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Rapport synthèse du projet-pilote
INSPQ - Montréal
(nsfifut national de sanîé publique du Québec 4835, avenue Christophe-Colomb, bureau 200
Montréal (Québec) H2J3G8 Tél.: (514) 597-0606
Rapport synthèse du projet-pilote
INSPO - Montréal
3 5567 00000 6343
LA PARENTELE:
J RAPPORT SYNTHÈSE DU PROJET-PILOTE
SUBVENTIONNE PAR SANTE ET BIEN-ÊTRE SOCIAL CANADA
Septembre 1992
Dépôt légal: Bibliothèque Nationale du Québec
3̂^ trimestre 1992
ISBN 2-921322-18-8
Les établissements du Groupe Promoteur de La Parentèle:
Bureau des Services Sociaux de I^val
CLSC du Marigot
CLSC Norman Bethune
DSC Cité de la Santé de Lava!
Crédits et remerciements
Cette synthèse a été réalisée par madame Isabelle Gusse en collaboration avec madame France Filiatrault et monsieur Alain Carrier. Madame Ginette Beaudry a rédigé certains passages mentionnés dans le texte.
Cette synthèse est faite à partir des quatre cahiers qui composent le rapport de La Parentèle et dont tous les tableaux sont tirés. Ces cahiers, listés en introduction, sont le fruit du travail de l'agcnte de recherche responsable de l'évaluation, madame Carmen Schaefer, de la coordonnatrice du projet, madame Marianne Tonnelier et de la consultante sur l'aspect concertation, madame Mireille Viau.
Les membres du Groupe Promoteur ont participé à l'analyse et commenté Penscmble des cahiers. Nous voulons remercier les personnes qui ont apporté leurs précieux commentaires à l'un ou l'autre de ces cahiers ou à la synthèse: madame Brigitte Côté, chercheure au DSC Cité de la Santé, Marie-Patricia Gagné, chercheure à rofficc des services de garde à l'enfance, Francinc Faubert, intervenante à La Parentèle, Johanne I^verdure et Sylvaine Raymond, agentes de planification et programmation au DSC Cité de la Santé.
La mise en page et l'illustration ont été réalisées par Madame Hélène Gagnon, et les photographies sont de Monsieur Michel Boisseau.
Merci aux nombreuses personnes qui ont contribué à former La Parentèle et à rendre possible la diffusion de cette expérience. Merci à Monsieur Léo Forest, expert-conseil à la Division des subventions nationales au bien-être social. Le projet a été possible grâce à une subvention de celte division de Santé et Bien-être Social Canada.
Le Groupe Promoteur:
Ginette Beaudry, BSS Laval Alain Carrier, CLSC du Marigot Francine Leroux, CLSC Norman Bethune France Filiatrault, DSC Cité de la Santé de Laval
Préface
La direction des Subventions nationales au bien-être social (SNBES) se distingue en étant le seul programme de financement fédéral qui, sous une même égide, appuie la recherche, les projets-pilotes, le développement des ressources humaines et subventionne les organismes bénévoles. Le mandat original de la direction était de répondre à la pénurie grave et chronique de personnel formé en travail social ainsi qu'au manque de recherches et de programmes novateurs en matière de prestation des services sociaux. Depuis son début, le programme SNBES a financé des projets-pilotes et des recherches visant à améliorer les services sociaux, en plus d'appuyer la mise sur pied d'écoles canadiennes de service social. Il a fourni des fonds pour la création d'organismes professionnels et bénévoles nationaux.
Le b e s o i n d e c h a n g e r
Depuis quelques années, le réseau du bien-être social subit des pressions croissantes relatives à certains changements démographiques et sociaux, les habitudes sur le plan de l'embauche, les contraintes fiscales et les exigences d 'une population qui réclame une participation plus active dans la mise en oeuvre des services.
Ces modifications du milieu ont amené de nombreux organismes de bien-être social à réévaluer leurs principes, leurs buts, leurs priorités et leurs ressources en vue d'utiliser les méthodes les plus efficaces.
C o m m e n t n o u s c h a n g e o n s
Afin de pouvoir faire face à ces changements de façon concertée, SNBES donne une nouvelle orientation à son travail pour Taxer sur le développement social. (Veuillez noter que ces changements ne toucheront pas les contributions en cours, les bourses d 'étude de doctorat ou les subventions de soutien). Cette perspective repose sur les trois principes suivants:
L'investissement social- soit la croyance dans la valeur du bien-être social, économique et d'un environnement social sain pour tous.
La participation sociale- des Canadiens à la détermination des besoins sociatix et des solutions.
Le renforcement du réseau de bien-être social- afin qu'il contribue au bien-être social et économique de la population canadienne.
Cette nouvelle perspective repose sur le potentiel des individus et des communautés. Elle s'appuie sur les secteurs bénévole, professionnel, universitaire et institutionnel du réseau du bien-être social, et travaille de concert avec eux pour la planification et la mise au point de solutions et de programmes de prévention.
Au lieu d'appuyer une grande variété de différentes questions, SNBES s'occupera dorénavant de priorités bien précises en bien-être social. Cette nouvelle approche, adoptée suite à une consultation auprès de plusieurs intervenants, permettra d'établir un lien entre la recherche et le développement et d'accumuler des connaissances et des ressources dans les secteurs jugés prioritaires.
Nos ob jec t i f s
Les objectifs de la direction des Subvention nationales au bien-être social sont de:
- mieux appuyer les programmes sociaux et la politique sociale en augmentant le fond de connaissances touchant les principales questions de bien-être social;
^ envisager de nouvelles perspectives dans le domaine du bien-être social et économique;
- • améliorer les liens entre les divers éléments du domaine du bien-être social;
^ améliorer la diffusion de l'information.
C'est dans le cadre de ces objectifs que SNBES a subventionné le projet La Parentèle. Il espère ainsi contribuer à la diffusion de projets promot ionnels et préventifs d ' in tervent ion psychosoc ia l e et c o m m u n a u t a i r e e t à l'amélioration du bien-être des enfants et des familles
SNBES
La Division des subventions nationales au bien-être social de Santé et Bien-être social Canada est fière d'avoir fourni son appui financier et ses conseils pour la réalisation de ce projet. Les vues exprimées dans la présente publication ne reflètent pas nécessairement celles de Santé et Bien-être social Canada.
11
Liste des tableaux
Tableau 1 Les dimensions de la négligence, définitions, manifestations et impacts 5
Tableau 2 Familles avec enfants selon la structure familiale, le nombre d'enfants et le secteur 21
Tableau 3 Problèmes évoqués par les familles et problèmes perçus par les intervenantes 23
Tableau 4 Approche développée par les intervenantes auprès des familles participants exclusivement aux activités collectives 25
Tableau 5 Caractéristiques socio- démographiques des 15 familles suivies individuellement et retenues pour les fins de l'étude de cas selon les catégories définies par les intervenantes 26
Tableau 6.a Illustration de l'intervention auprès des familles aux prises avec des problèmes conjoncturels .. 27
Tableau 6.b Approche d'intervention auprès des familles aux prises avec des problèmes conjoncturels 28
Tableau 7.a Illustration de l'intervention auprès des familles aux prises avec la violence conjugale 29
Tableau 7.b Approche d'intervention auprès des familles aux prises avec la violence conjugale 30
Tableau 8.a Illustration de l'intervention auprès des familles immigrantes 31
Tableau 8.b Approche d'intervention auprès des familles immigrantes 32
Tableau 9.a Illustration de l'intervention auprès des jeunes femmes monoparentales .....33
Tableau 9.b Approche d'intervention auprès des jeunes femmes monoparentales 34
Tableau 10 Approche globale d'intervention destinée aux familles suivies individuellement 35
m
SOMMAIRE
CRÉDITS ET REMERCIEMENTS i
PRÉFACE ïi
LISTE DES TABLEAUX..... iii
INTRODUCTION 1
PARTIE 1
LA PARENTÈLE:
CADRE THÉORIQUE, OBJECTIFS ET PROTOCOLE D'ÉVALUATION
A. La problématique de la négligence 5
B. Pour une approche écologique de la négligence 6
C. Les objectifs du projet 6
D. Evaluation du projet-pilote: les moyens F>our décrire et comprendre 7
PARTIE 2
LA PARENTÈLE:
CHRONIQUE D'UN PROJET ET RÉFLEXION SUR UNE CONCERTATION
A. Chronique de vie d e La Parentè le de 1985 à 1991 • 11
1.1985, l 'année de la genèse de La Parentèle 11
2.Été 1987: opérationalisation de La Parentèle n
3.1988-1989: d'un creux de vague à un bon rythme de croisière, les ajustements 12
4.1989-1991: La Parentèle sur les chemins de l 'autonomie 13
B. Chronique d'une concertation ._ 15
1.L'élaboration du projet ,. 15
2.Les relations entre le Groupe Promoteur et La Parentèle 16
3.Les difficultés de parcours et les moments<lés de la concertation 16
4.L'engagement des établissements: modalités et application I7
5.L'impact du processus de concertation u
PARTIE 3
LA PARENTÈLE:
ILLUSTRATION DES QUARTIERS, DES FAMILLES ET DE L'APPROCHE D'INTERVENTION
A. Quelques données descriptives de la popula t ion visée et de la population rejointe ... 21
B. Illustration des si tuations présentées par la cl ientèle re jointe pa r La Parentèle 23
1. Les situations vécues et les interventions effectuées auprès des familles
participant aux activités collectives 24
2. Les familles suivies individuellement 25
Les situations vécues et les interventions effectuées auprès des familles:
-aux prises avec des problèmes conjoncturels 27 .aux prises avec la violence conjugale 29 -immigrantes - -.monoparentales -a
•Approche globale d'intervention pour les familles suivies individuellement 34
PARTIE 4
ÉVALUATION QUAUTATIVE DE LA PARENTÈLE:
A. Évaluation du fonct ionnement in terne de l 'équipe 39
l.Appréciation globale .... • • • • 39
2.Le climat dans l'équipe et la gestion des confiiis. 39
3.Rapporis entre U Parentèle et le Groupe Promoteur.... 39
4.Conditions de travail •' • • • - 4 0
5.1^ formation .... • • 40
6. Appréciation de l'approche par secteur
7. Si c'était à refaire..... • • • • • • • 4 1
B. La Parentèle, les établ issements publics et les organismes communau ta i r e s 41
1. I^ perception du mandai de U Parentèle
2. Aticnies face aux services de U Parentèle . • 42
3.Collaborations: clcmeni.s facilitants et obstacles à la collaboration ZIl 42
4.Différences entre les intervenantes de La Parentèle et les intervenants du réseau 43
5.La visibilité de La Parentèle •• . . . .43
6.Appréciation de l 'approche par secteur 44
C. Evaluation des moyens développés par La Parentèle '^'^
l.Appréciation générale des mères • '^'^
2.Appréciation des visites à domicile • •• '^'i
3.Activités collectives 44
4.La halte-parents-enfants 44
5 Appréciation de la relation clientes/intervenantes 45
D. Les effets de La Parentèle sur les individus, les familles et les établissements publics
et conununautaires 45
PARTIES
DISCUSSION ET CONCLUSION
A. Méthodologie 49
B. Expérience de travaO.... 50
C. Les relations avec le réseau institutionnel 51
D. L'approche, la clientèle, le quartier 53
l .Une intervention assurément préventive 53
2.L'importance d'une implantation progressive..... 54
3. Modifier la composition objective de l'environnement 54
En guise de conclusion 55
BIBLIOGRAPHIE 57
INTRODUCTION
Le présent document constitue la synthèse d 'un projet-pilote conduit de septembre 1987 à septembre 1990 dans deux quartiers défavorisés de Laval, dans le but de prévenir la négligence à l'endroit des jeunes enfants.
Tout en reconnaissant l'importance des caractéristiques individuelles, la littérature consultée lors de la conception du projet met en évidence deux facteurs sociaux qui sont constamment reliés à la négligence: la pauvreté économique et l'isolement social. Concernés par l'aspect évolutif et dynamique du tissu social, nous nous sommes identifiés à la perspective écologique. Ce modèle rend compte de la négligence comme d'un phénomène lié à la dynamique d'une société.
La difficulté de créer un contact avec ces familles plus vulnérables, leurbesoin d'être soutenues, voire prises en charge avant qu'elles puissent s'engager dans une relation d'entraide, et enfin le besoin d'agir sur leur environnement de vie... nous ont porté à développer une approche individuelle s'élargissant vers une approche plus collective, au fur et à mesure de l'implantation du projet. Ceci sans jamais se départir du soutien individuel quand il était nécessaire. Le besoin pressenti d'établir une relation de confiance basée sur un partage d'expérience, d'offrir un soutien instrumental mais aussi affectif, de faire preuve d 'une grande souplesse dans l'intervention, et de démontrer une volonté de favoriser l 'émergence de groupes d'entraide, orientaient le choix des ressources humaines sur des critères d'expérience de vie plutôt que sur une formation académique. Des intervenantes «non-professionnelles» composaient donc l'équipe de La Parentèle.
Quatre établissements sont à l'origine de la conception et de l'implantation de ce projet: le Bureau des services sociaux de Laval, les CLSC Norman Bethune et du Marigot, et le D.S.C. Cité de la Santé de Laval. Nous en avons suivi l'évolution, nous impliquant selon nos expertises et nos
fonctions réciproques. Le projet s'est réalisé, s'ajustant à la réalité quotidienne des familles et des réseaux institutionnels et communautaires qui composent les ressources du milieu.
Au cours de la dernière année du projet-pilote subventionné par Santé et Bien-être Social Canada, La Parentèle est devenu un organisme sans but lucratif qui offre toujours des services de halte-garderie et de dépannage alimentaire, des activités et des fêtes familiales. Depuis ia fin du projet, en septembre 1990, l 'équipe de La Parentèle consacre encore une part importante de son temps à l'intervention auprès des individus, en les soutenant émotivement dans leur vie quotidienne et dans la relation avec leurs enfants. Diverses sources de financement lui ont
permis de survivre (programmes de développement de l'emploi, ententes de services avec des établissements, subventions privées ou gouvernementales, Centraide).
Dans le contexte d'un projet-pilote, l'évaluation a voulu rendre compte du processus d'implantation, de l'évolution des activités e tde son effet sur la population rejointe ainsi que sur la communauté. Les métho
des utilisées sont surtout qualitatives et visent la compréhension par une description détaillée plutôt que la vérification empirique d'hypothèses. Il est utile de rappeler qu'il s'agit d 'un projet d'intervention et non pas d'un projet de recherche.
Nous souhaitons que le lecteur, par cette vision d'ensemble, augmente sa compréhension de la problématique de la négligence à l'endroit des enfants, qu'il perçoive de façon plus concrète les difficultés et les besoins pressentis par les parents et les communautés; qu'il saisisse la nécessité d 'une approche communautaire et ia capacité de répondreàccsbesoins par une action concertée; qu'il comprenne l 'apport d 'une intervention telle que développée par ce projet-pilote
et les conditions de réalisation de projets semblables.
Le lecteur qui désire approfondir certains aspects de l'expérience pourra se référer aux cahiers suivants:
Cahier 1:
La Parentèle: cadre théorique, objectifs et protocole d'évaluation
Cahier 2:
La Parentèle: chronique d'un projet et réflexion sur une concertation
Cahier 3 :
La Parentèle: illustration des quartiers, des familles et de l'approche d'intervention
Cahier 4:
Évaluation qualitative de La Parentèle: la vision de l'équipe, des intervenants du réseau institutionnel et communautaire et la vision des familles participantes
Le Groupe Promoteur de La Parentèle
PARTIE 1
LA PARENTELE: CADRE THÉORIQUE, OBJECTIFS ET
PROTOCOLE D'ÉVALUATION
A . La problématique de la négligence
*La négligence est la situation dans laquelle le parent ou le responsable de l'enfant, délibérément ou par inattention extrême, permet que l'enfant souffre d 'une condition présente à laquelle il pourrait être soustrait et/ou il ne lui procure pas les éléments jugés essentiels pour le développement des capacités physiques, intellectuelles et émotives de l'individu». (Polansky
NA. (1980) traduitparBeaulieu (1980), cité dans Mayer-Rcnaud, 1985, p.32).
Depuis ses débuts en 1987, La Parentèle s'appuie sur celte définition du concept de négligence; une définition qui élargit la responsabilité de la négligence à d'autres acteurs sociaux que les parents (institutions, familles d'accueil, etc.). La notion de responsabilité prend ici toute une dimension sociale, il existe plusieurs types de négligence comme en témoigne le tableau suivant.
Tableau 1 Les dimensions de la négl igence, définit ions, manifestat ions et impacts
Dimensions
Négligence alimentaire
Négligence vesUmentaire
Négligence dans l'hygiène
Négligence médicale
Négligence dans l'abri
Négligence éducative
Négligence affective
Définitions
Privation de nourriture (quantité ou qualité insuffisante)
Habillement inadéquat pour la saison ou la taille de l'enfant.
Déficience de l'hygiène corporelle.
Omission des soins préventifs et cura tifs.
Absence de lieu stable d'habitation ou d'hébergement dans un logement insalubre et dangereux.
Enfants sous-«timuIés ne recevant pas les apprentissages de base ni les encadrements.
Absence d'attention aux besoins affectifs.
Manifestations
Quantité insuffisante de nourriture compie-ienu de l'âge et des besoins de l'enfant. Absence ou insuffisance de plusieurs catégories d'altmenls dont rapport est essentiel à la croissance. Irrégularité des repas.
Protection insuffisante contre les intempéries. Absence de protection contre le soleil. Vêlements trop petits, très grands ou mal entretenus.
Malpropreté du corps et des vétemenis. Mauvaise odeurs. Parasites.
Absence de vaccination, de visites de contrôle, de consultation en cas de maladies. Non application des soins prescrits.
Logement mal entretenu, malpropre, non-chauffé, non-isolé, mal éclairé. Risque de feu et d'accidents divers. Accessibilité à des substances toxiques. Absence de meubles de base. Fréquents déménagements.
Enfants à qui on ne parle pas. Enfants qu'on ne touche pas. Absence de jeux. Négligence à lui apprendre la propreté, comment manger, etc. Inconsistance dans les exigences.
jUîsence de contacts physiques. Absence de démonstrations affectives. Absence d'appréciation ei de valorisation.
Impacts
Retards de croissance, carences en protéines, en vitamines ou autre. Problèmes d'attention et de concentration nuisant aux apprentissages scolaires. Déficience du système immunitaire.
Maladies et insolations. Apparence qui suscite l'isolement et le rejet. Baisse de l'estime de soi.
Infections de la peau. Poux. Caries dentaires. Ostracisme social.
Problèmes de santé. Multiplication d'accidents. Empoisonnements. Déficits sensoriels (ouïe, vision). Problèmes de socialisation.
Problèmes de santé. Détérioration de l'état de santé. Handicap. Décès.
Retards intellectuels. Retards d'apprentissage. Retards de langage. Problèmes de socialisation. Manque de confiance en soi et insécurité.
Retards de croissance. Retards d'apprentissage. Troubles du comportement. Image de soi négative.
Selon Mayer-Renaud, deux types de facteurs favorisent la négligence. Les facteurs individuels affectant la mère ou l'enfant sont liés soit à l'ignorance des mères face aux soins de base à donner à leurs enfants, soit aux problèmes psychologiques des mères ou aux caractéristiques de leurs enfants (handicapés, prématurés). Quant aux facteurs sociaux, ils relèvent principalement de la relation entre la pauvreté et l'isolement social, phénomènes qui favorisent le développement de la négligence envers les enfants.
O . Pour une approche écologique de la négligence (*)
S'il est de première importance d'analyser les rapports parent-s/enfant-s sous l'angle de leur relation propre, il est tout aussi important de considérer le contexte, l'environnement social et physique dans lequel cette relation évolue. L'approche écologique, à laquelle s'identifie le projet, situe l'enfant au centre d'un ensemble de structures superposées qui affectent sa vie. Chacune de ces structures implique des éléments qui constituent autant de facteurs de risque ou de soutien à son développement.
A un p r e m i e r n iveau, celui du microsysième, se trouve la famille elle-même, sa structure, sa composition, son insertion dans le réseau de parenté et les relations qui s'y vivent. L'Lsolemeni de la cellule familiale, la séparation du couple, la violence conjugale et la monoparentalité constituent des facteurs de risque alors que l'harmonie familiale, le couple et l'implication supportante de la famille étendue sont des facteurs de protection.
Au second niveau, dit mésosystcme, se trt>uve le réseau de voisinage et les services locaux: garderie, terrain de jeux, centre communautaire, école de quartier, etc. L'isolement, l'anonymat, la mobilité des résidents et l'absence d'équipements collectifs (loisirs, parcs, garderies, maternelles, écoles de quartier, moyens de transport) réduisent le pouvoir intégrateur du milieu, alors qu'un voisinage chaleureux cl soutenant, ap-
' Cette section est tirée de Ikïaudry, (1990).
puyé par des ressources de quartier, offre aux parents un lieu d'échange et d'entraide.
Le troisième niveau, l'exosystème, désigne les structures qui encadrent la famille: les conditions de travail, le système scolaire; et les diverses politiques qui ont un impact sur les conditions de vie comme l'urbanisme, les loisirs, l'aide sociale et les lois, dont celle sur la protection de la jeunesse. Par ailleurs, l'étude de l'exosystème attire l'attention sur l'impact des conditions de travail et du non-emploi, sur l'impact des politiques de zonage qui favorisent l'agglomération des familles défavorisées dans des ghettos et enfin sur les effets des cond i t ions environnementales. Le bruit, le sol contaminé,rair pollué ne sont que quelques exemples.
Au plan de la société globale, le macrosystème, nous retrouvons les valeurs qui sous-tendent l'organisation de la vie collective dont certaines dévalorisent l'enfant, la parentalité, et vont à rencontre du développement et de l'entraide. Ces valeurs sont : l'individualisme et la primauté du privé dans un contexte d'anomie, la surcsîx>nsabilisation de la mère et la diminution du rôle du père, l'isolement de la famille dans un contexte où l'enfant, dont l 'apport est de l'ordre de l'être plutôt que de l'avoir, est perçu comme un obstacle à l'acquisition de biens de consommation ou à des satisfactions immédiates, enfin, notons la présentation, par les médias, de la violence comme mode privilégié de solution de conflits.
C Les objectifs du projet
Les objectifs formulés au début du projet visent deux axes:
1. Favoriser le développement optimal des dyades parcni-s-/enfant-s.
2. Favoriser l'implication des familles dans leur milieu.
Des sous-objectifs plus spécifiques accompagnent ces axes. Les premiers supposent le
développementde mesures individuelles de support aux parents:
1. Renforcer le sen t iment de compétence parentale et amener les parents à utiliser leur plein potentiel.
2 . Outiller les parents pour qu'ils affrontent mieux les situations difficiles.
3 . Fournir aux parents une ressource crédible avec laquelle ils pourront développer une relation significative.
4 . Briser l'isolement des familles des deux secteurs choisis et identifiés à risque de négligence.
5. Sensibiliser les parents aux ressources d'aide de type formel, semi-formel et non-formel disponibles dans leur quartier et aux alentours.
6. Permettre à l'enfant d'établir des relations avec d'autres figures que parentales.
Les seconds sous-objectifs tendent à développer des mesures collectives dans le milieu, mesures permettant de créer et de maintenir des liens entre les membres de la communauté:
1. Organiser des activités collectives autour des préoccupations communes des familles rejointes.
2. Stimuler la reconnaiSvSance des besoins collectifs et des moyens pour les satisfaire.
3 . Stimuler l'auto-organisation et la prise en charge de ces besoins par les groupes de parents.
4 . Assurer la permanence et l 'autonomie des groupes de parents afin qu'ils deviennent un facteur de support pour le milieu.
T). Évaluation du projet pilote: Les moyens pour décrire et comprendre, approche et méthodologie
I^ démarche évaluative retenue est globale et inductive au sens où elle vise la compréhension d'un phénomène de par sa description détaillée. Comme il s'agissait d'abord d 'un projet d'intervention, il était important de tenir compte du fait que celui-ci devait cire réalisé par des "non-professionnelles", dans un cadre souple et mobile. Il ne s'agissait donc pas ici de déployer une batterie "sophistiquée" de tests à passer à l'enfanl ou aux parents lors de leur contact avec rinlcrvenante-terrain.
Un premier devis prévoyait une évaluation des effets par le biais d 'une étude en séries de la clientèle rejointe. Malgré un taux de réponse élevé à une première administration de questionnaires, la faible quantité d'effectifs et la perte de sujets, due à la mobilité de la clientèle, nous ont obligé à abandonner cette approche.
Le protocole retenu s'intéresse à trois dimensions du projet-pilote, soit:
. la description des familles visées et atteintes, leur environnement;
. la structure du projet (ressources requises et mobilisées, support et formation);
. le processus (services et activités réalisées, a p p r o c h e d ' i n t e r v e n t i o n , ac t ion c o m m u nautaire...).
En ce qui a trait à l'évaluation du processus, elle porte sur plusieurs dimensions du projet dont certaines concernent sa structure et les effets ressentis par la clientèle, l 'équipe de La Parentèle et d'autres intervenants. Ces dimensions sont les suivantes:
1. Appréciation des membres de l 'équipe de La Parentèle face à la formation dispensée, au support apporté, et face à leurs tâches et fonctions.
2. Appréciation des services par les familles et effets ressentis.
3-Appréciation des intervenants du réseau institutionnel concernés par la problématique de la négligence et des intervenants du réseau communautaire et élude sur la collaboration entre La Parentèle et ces derniers.
4. La concertation inter-établissement est mise en lumière par des entrevues auprès des membres du Groupe Promoteur permettant de dégager les mécanismes de concertation mis en oeuvre pour gérer le projet-piloie.
5. La chronique dévie de La Parentèle permet de cerner les écarts observés entre les activités prévues et réalisées, en mettant en évidence les obsucles et les éléments facilitants.
6. La description de la démarche d'intervention des interv^enanies- terrain sur le plan des interventions individuelles et collectives.
La méthodologie pour atteindre ces objectifs est presque essentiellement qualitative et s'est articulée autour de trois types de cueillettes de données:
intervenants d'établissements et d'organismes ont été utilisés de même que l'étude des fiches de renseignements généraux et des fiches de suivi. Ces deux derniers outils ont permis une description des caractéristiques de la clientèle rejointe (aspects socio-démographiques, besoins identifiés par les mères, besoins perçus par les intervenantes).
Une illustration des situations familiales les plus signifiantes a été faite à partir de rencontres individuelles et d 'une rencontre de groupée des intervenantes tout en se référant aux fiches mentionnées plus haut. Dix-neuf familles ont ainsi été sélectionnées, sur la base d'un échantillon de type intentionnel, non seulement pour illustrer les situations familiales de la clientèle de La Parentèle mais également pour dégager l'intervention qui s'est développée en fonction de ces situations.
^ des entrevues semi-ouvertes;
-^ l'observation directe de la chercheure;
^ l'analyse documentaire de diverses banques de données.
Des entrevues semi-ouvertes ont été conduites par la chercheure, de janvier à août 1990 auprès de:
- • sbcmembresdel 'équipedel^ Parentèle;
- • quatorze des dix-neuf familles retenues pour la réalisation d'études de cas;
-^ onze ressources du réseau de la santé et des services sociaux et sept ressources d'organismes communautaires, tous préoccupés par la problématique de la négligence.
Des rapports fai.sant étal du résultat de questionnaires administrés en cours de projet aux intervenantes-terrain, à la clientèle et à des
PARTIE 2
LA PARENTÈLE: CHRONIQUE D'UN PROJET
ET RÉFLEXION SUR UNE CONCERTATION
A . Chronique de vie de La Parentèle de 1985 à 1991
Été 1 9 8 7 : o p é r a t i o n a l i s a t i o n d e La
P a r e n t è l e
Dans les pages qui suivent, nous vous présentons la «Chronique de vie» de La Parentèle. Cette chronique témoigne de l'expérience des trois années d'existence de La Parentèle. Elle est une page d'histoire qui relate les grandes étapes du projet, ses hauts et ses bas, ses interrogations, ses réflexions et ses acquis, et invite quiconque la lira à un voyage dans le temps ... un voyage qui commence en 1985.
1. 1 9 8 5 , l ' a n n é e d e la g e n è s e d e La Parentè l e
Noussommesen l985 , dans un contexte où la préparation et le support au rôle de parent constitue une problématique prioritaire à l'intérieur du plan directeur du DSC de la Cité de la Santé de Laval. Des représentant-e-s du DSC de la Cité de la Santé de Laval, du Bureau des services sociaux de Laval et des Centres locaux de services communautaires Du Marigot et Norman Bethune constituent ce qu'il est convenu d'appeler le Groupe Promoteur. Ce groupe se met au travail et bâtit un projet d'intervention en matière de prévention de la négligence chez les enfants de zéro à cinq ans dans deux milieux de Laval identifiés à risque: Chomedey et Laval-des-Rapides. C'est sur la base de différents indicateurs que l'identification du risque est définie: données socio-économiques (revenu, scolarité) ou données sanitaires de consommation de services (taux de prématurité, faible fx>ids à la naissance, signalements retenus par la DPJ (̂ ) pour négligence). Diverses banques de données et des informateurs-clés ont fourni les informations nécessaires. Au printemps 1987, le projet obtient une subvention de Santé et Bien-être Social Canada et par le fait même se dote d'un nom: La Parentèle, terme qui signifie la parenté, l 'ensemble des parents.
^ Direction de la protection de la Jeunesse
Le Groupe Promoteur loue un appartement de quatre pièces et demie sur le boulevard Cartier, soit l'axe principal de communication entre les deux secteurs à desservir. L'installation du local et l'acquisition de matériel de bureau sont les prémisses à l'étape suivante: l 'engagement et l'accueil, dès septembre 1987, de l'équipe de travail de La Parentèle. Une équipe dont les membres disposent d'expériences et de qualités complémentaires. Six intervenantes-terrain sont engagées. D'une moyenne d'âge de 34 ans, elles sont toutes mères de famille et résident à Laval. La plupart d'entre elles vivent dans un contexte socio-économique semblable à celui de la population visée par le projet. Elle sont prêtes à s'engager à long terme et leur disponibilité leur permet de travailler 21 heures par semaine selon des horaires flexibles. Dynamiques, elles disposent de qualités d'écoute, d'adaptation et de tolérance envers des valeurs ou comportements différents. Tenant lieu à la fois de travailleuses de quar t ier et d 'auxiliaires familiales, les six intervenantes-terrain de La Parentèle conçoivent et réalisent des activités en vue d'améliorer les relations parentales et la vie du quartier, et ce, dans un esprit d'aide concrète aux familles des deux secteurs. Une coordonnatrice et une agente de recherche complètent l 'équipe. Cette dernière ressource a travaillé selon une intensité variable tout au long du projet.
Une fois l 'embauche de l'équipe complétée, le Groupe Promoteur lui offre une période de quatre semaines (trois jours par semaine) d'orientation. Il s'agit ici d'informer et de permettre à l'équipe de travail de s'approprier le projet. L'orientation aborde les thèmes suivants; la négligence dans les deux secteurs choisis, l'environnement humain et social, les services publics, les ressources et les lois, le réseau, le groupe d'entraide et l'organisation communautaire, la connaissance de soi et des autres, les dimensions de la négligence, le développement de l'enfant et de la famUle.
Tout est donc en place pour que La Parentèle commence à se faire connaître auprès des familles visées comme un projet de suppor t parental, sans lien de parenté formel avec les
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établissements de la santé et des services sociaux. A cette fin, l'équipe de travail développe toute une série d'outils publicitaires: dépliant, affiche-maison, lettre de présentation de La Parentèle, promotion-terrain dans les restaurants ou les centres d'achat des deux secteurs. Une centaine de familles sont contactées par téléphone à partir de listes de naissance. Une trentaine d'organismes sont rejoints lors de rencont res de sensibilisation. La Parentèle recrute ainsi ses premières familles, divise en deux son équipe d'intervenantes-terrain (Laval-des-Rapides et Chomedey) et démarre ses activités.
Les intervenantes-terrain, fières de leurs premières rencontres avec les familles,dont les mères notamment, constatent très rapidement que l'établissement d'un climat de confiance avec ces dernières requiert plusieurs visites. De plus, une fois cette confiance établie, elles découvrent un univers très bouleversant où se côtoient la violence, le viol, l'inceste, la toxicomanie, comme autant d'histoires communes à beaucoup de ces femmes. 11 faut réajuster. En effet, les cinq à six rencontres initialement prévues sont insuffisantes et les visites individuelles se multiplient. Dans une dynamique où il y a un risque que s'établisse entre les parties une relation de dépendance où l'amitié se confond avec la relation d'aide, les intervenantes-terrain de La Parentèle développent des habilités, cernent mieux les besoins des familles, développent une meilleure connaissance des problématiques et des ressources à utiliser pour y remédier.
À la veille de la saison estivale de 1988, l'équipe de travail de La Parentèle est rodée et plus motivée que jamais. Le taux de fréquentation de ses services individuels est encourageant. Il est donc temps de mettre en branle quelques activités collectives. Certaines intervenantes-terrain craignent la mise en oeuvre de ce second volet. Une nouvelle approche, de nouvelles lâches contribuent à créer un sentiment d'insécurité dans l ' équ ipe . En mars 1988, deux intervenantes-terrain quiiienl i^ Parentèle, suivies en juin 1988 par la coordonnatrice.
^ Bureau des services sociaux de I^val
3 . 1988-1989: d 'un c r e u x d e v a g u e à u n b o n r y t h m e d e cro is ière , d e s ajustem e n t s
L'été 1988 est un peu frisquet car l'équipe de travail, amputée récemment de trois membres, s'adapte à deux nouvelles intervenantes-terrain engagées en mai 1988. De plus, le manque de leadership se fait sentir. En effet, t\ faudra attendre septembre 1988 pour engager une nouvelle coordonnatrice et redonner corps et dynamisme à l'équipe. Entre temps, l'intérim de la coordination est assuré par l'agente de recherche et par le GrouF>e Promoteur.
Cette p)ériode est dtfîtcile à traverser pour réquiF>e d'autant plus que trois constats s'imposent. Premièrement, la clientèle a tendance à baisser et se renouvelle peu. Les réflexions automnales qui animent l'équipe tentent d'en cerner les raisons. En choisissant deux quartiers à risque, La Parentèle se retrouve face à une population à grande mobilité. En juillet 1988, au moment où la complicité s'instaure, un grand n o m b r e de familles d é m é n a g e n t e t les intervenantes-terrain ressentent cet abandon comme un échec de leurs in tervent ions . Deuxièmement, les dépliants et l'affiche de promotion de La Parentèle se doivent d'être plus accrocheurs, plus invitants et plus fidèles à la raison d'être de La Parentèle. Troisièmement, les activités collectives sont un demi-succès.
En effet, on s'aperçoit que certaines activités comme les rencontres thématiques, ne comblent pas les besoins des mères. Ces dernières, plongées dans un grand isolement social et débordées par leur quotidien, comblent leur manque par une demande constante d'attention individuelle et s'avèrent être peu ou pas disponibles au volet collectif ni pour leurs enfants ni pour les autres.
En octobre 1988, l 'équipe donne à La Parentèle un nouvel élan publicitaire (nouvelle affiche et nouveau dépliant), multiplie ses contacts avec les familles ainsi qu'avec les organismes publics, para-publics, communautaires et privés, participe à divers colloques et rencontres provinciales et internationales. Le secteur de Laval-des-Rapides répond bien et le recrutement va bon train. Il n'en est pas de même pour le
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secteur de Chomedey où La Parentèle éprouve de ia difficulté à pénétrer le mflieu. Si cette difficulté persiste, elle risque de nuire au développement du projet. Aussi, l 'équipe soutenue parle Groupe Promoteur, procède à une analyse systématique du quartier de Chomedey. Elle rencontre également les équipes du CLSC Norman Bethune et du BSSL O rattachées à ce secteur. Ces démarches amènent progressivement le Groupe Promoteur à envisager un retrait partiel du quar t ier Chomedey, au profit d 'un plus grand investissement à Laval-des-Rapides. Contrer la fermeture relative du quartier impliquerait un changement majeur du type d'intervention car le manque d'intérêt des équipes des établissements envers le secteur, et les diverses contraintes comme la composition de l'équipe de Chomedey, les pressions exercées par des demandes de la clientèle de Laval-des-Rapides, les ressources financières limitées, et la nécessité de bien se réorienter à cette étape du projet, sont autant de facteurs favorisant un tel retrait.
En janvier 1989, devant l'urgence fxiur La Parentèle de rejoindre davantage de familles dans des locaux plus adéquats, La Parentèle prend la décision de concentrer ses activités à Laval-des-Rapides, un quartier plus saisissable, plus homogène et disposant d 'un plus grand potent ie l de mobilisation. Cependant , La Parentèle continue de desservir la clientèle déjà suivie de Chomedey ainsi que de nouvelles familles qui acceptent de se déplacer vers Laval-des-Rapides.
En février 1989, la halte-parents-enfants s'installe dans des locaux qui s'avéreront rapidement trop petits. La halte parents-enfants est ouverte deux demies journées par semaine et accueille neuf enfants de 1 à 4 ans. La halte est un service gratuit qui exige cependant la présence d 'un parent par demi- journée et lui permet de s'impliquer dans un processus de prise en charge du service. Les intervenantes-terrain assument l'animation auprès des enfants. Le démarrage de la halte est lent. Les mères, très attachées à leur rôle et à leurs responsabilités, hésitent à laisser leurs enfants et refusent en quelque sorte le répit que La Parentèle leur offre. Là aussi, il faudra du temps pour créer un climat de confiance qui s'établira à ce point que des mères en arriveront elles-aussi à jouer avec le matériel disponible. Elles se mettront à bricoler et à
dessiner et prendront plaisir à jouer avec les enfants mais aussi à jouer jXïur elles-mêmes.
L'équipe de travail retrouve sa cohésion et s'implique à fond. Ses membres oeuvrent dans un climat et des s t ructures qui favorisent l'échange, l'évaluation des interventions et le suivi à assurer. Elles demandent et suivent de nouvelles sessions d'orientation plus approfondies (violence conjugale, re lat ion d ' a ide , sensibilisation aux lois gérant le divorce ou la séparation, e t c . ) . Enfin, elles s'attèlent particulièrement à développer des activités collectives autres que la halte-parents-enfants, car il devient essentiel de créer des liens entre les familles pour briser leur isolement. Des sorties en plein air, des soirées, des fêtes, des dîners communautaires s'organisent et remportent de plus en plus de succès auprès des familles. La halte-parents-enfants fait ses preuves. Les mères qui assument une permanence prennent de l'assurance et s'impliquent davantage. La Parentèle a trouvé son rythme de croisière.
4 . 1 9 8 9 - 1 9 9 1 : La Parentè le sur l e s c h e m i n s d e l ' a u t o n o m i e
La saison est aux déménagements . La Parentèle se dote d'assises solides dans le quartier en s'installant dans des locaux plus grands lui permettant de loger à la fois ses bureaux et la halte-parents-enfants. Cette fois-ci, La Parentèle a vraiment pignon sur rue. Le propriétaire de l'immeuble accueillant La Parentèle réalise qu'un tel projet peut limiter la grande mobilité des familles dans le quartier et donc autant de déménagements. 11 décide de s'impliquer de façon très positive et engage un architecte qui tire des plans adaptés aux besoins de La Parentèle . Le propritétaire assume également toutes les dépenses d'aménagement des locaux.
Le nombre des inscriptions à la halte augmente, de nouvelles familles bénéficient des activités collectives et individuelles, développent entre elles des habitudes d'échange (gardiennage, vêtements, accompagnement). Les collaborations avec les organismes du milieu vont bon train. La halte-parents-enfants offre maintenant quatre journées et demie de services par semaine ainsi que deux soirées. À l'été 1990, pour mieux
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répondre aux besoins des familles, une des soirées sera annulée et remise au vendredi après-midi. La halte est un lieu favorisant le répit des parents. Trente-cinq enfants y sont inscrits. Si la moitiéd'entreeuxne font état d'aucun problème de développement, d'autres par contre paraissent hyperactifs, agressifs, carences et perturbés sur le plan affectif. Selon les mères et les intervenantes-terrain, la halte est un réel plaisir pour les enfants et leur permet de réaliser des progrès en te rme d ' appren t i s sage et de socialisation.
L'année 1989-1990 est aussi l'année qui oriente le projet vers son autonomie. En octobre 1989, La Parentèle devient une corporation sans but lucratif. Lors d'une première assemblée, elle se dote de règlements de régie interne et d'un conseil d'administration élu. Des demandes de subvention sont adressées à diverses instances politiques: Ministère des Services sociaux et de la santé, Centraide, Ministère de l'éducation, Ministère de la condition féminine, communautés religieuses, etc. La Parentèle, îX)ur appuyer ses demandes de financement, joint à chacune d'entre elles un dossier social témoignant de la réalité socio-démographique du secteur ainsi que des lettres d'appui de professionnels oeuvrant dans le secteur (directeurs d'école, psychologues, policiers, travailleurs sociaux, etc.). Le dossier social ne fait que réaffirmer toute la nécessité de l'existence de La Parentèle devenue, en trois ans, un organisme indispensable dans le secteur de Laval-des-Rapides.
La subvention de Santé et Bien-être social Canada prend fin le 30 août 1990. Les réponses des bailleurs de fonds sont pratiquement nulles. Il semble qu'un organisme à vocation familiale ne s'insère dans aucun programme actuel de financement. Malgré tout, il faut survivre et se lancer sur les difficiles chemins de l'autonomie. Les communautés religieuses donnent leur appui. Le conseil d'administration entreprend des activités d'auto-financement qui ne comblent que très maigrement les efforts et les espoirs investis. On renouvelle les demandes de subvention. Des programmes de développement de l'emploi permettent d'assurer à court et moyen terme la poursuite des activités pour les familles qui s'impliquent de plus en plus non seulement au niveau de la réalisation des activités, mais également à la vie générale de la Parentèle. Un commerce d'alimentation fournil les collations à
la halte-parents-enfants et offre ses surplus de boulangerie, de fruits et de légumes deux fois par semaine. À La Parentèle, on forme des comités (halte, journal, activités et ménage). Les services de la halte-parents-enfants sont maintenus ainsi que les activités collectives qui s'auto-fînancent. Le suivi individuel, l 'accompagnement, le dépannage et l'organisation des activités sont assurés par le travail de deux intervenantes-terrain et de la coordonnatrice. On mise sur une plus grande prise en charge de La Parentèle parses utflisateurs et ses utilisatrices tout en maintenant les liens de col laborat ion avec les o rgan i smes socio-communautaires du milieu.
Dans un article de février 1991, La Presse dévoile les résultats d 'un sondage suggérant que pour la majorité des habitants de Laval, des problèmes sociaux tels la pauvreté, la délinquance et le phénomène des personnes âgées en perte d'autonomie ne sont, à toute fin pratique, que des mythes. Voilà de quoi surprendre un organisme comme La Parentèle qui oeuvre dans cette même ville auprès de familles qui possèdent toutes ces caractéristiques «mythiques*. Dans un geste politique d'affirmation, La Parentèle dépose un mois plus tard, soit en mars 1991, un mémoire dans le cadre du Sommet de la personne de la Ville de Laval. Ce mémoire exprime les réflexions suivantes:
"La pauvreté sociale" est une réaUté à Laval-ouest, à Pont-Viau, à Chomedey et à I^val-des-Rapides. Cependant, les résultats du sondage dévoilés dans La Presse, loin de surprendre 1^ Parentèle, ne font que confirmer l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir pour développer, à Laval, un sentiment de solidarité sociale; une solidarité qui doit se développer dans Tiniérêt général. En effet, si des moyens ne sont pas mis en place pour mettre fin à la négligence qu'exerce la communauté envers les familles, monoparentales notamment, plusieurs d'entre elles ne pourront donner à leurs enfants ce dont on les a privé. Ces enfants pour leur part risquent de vivre une réalité qui, dans bien des cas, conduit à une délinquance qui s'exercera dans la communauté. La Parentèle est un organisme par lequel la qualité de vie du quartier qu'elle dessert va en s'accroissant. Elle a développé une expertise et des atouts qui ne peuvent être que bénéfiques pour toute la communauté. La Parentèle doit survivre, c'est un impératif. Sa
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disparition serait désastreuse à court terme pour les familles qui en bénéficient et, à plus long terme, pour l'ensemble de la communauté lavalloise. L'ampleur des problèmes que ces familles traversent est telle que le suivi de La Parentèle doit être considéré dans une perspective à long terme, dépassant largement le cadre des trois annnées du projet-pilote. L'implication concertée des autorités municipales, des institutions de la santé, de la commis s ion sco la i r e e t d e s o r g a n i s m e s communautaires doit se poursuivre. Dans ses règlements généraux, La Parentèle stipule qu'elle est ouverte aux usagers et aux membres de la communauté intéressés à améliorer les conditions de vie des familles pour ainsi prévenir la négligence à l'endroit des enfants. La constitution de La Parentèle en organisme sans but lucratif vise à poursuivre le développement d 'une pratique originale, innovatrice s'adaptant aux besoins sans cesse plus évidents des femmes, des enfants et des familles du secteur de Laval-des-Rapides.
La Parentèle est un organisme en devenir, une ressource qui soutient la famille en dehors des périodes de crise et au creux de celles-ci. Elle es t u n c o m p l é m e n t aux r e s s o u r c e s institutionnelles. Son intervention qui vise à prévenir la négligence, passe par l'amélioration et la modification du réseau social et du tissu communautaire des familles. Grâce à la participation raisonnable de tous, La Parentèle de Laval pourra poursuivre ses activités. En 1991, La Parentèle est une histoire à poursuivre, une histoire qui concerne toute la communauté lavalloise.»
vention directe sur le terrain et une mise en commun des ressources appropriées pour agir sur la problématique de la négligence.
1. L'élaboration d u proje t
Dans u n e p r e m i è r e p h a s e , d i te d e préconception, le groupe de travail étudie le phénomène de la négligence, précise la nature du projet et préconise une approche écologique ainsi que des méthodes de prévention incluant les dimensions communautaire, familiale et individuelle.
Au printemps et à l'été 1986, le groupe de travail se transforme en Groupe Promoteur et amorce une seconde phase dite de conception. Le projet conçu résulte d 'une concertation actualisée, soit d 'une production commune, fruit de la contribution de chaque individu et des ententes sur lesquelles le groupe est d'accord. Cette étape donne naissance au contrat moral qui unira, pour toute la durée du projet, les membres du Groupe Promoteur. En effet, le Groupe Promoteur n'a pas un réel statut légal ou juridique. Son fonctionnement s'appuie sur un engagement réciproque dans l'adhésion au projet et priorise l'implication professionnelle des participants dans leur relation avec les établissements parrains, avec Santé et Bien-être Social Canada et avec la clientèle desservie. C'est une entente tacite qui se montrera très efficace pour le maintien de la cohésion du Groupe Promoteur dans les moments difficiles.
13. Chronique d*une concertation
Comme nous l'avons vu dans la chronique de vie, c'est en 1985 que quatre établissements de Laval, sous le signe de la concertation, décident de s'attaquer de front à la problématique de la préparation et du support parental en matière de prévention de la négligence parentale. Des intervenants de chaque établissement, dotés de compétences complémentaires, forment dans un premier temps un groupe de travail interétablissements. La concertation vise une inter-
Début 1987, Santé et Bien-être Social Canada approuve le projet de prévention de la négligence. L'opérationalisation de I^ Parentèle débute en septembre 1987. La concertation prend donc une nouvelle forme puisque l'association porte désormais sur l'actualisation du projet, laquelle comprend: la gestion, l'intervention et l'évaluation. Pendant toute la durée du projet, le Groupe Promoteur se réunit en moyenne une à deux fois par mois, opte pour un mode de fonctionnement collégial et souple incluant une gestion concertée. La collégialité permet au groupe d'aboutir à des prises de décision égali-taires et à une reconnaissance des compétences et de la motivation personnelle et professionnelle de chacun. Plus concrètement, le DSC,
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agent fiduciaire, assume la relation avec Santé et Bien-être Social Canada, ainsi que la responsabilité de l'évaluation, du support dans les aspects analytiques, la production des rapports d'étape et du rapport final. Le BSSL est en charge de la formation, du support et de la référence pour l'équipe de La Parentèle et pour la clientèle. Les deux CLSC fournissent un soutien continu à l ' équ ipe d ' i n t e rven t ion sur les aspec ts organisationnels, les liens avec les organismes communauuires et l'approche-terrain.
Le Groupe Promoteur assume diverses tâches au sein du pro je t qu ' i l s o u t i e n t continuellement. l\ veille à ce que les activités entreprises atteignent les objectifs visés. Il procède à l'embauche de l'équipe de travail de La Parentèle (coordonnatrice, intervenantes-terrain et agente de recherche); participe à son orientation et lui offre des expertises spécifiques. De plus, le même groupe développe, de concert avec l'agente de recherche, des outils f>ourla cueillette de données en vue de l'évaluation du projet, tout en supervisant la recherche. Le Groupe Promoteur assure également la diffusion du projet en procédant à l'élaboration du rapport final et en assurant une présence à certains colloques. Il assume la gestion du projet et est la courroie de transmission entre La Parentèle, Santé et Bien-être Social Canada, les chercheurs, et les intervenants impliqués ou intéressés par la problématique de la négligence. Les membres du Groupe Promoteur informent également leur établissement respectif de la progression du projet et tentent de faciliter les collaborations entre leurs établiSvSemenis et l'équipe.
2. Les re lat ions e n t r e l e G r o u p e P r o m o t e u r et La P a r e n t è l e
La gestion globale du projet se réalise en concertation. Au départ, le Groupe Promoteur porte seul la responsabilité du projet Lorsque ce dernier prend son envol, le Groupe Promoteur dose ses interventions dans la mesure où il soutient La Parentèle sans pour autant s'y ingérer. Ce "dosage" est problématique, surtout la première année de l'implantation de La Parentèle. Alors que diverses difficultés se manifestent, le Groupe Promoteur se voit obligé d'intervenir à l'interne et de procéder, notamment, à l'embau
che d'une nouvelle coordonnatrice. Cette nouvelle venue, une intermédiaire efficace, contribuera à harmoniser les relations entre le Groupe Promoteur et l'équipe de La Parentèle. L'équilibre se maintient également grâce à une répartition claire des rôles: le Groupe Promoteur se charge de l'encadrement de la recherche et de la supervision de l 'évolution du projet, et la coordonnatrice est responsable de tous les aspects de l'opérationalisation des activités de La Parentèle.
3 . Les difGcultés d e parcours e t l e s m o m e n t s - c l é s d e la c o n c e r t a t i o n
Pendant la durée du projet, le Groupe Promoteur s'est heurté à certaines difficultés de parcours. Premièrement, la gestion de l'organisme s'avère difficile. Les procédures administratives relèvent de la Cité de la Santé de Laval et ne correspondent pas à la réalité de La Parentèle qui nécessite un fonctionnement administratif souple et léger. Le Groupe Promoteur favorise donc un assouplissement de ces mesures administratives et on assiste à des améliorations. Cependant, le Groupe Promoteur et La Parentèle ont dû s'accomoder de la persistance d'une certaine lourdeur bureaucratique tout au long du projet. Deuxièmement, la place de la recherche et de l'évaluation ont exigé de la part du Groupe Promoteur qu'il adapte ses objectife de recherche et ses outils d'évaluation à la réalité-terrain ainsi qu'à la dimension formative de la recherche. Troisièmement, au chapitre de la gestion des ressources humaines, il n'a pas toujours été facile pour le Groupe Promoteur d'assumer son rôle d'employeur. Cependant, des négociations et des compromis de la part des membresdu Groupe Promoteuretdes employées de La Parentèle ont permis de résoudre les tensions.
Si l'élaboration du projet et son démarrage sont des étapes importantes, deux moments-clés de la concertation se démarquent également. Le premier est relatif à la décision de privilégier le secteur d'intervention de Laval-des-Radides. La chronique de vie témoigne de ce moment difficile et des raisons qui ont orienté le choix du Groupe Promoteur soit celui de se retirer partiellement du secteur de Chomedey au profit
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d'un investissement plus grand dans le secteur plus prometteur de Laval-des-Rapides. Le second moment-clé de la concertation est lié à l'acquisition du statut d 'autonomie de La Parentèle et à sa survie au-delà du projet-pilote. Les dffficultés de concertation apparaissent lorsqu'il s'agit de préciser la nature et l 'ampleur de l'investissement du Groupe Promoteur à cet égard. Suite à de nombreux débats parfois houleux, deux priorités s'imposent pour le Groupe Promoteur: compléter le rapport de recherche et soutenir l'organisme naissant.
des établissements. S'il a disposé de beaucoup de latitude pour agir, il n'a communiqué qu'à trois reprises avec les directeurs généraux et les coordonateurs des établissements. Le projet aurait pu gagner à ce que ces rencontres soient plus nombreuses et plus denses. Il va de soi que la reconnaissance formelle du Groupe Promoteur n'aurait pas pu résoudre tous les problèmes rencontrés en chemin, mais elle aurait F>eut-être intensifié la concertation et amélioré les résultats.
Tout au long du processus, les intérêts des établissements ontdivergé, particulièrement lors des moments-clés. Les membres du Groupe Promoteur sont restés complices, ont fait des compromis sur la base de leur allégeance première à la réalité du projet. Au delà des tensions et des désaccords, le processus de concertation a bien fonctionné pendant toute la durée du projet et cette expérience de gestion concertée est une réussite certaine.
4 . L ' e n g a g e m e n t d e s é tab l i s s ement s : m o d a l i t é s e t appl icat ion
La formalisation de l'engagement des établissements dans le projet a été minimale. Cette condition a permis au Groupe Promoteur de disposer d 'une bonne marge de manoeuvre et d'établir ses propres règles de fonctionnement. Cependant, ces conditions ont pu nuire à la concertation inter-établissements et à la diffusion dans la dynamique interne des établissements. Dans les trois établissements de services, si les directions intermédiaires ont manifesté de l'ouverture face au projet, l'intérêt des équipes internes a évolué plutôt lentement tout au long du projet. Les membres du Groupe Promoteur ont donc dû stimuler régulièrement la collaboration entre les équipes de leur établissement respectif et La Parentèle. Ces efforts donnent des résultats car lors de la dernière année du projet, la collaboration est plus significative.
Avec le recul, le Groupe Promoteur constate qu 'une reconnaissance plus formelle de ses pouvoirs et de son rôle aura ient sans dou te potentialisé l'impact de la concertation auprès
L'impact d u p r o c e s s u s d e concer ta t ion
La gestion concertée du projet a eu un impact significatif et généralement positif sur l'actualisation du projet. La concertation a facilité l'obtention d'une subvention. Le contrat moral entre les membres du Groupe Promoteur a contribué au développement et à la survie de La Parentèle, laquelle n'a pas eu à souffrir de l'hégémonie d'un établissement et a pu au contraire acquérir son autonomie et fixer ses propres objectifs de survie en fin de projet. La concertation a également favorisé les rapports de La Parentèle avec les établissements impliqués dans le processus (accessibilité à l'expertise des établissements et des organisateurs communautaires, support clinique, séances de formation).
Le Groupe Promoteur pour sa part, en réalisant la mise sur pied d 'une ressource en prévention de la négligence parentale, a rencontré globalement ses objectifs. S'il considère que la promotion du projet a été insuffisante, il constate cependant que le milieu institutionnel et la communauté lavalloise ont été sensibilisés soit à la pratique de La Parentèle, soit à la réalité des quartiers défavorisés de Laval. La crédibilité de l'intervention non-professionnelle s'est accrue en cours de route et le Groupe Promoteur compte bien diffuser le plus largement possible les résultats du projet-pilote afin d'en maximiser l'impact.
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PARTIE 3
LA PARENTELE: ILLUSTRATION DES QUARTIERS, DES FAMILLES
ET DE L'APPROCHE D'INTERVENTION
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A . Quelques données descriptives de la population visée et de la population rejointe
En 1986,2190 personnes viventà Chomedey (51% de femmes contre 49% d'hommes) et 4 210 à Laval-des-Rapides (52% de femmes contre 48% d'honmies). La moyenne d'âge est de 30 ans pour Laval-des Rapides et de 31 ans pour Chomedey. Dans les deux secteurs, plus de la moitié des gens vivent en couple , étant soit mariés, soit conjoints d e faits; l ' a u t r e moi t i é es t c o m p o s é e principalement de célibataires. La proportion de locataires est de 96% à Laval-des-Rapides et de 8 1 % à Chomedey.
Les deux secteurs comptent 1 240 familles ayant des enfants à la maison. Le tableau qui suit en donne la répartition selon le secteur de résidence, la structure familiale et le nombre d'enfants à la maison. On constate une proportion un peu plus élevée de familles monoparentales dans Laval-des-Rapides. Au total des familles, 47% comptent un enfant, 39% en comptent deux et 14% ont trois enfants ou plus à la maison. Cette distribution varie selon que l'on considère les familles biparentales ou monoparentales.
Ces données incluent les enfants de tous les âges. Or, le projet La Parentèle vise plus spécifiquement les familles ayant de jeunes enfants (< 6 ans). D'après les données provenant de la Régie des rentes du Québec et issues du fichier des allocations familiales, ces secteurs d'intervention circonscrits dans Laval-des-Rapides et Chomedey comptaient 412 familles ayant des enfants de moins de six ans à la maison.
Tableau 2 Familles avec enfants selon la structiu*e familiale, le nombre d'enfants à la maison et le secteur
Laval-des Rapides
N
Chomedey
(%) N
Total
(%) N (%)
Total
Bipareniale
Monoparentale
BIPARENTALE
1 enfant
2 enfants
3 enfants et plus
MONOPARENTALE
1 enfant
2 enfants
3 enfants et plus
780
445
335
445
195
185
65
335
185
115
35
(100)
(57)
(43)
(100)
(44)
(42)
(15)
(100)
(55)
(34)
(11)
460
295
165
295
110
130
55
165
95
55
15
(100)
(64)
(36)
(100)
(37)
(44)
(19)
(100)
(58)
(33)
(9)
1 240
740
500
7 4 0
305
315
120
500
280
170
50
(100)
(60)
(40)
(100)
(41)
(43)
(16)
(100)
(56)
(34)
(10)
21
En tout, 185 familles se sont adressées à La Parentèle. De ce nombre, 44 ne correspondaient pas à ia clientèle visée, principalement en regard du critère de résidence et 47 contacts se sont limités à une demande d'information. 94 familles ont participé à F une ou l'autre des activités de La Parentèle (0-1^ description des caractéristiques de 70 familles ainsi rejointes se base sur les informations issues de Tiches de renseignements généraux".
Ces 70 famil les affichent les caractéristiq u e s suivantes:
- • 37 (52,9%) sont des familles biparentales;
- • 30 (42,9%) son t des familles monoparcniales;
^ 3 ( 4,3%) sonl des familles recomposées;
- • elles comptabilisent un total de 124 enfants;
représentent 78% des famiUes déclarant un revenu de moins de 10,000$;
-> près de la moitié des familles atteintes par La Parentèle tirent leurs revenus de paiements de transfert, soit parla combinaison d'un salaire et de prestations d'assurance chômage, de prestations d'aide sociale, soit par la combinaison de prestations d'aide sociale et de pension alimentaire.
- • 91% des familles rejointes par La Parentèle sont locataires et le plus souvent dans des maisons à appartements. Plus de la moitié (58%) résident dans des logements de quatre pièces et demie et près du quart (23%) vivent dans des logements de cinq pièces et demie;
-f le nombre d'unités de logements dans les maisons à appartements se décrit ainsi:
-58% ont de 9 à 20 logements,
-27% ont de 5 à 8 logements.
-> la moitié de ces familles compte deux enfants;
- • la majeure partie des enfants de ces familles ont moins de six ans;
- • la majorité des parents ont complété une scolarité de niveau secondaire.
Dans rensenible;
- • 80% des mères rejointes par ÏJj Parentèle sont sans emploi alors que la majorité des pères ou des conjoints rejoints occupent un emploi à temps plein;
^ la moitié des familles rejointes par I^ Parentèle ont un revenu inférieur à 10,000$; les familles monoparentales affichent les revenus les plus faibles et
-15% ont 4 logements;
^ d'après les données fournies par 43 familles, la majorité d'entre elles (67%) résident à leur adresse actuelle depuis moins d'un an et règle générale, la mobilité interne de résidence dans un même quartier est assez élevée: 21% des familles résident dans le même quartier depuis plus de trois ans.
^ 2 1 familles rejointes par La Parentèle ont participé au volet collectif, 22 ont participé au suivi individuel et 24 ont participé aux deux.
Le tableau qui suit dépeint les principaux problèmes évoqués par les familles soutenues par La Parentèle, et ceux identifiés par les intervenantes-terrain. Ce tableau reflète assez bien la perception des intervenantes-terrain qui soulignent le fait que ces familles ont tendance à sous-évalucr leurs besoins.
' Par le biats de ces quatre vsngt-qualorzc familles, le projet a rejoint 22,8% des 412 familles spécifiquement
22
tkbleau 3 Problèmes évoqués par les familles et problèmes perçus par les intervenantes
Problèmes
Solitude et isolement
Problèmes avec les enfants
Problèmes de gardiennage
Désir de partager
Rencontres sociales
Problèmes de santé
Problèmes conjugaux
Détresse psychologique
Problèmes financiers
Selon les familles atteintes
39%
38%
28%
27%
25%
19%
17%
16%
16%
Selon les intervenants
66%
36%
28%
26%
33%
21%
25%
26%
28%
Les familles rejointes ont pris connaissance de La Parentèle en y étant référées par:
- un organisme 49,3%
-le dépliant 19,4%
- le bouche à oreille 11,9%
- la publicité dans les commerces 7,5%
- une intervenante de La Parentèle . 6,0%
- la liste des naissances 4,5%
- une référence et le dépliant 1,5%
Des soixante-dix familles analysées, quarante-sept avaient cessé de fréquenter La Parentèle au moment de l'analyse. Les motifs qui sous-tendent l'arrêt de participation de ces familles sont les suivants: 40,4% sont liés au déménagement des familles hors du secteur de La Parentèle, 23,4% d'entre elles estiment ne plus avoir besoin des services de La Parentèle. Enfin, quatre familles ont cessé de participer par insatisfaction.
Après ce survol des principales caractéristiques des familles rejointes par La Parentèle, ce qui suit permettra de mieux comprendre la situation de ces familles à partir d'une étude plus approfondie de certaines d'entre elles.
15. Illustration des situations présentées par la clientèle rejointe par la parentèle
L'illustration des situations présentées par les familles rejointes par La Parentèle émane des résultats d'une analyse de cas produite sur un échantillon formé à l'automne 1989 et comptant dix-neuf (19) familles sélectionnées en fonction de leur exemplarité rappor tée par les intervenantes quant aux caractéristiques des fa-mUles desservies et quant à la pratique développée par l'intervention.
Sur la base des soixante-dbc familles pour lesquelles nous disposons d'informations, ces dix-neuf familles constituent 27% de la clientèle de La Parentèle et comprennent 30,6% de la
23
population infantile rejointe. Sept d'entre-elles proviennent de Chomedey, huit de Laval-des-Rapides et quatre habitent hors secteur au moment de l'analyse. Elles ont été référées à La Parentèle principalement par des établissements publics, des organismes communautaires, ou encore par le biais du dépliant de promotion déposé dans les boîtes aux lettres. En moyenne elles fréquentent La Parentèle depuis environ 13 mois. Dix d'entre elles sont biparentales contre neuf qui sont monoparentales. Elles comptent une moyenne de deuxà trois enfants de moins de huit ans. L'âge moyen des enfants qui fréquentent la halte-parents-enfants est de trois ans. Dans l'ensemble, ces enfants ne présentent aucun problème médical visible et vivent avec leurs parents. La majorité des enfants ayant un lien avec La Parentèle sont d'âge préscolaire et passent le plus clair de leur temps à la maison.
Dans l'ensemble, ces familles sont locataires et demeurent dans leur secteur depuis, en moyenne, 30 mois. Elles vivent dans des immeubles où les appartements sont de quatre ou cinq pièces et demie. Un p>eu plus de la moitié de ces familles tire leur revenu de l'aide sociale pour arriver à un revenu annuel brut se situant en dessous de la barre des 10,000$. Cette situation financière les place dans le groupe des familles dites très pauvres.
L'âge moyen des hommes est de 35 ans alors que pour les femmes il est de 30 ans. Ces hommes, majoritairement mariés, occupent un emploi à temps plein et ne présentent pas de problèmes médicaux apparents. Un peu plus de la moitié d'entre eux sont d'origine étrangère. La plupart des femmes sont sans emploi, vivent avecunconjointde fait, sont d'origine québécoise et possèdent une scolarité de niveau secondaire.
Ces familles connaissent surtout des problèmes dans leur relations parent-s/enfani-s qui sont souvent difficiles. Elles doivent également faire face à des problèmes de solitude, d'isolement et de besoins en matière de gardiennage. Cependant, selon les intervenantes-terrain qui ont procédé à un suivi individuel dans la plupart des familles, il est important d'insister sur les problèmes financiers et les situations fréquentes de détresse psychologique que connaissent ces familles.
1. Les s i tuat ions v é c u e s et l e s intervent ions e f fec tuées auprès d e s fami l l e s participant aux act ivités co l l ec t ives
Ces familles se distinguent du fait qu'elles ne sont pas suivies individuellement par des intervenantes-terrain. Elles participent exclusivement aux activités ix)nctuelles collectives de La Parentèle ou encore s'impliquent à la halte-parents-enfants. L'illustration s'attache à quatre de ces familles, soit deux par secteur. Elles sont biparentales, comptent deux à quatre enfants d'âge préscolaire et habitent dans le secteur depuis deux ans, dans des logements de cinq pièces et demie (intégrés à H.L.M., duplex ou immeubles à logements). Elles fréquentent La Parentèle depuis environ 10 mois en moyenne. Leur revenu, issus d'emplois à temps plein et à temps partiel, se situent entre 20,000$ et 24,000$. Ces familles ne semblent pas vivre de problèmes majeurs. Cependant, de l'avis des intervenantes-terrain, même si ces familles présentent souvent des dehors rassurants, elles sont soumises, comme d'autres, à des situations pénibles.
Selon les intervenantes, les relations parent-s/enfant-s sont harmonieuses sauf lors de certaines périodes où l'insécurité matérielle et des restrictions financières amènent les parents à être moins tolérants. La dynamique conjugale semble harmonieuse sauf dans le cas où la mère a subi une violence conjugale,physique et psychologique. En règle générale, les intervenantes-terrain ne décèlent pas de signes de négligence. Les liens avec l'environnement sont bons car ces familles disposent d'un réseau social et de liens avec le réseau familial garantissant un support eflkace en cas de besoin. Elles connaissent bien les ressources disponibles dans leur secteur et grâce à leur capacité de socialisation, elles sont un élément dynamique dans l'effort de La Parentèle pour enrichir le tissu social.
24
Tableau 4 Approche développée par les intervenantes auprès des familles participant exclusivement aux activités collectives
Objectils: Améliorer la relation parent-s/enfant-s Briser l'isolement des familles Favoriser la formation de réseaux d'entraide Offrir un répit aux parents Fournir des expériences de socialisation aux enfants
Interventions: Organisation d'activités diverses Co-animation de la halte-parents-enfants
Techniques: Écoute et valorisation "Modeling" Feed-back Responsabilisation des parents à l'organisation des activités
Attitudes: Directivité, c'est-à-dire établissement de règles de fonctionnement claires
Étapes: Mise en contact Mobilisation
Difficultés rencontrées: Participation intermittente Problèmes de transport
Éléments Êicilitants: Capacité de socialiser des parents Dynamisme des parents Problématiques légères
Effets perçus: Socialisation des parents et des enfants Entraide Feed-back mutuel Implication dans l'organisme
Évolution de l'approche: Partage et délégation de responsabilités aux parents
2. Les fami l l e s su iv i e s i n d i v i d u e l l e m e n t
A La Parentèle, quarante-six familles, soit 66% de la clientèle d'analyse, ont bénéficié d'un suivi individuel, soit un support continu à court, moyen et longterme de la partd 'une intervenante. Un peu plus de la moitié de ces familles participait aussi aux activités collectives. Les quinze familles retenues pour l 'étude de cas constituent 33% de la clientèle individuelle de La Parentèle.
Les intervenantes les ont spontanément classées en quatre catégories définies par les caractéristiques et les problèmes spécifiques de chacune de ces familles, ainsi que par les caractéristiques de l'approche développée:
a. Familles aux prises avec des p rob lèmes conjoncturels
b . Familles aux prises avec la violence conjugale c. Familles immigrantes d. Familles monoparentales ayant à leur tête une
jeune femme souffrant de carence affective
25
Le tableau qui suit donne une bonne description des situations et des caractéristiques objectives des familles échantillonnées pour chacune de ces catégories.
Tableau 5 Caractéristiques socio-démographiques des 15 familles suivies individuellement et retenues pour les fins de l'étude de cas selon les catégories définies par les intervenantes
Groupe de familles
CARACTÉRISTIQUES
Nombre de familles
Age moyen du-des parent-s
État civil
Origine
Stnicture familiale
Nombre moyen d'enfants
Age moyen des enfants
Durée moyenne de firéquentalion de la Parentèle
Période de résidence dans le quartier
Référence à la Parentèle
Revenus
Origine du revenu
Conditions de logement
Seuils des faibles revenus (selon Statistiques Canada)
Problèmes conjoncturels ponctuels
4
30-39 ans
marié-e
québécoise
bipareniale
2
4 ans
11 mois
3 ans
dépliant, publicité
15 000 à 24 999$
travail temps plein paiements de transfert
5'/2 in té^és à immeubles à logements
moyen inférieur, pauvres
lounigrantes
2
35-45 ans
marié-e
proche-orient amérique latine
bipareniale
3
4 ans
13 mois
13 mois
organisme: CLSC
moins de 19 000$
travail temps plein occasionnel paiements de transfert
4y2 intégrés à immeubles à logements
très pauvres, pauvres
Monoparentales
6
27 ans
sans conjoint
québécoise
monoparentale
2
4 ans
19 mois
16 mois
organisme: écoles, BSS, CLSC
10 000$ et moins
aide sociale
iVi intégrés à immeubles à logements
très pauvres
Molence confi^ale
3
26 ans
sans conjoint
québécoise
monoparentale
2
4 ans
21 mois
14 mois
organisme: Le Prélude
10 000$ et moins
aide sociale
4V2 maisons unifamiliales
très pauvres
26
a. Fami l l es a u x pr i ses a v e c d e s prob l è m e s c o n j o n c t u r e l s
Ces familles font appel à La Parentèle alors qu'elles se heurtent à des problèmes spécifiques conjoncturels (besoin de répit, désorganisation à la suite d 'une naissance, etc). Certaines mères doutent d'elles-mêmes ou encore de leurs compétences parentales. Les pères sont présents et relativement attentifs à l'éducation de leurs enfants. Selon les intervenantes-terrain, les enfants ne présentent pas de problèmes apparents. Si certains manquent d'occasions de socialiser, on
ne décèle chez eux aucune manifestation de négligence. La famille étendue est supportante bien que généralement éloignée. Par contre, le réseau social est restreint. Ces familles connaissent et utilisent l'ensemble des ressources disponibles dans leur secteur. Pour elles, La Parentèle est une ressource de répit et un lieu de renforcement positif qui leur donne l'occasion de développer des liens d'amitié et d'entraide. Ces familles participent bien aux activités collectives, utilisent la halte-garderie et s'impliquent dans les mécanismes d'entraide. Leurs principaux besoins sur lesquels porte l'intervention de La Parentèle s'expriment en terme de socialisation e tde renforcement des compétences parentales.
Tableau 6.a I l lust ra t ion d e Tîn tervent ion auprès des familles aux prises avec des p r o b l è m e s conjoncture ls
PROBLEMATIQUE INTERVENTION
Insécurité financière Information
Mères - Désoi^anisées - Manque de confiance en elles-mêmes - Besoin de répit
Échange d'expérience Renforcement positif Halte-garderie Activités mères-enfants
Enfants Besoins de socialisation
Réseau - Familles éloignées
Halte-garderie
Participation aux activités communautaires
27
Tableau 6.b A p p r o c h e d ' in tervent ion auprès d e s fami l les a u x prises avec des p r o b l è m e s c o n j o n c t u r e l s
Objectifs: Briser l'isolement Dévelopf)er des mécanismes d'entraide Offrir des occasions de socialisation aux enfants Renforcer la comp>étence parentale Améliorer les relations parent-s/enfani-s Offrir un répit aux parents
Interventions: Visites à domicile Aide pour le répit et pour l'organisation personnelle Mobilisation vers les activités collectives
Techniques: Écoule et valoriation Information sur le développement de l'enfant Echange d'expérience sur l'éducation des enfants Feed-back sur la relation mère/enfant Partage d'activités ludiques avec les enfants
Attitude: Ouverture à échanger sur son expérience personnelle
Étapes: Aide individuelle Implication dans les activités collectives
l imites: Réticences des mères à intégrer des femmes en provenance d'un milieu socio-économique différent
Éléments facilitants: Ressources personnelles de la famille Problématique légère et simple Intérêt des familles à créer des liens dans le milieu
Effets perçus: Socialisation des parents et des enfants Développement de mécanismes d'entraide Implication des parents dans l'organisation des activités Feed-back mutuel
Evolution de Papproche: Exigences claires à l'égard des parents Délégation de responsabilités aux parents
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b. fami l l e s a u x pr i ses a v e c la v i o l e n c e c o n j u g a l e
Ces familles utilisent les services de La Parentèle depuis ses débuts. Les mères vivent des problèmes d'estime de soi, sont dépressives et ressentent un fort sentiment d'incompétence parentale. La présence des pères dans ces famiUes est intermittente. Les enfants rencontrent des difficultés d'apprentissage, des problèmes d'élocution, des comportements agressifs et diverses formes de négligence. Les relations pa
rent-s/enfant-s subissent l'impact du cumul des tensions dans le foyer. Ces mères violentées sont isolées et ont peu de rapports avec leur famille. Leur réseau social se compose de relations avec le voisinage, avec les groupes d'entraide de la Maison d 'hébe rgemen t Le Prélude et avec La P a r e n t è l e . Les r a p p o r t s avec le r é seau institutionnel sont difficiles, les mères ayant du mal à accepter son ingérence dans leur vie privée. L'intervention de La Parentèle auprès de ces familles est en continuité avec celle exercée par la Maison d'hébergement Le Prélude et vise le support à la mère, la restauration de l'estime de soi, et l'amélioration des relations mère/enfant-s.
Tableau 7.a I l lus t ra t ion d e Tintervent ion aup rè s des familles aux prises avec la violence conjugale
PROBLEMATIQUE INTERVENTION
Pauvreté Monoparentalité Mères - Antécédents de violence et d'abus
- Image négative de soi - Prtx:essus de rupture graduelle
Soutien affectif dans la réflexion Aide concrète dans la réorganisation Déculpabilisation et renforcement personnel
Pères - Présence intermittente -Antécédents de délinquance, de violence
Enfants - Retard d'apprentissage, de langage - Comportements agressifs - Négligence dans l'alimentation, dans
la surveillance, dans l'encadrement, dans l'éducation, au plan affectif
- Abus physiques occasionnels
Sensibilisation aux besoins des enfants
Participation à la halle -parents-enfants
Participation aux activités collectives et groupes d'entraide.
Réseau social inexistant/ Implication de la DPJ
29
Tableau 7.b Approche d'intervention auprès des familles aux prises avec la violence conjugale
Objectif:
Interventions:
Techniques:
Supporter les mères victimes de violence conjugale Socialisation de la mère et des enfants Restaurer leur estime d'elles-mêmes Développer leur autonomie Améliorer la relation mère/enfant-s
Visites à domicile ou dans tout autre lieu neutre Aide matérielle ïnfonnation sur le cycle de la violence Sensibilisation aux impacts de la violence sur les enfants Clarification des alternatives possibles Mobilisation
Écoute, accompagnement, modeling Identification des forces personnelles et valorisation Références aux ressources Information sur le développement de l'enfant Feed-back sur la relation mère/enfant-s Partage d'activités de jeux avec les enfants
Attitudes: Respect du rythme d'évolution Acceptation du processus de rupture graduelle Souplesse et disponibilité
Étapes: Établissement de ia relation de confiance Soutien affectif Sensibilisation aux caractéristiques de la violence conjugale Clarification des allemaiives Mobilisation Intégration aux activités collectives
Limites: Lenteur du processus Méfiance des femmes face aux ressources du milieu Complexité et lourdeur de la problématique
Éléments &cilltants: Collaboration avec la Maison d'hébergement Le Prélude Attachement des mères à leurs enfants Implication du réseau primaire de certaines mères
Effets perçus: Évolution des rapports mère/enfant-s Appartenance à un réseau social
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c. fami l l e s inun igrante s
Ces familles provenant du Proche-orient et d'Amérique latine sont nouvellement installées au Québec. La famille du Proche-orient possède une connaissance minimale du français, alors que les membres de la famille d'Amérique latine ne parlent que l'espagnol ce qui représente un obstacle important à leur intégration. Ces familles repartent à zéro et sont dans une situation économique difficile. Les mères restent à la maison et se consacrent à l'éducation de leurs enfants. Elles ont des tendances dépressives et se sentent isolées du fait qu'elles ne maîtrisent pas la langue française. Leur culture d'origine leur interdit de confier leurs enfants à des étrangers. Les pères, pourvoyeurs de la famille, participent lorsqu'ils le peuvent aux activités communautaires de La Parentèle. Les enfants fréquentent l'école et
sont bien intégrés au milieu. Dans l'ensemble, les membres de ces familles traversent un processus diflîcile puisqu'il s'agit pour eux d 'une période d'adaptation et d'intégration à une nouvelle culture, à une nouvelle vie et à une nouvelle société. La dynamique familiale est marquée par le stress inhérent à l'adaptation et à des contraintes matérielles. La négligence est observable chez les enfants aux niveaux de l'alimentation, des soins médicaux et de l'hygiène. Les problèmes linguistiques des parents ne leur permettent guère de soutenir la scolarité de leurs enfants. Les liens avec l 'environnement se limitent au réseau familial de l'un ou l'autre des conjoints. Ces familles craignent l'appareil gouvernemental et évitent de recourir aux établissements publics. L'isolement, occasionné par les barrières linguistiques, est renforcé par l'absence, à Laval, d 'un COFI et par l'inexistence d'un regroupement ethnique représentant leur communauté.
Tableau 8.a Illustration de l'intervention aup rè s des familles immigran tes
PROBLEMATIQUE INTERVENTION
Pauvreté Aide concrète
Exiguïté du logement
Conditions de travail
Références aux ressources
Information sur les droits
Ignorance du français Référence au COFI (Montréal) Initiation au français
Ignorance du fonctionnement du milieu
Isolement social
Accompagneme nt
Références aux organismes ethniques de Montréal Intégration aux activités collectives
Négligence des enfants dans l'alimentation, l'hygiène, les soins médicaux, le suivi scolaire
Information sur besoins des enfants Références aux ressources Aide pour les devoirs Inscription des enfants à la halte Partage d'activités de jeux
31
Tableau 8.b Approche d'intervention auprès des familles inunigrantes
Objectife:
Interventions:
Acculturer Familiariser avec les ressources du milieu Développer l'autonomie Améliorer la relation parent-s/enfant-s Briser l'isolement, socialiser parents et enfants
Support matériel et affectif Initiation au français Références aux ressources Information sur le fonctionnement du réseau Information sur les droits Information sur le développement de l'enfant Intégration aux activités collectives Inscription des enfants à la halte-parents-enfants Information sur les coutumes québécoises
Techniques: Visites à domicile Accompagnement et aide technique Médiation avec les ressources Information et sensibilisation Orientation dans la ville Aide pour les devoirs Modeling Partage d'activités ludiques
Attitudes: Respect des valeurs culturclles Valorisation de la culture d'origine
Etapes: Etablissement de la relation de confiance Accompagnement dans le milieu Intégration aux activités collectives Sensibilisation aux besoins des enfants
l imites:
Eléments Êicilltants:
Effets perçus:
Manque de concertation avec les ressources Éloignement des ressources ethniques et du COFI Barrières linguistiques Dépendance à l'égard de l'intervenante
Ouverture de la famille Ressources personnelles des parents et des enfants
Autonomie des parents et des enfants Participation aux activités collectives
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d. fami l l e s m o n o p a r e n t a l e s
Dans les familles monoparentales, les mères subissent depuis l'enfance des lacunes importantes aux niveaux de l'affection et de l'estime de soi. Très tôt, elles ont évolué dans un climat de violence physique et psychologique (abus physiques et sexuels). Adultes, elles souffrent dans quelques cas d'alcoolisme et de toxicomanie plus ou moins contrôlés. Les pères sont généralement absents, s'impliquent peu et souffrent aussi, dans certains cas, de toxicomanie et d'alcoolisme. Les enfants jugés négligés aux plans affectif et éducatif, accumulent des retards d'apprentissage de langage et des retards sur le plan psycho-moteur. Us sont également perçus comme étant hyperactifs. Les aînés, parfois parentifiés,
tiennent lieu de palliatifs au conjoint absent. La relation parent-s/enfant-s est plutôt ici une relation mère/enfant-s. Sous l'effet de frustrations, ces mères useront quelquefois de sanctions physiques. Au niveau des liens avec Penvironne-ment, les mères entretiennent avec leur famille des relations ambiguës,souvent conflictuelles et n'en reçoivent aucun support. En dehors de leurs compagnons, elles n'ont développé aucune autre relation sociale. Elles connaissent bien les ressources du milieu et leurs rapports avec le réseau institutionnel se définissent par le fait que toutes ont été suivies par un-e travailleur-euse social-e à un moment ou l'autre de leur vie. Elles ressentent une grande crainte face aux professionnels car ces derniers disposent du pouvoir de les signaler à la protection de la jeunesse et de leur retirer la garde de leurs enfants.
Tableau 9.a Illustration de l'intervention auprès des jeunes femmes monoparentales
PROBLEMATIQUE INTERVENTION
Pauvreté Monoparentalité
Aide matérielle
Isolement Intégration aux activités collectives
Mères - Antécédents d'abus et abandon - Alcoolisme et toxicomanie - Carence affective
Support affectif Référence aux ressources
Pères - Absents, violents ou toxicomanes
Enfants - Négligence éducative - Négligence affective - Retard d'apprentissage - Retard de langage - Retard psycho-moteur - Hyperactivité - Abus physiques occasionnels
Information sur les besoins des enfants Références Inscription à ia halte Modeling Feed-back Partage de jeux
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Tableau 9.b Approche d'intervention auprès des jeunes femmes monoparentales
Objectife:
Interventions:
Offrir un support matériel et affectif Favoriser le développement de l'autonomie Restaurer l'estime de soi Briser l'isolement Augmenter la compétence parentale et améliorer la relation mère/enfant-s
Etablissement d'un lien significatif Susciter une réflexion sur elle-même, sur l'organisation de leur vie et sur la relation avec les enfants Référence aux ressources Aide concrète Intégration aux activités de loisirs, d'échanges et d'entraide Partage d'activités avec les enfants Médiation auprès des établissements publics
Techniques: Écoute, visites à domicile, modeling, accompagnement Échange d'ex[>ériences Information et sensibilisation Identification des forces personnelles et valorisation
Attitudes: Respect du processus Confiance et renforcement des capacités
Étapes: Aide concrète Établissement de la confiance, confidences, échanges et feed-back Mobilisation
Limites: Complexité et multiplicité des problèmes Manque de ressources du milieu Manque de collaboration des ressources du milieu Lenteur du processus Passivité et non-responsabilité des mères Sentimenl de dévalorisation des mères
Eléments facilitants:
Effets:
Lien de caractère amical avec l'intervenante Attachement aux enfants Motivation et acceptation de l'encadrement Implication du réseau primaire Collaboration des organismes Mobilisation des pairs
Responsabilisation personnelle face aux difficultés Amorce d'un processus de résolution des problèmes Amélioration de la relation mère/enfant-s Implication dans les mécanismes d'entraide
34
- • A p p r o c h e g l o b a l e d ' i n t e r v e n t i o n
p o u r l e s f a m i l l e s s u i v i e s i n d i v i d u e l
l e m e n t Les intervenantes-terrain, en mettant à pro
fit les convergences culturelles qu'elles partagent avec les familles rencontrées, ainsi que leur expérience de vie, ont déve loppé une approche qui intègre l'objectif initial de prévention de la
négligence dans un ensemble d'interventions appliquées à des préoccupations immédiates. Le tableau ci-dessous permet de dégager les caractéristiques de cette approche globale d'intervention qui fait appel à la relation individuelle, à l'inclusion dans un réseau d'entraide, et à l'organ i sat ion d'activités co l l ec t ives d e s t i n é e s à revitaliser la communauté .
Tableau 10 A p p r o c h e g l o b a l e d ' in t ervent ion d e s t i n é e a u x fami l l e s s u i v i e s individuellement
Objectife: Améliorer ta relation pareni-s/enfant-s Augmenter la compétence parentale Développer l 'autonomie Restaurer l'estime de soi Briser l'isolement des parents Socialiser les enfants Offrir soutien et répit aux parents Développer des mécanismes d'entraide
Interventions:
Techniques:
Soutien affectif Soutien à l'organisation matérielle Informations Références Médiation Mobilisation Intégration aux activités coHeclives
Visites à domicile Nommer et décortiquer le vécu Écoute et valorisation Accompagnement Modeling Feed-back et reflet Information et sensiblisation Échange d'expériences Partage d'activités ludiques Co-animation de la halte-parenis-enfants Délégation de responsabilités
Attitudes: Ouverture à l'échange Ouverture à la différence Respect du processus Souplesse et disp>onibilité Reconnaissance et renforcement des capacités
suite page suivante.
35
Suite du tableau 10
Étapes: Prise de contact Établissement de la confiance Phases d'échanges et de confidences Identification des problèmes et des solutions Mobilisation Intégration aux activités collectives
Difficultés rencontrées:
Eléments fecilîtants:
Multiplicité des problèmes Complexité des problèmes Rythme individuel Manque de disponibilité Difficultés de collaboration avec le réseau Manque de ressources dans le réseau
Proximité socio-culturelle Disponibilité des intervenantes Souplesse de ïa structure Présence dans le milieu Combinaison des niveaux d'intervention individuel et collectif Ouverture de certains établissements
Effets perçus: Amélioration des relations parent-s/enfant-s Socialisation des enfants Mobilisation dans des démarches de solution de problèmes Dynamique de support mutuel et d'entraide
Évolution de l'approche: Du lien exclusif au parrainage Introduction au travail d'équipe Organisation d'activités Animation et co-animation avec les usagères Délégation de responsabilités aux participants
Les intervenantes-terrain de La Parentèle ont établi un lien égalitaire avec des jeunes femmes en provenance d'un milieu socio-culturel analogue à leur propre milieu. Leur présence dans les moments stratégiques et dans le quotidien des familles relève de deux caractéristiques de La Parentèle: son enracinement dans le milieu et son fonctionnement flexible. L'originalité de La Parentèle réside dans la synergie existante entre les dimensions individuelles et collectives. En effet, les activités collectives sont destinées à répondre aux besoins identifiés lors des suivis individuels, et représentent une intervention en soi de portée communautaire. L'intervention collective vise à restaurer un milieu social incapable de répondre aux besoins d'une population victime d'inégalités sociales.
Dans une famille aux prises avec des tensions majeures, les manifestations de négligence chez les enfants témoignent de la détresse des parents. Seul un solide système de soutien peut les supporter et veiller à ce qu'ils remplissent leur rôle adéquatement. Dans le modèle expérimenté à La Parentèle, les intervenantes-terrain sont le pivot autour duquel les familles se retrouvent animées par la préoccupation commune de répondre auxbesoins de leurs enfants. Grâce aux interactions occasionnées par la participation aux activités et grâce au partage des responsabilités nécessaires à leur organisation, on assiste à l'émei^ence d'une dynamique de quartier où chacun est reconnu, supporté et intégré à sa juste valeur comme membre à part entière. Ceci dans un contexte où le contrôle social s'exerce dans la réciprocité et dans un rapport d'accomodation mutuelle.
36
PARTIE 4
EVALUAHON QUALITATIVE DE LA PARENTELE LA VISION DES FAMILLES, DE L'ÉQUIPE ET
DES INTERVENANTS DU RÉSEAU INSTITUTIONNEL ET COMMUNAUTAIRE
37
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Rappelons, en guise d'introduction, que le protocole d'évaluation de La Parentèle s'articule autour des éléments suivants: la clientèle, la structure, le processus et les effets du projet-pilote. Ce qui suit témoigne des perceptions entretenues sur divers aspects du projet par l'équipe de La Parentèle, par les intervenants du réseau institutionnel e tdu réseau communautaire, et par les mères ayant participé au projet.
de travailler dans une athmosphère d'intimité et de tranquifité. Enfin, l'équipe souligne quelques lacunes en ce qui a trait à des outils ou techniques favorisant une résolution rapide des confiiis.
2. Le c l imat d a n s l ' équ ipe et la g e s t i o n
d e s conQits
A . Évaluation du fonctionnement interne de l'équipe
L'équipe de travail de I^ Parentèle, composée d ' i n t e r v e n a n t e s - t e r r a i n (^) e t d e la coordonnatrice, a travaillé pendant trois ans à implanter, promouvoir et veiller au bon fonctionnement de ce projet-pilote de prévention de la négligence envers les enfants de zéro à cinq ans.
1. Appréc ia t ion g loba le
La coordonnatrice souligne toute la satisfaction qu'elle ressent pour avoir contribué à créer La Parentèle. Pour les intervenantes-terrain, la satisfaction réside dans le fait qu'elles ont pu non seulement observer directement le développement de la halte-garderie et certains effets de leurs interventions auprès des enfants, mais surtout noter l'amélioration des relations parent-s/ enfant-s. Certaines se sont senties valorisées au plan professionnel grâce au bon niveau de satisfaction de la clientèle desservie. Les intervenantes-terrain ont un bon contact avec les familles, apprécient l'intervention préconisée (individuelle et collective) et s'estiment satisfaites de leur travail et de leur rôle. La principale source d'insatisfaction relève des difficultés de fonctionnement de l'équipe au niveau interne, difficultés liées à des divisions entre les membres de l'équipe, à une dynamique constante de compromis et de négociation. L'équipe souligne également toute l 'importance de disposer de locaux permettant
Dès l'arrivée de la seconde coordonnatrice à l.a Parentèle, en 1988, le mode de gestion devient plus souple et favorise l'amélioration des conditions de travail dans l'équipe. Le groupe de travail identifie que la mobilité du personnel est un élément qui perturbe le climat de travail et nécessite de bonnes capacités d'adaptation face aux nouvelles venues. En effet, c'est comme si l'équipe était à rebâtir à chaque mouvement de personnel et ceci est d'autant plus exigeant que pour la plupart des intervenantes qui en sont à leur première expérience de travail, la dynamique du groupe est une chose importante. Malgré une description de tâches semblable pour toutes au départ, il s'est développé chez certaines, pendant le projet, des ««spécialisations» entraînant chez d'autres une perception de «chasse-gardée» entravant ainsi la participation de toutes. Les rapports avec la coordonnatrice sont dans l'ensemble satisfaisants et les intervenantes soulignent que cette dernière s'est impliquée à fond dans La Parentèle, elle a su gérer le projet avec souplesse tout en témoignant d 'écoute, de créativité et d'empathie avec la clientèle.
3 . Rapports en tre La Parentè le e t le Groupe P r o m o t e u r
Tout au long du projet, l 'équipe de travail de la Parentèle a eu un rapport constant avec le Groupe Promoteur et cette relation a sans cesse évolué dans le temps. En tant qu'initiateur du projet, le Groupe Promoteur porte seul la responsabilité de la conception. Lorsque le projet démarre, le Groupe Promoteur doit apprendre, non sans difficultés, à laisser l 'équipe voler de ses
^ Six intervenantes-lerrain ont d'abord travaillé trois jours par semaine. Lors de la dernière année du projet, et suite au départ de l'une d'elles, il fut décidé de ne pas la remplacer et de permettre à certaines intervenantes-terrain de travailler quatre jours par semaine.
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propres ailes tout en assumant ses responsabilités d'encadrement et ses responsabilités financières. Il s'agit de soutenir la Parentèle sans s'y ingérer. L'arrivée de la deuxième coordonnatrice facilite l'autonomie de la Parentèle sauf en ce qui concerne sa gestion financière qui reste sous la responsabilité du DSC de la Cité de la Santé de Laval. La souplesse dans la gestion du Groupe Promoteur est cependant perçue par une majorité d'intervenantes comme un manque d'intérêt p o u r l ' o rgan i sme , o p i n i o n que la coordonnatrice ne partage pas. L'absence relative de contacts entre les intervenantes-terrain et le Groupe Promoteur a pu faire croître chez certaines le sentiment d'un manque de considération pour les interventions et les difficultés quotidiennes de leur pratique et cela, malgré la p r é s e n c e c o n t i n u e des o rgan i sa t eu r s communautaires des CLSC impliqués. L'expérience démontre que plus ïa Parentèle développe son autonomie face au Groupe Promoteur, plus les échanges entre les deux groupes deviennent égalitaires. Il est permis de penser qu'au fur et à mesure que l'équipe s'est appropriée le projet et que La Parentèle a cheminé vers son autonomie (avec la formation de son conseil d'administration, par exemple), l'équipe a davantage eu l'impression de travailler vraiment en collaboration avec le Groupe Promoteur.
5. La format ion
Les scéances d'orientation du début du projet et les sessions de formation en cours de projet se sont avérées, selon les intervenantes, pertinentes, adaptées aux besoins et utiles à leur travail quoiqu'un peu trop théoriques. Les scéances d'orientation abordaient, entre autres, les thèmes suivants: négligence dans les deux quartiers et dimension de la négligence; l'environnement humain et social, les services publics, les ressources communautaires et les lois, etc. L'orientation se complète par des sessions de formation dont les plus appréciées par l'équipe sont, par ordre décroissant, celles portant sur la violence conjugale, sur l'intervention de protection envers l'enfant, sur l'organisation et le fonctionnement d'une halte-garderie et sur les premiers soins. L'acquisition ou la mise à jour de nouvelles connaissances, l'impact rassurant que la formation exerce sur les interrogations que les intervenantes-terrain se posent sur leur travail, sont autant de points positifs à mentionner.
6. A p p r é c i a t i o n d e l ' a p p r o c h e par s e c t e u r
4 . Condi t ions d e travail
Malgré quelques réserves, l'équipe de La Parentèle considère ses conditions de travail idéales et apprécie la flexibilité dans la gestion de l'organisation et du calendrier de travail. Ce sont les conditions salariales qui soulèvent le plus de réserves. Avec un taux horaire de 8,90$, certaines considèrent qu'elles exercent à rabais des fonctions similaires à celles des travailleuses sociales. D'autre part, elles s'expliquent mal certains délais survenus dans le versement des salaires et autres paiements; délais aux conséquences fâcheuses si l'on considère la condition socio-économique précaire de certaines.
Pour la plupart des intervenantes de La Parentèle, il n'était pas réaliste de couvrir les deux secteurs géographiques de Chomedey et Laval-des-Rapides, et ce, pour de multiples raisons: manque de support professionnel des établissements, caracléristiques propres à chacune des deux populations, dimension des deux sec-leurs et distance les séparant. Le secteur de Chomedey s'est avéré plus difficile à percer. Une p o p u l a t i o n au profil s o c i o - é c o n o m i q u e hétérogène, un minimum d'interactions sociales, des problèmes de collaboration entre l'équipe de la Parentèle et le CLSC sont autant d'entraves au recrutement de la clientèle. L'absence d'un local, garantissant une présence physique dans le secteur, augmente les difficultés à rejoindre la clientèle. Certaines intervenantes considèrent que le secteur de Chomedey a été abandonné trop rapidement et que divers efforts de promotion auraient pu être poursuivis (porte à porte, travail de rue, etc.) Enfin, il y eut des divisions dans l'équipe partagée entre deux secteurs. Ces
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mésententes s'exprimaient par des rivalités ou des problèmes de communication. Cependant, de l'avis de l'équipe, l 'approche par secteur, même avec ses limites, est la plus appropriée car elle permet de répondre aux besoins de la clientèle et de s'adapter à ses particularités.
7. Si c'était à refaire. . .
iration de La Parentèle, e t c . ) , le toutencadré par un mode de gestion souple.
13. La parentèle, les établissements publics et les organismes communautaires
Si La Parentèle était à refaire... la moitié des intervenantes-terrain souhaite que les choses se passent de la même façon... ou presque... Les commentaires et/ou suggestions suivantes permettront peut-être de futures autres Parentèles et intervenantes-terrain:
^ appréciation de la confiance du Groupe P r o m o t e u r enve r s l ' équ ipe de La Parentèle, dont on souhaiterait qu'il assume un meilleur encadrement et une plus grande cohésion en vue d'accélérer les processus décisionnels;
-^ création de lieux de débats autour des orientations de La Parentèle;
^ concentration de l'action sur un seul secteur, plutôt que sur deux;
- • aflègement des procédures administratives liées à la gestion financière du projet;
- • précision des modalités de collaboration avec les organismes du réseau;
- • meilleure planification du support matériel et professionnel.
Lesconseils prodigués parles intervenantes-terrain à une nouvelle-venue se résument à ceci. Les nouvelles-venues doivent disposer de capacités d'adaptation à des situations diverses et doivent pouvoir exprimer leurs besoins à un groupe ou à des individus capables d'apporter leur aide. Enfin, elles doivent être capables de confronter plusieurs problèmes à la fois. De son côté, la coordonnatrice devra poursuivre son travail de promotion de l'organisme, tout en assumant son rôle de conciliatrice e tde médiatrice, tant auprès de l 'équipe qu'auprès d'autres instances (établissements du réseau de la santé, conseil d'adminis-
En juillet et août 1990, dix-huit entrevues sont réalisées auprès de onze professionnels -les du réseau de la santé et des services sociaux, et auprès de sept organismes communautaires lavailois afin de recueillir des données illustrant la nature de la collaboration développée entre La Parentèle et ces organismes. Plus spécifiquement, il s'agissait de cerner la perception que ces organismes ont de La Parentèle, de déterminer comment cette dernière influence la pratique de leurs intervenants et enfin, de décrire le niveau d'intégration de La Parentèle dans la communauté.
1. La p e r c e p t i o n d u m a n d a t d e La Parentè le
Dans l'ensemble, les représentants des organismes perçoivent la Parentèle en ces termes:
- • un organisme communautaire de type alternatif du fait de sa présence à même le milieu, de la grande disponibilité des intervenantes- terrain, de la souplesse de ses structures et d 'une approche qui stimule la confiance de la clientèle;
^ un organisme d'aide et de support à des familles en difficulté, majoritairement m o n o p a r e n t a l e s e t s o c i o - é c o n o -miquement défavorisées, en offrant des services n'existant pas dans le réseau institutionnel;
- • un lieu d'échanges et de rencontres dans des secteurs particuliers de Laval;
- • un organisme pertinent dans le milieu puisqu'il agit comme soupape dans un secteur défavorisé;
ir
- • un organisme doté d'une équipe qui fait du bon travail.
La Parentèle est donc rarement définie comme un organisme voué de façon spécifique à la prévention de la négligence chez les enfants de zéro à cinq ans.
support à long terme et qu'elles constituent souvent le pro longement d 'une démarche amorcée ailleurs par les parents ou les familles concernées.
3 . Col laborations: é l é m e n t s facilitants et obstac les à la co l laborat ion
Attentes face aux s e rv i ces d e La Parentèle
Dans l'ensemble, les services dispensés par La Parentèle correspondent aux attentes des intervenants rencontrés. Plus spécifiquement, ces attentes sont les suivantes:
- • l'équipe de La Parentèle doit poursuivre en terme de présence et de disponibilité son travail de socialisation auprès des enfants et des familles ainsi qu'un suivi individuel auprès de ces dernières;
- • l'équipe de La Parentèle doit maintenir la continuité d'activités comme l'accompagnement des mères et la halte-parents-enfants. Elle doit aussi veiller au développement d'interventions visant à briser l'isolement des familles, et également fournir un modèle et améliorer les rapports mère-enfant-s;
- • de meilleurs échanges doivent être développés entre La Parentèle et les organismes avec qui elle est en contact afin de mieux définir les collaborations possibles;
- • l a Parentèle pourrait aider à mieux faire connnaître la nature et le rôle des établissements, afin de démystifier le tout aux yeux de sa clientèle;
- • La Parentèle doit pouvoir continuer à référer les familles vers les ressources dont elles ont besoin et fournir une aide favorisant l'intégration des familles immigrantes.
Pour les intervenants, de telles interventions s'avèrent complémentaires à celles du réseau institutionnel puisqu'elles se basent sur un
Pour les représentants des établissements ou des organismes, le développement de la collaboration entre La Parentèle et les organismes socio-communautaires varie selon la nature de ces derniers. Dans le cas des intervenants du réseau institutionnel de la santé et des services sociaux, la collaboration prend la forme de la référence de clientes vers La Parentèle et d 'un suivi sur une base ponctuelle et informelle. Ils se fient sur l'aide concrète et immédiate (halte-parents-enfants ou accompagnement) que La Paren tè le fourn i t . Pour les o r g a n i s m e s communautaires, leur collaboration est liée à leurraison sociale. Un organisme communautaire va collaborer avec La Parentèle en lui cédant, par exemple, des surplus alimentaires. La Parentèle dirige plus de familles vers les organismes communautaires qu'elle ne reçoit de familles référées par ces organismes sauf dans le cas de la maison d'hébergement pour femmes victimes de violence Le Prélude. La collaboration avec Le Prélude s'exprime par une dynamique de référence réciproque.
Les rapports avec la Parentèle ont été plus fréquents avec le BSS et les CLSC participant au projet, et ont pris la forme de références de familles vers la Parentèle ou encore de discussions sur les cas partagés par l 'équipe des intervenantes et les travailleurs sociaux. Les intervenants des établissements ont démontré un intérêt variable pour La Parentèle, certains professionnels exprimant des réserves face à des intervenantes-terrain dites «non-professionnelles*». On peut penser que les craintes des professionnels relèvent d 'une certaine difficulté à ajuster leur approche en vue d 'une action complémentaire, ou encore de la crainte de perdre une part de leur pouvoir professionnel au profit d'une ressource moins onéreuse, non-spécialisée, mais pas moins efficace. Les organismes communautaires ne partagent pas de telles craintes.
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Le partage d'une clientèle commune favorise et légitime la collaboration avec La Parentèle : l ' a c c o m p a g n e m e n t d e s familles pa r les intervenantes-terrain de La Parentèle, les visites, les contacts ponctuels et les échanges téléphoniques, sont autant de moyens favorisant la prise de contact et l'échange d'informations sur les cas suivis conjointement.
Les représentants définissent leurs rapports avec La Parentèle comme ayant été ponctuels et informels. La qualité, la fréquence et l'intensité de ces rapports sont fonction des rapports interpersonnels, de la mobilité des ressources humaines et de l'acuité des problèmes de la clientèle commune. L'approche par secteur et le peu de disponibilité des intervenants des deux parties sont certes des freins à une collaboration réciproque.
Bien que dans l'ensemble, les intervenantes de La Parentèle se déclarent satisfaites des rapports entretenus avec les intervenants des établissements, certaines difficultés ont pu se développer suite à des perceptions différentes de la situation de la famille concernée et des interventions à mettre en oeuvre pour l'aider. Avec le temps, les établissements en sont arrivés à interagir plus étroitement avec La Parentèle. Ainsi, les ressources du BSS et du CLSC profitent maintenant des locaux de La Parentèle pour rejoindre des familles dans un cadre moins bureaucratique ce qui, par ricochet, fait connaître La Parentèle.
Le processus de référence est une bonne manifestation de collaboration. L'intervenant réfère une famille vers La Parentèle lorsqu'elle répond à ses critères d'admission, en fonction des besoins identifiés et conditionnellement au fait qu'il ne s'agisse pas d 'un cas trop lourd.
L'ensemble des intervenants du réseau s'accordent à dire qu'il y a effectivement une complémentarité entre les interventions dispensées par La Parentèle et les leurs. Les établissements dispensent des services de première ligne, dépistent les besoins et interviennent à court terme. La Parentèle assume le relais en fournissant aux familles un support à plus long terme. Ainsi, les interventions de La Parentèle sont complémentaires à celles du réseau institutionnel puisqu'elles vont dans le même sens.
4 . D i f férences en tre l e s i n t e r v e n a n t e s d e La Parentè le e t l e s in t ervenant s d u r é s e a u
C o m m e n t les mères , f r équen tan t La Parentèle, perçoivent-elles les différences entre les in tervenantes de La Parentèle et les in tervenants du réseau? Selon elles, les intervenantes de La Parentèle sont plus disponibles, plus accessibles, non astreintes à un horaire précis. Ceci favorise la fréquence et l'intensité du suivi et une approche plus personnalisée que celle dispensée par les professionnels. Les intervenants du réseau reconnaissent en effet qu'ils sont prisonniers d'un *<case load* important qui réduitd'autantleurdisponibilité. D'autre part, les mères se sentent plus proches, plus à l'aise, plus ouvertes aux confidences avec l'intervenante de la Parentèle qu'avec leur travailleur social. Selon les intervenants du réseau, le choix de ressources non-professionnelles, aux caractéristiques sociales semblables à celles de la clientèle, a favorisé et accéléré le développement de liens avec les mères. Celles qui sont suivies ou ont été suivies par un travailleur social considèrent ce suivi comme une forme d'ingérence dans leur vie privée et l'associent généralement au risque de perdre la garde de leur-s enfant-s. Tous ces éléments illustrent bien pourquoi les mères concernées s'opposent majoritairement et avec vigueur à une collaboration accrue sur une base continue des ressources des établissements avec les intervenantes de La Parentèle.
5 . La v is ibi l i té d e La Parentè le
Selon l'ensemble des représentants des établissements et des organismes, La Parentèle est assez présente et connue dans le milieu. Cet avis n'est pas partagé par l 'équipe et les mères qui considèrent qu'il faut améliorer la diffusion de l'information destinée aux familles et intensifier la promotion et la publicité de l'organisme auprès de la c l i en t è l e p o t e n t i e l l e ( c a m p a g n e s médiatiques, implication des commerçants, approche-terrain, activités de promotion, e t c . ) . Selon les intervenantes, c'est le développement de la halte-garderie qui a le plus contribué à faire connaître La Parentèle.
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6. Appréciat ion d e l 'approche par s e c t e u r
2. Appréciat ion d e s v is i tes à d o m i c i l e
Les intervenants considèrent, tout comme l'équipe de La Parentèle, que l'approche par secteur est la plus appropriée puisque chaque quartier compte un bon nombre de familles démunies. Cependant, selon les intervenants des établissements, beaucoup de familles ont vu leur demande de services refusée parce que n'appartenant pas aux secteurs desservis. Cela a découragé des intervenants à référer des familles vers La Parentèle. II y a là également une indication importante sur les besoins car, idéalement, les points de services de La Parentèle devraient être multipliés, non seulement à Laval-des-Rapides, mais dans d'autres secteurs de Laval.
V-*. Évaluation des moyens développés par la Parentèle
Lors d'entrevues au printemps 1990,14 des 19 mères ayant fait l'objet de l'illustration des familles fréquentant La Parentèle ont accepté de livrer leurs commentaires sur les effets qu'elles ont perçu quant aux interventions de l'équipe et sur leur perception de leur expérience à La Parentèle.
1. Appréciat ion g é n é r a l e d e s m è r e s
Toutes les mères s'estiment satisfaites de la nature et de la qualité des services qu'elles ont reçus à la Parentèle et sonl heureuses de bénéficier de visites à domicile, d'accompagnement ainsi que du service de la halte-parents-enfants. Elles apprécient particulièrement la disponibilité, le support et l'écoute des intervenantes-terrain, l'accessibilité et la fiabilité de la ressource ainsi que l'esprit familial qui y règne, soit une ambiance favorisant une appropriation de la ressource.
Les visites à domicile sont très prisées par l'ensemble des mères profitant d 'un suivi individuel car le contexte est propice aux confidences. Pour l'intervenante, le fait d'agir directement dans le milieu de vie des familles lui permet de mieux cerner sa dynamique et de mieux orienter ses interventions. Si les premières visites témoignent d'une certaine méfiance de la part des mères, plus la relation de confiance s'établit entre ces dernières et les intervenantes-terrain, plus la méfiance s'estompe pour céder la place, dans bien des cas, à l'amitié. Pour ces mères, le fait de bénéficier de ces visites dans le lieu physique de leur maison crée un contexte plus p rop ice aux c o n f i d e n c e s . En fait, e l les s'accomoderaient mal à l'idée de devoir se rendre aux locaux de La Parentèle, généralement à cause du transport et de leurs enfants.
3 . Act ivi tés coUec t ives
la grande majorité des mères suivies individuellement ont participé de manière ponctuelle aux activités collectives de la Parentèle. Leur niveau de participation varie selon les ressources financières dont la famille dispose et l'accessibilité au transport. Les activités préférées des familles ont été: les glissoires d'eau, la fête de Noël, la soirée de la Saint-Valentin et la fête d'Halloween, les pique-niques et le parc Safari. Ces activités permettent aux familles de profiter de loisirs autrement inaccessibles, car trop coiJteux. De plus, elles favorisent la rupture de l'isolement et sont pour ces dernières des occasions de socialisation et d'amélioration du réseau social.
4 . La h a l t e - p a r e n t s - e n f a n t s
La halte-parents-enfants permet aux mères de participer à une activité axée sur leurs enfants et donc d'accéder à des mécanismes pouvant améliorer la communication parentale. Elle leur permet aussi de bénéficier de moments de répit, moments où elles peuvent se reposer, rencontrer
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d'autres mères, faire des achats, des travaux ou autres activités qu'elles ne pourraient pas ou peu réaliser en compagnie de leurs enfants. Les mères sont majoritairement satisfaites du fonctionnement de la halte-parents-enfants et assument sans problème leur tour de garde. Certaines apprennent même à interagir avec les enfants et développent des habiletés en animation. Les enfants peuvent jouer, s 'adonner à des activités physiques qu'ils pourraient difficilement se permettre à leurdomicile (course, sauts, e t c . ) . II est à noter que les familles monoparentales participent peu à la halte. Celle-ci est en quelque sorte la marque de commerce de La Parentèle car elle attire la clientèle et assure la visibilité de l'organisme dans le secteur. Dans le fonctionnement actuel de La Parentèle, comme organisme autonome, les mères doivent s'impliquer plus à fond dans l'organisation et l'animation des périodes de halte, compte-tenu de la réduction de la masse salariale depuis la fin du projet-pilote.
Appréc ia t ion d e la re la t ion c l i e n t e s / i n t e r v e n a n t e s
Les réf>onses des mères varient en ce qui a trait au développement d 'une relation de confiance avec les intervenantes. Pour certaines, cette relation se fera spontanément ou pas du tout. Pour d'autres, U s'agira d 'une démarche graduelle où l'aide et le support concret apportés dans des situations de crise deviendront les preuves de la fiabilité de l'intervenante-terrain, fiabilité sur laquelle s'approfondira la relation. Lorsque les mères se rendent compte que les intervenantes possèdent un vécu semblable au leur, le terrain devient également plus propice à la confiance et aux confidences.
D . Les effets de la Parentèle sur les individus, les famUles et les établissements publics et communautaires
Quels effets significatife La Parentèle a-t-elle produit? Certains des intervenants des établissements et des organismes communautaires font état:
-f de la rupture de l'isolement social par le biais d 'une socialisation accrue des familles;
^ du renforcement des compétences parentales e t d e l'amélioration des relations parent-s/enfant-s;
- • de l'accroissement de l'estime de soi des mères;
• • d 'une accélération de l'intégration des familles immigrantes rejointes à la société québécoise;
^ d 'une meilleure connaissance des ressources par ces familles;
^ du développement et de l'implication des familles dans une dynamique d'entraide;
- • d 'une prise de conscience des problèmes et solutions possibles;
- • d 'une responsabilisation accrue des mères face à leurs enfants;
-4 d 'une autonomie croissante des membres de chaque famille;
-f du maintien de la garde des enfants pour des mères à la situation socio-économique très précaire et/ou des mères à forte carence affective.
Toutes les mères s 'entendent pour dire que La Parentèle a changé positivement quelque chose dans leur vie. La socialisation et la rupture de l'isolement sont les effets les plus rapportés. Les mères constatent des améliorations à la fois
^
dans la qualité de leur vie de famille et dans leurs rapports avec leurs enfants. Le support qu'elles reçoivent (écoute, suggestions, aide concrète) ainsi que les pratiques nouvelles issues de l'apprentissage leur permettent d'être plus tolérantes, plus patientes, moins fatiguées et plus disponibles pour interagir avec leurs enfants. Les mères perçoivent que leurs enfants socialisent mieux et elles imputent ce fait aux activités et à la halte-parents-enfants qui leur permet de connaître d'autres enfants du quartier, de partager avec eux , de s ' i n t ég re r à un g r o u p e . Progressivement, les enfants deviennent plus autonomes, moins anxieux ou agressifs. la Parentèle offre à certains d'entre eux des opportunités dont ils ne disposeraient pas autrement: camps de vacances subventionnés, jeux et activités physiques, jouets neufs ou usages, apprentissage du français. La Parentèle a favorisé chez les mères une prise de conscience des divers problèmes affectant la santé elle dcveloppemenlcogniiif de leurs enfants. Pour les familles immigrantes, les effets se traduisent par une meilleure
intégration à la société québécoise, favorisée par la connaissance des ressources et l'apprentissage du français. Les mères victimes de violence conjugale en arrivent à questionner leur relation de couple et traversent plus facUement la période de transition occasionnée par la rupture.
Au moment des entrevues d'évaluation, la moitié des intervenantes disaient vouloir contribuer à la poursuite des activités de l a Parentèle comme travailleuses. D'autres se sentaient prêtes à s'impliquer à titre bénévole sur le conseil d'administration.
Le tiers des mères rencontrées se disaient prêtes à s'impliquer plus à fond dans le développement global et dans la halle. Certaines étaient déjà impliquées au niveau du conseil d'administration. À la fin du projet subventionné par Santé et Bien-être Social Canada, trois intervenantes sont demeurées en poste à la Parentèle dont une c o m m e c o o r d o n n a t r i c e . Ce r t a ine s son t demeurées sur le conseil d'administration à titre bénévole.
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l-*es éléments rapportés dans les quatre cahiers du rapport ont soulevé des questionnements à propos desquels le Groupe Promoteur présente ici ses réflexions (**).
Nous aborderons d'abord les réflexions concernant la méthodologie utilisée pour rendre compte de Texpérience de ce projet-pilote, puis les éléments concernant l'expérience de trava il, la clientèle usagère de La Parentèle et l'approche développée par l'équipe.
A . Méthodologie
Le projet-pilote prévoyait au départ une évaluation du processus, de la structure et des effets du programme. C'est pour ce dernier volet, les effets, que les limites sont le plus rapidement apparues. Déjà, le projet-pilote questionnait la possibilité éthique et pratique de conduire une étude avec le design expérimental comportant une population témoin. Nous retenions alors, au moment de l'implantation, l'idée de procédera une étude en séries en appliquant les outils de recherche à intervalles séquentiels auprès de la population d'étude. Un premier ensemble d'outils choisis comportait une observation des relations parent-s/enfant-s, un questionnaire établissant une échelle de bien-être (ou dépression) des mères et un questionnaire étudiant leur réseau social. Les mères participantes ont répondu à ces questionnaires dans une proportion très élevée.
Cependant, l'ampleur de l'ensemble du devis, compte-tenu des ressources affectées à la recherche et surtout de la trop faible quantité d'effectifs, nous ont amené à la remise en question et à l'abandon de cette approche. Il est apparu plus réaliste et utile de procéder à une évaluation qualitative visant à connaître ce qui se dégageait de l'expérience de différents acteurs participant au projet-pilote de La Parentèle. Le choix de procéder par entrevues semi-dirigées sembUit le plus pertinent pour obtenir le matériel qualitatif souhaité.
Le fait que la chercheure ait participé à la vie de l'équipe présente certains avantages au plan de la connaissance de la dynamique et de la capacité d'observation et d'échange. Cela comporte aussi des biais dans la mesure où elle peut finir par faire partie de la dynamique comme telle, avec comme conséquence, une capacité
réduite de recul. Ses interrelations avec les membres de l'équipe, en particulier, augmentent le risque de subjectivité dans le déroulement des entrevues. Ses propres perceptions peuvent s'entremêler à celles des personnes interrogées.
Toutefois, rutilisation au matériel recueilU par la première chercheure, la participation d une intervenante de l'équipe au comité de lecture, la participation du Groupe Promoteur à la discussion sur les résultats et l'élaboration du rapport, les observations de la chercheure à partir des rencontres de l'équipe ...sont autant d'éléments qui permettent de diversifier les sources d'information et de jeter un regard plus riche sur l'expérience. Cette diversité de points de vue a sans doute permis de réduire l'effet des biais spécifiques à chacun des protagonistes.
L'évaluation s'est voulue formative, c'est-à-dire permettant une rétroaction continue de façon à ajuster la démarche à partir des informations recueillies. Nous constatons que le volet formatif a été présent tout au long du processus, au sens où une réflexion continue a permis d'ajuster l'action pendant toute l'évolution du projet. Cependant, le volet recherche n'a pas toujours également alimenté cet aspect formatif. L'expertise de contenu de la chercheure initiale, psychologue de formation, et ses habilités interpersonnelles en ont fait une ressource utilisée par l'équipe pouraideràcomprendre l'intervention développée et pour questionner les stratégies mises en oeuvre. La seconde ressource en recherche n'ayant pas la même expertise de contenu, et l'équipe présentant un intérêt peu élevé pour la dimension recherche, c'est plutôt la seconde coordonnatrice qui a stimulé le processus formatif, appuyée pour ce faire parle Groupe Promoteur. Le processus de concertation a supporté une analyse continue du développement de la pratique.
Cette section a été rédigée par France Filiatrault ci Alain Carrier
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Le projet-pilote voulait éviter d'outiller les intervenantes de façon a en faire des ressources au service de la recherche par leur implication dans diverses formes de cueillette de données (observation, questionnaire...). Les outils développés devaient être d'abord au service de l'intervention. Malgré un consensus sur les informations à colliger, l'encadrement demeure nécessaire pour soutenir l'intérêt et la rigueur de cette collecte de données. Dans le feu de l'action, cet aspect a le plus souvent été négligé et il en résulte que l'évaluation de la clientèle rejointe en sous-estime l'ampleur.
Des é l é m e n t s n o n prévus et non spécïfiquementcolligés finissent parcolorer l'expérience et lui donner un sens. L'observation participante, si l'on peut nommer ainsi le regard du Groupe Promoteur sur l'évolution de La Parentèle, et la mise en commun des différentes perceptions permettent d'en rendre compte, via le rapport comme tel et la présente discussion.
D. Expérience de travail
Un premier objectif de l'évaluation visait à connaître l'appréciation de l'expérience de travail de l'équipe de La Parentèle, soit l'appréciation de la fonction et des tâches à accomplir (le contenu du travail) ainsi que des conditions permettant de réaliser ce travail.
De façon générale, le contenu du travail semble avoir apporté une bonne satisfaction aux membres de l'équipe. Les relations avec les familles sont la raison d'être des intervenantes-terrain et les effets qu'elles estiment avoir eu sur ces familles leur apportent satisfaction. Leurs réalisations à travers les activités tant individuelles que collectives sont appréciées même si les intérêts de chacune peuvent leur faire préférer un type d'activités plutôt qu'un autre.
Il semble que l'équipe ait mis plus de temps à éprouver de la satisfaction vis-à-vis des activités collectives. La gratification est peut-être moins personnellement ressentie que dans les activités de suivi individuel où l'intervenante peut plus directement sentir l'effet de sa relation avec la mère. Les activités collectives se sont introduites
plus tardivement que les activités individuelles, venant bousculer une assurance nouvellement installée et requérir une fois de plus un apprentissage et une adaptation.
L'appréciation de l'équipe sur les conditions permettant de réaliser le projet amène à dégager divers aspects: les conditions matérielles et salariales, la formation, les relations de travail, que ce soit à l'interne ou avec le Groupe Promoteur.
Nous ne nous étonnons pas du fait qu 'une bonne part des membres de l'équipe considèrent les conditions salariales insatisfaisantes. Le fait de «<partager>* une même clientèle avec des intervenants du réseau pour lesquels les conditions sont tellement différentes, augmente sans doute leur sentiment d'insatisfaction. Les conditions matérielles (local installations, matériel) ont aussi fait aussi l'objet d'insatisfactions nombreuses surtout liées au manque de contrôle de l'équipe en ce qui a trait aux procédures administratives. Bien qu'avec le temps, les procédures se soient un peu améliorées, certaines difficultés se sont toujours maintenues. Les procédures administratives auxquelles sont contraints les établissements sont inappropriées au contexte de projets comme la Parentèle, et ont ajouté aux tensions.
L'équipe a globalement apprécié la formation. À certains moments, les intérêts manifestés étaient à ce point diversifiés qu 'un certain éparpillement était à craindre. Ce phénomène est peut-être le revers de médaille de l'approche globale. Dans les faits, bien qu'inégalement appréciées, ces différentes formations semblent avoir été mises en pratique dans le projet.
la formation de départ se voulait davantage une orientation permettant à l'équipe de prendre connaissance du projet et de s'en approprier ses différents aspects. Les «exposés* ou ateliers, animés par des personnes-ressources, membres du Groupe Promoteur, alternaient donc avec des échanges d'équipe devant permettre à celle<i d'intégrer des notions permettant d'amorcer le travail dans le milieu. L'évaluation effectuée à l'époque indique que l'ensemble de la formation est trop théorique. L'orientation ne semble pas avoir permis aux intervenantes de saisir suffisamment les objectifs du projet. Ces imprécisions, de
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portée variable, touchaient souvent les fondements mêmes de l 'approche.
Finalement, c'est au plan du travail de l'équipe que les difficultés semblent avoir été les plus importantes. L'inexpérience de travail conjuguée à une forte exigence d'adaptation et à un travail îX)ur lequel les références de modèle étaient presques absentes ont augmenté les problèmes inhérents au fonctionnement d 'une équipe. 11 semble que l'équipe ait oscillé entre le besoin d 'un encadrement plus ferme tant de la coordonnatrice que du Groupe Promoteur et une volonté d'autonomie qui, pour certaines, s'accompagnait d 'une difficulté à gérer la relation d'autorité. Dans un tel contexte, le leadership de la coordination doit être mobilisant et doit permettre à l 'équipe de baliser ses actions. L'expérience et la complicité dont a fait preuve cette ressource ont été des éléments essentiels au maintien de la cohésion de l'équipe.
Pour terminer la réflexion sur ce point, citons ici un extrait du rapix>rt annuel datant de février 1990, qui rend compte des difficultés mais aussi de la force de l ' équipe: «L'équipe d'intervenantes, depuis le début du projet, a souvent éprouvé de la fatigue et de la lassitude. La lourdeur des situations des clientes, les tâches multiples et variées ainsi que l'adaptation rapide exigée ont essouflé et même découragé certaines d'entre elles. Malgré tout, les intervenantes ont développé une cohésion et une implication si considérables au cours du projet qu'elles ont contribué grandement au succès de La Parentèle*.
v>. Les relations avec le réseau institutionnel
Le second objectifde l'évaluation qualitative visait à étudier la collaboration de La Parentèle avec des établissements et organismes desservant la même population.
Les moyens développés pour prendre contact avec la population ont influencé le portrait de la ou des clientèles. Durant la première année d'existence de La Parentèle, les familles rejointes l'ont surtout été par des références provenant des CLSC. Les usagères ainsi recrutées semblaient avoir un profil plus «lourd* que le profil
de celles s'adrcssant de leur propre chef à La Parentèle.Au fureta mesure de son implantation et grâce à un local ouvert dans le quartier, davantage d'usagères se sont adressées directement à La Parentèle, sans références préalables de professionnels. À la longue, leurs difficultés se sont dévoilées parfois aussi importantes. Leur potentiel de mobilisation cependant est peut-être un peu plus grand.
Alors que les CLSC disent éprouver de la difficulté à rejoindre une clientèle dite à risque, ils sont, principalement au début du projet , une source de référence importante. Cette situation nous a amené à penser que les CLSC étaient en mesure d'identifier des familles en besoin mais plus difficilement en mesure de les desservir.
Depuis, cette situation a évolué. Les orientations amenant les CLSC à se consacrer aux clientèles -à risque* ont modifié les approches ou les ont intensifiées pour mieux rejoindre et mieux desservir ces clientèles. Le suivi périnatal témoigne de façon particulière des efforts pour répondre aux besoins des familles en difficulté. Cependant, quelle que soit la qualité des services offerts, les familles doivent compter sur des ressources autres que les établissements pour satisfaire certains de leurs besoins. la collaborat ion e n t r e les CLSC et les o r g a n i s m e s communautaires augmente le potentiel de chacun.
Sans être contradictoires, le portrait des données objectives de référence (cahier 3) et la perception sur la collaboration suscitent des questionnements.
Malgré le fait qu 'une bonne partie des usagères aient pris contact avec La Parentèle suite à une «référence* d'un CLSC ou du BSS, l 'équipe a le plus souvent ressenti l'impression d 'une non-implication de la part de ces établissements. Sans doute s'agissait-il plus, pour ces intervenants, de nommer La Parentèle et de suggérer à une famille «d'aller y voir* que d 'une collaboration impliquant un échange d'information et un apport «complice* de support à une même famille.
Il semble que la longue expérience de la seconde coordonnatrice dans le réseau public, notamment dans un des CLSC concerné, ait de beaucoup facilité la communication.
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Certaines intervenantes se sont étonnées que des mécanismes de collaboration n'aient pas été précisés avant le début du projet. Il ne nous semble pas réaliste, ni même souhaitable, que des mécanismes très précis soient fixés avant même qu 'une ressource existe, surtout quand il s'agit d'un projet exploratoire. Plus que sur des mécanismes, il faudrait insister sur une attitude d'ouverture face au développement d'une approche nouvelle, différente, mais visant un objectif et une population identique. Nous avons pensé, un peu candidement, que des établissements qui endossent un projet impliqueraient par le fait même leur personnel en les informant et en stimulant leur réflexion sur les objectifs, sur leur propre pratique... Il faut accepter l'idée que parfois l'information ne suffit pas et qu'un processsus d'apprivoisement doit se vivre. Pour cela, le projet devait se mettre en place et démontrer sa crédibilité. La réussite des relations interpersonnelles aura été le facteur le plus favorable au développement de la collaboration.
Dans cette section, on fait aussi état des perceptions quant à l'approche non-professionnelle des ressources. Disons qu'au départ, cette dénomination a soulevé des résistances. Il est rarementsatisfaisant de se définir par la négative.
Les termes «professionnel* et «non-professionnel* instaurent une |X)larisaiion qui n'est sûrement pas exempte de jugements de valeur. Alors que les institutions ont souvent repris le discours de l'excellence et valorisé la qualité du professionnalisme, il peut être difficile pour les intervenants de dissocier non-professionnel et jugement de qualité inférieure. Des ressources peu assurées et peu expérimentées peuvent se sentirdans une relation non égalitaire. Paraillcurs, ces mêmes ressources partagent assez souvent les préjugés entretenus envers les professionnels comme quoi ils ne sont que des bureaucrates décrochés de la réalité et qui répondent aux intérêts de leur établissement avant de répondre à ceux de la personne.
Là comme ailleurs, les polarisations sont faciles à faire. Professionnaliser ne signifie pas bureaucratiser, pas plus que non-professionnel ne signifie ici laisser-aller.
Le caractère non-professionnel des ressources signifie que leurs compétences ne sont pas
évaluées en fonction d'une formation théorique, mais se basent plutôt sur leur expérience de vie.
Il semble que la vocation première du travail social consiste à rétablir un rapport égalitaire entre les professionnels (médecins, avocats, e t c . ) et des groupes de la population, en raison de disparités socio-économiques et culturelles rendant difficile le processus de communication entre les parties. Avec le temps, compte-tenu de la demande et avec le développement d 'une expertise, les travailleurs sociaux se sont professionnalisés. Le volume considérable de leur «case load*, ainsi que les diverses contraintes bureaucratiques ou syndicales ont certainement contribué à ce phénomène. Aujourd'hui, les travailleurs sociaux font partie du groupe de professionnels dans lequel se vit encore cette situation de déséquilibre qu'ils devaient pour-u n i contribuer à corriger dans leur mandat d'origine.
Un des constats souvent établi par l'équipe et certains professionnels à l'endroit du travail des intervenantes de la Parentèle souligne le fait qu'elles accomplissent un travail devant normalement faire partie de la tâche d'un travailleur social, mais qu'il n'est plus en mesure d'accomplir, c o m p t e - t e n u des c o n t r a i n t e s organisaiionnellcs déjà mentionnées. C'est le cas de l'accompagnement des mères vers diverses ressources, du support et de l'écoute apportés au cours de visites à domicile, le tout dans un contexte favorisant une grande accessibilité au service et la disponibilité des intervenantes.
Au delà des polarisations et de la difficulté à trouver un «titre* aux membres de l'équipe (le titre inscrit au projet-pilote, personne-soutien, ne satisfaisant pas l'ensemble...) le chobc des ressources basé sur une ressemblance culturelle avec la population visée et sur des qualités liées à la capacité de développer un lien de confiance, d'écouter et de mobiliser des individus ou des groupes, nous semble toujours un chobc approprié.
Il va de soi que les personnes choisies auront envie d'améliorer leurs habilités et leurs compétences. Deviendront-elles professionnelles pour autant ou seulement plus habiles et plus compétentes?
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11 imjx>rte que le rôle de la personne soit clair. Certains éléments ont semblé comporter plus de risques de professionnaliser l'intervention, c'est-à-dire de l'écarter de son but premier. Ainsi, dans l 'optique de l'évaluation, nous avions pensé administrer certains tests ou procéder à certaines observations à partir d'outils de recherche spécifiques. Bien que d'autres raisons nous y aient fait renoncer, la crainte d'alourdir l'intervention et de dévier l'intervenante de son rôle d'écoute et de confiance, ont aussi mis en doute une telle approche. Certaines mères ont manifesté leur désaccord à avoirdes «dossiers* comme si elles étaient suivies par un établissement.
Une autre des caractéristiques d 'une approche non-professionnelle devrait se manifester paruneplusgrande ouverture à l'implication des usagers au développement de la ressource. Nous avons pu observer une certaine résistance des intervenantes à supporter l'implication des familles à La Parentèle. Ainsi, au début, la participation des mères à la halte «dérangeait* les intervenantes. Elles ne pouvaient pas faire ce qu'elles voulaient, «discipliner* les enfants par exemple. On peut se demander jusqu'à quel point certaines intervenantes ne protégeaient pas une chasse-gardée.
D. L'approche, la clientèle, le quartier
L'approche de prévention de la négligence de La Parentèle s'est développée au niveau individuel, collectif et communautaire. Chacun de ces niveaux vient supporter l'adulte dans son rôle de parent. Nous allons aborder ici l'aspect p réven t i f d e l ' a p p r o c h e , le p r o c e s s u s d'implantation des interventions et la modification de l 'environnement.
1. U n e i n t e r v e n t i o n a s s u r é m e n t p r é
v e n t i v e
A cet égard, il est permis de se questionner sur les difficultés apportées par le cadre théorique du projet-pilote. Celui-ci vise à prévenir la négligence des enfants de zéro à cinq ans en
milieu à risque. Ces milieux ont été retenus à partir de facteurs précis de détérioration autant économique que sociale, et par des indicateurs de négligence comme le nombre de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse.
Dans un premier temps, la clientèle rejointe est souvent apparue plus détériorée au plan des relations parent-s/enfant-s que ne l'avait prévu le projet-pilote. Visant à prévenir la négligence, l'équipe du projet croyait s'adresser à des familles qui ne montreraient pas de manifestations importantes de négligence à l'endroit des enfants. Or, bien que l'observation ne soit pas systématisée par l'utilisation d'outils validés, les intervenantes ont observé différents types de négligence dans plusieurs des familles rencontrées. Les conditions de vie (ex. isolement, violence, pauvreté) des familles sont sans doute plus détériorées que ne l'avait prévu l'équipe.
Peut-on choisir d'intervenir dans des quar-tiersdilsà risque sansytrouverde manifestations du problème que l'on veut prévenir?
La réalité terrain résiste mal à une approche strictement préventive. Invariablement, l'aspect curaiif et préventif demeurent indissociés. Dans ce contexte, l'intervention s'actualise dans un milieu et auprès d 'une population sévèrement négligée socialement. Il y aurait sans doute intérêt à reconnaître que l'intervention préventive prend aussi son sens en soulageant les familles et en empêchant une détérioration encore plus sévère de la situation. Il pourrait aussi être intéressant de distinguer la négligence qui se manifeste ponctuellement de celle qui s'est installée de façon chronique dans la relation parent-s/ enfant-s. Dans le premier cas, les dimensions préventives prennent place par un travail d'information, de dépannage matériel, de «modeling*, de modification des conditions objectives du milieu ou par un soutien ponctuel de la famille. Lorsqu'il s'agit de la seconde manifestation, les conditions de vie de la famille sont certes en cause, mais elles sont toujours associées à la négligence affective qui questionne plus profondément la relation parentale. L'intervention prend donc des allures de «traitement de la relation parent/enfant*. Les besoins exprimés sont plus de l'ordre de l'adulte en difficulté que du parent en difficulté, d 'où l 'importance de ne pas perdre de vue des préoccupations de soutien aux pa-
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rents et auxenfanis. L'équilibre que riniervenanie doit maintenir entre le développement des habilités parentales, l'amélioration des conditions de vie des enfants et la démarche d'un adulte en quête d'un mieux être, s'avère problématique.
Est-ce que cette approche auprès de ces familles peut être vraiment qualifiée de préventive? Nous estimons avoir dépassé l'action palliative en nous intégrant dans le milieu en tant que ressource. L'approche écologique préconisée par le projet s'est avérée active dans la dynamique des familles rejointes, dans la modification du milieu et dans la reconnaissance insiiiuiionnelle des problèmes vécus par les habitants du secteur (logement, pauvreté, isolement social). la présence d'un organisme comme la Parentèle a concrètement modifié les conditions favorisant l'éclosion de comportements négligents à l'égard des enfants. Dans le cadre du présent rapport, nous pouvons difficilement en mesurer précisément la portée, mais nous pouvons constater qu'à ce niveau, la réalité du secteur a énormément changé.
2. L'importance d'une implantat ion progess ive
Durant la dernière année du projet, bon nombre de discussions ont lourné autour du choix d'approcher les deux secteurs sans y avoir «pignon sur rue*, sans offrir les services de répit et les activités collectives proposées durant la seconde moitié du projet. Pourtant, dès le début du projet, ces besoins apparaissaient évidents au Groupe Promoteur et à l'équipe intervenant sur le terrain. Nous aurions pu, selon certains, épargner à l'équipe intervenante une période de tâtonnement et d'insécurité. Elail-il vraiment nécessaire d'amorcer notre travail dans ces secteurs en offrant des services s 'adrcssant strictement aitx individus des familles?
la question fondamentale est ici la suivante: comment implanter un organisme de prévention de la négligence et plus largemnenl de soutien aux familles vivant dans un quartier défini à l'origine comme regroupant des facteurs de risque importants (pauvreté, isolement social, monoparentalité, etc.) et dont les habitants demeurent traditionnellement imperméables aux
services sociaux institutionnels? Sans pourautant tracer une ligne nette quant au processus d'implantation à privilégier, l'action auprès des familles a permis à La Parentèle d'acquérir une connaissance intime de celles-ci et du milieu. Au cours de la première année du projet, une trentaine de familles ont reçu des services de soutien concrets permettant de situer précisément La Parentèle dans la gamme des organismes qui proposent d'aider ces familles dans l'accomplissement de leur tâche parentale. Les CSS, la DPJ, les CLSC, les organismes communautaires, familiaux ou religieux offrent tous leurs propres réponses aux problèmes vécus par ces familles. La question de la confiance envers un organisme passe par le soutien reçu concrètement et par la relation inierpersonnelle entre l'intervenante et la clienic. Ne perdons pas de vue qu'il est question de la relation mère/enfant ou parent/enfant et que cette dynamique louche des valeurs individuelles et sociales fondamentales. Nous continuons de penser que tout organisme ouvrant ses portes dans un quartier identique à celui de La Parentèle et offrant les services collectifs que la Parcniclc a finalement proposé dans la seconde partie du projet, se verrait confronté à une période dite de tâtonnemeni. Au surplus nous entretenons toujours la conviction que la dimension «reaching-out» de l'approche familiale développée risquerait de se voir secondariser si l'accent avait d'abord été mis sur des activités collectives. Rappelons qu'après l'ouverture de la halte-parents-enfants, l'équipe a constaté un changement dans la clientèle rejointe: les mères les plus isolées et vivant les problématiques les plus lourdes s'inicgraient difficilement à la vie de l'organisme.
3 . Modifier la c o m p o s i t i o n object ive d e l ' env ironnement
Nous l'avons souligné précédemment, les intervenantes ont mis plus de temps à constater les résultats des activités collectives. Les effets sont moins palpables et doivent s'inscire dans l'hisioire de l'organisme pour prendre tout leur sens. Lesdifféreniesactiviiéscollectivesontcons-tiiué un maillon imporunt de la création de La Parenièle en tant qu'organisme sans but lucratif permanent. Ixs principales activités collectives ont poursuivi deux objectifs. D'abord, elles ont
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servi à satisfaire les besoins des participants. Ainsi, les parents ont tous apprécié les sorties, les fêtes et plus tard, le dépannage et la halte-garderie. Par la suite, cette séquence d'activités, greffée au support familial, a eu une influence qui a largement dépassé la seule satisfaction des usagers pour déborder sur la communauté. Le seul fait qu 'un organisme offrant des services collés à la réalité des familles ait réussi à s'implanter, a eu un impact sur la constitution même du milieu. En 1987, l'analyse du secteur de laval-des-Rapides révélait un secteur dévitalisé. Au terme du projet, le silence entourant ce secteur est rompu. La présence d'un groupe agissant dans ce milieu a eu une portée politique remarquée. Le Groupe de Ressource Technique de Laval (GRT), un organisme de promotion du logement social, a terminé l'implantation d 'une troisième coopérative de logement et, sans prendre le crédit de l'opération, nous estimons que la mise sur pied simultanée de La Parentèle et de ces coopératives n'est évidemment pas le fait du hasard et que le travail de La Parentèle a stimulé l'intérêt du GRT pour le secteur. A ce niveau, beaucoup de travail reste à accomplir, la Société canadienne d'hypothèque et de logement ayant encore quelques hésitations à accélérer le mouvement dans ce secteur.
Dorénavant, les habitants de ce secteur peuvent faire appel à un organisme et désamorcer certaines crises. À notre avis, cette possibilité de référer facilement à une ressource crédible rend le milieu plus compétent pour modifier ses conditions de vie. Il est certain que les activités collectives ont participé à générer et à développer cette prise en charge relative du milieu. C'est avec patience que l'équipe d'intervenantes a concrètement composé avec la réalité des usagères afin que ce milieu développe des mécanismes de compensation permettant de pallier aux carences de l 'environnement et d'en diminuer les impacts.
Rappelons que les usagères vivent des situations qui varient du problème conjoncturel à la carence affective grave. Dans cette perspective, il n'est pas surprenant de constater le manque d'habileté spontané des usagères dans la prise en charge de la corporation (c.a., comités,...) et dans le développement de la portion des services qui nécessitent l'entraide et l'implication bénévole.
En guise de conclusion...
Le rapport de l'expérience de La Parentèle montre qu'il est possible d'entrer en contact avec une clientèle jugée à risque de négligence, voire même négligente, et de développer une approche à la fois individuelle et collective afin de briser l'isolement de ces familles et permettre une amélioration des relations parent-s/enfant-s. Malgré les limites de la méthodologie d'évaluation, des indicateurs permettent d'apprécier les effets des interventions sur les individus, les familles et la communauté.
Ainsi, il semble y avoir eu une nette amélioration des relations parent-s/enfant-s pour un bon nombre de familles. Des placements d'enfantsauraientété évités. L'isolement de nombreuses mères a été brisé par leur participation aux activités collectives et la fréquentation d'un local commun. Des manifestations d'entraide se sont multipliées entre les familles (gardiennage, dépannage). Certaines d'entre elles se sont activement impliquées dans les processus de prise en charge de La Parentèle. Au niveau de la communauté, alors que la pauvreté est souvent une réalité occultée à Laval, les médias locaux soulignent régulièrement les besoins des familles vivant dans ces poches de pauvreté. Les élus, qu'ils soient municipaux, provinciaux ou fédéraux, ne peuvent plus négliger la problématique. Le p roces sus de co l l abora t ion e n t r e les intervenants de la Parentèle et ceux du réseau (BSS, CLSC) est concrètement engagé. Le local de la Parenièle sert de lieu d'intervention et l 'approche globale d'un quartier est de plus en plus intégrée à la pratique des établissements.
Ces constats nous révèlent que l'ambition entretenue par le projet d'actualiser une approche agissant sur les différentes dimensions de la négligence dans une perspective écologique a de toute évidence été rencontrée de manière satisfaisante.
En terme de perspective, nous ne pouvons que recommander le développement de ce type d'initiative. Les futurs promoteurs de ce genre d'expérience ne doivent pas se surprendre du temps qu'exige l'implantation d 'une telle ressource. Ils devront conjuguer avec les réticences du milieu et l'élaboration de mécanismes de
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collaboration avec les différents établissements s'avérera tout aussi ardue. Ils devront s'attarder aux problèmes que posent les questions de la culture institutionnelle ou de la confidentialité dans l'élaboration d'interventions concertées auprès des familles.
L'implantation d'une telle ressource requiert de la part des intervenants de solides capacités d'adaptation. L'immersion graduelle dans un tel milieu amène les intervenantes à rencontrer des p r o b l é m a t i q u e s l o u r d e s et complexes . L'intégration de la ressource doit s'accomplir en s'appuyanigraduellementsur les cléments dynamiques du milieu. Il est important que l'équipe assume une part importante de «leadership* loul en respectant le rythme donné par la réponse du milieu, un équilibre difficile à conserver.
de l'expérience. L'approche développée par La Parentèle trouve son originalité dans l'intégration des différents champs d'action et négliger le travail à domicile pour favoriser l'action collective diluerait cjuant à nous le sens même de l'iniervention.Aceniveau, un financement cohérent et suffisant reste de première importance.
Nous avons souligné en introduction que le présent projet en est un d'intervention et non pas de recherche. Les difficultés liées à l'évaluation des effets ont été notées. Il nous apparaît important que ces limites soient réduites afin que se développe une méthodologie propre à mieux évaluer les effets des interventions. Une meilleure estimation de l'ampleur de la négligence devra reposer sur le développement d'indicateurs valides.
La réalisation d'une telle expérience commande beaucoup devigilance afin de préserver le mandatde prévention de la négligence. ïa préoccupation première doit rester l'amélioration de la qualité de vie des parents, des mères cl des enfants du secteur. Inutile de souligner que l'accumulation des difficultés vécues par la clientèle peut entraîner l'organisme à concentrer ses efforts sur d'autres problématiques.
L'importance de consacrer au projet des ressources financières suffisantes ne peut être trop soulignée afin de sauvegarder riniégralitc
Pour le Groupe Promoteur, une expérience de près de cinq ans tire à sa fin. La Parentèle de Laval a finalement obtenu les sommes nécessaires minimales lui permettant de poursuivre ses activités sur une base permanente. Ixs familles monoparentales canadiennes afllchent toujours l'un des pires taux au monde en ce qui concerne la pauvreté. Quatorze pourcent des lavailois vivent sous le seuil de la pauvreté. Nous n'avions évidemment pas la prétention de renverser la tendance, mais la situation exige le développement rapide de mesures concrètes pour éviter une détérioration accélérée de la situation.
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Bibliographie
Tel que spécifié dans l'introduction, ce document constitue la synthèse des quatre cahiers composant le rapport de La Parentèle. Nous n'indiquerons ici que les références explicitement citées dans la synthèse. Le lecteur intéressé à l'un ou l'autre des cahiers y trouvera les références bibliographiques plus détaillées, la bibliographie la plus étendue se trouvant au cahier 1.
BEAUDRY, G., Schaefer, C. et coll. 1992. La Parentèle: cadre théorique, objectifs et protocole d'évaluation (cahier # 1). DSC Cité de la Santé de Laval pour le Groupe Promoteur de La Parentèle.
TONNELIER, M. et Viau, M. 1992. La Parentèle: chronique d'un projet et réflexion sur une concertation (cahier # 2). DSC Cité de la Santé de Laval pour le Groupe Promoteur de La Parentèle.
SCHAEFER, C , Beaudry, G. et coll. 1992. La Parentèle: illustration des quartiers, des familles et de l 'approche d'intervention (cahier # 3). DSC Cité de la Santé de Laval pour le Groupe Promoteur de La Parentèle.
SCHAEFER, C , Filiatrault, F. et coll. 1992. Évaluation qualitative de La Parentèle: la vision de l ' é q u i p e , de s i n t e r v e n a n t s du r é seau institutionnel et communautaire et la vision des familles participantes. DSC Cité de la Santé de Laval pour le Groupe Promoteur.
BEAUDRY, G. 1990. Objectif # 17: la négligence envers les enfants. Document d'orientation pour une planification régionale. TCSSSL (Table de concertation de la santé et des services sociaux de Laval) en collaboration avec le DSC Cité de la Santé de Laval et le BSS Laval (CSSMM). 42 p.
LA PARENTELE. Mémoire présenté au Sommet de la personne, Ville de Laval. Mars 1991.
MAYER-RENAUD, M. (en collaboration avec Berthiaume, Monique) 1985. Les enfants du silence, revue de la littérature sur la négligence à l'égard des enfants. CSSMM (Conseil des Services Sociaux de Montréal Métropolitain). Mars 1985. 157 p .
^ revisé 1992-05-20\dbl
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Pour contacter le projet La Parentèle:
410 rue de Chartres Laval Québec H7N 1V7 Tél.: 662-9835 Coordonnatrice: Nathalie Duval
Pour toute information o u pour obtenir imecopie du rapport, s'adresser au:
DSC Cité de la Santé de Laval 3333 boul. du Souvenir lavai Québec H7V 1X1
Tél.: (514)686-2000
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