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ETUDE DE LA REPARTITION DE LA GORGEBLEUE A
MIROIR DANS LES MARAIS SALANTS DE LA PRESQU'ILE
DE GUERANDE EN PREALABLE A LA MISE EN ŒUVRE
D'UNE MESURE AGRO-ENVIRONNEMENTALE
Photo 1 - Mâle de Gorgebleue à miroir chantant sur un buisson de Soude vraie (© Didier Cantin)
Julian GAUVIN
Date de la soutenance : Octobre 2012
Mémoire de stage
Master à finalité professionnelle
Spécialité Espace et Environnement
Parcours Gestion de l’Environnement
Département de Géographie - Université de Rennes 2
Tuteur pédagogique :
Hervé REGNAULD
Structure d’accueil :
CAP Atlantique – Communauté d’Agglomération
de la Presqu’ile de Guérande
Tuteur professionnel :
Philippe DELLA VALLE
©Didier Cantin
MEMOIRE DE STAGE
Master à finalité professionnelle
Mention Géographie et Aménagement
Spécialité Espace et Environnement
Parcours Gestion de l’Environnement
Université de Rennes 2
Julian GAUVIN
Promotion 2011-2012
Titre de l’étude :
Etude de la répartition de la Gorgebleue à miroir dans les marais salants de
la Presqu’ile de Guérande en préalable à la mise en œuvre d’une mesure
agro-environnementale
Période du stage : du 1er
Mars au 31 Août 2012
Structure d’accueil :
CAP Atlantique – Direction de
l’environnement et des économies
primaires
4 rue Alphonse Daudet - 44350
Guérande
Tél : 02 28 54 13 11 - Fax : 02 51 75 77
32
Responsable de formation :
Simon DUFOUR
simon.dufour@uhb.fr
Tuteur universitaire :
Hervé REGNAULD
herve.regnauld@uhb.fr Tuteur professionnel :
Philippe DELLA VALLE
philippe.dellavalle@cap-atlantique.fr
Nombre de pages : 106
Nombre d’annexes : 5
Nombre de figures : 38
Nombre de photographies : 19 Photo de couverture : Mâle de Gorgebleue à miroir chantant sur un buisson de Soude vraie (© Didier Cantin)
Je remercie en premier lieu les agents de la Direction de l’Environnement et des
Economies Primaires (DEEP) de Cap Atlantique pour leur accueil et la bonne ambiance qui
règne au sein de cette équipe.
Parmi ces personnes, je remercie tout particulièrement Philippe Della Valle, chargé
de mission Natura 2000 et tuteur professionnel de ce stage, pour les compétences
naturalistes qu’il a pu m’apporter et plus particulièrement en matière d’ornithologie, pour sa
connaissance fine du territoire et de ses acteurs, pour ses nombreux conseils et pour sa
rigueur au travail.
Merci à Yann Le Petit, Delphine Maçonnerie et Jérôme Eonnet, agents du pôle
Agriculture et Milieux naturels, pour leur expérience du terrain et leurs connaissances
concernant les divers rouages administratifs d’une collectivité territoriale.
Merci à Fabrice Durieux, directeur de la DEEP, pour ses conseils avisés. Merci à
Mathieu Bourgeois, Maud Gendronneau, Marie-Camille Lechat, Clément Mahé, Steven
Collin et Flavien Coué, pour la convivialité et la curiosité dont ils ont fait preuve durant ces
six mois.
Merci également à Catherine Rastel et Véronique Mlynarz pour leur disponibilité et
leur écoute tout au long de ce stage.
Je remercie aussi Xavier Lang pour son aide « téléphonique » en matière de SIG.
Je tiens également à remercier Sophie Bonnet-Questiau pour son regard scientifique
sur cette étude, sa connaissance pointue de l’écologie de l’espèce et pour son retour
d’expérience quant à son métier de paludière. Merci également aux autres paludiers
rencontrés sur le marais (Armel, Pascal, Martine, Tony, Brieuc, Marc, Anne…) et de l’intérêt
qu’ils ont pu montrer à l’égard de ce travail.
Je remercie enfin Frédéric Touzalin, Alain Gentric et Benjamin Jeanneau pour leurs
connaissances naturalistes engrangées lors des parties de pêche aux avocettes et des petits
matins dans la roselière.
REMERCIEMENTS
INTRODUCTION .......................................................................................... - 5 - PARTIE 1. CONTEXTE ............................................................................. - 6 -
1. La structure d’accueil : CAP Atlantique ...................................................................... - 7 -
2. Problématique .......................................................................................................... - 10 -
3. Présentation du site d’étude .................................................................................... - 11 -
4. La nouvelle Mesure Agro-environnementale .......................................................... - 24 -
5. La Gorgebleue à miroir de Nantes ........................................................................... - 27 -
PARTIE 2. METHODOLOGIE ................................................................... - 35 -
1. Evaluation des effectifs et répartition de la population .......................................... - 36 -
2. Caractérisation et comparaison des sites utilisés par l’espèce ............................... - 44 -
PARTIE 3. RESULTATS ........................................................................... - 49 -
1. Evaluation des effectifs et répartition de la population .......................................... - 50 -
2. Caractérisation et comparaison des sites utilisés par l’espèce................................ - 59 -
PARTIE 4. DISCUSSION ET PROPOSITIONS DE GESTION ......................... - 76 -
1. L’état de la population dans les marais salants de la Presqu’ile de Guérande ........ - 77 -
2. L’adaptabilité de l’espèce aux structures paysagères ............................................. - 79 -
3. L’impact de la MAEt sur l’espèce ............................................................................. - 81 -
4. Impacts des travaux de renforcement des talus de protection contre la mer ........ - 83 -
5. Propositions de gestion ............................................................................................ - 85 -
6. Limites de l’étude et difficultés rencontrées ........................................................... - 88 -
CONCLUSION ............................................................................................. - 89 - BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................... - 91 - ANNEXES ................................................................................................... - 95 - TABLE DES ILLUSTRATIONS ...................................................................... - 102 - TABLE DES MATIERES .............................................................................. - 104 -
SOMMAIRE
Agrosystèmes maritimes ancestraux (antérieurs au IXe siècle) (Buron, 2001), les
marais salants de la Presqu’ile de Guérande constituent également un habitat de nidification
pour plusieurs espèces d’oiseaux patrimoniales dont la Gorgebleue à miroir (Luscinia
svecica). Ne se reproduisant que sur le littoral atlantique français, le morphotype qu’est la
Gorgebleue à miroir de Nantes (Luscinia svecica namnetum) (Mayaud, 1938) est inscrite à
l’Annexe I de la directive européenne « Oiseaux ». Elle représente une des espèces cibles des
Documents d’Objectifs (Docobs) rédigés pour les sites Natura 2000 des marais salants de la
Presqu’ile de Guérande. Deux bassins salicoles forment les marais salants de la Presqu’ile de
Guérande : les bassins de Guérande et du Mès.
Espèce migratrice, ce passereau utilise dans les marais salants la végétation
buissonnante et arbustive des talus qui lui servent à la fois de poste de chant, de couvert et
de site de nidification (Bonnet, 1984). L’entretien des talus par les différents utilisateurs du
marais devient alors primordial pour la conservation de la Gorgebleue à miroir dans ces
milieux d’origine anthropique.
Dans ce sens, une nouvelle mesure agroenvironnementale (MAE) a été proposée à la
profession paludière en 2012 afin de maintenir ce type de végétation sur les talus. En effet,
bien que certaines zones aient été abandonnées, aménagées pour l’aquaculture ou
recolonisés par les prés salés, la saliculture constitue encore aujourd’hui la principale activité
humaine permettant l’entretien des écosystèmes que sont les marais salants de Guérande et
du Mès.
En charge de l’animation de ces mesures agroenvironnementales pour le compte de
l’Etat, la Communauté d’Agglomération de la Presqu’ile de Guérande Atlantique (Cap
Atlantique) s’est alors donné comme objectif d’étudier la répartition de l’espèce en 2012,
première année de contractualisation de la mesure, afin d’évaluer dans plusieurs années son
efficacité sur la population de gorgebleues.
Par ailleurs, bien que l’écologie de la Gorgebleue ait été largement étudiée sur le
bassin de Guérande (Eybert et al., 2004), les caractéristiques de son habitat sur le bassin du
Mès sont mal connues. Aussi, une amélioration des connaissances concernant les divers
milieux utilisés par l’espèce sur l’ensemble des marais salants de la Presqu’ile de Guérande a
également été envisagée.
Ce présent écrit exposera dans un premier temps le contexte de cette étude au
travers de la description du site d’étude, de la mesure agroenvironnementale et de
l’écologie de l’espèce. Dans un second temps sera détaillé le choix des méthodes utilisées
(protocoles, paramètres environnementaux étudiés, outils informatiques). On présentera
ensuite les résultats obtenus et leur analyse illustrée par des cartographies et
photographies. Enfin, les résultats et l’influence potentielle de la MAE sur la Gorgebleue
seront discutés avant la proposition d’actions de gestion pour la conservation de l’espèce.
INTRODUCTION
PARTIE 1. CONTEXTE
Photo 2 - Mâle de Gorgebleue à miroir chantant sur une branche de Soude vraie (© JiPehel) ©JiPehel
1. La structure d’accueil : CAP Atlantique
1.1. Présentation institutionnelle
CAP Atlantique est une Communauté d’Agglomération créée fin 2002, date de
signature de sa charte fondatrice. Cet Etablissement Public de Coopération Intercommunale
(EPCI) regroupe 15 communes à cheval sur 2 départements (Loire-Atlantique et Morbihan)
et 2 régions (Pays-de-la-Loire et Bretagne), soit environ 70 000 habitants pour une superficie
de 395 km2.
Figure 1 - Localisation du territoire de CAP Atlantique
Les 12 communes de Loire-Atlantique sont Assérac, La Baule-Escoublac, Batz-sur-Mer,
Le Croisic, Guérande, Herbignac, Mesquer, Piriac-sur-Mer, Le Pouliguen, Saint-Lyphard,
Saint-Molf et La Turballe. Les 3 communes situées dans le Morbihan sont Camoël, Férel et
Pénestin.
Figure 2 - Communes du territoire de CAP Atlantique
Il faut discerner au sein de cette intercommunalité deux types d’organisations :
+ Une organisation institutionnelle représentée par 48 élus membres des conseils
municipaux et regroupés au sein du Conseil communautaire. Il est chargé des décisions.
+ Une organisation fonctionnelle (Annexe 1) composée de presque 200 agents de la
fonction publique territoriale et contractuels. Ils réalisent les études et travaux dans les
différents domaines de compétences de la Communauté d’Agglomération.
1.2. Compétences de CAP Atlantique
Les actions de CAP Atlantique sur ce territoire s’inscrivent autour de 14 compétences,
certaines obligatoires imposées par le Code général des collectivités territoriales :
+ Développement économique
+ Aménagement de l’espace
+ Equilibre social de l’habitat
+ Politique de la ville
Certaines optionnelles :
+ Alimentation en eau potable
+ Voirie d’intérêt communautaire
+ Equipements culturels et sportifs d’intérêt communautaire
Et d’autres facultatives :
+ Etudes d’intérêt communautaire
+ Elimination et valorisation des déchets des ménages et déchets assimilés
+ Protection et mise en valeur des espaces naturels d'intérêt communautaire et des
milieux aquatiques
+ Assainissement des eaux usées (collectif et non collectif)
+ Création ou aménagement et entretien de voies, chemins, sentiers pédestres, équestres et
cyclables d'intérêt communautaire
+ Soutien par des actions d'intérêt communautaire à la maîtrise de la demande d'énergie
+ Contribution, par des actions d'intérêt communautaire, à la lutte contre les espèces
végétales ou animales dommageables à la communauté
1.3. Direction de l’Environnement et des Economies Primaires
Pour assurer ses différentes missions, CAP Atlantique est structurée en plusieurs
directions. L’étude menée ici s’effectue au sein de la Direction de l’Environnement et des
Economies Primaires (DEEP). Ce service basé à Guérande est en charge de la compétence de
Protection et de la mise en valeur des espaces naturels d’intérêt communautaire et des
milieux aquatiques. En effet, un nombre très important d’espaces à fort intérêt écologique,
souvent liés à l’eau, se trouvent sur le territoire de CAP Atlantique : Marais salants de
Guérande, Marais de Grande Brière, Marais salants du Mès, Marais de Pompas et de Pont
Mahé, Baie de Pont Mahé et Estuaire de la Vilaine.
La DEEP est divisée en 4 pôles :
+ Qualité des milieux aquatiques
+ Agriculture / Milieux naturels
+ Energie
+ Contrat Territorial des Milieux Aquatiques (CTMA)
La présente étude dont fait l’objet ce stage est réalisée au sein du pôle Agriculture /
Milieux naturels.
2. Problématique
2.1. Contexte de l’étude
CAP Atlantique a élaboré les Document d’Objectifs (DocOb) des sites Natura 2000
suivants :
- Marais du Mès, Baie et Dunes de Pont Mahé, Etang du Pont de Fer,
- Marais salants de Guérande, Traicts du Croisic et Dunes de Pen Bron,
sites désignés à la fois en tant que Zones de Protection Spéciale (ZPS) et Site d’Intérêt
Communautaire (SIC) au titre des directives européennes « Oiseaux » et « Habitats, Faune,
Flore » (Annexe 2). Ces DocObs élaborés entre 2003 et 2007 ont été validés en 2007 par le
Comité de pilotage (COPIL) réuni sous la présidence du Sous Préfet de Saint-Nazaire.
CAP Atlantique a ensuite été désigné comme structure animatrice Natura 2000 de ces
4 sites.
Les marais salants de la presqu'île de Guérande constituent un des plus importants
bastions pour la Gorgebleue à miroir de Nantes (Luscinia svecica namnetum), inscrite à
l'annexe I de la Directive Oiseaux. Dans le cadre de l’animation des sites Natura 2000, CAP
Atlantique a mené un important travail avec la profession paludière et les services de l'Etat
pour mettre en œuvre dès 2012 une Mesure Agro-Environnementale (MAE) adaptée aux
exigences écologiques des espèces présentes sur les marais salants et en lien avec les
pratiques paludières. Cette mesure vise notamment la conservation des habitats de
nidification et d'alimentation de l'espèce.
Le Comité de pilotage Natura 2000 des sites, réuni le 7 décembre 2011, a validé une
action visant à actualiser les connaissances locales sur l'espèce afin de pouvoir évaluer
l'impact de la MAE sur sa conservation.
2.2. Objectifs du stage
Les objectifs de cette étude sont les suivants :
+ Evaluer quantitativement les effectifs de mâles chanteurs de l'espèce sur les marais
salants de Guérande et du Mès, et en particulier dans les secteurs contractualisés en MAE en
2012,
+ Caractériser et comparer les sites utilisés par l'espèce (couvert végétal, structure
des marais, influence du réseau hydraulique interne, gestion appliquée sur les talus),
+ Identifier les secteurs présentant des conditions défavorables à l'espèce et
proposer des actions de restauration,
+ Cartographier précisément les territoires sur les zones étudiées.
3. Présentation du site d’étude
3.1. Présentation et situation géographique du site
Le sujet d’étude de ce stage concerne les deux zones de marais salants de la Presqu’île
de Guérande (cf. Figure 3 ci-dessous) :
- Les marais salants de Guérande (2000 ha)
- Les marais salants du Mès (570 ha)
Figure 3 - Localisation des marais salants dans la Presqu'ile de Guérande
3.1.1. Présentation générale
Bassins salicoles les plus septentrionaux
de la côte atlantique, l’ensemble de ces marais
salants se trouvent en Loire-Atlantique (44)
entre l’estuaire de la Vilaine au nord, celui de la
Loire au sud et les marais de Grande Brière à
l’est.
L’origine anthropique des marais salants
en fait des entités paysagères originales
constituées de vastes zones planes de très
faible altitude. La structure géométrique de ces
paysages est dessinée par un entrelacs de
bassins de faible profondeur séparés par des
talus en argile. Ces bassins nommés salines,
cobiers ou vasières selon leur utilisation par les
paludiers, ont été créés par l’homme sur une
période s’étalant probablement d’avant le IVe
jusqu’au au XIXe siècle (Buron, 2001).
Construits sur d’anciens prés salés, ces bassins
sont le résultat de travaux manuels
considérables.
Egalement caractérisés par leur
fonctionnement hydraulique, les marais salants
sont alimentés par les eaux marines de l’Océan
Atlantique via des canaux appelés étiers. Ces
étiers traversent de vastes baies appelées
traicts avant d’alimenter le cœur des marais
salants composant un réseau hydraulique
complexe. Les petits affluents de ces étiers sont eux appelés bondres.
Les traicts et les marais salants sont des entités bien distinctes séparées par une digue
marine couverte ou non d’un perré maçonné.
3.1.2. Les marais salants de Guérande
Situés sur les communes de Guérande, Batz-sur-Mer, La Turballe et Le Pouliguen, les
marais salants de Guérande sont situés au sud de la Presqu’île de Guérande. D’une
superficie de presque 2000 ha, les frontières paysagères de ce bassin salicole sont dessinées
par le Coteau guérandais au Nord et à l’Est, par la Presqu’île du Croisic et la zone urbanisée
de la Baule-Escoublac au Sud et par les Traicts du Croisic à l’ouest.
Cette étendue présente en grande partie un paysage ouvert. Cette absence de
végétation haute est due à l’omniprésence de l’activité salicole permettant l’entretien
régulier des talus par les paludiers maintenant une strate herbacée ou buissonnante.
Toutefois, quelques secteurs abandonnés par la saliculture ont vu leur talus colonisés par
une végétation arbustive à arborescente (Chêne vert (Quercus ilex), Prunellier (Prunus
spinosa), Baccharis (Baccharis halimifolia)) alors que la roselière (Phragmites australis) se
développe dans les bassins non exploités et proches de suintements d’eau douce.
Sur le plan hydraulique, les marais salants de Guérande sont alimentés par 3
principaux étiers. Deux d’entre eux traversent les Traicts du Croisic et alimentent les marais
Photo 3 - Vue aérienne des marais salants de Guérande (© Patrick François)
salants par l’ouest : les chenaux de Pen-Bron et des Vaux. Ces 2 chenaux donnent ensuite
naissance à une quinzaine d’autres étiers acheminant l’eau marine au cœur des marais
salants (étiers de Bériguo, de Plinet, de Lancly,…). Un troisième canal principal alimente les
marais par le sud-est, c’est le Grand Etier du Pouliguen.
La digue marine protégeant les marais salants est encore en relatif bon état. La
tempête Xynthia de 2010 a causé de nombreux dégâts sur le perré maçonné.
3.1.3. Les marais salants du Mès
Plus au nord d’environ 20 km et moins étendus que ceux de Guérande (570 ha), les
marais salants du Mès sont situés sur les communes d’Assérac, Saint-Molf et Mesquer.
Egalement moins regroupés, ils se répartissent le long des étiers. Cet ensemble est délimité
au nord-ouest par les Traicts de Pen-Bé-Rostu et au nord-est par la commune d’Assérac et
son coteau. Au sud se trouvent les communes de Mesquer et de Saint-Molf alors qu’à l’est
les marais salants s’arrêtent où commencent les marais saumâtres et doux de Pompas.
D’un point de vue paysager, les marais salants du Mès sont plus diversifiés (cf. photo 4
ci-après) et présentent un ensemble moins ouvert que sur le bassin guérandais du fait de
leur éclatement géographique. Les talus de plusieurs secteurs abandonnés par les activités
professionnelles (saliculture et conchyliculture) ont été colonisés par une végétation
arbustive dense (Prunellier, Baccharis) tandis les prés salés ont recolonisé certains bassins
très anciennement délaissés.
Ces marais salants sont alimentés par un étier principal (Etier de Pont d’Arm qui est en
fait le cours aval de la rivière du Mès) ainsi que ses principaux affluents (étiers du Boulay, de
Quimiac, du Goilé et de Ker Croisé).
Sur le bassin du Mès, le perré maçonné de la digue marine n’est plus entretenu. Il est
en très mauvais état sur certains secteurs (Mesquer) alors qu’il a complètement disparu sur
d’autres (Assérac). Le rôle de protection contre la mer est alors souvent joué par de gros
talus d’argile situés en retrait de la digue marine et en bordure des étiers.
Photo 4 - Exemple de la diversité paysagère des marais salants du Mès : mosaïque de salines exploitées, prés salés et claires abandonnées. Rostu, Mesquer (© Patrick François)
3.2. Inventaires et Statuts de protection
Mis à part leur inclusion dans des périmètres Natura 2000 au titre des directives
« Oiseaux » et « Habitats – Faune-Flore », les marais salants de la Presqu’île de Guérande
font l’objet de plusieurs classements illustrant leur intérêt environnemental et culturel
exceptionnel. Il s’agit soit d’inventaires soit de mesures de protection (Annexe 3).
3.2.1. Inventaires
L’ensemble des marais salants de Guérande et du Mès sont classés en Zones d’Intérêt
Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type I et de type II, outils français
d’inventaire du patrimoine naturel.
Ils sont également inscrits à l’inventaire de la convention Ramsar qui liste les zones
humides d’importance internationale.
3.2.2. Protections règlementaires
Les marais salants de Guérande sont protégés au niveau national en tant que Site
classé au titre de la Loi « Paysages » de 1930 sur les monuments naturels et les sites. Ils ne
peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou leur aspect. Tous les projets de travaux
sont soumis à autorisation spéciale, selon leur ampleur, soit du ministre chargé des sites, soit
du préfet du département.
Depuis 2011, une étude préalable à une Opération Grand Site (OGS) est lancée sur le
Site classé des Marais salants de Guérande. Cette démarche répond aux difficultés que
posent l’accueil des visiteurs et l’entretien des sites classés de grande notoriété soumis à
une forte fréquentation (MEDDTL, 2012). CAP Atlantique assure l’animation de ce projet
avec l’Etat. Les Marais Salants du Mès pourraient être intégrés à cette opération. Dans ce
cas, l’ensemble des Marais Salants de Guérande et du Mès seraient classés en tant que Site
classé. Enfin, si cette Opération Grand Site aboutit sur les 2 bassins, ils seraient alors
labellisés comme Grand Site de France®.
3.3. Activités humaines
La saliculture, aujourd’hui très dynamique sur les marais de la Presqu’île guérandaise,
fait incontestablement des paludiers les premiers gestionnaires de ces milieux.
Si la saliculture est largement dominante sur ces espaces, l’activité aquacole (élevage
en claires) est également présente, particulièrement sur le bassin du Mès.
D’autres usagers ou structures (collectivités locales, chasseurs, associations de
protection de l’environnement, particuliers) influencent également l’évolution de ces
espaces en qualité de gestionnaire ou d’utilisateur du marais, à des fins professionnelles,
récréatives ou par simple attachement à ces espaces marqués par les traditions.
La nature des activités humaines et la diversité des gestionnaires entraînent
aujourd’hui une mosaïque d’habitats naturels, évolutive dans le temps et dans l’espace
(périodes de conquête et de déprise salicole qui se succèdent). L’activité salicole et
l’entretien régulier des salines et du réseau hydraulique garantissent notamment un
gradient de salinité et de niveaux d’eau favorisant une importante diversité d’invertébrés
(Faucheux, 1980).
3.3.1. Saliculture
Le bassin salicole de la Presqu’île de Guérande (Marais de Guérande et du Mès) est
l’un des trois principaux bassins producteur de sel de l’Ouest, avec l’île de Ré et Noirmoutier.
Il est aujourd’hui le plus dynamique.
Cette activité économique traditionnelle participe à l’identité du territoire. Elle est
garante de la biodiversité et créatrice d’un patrimoine paysager et écologique exceptionnel.
On compte aujourd’hui plus de 300 paludiers en activité sur les 2 bassins (CDA44,
2010).
La filière est organisée autour de la coopérative agricole « Les Salines de Guérande »
avec « Terre de Sel », outil d’éducation à l’environnement, de valorisation touristique de
l’activité et de maîtrise des flux touristiques sur le marais.
En parallèle, des paludiers dits « indépendants » commercialisent en direct ou via
d’autres négociants (Ets BOURDIC, TRADYSEL, LE GABELOU,…) (CAP Atlantique, 2007).
+ Une activité soumise à des cycles de déprise et de reconquête
Les premiers grands aménagements de salines en presqu’île guérandaise ont
probablement débutés avant le IXème (Buron, 2001). Une deuxième période
d’aménagement a lieu à partir des XI et XIIème siècle. L’époque économique du sel débute
au XIIIème et surtout au XIVème. Elle correspond au développement de la population en
Europe qui double du XIème au XIVème siècle, au développement des villes qu’il va falloir
approvisionner (Cap Atlantique, 2007).
Au XVIIIème siècle, les impôts augmentent et une concurrence étrangère se
développe. La production devient moins importante et on observe l’abandon de salines.
Après la seconde guerre mondiale, les paludiers guérandais sont toujours sans
organisation commerciale face au regroupement des autres producteurs de sel français qui
récoltent déjà mécaniquement leur sel. Suite à l’arrivée des sels du Midi sur les marchés de
l’ouest de la France, le nombre de paludiers et d’œillets exploités diminuent d’environ 20%
entre 1950 et 1973 (CDA44, 2010). En parallèle, les zones urbaines connaissent une
expansion économique et un développement touristique important. De nombreux projets
émergents en Presqu’île guérandaise et les marais salants deviennent pour les promoteurs
un vaste terrain potentiel à bâtir (Cap Atlantique, 2007).
Les paludiers s’organisent en 1972 en groupement de producteurs avec pour objectif
la défense d’une profession menacée à deux niveaux : problèmes fonciers liés à la propriété
du sol, problèmes économiques liés au revenu du paludier. La filière se pérennise alors grâce
à une meilleure gestion des stocks et donc une meilleure négociation des prix de revente
(CDC44, 2010).
Au début des années 80, la notoriété du sel de Guérande s’est accrue, sa
commercialisation s’est améliorée en se diversifiant. Cet optimisme est corroboré par la
mise en place d’un cycle de formation pour les candidats au métier de paludier (1979) afin
de rajeunir la profession. Cependant, les conditions météorologiques et le prix du sel ne
suffisent pas à retrouver la confiance. En 1988, s’effectue une modification du faire-valoir :
on passe du métayage au fermage.
Depuis les années 90, les marais salants connaissent une dynamique positive de
reconquête malgré des années peu productives (Cap Atlantique, 2003 ; CDC44, 2010), le
naufrage du pétrolier ERIKA et la tempête Xynthia. Différentes démarches se développent :
commercialisation, qualité du produit (« label rouge », IGP) et communication.
+ Le Circuit de l’eau de mer : de l’étier à l’œillet
Les marais salants sont constitués d’un ensemble de bassins de forme plus ou moins
géométriques. Cette composition est due à un ensemble de facteurs historiques et
topographiques, liés aux propriétés des sols (Cap Atlantique, 2007 ; Buron, 2001) :
A partir des traicts, l’eau de mer pénètre dans les marais salants via les étiers et les
bondres.
A partir de ces étiers et bondres, l’arrivée d’eau est gérée et distribuée dans une série
de bassins qui vont tous concourir, sous l’effet du vent et du soleil, à augmenter la
température de l’eau de mer et à la faire s’évaporer pour aboutir à la cristallisation du sel,
dans un cul de sac appelé « œillet ». Tout au long de son trajet l’eau circule par gravité et
parcourt les bassins suivants : la vasière, le cobier, les fares, les adernes, les œillets (cf.
Encart ci-après).
Figure 4 - Schéma hydraulique d'une unité productive salicole (© Fédération des coopératives de producteurs de sel de l'Atlantique)
Les différents bassins d’une unité productive salicole
La vasière
A partir de l’étier, lors de marées ayant un coefficient supérieur à 80, l’eau est introduite dans les vasières par un
ouvrage hydraulique : « la trappe ». La vasière constitue le premier bassin d’une saline (qui, elle, constitue l’unité de
production). Elle joue plusieurs rôles : réservoir d’eau de mer, premier lieu d’évaporation, première décantation des vases.
Sa surface peut varier de 50 ares à plusieurs hectares. Le niveau de l’eau est de 15 à 20 cm au centre de la vasière. Son fond
a une structure particulière pour assurer son entretien : sensiblement plate au centre, elle est bordée sur sa périphérie d’un
fossé qui permet de recueillir les vases : c’est « le rai ». En moyenne, ces fossés sont curés en hiver tous les 2 ans : c’est le
« rayage » de la vasière.
Le cobier
Le cobier, d’une surface beaucoup plus modeste, succède à la vasière. Il assure des fonctions analogues à celles de la
vasière. Sa surface est de l’ordre de 10 à 30 ares et la profondeur de l’eau est d’environ 4 cm.
L’introduction de l’eau de la vasière dans le cobier se fait par une canalisation appelée « cui », parfois terminée par un
vannage pour régler le débit d’eau (« le coméladure »).
La saline (fares, adernes et œillets)
Les fares représentent les premiers bassins de la saline proprement dite où l’évaporation est particulièrement
intense. Ces sont de vastes bassins tracés en chicanes pour allonger au maximum le circuit hydraulique des eaux.
L’eau des derniers fares est ensuite admise dans des bassins appelés adernes, au moyen d’une simple trappe constituée
d’une planchette de bois ou d’un morceau d’ardoise.
Les adernes sont de vastes bassins constituant la réserve d’eau journalière nécessaire à la production de sel. L’eau
y subit une évaporation très intense pour atteindre la concentration presque 220 g/litre. Cette concentration correspond à
la limite inférieure de la cristallisation. L’art du paludier consiste donc à maintenir l’eau dans les adernes, très proche du
point de cristallisation, en réglant le débit de l’eau ou son épaisseur. Au sortir des adernes, l’eau fait l’objet d’une
distribution sur les œillets, par un canal appelé « délivre ».
Les œillets sont les derniers bassins de la saline. C’est là où le sel cristallise et que s’effectue la récolte. Ils sont de
forme rectangulaire avec des angles arrondis et sont généralement disposés en deux séries parallèles, le canal de délivre
passant au milieu de ces deux séries.
Les levées appelées « ponts » délimitant ces œillets sont élargies en leur milieu pour constituer une plate-forme
appelée « ladure ». C’est à ce point que le paludier effectuera les prises de sel et le premier stockage. Le fond de l’œillet est
légèrement bombé, afin que l’eau n’ait au centre qu’un niveau de 0,5 cm et à la périphérie de 1 à 1,5 cm. Cette disposition
du fond accélère l’échauffement de l’eau et la concentration en sel s’élève à environ 280 g/litre.
Le calendrier du paludier
Fin de l’automne et hiver : Cette période est consacrée à l’entretien du réseau hydraulique (étiers et bondres), au
renforcement des talus et à la coupe de la végétation. C’est également la période du rayage des vasières et de la remise en
état de salines incultes.
Printemps : La saline est nettoyée et restaurée. Il s’agit d’évacuer la vase et les algues (le « limu »), de renforcer les ponts
qui séparent les bassins. On dit que le paludier « habille » son cobier et sa saline.
Eté : Si les conditions météorologiques le permettent, la récolte est quotidienne. Une année moyenne ne comprend que 30
à 40 jours de récolte, entrecoupés de pluies.
Début de l’automne : Le paludier entreprend l’acheminement du sel vers les lieux de stockage qu’on appelle « salorges ».
Les produits de la saliculture
Le gros sel : Le gros sel cristallise lorsque la concentration dépasse 250 g/litre. Le paludier effectue sa « prise »
quotidiennement à l’aide d’un « las », outil constitué d’un manche de 5 mètres de long, muni à son extrémité d’une lame
de bois rectangulaire.
La fleur de sel : La fleur de sel est formée de cristaux très fins et très légers, flottant par larges plaques à la surface de
l’œillet. Elle est récoltée à l’aide d’une « lousse » par le paludier.
La salicorne : La salicorne est une plante spécifique des terrains salés du littoral. Préparée dans du vinaigre, elle devient un
excellent condiment. La cueillette des salicornes s’effectue principalement de mi-mai à fin juin. Elle ne concerne pas tous
les paludiers.
+ La gestion non productive des marais salants par la profession paludière
Les paludiers effectuent pour une partie d’entre eux des travaux individuels ou
collectifs en dehors de leur unité de production (saline, cobier et vasière). Ces travaux
extérieurs manuels peuvent ou non être réalisés dans le cadre de mesures agro-
environnementales engagées par les paludiers (MAE). Ils sont de 2 types :
- L’entretien des étiers et des bondres (cf Paragraphe 3.3.3. ci-avant).
- La gestion des salines en friche. Il s’agit notamment de la gestion en eau des salines
non exploitées ou en friche. En effet, le maintien d’une lame d’eau vise à empêcher
l’assèchement et l’atterrissement des bassins. Les objectifs sont plus précisément d’éviter la
dégradation de l’outil de travail des paludiers mais aussi de maintenir, voire d’améliorer, la
valeur biologique des marais salants (oiseaux et habitats d’intérêt communautaires).
Photo 5 - Paludier récoltant le gros sel dans les marais salants de Guérande (© Pascal François)
3.3.2. Aquaculture en claires
+ Présentation
L’aquaculture est l’élevage des être vivants en milieu aquatique (poissons, mollusques,
crustacés, algues, plantes…). La conchyliculture est l’élevage des coquillages. Les
producteurs se voient attribuer des concessions (parcelles) sur le domaine public maritime
(DPM) et / ou élèvent des coquillages « à terre », en propriété privée, dans des
établissements comportant des bassins d’affinage et de stockage (claires de marais). Ces
claires bénéficient d’une autorisation de prise d’eau de mer et des bâtiments nécessaires au
conditionnement.
Nous nous intéressons ici à cet élevage en claires de marais, la conchyliculture sur le
domaine public maritime n’étant pas une activité exercée à l’intérieur des marais salants.
L’essentiel des claires a été créé dans les années 70 sur d’anciennes unités salicoles en
friche, recreusées pour l’occasion, à l’époque d’une déprise de l’activité paludière. Ce type
de transformation des bassins est définitif : le retour à des salines est très difficile à moins de
très lourds travaux. A ce jour, les activités conchylicoles sont moins développées dans les
marais et de nombreuses claires sont désormais abandonnées.
Les élevages en claires de marais s’effectuent essentiellement dans les marais du Mès.
+ Dynamique actuelle de la profession
Pour la plupart des exploitants, l’élevage en claires est une activité complémentaire :
ils disposent déjà de parcs conchylicoles situés sur le domaine public maritime ou de salines
pour la récolte de sel.
3.3.3. Autres activités
Il s’agit de décrire ici les activités non productives mais ayant une incidence sur la
gestion des milieux. Elles sont minoritaires par rapport à la gestion effectuée par les activités
productives (saliculture et aquaculture).
+ L’entretien des talus de protection contre la mer : digue marine et talus bordant
le réseau hydraulique
Mis à part leur rôle premier consistant à alimenter les bassins de production de sel, les
étiers et bondres servent également à évacuer les eaux de pluie du bassin versant, à évacuer
l’eau hivernale accumulée dans les salines et à protéger les bassins de la mer grâce à leurs
talus de contact. La multifonctionnalité de ce réseau soumis à des flux d’eau diverses lui
confère donc un rôle considérable au sein des marais salants. C’est pourquoi l’entretien de
ces canaux est réalisé régulièrement.
La digue marine joue un rôle primordial dans la protection des marais salants contre la
mer, notamment lorsque les marées de vives eaux (grands coefficients) sont associées à de
fortes rafales de vent. Ces raretés du calendrier entrainant des phénomènes de surcote
peuvent, en effet, être dévastatrices comme en témoigne la tempête Xynthia en 2010 où
plus de 600 ha ont été inondés sur les 2000 ha que comptent les marais salants de Guérande
(Ouest France, 2010).
Ces travaux d’entretien et de prévention consistent à curer les étiers et bondres ainsi
qu’à consolider ou réparer la digue marine et les talus en contact du réseau hydraulique.
Sur le bassin de Guérande, différents travaux sont réalisés :
- Soit par des paludiers. Ils sont alors prestataires de service et rémunérés par
l’Association Syndicale Autorisée (ASA) appelé plus communément le Syndicat des Digues.
Ces travaux sont manuels. Ce sont les heures dites de « digues ».
- Soit par des entreprises spécialisées dans les travaux de terrassement où
interviennent alors des engins tels que les pelles mécaniques et chargeurs.
Sur le bassin du Mès, il s’agit de travaux manuels faits par les paludiers ou de travaux
de pelleteuse sur le réseau d’étiers, de bondres et de fossés de ceinture ainsi que
ponctuellement sur la digue marine.
Aucune association de propriétaires de type ASA n’existe sur le bassin du Mès. Les
travaux d’entretien et de réparation sont réalisés sous maîtrise d’ouvrage de CAP Atlantique
en lien avec l’Association pour la Protection des marais salants du Mès (Cap Atlantique,
2011).
+ La lutte contre les moustiques
L’EID Atlantique (Etablissement Interdépartemental de la Démoustication Atlantique)
intervient sur les marais de Guérande et du Mès afin de limiter le développement et les
nuisances engendrées par trois espèces de moustiques présentes en marais (Cap Atlantique,
2007). Ces interventions sont uniquement réalisées sur les bassins en friche.
Deux types d’actions peuvent être réalisés :
- Gestion en eau afin d’éviter le développement de gites larvaires
- Traitement ponctuel via la bactérie Bti (Bacillus thuringiensis israelensis)
+ La chasse
Les chasseurs participent également à la gestion des milieux en marais salants. De
façon générale, leurs objectifs de gestion sont liés à leur activité (présence d’une lame d’eau
pendant la période de migration des oiseaux). La chasse la plus logiquement pratiquée sur
les marais salants est celle des oiseaux d’eau (anatidés et limicoles), et plus particulièrement
des espèces en migration ou en hivernage.
La chasse est réglementée par un arrêté préfectoral concernant l’usage des armes à
feux sur les communes du bassin guérandais (Batz-sur-mer, Guérande, La Turballe). Toute
activité cynégétique en période de récolte de sel est interdite (Cap Atlantique, 2007).
+ Les actions des associations de protection de la nature
Quelques salines ont comme propriétaires ou gestionnaires Bretagne Vivante (Grande
Drouine, Quifistre et Mirebelle) ou la LPO (Proumarzin et Bertramé). La gestion exercée sur
ces salines passe par le maintien d’une lame d’eau, l’exploitation salicole de la saline (via un
bail avec un paludier), la création d’îlots pour la nidification des oiseaux dans les vasières ou
bien la coupe de roseaux.
Cette gestion par des associations est très peu présente sur les marais salants de la
presqu’île.
+ Les actions liées aux contractualisations Natura 2000
Inscrits au sein de sites Natura 2000, les marais salants de Guérande et du Mès
peuvent faire et font l’objet de différents contrats. Ils visent à maintenir, restaurer ou créer
des habitats d’intérêt communautaire ou des conditions d’accueil pour des espèces d’intérêt
communautaire.
En tant que structure animatrice des sites Natura 2000 comprenant les marais salants,
CAP Atlantique a en charge l’élaboration de ces contrats aux côtés des services de l’Etat. Ces
contrats sont de deux types, correspondant à 2 types de signataires :
• Les Contrats Natura 2000 signés par des propriétaires ou gestionnaires non agricoles.
• Les Mesures Agro-Environnementales (MAE) signées avec des exploitants agricoles,
paludiers compris.
Contractualisés pour une période de 5 ans, le nom et le cahier des charges de ces MAE
successives ont évolué dans le temps : OLAE, CAD puis MAEt aujourd’hui. Les exploitants
volontaires s’engagent à réaliser des actions particulières listées dans un cahier des charges
en échange d’une indemnisation annuelle à l’hectare engagé.
3.4. Importance ornithologique du site
Le périmètre d’étude de ce stage concerne les marais salants compris dans les deux
Zones de Protection Spéciale (ZPS) de la Presqu’île de Guérande inscrites au titre de la
directive européenne Oiseaux (cf Figure 5 ci-dessous) :
- Marais du Mès, Baie et Dunes de Pont Mahé, Etang du Pont de Fer
- Marais salants de Guérande, Traicts du Croisic et Dunes de Pen Bron
Figure 5 - Les marais salants : éléments paysagers déterminants des ZPS de la Presqu'ile de Guérande
3.4.1. Une situation géographique stratégique
L’inscription de ces deux Zones de Protection Spéciale est justifiée par le rôle
exceptionnel que jouent les marais salants de la Presqu’ile de Guérande pour de
nombreuses espèces d’oiseaux d’intérêt communautaire inscrites à la directive Oiseaux, et
notamment dans l’Annexe I, qu’elles soient nicheuses, migratrices ou hivernantes.
Ces marais salants sont compris dans un complexe de zones humides à l’échelle de la
Presqu’ile de Guérande (Estuaire de la Loire, Grande Brière, Estuaire de la Vilaine) lui-même
compris dans le vaste ensemble de la façade atlantique composant un des axes majeurs de
migration pour les oiseaux migrateurs de la zone du Paléarctique occidental (Baie du Mont
St-Michel, Golfe du Morbihan, Marais Poitevin, Baie de l’Aiguillon, Estuaire de la Gironde,…)
(Cap Atlantique, 2007).
3.4.2. Les espèces à enjeu
Les bassins salicoles accueillent en période de nidification (ponts des salines et îlots)
l’Echasse blanche (Himantopus himantopus) (cf. Photo 6 ci-dessous), l’Avocette élégante
(Recurvirostra avosetta), la Sterne pierregarin, le Gravelot à collier interrompu (Charadrius
alexandrinus), le Chevalier gambette (Tringa totanus) et le Petit Gravelot (Charadrius
dubius).
Les marais salants constituent également une zone de refuge pendant les marées
hautes lorsque que les Traicts sont recouverts par la marée. En migration ou en hivernage les
bassins permettent alors l’alimentation et le repos de la Bernache Cravant (Branta bernicla),
de la Barge à queue noire (Limosa limosa) et de nombreux autres limicoles (bécasseaux,
chevaliers,…) et canards. L’Avocette élégante, la Spatule Blanche (Platalea leucorodia), La
Grande Aigrette (Ardea alba), l’Aigrette garzette (Egretta garzetta) et le Martin-pêcheur
d’Europe (Alcedo atthis) viennent eux se nourrir toute l’année (Cap Atlantique, 2007).
Les talus de marais salants (réseau dense avec strate herbacée ou arbustive) sont des
lieux de reproduction prisés pour la Tadorne de Belon (Tadorna tadorna) et tout un cortège
de passereaux des milieux ouverts à semi-ouverts dont la Gorgebleue à miroir de Nantes
(Luscinia svecia namnetum) (Bonnet, 1984 ; Cap Atlantique, 2007 ; Dominik, 2011).
En période d’hivernage et de migration, de nombreux passereaux fréquentent aussi les
talus comme le Bruant des roseaux (Emberiza schoeniclus) ou le Traquet motteux (Oenanthe
oenanthe). Notons également la présence du Hibou des marais (Asio flammeus) en
hivernage et comme nicheur possible.
4. La nouvelle Mesure Agro-environnementale
4.1. L’engagement agro-environnemental des paludiers en
Presqu’Ile de Guérande
4.1.1. Historique
L’engagement agri-environnemental des paludiers de la presqu’île de Guérande est
ancien. En effet, les premières Actions Communautaires pour la Nature (ACNAT) ont été
souscrites dans les années 1993-1994. C’est notamment lors de la souscription d’OLAE
(Opérations Locales Agri-Environnementales) que le nombre de paludiers engagés a été le
plus important, environ 120 sur environ 250 au total.
Les Contrats d’Agriculture Durable (CAD), apparus en 2005, ont vu la souscription de
seulement 82 paludiers. Néanmoins, il convient ici de souligner les travaux effectués par ces
paludiers dans le cadre des engagements CAD, entre 2005 et 2010 : remise en état de salines
abandonnées, entretien des digues (marine, étiers et bondres), limitation du Baccharis,
rayage de vasière, gestion en eau des salines incultes…
Photo 6 - Echasse blanche (© Marc Steinmetz)
La Mesure Agro-Environnementale territorialisée (MAEt) initiale, découlant du
Programme de Développement rural Hexagonal (PDRH) adopté par la France en 2007, n’a
pas suscité le même engouement chez des paludiers (Collectif, 2011).
4.1.2. Raisons du non-engagement de la MAE
En juin 2010, après deux années d’existence de cette MAE, aucun paludier n’a souhaité
s’engager. Ce désengagement agro-environnemental peut s’expliquer par les lacunes de la
MAE.
+ Lacunes écologiques
La non-prise en compte des surfaces indivises dans le calcul du montant
d’indemnisation a entraîné l’absence de gestion en eau hivernale des vasières et cobiers,
pourtant primordiale pour les habitats et les espèces (habitat « lagunes côtières »,
ressources trophiques des oiseaux, reposoirs de haute mer).
De plus, cette MAE n’avait pas prévu l’intervention en dehors des exploitations,
excepté le curage et l’entretien du réseau hydraulique. Pourtant, l’enjeu est majeur en
dehors des exploitations, sur les terrains abandonnés, pour conserver ou restaurer des
milieux remarquables, essentiellement propriété des paludiers mais non exploités.
+ Lacunes financières
Contrairement aux CAD, dont le montant était fixé à 53,36 €/œillet, cette MAE était
calculée à l’hectare et plafonnée à 450€/ha/an. L’étroitesse des talus et le non-engagement
des terrains de chauffe collectifs (biens non délimités indivis) ont largement contribué à la
limitation du montant d’indemnisation. Or, les travaux collectifs ou individuels (heures de
digue, lutte contre le Baccharis…) menés sur les surfaces collectives portaient sur des
surfaces bien supérieures aux surfaces engagées.
Par ailleurs, le coût horaire qui permettait d’évaluer le montant de l’indemnité MAE
était trop faible. Le montant de 16,54 € estimé par le Ministère de l’Agriculture ne prenait
aucunement en compte la pénibilité du travail, réalisé manuellement dans des conditions de
travail extrêmement difficiles (vase, froid).
4.2. Les conséquences du désengagement des paludiers
L’absence de gestion en eau des terrains en friche conduit à une évolution des habitats
d’intérêt communautaire vers des stades plus avancés et à leur banalisation.
Ainsi ce sont d’abord les surfaces de l’habitat « lagunes côtières », prioritaire à
l’échelle européenne, qui vont être réduites. Les bassins ainsi asséchés naturellement ne
seront plus favorables à l’alimentation de nombreuses espèces de l’Annexe I de la Directive
(Avocette élégante, Echasse blanche, Sterne pierregarin), amatrices de milieux pionniers ou
faiblement végétalisés (Collectif, 2011).
Une absence d’entretien des terrains en friche entraine également une colonisation
des talus par la végétation arbustive et arborée (Baccharis halimifolia, Prunus spinosa,
Quercus ilex, Quercus robur). C’est alors l’habitat « fourrés halophiles thermo-atlantiques »
qui est menacé, habitat privilégié de la Gorgebleue à miroir.
Le relâchement de l’effort consenti depuis des années dans la lutte contre le Baccharis
ou Séneçon en arbre (Baccharis halimifolia), espèce invasive, à travers les engagements agri-
environnementaux (au moins 4 100 heures de travail entre 2005 et 2010) conduirait sans
conteste à un retour à une situation de colonisation importante des marais. Il réduirait ainsi
à néant tout le travail effectué collectivement depuis plus de quinze années et aurait des
conséquences sans précédent sur les habitats et espèces d’intérêt communautaire présents
dans les marais.
4.3. La nouvelle MAE Marais Salants de 2012
En réponse à ce désengagement massif des paludiers, CAP Atlantique, animateur
Natura 2000 des marais salants de Guérande et du Mès associé à la profession paludière
(coopérative, syndicats et associations), a proposé une modification de la MAEt « Marais
Salants » auprès des services de l’Etat et de la Commission Européenne (CE).
Validée par la Commission Européenne, cette modification concerne plus précisément
l’engagement unitaire de la MAEt inscrit au Programme de Développement Rural et
Hexagonal (PDRH).
Plus clairement, cette modification validée à l’échelle européenne permet aux
paludiers de la Presqu’île de Guérande de contractualiser une nouvelle MAEt mieux
rémunérée et mieux adaptée à la protection des habitats et espèces d’intérêt
communautaire (Annexe 4) :
- Une rémunération à l’hectare passant de 450 et 896 €/ha
- Le maintien d’une lame d’eau dans les vasières en hiver
- L’entretien du marais sur les salines incultes
Cette nouvelle MAEt a été proposée à la profession paludière au printemps 2012 et
vise entre autre à conserver l’habitat de la Gorgebleue à miroir, espèce d’intérêt
communautaire. Pour la première année de contractualisation, 31 paludiers se sont engagés
soit une surface de 83 hectares : 37 ha sur le bassin de Guérande et 46 ha sur le bassin du
Mès.
5. La Gorgebleue à miroir de Nantes
5.1. Sélection de l’habitat
+ Un habitat diversifié lié aux zones humides
L’habitat de la Gorgebleue à miroir est préférentiellement lié aux zones humides
(MEEDDAT et MNHN, 2008), milieux aujourd’hui fractionnés et menacés par l’urbanisation
et l’intensification de l’agriculture, d’où notamment l’inscription de l’espèce à l’Annexe I de
la directive Oiseaux (Constant et Eybert, 1995 ; Geslin, 2002).
Cependant, la Gorgebleue habite des niches écologiques diversifiées selon les régions
et les morphotypes (Jiguet, 2010). Elle peut faire preuve d’une certaine plasticité écologique
(Eybert et al., 2004). Quelques exemples :
- Dans le nord de l’Europe, les bois de saules et de trembles sont privilégiés (Svensson
et al., 2010).
- En Belgique, l’espèce peut nicher le long de simples fossés, parfois asséchés, dans des
régions de cultures intensives (Verroken, 2002).
- En Brière, les roselières parsemées de saules ou de piquets sont utilisées (Constant et
Eybert, 1995 ; Masclaux, 2006 ; Marquet, 2010).
- Dans les Marais de Vilaine, l’espèce affectionne les prairies humides bordées de haies
de saules (obs. pers.).
- Sur le site de cette étude et ailleurs sur le littoral atlantique (Noirmoutier, Oléron,
Ré), l’habitat utilisé est celui des marais salants.
Malgré cette plasticité d’habitat à l’échelle européenne, on retrouve tout de même
une certaine récurrence dans la structure de son habitat. Concernant par exemple les
morphotypes cyanicula (Schmidt, 1984 ; Sauvage, 1999) et namnetum (Geslin et al., 2002),
les auteurs s’accordent à dire que son habitat se caractérise par une association de
structures spatiales verticales et horizontales. Cela se traduit par exemple par l’attractivité
des postes de chant toujours placés à un endroit plus élevé que la hauteur moyenne du
milieu (Scherrer, 1972, Bonnet, 1984, Eybert et al., 2004).
+ Son habitat dans les marais salants
A l’échelle des marais salants de la presqu’Ile de Guérande, la Gorgebleue à miroir
utilise principalement les différents éléments de l’interface talus-bassin. En effet, les
buissons servent de poste de chant, la vase nue des bords de bassin de zone de nourrissage
et les talus de sites de nidification (Bonnet, 1984).
Une étude menée sur la sélection de l’habitat de l’espèce dans plusieurs secteurs des
marais salants de Guérande (Geslin et al., 2002) ont également mis en avant l’importance de
deux facteurs sur la distribution de l’espèce :
- l’hétérogénéité spatiale
Véritable valeur fonctionnelle pour la Gorgebleue à miroir dans les marais salants,
l’hétérogénéité spatiale dépend de l’arrangement spatial entre les 2 éléments paysagers que
sont les talus et les bassins. Plus l’hétérogénéité spatiale est importante, plus les densités en
gorgebleues et les performances reproductives (nombre d’œufs, nombre de jeunes éclos et
à l’envol) sont importantes. Dans les marais salants de Guérande, c’est la qualité du maillage
entre talus (intersections, sinuosité, proximité) et bassins (surface et étroitesse) qui
contribuent à augmenter cette hétérogénéité. En effet, et de façon comparable aux
intersections de haies bocagères (Constant et al., 1976 ; Lack, 1988), les intersections de
talus constituent des zones demandant moins d’énergie aux oiseaux pour se défendre,
s’abriter ou se nourrir (Bonnet, 1984).
Cela se traduit souvent par la présence d’intersections de talus et de bassins étroits au
sein des territoires de reproduction.
- l’intensité de l’exploitation salicole
Les densités en gorgebleues sont maximales lorsque la surface exploitée par la
saliculture est comprise entre 50% et 70% (Geslin et al., 2002).
En lien direct avec l’exploitation salicole, la couverture buissonnante en Soude vraie
(Suaeda vera) présente sur les talus est déterminante. La Soude vraie, nommée brons par les
paludiers, est une plante ligneuse et halophile. Caractéristique de la limite supérieure du
schorre, elle s’est parfaitement adaptée aux talus de marais salants régulièrement
recouverts de vase salée par les paludiers. Avec la salicorne frutescente (Sarcocornia
fruticosa) la soude vraie constitue une des espèces indicatrices de l’habitat d’intérêt
communautaire « fourrés halophiles thermo-atlantiques » (Habitat 1420.1). La Gorgebleue à
miroir affectionne cette végétation buissonnante car elle apporte à la fois le couvert et des
postes de chant pour le mâle (Allano et al., 1994 ; Eybert et al., 2004).
Cependant, une exploitation salicole trop intensive est souvent synonyme d’un
entretien régulier de la majorité des talus utilisés par les paludiers, entrainant la disparition
des buissons de soude vraie. De même, un arrêt de l’exploitation salicole entraine une baisse
de la densité en gorgebleues. Cela est principalement dû à l’apparition dans le temps
d’espèces arbustives et arborées comme le Prunellier, le Baccharis ou le Chêne vert
contribuant à la disparition des fourrés halophiles. De plus, l’ennoiement des bassins fait
disparaitre les plages de vase nue nécessaires à l’alimentation de l’espèce.
La présence de fourrés halophiles, habitat d’intérêt communautaire et élément
déterminant de l’habitat de la Gorgebleue à miroir, est donc directement corrélé à la gestion
des talus par la profession paludière. C’est pourquoi cette espèce, elle aussi d’intérêt
communautaire, a été choisie comme modèle biologique dans cette étude.
5.2. Présentation
5.2.1. Fiche d’identité
Nom commun : Gorgebleue à miroir
Nom scientifique : Luscinia svecica
Ordre : Passériformes
Famille : Est passé de celle des Turdidés à celle des Muscicapidés (Sibley et Ahalquist, 1990)
Masse : entre 14 et 18g
Longueur de la tête à la queue : entre 13 et 14 cm
Envergure : 23 cm
Nom de la sous-espèce (ou morphotype) présente sur la façade atlantique française décrite
par Mayaud (1938) : Gorgebleue à miroir de Nantes
Nom scientifique : Luscinia svecica namnetum
5.2.2. Description physique
En période de reproduction, le mâle adulte se reconnait par son plastron bleu vif,
souligné d’une bande rousse, elle-même frangée de noir. Au centre de ce plastron se trouve
une tache appelée miroir dont la couleur (blanc ou roux) varie selon les sous-espèces. Le
reste du plumage est brunâtre, plus foncé sur le dos et beige-grisâtre sur le ventre. Un net
sourcil blanc est visible au niveau de la tête. La queue est brune mis à part la base des
rectrices de couleur rousse.
La femelle possède un plumage similaire au mâle concernant le dos, le ventre, la tête
et la queue. Mais à la différence du mâle, elle n’a pas de plastron bleu. La variabilité du
plastron est beaucoup plus grande chez la femelle. Le plus souvent, la gorge est claire, sans
miroir et encadrées de moustaches foncées rejoignant un collier sombre.
Entre la sortie du nid et le début de leur première mue, les juvéniles possèdent un
plumage cryptique noir taché de roux clair. Ils présentent également du roux à la base des
rectrices, signe distinctif de l’espèce (Eybert et al., 2004).
Les individus du morphotype Gorgebleue à miroir de Nantes (Luscinia svecica
namnetum) ont en moyenne une taille légèrement inférieure aux autres sous-espèces
(Eybert et al., 2004). La couleur du miroir chez ce morphotype est blanche (cf. Photo 7 ci-
dessous).
Photo 7 - Mâle de Gorgebleue à miroir, Baie de Bourgneuf (© Serge Deboffle)
5.2.3. Statuts de protection en France
- Espèce protégée au niveau national par l’arrêté ministériel du 17 Avril 1981
- Annexe I de la directive européenne « Oiseaux » (1979 et 2009)
- Annexe II de la Convention de Berne (1979)
5.3. Distribution et effectifs
5.3.1. Distribution à l’échelle globale
La Gorgebleue à miroir occupe en Europe et en Asie une vaste aire de répartition au
sein de laquelle on distingue une dizaine de sous-espèces géographiquement distinctes
(Glutz von Blotzheim et Bauer, 1994 ; Cramp, 1988 ; Questiau, 1998) dont la Gorgebleue à
miroir de Nantes (Luscinia svecica namnetum). Du fait d’une divergence génétique
relativement récente (Questiau, 1998), on parle parfois davantage de morphotypes plutôt
que de sous-espèces (Eybert et al., 1999).
La Gorgebleue à miroir est un oiseau migrateur. Ses quartiers d’hiver différent selon
les morphotypes. Les populations les plus orientales passent l’hiver dans le Sud-est asiatique
tandis que les plus occidentales migrent dans la péninsule ibérique et sur le continent
africain (Cramp, 1988).
1 : Luscinia svecica cyanecula, 2 : L.s. volgae, 3 : L.s. svecica, 4 : L.s. pallidogularis, 5 : L.s. saturatior, 6 : L.s. kobdensis, 7 : L.s. namnetum, 8 : L.s. magna, 9 : L.s. abotti ou tianshanica, 10 : L.s. azuricollis
Figure 6 - Répartition géographique des morphotypes de Gorgebleue à miroir en période de migration. Modifié par Geslin (2002) d'après Glutz von Blotzheim et Bauer (1992)
5.3.2. Distribution du morphotype namnetum
+ En période de reproduction
Le morphotype namnetum est endémique du littoral atlantique français. Elle se
reproduit depuis la Baie d’Audierne jusqu’à la Baie du Mont St-Michel (Mahéo et Tual, 1965 ;
Eybert et al., 1999), marais salants de Guérande et du Mès compris. Elle connait depuis les
années 90 une extension de son aire de répartition vers l’intérieur des terres et notamment
vers des zones humides d’eau douce : Grande Brière, Lac de Grand-Lieu, Marais de Vilaine et
Vallée de l’Erdre (Constant et Eybert, 1995 ; Marquet, 2010).
+ En période d’hivernage
La Gorgebleue à miroir de Nantes est le morphotype qui effectue le trajet migratoire le
plus court. Après avoir niché sur le littoral atlantique, elle passe essentiellement l’hiver sur la
côte ouest de la péninsule ibérique (Portugal et Espagne) mais aussi moins fréquemment en
Afrique du Nord voire en Afrique de l’Ouest (Eybert et al., 2004).
5.3.3. Estimation des effectifs
A la fin des années 90, on estimait la population du morphotype namnetum comprise
entre 1500 et 3000 couples sur l’ensemble du littoral atlantique (Eybert et Questiau, 1999).
Cette estimation est probablement sous-estimée. Ainsi, on estime la population du
Marais Poitevin comprise entre 875 et 1187 mâles chanteurs (Joyeux et al., 2010) et celle
des marais de Grande Brière Mottière entre 2500 et 3030 mâles chanteurs (Marquet, 2010).
En ajoutant à ces chiffres le foyer de la Presqu’Ile de Guérande ainsi que les nombreuses
autres populations du littoral atlantique (Bassin d’Arcachon, Estuaire de la Gironde, Oléron,
Ré, Noirmoutier, Marais Breton, Estuaire de la Loire, Marais de Vilaine, rias bretonnes,…),
l’estimation de Dubois et al (2008) qui proposait pour les années 2000 une population
d’environ 10 000 couples se rapproche probablement des effectifs réels.
A l’échelle des marais salants de la Presqu’ile de Guérande, la population était estimée
entre 550 et 650 couples à la fin des années 2000 (Eybert, 2008).
5.4. Comportements
5.4.1. Une espèce territoriale et fidèle à son lieu de reproduction
+ Fidélité au lieu de reproduction
Entre 1994 et 2001 sur les marais salants de Guérande, GESLIN et al. (2002) ont mis en
évidence la philopatrie de l’espèce à 2 échelles :
- Au site de reproduction
Ainsi, autour de 45% des individus se reproduisant pour la première fois (subadultes)
sur le site des marais salants de Guérande sont revenus l’année suivante. Ce pourcentage est
légèrement supérieur à ceux observés en Brière (37,6% ; Constant et Eybert, 1995) ou sur la
réserve de Moëze-Oléron (31,8% ; Boileau et Delaporte, 2000).
- Au territoire de reproduction
A l’échelle plus fine des territoires de reproduction, le taux de retour des gorgebleues
sur leur ancien territoire est également observé. Ainsi, 50,9% des mâles et 72,7% des
femelles revenant sur le site de reproduction occupent le même territoire que l’année
précédente. Par ailleurs, plus les individus sont âgés, plus la fidélité au territoire est
importante.
+ Territorialité
La territorialité peut aussi être définie par une action de défense territoriale sur une
aire fixe et exclusive vis-à-vis des territoires voisins (Brown et Orians, 1970).
Chez les passereaux, la territorialité se caractérise par la défense du territoire et/ou
par le chant (Bremond, 1970 ; Nowicki et al., 1989 ; Hyman et al., 2004). Cette agressivité
territoriale est due à la sécrétion endocrine de la testostérone (Balthazart, 1983). Les
bénéfices apportés par un territoire sont l’attraction d’un partenaire, l’accès à des
ressources alimentaires et une protection face à la météo, aux prédateurs et aux congénères
(Maher et Lott, 1995).
Que ce soit en période de reproduction (Bonnet, 1984 ; Geslin, 2002) ou en période
d’hivernage (Constant et Eybert, 1995), les mâles de Gorgebleue à miroir font preuve de
comportements territoriaux. Les femelles présentent des comportements territoriaux
seulement sur leur site d’hivernage.
En période de reproduction, la manifestation la plus démonstrative est le chant du
mâle. Utilisant plusieurs postes de chant délimitant son territoire, il peut effectuer un vol
nuptial lors duquel il exhibe son plastron bleu et son miroir. Ce comportement vise en début
de période de nidification (fin Mars-début Avril) à attirer une femelle puis à éloigner les
mâles rivaux une fois le couple formé (Eybert et al., 2004 ; obs. pers.).
Une autre manifestation territoriale est le cri d’alarme d’un des adultes. Ce
comportement agité et inquiet indique en général la présence de jeunes ou d’un nid aux
alentours (Sophie Bonnet-Questiau, com. pers., 2012 ; obs. pers.).
5.4.2. Cycle de vie de l’espèce dans les marais salants de la Presqu’île de
Guérande
Espèce migratrice, la Gorgebleue à miroir est présente dans les marais salants de
Guérande de Mars à Août (Geslin, 2002, Eybert et al., 2004) (cf. Figure 7 ci-dessous).
Arrivée et établissement des territoires
Migration pré-nuptiale
Mue post-nuptialeMue pré-nuptiale
Engraissement en roselières et migration post-
nuptialeHivernageAppariement et soins parentaux (2 couvées)Hivernage
Présence dans les marais salants de la Presqu'île d e GérandeSeptembre Octobre Novembre DécembreJanvier Février Mars MaiAvril Juin Juillet Août
+ Reproduction
Les mâles arrivent les premiers sur le site à partir de mi-mars. Ils établissent alors un
territoire en attendant l’arrivée d’une partenaire. Les femelles arrivent en moyenne une
douzaine de jours plus tard que les mâles (Geslin et al., 2002).
Une fois le couple apparié, la femelle entame sa première ponte. Elle construit seule
le nid. Les 3 à 6 œufs sont pondus au rythme d’un œuf par jour avant d’être couvés par la
femelle durant 2 semaines (cf. Figure 8 ci-dessous). Le nourrissage des poussins au nid est
ensuite assuré par le mâle et la femelle durant environ 1 mois. Une fois les juvéniles
émancipés ou en cas d’échec de la première couvée, le couple entame alors une seconde
couvée.
+ Engraissement et migration postnuptiale
A l’issue des 2 couvées, les adultes et juvéniles ayant passés la saison de reproduction
dans les marais salants se regroupent dans les roselières de l’estuaire de la Loire (Eybert et
al., 2004). Après avoir constitué suffisamment de réserves et effectuer leur mue
postnuptiale, les oiseaux descendent le long du littoral atlantique par étapes pour atteindre
leurs quartiers hivernaux du Portugal et de l’Espagne (Bueno, 1990).
+ Hivernage et migration prénuptiale
Les oiseaux sont présents sur leur site d’hivernage de Novembre à Février. Après
avoir accumulé des réserves et effectué leur mue prénuptiale, les individus entament leur
retour vers les côtes atlantiques françaises pour une nouvelle saison de reproduction.
5.4.3. Régime alimentaire
Dans les marais salants de Guérande, la Gorgebleue à miroir consomme en grande
majorité des arthropodes (Allano, 1986). Les insectes sont les plus prélevés (en particulier les
diptères) mais les araignées et crustacés rentrent également dans leur régime.
Tâche
Réalisée par Mâle et femelleFemelle
Semaine 6 Semaine 7
Couvaison Nourrissage au nid Nourrissage hors du nid
Semaine 2 Semaine 3 Semaine 4 Semaine 5Semaine 1
Construction du nid et ponte
Figure 7 - Cycle de vie annuel de la Gorgebleue à miroir de Nantes (Lusicinia svecica namnetum). D'après Geslin (2002), Eybert et al. (2004)
Figure 8 - Cycle d'une nichée de Gorgebleue à miroir. D'après Geslin et al. (2002)
Une évolution des zones de chasse dans le temps est également observée.
Effectivement, les plages de vase nue sont privilégiées en début de saison de reproduction
alors que la végétation des talus est davantage utilisée en fin de saison (Eybert et al., 2004).
Cette évolution peut s’expliquer par la faune plus diversifiée et abondante sur les talus dont
les parents ont besoin pendant la période de nourrissage des jeunes (Allano, 1986).
PARTIE 2. METHODOLOGIE
1. Evaluation des effectifs et répartition de la population
1.1. Prospection terrain
Afin d’évaluer le nombre de mâles chanteurs sur les zones cibles de cette étude, une
phase terrain de dénombrement de la population a été réalisée. La méthode choisie est celle
des plans quadrillés.
1.1.1. Méthode des plans quadrillés
+ Principe
©JiPehel
La méthode des plans quadrillés (Pough, 1950), normalisée ensuite par Ferry (1969)
et Bibby et al. (2000) consiste à parcourir plusieurs fois pendant la période de reproduction
des espèces ciblées sur une surface prédéfinie. Il s’agit pendant ces différents passages de
cartographier précisément tous les contacts visuels ou auditifs avec les oiseaux.
Une fois tous les passages effectués, une cartographie de synthèse recoupant tous
les contacts doit permettre de faire apparaitre les différents cantons ou territoires
correspondant aux concentrations de points.
+ Avantages et inconvénients
La méthode des plans quadrillés est dite absolue car elle permet d’obtenir une valeur
assez précise des effectifs sur une surface donnée contrairement aux méthodes dites
relatives comme les Indices Kilométriques d’Abondance (IKA) et Indices Ponctuels
d’abondance (IPA). Ces méthodes relatives sont davantage utilisées pour comparer les
abondances entre espèces et dans le temps (Frochot, 1975).
De plus, cette méthode est bien adaptée aux passereaux dits territoriaux comme la
Gorgebleue à miroir se manifestant beaucoup plus facilement lorsque qu’un intrus pénètre
sur leur territoire (Raitière, 2003). Ainsi, la mobilité de l’observateur lui permet d’aller à la
rencontre des oiseaux et de repérer plus facilement les différents individus (Blondel et al.,
1970).
Par ailleurs, la géométrie des marais salants permet à l’observateur d’avoir de
nombreux repères topographiques lors de son cheminement piéton (talus, bassins, chemins)
afin de cartographier précisément les différentes observations.
En revanche, la méthode des plans quadrillés s’avère coûteuse en temps du fait des
distances à parcourir à plusieurs reprises sur chaque quadrat (Daval, 1986).
+ Déroulement
L’observateur doit définir au sein de chaque secteur suivi, un itinéraire qui lui
permettra de couvrir visuellement et à l’oreille tous les points du secteur. Le paysage ouvert
qu’offrent les marais salants et le caractère démonstratif du mâle de Gorgebleue à miroir
permettent à l’observateur de repérer les oiseaux à une distance raisonnable de 150 mètres
(Daval, 1986). Aussi, chaque point des secteurs suivis pendant cette étude se situent à moins
de 150 mètres de l’itinéraire.
Cet itinéraire est parcouru à pied par l’observateur muni de jumelles. Le report
cartographique des observations de gorgebleues a été réalisé via à une tablette tactile avec
Système d’Informations Géographiques (SIG) intégré. La couche utilisée comme fond de
carte sur le terrain est un orthophotoplan de 2009 d’une résolution spatiale de 50 cm.
Le moment de la journée et les conditions météo sont également à prendre en compte
pour ce type d’inventaire. Les sorties ont été effectuées le matin entre 7h et 12h, période de
la journée où l’activité vocale des oiseaux est la plus importante (Bossus et Charron, 2010).
Concernant la météorologie, des conditions optimales sont nécessaires au repérage et à
l’écoute des oiseaux. Aussi, les matinées pluvieuses et trop venteuses ont été évitées.
+ Périodicité des passages
Répartie entre la mi-Mars et la mi-Juin, la prospection s’est calée sur la période de
chant des mâles, c’est-à-dire entre l’arrivée des premiers mâles sur le site et l’éclosion de la
2e couvée (Bonnet, 1984), lorsque le taux de testostérone est le plus élevé (Kettersson et
Nolan, 1992 ; Geslin et al., 2002).
Entre le 19 Mars et le 15 Juin, entre 5 et 6 passages ont été effectués par secteur
(Annexe 5), soit en moyenne un passage tous les 16 jours sur chaque secteur.
1.1.2. Informations récoltées
Tous les contacts avec l’espèce ont été différenciés selon une typologie afin de
simplifier l’analyse des données sous logiciel SIG.
+ Comportements territoriaux
Il est notamment nécessaire de distinguer les comportements territoriaux des
comportements non territoriaux.
Chez les passereaux, la territorialité s’exprime par le chant ou par des comportements
agressifs (Bremond, 1970 ; Nowicki et Ball, 1989) dans le but de défendre une aire fixe
(Brown et Orians, 1970) :
- Les mâles chanteurs. Le chant du mâle est facilement reconnaissable car très sonore et
sans réelle confusion possible avec d’autres oiseaux dans les marais salants. C’est une
suite de trilles qui inclut des sons très variés (sons métalliques, notes plus musicales,
sifflements, chuintements et immitations) (Eybert et al., 2004) qui se succèdent au sein
d’une même phrase commençant souvent par quelques notes aiguës et détachées
(Bossus et Charron, 2010). Ce chant est la plupart du temps lancé d’un poste situé plus
haut que la végétation environnante et peut s’accompagner d’un petit vol nuptial
(Raitière, 2003 ; Eybert et al., 2004) démarré d’un perchoir et terminé en « parachute » à
la manière des Pipits (Anthus sp.) (Cramp et al., 1988).
- Les cris d’alarme des adultes. Le cri d’alarme peut être observé aussi bien chez le mâle
que chez la femelle. C’est un « huit » ou « tac tac» agité et accompagné de gesticulations
rapides souvent émis depuis un perchoir. Ces cris de défense territoriale chez les
passereaux (Blondel, 1965) sont utilisés par les adultes lorsqu’un intrus s’approche du
nid ou des jeunes et cessent lorsque cet intrus est à distance (Sophie Bonnet-Questiau,
com. pers., 2012, obs. pers.). Dans les marais salants, ce cri peut être confondu avec celui
du Tarier pâtre (Saxicola torquatus).
Les comportements non territoriaux concernent toutes les autres observations de
l’espèce.
+ Chanteurs simultanés
Ce type d’observation est particulièrement recherché sur le terrain. La présence de 2
mâles chanteurs au même moment permet à l’observateur d’identifier de façon sûre 2
territoires distincts.
+ Typologie des observations
Les champs d’informations renseignés sur le terrain grâce au SIG de la tablette sont les
suivants :
Champ : Sexe Age Comportement Date d'observation
Mâle Adulte Chanteur
Femelle Juvénile Alarme
Inconnu Poussin Nourrissage
Inconnu Autre
Champ :
Valeurs :
Valeurs :
jj/mm
Déplacement
Observation simultanée
Type linéaire
Objet
ponctuel
Objet
linéaire
Figure 9 - Informations récoltées sous SIG lors des prospections terrain
1.1.3. Choix des secteurs suivis
Chaque secteur est parcouru en une matinée pendant environ 5 heures. Une
prospection efficace sur l’ensemble des marais salants de la presqu’ile de Guérande n’était
pas envisageable étant donnée la surface à parcourir (plus de 2500 ha) et la répétition des
passages à effectuer via la méthode des plans quadrillés.
Figure 10 - Exemple de représentation des observations de Gorgebleue à miroir sur le terrain
Un total de 8 secteurs de prospection a alors été choisi sur les bassins de Guérande et
du Mès, soit plus de 700 hectares (cf. Figure 11 ci-dessous). La superficie de ces secteurs
varie entre 72 et 115 ha pour une moyenne de 90 ha.
Secteur Surface (ha)
BASSIN DU MES 447
Assérac 111
Rostu 99
Quifistre-Boulay-La Duchesse 79
Kerbernard-Etier de Quimiac 72
Le Frostidié-Pendhué 86
BASSIN DE GUERANDE 271
Beau Soleil-Les Donnes 115
Marais du Roi 78
Les Prés 78
TOTAL 718
MOYENNE 90 Figure 11 - Nom et surface des secteurs de prospection
+ Marais salants du Mès
La quasi-totalité des marais salants du Mès (cf. Figure 12 ci-dessus) a été prospectée
(450 ha) pour plusieurs raisons :
- L’ensemble des MAEt signées par des paludiers sur ce bassin salicole en 2012 est compris
dans ces 5 secteurs de prospection.
- Aucune estimation récente et exhaustive de la population nicheuse n’a été réalisée à
l’échelle de ce bassin.
- Enfin, la diversité des structures paysagères (claires, salines et prés salés) et des modes
de gestion (saliculture, aquaculture, pâturage ou abandon) de ce bassin laisse entrevoir
une comparaison intéressante des effectifs entre ces différents habitats.
Ces secteurs reprennent en partie ceux suivis en 2009 et 2010 par différents
observateurs (Collectif, 2010). Certains sont fragmentés du fait de la répartition éclatée des
marais salants du Mès (Le Frostidié-Pendhué et Quifistre-Boulay-La Duchesse).
Enfin, les zones des marais salants non prospectées correspondent à des propriétés
privées non accessibles (claires de Pendhué et de Kermalinge) ou à des anciennes salines aux
talus boisés et donc peu favorables à la Gorgebleue (La Chouette, étier de Ker Croisé,
extrémités des étiers de Quimiac et de Boulay).
+ Marais salants de Guérande
Figure 12 - Répartition des secteurs de prospection et des MAEt signées en 2012 sur les marais salants du Mès.
Trois secteurs ont été identifiés et prospectés sur le bassin de Guérande soit 271 ha
(cf. Figure 13 ci-dessous).
Le secteur des Prés est un secteur connu depuis le début des années 80 (Bonnet,
1984) et suivi plus ou moins régulièrement depuis (Geslin, 2002). C’est dans cette continuité
et du fait de sa situation au cœur des marais exploités de Guérande qu’il a été sélectionné.
Le secteur de Beau Soleil - Les Donnes, le plus vaste, a été choisi du fait de la
concentration de Mesures Agri-Environnementales (MAEt) contractualisées en 2012 dans
cette zone. Ce secteur est intéressant dans l’optique d’une réédition de la prospection dans
plusieurs années permettant de mettre en avant une éventuelle influence de la MAEt sur la
population de gorgebleues.
Le secteur des Marais du Roi a été identifié en raison des quelques MAEt
contractualisées en 2012 mais surtout du fait de sa localisation en bordure des Traicts du
Croisic. En effet, ce secteur a particulièrement été touché par la tempête Xynthia de 2010
qui a ennoyé tous les bassins. D’importants travaux de restauration de digue marine et de
certains talus ont été nécessaires et ont eu un impact important sur la végétation. L’intérêt
Figure 13 - Répartition des secteurs de prospection et des MAEt signées en 2012 sur les marais salants de Guérande
En vert : Les Prés, en Bleu : Les Marais du Roi, en Rouge : Beau Soleil-Les Donnes.
est ici d’évaluer l’évolution de la végétation, et en particulier de la Soude vraie, sur les talus
mis à nu en 2010.
1.2. Identification des territoires de chant
Au fur et à mesure des prospections sur le terrain, toutes les observations ont été
regroupées informatiquement sous une couche vectorielle faisant office de carte de
synthèse grâce au logiciel SIG GeoConcept®. Au terme de ces prospections, la superposition
des observations a permis de faire ressortir visuellement des regroupements de points
correspondant à des comportements territoriaux (mâles chanteurs ou cris d’alarme)
traduisant le cantonnement d’un mâle chanteur apparié ou non avec une femelle. La fidélité
des mâles aux postes de chant (Allano et al., 1994) renforce la pertinence de cette méthode.
1.2.1. Quelle probabilité donner au cantonnement d’un mâle
chanteur ?
A leur arrivée sur le site de reproduction, un certain nombre de mâles chanteurs
peuvent être considérés comme « de passage ». L’observation d’un mâle chanteur en début
de saison de reproduction ne signifie pas forcément qu’il va se cantonner à cet endroit pour
le reste de la saison. Ainsi, Raitière (2003), dans une étude similaire dans les marais salants
de Noirmoutier propose de ne commencer les inventaires qu’à partir du mois d’Avril.
Ce phénomène peut en partie s’expliquer lorsque la densité en mâles chanteurs est
trop importante. C’est ce que décrit Bonnet (1984) dans les marais salants de Guérande où
il observe un certain nombre de « mâles en surplus » qui disparaissent aux alentours de la
mi-Avril.
Par ailleurs, plusieurs cas de figure peuvent rendre le cantonnement d’un mâle
chanteur douteux :
- Deux observations de mâles chanteurs à proximité l’un de l’autre mais de façon non
simultanée.
- Un mâle chanteur entendu une première fois début Avril mais jamais recontacté ensuite.
C’est pourquoi trois niveaux de probabilité de cantonnement d’un mâle chanteur ont
été établis :
+ Probabilité forte
- Mâle chanteur ou cri d’alarme contacté au moins 1 fois après le 20 Avril
+ Probabilité moyenne
- Mâle chanteur contacté au moins 2 fois entre le 1er
et le 20 Avril
- Mâle chanteur ou cri d’alarme contacté après le 20 Avril à proximité d’un autre
cantonnement de probabilité forte mais de manière non simultanée
+ Probabilité faible
- Mâle chanteur contacté une seule fois avant le 20 Avril
1.2.2. Quelles limites donner aux territoires ?
Les limites des territoires ont logiquement été dessinées à partir des comportements
territoriaux attribués à un même mâle chanteur ou à un même couple (chants et cris
d’alarme). Cependant, mis à part les comportements territoriaux des individus, le territoire
se définit également par les bénéfices qu’il apporte à son propriétaire (Maher et Lott, 1995)
comme le couvert, des sites de nidification potentiels et l’accès à la nourriture.
Comme nous l’avons vu précédemment (cf. PARTIE 1 - Paragraphe 5.1.), une des zones
d’alimentation de la Gorgebleue dans les marais salants est constituée de plages de vase nue
situées au bord des bassins et étiers. Or, les observations de chants et de de cris d’alarme
sont situées sur les talus (postes). C’est pourquoi il est apparu intéressant d’inclure dans les
territoires une « zone tampon » autour des postes de chant et d’alarme afin de prendre en
compte les activités autres que la défense territoriale, comme la recherche de nourriture.
Etant donnée la largeur des talus dépassant rarement la vingtaine de mètres, une
« zone tampon » de 10 mètres autour des polygones a été intégrée aux limites des
territoires (cf. Figure 14 ci-dessous) afin d’y inclure les bordures de bassins les plus proches
des postes de chant et d’alarme répertoriés. Ce choix est d’autant plus renforcé pour les
territoires représentés par seulement un ou deux postes de chant.
Figure 14 - Exemple de délimitation de territoires de Gorgebleue à miroir
2. Caractérisation et comparaison des sites utilisés par
l’espèce
La sélection de l’habitat de la Gorgebleue à miroir dans les marais salants de
Guérande a fait l’objet de plusieurs études depuis une trentaine d’années (Daval 1980 ;
Bonnet, 1984 ; Allano et al., 1994 ; Geslin et al., 2002 ; Dominik, 2011).
L’objectif ici est davantage de comparer l’influence des modes de gestion (saliculture,
aquaculture, pâturage, abandon) sur la population de gorgebleues au sein de structures
d’habitats diversifiées (bassins salicoles, claires et prés salés).
Dans ce sens, trois données environnementales ont été étudiées, toutes liées à
l’exigence de l’espèce en termes d’habitat mais aussi liées à la gestion anthropique des
marais salants :
- Les postes de chant et d’alarme utilisés
- L’occupation du sol au sein des territoires
- La densité du réseau de talus
Cette caractérisation a été réalisée sur l’ensemble des secteurs suivis lors de
l’évaluation des effectifs (cf. PARTIE 2 - Paragraphe 1.1.3.).
2.1. Nature des postes de chant et d’alarme utilisés
Elément structurant du territoire défendu par le mâle (Constant et Eybert, 1994), le
poste de chant est déterminant dans la sélection de l’habitat de la Gorgebleue à miroir
(Bonnet, 1984).
La nature du poste a été identifiée pour chaque poste de chant ou d’alarme observé
lors du dénombrement des territoires. Cela concerne sept types de postes de chants :
- Soude vraie (Suaeda vera)
- Prunellier (Prunus spinosa)
- Baccharis (Baccharis halimifolia)
- Chêne vert (Quercus ilex)
- Eglantier (Rosa canina) ou Ronce (Rubus fruticosus)
- Moutarde (Brassica sp.)
- Autres (ombellifères, graminées, éléments anthropiques)
2.2. Occupation du sol au sein des territoires
Comme nous l’avons vu précédemment (cf PARTIE 1 – Paragraphe 5.1.), une des
caractéristiques de l’habitat de la Gorgebleue à miroir est l’association de structures
verticales et horizontales. Dans les marais salants, cette association est représentée par le
réseau de talus. Cependant, la végétation présente sur ces talus accentue encore davantage
cette caractéristique.
Cela explique que la typologie utilisée pour cartographier l’occupation du sol s’est
basée en priorité sur la structure de la végétation mais également sur les habitats d’intérêt
communautaire présents en marais salants de Guérande et du Mès (cf Figure 15 ci-dessous).
La présence de l’espèce invasive Baccharis halimifolia, dont la répartition est suivie par
CAP Atlantique et notamment contrôlée par la profession paludière, a aussi été identifiée.
Cette cartographie de terrain a été réalisée sur papier avec comme fond de carte une
image satellite de 2009 (BD ORTHO®IGN) au 1/3000.
Habitat d'intérêt
communautairePrincipales espèces végétales indicatrices
Réseau hydraulique interne Oui
Bassins en eau salée Oui
Gazons à salicornes Oui Espèces du genre Salicornia
Prés salés du schorre Oui
Obione (Halimonione portulacoides ), Aster
maritime (Aster tripolium ), Puccinellie maritime
(Puccinellia maritima )
Strate herbacée En partie
Chiendent du littoral (Elymus pycnanthus ),
autres graminées (Poaceae ), ombellifères
(Apiaceae )
Strate buissonnante OuiSoude vraie (Suaeda vera ), Salicorne
frutescente (Sarcocornia fruticosa )
Strate arbustive à Baccharis Non Baccharis (Baccharis halimifolia )
Strate arbustive autre NonPrunellier (Prunus spinosa ), Ronce (Rubus
fruticosus ), Chêne vert < 3-4m (Quercus ilex )
Strate arborée Non Chêne pédonculé (Quercus robur )
Roselières Non Roseau commun (Phragmites australis )
Sol nu Non
Anthropisation Non Figure 15 - Typologie des éléments paysagers identifiés lors de la cartographie de l'occupation du sol
2.3. Densité du réseau de talus
L’hétérogénéité spatiale, issue de l’agencement entre talus et bassins, est considérée
comme un facteur déterminant dans la sélection de l’habitat de la Gorgebleue à miroir dans
les marais salants de Guérande. Ainsi, la proximité, la sinuosité et les intersections des talus
contribuent à augmenter le nombre de sites potentiels de nidification et de zones
d’alimentation (Geslin, 2002). Dans la même idée, Bonnet (1984) évoque le fait qu’il existe
« une corrélation étroite entre la richesse quantitative des oiseaux et la densité des levées ».
La densité du réseau de talus a donc été calculée sur l’ensemble des secteurs étudiés
grâce au logiciel GeoConcept®. Cette densité correspond plus précisément à la longueur de
talus par rapport à la surface et est exprimée en mètres par hectare (m/ha).
2.4. Identification d’unités paysagères de gestion
L’identification d’unités paysagères homogènes, tant au niveau de leur structure
spatiale que de leur gestion passée et actuelle, a été entreprise dans plusieurs objectifs :
- Mettre en avant l’influence des différents types d’activité et de gestion sur la population
de gorgebleues
- Mettre en avant l’influence des structures spatiales sur la population de gorgebleues
- Identifier des entités regroupant des enjeux et des problématiques similaires en termes
d’habitat pour la Gorgebleue à miroir mais également en termes de gestion pour les
différents acteurs présents en marais salants.
2.4.1. Caractéristiques prises en compte
L’identification de ces unités paysagères a été réalisée à l’échelle des secteurs décrits
ci-avant (cf. Paragraphe 1.1.3 ci-avant) mais se veut représentatif des différents habitats de
la Gorgebleue et des types de gestion présents sur l’ensemble des marais salants de la
Presqu’ile de Guérande. Les caractéristiques prises en compte dans la création de la
typologie sont :
- Les activités professionnelles aujourd’hui exercées
- Les activités professionnelles passées
- La végétation dominante des talus
2.4.2. Typologie
La proposition de typologie qui en découle différencie 7 unités paysagères (cf. Figure
16 ci-après) :
- Salines exploitées de Guérande
- Salines exploitées du Mès
- Salines abandonnées
- Claires avec talus entretenus (aquaculture, pâturage ou contrats Natura 2000)
- Claires avec talus en friche
- Prés salés pâturés (anciennes salines)
- Prés salés non pâturés (anciennes salines ou claires)
A noter que toutes les zones de claires et de prés salés sont ici représentées sur le
bassin du Mès (cf. Figure 18 ci-après).
Entité paysagèreActivités
professionnellesBassins Végétation dominante sur les talus
Surface concernée au
sein des secteurs
étudiées (ha)
Salines exploitées de
GuérandeSaliculture
Mosaïque de salines en activité, de
cobiers, de vasières et de parties de
salines non exploitées
Strate herbacée dominante - Fourrés halophiles sur
les flancs des vasières, cobiers et en bord d'étiers261 (Guérande)
Salines exploitées du Mès SalicultureMosaïque de salines en activité, de salines
en friche, de cobiers et vasières
Strate herbacée dominante - Fourrés halophiles en
bord d'étiers mais de manière spodarique autour des
bassins - Prunus spinosa présent ponctuellement
183 (Mès)
Salines abandonnées Aucune
Mosaïque de bassins gérés en eau, de
bassins à sec et de bassins soumis à la
marée
Dominance plus ou moins accentuée de la végétation
arbustive représentée principalement par Prunus
spinosa et Baccharis halimifolia
123 (Guérande et
Mès)
Claires avec talus
entretenus
Aquaculture ou
élevage ovin
Claires gérées en eau utilisées ou non par
l'aquaculture
Strate herbacée dominante - Fourrés halophiles en
bord d'étiers33 (Mès)
Claires avec talus en friche Aucune Claires abandonnées gérées ou non en eau
Dominance plus ou moins accentuée de la végétation
arbustive représentée principalement par Prunus
spinosa et Baccharis halimifolia
33 (Mès)
Prés salés pâturés Elevage ovin
Anciennes salines ou claires colonisées par
une végétation de type schorre pâturée en
dehors des périodes d'innondation
Strate herbacée dominante - Fourrés halophiles sur
les flancs non accessibles aux animaux - Présence de
strate arbustive sur les sommets de talus
25 (Mès)
Prés salés non pâturés AucuneAnciennes salines ou claires colonisées par
une végétation de type schorre
Strate herbacée dominante - Fourrés halophiles sur
les flancs - Présence de strate arbustive sur les
sommets de talus
37 (Mès)
Figure 16 - Description des unités paysagères de gestion
Figure 17 - Répartition des unités paysagères de gestion sur les marais salants de Guérande
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