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Roch-Olivier Maistre,
Président du Conseil d’administration
Laurent Bayle,
Directeur général
Mardi 29 septembreEnsemble vocal Sequenza 9.3
Dans le cadre du cycle Babel : la diversité des langues
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert,
à l’adresse suivante : www.citedelamusique.fr En
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Lorsque les hommes entreprirent de bâtir une tour dont le sommet touche au ciel, l’Éternel dit :
« Confondons leur langage, ain qu’ils n’entendent plus la langue les uns des autres. » La mythique
Babel reste l’un des noms possibles de ce que nous appelons aujourd’hui la mondialisation.
Voulant dépasser sa condition en construisant une tour pour atteindre le ciel, l’homme aurait
subi le châtiment de la faute collective en passant de la langue unique à la confusion générale
et à l’incommunicabilité. Le thème de Babel a frappé les esprits. Dès le Moyen Âge, les musiciens
jonglent autant avec les notes qu’avec les mots, mélangeant et confrontant les textes et les
idiomes. De l’âge baroque au XIXe siècle, chaque pays révèle son esthétique à travers l’airmation
de sa langue. À notre époque, le mythe de Babel est réactualisé en termes de conquête
perpétuelle de nouveaux langages.
Le spectacle de Sidi Larbi Cherkaoui met en scène la fascination et la puissance des écrits
religieux. Ce sont des livres qui occupent l’espace scénique, sorte de bibliothèque mondiale
où gisent des ouvrages écrits dans tant de langues. À côté d’un grand escalier évoquant la tour
de Babel ou l’échelle de Jacob, ces volumes sont presque des personnages à part entière.
Une multiplicité de langues et de voix : voilà ce qu’explorent Luciano Berio et le poète italien
Edoardo Sanguineti. Dans A-Ronne, le texte aux allures joyciennes est construit « sur des citations
en diverses langues ». Dans Laborintus II, les deux auteurs bâtissent, entre les textes de Dante, la
Genèse, T. S. Eliot, Ezra Pound et leurs langues, un labyrinthe textuel et musical mettant en scène
la mémoire et son usure. La mémoire, que Sanguineti évoque dès le début, comme en trébuchant
ou en balbutiant : « Dans cette partie ; dans cette partie de ma mémoire ; dans cette partie du livre ;
dans cette partie du livre de ma mémoire… »
Dans Les Chants de l’Amour, Gérard Grisey a composé lui-même un texte polyglotte et déconstruit,
fait de bribes de phrases ou de noms d’amants célèbres, de voyelles et de consonnes, de soupirs
et de gémissements, le tout traité par ordinateur : « une vision dantesque de la foule des amants »,
disait le compositeur, où « des milliers de voix s’interpellent, tournoient et s’efondrent ».
Le mythe de Babel est revisité par Giovanna Marini et son quatuor vocal pour en faire la trame de
sa vision tragicomique du monde d’aujourd’hui. « Je raconte la schizophrénie de notre époque », dit-
elle à propos de la cantate qu’elle a imaginée après la chute des tours jumelles de New York. New
York, cette Babel ou Babylone contemporaine…
Les Batoutos, une tribu imaginaire à laquelle l’écrivain et poète créole Édouard Glissant a consacré
son roman Sartorius en 1999, sont ceux qui « veillent, partout où nos espérances n’ont pas rencontré
nos actions… ». Des musiciens ont souhaité reprendre ce nom, pour faire dialoguer les écrits du
poète avec des musiques allant du baroque européen à l’Afrique.
Cycle Babel : la diversité des langues
DU VENDrEDI 25 SEPTEMBrE AU SAMEDI 3 oCToBrE
VENDREDI 25 SEPTEMBRE, 20H
SAMEDI 26 SEPTEMBRE, 20H
Apocrifu
Ensemble vocal A Filetta
Sidi Larbi Cherkaoui, chorégraphie
et danse
Dimitri Jourde, danse
Yasuyuki Shuto, danse
Herman Sorgeloos, scénographie
Dries Van Noten, costumes
Luc Schaltin, lumières
SAMEDI 26 SEPTEMBRE,
DE 15H à 19H
Forum Babel
15h Table ronde
Animée par Philippe Albéra,
musicologue
Avec la participation de Laurent
Feneyrou et Olivier Cullin,
musicologues, et Jan Willem Noldus,
théologien
17h30 Concert
Motets des XIIIe, XIVe et XVe siècles
Ensemble Musica Nova
Lucien Kandel, direction artistique
Mauricio Kagel
La Tour de Babel (extraits)
Monica Jordan, voix
MARDI 29 SEPTEMBRE, 20H
Luciano Berio
A-Ronne
Gérard Grisey
Les Chants de l’Amour
Ensemble vocal Sequenza 9.3
Catherine Simonpietri, direction
Jean-Baptiste Barrière, Pierre-
François Baisnée, réalisation
informatique musicale Ircam
Franck Rossi, régie informatique
MERCREDI 30 SEPTEMBRE, 18H30
ZOOM SuR uNE œuVRE
Luciano Berio : Laborintus II
Par Sylvie Lannes, musicologue
MERCREDI 30 SEPTEMBRE, 20H
Edgard Varèse
Intégrales
Pierre Jodlowski
Barbarismes – trilogie de l’an mil
Luciano Berio
Laborintus II
Ensemble intercontemporain
accentus/axe 21
Susanna Mälkki, direction
Fosco Perinti, récitant
VENDREDI 2 OCTOBRE, 20H
La Tour de Babel
Giovanna Marini, chant
Patrizia Bovi, chant
Francesca Breschi, chant
Patrizia Nasini, chant
SAMEDI 3 OCTOBRE, 20H
Le Sel noir
Archipels baroques
sur des textes d’Édouard Glissant
Les Batoutos
Isabelle Saint-Yves, viole
Jean-Luc Tamby, théorbe, luth
Karim Touré, sanza, percussions
Mylène Wagram, comédienne
Vincent Lacoste, comédien,
mise en scène
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MARDI 29 SEPTEMBRE – 20H
Amphithéâtre
Luciano Berio
A-Ronne
entracte
Gérard Grisey
Les Chants de l’Amour
Ensemble vocal Sequenza 9.3
Catherine Simonpietri, direction
Jean-Baptiste Barrière, réalisation informatique musicale Ircam
Pierre-François Baisnée, réalisation informatique musicale Ircam
Franck Rossi, régie informatique
Fin du concert vers 21h40.
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Luciano Berio (1925-2003)
A-Ronne, documentaire radiophonique sur un poème d’Edoardo Sanguineti – Version pour huit voix
Date de composition : 1974-975.
Livret : Edoardo Sanguineti.
Création : le 1er janvier 1975 à Liège, rTB, par les Swingle II.
Efectif : 2 sopranos, 2 altos, 2 ténors, 2 basses.
Éditeur : Universal Edition.
Durée : environ 32 minutes.
Avec A-Ronne, réalisé en mai 1974 pour la radio Hollandaise à Hilversum, je reviens sur un
problème qui est ancien et vaste comme le langage, et qui est d’ailleurs le problème et le thème
fondamental de toute la musique vocale : l’articulation vocale – au sens le plus large du terme –
est signiication.
A-Ronne n’est pas une composition musicale au sens strict – même si les procédés qui souvent
en organisent le développement sont musicaux (emploi des inlexions et des intonations,
développement des allitérations et des transitions entre son et bruit, emploi occasionnel de
mélodies, de polyphonies et d’hétérophonies élémentaires). Le sens musical de A-Ronne est
primordial : c’est-à-dire commun à toutes les expériences, du langage parlé quotidien au théâtre,
où les changements d’expression impliquent et documentent des changements de signiication.
C’est pourquoi je préfère déinir cette œuvre comme un documentaire sur un poème d’Edoardo
Sanguineti, comme on dit documentaire sur une peinture ou sur un pays exotique. Conçu à
l’origine comme pièce radiophonique, A-Ronne peut suggérer quelques liens avec les madrigaux
représentatifs, à savoir avec le théâtre des oreilles (de l’esprit, on l’appellerait aujourd’hui) de la in
du XVIe siècle.
Le poème de Sanguineti, qui est soumis à diverses lectures au cours de l’œuvre, n’est pas traité
comme un texte à mettre en musique, mais plutôt comme un texte à analyser et comme le
générateur de situations vocales et de diférents caractères expressifs. répété une vingtaine de
fois et presque toujours d’une manière circulaire, le poème est divisé en trois courtes strophes :
le thème de la première strophe est le Début, le thème de la seconde le Milieu, et celui de la
troisième est la Fin. Le texte est rigoureusement construit sur des citations en plusieurs langues
qui vont du début de l’Évangile selon saint Jean (en latin, grec et allemand : traduction de Luther
et modiications apportées par Gœthe dans son Faust) à un vers de T. S. Eliot ; d’un vers de Dante
aux premiers mots du Manifeste du Parti communiste, d’un passage tiré d’un essai de Barthes
sur Bataille aux trois abréviations (Ette, Conne, ronne, dans leur désignation lorentine) avec
lesquelles, dans les anciens dictionnaires italiens, se terminait l’alphabet après le Z : d’où le
dicton « dalla A al Ronne » qui est aujourd’hui remplacé par « dalla A alla Zeta ». Le sens musical
de A-Ronne réside dans le rapport établi entre un texte écrit et une grammaire du comportement
vocal, entre un poème toujours idèle à ses propres termes et une articulation vocale qui en modiie
6
constamment le sens et les aspects référentiels. Il en résulte que les deux dimensions (celle du texte
écrit et celle du comportement vocal) interagissent d’une façon toujours diférente, suscitant des
signiications toujours nouvelles. C’est tout à fait ce qui se passe dans la musique vocale et dans
le langage quotidien, où le rapport entre les deux dimensions (grammaticale et acoustique) est
responsable des ininies possibilités du discours et du chant humain.
Luciano Berio
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Gérard Grisey (1946-1998)
Les Chants de l’Amour, pour douze voix mixtes et bande magnétique
Composition : 1982-1984.
Livret : Phonèmes, noms d’amants célèbres, diférentes phrases amoureuse en vingt-deux langues, extraits de Rayuela
de Julio Cortázar.
Informatique Musicale : Pierre-François Baisnée, Jean-Baptiste Barrière.
Commande : Ministère de la Culture (France).
Création : le 3 juin 1985 à l’Espace de projection de l’Ircam, Paris, par la Schola Cantorum de Stuttgart, direction Clytus
Gottwald.
Éditeur : ricordi, nº r. 2363.
Durée : environ 40 minutes.
Lors d’un entretien récent, on m’a posé cette question : « Pourquoi des chants d’amour ? ».
Je n’ai pas su répondre, car si le chant d’amour, comme le poème d’amour, est un genre diicile,
il est encore plus diicile d’en parler. D’ailleurs, est-ce un genre ? Y a-t-il encore quelques points
communs entre la démesure de douze voix humaines confrontées à la voix synthétique de
l’ordinateur et le Liebeslied d’un Schubert ou d’un Schumann ? Bien que le néoromantisme soit à
la mode, j’éviterai l’exégèse et les anecdotes subjectives ou croustillantes pour ne parler que du
concept formel de cette pièce.
Auparavant et pour réponse : la Musique a au moins ceci de commun avec l’Amour que l’être
humain y découvre et y apprend le Temps. La première esquisse des Chants de l’Amour, en réalité
la mise en place formelle, date de l’été 1981. Je conçus alors l’idée de grandes polyphonies vocales
enveloppées et soutenues par un fondamental puissant. Le programme « chant »*, conçu par
Xavier rodet et Yves Potard à l’Ircam, dont j’avais alors entendu quelques exemples, m’apparut
immédiatement comme l’instrument adéquat pour réaliser cette voix continue et ces pulsations
respiratoires, véritable liquide amniotique des voix humaines.
Pour mémoire, voici d’autres exemples vocaux auxquels cette pièce doit beaucoup : Johannes
ockeghem et Guillaume Dufay pour la rigueur des structures, les Pygmées (principalement ceux de
la forêt de Lituri) pour les polyphonies et les frères Dagar avec lesquels j’ai eu la chance de cohabiter
pendant mon séjour à Berlin au printemps 1981. (La voix synthétique, point de référence des chanteurs,
joue en efet fréquemment un rôle similaire à celui de la tampura dans la musique indienne.)
À l’origine des Chants de l’Amour, il n’y a aucun texte particulier mais bien plutôt un matériau
phonétique ainsi constitué :
1. Une introduction contenant la dédicace de la pièce en dix langues diférentes : « Chants d’Amour
dédiés à tous les amants de la Terre ».
2. Les diférentes voyelles contenues dans la phrase « I love you ». Ainsi seize voyelles diférentes
(a, æ, i, e, y, etc.) pour les chanteurs et une centaine de voyelles pour la voix synthétisée.
3. Diférentes consonnes apparaissant progressivement au cours de la pièce. Elles sont coniées
8
aux chanteurs seuls, car les modèles de synthèse de consonnes n’étaient pas au point au moment
de la réalisation de cette pièce.
4. Les noms d’amants et amantes célèbres : Tristan, Isolde, orfeo, Euridice, Don Quichotte, Dulcinea,
romeo, Giulietta, etc.
5. Ces litanies autour du mot amour, composées en français, anglais, allemand et hongrois,
principalement pour leurs sonorités.
6. Des interjections, soupirs, éclats de rire, halètements, gémissements, mots divers et bribes de
phrases, principalement pour leur caractère érotique.
7. « Je t’aime », « Amants », « Amour » enregistrés dans vingt-deux langues diférentes (douze voix
de femmes, dix voix d’hommes), matériau phonétique pour la foule, source concrète destinée à
être traitée par l’ordinateur.
8. Un extrait de Rayuela de Julio Cortázar.
9. La phrase « I love you », base formelle et formantique de toute la pièce. La forme, les durées et
les fréquences des Chants de l’Amour sont entièrement dérivées du contour formantique de
« I love you ». Seuls les deux premiers formants sont pris en considération.
Soit au total vingt-huit sections, aisément repérables puisque chacune d’elles possède la même
forme respiratoire :
1. montée dynamique (transitoires d’attaque, « I ») ;
2. descente dynamique (corps du son, « love ») ;
3. statique, lieu d’émergence des bruits et du langage (transitoires d’extinction, « you »).
Pour chacune des sections, on trouvera :
- une voyelle centrale ou formantique ;
- deux fréquences principales déterminées par les deux formants de cette même voyelle ;
- deux durées principales, ainsi qu’un ambitus vocal et rythmique également déterminé par cette voyelle.
Les Chants de l’Amour sont composés sur les harmoniques de sept fondamentaux principaux et
de deux fondamentaux de passage. Ces fondamentaux sont en rapport harmonique entre eux
(tempérés pour des raisons pratiques) et expriment les harmoniques 17, 15, 13, 11, 9, 7 et 5 d’un
hyperfondamental fantomatique de 5,76 hertz.
Quant au matériau, il est constitué par sept types de sons allant de la polyphonie à l’homophonie
en passant par diférents styles vocaux (syllabiques, litaniques, etc.). Ces types de sons habitent
indiféremment les moments 1, 2 ou 3 des sections, de sorte que, dans un mouvement rotatoire
et progressif, chacun d’eux se retrouve successivement dans chacun de ces moments. En outre,
ce matériau est luide : ainsi dans la succession A A’ A’’ B B’ B’’ C C’ C’’, le type de son B n’est qu’une
étape entre A et C, A’’ est une version de A très proche de B, qui en fait contient déjà des éléments
de B, B’ est une version de B qui tend vers C, etc. Certaines mutations se sont d’ailleurs révélées
irréalisables et vers la in de la pièce les transitions entre les diférents types de sons apparaissent
volontairement de plus en plus abruptes. Fluides également, les diférentes sections présentent
progressivement le matériau dans des états et des positions diférentes. Pour résumer, la mise
9
en situation du matériau, le temps dont il dispose et sa mutation sont plus importants que le
matériau lui-même. Le chemin est plus important que le véhicule.
La partie électronique des Chants de l’Amour compte essentiellement deux sources sonores : la
voix synthétisée par le programme « chant » et des voix parlées enregistrées, numérisées puis
traitées par l’ordinateur, principalement par une série de iltres.
1. L’intérêt de la voix synthétisée ne réside pas tant dans l’imitation de la voix humaine que dans
les ininies possibilités de déviations de cette voix. Nous y découvrons plusieurs champs de
perceptions et de réactions émotives liées aux avatars de la voix humaine :
- voix chantée, bien imitée, presque trop pure, sans défaut. « Quelle voix ! » ;
- territoires mystérieux de la voix humaine mise dans des situations inouïes. « Qu’est-il arrivé à
cette voix ? » ;
- zones inquiétantes de la voix « biologique ». Quelque chose ou quelqu’un vit et respire pour
produire ce son. « Quel est ce monstre ? » ;
- zones rassurantes du son instrumental ou électronique. « Ah ! Il ne s’agit que d’une machine… »
2. L’autre versant de cette voix synthétique, chantée et tout en voyelles, c’est la voix parlée, le
bruit des consonnes et du langage. Seul l’ordinateur pouvait me permettre d’enregistrer ces
voix diférentes, de les grouper, de les multiplier et de les transposer ain de créer de véritables
cascades de voix humaines, des foules tourbillonnantes aux quatre points cardinaux qui vont
répétant « Je t’aime » dans la diversité de leurs timbres et de leurs langues.
3. Tout au long des Chants de l’Amour, évoluent diférents types de relations entre les douze
voix du chœur ainsi qu’entre le chœur comme entité et la voix de la machine. Cette voix, tour à
tour divine, monstrueuse, menaçante, séductrice, miroir et projection de tous les fantasmes des
voix humaines, se dédouble et se multiplie jusqu’à la foule. Elle apprend à respirer, à chanter, à
émouvoir, à balbutier, enin à parler vingt-deux langues. Ses rapports avec le chœur sont de fusion,
d’autonomie, de dialogue (voir la partie centrale où la voix synthétique se fait l’écho de la voix
humaine), de lutte et d’absorption. Suprême séduction, cette voix se risque à être plus humaine
que nature, à la fois plus pure et plus douloureuse… Le chœur se chante une ultime berceuse
puis s’endort et rêve dans les ronlements du monstre. Le duo « I love you » déclenche une vision
dantesque de la foule des amants : des milliers de voix s’interpellent, tournoient et s’efondrent.
Les moyens technologiques mis en œuvre ici sont considérables et je dois avouer que le
compositeur que je suis ne serait jamais parvenu seul à la réalisation de cette pièce. L’Ircam est
l’un des rares endroits au monde où la possibilité est oferte au compositeur d’être assisté, bien
que le rôle de l’assistant soit encore mal déini. Est-il seulement un palliatif à l’incompétence
de certains compositeurs face aux programmes de plus en plus complexes qui régissent le son
synthétique, une sorte de modus vivendi en attendant que tous les compositeurs soient formés
à la nouvelle technologie ? ou bien assistons-nous à une mutation de la création musicale vers
une technologie si complexe qu’elle nécessite, comme pour la réalisation d’un ilm, une équipe
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aux compétences variées et coordonnées dont le compositeur ne serait plus que le générateur
d’idées, médium obstiné et obsédé par le temps et les sons ? Après tout, la réalisation d’une
composition symphonique n’est pas autre chose qu’un travail collectif.
Les idées inhérentes aux Chants d’Amour nécessitaient l’emploi de la voix synthétique, bien qu’il
ne soit guère facile d’érotiser les sons de l’ordinateur ! Je voudrais donc particulièrement remercier
Jean-Baptiste Barrière, compositeur, chercheur et directeur de la recherche musicale à l’Ircam, qui
s’est fait l’interprète idéal et suggestif, interprète aux multiples pouvoirs puisque l’instrument dont
il joue, l’ordinateur, ne connaît qu’une limite, le temps, et Pierre-François Baisnée, chercheur et
assistant à l’Ircam, dont la compétence et la patience ont permis les multiples tests et ajustements
de paramètres. Sans ces deux années de nos eforts conjugués et coordonnés, Les Chants de
l’Amour ne seraient pas nés.
Gérard Grisey, Berkeley, avril 1985
* « Chant » est un programme de synthèse des sons par ordinateur. En considérant les besoins des musiciens, l’équipe
« chant » / « formes » à l’Ircam a dégagé deux domaines d’investigations scientiiques permettant de répondre aux besoins
de la création musicale : la production sonore et la perception musicale. Issu de ces recherches, le programme de synthèse
des sons par règles « chant », qu’utilise Gérard Grisey dans sa pièce, a été développé suivant une optique tout à fait nouvelle :
respecter un modèle de production sonore, en l’occurrence la production vocale, et le représenter sous formes de règles
décrivant les évolutions temporelles et les corrélations des diférents paramètres de contrôle et dans des termes aussi
pertinents que possible du point de vue de la perception musicale. Ce programme permet au musicien de formuler le son
en termes d’une excitation (la source) et d’une enveloppe spectrale (la résonance), elle-même déterminée par ses sommets
nommés formants. « Chant » permet à la fois la synthèse pure (par formants) et la transformation de sons concrets
(par iltres). Ainsi le programme « chant » couvre une très large gamme de sons, de la simulation des sons de la voix ou
d’instruments à des sons abstraits, suivant la volonté musicale du compositeur.
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Catherine Simonpietri
Catherine Simonpietri obtient à l’âge
de vingt ans son certiicat d’aptitude
de formation musicale. Passionnée
par la direction de chœur, elle suit
l’enseignement de Pierre Cao au
Conservatoire royal du Grand Duché
de Luxembourg où elle obtient le
premier prix de direction chorale, puis
à l’École Internationale de Chant choral
de Namur en Belgique d’où elle sort
avec un premier prix à l’unanimité.
En France, elle obtient le certiicat
d’aptitude de direction de chœur tout
en continuant à se perfectionner
auprès de Frieder Bernius, chef du
Kammerchor et du Barockorchester
de Stuttgart. Elle participe également
à de nombreuses masterclasses de
direction avec John Poole, Eric Ericson,
Hans Michael Beuerle et Michel Corboz.
Depuis 2008, Catherine Simonpietri
est directrice de collection pour les
Éditions Billaudot. En 1995, elle participe
à la création de la Mission Chant Choral
de la Seine-Saint-Denis, structure
destinée à développer le chant choral
dans ce département en articulant
formation, création et difusion, avant
d’en assumer la direction pédagogique
et artistique. Passionnée par la création
artistique contemporaine, elle fonde
en 1998 l’ensemble vocal professionnel
Sequenza 9.3, avec lequel elle
développe une politique musicale
exigeante et ouverte sur les diférentes
esthétiques du XXe siècle. Chargée de
cours au Conservatoire de Paris
(CNSMDP), elle y dirige depuis 2001
de nombreuses productions (Bach,
Haendel, Stravinski…). Elle est également
professeur de direction de chœur au
Conservatoire à rayonnement régional
d’Aubervilliers/La Courneuve. En 2008,
Pierre Cao conie la direction du
répertoire du XXe et XXIe siècle du
chœur Arsys Bourgogne à Catherine
Simonpietri. Le National Chamber
Choir en Irlande l’accueille également
à de nombreuses reprises.
Ensemble vocal Sequenza 9.3
Le parcours artistique de Sequenza
9.3 se décline selon quatre lignes de
force : la redécouverte du répertoire
vocal du XXe siècle, le dialogue et la
création avec les compositeurs de
notre temps, l’exploration de l’écriture
vocale des organistes, la rencontre et
le partage avec d’autres expressions
du spectacle vivant (danse, cinéma,
jazz, rock, opéra, lamenco…).
Sequenza 9.3 choisit d’élaborer un
travail qui rende compte du mouvement
et des directions parfois contradictoires
qui divisent l’art en de nombreux
courants éphémères. Son projet
recouvre ainsi une multiplicité
d’esthétiques et de styles. La presque
totalité de la culture et de l’art du XXe
siècle s’est construite dans un climat
d’efervescence et de conlits, une
frénésie créatrice qui n’a laissé à de
nombreuses œuvres que le temps
d’être pensées, travaillées et créées
devant un public de spécialistes,
avant d’être oubliée. Sequenza 9.3
redécouvre, remet à l’honneur et
enregistre ces œuvres. Ainsi, en 2010,
l’ensemble enregistre l’œuvre vocale
de Lucien Durosoir. Le travail que
Sequenza 9.3 a entrepris avec des
compositeurs depuis plusieurs années
lui permet de comprendre leur
langage, de s’approprier leur esthétique
(Thierry Escaich, Édith Canat de Chizy,
Suzanne Giraud, Philippe Hersant…).
En 2009, à partir d’une sélection de
mélodies françaises, Sequenza 9.3
commande quatorze pièces à des
compositeurs de notre temps.
Sequenza 9.3 porte un intérêt tout
particulier à des musiciens à la fois
organistes, improvisateurs, compositeurs
et pédagogues. Par leur maîtrise de
l’orgue, instrument aux possibilités
ininies, ils laissent des œuvres vocales
à l’écriture d’une richesse exacerbée,
nourries de toutes les spéciicités de
l’orgue : improvisation, grande
sensibilité contrapunctique, harmonique,
rythmique et timbrique. Sequenza 9.3
commande ainsi des œuvres a cappella
à diférents organistes héritiers de la
grande tradition française : Thierry
Escaich, Valéry Aubertin, Éric Lebrun,
Pierre-Adrien Charpy, Vincent Paulet,
Naji Hakim… En 2010, Sequenza 9.3
crée un oice imaginaire, programme
avec orgue pour commémorer le
1100e anniversaire de la fondation de
l’Abbaye de Cluny. Sequenza 9.3
privilégie les aventures qui lui font
croiser des cultures, des approches et
des arts diférents. Sequenza 9.3 a
collaboré avec le cinéma (Les Sentiments
de Noémie Lvovsky), le jazz (Denis
Badaud, Laurent Cugny…), le rock
(Fred Frith), le lamenco (Enrique
Morente), l’opéra (Marc-olivier Dupin),
la danse (Blanca Li)… Une prochaine
collaboration avec Philippe Hersant
aboutira à la création d’un spectacle
en 2011.
12
L’ensemble vocal Sequenza 9.3 est
soutenu inancièrement par le Conseil
général de la Seine-Saint-Denis. Il est
accueilli en résidence par la ville de
Pantin. La Fondation Orange, la DRAC
d’Île-de-France et la Sacem contribuent
à son développement.
Sopranos
Armelle Humbert
Hélène richer *
Virginie Lefebvre
Altos
Françoise Faidherbe
Marie George Monet *
Sophie Dumonthier
Ténors
Laurent David
Philippe Froeliger
Etienne Vandier *
Basses
Jean-Christophe Jacques
Christophe Sam *
Christophe Grapperon
* uniquement dans Les Chants de
l’Amour de Gérard Grisey
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Et aussi…
Éditeur : Hugues de Saint Simon | rédacteur en chef : Pascal Huynh | rédactrice : Gaëlle Plasseraud | Correctrice : Angèle Leroy | Graphiste : Bénédicte Sørensen Stagiaires : Diane Fanjul - Laetitia Marion
Et aussi…
> ÉDITIONS
Musique et mondialisation
Collectif – 135 pages – 2009 – 19 €
Musique, villes et voyages
Collectif – 129 pages – 2006 – 19 €
> COLLÈGE
Les musiques tsiganes
Cycle de 10 séances, les mardis de
19h30 à 21h30
Du 29 septembre au 15 décembre
Pour tout savoir sur la
programmation 2009/2010,
demandez la brochure à l’accueil !
> MÉDIATHÈQUE
En écho à ce concert, nous vous
proposons…
Sur le site Internet http://
mediatheque.cite-musique.fr
… de regarder dans les « Dossiers
pédagogiques » :
Portraits de compositeurs : Luciano
Berio
à la médiathèque
… d’écouter :
A-Ronne de Luciano Berio par les
Neue Vocalsolisten Stuttgart, Peter
Rundel (direction) • Les chants de
l’amour, de Gérard Grisey, pour 12
voix et bande magnétique, Walter
Nussbaum (direction)
… de lire :
Omaggio a Luciano Berio, auteurs
divers (textes en français) • Écrits, ou l’invention de la musique spectrale de
Gérard Grisey
> CONCERTS
DU 9 AU 23 OCTOBRE
Stravinski / Xenakis
Citoyens du monde
Stravinski et Xenakis, ce sont deux
histoires d’émigration. De la russie aux
États-Unis pour le premier, en passant
par la Suisse et Paris ; de la roumanie à
la Grèce puis la France pour le second.
Mais l’un comme l’autre ont aussi
traversé les époques.
DIMANCHE 15 NOVEMBRE, 16H30
Béla Bartók Deux images op. 10
György Kurtág Messages op. 34 |
Nouveaux Messages op. 34a (création)
Mark Andre
…auf… Triptyque pour grand orchestre
SWR Sinfonieorchester
Baden-Baden und Freiburg
Experimentalstudio des SWR
Sylvain Cambreling, direction
JEUDI 3 DÉCEMBRE, 20H
Enno Poppe Interzone : Lieder und Bilder
Ensemble intercontemporain
Ensemble vocal Exaudi
Susanna Mälkki, direction
Omar Ebrahim, baryton
Anne Quirijnen, vidéo
> SALLE PLEyEL
SAMEDI 3 OCTOBRE, 20H
DIMANCHE 4 OCTOBRE, 16H
Edgar Varèse 360°
Orchestre Philharmonique de Radio
France
Ensemble Asko | Schönberg
Peter Eötvös, direction
Anu Komsi, soprano
Gary Hill, création images, mise en
espace
MARDI 13 OCTOBRE, 20H
retrouvez Maurizio Pollini dans le
cadre des Pollini Perspectives
Œuvres de Frédéric Chopin et Luigi
Nono
SAMEDI 17 OCTOBRE, 20H
Œuvres de Karlheinz Stockhausen et
György Ligeti
Ensemble intercontemporain
Pierre Boulez, direction
Avec Claron McFadden, Hilary
Summers et Georg Nigl
VENDREDI 2 AVRIL 2010, 20H
Claude Debussy
Prélude à l’après-midi d’un faune
La Mer
Maurice Ravel
Ma mère l’Oye
La Valse
Brussels Philharmonic
Michel Tabachnik, direction
Thierry De Mey, conception et
réalisation des images
Sur une chorégraphie d’Anne Teresa
De Keersmaeker
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