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Les transferts de masse, de quantité de mouvement et de chaleur dans une couche
limite turbulente soumise à de l'effusion de gaz sont d'une grande importance pour le contrôle
des écoulements pariétaux et la protection thermique des parois. Les possibilités de réduction
du frottement et de l'échange convectif entre le fluide et le milieu poreux en font un sujet très
étudié. Aussi dispose-t-on d'un important nombre de travaux, tant expérimentaux que
numériques, sur ce sujet.
Dans un premier temps, sont présentés les principaux résultats de la littérature
concernant les couches limites dynamique et thermique avec effusion. Après avoir effectué
une synthèse historique des recherches menées sur ce thème, nous détaillons quelques
résultats. L'évolution des coefficients de frottement et d'échange convectif en fonction du taux
d'injection retient particulièrement notre attention. Cependant, les modélisations disponibles
dans la littérature ont souvent recours à des corrections empiriques pour tenir compte de l'effet
de l'injection. De plus, toutes les configurations n'ont pas été examinées. Nous avons donc
mené notre propre expérimentation et modélisation.
Les résultats des ces études expérimentale et numérique, menées en parallèle, sont
ensuite présentées. L'étude numérique, décrite au paragraphe 1.3, est étendue aux couches
limites soumises à de l'effusion. La comparaison avec nos résultats expérimentaux, obtenus
sur le banc d'essais décrit au paragraphe 1.2, ou issus de la littérature est ensuite effectuée.
Pour différents taux d'injection, des profils de vitesses et de température au-dessus de la
plaque poreuse, mesurés ou calculés, sont fournis. L'effet de l'injection de gaz frais y est
notable tant d'un point de vue dynamique que thermique. De plus, la modélisation des couches
limites permet de prédire l'évolution des transferts de quantité de mouvement et de chaleur en
fonction notamment du débit de gaz injecté.
2.1. Bibliographie des transferts en couche limite avec effusion
2.1.1. HistoriqueL'intérêt pour les couches limites turbulentes avec effusion remonte aux années 1950.
Les études "pionnières" de Rubesin (1954) et de Dorrance et Dore (1954) ont trait aux aspects
théoriques alors que les études expérimentales ont commencé avec les travaux de Mickley et
al. (1954) et Leadon et Scott (1956). Les années 1960, ont donné lieu à des contributions
58
britanniques (Stevenson 1964, Bradshaw 1967) et soviétiques (Romanenko et Karchenko
1963, Kutateladze et Leontiev 1964).
En 1965, Kays et ses collaborateurs du département de génie mécanique de l'université
de Stanford ont débuté une étude expérimentale complète des couches limites turbulentes
incompressibles et bidimensionnelles avec effusion d'air. Les écarts de température entre
l'écoulement potentiel et le gaz injecté étant faibles, l'hypothèses de propriétés constantes a pu
être retenue. Les différents thèmes étudiés sont les suivants (dans l'ordre chronologique) :
- transferts de chaleur pour un taux d'injection constant (Moffat et Kays 1968),
- coefficient de frottement pour un taux d'injection constant ou variant faiblement (Simpson et
Whitten 1968 et Simpson et al. 1969),
- nombre de Prandtl turbulent avec effusion ou succion - aspiration de la couche limite -
(Simpson et al. 1970),
- caractérisation théorique des couches limites en présence d'effusion (Simpson 1970),
- transferts thermiques pour un écoulement fortement accéléré (Kays et al. 1970),
- transferts de chaleur pour un taux d'injection discontinu (Whitten et al. 1970),
- transferts de quantité de mouvement pour un écoulement accéléré (Julien et al. 1971),
- coefficient de frottement pour un taux d'injection discontinu (Simpson 1971),
- transferts de quantité de mouvement pour un écoulement soumis à un gradient défavorable
de pression (Andersen et al. 1975),
- transferts thermiques sur parois rugueuses (Moffat et al. 1978).
Enfin, Kays (1972) et Moffat et Kays (1984) ont synthétisé une partie de ces travaux.
Parallèlement, l'effusion de gaz chimiquement différents du fluide de l'écoulement
principal a été étudiée expérimentalement par Romanenko et Kharchenko (1963) d'une part,
Baker et Launder (1974a, 1974b) d'autre part, et numériquement par Landis et Mills (1972).
Par ailleurs, notons l'importante synthèse de Jeromin (1970) qui a répertorié un grand nombre
d'études expérimentales. Ce panorama a été complété par Campolina França (1996). On
constate que les écarts de température entre l'écoulement principal et le gaz injecté sont
relativement faibles (10 à 20 K) dans ces études expérimentales à l'exception de celle de
Romanenko et Kharchenko (1963) (écart de 100 K).
Les couches limites turbulentes pour un écoulement compressible avec effusion ont,
quant à elle, fait l'objet de nombreuses études à l'université de Cambridge. Ces études ont
porté essentiellement sur la détermination de lois de paroi (Jeromin 1968, Squire 1969) et de
coefficients de frottement (Silva Freire 1988). Plus récemment, Silva Freire et al. (1995) ont
59
approfondi l'étude théorique des lois de paroi et de sillage pour des écoulements
compressibles en utilisant une méthode de développements asymptotiques.
Outre les lois de paroi couramment utilisées (Stevenson 1968, Simpson 1970, Squire
1969, Silva Freire et al. 1995), des modélisations à l'aide de longueur de mélange ont été
mises en oeuvre (Kays 1972, Landis et Mills 1972). D'autre part, la modélisation "à bas
nombre de Reynolds" des écoulements turbulents avec transfert de masse pariétal a été
conduite par So et Yoo (1987), Shima (1993) (modèle RSM avec injection ou aspiration) et
par Campolina França et al. (1998) (modèle de Lam-Bremhorst avec correction de Yap).
Les résultats expérimentaux et numériques concernant les écoulements pariétaux avec
effusion de gaz sont donc nombreux et il n'est pas envisageable d'en dresser une liste
exhaustive dans le cadre du présent mémoire. Cependant, le calcul des coefficients de
frottement et d'échange thermique entre l'air en écoulement et la paroi poreuse revêt un intérêt
particulier pour notre étude. Les principaux résultats concernant leur détermination sont donc
examinés de façon détaillée, ainsi que ceux concernant les modifications dues à l'effusion des
profils de vitesses à proximité des parois.
2.1.2. Détermination des coefficients de frottement et d'échange thermiqueLes études expérimentales sur les écoulements turbulents avec injection ont permis
d'obtenir de nombreux résultats que l'on peut exprimer sous forme de corrélations.
L'analyse la plus simple consiste à négliger, dans la couche limite avec effusion, les
variations longitudinales de la vitesse longitudinale. En adoptant cette hypothèse et en
considérant les propriétés du fluide comme constantes, on montre que les équations de
continuité et de quantité de mouvement prennent la forme suivante dans le cas d'un
écoulement bidimensionnel :
dU
dx2
20= (2.1)
( )UdU
dx
d
dx
dU
dxt21
2 2
1
2= +
ν ν (2.2)
Résolues simultanément avec une condition de vitesse de l'écoulement secondaire
uniforme le long de la paroi, ces deux équations aboutissent à l'expression suivante du
coefficient de frottement :
60
C B
B U
dxf f
f e t2
1 1
1
2
0
1
= ++
∫
−ln( )
ν ν
δ (2.3)
où BF
Cff
= 2 et δ est l'épaisseur de la couche limite.
Mickley et al. (1954) ont estimé, en première approximation, que les évolutions de la
viscosité turbulente et de l'épaisseur de couche limite se compensent si l'injection varie de
sorte que la valeur de l'intégrale dans l'équation (2.3) est indépendante du taux d'injection.
Cette hypothèse permet l'obtention d’une corrélation simple reproduisant correctement des
résultats expérimentaux :
C
C
B
Bf
f
f
fx
01
1
Re
ln( )= + (2.4)
Les mêmes hypothèses sont applicables dans le bilan d'énergie et une expression
similaire du nombre de Stanton est obtenue (Rubesin et al. 1985) :
St
St
B
Bx
01
1
Re
ln( )= + (2.5)
B est un paramètre thermique d’injection défini par BF
St= .
Dans les relations (2.4) et (2.5) St0 et Cf0 / 2 sont, respectivement, le nombre de
Stanton et le coefficient de frottement pour l’écoulement sans injection. Ils sont donnés par les
relations (1.44) et (1.45) définie au chapitre 1 (pour mémoire : Cf
x0 0,2
20 0295
1= −, Re et
St x00,2 0,40 0295
1= − −, Re Pr ).
Dans le cas des écoulements sur plaque plane poreuse avec température de paroi et
vitesse d’injection uniformes, Moffat et Kays (1968) obtiennent des nombres de Stanton
expérimentaux à partir d’un bilan thermique effectué sur la plaque poreuse. Notons que le
banc d'essais utilisé dans cette étude présente une injection secondaire dès l'entrée de la veine
d'essais où se développe la couche limite. Moffat et Kays (1968) observent que la corrélation
(2.5) est en très bon accord avec les résultats expérimentaux obtenus dans un domaine de
variation du nombre de Reynolds de 1 O5 à 2 1 O6 et pour un taux d’injection inférieur à 1 %
(figure 2.1, où F > 0 correspond à de l’injection et F < 0 à de l’aspiration). Dans cette étude, les
auteurs montrent que pour un taux d’injection proche de 1 % et un nombre de Reynolds
d’environ 106, le décollement de la couche limite thermique se produit. Ce décollement est
caractérisé par une annulation des échanges convectifs entre la paroi poreuse et l’écoulement
pariétal (figure 2.1). Constatons d’ores et déjà l’efficacité de ce procédé de protection
thermique puisque le taux d’injection requis pour atteindre une protection optimale est très
faible.
oi4
OI2St
1 w 10-:Oi8
Oj6
oi’
_--Of0024
l5 2 4 6 loD 2 4
- - --_Req .<
Fig. 2.1 Nombre de Stanton pour un taux d’injection constant (Moffat et Kays 1984).
Simpson et al. (1969) puis Whitten et al. (1970) ont quantifié le frottement et les
transferts de chaleur en présence d’une injection non uniforme mais toujours pour de faible
écarts de température entre l’écoulement potentiel et le gaz injecté. Simpson et al. (1969)
déterminent la valeur du coefficient de frottement à l’aide de l’équation intégrale de la quantité
de mouvement qui prend la forme de la relation (2.6) pour un écoulement bidimensionnel
avec effusion.
61
62
( )d
dx
C
U
dP
dxH Ff
e e
eθ θρ
= + + +2
212
1 (2.6)
H étant le rapport de l'épaisseur de déplacement, δd, sur l'épaisseur de quantité de
mouvement, θ, respectivement définies par δ ρρd
e e
U
Udx= −
∞∫ 1 1
10 2 et
θ ρρ
= −
∞∫ U
U
U
Udx
e e e
1
101
121 .
L'équation (2.6) fait apparaître que l'injection joue un rôle similaire à celui d'un
gradient de pression positif. Injecter du fluide à la paroi a donc un effet déstabilisant sur la
couche limite. Du fait de la faible valeur des coefficients de frottement en présence d'injection,
l'utilisation directe de l'équation (2.6) peut être très imprécise. Aussi est-elle utilisée sous
forme intégrée (2.7).
Cd F df
x
x x
20
1 1
10
Re Re
Re Re (Re ) Re∫ ∫= −θ (2.7)
L'étude expérimentale de Simpson et al. (1969) montre particulièrement que le
coefficient de frottement peut être décrit par des caractéristiques locales de l'écoulement à
savoir, le taux d'injection F et l'épaisseur de quantité de mouvement θ, la connaissance de
"l'histoire" de l'écoulement n'étant requise que pour la détermination de cette épaisseur de
quantité de mouvement.
De la même façon, pour les transferts de chaleur quand la vitesse d’injection n'est pas
uniforme, Whitten et al. (1970) montrent que le nombre de Stanton peut être calculé
localement en fonction du taux d'injection et de l'épaisseur d'enthalpie. Leurs résultats
expérimentaux sont obtenus après intégration de l'équation de l'énergie qui, dans le cas d'un
écoulement sans gradient longitudinal de pression, prend la forme suivante :
d
dxSt B
∆
11= +( ) (2.8)
où ∆ est l'épaisseur d'enthalpie : ∆ = −−
∞∫ ρ
ρU
U
T T
T Tdx
e e
e
w e
1
10 2 .
Les nombres de Stanton, présentés sur la figure 2.2, illustrent ce résultat. Dès que l’on
s’éloigne d’une discontinuité d’injection, les nombres de Stanton sont identiques à ceux
obtenus avec un taux d’injection uniforme (représentés par les lignes continues) à condition de
les comparer à des nombres de Reynolds, basés sur l’épaisseur d’enthalpie, constants.
.\l
\
i.\
0~0002
: l 1,m Conrt. 0008
\
/l l
Fig. 2.2 Nombre de Stanton avec taux d’injection uniforme
ou discontinuité de l’injection (Whitten et al. 1970).
Finalement, ces différents résultats expérimentaux permettent l’obtention des
corrélations (2.9) et (2.10), qui sont applicables pour des écoulements avec un taux d’injection
variant ou non avec l’abscisse xl.
Cf -0 25 In(1 + Bf) Oy
2= aRee 9
[ 1Bf
avec a = 0,013 ou 0,012
St = 0,0128Re~oy25 Pr 11,25
(1+ B)o’25
cw
(2.10)
Pour de plus importants écarts de température entre le fluide principal et le fluide
secondaire, Landis et Mills (1972) suggèrent de normaliser les coefficients de frottement ou
nombres de Stanton et le taux d’injection. En effet, la variation des propriétés du fluide, et
63
notamment la diminution de la masse volumique avec la température, peut être importante et
avoir un impact non négligeable sur les échanges de quantité de mouvement et de chaleur.
Cependant, cet effet peut être pris en compte dans le calcul du frottement et du nombre de
Stanton sans injection (à condition de les calculer pour un écart de température entre la paroi
et l’écoulement potentiel identique à celui existant en présence d’injection). Landis et Mills
(1972) montrent, par une étude numérique, que l’effet d’un important écart de température sur
les valeurs normalisées est faible dans le cas de l’effùsion d’un gaz léger (hélium ou air) dans
un écoulement potentiel d’air (figure 2.3). Par ailleurs, leurs résultats numériques sont
semblables aux résultats expérimentaux de Romanenko et Kharchenko (1963) qui montrent
une réduction des coefficients de frottement et nombres de Stanton d’autant plus importante
que le gaz injecté est léger.
‘1’
‘fO
J9
l8
1’St/ St(-) .6
c
IS
T4
l3
j2
- 0 HeOJ2 =T,/T,
c----- OI9 (295K/324K)
OI9 (132SK/1472K)
0 1 ? 3
F / St0
Fig. 2.3 Effet de l’écart de température sur le nombre de Stanton normalisé
(Landis et Mills 1972).
2.1.3. Lois de parois en présence d’injection pariétale
La détermination des coefficient de frottement permet d’adimensionner les vitesses
longitudinales en les rapportant à la vitesse de frottement U,, UT=
Ainsi, des travaux théoriques s’appuyant sur des résultats expérimentaux ont conduit à
64
l’élaboration de lois de paroi modifiées caractérisant l’évolution des couches
turbulentes avec effusion.
limites
Les résultats expérimentaux de Moffat et Kays (1984), présentés sur la figure 2.4,
montre que l’injection, même pour de faible taux, modifie considérablement l’allure du profil
des vitesses adimensionnelles.
101
91
fM
7c
60
"'
50
40
30
20
10
0
-_--- -.-. _.a_-
-. .-
es _
.__- -
--_ _.
--
-w .-
-_
---
.-
-.-.- -em --
-..--- _.
_- -- .._.
_- .-.
--. -.
-- ..-
.-_ .--
b
-_
-1
--< --
-,-
10 100 1 0 0 0
Y+-
Fig. 2.4 Profils des vitesses adimensionnelles pour les écoulements
sur plaque plane avec injection (F > 0) ou aspiration (F < 0);
A et Sse réfèrent à des expérimentateurs différents (Moffat et Kays 1984).
Stevenson a analysé des résultats expérimentaux, compris dans le domaine 1000 < Ree
< 6000, de cinq auteurs et a aboutit à la corrélation (2.11) pour la loi de paroi avec injection
(White 199 1).
)” -I] = $n(y+)+A (2.11)
V
où les constantes K et A sont respectivement égales à 0,4 et 5,5, y+ = -X2Ur et v+ - fV
w-u l
z
65
Constatant des écarts entre la loi de Stevenson et ses propres resultats expérimentaux,
Simpson (1970) a corrigé cette première loi et a proposé l’équation (2.12) valable pour
30 < y+ < 100. Il insiste sur la difficulté à obtenir des mesures précises de coefficients de
frottement, ce qui rend délicate l’obtention des lois de parois.
2-[(l+vGU+)+-(I+lIv$]=+i[$Jv;
(2.12)
Par ailleurs, Simpson et al. (1970) étudient l’évolution du nombre de Prandtl turbulent
dans la couche limite en fonction du taux d’injection. Leurs résultats sont obtenus à l’aide de la
mesure des champs moyens de vitesse et température, puis en comparant localement le
gradient de température moyenne au flux thermique diffusif obtenu grâce aux équations de
bilan moyennées. Simpson et al. (1970) montrent que le nombre de Prandtl turbulent n’est pas
modifié par l’injection de gaz frais dans la majeure partie de la couche limite (figure 2.5).
ah A8
x 0 00
*+ = 0*= 0 Oj? 3
* \ e 973
A Mton value * %3rB Jenkins mode1 , 8 ~0 ‘tt
d : f : ::- i : ;LtHt: : : :f:--:- - - Uncefiainty envelope d y
- : 3+-J10° 10’ 102 103 104
Y+
Re@2 2 3 83177 . .4 1 4 14 2 8 65 4 0 0 I’
Fig. 2.5 Nombre de Prandtl turbulent pour différents taux d’injection,
Br = 2 F/Cf (Simpson et al. 1970)
Ainsi, le comportement des écoulements turbulents avec injection pariétale a fait
l’objet de nombreux travaux. On peut particulièrement retenir les résultats suivants :
- le frottement fluide - paroi ainsi que les échanges convectifs diminuent fortement avec le
taux d’injection,
66
67
- le coefficient de frottement et le nombre de Stanton peuvent s'exprimer en fonction de
caractéristiques locales de l'écoulement (taux d'injection, épaisseurs de quantité de
mouvement et d'enthalpie),
- le profil des vitesses adimensionnelles est considérablement modifié par l'effusion et peut
être décrit par des lois de parois corrigées.
Les différentes caractéristiques décrites dans la littérature sur les écoulements
pariétaux avec injection pourront être utilisées, par la suite, comme éléments de comparaison
et de validation de nos travaux.
2.2. Modélisation des couches limites turbulentes avec effusion de gaz etvalidation par l'expérience
Dans la littérature sur les couches limites turbulentes avec effusion, la description de
l'interaction entre les écoulements principal et secondaire n'a pas été faite dans toutes les
situations. Par exemple, Moffat et Kays (1968) ont montré que le décollement de la couche
limite thermique se produit pour un taux d'injection de 1 % pour un nombre de Reynolds (basé
sur x1) de 106 dans le cas d'une effusion sur toute la longueur du plancher où se développe la
couche limite. Mais qu'en est-il dans une configuration différente ? Nous nous sommes donc
fixés comme objectif de décrire de façon plus générale les interactions couche limite -
effusion. Pour cela l'étude numérique présentée au paragraphe 1.3 est étendue aux cas des
écoulements sur parois poreuses avec injection. Par ailleurs, les résultats expérimentaux,
obtenus sur le banc d'essais décrit au paragraphe 1.2, seront utiles pour confronter notre
modélisation à l'expérience.
Afin de prendre en compte l'effet de l'effusion, des auteurs modifient les équations
gouvernant l'écoulement pariétal. On peut citer, par exemple, les lois de paroi modifiées par
Stevenson (1968) ou Simpson (1970), l'introduction de constantes empiriques dans des
modèles de turbulence à bas nombre de Reynolds (Campolina França et al. 1998) ou bien des
longueurs de mélange modifiées (Kays 1972 ou Landis et Mills 1972). Dans le cadre de cette
étude, nous avons choisi de porter particulièrement notre attention sur la modélisation des
phénomènes physiques qui régissent les interactions entre l'écoulement et la paroi poreuse en présence
d’effusion. Cette méthode a pour avantage de ne pas nécessiter de relations supplémentaires, issues
de l'expérience, pour prendre en compte l'injection et donc de limiter l'empirisme.
68
La plaque poreuse est représentée, dans notre modélisation, comme une succession
bidimensionnelle de deux types d'éléments (figure 2.6). Le premier est un élément solide sur
lequel se produit le frottement solide - fluide. Le second est une source par laquelle arrive une
quantité de fluide. Ce second élément représente un pore. Ainsi, la couche limite soumise à
l'effusion est le résultat du mélange de deux écoulements (écoulement pariétal et injection).
L'injection modifie l'écoulement principal en apportant une masse et une quantité d'énergie.
Simultanément, ce mélange est soumis au frottement sur les éléments solides.
Fig. 2.6 Modélisation discrète de la surface de la plaque poreuse.
Les conditions aux limites correspondantes aux éléments solides et aux pores sont de
deux types. Au-dessus d'un élément solide (première cellule du maillage), l'écoulement est
régi par la loi de paroi classique (relation 1.16) et les échanges convectifs entre l'écoulement
pariétal et les éléments solides sont déterminés par loi (1.39). A la sortie d'un pore, la
température est fixée, la vitesse longitudinale, l'énergie cinétique turbulente et le taux de
dissipation de k sont nuls. Dans un pore, la vitesse verticale, U2w, est imposée de façon à ce
que le débit injecté corresponde au taux d'injection désiré qui peut être, par exemple, le taux
d'injection de l'étude expérimentale. Ainsi, la vitesse verticale est donnée par la relation
(2.13).
UF U
we
w2
1= ( )ρρ ϕ
(2.13)
ϕ étant la porosité de la paroi.
Différentes proportions entre les pores et éléments solides seront testées, mais la
première configuration est une succession de deux éléments solides pour un pore (figure 2.6).
2 p p
Ecoulement potentiel
Soufflagepore
frottement surélément solide
69
Cette proportion a été retenue pour s'approcher au mieux de la porosité de la paroi utilisée
pour les expériences (environ 30 % de porosité). Dans cette configuration, la vitesse moyenne
de l'air dans un pore est le triple de la vitesse de filtration, définie comme le débit volumique
de l'écoulement secondaire rapporté à la surface totale de la paroi poreuse. On discutera
ultérieurement de l'influence de la porosité sur les couches limites soumises à de l'effusion.
Afin d'illustrer les effets du frottement sur les éléments solides et de l'injection à
travers les pores, sont comparés, sur la figure 2.7, trois profils de vitesses longitudinales. Le
profil expérimental est une mesure effectuée au milieu de la plaque poreuse pour un taux
d'injection de 1 % et un écoulement principal à 10 m/s. Les deux profils numériques sont
obtenus avec le modèle de turbulence retenu au premier chapitre (RNG k-ε) et avec, comme
condition aux limites sur la paroi, soit un soufflage uniforme (pas de frottement, porosité de
100 %), soit uniquement du frottement (pas de soufflage, porosité nulle). Il apparaît
clairement que ces deux phénomènes influencent fortement le comportement de la couche
limite dynamique et qu'il faut en tenir compte dans la modélisation.
0
2
4
6
8
10
12
14
0 10 20 30 40 50 60 70 80
X2 (mm)
U1 (m/s)
mesures
RNG k-ε (soufflage pur)
RNG k-ε (frottement pur)
Fig. 2.7 Influence du frottement et du soufflage sur le profil de vitesse longitudinale
(pour une abscisse x1 de 1,55 m correspondant à l'endroit de la mesure).
La représentation discrète de la paroi poreuse, définie sur la figure 2.6, est ajoutée dans
le prolongement du plancher imperméable (cf. figure 1.6). D'un point de vue numérique, un
pore est représenté par un volume de contrôle alors qu'un élément solide l'est par deux. La
densité des cellules du maillage est plus importante au niveau de la paroi poreuse qu'au niveau
du plancher imperméable qui se situe en amont de la zone de soufflage (figure 2.8). Au total,
le maillage utilisé est composé de 17000 volumes de contrôle.
La dimension p d’un pore, est fixée dans un premier temps à 2,5 mm sachant qu’en
réalité notre plaque a des pores d’un diamètre moyen de 30 pm. Notre modèle est donc une
représentation géométrique simplifiée de la réalité. Entre la surface de la matrice poreuse et le
premier point de maillage (situé 1,5 mm au dessus de la paroi ce qui correspond à une valeur
de y+ comprise entre 41 et 11,2 selon le taux d’injection) a lieu la jonction entre les
écoulements principal et secondaire. L’écoulement est rapidement homogénéisé lorsque la
distance à la paroi augmente. Ainsi, au premier noeud du maillage, il n’y a plus de
discontinuité entre une grandeur calculée au-dessus d’un élément solide (où interviennent les
lois de paroi) ‘et celle calculée au-dessus d’un pore (sans loi de paroi). L’effet de l’injection de
fluide sur la couche limite turbulente est donc homogène au-delà du voisinage immédiat de la
paroi. Enfin, signalons que le couplage entre le modèle discret de paroi et une modélisation à
“bas nombre de Reynolds” aurait nécessité une discrétisation beaucoup plus fine de la paroi
(une discrétisation dix fois plus fine (pas de 0,25 mm) était prohibitive en temps et moyens de
calculs).
A-
I I
IIIIIIIJlIIIIlIIIIIIIIIIIlIIIlllJ1ll_I~III
II
PLANCHER IMPERMEABLE PAROI POREUSE
Fig. 2.8 Maillage.
70
71
Par ailleurs, des profils de vitesse longitudinale sont calculés pour des dimensions de
pore p variants faiblement, la porosité de la plaque restant fixée à 33 % et le taux d'injection à
1 % (figure 2.9). On ne constate pas d'influence significative de ce paramètre dans la plage de
variation étudiée (1,5 à 5 mm). Les effets du soufflage et du frottement sont donc
indépendants de la taille d'un pore à condition de conserver une porosité et un débit de gaz
injecté constants. Par la suite, les résultats des simulations seront présentés avec une largeur
de pore de 2,5 mm, présentant le meilleur compromis entre le temps de calcul et la finesse de
la représentation de la paroi.
0
2
4
6
8
10
12
0 10 20 30 40 50 60 70 80
x2 (mm)
U1 (m/s)
p = 2,5 mm
p = 5 mm
p = 1,5 mm
Fig. 2.9 Influence de la taille des pores sur le profil de vitesse longitudinale.
2.2.1. Effusion sans gradient de températureDans cette première étude, l'écoulement pariétal et l'injection sont à température
ambiante, le taux d'injection étant égal à 1 %. Le champ de vitesse est calculé en utilisant le
modèle RNG k-ε et notre modélisation de l'injection à travers la paroi poreuse. Les résultats
de la simulation et ceux de l'expérience sont comparés avant la plaque poreuse (sans injection)
et au milieu de la zone d'injection. On peut observer, sur la figure 2.10, un très bon accord
entre les mesures obtenues par anémométrie Laser-Doppler et les résultats numériques.
L'épaississement de la couche limite est notamment très bien reproduit par notre modèle.
Notons également l'importante décroissance de la vitesse longitudinale à proximité de la paroi
72
du fait de l'injection. Cette décroissance de la vitesse se traduit par une diminution des forces
de frottements fluide-solide (quantifiables par le calcul du coefficient de frottement).
0
2
4
6
8
10
12
0 10 20 30 40 50 60 70 80
X2 (mm)
U1 (m/s)
exp. dans la region d'injectionexp. avant l'injectionsimulations numériques
Fig 2.10 Couches limites avant et dans la région d'effusion (F = 1 %).
Le profil expérimental de vitesse verticale au milieu de la plaque poreuse et pour un
taux d'injection de 1 % (figure 2.11), montre une croissance importante de celle-ci dans la
couche limite (jusqu'à environ 40 mm de la paroi), puis une décroissance faible au-delà. La
direction de l'écoulement secondaire est modifiée, par échange de quantité de mouvement
avec l'écoulement principal, en deçà d'une ordonnée, x2, de 1 mm. L'évolution du profil de
vitesse verticale est similaire à celle que l'on observe dans une couche limite sans effusion
mais, dans ce cas, le maximum est déplacé vers les ordonnées plus élevées. Comparé à la
vitesse de l'écoulement secondaire, le maximum obtenu est nettement supérieur (environ
0,35 m/s au lieu de 0,1 m/s). Même 50 mm au-dessus de la paroi, la vitesse verticale reste
relativement importante. Ce phénomène traduit une déviation verticale de l'écoulement
principal par l'écoulement secondaire. Par ailleurs, l'injection pariétale ayant pour effet de
diminuer sensiblement la vitesse longitudinale à proximité de la paroi, la déviation due à
l'injection engendre une composante de vitesse verticale faible dans les premiers millimètres
au-dessus de la paroi.
Du fait de la parfaite planéité du plancher que nous avons retenue dans notre
configuration théorique, alors que des imperfections ou obstacles existent sur le banc d'essais
73
(cf. paragraphe 1.2), les vitesses verticales mesurées et calculées ne peuvent pas être
directement comparées. Cependant, nous avons tracé, sur la figure 2.12, les vitesses verticales
adimensionnelles mesurées et calculées pour une même abscisse. On peut observer que le
déplacement du maximum en présence de l'effusion est bien reproduit par la simulation. De
même la légère augmentation de ce maximum (environ + 10 %), quand il y a injection
secondaire, est bien simulée.
0
0,05
0,1
0,15
0,2
0,25
0,3
0,35
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
X2 (mm)
U2 (m/s)
mesures dans la zone d'injection
mesures avant la zone d'injection
Fig. 2.11 Profils expérimentaux de vitesse verticale avant
et dans la région d'injection (F = 1 %).
0
0,1
0,2
0,3
0,4
0,5
0,6
0,7
0,8
0,9
1
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
X2 (mm)
U2 / U2max
mesures avant l'injection
mesures au milieu de la région d'injection
simulation avant l'injection
simulation au milieu de la région d'injection
Fig. 2.12 Profils adimensionnels expérimentaux et numériques de vitesse verticale.
74
Le coefficient de frottement peut être calculé avant et dans la région d'injection.
Simpson et al. (1969) ont montré que le frottement ne dépend que du taux d'injection et de
l'épaisseur de quantité de mouvement. L'épaisseur de quantité de mouvement peut être
déterminée par intégration discrète du profil de vitesse longitudinale. Le coefficient de
frottement est donc calculable par la corrélation (2.9) qui, pour mémoire, s'écrit :
C B
Bf f
f20 012
10,250,7
= +
−, Reln( )
θ . Dans le cas d'un taux d'injection de 1 %, la concordance
entre les coefficients de frottement calculés à partir des résultats expérimentaux et ceux
obtenus par intégration des résultats numériques est très bonne, tant avant l'injection qu'au
milieu de la plaque poreuse (Bellettre et al. 1998a). L'effet du taux d'injection sur le
coefficient frottement sera discuté ultérieurement. Par ailleurs, l'utilisation de corrélations
intégrales permet de mener le calcul en prenant en compte l'ensemble des valeurs des vitesses
dans la couche limite ce qui minimise l'erreur par rapport à un calcul de gradient de vitesse à
la paroi.
Cette détermination du calcul du coefficient de frottement permet de calculer une
vitesse de frottement Uτ et de présenter les profils de vitesse longitudinale sous forme
adimensionnelle. Sur la figure 2.13 sont représentés les profils adimensionnels de vitesses, en
milieu de plaque poreuse, pour un taux d'injection de 1 %.
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
10 100 1000
Y+
U+
mesures
Loi de paroi (Simpson 1970)
simulation numérique
Loi standard (1.16)
Fig. 2.13 Profils adimensionnels de vitesses en milieu de plaque poreuse (F = 1 %).
75
Les profils numériques et expérimentaux sont en bon accord avec la loi de paroi semi-
empirique de Simpson (1970) : ( ) ( )21 1 11
1
11
12
12
vv U v
y
ww w++ + +
++ − +
=
κln dans
l'ensemble de son domaine d'application (30 < y+ < 100). En comparant la loi de Simpson et
la loi standard, on constate que le profil de vitesse est d'autant plus affecté par l'effusion que
y+ est grand.
2.2.2. Effusion avec gradients de températureAprès avoir étudié expérimentalement et modélisé les couches limites dynamiques
avec effusion en situation isothermique, il convient de s'intéresser au comportement d'un
écoulement turbulent chaud en présence d'injection de gaz frais. Dans un premier temps,
l'écoulement potentiel est porté à 45 puis 100 °C, température maximale admissible par
l'ensemencement nécessaire aux mesures par anémométrie Laser-Doppler. Le débit massique
de gaz injecté à travers la plaque poreuse est identique à celui du cas ambiant. Les
températures du gaz injecté et des éléments solides de la plaque poreuse sont imposées et
identiques. Les températures de surface de paroi sont données par l'expérience : 31 °C et
43 °C pour une température d’écoulement potentiel respectivement de 45 °C et 100 °C. Les
résultats présentés sur la figure 2.14 montrent la concordance entre le modèle et l'expérience
pour les couches limites thermiques tant avant la plaque poreuse que dans la région
d'injection. Remarquons que l'épaisseur des couches limites thermiques est accrue par
l'effusion et, par conséquent, que les températures de l'écoulement pariétal à proximité de la
plaque sont diminuées. Ce phénomène se traduit par une diminution des échanges convectifs
fluide chaud-paroi qui peut être quantifiée par le calcul du nombre de Stanton.
La détermination du nombre de Stanton est similaire à celle du coefficient de frottement. Il est
possible de calculer les nombres de Stanton, avant et dans la zone d'effusion, à partir de l'intégration
des vitesses longitudinales ou des températures. La corrélation intégrale (2.10) est alors utilisée dans
la région d'injection : ( )StB
BB= +
+− −0 01281
10,25 0,51
0,25, Re Prln( ) ,25
∆ . La concordance
entre les nombres de Stanton calculés à partir de résultats numériques ou expérimentaux est, à
nouveau, très bonne (Bellettre et al. 1998a) : l'écart est de l'ordre de 5 %. La réduction du
nombre de Stanton avec le taux d'injection sera chiffrée au paragraphe 2.2.4.
76
Par ailleurs la concordance modèle-expérience des profils de vitesses dans le cas d'un
écoulement pariétal chaud est aussi satisfaisante que celle observée dans le cas d'un
écoulement à température ambiante. La déviation de l’écoulement pariétal est notamment bien
reproduite par la simulation (cf. annexe IV)
300
310
320
330
340
350
360
370
380
0 10 20 30 40 50 60 70 80
X2 (mm)
T (K)
mesures au thermocouple dans lazone d'injection
mesures au thermocoupleavant l'injection
simulations numériques
Te = 45 °C
Te = 100 °C
Fig. 2.14 Couches limites thermiques pour un écoulement à 45 °C et 100 °C.
2.2.3 Influence de la porositéDans ce paragraphe, nous étudions l'influence de la proportion entre les éléments
solides et les pores. Tous les résultats précédents ont été obtenus avec une proportion
surfacique de 1/3 de pores pour 2/3 d'éléments solides. Toutefois, il apparaît intéressant
d'étudier comment peuvent être affectés, par cette proportion, les résultats déjà obtenus.
De nouveaux rapports entre les surfaces des pores et du solide sont testés : 1/4, 1/2 et
2/3. Dans chaque cas, le débit de gaz injecté est maintenu constant (0,12 kg/m²s). Sur la figure
2.15 sont représentés les profils de vitesse longitudinale au milieu de la zone d'injection
(x1 = 1,55 m). On constate que la couche limite dynamique est très peu modifiée pour des
porosités comprises entre 1/4 et 1/2. En revanche, dans le cas d'une proportion de 2/3, le profil
de vitesse est sensiblement affecté. L’effet de la porosité est bien pris en compte par le présent
modèle mais une variation importante est nécessaire pour que son influence soit significative.
En conséquence, la proportion entre la surface des pores et celle du solide n'a pas besoin d'être
77
connue très précisément pour le présent taux d'injection puisque celle-ci n'a une influence que
si elle est très éloignée de celle de notre élément poreux. On peut en effet noter que, pour le
débit de gaz injecté qui a été retenu expérimentalement et qui a permis la validation de notre
modélisation, l'influence de la porosité est faible car le frottement fluide-solide est fortement
réduit par l'injection. Pour des taux d'injection plus faibles, ce frottement est beaucoup plus
important et les profils pourraient être plus modifiés par une variation de la porosité.
0
2
4
6
8
10
12
0 10 20 30 40 50 60 70 80
X2 (mm)
U1(m/s)
porosité = 1/4
porosité = 1/3
porosité = 1/2
porosité = 2/3
2.15 Influence de la porosité sur le profil de vitesse longitudinale.
2.2.4 Influence du taux d'injection
Mise en évidence du décollement des couches limites dynamiques et thermiques
L'influence du taux d'injection sur le profil de vitesse longitudinale est donnée sur la
figure 2.16. La vitesse passe progressivement du profil de type logarithmique caractéristique
d'une couche limite turbulente développée pour un taux d'injection de 0 %, à un profil linéaire
pour F = 2,6 %. Pour ce dernier taux d'injection, la linéarité du profil est retrouvée
expérimentalement. Par ailleurs, pour F = 2,6 %, le point de mesure par anémométrie Laser-
Doppler le plus proche de la paroi est à 2 mm de celle-ci alors qu'il est à 0,4 et 0,8 mm sans
effusion ou pour un taux d'injection plus faible. Ceci met en évidence, par l'absence
d'ensemencement dans cette zone, le fait que la couche limite dynamique soit décollée pour ce
taux d'injection.
78
0
4
8
12
0 10 20 30 40 50 60 70 80
X2 (mm)
U1 (m/s)
F = 0 %
F = 0,35 %
F = 0,95 %
F = 1,9 %
F = 2,6 %
mesures F = 2,6 %
Fig. 2.16 Profils de vitesse longitudinale (Te = 100 °C, x1 =1,55m).
Les profils de températures, présentés sur les figures 2.17, sont obtenus dans le cas
d'un écoulement potentiel porté à une température de 200 °C. On peut remarquer : un
épaississement important de la couche limite thermique avec une augmentation du taux
d'injection, une déformation des profils similaire à celle observée pour ceux de la couche
limite dynamique et une linéarité du profil pour F = 3,2 % conforme à l'expérience.
Par ailleurs, on a noté l'existence d'une zone isotherme au-dessus de la fin de la plaque
poreuse pour un taux d'injection de 3,2 %. Ce phénomène est dû, au décollement de la couche
limite thermique créant un film froid au-dessus de la plaque poreuse.
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 10 20 30 40 50X2 (mm)
T - Te
F = 0%
F = 0,5 %
F = 0,8 %
F = 1,4 %
F = 3,2 %
mesures F = 3,2 %
Tw - Te
Fig. 2.17. Profils de température adimensionnelle longitudinale (Te = 200 °C).
79
Calculs des coefficients de frottement et nombres de Stanton
La validation de notre modèle est également effectuée par comparaison des résultats
numériques, obtenus en faisant varier le taux d'injection, avec des résultats issus de la
littérature. Les profils simulés de vitesse longitudinale sont intégrés pour calculer l'épaisseur
de quantité de mouvement. A l'aide de la corrélation intégrale (2.9), ces résultats permettent
de calculer, pour différents taux d'injection, des valeurs de coefficients de frottement. La
concordance avec les mesures de nombreux auteurs est satisfaisante (figure 2.18). La
comparaison entre les différents résultats est effectuée pour des nombres de Reynolds Reθ
compris entre 2000 et 3000 (Reθ augmente avec le taux d'injection). Par ailleurs, on peut
constater l'importante décroissance du frottement avec l'effusion : pour un taux d'injection de
1 %, le coefficient de frottement est réduit d'environ 80 % par rapport au cas sans effusion.
0
0,0005
0,001
0,0015
0,002
0 0,4 0,8 1,2F (%)
Cf / 2
Présente étude
Andersen et al. (1975)
McLean and Mellor (1972)
Baker et Launder (1974)
Rubesin et al. (1985)
Fig. 2.18 Coefficient de frottement en fonction du taux d'injection
(x1 = 1,55 m, Reθ = 2000 à 3000).
L'évolution du nombre de Stanton est étudiée en fonction du taux d'injection, pour un
écoulement principal à 45 °C. La température de paroi est maintenue constante à 31 °C quel que soit
le taux d'injection, ce qui correspond aux conditions expérimentales de Whitten et al. (1970) dont la
température de plaque était régulée. Sur la figure 2.19 sont présentés les résultats de cette étude
paramétrique. Les nombres de Stanton sont calculés après intégration des profils de vitesse et de
température obtenus par la simulation et à l'aide de la corrélation (2.10). On constate un bon accord
entre nos résultats et les résultats d'expérimentateurs qui ont
80
travaillé pour des nombres de Reynolds (fondés sur l'épaisseur d'enthalpie) équivalents aux
nôtres (Re∆ = 1300 pour F = 0 % à Re∆ = 2000 pour F = 1,1 %).
0
0,0005
0,001
0,0015
0,002
0,0025
0,003
0 0,4 0,8 1,2
F (%)
St
Présente étude
Whitten et al. (1970)
Rubesin et al. (1985)
Moffat et Kays (1984)
Fig. 2.19 Nombre de Stanton en fonction du taux d'injection (x1 = 1,55 m).
L'étude de l'évolution des coefficients de frottement et nombres de Stanton est
poursuivie pour un écoulement potentiel porté à 100 °C et 200 °C. Les nombres de Stanton
rapportés au nombre de Stanton sans injection sont présentés sur la figures 2.20. Ces résultats
sont obtenus en tenant compte de l'évolution des propriétés de l'air avec la température dans le
calcul des nombres de Reynolds basés sur les épaisseurs de quantité de mouvement et
d'énergie. On constate une influence sensible de la température de l'écoulement potentiel sur
les résultats. Les nombres de Stanton sont en effet plus élevés pour Te = 200 °C que pour Te =
100 °C (la température de l'écoulement secondaire étant égale à 40 ± 10 °C). Le gaz effusé est,
relativement à l'écoulement potentiel, plus lourd pour Te = 200 °C que pour Te = 100 °C. Or,
toutes les études portant sur l'injection de différentes espèces montrent que la protection
thermique par effusion est d'autant moins efficace que l'espèce est lourde (Romanenko et
Kharchenko (1963), Baker et Launder (1974a, 1974b) et Landis et Mills (1972)). La
différence obtenue entre les résultats à 100 °C et 200 °C peut donc s'expliquer par analogie
avec ces résultats concernant le soufflage de différentes espèces chimiques.
Comme le suggèrent Landis et Mills (1972), les taux d'injection sont normalisés par le
nombre de Stanton sans injection (sensiblement plus élevé pour Te = 200 °C que pour
81
Te = 100 °C) afin de compenser l'effet de la variation de densité. Pour les niveaux de
température étudiés, les courbes de la figure 2.21 se superposent correctement.
Les résultats de Landis et Mills (1972), concernant la faible influence de la
température de l'écoulement potentiel sur l'évolution du nombre de Stanton normalisé en
fonction du taux d'injection normalisé sont donc en bon accord avec les nôtres. Le même
résultat concernant le coefficient de frottement est obtenu (figure 2.22). Nous considérerons
donc que les calculs de coefficients de frottement et nombres de Stanton sont applicables pour
des écoulements pariétaux sensiblement plus chauds que ceux pour lesquels ils ont été validés.
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4
F (%)
St / St0
Te = 100 °C
Te = 200 °C
Fig. 2.20 Nombre de Stanton normalisé en fonction du taux d'injection pour différentes
températures d'écoulement potentiel (x1 = 1,55 m).
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 1 2 3 4 5
F / St0
St / St0
Te = 100 °C
Te = 200 °C
Fig 2.21 Nombre de Stanton normalisé en fonction du taux d'injection normalisé pour
différentes température d'écoulement potentiel (x1 = 1,55 m).
82
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
0 1 2 3 4 5 6 7
2 F / Cf0
Cf / Cf0
Te = 100 °C
Te = 200°C
Fig. 2.22 Coefficient de frottement normalisé en fonction du taux d'injection normalisé pour
différentes température d'écoulement potentiel (x1 = 1,55 m).
Le coefficient d'échange convectif entre l'écoulement chaud et la paroi poreuse est
déduit du calcul du nombre de Stanton. Son évolution avec le taux d'injection est présentée sur
la figure 2.23. Ce résultat souligne l'efficacité du procédé de protection thermique par
effusion. En effet, on constate une diminution de 85 % de l'échange convectif pour un taux
d'injection de 1 % par rapport au cas sans effusion.
0
5
10
15
20
25
30
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4F (%)
h (W/m²K)
Fig 2.23 Coefficient d'échange convectif en fonction du taux d'injection
(x1 = 1,55 m, Te = 100 °C).
83
Conclusion
En utilisant un modèle classique de turbulence (modèle RNG k-ε à "haut nombre de
Reynolds") et en modélisant les phénomènes physiques liés à l'effusion à travers une paroi
poreuse, des simulations numériques de couches limites turbulentes soumises à de l'injection
de gaz ont été effectuées. Pour des écoulements potentiels à différentes températures, les
résultats obtenus ont été comparés à nos propres résultats expérimentaux ainsi qu'à ceux issus
de la littérature et un bon accord a été trouvé. L'épaississement des couches limites
dynamiques et thermiques du fait de l'injection est, notamment, très bien reproduit par notre
modélisation. Le calcul des coefficients de frottement et du nombre de Stanton, pour
différents taux d'injection, ont pu être menés à bien par l'emploi de corrélations semi-
empiriques. Il nous appartient maintenant d'utiliser les résultats de nos travaux pour l'étude du
refroidissement des parois poreuses en couplant le modèle de couche limite avec une
modélisation des transferts internes à une matrice poreuse.
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