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L’impactdelastructurefinancièredel’entreprisesursavaleuretsursoncoûtducapitalestdepuislongtempsunsujetderechercheenfinance.•Lespremierstravauxàcaractèrescientifiqueremontentauxannées60aveclescélèbresarticlesdeModiglianietMiller.Aveclaprisedeconsciencedesdirigeantsd’entreprisesdelanécessitédegérerdansl’intérêtdesactionnaires,c’est-à-diredecréerdelavaleuractionnariale.Lecoûtducapitalestdevenuuninstrumentdegestionopérationnellepourl’entreprise.L’idéefondamentaledéveloppéeparlesthéoriciensdelafinanceestqu’uneentreprisecréedelavaleuràconditionquelarentabilitédesesactifsoudesesprojetsd’investissementssoitsupérieureaucoûtdesesressourcesfinancières,fondsproprescompris.•Critèreessentielledanslaprisededécision,lecoûtducapitalestlamoyennepondéréedesexigencesderentabilitédesapporteursdefonds:coûtdesfondsproprespourlesactionnairesetcoûtdeladettepourlescréanciersfinanciers.
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L’impact de la structure
financière sur la valeur
• L’impact de la structure financière de l’entreprise sur sa
valeur et sur son coût du capital est depuis longtemps un
sujet de recherche en finance.
• Les premiers travaux à caractère scientifique remontent
aux années 60 avec les célèbres articles de Modigliani et
Miller. Avec la prise de conscience des dirigeants
d’entreprises de la nécessité de gérer dans l’intérêt des
actionnaires, c’est-à-dire de créer de la valeur
actionnariale. Le coût du capital est devenu un instrument
de gestion opérationnelle pour l’entreprise.
• L’idée fondamentale développée par les théoriciens de la
finance est qu’une entreprise crée de la valeur à condition
que la rentabilité de ses actifs ou de ses projets
d’investissements soit supérieure au coût de ses
ressources financières, fonds propres compris.
• Critère essentielle dans la prise de décision, le coût du
capital est la moyenne pondérée des exigences de
rentabilité des apporteurs de fonds: coût des fonds
propres pour les actionnaires et coût de la dette pour les
créanciers financiers.
• D’un strict point de vue financier, les actifs économiques
détenus par la firme peuvent être considérés comme un
portefeuille de projet d’investissements risqués.
• En effet, aucune activité industrielle ou commerciale n’est
sans risque: les flux de liquidité futurs dégagés sur les
différents projets d’investissement ne sont jamais certains.
• Dès lors, la question se pose de savoir de quel taux on doit
actualiser ces cash-flows futurs aléatoires pour évaluer la
rentabilité des investissements et savoir qu’ils sont
créateurs de richesse pour les actionnaires.
• La réponse est: au coût moyen pondéré du capital de
l’entreprise. Mais ce critère de décision soulève de
nombreuses questions.
• Comment calculer ce taux en pratique et à partir de quelles
informations? Est – il possible par une combinaison
judicieuse de dettes et de fonds propres de minimiser le
coût du capital et ainsi de rendre plus élevée la valeur
globale de la firme? Quel est l’impact d’une diminution de
l’endettement sur le coût du capital?
La problématique du choix d’une structure de
financement
1. Structure financière et répartition de la rentabilité
• L’équation de l’effet de levier financier montre que la
rentabilité des fonds propres est telle que:
𝑅𝑐 = 𝑅𝑒 + 𝑅𝑒 − 𝑖 λ 1 − τ
- Rc: rentabilité capitaux propres ou rentabilité financière
- Re: rentabilité économique ou rentabilité des actifs
- i: coût des dettes financières ou taux sans risque
- λ: levier financier; τ: taux d’imposition
• Dans cette approche, l’impact de la structure de
financement de l’entreprise se traduit par une
amplification de la rentabilité économique sur les fonds
propres, sous réserve que Re soit supérieure au coût i de la
dette.
• Ceci est la conséquence du fait que la rémunération des
créanciers financiers est certaine et indépendante de la
rentabilité des opérations de l’entreprise.
• Ce faisant, les actionnaires qui sont les « créanciers
résiduels » perçoivent le différentiel de taux entre la
rentabilité des actifs et le coût de la dette.
• Ainsi, le choix d’une structure financière λ revient à un
mode de répartition de la rentabilité des actifs entre
actionnaires et créanciers financiers.
2. Structure financière et répartition du risque
• Le choix d’une structure de financement des actifs se traduit
par une répartition asymétrique du risque économique entre les
apporteurs de capitaux du fait de leur statut différent. En effet,
lorsque les créanciers financiers apportent leurs concours, ils
n’exigent qu’une rémunération certaine (ou sans risque).
• Afin de limiter au maximum leur risque ils vont du reste
étudier la solvabilité de l’entreprise et prendre éventuellement
des garanties sur les actifs en place; voire sur le patrimoine des
dirigeants dans le cas des PME.
• En d’autres termes, le risque qui pèse sur la totalité des
actifs ne va être supporté que par les actionnaires. Plus la
part financée par dette est élevée et plus le risque supporté
par les actionnaires va être important du fait du transfert
du risque sur la partie des actifs financée par les
créanciers vers les actionnaires.
• Dans le cas où la firme est entièrement fiancée par fonds
propres (λ = 0), le risque supporté par les actionnaires se
résume au risque sur la rentabilité des actifs en place.
• Dans la mesure où il n’existe pas d’activité industrielle et
commerciale sans risque, on comprend bien la raison d’être des
capitaux propres qui est de supporter le risque dont ne veulent
pas les créanciers financiers.
• Il est en effet impossible de financer à 100% des actifs risqués
par des capitaux qui veulent une rémunération certaine. Le
schéma 1 synthétise cet exposé. Si l’on note:
- σe: le risque économique mesuré par l’écart type des taux de
rentabilité économique Re,
- σc: le risque des capitaux propres mesuré par l’écart type des
taux de rentabilité financières Rc,
Schéma 1. Structure financière et répartition du couple rentabilité – risque
Actifs
économiques
(AI + BFR)
Capitaux propres
Dettes financières
E (Rc)
σc
i
σ = 0
On a:
σc = σe ; si λ = 0
σc > σe; si λ > 0
• Ainsi, on peut dire que le choix d’une structure financière est
également un mode de répartition des risques.
• L’impact de la structure financière sur le risque supporté par les
actionnaires est naturellement pris en compte par les marchés
dans l’évaluation des actions de la firmes.
• Face à la rentabilité que l’entreprise offre à ses actionnaires, les
investisseurs vont exprimer leurs attentes ajustées pour le risque.
Cette rentabilité attendue se traduit par le coût des fonds propres.
• Connaissant la rémunération attendue par les actionnaires et
celle des créanciers il est possible de calculer le CMP du capital
de l’entreprise
2. Comment calculer le coût du capital?
• En théorie, le coût du capital est le taux d’actualisation, ou taux
de rentabilité minimum requis sur les investissements.
• Par construction, un projet d’investissement dont la rentabilité
serait strictement égale au CMP du capital ne créerait pas de
valeur: son impact sur la richesse des actionnaires serait nul.
• Le concept du coût du capital permet donc d’articuler les
décisions d’investissement sur la valeur de l’entreprise. Pour
cela encore faut – il ne pas se tromper sur la définition des
sources de financement à prendre en compte et sur l’estimation
de leur coût.
2.1. Quelques erreurs parfois rencontrées dans le calcul du
coût du capital
• Le bilan de l’entreprise donnant au passif une
représentation des sources de financement des actifs
détenus, il est tentant d’utiliser cette image pour
caractériser la structure financière de l’entreprise,
notamment le rapport entre les dettes et les fonds propres.
• Par ailleurs, doit – on considérer dans l’endettement de
l’entreprise les dettes d’exploitation?
• Que faire de certaines postes du passif comme les « provisions
pour risques et charges »?
• C’est ainsi que parfois on voit des calculs de structures
financières incluant les dettes d’exploitation, et certains postes
de financement considérés comme « gratuits »!
• Bien entendu, il n’y a pas de sources de financement gratuites
et de tels calculs ne peuvent pas conduire à une estimation
valable du coût du capital.
• En fait pour faire un calcul correct il faut s’éloigner de la
représentation comptable de l’entreprise et se rapprocher de son
circuit financier.
• S’agissant des dettes d’exploitation et assimilées, elles ne
doivent en aucun cas intervenir dans le calcul du coût du
capital. La raison est simple: les dettes d’exploitation font
partie du besoin en fonds de roulement qui lui – même
représente emploi de fonds lié aux projets
d’investissement.
• Un projet d’investissement ne se réduit pas seulement à des
acquisitions d’actifs immobilisés mais entraîne également
une variation du BFR de l’entreprise qui doit être prise en
compte dans l’évaluation des cash-flows du projet.
• En d’autres termes, il s’agit de considérer uniquement les
capitaux engagés par les pourvoyeurs de fonds: les actionnaires
et les créanciers financiers.
• Mais comment valoriser ces capitaux? Peut – on prendre les
valeurs indiquées dans le bilan comptable et dans ce cas quels
retraitements effectuer pour appréhender le montant des fonds
propres?
• La réponse à ces questions se trouve dans la raison d’être du
coût du capital qui est un indicateur de la rentabilité minimum
que doivent dégager les projets d’investissement pour créer de la
valeur.
• Ce qui nous intéresse dans cette problématique ce n’est
pas la valeur historique des actifs économiques
(représentée par les chiffres comptables), mais leur valeur
de marché et donc la valeur de marché des fonds propres
et celle des dettes financières.
• Ainsi, lorsqu’on parle de structure financière il s’agit du
rapport entre la valeur de marché des actions, c’est-à-dire
la capitalisation boursière de l’entreprise, et la valeur de
marché de ses dettes financières.
2.2. L’estimation du coût des fonds propres
• Le coût des fonds propres ou encore la rentabilité exigée
par les actionnaires, n’est pas observable directement sur le
marché comme un taux d’intérêt.
• Il s’agit d’un coût d’opportunité et non d’un coût explicite
comme celui de la dette. Il ne peut donc faire l’objet que
d’une estimation à un moment donné.
• Plusieurs modèles ont été développés dans la théorie
financière pour quantifier le taux de rentabilité que les
actionnaires attendent sur leur investissement en actions.
• Parmi ces modèles il convient de mentionner particulièrement le
MEDAF (modèle d’équilibre des actifs financiers) qui permet
une estimation assez fidèle du taux exigé par la communauté des
investisseurs sur les fonds propres d’une entreprise.
• Selon le MEDAF, le taux de rentabilité attendu par les
actionnaires est donné par la relation suivante:
𝐸 𝑅𝑖 = 𝑅𝑓 + 𝐸 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β𝑖
- E (Ri): taux de rentabilité attendu par le marché sur le titre i
- E (Rm): taux de rentabilité attendu sur le portefeuille de marché
- Rf: taux de rentabilité de l’actif sans rique
- βi : coefficient de risque systématique du titre i
• Le coefficient βi est fonction de:
- σi: l’écart type des taux de rentabilité du titre i, appelé également
risque total de l’action,
- σm: l’écart type des taux de rentabilité du marché, appelé
également risque total du marché,
- ρi,m: le coefficient de corrélation des taux de rentabilité du titre i
avec ceux du marché
• Dans ces conditions, le coefficient de risque systématique β est
donné par l’équation suivante:
β𝑖 =𝐶𝑜𝑣 𝑅𝑖 , 𝑅𝑚𝑉𝑎𝑟 𝑅𝑚
=ρ𝑖,𝑚 σ𝑖 σ𝑚
σ𝑚2
• Un bêta supérieur à 1 par exemple 1,2 signifie que l’action
amplifie les fluctuations du marché en moyenne de 20%.
• Un bêta inférieur à 1 signifie que le titre amortit les
mouvements du marché.
• Rappelons que le marché ne rémunère, selon le MEDAF,
que le risque systématique et non le risque total de
l’action, dans la mesure où la composante du risque
spécifique peut être éliminée par une bonne
diversification.
• Ainsi un portefeuille répliquant parfaitement le marché
aura un bêta égal à 1 avec un coefficient de corrélation de
100% et seul le risque systématique de chacun des titres
interviendra.
• Illustration: En supposant un taux sans risque Rf de 6%, un
taux de rentabilité espéré sur le marché E (Rm) de 12%, la
société Alpha dont le coefficient de risque systématique βi
est de 1,20 aura un coût de fonds propre égal à 13,2%:
𝐸 𝑅𝑖 = 6%+ 12%− 6% 1,2 = 13,2%
• Insistons bien sur le fait que ce chiffre de 13,2% ne traduit
que les attentes moyennes du marché et qu’il ne signifie
pas que l’action fera avec certitude cette rentabilité
attendue dans le futur.
• Pour les actionnaires, cette rentabilité se manifestera à
long terme sous deux formes: un taux de rendement en
dividende (Dividende/Cours) et un taux de valorisation du
capital. C’est ce qu’exprime l’équation bien connue de
Gordon-Shapiro dans laquelle:
- Le rendement en dividende est le ratio Dividende/Cours: D1 /P0
- Le taux de croissance espéré des dividendes est g.
𝐸 𝑅𝑖 =𝐷1𝑃0
+ g
• Cette équation n’est valable que pour un horizon infini et à
condition que le taux de croissance (g) soit inférieur au taux de
rentabilité exigé sur les fonds propres, E (Ri).
• Cette dernière condition n’est pas trop contraignante dans la
mesure où un taux de croissance à long terme supérieur au coût
des fonds propres entraînerait une valeur infinie des actions, ce
qui est contraire à la simple observation du marché.
• Cependant, cette équation pose le redoutable problème de
l’estimation à long terme des dividendes de la firme.
• La politique de dividende (D1 /P0) et le taux de croissance
espéré (g) constituent donc des éléments essentiels de la
rémunération des actionnaires.
• Ainsi, une société ayant un rendement en dividende de 2% devra
procurer une croissance à long terme de 11,20% pour offrir une
rentabilité globale pour les actionnaires de 13,20%.
Naturellement, elle pourra offrir cette rentabilité à condition que
ses fonds propres soient investis dans des projets rapportant au
moins ce taux.
2.3. Le coût des dettes financières
• Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le coût des
dettes financières n’est pas la moyenne pondérée des
dettes passées mais le taux d’intérêt actuel constaté sur le
marché.
• En effet, le coût du capital est un indicateur qui doit servir
à évaluer les projets d’investissement actuels et donc
refléter le coût présent des ressources financières
mobilisées dans ces projets.
• Comme chacun sait, la dette bénéficie d’un avantage fiscal non
négligeable par rapport aux fonds propres puisque son coût est
déductible du bénéfice imposable.
• Les cash-flows des projets d’investissement étant évalués après
impôt sur les sociétés, il est nécessaire de tenir compte de cet
avantage fiscal dans le calcul du coût des dettes.
• Si on note Rf le taux d’intérêt exigé par les créanciers financiers
de l’entreprise et τ le taux d’imposition des bénéfices, le coût
de la dette après impôt est égal à:
𝑅𝑓′ = 1 − τ 𝑅𝑓
• Illustration: si on suppose un taux d’imposition de 25%
et un taux d’intérêt sans risque de 6% , le coût de la dette
après impôt de la société Alpha n’est que de 4,5%.
2.4. Le coût moyen pondéré du capital
• Comme son nom l’indique, il s’agit d’une moyenne pondérée
du coût des fonds propres et du coût des dettes; la proportion
étant la part respective de financement des pourvoyeurs de
fonds.
• Si on note λ le ratio dettes financières/fonds propres (évalués
en valeur de marché), c’est-à-dire la quantité de dettes pour un
franc de fonds propres, le CMPi est égal, avec nos notations, à:
𝐶𝑀𝑃𝑖 =1
1+ λ𝑅𝑖 +
λ
1+λ𝑅𝑓 1 − τ
• Illustration: Si on suppose que l’entreprise Alpha finance
en moyenne ses investissements par 50% de dettes et 50%
de fonds propres, soit un levier financier λ de 1. son coût
moyen pondéré du capital sera égal à 8,85%:
𝐶𝑀𝑃𝑖 =1
213,2% +
1
26,0% 1 − 0,25 = 8,85%
• Une interprétation trop rapide de la formule du coût
moyen pondéré du capital pourrait faire croire puisque la
dette coûte moins cher que les fonds propres qu’il suffirait
d’augmenter la proportion des dettes pour abaisser le coût
du capital de l’entreprise et augmenter ainsi sa valeur de
marché.
• Comme nous allons le voir dans la section suivante, cela
n’est pas aussi simple.
2. L’impact de la structure financière sur le coût du capital
• C’est essentiellement grâce aux travaux théoriques de
Modigliani et Miller que la question de l’impact de la
structure de financement de l’entreprise sur le coût du
capital a été mieux comprise.
• Avant leur démonstration, il était de bon ton de considérer
qu’il existait une structure optimale, c’est-à-dire un ratio
dettes/fonds propres pour lequel le CMP du capital était
minimum.
• Le raisonnement était le suivant: puisque la dette coûte
moins cher que les fonds propres , en augmentant leur part
il est possible de diminuer le coût du capital; tout au moins
jusqu’à un certain niveau puisque, à partir d’un certain
seuil d’endettement, le risque devenant élevé, le coût des
dettes et des fonds propres devrait augmenter fortement
entraînant ainsi une remontée du CMP.
• Or, Modigliani et Miller ont démontré, grâce à un
raisonnement d’arbitrage, que sur des marchés parfaits en
l’absence d’imposition et de risque de faillite, la valeur de
la firme était indépendante de sa structure financière.
• La valeur de l’entreprise ne dépend que de la rentabilité
de son actif économique, ou encore de la rentabilité de
son portefeuille d’investissement, et non de la façon dont
celle – ci est, par la suite, répartie entre ses apporteurs de
fonds.
• En introduisant la fiscalité et en se rappelant que la dette
est fiscalement avantagée par rapport aux fonds propres, il
est possible de montrer que la valeur de la firme endettée
est supérieure à celle qui ne l’est pas.
3.1. Le processus d’arbitrage en l’absence d’imposition des
bénéfices
• Supposons que les dirigeants de l’entreprise veuillent trouver
une répartition optimale du financement de l’entreprise dans le
but de maximiser la capitalisation boursière.
• Pour Modigliani et Miller, cette question n’a pas de réponse
dans la mesure où la valeur de marché de la firme est
indépendante de la structure du capital, tout au moins dans un
monde sans impôt et sur un marché financier parfait.
• En fait, comme nous allons le voir, la valeur de la firme
dans un tel monde ne peut être que liée à sa capacité
bénéficiaire, elle – même fonction de la rentabilité de ses
investissements industriels ou commerciaux.
• Considérons deux entreprises identiques en tous points,
sauf en ce qui concerne leur structure financière. Elles
appartiennent au même secteur d’activité et sont exposées
au même risque d’exploitation.
• Pour simplifier, supposons que l’entreprise notée 0 soit
financée uniquement par fonds propres (dette =0), que
l’entreprise notée i soit endettée au taux de 6% pour un
montant de 1 000 millions de francs et que chaque
entreprise dégage un bénéfice d’exploitation (avant frais
financiers) de 200 millions de francs. Le tableau 1
récapitule ces données.
• Supposons que, pour une raison inconnue (peut être effet de
levier sur la rentabilité des fonds propres?), l’entreprise i soit
mieux appréciée par le marché que l’entreprise 0, et qu’en
définitive sa valeur de marché globale (fonds propres + dettes)
soit plus élevée: 2 000 millions de francs au lieu de 1 600 pour
la firme 0.
• Comme la valeur de la dette (supposée perpétuelle comme le
flux de bénéfice) est égale à la capitalisation au taux de 6% du
flux versé aux créanciers (intérêts = 60 MF), soit 1 000 MF, on
en déduit que la valeur des actions de l’entreprise i est de:
𝑆𝑖 = 𝑉𝑖 − 𝐵𝑖 = 2 000 − 1 000 = 1 000
• Comme le flux versé aux actionnaires (supposé lui aussi
perpétuel) est de 140 MF, on en déduit que la rentabilité
pour les actionnaires de l’entreprise i est de: 14%, alors
qu’elle n’est que de 12,5% pour les actionnaires de
l’entreprise 0.
Tableau 1. Firme endettée (i) et sans dette (0) (en millions de francs)
Firme 0 Firme i
Bénéfice d’exploitation
Frais financiers (créanciers)
Bénéfice net (actionnaires)
Valeur des actions (S)
Valeur des dettes (B)
Valeur de la firme (V)
Taux de rentabilité des actions (R)
Coût moyen pondéré du capital (CMP)
200
0
200
S0 = 1 600
B0 = 0
V0 = 1 600
R0 = 12,5%
CMP0 = 12,5%
200
60
140
Si = 1 000
Bi = 1000
Vi = 2 000
Ri = 14,0%
CMPi = 10,0%
• Notons également que le fait que la valeur de
l’entreprise i est plus élevée que celle de 0 entraîne que
le coût moyen pondéré du capital de i est inférieur à
celui de 0:
𝐶𝑀𝑃0 = 𝑅0 =200
1 600= 12,5%
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 14% ×1 000
2 000+ 6% ×
1 000
2 000= 10%
• Avec ces données, le CMP de l’entreprise i est inférieur
à celui de l’entreprise 0: CMPi < CMP0
• Face à une telle situation, et bien que l’actionnaire de
l’entreprise i bénéficie d’un taux de rentabilité supérieur, il
est possible pour l’actionnaire de cette entreprise de
gagner davantage avec le même niveau de risque. Il suffit
pour cela qu’il fasse un arbitrage.
• Supposons que notre actionnaire possède 1% du capital de
l’entreprise i, soit un capital de 10 millions de francs. On
pourrait alors lui donner le conseil suivant:
a) Vendre ses actions i pour un montant de 10 MF.
b) Emprunter 10 MF au taux d’intérêt du marché, soit 6%.
On suppose que les marchés sont parfaits et que les taux
de prêt et d’emprunt sont les mêmes et que les
particuliers peuvent emprunter au même taux que les
firmes.
c) Investir la totalité des fonds ainsi, recueillis dans l’achat
d’actions de l’entreprise 0 sans dette; soit 20 MF qui
rapporteront du 12,5%.
• Puisque la rentabilité des actions de l’entreprise 0 est de 12,5%,
les 20 MF rapporteront 2,5 MF sur une année. De ce gain, il
faudra toutefois défalquer le coût de la dette, soit 6% de 10 MF,
c’est-à-dire 0,6 MF. Au total, son bénéfice net sera de:
2,5 − 0,6 = 1,9 𝑀𝐹
• Comme on peut le constater, ce bénéfice est supérieur à celui
qu’il aurait obtenu en conservant 1% des actions de i, soit 1,4
MF. La rentabilité nette de son capital initial sera donc égale à
19%:
𝑅𝑒𝑛𝑡𝑎𝑏𝑖𝑙𝑖𝑡é 𝑑𝑒𝑠 𝑓𝑜𝑛𝑑𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑝𝑟𝑒𝑠 =1,9
10= 19%
• Bien entendu, notre investisseur ne sera pas le seul à se rendre
compte que cet arbitrage est profitable: tout le monde préfère
gagner 19% que 14% avec le même niveau de risque. Ce
dernier point est important.
• L’opération que nous avons proposée est un arbitrage, car le
niveau de risque est inchangé. En effet, en empruntant un
montant équivalent à 1% de la dette de l’entreprise i, et
plaçant le tout (fonds propres + emprunt) dans une entreprise
sans dette mais ayant le même risque d’exploitation, le risque
global est inchangé.
• Ainsi, tant que cet arbitrage sera profitable, des
investisseurs vendront des actions i pour acheter des
actions 0. Le cours des actions i baissera donc sur le
marché entraînant une baisse de la valeur de cette
entreprise, alors que la valeur de marché de l’entreprise 0
augmentera du fait des achats de titres.
• À l’équilibre, la valeur des deux entreprises sera égale, et
elles auront le même CMP du capital.
• Par exemple, si on suppose qu’à l’équilibre:
𝑉𝑖 = 𝑉0 = 1 818 MF
𝐶𝑀𝑃0 = 𝑅0 =200
1 818= 11,0%
• Si la valeur de la firme i est de 1 818 MF, la valeur de ses fonds
propres est égale à 818 MF. La rentabilité Ri qu’elle procure à ses
actionnaires passe de 14% à 17,11%
𝑅𝑖 =𝐵𝑁𝑖𝑆𝑖
=140
818= 17,11%
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 𝑅𝑖𝑆𝑖𝑉𝑖+ 𝑅𝑓
𝐵𝑖𝑉𝑖
= 17,11%818
1 818+ 6,0%
1 000
1 818= 11,0%
• Dans cet exemple numérique, nous avons supposé que c’est la
firme endettée qui avait au départ la plus grande valeur.
• Si jamais cela n’était pas le cas, il suffirait de faire exactement
l’arbitrage inverse: vendre 1% des actions 0, placer sur le
marché un montant équivalent à 1% de la dette i, et investir le
reste dans les actions i.
• En conclusion, sur un marché financier parfait et dans un
monde sans impôt, la valeur de la firme endettée est égale à
celle de la firme sans dette.
• Avec ces hypothèses, la valeur des entreprises est indépendante
de leur structure financière, du fait de l’arbitrage des
investisseurs.
• La thèse de Modigliani et Miller repose sur un principe assez
simple à comprendre. Il s’agit du principe d’additivité de la
valeur qui stipule que, sur un marché de capitaux parfait, la
valeur actuelle des actifs est égale à la somme des valeurs
actuelles de chacun des deux actifs considérés séparément; ou
encore que la valeur actuelle d’un flux de liquidités est
indépendante de sa répartition.
• En d’autres termes sauf avantages ou pénalités accordés
par les pouvoirs publics la valeur de la firme sur un
marché concurrentiel est indépendante de la répartition
des flux de liquidités allant aux actionnaires et aux
créanciers.
3.2. La démonstration de Modigliani et Miller en présence
d’impôt
• Considérons deux entreprises parfaitement identiques sauf en
ce qui concerne leur structure de financement: l’une, notée i,
est endettée, alors que l’autre, notée 0 est entièrement financée
par fonds propres. Étant identiques, ces deux firmes ont la
même rentabilité sur leur actif économique qui génère donc le
même bénéfice avant intérêts et impôt (BAII). Elles
supportent également le même risque économique, c’est-à-dire
le même aléa sur leur BAII (noté X).
Entreprise 0 Entreprise i
BAII
Intérêts (créanciers)
Bénéfice après impôt (actionnaires)
X
0
X (1 – τ)
X
Rf Bi
(X – Rf Bi ) (1 – τ)
1. BAII est l’équivalent en anglais de EBIT: Earning Before Interest and Taxes
2. Le flux X est supposé constant à l’infini pour les besoins de la démonstration.
• Soit R0 le taux de rentabilité exigé sur les actions de la
firme sans dette. Notons que R0 est par conséquent la
rentabilité économique des deux firmes (endettée et non
endettée), c’est-à-dire la rentabilité qu’elles dégagent
indépendamment de leur mode de financement. La valeur
de la firme sans dette, notée V0, est égale à l’actualisation
à l’infini du flux X (1 – τ) au taux R0:
𝑉0 =𝑋 1 − τ
𝑅0
• Par construction, la valeur de la firme endettée, V, est
égale à la somme actualisée des flux de liquidités nets
d’impôt allant aux actionnaires et aux créanciers. La
somme des flux allant aux apporteurs de fonds est égale
à:
𝑋 1 − τ + τ𝑅𝑓 . 𝐵𝑖
• Ce flux est égal aux flux de liquidité disponible pour les
actionnaires de l’entreprise sans dette augmenté de
l’économie fiscale due à la déductibilité des intérêts sur la
dette. Pour tenir compte du risque qui pèse sur chacun de
ces flux, le montant X (1 – τ) doit donc être actualisé au
taux R0 et l’économie fiscale due à la dette au taux Rf. on
obtient donc:
𝑉𝑖 =𝑋 1 − τ
𝑅0+
τ𝑅𝑓𝐵𝑖
𝑅𝑓= 𝑉0 + τ𝐵𝑖
• La valeur de l’entreprise endettée Vi, est donc supérieure à
celle de l’entreprise sans dette. Le supplément de valeur
est égal à la somme actualisée de l’économie fiscale due à
la déductibilité des intérêts de la dette. On vérifie que si le
taux d’imposition est nul, la valeur des deux firmes est
bien égale.
3.3. Le coût du capital de l’entreprise endettée
• À partir de l’analyse précédente, on peut en déduire le
coût des capitaux propres, Ri, de l’entreprise endettée
ainsi que son coût moyen pondéré du capital CMPi.
• Par définition, Ri, est tel que:
𝑅𝑖 =𝑋 − 𝑅𝑓𝐵𝑖 1 − τ
𝑆𝑖
- Si: valeur de marché des actions de l’entreprise i
- Vi: valeur de l’entreprise i = Si + Bi
𝑅0 =𝑋 1 − τ
𝑉0
• Puisque: V0 = S0
• Et: Vi = V0 + τBi
• En posant λ = Bi/Si, on obtient après transformation la
relation suivante (équation 1):
𝑅𝑖 = 𝑅0 + 𝑅0 − 𝑅𝑓 λ 1 − τ 1
• Cette équation signifie que le coût des fonds propres de
l’entreprise endettée i est égal à celui de l’entreprise sans
dette (notée 0) augmenté d’une prime de risque
proportionnelle à l’endettement λ. À noter que cette
prime de risque est réduite par l’effet de la fiscalité.
• Le CMPi est égal, par définition, à la moyenne pondérée
par les valeurs de marché du coût des fonds propres et du
coût de la dette après impôt (équation 2):
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 𝑅𝑖1
1 + λ+ 𝑅𝑓 1 − τ
λ
1 + λ2
• On peut également exprimer directement le coût moyen
pondéré du capital d’une entreprise endettée en fonction
de celui de l’entreprise sans dette en remplaçant Ri par son
expression (équation 3).
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 𝑅0 1 − τλ
1 + λ3
• Si le taux d’imposition est nul (τ = 0), le coût moyen
pondéré du capital est indépendant de l’endettement. On
retrouve la proposition initiale de Modigliani et Miller
• Illustration: En reprenant le cas de l’entreprise Alpha, on
peut calculer le coût des fonds propres que cette entreprise
aurait si elle n’avait aucune dette:
• Rappel des données:
- CMPi = 8,85%
- λ = 1
- τ = 25%
𝑅0 =𝐶𝑀𝑃𝑖
1 − τλ
1 + λ
=8,85
1 − 0,2512
= 10,11%
• Il est intéressant de remarquer que, dans l’équation permettant
de calculer le coût du capital de l’entreprise endettée (CMPi)
en fonction de celui de l’entreprise sans dette (CMP0), le coût
de la dette Rf a disparu. Cela s’explique par le fait que le taux
R0 comprend le taux d’intérêt sans risque. En effet, le coût du
capital de l’entreprise sans dette est égal, par construction, à la
somme du taux sans risque et d’une prime de risque
d’exploitation πe:
𝑅0 = 𝑅𝑓 + π𝑒
• L’équation (2) de définition du CMPi permet de calculer
le coût moyen pondéré du capital d’une entreprise, car il
suffit pour cela d’estimer le coût des fonds propres et le
coût de la dette pour une structure financière donnée.
Connaissant le coût du capital de l’entreprise pour une
structure financière donnée il est possible grâce à
l’équation (3) de calculer le coût du capital qu’une
entreprise aurait si elle n’avait pas de dette.
• Profitons de ces équations pour montrer, à l’aide d’un
exemple numérique, une erreur souvent commise
concernant le calcul du coût moyen pondéré du capital
lorsqu’une entreprise modifie sa structure financière.
• Soit une entreprise ayant les caractéristiques suivantes:
- Valeur de marché des actions: Si = 1 000 MF
- Valeur de marché des dettes: Bi = 500 MF
• Supposons que le taux de rentabilité exigé par le marché
sur les actions de cette entreprise, compte tenu de son
risque d’exploitation et financier, soit de 15% alors que le
taux d’intérêt est de 8% (avant impôt).
• Avec un taux d’impôt sur les bénéfices de 25%, le coût
moyen pondéré du capital de cette entreprise est égal à
12%:
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 15%1
1 + 0,5+ 8% 1 − 0,25
0,5
1 + 0,5= 12%
• Supposons maintenant que cette entreprise désire
modifier sa structure du capital en augmentant de 500
millions de francs son endettement. L’erreur que l’on
rencontre parfois consiste à utiliser le même coût des
fonds propres, et à ne modifier que les pondérations de la
structure financière comme le montre le calcul ci –
dessous:
𝐶𝑀𝑃𝑖 = 15%1
1 + 1+ 8% 1 − 0,25
1
1 + 1= 10,5%
• Ce calcul est faux car bien évidemment si l’endettement
passe de 500 à 1 000 millions de francs le risque financier
augmentera, et donc le taux de rentabilité exigé sur les
actions de l’entreprise augmentera également.
• Pour obtenir un calcul correct, il faut calculer le taux de
rentabilité, R0, qui serait exigé par le marché si l’entreprise
n’avait pas de dette, et utiliser l’équation (3) avec la
nouvelle structure financière pour calculer le nouveau
CMPi’.
𝐶𝑀𝑃0 = 𝑅0 =𝐶𝑀𝑃𝑖
1 − τλ
1 + λ
=12%
1 − 0,250,5
1 + 0,5
= 13,09%
𝐶𝑀𝑃𝑖′= 𝑅0 1 − τ
λ
1 + λ= 13,09% 1 − 0,25
1
1 + 1= 11,45%
• Comme on peut constater, le nouveau CMP n’est pas de
10,50% comme le calcul erroné l’indiquait, mais de 11,45%.
Il est plus faible que dans la situation initiale (12%), car
l’avantage fiscal dû à la dette est plus élevé; et non pas parce
qu’on utilise davantage de capitaux (de la dette) ayant un coût
plus faible que celui des fonds propres.
• Remarque importante: Comme la valeur de marché des
dettes financières fluctue en fonction des variations des
variations de taux d’intérêt, le levier financier λ fluctue
également. En conséquence, on peut s’attendre à ce que le
coût moyen pondéré du capital de l’entreprise endettée
s’ajuste en fonction des variations de taux d’intérêt.
• Selon cette analyse, on constate que l’entreprise sans
dette a un coût moyen pondéré du capital supérieur à
celui de l’entreprise endettée. Contrairement à ce qu’il est
souvent entendu, cela ne vient pas du fait que le
financement par dette coûte moins cher que les fonds
propres mais uniquement de l’avantage fiscal lié à
l’endettement. Le graphique 1 représente l’évolution des
composantes du coût du capital en fonction de
l’endettement.
R0 (1 – τ)
Graphique 1. Coût du capital et endettement
%
R0
Prime de risque financier
CMPi
Ri
λ = 0 λ
• Le graphique 1 montre que lorsque le levier financier λ
tend vers l’infini, le CMPi tend vers R0 (1 – τ). Une telle
situation ne risque cependant pas de se produire car il est
difficile d’imaginer une entreprise entièrement financée
par des dettes. Par ailleurs à partir d’un certain seuil
d’endettement, le coût de la dette augmente car elle
devient risquée du fait de l’apparition du risque de
faillite.
3.4. Application: le cas de l’entreprise Alpha
• Afin d’illustrer notre propos, reprenons le cas de
l’entreprise Alpha et ses principales caractéristiques
financières:
- Levier financier: λ =1
- Coût des fonds propres: Ri = 13,2%
- Taux d’intérêt sans risque: Rf = 6,0%
- Coût moyen pondéré du capital: CMPi = 8,85%
- Taux d’imposition: τ = 25%
• Si l’entreprise Alpha n’avait aucune dette, son coût du
capital serait de 10,11%.
• Le tableau 2. et le graphique 2 synthétisent l’évolution du
coût moyen pondéré du capital et le coût des fonds
propres de cette entreprise en fonction de sa structure
financière
Tableau 2. évolution du CMP de l’entreprise Alpha en fonction de sa structure financière
Levier financier 0 0,5 1 1,5 2
Rf
Ri
CMPi
Prime de risque d’exploitation
Prime de risque financier
6,00%
10,11%
10,11%
4,11%
0,00%
6,00%
11,65
9,27%
4,11%
1,54%
6,00%
13,20%
8,85%
4,11%
3,09%
6,00%
14,73
8,59%
4,11%
4,62%
6,00%
16,28%
8,42%
4,11%
6,17%
Graphique 2. Evolution du CMP de l’entreprise Alpha en fonction de sa structure financière
0,00%
2,00%
4,00%
6,00%
8,00%
10,00%
12,00%
14,00%
16,00%
18,00%
0 0,5 1 1,5 2
Levier financier
Coût du capital de l'entreprise Alpha
Rf
Ri
CMPi
4. La décomposition du coût des fonds propres de
l’entreprise endettée
• Les formules établies dans les sections précédentes
permettent de décomposer le taux de rentabilité Ri exigé
par les investisseurs sur les fonds propres d’une entreprise
endettée selon trois dimensions:
- Un taux de rentabilité exigé sur la dette, Rf;
- Une prime de risque d’exploitation;
- Une prime de risque financier.
4.1. Les primes de risques d’exploitation et financier
• La prime de risque d’exploitation, πe, représente la prime qui
est exigée par les investisseurs pour couvrir le risque
économique lié à l’activité de la firme. Cette prime est égale à
la différence entre le taux de rentabilité exigé sur les fonds
propres de l’entreprise sans dette, R0, et le taux d’intérêt Rf.
Cette prime dépend du secteur dans lequel opère la firme et de
sa structure des coûts de production, notamment de la part de
ses coûts fixes.
π𝑒 = 𝑅0 − 𝑅𝑓
• La prime de risque financier, πf, représente la prime qui est
exigée par les investisseurs pour couvrir le risque dû à
l’endettement. Plus le levier financier λ est élevé et plus
cette prime est forte.
π𝑓 = 𝑅𝑖 − 𝑅0
• Illustration: le coût des fonds propres de l’entreprise
Alpha (13,2%), endettée avec un levier financier égal à 1,
se décompose de la façon suivante (tableau 2):
- Un taux d’intérêt de 6,0%,
- Une prime de risque d’exploitation de 4,11%
- Une prime de risque financier de 3,09%.
• Ainsi on voit que le coût des capitaux propres d’une
entreprise dépend:
- de son environnement économique et financier à travers
le taux d’intérêt,
- de son type d’activité, plus ou moins risqué, et de sa
structure des coûts,
- et de sa politique de financement
• Au total, le coût des capitaux propres, c’est-à-dire le
taux de rentabilité exigé par les investisseurs sur les
actions de la firme, représente une synthèse des
principaux paramètres de la gestion de l’entreprise.
4.2. La décomposition du coût des fonds propres à partir du
MEDAF
• Il est également possible de présenter la décomposition du
coût des fonds propres à partir de la relation en associant
le MEDAF avec celle de l’effet de levier de la dette.
- MEDAF pour la firme (0) sans dette:
𝐸 𝑅0 = 𝑅𝑓 + 𝐸 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β0
- MEDAF pour la firme (i) endettée:
𝐸 𝑅𝑖 = 𝑅𝑓 + 𝐸 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β𝑖
• Comme selon la relation de Modigliani et Miller:
𝐸 𝑅𝑖 = E 𝑅0 + 𝐸 𝑅0 − 𝑅𝑓 λ 1 − τ
• On en déduit que, si la dette est sans risque (taux Rf):
β𝑖 = β0 1 + λ 1 − τ
• Cette équation permet de calculer à partir du βi d’une
firme endettée le β0 qu’elle aurait si elle n’avait pas de
dette financière, c’est-à-dire le risque systématique dû son
activité indépendamment de sa politique de financement.
β0 =β𝑖
1+ λ 1− τ
• En combinant les relations du MEDAF et de l’effet de levier,
on obtient la décomposition suivante du coût des fonds
propres de l’entreprise endettée:
𝑅𝑖 = 𝑅𝑓 + 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β0 + 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β0λ 1 − τ
• Cette équation revient à exprimer que le coût des fonds
propres, c’est-à-dire la rentabilité exigée par les actionnaires,
est égal à la somme:
- du taux d’intérêt sans risque: Rf
- d’une prime de risque économique: πe = (Rm – Rf)β0
- et d’une prime de risque financier: πf = (Rm – Rf)β0λ(1- τ)
• Illustration: en reprenant le cas de l’entreprise Alpha et en
supposant que ses dettes sont sans risques, on obtient le
coefficient de risque systématique de l’entreprise sans
dette:
• Avec: βi = 1,20; λ =1; τ = 0,25; E (Rm) = 12%, Rf =6%
β0 =1,20
1 + 1 − 0,25 1= 0,6857
• On en déduit directement:
- Le coût des fonds propres, R0, de l’entreprise sans dette:
𝑅0 = 𝑅𝑓 + 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β0 = 6%+ 12%− 6% × 0,6857 = 10,11
- La prime de risque économique:
π𝑒 = 12%− 6% × 0,6857 = 4,11
- La prime de risque financier:
π𝑓 = 12%− 6% × 0,6857 × 0,75 = 3,09%
• Ceci étant cette analyse demeure encore partielle, car il
convient d’introduire la fiscalité personnelle des
actionnaires et des créanciers.
4.3. Bêtas économiques
• En calculant les bêtas à dette nulle (β0) de firmes appartenant
à un même secteur, il est possible de calculer le coefficient de
risque systématique, encore appelé bêta économique, d’un
secteur d’activité et d’avoir une estimation du coût des fonds
propres des entreprises du secteur considéré, indépendamment
de leur politique de financement. Le bêta économique permet
également d’estimer le coût des fonds propres d’une entreprise
non cotée en connaissant son secteur d’activité et son levier
financier (λ).
• À titre d’illustration, supposons qu’un investisseur cherche à
estimer le coût des fonds propres d’une entreprise de la grande
distribution qui aurait un levier financier λ de 0,8, sachant que
le taux sans risque est de 4,5% et que la prime de risque du
marché est de 4%. Le bêta économique, β, du secteur de la
grande distribution étant de 0,50, on en déduit le bêta de
l’entreprise.
β𝑖 = β0 1 + λ 1 − τ = 0,5 1 + 0,8 × 1 − 0,25 0,8
Le coût des fonds propres de cette entreprise serait donc de:
𝑅𝑖 = 𝑅𝑓 + 𝑅𝑚 − 𝑅𝑓 β𝑖 = 4,5% + 4%× 0,8 = 7,7%
5. La prise en compte de la fiscalité des investisseurs
• L’analyse que nous avons faite peut être facilement
étendue en intégrant la fiscalité personnelle des
investisseurs. Il suffit pour cela de calculer la valeur du
flux de liquidités allant aux actionnaires et aux
créanciers après le prélèvement fiscal.
5.1. La valeur de la firme compte tenu de la fiscalité des
investisseurs
• Soit τa le taux marginal d’imposition des actionnaires et τd
celui des créanciers. Avec les mêmes notations que
précédemment (τ étant le taux d’IS), les flux après impôt
sont:
- pour les actionnaires: (X – Rf Bi)(1 – τ)(1 – τa),
- pour les créanciers: Rf Bi (1 – τd).
• La somme de ces flux est donc égale à:
𝑋 1 − τ 1 − τ𝑎 + 𝑅𝑓𝐵𝑖 1 − τ𝑑 − 1 − τ 1 − τ𝑎
• Le premier terme de cette somme est le flux de liquidité
que recevraient après impôt les actionnaires d’une
entreprise 0 non endettée. En actualisant ce flux aux taux
R0, on obtient la valeur V0* d’une telle entreprise pour
des actionnaires imposés au taux τa.
𝑉∗0=
𝑋 1 − τ 1 − τ𝑎𝑅0
• Comme précédemment, le dernier terme de la somme doit
être actualisé au taux d’intérêt Rf de la dette puisqu’il
s’agit d’un flux sans risque.
• La valeur Vi* de la firme après fiscalité personnelle des
investisseurs sera donc telle que.
𝑉𝑖∗= 𝑉0
∗+ τ 1 − τ𝑎 + τ𝑎 − τ𝑑 𝐵𝑖
• Remarque: si on néglige la fiscalité des investisseurs (τa =
τd = 0), on retrouve la relation précédente de valorisation
de la firme endettée.
• Si τa = τd = 0
• On obtient: Vi* = V0* + τBi
5.2. Cas particulier
• Examinons un cas particulier.
• Si le taux d’imposition marginal des actionnaires était
nul, il faudrait que le taux d’imposition sur les revenus de
la dette soit égal au taux d’imposition des bénéfices pour
qu’il n’y ait pas d’avantage à l’endettement. En effet, si:
τa = 0 et τ = τd , on obtient: Vi* = V0*
• On retrouve ainsi le premier théorème de Modigliani et
Miller dans un monde sans impôt. Cela n’est pas
étonnant puisque dans ce cas l’avantage fiscal de la dette
disparaît après prise en compte de l’imposition des
revenus de cette dette. On retrouve également ce résultat
si:
1 − τ𝑑 = 1 − τ 1 − τ𝑎
• En d’autres termes si la fiscalité globale des actionnaires
(IS et IR) est égale à celle des créanciers.
6. Les autres facteurs qui influencent le coût du capital
• Contrairement à ce que pourrait laisser penser la théorie
traditionnelle. Le choix d’un mode de financement n’est pas une
variable exogène aux dirigeants. Ces derniers, qui animent
l’entreprise, poursuivent des objectifs qui peuvent être à court
ou moyen terme en opposition avec ceux des actionnaires. En
d’autres termes, l’endettement ne se résume pas à un simple
avantage fiscal sur le coût du capital et la relation entre la valeur
de la firme et sa politique de financement est malheureusement
plus complexe que les relations que nous avons présentées.
• Plusieurs facteurs recensés par la théorie financière sont
susceptible d’influencer le choix d’un mode de
financement et par conséquent le coût du capital des
entreprises.
• Il s’agit notamment des coûts de faillite, des coûts
d’agence et de signalisation, de la spécificité des actifs et
même dans une certaine mesure de la problématique du
gouvernement des entreprises.
6.1. Les coûts de faillite
• La rentabilité future des actifs économiques de
l’entreprise n’étant jamais certaine, on peut penser qu’à
partir d’un certain niveau d’endettement le risque
d’insolvabilité va commencer à se manifester et que le
marché va tenir compte des coût de faillite potentiels.
• Dès lors que la dette devient risquée, son coût va
augmenter.
• Par ailleurs, les coûts de faillite ne comprennent pas
uniquement les coûts directs liés au dépôt de bilan, mais
également des coûts indirects plus diffus: la difficulté de
financer de nouveaux projets, l’impossibilité de saisir
rapidement des opportunités de croissance, la perte de
confiance des autres stakeholders de l’entreprises.
• Au total, la valeur actuelle de ces coûts va entraîner une
baisse de valeur de l’entreprise et donc une augmentation
de son coût du capital.
Graphique 3. Coût de faillite et valeur de la firme
Valeur de la firme
Valeur actuelle des coûts de faillite
Valeur de la firme sans dette
Valeur actuelle de l’économie
fiscale due à la dette
λλ*0
• Selon cette analyse, il existe donc un niveau
d’endettement optimum, λ*, tel que l’avantage des
économies fiscales dû à la dette est compensé par la
valeur actuelle des coûts de faillite. Au –delà de ce seuil,
la valeur de la firme décroît et son coût du capital
augmente. Bien que séduisante, cette approche bute
cependant sur son faible caractère opératoire. Il est en
effet bien difficile d’estimer les coûts de faillite en
pratique, contrairement aux avantages fiscaux de la dette.
6.2. Les coûts d’agence et de signalisation
• Selon la théorie de l’agence, l’équilibre de l’entreprise
repose sur toute une série de contrats passés entre les
différents groupes de partenaires (actionnaires, créanciers,
dirigeants, etc.); chacun de ces groupes cherchant à
maximiser ses avantages.
• Ainsi, les dirigeants supposés opportunistes sont supposer
de rechercher des avantages directs ou indirects au
détriment de l’intérêt de leurs mandants: les actionnaires.
• Afin de résoudre le conflit d’intérêt entre les actionnaires
et les dirigeants, Jensen et Meckling suggèrent de recourir
à l’endettement. Ils démontrent que pour les dirigeants en
particulier ceux qui ne sont pas propriétaires de leur
entreprise l’endettement a un pouvoir d’incitation à la
« bonne gestion ».
• En effet, plus l’entreprise est endettée, plus le risque de
perte d’emploi et d’avantages en nature des dirigeants est
élevé, et donc plus ils sont incités à la performance.
• Avec un endettement élevé, les cash-flows sont prioritairement
affectés au remboursement de la dette et les dépenses inutiles
ou de « standing » sont évitées, alors qu’en l’absence
d’endettement le risque de mauvais emploi du free cash-flow
devient élevé et la valeur de la firme n’est plus maximisée.
• La dette constituerait donc une « discipline créative » de
valeur. À l’appui de cette démonstration, il est classique de
rappeler la création de valeur actionnariale des opérations de
LBO (rachat d’entreprise avec des effets de levier très
importants).
• Par ailleurs, devant la difficulté pour les investisseurs de
se faire une idée sur la qualité des firmes en raison d’une
asymétrie informationnelle entre dirigeants et actionnaires,
l’augmentation de l’endettement constituerait pour le
marché un bon signal sur la qualité de la firme et de ses
projets.
• Le raisonnement est le suivant: en ayant recours à
l’endettement, le management informe les investisseurs de
la solidité de leurs projets.
• En cas d’émission de faux signal (les projets n’étaient,
en fait, pas bons), les dirigeants sont supposés être
sanctionnés par la perte de leur situation du fait des
difficultés financières dans lesquelles l’entreprise va se
trouver.
• Ainsi, en plus d’avoir un rôle disciplinaire,
l’endettement représenterait un bon signal pour les
investisseurs.
• À l’appui de cette thèse, on constate généralement une
hausse de valeur lorsqu’une entreprise émet de la dette et
une baisse en cas d’augmentation de capital en numéraire.
Mais jusqu’où s’endetter alors?
• Avec un endettement « très élevé », on sait qu’il est
possible de transférer une partie du risque normalement
supporté par les actionnaires vers les créanciers et faire
ainsi baisser la valeur de marché de la dette.
• Des transferts de richesse sont donc rendus possibles antre
actionnaires et créanciers. C’est ce que montre la théorie
des options appliquée aux firmes dont la probabilité de
faillite n’est pas nulle.
6.3. Le financement hiérarchique et la spécificité des actifs
• L’observation du comportement de financement des
entreprises a amené Myers à développer la théorie de
financement hiérarchique. Contrairement à l’idée que les
dirigeants cherchent à gérer un « pool » de ressources
financières en fixant un rapport entre les dettes financières
et les fonds propres, il semble que les entreprises
établissent une hiérarchie entre les différents modes de
financement.
• Selon cette thèse, face à un problème de financement,
l’entreprise mobilise en fonction des besoins exprimés:
- en priorité l’autofinancement,
- ensuite, ses fonds disponibles (trésorerie active),
- éventuellement le recours à l’endettement ou à l’émission
de titres hybrides (obligations convertibles),
- en dernier ressort, l’appel aux actionnaires par une
augmentation de capital.
• Ainsi, la structure de financement de l’entreprise serait
davantage le produit d’un processus de gestion
opportuniste que l’expression d’un choix global entre
dettes financières et fonds propres comme le prétendent
Modigliani et Miller.
• Cette approche tend à nier le concept de politique de
financement et à faire dépendre la structure financière des
opportunités d’investissement disponibles.
• Bien qu’elle exprime, dans certaine mesure, les pratiques
des entreprises, il nous semble que sa principale faiblesse
réside dans une perte de vision globale de la
problématique de financement et un certain éclatement de
la fonction financière dont le principal rôle est pourtant,
dans une perspective de création de valeur, de rationaliser
les choix d’allocation d’actifs grâce au concept du coût du
capital.
• Au – delà du couple rentabilité – risque des actifs
économiques de l’entreprise et de son mode de
financement hiérarchique, un autre facteur est susceptible,
selon Williamson, d’influencer la politique de
financement des entreprises.
• Il s’agit de la spécificité des actifs. Selon le caractère plus
ou moins spécifique des actifs, l’entreprise pourra faire
appel plus ou moins à l’endettement.
• Ainsi, dans le cas d’actifs facilement redéployables, il
sera davantage possible de faire appel à la dette que dans
le cas d’actifs dédiés à certain type d’activité. Le plus
flagrant est certainement celui des entreprises de haute
technologie qui investissent massivement dans la
recherche et développement ce qui constitue l’arché-type
de l’actif spécifique et qui sont généralement davantage
financées par fonds propres que les entreprises plus
traditionnelles.
• Mais, conformément à la théorie standard, un tel constat
peut également être imputé au caractère plus risqué de
l’activité des firmes de haute technologie qui ne souhaitent
pas rajouter, par mesure de prudence, des risques
financiers à une activité industrielle déjà fortement
aléatoire.
Conclusion
• L’objet de ce cours était de montrer l’impact de la structure de
financement sur la valeur de la firme et sur son coût du capital.
Naturellement cette présentation est loin d’épuiser un tel sujet.
Il conviendrait de développer davantage dans cette analyse les
coûts de faillite, les conflits d’intérêt entre actionnaires et
créanciers par le biais de la théorie de l’agence, les problèmes
liés à l’asymétrie d’information entre dirigeants et
investisseurs, les risques de hasard moral et même la
problématique du gouvernement des entreprises.
• Nous avons privilégié l’approche classique de Modigliani
et Miller, car malgré ses limites, elle présente l’immense
avantage de quantifier de façon opérationnelle l’impact de
l’endettement sur le coût du capital et de poser la
problématique globale du financement de l’entreprise.
• Nous avons voulu montrer qu’il est possible pour des
gestionnaires quelles que soient leurs motivations, de
mesurer concrètement les conséquences d’une
modification de la structure financière sur le taux
d’actualisation requis sur les projets d’investissement de
la firme de façon à prendre des décisions d’allocation de
ressources conformes aux intérêts des actionnaires, c’est-
à-dire des décisions permettant de créer de la valeur
actionnariale.
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