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7/23/2019 Pascal et M Anatole France
1/24
G.
Legros
PASCAL
ET
M.
ANATOLE
FRAN
-
PQ
1876
P3
Z715
1913
U
dVof
OTTAWA
3900300226916-1
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
2/24
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
3/24
LEGROS
ASCAL
ET
I ANATOLE
FRICE
-J^O-ri
A. ROUZAUD
41,
RUE
DBS
COLES
PARIS
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
4/24
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
5/24
PASCAL
ET
M.
ANATOLE FRANCE
ttav'.ens\*
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
6/24
fa.
/m
I3
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
7/24
PASCAL
ET
M.
ANATOLE
FRANCE
M.
A.
France,
qui
fut l'auteur
des
Noces
Corinthiennes
et
celui
de Vers les temps
meilleurs, M.
A.
France
qu'ont
ins-
pir
tout
tour l'Athn
casque
d'or,
souriante
et
belle
que
connut
Platon,
la
nymphe
harmonieuse,
drape
de
mille
plis
frmissants
que copia Phidias et (depuis qu'ont
fui
les
desses)
la
Marianne
coiffe
phrygienne qui
nous semblait
si
bien
sous
l'Empire, M.
A.
France,
que
l'on
sait
impec-
cable,
incontest
et
capable
de tout
comprendre, Anatole
France
enfin
a
crit ceci
:
Blaise
Pascal
et M.
Joseph
Bertrand.
(Les
premires pages sont consacres
M.
J.
Bertrand
et
son livre
sur
Pascal.
M.
A. France
se contente
de
citer
ce qui a
trait
au
go-
mtre et
au
physicien, puis
parle
des
Provinciales
et enfin
de
Pascal
lui-mme.)
...Et
si
l'on songe que
ce
malade
tait
le fils d'un homme
qui
croyait aux
sorciers et en
qui le
sentiment
religieux
tait
trs
exalt,
on
ne
sera pas surpris du caractre profond et
sombre
de
sa foi.
Elle tait
lugubre,
elle
lui inspirait l'horreur de
la
nature
et
en
fit
l'ennemi
de
lui-mme et
du
genre
humain.
Il vivait dans l'ordure
et
s'opposait
ce qu'on
balayt
sa
chambre.
Il
se
reprochait
niaisement
le
plaisir
qu'il
pouvait
trou-
ver
manger
d'un
plat et,
n'tant
point
indulgent, il
ne
pardon-
nait
pas
aux
autres
ce
qu'il ne
se
pardonnait
point
lui-mme.
L'excs
de
sa
puret le
conduisait
des
ides
horribles.
Si
madame Prier, sa
sur, lui
disait
:
J'ai
vu
une
belle femme
,
il
se
fchait
et
l'avertissait
de
retenir
un
tel
propos devant des
laquais et
des jeunes
gens
de
peur
de
leur
faire
venir
des pen-
ses coupables
(').
(1)
Ces
mots veillent
en
nous
des
souvenirs
classiques.
Les
termes
intentionnellement
choisis sont
d'ailleurs
de
M.
A.
France
qui
prpare
et
aiguise
le
trait
final.
II
reculera
cependant
devant
le
mot
et
emploiera
la
priphrase.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
8/24
4
Il
ne
tmoignait
que
de
l'loignement
ses
deux
surs
Jac-
queline
et
Gilberte
afin de
ne point occuper
un
cur
qui devait
tre
Dieu
seul.
Certes,
Pascal tait
sincre. Il
pensait
comme il
parlait. Il
observait
les leons
qu'il
donnait,
mais
ces leons
ne
sont-elles
pas littralement
celles
que
recevait Orgon du
dvot
retir
dans
sa maison ?
Je
pense
que
pour
beaucoup
de
raisons
Molire
n'a
pas song
peindre
les
Jsuites
dans son
Tartufe.
La
meilleure est qu'il
et
fch le
roi
qui
il tait
trs
empress de
plaire.
Mais
qu'il
ait
song
aux
jansnistes
(')
en
faisant
sa
comdie,
c'est
ce
que
je
suis
bien tent
de
croire
et
chaque jour
davantage
La stupeur
passe,
il
faut
essayer
de
comprendre
ce
cu-
rieux
dbut;
trois
suppositions
peuvent tre faites,
les
voici
selon
la
progression
d'une invraisemblance
crois-
sante
: M.
A. France
ne connat
pas
Pascal, M.
A.
France
ne
connat
pas Tartufe,
M.
A.
France
ne juge
pas avec
une
entire
bonne
foi.
Envisageons
successivement
ces
trois
inadmissibles
hypothses.
Les
Penses ne
sont
certainement
pas
au
nombre des
vingt
livres
prfrs
de M.
A.
France,
peut-on
d'ailleurs
ne
prfrer
que
vingt livres
(
2
).
Mais
il
serait aussi impertinent
qu'absurde
de supposer
qu'il les
ignore
et
avec elles
les Pro-
vinciales,
les
Opuscules et les
Lettres.
N'a-t-il
pas
d'ailleurs
tout
lu,
tout
reflt
? Nous
n'aurons
pas
chercher
bien
loin
: le
Jardin
a Epicure,
ce
jardin
un
peu
imprcis,
mal
clos
peut-tre,
nous offre,
chose
bien
curieuse,
et
ce,
chaque
pas,
des penses
inspires,
si
l'on
peut
dire,
de
Pascal.
Je
ne
rsiste
pas
au
plaisir
d'en citer
quelques-unes,
on
y
remar-
quera
des
similitudes
piquantes,
des oppositions
curieuses,
Pascal
dit
:
S'il
y
a
un Dieu,
M.
A. France n'en
doute
pas.
(1)
Le
dveloppement
logique
du
raisonnement
demanderait
:
mais
qu'il
ait songe Biaise
Pascal
....
(2)
Voir
ce
sujet
J.
Lemaitiit.
:
Les
conlempomins.\
e
srie.
Billets
du
matin.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
9/24
Penses
de
Pascal.
Le
Jardin d'Epicure.
L'immortalit
de
l'me est
une
chose
qui
nous
importe
si
fort,
qui
nous touche
si pro-
fondment qu'il
faut
avoir
perdu
tout sentiment
pour
tre
dans l'indiffrence de
sa-
voir
ce
qui
en
est.
*
Cette ngligence
en
une
af-
faire
o
il
s'agit
d'eux-mmes,
de
leur
ternit,
de
leur
tout,
m'irrite
plus qu'elle
ne
m'at-
tendrit
;
elle m'tonne
et
m'pouvante
L'homme ne
sait
quel
rang
se
mettre, il
est
visible-
ment
gar
et
tomb
de son
vrai
lieu
sans le pouvoir
re-
trouver.
Il
le
cherche
partout
avec
inquitude
et sans succs
dans
des
tnbres
impn-
trables.
(sur
les
pratiques religieuses
:)
Naturellement
mme
cela
vous fera
croire
et vous
ab-
tira.
Mais
c'est
ce
que
je
crains.
Et pourquoi,
qu'a-
vez-vous perdre ....
Qu'est-ce
que
la pense
?
Qu'elle
est sotte.
S'il
y
a
un
Dieu,
il
est
in-
finiment
incomprhensible...
Nous brlons
du
dsir
de
trouver
une
assiette
ferme
et
une
dernire base
constante
pour
y
lever
une
tour
qui
Un
esprit
qui
n'est
point
anxieux m'irrite
et
m'ennuie.
Cette
angoisse fconde
nous
la
sentons
crotre
en
nous
;
elle
nous
fait
marcher
vers
un
but
invitable et
divin.
(sur la vie
monastique
:)
On
y
perd la pense, c'est
un
grand
dbarras.
Si possdant
comme
Dieu
la
vrit,
l'unique
vrit,
un
homme
la
laissait tomber
de
ses
mains, le
monde
en
serait
ananti
sur
le
coup
et
l'univers
se
dissiperait
aussitt
comme
une
ombre
La
vrit
divine ainsi
qu'un
jugement
dernier
le
rduirait
en
poudre.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
10/24
-
6
-
s'lve
l'infini.
Mais tout
notre fondement
craque
et
la
terre s'ouvre
jusqu'aux ab-
mes.
Le
silence ternel
de ces
es-
paces
infinis
m'effraie.
La grandeur
de l'homme est
grande en
ce
qu'il
se
connat
misrable.
La
terre n'est
qu'un
grain
de
sable dans
le
dsert
infini
des mondes,
mais si l'on
ne
souffre
que
sur
la
terre,
elle
est
plus
grande
que
tout
le
reste
du
monde.
Ce
qui
est
admirable,
ce
n'est
pas
que le
champ
des
toiles
soit si
vaste,
c'est que
l'homme
l'ait
mesur.
Il
se
peut
aussi
que
Ces
millions
de
soleils,
joints
des
milliards
que nous
ne
voyons
pas,
ne
forment tous
ensemble
qu'un
globule
de
sang
ou
de
lymphe
dans
le
corps
d'un
animal,
d'un
insecte
impercep-
tible
Mais
quand
l'uni-
vers
l'craserait,
l'homme
se-
rait
encore plus
noble
que
ce
qui
le
tue,
parce qu'il sait
qu'il
meurt
et
l'avantage
que
l'Uni-
vers
a sur
lui,
l'Univers
n'en
sait rien.
Qu'un
ciron lui
offre
(
l'homme)
dans la
petitesse de
son
corps
des
parties
incom-
parablement
plus
petites
du
sang
dans
ces veines,
des
humeurs dans
ce sang, des
gouttes
dans
ces
humeurs
....
Je
lui
veux
peindre,
non
seu-
lement
l'univers
visible,
mais
l'immensit
qu'on
peut
con-
cevoir
de
la
nature,
dans
l'en-
ceinte
de ce raccourci
d'atome.
Qu'il
y
voie
une
infinit
d'uni-
vers,
dont chacune
a
son
fir-
mament,
ses
plantes
Humiliez-vous,
raison im-
Dans
la nuit
o
nous
som-
puissante.
mes tous,
le
savant
se
cogne
aux murs
tandis
que l'igno-
rant
reste tranquillement
au
milieu
de
la
chambre
(').
(1)
M. A.
France
ne
semble-t-il
pas
par cette
pense
prendre
contre
Diderot la
dfense
de la
foi et
rpondre
cette
critique :
Egar
dans
une
fort Immense
pendant
la
nuit,
je n'ai
qu'une
petite
lumire
pour
me
conduire.
Survient
un
inconnu
qui
me
dit
:
Mon
ami
souffle
la
bougie
pour
mieux
trouver
ton
chemin.
Cet
inconnu
est
un
tho-
logien.
Diderot.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
11/24
Xous
n'estimons
pas
que
La
mtaphysique
a
cela
toute
la
philosophie
vaille
une
d'admirable
qu'elle
te au
heure
de
peine.
monde
tout
ce
qu'il
a
et
qu'elle
lui
donne
ce
qu'il
n'a-
vait pas.
travail
merveilleux
sans doute, et
jeu
plus
beau,
plus illustre
incomparable-
ment
que les
dames
et
les
checs,
mais,
tout
prendre,
de
mme
nature.
Sans doute (je n'en
suis pas
trs
sr), sans doute
elles
n'ont
rien de commun,
l'inquitude
que
demande
Pascal,
l'anxit
qu'exige
M.
A.
France,
mais
qui
ne
voit
ici
quel
point la
forme
littraire rpute
la
plus
neuve
ou
la
plus
hardie
peut
garder
l'empreinte d'une
ide,
d'un
mot
inou-
bliable
jet
la hte
il
y
a
des
sicles
sur
quelque
fragment
de
papier
:
a
Les
ides, crit M. A.
France,
sont
tout
le
monde
et personne
ne
peut
dire
:
celle-ci
est
mienne,
comme
les pauvres
enfants dont
parle Pascal
disaient
:
Ce
chien
est
moi
Donner
une
forme
nouvelle
une
vieille
ide,
c'est tout
l'art et
la seule
cration
possible
l'humanit
(*).
Admettons-le,
mais n'y
a-t-il
pas
de
vieil-
les ides dont
la
forme
premire
reste
intangible
parce
qu'elle
a
ralis d'emble
l'expression la
plus forte
et la
plus
indestructible,
et
n'est-ce
point cela
qui
caractrise
les penses
sublimes
qu'on
ne
peut
sans
danger
recrer ou
refondre.
Qui tenterait,
par
exemple,
de
donner
une
forme
nou-
velle
celle-ci,
dont
on
a
pu
dire
justement
qu'elle
atteignait
la
fois
aux
sommets
de
Bossuet
et de
Shakspeare
:
Le
dernier
acte
est sanglant
quelque
belle
que
soit
la
com-
die
en
tout
le
reste. On
jette
enfin de
la
terre
sur la
tte, et
en
voil
pour
jamais.
Serait-ce
cause
de
penses
comme
celle-l,
terrible il
est
vrai pour
l'optimisme
d'un
picurien
bat,
que
M.
Anatole
France
tombe
dans
cette
erreur et
cette
banalit
:
l'amer-
tume,
la
tristesse
de
la foi
chez
Pascal ?
On
pouvait
croire
(1)
La
Vie
Littraire,
t.
IV.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
12/24
8
que
Sainte-Beuve,
dans son admirable
Port-Royal
si
pn-
trant,
si
impartial,
en
avait une bonne fois fait
justice
:
Molire,
dit Sainte-Beuve, tait
plus
triste
que
Pascal,
il
n'avait pas, dans sa
mlancolie, ces joies
de
la
pnitence
qui
saisissaient,
nous
l'avons vu,
Pascal
au
seuil
de Port-Royal
et
dj
sous lecilice,qui lui
inspiraient
en certaines
pages
de
com-
menter
le
Soyez
joyeux
de
l'Aptre
de
manire
faire
plir
elle-mme cette
dlicieuse
sagesse
de Montaigne.
L'amertume
de
Pascal
serait
dans
son
renoncement
sans
la
foi, ce qui
est
absurde et
inconcevable.
Il
en est
de mme
de
la misanthropie
de Pascal,
ennemi
des
hommes, tranger aux
siens,
qu'en
reste-t-il
aprs ces
lignes
:
J'aime
la
pauvret
parce
qu'il
l'a aime
J'essaie
d'tre juste,
vritable,
sincre
et fidle
tous les
hommes et
j'ai
une
tendresse
de
cur
pour
ceux
qui
Dieu
m'a
uni
plus
troitement
L'exprience
nous fait
voir
une
diffrence
norme
entre
la d-
votion et
la
bont
'
Tous
les corps
ensemble
et tous les
esprits
ensemble
et
toutes
leurs productions
ne valent pas le
moindre
mouvement
de
cha-
rit
(*).
,
Enfin
peut-on,
sans
la
plus trange
incomprhension, m-
connatre
la
profonde, la
poignante piti
du
mot
clbre
ces
pauvres
enfants
cit,
nous
l'avons
vu
tout
l'heure,
par
M.
A.
France lui-mme.
Pascal
a
dit, il est
vrai
:
Il
est injuste
qu'on s'attache
moi, quoiqu'on
le
fasse
avec
plaisir
et
volontairement.
Je tromperais
ceux
qui
j'en
ferais
na-
(1)
Je n'ignore pas que
charit
, d'aprs
Havet, serait
pris
ici
dans
le
sens
thologique
:
l'Amour
de
Dieu
pur
de toute
pense
terrestre
.
Mais
ce n'est
pas
l'interprtation
de
Sainte-Beuve;
Hamon,
Du
Guet,
ont
souvent employ
le
mot
dans le
sens
o
nous le prenons
actuel-
lement
et
Nicole
prcise
mieux
encore
:
L'amour
du
prochain
n'est
qu'une suite,
une extension
de
l'Amour
de
Dieu
et c'en
est
une
suite
ncessaire.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
13/24
9
trc le dsir,
car
je
ne
suis
la fin
de
personne
et
n'ai
pas
de
quoi
les
satisfaire.
Ne suis-je
pas prt
mourir
? Et
ainsi
l'objet
de
leur
attachement
mourra
donc.
Comme
je
serais
coupable
Cette
ide est
du
dogme
le
plus purement
chrtien,
elle
trouverait
d'ailleurs,
s'il
en
tait besoin,
une
approbation,
dirai-je
inattendue
en
M.
A.
France :
C'est
la force et la
bont
des
religions
d'enseigner
l'homme
sa
raison
d'tre
et
ses
fins
dernires
(').
Il faut
d'ailleurs
le
reconnatre,
tout
n'est
pas
ddaigner
dans
les
attaques
de
M.
A.
France
;
n'a-t-il
pas
un
savoir-
faire
admirable pour
mettre
en
vidence
les
faiblesses
de
Pascal
et
les
pratiques
excessives
de
sa foi.
Les
ides
horribles
,
la niaiserie
,
la
cuisina,
les
balais,
l'or-
dure
,
aucun critique
n'avait
ramass
ces
arguments-l
;
M.
A.
France les
recherche, les
runit
en
faisceau,
les
bran-
dit
;
patiemment, peu
lgamment,
il
les
a
recueillis
dans les
nafs
tmoignages
de celles
que
liait
Pascal
l'affection
la
plus sincre
et
la
plus
tendre,
dans
la
Vie de
Biaise
Pascal,
de
Mme
Prier
et
dans
cette
si
curieuse
lettre
qu'crivait
son frre
Jacqueline Pascal.
Cette lettre,
Victor
Cousin
n'a-
vait
pas
daign
s'en
servir,
il
en
explique,
il
en
attnue
mme
les
termes par
ces lignes
:
Aprs
quelques mois
d'une
pit
vive
mais
raisonnable,
Pascal avait
succomb
son humeur
bouillante
et
sa
premire
modration avait
fait
place
une
dvotion
extrme
et
des
exagrations
que
sa
sur
elle-mme lui
reproche
dans le
bil-
let
suivant
:
Suit la
lettre
de
sur
Jacqueline
de
Sainte-Euphmie
:
(1)
On
pourrait
multiplier
les exemples
de
ces
inquitantes
l-
grets.
M.
A.
France
reproche
encore
Pascal
d'avoir
aim
les
pau-
vres
comme
les
libertins
aiment
les
femmes,
pour
l'avantage
qu'il
esprait
en
tirer
( )....
il
trouvait
la pauvret
trop
bonne
pour
vou-
loir la supprimer.
Il
l'aimait du
mme amour dont
il
aimait
la ver-
mine et
les
ulcres
( )
Et
M.
A.
France
crit
d'autre
part
ceci
: Le
mal est ncessaire....
le
mal
est l'unique
raison
d'tre
du bien,
que
se-
rait
le
courage loin du
pril et la
piti sans la
douleur...
C'est
grce
au
mal
et
la
souffrance
que
la
terre
peut
tre
habite
et
que
la
vie
vaut
la peine
d'tre
vcue...
Et
c'est
dans
le
Jardin
d'Epicure....
*Slu-
pete
gnies
,
comme
a
dit
le pote
Santeuil.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
14/24
10
On
m'a fort
congratule
pour
la
grande
ferveur
qui vous
lve
si
fort
au-dessus
de
toutes
les
manires
communes,
que
vous
mettez
les balets
au
rang
des
meubles
superflus
(').
Mais
ce
que
M.
A.
France
oublie,
ce
sont les
annes
d'in-
supportables
souffrances,
les
mois
d'insomnie
que
vcut
Pascal,
c'est
ce
spasme
ou
cette
paralysie
qui
ne
lui
per-
mettait
de
prendre
les
mdecines
les plus
rpugnantes
que
chaudes
et
goutte
goutte,
c'est
enfin
cette
admirable
abngation,
cette
douceur,
cette
simplicit,
avec
lesquelles
il
poursuivit
jusqu'au
terme
son
but
divin.
Tout
cela
on
le
trouve
aussi
mentionn
par
cette
douce
et
bonne
Mme
Prier
qui
a
crit
avec
de
si
belles
et
si
dis-
crtes
faons
la
vie
de son frre
Biaise
(
2
),
mais
pourquoi
s'y
arrter,
ce
n'est
que
du
fanatisme
chrtien.
M.
A.
France
ne
nous parait
pas
plus
heureux
quand,
haussant
un
peu le
ton, il
cherche
opposer
chez
Pascal
la
raison
et
la foi
:
En
dfinitive,
ce
ne
sont pas les
moins
bien
aviss,
ces
fidles
qui,
comme
Pascal,
n'appellent jamais
leur
raison
au
secours
de
leur
foi.
Une telle
aide
est
toujours prilleuse.
Chez
Pascal, la
raison,
qui
tait
formidable, et,
d'un
seul
coup, tout
dtruit
dans
le
sanctuaire
;
mais
elle n'y
entra
jamais.
Comme c'est facile
et
comme c'est
simple,
cette
concep-
tion d'une
raison
formidable
et,
quand
il le faut,
si discrte.
L'exemple
des
amoureux
(
3
),
et
l'tude
du
mysticisme,
parat-il,
clairciraient
assez ces
difficults
psychologiques
.
Il
faut nous
contenter
de
cette
esprance
vague
;
qui ne re-
grettera
pourtant
les
pages
que
M.
A.
France
et
pu
nous
donner
sous
ce
titre
: La
critique
de
la Raison
Pure
chez
Sainte
Thrse
d'Avila
.
Pascal
n'a
jamais
spar
la
raison
de la
foi
;
pour
mieux
(1)
Victor
Cousin
: Jacqueline
Pascal,
p.
197.
(2)
A.
France:
Ibid.
Dans ce
jugement sur Madame
Pcrier,
fai-
sons
ici
la part
de
l'ironie,
par
prudence,
mais remarquons
que
les
surs de Pascal
ont,
malgr
la
communion
d'ides qui
les
unissaient
lui,
rencontr
des
critiques
singulirement
plus
indulgents.
Ainsi,
Jacqueline
Pascal,
V.
Cousin,
et
Gilberte
Pascal,
M.
France.
(3)
Pourquoi ne
pas
citer
ici
:
le
cur
a ses
raisons
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
15/24
11
dire,
toutes
deux,
pour
lui, peuvent
et doivent mener
la
dmonstration de
la
vrit du
christianisme.
Il
est
facile
de multiplier
ici
les
citations
:
Il
faut
savoir
douter
o
il
faut,
assurer
o
il
faut,
en
se sou-
mettant
o
il
faut.
Qui
ne
fait
ainsi n'entend
pas
la
force
de
la
raison (').
Il
y
a
deux
manires
de
persuader
les
vrits
de
notre
religion,
l'une
par
la
force
de
la
raison, l'autre
par
l'autorit
de
celui
qui
parle. On ne se
sert pas
de
la
dernire,
mais
de
la
premire.
Il
y
a
trois
moyens
de
croire
:
la
raison, la coutume, l'inspira-
tion
Ceux
que nous voyons chrtiens
sans
la
connaissance des pro-
phties
et
des
preuves
ne
laissent
pas
d'en
juger
aussi
bien
que
ceux
qui ont cette
connaissance.
Ils
en jugent
par le
cur,
comme
les
autres
en
jugent par
l'esprit.
Enfin
fit-on
jamais de la
raison
un
plus violent
usage,
suivant l'expression
de
M.
A.
France
que
dans
le fameux
chapitre
Oui, mais
il
faut
parier
,
auquel
se sont
arrts
Locke,
Condorcet et
Laplace.
Mais alors, c'est encore
E.
Havet
qui
reproche
Pascal
de
parler
de
pari
et
de
croix ou
pile
propos
de
Dieu
et
de
sa-
lut ternel. Il
l'admoneste de faon
bien
curieuse :
L'Ecri-
ture
dit
que Dieu
a
livr
la
nature
aux
disputes
des hommes
(Eccl.
III,
11)
mais
non
pas que
lui-mme ait
voulu
tre
pour
les
savants
une
difficult
de
mathmatiques, et
se soit
cach
au
fond d'un
calcul.
En
rsum il
ne nous
parat pas
vident
que M.
A.
France
connaisse
bien Pascal ou
l'ait
vraiment
compris.
Comment
connat-il
donc
Tartufe
pour
le croire
jansniste
?
Les
j-
suites
ont soutenu
cette
opinion-l,
personne ne
s'y est
tromp,
ni les contemporains,
ni
la
postrit,
ni la
critique
moderne..
Les
tmoignages
contemporains
sont
prcis,
on
nous
(1)
Mais
alors
Pascal,
pour E.
Havet, raisonne
trop, il
raisonne,
et
M. Havet
en est tout
scandalis,
contre
l'autorit du
Pape,
des
vques
et
de
la
Sorbonne
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
16/24
12
permettra d'en
choisir
un frivole
en
raison
de
son origina-
lit
mme.
La
Direction de
l'Intention,
chanson galante
sur
l'air
de
Rveillez-vous, belle
endormie
,
fut
en vogue
au
XVII
e
sicle
et
est ne
du
succs prodigieux
des
Provin-
ciales.
Elle explique
et commente
s'il en
est
besoin maint passage
de
Tartufe,
le
rapprochement
est
frappant
(*),
la prcision
quittez, quittez
le
Jansnisme
indiscutable. Il
faudrait
d'ailleurs ici
encore
citer
des pages
entires
de Port-Royal
que
vraiment
M.
Anatole France
connat
trop
peu,
elles
d-
montrent
jusqu' l'vidence que
Tartufe
achve
Escobar,
qu'il assaille
de
nouveau
le
Jsuitisme,
et
les perscuteurs
des
Provinciales
ne
s'y
trompent
d'ailleurs
pas, ils s'acharnent
sur
Tartufe. Villemain enfin, pour
citer
ce
seul nom,
ne
dit-il
pas
:
J'estimerais moins les Lettres
provinciales
si elles
n'taient
pas
crites
avant
Molire
.
Il
semble inutile
d'insister
sur ces
erreurs
choquan-
tes,
leur
accumulation
irrite
et
tonne.
M. A.
France
pour-
(1)
Tartufe.
4
e
acte
: Tartufe,
Elmire.
Je
puis
vous dissiper
ces craintes
ridicules,
Madame, et je sais l'art de
lever
les
scrupules.
Le ciel
dfend
de
vrai
certains
contentements
:
Mais
on trouve
avec
lui des
accommodements.
Selon divers
besoins,
il
est une
science
D'tendre les
liens
de
notre
conscience
Et
de rectifier
le mal
de l'action
Avec
la puret
de
notre
intention.
Sur
la
Direction
d'Intention.
Quittez,
quittez
le
Jansnisme
Forcez votre
inclination
Pour
apprendre du molinisme
A diriger
l'Intention.
Le
pch
n'est
plus qu'une
fable
Escobar
en
est caution
;
Et l'on prend pour
dupe
le
diaDle
En
dirigeant l'Intention.
Philis,
si l'amour vous enflamme
Contentez
votre passion
Et
ne
craignez
rien
pour
votre
me
En
dirigeant l'Intention.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
17/24
13
rait-il
donc
tre
de
mauvaise foi
? C'est
impossible,
il
nous
l'atteste
lui-mme,
une fois
pour toutes,
dans
les
pram-
bules
d'un
jugement
bien
connu sur
M.
Georges
Ohnet :
J'ai
l'esprit
indulgent
et
modr. Je
me
fais
un
agrable
devoir
d'exprimer
toujours l'opinion
la plus
large
sous
la
forme
la plus
douce.
Il
est
vrai qu'il
n'tait
pas
question
ce
jour-l
de
litt-
rature, suivant
le
mot clbre
de Jules Lematre,
et qu'il
s'agit,
pour
Pascal,
de beaucoup plus.
Il s'agit
du
grand
conflit
d'ides
qui
dressa
les
Penses
en
face
du
rationa-
lisme
et
qui les
oppose encore
aujourd'hui,
toujours
aussi
grandes,
l'anticlricalisme,
ou
pour
mieux
dire
l'anti-
christianisme contemporain,
car voil le
grand
mot
lch.
Sans doute M. A. France
ne
pouvait
tre
avec
Pascal
ni
de
cur ni
d'esprit.
Nous
ne
sommes
pas,
disait
Jaurs dans
une
dclaration demeure
fameuse, nous
ne sommes
pas
des
asctes.
Ce nous
englobait
videmment
M.
A.
France.
M.
Jaurs et
lui
ignorent, c'est
certain, ce
vallon
du
silence,
ce
Port-
Royal
des
Champs,
si
prs
de
nous
et
pourtant
si
cach,
l'entre
duquel les bruits
du
monde
paraissent
s'teindre,
o
l'air
semble
plus
limpide et
plus calme,
la
lu-
mire
du
jour plus subtile,
o
quelques
pierres mutiles,
quelques reliques parses
donnent encore aujourd'hui
la
plus pntrante
leon de
fidlit,
de
renoncement et
de
foi.
Mais
s'il est lgitime
de
n'tre
pas
des asctes
,
si
c'est
un
droit de professer
le
scepticisme le
plus
dcevant,
d'os-
ciller
mme entre
le nihilisme
le
plus strile et
les
concep-
tions sociales
les
plus brumeuses,
du
moins devrait-on
s'in-
terdire,
de par
cette
incertitude
et
ces
nbulosits
mmes,
la
critique
ngligente
de
certains
hommes,
de
certains
livres
beaucoup au-dessus
de
tout
cela.
Et
l'abstention
serait
prudence
quand on
reconnat
l'ennemi comme
formi-
dable
.
Devant
Pascal,
son uvre et sa
foi, Voltaire
sut
voir
ce
que
valait
l'adversaire et donna
de
toute
l'pret
mordante
de
son gnie.
Enfant
terrible et
orthodoxe
rageur, Joseph
de
Maistre, plus
tard, flairant
le
schisme
et
le
danger,visa
plus
juste
et
mordit
mieux.
Mais
M.
A.
France
marche
Pascal
arm du
fusil
de
paille
du
subjectivisme
absolu
et
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
18/24
-
14
-
du
sabre
de
bois
du
pyrrhonisme
relatif,
il
semble croire,
qu'il
le
supprime
en
quinze
pages.
L'a-t-il
vraiment
egra-
tign
et sort-il intact
de
la
rencontre
?
Il devait, il
est
vrai,
plus
tard,
prfacer
victorieusement
une campagne laque
( )
cela
compense,
explique
et
console.
Tous
les
ans, l'un
des
premiers
dimanches
du
mois
d'aot,
autour
de
la
statue
d'Etienne
Dolet,
qui
fut
un
honnte
homme
et
un
martyr,
des
groupes de
citoyens
libres
et
conscients
font retentir
du
cri
de
bas la calotte
les
tri
-
tes
cieux
de
la place Maubert.
Ce
ne
sont
pas,
comme on
pourrait
le
croire,
des impri-
meurs
ou des
philosophes
que
M. Fallires
perscuta,
ils
ne
reprsentent en
majeure
partie
que
le
ngoce
en
denres
coloniales
;il
n'est pas
du
tout certain qu'ils
aient
d'Etienne
Dolet
et
de
Platon
mme, une
ide mme
imprcise,
mais
ils
crient
avec d'autant
plus d'imptuosit,
ils
s'agitent
avec
d'autant
plus
de
juvnile ardeur
qu'ils
ont
moins
d'ides prconues.
M.
A. France
a
des
ides prconues,
beaucoup
sont
mme,
comme
il
sied, contradictoires.
Il
ne
peut
pas,
de
par son atticisme et l'lgance
de
la
forme
que
revt
tou-
jours sa pense,
adopter ce
cri
naf
et trop
concret.
Il
ne
peut
pas conduire
les phalanges
laques
devant
le
che-
valier
de
la
Barre,
ni
autour
de
la Vierge
questre
et
dore
de
la
place
des Pyramides, ni
devant celle
qui,
plus
gamine, chevauche
sur
la
place Saint-
Augustin.
D'ailleurs,
Jeanne
vint
de
par
Dieu,
elle
fut
brle,
mais
pria
quand
mme, elle est
de
ces
martyrs qui
ont
le
dfaut
impar-
donnable
de
manquer
d'ironie, et
l'impertinence
de se
faire
brler
pour une
opinion
(
2
)
;
au
point
de vue
de
la
libre-
pense
j'ose
dire
qu'elle
ne
rendrait
pas.
C'est ainsi
que
M.
A.
France,
faute d'un
beau
cri,
a
dit
Pascal
son
fait sous
forme de
critique
littraire,
on
a
vu
comment.
(1)
Combes (Emile),
1902-1903
(2)
La
Vit
liltrairc
t.
III,
p.
31.
Voir
sur
c:
passage
G.
MicilAUT,
Anatole
France, prface,
p.
XXII.
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
19/24
15
Mais,
le
croirait-on,
Proudhon,
en
une
ligne
prophtique,
a,
sur
un
point,
veng Pascal.
Les
bourgeois, dit-il, confon-
dent
souvent
les
Jsuites
et
les
Jansnistes.
Bourgeois
est
dur,
mais,
vraiment,
M.
A.
France
ne
confond-il
pas cela
et
bien
d'autres
choses
encore
?
Et
voici qu'aujourd'hui
M.
G.
Michaut
dans
le
livre
le
plus
remarquable,
le
plus
pr-
cis
( ),
nous
montre
la
sensualit
dominant, dirigeant
toute
l'uvre
de M.
A. France.
C'est elle
qui
lui
fit
rejeter le
sto-
cisme,
doctrine
sombre,
et
dclarer
la
guerre
la
religion
chrtienne
mille
fois
plus
sombre
:
le
christianisme
ne
mprise-t-il
pas
le corps
en
proscrivant
la
volupt
;
ne
triomphe-t-il
pas
dans
la
mort
en
aggravant
sa
cruaut
par la
frayeur
de
l'au-del
?
Et
les
circonstances amenant
M.
A.
France
suivre
sa
ligne
jusqu'au
bout
(
2
),
c'est
ainsi
qu'il
descendit
jusqu'au
fanatisme
sectaire
(
3
).
Est-il
donc,
Sagesse, si
pnible
et si
rude le
sentier
qui
conduit ta
colline
sacre
(
4
).
Desse
aux yeux
bleus qui
L'ac-
cueillis
sur
l'Acropole, viens
nous,
guide-nous.
Toi
seule
es
juste,
Pacifique
;
toi
seule
es pure,
Vierge
;
toi seule
es
sereine,
Victoire.
Si
tu savais
combien il est
devenu
dif-
(1)
Anatole
France,
p.
281 et suivantes.
(2).
Ibid.
Prface.
(3)
Il
approuva toutes
les violences,
il
applaudit
toutes
les
rc-
prsailles,
il
dfendit,
il rclama
toutes
les
mesures
de vengeance
et
de
proscription, et sous
prtexte
d'instaurer
la
vraie libert,
celle
qui ne
reconnat
pas de libert contre elle
(oh
la
belle
formule
et
qu'il
sied
bien
celui
qui
l'a
imagine
de
se
dclarer
partisan
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
20/24
16
~
cite de
te
servir
Toute
noblesse
a disparu
;
mme
ceux
qui
t'honorent,
qu'ils
doivent
te
faire
piti
Mais
tes
lvres
divines
restent
closes,
ton
regard
lointain
nous
ignore
;
Vrit,
la
dchiffrerons-nous
jamais,
l'nig-
me
ardue
de
ton
sourire.
Clermont (Oise).
Imprimerie
Daix
et
Thiron.
.
rs.r-
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
21/24
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
22/24
La
Bibliothque
Universit
d'Ottawa
Echance
The
Library
University
of
Ottawa
Date
Due
7/23/2019 Pascal et M Anatole France
23/24
a
3 9
3
00226916
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24/24
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