est
la
diffrencentre
a
faon
dont
nous
regardons
es
choses
et les tableaux? Les choses ne sontpas seulementvisibles,elles offrent
aussi
l'esprit
et aux instruments
e
la
science
un
champ
de
recherche,
mais
le
tableau
n'est un
analogue
que
selon le
corps.
Le tableau
n'offre
pas
l'esprit
une
occasion
de
repenser
es
rapports
onstitutifses
choses,
mais
au
regard,
pour qu'il
les
pouse,
les
traces
de la
vision
du
dedans,
la vision
ce
qui
la
tapisse
intrieurement
...]
88. Le tableau
est
le
dehors
u
dedans
la
reprsentation
xtrieure
e
l'quivalent
nternede
la
chose en
nous,
le
diagramme
de sa
vie
dans mon
corps,
sa
pulpe
ou
son
envers
charnel
pour
la
premire
fois
exposs
aux
regards
)
et
le
dedans
u
dehors
cette
texture
maginaire
u rel
,
essence
qu'on
dcouvre
l'objet, dont toutes es facettes e prsentent ommel'expression).
36.
bid.y
.
21.
37-
bid.,
. 2}.
38.
bid,,
.
24.
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19/27
9o
Michail
B. Smith
Le chiasmadu sensible est le lieu de la rversibilit ui est pour
Merleau-Ponty
a
vrit
ultime.
Son
archtype
est le
corps
humain,
qui
ralise
une
sorte
de
rflexion
aturelle,
tant
la
fois
sujet
et
objet
de
sa
propre perception
en
ce
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