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Patrick KALASON
DU MÊME AUTEUR
Les 7 Styles de vente,
Éditions d’Organisation (1985) & Pocket Business (1991)
Les 7 Styles de vente… et d’achat,
Éditions du Puits Fleuri & Éditions Celse (2005)
Le Grimoire des rois,
Théorie constructale du Changement
Éditions L’Harmattan (2006)
Épistémologie constructale du lien cultuel,
Les rites : manipulation ou médiation ?
Éditions L’Harmattan (2006)
Ethique de la négociation
Rhétorique & pratique
Éditions L’Harmattan (2006)
En cours :
Vers une pédagogie heuristique constructale
Compétences pédagogiques et influences des formes
cognitives sur les méthodes d’enseignement
Discours complétif,
Théodicée constructale des cultes abrahamiques
Traité constructal abrahamique d’économie islamique
Afala ta’qualûn
Contact :
http// :www.kalasonpatrick.com
3
Docteur Patrick KALASON
Sciences de l’Information et de la Communication
TRAITE DE SEMIOSTYLISTIQUE
CONSTRUCTALE
Trifonctionnalité et construction du sens
Là où les synonymes sont des contraires,
là où les contraires forcent le sens
6
Remerciements
Je tiens présent en mémoire, le Père Emile Rideau, Henri Gobard, Pierre
Lebel, Angèle Kremer-Marietti pour avoir été de ces rencontres rares qui
façonnent la pensée.
Que soient aussi remerciés Stefan Bratosin, Saïd Youssef, Mohamed Rachid
Hilali, pour leur accompagnement et leurs présences amicales.
Chacun, d’une façon ou d’une autre, de près ou de loin, a contribué
volontairement ou involontairement à ce que la synergie s’opère.
7
« On peut (...) concevoir une science qui étudie la vie des signes au sein de la
vie sociale; elle formerait une partie de la psychologie sociale, et par
conséquent de la psychologie générale; nous la nommerons sémiologie (...).
Elle nous apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent.
(...) La linguistique n'est qu'une partie de cette science générale, les lois que
découvrira la sémiologie seront applicables à la linguistique, et celle-ci se
trouvera ainsi rattachée à un domaine bien défini
dans l'ensemble des faits humains. »
F. de SAUSSURE 1916, p. 33.
« La sémiologie serait donc de nature trifonctionnelle
au sein d’une systémique constructale. »
Dr Patrick Kalason
Thèse « Théorie constructale des communications trifonctionnelles » SIC
Toulouse 12 décembre 2011
9
INTRODUCTION GENERALE
__________________________________________________________
Preuve a été faite qu’insuffisamment pensées nombreuses sont les théories qui,
parce que trop conjoncturelles, ont progressivement transformé l’enthousiasme
généreux de leurs partisans en doute et leur doute en suspicion. Force est
assurément de constater que dans le champ des sciences humaines les
approches binaires classiques et morales se sclérosent en ne se satisfaisant
pour toute validation que de ces consensus autistiques à partir desquels
s’échafauderait bien l’assise de quelques agréments académiques.
Pourtant, qu’il s’agisse de la négociation, du management, de la conduite des
réunions, de la pédagogie, du changement sociétal, les constantes et les
processus communicationnels sont étonnamment communs et unificateurs,
« constructaux » dirions-nous. Ces constantes sont alors d’autant plus aisément
accessibles qu’elles correspondent au formatage sémiologique du système
communicationnel à partir duquel chacun d’entre nous opère et à partir duquel
la complexité et le changement peuvent être appréhendés.
A regarder de plus près c’est bien à partir d’un modèle élémentaire que les
choses se construisent. Ce sont les mêmes motifs qui s’agrègent, se
construisent du plus petit au plus grand. Tout comme en physique, le plus
difficile en sciences humaines a été d’isoler ce modèle élémentaire. En
appliquant le principe de construction d’une forme au point de fragilité d’un
système, là où passeront inexorablement les flux venant de l’extérieur, il est
possible d’anticiper par optimisation la forme suivante.
Ces formes communicationnelles et organisationnelles correspondent à cette
arborescence si familière que l’on trouve dans la nature : de la forme des
rivières, en passant par celle des arbres jusqu’à celle nos poumons.
Nous pouvons donc considérer que pour qu’un système persiste, il doit évoluer
de telle manière qu’il fournisse dans le temps un accès le plus facile aux flux
qui la traversent. Une question d’optimisation autant que de pérennité.
Le concept de tri fonctionnalité (triangulaire) qui préside à cette approche
constructale s’avère être une constante à partir de laquelle, selon le plus ou
moins grand intérêt stratégique manifesté envers plus ou moins chacun de trois
sommets (schèmes : Agression [pouvoir], interactions [inhibition], fuite
[structure, action]) se construisent les attitudes et se manifestent les
comportements et se constituent les paradigmes. Ces constantes ont été isolées
par le philologue et anthropologue Georges Dumézil, contiguës des notions
d’agression, d’inhibition et de fuite des travaux d’Henri Laborit, bio-
structurologue, puis déclinées par les travaux de Patrick Kalason et de Pierre
10
Lebel sur les styles comportementaux et communicants. Cette démarche sera
convergente des dernières découvertes en thermodynamique des formes
réalisées en 1995 par le chercheur de renommée mondiale : Adrian Bejan. Il
est dès lors possible d’insérer la métrologie dans l’analyse qualitative
comportementale des échanges au sein de processus maîtrisables: au hasard le
soin d’y ajouter la part des anges.
La mise au jour de l’approche constructale un cadre théorique
phénoménologique en Sciences de l’Information et de la Communication
(S.I.C.) a pour objet de saisir méthodologiquement les enjeux stratégiques dans
le cadre d’une systémique de la décision, laquelle implique un préalable
cartographique avant toute définition d’objectif. Comprendre avant d’agir
passe par la maîtrise de processus cybernétiques.
Le développement du qualitatif communicationnel doit se mettre à la hauteur
des outils informatifs et communicationnels mis à notre disposition. S’ils
changent nos habitudes sans changer nos paradigmes décisionnels le risque est
grand que nous ne soyons plus capables que de réactivité et de contrition.
Qu’il soit au final de cette introduction précisé que de nombreuses mises à
l’épreuve de cette hypothèse théorique ont débouché sur de nombreuses
publications qui laissent présager des changements considérables dans le
traitement de l’information. L’approche phénoménologique constructale
[princeps] des communications par le biais de la systémique trifonctionnelle
(cybernétique) que j’ai mise au jour, tout comme cela est le cas dans les
domaines de la thermodynamique des formes avec Adrian Bejan, ou de la
philosophie avec Angèle Kremer-Marietti, est en voie de bouleverser
radicalement les visions épistémologiques.
11
CHAPITRE I
DES RISQUES DE L’EPISTEMOLOGIQUE CARTESIENNE
APPLIQUEE AUX SCIENCES HUMAINES
Un cheval de Troyes
_________________________________________________
Le doute comme étant le fondement des vertus de l’esprit,
Devrait inviter ceux qui les pratiquent au silence
Afin d’éviter de charger des mules théoriques
Dans l’espoir de les changer en cheval de bataille.
Ernst Cassirer : structuralisme et herméneutique
Le mérite de la pensée philosophique de Cassirer est d’avoir tenté de prendre
en compte et d’organiser des données connues dans la première moitié du
XXième siècle en anthropologie et en sciences sociales. Respectueux des
particularités de chacune des disciplines auxquelles il se référait pour
constituer un champ de connaissances si vaste, il a été aussi précis que le
furent au XVIIIe siècle Kant et au XIXe siècle Hegel. Le système de Cassirer,
visant à une symbolique généralisée et à de larges développements sur le
langage, a mis au jour l’hypothèse de la faisabilité d’une approche théorique
structuraliste de l’herméneutique. Son parcours et sa démarche sont
comparables en de nombreux points à ceux du philologue Georges Dumézil.
Au travers de corpus dont les sommes ne peuvent qu’attirer l’admiration,
notamment par la puissance d’érudition nécessaire au traitement des
informations recueillies autant que par l’acharnement qu’ils ont déployé tous
deux à défendre l’importance de leurs conclusions, force est malheureusement
de constater que l’intérêt porté à leurs travaux théoriques tiennent plus au
métrage qu’ils occupent maintenant sur les rayons des bibliothèques qu’aux
développements intellectuels que les académies ont cru bon de stimuler.
Tout procède comme s’ils avaient mis knock-out leurs détracteurs et
challengers. Dans ce combat des chefs, l’accumulation d’évidences, comme
autant de coups rendus à leurs contradicteurs a eu pour effet que les épigones
des vaincus (ces condisciples en coin du ring) préférèrent organiser
l’endormissement général pour éviter l’anéantissement de visons que les
communautés scientifiques savaient pourtant entrées en phase d’obsolescence.
Dans ce comas collectif les neurones continueront dans un mouvement
brownien à s’entrechoquer comme pour opérer un tri dans l’espoir de retrouver
une conscience autre que celle d’un constat d’impuissance : temps de latence
nécessaire pour que vienne, souvent de l’extérieur à ces académies, un
12
nouveau paradigme capable de fédérer mieux encore qu’il ne l’était l’ensemble
et donner naissance à de nouvelles avancées : le prix aussi à payer lorsque la
découverte est moins bien défrayée que la recherche.
Il semble que ce soit Ernst Cassirer qui le premier, dans un article publié en
1946, proposât la première occurrence du terme « structuralisme » comme
représentatif d’une alternative entre substance et fonction et ceci dans le
prolongement de sa monumentale « Philosophie des formes symboliques »1
dans un large champ de réflexion où se trouve impliquée la linguistique dont
les principes d'analyse servent surtout de fil directeur à une enquête critique
sur la diversité et l'unité des représentations humaines.
Kant : schématisme transcendantal
La rencontre de Cassirer avec Heidegger en 1929 à Davos (contemporaine de
la rédaction du manifeste structuraliste du Cercle linguistique de Prague) sera
l’occasion de la naissance d’un embranchement majeur dans les courants de la
pensée contemporaine. Durant une âpre discussion sur le schématisme
transcendantal2 chez Kant (l’application des catégories aux phénomènes), c'est
la question de la légitimité philosophique de l'anthropologie qui s'y trouve non
seulement posée mais plus encore sérieusement mise en question. Thèse
radicalement contestée par Heidegger qui pousse au paroxysme la critique
husserlienne3 du « psychologisme », du « sociologisme » d’une philosophie de
la connaissance qui se veut une science capable de réconcilier dans une
phénoménologie dont il pose les fondements dans ses Recherches logiques
1 La Philosophie des formes symboliques (Die Philosophie der symbolischen Formen,
1923-1929) est considérée comme l'œuvre maîtresse du philosophe allemand Ernst
Cassirer (1874-1945).
2 Dans la philosophie scolastique, sont considérées comme transcendantes les notions
qui dépassent tout genre et toute catégorie : l'être, l'unité, la vérité. Au-delà de ces
notions Kant introduit une signification plus large, plus profonde, en somme
phénoménologique. Kant définit la transcendance comme étant tout ce qui dépasse
toute expérience possible, ce qui ne peut être l'objet d'aucune intuition phénoménale, le
noumène, qui peut être simplement pensé en vertu des lois nécessaires de la pensée.
Ainsi la transcendance s'oppose ainsi à immanence. Dieu est transcendant en ce sens
que son existence ne saurait être connue ni au sein ni par le moyen du monde
physique.
3 Rudolf Bernet aborde frontalement cette question de la transcendance du soi dans son
ouvrage « La vie du sujet. Recherches sur l’interprétation de Husserl dans la
phénoménologie », Epiméthée, PUF, 1994. Sa thèse est que de l’on serait à cette
époque passé à côté de la diachronie originaire du sujet husserlien, qui en ferait du soi,
dès l’origine, un être incurvé par la présence de la transcendance dans son immanence
même.
13
(1900) en en précisant le statut dans les « Méditations cartésiennes » (1931) le
moi et le monde, le sujet et l'objet (au sein desquels le concept
d’intentionnalité de la conscience joue un rôle capital, rôle largement mis en
exergue dans l’islam), telle que défendu par Cassirer, au nom d'un néo-
kantisme ouvert, qui n'entend se priver d'aucune des ressources offertes par les
sciences humaines naissantes.
Althusser et la thèse centrale du matérialisme
On peut y voir là une des sources paradoxales du débat structuraliste sur
l'antihumanisme théorique tel que l'illustrera Althusser en reprenant la thèse
centrale du matérialisme : l'être social détermine la conscience, et non
l'inverse ; considérant que le réel est irréductible, dans sa structure et dans son
fonctionnement, aux représentations intuitives ou rationnelles que les sujets
humains s'en font. Qu’il s’agisse de la recherche d’un absolu ou de considérer
par opposition la praxis comme seule vertu, l’opposé d’un défaut ne sera
jamais une qualité mais un autre défaut tant il est vrai qu’en bonne rhétorique
l’opposé de l’avarice n’est pas la générosité mais bien la prodigalité et
qu’entre l’avarice et la générosité se place l’économie. Il n’y a donc qu’aux
extrêmes que Dionysos pourra s’alimenter de ses enfants tant que les sciences
sociétales continueront à n’être qu’Epiméthéennes. Il faudrait alors préférer
jouer avec le feu.
La science n’est pas une affaire consensuelle dans la perspective de s’asseoir
confortablement à la table des dieux, qu’il s’agisse de s’y comporter en
courtisan ou en conspirateur. Les deux postures sont de même nature autour
d’une même constante : celle de la divinité. Un reap deal. Les dîners en ville
où l’on traite doctement des valeurs n’ont de durée de vie que celle du contenu
des chambres froides qui les alimentent : « Pour Abderrahmane, Martin,
David, ces vies qui chavirent, tant d’angélus qui résonnent pour des foules
sentimentales : et si en plus derrière le rideau il n’y avait personne ! »4. Qu’il
s’agisse de conservation ou de cuisson des aliments, la seule problématique
qui vaille est celle de la maîtrise de l’énergie, celle des « pianos » des
cuisiniers qui les rendent digestes. Prométhée l’avait compris en volant le feu à
Zeus, un changement de paradigme immanquablement iconoclaste et la fin du
banquet. Les conflits théoriques entre l’être et l’avoir sont-ils aptes à être
porteurs de solutions autres que celle d’avoir à ouvrir la boîte de Pandore ?
Le milieu est plus riche que le centre
Dans un tel contexte d’auto conviction où le paradoxe se résout par la
démagogie en se voulant plaisant aux yeux des hommes et des dieux, la
4 Alain Souchon - « Et si en plus y’a personne » -
14
meilleure image que l'on puisse proposer de l’utilité d’authentiques Sciences
de l’Information et de la Communication, en tant que centre de fécondation
interdisciplinaire, consisterait, à partir des problématiques en apparences
conflictuelles telles qu’évoquées dans cette introduction, à s’inspirer de la
nouveauté que Kant a introduit dans l'histoire de la pensée. Elle a consisté en
un changement radical de méthode comparable à celle de la révolution opérée
par Copernic en astronomie : changement radical de paradigme5, qui marquera
un tournant essentiel de la pensée en ébranlant la vision médiévale du
monde qui plaçait l'homme au centre d'un univers fait pour être dominé par lui.
Dans cette même lignée on retiendra la démarche darwinienne qui
révolutionnera la vision portée sur le monde du vivant sans toutefois
considérer qu’il faille pour autant en rester là.
L’universalité voulue d’une vision œcuménique (étymologiquement : le monde
habité) commune aux trois cultures monothéistes abrahamiques a fait prévaloir
l’être au détriment de l’avoir, l’homme comme étant au dessus de la matière
raccordé juste en dessous de Dieu par les saints et les anges. Placés dans un tel
contexte les philosophes tenteront en vain (au mieux des raisonnements) des
synthèses, par une succession de thèses et antithèses, qui ne seront à bien y
regarder que des compromis contrairement à ce que le matérialisme historique
d’Engels (que l’on voudra scientifique sous Lénine) aurait laissé croire. Tous
procèderont d’un même paradigme sous tendu par l’existence ou non d’un
Dieu dont on tentera de démontrer l’existence ou non sans que les arguments
et les points de vue ne viennent à s’épuiser jusqu’à traiter du désespoir comme
d’une question de devenir : la foi, qu’elle soit verticale ou horizontale comme
5 Le mot paradigme tient son origine du mot grec ancien παράδειγμα / paradeïgma qui
signifie « modèle » ou « exemple ». Ce mot lui-même vient de παραδεικνύναι /
paradeiknunaï qui signifie « montrer », « comparer ». Le terme grec et ce qu'il signifie
est central dans le Timée de Platon.
Kuhn critique de Popper. Il montre que, dans l'histoire, les théories scientifiques ne
sont pas rejetées dès qu'elles ont été réfutées, mais seulement quand elles ont pu être
remplacées. Ce remplacement est un phénomène "social" qui engage une communauté
de chercheurs, en accord sur un agenda centré sur l'explication de certains phénomènes
ou de certaines expériences. Cette communauté est dotée d'une structure qui lui est
propre (conférences, publications). Il n'est pas rare dans l'histoire que plusieurs écoles
coexistent dans une relation d'opposition et d'ignorance réciproque relatives.
Pour Kuhn un « paradigme », est un modèle théorique de pensée qui oriente la
réflexion et la recherche scientifique à un moment donné. La science peut être dans
une période calme où le paradigme est admis par presque tous : les expériences ne font
que nourrir le paradigme existant. Lorsque les insuffisances du paradigme en cours
deviennent de plus en plus évidentes, et qu'un paradigme de remplacement se dessine,
il se produit un changement brutal de paradigme: une « révolution scientifique ».
15
remède à nos maux. De Descartes en passant par Pascal, de Hegel à Nietzsche
en passant par Schopenhauer ou Kierkegaard tous auront fragmentairement
raison tout en ayant phénoménologiquement tord pour avoir exclus du champ
d’investigation toute tentative de définition de la nature du Divin. Aucune n’a
osé franchir le pas pour se pencher sur cette question centrale, épistémo-
théologique, considérant de fait comme suffisants les jugements posés sur
l’effet pour justifier ou non de l’existence de l’Etre, à l’exception peut-être des
docteurs de l’orthodoxie chrétienne.
Une percée, malheureusement vite étouffée dans ses déclinaisons possibles par
le Vatican, sera ébauchée par Teilhard de Chardin, jésuite et scientifique. Il
émettra l’hypothèse d’un perfectionnement de la nature insufflé de l’intérieur
par l’énergie spirituelle (vecteur de sens autant que de transcendance) d’un
alpha vers un oméga (le milieu étant plus riche que le centre).
Malheureusement on en restera au niveau du concept. Toujours engluée par le
même axiome de départ cette hypothèse intéressante, qui mêlât philosophie,
théologie et sciences, ne résistât pas à l’affrontement idéologique implacable
qui suivra, opposant l’Est à l’Ouest : période durant lequel on affirmera le
primat du collectivisme, de la rationalité scientifique comme seuls référence à
la vérité, et de l’autre celui de l’initiative individuelle sur fond d’humanisme,
qu’il soit animé par le capital ou par les valeurs chrétiennes, jusqu’à s’inventer
face au terrorisme un axe du mal pour compenser celui de l’effondrement du
mur de Berlin..
Hormis l’abondance des productions et de nombreux éclairs de génie, par
quelque bout qu’on le prenne le bilan est assez consternant et il y a fort peu à
espérer qu'une transformation aussi radicale que celle opérée à l’époque de
Kant puisqu’au mieux de la pensée de ce début de troisième millénaire il faille
se référer à la déconstruction Derridienne, si tant est que cette démarche ne
consistait pas en autre chose qu’à tenter de comprendre les possibilités de
réassemblage ultérieures des éléments constitutifs des processus qui en
optimisaient les formes depuis l’homo sapiens-sapiens. Faute de cela les
questionnements posés sur le sens devant les amas de gravas des murs de la
honte pourraient bien nous conduire vers d’autre chaos. La repentance n’y
pourra rien changer et l’humanisme n’y gagnerait rien en conscience.
Tenter une vision nouvelle pourrait alors bien devoir passer par
l’interdisciplinarité en ces temps nouveaux où le changement est devenu une
constante. Pour opérer ce passage il nous faudra donc nous passer d’outils
conceptuels usagés d’un passé dont les efforts consistaient à contraindre de
l’intérieur l’émergence d’une stabilité idéalisée dans la perspective d’en voir
éclore certaines formes de paradis. A ces trois siècles des Lumières
œcuméniques « siècles de la Critique à laquelle il faut que tout se soumette »
16
dont il faut bien admettre qu’il est en fin de cycle, l’enjeu doit être maintenant
celui « de soumettre les formes à nos contraintes par la critique de nos
déraisons » : penser l’optimisation de nos systèmes dans une perspective
anthropocuménique, celle de l’homme habité au sein d’un écosystème
planétaire économologique apte à lier de façon vivable économie, éthologie et
écologie. En cela redonner à la métaphysique (au sens de méta, « qui vient
après ») la place philosophique qui doit être la sienne aux limites de la
théologie en interface avec les sciences : l’esprit de Cordoue au barycentre des
trois cognitions abrahamiques, cet islam des lumières auquel nous devons la
Renaissance.
La métaphysique : la science du coup d’après
S’agirait-il encore de continuer à proposer d’ajouter de nouveaux angles à
cette critique pour espérer améliorer le statut scientifique de la connaissance
dont le passé de la philosophie lui léguait le projet sous le nom de
métaphysique. La réponse est non si la raison a pour fonction d’être à la fois le
sujet et l'objet de la critique en continuant à opposer en préalable (j’insiste sur
ce préalable) ce qui est ce à ce qui doit être avec la tentation d’imprimer sur le
réel le sceau d'une prétendue exigence normative universelle à partir du
paradigme dominant. Si l’on considère que l'acte propre de la pensée tient dans
le jugement qui décide de la chose comme il en est d'un cas relevant d'une
règle alors l'objet propre de la philosophie comme connaissance de la raison
humaine ne peut omettre que les conditions nécessaires à son exercice ne tirent
pas leur légitime de sa propre normativité mais de l’ajustement de sa légitimité
au regard des résultats de la norme elle-même : l’ensemble ne pouvant être
appréhendable qu’au contact des interactions mues pas les flux qui traversent
les systèmes et dont la pérennité dépend intrinsèquement de sa capacité
d’anticipation et d’ajustement. La physique du coup d’après.
Dans la modernité la métaphysique peut être mise au service de la philosophie
en tant qu’elle est non, comme par le temps dévoyée, la physique de l’au-delà,
celle du mystère, mais bien cette approche qui aujourd’hui est en capacité
d’envisager la forme suivante ou au mieux de créer la forme optimisée pour
éviter d’avoir trop, en réaction, à en subir d’inutiles contraintes. Cela doit se
faire en prenant appui, avant toute hypothèse ou thèse, sur la thèque (la boîte) :
le réel cartographié et non imaginé.
Il ne s’agit pas ici de balayer d’un revers de main les cinq siècles de la pensée
qui suivirent la Renaissance mais au contraire de considérer cette période
comme la conséquence d’une nécessaire reconquête de la quête de la
connaissance après quinze siècles durant lesquels l’expérience de la pratique
(échec – réussite) s’était avérée suffisante à contenir la foi et la vie sociale.
Sortir de ce rapport christique d’abnégation, entre souffrance et rédemption,
17
de là où l’écrit était la seule propriété des clercs, et le Livre était le tabernacle
des rêves en une vie meilleure : la justification par l’au-delà pour mieux
accepter le quotidien.
La culture médiévale privilégiait les formes d’intelligences analogiques et
normatives. En partant à la conquête des Lieux Saints, cette culture
physiocratique entrera au contact d’une civilisation musulmane porteuse des
sciences logiques de la haute Antiquité Grecque. Ce contact fécond, bien au-
delà des causes qui en sont à l’origine, autorisera dès lors de discourir de la
méthode pour s’éloigner des dogmes au profit du questionnement, de la
réflexions et de l’enquêtes : domaines où les musulmans n'ont cessé d'étendre,
de ramifier, d'approfondir durant six siècles leurs connaissances comme
insufflées dans les textes du Coran, rendant paradoxale pour ne pas dire
douteuse l’interdiction dans l’islam de toute réflexion d’ordre philosophique
avant qu’Ibn Rushd (Averroès) ne force le passage et établisse le pont durant
cette période bénie de l’Al-Andalus par le fasl al-maqãl, le « Discours
décisif ».
Ibn al-Sarrag avant Leibniz
A côté de Leibniz, Locke consacrera ses Essais sur l'entendement humain
avant tout à l'étude de la semiosis6 spécifique du langage humain, de sorte
qu'après lui les sémioticiens du XVIIIe siècle s'attaqueront concrètement au
matériau langagier et essaieront de fonder une théorie matérialiste de
l'entendement à partir de la grammaire (ainsi que W. von Humboldt7 et
Condillac, entre autres).
6 Semiosis (semiotics): Any form of activity, conduct, or process that involves signs,
including the production of meaning.
Un même signe peut ne pas appartenir à la même sémiose c'est-à-dire au même
ensemble « signe-contexte-signification ».On peut donc noter que dans la mesure où la
signification et le contexte sont un ensemble d'autres signes, la sémiose peut être
simplement définie comme un ensemble de signes indissociables.
C'est Charles Sanders Peirce qui introduisit ce mot comme il avait introduit celui de
sémiotique.
7 …Parmi celles-ci, les vues de Humboldt sur la relation entre la pensée et le langage
qui, par l’intermédiaire de Steinthal et de Boas, seront éventuellement reprises,
reproduites et transfigurées par la linguistique américaine, alors vouée à l’étude des
langues amérindiennes et aux recherches anthropologiques. Nous faisons ici allusion à
l’hypothèse de Sapir-Whorf, dont la teneur, pour notre propos, peut se résumer à ceci
que la structure du langage détermine la structure de la pensée. La thèse large stipule
que le langage détermine la pensée, la perception, et la culture ; l’hypothèse (qui doit
son appellation à un protégé de Whorf, John B. Carroll) met à contribution la notion
humboldtienne de Weltansicht pour associer à la diversité des langues une diversité de
18
Mais c’est sous l’influence aristotélicienne que les grammairiens arabes ont
reconnu dans leur langue (vers 900) trois sortes de mots formant les trois
parties du discours: le nom, l'opération et la particule et qu’à partir d'Ibn al-
Sarrag, que seront distingués le nom signifiant et la chose signifiée. Toutefois
si de la combinaison de ces trois sortes de mots entre eux résulte un énoncé la
conclusion fut que sur les neuf combinaisons théoriques, il n'y en a que deux
qui soient possibles : un nom avec un nom, et une opération avec un nom.
C’est ainsi que les grammairiens de Bagdad en admettant que le nom signifie
la chose modifièrent l'ancienne définition de la particule (article, préposition et
interjection) qui devint le mot indiquant une signification non en lui-même,
mais dans un autre mot que lui qu’ils firent leurs avant la date l’approche
dialecticienne de Descartes. Plus tard, sur ce fondement bi vectoriel, Leibniz
tentera de mathématiser linéairement la sémiosis du langage humain par le
structuralisme : - « Mes méditations fondamentales roulent sur deux choses,
savoir sur l'unité et sur l'infini » (à Sophie) et « Il y a certes deux labyrinthes
de l'esprit humain : l'un concerne la composition du continu, le second la
nature de la liberté ; et ils prennent leur source à ce même infini » (De
libertate).
Ces conclusions pourraient bien actuellement prendre appui sur les
neurosciences pour en déduire que la liberté puisse être la conséquence de
l’interaction entre les deux hémisphères du cerveau qui « cérébralisent » les
fonctions premières de l’hypothalamus au regard de l’agression, de
l’inhibition et la fuite. Cette « cérébralisation » des comportements premiers
pourrait bien être à l’origine de la cognition à partir des fonctions sociales
orchestrées autour des totems, des tabous et des extasiants lorsqu’il s’agit de
faire face aux contingences des flux dans la perspective d’assurer l’unité et la
pérennité des systèmes. C’est au contact des flux marchands sur la route de
l’obsidienne anatolienne puis sur celle des métaux qu’apparaîtra l’écriture.
Avant toutes visées intellectuelles l’écriture naissante aura une fonction
commerciale : compter. Ce n’est que plus tard qu’elle servira à légiférer
autour de ces mêmes transactions marchandes : naissance des lois premières.
Archimède et l’imaginaire
C’est aussi au contact des flux que le zéro, qui nous viendra de l’inde,
facilitera les comptabilités : pour écrire « un milliard » en chiffre romain il
nous faudrait vingt minutes. Ce zéro mettra à mal le paradigme pythagoricien
qui laissait à penser que le monde était constitué d’unités linéaires faisant
qu’un nombre n’aurait d’existence que s’il pouvait exprimer quelque chose de
« visions du monde ». Jean Leroux Philosophiques, vol. 33, n° 2, 2006, p. 379-390.
« Langage et pensée chez W. von Humboldt ».
19
réel. Archimède libérera les mathématiques de ce carcan utile mais restrictif.
Sous son impulsion les mathématiques entrèrent dans le domaine de
l’imaginaire ouvert qui a fait de l’epsilon8 une unité en soi et qui doit être prise
en considération comme élément moteur des ensembles d’unités. Notons au
passage que nous retrouvons ici les deux vecteurs de la pensée, collatérales des
conceptions de Leibniz et Ibn al-Sarrag. Ce jeu intellectuel pourrait donner
l’impression de n’être qu’un passe-temps s’il ne sous-tendait des découvertes
majeures. En se posant la question de ce qui se passerait si l’on changeait une
sphère en cylindre (en quoi la surface serait-elle différente ?) Archimède
tentera ce tour de force mathématique et c’est grâce à sa formule que plusieurs
siècles plus tard les cartographes ont pu transformer de façon fiable le globe
terrestre en planisphère (projection plane) : première approche de ce qu’on
appellera une « représentation ». Il faut donc croire que s’interroger sur les
fondements à partir desquels opèrent la cognition et plus généralement la
communication soient loin d’être un simple jeu intellectuel anodin car si les
mécanismes en sont découverts et qu’il devienne possible des les faire agir
alors une découverte devient utile.
Toutefois une question se pose car comment concilier les démarches
vectorielles de Leibniz et d’Ibn al-Sarrag, en apparence dichotomiques et
cartésiennes, avec cette réalité anthropologique tripolaire d’agression,
d’inhibition et de fuite, au barycentre desquels aurait émergée la pensée, avec
l’espoir d’y trouver une unité, un epsilon? Répondre à cette question est la
raison d’être de ces travaux.
Pour cela il nous faudra adopter une démarche épistémologique nouvelle nous
permettant de contourner les impasses auxquelles nous ont conduites les
épigones9 du cartésianisme qui dans ces domaines attachent plus de valeur à
8 Le temple d'Apollon en était le centre. Accrochée au fronton, du temple d’Apollon à
Delphes une énorme lettre E accueillait les visiteurs. Lettre énigmatique qui défiait les
interprétations mais qui signifie, selon Plutarque, la deuxième personne du verbe
« être ». « Tu es », tel aurait été le signifié de l'epsilon suspendu : énoncé que tout
observateur du temple se trouvait prononcer, à son insu, en lisant la lettre mystérieuse.
« Tu es », ainsi saluait-on le dieu philosophe qui, à son tour, adressait à ses fidèles le
propos gravé par les sages : « Connais-toi toi-même. »
9 Épigone. Terme de mythologie grecque. Nom des héros qui firent la seconde
expédition contre Thèbes et prirent cette ville ; nom donné parce qu'ils étaient les fils
de ceux qui avaient fait la première guerre.
Terme grec signifiant né après et provenant de deux mots se traduisant par : sur et
engendrement.
1. Litt. Successeur, imitateur, héritier, suiveur (avec souvent la connotation péjorative
: qui ne fait qu'imiter le maître).
20
l’explication qu’à la démonstration et font appel plus à l’oreille plus qu’à la
vue.
L'algèbre des ensembles et l'étude abstraite des relations sont d'une importance
croissante dans toutes les disciplines qui cherchent à s'exprimer dans un cadre
rigoureux. En mathématiques, c'est l'interrogation sur les fondements de cette
science, ainsi que les tentatives de formalisation des opérations logiques de la
pensée qui ont conduit à l'élaboration de la théorie des ensembles10
; aussi cette
théorie apparaît-elle comme la base de l'édifice mathématique, dont elle
constitue le langage. Dans les autres sciences, et les autres domaines du savoir,
les applications de l'algèbre des ensembles et de l'algèbre des propositions sont
nombreuses et ne cessent d'augmenter : en physique (étude des circuits
électriques, par exemple), en sciences politiques (étude des votes en vue de
prendre des décisions), en sciences sociales (par exemple, problèmes d'analyse
hiérarchique), etc. Cette démarche effectuée par les sciences dures doit aussi
s’appliquer aux sciences souples, non qu’il convienne systématiquement de les
mathématiser pour les rendre plausibles mais surtout parce qu’il serait
inconcevable autant qu’inconvenant de se passer de la métrologie11
sans
2. Fig. Ceux qui forment la seconde génération dans un parti, dans une opinion, etc. (le
Littré).
10
La théorie des ensembles fut créée par Georg Cantor à la fin du XIXe siècle.
Cependant, le caractère extrêmement général et abstrait de la notion d'ensemble permit
de produire des paradoxes rendant la théorie contradictoire (cf. théorie élémentaire des
ensembles). Pour échapper à ces paradoxes et fournir un cadre abstrait adéquat au
développement des mathématiques, le concept d'ensemble a dû être sérieusement
codifié. Plusieurs théories formalisées des ensembles furent élaborées, en particulier :
la théorie des types de Whitehead et Russell, la théorie des ensembles de Zermelo et
Fraenkel, créée pour l'essentiel par Zermelo et enrichie par Fraenkel, et la théorie des
classes de von Neumann, Bernays et Gödel. Malgré leurs différences, ces théories
apparaissent avec le recul du temps comme diverses expressions d'une même réalité
mathématique ; ainsi, la théorie de Bernays et Gödel envisage des objets de deux types
distincts (ensembles et classes), alors que la théorie de Zermelo et Fraenkel ne connaît
que les ensembles ; cependant, les énoncés relatifs aux ensembles seuls et
démontrables par l'une ou l'autre théorie sont les mêmes. Jacques Stern. Professeur à
l’Ecole normale supérieure (informatique).Encyclopædia Universalis (2005).
11
D’une manière générale, il faut associer à la métrologie (science des mesures) la
notion de modèle. Un modèle est une représentation abstraite, simplifiée, d'un
phénomène et qui se ramène à des paramètres, des grandeurs. Le modèle est un
ensemble de grandeurs (longueur, largeur, profondeur, épaisseur, masse, échelle,
couleur…).La métrologie couvre les méthodes et techniques qui permettent de
paramétrer un modèle destiné à représenter la réalité. Une fois ce modèle paramétré, il
peut être étudié et manipulé de façon à
- produire de la connaissance : plutôt que de construire une série d'objets ayant des
caractéristiques différentes, il est plus simple de manipuler les chiffres, de simuler
21
laquelle ce serait reconnaître l’inexistence même des sciences humaines qui ne
seraient alors qu’une discipline traitant de l’esthétique et du chaos remplaçant
« Les Lumières » par des illuminés ! Les budgets de recherche relèveraient
dans ce cas du mécénat.
Sémiologie saussurienne : le signe en cul de sac ?
Le point de départ des travaux de Saussure est une réflexion sur les régularités,
voire les lois, découvertes par la linguistique historique comparée qui le
conduisent à envisager le langage comme un système dont le signe serait la
matrice constitutive ou l'élément fondamental.
Notons ici qu’il s’agit d’un axiome, un principe de base non démontrable.
Reprenant ainsi le projet stoïcien sur la base de la matérialité du langage lui-
même, distinguée du système proprement logique (cherchant la spécificité du
système linguistique lui-même dans un état donné de la langue), Saussure
semble appliquer à l'objet « langage » une procédure somme toute
phénoménologique qu'on retrouve à la même époque chez les fondateurs de la
sociologie contemporaine, Durkheim12
et Tarde13
. On place ainsi le signe au
centre du système. Saussure donne naissance ainsi à la linguistique statique
comme science (pour autant qu'elle fasse partie de la sémiologie, science
générale des signes traitant de tous les systèmes signifiants verbaux ou non
verbaux). La fondation de la linguistique comme science et de la sémiologie
comme théorie scientifique de la signification sont donc deux gestes
simultanés et logiquement inséparables. Autre axiome, cette fois tautologique :
une anamorphose. Partant de la langue en elle-même, Saussure précise la
conception générale du signe à l'instar du signe linguistique ; ce dernier
« résultant de l'association d'un signifiant et d'un signifié, cela revient à
conclure que de son point de vue « le signe linguistique est arbitraire » (ce qui
est le propre d’un axiome). Ainsi si pour lui la langue est un jeu de termes (de
signes) entre eux, la signification est une « valeur » que produit le système
avec ses règles propres que sanctionne en dernière instance la « force
sociale », le contrat social. (Il fallait bien remplacer le Bon Dieu par autre
l'effet d'une variation sur tel ou tel paramètre (on ne produira des objets qu'en fin
d'étude, pour vérifier la validité du modèle) ;
- agir sur la réalité qu'il représente : le fait de fixer l'intensité d'un phénomène («
pilotage » du phénomène).
La réalité concernée est usuellement la « réalité physique », mais peut aussi être une
réalité économique, sociologique, psychologique. Les modèles sont des modèles
numériques ou linguistiques. Source Whikipédia.
12
Durkheim : Les Règles de la méthode sociologique. (1895) . 13
Gabriel Tarde.Criminalité comparée, Alcan, Paris, 1886 ; Les Lois de l'imitation.
Étude sociologique, 1890, 2e éd. 1895 ; réimp. Slatkine, Paris. (1980).
22
chose !14
). Étudier les signes (linguistiques mais également extralinguistiques)
implique qu'on déborde les cadres du système formel lui-même pour accéder
« au sein de la vie sociale ». La sémiologie, science des signes, aura donc
partie liée avec les sciences sociales en général et ne saura se contenter d'un
formalisme simple. C’est en cela qu’il y a bien dans la sémiologie
saussurienne cette ambition d’une axiomatisation globale déguisée mais
qu'assume ouvertement cette fois la tendance logico-positiviste ; certaines
remarques saussuriennes font penser davantage à la vision des sémiologues du
XVIIIe siècle voulant inclure le social et le psychologique dans la théorie de la
signification, tout comme il en est, si nous sommes lucides, de la veine
comtienne et husserlienne qui détermine (consciemment ou inconsciemment)
la sémiologie de Saussure. Ainsi écrit-t-il : « On peut concevoir une science
qui étudie la vie des signes au sein de la vie sociale ; elle formerait une partie
de la psychologie sociale, et par conséquent de la psychologie générale ; nous
la nommerons sémiologie (du grec qui signifie « signe »). Elle nous
apprendrait en quoi consistent les signes, quelles lois les régissent [...]. La
linguistique n'est qu'une partie de cette science générale [...]. C'est au
psychologue à déterminer la place exacte de la sémiologie ; la tâche du
linguiste est de définir ce qui fait de la langue un système spécial dans
l'ensemble des faits sémiologiques [...]. Si l'on veut découvrir la véritable
nature de la langue, il faut la prendre d'abord dans ce qu'elle a de commun
avec tous les autres systèmes du même ordre [...]. Par là, non seulement on
éclairera le problème linguistique, mais nous pensons qu'en considérant les
rites, les coutumes, etc. comme des signes ces faits apparaîtront sous un autre
jour, et on sentira le besoin de les grouper dans la sémiologie et de les
expliquer par les lois de cette science. » La linguistique ayant permis la
sémiotique, dans la mesure où le langage est « le plus complexe et le plus
répandu des systèmes d'expression », elle peut devenir selon Saussure « le
patron général de toute sémiologie, bien que la langue ne soit qu'un système
particulier ». A cela nous ajouterons qu’un ensemble qui fait forme ne tire sa
raison d’être qu’en fonction des flux qui l’entourent et la traversent. Une forme
n’est jamais génétiquement définitivement déterminée ainsi que les éléments
qui interagissent en son sein. Leurs existences et leurs formes tiennent à
l’optimisation facilitée des flux au service desquels ils sont. Sans prise en
compte de cette donne fondamentale le risque est grand de tourner en rond
dans une démarche égocentrique.
Il en est de l’intuition de Saussure comme de celle de Lévi-Strauss dans le
troisième chapitre d’Anthropologie structurale, intitulé « Langage et société »
(1958), lorsqu’il envisageait la possibilité en phonologie de dresser un tableau
périodique des éléments communicationnels « comparable, écrivait-il, à celui
dont la chimie moderne est redevable à Mendeleïev » parce qu’une question se
14
(…Il fallait bien évacuer le Bon Dieu!).
23
pose au sujet de ces invocations inspirées. En effet ne serions-nous pas en droit
de nous demander pourquoi ils sont passés à côté de la résolution de ces
problématiques alors que les solutions étaient au cœur même de leurs
investigations ? Cela reste un mystère ! Peut-être qu’en sciences humaines
certains préfèreraient patauger dans la mangrove que de nager dans les eaux
claires ? Peut-être on-t-ils préféré bénéficier du crédit d’audience que les
amateurs d’exotisme accordent plus volontiers aux aventuriers-chercheurs
qu’aux paillasses de besogneux découvreurs. En science : à chacun de trouver
chaussure à son pied…La marche est longue.
Comprendre la partition avant de l’interpréter.
Ce serait donc dans ce cadre métrologique et cartographique qu’il puisse être
possible de comprendre les phénomènes informationnels, communicationnels
et organisationnels qui sous-tendent et traversent la complexité. Mais en
sciences humaines, nous n’en sommes pas encore à avoir isolé les algorithmes
qui détermineraient les changements de formes prises dans les divers aspects
de la communication. Tout au plus, et ce n’est pas rien, pouvons-nous isoler
certaines constantes phénoménologiques pour espérer disposer d’une vision
globale et cartographiée. Pour cela il faut nécessairement, dans un premier
temps, simplifier. Tenter de nous rapprocher de l’intuition qu’a eue en son
temps Mendeleïev en échafaudant sa fameuse classification périodique des
éléments chimiques. Une affaire d’articulation entre les invariants. La
constitution de cette cartographie suffirait certainement à satisfaire au besoin
de systématisation (sans laquelle la science deviendrait incertaine) afin qu’elle
puisse être un référentiel ouvert pour les recherches à venir : espérer contribuer
à une compréhension affinée des phénomènes communicationnels. En somme
moins discourir sur la symphonie pour justifier doctement de ses émotions que
chercher à décoder la partition pour en écrire d’autres: l’émotion du
découvreur ! L’extase dicible de l’Eurêka où la vision sur la chose n’est plus la
conséquence d’une projection de soi mais devient une représentation du nous :
une altérité objective.
L’emploi philosophique des termes extase, extatique, en dehors du néo-
platonisme, est peu usité. Il faut cependant en signaler le sens
phénoménologique : pour Sartre par exemple, la conscience est ek-statique15
:
elle sort de soi, elle est conscience d'autre chose que soi, d'un au-delà de soi.
L’extase est la conséquence de la sublimation. Sublimer, c’est retrouver le
mouvement qui affranchit de la conformité pour passer de l’intention
commune impuissante à l’acte individuel opérant. Pour être héros, disait Otto
15
« « La naissance est le surgissement du rapport absolu de passéité comme être
ekstatique du pour-soi dans l'en-soi ». Jean-Paul Sartre, L'Etre et le Néant extraits.
Essai d'ontologie phénoménologique ; Ed.Gallimard, 1943 « L'être et le néant », p.186.
24
Rank16
, il faut être seul à tuer le père. En généralisant, toute sublimation opère
une emprise de conscience euphorique qui libère d’un tabou pragmatiquement
du consensuel. De nouvelles configurations apparaissent alors sous des formes
idéalisées qui restent à conceptualiser. L’Eurêka (j’ai trouvé) est une des
manifestations tangibles de cet état euphorique. La légende se plaît à
représenter Archimède parcourant, dévêtu, les rues de Syracuse au cri de
« Eurêka ! Eurêka ! » Il venait, dit-on, de trouver, à la requête de Hiéron,
comment confondre un orfèvre indélicat par la loi suivante : « Les corps plus
lourds qu’un fluide sont allégés, dans ce fluide, du poids d'un volume de ce
fluide égal au leur.» : démarche métrologique permettant d’aller au-delà de la
querelle des impressions et des sensations.
Mendeleïev, questionneur acharné, scientifique accompli dans une kyrielle de
disciplines et qui propulsa la chimie dans un avenir lisible, donnait ce conseil à
ses collègues : « La voie juste des chercheurs consiste à s’arracher de la terre,
à s’élever par la pensée le plus haut possible, mais ensuite pour ne pas
s’égarer, à s’orienter d’après la terre, rectifier son vol et après monter plus
haut. C’est seulement de cette façon, en se transportant graduellement de la
terre au ciel et en redescendant qu’on peut pénétrer jusqu’aux racines
profondes et générales de la réalité. »
Pour espérer ouvrir une brèche dans ce mur qui paraît infranchissable tant sont
confuses les approches sémiologiques, les présents travaux feront appel dans le
cadre des Sciences de l’information et de la communication à
l’interdisciplinarité la plus large à (anthropologie, philologie ainsi qu’à la
psychologie et à la thermodynamique).
Nous pensons selon toutes hypothèses que les atouts issus de la théorie
constructale des communications, que nous mettons au jour par l’intermédiaire
de cette thèse, peuvent être d’une utilité réelle à la constitution d’un
référentiel logique et méthodologique à destination de la science des
significations. Notre intention éventuelle est d’espérer contribuer à en démêler
certains écheveaux et peut-être à mettre fin à certaines controverses.
N’oublions pas que les systèmes, pour assurer leurs subsistances,
fonctionnement sur un principe de facilité : n’a-t-on jamais vu un ruisseau
escalader une montagne pour rejoindre l’océan ? Pourtant certains alpinistes de
la pensée le laisseraient croire, lecture faite des emboitements d’idées dont ils
font preuve et qui comme ces poupées gigognes bariolées ouvrent, lorsqu’on
les désassemble, sur du vide.
16
Freud note: « Otto Rank a montré, dans une étude consciencieuse, que le complexe
d’Œdipe a fourni à la littérature dramatique de beaux sujets qu'elle a traités, en leur
imprimant toutes sortes de modifications, d'atténuations, de travestissements, c'est-à-
dire de déformations analogues à celles que produit la censure des rêves »
25
Pour sortir de la dialectique : la répétition
Soyons conscient que la crise illustrée par les dialectiques ambiantes, celles
du plural et du singulier, du différentiel et du typique, rendent confus la
cohérence espérée.
Le scénario pour en sortir est certainement d’ordre sémiostylistique. Il ne
s’agit au plus simple que d’aller se confronter à la plus puissante des figures,
seul outil véritablement fiable d'investigation: la répétition. Il ne s’agira pas de
comptabiliser les segments répétés dans le discours, d’autres s’y sont risqués
en espérant en cela voir de la méthode jaillir le phénomène. C’était oublier
qu’en métrologie on construit toujours les instruments de mesure en fonction
des phénomènes à observer. La répétition, par-delà la problématique des
genres, est une stylistique. Le fait d’isoler des constantes demeure le moyen
idéal de poser les termes d’une recherche constructale: identifier l'existence
des constantes au sein des faits, déterminer puis nommer les formes auxquelles
elles donnent naissance puis par le jeu des interactions et des processus espérer
comprendre au sein d’une cartographie des possibles comment le jeu fait sens
dans la simplicité de la complexité : en somme évaluer sa significativité.
La significativité permet d’isoler l'existence d'un fait sur fond d'itération. D'où
la nécessité d'établir des séries de stylèmes17
de manière à pouvoir par le jeu
des constantes et des rémanences, mesurer précisément les différentes et
d’anticiper à partir du sens la forme qui suivra. Plus s'accumulent dans une
communication des marques isotopiques plus celle-ci est surdéterminé.
Les analyses de Locke, de Berkeley, de Hume s’inspirent et tirent leurs racines
du cartésianisme. En écrivant l'Essai sur l'entendement humain, Locke aura
d'abord ce souci, qui le distinguera de Descartes : « être utile à l'existence
sociale des hommes et n’être nuisible à personne ».
L’œuvre de Descartes apparaît comme soucieuse de substituer à l’alchimie
intellectuelle du Moyen Âge une science comme devant s’inspirer des
mathématiques pour extraire de cette science une quintessence opérationnelle
(celle des applications pratiques) selon la célèbre formule du « Discours de la
méthode ». Sa perspective est de rendre les hommes « comme maîtres et
possesseurs de la nature ». Il faut toutefois reconnaître que le paradigme dans
lequel Descartes nous a fait évoluer situe la science par rapport à l'Être, dans
l’espoir d’offrir une solution au conflit qui, à son époque, oppose science et
religion. Les développements que l’on en fera auront simplement pour effet de
remplacer le phlogiston du « Deus ex machina » par celui de « l’homo sapiens
17
Stylème (Linguistique). Sur le modèle de phonème, le stylème est une abstraction
censée représenter une corrélation fonctionnelle possible entre des éléments du
langage, une combinaison de stylèmes serait censée définir un style.
26
sapiens in machina ». Ces deux conceptions conduiront Pascal à distinguer
l’animus (pensée rationnelle) de l’anima (l’intuition spirituelle) mais ne seront
en réalité que l’expression d’un diagramme cartésien : une méthode
métaphysique néanmoins scientifique (estimer en bonne logique le coup
d’après en analysant le nuage obtenu issu du contact entre l’abscisse et
l’ordonnée). Toutefois le champ de vision obtenu par cette démarche n’est pas
suffisamment large pour maîtriser l’ensemble des paramètres élémentaires qui
interagissent. La part laissée au hasard sur les problématiques cognitives et
communicationnelles reste aux deux tiers inférieure au champ de vision
nécessaire.
Rien ne sert d’inventer le marteau-pilon pour ouvrir la noisette
Tout comme il en a été de la complexification mathématiques à partir d’une
approche cartésienne utiles mais porteuse d’infaisabilités on aurait pu espérer
qu’il en eût été de même des sciences humaines afin que dépouillées des
scories chimériques qui les ont embuées il nous soit possible de faire de la
connaissance un usage optimisé .pour le moins dans le sens que lui donnait
Locke : « Etre utile à l'existence sociale des hommes et n’être nuisible à
personne ».
Chercher à présenter une image favorable et académiquement correcte de
l’utilité des domaines qui traitent de la connaissance consisterait à l’évidence à
marier les propos de Descartes avec ceux de Kant, les confronter à Locke pour
aboutir à un positionnement entre Proudhon et Marx multiplié par la foule des
disciples et incantateurs qui les encensent ou les dénigrent !
Il y a une différence notable entre image et représentation. Les bibliothèques
sont lourdes de cette complexification de la pensée au point que l’arrivée
heureuse de l’informatique aidera de façon précieuse à faire les tries qui
s’imposent par l’ouverture aisée et rapide des contenus sans qu’aucun ne
finisse aux oubliettes et que l’on puisse enfin aller à l’essentiel. Ce
changement d’image ne passe pas non plus par de successives ramifications de
disciplines et de laboratoires qui traitent de spécificités sans qu’un seul d’entre
eux n’ait fait souche. Il faut dans ces domaines prendre garde de faire de la
recherche sur des épiphénomènes sans constitution d’un corpus de découvertes
authentiquement fondamental capable de dynamiser l’ensemble autrement que
pas l’intuition empirique et une littérature discursive. En dernier lieu ce
changement d’image ne passe pas non plus par l’accumulation de citations ou
notes en bas de page. Tout comme le parfum des encens d’orient, ces pratiques
enivrantes agissent comme des extasiants sur la pensée qui font confondre les
prêtres avec les dieux induisant dans l’euphorie de l’instant la soumission des
consciences à ce qui n’est au final qu’un nuage de fumée. Penser nos outils à
penser c’est se donner le pouvoir de passer de l’image à la représentation,
27
permettre à l’autre de se l’approprier afin de faciliter son existence au travers
de choix et de constructions judicieuses, si possible harmonieuses.
Il est plus qu’intéressant de constater qu’au paroxysme des révolutions, et ceci
depuis la haute antiquité, combien les foules se sont acharnées à mutiler les
yeux les nez et les oreilles des statuts qu’ils vénéraient hier encore. Les
pilleurs des tombes de l’Egypte Ancienne usaient de cette pratique destructrice
sur les momies pour que l’âme des défunts ne puissent se venger, en sorte que
l’on puisse considérer qu’un acte iconoclaste ait moins pour objet de déprécier
des corps physiques que d’attenter au lien magique que leurs cinq sens étaient
censés opérer entre un présent et un « Ailleurs » dont ils étaient les interfaces.
Serait-ce aussi pour cette raison que le judaïsme et l’islam interdiront toute
représentation imagée de Dieu et des hommes faits à son image, tout comme il
en sera du protestantisme qui interdira le culte des saints et la présence de leurs
statuts dans les lieux de culte : un façon de préserver l’Essence
(étymologiquement en arabe : Allah) des inconséquences humaines qui
tenteraient de se l’accaparer (du latin ac : comme et caput capitis : la tête ou
partie du corps contenant les organes des sens.) ? Y aurait-il une primauté
fonctionnelle des organes de commande sociétaux en rapport avec le signe et
le sens ?
En déclarant que la recherche est une tournure d’esprit, Pierre-Gilles de
Gennes nous fait entrevoir la marche à suivre pour ouvrir le scotome des
sciences humaines pour qu’elles s’enracinent en tant que telles: « Ne pas
chercher d’abord le marteau-pilon pour écraser la noisette, mais voir
auparavant si, sur l’enveloppe de la noisette, il n’y a pas un indice qui
permette de l’ouvrir. »18
Foin de l’exhaustivité : aller voir ailleurs
Au travers de ce tour d’horizon fragmentaire envers lequel l’exhaustivité
n’apporterait rien de plus qu’à alimenter l’industrie du papier, force est de
constater, tout en étant révérant à l’égard des grands maîtres, que si aucun
d’entre eux n’a eu tord aucun n’a eu intrinsèquement raison en sorte que la
richesse de leurs productions aurait bien aussi pour objet de cacher
l’infaisabilité du traitement des problématiques auxquelles ils se sont attelées
non parce qu’elles étaient inenvisageables mais parce que leurs outils
conceptuels utilisés (cartésiens, binaires, manichéens, moraux) étaient
inappropriés. Face aux vérités fragmentaires la notoriété est souvent une
affaire de quantité tandis qu’à son opposé l’image de marque émane de la
qualité et le génie de la nouveauté : la théorie de la relativité tient en quelques
dizaines de feuillets, sans notes en bas de page et une seule référence : pourtant
18
Pierre-Gilles de Gennes. Les Objets fragiles, Plon. (1994).
28
elle n’a jamais été un succès de librairie. En dépit de cela elle révolutionnera
des sciences et notre vision du monde, non pour relativiser les choses, mais
pour les relier dans une cohérence nouvelle.
En effet tout laisse à penser qu’en se concentrant le raisonnement sur
l’intérieur de la thèque (la boite) en considérant que c’est à l’intérieur de la
noisette que se trouve la solution à un idéal de forme, les sciences cognitives
depuis la Renaissance jusqu’à Barthes ont certes comme les mitochondries
contribuées à oxygéner un temps la cellule (et dans certains cas en
cannibalisant son système) sans pour autant pouvoir justifier d’en avoir assuré
sa pérennité. Tout en reconnaissant à Descartes le génie d’une méthode il n’en
a pas pour le moins résolu la problématique que posait Zénon d’Eléé aux
sophistes grecs.
Caricaturalement aux fins d’une démonstration Zénon déclarera aux sophistes
et à ses adversaires pythagoriciens, attachés à la pluralité discontinue des
nombres (précurseur du calcul infinitésimal) que le mouvement et le
changement n'existent pas : « La flèche lancée est toujours immobile car en
effet tout corps est soit en mouvement soit en repos et il est en repos quand il
se trouve dans un espace égal à son volume ; or la flèche se trouve à chaque
instant dans un espace égal à son volume, d’autant qu’avant qu'un corps en
mouvement puisse atteindre un point donné, il doit d'abord traverser la moitié
de cette distance ; avant qu'il puisse atteindre cette moitié, il doit d'abord
traverser le quart, et ainsi indéfiniment. ».
Pour Zénon toute affirmation portant sur le monde des sens et de l'expérience
commune est fausse, pire que fausse : insensée. Seul le discours sur l'Être
serait vrai ; mais ce discours ne peut pas s'élaborer puisque cette élaboration
même, se faisant au moyen de concepts séparés et morcelés, serait
inévitablement destructrice de l'unité. De son côté, Friedrich Heinrich Jaco, au
fur et à mesure de sa critique du spinozisme, du criticisme kantien, de la
théorie de la science de Fichte, de la philosophie de l'identité de Schelling, à
montrer comment ces systèmes représentent les étapes successives d'un
mouvement d’ évacuation progressive de la réalité en n’omettant pas de
préciser qu’il il n'est donc pas étonnant que les néo-criticistes, comme
Renouvier, qui s'inspiraient de Kant, aient reporté à Zénon l'origine du
dilemme dialectique. Il est moins compréhensible que leurs interprétations
aient trouvé crédit chez ceux qui n'adoptaient pas leurs philosophies sauf à
considérer qu’à l’instant où une faille apparaît dans le raisonnement on
s’autoriserait à faire appel à l’axiome pour conforter la cuirasse en ce point de
fragilité. « La véritable solution du problème de la formulation intrinsèque du
calcul différentiel n'a été obtenue qu'après l'édification de l'analyse tensorielle
(par Ricci et Levi-Civita) et du calcul différentiel extérieur (par Élie Cartan).
Bien que ces théories n'aient été exposées à l'origine qu'en termes de
29
coordonnées, il n'a pas été difficile (après la construction axiomatique de
l'algèbre linéaire et multilinéaire), de les traduire en langage intrinsèque.19
»
19
Calcul infinitésimal - Calcul à plusieurs variables : Georges Glaeser. Encyclopædia
Universalis 2005.
31
DETERMINER LES CONSTANTES
Jamais deux sans trois
_________________________________________________
La myrrhe est à l’épiphanie de
la crèche
Et à la fête d’Adonis,
La représentation de ce que la virginité d’une Sainte
Est à la fécondité d’une déesse,
Un baume de l’esprit qui fait lien entre vertu et réalité.
La représentation : un invariant derrière des variations.
Puisque beaucoup s’accorderaient à considérer que la tâche de la vraie
philosophie consisterait à démasquer la vérité derrière les apparentes
conciliations et les compromis intenables, il convient maintenant d’échapper à
ces impasses : sortir du dilemme dialectique tout comme l’a tenté le
structuralisme et le néo-kantisme (ou néo-criticisme de Hermann Cohen, son
professeur à Marburg en 1896) qui animent la pensée de Cassirer dans son
œuvre et dans son monumental ouvrage « Philosophie des formes
symboliques ». Cette œuvre présente la science comme une synthèse
d'objectivités qui progressent en niveaux. Et s’il est probable que ce qui est
invariant puisse être aussi « objectif » rappelons-nous que ces invariants se
construisent lentement, souvent trop lentement, par la confrontation et la
correction mutuelle des hypothèses au regard des faits. Le jeu consiste à
adhérer au plus près de ce qui est contenu dans la thèque en évitant les
axiomes par définitions hypothétiques.
Il est certain que les mécanismes intimes qui donnent vie à la connaissance,
comme ceux qui interviennent dans le fonctionnement des systèmes
organisationnels, peuvent être mieux appréhendés à l’aide des principes de la
thermodynamique des flux: partir à la découverte du modèle fonctionnel le
plus opérationnel et optimisable possible sans recourir à l’idéalité mais sans
perdre de vue le sens d’une essence qui éventuellement peut faire foi (cf.
« Discours complétif », dernier volet de notre thèse).
C’est là dans toutes les formes où s’exprime la cognition que les
représentations entrent en jeu, qu’il s’agisse d’une image ou d’une formule
mathématique qui ne peut se passer du « symbole » pour toute lisibilité. En
mettant au jour, par la stylistique, ce modèle invariant les chances seront plus
fortes d’en comprendre les variations de sens probables. L’inverse n’ayant
pour raison d’être que d’animer les discussions à l’infini tout comme si on
introduisait le multiple et la division qui sont en réalité ce même dilemme qui
32
caractérise la méthode dialectique Kantienne utilisée pour relier l’unité à la
transcendance, méthode à propos de laquelle Zénon pourrait bien dire non sans
ironie : « vous le faites à la fois fini et infini, limité et illimité en nombre, en
sorte qu’il n’a donc d’existence qu’au regard de ce que vous en faite ».
La science et la philosophie furent longtemps inséparables. Dans l'Antiquité, la
philosophie représentait la science suprême, celle « des premiers principes et
des premières causes ». Les autres sciences, et notamment la physique,
recevaient d'elle leurs fondements. Cette alliance s'est trouvée brisée au
XVIIe siècle, avec l'apparition de la méthode expérimentale et le
développement des sciences positives. Depuis cette époque, la science et la
philosophie n'ont cessé de s'éloigner l'une de l'autre du fait même que le
dilemme chez la première ne résistera pas aux impératifs et aux contraintes de
la découverte alors que la seconde continuera à s’en alimenter et ceci dans un
cadre de moins en moins politisé où il est de bon ton que la recherche se
cherche. Entre la question et la réponse, tout comme il en est du dilemme entre
la poule et l’œuf la seule réalité qui soit est celle de la fécondité d’un système.
Au siècle des lumières pourrait bien succéder celui de l’insight, celui des
flashes de conscience au point scotome des champs de visions traditionnels qui
nous faisaient rêver hier à l’improbable.
Les représentations, une question d’être contingente de l’avoir
Les sciences cognitives ont pour objet de décrire, d'expliquer et le cas échéant
de simuler les principales dispositions et capacités de l'esprit humain pour
résoudre une équation : le langage, le raisonnement, la perception, la
coordination motrice, la planification... Nées dans un contexte scientifique
fortement stimulé par l’émergence de l'informatique et le développement des
notions et des techniques de traitement formel de l'information, elles ne
cessent de se distinguer les unes des autres au travers de paradigmes, concepts
et hypothèse pour se constituer en disciplines.
Dans cette quête identitaire de reconnaissance, tenter de les définir
nécessiterait une exhaustivité qui, dans la mesure où cela soit réaliste, ne
permettrait certainement pas une définition suffisamment stationnaire pour être
recevable par les diverses instances académiques qui les orientent. D’autre part
les incertitudes terminologiques compliquent la tâche dans les jardins de curés
défendus par diverses chapelles dont nous ne serions pas loin de penser de
penser que leurs financements relèveraient bien du denier du culte plus que de
budgets de recherche en l’absence d’orthodoxie régulatrice.
En ce domaine on devrait d’abord se comporter comme un « enfant de la
terre » qui ne saurait être tout entier « raison que lorsqu’il est contraint à se
montrer raisonnable pour éviter de se soumettre ». Une affaire de
33
représentation qui paradoxalement pourrait bien in fine, tandis que ce ne soit
pas l’objet premier des sciences humaines, conduire a posteriori à traiter du
Ciel après avoir pris conscience que l’objet et de la raison d’être du Soi
collectif pourrait bien passer plus humblement par le « ce à quoi l’on sert au
contact de ce qu’il faut faire ».
En posant en préalable qu’ « une valeur ne peut exister sans passer par la
mesure de la valeur » nous retiendront comme recevable à propos de ce thème
central en sciences de l’information et des communications la définition
suivante d’une représentation:
« Une représentation (du latin praesentia : le fait d’être dans un lieu avec
quelqu’un qui s’y trouve ou qui y vient) est l’expression d’une dystrophie
(trouble de l’alimentation d’un organe d’une partie du corps : par extension,
une incompréhension, une incertitude qui nuit à l’action) mentale qui consiste,
par projection stéréotaxique (relief) à mettre en scène au sein d’une situation
distyle in antis (en architecture : qui présente deux colonnes en front)
phobique (le terme de phobie est utilisé ici à partir du langage courant
(exprimant une crainte réelle ou fictive) pour évoquer la fixité d’une peur
élective et irrationnelle, ou le caractère insistant d’un désir ou d’une répulsion
envers certains objets) à partir d’une situation (pour le moins) distyle in antis
(en architecture : qui présente deux colonnes en front) susceptible
d’engendrer dans l’anxiété des réactions irraisonnées d’agression,
d’inhibition ou de fuite si les possibles n’en sont pas cartographiés par la
pensée20
.»
20
La représentation conforme la plus anciennement connue est la projection
stéréographique, inventée par les Grecs (Hipparque, Ptolémée). Les problèmes
cartographiques conduisirent à la découverte d'autres applications conservant les
angles d'un domaine sphérique sur un domaine plan, telle la projection de Mercator
(XVIe siècle). Au début du XIXe siècle, Carl Friedrich Gauss étudia systématiquement
les propriétés intrinsèques des surfaces de l'espace habituel ; en particulier, il examina
les applications bijectives d'une surface sur une autre qui sont différentiables, ainsi que
leur réciproque, et qui conservent les angles. La notion de représentation conforme
reçut un nouvel éclairage avec l'avènement de la théorie des fonctions d'une variable
complexe, à laquelle elle est intimement liée. Bernhard Riemann sut exploiter cette
relation de façon particulièrement féconde, introduisant la notion de surface de
Riemann, qui résout les difficultés dues aux « fonctions multiformes » et donne un
cadre convenable à la théorie du prolongement analytique. Cette théorie pose un
certain nombre de problèmes topologiques qui ont conduit Bernhard Riemann et Henri
Poincaré à développer les premières bases de la topologie algébrique. Fonctions
analytiques - Représentation conforme. Christian Houzel. Encyclopædia Universalis
(2005).
34
Une représentation mentale est praesensio (latin praesensio, onis :
pressentiment : une notion primitive, une sensation apparemment innée, qui se
présente immédiatement à l’esprit). Elle est indicatrice d’un déséquilibre et
invitation à se saisir de l’intrus déstabilisateur de l’équation, puis invitation à
la construction d’une solution, incitation à une prise de décision. Une
représentation contient en elle un pré-sens qui est soumis à l’analyse de la
conscience en vue d’opérer un choix. Une représentation peut don être
comprise comme l’expression d’une triade fonctionnelle entre moi, l’autre et
l’environnement (contexte socioculturel au point de captation des flux) pour
résoudre une dualité (distyle). En cela une représentation peut être considérée
comme étant un support cognitif, vecteur de médiation, une clef pour ouvrir
une porte dans un mur entre deux colonnes pour continuer un chemin.
La conquête de l’avoir : une projection sensible de l’intuition à partir de
la mémoire
Une représentation mentale ou représentation cognitive est la projection qu'un
individu socialisé se fait d'une situation problématique au contact des autres
qui la vivent pareillement ou seront amenés à la vivre pour s’en défendre,
l’accepter, la fuir, s’en accommoder, se l’accaparer, l’intérioriser ou au mieux
pour être en symbiose (association d’être vivants dans laquelle chacun tire un
avantage souvent vital) coenesthésique avec elle. La représentation est au
confluent de l’intuition, des sensations et de la mémoire expérimentale.
Comme les activités humaines s’organisent assez généralement en vue d'une
finalité, la notion de représentation est proche de celle d'un état mental
préalable à un choix (au plus simple qui se situe au sein de cette triade entre :
agression, inhibition, fuite) et donc proche du concept d'intentionnalité
(tension entre l’intérieur et l’extérieur).activant parallèlement, à la vision des
scénarii possibles, le jeu combinatoire des neurotransmetteurs et au plus large
mettant en œuvre l’inconscient collectif ethno-identitaire21
.
C’est au stade initial d’une représentation que se constituent consensuellement
(sens commun) les académies bien avant toutes découvertes et ne pourront
prétendre au vocable de scientifiques tant qu’elles n’auront sues dégager de la
recherche des constantes suffisamment pertinentes.
21
Du point de vue identitaire une représentation serait coenesthésique (cœnesthésie
(cénesthésie) du grec ancien « en commun » et de « faculté de percevoir les sens. »
lorsqu’elle désigne l’impression globale résultant, dans un premier temps, de
l’ensemble des sensations internes ressenties en commun et ceci indépendamment du
concours de la rationalité. En cela le concept de représentation peut être assimilé à un
paradigme en tant que mécanisme inconscient de filtration du réel.
35
La sémiologie avec sa kyrielle de subdivisions se trouve concernée en
première ligne, non qu’il s’agisse de mettre en cause une bonne volonté
générale, certaine, mais plus certainement celle de l’adéquation des outils qui,
insuffisamment validés épistémologiquement, finissent par faire passer pour
phénoménologiques des lois fondées sur des épiphénomènes. Il suffit parfois
d’une phrase consensuelle bien balancée pour que la tournure d’esprit,
devenue slogan, fasse force de loi. Ainsi se forme un magma théorétique
parfois tautologique selon lequel tout est dans tout et inversement. A ce petit
jeu on chercherait le bozon de x sans avoir même découvert l’existence de
l’atome. En réalité on ne ferait que de l’alchimie si les seuls exposés au
« bidouillage » n’étaient que les mages escamoteurs eux-mêmes. Car dans le
domaine des sciences humaines les enjeux liés au prosélytisme nimbé de
valeurs philosophiques empiriques, passage obligé pour donner crédit aux
présupposés de leurs intuitions, sont d’un tout autre ordre que ceux de la
bienséance. Le risque repose en effet en ce que ces « mages » se positionnent
en tant que garants du signe au regard de leurs titres sans prendre en compte
les conséquences de leurs présupposés. A force de jouer sur l’ambiguïté des
symboles, les représentations deviennent fugaces au point qu’en l’absence de
réponses probantes aux questions sociétales qui se présentent il ne puisse
exister une autre image de certaines institutions que celle d’un conclave de
cooptations. Un consensus est insuffisant à faire loi, tout juste peut-il
fonctionner par décrets.
A ce petit jeu le siècle des Lumières pourrait bien être celui du miroir d’une
société bourgeoise en mal de sens tant il est vrai que la pléiade des références
intellectuelles auxquelles on attribue la révolution sociale la doive peut-être
bien plus aux évolutions technologiques qui l’ont précédée qu’au système
intellectuel dont ils se voulaient les animateurs dans les Salons.
Diderot l’avait compris en réalisant de 1751 à 1792 avec d’Alembert le
monumental « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers» et
dans son approche du déterminisme : « Jacques le Fataliste ». Mais l’histoire
est ainsi faite qu’on retiendra plus le nom de Schoelcher pour sa lutte contre
l’esclavage que celle des ingénieurs qui ont modernisés de façon radicale le
cycle de production du sucre de canne liée à l'usage de la vapeur et aux progrès
de la physique. Ces génies anonymes ont été relégués au second plan l’utilité
de la force musculaire et mis à mal les pourvoyeurs en main d’œuvre le
triangle de l’ébène. Plutôt que de les en gratifier on préférera moraliser les
consciences dans la « repentance » faisant oublier que les approvisionneurs
étaient frères de ceux qui aujourd’hui, aux prétextes discutables d’une identité
par les contraires, préfèrent plus se la construire à partir d’un imaginaire
fantasmagorique qu’en référence à la vérité de l’Histoire. A la fois part du feu
et dogme juridiquement imposé par la loi, les totems de l’action d’hier
deviennent les tabous à partir desquels il est convenant de penser aujourd’hui :
36
connivence des connotations consensualistes rendant impossible toute
dénotation ou interprétation dans une alternance entre signifié et signifiant en
l’absence de signification. Un univers mental ou l’idée prend le pas sur la
pensée en contraignant l’intellectuel à prendre le parti de l’action pour faire
des succès d’éditions alors que sa fonction est celle d’écrire les définitions du
dictionnaire des significations. Le mandarinat universitaire disparaîtra par
absence de disputatio, portant passage obligé du changement vers certaines
formes de viabilité. La faute en est à la cooptation pseudo démocratique au
sein des académies qui, au nom de la transparence, auraient oubliées que le
blanc n’est pas une couleur et que plus blanc que blanc conduirait bien à une
absence de représentativité sur la scène sociétale.
Quelques soient les manifestations formelles que peuvent prendre les
représentations leurs substrats sont de natures anthropologiques constantes
(communs phénoménologiquement à l’ensemble de l’humanité) et fluctuent
formellement au gré des centres d’intérêts culturels qui font traditions en
fonction des problématiques que posent les flux qui les traversent. C’est à
partir de ces constantes que se constituent les couleurs qui fédèrent les cultures
et les sociétés. En conséquence de ses caractéristiques endémiques aucune
culture ne peut être totalement hermétique et étrangère à la compréhension
d’une autre culture. Le nombre des particularités qui existent au sein d’une
même région culturelle est proportionnel à la variété et à la complexité des
flux qui les traversent. Il doit en être de même des variétés linguistiques
autours des phonèmes que l’on pourrait bien considérer comme entrant dans le
registre expressif des émotions sociétales.
Totems, tabou, extasiant
C’est à ce point de contact que se construisent les représentations lorsqu’il
n’existe aucune possibilité de fuite. En quelque sorte une thrombose22
en un
point donné du réseau qui risque de mettre à mal l’ensemble d’un système qui
imposera d’être traitée (au plus simple) soit en minimisant l’accès des flux par
les tabous (mécanisme d’inhibition de la zone concernée), par les totems qui se
concentrerons sur l’évacuation du surplus accumulé ou par dérivation
(agression des zones périphériques) enfin par l’expulsion de la douleur par
l’intermédiaire: des extasiants (drogues rituelles : euphorisantes, apaisantes,
antalgiques). En l’absence de système de défense dans ces registres, tout en
étant confronté à l’impossibilité de fuite, le système engendrera en dernier
recours la fabrication de toxines. Dans les deux cas la recherche d’un remède
fera (au plus simple) que la conscience fabriquera ces vaccins atténues ou
inactivés que sont les représentations. En formule atténué la représentation fera
se dérouler le processus naturel de l'immunisation par le biais de la fuite
22
Thrombose : en pathologie, formation de caillots de sang dans un vaisseau sanguin
37
spirituelle pour contrôler l’agent pathogène ou le fixer par l’intermédiaire des
allégories et des mythes. Lorsque cette formule est impossible l’agent
pathogène doit être rendu inactif par un formatage analogique (agression),
celui qu’opèrent le culte des héros et les fantasmes légendaires. En dernier lieu
lorsque aucun de ces recours n’est possible la problématique sera transférée
dans la solution à trouver dans le registre de l’inhibition consentie au regard
des valeurs supérieures ancestrales : les contes. Traditions, rites, coutumes et
formules rhétoriques constitueront les arborescences des choix possibles et de
leurs expressions obsessionnelles (anxiogènes, névrotiques ou psychotiques)
au point d’interaction de ces substrats endémique : l’ensemble étant mu par le
« désir » qui est fondamentalement de nature libidinale (à comprendre au sens
freudien du terme) impliquant intrinsèquement la notion patrimoniale de
construction. C’est à partir de ce concept de « construction » que
l’ethnopsychiatrie fonde sa pratique en ajoutant à l’interprétation
psychanalytique universelle le prisme de la gestion culturelle des flux en sorte
que la normalité ne pourrait bien être qu’une affaire de pratiques
représentationnelles adéquates face aux contingences pour maintenir la
pérennité d’une entité culturelle dont les nomenclateurs (ordonnateurs et
souverains) sont les chefs d’orchestre, en première ligne au contact du signe
extérieur.
La notion de race n’ayant aucune consistance en ce qui concerne l’humanité,
en cela la perméabilité interculturelle est donc au centre même du système
global faisant que les représentations seront toujours des variations autour de
mêmes constantes inter-agissantes. C’est pour cela qu’une représentation est
nécessairement stéréoscopique en soumettant (pour le moins) une même
interjection à deux regards relatifs (introjectifs). Faute de cela on parlera
d’image: transfert d’informations simples, objectives et neutres, factuelles,
sans caractère émotionnel : le côté pile (numerus) d’une pièce de monnaie qui
fixe une valeur rationnelle (du latin pilum, i, pilon (pour piler dans un mortier),
ainsi que javelot (arme de l’infanterie romaine) ou son côté face qui
l’officialise par l’image de l’autorité souveraine (numen). La présence des
deux images accolées (superposées, côte à côte ou dos à dos), invite alors à la
translation symbolique située au sein d’une nomenclature qui en définit le
cadre de référence, (ou numerus) étudiée en onomasiologie (science qui étudie
les terminologies). La tranche de la pièce (affectable au num, qui entre dans le
domaine des réponses subjonctives: lat. num : si vraiment, est-ce qu’en
quelque façon… ? Est-ce qu’à quelque égard… ?) rend faisable l’éventualité
d’une transaction. Notons au passage que l’ensemble cohérent (pile, face et
tranche) constitutif d’une pièce de monnaie (nomisma) ne peut avoir de
signification que signifié par un cadre signifiant en conséquence de quoi les
problématiques de sens ne peuvent être posées qu’en tenant compte de chacun
des éléments constitutifs de cette triade (numen, numerus, num) mise en
rapport à la nature de l’environnement. Une pièce de monnaie est alors une
38
représentation cohérente d’une valeur accordée qui fait médiation de
transaction au contact des flux. C’est à ce stade qu’une représentation
intervient au point de contact entre des désirs et qu’elle devient projective de
sens au sein d’une transaction possible.
Une représentation n’est donc pas un symbole en ce sens que le symbole
(numerus) est un des constituants de la représentation au même titre que le
nomenclateur (numen) et la nomenclature (num), assimilables à l’autorité et au
registre. En l’absence de toute ou parties de ces trois éléments la représentation
est inexistante en tant que telle. Elle est encore moins une image en ce sens
qu’une représentation n’est jamais totalement fixée et que l’image qui peut en
être présentée fluctuera au gré des perceptions que l’on aura des paramètres
triadiques qui régissent le nomisma ainsi que de son utilité au contact des
nécessités environnementales et des désirs ainsi que des événements.
L’union : un symbole cassé
L’union qui s’en suivra cassera le symbole (« rendre la monnaie de sa pièce»,
« casser un billet », se « fendre d’une gratification » etc.) en vue d’une valeur
ajoutée, transaction consignée par le marquage d’un sceau (marque de
validation par le référant-ordonnateur (ou signifié) au sein d’un registre
(signifiant). Les alliances échangées ne seront alors ni image, ni gage ni
symbole mais représentation sociale des droits et des devoirs ainsi que d’une
position occupée parfois strictement définie par l’étiquette qui régit les flux.
La fonction du symbole est d’évoquer une potentialité alternative, non de
constituer un modèle d’action. Rappelons à ce sujet le sens étymologique du
mot symbole qui signifie « je joins » (les cymbales) qui définit un objet
partagé en deux, la possession de chacune des deux parties par deux individus
différents leur permettant de se re-joindre ou de se reconnaître. Il en est de
même, à un niveau plus abstrait, de la pratique du « mot de passe », ainsi que,
d'une manière encore plus élaboré, de toute formule dont la possession et la
locution permettent à des membres d'une même communauté de se reconnaître
comme tels (numerus).
Processus de transformation de l’intuition en sensation à partir d’une image
qui projette le besoin sur le symbole en le mutant, dans l’émotion, en désir à la
recherche d’un consentement qui fera consensus officialisé par un sceau, la
représentation, qui en est l’expression, se concrétisera par une alliance dont
l’objet sera d’ajouter aux représentations précédentes une valeur
supplémentaire au point de captage des flux.
C’est à partir de ce mode opératoire que les coutumes maritales agissent de
façons quasi constantes, sur fond patrimonial, dans la perspective de renforcer
39
une puissance sociale sur un environnement. Les représentations qu’elles
véhiculent expriment les variations attractives toujours sous-tendues par la
nécessaire d’une canalisation libidinale indissociablement liée au soucis de
pérennité du système social : matérielle immédiate ou adossée à l’éternité.
Seule l’illusion d’une maîtrise censée être totale du sentiment amoureux
(dimension érotique freudienne) en réponse attendue aux préoccupations
sociétales fera oublier que sa stabilité est toute relative et reposant sur une
émotion passagère dont le caractère euphorisant a été révélé par les
neurosciences. En perdant de vue cette réalité qu’est le contrat d’union au
profit de l’enregistrement d’un état d’affection partagée23
, le risque sociétal est
grand de soumettre le patrimoine et les générations à venir à de rudes
épreuves. Une question anthropologique que les représentations véhiculées par
le pseudo sociologisme journalistique, qui pour s’en alimenter nous les
fabriquent, se garde bien d’aborder jusqu’à faire passer pour scientifique aux
yeux du législateur civil et des midinettes des notions infondées qui ne sont
rien d’autre que la projection de leurs propres psychoses.
Dans un tel contexte de récupération la finalité du couple est perdue de vue au
profit de symboles évanescents sans représentations réalisables. L’ambiguïté
d’une problématique posée à partir de la représentation qui ne se fonderait que
sur la symbolique aurait tôt fait de reléguer l’éthique au rang de phantasme et
de faire du droit l’agent d’une bonne inconscience collective en confondant
volant d’inertie et force motrice. N’oublions pas à ce sujet de signaler que le
mot amour ne figure nullement dans le code civil en sorte qu’il ne peut être
une cause de rupture en cas de défaillance des sentiments. En effet le code
civil évoque la notion de consentement (non celle des sentiments):
l’acceptation d’une vision partagée patrimoniale qui ferait bien qu’en cas de
mésalliance le meilleur médiateur serait moins le juge que le notaire. Nos
sociétés qui se disent en quête de sens feraient bien d’aller le chercher ailleurs
que dans la confusion des contresens et pour l’élite qui s’en gargarise au
travers du concept derridien24
de « déconstruction » de comprendre que le
souci latent de ce philosophe était d’isoler des artifices de la complexité les
mécanismes fondateurs des systèmes.
Le droit romain ayant abusé du divorce fera que le christianisme réagira par le
concile de Trente en l’interdisant « indissolubilité de l'union matrimoniale »
23
Le mot « amour » ne figure pas dans le code de la famille ». 24
En 1959, Jacques Derrida prononce une conférence : « Genèse et structure » et la
phénoménologie, qui sera reprise dans L'écriture et la différence (Editions du Seuil,
1967)
40
(le mot « union25
» apparaît au XIIème comme sacrement dans le droit canon
de l’Eglise pour en fixer les obligations La finalité du symbole est donc d’être
brisé à l’instant de la réalisation du contrat lors de la cérémonie qui est
représentation. Dans la cérémonie traditionnelle juive du mariage il est de
coutume pour l’homme et la femme qui viennent d’échanger leurs
consentements de briser chacun un verre et de le fouler chacun au pied après
l’échange des alliances lesquelles ne peuvent être affectées à un symbole mais
deviennent objet de représentation qui fait sens. En sorte que le symbole est
un point de ralliement d’une diversité non assimilable à une représentation tant
que l’union n’est pas officialisée et consommée. Plus généralement un
sacrement aurait donc pour fonction de transformer un symbole [cf. structure
de l’ail] en représentation [et non structure de l’oignon qui implique une unité
préalable] si l’on tient compte de l’étymologie grecque du mot symbole. Il est
toutefois à noter que des 7 sacrements de l’Eglise Catholique Apostolique et
Romaine seuls deux d’entre eux ne passent pas par le biais de l’onction (le
Saint Chrême qui unit): le mariage et la confession restant en conséquence
incarnés, affaires de chair. En y regardant de plus près la coutume ferait bien
entrer dans le dogme de l’indissolubilité du mariage les fruits de l’union et le
consentement entre époux. C’est d’ailleurs à cet effet que le sacrement du
baptême, lui, bénéficiera de l’onction (Saint Chrême étant synonyme d’élite,
d’aristocratie) ou consignation d’une désincarnation : sortie de l’obscurité,
assimilée au pécher original vers une union au divin. Ce qui revient à dire que
l’indissolubilité du mariage réside dans le devoir à l’égard des conséquences
patrimoniales (liées au divin) et non dans l’obligation d’exercice de leurs
causes sentimentales (liées à la chair). Ces dernières faisant sens possible
d’une poly fidélité. Ainsi les rites pourraient bien être les tabernacles des
schèmes de la représentation à partir desquels l’évolution est rendue possible
par la communication qui en fonction des situations sociétales qui se
présentent permettent d’aller y puiser les ressources nécessaires aux
expressions que les solutions nouvelles doivent prendre : la double hélice
ADN des médiations du sens. En cela le PACS26
pourrait bien en être une
illustration au même titre que l’officialisation contractée des fiançailles qui est
en train d’apparaître dans certaines démocraties islamiques, sans limite de
temps.
25
Le mot union est formé à partir de l’ind.-eur. Oinos « seul, unique » et « unité »,
peut-être par ce que venant de unio-onis « oignon » qui à la différence de l’ail n’a
qu’un bulbe isolé (la structure de l’ail pouvant être affectée à ce qu’est
étymologiquement un symbole). 26
Pacte civil de solidarité (PACS).
Le pacte civil de solidarité (Pacs) est un contrat. Il est conclu entre deux personnes
majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune.
41
C’est durant la période Révolutionnaire que le régime de l'ancien droit prendra
fin sous l’impulsion de mouvements d’idées orchestrés par les philosophes de
l’époque :
- Montesquieu parce qu'il pensait que le maintien artificiel du mariage
était de nature à nuire à la natalité (réalité de la chair),
- Voltaire parce que les règles de l'Église lui paraissaient contraires à la
nature et au bon sens (utilité naturelle).
- Diderot et Rousseau parce qu'ils songeaient, primordialement, à
l'intérêt des enfants (sacralisation des conséquences) feront la
différence.
Ces deux derniers remporteront la mise en sacrifiant l’avenir au profit de
l’immédiateté éducative justifiant parallèlement qu’un contrat puisse être
rompu afin de ne pas aliéner de façon indissoluble la liberté individuelle
d’orienter sa vie en fonction de ses émotions hors toutes finalités autres que
personnelles. Cette vision fera que dès l'an VII, un mariage sur trois sera
dissous par le divorce. Au divorce-faillite on répliquera par le divorce-
sanction. Le divorce pour incompatibilité d'humeur est supprimé et le divorce
par consentement mutuel est maintenu, mais ne peut aboutir qu'au terme d'une
procédure si complexe qu'il devient un cas exceptionnel ; la statistique est
révélatrice, on n'enregistrera pas plus qu'une cinquantaine d'exemples par an.
On justifiera ainsi pour une bonne canalisation des flux la prévalence du sens
sur l’émotion, la primauté de la pensée sur les idées, et celle de l’incarnation
sur l’abstraction. On démontrera aussi qu’une signification (la loi) soit la
conséquence d’une connotation (médiation) entre le signifié (l’autorité) et le
signifiant (registre mental sociétal) en dehors de toutes confusions par le biais
de l’interprétation (adaptation de la signification au signifiant, principe
d’idéation). Le terme d’idéation illustre le processus de formation et
d'enchaînement des idées avec une nuance empirique réductrice due à
l’alternance dans la confusion de banalités et de nouveautés, d’oscillation entre
la normalité et le délire, le commun et le rare, le claire et l’obscure, etc.,
lesquels peuvent être stimulés ou ralentis par le jeu de certaines substances
chimiques qui les favorisent : les amphétamines pour l’action,, les
neuroleptiques qui inhibent (sédatifs).et les extasiants par les psychotropes
(fuite momentanée de la réalité).
42
C’est donc par le biais du processus qui construit un « momisma » dans un
cadre trifonctionnel interactif entre « numen », « numerus » « nummus » qu’il
soit possible de comprendre comment se constitue une représentation ainsi que
les formes qu’elle peut prendre au contact des environnements. C’est aussi à
partir de ce cadre trifonctionnel que puisse être comprises les raisons pour
lesquelles le labyrinthe emprunté par les questions relatives au signe, au
signifié, au signifiant et au sens nous paraissaient inextricables d’autant plus
qu’elles furent posées quasi systématiquement dans un univers philosophico-
cognitif cartésien inapproprié à la fonction nécessairement simplificatrice de la
science. La gravure ci-dessus donne à voir un rétrécissement de l’importance
accordée au rapport d’autorité entre le signifié et la signification par apport à
celle accordée au la signification et au signifiant.
« Jamais deux sans trois », dicton populaire qui pourrait bien s’avérer être
moins empirique qu’on voudrait bien le croire. Le milieu est toujours plus
riche que le centre à condition de cartographier avant de conceptualiser.
Chaque science opère à partir d’un concept clef. Fréquemment en sciences
humaine il s’agit d’un couple conceptuel, dont la définition qu’en donne une
académie fournit l’essentiel de sa problématique et dont la déclinaison issue de
l’analyse constitue l’introduction au champ de recherche qui est le sien : une
contrainte protocolaire.
Signification
Signifiant
Signifié
Prononcé du divorce en 1792
43
L’orientation générale des sciences humaines est de tenter de définir une
normalité stabilisante au regard d’une anormalité qui viendrait la perturber.
Son problème focal générique est de déterminer l’emplacement – le locus – de
la frontière qui les départage. En réalité une impasse quelques soient les
domaines explorés.
Il est un fait qu’à la différence des sciences dites dures les sciences dites
souples se sont peu souciées de définir leurs concepts, laissant de ce fait
irrésolu la problématique de base du « normal » et de l’« anormal », se
refusant par principe à isoler des constantes, considérées avec dépit comme
« trop déterministes », préférant discuter des nombreuses variations
observables des particularités afin souvent de les rendre conformes aux
hypothèses académiques du départ.
Ainsi comme le signale Georges Devereux dans « Essai d’ethnopsychiatrie
générale »27
lorsqu’ Ackererknecht conclut que le chamane, tout en étant
objectivement névrosé (« hétéropathologique »), est néanmoins auto normal
dans la mesure où il est parfaitement adapté, il ne fait en réalité que réduire le
processus de son diagnostic à une simple constatation sur son « degré »
d’adaptation, confortant ainsi le paradigme académique initial. Cela conduit,
nous dit Devereux, à un cercle vicieux du genre : « En Avril 1945, la tâche des
psychiatres allemands était accomplie le jour où le patient adhérait au part
nazi ; en mai 1945, elle s’achevait lorsque le patient s’engageait dans le parti
chrétien-démocrate (s’il vivait à Franckfort-sur-le-Maine) ou dans le parti
communiste (s’il vivait à Franckfort-sur-l’Oder) ». Et de conclure : « La
théorie de l’adaptation refuse d’admettre l’existence de sociétés tellement
« malades » qu’il faut être soi-même bien « malade » pour pouvoir s’y
adapter. ».
Cette réflexion doit nous conduire à remonter au fondement conceptuel d’une
problématique, ce qui revient à en déterminer les constantes déterminantes
avec la même rigueur dont font preuve les sciences dures lorsqu’en face d’un
corps complexe elles cherchent à en isoler les éléments essentiels sans lesquels
ce corps n’existerait pas : processus qui revient aussi à différencier le
fondamental du spécifique. Ce processus évite ainsi de généraliser le
spécifique et de s’y fondre au risque d’être confronté à un élément aberrant du
corps analysé, de s’adapter à sa maladie pour contaminer une science dont les
développements conceptuels dans le grand public feront pandémie. C’est au
terme de ce processus cognitif d’induction que le concept de « bonne santé
sociale » au prétexte d’adaptation saine, initialement recherchée, se
transformera en conformisme sadomasochiste compensée par une médecine
dispendieuse d’anxiolytiques.
27
G. Devereux, Essais d'ethnopsychiatrie générale. Paris, Gallimard (1970).
44
Le temps du tribut
Je tiens pour responsable de ces contresens, dans le domaine des sciences
humaines, le positionnement inconséquent, d’une sociologie dominante qui
faute de n’avoir su prendre en compte les découvertes de l’anthropologie pour
éclairer celles attendues sur la « société », de s’être, faute de découvertes
solides, accoquinée aux modes des diverses mouvances du « consensuellement
correct idéologique » pour mieux mettre en avant celui de l’ « enchantement »
dans l’immédiateté.
Cette posture sociologique fantasmagorique nous vaudra des envolées
jubilatoires comme celles de Maffesoli dans son ouvrage « Le temps des
tribus » qui déclarera, en référence à la définition de Simmel: « Le monde
religieux plonge ses racines dans la complexité spirituelle de la relation entre
l’individu et ses semblables ou un groupe de ses semblables… Ces relations
constituent les plus purs phénomènes religieux au sens conventionnel du
terme» (on retiendra à dessein le mot pur). Puis, pris dans l’enthousiasme
(littéralement habité par Dieu), l’auteur avance le concept de « religieux
civils» : sorte de tribalisme angélique qui repose à la fois sur la religion et sur
la localisation. Contexte de justification ainsi créé, Michel Maffesoli ira en
chercher caution auprès de Robespierre, Rousseau, Pierre Leroux, Comte,
Loisy et encore Ballanche pour mieux conclure, en s’inspirant d’un
néologisme de Lamennais : « On peut dire que cette perspective «
démothéiste» peut permettre de comprendre la puissance du tribalisme, ou la
puissance de la sociabilité, incompréhensible aux analystes économico-
politiques. » En procédant de la sorte, l’ouvrage de Michel Maffesoli laisserait
à penser que le tribalisme serait une des conséquences de l’individualisme
post-moderne et inciterait à croire qu’il s’agirait là d’une donne nouvelle. Son
enthousiasme aide à oublier qu’il ne décrit en réalité qu’une des constantes de
l’histoire de l’humanité constitutive des organisations et serait bien inspiré
d’aller revisiter l’Histoire, notamment celle de la constitution du IIIe Reich, au
lieu d’écrire péremptoirement et avec un (encore) enthousiasme non dissimulé
« que ces cénacles (les tribus) sont des espaces de sociabilité où l’on se tient
chaud ». Nous avons au travers de cette vision proposée comme du pain bénit
l’un des plus beaux fleurons qui soit d’accumulation de justifications par
concepts gigognes d’auteurs interposés. Cette rhétorique de l’emboîtement
tente de faire passer une constante anthropologique pour une découverte
originale et ne débouche en réalité que sur un vide théorique, quand bien
même chercherait-on à le raccrocher à des perspectives d’enchantement. Autre
escamotage. Mais du rêve au cauchemar il n’y a qu’un pas car l’espoir en ces
« cénacles d’être mis au chaud » ne conduit pas nécessairement à constituer
des espaces de sociabilité ! Le temps du tribut.
45
Ces allégories conceptuelles servies à la louche peuvent faire passer à côté de
certains « détails »…que l’enthousiasme ne saurait excuser. Il s’avère bien
difficile de rompre les amarres innocentes du saint-simonisme ou spartiates de
Comte tout comme il en est de pouvoir classer dans les anales à la rubrique
« sciences humaines » des concepts d’apothicaires autrement qu’en les
reléguant dans celles des pharmacopées glycérico-antalgiques.
Une image valant dit-on plus qu’un long discours nous illustrerons la
conclusion de ce chapitre par l’inscription dite de Dvenos, trouvée en 1880
dans un « dépôt votif » sur le vers méridional du Quirinal, datant de la fin du
Ve siècle avant notre ère, est tracée en trois lignes sans séparation de mots
autour de trois vases artificiellement réunis. Le vase est remis au futur mari par
le tuteur de la fiancée et l’inscription qu’il porte notifie un engagement verbal
accompagnant le « don » de la jeune fille… On trouvera ce vase aussi près les
sépulcres (cf. inscription ci-après)
Ensemble trifonctionnel significatif.
Idées romaines par Georges Dumézil.
Bibliothèque des sciences humaines.
NRF, Gallimard (1969).
________________________________
INSCRIPTION LATINE DÉCOUVERTE
À ROME (1880)
Cette inscription a été déjà interprétée par
MM. Dressel, Bûcholer, Jordan et Osthoff. M. Bréal présente une lecture et
une interprétation nouvelles.
Ce qui peut se traduire en français (c'est le vase qui parle à la première
personne) :
« Jupiter ou quel que soit le dieu à qui celui-ci (le mort) m'adressera, que celui-
ci ne tombe pas en ton pouvoir, à cause de ce qu'il a pu commettre. Mais
laisse-toi apaiser par nous, au moyen de ce don, au moyen de ces prières.
Duenos m'a sacrifié pour son repos : ne me reçois donc pas à mal pour
Duenos. » (Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres. Année 1882 .Volume 26)
47
CHAPITRE III
PLACER LES CONSTANTES
POUR SITUER LA DIVERSITE
Entre Prague et Palo Alto
_________________________________________________
De l’emphase à l’extase : un manque d’outillage.
Ce serait donc par le biais d’une approche trifonctionnelle qu’il soit possible
de découvrir les formes que prennent les représentations, de les cartographier,
voire de les anticiper (en tenant compte du fait que leurs variations puissent
être fortement déterminées par les problématiques que les flux qui les
concernent posent à leurs structures internes). Cela revient aussi à accepter que
cette perspective pragmatique puisse être transgressives des tendances qui font
épisodiquement prévaloir l’empirisme émotionnel sur fond de présupposés
philosophiques.
L’outillage employé par les approches précédentes qui se veulent holistiques,
malgré la richesse indéniable des productions obtenues par dichotomie
dualiste, tiennent pour fondamental ce qui n’est en réalité qu’un épiphénomène
capable de justifier leurs hypothèses théorétiques de départ. Au final de ce
maillage le filet tresse un nœud gordien qui réduit en bouillie le produit de la
pêche et fait se rompre le filet en son centre, éjectant d’un côté la production
en direction du vide zénonien28
et de l’autre les pêcheurs nus dans les
nébuleuses. C’est en réalité en ces termes que sont posées les problématiques
modernes qui veulent traiter de la complexité. Ceux qui procèdent de la sorte,
souvent les épigones de maîtres vénérés, ne font en réalité que produire par le
fait du hasard, et en y ajoutant quelques adjuvants du goût, en faire au mieux
un minestrone socialement digeste.
28
Zénonien : Les paradoxes de Zénon forment un ensemble de paradoxes imaginés
par Zénon d'Élée pour soutenir la doctrine de Parménide, selon laquelle toute évidence
des sens est fallacieuse, et le mouvement est impossible.
Dans le paradoxe de la flèche, nous imaginons une flèche en vol. À chaque instant, la
flèche se trouve à une position précise. Si l'instant est trop court, alors la flèche n'a pas
le temps de se déplacer et reste au repos pendant cet instant. Maintenant, pendant les
instants suivants, elle va rester immobile pour la même raison. Si le temps est une
succession d'instants et que chaque instant est un moment où le temps est arrêté, le
temps n'existe donc pas. La flèche est donc toujours immobile à chaque instant et ne
peut pas se déplacer : le mouvement est donc impossible.
48
Or pour résoudre un problème complexe l’épistémologie des sciences a
largement démontré que la seule solution pour en sortir consiste à contourner
la complexité en plaçant pour extérieur au phénomène tout ce qui ne relèverait
pas de ses constantes. En d’autres termes isoler les schèmes pour ensuite
définir des groupes, des familles, des catégories et enfin constituer des
ensembles lisibles au sein d’une cohérence interactive.
La démarche scientifique ayant pour finalité escomptable la capacité
d’anticiper les effets d’une cause, implique au départ un cadre nécessairement
simplificateur, un modèle qui sera soumis ultérieurement à expertise dans la
réalité de la complexité du réel. C’est à ce contact que la conscience pourra en
estimer la valeur à partir de ce en quoi une théorie aboutie peut être utile à
l’exercice d’un ascendant de liberté sur les options à prendre entre subir, fuir
ou agir. Mais à ce stade ce n’est plus l’objet de la science. En dehors de cela le
fait de placer l’idéalité de la valeur comme préalable de contrainte à la
démarche scientifique on ne fait que laisser au calcul des probabilités le
facteur chance d’avoir raison. La raison n’est alors qu’un fait déterminé « du
hasard qui fait bien les choses » et comme les choses sont faites dans la nature
pour s’équilibrer le seul tord de la déraison idéaliste sera d’avoir gaspillé un
temps précieux à chercher d’avoir raison. Alors la repentance fera tristement
son œuvre prétendument salvatrice et n’extraira des cendres du passé,
conséquences des impensés précédents, qu’un bouclier plus large de valeurs
salvatrices dont l’objet inconscient consistera à scotomiser plus encore des
causes non identifiées, lesquelles en absence de données scientifiques
continueront inexorablement à opérer dans l’obscurité.
Pour s’éviter la roulette russe…
A la roulette russe, lorsque qu’après chaque tire on tourne le barillet, la
mémoire de la roulette revient à zéro. Mais si on fait se succéder les tirs sans
tourner le barillet, la probabilité d’arriver sur la balle s’accroît au fur et à
mesure des tirs jusqu’à devenir une certitude. Cette même logique s’applique
au jeu du black jack car les cartes jouées rejoignent le sabot augmentant les
possibilités de décisions judicieuses au fur et à mesure de son déroulement. En
répartissant en trois groupes de valeurs l’ensemble du jeu et en affectant le
chiffre 1 pour les valeurs faibles, le 0 pour les valeurs intermédiaires et -1 pour
les valeurs fortes je peux multiplier par 5 mon facteur chance. C’est donc en
plaçant le déterminisme au centre des préoccupations scientifiques que j’ai le
plus de chance de moins me tromper dans mes conclusions. Plus qu’une
certaine idée de la science, c’est aussi une façon d’être honnête lorsque l’on se
trompe en rendant possible l’intégration de l’erreur comme facteur de progrès
et de connaissance. Cette attitude est difficilement adoptable dans des
approches duelles qui cherchent l’unité au nom d’un principe latent selon
lequel, puisque tout serait dans tout, une erreur sur un élément du tout aurait
49
pour effet de remettre en cause le tout ou de placer ce tout dans
l’incommensurable. Choix entre la métamorphose et l’anamorphose qui
revient à faire d’un revolver un pistolet, une extension de l’arbalète, ce
dernier ne disposant que d’un seul projectile ! Une démarche suicidaire.
Principe d’utilité et Palo Alto
En émettant l’hypothèse d’une constante tripolaire (que nous définirons plus
loin comme étant trifonctionnelle et constructale, opérant dans un cadre
systémique hystérésique cybernétique dans la lignée des problématiques
posées par la dite Ecole de Palo Alto et conforme au nouvelles théories
relatives à la thermodynamique (Laboratoire de l’Université de Duke dirigé
par Adrian Bejan) nous plaçons en première instance de notre recherche ce à
quoi l’objet analysé sert et non ce qu’il est, faisant ainsi que ce à quoi il sert
fasse ce qu’il est. Cela permet de le nommer par son utilité et non par sa valeur
placée au centre d’une définition univoque dont la perspective n’est, comme
nous l’avons envisagé, qu’une hypothétique idéalisation d’une stabilité unifiée.
Cette posture fantasmatique n’est en effet sans aucun rapport avec une
quelconque phénoménologie dont la fonction est de pouvoir être déclinable en
autant de lois que de catégories isolées en son sein à partir d’une équation
maîtresse de l’ensemble. En somme opérer dans la simplicité qui fût celle dont
a fait preuve Mendeleïev, initialement à des fins pédagogiques au profit de ses
élèves, qui lui a permis de constituer le fameux tableau des éléments
périodiques.
Ce célèbre tableau est en réalité l’expression constructale des formes qui
peuvent être prise par l’hélium et l’oxygène, lesquelles, par le jeu des
pressions et des températures dans le temps les modifient pour donner
naissance au métal premier qui est le fer et à leurs dérivés. A partir de ces trois
éléments (certes issus de la dualité : raison pour laquelle par analogie les
hypothèses philosophiques ont lieu d’être au même titre que le signifiant et le
signifié donneront naissance à la signification (action consistant à
matérialiser)) se construit la complexité dans un mouvement qui pourrait
apparaître comme aléatoire si l’on ne disposait de la clef du code de départ. Il
est dès lors pensable que le « constructalisme trifonctionnel» en sciences de
l’information et des communications puisse être la clef qui permette de
dénouer les judicieuses intuitions du structuralisme (notamment de Sapir) [en
passant de la binarité à la triarité] rendue possible au point de convergence
entre le Cercle de Prague 1929 (« Travaux du cercle linguistique de Prague »
constitué notoirement de Sergueï Karcevski, Nikolaï Sergueïevitch, Roman
Jakobson, Troubetzkoy) et « l’Ecole de Palo Alto », celle des paradoxes
(Bertrand Russell , Gregory Bateson , J. L. Austin, J. R. Searle, Paul
Watzlawick).
50
A ce point de contact entre la pratique thérapeutique du Mental Research
Institute qui se veut aussi éloignée du behaviorisme et de la théorie du schéma
stimulus-réponse que d'un humanisme psychosociologique bien représenté aux
États-Unis par la non-directivité de Carl Rogers, il apparaîtrait bien que la
construction et le développement des représentations cognitives puisse être la
conséquence de ces deux approches en tant qu’interprétation progressive et
extensive d’un modèle interactif opérant sous l’action de commandes de
liaisons ( au sens de la fonction (cf. Cassirer)) et de commandes
d’informations.(au sens de la substance (cf. Cassirer) Ces deux contraintes
donnant naissance à diverses fonctions cognitives qu’il convient d’isoler au
sein des diverses formes communicationnelles, différence entre substance et
fonction
Entre ces deux Ecoles d’une grande fécondité, l’approche constructale que
nous mettons au jour en sciences de l’information et de la communication
permettrait d’apporter quelques nécessaires correctifs synergiques. C’est très
vraisemblablement en définissant l’objet de la fonction qu’il soit possible de
remonter aux causes qui l’animent et par ce biais espérer en extraire un
modèles permettant d’entrevoir de façon plus éclairante une cohérence mieux
affinée du système cognitif représentationnel et d’aborder la complexité qui
en émane.
La fonction crée l’organe
Contrairement à un lieu commun la fonction d’un système ne devrait pas être
assimilée à une finalité (qu’il s’agisse de la communication ou d’autres
domaines) mais à une contrainte de départ dont l’objet est de constituer une
équation pour résoudre un problème. De la même façon la langue qui est
l’expression d’une culture n’a pas pour fonction de finaliser cette culture mais
de la rendre mieux apte à échanger au contact des problématiques auxquelles
elle se trouve confrontée de même qu’elle est conduite à progresser
cognitivement afin d’élargir le champ des possibles. Tout cela est inhérent à la
nature même de la fonction dont la raison d’être est d’organiser les échanges
internes avec l’extérieur au point de contact des flux qui en assurent la
viabilité. En cela comprendre une fonction en communication consiste à
intégrer ce qu’une culture nous donne à entendre et à voir comme étant tant la
conséquence de l’histoire de ses échanges que des moyens linguistiques
qu’elle s’est constituée pour s’approprier, au mieux de ce qui lui est possible
en fonction de son voisinage, les ressources offertes par son environnement
matériel immédiat tout en projetant ses besoins dans un futur immédiat et ses
désirs dans un avenir plus ou moins lointain.
C’est au travers de ses relations avec son voisinage (notamment en phase de
sédentarisation des peuples) et en tenant compte de la position qu’occupe
51
chacun dans ses rapport à l’autre, et ceci dans une relation d’intérêts
réciproques, qu’il soit possible de comprendre comment les fonctions peuvent
naître et se déduire à partir de ce rapport ontologique de contraintes
apparemment divergentes entre objet de détermination de la relation et celui de
détermination de l’information : séparation sans laquelle toute fécondation par
les fonctions ne pourrait s’opérer, ce qui rendrait par conséquent stérile tout
système qui n’en tiendrait pas compte.
Cheval blanc n'est pas cheval.
Parler de fonction dans l’élaboration de la cognition revient à définir quelles
ont été les expériences qui lui ont permis de retenir celles qui sont le plus
favorable à son expression ainsi qu’à son positionnement au point de contact
avec l’environnement sans remettre en cause les équilibres utiles. Une fonction
sous-tend toujours une répartition des forces en présences tenant compte des
atouts et des faiblesses de chacun. Les atouts des uns compensant les faiblesses
des autres, il est possible ainsi d’assurer la pérennité chrono holistique d’un
système en répartissant les tâches.
En conséquence de cela une fonction représentationnelle est donc
fondamentalement trifonctionnelle, une équation du troisième degré29
, bien
qu’elle apparaisse en surface bi polarisée du fait même de la contrainte de
relation et de la contrainte d’information. Par analogie les équations du
premier degré permettent de dégager des forces, celle du second degré des
coefficients et celle du troisième degré des vecteurs. De ce fait la question du
sens ne peut être posée à partir des deux premières en sorte que les approches
que nous menons sur la complexité en sciences humaines feraient que nous
nous trouvions dans l’histoire des sciences à nous cantonner dans une
conception euclidienne au mieux dans celle d’Archimède qui discutait « de la
sphère et du cylindre » bloqué par le paradigme mathématique de l’unité
29
« …En disposant de trois équations à trois inconnues (à savoir les coefficients b12,
b13 et b23), les autres quantités pouvant être estimées à partir des données,
l’estimation de ces coefficients a un intérêt primordial : il est facile de démontrer qu'ils
peuvent être considérés comme des mesures d'influence causale. ». ..
Les sciences sociales ont manifesté, à leurs débuts, une grande méfiance à l'égard de
l'idée de cause. Cette défiance vient du discrédit que la philosophie avait jeté sur ce
concept, mais aussi d'une résistance à accepter l'idée que les phénomènes sociaux
puissent être traités comme des phénomènes naturels. Pourtant, il suffit d'observer les
recherches des sociologues pour constater qu'ils utilisent spontanément l'idée de cause.
Plus généralement, une analyse sociologique consiste le plus souvent - cela est évident
depuis Durkheim - à analyser la structure causale qui sous-tend un ensemble de
variables. Raymond Bourdon, Membre de l’académie des sciences morales et
politiques, professeur à l’université Paris-IV, Sorbonne. Encyclopædia Universalis
(2005).
52
intrinsèque. Toutefois, bien qu’attestées dans l'ancienne mathématique
chinoise, les règles de fausse position étant connues des Arabes et de
l'Occident sous le nom d'al-khatayn (la chinoise), il peut naître de la confusion
issue de l’interpolation linéaire un questionnement sur la nécessité de l’utilité
des mots.
Afin de bien poser clairement cette problématique et ce qu’elle implique nous
pourrions prendre appuie sur les plus grands logiciens chinois du IIe siècle
avant notre ère Gongsun Long qui avait entrepris des recherches
épistémologiques et métaphysiques pour réfuter la logique chinoise des
sophistes de l’époque. Son discours « Sur le cheval blanc » : se décline
comme suit pour démonter leur approche illogique : « Cheval blanc n'est pas
cheval (...) Car si vous cherchez un cheval, on peut vous amener
indifféremment un cheval jaune ou noir ; mais si vous cherchez un cheval
blanc, on ne peut vous fournir ni un cheval jaune ni un cheval noir [...] C'est
pourquoi, bien que le cheval jaune et le cheval noir restent identiques, ils ne
peuvent correspondre qu'à « cheval » et non à « cheval blanc ». Il est donc
évident que cheval blanc n'est pas cheval » (trad. Kou Pao-koh, in Deux
Sophistes chinois, Paris, 1953).
C'est ainsi que, pour la première fois dans la philosophie chinoise, Gongsun
Long arrive à séparer la nature de chaque espèce de sa réalité concrète et à
concevoir des concepts universels. Le prétexte à cette recherche est la
nécessité, avancée par Confucius, de « rectifier les noms » (zhengming) pour
espérer faire régner la paix. Cette même filière avait déjà été suivie par les
mohistes et par Hui Shi.
L'originalité de Gongsun Long réside cependant dans le fait qu'il aboutit
non pas à un principe transcendant et universel, au-delà des contradictions
de la réalité immédiate, mais à un système d'analyse des choses et à leur
réduction en éléments simples. De plus, chez lui cette « rectification » n'a
plus d'implications morales ou politiques, mais vise uniquement à créer un
ordre logique. Car, tout est différent et il faut donner à chaque chose son
nom correct30
.
30
Après avoir ainsi déterminé l'ordre de relation entre le signe [signifiant] et son objet
signifié, Gongsun Long passe à un ordre qui transcende la relation en disant que, si,
dans le monde, il arrive qu'on n'ait pas besoin de signe, cela vient de ce que les objets
ont déjà tous leur nom et qu'ils n'ont pas besoin d'être signifiés. On arrive ainsi à la
notion de « non-signe », proche du « sans-nom » des taoïstes. Mais Gongsun Long
rejette cette idée en disant : « Si vous considérez ce qui peut ne pas être signifié,
comme tout est signifié, ce n'est pas correct. Kristofer Schipper, article Gongsun Long,
Encyclopædia Universalis (2005)
53
Le fondement de cette doctrine se trouve exprimé dans le troisième chapitre de
l'œuvre, dans le discours « Sur les concepts et les choses ». Le mot « concept »
est ici à comprendre au sens littéral de qui fait signe (zhi, littéralement
« doigt ») désigne ici des essences universelles (blanc, dur, cheval) en
opposition avec les choses (ou objets, phénomènes : wu) tension analogue à
celle que nous avons évoquées entre liaison (objet) et information (doigt),
assimilable au fond et à la forme.
Signe, signifiant, signifié, signification
D'une construction logique très rigoureuse, ce chapitre est d'un abord difficile :
« Tout objet est un signe (concept issu du zhi et du wu), mais le signe
(signifiant) n'est pas le signe (signifié)... S'il n'existe pas au monde d'objet,
peut-on parler de signe ?... S'il n'existe pas au monde de signe, l'objet alors ne
peut être appelé signe (signifié)... » Après avoir ainsi déterminé l'ordre de
relation entre le signe (signifiant) et son objet signifié, Gongsun Long passe à
un ordre qui transcende la relation en disant que, si, dans le monde, il arrive
qu'on n'ait pas besoin de signe, cela vient de ce que les objets auraient déjà
tous leur nom (une signification) et qu’ainsi ils n'ont pas besoin d'être
signifiés. On arrive ainsi à la notion de « non-signe », proche du « sans-nom »
des taoïstes. Mais Gongsun Long rejette cette idée en disant : « Si vous
considérez ce qui peut ne pas être signifié, comme tout est signifié, ce n'est pas
correct. » Car il reste toujours une relation entre l'objet et le signe puisqu’il
serait sans objet s’il venait à lui manquer la forme ou le fond et, en
conséquence, tout objet est un signe, la négation n'étant, comme chez Aristote,
qu'une absence de perfection ultérieure susceptible d’être synonyme de « trou
noir ».
Cette perfection ultérieur pour continuer sur les bases d’Aristote et de
Gongsun Long se trouve être en potentialité contenue dans le signifiant… à
condition ajouteront nous que le signifiant ne soit pas que la boîte noire de nos
repentances ensevelies, le cercueil de nos impensés.
Ceci posé il est dès lors possible développer que : « Tout objet est une alerte
qui ne peut être saisie que si elle vient perturber le registre signifiant du
signifié dans les significations de son action. Dès lors l’objet n’existe qu’en
tant qu’agent extérieur de perturbation d’un équilibre intérieur (d’un ordre
établi) en sorte que c’est le déséquilibre même de l’action habituelle qui
conduit à ce que le signe soit signifié aux interactions relationnelles et
informationnelles activant ainsi les fonctions cognitives de perception
attachées à la mémoire pour résoudre une équation d’utilité à partir d’un
manque ressenti ».
54
Le signe est donc extérieur au système
En conséquence de cela la seule chose dont nous puissions être assuré pour
ordonner les choses ayant trait aux représentations c’est que le « signe » ne
peut se situer qu’à l’extérieur d’un système. Un signe ne devient prégnant que
s’il peut soit alimenter ou perturber le système. Dans les deux cas il n’a
d’existence que par le manque auquel il satisfait ou à celui qu’il peut créer. En
sorte que l’on peut bien considérer que ce qui peut ne pas être signifié n’est
insignifiant (non existant au niveau de l’action) qu’au regard de
l’engourdissement de la satiété. A notre avis cette conclusion est de toute
premières importance par rapport à la théorétique ambiante qui, refusant de
nommer les choses clairement, afin certainement de conforter une téléologie
de façade, finissait par se complaire dans une confusion entre ensemble et
élément, fonction et finalité, au point de n’aboutir qu’à chinoiser sur les
influences réciproques du signe sur le sens et ceci en les plaçant au cœur
même du système. A ce petit jeu en analysant les dates de ponte imprimées sur
les œufs rangés dans nos réfrigérateurs ces sophistes finiraient bien par nous
faire croire que le cloaque des poules pourrait bien être équipé d’un
horodateur !
Ainsi cette dualité coutumière ne peut se comprendre qu’en référence à un
troisième possible ou imaginé, lequel détermine avec plus ou moins
d’exactitude la fonction qu’occupera chacun dans l’espoir d’aboutir tout en
préservant les acquis. Les relations établies entre l’un et l’autre seront
déterminées par le troisième (au regard et en fonction de l’expérience
précédemment acquise). Une relation de départ devient fonction par la
représentation qui est projection de d’un espace de solutions possibles au
regard de son objet perturbant. L’objet qui fait signe peut alors être appréhendé
comme un numerus qui a valeur de rang (classement des risques) dans le réel
indifférencié immédiat, ce qui distingue le signe de la signification qui est
extraction d’une classe d’un tout initialement instillé par l’alerte du signifié au
contact du signe. On peut alors considérer qu’à ce stade (passage de l’objet au
signe-alerte intégré par le signifié qui en cherchera une signification) il y a
constitution d’un definitum. Ce définitum permet d’extraire de la complexité
(de l’infini) un ensemble cadré, mieux fini, une certaine définition du réel
concerné, sans qu’à ce niveau cette définition puisse revêtir le caractère d’une
formule de compréhension et encore moins d’action sauf mécaniquement qui
impliquerait l’intervention non de la cognition mais de la mémoire réflexe.
Ainsi le définitum n’étant pas par définition fini mais simplement extrait d’un
non fini, peut être appréhendé par la pensée logique (hypothético-déductive,
mathématique), analogique (intuitive) ou normative (tradition) faisant que la
pensée dite magique peut aussi y trouver sa place.
55
Pour fuser de la confusion : là ou les ciseaux de Saussure se brisent. Vison
3D
A ce stade de la réflexion il faut prendre garde de ne pas confondre le
definitum avec le denotatum du fameux triangle sémiotique dans sa version
d'Ogden et Richards, revue et corrigée par Ullmann, dont nous verrons
ultérieurement qu’il n’est pas l’affaire du signifiant et du signifié, mais bien
spécifiquement celle du signifié en interaction stricte avec le definitum. Pour
cette raison nous opérerons dès lors au sein d’un triangle sémiotique polarisé
signifié, signification, signifiant dont nous avons extrait le signe et le sens en
les considérant l’un et l’autre comme deux aimants dont le magnétisme ferait
vibrer de façon incessantes au point d’interférence des ondes une bille d’acier
dont le sens de rotation serait déterminé par l’interférence au point de
signification de définitum et du connotatum.
Ainsi le sens d'un mot n'existe pas en tant que composante de ce mot, le mot
ne pouvant être signe mais signification linguistique du fait de l’extériorité du
signe, laquelle signification, contrairement au signe de Saussure, ne constitue
pas de la simple association qu’il considère indissoluble d'un signifiant et d'un
signifié tant que le signe n’aura pas de signification. Ceci fait que le Signifiant
et le Signifié, contrairement à ce que nous dit nous dit Saussure, ne sont pas
comme le recto et le verso d'une feuille de papier, dans laquelle ils peuvent (le
signifiant et le signifié) être découpés d'un seul et même coup de ciseau. Cette
vision de la chose n’est possible que dans la mesure où il suppute que
l’interface entre le signifié et le signifiant soit sans consistance réelle. C’est
justement dans cet interface que se situe la signification tant il est vrai que le
côté pile et le côté face d’un pièce de monnaie n’ont aucune valeur de signifié
ou de signifiant sans la valeur du métal qui lui donne une signification
transactionnelle (s’appuyant du côté face sur le signifié (autorité qui la valide,
figure d’un monarque ou d’une institution) et sur le côté pile (qui définit les
limites territoriales de sa validité)) en sorte que le signifié est bien autre chose
qu’une linguistique abstraite n’appartenant pas à la classe des objets auxquels
renvoie le signe mais bien le point d’entrée du signe au contact du signifié qui
en autorise ou non la circulation dans le système linguistique au même titre
que la face d’une pièce de monnaie fait autorité sur son territoire.
56
C’est donc emprunter une direction incertaine que de donner priorité (pour la
linguistique en général, et la sémantique en particulier) à la perspective
synchronique, en vertu du fait que « la langue se constitue diachroniquement,
mais (qu') elle fonctionne synchroniquement ». Car s’il est évident que lorsque
je choisis d'utiliser le signifiant « cheval », c'est effectivement non en fonction
du sens qu'il possède aujourd'hui (en relation avec d'autres mots apparentés
dans un même état de langue) mais de la signification d’usage qu’il représente,
et ceci vraisemblablement par rapport à la valeur que son usage peut entraîner
autant que de celle dont je peux profiter en déclinant son étymon latin de
caballus (désignation argotique et péjorative du cheval). Il faut donc s’extraire,
avec le respect nécessaire dû aux pionniers de ces disciplines, de ces
chinoiseries dichotomiques car une paire de ciseau ne résiste pas à une pièce
de monnaie. Même les enfants le savent : papier, puits, ciseaux, pierre ! En
tenant pour vrai que le ciseau puisse résister à la pierre on a de fortes chances
de les faire tomber dans le puits…il ne restera que le papier pour y inscrire ses
rêves d’unité. A moins que pour résoudre le problème posé par l’interface
d’une pièce de monnaie d’autres préfère le marteau-pilon.
Certaines tentatives de donner une unité à la vision saussurienne chercheront,
comme d'Ogden et Richards ainsi qu’Ullmann, à expliquer comment il se
ferait que le sens d'un mot n'existerait qu'en tant que composante de ce mot, ou
signe linguistique, lequel, pour Saussure, se constituerait de l'association
indissoluble d'un signifiant et d'un signifié et feront émerger de cette
interpolation linéaire le concept de référant (ou de denotatum). Or le fait de ne
pouvoir clairement en signifier la signification dénote en cela un problème de
registre dans lequel faire entrer ce mot de référant qui signifie à la fois
« démarche vers le signifié » et « démarche vers le signifiant », ce qu’est très
exacte une signification, faisant de la signification l’ensemble contenant le
dénotatum et le référent, le tout pouvant être illustré par le symbole dans son
acception étymologique (c’est-à-dire polyvalent). Ajoutons que le mot n’a
57
donc pas pour fonction de représenter une « chose » (ou encore un ensemble
de choses, regroupées sous le même concept) mais d’envisager des actions
possible autour de cette chose, et qu’en cela toute réponse au signe ne vaut que
pour un segment particulier d'univers, un territoire, que l'on appelle non son
référent mais son référentiel qui ne deviendra dénotatum qu’au contact d’un
autre segment d’univers qui lui est étranger. Et voici donc qu’il devient
possible de constitue un triangle sémiotique, épistémologiquement cohérent
tant il est admis que l’on ne peut pas distinguer deux ensembles à partir d’un
ou de deux éléments auxquels ils appartiennent (ce qui est le cas du concept de
référent) : ce triangle sémiotique peut dès lors être structuré à partir des pôles
suivants: signifié, signification et signifiant.
Toutefois en faisant intervenir de façon subtile le concept biface de dénotatum-
référent entre le signifié et le signifiant les auteurs du triangle sémiotique
ambigu nous inviteraient peut-être de façon sibylline à faire un voyage dans le
temps et à nous rendre durant l’Antiquité grecque au centre du monde, à
Delphes…
Pitié pour la Pythie
Pour les Grecs, Delphes était le centre géographique du monde, (omphalos : le
nombril) : les deux aigles dépêchés par Zeus depuis les bords du disque
terrestre s'y étaient rejoints.
Sur cette fosse oraculaire, point de rassemblement religieux de toute première
importance, fut érigé un temple massif de forme ogivale couvert d'un réseau
de laine (agrènon) et surmontée de deux aigles d'or. Dans l'adyton du temple
(la chambre secrète) voisinaient la tombe de Dionysos et le trépied sur lequel
la Pythie, prophétesse d'Apollon, signifiait aux mortels les conseils éclairants
du dieu. Durant plus d'un millénaire, de la fin du VIIIe siècle avant J.-C. au
IVe siècle après J.-C., le sanctuaire d'Apollon Pythien fut ainsi le siège de
l'oracle le plus prestigieux. L'abondance des textes littéraires et épigraphiques
qui le concernent atteste le rôle éminent du sanctuaire dans la civilisation
grecque.
En situant le denotatum-référent comme interagissant au contact du signifiant
et du signifié les auteurs du « triangle sémiotique ambigu » nous indiquent de
façon subliminale d’aller à la recherche de l’endroit ou pourra bien se trouver
le nombril sémiotique : cette petite cavité cicatricielle faite de circonvolutions
sur un ventre lisse qui tente de refermer l’unité d’un corps sur ses origines.
Dans cette configuration le nombril serait bien à la fois dénotatum et référent.
Ce point central est en réalité indiqué comme un verbe transitif et non comme
un nom denotato (latin : marqué d’un signe, flétri mais aussi la forme d’une
dent (forme d’une canine)), qui induit plusieurs notions complémentaires.
58
Ainsi tout en ouvrant sur
une réflexion riche les
auteurs du « triangle
sémiotique ambigu »
confirment bien
l’intention sous jacente
de lier leur dénotatum au
signe, ce qui est une
mauvaise piste car en
réalité ils l’affectent
pleinement au signifiant.
Mais plus encore
cherchent-ils
(vraisemblablement de façon inconsciente et subliminale) à
faire se connecter leur denotatum (au demeurant participe employé
adjectivement, denotato) au signe (la dent qui est une forme conçue pour aller
au contact du signe) plutôt qu’au signifiant (dans ce cas le palais gustatif
(référent) qui intègre la production opérée par la dent). Nous sommes alors en
présence d’une anamorphose : tout est dans tout et inversement en nous
suggèrent que le signe pourrait bien être déterminant alors qu’il se trouve lui-
même compris dans leur raisonnement (oserai-je dire dans ce cas :
résonnement) soit dans le signifiant, soit dans le signifié ou quelque part entre
les deux…Tout cela n’est pas très éclairant.
Nota, Denuntio, denotato
En bonne logique, ces auteurs avaient développé de façon plus congruente leur
intuition en y ajoutant un peu plus de philologie, voire simplement avec un
dictionnaire de latin, ils seraient inévitablement arrivé à un authentique
triangle sémiotique qui aurait pu être paramétré ainsi : sommet bas à gauche :
nota (signe sur un objet, marque : la chose est signifiée, repérée), sommet en
haut: denuntio (faire savoir, prédire, annoncer, enjoindre : signification),
sommet bas à droite denotato, l’ancien denotatum, (flétrissure (à comprendre
comme ce qui reste d’une forme) « mémoire morte » : signifiant), lesquels
constituent en liant les sommets : denuntiatio ou injonction (entre nota et
denuntio), denudo ou mettre à nu, dévoiler (entre denotato et denuntio),
connecto ou nouer ensemble (entre nota et denotato). Au barycente de ce
triangle sémiotique latin se trouve denubo ou se marier : qui réunit l’ensemble.
C’est donc bien au sein de cette configuration trifonctionnelle qu’est traité
(detexo, achever de tisser, aller jusqu’au bout, exécuter complètement, exposer
en entier, raconter, décrire), le signe venant de l’extérieur (techna, artifice,
mauvais tour, ruse : qui n’est pas dans l’ordre des choses) pour faire sens vers
l’extérieur (detego : révéler). Le triangle latin sémiotique (ou encore triangle
de Delphes) pourrait donc être configuré ainsi :
Référent ou
denotatum
59
TRIKÃLA SEMIOTIQUE DE DELPHES
Ce qu’il faut bien appeler l’affaire du « denotatum » dans l’approche qu’en a
faite Ulmann est évocatrice d’une certaine dérive plus pédagogique qu’elle
n’est intellectuelle des sciences humaines. A force de vouloir expliquer ce qui
n’est pas compris, souvent parce que c’est incompréhensible, la tentation est
forte d’isoler un groupe d’éléments, une sous catégorie de l’ensemble que l’on
Denuntio
Denotato
Sibylle
Nota
Denudo Denuntiatio
SIGNIFIE
Connecto
Denubo
SIGNIFIANT
SIGNIFICATION
SIGNATURE
SIGNALISATION
SIGNE
SIGNALETIQUE
CONSIGNATION
SENS
60
mettra en relation avec cet ensemble problématique pour tenter de l’expliquer.
C’est ainsi que se construisent les poupées gigognes qui lorsqu’on les
désassemble n’ouvrent que sur un vide consternant malgré l’apparat dont elles
sont revêtues. D’apparat à apparatchik le pas est vite franchi par les épigones
de l’enseignement qui se saisissent de ces approches pour asseoir une autorité
qui ne tient qu’aux vertus magiques accordées aux amulettes du grand sorcier.
En termes modernes cela s’appelle du prosélytisme. On force la conviction des
esprits faibles en agitant des reliques d’un saint père fondateur pour ne pas
avoir à être en première ligne des sentiments névrotiques que ces approches ne
peuvent qu’inspirer. Plus grave encore dans leurs applications sociétales de
tels impensés peuvent être admis comme scientifiques alors qu’ils ne sont que
l’expression d’une connotation consentie. Alors si quelque chose n’est pas
compréhensible, deux causes : incompétence du maître ou incohérence au sein
du concept, l’inappétence de l’élève n’étant le plus souvent que le refus poli
d’acquiescer.
En dernier lieu cette réflexion nous conduit aussi à considérer,
complémentairement à Saussure, que le sens d'un mot n'existe pas qu'en tant
que composante de ce mot, ou signe linguistique, lequel, ne se constituerait pas
uniquement de l'association indissoluble d'un signifiant (Sa) et d'un signifié
(Sé) mais bien aussi d’une signification (Sg) comme devant être comprise
comme denuntio, l’émergence d’un cadre de formulation. C’est l’ensemble qui
fait sens. Précisons aussi en conséquence que le mot n’a plus dès lors pour
fonction unique de représenter une « chose » mais bien plutôt un ensemble
d’actions possibles autour de la chose, lesquels actions possibles seront
regroupées sous le même concept générique qui pour être valablement abordé
doit l’être dans un contexte (flux de l’environnement) qui fait que tout signe ne
peut venir que de l’extérieur du système concerné et ne vaut que pour un
segment particulier d'univers, un territoire. Le signe est donc environnemental,
provenant de l’extérieur en tant que contingent du paradigme triadique
(signifiant, signifié, signification). Le signe est donc assimilable à un stimulus
extérieur, un monere (mot latin ayant pour signification (définition) : faire
souvenir, rappeler, attirer l’attention sur, inviter à, rappeler au bien, à l’ordre :
réprimander, corriger, punir). Il ne faut plus alors parler de référent mais
d’inférant extérieur. En fin de compte le signe pourrait être compris comme
étant un avertissement (un mana) au contact de ce qui vient de l’extérieur : un
déclencheur à partir d’un phénomène contingent qui vient contrarier la stabilité
triadique (relative).
L’Avertisseuse : l’anormalité fait signe
Etymologiquement le terme français de monnaie provient de ce que la
monnaie romaine était frappée dans le temple de Juno Moneta (de monere :
l'avertisseuse (latin aversio, onis, figure qui consiste à détourner l’attention des
61
auditeurs du sujet en question) au Capitole, et portait
cette épithète « L’Avertisseuse » sous l'effigie de la
déesse. Notons aussi que capitol donnera en français le
mot capital alors que le mot capital, is, en latin désigne
le voile dont les prêtresses se couvraient la tête
pendant les sacrifices. L’ensemble de ces nuances
sensibles autour du mot monere permet de comprendre
qu’un signe provient toujours de l’extérieur (ou en
liaison avec lui), faisant qu’il est extérieur à la triade
signifié, signification, signifiant. Le constat d’une
anormalité fait signe. L’intervention du signifié aura
pour fonction de considérer le signe comme un
avertissement, d’apprécier les risques [actuariat] et
pour cela devra faire appel à la signification (au capital symbolique) (regarder
sous le voile) afin de soumettre l’ambivalence au signifiant (mémoire du
système), le cas échéant de mobiliser toute ou partie du système concerné pour
qu’une réponse appropriée soit apportée au signe (monere) dans la perspective
qu’elle fasse sens au point contingent d’un environnement que l’on espère
pouvoir stabiliser.. C’est au terme de cette trifonctionnalité du signifié, de la
signification, et du signifiant que les représentations émergent par
l’intermédiaire du référé, de la référence et du référant pour que le système se
constitue un jeu de représentations lui permettant de projeter un sens à partir
d’un signe : opérer une boucle rétractive sur l’extérieur permettant de canaliser
les contingences junoniennes par la volonté sociale de vitalité.
En religion romaine Junon est sans doute à raccorder à la racine qui a donné en
latin juvenis et juventus, exprimant une idée de « jeunesse » et donc de
« plénitude de force physique » de vitalité. Déesse latine plus que romaine,
Junon était honorée dans tout le Latium, à Lanuvium et à Tibur en particulier.
Divinité complexe, elle est présentée sous des aspects très divers, et
l'interprétation qu'on propose de son rôle varie selon l'accent mis sur tel ou tel
aspect des fonctions qui lui sont dévolues... Elle était honorée à Lanuvium
sous le titre de Sospita Mater Regina, « protectrice, mère, reine ».
G. Dumézil31
a montré que cette triple dénomination répondait aux trois
besoins fondamentaux de toute société humaine : la défense contre les
31
Georges Dumézil découvre la clef d'or qui le conduit à exposer, dans son livre,
Jupiter, Mars, Quirinus (1941), la théorie des trois fonctions (souveraineté et religion,
guerre, production). Cette tripartition se retrouve dans le vocabulaire, l'organisation
sociale et le corpus légendaire. La société médiévale est divisée en oratores (ceux qui
prient, le clergé), bellatores (ceux qui combattent, la noblesse) et laboratores (ceux
qui travaillent, le tiers état). La société indienne est divisée en Brahmanes (prêtres,
enseignants et professeurs), Kshatriyas (roi, princes, administrateurs et soldats), enfin
62
agressions extérieures, la fécondité et l'exercice d'un pouvoir souverain. En
raison sans doute de sa fonction matriarcale, Junon a été la déesse des
commencements (naissances et calendes (premier jour du mois) ainsi que
solstice (mois de juin fête des adolescents) et de la féminité.
A partir du signe extérieur la trifonctionnalité (junionienne) fait s’opérer les
représentations qui font sens en ouvrant le système interne vers l’extérieur
pour des réponses mieux appropriées au changement que l’extérieur impose au
contact des signes qui le perturbent. Ces représentations entreront dans la
mémoire centrale (signifiant) à partir duquel le programme du système pourra
être amélioré faisant entrer la sémiotique dans le domaine de la cybernétique à
partir de la systémique opérant sur fond trifonctionnel. Lien entre l’Ecole de
Prague et de Palo Alto la problématique des représentations permet alors
d’orienter notre travail de recherche vers une dimension plus large, celle de la
constructalité.
la caste productive qui se subdivise en Vaisyas (artisans, commerçants, hommes
d'affaires, agriculteurs et bergers) et Sudras (serviteurs).
63
Le nécessaire reformatage que nous avons dû opérer sur les orientations
discutables prise par la linguistique Saussurienne et la sémiotique
Ulmannienne, loin d’en remettre cause l’intérêt, offre l’avantage d’éviter les
confusions anamorphiques. Essayer de comprendre les causes de ces
atermoiements relève de l’épistémologie, c'est-à-dire du regard porté sur le
paradigme académique (par définition consensuel) qui les a engendrés. Les
mauvaises piste empruntées tiennent, comme nous l’avons évoqué
précédemment, bien évidemment à la posture dite cartésienne qui
traditionnellement place la philosophe en amont de l’observation (un signifié)
en constituant ainsi un registre de définitions à double tranchant (plus la
pointe) (signification théorético-taxonomique) protégées par ces boucliers
symbolique qui font des Maîtres penseurs des maîtres à penser intouchables.
Tout cela ne resterait qu’une affaire à régler entre scientifiques si en plus de
cela le tout n’était nimbé d’une couche sociologique issue du saint-simonisme
qui a fait du signifié (autorité et pouvoir) une persona non grata. Cela explique
entre autre que considérant le signifié comme secondaire à l’analyse il fut
nécessaire de lui affecter la pondération du référant afin de que la signification
devienne denotatum alors qu’il n’est que connotation consensuelles en d’autre
terme qu’une signification n’aurait de sens qu’au travers d’une pondération
entre le signifié et le signifiant. C’est alors que tout peut être dans tout et
inversement puisqu’un signe serait dès lors sans signification possible
autrement que dans la connotation. Adieux représentations lorsque le modus
vivendi prendra le pas sur
le motus vivendi. On
préférera le code (modus)
au moteur (motus) dans
l’illusion d’une possible
immortalité devenue
synonyme
d’immobilisme ou de
désenchantement : la
fameuse « baisse de
moral ». Faute de
représentations possibles
au profit de la
connotation, préférant la
contrition à l’émotion, on
prônera la transparence
jusqu’à mettre l’extase
sous préservatif, la
consommation du tabac
au grand air et les
voitures au garage tout en
découvrant que les
64
chantres de l’écologie ont bien du mal à se faire à la vie en forêt équatoriale.
Dans cet univers de connotations qui pense tirer son unité de la cohésion sans
se soucier de la cohérence anthropologique on a décidé qu’au nom de la loi
antitabac il fallait effacer de la photo la cigarette des lèvres d’André Malraux
pour qu’elle soit acceptable sur le timbre commémoratif - du transfert de ses
cendres au Panthéon !- sans pour autant que soit posée la question de savoir
quoi faire du cendrier dédié « A ses grands hommes, la France
reconnaissante » ? « Il faut que tu respires » devient une obligation alors que
c’était un réflexe. Mais ne nous y trompons pas tout cela ne disparaîtra qu’en
surface. Les représentations prendront d’autres chemins car il ne faut pas
s’imaginer qu’en supprimant l’expression d’une représentation on aurait
supprimé l’addiction qui la sous-tendait et plus encore la nature du manque qui
en est à l’origine et dont le besoin est un signe. Elles feront retour d’une autre
façon, certainement sous des formes plus discrètes…plus poudreuses… dont
les conséquences pourraient être plus graves. Il ne faut jamais confondre un
symbole avec une représentation.
Cette posture sociologique saint-simonienne constante (remise en cause de la
fonction de dénotation issue du contact, à partir d’une problématique, entre
l’autorité du signifié et la cadre de signification) fonctionnera cognitivement
au profit du consensus de connotation avant d’émerger en politique. Elle se
trouvera d’une certaine façon cautionnée par le darwinisme qui, avec le
« transformisme », malgré les remous que cette théorie sur l’évolution devait
susciter, revêt une signification décisive pour la pensée contemporaine et lui
fournit un de ses concepts clés. Darwin a en effet fondé sa théorie sur une
hérédité des caractères acquis et n'a que tardivement admis que des variations
puissent résulter de « sauts ». Il considérait les mutations comme étant une
aberration dépourvue de signification évolutive. Toutefois, vers la fin de sa
vie, sans pour autant s’ouvrir à la finalité lamarckienne [l'unité de la vie :
« L'état où nous voyons tous les animaux, est le produit de la composition
croissante de l'organisation qui tend à former une gradation régulière »] de
n'avoir pas accordé une place suffisante à l'action du milieu, dont la génétique
écologique nous permet aujourd'hui d'apprécier toute l'importance. Cette
théorie transformiste en tant que signification sera vite permutée en théorie de
l’évolution confortant ainsi la conception selon laquelle les formes prises dans
la nature, et par conséquent dans les organisations humaines, feraient bien que
tout système détiendrait en son sein, génétiquement par le hasard ou le jeu de
la sélection naturelle, la possibilité de se perfectionner indépendamment des
contingences qui viennent perturber sa stabilité. Nous sommes ici
épistémologiquement proches de la vision de Saint-Simon sur la société pour
laquelle, pour que l’Eden se produise, il faille exclure les pouvoirs par
définition pervers et perturbateurs. Son secrétaire Auguste Comte l’érigera en
théorie « le positivisme » : « Non seulement l'humanité ne se compose que des
existences susceptibles d'assimilation mais elle n'admet de chacune d'elles que
65
la partie incorporable en oubliant tout écart individuel. » ((Système de
politique positive, t. II, p. 62). Désormais, toute vérité doit être démontrée. Au
juste, seul un petit nombre d'hommes selon Comte, est susceptible de
comprendre les démonstrations scientifiques ; mais pour lui cela n'a pas
d'importance car la science fournira même aux ignorants une foi suffisante
pour établir un ordre social. Cet idéalisme n’est dans la réalité possible qu’à
condition que les scientifiques ne cherchent pas à « faire peuple » et acceptent
de dénoter plutôt que de connoter.
L’esprit positif de Comte cherchera à éviter la polémique en aspirant à s'établir
pacifiquement dans les institutions d'Église. Forte d'un consensus universel
qu'elle est la première à réaliser il pensait que la science pourrait triompher par
le seule arme de la preuve, triomphe malheureusement incompatible avec les
connotations si l’on n’est en mesure de dénoter en assumant socialement un
statut de signifié au contact de la signification. Bien entendu, la religion de
l'humanité, proclamée en 1847, ne pouvait pas apparaître dans le Cours de
Comte. Dans le Système de politique positive, outre sa fonction de
connaissance, Comte considère que la sociologie pouvait être directement
fondatrice de la religion. Il examine d'abord l'ordre humain « comme s'il était
immobile » (Système, t. II, p. 3). C'est ensuite la fonction de la statistique
sociale, qui doit précéder l'étude de l'évolution humaine. Parallèlement Comte
prétendra définir la nature humaine à partir de la physiologie [« tableau
cérébral »]. Au final Comte rêvera d’une sociologie relevant des principes de
la biologie. On centralise alors à l’extrême la problématique de l’émergence du
signe. Un cul de sac. Fin de l’opportunisme scientiste.
Le compte n’était pas tout à fait bon : l’anomie est adnomie
Tout en retenant de Comte l’intuition selon laquelle « Tous les phénomènes
quelconques, inorganiques ou organiques, physiques ou moraux, individuels
ou sociaux, sont assujettis à des lois rigoureusement invariables » (Cours,
t. VI, p. 655) on pourrait sérieusement lui reprocher d’avoir privé, dans la
lignée de Saint-Simon, la sociologie d’un paramètre anthropologique
important qui est celui de la fonction dénotative du signifié : le pouvoir. Dès
lors la sociologie deviendra interprétative faisant alterner la réflexion entre
référant st signification pour au bout du compte insérer dans la trilogie le signe
en lieu place du signifié, laissant ainsi à penser que le sens serait un
jaillissement totalement issu de l’intérieur.
Saint Simon, Comte, Darwin, outre les avancées épi phénoménologiques que
nous leurs devons obscurciront le débat plus qu’ils ne l’éclaireront. En
devenant des références incontestables, donc incontestés, ils forceront dans un
climat de soumission des productions intellectuelles impressionnantes sans
qu’une authentique phénoménologie n’en soit dégagée. Ainsi le concept
66
d'anomie forgé par Durkheim qui est faussement présentée comme une des
plus importants théories sociologiques pourrait bien être corrigé par celui
d’adnomie s’il n’avait omis de considérer que les manifestations suicidaires,
dans la mesure où elles pourraient bien être l’expression d’une démoralisation,
seraient très certainement la conséquence non de cette démoralisation mais
bien de celle de l’absence de pouvoirs numineux (numen) dont il a été
convenant sociologiquement de se passer... En s’en tenant là Durkheim ne
verra dans le signe de l’augmentation du taux des suicides qu’une cause qui
viendrait de ce que l'activité des hommes serait déréglée sans envisager qu’il
induisait en cela l’existence nécessaire d’une règle, laquelle est dénotatum
dont l’existence dépend du numen d’une autorité capable de la signifier dans le
cadre d’une signification. Le concept d’anomie sans admonition possible par
une personne dont la fonction est de la signifier à partir d’un signe devait être
intégré au concept. Sans lien entre les contingences extérieures nouvelles et le
signifié il ne reste qu’à chercher des significations dans le signifiant, démarche
éminemment anxiogène pour qui est dans le besoin. Au regard de l’approche
trifonctionnelle des représentations il serait alors plus conséquent de remplacer
le concept d’anomie (négatif) conduisant au suicide, par celui d’adnomie
(signifié), positif, qui invite au sens.
Ces approches psycho-sociologisantes du Vieux Continent franchiront
l’Atlantique et prendront une dimension pratique en psychosociologie de
l’éducation avec la non-directivité de Carl Rogers. Sans en embrasser
pleinement le principe retenons que la pratique thérapeutique du Mental
Research Institute sera aussi tout autant éloignée du behaviorisme que de la
théorie du schéma stimulus-réponse. Ainsi posé l'apprentissage et le
développement d'un être humain ne peuvent se réduire à un simple
conditionnement (si complexe soit-il). L’axe choisi sera celui de
l’interprétation comprise dans un système d'interrelations. Cette approche, qu'il
faut rattacher à la théorie des « paradoxes » de Bertrand Russell et à la
« pragmatique » de Gregory Bateson, mais aussi aux recherches de J. L.
Austin (How to do Things with Words, 1962 ; trad. franç. Quand dire, c'est
faire, 1970) et de J. R. Searle, se fonde sur l'analyse de la communication et
des interrelations.
L’approche interprétative et ethno-sens.
L’approche interprétative orientera la recherche vers la signification en faisant
moins de cas de la connotation. Situé entre le signifiant et la signification,
l’interprétation donnera aussi naissance à l’ethnopsychiatrie du Roumain
Georges Devereux. On relativisera l’universalité des concepts connotés par le
cartésianisme humaniste en faisant avant l’heure de l’ethnologie inversée.
C’est ainsi que le « complexe d’œdipe » sera validé en tant que mobile
transactionnel mais nuancé dans l’articulation des interrelations. En effet
67
contrairement à ce qu’a fait remarquer Malinowski par l’interprétation
fonctionnaliste (pour s’opposer à la thèse freudienne, en argumentant que dans
certaines tribus matriarcales l’autorité qui s’exerce sur l’enfant n’est pas
incarnée par le père et ceci aux fins de démontrer que l’universalité du
complexe serait une vue de l’esprit issue de la société de la Vienne Impériale)
Georges Devereux démontera cette posture culturaliste en montrant par
l’expertise ethno psychiatrique issue du terrain que le complexe œdipien est à
comprendre en tant que processus de structuration non obligatoirement
polarisé sur le père. Ceci est par ailleurs conforme et cohérent au mythe de
l’Éros, lequel, dans la Grèce primitive, était un dieu bisexué et /ou gémellaire,
tout comme l’était Horus dans l’Égypte antique, ou encore Hunahpu et
Xbalanque pour la civilisation maya.
C’est donc par erreur que la signification entrera dans le cadre du bivariant sur
un axe déterminé par le signifié et le signifiant bien que son principe soit
monovalent au regard du signifié et du signifiant en tant qu’élément à part
entière de l’ensemble triadique fonctionnel (signifié, signification, signifiant).
Dans « Study of Abortion in Primitive Societies », G. Devereux démontre que,
si l'on dressait la liste complète des fantasmes décrits par les psychanalystes,
elle correspondrait point pour point à la liste des rites et des coutumes qu’ont
décrites les ethnologues. Il en conclut que la psychanalyse et l'ethnologie offre
deux points de vue sur une même réalité : l'un du « dedans », l'autre du
« dehors ». Pour embrasser dans un champ élargi de perception les réalités
humaines il faudrait donc articuler l’ontogénique avec le phylogénique. Dans
ses derniers livres, consacrés à l'analyse des mythes grecs, G. Devereux a
abondamment montré que la mythologie constituait un réservoir de solutions
au diagnostic des problèmes psychiques - une chambre froide de l'inconscient -
où puiser fantasmes et mécanismes de défense. Ces mécanismes sont
déclenchés à partir du signe, monere extérieur, qui est alerte d’une
contingence, un stimulus extérieur (qui pose problème) à la triade qu’il active.
En conséquence de cela nous pouvons conclure que la triade fonctionnelle est
de nature ontogénique (figure anthropologiquement constante) et que le
caractère phylogénique des cultures (exprimé au travers des représentations)
s’élabore à partir des problématiques déstabilisantes que les contingences
(signe, monere) environnementales (matérielles et humaines) extérieures
posent à l’équilibre initial de la constante trifonctionnelle.
Il faudrait donc réserver une part plus grande aux facteurs proprement
psychosociologiques dans la formation des conflits endopsychiques qui
pourraient conduire au besoin de ritualisation et de représentation en tant que
conséquences et expression d’un manque lorsque l’espoir de satisfaction se
révèle incertain.
68
Ce serait donc bien dans la lignée de cette logique trifonctionnelle placée au
point de contact des contingences que, dans la cure psychanalytique, ce ne
serait pas uniquement la prise de conscience par le patient des causes
anciennes de ses perturbations actuelles qui amènerait la guérison, mais aussi
la compréhension de ce en quoi des facteurs exogènes sont susceptibles d’
induire des manifestations endogènes faisant qu’il soit possible en les
maîtrisant de trouver la solution la mieux adaptée au traitement des signes
lorsqu’ils se présentent et pour le moins éviter d’aller inconsciemment à leurs
recherche. Cela signifie aussi, pour rendre propice cette démarche, comme le
suggère la thérapie de Palo Alto que le thérapeute ait aussi une connaissance
culturelle suffisante de ce que sont les représentations ethno culturelles qui
sous-tendent les interrelations actuelles du patient, pour, en effet miroir,
obtenir chez celui-ci un changement de son jeu interactif vers des stratégies
moins perturbantes. En bonne logique il ne serait pas alors incohérent de
penser que l’épistémologie est aux sciences humaines ce qu’une bonne analyse
est à la psychanalyse : une façon d’éviter que les « coups » du thérapeute ne
soient une récupération de son prope inconscient.
Dans son ouvrage intitulé « Changements. Paradoxes et psychothérapie »
(traduction française : 1981), Paul Watzlawick met au jour plusieurs exemples
de ces « coups » (dans ce cas conscient) du thérapeute et, en particulier, celui
par lequel le thérapeute encourage le symptôme de son patient, afin que, dans
le système d'interactions repéré, ce symptôme change de valeur et perde ainsi
de son efficacité en étant identifié. En effet le traitement de Palo Alto vise bien
la disparition du symptôme ou de la perturbation. Toutefois pour être plus
exhaustif conviendrait-il de dire que cette disparition doit correspondre à un
remodelage de l'économie du système relationnel du patient de sorte qu’en
alerte sur les signes il fasse l’économie de la modélisation à laquelle il se
référait précédemment. Ainsi un simple changement du point d’entré habituel
(parfois traditionnel) du signe (l’alerte) au sein de la triade fonctionnelle (au
plus simple par le « signifié », la « signification », ou le « signifiant ») ne rend
plus la réponse univoque et modélisée, mais polysémique à l’intérieur de
laquelle il peut sélectionner la meilleure solution, la plus économique possible,
en fonction des représentations qu’elles induisent par projection de sens.
Toutefois l’ambition l’Ecole de Palo Alto ne se résume pas en une tentative de
réforme des pratiques thérapeutiques, l’angle t’attaque se veut plus ambitieux.
L’ambition de Palo Alto
Avec Gregory Bateson l’ethnographie quittera son caractère descriptif pour
constituer le point de départ d'une longue exploration épistémologique qui
nous vaudra deux chapitres : « Épilogue 1936 », puis, lors de la réédition de
l'ouvrage, « Épilogue 1958 » conduisant à façonner de nouveaux outils
69
conceptuels, tels que l'eidos (le tableau des processus cognitifs d'une culture)
et l'ethos (les valorisations émotionnelles d'une culture). Ces outils, comme
nous le pensons, doivent être recherchés moins dans l'inconscient que dans
l'apprentissage au contact de la contingence des flux qui perturbent les facteurs
de stabilité. Certains impliquent le changement : ce sont des processus de
différenciation appelés schismogenèses (qui prennent soit la forme symétrique,
soit la forme complémentaire). La schismogenèse symétrique « dénote » une
différenciation égalitaire et compétitive, tandis que la forme complémentaire
est de nature hiérarchique « interprétative ». Cette approche du changement au
contact des flux élimine la notion de hasard chère aux théories de la mutation
et de la sélection naturelle tout comme leurs parallèles positivistes classiques
et autres existentialistes modernes.
A partir de là peut être pris sans risque le contre-pied de la théorie
darwinienne, pour être plus exacte lui donner une dimension moins hasardeuse
car plus exogène.
Les travaux de von Neumann et Morgenstern sur la théorie des jeux (1944), de
Wiener sur la régulation (1948), et de Shannon sur la théorie de la
communication (1948), l'informatique et la cybernétique optimiseront les
avancées. Depuis, ces conceptions nouvelles ne cesseront de se heurter aux
pseudos humanistes qui, faute de n’avoir compris l’importance que revêt la
compréhension des déterminismes, la diaboliserons pour mieux protéger leurs
prés carrés. Ces prés carrés ne sont en réalité rien d’autre que des jardins de
curé cautionnés par des académies devenues obscurantistes qui pourraient bien
faire qu’un jour la chasse aux sectes ne serait plus uniquement une affaire
d’assainissement des cultes mais aussi une affaire d’état en découvrant que
certains crédit de recherche pourraient bien n’être rien d’autre qu’un dernier du
culte. Malgré les freins serrés à ces avancées théoriques sur la communication
viendront se joindre celles de la systémique.
Cette science des systèmes s’est peut-être malencontreusement trop
rapidement auto-instituée en discipline scientifique autonome depuis la fin des
années soixante-dix et veut être entendue, pratiquée, enseignée et développée
en se définissant par son projet plutôt que par son objet : autrement dit, elle ne
peut pas être présentée hors du champ épistémologique par lequel elle se
constitue et en référence auquel elle peut argumenter les énoncés qu'elle
produit et transforme. Cette dérive dans le domaine des sciences humaines ira
jusqu’à laisser croire en la génération spontanée des modèles sociétaux ou
comme pouvant être fruits de l’imagination expérimentale. Chaos théorique :
nouvelles chapelles, retour à la case départ !
Toutefois nous retiendront de l’approche systémique les vertus heuristiques de
la science des mécanismes qui incite aux pratiques de la modélisation à
70
condition que le concept de la boîte noire, si j’ose dire, soit clarifié en
cherchant peut-être davantage comment elle fait ce qu’elle fait plutôt que de
savoir ce qu’elle est.
On doit sans doute au neurophysiologiste Warren S. McCulloch et au logicien
Pitt les premières explorations de cette hypothèse à partir de 1942, qui
postulèrent une isomorphie fonctionnelle, que l'on espérait peut-être
organique. Elle allait s'avérer féconde : de l'animal-machine de Descartes à
l'homme-machine de Julien Offroy de La Mettrie, ces premiers neuro-
connexionnistes pouvaient se référer à une indiscutable tradition scientifique.
Mais Wiener s'en différenciera en fondant cette nouvelle science, la
cybernétique sur le postulat de la légitimité de l'interprétation téléologique. En
effet, comme nous l’avons vu, depuis Descartes, la mécanique analytique
s'était fondée sur le postulat de la causalité (tout effet est explicable ou au
moins représentable par une cause... ou une longue chaîne de raisons toutes
simples). Mais elle laissait obscure l’analyse des effets autrement que par la
cause, les problématiques de finalités seront affectées à la cause, dans un
premier temps créationniste donnant naissance par le jeu des thèses antithèses
non à une synthèse mais à kyrielles de compromis connotatifs faisant
philosophie du moment. En proposant, dès 1943, dans un article cosigné avec
un éminent biologiste, A. Rosenblueth, et un jeune ingénieur électronicien,
J. Bigelow, intitulé « Behavior, Purpose and Teleology » (comportement,
intention et téléologie) de reconnaître la légitimité scientifique de
l'interprétation téléologique a priori du comportement d'un système, Wiener
autorisait une voie alternative à toute entreprise de modélisation scientifique.
Ainsi au lieu de chercher d'abord les causes (mécaniques), le modélisateur était
invité à s'interroger d'abord sur les finalités ou les projets du système étudié :
en mettant en correspondance intelligible les comportements du système avec
sa ou ses finalités, le modèle permet de le décrire effectivement, par simulation
d'une boîte noire, par isomorphie fonctionnelle.
Le signe d’un manque
En appliquant cette approche à celle que nous conduisons sur les
représentations il apparaîtrait bien qu’en ayant formulé l’hypothèse selon
laquelle le signe serait extérieur au système cognitif trifonctionnel
(anthropologiquement constant), isomorphe, le modèle ainsi constitué et
polarisé « signifié », « signification », « signifiant » permette bien de décrire
au regard d’une épistémologie des visions philosophico-scientifiques conduites
dans l’histoire ainsi que la fonction téléologique spécifique du pôle
« signification » dont le degré d’angle si minime soit-il ouvre en permanence
le système vers l’extérieur (ce qui n’est pas la fonction du signifié ni du
signifiant). Cette ouverture sur l’extérieur par le « signifié » maintient le
71
système en permanence en alerte sur les contingences extérieures qui peuvent
perturber le système. Ainsi ce qui émergera des interactions trifonctionnelles
cognitives pourra donner naissance à une représentation qui peut de fait être
considérée comme étant une boîte noire à mémoire de forme : le mécanisme
qui aboutit à optimiser la boîte noire étant de nature hystérétique constructal à
réalité augmentée.
Le concept de réalité augmentée est le mécanisme qui permet d’accroître le
degré de finesse d’une intervention lors d’une action complexe. Son
application dans le domaine de l’assistance opératoire en chirurgie par
ordinateur, outre le fait d’autoriser une vision en trois dimensions de
l’environnement où se situe le point d’intervention du praticien, permet aussi
et surtout de corriger automatiquement en amont les maladresses inhérentes à
l’extrême précision du geste, souvent irréalisable sans cet appareillage. Cette
réalité augmentée est celle qui est appliquée aux joysticks, les manettes des
consoles de jeux de la dernière génération.
L’ordinateur : projection de la triangulation sémiotique
L’analogie avec l’ordinateur ne se limiteraient-elles qu’à cela ? Car s’il s’avère
admissible que la « signification » dispose d’un delta cognitif d’ouverture
incompressible, pourquoi n’en serait-il pas de même du « signifié » et du
« signifiant » ? Au nom de quoi pourrions nous argumenter l’inégalitaire
fonctionnalité entre signifié, signification et signifiant ?
Selon le schéma d’un ordinateur (application directe des travaux en
communication de Shannon) nous constatons qu’il est constitué (à l’exception
des organes d’entrée et de sortie) d’un organe de commande, d’une unité
arithmétique et logique, et d’une mémoire centrale. En observant les circuits
possibles on constate que l’information n’est aucunement en contact avec les
organes d’entrée et de sortie (donc fermée à l’environnement) et ne pouvant
recevoir ses informations que de l’organe de commande et de l’unité
arithmétique et que seule l’unité arithmétique est en mesure de recevoir et de
transmettre de l’information en liaison avec la mémoire centrale. Par railleurs
revient uniquement à l’organe de commande la fonction de liaison sans
intervention possible sur l’information. A partir de cette répartition, si l’on
affecte « le signifié » à l’organe de commande, la « signification » à l’UAL et
le « signifiant » à la mémoire centrale, il apparaît bien que la fonction du
« signifié » se trouve déterminée (limitée aux liaisons de commande) et que
celle du « signifiant », la mémoire centrale, ne peut émettre de liaisons de
commande et ne peut interagir sur l’information qu’en liaison avec l’UAL : en
conséquence le « signifiant » est autant déterminé dans ces limites que peut
l’être le « signifié » et que seule l’UAL ou « signifiant » est en liaison
d’information entre l’organe d’entrée et de sortie (ainsi qu’avec la mémoire
72
centrale). Ainsi l’ordinateur pour être une projection de notre mécanisme
cognitif de communication (en tant qu’image de…, compris en sons sens
mathématique), l’analogie confirmerait bien notre hypothèse concernant la
fonction première et univoque du signifiant directement en interface entre
l’organe d’entrée et de sortie pour ce qui est du traitement de l’information.
La structure de l’ordinateur serait donc de nature trifonctionnelle différenciant
précisément les modalités de fonctionnement de liaison de celles de
l’information. Ce faisant les distinctions entre signifié, signification et
signifiant gagnent en précision toutefois leur ordonnancement nous inviterait
aussi à émettre l’hypothèse selon laquelle une hiérarchie interviendrait bien
dans le processus de traitement cognitif. Cette hypothèse consisterait à penser
que le contact avec les signes ne soit possible que par l’intermédiaire du
signifié, alors que le sens serait l’affaire commune des organes d’information
et des organes de liaisons. Il y aurait donc un possible une hiérarchisation
déterminante des fonctions occupées au contact du signe. De la même manière
il faudra aussi s’interroger sur la faisabilité de contact entre le signe et le
signifiant ainsi qu’avec la signification, ceci indépendamment de l’intervention
du signifié. Car s’il s’avérait exacte que cela soit impossible, il conviendrait
alors sérieusement de revoir les représentations que nous nous faisons du
concept de démocratie fondé sur la suspicion de l’utilité réelle du signifié et
sans cesse remise en cause car considérée comme un pouvoir suspect depuis
les Lumières jusqu’au cœur de la sociologie moderne. Signalons au passage
qu’en France sur la plusieurs centaine de laboratoire de recherche sur le
fonctionnement des organisations et du changement moins de cinq sont
chargés de comprendre le fonctionnement des pouvoirs dirigeants… Cela
signifierait alors que la représentation que nous présentons au monde d’un
idéal vertueux de système politique ne serait alors qu’une machine à fabriquer
des mythes. Si tel était le cas il faudrait alors tenter de cerner ce que ces
mythes peuvent bien cacher à nos yeux émerveillés !
Ces questions seront traitées dans un chapitre ultérieur à partir d’une
problématique que posaient Cassirer en 1945 dans « Le Mythe de l’Etat ».
Pour ce qui nous concerne dans l’instant si nous reprenons la trifonctionnalité
dumézilienne mise en parallèle au travaux d’Henri Labori pour définir les
constantes de la communication nous obtiendrions donc une fonction agressive
et défensive du signifié (voire d’alerte à partir du signe) ayant essentiellement
une fonction « souveraine » de distribution des commandes, une fonction de
mémoire génético-gestative « du signifiant », nourricière en position
nécessairement d’inhibition par ce qu’elle est la fois mémoire et mère, enfin la
« signification » (bipolaire) au point d’ouverture entre le sacré et le juridique
(traitement de l’information entre la terre et le ciel par le biais de la
terminologie).
73
Cette cohérence ne relève pas de la magie mais d’une projection de nos
mécanismes cognitifs car les schèmes symboliques ternaires sont omniprésents
dans les représentations en sorte qu’au fur et à mesure de l’évolution
technologique ils prennent de plus en plus de place dans la conception des
machines faisant en cela que nous y sommes de moins en moins attentifs voire
perméables.
Par bien des égards, cette hiérarchie fonctionnelle de l’ordinateur, image de
nos mécanismes cognitifs, semble directement se référer aux trois niveaux
symboliques de l'organisme humain : tête, poitrine et ventre. C'est bien une
telle compréhension que présente l'œuvre de Platon par la tripartition de l'âme
ou celle qui est proposée par Aristote : âmes intellective (signification),
sensitive (signifié), végétative (signifiant). Avec des variations interactives ce
même schéma se retrouve dans nombre d'autres cultures. C'est, par exemple,
une des bases de l'enseignement des arts martiaux chinois ou japonais. Selon
celui-ci, tous les comportements humains dépendent de trois centres subtils :
intellectuel (signification), émotionnel (signifiant) et moteur (signifié).
D'autres analogies possibles sont celles des trois gunas de la pensée indienne :
sattva, rajas, tamas ; ou bien encore les trois champs de cinabre de la
psychophysiologie subtile chinoise. La liste serait longue. De façon tout à fait
anecdotique dans les différentes encyclopédies universelles le chiffre « trois »
apparaît entre 10 et 15 000 fois, le chiffre « deux » au envions de 20 000 fois,
alors que dieu, peuple et amour (les mots les plus anciennement invariants de
la langue française) oscillent chacun entre 3000 et 4000 fois à égalité avec le
chiffre « sept ».
Le passage de la diade à la triade semble
symboliquement s'accomplir par le symbole du
serpent (signifiant) ou de l’acrobate. Le passage de
la triade à la tétrade s'actualise à travers les
symboles unissant le principe masculin au principe
féminin, souvent des doubles ternaires. Ils
présentent une totalité paradoxale en tant que « deux
fois trois ». Ainsi, la hiérogamie est symbolisée par
la réunion par leurs sommets de deux triangles
isocèles. C'est, par exemple, la forme du tambour
créateur de Siva. Entre le cercle comme symbole du ciel et le carré comme
symbole de la terre, le triangle, figure symbolique par excellence de la triade,
symbolise l'être humain comme réunion des trois formes de l'énergie
cosmique.
La liste pourrait être longue et trop nous appesantir sur ces perceptions
intuitives millénaires pourrait bien valoir à nos travaux d’être qualifiés
d’ésotériques ou laisser imaginer qu’ils fussent issus des grimoires de quelques
74
obscures sociétés secrètes à moins que les adeptes du politiquement correct
laissent planer le non dit en suggérant d’aller y voir de plus près, à l’époque ou
l’Europe était « vers de gris ».
Sachant pertinemment que ces travaux ont peut de chance de franchir la porte
des réserves des bibliothèques pour n’en ressortir un jour lointain peut-être si
par je ne sais quel miracle quelques lecteurs attentifs fassent frémir quelque
peu l’engourdissement général, il faudrait au mieux un demi siècle pour que
quelques pistes d’action puissent être simplement envisagées. A moins que les
événements ne viennent les y conduire. Toutefois qu’il me soit permis, dans le
monde des humanités, de m’émouvoir sur le peu d’intérêt manifesté à l’égard
des travaux de Georges Dumézil qui a su durant une vie acharnée de travail,
avoir simplement mis au jour, de façon indiscutable maintenant, ce concept
majeur de tri fonctionnalité. Mais peut-être s’agit-il en la circonstance du
culturalisme ambiant et connotant qui fassent obstacle à la «signification » de
la trifonctionnalité. En opposant le fait que Dumézil ait effectué ses recherche
dans les nombreuses cultures constitutives de la dite civilisation indo-
européenne, certains scientistes en déduiront hâtivement que ses conclusions
« renvoient à une dimension « idéologique » qui organise toutes les nuances
des différentes applications sur la distinction entre le sacré, la force physique
et la fécondité ». Or il ne s’agit pas ici d’idéologie mais bien authentiquement
d’une dimension anthropologique phénoménologique au même titre que sont
phénoménologiques la théorie de la gravitation universelle de Newton et que
l’est celle de la relativité d’Einstein.
Pour conclure ce voyage entre Prague et Palo Alto, dans un monde des
sciences humaines ou les connotations sociologiques ont pris le pas sur
l’entendement scientifique il ne serait pas inconvenant de rappeler que le
libéralisme de Raymond Aron ne doit pas s'entendre comme une défense des
pouvoirs mais comme prenant appui sur un principe fondamental qui dit qu’en
visant sans discernement une unification sans limite, sans intégrer le sens de
l'expérience humaine qui se forme par la relation d'une multiplicité d'esprits,
cela revient à compromettre le sens même de l’unité et l'humanité elle-même.
L’ensemble des théorétiques et des idéologies analgésiantes dont les
perspectives visent à l’uniformité dans l’amalgame du tout possible pourrait
bien trouver leur explication dans cette formulation merveilleuse, et non
dénuée d’une certaine sensualité, de Baldine Saint-Giron :
75
« Seul le sacrifice de son objet permet à l’amour
de prendre conscience de lui-même
en se nourrissant de comportements
dans l’ahurissement de cette immolation à l’autre,
qui devient caution de sa valeur propre,
voire de la vérité de son discours.
Sans doute ce « sacrifice » n’est-il aussi délicieux
que parce que dans son fond révoltant ;
mais, à tout le moins, l’aliénation engendrée
trouve-t-elle sa contrepartie
dans un « désennuiement »
plus ou moins radical du sujet. »
Baldine Saint-Giron
77
CHAPITRE IV
DES CONSTANTES AU MODELE POUR SORTIR DES
CONTRESENS
Vers une systémique constructale des représentations
_______________________________________________________________
Dans les sciences la ligne qui gare un mouvement
est le signe avant-coureur
de la peur de ses gardiens
d’y perdre leurs mises.
Penser les rituels de la pensée.
A propos des représentations et des mythes Ernst Cassirer en 1923 écrivait :
« si l’on pouvait parvenir à une systématique des différentes directions de ce
mode de l’expression, et à déceler ses traits typiques et communs, ainsi que les
graduations particulières et les différences internes de ceux-ci, on
accomplirait alors pour l’ensemble de la création spirituelle l’idéal de la
« caractéristique universelle tel que Leibniz l’a formulé pour la connaissance.
Nous serions alors en possession d’une espèce de grammaire de la fonction
symbolique en tant que telle, qui embrasserait et déterminerait d’une façon
générale l’ensemble des expressions et des idiomes particuliers tels que nous
les rencontrons dans le langage et dans l’art, dans les mythes et dans la
religion ».
Un peu plus tard cette hypothèse de faisabilité, que l’on retrouvera chez
Edward Sapir, sera aussi envisagée par Claude Lévi-Strauss.
Après avoir brassé une masse de données complexes, Claude Lévi-Strauss
parvint à la conclusion qu’un petit nombre de principes simples et universels
permettrait de révéler des cohérences significatives. En privilégiant les notions
d’échange ou de réciprocité et les règles qui les fixent, en tant qu’invariants
mentaux, cette démarche pourrait être suffisamment probante pour
appréhender scientifiquement quelques fondements du tissu social. Dans cet
esprit, suggérât-il encore dans le troisième chapitre d’ « Anthropologie
structurale » intitulé «Langage et société », il devrait être possible de dresser
une forme de tableau périodique des éléments communicationnels, «
comparable à celui dont la chimie moderne est redevable à Mendeleïev » :
démarche qu’entreprendra parallèlement la phonologie contemporaine, ouvrant
ainsi un champ de recherches et de débats féconds.
78
On pourrait toutefois s’étonner de ces passages de relais quasi testamentaires
alors que les vœux de ces sommités ne font en réalité que formuler le cadre
même des problématiques qui devait animer leurs démarches. Constat d’échec
d’une carrière ou espoir que dans un autre paradigme cela fut possible ? La
question vaut d’être posée. Notre point de vue sera de nous placer dans le
cadre de la seconde option en considérant qu’il s’agit d’une mise en garde d
leur part à ceux qui ne se contenteraient que de le citer pour se contenter de
leurs propos.
Mise en garde qui aurait aussi pour objet d’inviter les sciences humaines à
traiter des hommes comme le font les sciences dures des choses…avec la
même honnêteté. Notre objet n’est pas en effet par de doctes explications et
quelques effets littéraires de convaincre en prétendant démontrer. Dans ce cas
nous ne ferions rien d’autre alors que de rejoindre le peloton de ceux qui
projettent leurs espoirs de reconnaissance en collant au plus près des incessants
bidouillages qui animent nos disciplines. L’espoir par le biais des sciences
humaines de trouver dans la pomme de discorde l’origine de nos maux
pourrait avoir pour conséquence de faire de nous des arboriculteurs qui par
greffes successives n’offrions rien d’autre à la communion universelle que ses
pépins. La communication n’est pas une affaire d’œcuménisme et les concepts
que nous véhiculons n’ont pas pour vocation d’être eucharistiques. Aussi
préférons-nous nous contenter du fruit et du serpent en reconnaissant qu’ils
fussent bien à l’origine du passage de la diade [Adam et Eve] à la triade
cognitive [Adam, Eve et l’Arbre de la connaissance] nous invitant ainsi à faire
œuvre de connaissance responsable sans aller chercher ici où là la protection
systématique de pères protecteurs souvent défaillants par leurs épigones.
Une troisième mise en garde vaut aussi à l’égard de mots que nous retenons
pour étayer une démonstration, un concept ou une théorie. Les mots sont en
sciences humaines ce qu’une formule peut être en sciences dures. Ainsi à titre
d’exemple prenons la formule interrogative suivante : « le symbole serait, dit-
on, l’expression d’une unité ». Or il n’en est rien, un symbole est un symbole
qui n’a besoin d’être défini par rien d’autre que par les constantes qui le
déterminent d’autant qu’il apparaît à l’expertise que la nature même du
symbole soit d’être ambivalente. Ainsi donc, à l’encontre de pseudo-
définitions qu’on en donne généralement, le symbole n’a pas pour vocation
d’être unitaire a priori au contraire de ce qu’est l’étendard. Ce denier ne
pouvant non plus être assimilé à un symbole car si tel était le cas je nous laisse
imaginer le bazar sur les champs de bataille au regard de sa polyvalence
interprétative!
Ces amalgames théorétiques pseudo explicatifs sont en réalité d’une extrême
perversité au point de risquer de nous faire prendre des vessies pour des
lanternes, surtout lorsqu’ils renvoient aux « valeurs » pour mieux s’auto-
79
justifier et faire passer le « All we need is love » ambiant. Au prétexte de se
vouloir éclairant, ce subterfuge (souvent enthousiasmant pour le lecteur) n’a
d’autre fonction que celle de camoufler un impensé ou un aspect scotomisé
d’une chose par le paradigme même de l’observateur, voire dans certains cas
de l’occulter lorsque le lecteur ou le destinataire n’est pas en mesure de la
recevoir ou pourrait en être choqué. Le fameux politiquement correct.
Ces secrets de fabrication qui ont une place prépondérante en littérature, hors
tout appui philologique, pourraient bien avoir dans nos domaines scientifiques
pour fonction de mieux placer l’haut-dessus comme préalable. Composer un
axiome à partir d’une tautologie, même au prétexte d’unité, ne fait qu’aboutir
une anamorphose idéologique. Méthode que Zeus employait pour se
débarrasser dans les cieux des gêneurs et qu’on utilise ici bas pour traiter des
dilemmes que nous nous sommes créés en postulant de la valeur comme cause
première alors qu’elle n’est que conséquence de la représentation des portes
que nous ne voulons pas franchir. Certainement une façon de nous rassurer
dans le mouvement du changement faute de l’avoir anticipé. Si nous voulons
traiter des alliances, contentons-nous d’analyser la bague de fiançailles pour
passer de l’idiome poétique à la théorie. En effet, la société n’existerait en tant
que telle non parce que son organisation est symbolisée, mais bien par les
rapports d’intérêts ambivalents que les symboles sous-tendent. C’est
vraisemblablement par ce biais que l’on peut comprendre ce que suggérait
Lévi-Strauss par « les symboles sont plus réels que ce qu’ils représentent ».
Contexte épistémologique
Sur la plupart des phénomènes communicationnels, il existe de nombreuses
approches. Soit que les faits aient été collectionnés à partir de l’observation,
soit qu’ils l’aient été d’un point de vue empirique : le tout fait que des
répertoires immenses sont maintenant constitués. Toutefois, un certain nombre
de notions sont considérées comme acquises sans pour autant entrer dans le
domaine de la métrologie (science de la mesure) permettant de ne les identifier
autrement qu’au travers de la perception qu’en ont les auteurs de référence.
Ainsi peut-il en être par exemple des notions de survivance et de sympathie
mises en avant par Marcel Mauss dans « Esquisse d’une théorie générale de la
magie ».
Notre propos n’est en aucun cas ici d’évacuer les nombreux insights qui ont
jalonné l’évolution des disciplines environnantes aux sciences de l’information
et des communications, du moins ceux qui, en leur époque, ont servi à faire
que les systèmes s’interrogent un temps sur eux-mêmes. Honorer les
précurseurs qui en sont à l’origine consiste à faire fructifier leur héritage, ce
qui est bien différent de s’honorer de leurs références. À la différence d’un
80
titre de noblesse, la Légion d’honneur gagnée au front de la recherche par ces
grands précurseurs ne se transmet pas. Vigilance.
Ayant emmagasiné tant de riches héritages, le temps n’est plus à
l’émerveillement mais à l’ad-miration. Franchir la ligne, traverser le miroir
pour comprendre, derrière le décor comment fonctionne ce théâtre, cette
comédiation humaine. Le projet latent est peut-être que nous ne soyons plus,
en tant que chercheur ou bénéficiaire, la matière première involontaire de cette
comédiation mais que nous devenions plus capables d’être les sculpteurs de
nos propres émotions, les inventeurs de nous-mêmes à partir de ce que nous
sommes et non à partir de ce que l’on nous dit de ce que nous devrions être.
Cela implique, en préalable et pour le moins, une tentative de découverte des
déterminants qui sous-tendent le spectacle du monde pour éventuellement
donner à voir aux acteurs ce qui peut rendre la pièce meilleure : autant la boîte
noire que le système de mécanisme de cette condition humaine cybernétique,
pour espérer passer du drame à la comédie.
Parier sur la modélisation
Paul Valéry considérait que « Nous ne raisonnons que sur des
modèles »…plus exactement à partir de modèles. Cette nuance ajoutée nous
invite à faire la distinction entre deux types de modélisation : celle de
l’observation d’un état et celle de la compréhension du processus qui y conduit
et ou qui le modifie.
L’insistance que nous avons eu à démontrer les risques scientifiques liés à
l’approche cartésienne en sciences humaine trouve sa confirmation par les
constatations de Jean Louis Le Moigne. Dans son ouvrage « Modélisation des
systèmes complexes » il conclut sur la nécessité de récuser la disjonction (ou
le dualisme cartésien) afin d’effacer autant que cela soit possible l’observateur
du phénomène observé. Cela permet aussi de contextualiser le domaine
d’application du « principe d’incertitude » du physicien et prix Nobel Werner
Karl Einsenberg, énoncé en correctif du principe de Huygens. Ce principe se
fonde sur les conclusions suivantes: « un objet énorme du point de vue spatial
peut en même temps avoir une énergie quasi nulle ». Scandaleuse pour l'esprit.
Par exemple les photons mous, et les particules analogues, ne se localisent en
fait que lorsqu'on les observe, au point que certains sont allés jusqu'à soutenir
que c'était l'observateur qui créait la particule. Lorsque nous mesurons la
position d'un électron, celui-ci « est obligé, dit par exemple le physicien
Pascual Jordan, de prendre une décision. Nous le forçons à prendre une
position précise ; auparavant, il n'était, en général, ni ici, ni là ; il ne s'était
pas encore décidé pour une position précise [...], nous produisons nous-
mêmes les résultats de la mesure.».
81
En effet dans le formalisme quantique, la description d’un état requiert non
pas trois paramètres (comme dans la mécanique classique), mais une infinité,
les probabilités de présence de la particule évaluées en chaque point de
l'espace. Autrement dit, on se donne, en chaque point de l'espace, un nombre
compris entre 0 et 1 correspondant à la probabilité de trouver la particule en ce
point. Puisqu'il y a une infinité de points, il y a une infinité de paramètres
En transposant ces notions aux sciences humaines dans le domaine de la
cognition, placer la problématique en terme d’être rend impossible l’analyse
en sorte qu’elle contraint le phénomène à être ce que nous en attendons. Posé
en terme de paraître ou d’avoir (ce qui revient au même) la problématique
devient possible car elle se concentre plus sur le déroulement du phénomène
que sur l’hypothèse d’une cause, rendant de fait l’intervention de l’observateur
moins présente.
Toutefois une distinction majeure doit être opérée entre l’homme et la matière
en ce sens que nous avons cette faculté majeure de pouvoir intervenir sur son
fonctionnement en sorte qu’au terme de la compréhension d’un processus se
pose la question des contraintes que nous pouvons exercer sur elle pour en être
moins dépendant.
Il apparaît donc judicieux de considérer que la compréhension
phénoménologique puisse, tant que faire se peut, être placée en amont de
l’analyse des états. C’est certainement à partir du paraître (processus de
construction) que l’on pourrait mieux comprendre les options que nous
opérons qui nous font être (en un point) à partir d’un environnement mental
imaginaire tellement gigantesque que son énergie est quasi nulle (0). Une sorte
d’antimatière (ou matière noire) dont l’hypothèse vient d’être sérieusement
mise au jour par les astrophysiciens constatant par l’équation d’équivalence
entre la masse et l’énergie (formule de la relativité d’Einstein) n’était pas
constatable à partir seulement de la matière visible qui s’avère insuffisante à
ce rapport d’équilibre.
Pour sortir de la matière noire
Il est tout à fait compréhensible que cette approche perturbe la rationalité
cartésienne ambiante du scientifiquement correct dont on pourrait au
demeurant s’interroger sur le fait qu’elle ne soit pas en elle-même auto
productrice de matière noire. Toutefois il faut bien avouer que dans un monde
moins émotionnel, cette approche ne trouble pas trop les physiciens, car,
comme l'explique Dirac, « le principal objet de la physique n'est pas de
fournir des images, mais de formuler les lois gouvernant les phénomènes et de
les utiliser pour la découverte de nouveaux phénomènes ».
82
C’est pour l’ensemble de ces raisons que pour comprendre le phénomène
représentationnel nous insérerons l’ensemble dans la cadre d’une modélisation
projective trifonctionnelle récursive insérée dans une perspective téléologique
Passer de la sémantique structurale à la sémantique constructale (adossé à la
théorie constructale en thermodynamique des formes) comprise au sein d’une
triangulation (modèle élémentaire) paramétrée « Signifié », « Signification »,
« Signifiant ». Un changement de paradigme.
Si bien évidemment la modélisation de la complexité ne saurait être réduite à
la réitération de tel ou tel modèle rassurant déjà connu, notamment issu des
disciplines dites dures, force est toutefois de reconnaître que ces dernières
peuvent y contribuer, au moins par le biais des démarches qu’elles adoptent
avec succès. Parallèlement, l’analyse des pratiques représentationnelles invite
aussi à nous pencher sur celles que nous utilisons, nous, observateurs,
chercheurs, pour parfois arriver à ce que nos conclusions fussent conformes
aux hypothèses que nous émettions : ces paradigmes dont parle Thomas Kuhn.
Le pari de ces travaux consiste aussi à émettre en hypothèse qu’une
congruence existerait bien entre les pratiques utilisées dans la recherche en
sciences humaines et celles utilisées pour construire nos représentations,
comme susceptibles d’être de même nature et qu’un même modèle puisse
présider aux destinées des unes comme de l’autre du plus petit au plus grand
de la médiation placée au centre d’une complexité. En somme considérer la
complexité comme une affaire de distension (augmentation de la taille ou du
volume sous l’effet d’une tension et ou d’un échauffement) analysable par la
compliance (mesure de la capacité de distension d’un corps).
Cette démarche systémique appliquée à l’élaboration de ces travaux, par ce
regard croisé entre ce domaine de la sémiotique (dont il faut reconnaître
l’empirisme) des représentations et celui apparemment « rationnel » des
sciences, pourraient donner une impression de confusion iconoclaste si les
développements récents de l’épistémologie, de la systémique, de la
cybernétique et de la thermodynamique ne nous y encourageaient.
Mais restons aussi modeste car il est parfois possible de dire vrai sans
forcément penser juste lorsque l’intuition prévaut pour constituer quelques
insights, ces flashs représentationnels qui ouvrent la conscience à la réalité.
Ceux des Pères fondateurs. Leurs concepts princeps ont permis des avancées
considérables à l’époque où ils ont été publiés tout en étant pour partie
déterminés par la culture ambiante. Ils font totalement partie de notre histoire
pour construire nos représentations de demain. Parfois quelques simples
correctifs au points de confusion, ou en allant chercher ceux occultés par le
paradigme initial, suffisent à des projections intéressantes.
83
Le génie de ces Pères fondateurs a consisté à ouvrir des portes et dans certains
cas à battre en brèche des idéologies douteuses. Toutefois, la renommée qu’ils
ont acquise suffit-elle à justifier qu’on érige en dogmes leurs conceptions ?
Est-il concevable qu’en plus d’un siècle, il ne puisse être abordé de thèmes en
sciences humaines sans qu’ils servent systématiquement de références. À ce
rythme, on a tôt fait de remplacer le mot science par celui de littérature.
Bien que l’épistémologie soit considérée comme la théorie de la science,
certains voudraient qu’elle ne le soit pas et la réduiraient à un examen
purement technologique des méthodes spécifiques des disciplines. Par
extension d’autres situent l’épistémologie dans une expérience disciplinaire
très large du savoir qui la déborderait pour espérer en dégager le sens… Or
cette dernière conception ne relève pas de l’épistémologie, mais bel et bien de
la métaphysique lorsque ce mot est pris dans son acception première qui est
celle d’une discipline n’ayant rien d’ésotérique si l’on considère que son objet
n’est pas de traiter de « l’au-delà » mais du transfert des savoirs acquis à partir
de la sagesse de la nature vers la res publica (meta signifiant en grec « ce qui
fait suite ».
En tant que façon de penser la pensée, l’épistémologie peut se féliciter de la
vogue dont elle bénéficie aujourd’hui car cette discipline, notamment par
l’entremise d’Edgar Morin et d’Angèle Kremer-Marietti permet de
comprendre ce en quoi elle est autre chose que le vecteur « des idéologies
scientifiques » dont a parle Georges Canguilhem.
Dans ce métissage théorique auquel se réfèrent notamment les sciences de
l’information et des communications, il incombe aux chercheurs de considérer
que l’hypocondrie épistémologique qui nous environne est en réalité manifeste
d’une interrogation sur les outils de pensée qui président à l’appréhension des
phénomènes qu’elles problématisent. Cela permettrait d’éviter de refonder
sans cesse les frontières alors que le vacillement tient à la fragilité de leurs
propres fondations. A chaque métier ses outils, en sachant que la forme de
l’outil se construit de façon à rendre plus aisée la production à réaliser.
Lorsque la pensée bloque, il faut penser la pensée différemment. La crise des
sciences humaines évoquée par Pascal Lardellier dépend à notre avis autant de
la volonté de découverte des chercheurs que de leur capacité à penser
différemment pour voir autre chose : aller au-delà de la magnificence du
rideau et du génie marketing des auteurs pour comprendre le meta, la suite.
Accepter cette invitation c’est refuser d’être les thuriféraires qui confondent
communication et communion, transpiration avec médiatisation. La
communication est un outil, non un dogme planétairement salutaire servant à
masquer les points de fragilité des impensés d’un système, recul d’autant plus
difficile lorsqu’on s’en alimente. Dans ce domaine la morale du politiquement
84
correcte dicte souvent les conclusions. A titre d’exemple l’émotion créée chez
les adultes à propos de l’émergence des « mangas » dans la littérature
adolescente, a fait écrire à certains spécialistes de la communication,
interrogés sur ce phénomène, qu’il représentait une dérive dangereuse vers des
refuges improbables. Alors qu’au lieu de caresser le lecteur dans le sens du
poil ils auraient certainement mieux pensé en prenant en considération les
conséquences psychosociologiques représentationnelles du rabaissement de la
divinité de l’Empereur du Japon au statut d’homme, lors de la capitulation
sans condition du Japon qui mit un terme définitif à la seconde guerre
mondial. Interrogé sur la disparition de la coercition qui s’en est suivi dans le
système éducatif japonais, pourtant censé initialement être porteur des valeurs
samouraïs, un grand père déclarera entre deux sanglots et en faisant référence
à la fragilisation de l’image de l’empereur: « Mais que voulez-vous y faire ?
Comment voulez-vous que nous soyons crédibles aux yeux de nos petits
enfants alors même que celui dont nous tenions notre crédit a été rabaissé plus
bas que terre ! ».
En conséquence il serait maintenant inapproprié aux nécessaires avancées de
disserter à l’infini sur les thèses de Saussure, Peirce, au sein d’un tiraillement
entre Leibniz et la posture préconisée par Rastier, tout en rejetant le
déterminisme à tord attribué à Shannon concernant la théorie de l’information
que l’on voudrait incompatible, au non des valeurs avec l’image que l’on doit
se faire de l’homme. [Ouf !]. Et ce n’est certes pas en accumulant
élogieusement leurs noms en notes de bas de page pour nous en faire les
héritiers et affermir a priori une crédibilité qu’il soit possible dans ce contexte
thuriféraire d’y voir plus clair.
La médecine a vécu de ces discussions jusqu’au moment où Pasteur découvrît
que la génération spontanée était une chimère. Pour cela, il a dû associer la
cristallographie, la chimie et l’optique pour conclure que dans ses
découvertes : « Il n’y a ni religion, ni philosophie, ni athéisme, ni matérialisme
qui tienne... Tant pis pour ceux dont les idées philosophiques sont gênées par
mes études. »
Dès lors on quittera le monde des hypothèses alchimiques pour pénétrer dans
celui de l’observation distanciée, dans celui de la découverte par
l’expérimentation et la mesure. Le passage d’un paradigme à un autre.
Toutefois, dans nos domaines il conviendrait de manifester à l’égard de l’axe
de neutralité wébérien, qui s’en inspire, une certaine réserve comme devant
plus être plus une conséquence de l’observation que son préalable. De
l’angoisse à la méthode… dirait G. Devereux.
C’est dans ce contexte qu’après avoir valorisé son image, les sciences de
l’information et des communications peuvent envisager de pouvoir développer
85
leurs recherches en s’appuyer sur un Thinking model conforme à ses
ambitions : The winner takes all.
De la nécessité d’une cartographie paramétrée en communication
Dans ses études, le linguiste Edward Sapir suppute l’existence « d’un code
secret et compliqué, écrit nulle part, connu de personne, entendu par tous »,
laissant ainsi entendre qu’il existerait bien une logique sous-jacente dans la
communication dont il conviendrait d’en révéler le programme pour en
comprendre les règles de fonctionnement. Il est toutefois vraisemblable
qu’Edward Sapir aurait pu le déceler lui-même s’il n’avait adjoint au substantif
code le qualificatif de compliqué. En effet, la complexité d’un code tient
toujours à la résistance qu’il oppose aux tentatives de décodage et non à son
utilisation, faute de quoi il serait inopérant. Une telle mise en évidence devrait
permettre de satisfaire à cette capacité de prévision dont tout chercheur doit se
prévaloir. Si l’observateur a convenablement saisi le système interactionnel
qui règle le jeu des participants, il est alors capable de prévoir le mouvement
quelques instants (au minimum) avant son occurrence effective. Si cela est
possible, cela signifie qu’il dispose de la compétence pour anticiper le
déroulement futur des interactions.
Or l’on sait que Ray Birdwhistell a définitivement renoncé à faire émerger la
grammaire de la structure, et que de la même façon Paul Watzlawick a
implicitement conclu que les méthodes de recherches disponibles étaient par
nature inadéquates : cela doit-il signifier que toutes recherches sur les
interactions seraient irrémédiablement vouées à l’échec ? Selon cette même
« logique » les constats suivants pourraient apparaître consternants s’ils
n’étaient indicateurs de sens à donner à la recherche vers la découverte :
- Renaud Sainsaulieu déclare dans Méthode pour une sociologie de
l’entreprise que « les recherches les plus récentes sur les organisations nous
montrent à quel point la société dans laquelle elles s’insèrent influence
l’entreprise. Le risque est maintenant de parler de l’entreprise d’une manière
générique et une typologie reste à définir ».
- Dans Interrogation éthique, atelier : Questions transversales : épistémologie,
communication, complexité, Denis Benoît conclut durement : « Aujourd’hui, le
constat nous paraît manifeste : les sciences de l’information et de la
communication ressemblent plus à un patchwork d’études appariées qu’à un
domaine de recherche homogène. »
- Dans Les Nouvelles Sciences de l’homme et de la société (octobre 1997),
Jean-Louis Le Moigne écrit : « La sociologie se découpe en industrielle,
rurale, urbaine, organisationnelle, juridique, sociologie des religions, du
86
troisième âge et même sociologie des sciences, la géographie, l’histoire,
l’anthropologie, la linguistique, la sémiologie, la philosophie… Chacun veille
à spécifier son petit domaine en termes de compétence (se dispersant en 10 ou
20 disciplines rivales) qui sera vite son pré carré, dans lequel seuls quelques
collègues cooptés pourront se promener en liberté. Chacun raconte des
anecdotes sur les conséquences désolantes de cette diaspora. La prégnance de
l’analytique cartésien qui nous invite à « toujours diviser en autant de
parcelles qu’il se pourrait » est telle que nul n’ose s’en libérer
ostensiblement. »
- Dans Science de l’information en question, J-M Salaün (Cersi) synthétise la
situation des sciences de l’information et de la communication en considérant
que « sa pérennité s’explique en grande partie davantage par la volonté
identitaire des chercheurs et des praticiens que par la rigueur scientifique, cette
caractéristique étant d’ailleurs largement partagée, selon lui, par l’ensemble de
la section universitaire ». Et de conclure : « un travail plus important sur les
fondements de la discipline nous paraît urgent. Les forces centrifuges
l’emportent sur les forces centripètes. Il serait paradoxal qu’au moment où les
technologies de l’information envahissent le social, les sciences du même nom
n’arrivent pas à s’affirmer ».
- La seule chose souvent retenue sur la théorie de la communication de
Shannon est la distinction opérée entre émetteur, récepteur, canal, message. Ce
schéma, mille fois repris, a plus souvent été critiqué que développé car
considéré comme étant par trop réductionniste. Pourtant, le langage
informatique en est issu… et constitue maintenant une culture. Il n’y a pas de
science sans la recherche d’une certaine unité, au sein des phénomènes
observés, par définition simplificatrice. Posés comme préalables scientifiques
les concepts tournant autour de la complexité ne peuvent que confiner à une
littérature abondante, qui est exaltation des émotions, non à la science.
- Dans cette même gamme, dans « Pierre Bourdieu et le changement social »,
Laurent Mucchielli cherche révérencieusement à tourner la page de la
sociologie en tentant élégamment d’évincer la pensée de Bourdieu comme
étant représentative d’un système fixiste, d’un système de la reproduction et
non de l’évolution compte tenu, dit-il, du contexte marxiste des années 55-65
au sein duquel Bourdieu continuait de penser que le but de la recherche était
de découvrir les invariants transhistoriques ou les ensembles de relation entre
structures relativement stables et durables. Aux thèses de Bourdieu Laurent
Mucchielli, pourtant féru systématicien, opposera l’hypothèse strictement
conceptuelle et en vogue du « changement » qu’il impute, sans plus de
démonstration, au rôle conscient des acteurs. Il faut espérer que cette
hyperbole n'avait pas d’autre objet qu’un positionnement identitaire au risque
contraire de laisser à penser qu’une systémique fût possible ex nihilo.
87
Entre les Trissotin qui dénaturent la complexité, les Diafoirus prétentieux qui
la réduisent à une hyper complication, et les Homais qui ignorent l’épaisseur
du réel (p. 58 de l’ouvrage d’Edgar Morin : Pour entrer dans le XXIe siècle),
Jean-Louis Le Moigne considère que « la pensée d’Edgar Morin aide à
entendre la complexité au cœur de nos perceptions quotidiennes du réel et
surtout au cœur du problème de l’action politique. La philosophie,
l’épistémologie, la sociologie, la communication font lien et sens vers une
destination qui est celle des arbitrages conscients par anticipation ». Enfin une
ouverture ! Mais qui reste pour le moins incantatoire.
- Dans son article paru en octobre 1997, « Écologie de l’action, utopie
réaliste », Jean-Louis Le Moigne déclare en faisant lien avec Edgar Morin :
« Il faut pourtant prendre le risque d’une interprétation anticipatrice : n’est-ce
pas la fonction de la science la plus demandée par la société ? L’aider à
anticiper sinon à prévoir ? Dans ce sens, E. Morin dit volontiers que la science
doit être une « écologie de l’action ». Si l’état de l’art est impossible, certaines
lectures des tendances restent possibles. Il en est certes plusieurs qui
correspondront aux projets et aux croyances des interprètes. Les conservateurs
assureront que ce bouillonnement contemporain n’est qu’effet de mode, et que
l’on en reviendra bientôt aux bonnes vieilles disciplines positivistes qui
assurent le statut des mandarins et des conseillers des princes. Les
progressistes proposeront une lecture plus passionnante de cette évolution des
sciences en général et des sciences humaines et sociales en particulier. Le
renouvellement et la critique épistémologique interne qu’elles suscitent et
subissent aujourd’hui, dès l’instant où elles assument leurs interactions avec la
société (au lieu, disait déjà Goethe, de s’enfermer dans ces « vieilles
forteresses inviolées » que sont leurs académies), peut-être voulu et préparé au
lieu d’être refusé. Ce « possible » n’est plus aujourd’hui utopique, ou plutôt il
est « utopie réaliste », les cinquante dernières années de l’histoire des sciences
nous le confirment. Il importe dès lors que, dans ce « champ des possibles »,
les projets sociaux s’élaborent dans une interaction permanente de tous les
citoyens (... et plus des seuls mandarins) : la reconstruction de l’interaction
fondatrice « du Savoir et du Faire », « d’Épistémè et de Pragmatiké »,
devraient être aujourd’hui inscrite sur chacun de nos agendas, ceux des
citoyens, des entreprises, des élus et des gouvernants. »
L’ouverture se précise. Elle reste néanmoins incantatoire et quelque peu
manipulatoire. L’objet des sciences humaines et sociales consiste-t-il en
l’élaboration de projets citoyens ? Dans l’affirmative, ces disciplines devraient
alors être considérées comme étant les créneaux des citadelles politiques et
prendre la dénomination de praxis.
88
Selon Bergson, les paradoxes de Zénon doivent être vus comme les
symptômes des errements de l’intelligence quand celle-ci cherche à penser le
mouvement comme une succession d’immobilités.
Prométhée contre Épiméthée
C’est donc dans le contexte d’une maïeutique forte en tant que conséquence
positive d’un environnement épistémologiquement fragile que nous posons la
problématique des représentations dans ce champ interdisciplinaire des
sciences de l’information et de la communication. Il serait d’ailleurs préférable
de parler des communications plutôt que de la communication. Pluriel que
nous n’affectons par au mot information le considérant comme univoque au
regard du message qui est la résultante d’un brassage de liaisons
représentationnelles.
Au regard de toutes ces déclarations et de ces prises de position, une question
se pose : « Ne serions-nous pas si loin que cela des discours religieux et des
querelles théologiques sur le sexe des anges ? » L’épistémologie en sciences
humaines viendrait-elle se substituer aux objets d’un culte que pourtant elle
rejetterait : ostensoirs et autres encensoirs, entre idéalisation et écran de
fumée ? De même pouvons-nous croire que dans cet environnement incertain
l’observateur soit si distancié que cela de l’objet de son observation, en sorte
que s’interroger sur les représentations ne serait pas si éloigné d’une
problématique similaire posée épistémologiquement à propos des sciences
dites souples ?
En effet, ces sujets ne poseraient que des difficultés relatives si le domaine
était circonscrit, les références validées et les orientations connues. Or, qu’il
s’agisse des maîtres ou d’humbles chercheurs, force est de constater que la
discipline est loin de faire l’unanimité en son sein. La responsabilité n’en
incombe certes pas à un manque de volonté des protagonistes puisque
l’engagement est réel. Il semblerait en réalité que les difficultés auxquelles ils
se heurtent soient imputables à un manque de compatibilité des outils, souvent
empruntés à d’autres disciplines, ainsi qu’à des prérequis invalidants, parfois
idéalistes. Tel peut être le cas du triangle ou du carré sémiotique. Une paire de
jumelles est faite pour rapprocher. En inversant leur sens, on ouvrira le champ
mais au lieu de se rapprocher de l’objet concerné, on s’en éloignera. C’est
ainsi qu’on aboutit à des visions cénesthésiques alors qu’elles se voulaient
initialement analytiques. Outils théoriques ou théorétiques ?
Plus un système vivant est autonome, plus l’équilibre de l’écosystème qui
l’environne en dépend, car moins il dépend d’épiphénomènes plus sa capacité
d’intervenir sur les constantes est grande, en même temps que se développe
son champ de perception sur les interdépendances, « lesquelles constituent très
89
exactement les dépendances qui sont les conditions de la relative
indépendance » (Edgar Morin, Le Paradigme perdu) : phénomène de
conscientisation que l’on nomme complexité.
Alors que Edward Sapir pose bien la problématique scientifique du décodage
dans les disciplines dites souples, on lui oppose le renoncement de Ray
Birdwhistell, en allant chercher la caution de Paul Watzlawick qui déclarait
que « les méthodes de recherche disponibles sont de nature inadéquate », pour
prétendre, par ce biais, en justifier l’infaisabilité au nom de la complexité et en
s’appuyant sur une interprétation fallacieuse et détournée du « principe de
Werner Heisenberg ». Or Paul Watzlawick ne pose pas le problème de la
faisabilité ou de l’infaisabilité, mais simplement celui de la méthode
permettant de théoriser.
Dans ce même contexte, Renaud Sainsaulieu, après de nombreuses années de
recherches exploratoires servant de bases théoriques à certains laboratoires
dont les études portent sur le changement des organisations, prend conscience,
au terme d’une carrière riche en engagements, de l’influence déterminante des
facteurs environnementaux qui conduiraient, écrivait-il, « à reconsidérer
l’opérationnalité du postulat déterminant attribué au rôle conscient des
acteurs » que propose Laurent Mucchielli pour s’opposer aux invariants
transhistoriques de Bourdieu. Au moment où Sainsaulieu rejoint Bourdieu sur
le même registre de préoccupation que Sapir, on leur oppose le concept du
changement comme étant décisif, sans en préciser ni la nature, ni les causes, ce
qui revient à orienter les recherches à nouveau sur la seule observation et sa
caravane zénonienne d’hypothèses médiatisées que les Grecs nommaient
dêmagôgos. Toutes proportions gardées, n’assisterions-nous pas à des
résurgences dogmatiques au sein de certains domaines des sciences humaines,
en plus de devoir ritualiser les idées qui appartiennent aux représentations
orchestrées de ceux qui font autorité, lesdites idées reposant plus sur leurs
notoriétés que sur la valeur scientifique de leur démarche ?
En déclarant que la recherche est une tournure d’esprit, Pierre-Gilles de
Gennes nous fait entrevoir la marche à suivre : « Ne pas chercher d’abord le
marteau-pilon pour écraser la noisette, mais voir auparavant si, sur l’enveloppe
de la noisette, il n’y a pas un indice qui permette de l’ouvrir » (Les Objets
fragiles, Plon, 1994).
Cette métaphore nous invite à privilégier une démarche d’inventeur à celle
d’une posture de recherche, à travailler sur le réel pour ensuite réfléchir sur ce
qu’est la réalité et son sens. Non l’inverse. Tout cela n’est pas une affaire de
pure création (d’un hypothétique nouveau modèle) mais d’innovation (avec
deux « n » comme signifiant une intervention consciente à l’intérieur des
constantes du mouvement). Cela implique d’exercer à l’égard du principe de
90
précaution éthique et autres lubies phlogistiques, celui de placer la création en
aval de la découverte. La connaissance, comme le dit Edgar Morin, est une
navigation dans un océan d’incertitudes à travers des archipels de certitudes.
Nous sommes des terriens et l’océan n’a d’intérêt que pour trouver des
territoires nouveaux. Ainsi la connaissance du milieu marin est-elle un moyen
et non une finalité, faute de cela nous aurions tôt fait de nous muter en
poissons. Et ce n’est pas en cherchant à inventer le sous-marin que nous
résoudrons les problèmes que pose la navigation à voile.
On reconnaît par science un ensemble cohérent de connaissances relatives à
certaines catégories de faits ou de phénomènes obéissant à des lois et /ou
vérifiées par les méthodes expérimentales. L’observation des faits implique la
recherche des causes sur lesquelles l’accroissement des connaissances acquises
par regroupement permet l’établissement de théories qui orientent pour un
temps la connaissance et les actions humaines. Dans les dîners en ville
Épiméthée fera table ouverte sur sa posture de recherche, faisant oublier dans
l’euphorie des aphorismes que sa mascarade n’est rendue possible que parce
que Prométhée était aux fourneaux.
Une posture de découverte philologique constructale
Dans Science et hypothèse Henri Poincaré décline ainsi le rôle de l’hypothèse
dans la science : « Les unes sont vérifiables et, une fois confirmées par
l’expérience (même cause, même effet), elles deviennent des vérités fécondes.
Les autres, sans pouvoir nous induire en erreur, peuvent être utiles en fixant
notre pensée : d’autres, enfin ne sont des hypothèses qu’en apparence et se
réduisent à des définitions ou à des conventions déguisées. »
On peut considérer, comme l’écrit Edgar Morin, que la dialectique est un art,
non une logique, et le suivre lorsqu’il développe cette maxime en déclarant
que c’est l’efficacité de la pensée qui assume les systèmes de pensée
contraires, non par amalgame électrique, mais par tensions polarisantes, et
ainsi considérer que cette efficacité même se trouverait, comme il le suggère
ailleurs, mais simplement au sein d’une pensée systémique constructale.
La définition de Poincaré et la métaphore de Pierre-Gilles de Gennes
s’appliquent en tous points aux exigences des sciences de l’information et des
communications à sa jonction entre anthropologie, linguistique, sémantique,
sémiologie, histoire et littérature : point où pourrait se situer la philologie pour
aller chercher l’insight dans la gestalt issue de travaux de Georges Dumézil,
susceptible de développements théoriques vers une approche constructale des
communications. En somme, la troisième voie épistémologique après le
géocentrisme et le cartésianisme pour éviter le recours aux phlogisticiens.
91
Selon la définition qu’en donne le professeur aux universités Paul Zumthor,
« Dans son acception la plus générale, la philologie peut être considérée de
trois points de vue : elle vise à saisir, dans leurs manifestations linguistiques, le
génie propre d’un peuple ou d’une civilisation et leur évolution culturelle ; elle
résulte de l’examen des textes que nous a légués la tradition en question ; elle
embrasse non seulement la littérature, mais tout l’écrit. Dans la pratique, la
philologie tend à se ramener à l’interprétation textuelle des documents. On
peut donc dire à la fois qu’elle est et qu’elle n’est pas une discipline
particulière : elle l’est, dans la mesure où elle traite de questions bien distinctes
(ainsi, l’histoire des manuscrits d’un texte, la comparaison critique des
variantes) ; elle ne l’est pas, dans la mesure où toutes les questions dont elle
s’occupe constituent les éléments d’un système compact, le passé humain, en
tant que nous cherchons à le comprendre dans le présent. ». Mémoire de
représentation.
La philologie est intimement liée à une conception de la continuité historique.
Elle se fonde sur l’idée d’une société rassemblée par le lien du langage et dont
l’existence englobe la durée entière d’une tradition. En ce sens, il est
indéniable que la philologie puisse être un point d’ancrage sur les constantes
clefs qui régissent notre vision du monde et les rapports sociaux qu’elle induit.
Plus généralement, la synthèse des découvertes fait apparaître des constantes
qui dégagent un paradigme civilisateur et pour ce qui nous concerne, celui de
la civilisation européenne gréco-latine, telle qu’elle s’est maintenue, avec une
certaine cohérence jusqu’au XIXe siècle, pour aboutir de nos jours à la
conscience des interdépendances dans la complexité.
Georges Dumézil : une philologie des constantes anthropologiques
L’exploration comparative des expressions culturelles par Georges Dumézil a
mis au jour l’unité trifonctionnelle de notre pensée selon laquelle la société
assure sa pérennité en s’adaptant aux nécessités du changement par tensions
polarisantes inter agissantes au travers des trois fonctions suivantes : la
souveraineté, la force et la fécondité. Observation faite dans le large cadre de
la civilisation indo-européenne. En l’absence de démenti ou de démonstration
contraire par les tenants du culturalisme nous considérerons les conclusions de
Dumézil comme faisant partie intégrante de la structure cognitive de
l’humanité. Ce trifunctionalia constitue le paradigme de référence à partir
duquel se structure la dynamique sociale et l’ensemble des processus de
régulation, du général au particulier, assurant ainsi au système une relative
stabilité de son unité dans le temps. Cette trifonctionnalité constitue le modèle
initial élémentaire (l’indice qui permet d’ouvrir la noix… de Pierre-Gilles de
Gennes) d’une gestalt qui se forme par succession du même modèle de
référence et dont les variantes, toujours trifonctionnelles, constituent ce que
nous appelons « la complexité » (au plus simple des variations dans un rapport
92
de 7 puissance 3 que nous développerons ultérieurement) C’est dans ce cadre
cognitif que se construisent les représentations et les formes d’expression
qu’elles déclineront. Elles se construisent au point de fragilité d’un système
lorsque les impératifs extérieurs contingents ne peuvent trouver réponses dans
les seules ressources existantes du langage disponible. Le langage est donc la
conséquence constructale d’une synergie des interactions entre l’intérieur et
l’extérieur au sein d’un cheminement chrono-holistique (dont l’état à un
instant donné correspond à l’itinéraire de son histoire).
Autant que nous le sachions, aussi surprenant que cela puisse paraître, cette
découverte fondamentale n’a jamais fait l’objet de démarches
complémentaires vers des applications dans le domaine des sciences humaines
et sociales, pas plus que dans l’approche de la complexité, du changement et
de la cognition.
Pourtant, la solidité de la découverte ainsi que la congruence des immenses
travaux de Georges Dumézil permettent une ouverture fondamentale, pour ne
pas dire révolutionnaire dans l’approche des phénomènes sociétaux et
communicationnels. Le principe trifonctionnel, en tant que constante
constructale, représente sans conteste une cassure épistémologique aux
conséquences comparables à celle de la conception galiléo-newtonienne du
monde qui rompait avec la tradition aristotélicienne. Ainsi et par le biais de cet
outil holistique avons-nous plus de chances d’aboutir qu’en opérant par
syllogisme ou cartésianisme (dont on connaît les avantages mais aussi les
limites).
Parmi les procédés utilisés pour développer le savoir humain, la méthode
expérimentale, parfois qualifiée de scientifique, d’analytique ou de rationaliste,
semble celle qui a eu l’impact le plus important en Occident. Le savoir obtenu
par cette méthode peut être qualifié de scientifique. Cette approche rigoureuse,
contrôlable est susceptible de remises en question continuelles dans ses
principes, ses lois et ses théories. Un « systémiste » serait tenté d’affirmer que
la méthode scientifique est un système d’apprentissage doté d’un sous-système
autocorrectif qui lui permet de vérifier la véracité, la transférabilité des
connaissances qu’elle produit.
Selon Checkland (1981), la méthode s’appuie sur certaines règles : «…La
diversité et la complexité de la réalité peuvent se réduire par le biais
d’expériences dont les résultats seront validés par leur récurrence, et la
connaissance peut s’obtenir par la réfutation d’hypothèses... La
caractéristique essentielle de la science est sa méthode réductionniste. » Le
Moigne (1977) renforce cette position en affirmant que « le précepte du
réductionniste est devenu synonyme de la méthode ». Il constitue pour
plusieurs chercheurs (Checkland, 1981 ; Commoner, 1972 ; Fourez, 1974 ;
93
Kerlinger, 1964) le fondement même de la méthode expérimentale. Ce
précepte est basé sur une conception de la science selon laquelle « il serait
impossible de parvenir à comprendre les systèmes complexes si l’on n’avait
pas commencé au préalable par isoler les diverses parties qui les composent »
(Commoner, 1972).
Pour Daniel Bougnoux, les impératifs de la communication tendent à
conditionner le contenu informatif ; la vérité de l’énonciation à se substituer à
celle de l’énoncé ; les raisons subjectives à la raison ; les vérités sensibles ou
affectives aux certitudes et aux réalités. La montée en puissance des médias,
conclut-il, provoque un reclassement des valeurs, dans la mesure où la
communication, agissant comme un solvant universel, découple la liaison être-
paraître pour subordonner l’intériorité à l’apparence. A l’opposé de ces
déviances la communication peut aussi être un instrument puissant au service
d’un objectif autre qu’elle-même. « Il faut surtout », écrit l’auteur de Médias et
Sociétés, « communiquer mieux, mettre véritablement les hommes en relation,
se défaire de la séduction superficielle des artifices pour exploiter ce
formidable instrument de savoir et de mise en relation que peuvent être les
médias. » Ainsi délivrée des pièges de la communication, l’information
devient, selon Bougnoux, « la mesure de toute chose, la valeur par excellence,
celle de l’ouverture, vers le futur, vers les autres.». Incantation, dirions-nous,
qui doit trouver son modèle pour se justifier pleinement afin que l’appel aux
valeurs soit autre chose que la ritualisation intellectuelle des conséquences
d’un constat d’impuissance. Zeus envoyait au firmament ceux d’entre les
dieux qui lui résistaient.
En vertu d’un principe pratique qui définit ce qui est objectif par ce qui sert à
l’objectif, nous placerons notre démarche non dans une perspective visant à
définir ce que sont les représentations comme devant être éventuellement les
garantes d’une unité, mais plus concrètement à cerner les processus qui les
engendrent pour ensuite chercher ce à quoi elles servent au travers des formes
qu’elles prennent et comment ces formes communicantes influencent les
interactions jusqu’à entraîner des changements sociaux profonds. C’est ainsi,
nous semble-t-il, qu’il serait possible dans une troisième phase de se poser la
question des valeurs qu’elles véhiculent, de la morale qu’elles dégagent et de
l’éthique qui en résulte. En somme cartographier après avoir mesuré, ce qui
implique en amont de disposer des outils qui le permettent. En somme,
essayer, après avoir contextualisé, de comprendre, par la modélisation quelles
sont les perspectives qui animent fondamentalement notre système
sociocognitif.
Bien que notre démarche critique à l’égard de certaines disciplines puisse être
perçue au premier abord comme déstructurante (déconstruction), elle s’avère
être de toute première importance pour échapper à certains rituels
94
intellectuellement convenus qui rendent difficile le passage du comment au
pourquoi. Cette posture syncrétique ne peut dès lors être considérée comme
idiosyncrasique ou volontairement iconoclaste : la congruence est dans le
domaine scientifique un indice sérieux de validation.
Dégagées d’une forme d’angélisme qui auréole notre discipline, où le
questionnement dans la recherche semblerait être mieux valorisé que les
tentatives de réponses par la découverte nous espérons ainsi faire œuvre utile
en ouvrant une piste nouvelle d’investigation anthropologique.
La trifonctionnelle constructale : une phénoménologie trikãlienne
Cette approche que l’on peut définir comme étant « systémique
trifonctionnelle hystérétique constructale » offre aussi des avancées
métrologique non négligeables dans de nombreux domaines en sciences
humaines. La loi constructale est le principe fondateur selon lequel peuvent
être déduits, donc anticipés, des phénomènes d'auto-organisation, d'auto-
optimisation et d’adaptation aux influences extérieures. En effet pour qu’un
système de flux puisse persister dans le temps, il doit changer sa configuration
de telle sorte qu’il procure un accès plus facile aux courants qui le parcourent.
Elaborée selon les principes de la géométrie et de la thermodynamique, les
implications communicationnelles, sociétales, philosophiques, interculturelles
et théologiques de la théorie constructale sont innombrables. Cette approche
phénoménologique appelée ici « trikãlienne » permet d’effectuer les liens de
cohérence qui manquaient entre cybernétique, systémique, médiation et,
paradoxalement, déconstruction. Elle montre que l'idée d'indétermination du
sens au stade initial, comme un bourgeonnement, est en réalité une phase de
détermination de la forme qui suivra et fera sens selon un même modèle
trifonctionnel. Le mot Kãla est issu du sanskrit désignant à la fois le temps et
le laps mais aussi le grossissement et l’intérêt. Dans ce cadre les formes
communicantes ne sont pas le fruit du hasard mais se constituent et se
complexifient autour et à partir d’un même modèle trifonctionnel, appelé
« Trikãla », constante anthropologique, démontrée par Georges Dumézil. Le
modèle trikãlien permet d’appréhender le mouvement à l’intérieur duquel
opèrent les approches cartésiennes en recherche de stabilité. Cette logique déjà
suggérée dès 1985 rejoindra celle émise par le thermodynamicien Adrian
Bejan, inventeur de la Loi constructale une dizaine d’années plus tard. Les
sciences de l’information et des communications disposeront dès lors d’un
outil conceptuel métrologique issu de l’interdisciplinarité.
Mesurer est une activité dont l'existence est attestée dans toutes les sociétés
historiques, et il est assez surprenant de constater que ce n'est que dans un
passé relativement récent, au début du XXe siècle, que la réflexion
mathématique a commencé à en établir une théorie claire et cohérente.
95
Pour aborder sérieusement le cadre métrologique que nous évoquons, il faut
tout de suite remarquer qu’on ne perçoivent pas le sens qu'il faut exactement
donner au mot « mesurer », ni même si on peut vraiment lui donner un sens,
bien qu'on ait l'impression qu'une bonne conception de la mesure puisse être
l'origine de progrès décisifs. Ce retard peut trouver en partie son explication à
l’intérieur même du paradigme dualiste qui fait confusion entre ce que l’on
mesure d’une part et l’échelle avec laquelle on mesure ce qui implique d’avoir
conçu clairement ce qui lie donc en amont d’avoir déterminer les éléments qui
interagissent non comme des ensembles mais comme des schèmes
indépendants, distinctes et constants. Une simplification qui n’a rien de
simpliste lorsque l’on remonte les degrés d’échelle.
A la différence des modèles compréhension, interprétations, explication, et
ceux de nature axiomatico-inductif-pragmatique, ce modèle de représentation
opératoire se doit d’être factuel dans l’espoir ; comme le dit Edgar Morin,
« qu’il réponde à l’état concret des connaissances et aux besoins réels des
gens, c’est-à-dire aujourd’hui de savoir affronter l’incertitude, d’être
conscient de la complexité de ce qui nous entoure, de se sentir citoyen de ce
monde, d’être capable de compréhension d’autrui et de constructions
conscientes ». Cette compréhension, pour ne pas être une affaire de bonnes
intentions, passe par la connaissance des processus qui conduisent à
l’apparition de phénomènes, non pour les expliquer rétroactivement et réagir,
mais surtout pour les anticiper et le cas échéant de les rendre plus favorables à
notre condition humaine. Une affaire de prophylaxie capable d’éviter les
conséquences de l’inscience par la conscience, qui est science partagée,
laquelle passe par la communication qui signifie « charge partagée ».
On déclame de plus en plus volontiers « que la chose est complexe », parfois
pour éviter d’expliquer ce qu’on n’a pas compris, ce qui confère à ce mot,
comme à celui de médiation, un caractère magique.
Pour éviter cette dérive et la gouroumania qu’elle orchestre, il faut effectuer
un véritable renversement et montrer que la complexité est un défi que l’esprit
doit et peut relever par la simplicité qui serait à son origine, sachant que la
simplicité détient en potentialité les gènes de la complexité : « Aussi vrai que
dans la vie réelle un et un font trois, que c’est de la rencontre que se font les
naissances et que c’est comme cela depuis la nuit des temps : alors autant faire
avec. »
96
Un modèle trifonctionnel des phénomènes communicationnels
La construction d’un modèle d’analyse des représentations (modèle
compréhension) sera donc issu d’une conception trifonctionnelle que nous
nommerons trikãlienne en extension autant que par complémentarité aux
approches cartésiennes (parfois manichéennes) dont nous avons souligné les
limites dans les problématiques sociétales et cognitives. La déclinaison d’un
modèle trikãlien doit aussi permettre de mieux cerner les processus de
médiation et ceci indépendamment de la nature des creusets observés dont les
fards peuvent faire illusion sur les distinctions que nous opérions a priori.
Ayant procédé à cette analyse par le biais de la modélisation à partir de
structures élémentaires simples, le transfert des données sera étendu aux
structures représentationnelles plus complexes. Le tout permettra, en intégrant
les fluctuations de leurs environnements extérieurs, de décoder ce que l’on
appelle le changement et de percevoir comment les représentations circulent
Disposant d’un référentiel d’observation objectif (toujours par rapport à
l’objectif) il sera permis de façon plus aisée d’analyser les questions relatives
au sens et à l’éthique dans les représentations qui se trouveront ainsi posées au
sein même du mouvement dans la complexité.
Mais avant cela la question des représentations épistémologiques doit être
posée car il conviendrait de définir à partir de quel paradigme scientifique
procède une discipline pour aboutir aux conclusions qu’elles transmettent à la
société.
Pour acquérir plus d’acuité, il faut au point de départ faire la distinction entre
valeurs académiques et valeurs scientifiques. La valeur académique repose sur
un consensus, les valeurs scientifiques sur l’utilité par applicabilité de mêmes
causes identifiées conduisant à des conséquences prévisibles et
métrologiquement (science de la mesure) contrôlables dans une probabilité
admissible. Une académie n’est donc pas obligatoirement par définition
scientifique, quand bien même serait-elle universitaire. Elle peut se constituer
autour d’une prescience du sens dans l’espoir de le devenir. L’académie serait
alors assimilable à un « signe », un numen. La première (le signe) repose sur
des hypothèses communément admises, la seconde (le sens, ou nomisma) sur
des conclusions opérationnelles fonctionnant indépendamment de leurs
concepteurs. Nomisma indique en grec ce qui est consacré par la loi, nummus
désignant une monnaie de Tarente.
97
Situer un paradigme de pensée dans la recherche
Dans Logiques sociales dans le raisonnement (1993), Willem Doise, faisant
référence à Kelley pour définir le modèle rationnel, postule que l’individu,
disposant de plusieurs informations, organise celles-ci selon un plan d’analyse
de variances pour détecter les liens entre causes et effets : le consensus, la
constante, la spécificité.
Ces paramètres issus des expérimentations de Kelley peuvent être qualifiés de
probants puisque toutes les autres composantes tournant autour de la
problématique des logiques sociales dans le raisonnement sont susceptibles
d’être intégrées et regroupées dans ces trois sous-ensembles fondamentaux. Ce
processus de paramétrage effectué par tamisages successifs est celui opéré en
chimie lorsqu’il s’agit de définir un corps complexe en isolant ses molécules
essentielles au point de pouvoir le reconstituer (produit de synthèse)
ultérieurement.
Partant de cette hypothèse trifonctionnelle (conforme à la trifonctionnalité
dumézilienne), nous pouvons retenir consensus, constante et spécificité
comme étant les critères fondamentaux (pôle inter agissants) permettant de
définir les grandes tendances scientifiques. Nous obtenons alors le modèle
trikãlien systémique des postures de sens (non cartésien, non linéaire) puis des
cadres conceptuels d’une science et des espaces transactionnels que cette
dernière peut occuper au long de son histoire. Le trikãla des attitudes
épistémologiques se définit à partir des sommets suivants :
- le consensus comme étant un accord préalable de conventions
réciproques, d’assujettissements acceptés, sur des bases consensuelles
(unitaires) du simple consentement des parties sans que la
manifestation de ce consentement soit soumise, du moins dans un
premier temps, aux contraintes de l’expérimentation afin d’éviter les
objections. En somme, un accord d’union susceptible de garantir la
cohésion vers un sens pressenti (sens unificateur). Un consensus peut
être assimilé en épistémologie à idiome, et dans sa dimension plus
évoluée à un postulat.
- la constante comme étant une fonction qui donne à tous les éléments
de l’ensemble de définition la même unité d’image : un axiome.
- La spécificité comme étant une dysfonction qui fait varier les éléments
d’un ensemble initialement constant rendant instable l’image initiale et
qui trouble l’effet escompté d’une constante, constitutif de lois qui
recentrent à la fois sur la constante tout en ouvrant vers une
phénoménologie plus syncrétique.
98
En liant consensus et constante, on obtient l’axe du modèle. En connectant
l’axe de la constante et de la spécificité, on obtient l’axe de la novation et en
connectant l’axe du consensus et de la spécificité, on obtient le concept. La
connexion entre les trois pôles, consensus, constante, spécificité, barycentre les
interactions en convertissant le modèle, la novation et le concept en un système
scientifique opérationnel et pérenne (synergie : innovation).
Il faudrait donc entendre par système l’ensemble cohérent et congruent de
concepts, de modèles et de novations qui conduisent à une innovation, c’est-à-
dire à une amélioration tangible de la conscience, de la connaissance et de la
pratique sur le réel dans le changement. Ce qui permet la construction du
modèle trikãlien suivant :
99
TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE
DES POSTURES DE SENS
Selon le plus ou moins grand intérêt qu’une discipline, un auteur ou un
chercheur manifesteront à un, deux, ou trois des pôles, ils interviendront
« culturellement » dans et sur l’une des familles de logiques suivantes :
SPECIFICITE
Denuntio
CONSTANTE
Denotato
Sibylle
CONSENSENSUS
Nota
CONCEPT
Denudo
PRECEPT
Denuntiatio
SIGNIFIE
CONCEPTION
Connecto
Denubo
SYSTEME
SIGNIFIANT
SIGNIFICATION
SIGNATURE
SIGNALISATION
SIGNE
SIGNALETIQUE
CONSIGNATION
SENS
100
TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE
DES CADRES CONCEPTUELS
Ces logiques engendreront des sentiments propres à chacune d’elles auprès des
récepteurs concernés. Ces sentiments peuvent être assimilés à un baromètre
mesurant des variations de pressions, lesquelles permettent d’anticiper
l’évolution d’un phénomène scientifique, sociétal ou religieux chaque fois
SPECIFICITE
Antithèse
CONSTANTE
Thèse
Sibylle
CONSENSENSUS
Hypothèse
CONCEPT
Taxonomie
PRECEPT
Formulation
SIGNIFIE
(Académie)
CONCEPTION
Modélisation
SYSTEME
Systématisation
Synthèse
SIGNIFIANT
(Production)
SIGNIFICATION
(Recherche)
SIGNATURE
SIGNALISATION SIGNALETIQUE
CONSIGNATION
SENS
Cognition
Logique
Cognition
Analogique
Cognition
Normative SIGNE
Cognition
Inductive Cognition
Déductive
Cognition
Imaginative
SENS
101
qu’il y a recherche. Notre langage est riche pour évoquer ce que nous
ressentons sur nos lieux de travail, dans nos laboratoires, dans les lieux de
culte ou encore au sein même de notre famille, confrontés que nous sommes à
l’incertain de l’avenir. On parle volontiers de climat social, de subir ou
d’exercer une pression, d’une ambiance orageuse, ou encore de vide
consternant. La liste serait longue si l’on passait en revue tous ces qualificatifs.
En effet, à la différence de la matière, l’homme est en capacité d’exprimer ce
qu’il ressent des effets d’une cause. Ces sentiments doivent être compris
comme des signes indicateurs d’un sens souhaité. Ils ne procèdent pas du
hasard et, à bien y regarder, peuvent aussi être comparables à des formulations
chimiques.
Le tableau suivant permet, à partir d’un sentiment (conformisme, opposition,
difficulté, ennui, etc.) éprouvé par un récepteur ou un groupe de récepteurs de
remonter aux constituantes de la cause en sorte que, en intervenant sur la cause
il soit possible aussi d’intervenir sur l’effet escompté.
Quelle que soit la nature d’une communication, qu’elle soit sociale, politique,
religieuse ou encore scientifique, le sentiment de satisfaction éprouvé par ses
destinataires, bénéficiaires ou utilisateurs est la conséquence :
- d’une découverte opérée par le récepteur grâce au contenu original d’un
message,
- d’une bonne adéquation de ce message aux préoccupations et besoins (désir)
du récepteur ou de la communauté concernée,
- d’une lisibilité des signes, du discours, du contenu ou du « mot d’ordre »,
- du talent de l’émetteur, qu’il soit particulier, institutionnel ou académique :
enseignant, professeur, vicaire, leader politique, artiste ou chef de famille.
Toute déficience d’une qualité escomptée au sein d’un ou plusieurs de ces
paramètres donnera naissance à des sentiments dont la nature en sera la
conséquence.
Dans ce contexte, et à titre purement anecdotique, le lecteur averti comprendra
par exemple qu’une science cognitive qui reléguerait ces facteurs essentiels
que sont l’émission, la réception, le message et le langage au rang des
déterminismes politiquement incorrects, par exemple en balayant de son
approche celles de Shannon et Weaver conjointement à Wiener (pour la
cybernétique) et von Neumann (pour l’informatique) ne pourrait que fournir
des conclusions de type idiosyncrasique, surtout lorsque s’ajoute à cela le
présupposé épistémologiquement incohérent, parce qu’inversé, selon lequel
l’objet de la systémique serait de construire le modèle dans l’espoir de
découvrir ou de construire le sens : confondant ainsi cybernétique et
systémique, l’élément avec l’ensemble auquel il appartient. En sorte que le
102
problème du chercheur en herméneutique tient principalement au risque de
donner à lire aux autres une théorie interprétative qui est en réalité le fruit de
sa propre interprétation du monde ou de la projection de son imaginaire. Dans
un tel contexte pathogène les exégèses et les traditions ne peuvent qu’exclure
et excommunier chaque fois que leurs idiomes sont remis en cause. C’est la
raison pour laquelle, à l’inverse de Paul Ricœur, il ne faudrait pas considérer
que si « quelque chose est perdu, irrémédiablement perdu, l’immédiateté de la
croyance », ce n’est certainement pas que l’homme moderne ne peut plus
adhérer sans critiquer mais bien que la critique, si elle sous-tend la recherche
de la connaissance des causes, est la voie qui peut lui donner foi en lui-même
afin de ne plus confier au hasard et aux intuitions académiques le soin de sa
destinée : alors rien n’est perdu. Ainsi peut être comprise la phrase surprenante
de l’Évangile : « Ne pensez pas que je sois venu pour apporter la paix sur
Terre : je ne suis pas venu apporter la paix mais le combat » (Matthieu 10, 34-
39).
Ainsi, la variété des sentiments validerait l’intuition selon laquelle le signe
(empirique) fasse sens, après traitement (de et dans la complexité). Une
perception commune des signes serait donc constitutive d’un consensus dont le
traitement par diverses approches complémentaires favoriserait in fine la
découverte d’un hypersens fédérateur (dogme intégré donnant naissance à la
doctrine dont sont investis les docteurs) : expression d’une exploitabilité,
d’une réalité nouvelle parlante, issue d’un message original, d’un signe initial
transformé en sens lisible. Ceci tendrait aussi à démontrer que le sentiment de
satisfaction (à son extrême : enchantement) serait la conséquence d’un
message innovant (à différencier de novateur), ce dernier dépendant moins du
message lui-même que de la qualité des outils et des processus d’échanges mis
en œuvre entre les émetteurs et les récepteurs au travers d’un langage structuré
(lisibilité construite) par des approches successives (empirique, cartésienne
dualiste, cybernétique). Ces qualités qui, lorsqu’elles aboutissent par la
systémique, font d’une intuition une thèse satisfaisante pour le consensus parce
que les constantes sont isolées et les spécificités maîtrisées. Retour à la
sérénité. Ce serait donc à ce stade, et à ce stade seulement, qu’une discipline
pourrait être qualifiée d’authentiquement scientifique par le fait qu’elle est
apte à satisfaire plus aux préoccupations de l’environnement public vivant le
changement qu’aux honneurs de la chapelle. La qualité d’une science se
mesurerait donc au degré de satisfaction ou d’insatisfaction, donc
d’applicabilité ou non du message qu’elle génère (co-construction) auprès de
ceux qui en ont l’utilité. Le manque d’intégration d’un ou de deux des trois
pôles du trikãla des familles épistémologiques entraînera immanquablement
de trop forts décalages par rapport à la réalité vécue en référence à celle
espérée, en sorte que la diffusion d’une science, d’un rite ou d’une doctrine,
qui n’intégrerait pas ces trois paramètres essentiels, se trouverait confrontée à
des sentiments variables à son égard tels qu’indiqués dans le tableau suivant :
103
TABLEAU SYNOPTIQUE DES SENTIMENTS
ET DE LEURS CAUSES
(Interrogation sur les causes des sentiments éprouvés)
N’appartient pas à :
(message)
ORIGIN-
ALITE
A
(récepteur)
BESOINS
constantes
B
(langage)
LISIBILITE
Spécificités
C
(émetteur)
TALENT
consensus
D
SENTIMENTS
des récepteurs
A Non Oui Oui Oui Conformisme
B Oui Non Oui Oui Opposition
C Oui Oui Non Oui Difficulté
D Oui Oui Oui Non Ennui
AB Non Non Oui Oui Déception
AC Non Oui Non Oui Consternation
AD Non Oui Oui Non Découragement
BC Oui Non Non Oui Irritation
BD Oui Non Oui Non Apathie
CD Oui Oui Non Non Frustration
ABC Non Non Non Oui Mystification
ABD Non Non Oui Non Vide
ACD Non Oui Non Non Névrose
BCD Oui Non Non Non Incompréhension
ABCD Non Non Non Non Néant
Appartient à :
ABCD Oui Oui Oui Oui Satisfaction
105
CHAPITRE V
DU MODELE MONADIQUE AU MODELE DES REPRESENTATIONS
Vers une systémique constructale des représentations
_________________________________________________
« Tout ce que vous ferez au plus petit d’entre les miens
c’est à moi que vous le faites »
Phrase énigmatique des Evangiles qui articule le petit et le grand et projette le
futur dans le présent. La proposition radicale d’un changement de point de vue
en collision faciale avec le paradigme ancestral. Voici la force du Grand
Marionnettiste réduite à l’inertie au même titre que les bonnes intentions qui
lui étaient soumises, ouvrant sur une puissance co-construite au point le plus
fragile et insoupçonné du Système. Cette Essence insaisissable que les
musulmans nomment Allah ouvre la conscience sur une nouvelle échelle de
valeurs qui sans rejeter le lien entre la Loi et l’intentionnalité fait que l’acte
devient consubstantiel d’une dimension holistique. Faire n’est pas un état mais
un processus.
L’espoir qu’en revenant sur Terre cette question de l’infiniment petit puisse
nous permettre de comprendre la complexité de la cognition au centre de notre
condition humaine pose en réalité des problèmes philosophiques d’un même
ordre théologique que celui que nous venons d’évoquer. La téléologie du
système ne peut nous apparaître que dans la mesure où nous nous appliquons à
nous la même humilité que celle des prophètes que nous venons d’évoquer en
considérant que si Dieu nous a créés à son image, l’image qu’il a créé est elle-
même créatrice des machines qui sont à l’expression (l’image) de ce que nous
sommes. Dans cet ordre d’idée une mise en perspective de cette représentation
d’une partie de ce que nous sommes sur cette machine des machines qu’est
l’ordinateur, en évitant en préalable le débat éthique comme paravent de la
réflexion, pourrait s’avérer plus éclairant qu’on ne l’imaginait préalablement.
Réduire la machine à de la simple mécanique uniquement capable de prendre
le relais de nos muscles fatigués ou pour dégager notre matière grise de calculs
faramineux serait bien une conception irrespectueuse du génie créateur de
l’homme. Attitude qui nous a valu de manifester plus d’intérêt aux philosophes
qu’aux grands ingénieurs de leurs époques : ces portions congrues au sein des
représentations que nous nous faisons de l’Histoire sans lesquels la
philosophie pourrait bien n’être qu’un épiphénomène (anté-représentationnel) :
un signe sans sens Un dérapage cognitif. Une pathologie. La machine est bien
l’image projetée de la pensée dans la perspective d’optimiser le réel, pour le
106
rendre plus favorable à la résolution des problématiques contingentes qui
freinent les avancées. Ainsi nul ne peut remettre en cause les formidables
progrès auxquelles ont contribués les chercheurs qui se sont intéressés à la
nature de l’information et à sa circulation. Le résultat de leurs découvertes a
conduit à un changement radical de notre vision du monde. L’ordinateur a
redistribué les cartes du savoir en ayant modélisé une partie de nos
mécanismes cognitifs. Il ne relève pas d’une production ex nihilo. Ses atouts
comme ses limites peuvent dès lors nous être plus utiles que la tentation de
s’offusquer des analogies que nous allons opérer.
En prenant le recul suffisant, le caractère numérique binaire du fonctionnement
d’un ordinateur, tout en rendant incontestable le fait qu’il soit bien une
production humaine par transfert d’une de ses formes d’intelligence
(cognitive), la logique mathématique, contient en lui-même les limites qui sont
celles de la pensées cartésienne dualiste : l’explosion combinatoire. Dans les
deux cas, lorsque les systèmes arrivent à saturation, ils auto produisent des
aberrations : du simple bug à l’émergence de phénomènes intrigants
inattendus. La limite est alors atteinte. C’est la raison pour laquelle les
recherchent s’orientent vers une génération de calculateurs quantiques à partir
de qubits (bits quantiques) contenant plusieurs informations intriquées à la
différence des bits (modèles 0, 1). Un algorithme dû à Peter Shor permet
d'utiliser un calculateur quantique pour « casser » le code RSA (algorithme
asymétrique) et résoudre celui du logarithme discret.
Dans ce même ordre d’analogie sémantique le problème de la factorisation est
difficile pour les informaticiens à cause de l'explosion combinatoire tout
comme cela se pose en sciences humaines. Toutefois, pour ce qui des
ordinateurs complexes, il apparaît qu’un circuit de calcul quantique pourrait
résoudre ce problème en un temps linéaire à partir du raisonnement suivant :
« si un nombre est représenté par n bits (c'est-à-dire long de n chiffres
binaires), alors un calculateur quantique avec plus de 2n qubits peut trouver
ses facteurs. Il peut aussi résoudre un problème connexe, celui du logarithme
discret qui en science humaine est au cœur des processus communicationnels.
La problématique fondamentale qui se pose alors ne se situe plus dans le cadre
d’une dualité entre l’être (onanisme aux préliminaires narcissiques inféconds)
et du néant mais bien au cœur du processus qui fait grappiller sur le néant
quelques parts d’éternité par la relativité (ce qui relie)… bien loin des
théorétiques ravageuses.
Afin de mieux comprendre à partir de cet axiome du plus petit comme agent
actif du plus complexe en temps linéaire (qui sous-tend des valeurs
processionnelles de temps actuellement difficilement saisissables car
infinitésimales qui contraindraient l’outil de mesure à devenir ce qu’il mesure
par le logarithme discret) le raisonnement que nous allons suivre à propos des
107
représentations et de sa modélisation, il nous faut reprendre cette image (pris
au sens mathématique du terme) illustrant les fonctionnement basique de la
machine de Von Neumann.
MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA CARTESIEN)
Les constations que nous pouvons faire sur le fonctionnement
communicationnel (commande et information), à partir duquel fonctionne au
plus simple un ordinateur, sont de plusieurs ordres :
- L’organe de commande est le seul à être en liaison de commande avec
les organes d’entrée et de sortie.
- L’organe de commande est seul en liaison directe de commande avec
la mémoire centrale et avec l’unité arithmétique et logique (UAL)
- L’organe de commande est le seul, par liaison de commande, à
pouvoir organiser l’interface entre es organe d’entrée et de sortie.
- Les liaisons de commande sont dissociées des liaisons d’information.
- Les liaisons d’information circulent uniquement entre les organes
d’entrée, de sortie par l’intermédiaire de l’UAL, laquelle est seule en
liaison d’information avec la mémoire centrale.
En excluant les organes d’entrée et de sortie la structure de la machine de von
Neumann (ainsi rendue inerte car décontextualisée) est donc de nature
trifonctionnelle constituée de l’organe de commande, de l’UAL et de la
mémoire centrale. L’ensemble de son fonctionnement peut donc aussi
représenté de la façon suivante :
Organe de
commande
Unité
arithmétique
et logique (UAL)
Mémoire
centrale
Organes
d’entrée
Organes de
sortie
Liaison
d’information :
Liaison de
commande :
108
MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA TRIKÃLIEN)
Présentée trifonctionnellement (à la différence du schéma précédent plus
cartésien) la configuration trikãlienne fait apparaître nettement la distinction
fonctionnelle faite entre commande de liaison et commande d’information.
Cette distinction permet aussi de visualiser clairement la fonction de l’organe
de commande, strictement limité à la gestion des liaisons laissant à la mémoire
centrale et à la l’UAL le soin du traitement en interface de l’information .Ce
n’est qu’après un passage obligé par l’UAL des liaisons et de l’information
que le processus de traitement s’opère pour constituer un message (par
communication) vers l’organe de sortie. Il n’est pas moins intéressant aussi de
constater que le contact entre liaison et information ne s’opère qu’au niveau de
l’UAL alors qu’organe de commande et mémoire centrale ne le sont que par
des liaisons…
Cela attire aussi notre attention sur le fait que le signe puisse bien être étranger
au fonctionnement interne du système et que son traitement ne peut être
activité ni par la mémoire centrale ni par l’UAL mais uniquement par l’organe
Organe de commande
Unité arithmétique
et logique (UAL)
Mémoire
centrale
Organes d’entrée
Organes
de sortie
Sens
Signe
109
de commande qui permet de le saisir par l’organe d’entrée. Le système est
donc fonctionnellement asymétrique et initialement dissociatif.
Cette analogie entre notre fonctionnement cognitif et l’ordinateur,
d’initialement inquiétante, devient maintenant pour le moins étrange sans nous
être totalement étrangère tant il est vrai que nous connaissons maintenant plus
précisément quelles sont les grandes fonctions des hémisphères cérébraux.
Tout comme l’asymétrie fonctionnelle de l’ordinateur, cette différence entre
les hémisphères cérébraux n'est plus remise en doute. Toutefois, dans
l'attribution des rôles dévolus à chaque hémisphère, la plus grande prudence
s'impose tant il est plus que vraisemblable que l’interface puisse être considéré
comme étant fonctionnellement le troisième cerveau.
Cette interface étant matérialisée par la troisième liaison de l’ordinateur de von
Neumann entre l’organe de mémoire centrale et l’organe de commande pour,
tout comme il en est de la tranche qui unit le côté face avec le côté pile d’une
pièce de monnaie, rendre fiable et opérationnelle la sortie d’une transaction.
Poursuivons notre raisonnement et allons jusqu’à affecter 0 à toute action de
commande de liaison et 1 à toute commande d’information. L’organe de
commande est animé par 0 (valeur d’une relation), l’organe de mémoire
centrale étant animé par 1 tant il est vrai qu’un ordinateur déconnecté ne rend
pas inopérante la mémoire centrale qui continuera ses opérations de
classement. L’élément venant perturber cette logique binaire se situe au niveau
de l’unité arithmétique et logique (point d’interférence conjonctif entre liaison
et information) nous lui affecterons – 1 en tant qu’elle bloque un instant les
commandes et fige l’activité de la mémoire (due au manque du logarithme
discret susceptible d’agir en temps linéaire pour éviter au plus simple les bugs
et l’explosion combinatoire due aux facteurs combinatoire des nombres entier
du système binaire). Appliquée à notre approche trifonctionnelle nous aurions
alors l’image suivante :
110
TRIKÃLA DES VALEURS -1, 0, +1 / MACHINE DE VON NEUMANN
Imaginons maintenant que nous mettions en total contact le fonctionnement de
deux ordinateurs l’un étant l’exacte image arithmétique et logique de l’autre
en décalage aléatoire sur un même temps linéaire en considérant que la liaison
une fois établie ne puisse se reproduire nous obtiendrions l’abaque suivante
d’un « système » transférable aux échanges cognitifs en communication
(interpersonnelle, en groupe, institutionnelle etc.) :
- 1
0 1
1
0 - 1
0 / 0
Logarithme
discret
Explosion
combinatoire
111
TABLEAU MATRICIEL DES VALEURS (BASE-1, 0, +1) ISSUES DES
INTERACTIONS ENTRE DEUX TRIKÃLAS (EMETTEUR –
RECEPTEUR)
a
b
c d e f g
A
00
- 1
1
-1
00
1
000
0
B
-1
-2
0
-2
-1
0
-1
-7
C
1
0
2
0
1
2
1
7
D
-1
-2
0
-2
-1
0
-1
-7
E
00
-1
1
-1
00
1
000
0
F
1
0
2
0
1
2
1
7
G
000
-1
1
-1
000
1
0000
0
0
-7
7
-7
0
7
0
0
0
Nous constaterions alors que :
Le système régresse globalement lorsque les organes de commande en
interface avec l’UAL dominent l’ensemble du système.
Le système progresse globalement lorsque la mémoire central fonctionne en
interaction avec l’organe de commande.
Le système est stable lorsque l’organe de commande ouvre l’interaction de
l’UAL avec la mémoire centrale
Le point de confusion se situe bien au niveau de l’UAL dans ses liaisons avec
l’organe de commande, problème que n’a pas l’UAL avec la mémoire centrale
Le système se stabilise par attraction des zones diamétralement opposée
nécessitant le passage par un intermédiaire collatéral.
Le produit des extrêmes étant égal au produit des moyens le système est
naturellement conçu pour être en probabilité le plus naturellement stable.
Une configuration similaire pourrait dans l’absolu être tentée en affectant par
exemple -1 alternativement à chacun des trois pôles de la triangulation. Dans
la réalité la répartition fonctionnelle privilégie la liaison entre l’organe
112
d’entrée et l’organe de commande à la captation du signe. L’organe d’entrée
n’étant pas en liaison avec l’UAL ni avec la mémoire centrale fait qu’il y donc
une répartition trifonctionnelle opératoire distincte et évidente entre liaison et
information en sorte que l’unité est une résultante d’un conflit (au niveau de
l’UAL) et non une cause initiale faisant qu’un système ne détient rien d’autre
qu’un processus de traitement et non en potentialité la solution à son unité. La
répartition fonctionnelle impose donc les affectations de valeur telles que nous
les avions énoncées.
Il faut donc aller chercher la résolution de la problématique du signe et du
sens, non en l’imaginant provenir de l’intérieur du système et en cherchant à
savoir ce qu’il est, mais plutôt en se demandant par quel processus le système
intérieur est en mesure de convertir un conflit (pour traiter de ce signe
extérieur au point de contact sur l’un des trois pôles de la trifonctionnalité,
celui de l’UAL) entre liaison et information faisant au final de cette opération
une communication téléologiquement sensée (et dans un hyper sens
théologique pondéré d’un logarithme discret en un temps linéaire). Point
d’émergence d’une réalité augmentée à la sortie prenant la forme de
représentations rétrocédées qui accroissent le niveau d’alerte de l’organe
d’entrée sur les signes nouveaux et contingents qui se présenteront à nouveau
au système.
En ayant disjoint le signe et les sens des constantes du système computationnel
et avoir isolé les constantes trifonctionnelles pour comprendre son mode
opératoire nécessairement disjonctif entre commande de liaison et commande
d’information, qui nous a permis de situer le point d’explosion combinatoire
(conséquence d’une dualité), nous pouvons étendre notre propos aux
problématiques d’une complexité amplifiées sur la cognition en considérant
qu’à la pensée logique viennent (au plus simple) se connecter les pensées
analogiques et normatives. Cette translation permet d’aboutir à la
représentation corrigée du triangle sémiotique (signifié, signifiant, en
remplacement « denotatum » (improprement qualifié de référent pouvant
induire en erreur en ce sens qu’il est à la fois liaison et information) par celui
de « signification » plus conforme à ce qu’est le symbole qui vient en lieu et
place où se situer l’explosion combinatoire, ce qu’est intrinsèquement (dans le
sécable) le symbole que nous assimileront à la notion de terminologie, point
d’interaction conceptuel ou définitum (qui sort du fini, du réel, une classe)).
La trifonctionnalité sémantique pourrait alors être représentée de la façon
suivante :
113
TRIKÃLA DES SEMIOFORMES
- 1
0 1
Explosion
combinatoire
SIGNIFIE
(Organe de
commande
Désignation
SIGNIFICATION
(UAL)
Assignation
SIGNIFIANT
(Mémoire
centrale
Consignation
Pôle de la symbolique. La dominante cognitive opérante se veut être de nature logique
bien qu’il faille pour cela opérer des ponts entre la pensée normative et analogique. En sciences
cognitives l’onomasiologie traite de ce sujet par l’étude sémantique de l’expression à partir du
concept pour chercher les signes linguistiques qui lui correspondent.
Numerus
Numen
NOMENCLATURE
codifiction
Interprétation
Magistérielle.
Herméneutique :
science de
l’interprétation.
NOMENCLATEUR
Dénotation.
Sagacité doctorale
Dictamen.
Ordonnancement.
La philologie : Analyse
critique et comparative
des textes.
Nomisma
NOMINAL
Assimilation
Performance annoncée
(Licence)
Zone de coordination et
de validation entre le
signifié et le signifiant.
En sciences cognitives la
sémantique qui concerne
les unités signifiantes en
relation avec leurs
référents (du moins
devrait-il en être ainsi).
Pôle de
l’ordonnateur, du
déclencheur.
Cosmocratore. La
dominante cognitive
opérante se veut être
de nature analogique
réitérative. En sciences
cognitives la
sémasiologie traite de
ce sujet par l’étude
des significations
partant du mot pour en
étudier le sens.
Pôle de l’organisateur
La dominante cognitive
opérante se veut être de
nature normative
régulatrice. En sciences
cognitives la sémiotique
traite de la théorie de la
signification des signes.
A partir d’un répertoire
d’unités signifiantes des
signes.
‘PATANOMIE*
Sublimation
Zone des
représentations
- 1 0
1
* ‘PATONOMIE. Mot
créé à partir de la science
appelée ‘pataphysique
dont l’objet est l’étude des
phénomènes perturbants.
114
Cette représentation permet de visualiser les différences fonctionnelles entre
chacun des trois pôles schèmiques ainsi que de définir et qualifier la nature des
interactions qu’ils établissent deux à deux ainsi que de définir le pôle ou la
zone qui lui est complémentaire dans la perspective de rendre stable (0)
l’ensemble du système jusqu’à faire émerger vers la conscience des
représentations majeures d’une réalité augmentées. Ces « représentations
augmentées » sont conformes à des apocalypses (étymologiquement :
« changement de cycle », qui élargissent les champs des vision religieuses,
politiques et scientifiques en formant un nouveau tout cénesthésique par
hystérèse.
Cette hystérèse est la conséquence d’un cheminement chrono holistique qui
aura fait entrer en interaction les pôles et zones trifonctionnelles par le jeu des
complémentaires d’équilibration et ceci en fonction des problématiques posées
par les flux qui traversent le système concerné dans la perspective de se les
rendre favorables. Le cheminement chrono-holistique d’une communication
peut donc être compris à partir du signe contingent au système à partir de trois
grandes attitudes primaires que sont (au plus simple) l’agression, l’inhibition et
la fuite qui détermineront la stratégie réactionnelle la mieux adaptée à la
pérennité du système. C’est ainsi que nous pouvons mettre en parallèle du
schéma trifonctionnel des représentations, celui des attitudes qui engendreront
des comportements expressifs jusqu’à constituer une syntaxe (ensemble des
règles d’un langage de programmation permettant de projeter la faisabilité
d’une intervention) puis des mots (par hystérèse) qui matérialiseront le résultat
de l’opération en un point de l’histoire d’un système concerné.
115
TRIKÃLA DES SEMIOCONSTRUCTIONS
1
0
AGRESSION
SIGNIFIE
FUITE
SIGNIFICATION
INHIBITION
SIGNIFIANT
(Mémoire
centrale)
Consignation
JUGEMENT
Numen
INFORMATION
Nomisma
Pôle de l’ordonnateur, du
déclencheur au contact du
signe. Centre d’alerte dont
la fonction est d’évaluer
les risques et les avantages
en fonction de l’obstacle.
In hoc signo vinces : « en
ce signe tu vaincras ».
REFORMULATION*
‘PATANOMIE
Sublimation
Zone de la représentation
REFORMULATION ‘PATONOMIE.
Centre de la représentation : la prise de conscience par la reformulation
permettant d’isoler l’origine d’une fragilité au point de contact de certains flux.
MIMETISME
OSMOSE
PRESTANCE
ENQUETE
Numerus
DECISION
NOMENCLATEUR
Dénomination
Zone de l’analyse critique
faisant obligation de
décision impliquant une
prise de position.
Discernement.
INTERPRETATION
NOMENCLATURE
codifiction
Zone de l’imitation
dont l’objet est de se
confondre avec les
éléments favorables de
l’environnement en
les interprétants.
NOMENCLATEUR
Dictamen
onomatologie
Notons ici que la distinction importante signalée (machine de von
Neumann) entre commande de liaison et d’information s’avère
bien être une constante systémique holistique (conforme au schème
Kantien du centrifuge et du centripète).
SOUTIEN
NOMINAL
Assimilation
Zone de covalence
pacifiante (opposée à
l’ambivalence du
symbole) en soutenance.
Pôle du secrétaire
(scrinium), du
secret, dont la
fonction est à la fois
d’enregistrer et de
conserver. Sans
réaction autre que le
questionnement
(enquête) et la
collecte
Associée au pôle de la symbolique, la fuite doit être comprise par le fait qu’elle quitte
l’osmose qui s’avère ne pas être en mesure de régler de façon traditionnellement admise un
problème au contact du flux concerné. Elle opère une cassure osmotique (très exactement la
diffusion entre deux concepts de postures différentes séparés par une membrane semi
perméable) entraînant une turbulence qui conduit à un déplacement de l’ensemble.
Explosion
combinatoire
116
Tous comptes faits ce sont bien ces trois schèmes premières d’agression,
d’inhibition et de fuite (en ce sens qu’ils sont les plus élémentaires formes
identifiables en communication, en dessous desquelles nous pénétrons dans le
monde lui-même complexe des neurosciences) qui déterminent le
fonctionnement de l’ensemble d’un système. Ce sont eux qui animent la
complexité, le reste étant une affaire de bonne adéquation entre les processus
utilisés et la nature des problématiques posées. Instillés, distillées, illustrés par
nos attitudes et dans nos comportements ce serait bien à partir de ces trois
éléments constants que nous puissions nous installer quelques instants dans le
sublime stylistique. Une affaire d’alambique qui dépend ou joue sur les
variations de pression et la température.
Cette affaire, cette problématique concernant la cognition et les représentations
s’avère être finalement moins complexe qu’elle apparaissait au premier abord
car s’il en était autrement interrogeons-nous simplement, mais sérieusement,
sur ce qu’il adviendrait d’un enfant qui dès l’instant de sa naissance ne
disposerait pas pour forger sa cognition de ces trois engrenages que sont
l’agression, l’inhibition et la fuite et de ces deux manettes qui lui permettent
d’intervenir sur les relations et l’information ? Ou s’il venait à en manquer
uniquement un ou une ?
La complexité n’est alors qu’une extension à partir d’un modèle élémentaire
(monadique) et constant que l’on peut appréhender simplement à tout instant à
l’aide de ce modèle. C’est sur cette base qu’opère l’intuition lorsque le nombre
des facteurs inter agissants ne peut aisément être pris en compte par la
rationalité. Le triangle de Sierpiński aide visuellement à comprendre de
phénomène de complexification à partir d’un modèle initialement simple.
Le triangle de Sierpiński illustre cette complexification fracto-constructal ou
une dimension de Hausdorff égale à log3 / log2, égal à environ 1,585, ce qui
vient du fait qu'il est la réunion de trois copies de lui-même, chacune étant
réduite d'un facteur 1/2.
Un algorithme pour obtenir des approximations arbitrairement proches du
triangle de Sierpiński peut s'écrire de la manière suivante :
117
- Commencer à partir d'un triangle quelconque du plan. Le triangle canonique
de Sierpiński se construit à partir d'un triangle équilatéral ayant une base
parallèle à l'axe des abscisses.
Tracer les trois segments qui joignent deux à deux les milieux des côtés du
triangle, ce qui délimite 4 nouveaux triangles.
- Enlever le petit triangle central. Il y a maintenant trois petits triangles qui se
touchent deux à deux par un sommet, dont les longueurs des côtés sont la
moitié de celles du triangle de départ (obtenue par une homothétie de rapport
1/2), et dont l'aire est divisée par 4.
- Recommencer à la deuxième étape avec chacun des petits triangles obtenus.
La fractale s'obtient après un nombre infini d'itérations (action de répéter un
processus. En mathématiques : calcul permettant l’application à des équations
récursives. À chaque étape, l'aire de l'ensemble diminue, elle est multipliée par
3/4.
Précisons aussi que cette dimension fracto-constructale opérée à partir du
modèle trikãlien (au plus simple des les trois engrenages : agression, inhibition
et fuite) doit être compris comme étant encadré par deux vecteurs qui
concernent l’un la relation et l’autre l’information. Selon la plus ou moins
grande importance accordée par un système à l’un ou l’autre de ces deux
vecteurs on assistera à des déplacements des masses représentationnelles qui
se concentreront vers certaines formes cognitives (pôles ou zones du trikãla)
qui lui sembleraient les mieux appropriées au traitement de la problématique
qui le concerne en une période donnée de son existence. Ainsi rigidité du
triangle de Sierpiński en communication n’est qu’apparente si l’on considère
que le déplacement des masses cognitives peut en infléchir la configuration
initiale voire s’allier à celle d’un autre système.
Il faut donc résolument distinguer les manettes des engrenages et externaliser
le signe du système cognitif si l’on veut espérer un peu plus de lisibilité sur ce
que sont les représentations et la complexité dans le changement. C’est au
point sibyllin d’explosion combinatoire que s’opérera le choix entre faire
prévaloir les commandes de relation ou d’information. La croisée d'un axe
vertical et d'un axe horizontal (point sibyllin d’explosion combinatoire)
constitue l'épure symbolique de l'expérience humaine tiraillée entre force
centrifuge et force centripète (point schèmique kantienne de l’attraction et de
la contraction : ou interviendrait le logarithme complexe, qu’il soit puissance
de vie ou puissance divine, peut importe). La croix est l'archétype de la
difficulté du partage qui fait sens par le triangle instable du Christ crucifié.
Aussi la retrouve-t-on investie dans les valeurs de justice, de connaissance et
d'éthique, au sein de la trifonctionnalité Dumézilienne en tant que protecteurs,
attribut et moteur de la souveraineté, du culte et du travail fécond. C'est à partir
de ce point de croix que les schèmes cognitifs logiques, analogique et
normatives donneront naissance à la position, l’opposition, la répartition pour
118
interpréter une partition collective tout en étant la forme privilégiée de la
coïncidence des opposés. Gaston Bachelard a montré les liens, dans une
poétique de l'espace, entre verticalisation, vertébralisation et cérébralisation,
confirmé par la paléoanthropologie La croisée verticale et horizontale
constitue fondamentalement le symbole de l'attention, de l’éveil aux
perturbations venant du signe contingent qui fait obligation au système de la
vigilance, de l'équilibre et de la mobilisation de l'énergie. Toutefois cette
vigilance a pour corollaire la nécessité de concevoir une cartographie
permettant l’orientation. C’est peut être dans sens que Saint Paul défini la
Croix dans sa lettre aux éphésiens Ephésien, III, 18: « Ainsi vous recevrez la
force de comprendre, avec tous les saints, ce qui est la largeur (latitudo), la
longueur (longitudo), la hauteur (sublimitas) et la profondeur (profondum) »
(Éphésiens, III, 18). Ces quatre dimensions forment le prototype de tout
schème d'orientation en volume. Seul la latitudo, la longito et le sublimitas
interviennent dans la cartographie « plane », la dimension profondum nécessite
la maîtrise de l’espace (GRS). Ainsi la trifonctionnalité permet-elle de générer
le processus d’action en réaction au signe contingent et ne fait sens que dans
une dimension téléologique ex machina donc empiriquement théologique.
Ainsi au meilleur de ce qui serait possible faudrait-il être en mesure d’aborder
la complexité en trois dimensions : connexion pyramidale de trois trikãlas,
émission, réception, environnement en considérant la base comme susceptible
de variations de luminosité, donc de lisibilité dont un système dispose sur son
propre fonctionnement. La jonction des barycentres de chacun des trois
trikãlas permettant de situer l’orientation dans l’espace d’un système
complexe. Cela impliquerait la mise en corrélation de données
communicationnelles en système de couleur dans le cadre d’une spectrométrie
des communications et des masses en jeu.
C’est à la conjonction articulée de ces schèmes que la composition
représentationnelle devient l'art d'assembler des styles pour obtenir une œuvre
culturelle indépendamment de l’idée d'un seul schème formel préétabli ou
d’une monade dont l’espoir qu’ils puissent jaillir à la science tel un messie de
son phlogistion. L’approche trifonctionnelle des représentations relève donc
d’une praxis de la trifonctionnalité schèmique dans un cadre déterminé par les
monades relationnelles et informationnelles qui permettent l'invention
d’expédients et l’extension du champ opérationnel de vision d’un système par
l’émergence de nouvelles formes : ces dernières n'étant pas forcément
répertoriées comme telles dans le catalogue de composant le signifiant initial,
mais qui est en mesure de s’en inspirer afin de la déduire par computation Par
conséquent la culture peut être assimilée à une sorte d'esthétique appliquée, qui
utilise les règles de la syntaxe trifonctionnelle en provoquant par le biais d’une
représentation sublimée (barycentrée trifonctionnellement) l'invention de
nouvelles règles dans la composition d’une œuvre. En reprenant la
comparaison déjà faite avec la littérature, on dira que la grammaire et la
119
syntaxe sont considérées comme les moyens de donner naissance aux diverses
créations littéraires, mais qu'elles n'en constituent pas l'infrastructure. Il y a là
comme un retournement de la situation antérieure : cet apocalypse trans-
paradigmatique qui ajoute une dimension de liberté prise sur les contraintes
initiales pour renforcer le système sur les flux qui la traversent, faisant parfois
découvrir qu’auparavant les règles du système servaient de support et de
prétexte à la protection d’un schème ou d’une liaison entre deux schèmes (et
plus gravement entre trois schèmes) pour mieux en exploiter d’autres au
travers du formalisme représentationnel initialement admis. Œuvre réalisée par
les Lumière du XVIIIe siècle.
Rien de si complexe que cela en somme. Il suffit de ne pas se laisser manipuler
par ce qu’une culture donne à voir de lumières magiques mais de chercher
dans la coloration de cette luminescence et dans la fréquence de son signal les
éléments constitutifs de sa coloration pour en déduire son point de fragilité : la
où les couleurs manquantes. Ces subterfuges colorés proposées à
l’éblouissement nous indiquent autant ce qu’il faut voire que ce que le signale
cache : la transparence étant la résultantes de la conjonction de trois couleurs
fondamentales le rouge, le jaune et le bleu à très haute fréquence. Si la
complexité n’était pas simple et qu’il faille l’aborder par le biais de la
complexité, alors le bébé humain qui vient de naître pourrait bien n’être que le
petit du kangourou qui regagnerait à l’instant la poche maternelle. Tout est en
réalité saisissable au moment où il ouvre les yeux aux couleurs de la vie. Une
simple affaire de spectrométrie des masses pour sortir de l’addiction béate à
l’idéalité... Si le code est bien là où nous le présageons, alors la clef est dans le
processus qui conduit à la serrure. Finir d’aborder les symphonies par le biais
de la complexité mais découvrir comment 7 notes simples peuvent interagir
pour les construire. Rien de plus.
Une représentation c’est simplement « six personnages en quête d’auteur »
((1921) Luigi Pirandello)… lorsqu’ils l’ont trouvé.
121
CHAPITRE VI
DE LA DISPUTATIO A L’UTLILITAS
Les pendules à l’heure
_________________________________________________
« Mieux vaut l'usage sans l'art que l'art sans l'usage. »
Pierre de La Ramée
Dans l’absolu une montre n’est jamais parfaitement à l’heure… que deux fois
par jours : une parfaite inutilité sauf pour satisfaire les psychorigides.
L’espace détermine potentiellement un ordre de circulation entre des choses.
Elle en favorise, le cas échéant l’émergence. Une place sur l’esplanade. Cette
unité nouvelle peut être définie comme un élément et ou un ensemble
d’éléments qui fait ou font coïncider en un point de leurs processus distincts un
ou plusieurs éléments complémentaires à un ou plusieurs autres pourtant
distincts initialement et fonctionnant à des fréquences différentes. Ce point de
coïncidence fait entrer le temps au contact de l’espace en sorte que l’espace et
le temps ne sont que des ordres de passage et qu’une chose n’est que dans sa
manière d’exister dans la mesure où elle en fait s’accorder homothétiquement
les éléments qui les constituent à partir des flux qui circulent entre eux. On
peut donc toujours trouver une plus petite différence ; rien n’est semblable à
autre chose sauf l’indifférence parfaite et absolue qui est inexistence du temps
et de l’espace ; une absence de désir qui sous-tend l’absence de tous manques.
La création n’est alors que vacuité. D’une autre manière, si la création est bien
sous-tendu par le manque cela revient à considérer qu’aucune perfection ne
peut être parfaite en sorte qu’en cherchant son complémentaire par la création,
le créateur reconnaîtrait de facto son imperfection faisant de la perfection un
processus et non un état. L’image de l’homme fait à l’image de Dieu ne peut
être comprise en tant que transfert d’état mais comme un transfert de
processus, c'est-à-dire celui d’une manière d’occuper le temps pour accroître
l’espace sur l’état parfait du néant : un grappillage de la matière blanche sur la
matière noire dans un rapport initial pourtant peu favorable.
Les orthodoxes chrétiens disent que saint Basile de Césarée aurait déclaré que
« l’homme est un animal appelé à devenir Dieu ». Existant en tant que fait « à
l'image de Dieu », cette prédestination est celle d’une participation. Une
« ressemblance » qui contribue à Son accomplissement. L'homme n'est
vraiment tel qu’intrinsèquement « déifié » en devenant « intérieur » à la
Trinité, vivifié par l'Esprit, « cohéritier » du Christ, « adopté » par le Père.
J’oserai même dire que l’homme permet l’intériorisant de l’Esprit Saint,
122
L’Esprit-Saint n’étant plus alors une des trois personnes de la Trinité, mais la
conséquence du Divin si en toute cohérence de ce raisonnement nous insérons
l’humanité comme élément constitutif de cette Trinité. Ainsi théologiquement
l'exigence de s'unir au Dieu vivant fait son Etre même, selon une ontologie qui
n'est pas celle du substantialisme, mais celle de la communion. « La grâce
incarnée constitue son origine et sa fin : elle est ce « retrait » sacrificiel du
Créateur dont la toute-puissance, culminant dans l'apparition d'une autre
liberté, se transforme en une vulnérabilité infinie, car « Dieu peut tout sauf
contraindre l'homme à l'aimer », selon l'adage patristique ; elle est aussi cette
« lumière de la vie » dont parle l'Évangile johannique et dans laquelle la liberté
tragique de l'homme peut trouver son contenu et sa plénitude. Dès l'origine, le
but offert à l'homme est la « divino-humanité », l'union plénière au Fils (qui
est son archétype), l'Image consubstantielle du Père ». Humanité est donc
synonyme de laïcat, nominal qui signifie « une fonction initialement impartie
au clergé qu’il délègue », en sorte que le mot laïc n’est autre chose
grammaticalement qu’un adjectif et n’est nom que lorsqu’il définit dans la
religion chrétienne une personne qui n’appartient pas au clergé.
Peut être est-ce pour cette question de cohérence sémantique que le mot
« laïcité » résiste à toute anglicisation, qu’il est quasi ignoré dans certains pays
et s’acclimate plus ou moins à d'autres ? En France plusieurs conceptions
différentes de la laïcité s'affrontent encore depuis 1792, si bien que la
définition d'une « vraie laïcité » restera toujours problématique tant qu’elle
sera présentée comme un enjeu social par ces épigones des « Lumières » qui
n’ont pas compris que cet enjeu est en réalité de nature anthropologique en
sorte que le sacré n’est pas une affaire de religion mais celle de l’Humanité.
Dans un contexte philosophico-théologique la question de la présence de Dieu,
de sa présence ou de son absence, de son affirmation ou de sa négation, ne doit
pas être posée par l’absolu mais à partir de sa structure qui est immanence
d’un processus de conquête en réponse à un manque (qui est mouvement de
perfection). Dimension qu’apporte la culture musulmane à la culture
chrétienne car ce qui est absolu, qui est par soi, vit indépendamment de toute
autre chose et ne peut se concevoir que sans manque, donc dans le parfait : au
pire cette absence parfaite de manque absorbe ce qui lui est extérieur en sorte
que le parfait absolu pourrait bien n’être que diabolique. En raisonnant à partir
de l’immanence d’un processus co-créateur ne se pose plus alors le problème
de liberté tant de fois discuté en philosophique. Ces processus fait de la co-
création un devoir de liberté. L’existence ou non de Dieu n’a plus alors
d’importance que pour des marionnettes dont la seule préoccupation est de se
libérer d’un imaginaire importun.
123
Le parfait se conjugue donc à l’imparfait toujours mis en relation avec un
futur conditionnel. Cette opération implique d’effectuer une projection des
constantes de variations du passé immédiat en tenant compte des spécificités
contingentes du futur immédiat, ce qui implique la constitution d’un modèle
représentationnel nécessaire au pilotage de l’incertain : une sorte de
péréquation des probabilités qui est représentation. De la justesse de cette
représentions dépendra la rapidité et l’efficacité du processus qui conduira à la
réalisation.
L’erreur souvent commise est de considérer qu’une péréquation consiste en
une répartition équitable. Elle ne serait alors qu’une équation, une formule
d’égalité. Le fait d’ajouter à l’équation le « peira » ajoute à l’illusoire de l’état
d’égalité celle du mouvement qui est une « épreuve » impliquant une mise en
valeur.
Visionnaire du point de fragilité du système économique, Marx élaborera la
péréquation du taux de profit pour répondre à un autre problème, celui posé
par la concurrence entre les capitaux en considérant que le capital n'est motivé
que par les profits qu'il peut réaliser faisant que pour un montant de capital
donné, les profits ne dépendent que du taux de profit, si bien qu'un capital se
déplace là où il estime que le taux de profit est le plus élevé. Il s’agit en réalité
ici d’une tautologie car le capital ne court le risque de se déplacer que dans la
mesure ou un profit plus élevé peut être réalisé sans remettre en cause le
capital initial ce qui implique qu’il se déplacera durablement là ou la situation
lui sera le plus durablement profitable et ceci indépendamment d’une petite
partie affectée à la pure spéculation. Pour sortir de la tautologie il fallait
changer l’angle de vision pour se situer non du point de vue du profit mais à
partir de celui de la valeur qui est la conséquence d’un rapport entre le profit et
le risque.
Inconsidérément Marx affirmera que, dans le capitalisme, la norme de
l'échange n'est pas la valeur, mais le prix de production entrant ainsi dans le
jeu de le jeu même du capitalisme offrant ainsi au sacrifice d’un impensé ses
disciples. Chez les romains le « capital » était le voile qui cachait la tête de la
prêtresse au moment du sacrifice. En parlant de capital on couvre d’un voile le
mot valeur et en opposant le travail au capital on n’opère nullement une
péréquation tant que le mot valeur n’a pas été mis à l’épreuve de la mesure en
sorte que ce qui ne se mesure pas n’a pas de valeur. « La vie n’a pas
d’importance, mais rien ne vaut la vie », A. Malraux. Ainsi lorsque l’on parle
assez paradoxalement de capital social d’une entreprise on entend par cela
l’ensemble des biens mobiliers et immobiliers ayant une valeur comptable
qu’elle met à la disposition du travail, lequel travail n’a de valeur qu’au regard
du temps consacré à la valeur ajoutée au capital sans qu’à cet instant ne se
pose celle de la valeur de celui qui le fournit. Un esclavage citoyen déguisé, on
124
n’achète plus une vie mais des temps de vie. Un progrès néanmoins. Ainsi en
fonction du double principe énoncé qu’une valeur qui ne se mesure pas n’en a
pas et que les valeurs humaines se définissent à partir des usages en vigueur
(folkways) dans un groupe ou une société et relèvent donc des normes, on
n’évalue rien d’autre que la conformité de la conduite que l’on se doit d’avoir
envers celui qui maîtrise à sa source les flux qui traversent le système. Or
évaluer c’est établir une comparaison et, sans degré d’échelle, évaluer n’est
pas mesurer. Sans cela le respect ne viendrait que de la crainte qu’elle inspire.
Chercher la péréquation revient donc, pour constituer une véritable lisibilité de
ce qu’est le capital social d’une entreprise, à lui intégrer la valeur des hommes
qui font le travail en tant qu’ils sont la résultante d’investissements sociétaux
dont la valeur est aisément mesurable, chiffrable, si l’on s’en donne
politiquement la peine. Car pour le moins l’école libre et obligatoire pour tous,
bien que gratuite, à bien un prix digne d’être pris en compte. Ainsi la valeur
d’une entreprise constituée d’un capital financier (nous garderons la
dénomination de social) et d’un authentique capital sociétal (que nous devrions
appeler social) permet d’en situer sa réelle pertinence et par regroupement le
crédit de confiance que les marchés peuvent lui accorder. Lever le voile de
l’ambiguïté du capital pour que d’univoque par scotomisation il devienne
symbole et rende la péréquation possible. Ainsi en disposant d’une mesure du
capital travail au même titre que l’on mesure le capital des investisseurs, la
trifonctionnalité se trouve rééquilibrée par la valeur mesurée de compétences-
travail et de l’investissement, faisant qu’investissement et travail trouvent leurs
points de convergence dans une communauté d’intérêt. C’est
vraisemblablement à ce niveau que se situerait une authentique réflexion
représentationnelle de ce que pourrait être « un politique de civilisation »
évoquée par Edgar Morin.
Toutefois le risque est grand, indépendamment de l’immense talent d’Edgar
Morin et de tout les respect du à une œuvre magistrale, d’omettre de situer son
champ de vision dans celui de la sociologie, lequel nécessiterait bien un
ouvrage sur la « sociologie de la sociologie »...Il pourrait bien mettre au jour le
fait qu’en scotomisant une partie du champ phénoménologique
anthropologique la sociologie nous aurait bien fournie l’expression de ses
propres représentations, reflet de celles attendues au gré de modes
intellectuelles du moment. C’est ainsi, et Edgar Morin en convient, que le
concept d’individualité tournera à l’individualisme et deviendra égocentrisme
pour aboutir à la solitude, posant ainsi la question de savoir comment restaurer
les solidarités. Le deuxième cas est celui de la recherche du bien être par les
biens matériels, laquelle a développé parallèlement un mal être psychologique
conforté plus tard par l’émergence du principe de précaution lié à celui
culpabilisation écologique faisant peu de cas de l’éthologie. C’est ainsi qu’une
succession de présupposés représentationnels, faisant fi des fondements
anthropologiques, à contribué à des inversions de sens au point que la
125
sociologie soit malaisée à porter remèdes aux maux qu’elle a en partie
orchestré qui plus est lorsqu’elle voudrait maintenant nous faire adhérer à cette
panacée de la « politique de civilisation », une autre casuistique. Pourtant la
perspective vaut d’être posée à condition qu’en définissant l’ensemble des
caractéristiques sociales d’une société développée on ne perde pas de vue
qu’une civilisation n’est pérenne que dès lors qu’elle ne remet pas en cause ses
propres fondations schèmique telles que nous les avons évoquées et dont le
registre permet de constituer la gamme des réponses possibles aux
contingences auxquelles cette « civilisation » sera confrontée et ceci dans le
même ordre de logique que celle que nous évoquerons maintenant.
Mettant au point des problématiques neuves Simone de Beauvoir s’opposera
aux tenants de « l'éternel féminin » au prétexte de données anthropologiques
que nous savons maintenant contestables au regard de l’ethnologie et plus
particulièrement de l’ethnopsychiatrie. En liaison avec les féministes de
l'époque elle niera les différences concrètes entre les sexes. Simone de
Beauvoir en conclura que ces différences ont une origine strictement culturelle
et non naturelle, opposant ainsi la suprématie des constructions intellectuelles
au détriment de contingences de la nature.
Ses études, qui analyseront de façon empiriques les mécanismes générateurs
de l'oppression des femmes en montrant le chemin d'une possible libération
s'appuieront en réalité sur la morale au prétexte d’une philosophie existentielle.
Elle tentera l’axiome selon lequel de tout temps la femme aurait été définie
comme l'autre, faisant d'elle un objet incapable d'assumer sa liberté qui est
pour Simone de Beauvoir la seule justification authentique de l'existence
humaine. Réflexion qui n’est tenable que dans le cosy d’une bourgeoisie
équipée à l’époque de réfrigérateurs par des femmes largement pensionnées
par des maris infidèles ou libertins. Eclipsant ces réalités gênantes dans
l’espoir de trouver quelques cautions sociales auprès des suffragettes, elle
extrapolera ses propres interrogations matrimoniales et libidinales sous la
forme hautaine non des questionnements mais de justifications philosophiques
humanistes au prétexte charitable de libération de ses congénères moins
fortunées. Cette image caritative existentialiste fortement médiatisée par la vie
privée du couple qu’elle formait avec Jean Paul Sartre (qui la surnommait
« Castor ») aurait bien eu pour effet qu’à trop penser l’être féminin en dehors
de son objet cet existentialisme n’aboutisse qu’à s’approprier l’objet du délit
pour n’en tirer d’autre satisfaction que celle d’un godemiché masculinisant :
Sartre de son côté exprimant ses phantasmes dans des alcôves moins
ordinaires. Ils n’auront pas d’enfant.
A confondre les icônes de l’existentialisme avec le symbole de l’existence, on
confond une consigne avec ce qui n’était somme toute qu’un judicieux signal
d’alerte. Ainsi s’engouffrent les chimères qui laissent à croire que l’être puisse
126
exister sans l’avoir qui passe par le paraître. Alors on a peu de chance d’être
productif lorsque l’on croit que tout est dans tout sans savoir dans quel sens…
Cette allégorèse provocatrice à l’encontre de quelques unes des icônes du
XXième siècle laisse aussi entrevoir combien, à un moment propice du destin,
la grâce évanescente de quelques idées bien formulées peut nous faire
entrevoir la puissance de représentations artificielles comme étant capables
d’élargir le champ des possibles de certaines de nos habitudes elles-mêmes
infondées… à condition qu’elles ne nous fassent pas perdre de vue au nom
d’une « politique de civilisation », élaborée à l’occidental, la réalités des flux
qui alimentent nos réfrigérateurs. Qu’on le veuille ou non la liberté de ceux
que l’on prétend les plus faibles est directement proportionnelle à la distance
de tir des armes de ceux qui les protègent. Mais à l’asymptote de l’armement
de la force de frappe, les premières puissances mondiales pourraient bien avoir
à constater les risques de l’endormissement que trop de confiance peut
entraîner au contact des signes. Remettre de temps en temps les pendules à
l’heure de l’histoire de l’humanité.
Marx, Beauvoir et tant d’autres comme Sisyphe ont eu l’audace de dénoncer
des supercheries et les thèses qu’ils élaborèrent pour y apporter remèdes
produiront aussi l’illusion d’avoir enchaîné la mort… le temps qu’Hermès (le
dieu du commerce, des voleurs et des médecins) ne vienne délivrer la mort et
nous faire prendre conscience que ces escamoteurs ne nous ont fait qu’un
instant oublier, dans la griserie du jeu, que nous ne continuons avec eux qu’à
pousser en haut d'une colline un énorme rocher qui dévalera à nouveau la
pente dès qu'on aura réussi à le hisser au sommet. Il est temps d’apprendre à
construire des rampes et à penser les tangentes.
Dans « Le mythe de l’Etat » (ouvrage posthume publié en 1946) Ernst Cassirer
pose une question centrale à partir de l’effondrement constaté durant la fin de
la première moitié du XXè siècle des valeurs des « Lumières », en France et de
celles du romantisme en Allemagne:
« Comment a-t-il pu dès lors se faire que toutes ces réalisations aient pu
soudain être remise en question et que le XIXème siècle débute en attaquant et
en défiant ouvertement tous les idéaux philosophiques et politiques des
générations précédentes ? ». En termes plus généraux comment des
changements si radicaux de représentation peuvent apparaître dans les sociétés
alors qu’on croyait que ceux tenus pour bons fussent à jamais insérés dans la
linéarité des avancées de la conscience collective?
Pour apporter un éclairage sur cette problématique Ernst Cassirer opérera les
distinctions suivantes pour tenter une réponse :
127
- L’Histoire vue par le romantisme est associée à un idéal qui peut être
compris comme source originelle, métaphysique du Droit sur lequel
l’homme n’a fondamentalement aucun ascendant. De leur côté les
« Lumières » verront dans l’Histoire une façon d’inspirer l’avenir vers
un nouvel ordre sublimé.
- Le mythe est dans la pensée le romantique un objet de curiosité
intellectuel, le considérant comme contenant les fondements de la
culture humaine. Si pour le romantisme le mythe est le point de départ
et d’achèvement de la philosophie, il est perçu par les « Lumières »
comme une masse incohérente, aux fondements confus et barbares
incompatible avec la philosophie.
Insistant au regard de l’Histoire, Cassirer cherchera à distancier l’esprit
romantique des développements politiques qui suivirent et laissera à penser
que état totalitaire n’en serait pas la conséquence au nom de son caractère qu’il
veut croire essentiellement culturel. Pour défendre ce point de vue il
argumentera que le romantisme n’a jamais songé à politiser le monde, mais
plutôt à le « poétiser » au cœur des sphères de la vie humaine dans un souci de
conservation et non de conquête. Il insistera sur le souci des Romantiques de
ne pas sacrifier toutes les formes spécifiques de la vie culturelle comme la
poésie, l’art, la religion ou l’histoire à l’Etat « totalitaire » : les Romantiques
espéraient une unité européenne sans qu’un des pays ne perde la cohérence de
son identité. Le nationalisme romantique qui s’en suivra devrait alors être vu
comme la conséquence de l’amour et non de la haine. Ces visions s’avèreront
incapables de résoudre les problèmes de la vie politique lorsque les guerres
napoléoniennes éclateront. Les romantiques se convaincront de la nécessité
d’adopter une attitude plus « réaliste ». Beaucoup d’entre eux s’engageront
dans la cause nationaliste.
Voila posés les éléments d’analyse que développe Cassirer: les deux premiers
points concernent les deux principaux domaines qui opposent le romantisme et
les Lumières, et le troisième porte, lui, sur l’évolution du romantisme au
nationalisme.
Pour les philosophes du XVIIIe siècle l’étude du passé n’est pas une fin en soi,
mais un instrument dont l’objet est de servir à instaurer un nouvel ordre social.
L’Histoire est un guide pour l’action qui doit le conduire vers un meilleur état
de la société humaine. Au XIXème siècle, les romantiques idéaliseront et
spiritualiseront le passé : on peut tout comprendre et tout légitimer dès le
moment où l’on peut retracer l’origine des choses. De leur côté les
« Lumières » rappelleront que le terme d’ « historicité » doit être compris
comme étant « le fait pour un individu ou une collectivité d’avoir conscience
ou connaissance du caractère essentiellement historique de son être ». Selon
cette définition Cassirer considérera que «nos sociétés (...) accordent une place
128
centrale à l’idée d’un devenir qui ouvre sur un futur qui n’est inscrit nulle
part, à partir d’un passé qui n’agit que par le sens qui lui est donné » suggérant
l’utilité de la raison et d’une conscience du passé afin d’établir des lois et un
Etat qui soient les produits de la volonté humaine.
Au contraire de la démarche volontariste des « Lumières » la conception que
se feront de leur côté les romantiques de l’Histoire évoquent la notion de
déterminisme selon laquelle « (...) l’histoire des sociétés, leur évolution et leur
succession sont soumises à des lois ». Pour les Romantiques, chaque époque
historique est sous-tendue par des lois qui lui sont propres, en sorte qu’il
n’existe rien en dessous de l’histoire et qu’elle fait droit. Cette vision rejoint la
définition de l’historicisme, selon laquelle tout est soumis à l’Histoire, y
compris les théories et les valeurs.
Pour les penseurs des « Lumières », le mythe est perçu une masse aberrante
d’idées confuses et superstitieuses, il ne peut y avoir aucun point commun
entre les mythes et la philosophie. Les Romantiques, au contraire, considèrent
le mythe comme la source principale de la culture humaine. Elle s’enracine
dans une nécessité supérieure métaphysique. Ainsi le mythe est pour eux
l’allié et l’achèvement de la philosophie qui est à l’origine de l’art, de
l’histoire et de la poésie. La glorification romantique du mythe a pour fonction
de faire pénétrer l’esprit poétique dans tous les domaines de l’activité
humaine. L’universalisme, littéraire comme religieux, est valorisé dans la
perspective de maintenir l’identité des nations et des cultures préférant la
diversité au totalitarisme.
C’est dans ce cadre conceptuel que le nationalisme romantique naîtra de
l’amour et l’admiration pour l’esthétique et la poésie projetée sur l’Etat et de
celles de la puissance et du pouvoir. Pour les romantiques les politiciens sont
des artistes qui travaillent une matière qui est la chose publique. Tout est sujet
à devenir un art. Le changement idéologique sera radical durant les guerres
napoléonienne et justifieront à leurs yeux l’éclosion d’un nationaliste
grandissante comme étant « un mécanisme de défense », une riposte au nom
d’un droit naturel face à la menace de voir le tissu social se défaire.
Pour Ernst Cassirer, le mythe est analogue à l’ombre, aux ténèbres, cette part
cachée de l’humanité qui contiendrait en même temps les formes de
l’expression culturelle mais aussi le langage, l’histoire et la religion. Nous
parlerions aujourd’hui de siège de l’inconscient collectif. Selon lui les mythes
ont une fonction de construction d’un univers cognitif. En extrapolant, la
science aurait besoin du mythe pour échapper aux torpeurs de l’inconscient
ainsi que pour assurer une meilleure structuration du système et son
amélioration. Ce sont donc les forces intellectuelles, éthiques et artistiques qui
seraient les seules capables (si elles restent vigoureuses) de dompter le mythe.
129
Or, lorsque toutes ces forces s’affaiblissent à la suite par exemple de tournants
historiques, le mythe sortirait alors de sa cachette pour envahir la vie sociale et
culturelle lorsque les repères seraient devenus absents. A son époque, Ernst
Cassirer considèrera à jute titre la « pensée mythique comme le trait le plus
marquant de la pensée politique moderne » et pensera résoudre les inversions
de sens en invitant la philosophie, dans une perspective stratégique, à « se
mettre à étudier soigneusement l'origine, la structure et la technique des
mythes politiques » qui à son sens contribueraient à mieux « regarder
l'adversaire en face afin de savoir comment le combattre ».
On sent toutefois que la démonstration tourne un peu en rond au point que le
mythe serait pour Ernst Cassirer à la fois la cause et le remède des maux sans
pour autant que l’on puisse lui reprocher de n’avoir pris en compte, dans son
paradigme volontariste, les facteurs environnementaux qui interagissent et qui
font sélectionner ceux d’entre les mythes et de leurs interprétations possibles
ce qui est plus favorable à la trivialité ambiante.
En effet une pensée idéologique ne devient un mouvement social que si
seulement elle trouve écho dans la collectivité. Cela ne doit toutefois pas
perdre de vue qu’il serait risqué de ne pas prendre en considération que les
idées d’un petit groupe d’hommes peuvent faire un mouvement social
lorsqu’ils ont clairement saisi le point de fragilité du système. Le propre de ces
groupuscules est de savoir isoler le point de fragilité du système au contact des
flux qui le traversent, d’agir sur les consciences pour qu’elles adhèrent à la
nécessité de s’unir pour en changer radicalement les méthodes de captation.
C’est à ce point de fragilité que les flux nouveaux feront pression et qu’ils
donneront naissance à une nouvelle forme, laquelle sera naturellement
orchestrée par les visionnaires initialement groupusculaires qui auront su les
saisir à temps. Toutefois il était impossible à Cassirer, trop perturbé dans ses
convictions humanistes par les événements de la guerre 39-45, de disposer du
recul des données historiques en notre possession maintenant pour prendre en
compte la nature cachée des flux qui ont contribué à ce tsunami qu’a été le IIIe
Reich. Cassirer ne pouvait qu’en subir intellectuellement et peut être
religieusement les incohérences.
La solution n’est donc partiellement pas comme le préconise Cassirer dans la
compréhension de ce que sont mythes « pour regarder l’adversaire en face
afin de savoir comment le combattre » mais dans l’analyse du point de fragilité
d’un système représentationnel actif avant l’émergence du phénomène dans
lequel peut s’engouffrer un mythe. Enlevez le ruisseau et la fable du loup et de
l’agneau de Jean de La Fontaine est sans objet.
C’est la fonction d’une science que d’être en mesure d’anticiper. De ce point
de vue, il faut reconnaître à Ernst Cassirer d’avoir été l’un des précurseurs du
130
constructivisme moderne ayant eu une influence majeure sur Maurice
Merleau-Ponty et en particulier dans son ouvrage « Phénoménologie de la
perception ». Mais la problématique maintenant posée n’est plus celle du
constructivisme ni de la perception mais bien celle de la « phénoménologie de
l’anticipation » par la constructalité.
Cette démarche de lecture comparée des représentations souhaitée par Cassirer
est rendue possible dans un cadre trikãlien qui offre l’avantage d’autoriser une
analyse nouvelle et combinée de ces deux phénomènes philosophiques qu’ont
été « les Lumières » et le Romantisme allemand du XVIIIème siècle à nos
jours.
Il faut en effet insérer les analyses d'Ernst Cassirer tout comme les travaux les
travaux de Paul Hazard ou de Peter Gay à propos des Lumières comme étant
une tentative de définition et de constitution d’un modèle car il faut bien le
reconnaître le qualificatif préalable de « Lumières » constitue pour le moins
une prise de position qui fait entrer les penseurs de l’époque au même rang que
les philosophes. Le sont-ils vraiment par rapport à Kant? Mais que Kant est-il
au regard de ce que ses pensées ont pu faire ?
Avant toute prise de position, afin de ne pas obscurcir les conclusions, il
semble légitime de se demander ce que sont les Lumières. Ne conviendrait-il
pas mieux de substituer aux mots philosophie un ensemble de mots d'ordre, de
valeurs et de tournures de pensées qui feraient d’eux des idéologues, des
combattants du Progrès, ce que Kant appelle un usage adulte de l'esprit
humain ? Quoi qu’il en soit de cette question de rang l’hétéroclisme des
Lumières se caractérise plus par la conquête d'une attitude intellectuelle
qu’elle ne constitue un ensemble de valeurs approfondies, de textes et
d'analyses, voire d'engagements concrets autrement que dans la posture
inhérente au questionnement. C’est la proposition d’un horizon d'espérance,
une sorte d'idéal universel opérée par antagonisme à la monarchie déclinante
de la France du XVIIIème siècle : une représentation offerte à tous à partir
d’un point de vue œdipien qui se veut universel. Dans ce cadre la Liberté est
une mère à conquérir en évinçant du parcours tous les obstacles. Le tout
conduira à ce qui pourrait bien n’être qu’un inceste donnant l’illusion au nom
des valeurs que l’on puisse ainsi devenir adulte en tuant le père, fusse de
surcroît un monarque… Le concept de Lumières pourrait alors être compris
comme l’image inversée d’un inconscient occulté : un contre-transfert
mythique.
De son côté, entré à l’académie de Berlin, Kant proposera un changement de
méthode, comparable à celle que la révolution Copernicienne avait opéré en
astronomie, pour quitter un centre immobile privilégié pour l'observateur qui
pourrait ne plus être la Terre mais le Soleil. C’est peut être par ce biais qu’il
131
soit possible de réponde à la question que Cassirer posait, « Comment a-t-il pu
dès lors se faire que toutes ces réalisations aient pu soudain être remise en
question et que le XIXème siècle débute en attaquant et en défiant ouvertement
tous les idéaux philosophiques et politiques des générations précédentes ? »,
cette fois-ci insérée dans une phénoménologie plus large que celles qui
conduisirent aux « lanternes ». En pratiquant de la sorte il y aurait en effet lieu
de placer le mythe non au centre d’un débat géocentrique empreint de
syllogismes mais bien de faire du mythe une des planètes représentationnelles
de notre système cognitif.
Tentons de saisir synthétiquement les constantes de ces mouvements
apparemment contradictoires qui ne le sont qu’au regard des rouages mais plus
lorsqu’il est posé sur le mécanisme d’ensemble. Ce n’est qu’en démontant le
système qu’il apparaît faisable de trouver le pignon manquant à l’engrenage
qui pourrait être à l’origine de ce télescopage entropique entre le Romantisme
allemand et les pensées des Lumières.
Les chefs-d'œuvre du roman courtois au Moyen Âge ne seraient pas nés sans
les modèles français ; le latin reste jusqu'au seuil du XVe siècle la langue des
philosophes et des professeurs.
Le roman plante ses racines anciennes dans les traditions orale et folkloriques
qui mettent au devant de la scène des animaux et s’inspirent de sources
savantes comme les fables ésopiques. L’ensemble devient parfois parodique en
faisant couple avec les événements du palais. Le souverain tient sa cour
comme un lion sa harde : il convoque ses vassaux, rend la justice comme le roi
Arthur ou Charlemagne et les conflits entre animaux revêtent des accents
épiques. Dans cet univers de contraintes parfois contrariées « Renart » rime
avec art (art du langage, de la ruse, du déguisement et de la mise en scène).
Usant des mêmes stratagèmes le conteur sait attirer son auditoire:
« Seigneurs, beaucoup de conteurs
Vous ont raconté beaucoup d'histoires :
L’enlèvement d'Hélène par Pâris,
Le malheur et la souffrance qu'il en a retirés ;
Les aventures de Tristan
D’après le beau récit de la Chèvre,
Des fabliaux et des chansons de geste.
On raconte aussi dans ce pays
L’histoire d'Yvain et de sa bête.
Cependant, jamais vous n'avez entendu raconter
La terrible guerre
Entre Renart et Isengrin,
Une guerre terriblement longue et acharnée. »
132
Le conteur met en appétit, il sensibilise en faisant référence à ce qui est connu
pour attirer l’attention et susciter l’intérêt. Pourtant rien n’est vérifié. Les
préliminaires suffisent au climat de confiance nécessaire pour se délecter du
bon miel imaginaire de ce qui va suivre : le conte. En réalité au prétexte
d’animaux on lève les tabous qui pèsent sur la cour en apprenant comment
transgresser les règles de l’étiquette qui protègent les biens, les personnes…et
les amours. Les choses entrent dès lors dans l’ordre de la nature dans un
monde chrétien où la nature devait être mise en ordre, tout comme les
sentiments. C’est par ce biais subtil que l’amour pénétrera à nouveau dans le
jeu sociétal.
Le premier en date des grands classiques du roman courtois en Allemagne
serait Hartmann von Aue qui était d'origine souabe, chevalier de naissance non
libre (dienstmann), ministérial au service d'un seigneur d'Ouwe auquel il
semble avoir été très attaché. On retiendra de sa période de jeunesse (1180-
1185) le Büchlein (Petit Livre) et l'Erec ; le premier est un traité didactique sur
l'amour courtois que Hartmann a désigné lui-même sous le titre de klage,
traduction de « complainte » (variante du « Salut d'amour ») ; il s'agit d'une
d'un dialogue en forme rhétorique de disputatio, entre le corps et le cœur, ce
dernier étant le siège des désirs et de la passion sublimée ; le cœur enseigne au
corps la nécessité de l'effort, de la privation, du renoncement pour que soit
atteint dans le vasselage d'amour l'état de perfection humaine vers lequel tend
la culture courtoise. L'Erec est un poème arthurien adapté assez librement de
Chrétien de Troyes qui pose le problème de la conciliation à réaliser entre les
exigences de l'honneur et celles de l'amour.
La partition romantique est presque déjà écrite dans ces deux paragraphes. Il
reste maintenant à connecter la nature à l’amour et l’amour à l’honneur puis
nimber le tout d’une poétique au point que se faisant ni Dieu ni les autorités
n’y verraient rien de cette remontée de sève païenne. L’affaire suit lentement
son cours…On quitte la littérature sacrée du Moyen Age pour sacrer le profane
sans profaner le sacré.
Au XIV et XVième siècle l'aristocratie exerce encore son influence sur la vie
culturelle, mais nobles et bourgeois tout en demeurant attachés à l'idéal
chevaleresque ne cherchent plus à allier valeurs terrestres et valeurs
spirituelles. La production littéraire abondante se définit plus par son caractère
utilitaire qui cherche à édifier, à enseigner et à distraire que par son intérêt
pour les idées de civilisation.
Dans cette Allemagne du XVIIe siècle le français est le langage des cours. Le
roi de Prusse Frédéric II ne fait aucun cas de ses compatriotes et il appelle
Voltaire à la Cour de Berlin, Maupertuis à l'Académie et l’on comprend
aisément que pour qu’une littérature identitaire puisse voir le jour il faille
133
prendre le contre-pied et s'armer contre l'influence étrangère pour en rejeter
parfois avec humeur la tutelle. Notons aussi que le « classicisme » allemand
(faisant retour sur l’Antiquité classique) est le dernier des classicismes
européens et que le naturalisme ainsi que le symbolisme ne prendront pied en
Allemagne qu'au moment où ils commenceront à s'épuiser en France. Ce fût
l'Allemagne qui montrera la route : le mot « romantisme » a, outre-Rhin, un
sens, une profondeur, une originalité qui lui sont propres ; une grande part du
lyrisme y prend racine (jusqu’au formes underground dites « gothiques » de
nos jours). En littérature comme dans les arts plastiques, l'expressionnisme est
pour l'essentiel une production de l’esprit allemand. L'une des définitions les
plus justes du romantisme est celle qui souligne l'esprit de révolte : révolte
métaphysique comme en France chez Rousseau quand il s'écriait : « J'étouffe
dans l'univers » ; mais aussi révolte sociale et politique. Dans nul autre pays il
n’existe en réalité de rapport précis entre la philosophie et le romantisme, si ce
n'est en Allemagne sans même que Kant y échappât.
« Le Romantisme allemand seul fût étroitement lié à la philosophie de Fichte,
Hegel, Schelling. Il s'éleva contre la pensée analytique de l'Aufklärung pour
célébrer le dynamisme créateur et l'idéalisme [conflit entre pensée
platonicienne et pensée aristotélicienne, entre cognition catégorielle et
analytique, entre l’unité et le fractal]. Il se pencha sur l'activité interne du moi
qui pense et crée le monde. Il rejeta la vieille interprétation mécanique de la
nature. Il prôna le fragment et le conte (Märchen), fantastique et symbolique.
Avec Schleiermacher, il s'accompagna d'un réveil religieux et, avec
Wackenroder, il influença, d'une façon qui n'est pas toujours bénéfique, le
groupe d'artistes dits « nazaréens ». La pensée de Schopenhauer, mettant
l'accent sur l'inconscient et le pessimisme, exercera son influence plus tard,
vers le milieu du siècle. Des deux côtés du Rhin, en tout cas, et surtout par
l'impulsion donnée à la philosophie de l'histoire, les penseurs et les poètes
romantiques abandonnèrent la quiétude des classiques et mirent au premier
plan la Sehnsucht, la nostalgie et l'angoisse. La grande idée de développement
transforma leur manière de sentir et de voir, aussi bien avec Diderot et
Rousseau, Lamarck et Bichat qu'avec les écrivains. » ((Henri Zerner, professor
of history or art and architecture, Harvard University)
En phase terminale les Romantiques deviendront des êtres insatisfaits et
déchirés qui chercheront refuge dans les mythes en se construisant les leurs
jusque dans les circonvolutions de l’Art Nouveau pour se rigidifier de 1910 à
1933 dans la torpeur de la « grande époque berlinoise »… jusqu'à épuration
par le IIIème Reich.
Dans un tel contexte et sous oublier les remous politiques et économiques qui
ont traversé l’Europe il ne faut pas trop s'étonner des difficultés que le
romantisme a eu à cerner sa problématique spécifique tant les bouleversements
134
subis relèveraient en réalité plus de la psychanalyse que d’un cours de
casuistique. Parallèlement si l'on songe aux ambitions sociales de la
Révolution dans ses représentations les plus radicales, on constate la même
distance entre leurs aspirations et les contingences, les rendant tous deux
impropres à anticiper la réalité du « coup d’après ».
Mais il s'agit en fait d'un phénomène général, que Michel Foucault évoque
dans la dernière phrase d'un livre où il démontre avec précision comment la
conception de la mort a entièrement changé vers 1800 dans la pensée
médicale : « La culture européenne, dans les dernières années du
XVIIIe siècle, a dessiné une structure qui n'est pas encore dénouée ; à peine
commence-t-on à en débrouiller quelques fils qui nous sont encore si inconnus
que nous les prenons pour merveilleusement nouveaux ou absolument
archaïques, alors que, depuis deux siècles (pas moins et cependant pas
beaucoup plus), ils ont constitué la trame sombre mais solide de notre
expérience.32
»
« Mourir pour des idées, d’accord,…mais de mort lente » (G. Brassens).
Pour tenter résoudre cette énigme dont parle de Michel Foucault, parallèlement
à celle que pose Ernst Cassirer, il convient de mettre en rapport les forces
cognitives et les pensées idéalisantes qui sont entrées en jeux au XVIIIème
siècle avec les tendances philosophiques qui peuvent leur être contiguës et ce
faisant constater que :
- Le romantisme allemand apparaît comme dénué de toute démarche
hégémonique allant jusqu’à, dans le déni, exclure quasi totalement le
politique de son champ de vision. Cela évince des trois comportements
premiers celui de l’agression. En revanche l’alternance entre inhibition
et fuite se trouve bien attestée par les ponts incessants qu’opère le
romantisme entre une mémoire naturelle et un idéal unitaire de société.
La démarche cognitive tente d’opérer la jonction entre le normatif et la
logique afin de se constituer une codification du réel : démarche
pythagoricienne entre philosophie épicurienne et stoïcienne
constitutive d’une capacité créative et imaginative qui laisse peut de
place aux directions académiques : un expressionnisme libéré des
carcans et en perpétuel recherche obsessionnelle d’un lui-même. C’est
dans la droite ligne de cette logique (zone d’alternance) cognitive que
se constituent les mythes en sorte qu’un mythe peut se définir
(fondamentalement) par l’absence d’une morale déterminée et
imposée (par un signifié) qui puisse lui fixer un terme bien qu’il soit à
sa recherche. La modélisation par analogie est exclue de son champ de
32
Michel Foucault, « Les mots et les choses. ». « Organisation et désorganisation des
sciences dans l’histoire: épistémè et sciences contre sciences humaines. Paris,
Gallimard (1966).
135
vision normatif tout comme la dialectique et la doctrine. Ce qui
distingue radicalement le mythe de la légende et du conte. En analogie
avec la machine de von Neumann et notre triangle sémiotique le
mythe fonctionne de façon prédominante entre la mémoire centrale et
l’unité arithmético-logique et privilégie donc le parcours entre le
signifiant et la signification sans connexion avec l’organe de
commande donc avec le signifié. Le mythe est donc imperméable au à
la résolution des signes venant de l’extérieur, en conséquence il ne
peut faire sens en lui-même et en temps que tel. Modèle de vision du
monde conforme aux procédés employés par Marx, Simone de
Beauvoir et d’une façon générale par la sociologie saint-simonienne et
ce qu’elle ne cessera de décliner dans l’histoire de la sociologie. Le
subterfuge consiste à évincer du système le rôle du signifié au contact
du signe extérieur et à placer le signe au sein du système en sorte
qu’ainsi il puisse se penser indépendamment du signifié. De triaire le
système devient alors binaire, dichotomique et diabolique. Rien n’est
signifié, alors tout est possible. Grande richesse de production d’idées
sur un nuage, loin des réalités contingentes qui continuent à opérer…
L’urgence fera alors son œuvre pour aller chercher ce que l’on avait
pas intégré au système ou rejeté volontairement, le tout plongé dans un
environnement cognitif souvent pathogène et obsessionnel : on partira
alors en quête d’un sauveur, d’un « signifié » qui fera de la sélection
naturelle un « signification » apte à compenser la déshérence d’un
« signifiant » en mal de représentations et devenu apte à manifester sa
vindicte et ses torpeurs archaïques sur les signes étoilés peints de jaune
sous les vociférations de quelques « signifiés » vérolés ou impuissants.
- A la différence du romantisme allemand, les Lumières française,
rejetées par l’intelligentsia sous et à l’encontre de Frédéric II (qui les
adulait), voudront changer les règles du jeu imposées par les
souverains de l’époque. Ils se présenteront en donneurs de leçons et
pour les meilleurs en envisageant un nouveau contrat social, une
nouvelle dialectique pour plus d’égalité moyennant l’abolition de
quelques privilèges assez communément admise au demeurant par les
catégories concernées de l’époque. Sans cela comment auraient-elles
pu s’enticher de leurs présences autrement que pour se servir d’eux
comme média de réputation auprès des cours Européennes ? On ne
faisait somme toute que d’écrire tout haut ce qu’on déclarait tout bas.
En somme rien de bien sérieux à l’époque qui vaille la tête d’un
souverain ! En bonne logique le savoir est mis en avant en tant que
valeur salvatrice et à force de travail on réunira en 1772 l’intégralité
des connaissances du siècle concerné en quelques onze volumineux
ouvrages destinés au bien de tous. L’Encyclopédie. On reste très
pratique et confiant en son pays au regard d’une histoire à laquelle on
136
ne se réfère que peu. On cherche à signifier de nouvelles significations
possibles sans trop de retour épistémologiques vers la philosophie. On
préférera procéder par analogie en expliquant les choses au regard des
grandes découvertes scientifiques qui se font jour afin de réparer les
erreurs dans la mécanique, qu’elles viennent où non du Grand
Horloger. En résumé nous sommes à cette période de l’histoire dans
une pensée parménidienne qui se marie à la révolution industrielle en
gestation. On établit une logique rationnelle en s’appuyant sur les
atouts de l’analogie. Des académies naissent de partout et l’on veut
sortir d’un obscurantisme fait d’étiquettes émoussées pour mettre au
pouvoir un peu plus de logique dans la raison, le tout dans la
perspective de donner un peu plus de chances à chacun. Se libérer des
carcans pour mieux faire face aux contraintes. On alerte à partir des
signes en demandant des pouvoirs mieux capables à signifier
l’orientation vers des significations nouvelles. A l’opposé des
romantiques allemands l’introspection n’est pas de mise. On ne veut
pourtant pas changer les cartes du jeu, simplement mieux les répartir
et éviter que les dés soient pipés. On oscille entre la sophistique
empirique et l’épicurisme, situant ainsi globalement les pensées des
Lumières au sein d’une philosophie de type platonicienne dont la
perspective est d’optimiser le système à partir de comportement
premiers d’agression et de fuite : on ose et on espère. Un combat sans
états d’âme mais aussi en perte de références.
L’espace nous manque ici pour détailler plus avant les nombreuses subtilités
de ces deux mouvements tant et si bien qu’il nous aurait été plus favorable de
parler des romantismes et apporter plus de nuances concernant les Lumières.
Mais les grandes tendances sont bien là et suffisent à comprendre les
interactions qui vont suivre en ayant toujours à l’esprit que ces idéaux feront
emprunte sur les sociétés concernées parce qu’il sont convergents de la nature
propre des flux qui les traversent et de la place qu’elles occupaient au point
initial de captation : notamment en France, unifiée par des pouvoirs royaux
forts au frontières d’une Allemagne aux nombreux pouvoirs régionaux et plus
préoccupée par l’éclatement du Saint Empire Romain Germanique médiéval
que de sa cohésion interne subodorant : les traités de Westphalie (1648) en
raison des ses contestations internes et des positions de la France. Il n’en
subsistera qu’une coquille vide auréolée néanmoins d’un titre qui restera
encore prestigieux.
Les alertes impulsées par les Lumières n’ayant que peu d’effet sur des
pouvoirs endormis la Révolution mettra à feu et à sang l’Europe entière.
Cependant, alors qu'on aurait pu s'attendre à un règlement de comptes définitif
entre l'Autriche et la Prusse, qui eût maintenu, au moins comme fiction, la
dénomination impériale allemande, les entreprises françaises de la Révolution
137
puis de Napoléon Ier bouleversèrent cette évolution. L’Empire s'opposa à la
politique révolutionnaire en la personne de Léopold II, réconcilié pour un
temps avec le roi de Prusse. Mais Napoléon Ier, lorsqu'il décida de réorganiser
l'Allemagne, jouât des intrigues princières et des ambitions prussiennes contre
les Habsbourg. En 1803, la diète d'Empire accepta une redistribution des États
qui mit en place des frontières internes qui se sont maintenues jusqu'à nos
jours. Après sa victoire sur les Habsbourg à Austerlitz et le traité de Presbourg
(1805) qui favorisait les principautés du sud de l'Allemagne (Bavière et
Wurtemberg) aux dépens de l'Autriche, Napoléon créa la Confédération du
Rhin, dont les États membres décidèrent de s'exclure de l'Empire. Du coup,
celui-ci cessait d'exister, ce qu'admit, le 6 août 1806, le dernier « empereur
romain » couronné, François II. Les Habsbourg, toutefois, gardèrent le titre
impérial et se dénommèrent « empereurs d'Autriche ». Quant aux
Hohenzollern, ils allaient attendre jusqu'en 1871 que la maison de Vienne fût
totalement évincée pour se faire proclamer « empereur allemand » (IIe Reich).
Le romantisme deviendra nationaliste jusqu’à se radicaliser et n’avoir plus rien
du tout de romantique sous le IIIe Reich qui poussera à leurs paroxysmes les
mythes médiévaux de la chevalerie et des forces naturelles allant jusqu’à tenter
de justifier l’arianisme dont il se prévalait en envoyant de pseudo chercheurs
trouver justification de sa « pureté » dans les origines de la civilisation indo-
européenne. Ce qui à mon avis et de façon tout à fait annexe à notre propos
actuel expliquerait que fussent mis sous le boisseau les travaux de Georges
Dumézil dont il n’a jamais pourtant été contesté qu’ils fussent sans rapport
avec les événements que nous venons d’évoquer. Ce tabou latent privera les
sciences humaines et sociales d’une approche qui aurait pu lui être féconde
bien avant que nous ne la remettions à la juste place qui lui revient. Un non-dit
catastrophique qui sera le point de fragilité dont profitera de façon éhontée les
obédiences marxistes qui pénètreront les disciplines sociales des universités
françaises de l’après guerre pour plonger dans des torpeurs obsessionnelles
une pensée sociétale qui ne sera à bien des égards par loin de l’image de ce
qu’à été la haute époque romantique allemande notamment en usant jusqu’à la
démesure de concepts psychanalytiques dont Freud est à l’origine et
vraisemblablement le meilleur fruit dont puisse se prévaloir l’utopie
romantique… ce qui pourrait bien faire de ce que nous considérions comme
une annexe à nos propos un exemple majeur de ce jeu des interactions
constructales que nous avons de nombreuse fois évoqué et que nous
préciserons ultérieurement. Le modèle trikãlien qui suit va nous aider à en
comprendre le processus ainsi qu’à situer le mythe à la place qui doit lui
revenir et uniquement celle-ci. Ce tableau met aussi en regard les attitudes de
décision, de jugement, de soutien, d’interprétation, de reformulation et
d’information qui sous-tendent par le geste ou le verbe les discours cognitifs.
138
TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES
(Suite tableau…)
Explosion combinatoire :
syllogisme dialectique Zénonien
INFORMATION
FORMULATION
Nomination
Logique : rationnelle. Méthode : spéculative. Fonction : corrective
Référence : Démocrite, Epicure. Perspectives : imaginer l’existence de la
matière finie (pour se libérer des angoisses et des pressions) éviter les apories.
AGRESSION
SIGNIFIE
(Analogie)
FUITE
SIGNIFICATION
(Logique)
INHIBITION
SIGNIFIANT
(Normatif)
STOÏCISME
Numerus
SOPHISME
Numen
MIMETISME
OSMOSE
PRESTANCE
PARMENIDISME
DECISION
(NOMENCLATEUR)
Dénomination
Paradigme : doctrinaire
Méthode : syllogisme
dialectique.
Fonction : académique.
Référence : Platon.
Perspective : optimiser.
PYTHAGORISME
INTERPRETATION
(NOMENCLATURE)
Codification
Paradigme :
syncrétique.
Méthode : syllogisme
démonstratif.
Référence : Aristote
Fonction: Heuristique.
Perspective : holistique
EPICURISME
Nomisma
TRIALLELISME*
REFORMULATION
‘PATANOMIE
Sublimation
cenesthésique
139
TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES (suite tableau)
1
1
AGRESSION
SIGNIFIE
(Analogie)
FUITE
SIGNIFICATION
(Logique)
INHIBITION
SIGNIFIANT
(Normatif)
STOÏCISME
Numerus
SOPHISME
Numen
DIOGENISME
MIMETISME
OSMOSE
PRESTANCE
XENOPHANISME
SIGNE
Paradigme : irrationnelle. Méthode :
émotionnelle. Fonction : interloquer.
Référence : Xénophane
Perspectives : alerter.
PARMENIDISME
DECISION
(NOMENCLATEUR)
Dénomination
Paradigme : doctrinaire
Méthode : syllogisme
dialectique.
Fonction : académique.
Référence : Platon.
Perspective : optimiser.
JUGEMENT
(EVALUATION)
Election
Paradigme : empirique.
Méthode : comparative.
Fonction : Indicative.
Référence : Sextus
Empiricus.
Perspective : ouverture.
*TRIALLELISME
REFORMULATION
‘PATONOMIE.
Paradigme :
trifonctionnelle
Méthode : constructale.
Fonction : anticipative.
Référence :P.Kalason.
Perspective : Hystérétique.
ENQUETE
Qualification
Paradigme :
hypothético
catégorielle.
Méthode :
introspective.
Référence : Socrate /
Plutarque.
Fonction : maïeutique.
Perspective :
obsécration.
PYTHAGORISME
INTERPRETATION
(NOMENCLATURE)
Codification
Paradigme :
syncrétique.
Méthode : syllogisme
démonstratif.
Référence : Aristote
Fonction: Heuristique.
Perspective : holistique
EPICURISME
Nomisma
TRIALLELISME*
REFORMULATION
‘PATANOMIE
Sublimation
cénesthésique
SOUTIEN
NOMINAL
Assimilation
Paradigme :
scepticisme
Méthode: perplexité
entre être et unité.
(Ontologie)
Référence : Diogène
Fonction : sens.
Perspective : la
vérité métaphysique.
140
Afin de clarifier les parcours cognitifs qu’ont suivi les deux mouvements à
partir desquels Ernst Cassirer questionne, nous ne garderons du tableau des
cohérences trifonctionnelles ci avant que les schèmes élémentaires qui
permettent de le paramétrer au plus simple, laissant à notre lecteur le soin
d’opérer les allers et retours nécessaires à l’intégration de nos propos dans la
complexité et dans le meilleur des cas d’en user pour l’établissement d’une
cartographie experte plus détaillée au regard des nuances à apporter sur ces
pages de notre histoire commune.
141
CARTOGRAPHIE TRIKÃLIENNE HOMOTHETIQUE
DES VISIONS INTELLECTUELLES
- 1
0 1
1
0 - 1
Explosion
combinatoire
AGRESSION
SIGNIFIE
Cognition analogique
INHIBITION
SIGNIFIANT
Cognition
normative
FUITE
SIGNIFICATION
Cognition logique
Pensée intuitive
(Thomisme)
Pensée Déductive
(Augustinisme)
Pensée novatrice
(Jansénisme)
ROMANTISME
ALLEMAND
« LES
LUMIERES »
MANIERISME
Univers
cognitif des
LEGENDES
Univers
cognitif des
MYTHES
Univers
cognitif des
CONTES
IIIe Reich
Gouvernement
de Vichy
J.J Rousseau
Voltaire
Montesquieu Fénélon
Boulainvilliers
Loyseau
Diderot
J. E. Schlegel, Gellert,
Lessing
Klopstock
Schiller & Goethe
L, Tieck
Novalis
142
On aurait tendance à assimiler les mythes à des allégories pour en déduire que
derrière un langage indirect se trouverait d'authentiques vérités physiques et
morales qui nous seraient dissimulées. Platon dira du mythe que « sa
philosophie procède du mythe orphique et, d'une certaine façon, y retourne ;
quelque chose nous dit que le mythe ne s'épuise pas dans sa fonction
explicative, qu'il n'est pas seulement une manière préscientifique de chercher
les causes et que la fonction fabulatrice elle-même a valeur prémonitoire et
exploratoire à l'égard de quelque dimension de la vérité qui ne s'identifie pas
avec la vérité scientifique ; il paraît bien que le mythe exprime une puissance
d'imagination et de représentation dont on n'a encore rien dit tant qu'on s'est
borné à la qualifier de « maîtresse d'erreur et de fausseté ».
L'enjeu n'est donc pas de définir le statut du mythe ni même celui de la vérité
qu’il contiendrait, la question qu’il nous pose au travers de celle de Ernst
Cassier c’est finalement de savoir s’il existerait une forme cognitive capable
de nous mettre en contact avec cette vérité. Question qui se pose au demeurant
à l’ensemble des sciences. Poser la question dans ce registre c’est déjà se
constituer un mythe.
Entre métaphore et allégorie le mythe est en réalité selon le mot de Schelling
une tautégorie: « qui dit la même chose et non une autre chose ». Registre dans
lequel on peut placer le matérialisme scientifique marxiste selon le sens de
l'affirmation de Lénine, pour qui « le marxisme est vrai non parce qu’il est la
philosophie du prolétariat mais qu’il n'est cette philosophie que parce qu’il est
vrai ». C'est ainsi que se clôt semble-t-il définitivement le débat sur le mythe
susceptible ou non de contenir en suspens quelques vérités cachées. Il n’en est
rien pas plus que dans les autres formes représentationnelles que sont les
légendes et les contes. La question des la vérité restera toujours en suspens tant
que ceux qui la cherchent n’auront pas compris que l’objet qui façonne un
outil ne peut être contenu dans ce même outil et qu’un bon outil est toujours
conçu en fonction de l’objet qu’il doit créer et à la main de celui qui le
façonne. Le mythe est un des outils de la cognition représentationnelle. Rien
de plus mais tout avec les autres. La dernière question qui pourrait se poser et
non des moindres serait celle d’envisager qu’il fût possible que des disciplines
qualifiées de scientifiques opèrent sur un mode similaire à celui des modes
représentationnels. Pour répondre à cette impertinente question je laisse à notre
lecteur de soin de chercher honnêtement quels sont les centres d’intérêt de la
discipline au sein de laquelle il évolue et de positionner simplement le rapport
qu’elle manifeste à l’égard de sa propre valorisation académique, de la
détermination des constantes et de l’analyse des spécificités de l’objet de ses
travaux. Le point de tension ainsi défini dans le trikãla des formes
épistémologiques peut alors être projeté sur l’ensemble des autre trikãlas pour
ainsi répondre à cette question. Dans la mesure où le point obtenu ne se
situerait pas dans la zone d’acceptabilité, c’est-à-dire dans un rapport
143
d’équilibre entre les zones définies par les interactions entre les pôles trikãliens
se poserait alors celle de son rééquilibrage scientifique.
En procédant comme nous venons de le faire, c’est-à-dire en répartissant les
auteurs déterminants des Lumières et ceux du romantisme allemand selon les
dominantes cognitives qui président à l’établissement de leurs concepts il n’est
pas de notre fait que le mythe, au même titre que les légendes où les contes,
puissent trouver des affectations particulières et distinctes et tenir à des formes
cognitives différentes : mais peut est-ce là une façon de sortir définitivement
de la cacophonie des syllogismes récurrents qui les englue.
De Monnet à l’€uro : choisir entre le conte et le mythe.
C’est vraisemblablement aussi par le biais trikãlien qu’il soit possible de
compléter la réponse aux vœux que formulaient Ernst Cassirer dans les
derniers mots de sa formulation:
« Si l’on pouvait parvenir à une vue systématique des différentes directions de
ce mode d’expression, à en déceler ses traits typiques et communs, ainsi que
les graduations particulières et les différences internes de ceux-ci, on
accomplirait alors pour l’ensemble de la création spirituelle l’idéal de la
« caractéristique universelle » tel que Leibniz l’a formulé pour la
connaissance. Nous serions alors en possession d’une espèce de grammaire de
la fonction symbolique et tant que telle, qui embrasserait et déterminerait
d’une façon générale l’ensemble des expressions et des idiomes particuliers
tels que nous les rencontrons dans le langage et dans l’art, dans le mythe et
dans la religion. »
Dans un chapitre précédent nous avons exclus le signe comme susceptible
d’être contenu dans la trifonctionnalité et d’une façon générale au sein des
approches cognitives qui traitent des représentations. Dans la logique
méthodologique de nos travaux, démonstration en a été faite sans toutefois que
nous ayons suffisamment pris en considération la préoccupation latente, celle
de la faisabilité d’un signe qui fasse sens dans la complexité. Car à bien y
regarder au travers de notre tableau synoptique ce pourrait bien être la masse
d’une même représentation concentrée en une même population considérée qui
fasse sens. Plus exactement que son poids, en tant que force exercée à
l’intérieur de son corps modifie sa forme grâce à la mobilité structurelle
interne de son système. Mais à bien y regarder il s’agirait plus d’un transfert de
degré d’angle par modification opportuniste de son barycentre que d’un sens
orientant les énergies vers l’extériorisation d’un sens. Il s’agirait donc alors
d’un contresens auto protectionniste ou d’une relapse. Un bouclier d’agression,
d’inhibition ou de fuite sur un point de fragilité : un étendard, des armoiries ou
un blason. Ce serait donc un mauvais coup scientifique que l’on escamote ce
144
point de détail lorsque l’on sait qu’au regard de l’Histoire il serait loin d’en
être un ! Revisiter ses classiques plutôt que d’avoir le culte thuriféraire du
sens.
Pour parler plus simplement : si je prends pour monnaie contente ce que tu me
donnes à voir comme représentation réelle de ce que tu es, il se pourrait bien
que ce que tu me donnes à voir ait pour fonction de me cacher ce qu’il ne faut
pas que je vois. Tout comme il en est d’une pièce de monnaie le côté face
cache le côté pile dont la valeur peut être factice s’il n’y a aucune épaisseur
entre les deux. En sorte qu’une valeur simplement figurée puisse aussi cacher
une contre valeur.
Pour éviter le piège de la soi-disante présence d’un signe indicateur de sens
issue de l’intérieur d’un système complexe il faut instamment qu’il soit pris en
considération comme étant l’expression d’une absence de saisine d’une
modification des flux par les instances ayant en charge de les observer :
fonction du signifié. Cette absence engendre en effet une accumulation telle
d’informations contrariées au niveau du signifiant que le système en devient
bègue. En jargon informatique on parlerait de bug. On comprend aisément
dans ce cas que la solution ne passe pas par l’orthophonie mais par
l’orthodoxie. D’où toute l’importance à accorder aux flux dans la sémiotique
moderne des systèmes et à leur prise en compte par les « commandes de
liaison » où encore dans l’analyse qu’elles en font, voire même de ce qu’elles
peuvent « bidouiller » à leur contact. Ainsi la configuration d’un système
analogue à ce que nous avons décrit a propos du Romantisme allemand
laisserait volontiers conclure en l’expression d’une forme d’expression
démocratique respectable tant dans l’enthousiasme que dans les manifestations
d’un désenchantement populaire et ceci dans l’espoir qu’il en jaillisse
quelques révolutions mais ce serait omettre de dire qu’il y a des révolutions
dont l’objet est le recours à un imaginaire de stabilité sans avoir conscience
que les flux ont pris une autre destination. Celle-là même où l’on retrouvera
avec certitude les organes de commande que le système endormi avait hier
délaissés, conspués ou laissés échapper. Entre temps on n’aura fait que varier
les emplâtres sur la fracture sociale avec la caution des hommes de l’art qui
sociologiquement prôneront la gestion des compétences comme remède, tel
Serge de Witte, à la déliquescence des organisations dans « Les compétences,
mythe ou réalité » ou comme Maffesoli pour mettre au chaud la précarité dans
« le temps des tribus ». Leurs révolutions n’auront pour autre effet que
d’occulter les délocalisations naissantes faute de n’avoir portés leur attention
sur la captation des flux. Un romantisme sociocratique coûteux.
C’est l’objet de toute science que d’être en mesure d’opérer un diagnostic
avant de faire quelques préconisations que ce soit. La médecine abandonnera
le champ de la manipulation psychologique en quittant celui du signifié des
145
sophistes sous l’impulsion d’Hippocrate et de Platon qui la feront entrer dans
un univers de l’observation comparable à celui des Lumières dont ils sont les
pères originaux (pour ne pas dire schémiques).
La vie est un spectacle dont on ne peut comprendre
la complexité à partir des effets d’une mise en scène
qu’en les observant des coulisses
en alternance avec la salle.
L’approche trikãlienne pourrait bien être celle qui s’approcherait au plus près
des espérances d’Ernst Cassirer à partir de laquelle il soit possible d’apporter
des réponses cohérentes à la problématique qu’il posait concernant les
inversions de sens prises par le romantisme allemand et les Lumières
française, constatées lors de son exile durant la période tragique du Nazisme.
Insérée dans la constructalité cette approche permet de comprendre qu’une
même forme systémique puisse servir des flux différents sans pour autant
qu’elle puisse échapper à un même ordre d’effets lorsqu’elle n’a pas
conscience du caractère strictement réactif de son fonctionnement. C’est à ce
point de prise de conscience qu’une métrologie des communications s’impose
si l’on veut faire de la sémiotique un outil stratégique utile tant
anthropologiquement que téléologiquement : savoir signifier des
significations.
En effet l’approche trifonctionnelle permet de mettre au jour et d’identifier la
nature des structures cognitives qui animent les diverses formes que peuvent
prendre les représentations dont les manifestations les plus repérables sont les
mythes, les légendes et les contes. Ce tour de force n’est rendu possible que
grâce au caractère phénoménologique de la trifonctionnelle constructale à la
fois en tant qu’approche théorique mais aussi dans les infinis possibilités
qu’elle offre dans ses application pratiques et dérivés stratégiques et
organisationnels.
Quelles sont les conclusions que nous pouvons tirer à partir des positions
qu’occupent au sein de la trifonctionnalité les Lumières et le Romantisme
Allemand sachant que ces conclusions peuvent être élargies aux systèmes
similaires qui de près ou de loin s’en approcheraient?
Au premier abord il s’agirait là d’un couple qui a fait lit à part. Chacun vit sa
vie de son côté sans lien consensuel à la base du triangle (osmose – novation) à
l’exception de Klopstock, ardent défenseur de la Révolution française, qui lui
décerna d'ailleurs le titre de citoyen français. Klopstock est un représentant
typique de ces Allemands du XVIIIe siècle, qui se réclame du cosmopolitisme
tout en exaltant les vertus spécifiques du peuple allemand. Aucune pensée
146
nouvelle ne naîtra des rares contacts établis entre les Lumière et le
Romantisme allemand.
Le Romantisme allemand vivra dans le mythe romantique tandis que des
Lumières construiront des légendes (légende Napoléonienne / Légende des
siècles). Quant au conte, il semble être d’un autre temps, celui d’une
renaissance révolue. En l’absence de cet ancrage solide à partir du conte,
enracinement physiocratique (entre pensée analogique et pensée normative),
dans une période ou l’industrialisation naissante commence à avoir des effets
sur l’exode rural le conflit entre mythes et légendes sera en la faveur de la
France. Paradoxalement l’approche cognitive qui succèdera à la destitution de
Napoléon n’engendrera pas de modification. Au contraire on assistera à un
effet de grossissement des valeurs des Lumières par les légendes et le culte des
héros : « Mon père, ce héros… ».
En revanche l’idéale que pensaient trouver le Romantisme allemand dans une
vision mythifiée et poétique, parfois noire et souterraine du monde, ne résistera
pas aux flux qui emporteront l’angoisse quasi pathologique vers un
nationalisme exacerbé pour retrouver la possibilité d’un « signifié » sur leur
histoire. Ils quitteront l’inhibition introspective et la fuite dans l’idéalité
(structure démocratique) pour progressivement (surtout après la première
guerre mondiale) transformer les frustrations en agressivité, bénéficiant de la
captation favorable des flux de la Ruhr (charbon et acier) pour se militariser et
donner naissance à l’idéologie Nazie.
Ainsi, en 1929, la production d'acier, 120,5 millions de tonnes, était-elle
limitée aux Etats-Unis et à l'Europe du Nord-Ouest, six pays représentaient
87 % de la production mondiale et vingt autres pays, pour la plupart
européens, chacun avec une production inférieure à 2 millions de tonnes (sauf
l'URSS.), se partageaient les 13 % restants. Sans la Ruhr et la Sarre,
l’hégémonie allemande serait mort-née. Ce n’est donc pas sans intention
d’équilibrage pacificateur que fut stratégiquement décidé le partage de cette
production dont la quantité était vitale pour le redéploiement de l’après-guerre,
et aussi pour éviter des retours hégémoniques. C’est dans ce contexte
constructal que Jean Monnet, premier président de la Communauté européenne
du charbon et de l'acier, constitue en 1956 le Comité pour les Etats-Unis
d’Europe. Sur cette base stratégique naîtront l’écu puis l’euro et l’ensemble
des processus démocratiques qui s’ensuivra. Leçon d’anticipation tirée de
l’Histoire par quelques autocrates éclairés dont on a peine à croire que 60 ans
plus tard nos urnes démocratiques n’aient pas bénéficié de leurs lumières…
sauf à penser que ce bégaiement pourrait bien être un rappel à l’ordre destiné à
la commission européenne afin qu’elle se réfère un peux mieux à l’importance
que revêt la captation des ses flux intérieurs pour satisfaire à sa nécessaire
autosuffisance, qui est le fondement à partir duquel les mots liberté et partage
147
on un sens dans un système, que de se distraire dans l’imaginaire d’une autre
hypothétique fin à la fable du loup et de l’agneau. A moins qu’il ne s’agisse de
l’ours et de l’agneau ! Une question de choix entre le « conte » de Jean
Monnet qui dit qu’un loup peut aussi avoir soif et le « mythe du marché » qui
dirait que la soif devrait être un bien partagé (sic) ! Un choix entre la
Renaissance et le Romantisme pour au bout du compte répondre à une
question sociétale simple qui est la suivante : est-il du ressort de la mémoire
centrale (signifiant) d’un système de penser son bonheur en posant comme
préalable que les pouvoirs numineux (signifié) dont la fonction est d’être au
contact du signe et de gérer les relations (indépendamment de toute
intervention sur l’information même) devraient lui être strictement assujettis ?
Répondre « oui » s’est accepter au nom d’un idéalisme qu’un jour il faille
payer le prix d’un nouveau mythe romantique, répondre « non » s’est se situer
dans une dimension anthropologique et questionner son Histoire pour
authentiquement sortir des tabous dans lesquels on a relégué la fonction du
signifié au contact du signe pour lui attribuer la fonction totémique qui lui
revient. Les modalités et fonctions restent à définir dans la modernité. Quoi
qu’il en soit les pouvoirs numineux ont depuis longtemps répondus aux
systèmes qui les ont lâchés. Ils sont allés s’abreuver dans des eaux que pour
quelques temps les moutons ne viendront troubler. Que l’on parle des
délocalisations actuelles, de l’émigration de la Contre-Révolution ou du rôle
déterminant de la brillante princesse Georges de Grèce et du Danemark, née
Bonaparte, pour sortir à temps son maître Sigmund Freud des griffes nazies de
l’institut Goering de Berlin, dont l’objet était de liquider le problème
psychanalytique, le rôle indéniable qu’ils jouent au contact du signe et des flux
ne peut raisonnablement être exclu d’un système représentationnel qui se veut
pensant.
Les conséquences terriblement meurtrières de la première guerre mondiale
ainsi que celles que cela a engendré sur les représentations populaires feront
que la France quittera une vision légendaire portée sur les conquête au nom
des valeurs de Lumières pour commencer à développer un pacifisme résigné et
douloureux faisant émerger dans le champ cognitif un romantisme
nostalgique, parfois morbide, résigné dans une souffrance laïcisée qui prendra
corps avec la débâcle et le gouvernement de Vichy dirigé par le Maréchal
Pétain, pourtant héros de la première guerre mondiale, sous l’occupation du
IIIe Reich.
C’est donc en prenant conscience, à partir de leurs territoires, de l’importance
que revêtent les flux sur la vision que se font les hommes de la liberté de
l’égalité et de la fraternité que naîtra le Marché commun pour aboutir à
l’Europe : un « conte » complétant le binôme « Mythe et Légende » :
trifonctionnalité reconstituée qui donnera naissance à un autre binôme celui du
droit d’ingérence humanitaire et de l’écologie au nom de la vie.
148
Les Lumières opéraient philosophiquement leurs représentations à partir d’une
démarche cognitive platonicienne dont le mode opératoire consiste à s’extraire
de la cognition sophiste sans toutefois entrer pleinement dans une cognition
épicurienne. Ce point d’interaction platonicien (que nous pourrions aussi
qualifier d’hippocratique) est constitutif d’une vision légendaire dont la
fonction première est d’adopter une posture de l’action. Au niveau schémique
ce dernier modèle consiste en une alternance d’agressions et de fuites
intellectuelles qui refusent l’inhibition, ce qui revient à mettre en œuvre dans
les légendes une dominante d’interactions entre le signifié et la signification
sans prise en compte de la globalité du signifiant. Il s’agit ici de mettre en
fonctionnement la « machine » (animus) du système cognitif au contact de
nouveaux signes extérieurs en constituant un nouveau mécanisme de
commande des liaisons pour un nouveau programme de traitement de
l’information : l’ensemble ayant une fonction explicative. Posture prise par
Montesquieu.
De façon contingente au point symbolique de la cognition logique épicurienne,
zone potentielle de l’explosion combinatoire de la signification, la Renaissance
allemande, au contraire des Lumières qui mettront en contact le signe pour
interroger le signifié, feront peu de cas du signe et du signifié afin de
privilégier le signifiant dans sa relation avec la signification.
Le Romantisme allemand opérait philosophiquement ses représentations à
partir d’une démarche cognitive aristotélicienne dont le mode opératoire
consistait à s’extraire de la cognition stoïcienne sans toutefois pénétrer
pleinement dans une cognition épicurienne. Ce point d’interaction
aristotélicien (que nous pourrions aussi qualifier de pythagoricien) est
constitutif d’une vision mythique dont la fonction première est l’adoption
d’une position de réflexion. Au niveau schémique ce modèle procède d’une
alternance d’inhibition et de fuite intellectuelles qui refuse l’agression, ce qui
revient à mettre en œuvre une dominante d’interactions entre le signifiant et la
signification sans prise en compte de l’intervention du signifié. Il s’agit ici de
faire interagir les informations (anima) du système cognitif pour en extraire
une logique de la mémoire indépendamment de tout contact avec les signes
extérieurs : une façon de constituer un nouveau cadre mémoriel de gestion du
programme de façon démonstrative. Position occupée par Schiller et Goethe.
En réalité rien dans ces deux sous systèmes ne pouvait laisser présager de
l’avenir cataclysmique de ces deux approches du monde selon deux formes
cognitives différentes, sauf une inversion des flux : mauvaise récolte, famine,
surpopulation.
149
« Selon Leibniz la continuité est nécessaire pour rendre compte de l'invariance
qui subsiste d'un état à un autre : sans le principe de continuité, l'identité des
êtres ne saurait exister, et chaque élément individuel n'aurait d'autre principe
d'existence qu'une fugacité vivace, contribuant passagèrement à la splendeur
du tout. De l'énoncé « in Natura non datur saltus » dépend la sauvegarde de
l'identité et, à travers elle, de la notion même d'individualité, et, donc, de
l'individualité suprême, de Dieu. La continuité permettra à Leibniz de penser
le temps de la monade comme une totale conservation des états préexistants ;
et de cette évolution sans discontinuité dépend toute la théorie de la
connaissance. De celle-ci et de ses possibilités indéfinies dépend à son tour la
seule véritable connaissance, celle de Dieu. Mais la continuité seule ne rend
pas compte du multiple et de la variété ; le principe des indiscernables permet
d'expliquer : « Il n'y a jamais dans la nature deux êtres qui soient parfaitement
l'un comme l'autre et où il ne soit possible de trouver une différence interne,
ou fondée sur une dénomination intrinsèque » (Monadologie). Chaque élément
est donc irremplaçable, son individualité n'est semblable à aucune autre ; ce
qui produit la variété ne saurait être que le passage d'un état à un autre et une
continuelle métamorphose par degrés progressifs : ainsi s'engendre la série,
qui gère l'harmonie sur le plan logique. Série des individus d'où dépendent les
classifications ; série des événements collectifs ou individuels d'où dépendent
le destin d'une part, l'histoire, d'autre part : la série, loi de l'harmonie, est à la
rencontre du principe de continuité et du principe des indiscernables. Deux
questions se posent alors : qu'appelle-t-on semblable, si rien n'est identique à
autre chose ? et, si la similitude n'existe pas, quel est le mode du rapport entre
les êtres ? De ces deux questions découle la théorie monadique ; voyons tout
d'abord la première question. » (Catherine Clément, ancienne élève de l’Ecole
normale supérieur, agrégée de l’université).
Poser la question du semblable dans la différence concernant « Les lumières »
française et le Romantisme allemand c’est tenter d’aller chercher la réponse de
l’unité au point de friction de la cognition logique. Or nous savons maintenant
que ce sommet, à la différence des deux autres, est le siège de la signification
symbolique. Secondairement le symbole est conçu pour être paradoxalement
intrinsèquement sécable. Ce n’est donc pas en lui opposant l’existence des
monades que l’on réglera le problème… à condition de considérer
fondamentalement les monades comme un singulier régit par le logarithme
discret qui évite, en stabilisant les schèmes, l’explosion combinatoire. La vraie
question qui se pose alors, si nous sommes contraints d’intégrer de logarithme
discret au sein du processus nomadique qui régule la cohérence du Système est
alors celle de savoir comment ce processus opère et comment il le régule dans
la continuité Leibnizienne et ceci à partir des modèles représentationnels en
usage dans la « raison pure » (compris en tant que tendance et non en tant
qu’état).
150
Il nous faut pour cela abandonner les notions dichotomiques contraignantes du
mal et de la vérité au profit de celle de liberté. En d’autre termes dans la
problématique posée par Cassirer de ne pas aller chercher cette vérité ni dans
le mythe ni, comme d’autres le feront, de la placer dans le registre du mal
dominateur des légendes ou dans le retour à la relative naïveté des contes mais
en les faisant interagir les trois alternativement sans accorder une prévalence
de l’un par rapport aux deux autres : reconnaître à chacune de ces formes
cognitives une fonction particulière dans le jeu de la connaissance et de la
reconnaissance; un fonction d’action et de commande de liaison dévolue aux
représentations légendaires, une fonction de réflexion impartie à l’information
par le biais du mythe, une fonction de communication incombant au conte
faisant accord consensuel entre organe de liaison et organe d’information,. Ces
fonctions distinctes ne doivent en aucun cas se superposer ou établir un rapport
de force durant le déroulement du processus (on peut ici se référer aux
attitudes de Bales qui définissent cette bi partition entre organisation des
liaisons et distribution de l’information) dans la communication de groupe).
Confondre les genres ou opposer les uns aux autres au prétexte d’une égalité
est une utopie coupable quand bien même elle serait sous-tendue
d’humanisme. L’ensemble du processus, par le jeu des représentations
distinctes permet d’aboutir à une réalité augmentée auto correctrice des erreurs
d’intervention en réaction intelligente sur le signe pour faire sens. C’est à ce
niveau et à ce niveau seulement qu’il est possible de différencier radicalement
le fonctionnement de la machine de von Neumann de celui de la cognition,
distinction qui existe entre une information aller et une communication aller
retour par boucle de rétroaction à partir du point de synthèse (lui-même
conséquence de la canalisation des états de l’énergie de la centrale « de fission
combinatoire ») rendant en cela inutile l’intervention du logarithme secret à
faire sens33
.qu’il soit une affaire de probabilité logique du hasard ou de Dieu,
le reste étant une affaire de conviction sans que l’un ou l’autre soit
dissemblable téléologiquement bien qu’il puisse l’être phénoménologiquement
si nous considéreront que la théologie puisse bien être au cœur des sciences
faisant que l’unité ne pourrait bien être que mouvement de grappillage sur la
matière noire parfaite : un combat qui ouvre sur l’infini contre la concentration
entropique )…
Ainsi le secret d’une représentation augmentée auto correctrice (‘patanomique)
pourrait ne se trouver que dans la déclinaison d’un processus qui pourrait bien
être le suivant :
33
[ …qu’il soit une affaire de probabilité logique du hasard ou de Dieu, le reste étant
une affaire de conviction sans que l’un ou l’autre soit dissemblable téléologiquement
bien qu’il puisse l’être phénoménologiquement si nous considéreront que la théologie
puisse bien être au cœur des sciences faisant que l’unité ne pourrait bien être que
mouvement de grappillage sur la matière noire parfaite : un combat qui ouvre sur
l’infini contre la concentration entropique]…
151
« Le signe stimule l’alerte du signifié qui en cherche une signification
explicative par la dialectique platonicienne. La signification platonicienne se
télescope à celle de la démonstration aristotélicienne qui prend racine dans le
signifiant, produisant de fait au point de connexion de la signification une
explosion combinatoire qui devra être arbitrée par la retro-introversion
diogénique (« scepticisme » : cf. Diogène de Laërce) pour faire synthèse
‘patanomique au barycentre de la trifonctionnalité. Ce barycentrage fournira
ainsi une représentation d’une réalité augmentée autocorrective. Tel
apparaîtrait le cheminement chronologique du traitement d’une problématique
à partir du signe jusqu’à l’émergence d’une représentation faisant sens. »
Toutefois le déroulement de ce processus global n’est naturellement possible
que dans la mesure où les fonctions de relation et d’information jouent chacun
leur partition distinctes. Ce n’est qu’à ce prix qu’un désaccord de signification
puisse être une occasion d’enrichissement entre explication et démonstration
au contact de la réalité et ceci au sein d’une même organisation ou d’un même
système. Or dans le cas de la mise en rapport que fait Ernst Cassirer des
représentations que se font du monde les Lumières françaises par les Légendes
et les Romantiques allemands par les mythes le conflit ne viendra déstabiliser
les deux représentations que pour la seule et unique raison que les deux
systèmes avaient leurs pouvoirs (signifiés) défaillants, rendant impossible
l’établissement d’un lien interculturel avec le signifiant. En l’absence de
consensus (conséquence du lien entre signifié et signifiant) interculturel (et
dans ce cas inter cognitions autrement qu’au point d’idéalisation d’une
signification dichotomique) l’ensemble du système ne pouvait que s’effondrer
sur lui-même en faisant que l’un deviendra l’inverse de l’autre en faisant fi des
idéaux : le mythe romantique allemand s’effondra au profit du signifié nazi qui
voudra se construire une légende tandis que la légende des Lumières s’éteindra
dans les affres les plus sombres du romantisme d’un vague signifiant
pétainiste. Une translation des pôles manquants aux deux zones
représentationnelles due à absence d’une base d’appui sur la trifonctionnalité
anthropologique. Les phénomènes contingents au point de contact des flux
feront que la Renaissance de l’Europe passera par un bain de sang.
La trinité abrahamique.
Il est d’ailleurs assez significatif de constater que ce phénomène de translation,
d’une zone vers son pôle opposé (en phase régressive) ou d’un pôle vers une
zone opposée (en phase progressive), opéré en attraction ou en répulsion
représentationnelle agit de la même façon à propos de nos trois grandes
religions abrahamiques.
152
En considérant pouvoir aborder le fait religieux abrahamique en posant comme
préalable les totems, les tabous et les extasiants comme étant les sommets de la
trifonctionnalité cultuelle il apparaîtrait, selon les préoccupations les plus
marquées par chacun d’eux, que le judaïsme opérerait plus entre les tabous et
les extasiants, le christianisme entre les totems et les extasiants et l’islamisme
entre totem et tabous. A partir de ces positionnements nous constatons qu’il
n’existe aucune de ces trois religions pouvant prétendre à elle seule faire
synergie. Cette heureuse constatation loin de pouvoir être qualifiée
théologiquement de subversive est en réalité une chance de co-construction
conforme au principe que nous avions énoncé précédemment selon lequel la
Divinité n’est pas un état mais un processus de « grappillage » sur la masse
noire intrinsèquement parfaite. Peut-être est-ce ici le seul mystère qui puisse
résister à la connaissance d’ici-bas quand bien même le taoïsme fournirait sur
cette problématique une ouverture intéressante.
De par le point d’ancrage des trois Ecritures et de leurs destinations chacune,
hormis leur caractère universel, en mettant en avant une prévalence laisse
complémentairement expose implicitement un point de fragilité.
Dans toute son histoire Israël n’a exercé pleinement sa souveraineté (signifié)
que durant deux ou trois cent ans jusqu’au drame de la Choa. Le Christianisme
conquérant verra le tabou de la laïcité restreindre son œcuménisme (signifiant)
et l’islamisme attaqué sur son manque d’épicurisme (extasiants), l’interdiction
du voile. Tant et si bien qu’on arriverait sans trop se tromper à considérer que
l’univers représentationnel du judaïsme puisse être celui des mythes, celui du
christianisme puisse être celui des légendes, enfin celui de l’Islamisme celui
des contes : les contes ayant pour fonction de maintenir la cohésion sociale, les
légende stimuler la conquête, et les mythes interroger. En cela nous pourrions
tout à fait considérer que le romantisme puisse fonctionner sur un mode
cognitif proche de celui du judaïsme, voire aristotélicien, que les « Lumières »
puissent être d’inspiration chrétienne au même titre que platonicienne, enfin
que la renaissance puisse être d’inspiration islamiste au même titre qu’elle est
socratique. L’espace diogénique (les Sceptiques) évite l’enfermement auto
satisfait. Reviendrait-il à quiconque d’en déduire pour être académiquement
crédible qu’il faille privilégier une vision du monde au détriment des autres ?
Il n’est nullement ici dans mon intention par ce raccourcis simplificateur de
remettre en cause l’universalité du message contenu dans la Torah, ni celui des
Evangiles et du Coran allant même jusqu’à dire qu’aucun des trois ne puisse
avoir de complétude sans les autres selon l’incitation à leurs
approfondissements réciproques tels que signifiés par la sourate 3 v 2 du
Coran. Cette absence naturelle de barycentrage trifonctionnel du triptique
religieux abrahamique doit être vue comme une invitation à un enrichissement
théologique complétive, et très certainement anthropologique, consistant à
153
aller chercher chez l’autre la parcelle de vérité nécessaire pour compenser une
parallaxe de vision. En ne le faisant pas chacune s’expose, en se retranchant
sur ses dogmes, à être un jour ou l’autre le bouc émissaire récessif d’une autre
et ceci à partir du point de fragilité de son propre système lorsque deux
puissances cognitives de couches cognitives similaires occupent le même
territoire et que les flux viennent à être défaillants. Et ce n’est pas après coup,
en plaçant la repentance au niveau de la mémoire (signifiant) que l’on ne
trouvera l’explication qui ne tient souvent qu’à une absence d’un signifié au
contact d’un signe avant coureur qui n’a pu être perçu et dont la signification
n’a pu être prise en compte à temps. La représentation trifonctionnelle qui suit
permet de comprendre la nécessité de ce barycentrage.
154
TRIKÃLA DES FORMES COGNITIVES ET DES APPROCHES
ABRAHAMIQUES
- 1
0 1
Explosion
combinatoire
JUDAISME
(Le Romantisme)
Zone cognitive
aristotélicienne
ISLAMISME
(Mahométanisme)
« La Renaissance »
Zone cognitive
socratique.
CHRISTIANISME
(Les Lunières)
Zone cognitive
platonicienne.
EXTASIANT
(Signification)
FUITE
TOTEM
(Signifié)
AGRESSION
TABOU
(Signifiant)
IINHIBITION
)
Cercle de la frontière
des valeurs limites
cognitives au-delà
duquel un système
culturel peu devenir
transgénique au point
de se muter en
contresens
anthropologique
Cercle de la frontière
des valeurs cognitives
constructives réactives
qui par
complémentarité
d’intérêts garantissent
les grands équilibres
anthropologiques qui
régissent les échanges
anthropologiques
Trajectoire cognitive
de translations auto
compensatrice
tangentielle de la zone
cognitive qui lui est
directement opposée :
strophoïde (courbe du
troisième degré qui
ressemble à une
boucle)
Centre (Point
triple) ‘patacognitif
Au plus près du
logarithme discret
favorisant
l’émergence, par
synergie des zones
cognitives d’une
réalité augmentée
autocorrective sens :
changement de
paradigme
- 1 0
1
Espace
diogénique
155
Au plus simple de la réponse que nous puissions apporter aux questions
posées par Cassirer pourrait être la suivante : A trop rêver le monde à partir
des mythes, tout système concerné (intellectuel, culturel, économique, social,
politique et religieux) fonctionne dans un univers mental composé d’une
incessante circulation entre l’inhibition et la fuite jusqu’à en oublier l’utilité
de l’agression : prise de position qui permet l’établissement du contact. A trop
s’identifier aux légendes pour conquérir le monde par l’agression et la fuite
on se coupe de sa mémoire. Lorsque que la réalité vient au contact des
fictions, les imaginaires s’effondrent sur ce que les apparats cachaient, le
point de fragilité, donnant naissance à des apparatchiks iconoclastes. « Le
mythe de l’état » prend le pouvoir lorsqu’un peuple n’a plus de légende à se
raconter. « Les légendes étatiques » se construisent lorsque les mythes sont
épuisés. Alors le pouvoir du mythe et celui des légendes ne sont plus que des
souvenirs car plus personne n’est au contact des signes contingents : Junon
est dans les bras de Morphée et de Cérès, les gardiens de l’innocence
première. Il n’y a plus de mana pour interjeter. Le mythe n’est plus alors
qu’une maladie de l’esprit que l’on soignera par les contes qui redistribueront
les rôles : d’un côté les bons avec leurs qualités de cœur et les méchants qui
viennent perturber leur paradis. Eternelle dichotomie fallacieuse, point de
départ d’un nouveau cycle d’inconscience.
Pour Ernst Cassirer métaphore et métonymie sont constitutives de l’univers
humain et de ses horizons. Toutefois pour que les horizons ne deviennent pas
un enfer il faut reconnaître à la métonymie une fonction de commande des
relations et à la métaphore celle de l’information. A ne pas identifier cette
distinction tout comme il en est de la fonction des formes cognitives sur la
nature des connaissances que nous mettons au jour et que nous pensons pour
vraie, on rend confuses les notions de signe, de sens, de signifié, de
signification et de signifiant. Tout procéderait alors comme si n’ayant pas
défini une métonymie comme étant une « figure de rhétorique par lequel un
concept est désigne par un nom d’un autre concept qui lui est relié par une
relation nécessaire, par exemple « boire un verre », l’absence de prise de
consciences que « nécessité fait loi » ferait qu’une métonymie serait synonyme
de métaphore en sorte que boire un verre pourrait avoir pour sens de « boire la
tasse ». Les choses n’existent non par ce qu’elles sont mais par ce qu’elles font
qui fait ainsi qu’elles sont…un instant seulement avant de redevenir une utilité
au service du nécessaire faisant du temps une valeur.
Comprendre les phénomènes hystérétiques et leurs cheminements chrono
holistiques qui forment les représentations (qui font mots par le langage) et
leurs distinctions et définitions, implique qu’il faille les analyser par strates
successives en s’intéressant de façon privilégiée aux perturbations qu’une
source à pu subir et sur laquelle reposait l’équilibre d’un système.
156
La solution qui sera retenue par un système pour y remédier sera par définition
choisie dans le registre de celles qui sont en apparence les plus pratiques et si
possible les moins perturbantes de l’équilibre initial. La représentation retenue
pour résoudre le problème sera exprimée en termes d’au moins deux valeurs
absolues issues de l’expérience opérées par degré d’importance accordé aux
schèmes d’agression d’inhibition et de fuite (constantes anthropologique
phénoménologiques vitales à la téléologie de l’humanité). Devenue vivante la
représentation fera que la moyenne des valeurs absolues des écarts permettra
d’isoler l’erreur de fidélité autocorrective du système qui donnera
signification aux mots devenu ainsi apte à signifier une solution (tout en lui
donnant la valeur limite à ne pas dépasser : référant)) au problème posé par la
perturbation contingente au signe qui était initialement maîtrisé et le sera à
nouveau. Il est ainsi possible de suivre l’itinéraire dans l’histoire d’un système
et d’isoler la nature des formes cognitives dominantes qui forment ses
traditions sa culture et le choix des phonèmes qu’il retiendra pour développer
sa communication interne. L’ensemble ainsi constitué s’alimentera des
représentations les plus nécessaires provenant aussi des cultures avec
lesquelles il interagit et ceci au gré des rapports de domination, de soumission,
et d’extrapolation qu’ils établiront entre eux par complémentarité d’intérêts et
compensation de leurs points de fragilité. Ce que l’on appelle d’un terme
générique le commerce... Il ne faut donc voire dans le signe qu’un déclencheur
(Mana / Junon / alerte) de processus cognitifs dont le sens qui en résultera
dépendra de l’opérationnalité de l’appareillage du système cognitif retenu pour
son traitement et des valeurs limites qui seront accordées.
Un proverbe arabe indique l’idée forte suivante « Le fait pour un étranger de
séjourner le temps d’une lune dans une culture suffit à ce qu’il en soit
suffisamment imprégné pour faire corps avec elle ». La complexité n’est en
réalité qu’une apparence dont il faut franchir le rideau pour comprendre que le
mécanisme qui l’anime est d’une divine simplicité. Si tel n’était pas le cas le
chaos serait une constante et le diable le maître dionysiaque de plaisir
esthétiques éphémères. La trifonctionnalité dans le cadre d’une approche
trikãlienne pourrait donc bien être la clef du code que cherchaient Cassirer,
Sapir, Lévi-Strauss et tant d’autres avant nous.
De l'énoncé de ce proverbe dans l’ouvrage « in Natura non datur saltus » de
Leibniz il n’y a qu’une marche à franchir car de cette trifonctionnalité dépend
la sauvegarde de l'identité anthropologique de l’humanité et, à travers elle, de
la notion même de liberté individuelle qui nous fait contribuer à la
construction d’un Divin dont la puissance ne s’exprime qu’au plus petit de cet
logarithme discret qu’il nous a cédé au point de fragilité d’une perfection qui
ne se conjuguera dès lors qu’à l’imparfait. En cela « l'individualité suprême, de
Dieu » qu’évoque Leibniz ne pourrait exister selon cette logique qu’en co-
construction du Verbe, de la Chair et du faire avec ce logarithme discret,
157
faisant de l’Esprit le centre même de la Trinité spirituelle : « et le verbe s’est
fait chair et il a habité parmi nous ». Une autre marche à franchir à la suite de
Leibniz.
Il faudra donc refonder le concept de continuité qui permettra à Leibniz de
penser le temps de la monade comme devant être non une totale conservation
des états préexistants mais plutôt comme un ensemble trifonctionnel mémoriel
dynamiques et téléologique au barycentre non statique duquel fait sens le
Logarithme Discret pour éviter l’explosion combinatoire chaotique
intrinsèquement diabolique. « Le milieu est plus riche que le centre » disait
Teilhard de Chardin. Ce milieu dynamique « mystérieux » est le seul capable
de grappiller des parts de lumière sur la matière noire. Cette énergie spirituelle
à laquelle faisait référence Teilhard de Chardin.
La continuité est nécessaire pour rendre compte de l'itinéraire des systèmes qui
ont fait empruntes sous formes de représentations: sans le principe de
continuité, l'identité des cultures ne saurait exister, et chaque élément
individuel n'aurait d'autre principe d'existence qu'une fugacité vivace,
contribuant passagèrement à la splendeur des inconsciences qui cacheraient
des tragédies en gestation. Au jeu du tout ou rien il ne peut rester que des
cendres.
Il revient donc à la science de faire autre chose de décrire les phénomènes ou
des les interpréter à partir de Descartes, de Kant ou de Leibniz, mais tout en en
tenant compte comme dimension signifiante prendre le parti de l’explication et
si possible celui de la démonstration métrologique afin de faire consensus dans
le diagnostic pour orienter l’action possible sur le système : considérant
simplement que ce qui ne se mesure pas ne peut satisfaire qu’à
l’immobilisme ou aux dîners en ville: une forme de fuite dans le verbe
alimenté de bonnes chairs.
Qu’il s’agisse de la problématique posée par Cassirer ou des positions prise
par Simone de Beauvoir, de Marx ou d’apparentes simples décisions
concernant l’orienter d’une politique de communication en entreprise, de la
constitution d’une charte à une campagne de publicité jusqu’au relations
interpersonnelles des positionnements inconsidérées peuvent avoir des
conséquences tragiques car ce que l’on donne trop ouvertement à voir serait
bien un effet s’escamotage de ce que l’on veut cacher. Point d’enthousiasme
en paravent du point d’éclatement. La sociologie s’y est laissé prendre.
C’est à ce niveau d’éclairage que se situe la fonction des sciences de
l’information et de la communication à une époque où les domaines qu’elle
explore sont considérés comme le quatrième pouvoir par l’intermédiaire de ce
l’on appelle les masses média. Elles accélèrent considérablement le
158
phénomène représentationnel sans oublier ses boucles rétroactives que sont les
consoles de jeux et le réseau de l’internet.
De la sibylle à la sébile : jouer placé plutôt que gagnant
La conséquence d’un paradigme coenesthésique est la notion d’interprétation
qui implique le déchiffrement des représentations que, dans sa culture,
l'homme vient à produire ou à exprimer afin, par l’herméneutique de
reconnaître le sens caché sous le sens apparent que prennent les paroles, la
manifestation d'un signe, l'expression humaine d'un geste ou d'un mot. On
devrait d’ailleurs à ce stade plus parler d’indication que de signe. Le signe
venant de l’extérieur du système, l’indication étant la conséquence d’un signe
précédemment traité par le système : une trace mémorielle nécessitant une
interprétation que l’on affectera schématiquement à un symbole mais qui est
en réalité sibyllin. Tout le savoir faire de la sibylle consistera à proposer selon
la provenance du signe une « indication » du complémentaire possible au point
de fragilité par l’intermédiaire du mythe pour aider à la décision : concernant
l’apathie d’un système elle fera référence aux légendes pour le sortir des
torpeurs de l’incertitude, par le conte elle répondra aux questions relatives à la
connaissance et par le mythe pour inciter les décisionnaires à cartographier les
possibles. Jouer gagnant c’est savoir qu’aucun système trifonctionnel n’est
maîtrisable à partir de ses trois sommets simultanément en sorte qu’il est
préférable d’accorder les complémentaires représentationnels. Une stratégie
gagnante en jouant placé. C’est précisément ce que révèle le théorème de
« L’infernale trinité ».de Mundell.
Le triangle infernal : pour une économie de l’effort
Ce chemin de traverse emprunté par le biais de l’économie nous permettra
certainement de mieux comprendre ce qu’est ce jeu gagnant de la sibylle car la
problématique qui est fondamentalement posée à elle par ceux qui la
questionnent consiste finalement à développer un système expert de
visualisation des risques humains à l’intérieur de la trifonctionnalité.
Au demeurant la problématique posée est simple à la condition sine qua non
d’abandonner en amont les raisonnements linéaires dichotomiques
traditionnellement utilisés qui sous-entendent un idéal de stabilité et
entretiennent l’espoir illusoire d’une solution unique.
En revanche une approche triadique permet d’accroître le niveau d’expertise.
Cette approche offre l’avantage, avec un regard neutre, de situer précisément
(mesurablement) les rapports de prédominance qui s’exercent entre les trois
sommets clairement identifiés sur une problématique préalablement cernée.
Chacun des trois sommets est défini par une des trois constantes du système
159
trifonctionnel dumézilien. Ainsi les espaces d’interventions (ou postures de
communication) peuvent être nettement répertoriés, dénommés (3 espaces
sommets, 3 espaces zones (issus des interactions entre les sommets) ainsi
qu’une zone centrale d’équilibre entre sommets et zones. On raisonne alors en
surface cartographiée dans la plénitude du programme de notre structure
cognitive (tripolaire et trifonctionnelle et non bipolaire et dichotomique : le
champ de vison sur la problématique concernée est multiplié par trois).
Cette vision (au stade d’intuition) est celle dont est issue le théorème de
«l'impossible trinité», travaux de Gottfried Haberler (1937), Robert Mundell,
(1952) et de l'économiste italien Tommaso Padoa-Schioppa (1987)). Elle est
illustrée par un triangle équilatéral, appelé « triangle d’incompatibilité » dont
les trois côtés représentent trois objectifs, respectivement l'autonomie de la
politique monétaire, la stabilité du taux de change, l'intégration financière. Les
trois sommets correspondent, A à l'autarcie financière (pas de mouvements
internationaux de capitaux), B au flottement «pur» (sans interventions des
banques centrales), C à l'arrimage rigide du taux de change (changes fixes et
«.super-fixes.»).
Cette représentation illustre l'impossible réalisation simultanée des trois
objectifs. En revanche, si l'un est abandonné, les deux autres deviennent
réalisables. Par ailleurs, si l'on se situe vers le sommet A (faible mobilité des
capitaux), on peut prétendre à la fois à une politique monétaire autonome et à
la stabilité des taux de change. Si, par contre, on est proche de la base du
triangle (forte intégration financière), les autorités ne peuvent réaliser
simultanément les deux objectifs précédents. À proximité du sommet gauche
(B), c'est le flottement qui permet d'avoir à la fois l'autonomie de la politique
monétaire et la stabilité des changes. En revanche, à proximité du sommet
droit (proche de C), c'est l'arrimage rigide (changes fixes, caisse d'émission,
dollarisation) qui permet de concilier intégration financière et stabilité du
change.
Cette configuration (polarité et résultantes) économique est en tous points
conformes à la constante trifonctionnelle sur laquelle nos recherches et
découvertes ont portées depuis 25 en non sur l’économie mais sur la
communication. En sorte que nous sommes ici en présence d’une congruence
interdisciplinaire fondatrice d’une recherche fondamentale de nature
phénoménologique. Elle remonte les degrés d’échelle des formes : cognition,
représentation, sémiotique, communication dans la négociation, management,
gouvernance, structure des organisations dans le changement, inter culturalité
et inter cultualité, grands systèmes économiques et politiques.…. Une même
constante trifonctionnelle régit l’ensemble et rend cartographiable en
anticipatives les conséquences des interactions. C’est là l’objet même de la
science.
160
Ainsi en raisonnant simplement par groupe tétraédrique, puisqu’il y a
congruence d’un triangle à un autre, la configuration 3D permet, en
interconnectant les points nourriciers de chaque face, de définir la
configuration de la triangulation interne mais aussi son orientation dans le
volume occupé. Il est donc possible de rendre compatible le triangle
d’incompatibilité en raisonnant par interactions volumétriques. En sorte que si
j’affecte une valeur chromatique dominante à partir des trois couleurs
primaires à chacune de 3 des 4 faces de notre tétraèdre, la logique chromatique
me donnera aussi la couleur du point de départ nourricier du triangle au sein
du tétraèdre vers sa sortie, lequel point de départ permettra de déduire la
couleur complémentaire à apporter tout en situant la zone de risque potentiel et
en indiquant à partir de quel sommet intervenir sur le triangle le plus concerné
et ceci en fonction d’un modification prévisible des flux (probabilité traitée au
sein de la gestion dans l’incertain de la mobilité des flux à horizon immédiat).
Une question de spectrométrie et de probabilités dans la trifonctionnnalité
constructale.
Les inputs sont détectables au travers de substrats aisément classables parmi 7
attitudes et d’en déduire l’output d’images ou de représentations par l’attitude
complémentaire de régulation à apporter à la configuration centrale. Cet output
sera destiné au sommet du triangle le plus immédiatement concerné par le
risque : « car il est phénoménologiquement impossible de maîtriser trois
sommets en même temps ». Une loi de d’adaptation des formes aux flux peut
alors être dégagée.
L’espoir est donc de concevoir à terme un système expert 3D généralisable,
par une authentique synergie interdisciplinaire, extensible et configurable aux
problématiques économiques, sociétales, communicationnelles (marketing),
culturelles, cultuelles et politiques (même constante des causes même
constante d’effets : seules les dénominations des typologies changent en
fonction des points topologiques d’investigation)
A titre d’exemple : la normalisation internationale des systèmes bancaires,
malgré toutes les contraintes mises en place autour du concept de transparence
/ confiance, vient de démontrer que ce ne sont pas les appareillages qui évitent
les risques mais bien la prédominance d’une ou deux formes cognitives
dominantes non contrebalancées intellectuellement, culturellement et
cultuellement qui sont à l’origine des risques. Ainsi, accessoirement, le
système global a-t-il incité à la frilosité les banques arabo-musulmanes à
développer une logique « halal » du crédit immobilier pourtant cohérente avec
particularités économiques locales. Cet atout cultuel déterminant aurait bien
pu, si on lui avait accordé un regard plus ouvert, être le contre-balancement
mondial aux dérives du capitalisme chrétien …. Dérive de la pensée
analogique et logique au détriment de la pensée normative (finalité), générant
161
des pertes de sens que tous vont devoir réguler. En sorte que traiter des risques
des banques arabo-musulmanes à partir du paradigme capitalistique
traditionnel des risques a eu pour effet non de les limiter mais bien d’accroître
le risque global à partir d’un seul paradigme cognitif dominant. Un dominant
sans point de régulation au niveau du signifiant. On retrouvera des rapports
similaires concernant certains accidents d’avion, les pandémies alimentaires, et
quasiment dans toutes les catastrophes industrielles etc.….
Pour cette raison le terrain bancaire doit être vu comme étant un moyen
d’investigation et d’analyse (parce que la métrologie y plus pertinente
qu’ailleurs) et non comme la destination de la découverte concernant la
conception d’un système expert 3D trifonctionnel constructal de situation des
risques. Cette recherche phénoménologique vise plus à situer mesurablement
par anticipation le champ cognitif et communicationnel au sein duquel le
risque est, ou, devient potentiel, plutôt qu’à mettre en place une batterie de
contraintes techniques sur un terrain donné à partir de risques déjà identifiés.
Eviter l’endormissement sur la confiance en des outillages qui ne sont en
réalité que garants d’éviter à ce que les erreurs non anticipées d’hier se
réitèrent.
Le « triangle d'incompatibilité » de Mundell, est aujourd'hui universellement
reconnu qui exprime pour nous l’heureuse impossibilité que puisse être
maîtrisés de façon simultanée et solitaire les 3 sommets de la triangulation.
Tout comme il en a été de la démonstration faite sur le plan cultuel. C’est en
fait aussi le caractère rassurant du théorème de « l’impossible trinité » dont
l’infaisabilité fait obligation de justifier d’un choix et ceci non en fonction
d’une doctrine ou d’une position dominante toujours éphémère. Une seule face
ne peut tenir à elle seule la pyramide tétraédrique ou un ensemble
trifonctionnel, sauf le sommeil. Cette trinité ne peut être qu’ouverte en 3D sur
la pensée anticipative : choisir entre les risques les compensations les plus
faciles à obtenir pour qu’ils ne se produisent pas. Une question de cartographie
des interactions, de choix de leviers et de synergie à partir desquels la seule
difficulté qui restera sera celle d’inventer des médailles pour ceux qui ont fait
que rien de ce que l’on n’aurait de l’intérieur imaginé voir se produire ne s’est
effectivement pas produit !
Perspectives et méthode d’une approche trikãlienne 3D
- 1. Cadre et contraintes
Quelque soit le niveau de puissance et d’expertise des instruments d’analyse et
de prévision dont bénéficie une organisation, leur capacité d’anticipation
dépend pour l’essentiel de la nature du regard que portent sur eux les hommes
qui reçoivent l’information, du paradigme institutionnel de ceux qui en feront
162
usage et du niveau de lisibilité de l’environnement au sein duquel l’ensemble
évolue.
Plus un système humain se complexifie, plus sa culture s’enracine dans des
traditions qui ont fait son succès. Ce serait donc illusion que de se fonder sur
ce qu’un système donne à voir pour espérer en isoler les facteurs de risque. Si
tel pouvait en être le cas on ne révélerait rien d’autre qu’une composante
défensive inhérente à toute culture et ceci en invitant à emprunter une
mauvaise direction de recherche phénoménologique. En effet c’est à partir du
point de captation des flux et entre celui du transfert d’une valeur ajoutée en
production que se constitue la forme structurelle théoriquement optimale d’une
organisation par rapport aux besoins extérieurs qu’elle a pour objet de
satisfaire et ceci en fonction de la pérennité envisagée du système dans ses
relations de cohabitation avec l’ensemble. Tout cela fait que la réalité d’une
organisation n’a pas pour finalité la stabilité interne de son système
(perspective centrifuge) mais celle de sa place et de l’espace qu’elle occupe
dans l’environnement avec lequel elle interagit.
Cette logique économoéthique (liant l’économique, le social, l’écologie et
l’éthique) permet de conclure que plus une organisation privilégiera sa
satisfaction interne plus elle mettra en place des sous-systèmes capables
d’occulter les perturbations extérieures. Donc plus la culture d’un système se
complexifie, plus l’expression culturelle a des chances de fournir des
représentations favorables à l’enfouissement ou à l’expulsion de la
perturbation. En sorte que l’élévation du niveau de satisfaction interne croit
proportionnellement à l’abaissement du niveau de conscience du risque, le tout
en fonction du niveau d’abaissement de la conductivité des ses réseaux de
relation par rapport à la densification (masse divisée par le volume) de
l’information
2. Posture épistémologique
Les récentes découvertes effectuées ont mis au jour une totale congruence de
formes entre cognition, communication interpersonnelle, communication en
groupe et pédagogique, communication organisationnelle et managériale,
communication interculturelle et inter cultuelle dans le changement. Outre
cette cohérence téléologique chaque ensemble contextualisé est
métrologiquement et intellectuellement aisément appréhendable par les
attitudes langagières, scripturales et iconiques à l’aide desquelles une
organisation formule ses intentions.
Cette recherche a permis d’isoler un modèle trifonctionnel septemvir
(intervention de trois schèmes qui génèrent sept vir viri (néologisme issu du
latin : qui embrasse sept espaces qui définissent ce dont il s’agit) constant et
163
validé par de nombreux pressentis interdisciplinaires notamment philologiques
autant que par son transfert en applications pratiques au sein d’organisations
nationales et internationales.
La mise en contact, dans un champ d’interactions préalablement cerné, des
barycentres de chacun des trois modèles trifonctionnels septemvirs, permet
non seulement d’isoler l’identité d’un système organisationnel (7 puissance 3
représentations) mais plus encore d’anticiper son évolution en définissant des
stratégies communicationnelles et managériales capables de le maintenir sur
l’axe économoéthique de sa mission. Donc, par déduction logique, d’estimer
les zones d’exposition à des risques potentiels, d’anticiper et de mettre en
place les réponses structurelles à apporter pour les endiguer.
- 3. Données et perspectives
Le modèle retenu permet de rejoindre les travaux en thermodynamique des
formes conduits avec succès par le laboratoire de l’Université de Duke, dirigé
par le professeur Adrian Bejan (qui reconnaît la validité de notre approche et
nous accompagne dans notre démarche) qui est à l’origine de la théorie
constructale qui révolutionne la recherche dans de nombreux domaines
d’application concernant la structuration des formes : cela va de la
climatologie en passant par la construction des villes et des ordinateurs jusqu’à
celles des poissons et des insectes : l’ensemble étant régi par une même loi
constante. La théorie constructale est aussi une ouverture qui intéresse le
champ de la philosophie actuelle.
L’approche trifonctionnelle constructale en communication ne pose plus gère
de difficultés fondamentales sur le plan holistique et bi dimensionnel, ainsi que
dans la cartographie des possibles hystérétiques et ceci quelque soit le domaine
concerné. En revanche le passage de la recherche fondamentale à la recherche
appliquée, généralisable, implique la mise en place de moyens à la hauteur des
attentes des organisations et des publics concernés mais aussi de des
prétentions de financement nécessaires au développement des recherches de
notre laboratoire.
Concernant la problématique de la prise en compte par anticipation des risques
industriels au sein d’un système organisationnel, la rhétorique sémiotique
trifonctionnelle et l’expertise sur laquelle elle prend appui autorisent, avec une
certitude suffisante, de retenir comme plausibles les données suivantes :
- Sans une répartition bipolaire des tâches entre le système de liaison et
le système d’information, préalable nécessaire à l’évitement des bugs
qui rendent impossible l’analyse d’un signe au point critique de son
traitement (assimilable à un algorithme explosif qui fait obligation de
164
réflexion commune entre les organes de liaison et d’information), tout
système devient chaotique et expose l’ensemble concerné à des risque
majeurs.
- L’équilibre de vigilance d’un système est incompatible avec une
démarche centripète de satisfaction et de polyvalence fonctionnelle de
ses réseaux relationnels et informationnels. Le travail au point de
contact entre le réseau de relation et celui de l’information est par
essence de nature « difficile ». Cette caractéristique marque la
frontière entre les perspectives intérieures de vie d’une organisation et
celles qui concernent l’extérieur.
- La lucidité, seule capable d’anticiper une solution à un risque potentiel
d’un signe émergent, ne peut être obtenue qu’au barycentre de la
trifonctionnalité qui doit exclure a priori toutes approches cartésiennes
dichotomiques ou morales dont les raisons d’être se situent pour
l’essentiel à posteriori.
- Pour que la synergie fasse son œuvre de façon optimisée, elle doit
mettre en mouvement des formes cognitives qu’elle ira trouver à
l’opposé de celles traditionnellement utilisées dans les habitus. Prise à
temps une bonne solution est toujours celle qui rendra les choses plus
faciles et ceci à tous les niveaux de l’action.
- On doit entendre par signe ce qui a trait à la plus petite variation
intervenant sur un phénomène habituellement identifié comme normal.
Lorsqu’il apparaît en amont, le signe agit en tant qu’alerte sur le
système de liaison, et concerne en aval le système d’information et de
liaison: une détérioration du champ de vision à ces deux points (en
réalité 3) peut donner naissance, lorsqu’il y a antinomie entre le
système de relation et d’information (massification de la mémoire
interne du système), à des signes internes. Nous ne sommes plus alors
en présence d’une alerte mais d’une alarme.
- 4. Objectif
C’est donc à partir des points d’entrée et de sortie des flux qu’une réponse
appropriée à une variation de l’un ou de l’autre permet d’anticiper la forme
future d’une structure. Une forme nouvelle émerge toujours au point le plus
fragile d’un système. C’est de sa capacité à répartir au mieux les flux qui la
traverse de la façon la moins contraignante possible qu’une organisation
construit les formes les mieux adaptées à l’anticipation de ses risques
potentiels. Le risque entre alors dans l’ordre naturel des choses et non comme
un anachronisme à expulser. C’est la perception proactive du risque qui rend
165
le système intelligent et non sa capacité à colmater rétroactivement les erreurs
passées.
L’objectif donné à ces développements est l’élaboration d’un système expert
de visualisation des cultures organisationnelles prenant en compte trois
dimensions concernant: le réseau de relation, le réseau d’information et le
réseau des flux. Cette construction doit permettre de situer leurs formes
représentationnelles (schéma corporel orienté), d’en isoler les atouts au contact
des flux ainsi que d’en déduire les zones de fragilité afin d’y apporter les
correctifs économoéthiques nécessaires.
- 5 Mesurer
Parler la mesure c'est alors présupposer qu'une lecture de ce qui est vu, lu ou
entendu relève de constantes identifiables aisément pour que le sens en soit
appréhendable et puisse entrer dans une catégorie et au mieux être
cartographié. Cette fonction essentielle de la science consiste à partir d’une
cause patente d’en anticiper les effets afin de pouvoir espérer canaliser
l’ensemble vers la réponse la mieux appropriée (qui est souvent la plus
économique en énergie. Le point de fragilité est définissable par la mesure. Ce
point est souvent caché par la culture qui donne à voir le feu des paillettes pour
ne pas en délivrer la source.
Si j’en suis, donc je peux le penser
C’est à partir de ce point de fragilité que le fonctionnement de l’ensemble d’un
système peut être compris. Il faut toujours aller voir ce qui se cache derrière
les Merlins de l’enchantement.
Là se situe le seul centre d’intérêt par rapport au reste qui ne relève que de la
description taxonomique voire de l’exotisme. L'intuition élémentaire qui fonde
communément la pratique de l'interprétation donne donc droit, corrélativement
à un mode d'existence du symbolique par rapport au réel à ce que toutes
représentations fussent appréhendables par le biais d’un présupposé archaïque,
conséquence de la triade primaire anthropologiquement constante d’agression,
d’inhibition et de fuite générant les totems, tabous et extasiants. Ainsi en
situant la représentation qu’on me donne à voir pourrais-je être en mesure d’en
détecter le manque à combler à son opposé, moteur du système concerné. Pour
cela il convient de s’extraire des approches culturalistes qui considèrent
comme fermement hermétique l’accès à toutes cultures étrangères à sa
naissance ou à son éducation. Or la biologie moléculaire nous a largement
démontrée que les nuances superficielles étaient insuffisantes à constituer des
races au sein de l’humanité tant et si bien qu’il ne peut qu’en être de même des
approches psychosociologiques tant il est vrai que préférer jouer certaines
cartes ne signifie nullement nous soyons dépourvu du jeu complet. Puisqu’en
166
tant qu’homme je suis fondé potentiellement à être de toutes les cultures. Je
peux les penser dans l’absolu à condition de me situer hors toute dualité
comme le préconisait Sankara, nom célèbre de la spéculation indienne du
début du VIIIe siècle et premier grand commentateur des Vedanta ou Brahma
Sutra de Badarayana.
Le texte qui suit et qui décrit cette pensée majeure est de Anne-Marie Esnoul,
Directeur d’Etudes honoraire à l’Ecole pratique des hautes études (Ve section).
« L'advaita, dont le nom signifie « non-dualité », est une des doctrines
majeures de la philosophie indienne, et la forme la plus répandue de la
philosophie dite Vedanta, aboutissement du Savoir par excellence. Les
advaitavadin sont ceux qui professent la doctrine selon laquelle il n'existe en
vérité absolue qu'un seul Être, infini et éternel, sur la réalité foncière duquel
reposent toutes les réalités manifestées dans l'univers. Cet Être s'appelle
Brahman (nom neutre) ou Paramatman, « soi-même suprême ». Le soi-même
(atman) de l'homme, c'est-à-dire sa réalité essentielle - qu'on doit distinguer du
sentiment du moi (ahankara), notion inférieure parce que limitée à l'existence
empirique temporelle - n'est autre que le Paramatman. Il en est de son
incorporation dans la condition humaine comme de celle de l'eau de l'océan
dans une cruche qui s'y trouve plongée : quoique délimitée temporairement par
les parois, l'eau de la cruche est toujours celle de l'océan. Par la connaissance
(jñana), l'homme découvre que son substrat permanent d'existence est l'Être
universel unique et obtient la délivrance (moksa) des délimitations de la
condition humaine qu'impose l'engagement dans l'ensemble des
représentations mondaines multiples et fugaces, prises à tort pour la réalité
ultime. Triade : Brahman : Abraham (unité totémique), ahanchara
enchantement (extasiant, ou fuite de la réalité), paramatman (pananormal :
transcenfance paraphrénique - affabulation, Tabou)). »
L’approche trikãlienne : franchir le paradigme traditionnel
La difficulté fondamentale en sciences humaines face à une problématique est
pour beaucoup celle de la représentation même que nous nous faisons du
problème. Entendons par là l'interprétation que l'on fait des différentes
composantes du problème, laquelle va déterminer le domaine à l'intérieur
duquel se fera la recherche de la solution : la position cognitive de départ La
représentation du problème est constituée par les informations que l'on prend
en compte dans les données du problème qui constituent la situation de départ ;
les actions ou transformations de la situation que l'on considère comme
possibles ; l'objectif que l'on se fixe.
Tout changement dans l'interprétation de ces composantes produit un
changement dans la représentation du problème. Ainsi, on peut s'apercevoir :
que l'on n'avait pas pris en compte une information ; qu'il est possible de se
donner un but intermédiaire et par là de se fixer comme objectif, dans une
167
première étape, de l'atteindre et de remettre à plus tard la recherche du but
ultime. Fréquemment on prend conscience que l'on avait interprété et parfois
de façon trop restrictive les possibilités de déplacement. Une forme d’auto
censure. Il faudra alors opérer le passage vers une forme cognitive plus
adaptée. Changer de point de vue ou lire plus simplement les données initiales.
Considérons, par exemple, le problème suivant : on a neuf points disposés en
carré, l’exercice consiste à joindre tous ces points sans lever le crayon et en ne
réalisant que quatre segments de droite sans lever le crayon de la feuille de
papier. Dans une proportion très importante les solutions varieront autour de la
production suivante :
Cette réalisation montre qu’au lieu de prendre en compte de façon neutre les
données initiales on a une tendance naturelle à les interpréter et dans ce cas
dans les termes suivants : « J’en déduis qu’il faut donc que je relie les
extrémités des segments par des points ». C’est ainsi que l’on « cadre »
immédiatement la solution dans un champ limité. La logique déontique est
l'étude formelle des énoncés comportant des expressions comme « il est permis
de », « il est interdit de », « il est obligatoire de », « il est facultatif de ». En ce
cas, on trace des segments qui restent à l'intérieur d’un carré imaginé et l’on
s’aperçoit très vite après quelques échecs infructueux qu’il n'y a pas de
solution avec cette façon d’opérer. C’est typiquement cette démarche qui a
consisté en sémiologie à mettre le signe au centre du système et à exclure du
champ d’investigation le rôle prédominant des flux qui donnent forme à un
système. Ainsi au lieu d’en revenir aux réalités anthropologiques archaïques
pour analyser à nouveau les données et prendre une meilleure direction de
recherche on a préféré faire appel à des valeurs imaginaires telles que la
capacité d’autonomie créative non déterminée d’un système faisant que de la
multitude jaillirait du système un sens, conformément aux théories de Darwin
et de Comte. On ne fera qu’enliser le problème jusqu’à faire de la complexité
un mythe que seul le prosélytisme talentueux de quelques philosophes
médiatisés arrivaient à faire passer pour une discipline…bien évidemment
scientifique. Mais revenons à notre « petit » exercice. Au bout d'un certain
168
nombre d'essais infructueux, plutôt que de considérer l’exercice comme
irréalisable il fallait remettre en cause l'interprétation que l’on se faisait des
données et contourner son cadre mental car il suffisait que les points soient sur
le segment. On peut alors procéder à un nouvel essai dans lequel on prolonge
les segments à l'extérieur du carré imaginaire et alors on peut aboutir à la
solution, comme ci-dessous. On prend alors conscience, à partir de ce type de
problème, de la nécessité d’objectiver les données, ce qui implique d’adopter
une forme cognitive différente.
Le monde des représentations s’inscrit dans l’univers de l’abstraction qui
élargit la logique déontique en opérant un travail structurant et
progressivement synergique. C’est à partir des représentations que
l’abstraction exerce son emprunte sur la matière dans un mixte entre les trois
cerveaux :
- cerveau de l’intelligence,
- cerveau des émotions,
- cerveau reptilien.
Selon une recherche par étapes distinctes :
- prise de conscience de l’importance d’un phénomène,
- localiser l’origine du phénomène, déterminer les causes,
- estimer les conséquences des effets de ces causes sur le système
concerné,
- identifier et intégrer le phénomène dans un cadre logique, rationalisé,
1
2
3
4
169
- appréhender les solutions possibles.
- expérimenter les solutions,
- Proposer leur mise en application dans la réalité.
Avant une éventuelle intégration par le système qui avant cela procèdera au
mieux de la façon suivante :
- analyse de la situation existante,
- définition de la situation idéale escomptée
- détermination des besoins,
- définition de l’objectif à partir des solutions possibles,
- choix dans le répertoire des solutions et contenus les plus pertinents,
- conception du programme
- sélection des moyens,
- réalisation,
- contrôle.
Dans l’idéal l’ensemble peut être compris comme étant une cognition
cybernétique si les parasitages de l’émotion et des intérêts catégoriels ou
carriéristes ne viennent à faire contresens.
Les processus cognitifs sont mis en œuvre à partir des orientations sociales
nécessaires à la gestion optimisée des flux et des problématiques que pose sa
captation. Ils correspondent à une logique de construction par idéation,
conceptualisation, classification, modélisation. Ainsi les représentations
peuvent constituer des lignes cohérentes de signes respectivement d’idéation
(signifié ou représentations mentales : production d’idées empiriques) et
d’idéalisation (signifiant ou vérités révélées ou vérifiées sur fond de vertus) et
la rationalisation à l’intersection desquels se situent et se déclinent les signes
qui prennent forme de symboles lorsqu’ils font pertinence stratégique de sens,
c’est-à-dire lorsqu’ils sont convergents des flux et capables d’en optimiser la
gestion. On parlera alors de pensée, structurée par un langage, une langue.
Sur ces sujets les débats sont encore vifs aujourd'hui entre partisans et
adversaires de ce que l'on appelle « l'hypothèse Sapir-Whorf » (du nom des
deux linguistes américains Edward Sapir et Benjamin Lee Whorf), qui
affirmaient que, loin de refléter et d'enregistrer passivement une organisation
préalable de l'univers, les langues sont au moins en partie responsables, par
leurs découpages lexicaux, de cette organisation, imposant corrélativement à
leurs utilisateurs une certaine « vision du monde ». Quoi qu'il en soit de l'issue
de ce débat, il a le mérite de mettre en évidence le fait que les langues
construisent le monde en même temps qu'elles le décrivent ; et que les signifiés
ne sauraient être décrits indépendamment du système dont ils font partie, telles
les mailles de cet immense filet que chaque langue projette sur le monde. Un
170
lexique, nous dit Saussure, n'est pas une nomenclature, mais une structure ; le
sens d'un mot est une valeur différentielle, entièrement déterminée par la place
que ce mot occupe au sein d'un réseau de relations mutuelles. Nous ajouterons
que l’ensemble est déterminé par les relations qu’un système établit avec ses
flux. Formulation de la phonologie que structurera Jakobson de la façon
suivante (dont nous nous sommes simplement contenté, pour plus de clarté de
lecture, d’en inverser sur la base les deux sommets, sans toucher au contenu
d’ensemble) que nous mettons en rapport à notre schéma initiale de
configuration triadique du fonctionnement de la machine de von Neumann:
171
TRIKÃLA PHONOLOGIQUE
Les grandes lignes mises en évidence par le modèle de Jakobson sont
confirmées par toutes les observations et correspondent bien à la réalité
structurale des faits linguistiques. En particulier, il confirme que les deux
triangles consonantique et vocalique, sur le plan paradigmatique, se
développent bien selon le principe d'opposition maximale formulé par
Jakobson. Position qui est conforme à la nôtre opérant la distinction
Non voisé canal fermé
Organe de commande
Unité arithmétique
et logique (UAL)
Voisée canal ouvert Compact énergie forte
Consonne orale optimale
Mémoire centrale
Organes d’entrée
et de sortie
Sens
Axe consonantique des tonalités Aigu Grave
Voyelle d’arrière ou voyelle d’avant
Diffus énergie
faible
Consonnes
voisées
g
d b
Axe volcanique
des sonorités
Signe enfant
m
p k
t
u i
a
1
2-3
4
5 6
7*
7*. Après les occlusives /p/, /t/, /k/, les
fricatives ou constrictives apparaissent
chez l'enfant : /v/, /f/, /z/, /s/, /j/, /ch/. Ces
dernières sont perdues chez l'aphasique
avant les premières. Il existe des langues
dépourvues de constrictives, mais aucune
n'ignore les occlusives.
-0
172
fonctionnelle dans tous systèmes communicants entre organisations des
liaisons et organisations de l’information. Sur le plan syntagmatique, les
débuts du langage chez l'enfant font se succéder les phonèmes les plus
distincts possibles, selon un principe de contraste maximal, du moins à
l'intérieur de la syllabe. Au contraire, entre syllabes successives, il y aurait
tendance à l'assimilation.
Il est intéressant de constater la totale congruence de notre approche
trikãlienne tant au plus simple de la configuration trifonctionnelle de la
logique de la machine de von Neumann qu’en extension aux domaines plus
complexes tels que la phonologie, l’économie, les formes organisationnelles et
cultuelles jusqu’au plus petit de la communication inter personnelle. Cette
congruence du modèle théorique est un des critères de validité pris en compte
pour considérer qu’une théorie puisse être qualifiée de scientifique. Ce constat
est d’autant plus fort que le cheminement de structuration du langage figurant
dans le schéma de Jakobson ci-dessus correspond assez précisément au
processus d’élaboration de la cognition ainsi qu’à celui qui régit l’ensemble
des communications selon notre approche trikãlienne concernant le traitement
d’un problème lorsque le système est en alerté. La Théorie constructale
trikãlienne des communications s’avère donc fondée, cohérente et exploitable
aisément tant sur le plan des ouvertures de recherche ultérieures que sur le plan
de la mesure et de ses nombreuses applications pratiques. Elle permet grâce à
son caractère métrologique et cartographiable de partir de l’analyse pour
aboutir à la construction de plans stratégiques jusqu’à l’accompagnement du
suivi et de l’évaluation en phase opératoire ainsi que dans l’audit.
En dernier lieu et dernière congruence, si l’approche phonologique de
Jakobson permet une répartition triangulaire reconnue des phonèmes, sa mise
en rapport à notre approche trifonctionnelle cognitive rend alors possible une
appréhension augmentée du processus d’apprentissage du langage chez
l’enfant, en d’autres termes d’analyser quel est le mode opératoire qu’il utilise
pour configurer sa mémoire centrale : entre mémoire anthropologique
(mémoire morte) et mémoire vive (au sein d’un milieu culturel donné). Au
stade natal il s’avérerait bien que l’enfant se comporte comme un signe
notamment en ouvrant dans les premiers instants de sa vie les yeux en
direction de sa mère et de son père. L’enfant cessera progressivement de se
comporter en signe au fur et à mesure qu’il progressera dans sa capacité à être
alerté de l’extérieur et à faire face par lui-même aux signes sans devoir
systématiquement passer par un intermédiaire. Par le jeu de l’éducation il
prendra place au contact des flux communautaires. On peut conclure alors que
l’enfant soit complètement intégré culturellement dès lors qu’il cesse d’être un
signe pour son entourage, au point que l’ensemble communautaire peut à
nouveau se concentrer sur les signes extérieurs. Ainsi le « signe enfant » doit
faire appel au signifié parental pour la compréhension des signes extérieurs,
173
lui même étant étranger à tout autre signe que lui-même au premier stade de
l’assimilation.
Il en est de même de l’écriture qui apparaît pour la première fois 1700 ans av.
J.C. chez les minoens (la crête linéaire numéro un) à l’âge du bronze avec
l’essor de circulation des matières premières. Cette écriture se limite à la
description par des dessins (signes) épurés des objets afin de rédiger les
tablettes commerciales. Rien d’autre qu’une affaire d’utilité montrant s’il en
est encore besoin que l’écriture ne peut provenir d’un système fermé, par
définition assez hermétique aux signes autres que ceux qui viennent perturber
les habitudes. Les développements seront une affaire d’assimilation pour
transmettre une complexité plus grande : une culture qui passera par un
préalable, la rédaction du droit commercial.
Comme on vient de le voir, bon nombre d’approches précédentes à trop
vouloir unifier les choses à partir d’une posture idéaliste en sont arrivées à
distendre certains leurs concepts jusqu’à en faire des cénacles d’initiés dont
l’objet réel est moins d’aboutir à une solution qu’a prendre une position visant
foncièrement à la reconnaissance par ses paires : des parades.
Les critères de validité d’un concept en science de l’information et des
communications
Pour qu’une théorie ou des concepts puisse être pertinents dans le domaine des
sciences interdisciplinaires des de l’information et des communications, un
certain nombre de critères de signification doivent être présents :
- Critère d’identification et de différenciation. A partir de l’ensemble concerné
par le champ d’observation, avoir identifié des caractéristiques structurales
premières et différenciées, généralisables et synthétiques.
- Critère anthropologique et ethno psychanalytique. Les formes évolutives que
prennent les systèmes modernes en communication tiennent compte de
l’influence de traits ancestraux. Chercher dans la mesure du possible si le
phénomène analysé a déjà fait l’objet d’observations et de conclusions dans
des disciplines connexes. Plus loin le concept fera remonter sa cohérence et
plus il y a de certitudes que meilleure sera sa congruence. On pourrait dire que
tant qu’un phénomène n’a pas été repéré à l’état fossile (paléo anthropologie)
aucune conclusion sérieuse ne peut entrer a priori dans un cadre
authentiquement scientifique.
- Critère systématique. Un phénomène communicationnel est toujours la
conséquence et l'expression des précédents qui enrichissent la mémoire
collective d’un système. Evolution chrono holistique hystérétique. Pour être
analysable le phénomène communicationnel doit être contextualisé pour être
174
en mesure d’en extraire ce qu’il peut avoir de profondément original et de
distinct par rapports aux groupes les plus voisins auxquels il est lié. Toutefois
une large séparation peut être réalisée à partir d’un travail philologique et
sémantique de définitions et de qualificatifs les moins possibles sujets à
interprétations dans l’affect. La systémique passe par la création d’un modèle.
- Critère économologique. (Liant écologique, éthologique, ethnologie et
économie). En principe, le groupe devrait perpétuer, au moins en partie, des
caractéristiques écophysiologiques et éthologiques (comportementales)
primitives, dans la mesure, en particulier, où il est écologiquement inféodé à
un habitat très conservateur, peu variable.
- Critère cartographique. Tout concept élaboré en communication à partir d’un
questionnement sur l’être relève de la représentation romanesque. Tout
concept posé à partir d’une posture philosophique restreint aux deux tiers le
champ de vision de l’analyse tout en optimisant le tiers restant.
L’enthousiasme risquant d’ouvrir sur l’illusion, les vérités énoncées doivent
être comprises comme des alertes et non comme des consignes susceptibles
d’engager des développements à terme suffisamment probants quand bien
même fussent-elles illustrées par des diagrammes statistiquement valides. Le
caractère épistémologiquement dichotomique et moral des diagrammes en
sciences humaines est conforme à la restriction que nous venions d’énoncer.
La sortie de ces allégorèses est honnêtement possible à partir de la
construction d’un modèle trifonctionnel modèle trifonctionnel septemvir
(intervention de trois schèmes trikãliens qui génèrent sept vir, viri (néologisme
issu du latin : qui embrasse sept espaces qui définissent ce dont il s’agit)
constant et validé par de nombreux pressentis interdisciplinaires notamment
philologiques autant que par son transfert en applications pratiques. En opérant
ce travail au niveau sémiostylistique tant concernant l’émetteur, le récepteur
que sur l’objet d’une communication et en interconnectant les composants
isolés au sein des trikãlas, il devient dès lors aisé de cartographier les possibles
et de situer une problématique dans ce cadre. Au plus large le raisonnement
s’effectue en trois dimensions dans un rapport de 7 puissance 3 (résultat au
demeurant légèrement supérieur au nombre de phonèmes répertorié dans le
monde entier). Insérées dans ce cadre trifonctionnel constructal et stratégique
les outils cartésiens, les démarches philosophiques voire épistémologiques
prennent alors la place qui leur revient pour constituer, jusque dans une
dimension romanesque, des représentations en science de l’information et de la
communication cohérentes et diffusables. Le cadre de l’approche trikãlienne
évite aussi les démarches prosélytes incompatibles avec la diffusion de la
science.
- Critère métrologique. Mesurer est la caractéristique d’une phase précise,
conséquence de tout ce processus mental qu’est l’analyse. Mesurer implique
d’en rester au niveau des faits sans aucune évocation des causes qui auront au
175
préalable été décelées de façons suffisamment pertinentes et constantes. La
mesure permet de rendre possible l’interprétation, l’inverse relevant du talent
par définition idiosyncrasique entrant alors dans le cadre des rituels de pensée.
La mesure est une étape importante dans un processus de compréhension et
d’action qui fait surgir la signification. C’est au travers des perturbations
enregistrées par la mesure que l’on peut envisager, lorsque celle-ci est fiable,
l’existence de facteurs complémentaires à prendre en compte, lesquels peuvent
ouvrir sur l’identification d’autres phénomènes. C’est qu’on le veuille ou non
la mesure qui fait entrer une discipline dans une dimension authentiquement
scientifique. Qui plus est c’est un devoir gage de transmissibilité, de
transparence et de progrès. En somme une question de simple honnêteté
intellectuelle surtout dans le domaine des sciences dites souples comme le sont
celles des sciences humaines et de la communication parfois sujettes à
certaines formes de subjectivités dogmatiques incompatibles avec la vocation
universelle, donc universitaire, qui les anime.
- Critère dynamique. La théorie constructale vient de mettre au jour une loi
constante et universelle qui règle les formes dans la nature du plus petit au plus
grand (travaux du laboratoire de thermodynamique de l’Université de Duke,
dirigés par le professeur Adrian Bejan) permet en application aux sciences de
la communication de comprendre au contact des flux, à partir du modèle
trikãlien constant, les formes prises par les systèmes humains. On sait
maintenant de façon certaine qu’une modification de l’environnement entraîne
une modification de l’ensemble de son écosystème et dans le domaine humain
de son étho système (de éthologie : étude des mœurs et des faits moraux).
Ainsi par exemple concernant les espèces animales la structure particulière de
la forêt de Bornéo a donné naissance à de lézards volants, espèce que l’on ne
trouve nulle part ailleurs et qui peut vivre que dans le cadre des paramètres
précis (mathématisés) qui font la spécificité de cette forêt. Un simple
changement d’échelle et l’ensemble des espèces muteront. Pour cette même
raison, une sémiostylistique des communications doit être conçue en intégrant
les flux qui traversent un système comme étant déterminants sur les choix
structurels à opérer. En les prenant en compte il est possible de comprendre les
mécanismes de fonctionnement d’une situation initiale mais aussi d’anticiper
la forme future que prendra un système et concernant les systèmes humains
d’en éclairer, parfois d’une façon vitale, les choix. La sémiostylistique
trikãlienne est convergente de l’approche constructale. Elles font
intrinsèquement lien avec les critères énoncés précédemment.
- Critères pédagogiques. Nous le savons peu, mais le célèbre tableau de
classification des éléments chimiques de Mendeleïev qui a révolutionné
l’approche en ce domaine est du à sa volonté de présenter des données claires
et cohérentes à ses élèves qui à cette époque étaient confrontés à des difficultés
de compréhension confrontés qu’ils étaient par exemple concernant le
176
vinaigre à pas moins d’une quinze formules différentes. La dimension
pédagogique en science invite à donner une structuration cohérente entre les
concepts enseignés et parfois dans les disciplines jeunes à faire surgir de cela
une dimension phénoménologique surprenante et décisive non initialement
envisagée. C’est à ce stade et à ce stade seulement qu’une science entre dans le
domaine public, celui de son utilité. Elle quitte la dimension de l’explication
pour entrer dans celle de la démonstration métrologiquement exploitable et
conforme à l’exploitation des flux concernant le système qui se l’approprie.
C’est dans le cadre de l’ensemble de ces critères que peuvent s’opérer de façon
féconde les désaccords sans perdre de vue la destination finale d’une science.
177
CHAPITRE VII
DE LA MAGIE DE L’OPPOSITION ET DU GENIE DANS
DESACCORD
__________________________________________________________
Il n’y a de pensées mauvaises
Que des idées incohérentes dont elles procèdent.
La pensée triviale et la pensée des contraires: l’art de noyer le poisson
Comment la compréhension est elle réalisable ? Est-elle la conséquence d’un
dénie ou du génie ? Procède-t-elle d’un désaccord ou d’une opposition ?
Certes convient-il de faire la distinction entre compréhension et connaissance.
Tout comme entre opposition et désaccord. Le propre du génie n’est-il pas
d’être incompris ce qui tendrait à expliquer pourquoi une connaissance n’est
rien tant qu’elle n’a pas été comprise et qu’il faille en substance que le génie se
fende d’inventer la lampe la lampe à huile afin de pouvoir être appréhendée ?
C’est ainsi que pour faire connaissance la compréhension doit tenir dans la
main. Une démarche qui pour gagner en altitude doit passer par les fourches
caudines de l’humilité. Faute de cette conversion génie et connaissance restent
dans l’éther. Le nuage doit être concentré dans la lampe pour qu’une
connaissance fasse consensus. Il ne suffit malheureusement qu’une
connaissance dise vrai pour qu’elle soit considérée comme juste en sorte que
penser juste pourrait bien n’être fondamentalement qu’une compromission
apaisante pour éviter un désaccord et se passer d’une opposition.
On pourrait aussi, pour introduire ces questions, sortir les violoneux de la
littérature scientiste pour nous enchanter d’une belle formule du type : « La
connaissance est le mode fondamental par lequel l'homme se rapporte au
monde. Toute compréhension s'inscrit sur un fond de « pré science » qui est un
signe de sens dans le champ des possibles, un point de lumière dans l’obscurité
de la caverne de l’incertain, une boussole pour la gouvernance d’’un bateau
ivre ». Définition qui en termes triviaux serait à juste titre évacuée d’un revers
de main par le quidam considérant qu’y adhérer reviendrait « à se faire
embobiner » et de conclure par : «Whouai. L’bouffon il a fumé la moquette ».
Pas de flottement avec la pensée triviale. Son exigence première : simplicité et
utilité. Elle attend du génie le caractère pratique du levier qu’elle préfère à
l’esthétisme d’une phrase bien balancée. Mais foin des angélismes entre ces
178
contraires apparents. L’herméneutique qui cherche le sens dans l’interprétation
tout comme le trivialisme qui ne veut pas s’y engager tant que le jargon sera
celui des salons, tous deux opèrent sur fond d’une même structure
intellectuelle de nature oppositionnelle : l’un pour se mettre en valeur, l’autre
pour dévaloriser le premier.
Dans son ouvrage sur « Les Structures intellectuelles » (1966), R. Blanché
entreprend la description des structures naturelles de la « pensée commune »
en l'opposant à la pensée scientifique (pas celle des jargonneux).
Son hypothèse tiendrait dans les fondements à partir desquelles se présenterait
la pensée commune. Sa constitution serait essentiellement de nature
oppositionnelle tout comme pour nous l’herméneutique moderne serait trans-
oppositionnelle aux disciplines connexes et à la logique cohérente en ayant
pris pour fondement l’ontologie dans la conduite du langage. Par ce subterfuge
l’herméneutique jette les bases de sa démarche à partir de la prise en compte
de « l'universalité du langage ». « La langue est [...] le médium universel dans
lequel s'opère la compréhension même, qui se réalise dans l'interprétation. ».
Or cette allégation est fausse même si la phrase est belle. Car si mot
« herméneutique » signifie bien en grec interprétation et caractérise la
discipline, les problèmes, les méthodes qui ont trait à l'interprétation et à la
critique des textes, en dépit de cela cette critique n’est possible
trifonctionnellement qu’entre le signifiant et la signification c’est-à-dire entre
et à partir d’une forme cognitive normative et logique (l’école classique grec
aristotélicienne). D’autre par si le mot compréhension a bien pour signification
d’être une préhension partagée (entre le signifié et le signifiant), elle ne peut
être sujette à interprétation d’autant que trifonctionnellement, toujours la
compréhension met an œuvre la pensée analogique et normative en sorte que
n’opérant aucun lien avec le pôle logique (signification) la compréhension ne
peut se réaliser par le biais de l’interprétation. Cette démonstration sur une
involontaire escamotage épistémologique s’avère d’autant plus exacte si l’on
se réfère au triangle phonétique de Jakobson que la phase première de la
structuration du langage a pour objet de constituer un registre de signification
(alternance cognitive entre logique et norme) par l’axe volcanique des
sonorités avant de se connecter à l’axe consonantique des tonalités (cognition
analogique et normative, entre signifié et signifiant), registre des connotations
(phase 2 et 3 en rétroaction).
La posture herméneutique devrait alors être établie selon le protocole suivant
ainsi formulé formulée : « la langue est le médium par lequel la signification
permet d’intégrer la compréhension aux fins d’établir une connaissance [cf.
phase 7 Jakobson] en passant par le biais de la dénotation (signifié en
interaction avec la signification [cf. phase 5 Jakobson]) confrontée à
l’interprétation [cf. phase 6 Jakobson].»
179
On peut dès lors se demander s'il y a bien lieu de faire une place particulière
aux diverses chapelles des « sciences herméneutiques » en ce sens que cette
théorie qui se veut interprétative semble relever plutôt d'un schéma de
compréhension que d'un schéma d'explication somme toute à portée locale. En
revanche en prenant valablement en compte l’intentionnalité qui les anime
peut-être laissent-elles entrouvrir la porte à ce barycentrage épistémo-cognitif
trifonctionnel que nous avions supputé dans un chapitre précédent et appelé
‘patanomie. Il est vraisemblable que prise sous cet angle la théorie
herméneutique permettrait de fournir une appréhension cartographiée des
problématiques communicationnelles, d’en dégager des principes d'orientation
pour une structuration dynamique des systèmes à partir de ce seul réel qui
résiste à l’histoire : les flux. Devenue instrument d’alerte parce que disposant
d’instruments métrologiques, l’herméneutique deviendrait alors une science
prédictive. Ce qui est le propre de toute discipline qui se veut scientifique. En
somme quitter cette impasse du couple interprétation – compréhension
prétendument capable, en se passant de la signification, de parler du sens à
partir de signes internes. Le phlogiston alchimique. Pitié pour la pythie
romantique ! Et qu’en est-il réellement de son fameux carré (d’Apulée)
visionnaire après que nous nous ayons conclus à l’infaisable du triangle
sémiotique tel que malencontreusement paramétré dans sa version d'Ogden et
Richards, revue et corrigée par Ullmann?
Démonstration vient peut être ici d’être faite qu’un désaccord, à condition
qu’il ne fût pas oppositionnel, puisse faire l’objet d’une orientation synergique
intéressante .pour aller plus avant sur la thématique concernant le présent
chapitre.
La matrice de R. Blanché, qui traite de ce point névralgique qu’est la pensée
normative, est constituée par le schème de couples de contraires contrastés, de
paires de termes bipolaires. Cependant le schème originel tend à s'organiser en
constellations dont il existe des variétés plus ou moins générales et dont
l'analyse permet d'étudier les degrés variables d'affinité. R. Blanché reprend,
tout à fait à propos en cohérence de champ avec cette problématique, la
doctrine aristotélicienne classique des types d'opposition (contrariété,
contradiction) [forme cognitive située entre pensée normative et logique] et se
propose tout d'abord de la clarifier en la transposant du cadre ordinaire de
l'analyse des propositions à celui de l'analyse des termes, c'est-à-dire des
concepts. Il envisage aussi de la compléter et de la généraliser à partir de la
présentation traditionnelle qui lui a été donnée sous la forme du carré
d'Apulée, avec ses quatre postes A, E, I, O ; il considère celle-ci comme une
structure non saturée, à laquelle il y a lieu d'adjoindre deux postes
supplémentaires U et Y. La structure tétradique du carré d'Apulée est ainsi
transformée en une structure hexadique ou étoilée, dont la première représente
180
une forme affaiblie. Un exemple linguistique d'une telle structure
oppositionnelle complète peut être donné à propos des qualités diverses que
peut comporter la valeur d'un médicament.
181
Précision ici que le carré d’Apulée est aussi celui à partir duquel fonctionne le
carré herméneutique et en plein champ du propos de renvoyer à la pensée
romantico-apologète du chapitre précédent.
U
A
I
Y
O
E
ACTIF
INACTIF
INEFFICACE INOFFENSIF
NOCIF BIENFAISANT
ou ou
et et
Triangle des subcontraires et carré sémiotique
Cette configuration
s’inscrit dans le
cadre trifonctionnel
de la cognition
normative (+) &
logique(-).
182
Sur la vie d’Apulée34
la documentation est assez abondante. Augustin, dans
« La Cité de Dieu », l'appelle le « philosophe platonicien de Madaure ». Mais
c'est Apulée qui nous renseigne de la façon la plus substantielle sur lui-même
dans ses discours et notamment dans une Apologia où il se défend contre une
accusation de magie (il aurait ensorcelé une riche veuve pour parvenir à
l'épouser). Lors du procès, en 158, Apulée a un peu plus de trente ans. Grand
voyageur et admirateur de Platon il a écrit des vers, a étudié les sciences
naturelles et s'est fait initier à un grand nombre de cultes à mystères (Liber,
Esculape, Isis...). « 'Apologia » n'est pas seulement une source biographique
qui met au jour le talent d'Apulée. Pour répondre à ses adversaires, celui-ci
emploie un curieux système de défense semi-indirecte. Insistant d'abord sur
des griefs accessoires, il joue de l'ironie : « Être beau et savoir parler ! Graves
accusations que je voudrais bien mériter ! » Mais surtout, il se justifie en
profondeur au lieu de limiter le débat. La seconde partie du discours,
directement consacrée à l'accusation de magie, en constitue le moment
essentiel. Apulée définit la magie comme un « art agréable aux dieux
immortels » et, si c'est autre chose, se félicite d'être accusé parmi tant d'autres
philosophes incompris ; puis il passe en revue une série de faits litigieux (achat
de poissons, chute d'un enfant, examen d'une femme épileptique, possession
d'un talisman ou d'une statuette de Mercure). Et lorsqu'on en arrive à l'épisode
du mariage, celui-ci, replacé dans l'ensemble d'une vie, a pris de minces
proportions. On retient surtout quelques morceaux de bravoure ; l'affaire du
miroir (on l'accusait d'en porter toujours un) présentée en une longue série de
questions oratoires sans qu’on ne sache jamais si ledit miroir a existé ou non ;
celle des poissons où l'abondance des hypothèses fantaisistes et pittoresques
sur les motifs d'un achat de poissons fait attendre longuement la vérité :
Apulée fait des recherches scientifiques sur les poissons. Il reste qu'à la
question de savoir si ce maître d'éloquence, si ce philosophe enthousiaste a
pour le moins flirté avec la magie, on est tout à fait tenté de répondre oui.
Apulée, une rhétorique ou l’art de noyer le poisson ? Mais peut être aussi la
naissance d’archétypes cognitifs laissant libre cours à de coupables
interprétations…
Le double triangle inversé des subcontraires est une généralisation du carré
d'Apulée en structure étoilée permet de dégager de nouvelles formes
d'oppositions (soit binaires, soit ternaires) entre les différents termes et, en
outre, d'établir une échelle des degrés de force de la négation, mis en jeu par
ces différents types d'oppositions. La doctrine classique ne reconnaît que deux
formes fondamentales d'oppositions. En premier lieu, la contrariété stricto
sensu, ou contrariété-contraste, concerne les extrêmes d'un même genre et
s'établit entre les deux postes A et E (bienfaisant-nocif). Les deux termes ne
peuvent pas être vrais ensemble du même sujet. Mais ils peuvent être faux l'un
34
Apulée :125-180 environ.
183
et l'autre (FF). La contrariété-contraste représente la forme la plus forte de
négation, le degré d'opposition maximale entre termes. En second lieu, la
contradiction, ou contrariété-incompatibilité, concerne l'exclusion mutuelle des
termes et s'établit entre les couples de postes AO, ou EI (nocif-inoffensif).
Dans ce cas également, les deux termes ne peuvent être vrais ensemble du
même sujet. Mais, si l'un est vrai, l'autre est faux et vice versa (VF). Cette
forme d'opposition représente une forme de négation plus faible que la
précédente. Cependant, il y a lieu de considérer aussi - ce que ne prend pas en
considération la doctrine classique - la forme d'opposition existant entre les
subcontraires, c'est-à-dire entre les postes I et O (inoffensif-inefficace). Les
deux termes peuvent être faux, mais ils peuvent aussi être vrais tous deux, ou
seulement l'un d'eux, du même sujet. Il s'agit donc d'une forme encore plus
faible de négation. Enfin, la relation entre les subalternes, qui s'exerce entre les
couples de postes AI et EO, est d'un caractère particulier. L'un des deux
termes, le subalterné I (inoffensif), représente le degré affaibli de la qualité de
l'autre terme, le subalternant A (bienfaisant).La structure oppositionnelle à six
termes introduit la notion de triades d'opposés, tandis que la structure
hexadique représente la forme parfaite, saturée, de l'organisation
oppositionnelle, que les constellations d'opposés qui ont cours dans l'usage de
la langue sont loin de toujours satisfaire. Au contraire, il est fréquent de
rencontrer des formes affaiblies par rapport à l'hexagone logique, d'un type
différent de celui du classique carré d'Apulée. Blanché donne de nombreux
exemples d'organisations triadiques, tétradiques, par exemple en croix latine
(AUEY), ou pentadiques (AIYOE). Ainsi, le triangle des contraires AEY
permet de prendre en considération une autre forme de contrariété, que
Blanché appelle contrariété diamétrale et dont les termes extrêmes sont
répartis de façon symétrique autour d'un médian. L'usage en est très fréquent
dans la langue : souvent-quelquefois-rarement, chaud-tempéré-froid (AYE).
Cette forme de contrariété, lorsque l'usage de la langue la réalise, comporte un
degré de force de la négation intermédiaire entre les contraires sans médian
AE et les contradictoires AO.
Blanché envisage aussi d'un point de vue génétique la structuration des formes
oppositionnelles dans la pensée commune. Celle-ci est d'abord entièrement
fondée sur l'opposition des contraires, c'est-à-dire sur l'opposition maximale
organisée en couples antithétiques, selon la structure binaire AE. À partir de
cette structure, on verrait apparaître les postes des contradictoires (AO, EI) ou
bien alors, selon un autre procédé, le terme moyen ou neutre Y et sa négation
U. L'opération la plus élémentaire de la pensée serait la négation (cela fut aussi
l'opinion de Freud). Lui serait associée la conjonction (et), alors que
l'apparition de la disjonction (ou) serait plus tardive. C'est du reste sur le
couple de la négation et de la conjonction que repose l'expression du principe
de contradiction : pas à la fois p et non-pas.
184
Le principe de la conceptualisation gémellaire propre à la pensée commune est
particulièrement persistant dans l'expression des qualités sensibles, affectives
et morales, tout en convenant peu à la pensée technicienne et scientifique.
Cependant, l'antagonisme n'est pas complet entre la structure oppositionnelle,
propre à la pensée commune, et la structure graduelle, propre à la pensée
scientifique. Tout d'abord, l'ancienne structure persiste dans la vie quotidienne
à côté du mode scientifique de pensée. Il est assez fréquent aussi qu'une
structure étoilée puisse tolérer d'être lue dans un ordre linéaire, par exemple la
série chaud-tiède-tempéré-frais-froid (AIYOE). Mais, dans le champ de la
science elle-même, la pensée par opposition subsiste à côté de la pensée par
dimensions.
Notons que si dans le champ même de l'épistémologie des sciences humaines,
Gilles Gaston Granger a défini la notion même de structure comme « un
système d'oppositions et de corrélations », cette proposition n’est acceptable
que dans le sens d’un cadrage générale, d’un double vecteur structurel que
nous avons cerné comme étant en fait celui des « organes de commande »
(opposition) et des « organes d’informations » (corrélation), le système interne
reste lui de nature trifonctionnel. Ce n’est pas le cadre qui fait l’œuvre qu’il
contient.
Ce qui distingue la pensée triviale de la pensée scientifique tient au fait que
vont interagir diverses formes cognitives alors que la pensée triviale se
concentre sur la pensée normative pour assimiler sélectivement d’autres
données provenant de la logique et de l’analogie. Elle n’intègre les signes
extérieurs que lorsqu’ils sont soumis par des instances liées principalement
aux organes de liaison. C’est l’expression d’une mémoire centrale inhibé,
chargée du trie sélectif de l’information et de son classement dont la fonction
est essentiellement le questionnement. Une cognition enfantine en désir de
devenir par tâtonnements et babillages [Axe volcanique des sonorités phase 0
et 1 « m, p ver a »] sans intérêt envers les commandes de liaison (signifié et
signification) autre qu’alimentaire. Emmagasiner de l’information et opérer
des tries.
En revanche lorsque la pensée est structurée, le système cognitif normatif nono
polarisé (sommet en bas à droite qu système trifonctionnel de la connaissance)
est pour l’essentiel en attente de solutions et essentiel à prendre en compte sur
le plan scientifique. C’est celui qui permet, par volonté de complétude,
l’aspiration de la recherche fondamentale vers la recherche appliquée
(attraction d’un pôle vers la zone qui lui est opposée). La connexion peut
ensuite s’opérer avec la zone sceptique et aristotélicienne. On pourra alors
raisonnablement parler de connaissance et ainsi situer la connaissance au
point d’interaction des 3 pôles et 6 zones cognitives. En revanche la pensée
triviale opère par opposition qui externalise les positions hors du triangle
185
fonctionnel, ce qui la distingue de la pensée scientifique, lorsqu’elle l’est
authentiquement, qui opère à partir du désaccord centralisé alors
potentiellement synergique. C’est pour cette raison vraisemblablement que les
stratégies de régulation des « commandes de liaison » imagineront des
subterfuges dogmatiques miroirs pour permettre l’évacuation des pressions ou
des dépressions qui animent l’univers clos de la pensée cognitive triviale...
Cela donnera entre autres formes d’expression à la caricature (équilibrer les
pouvoirs du signifié), à l’humour (s’évader des carcans de la logique, la
signification) et aux mots d’esprit et autres aphorismes pour pondérer les
exagérations du signifiant. Les soupapes de décompression de l’obsession.
Si je t’aime, prend garde à toi…
Ce caractère obsessionnel de la pensée triviale peut virer à la magie lorsque
l’environnement intellectuel ne peut fournir d’explication aux phénomènes
perturbants. Cette forme assez nettement mono polarisé de la cognition est en
perpétuelle recherche d’équilibre entre les extrêmes du donner et du recevoir.
Elle est mal à l’aise dans les nuances sauf dans l’analyse de la raison d’être de
la soumission pouvant tourner à l’extrême violence lorsque les appuis viennent
à céder. Contrairement à ce que pensait M. Mauss, ce n’est pas le domaine du
don mais de la réciprocité d’intérêt qui anime son système. Mais c’est une
banque qui fixe les valeurs ou qui en ajoute. Monde du signifiant, des tabous,
de l’intériorité plus attiré par la signification que par le signifié qui pourtant est
son complémentaire de régulation avec la signification. Monde aussi
d’allégories que l’on associerait faussement à celui du symbole si l’on ne
faisait la distinction entre signifiant et signification, car allégorie à l’époque de
Plutarque avait le sens de « signification caché ». Cette signification recherche
n’entre en réalité pas dans l’ordre de la logique mais dans celui de la norme
déterminée qui conduit à la réussite où à l’échec. Ce point névralgique de
recherche de l’information à l’état pur se retrouvera dans le roman arthurien de
la quête chrétienne médiévale du Graal, et à la même époque dans la Kabbale
juive et le Da’Wah musulman : « qui détient l’arcane des lettres détient les
clefs de la création ». Une sorte de tâtonnement de l’enfant qui teste son
entourage pour isoler de leurs réactions les limites de ses droits et de ses
devoirs pour se constituer une mémoire vive à partir de la mémoire archaïque,
mais aussi une vision de la systémique et de la pensée complexe. La recherche
d’indices. Le pourquoi. C’est l’univers de la grotte, du « connais-toi toi-
même » psychanalytique mais aussi celui de la gorgone tentaculaire (triangle
tentaculaire des subcontraires), à l’origine du masque rituel (carré sémiotique :
bouche, yeux, nez oreilles) ou tel que représenté sur la coupe Attique : une
tête de gorgone entourée de quatre yeux (500 av. JC). C’est l’univers de la
fécondité, des offrandes mais aussi des sacrifices sanglants, des processions
tentaculaires. D'une manière générale, les usages indo-européens et les usages
crétois semblent confluer dans sa célébration (même racine entre le mot initié
186
et mystère). Certaines cérémonies sont secrètes, réservées : un enfer pavé de
bonnes intentions et d’austérité consentie mais aussi par amalgame un puisard
d’aberrations idéologiques résiduelles quand bien même les symboles
initiatique utilisés se voudraient fécond. Ainsi le swastika de la religion indoue
dont sens de svasti signifie « bonne santé, bonne fortune » (c'est aussi une
interjection Svastika) peut se traduire comme « ce qui apporte la bonne
fortune, ce qui porte chance ». Le svastika inscrit dans un carré peut être
retourné selon une ligne sagittale, donnant deux versions de sens opposé,
facilement identifiables visuellement, mais difficilement différenciables dans
certaines langues. En sanscrit, les deux formes portent des noms qui diffèrent
par le radical : « bon » pour l'une et « mauvais » pour l'autre. Une forme de
carré sémiotique. C'est l'un des plus anciens symboles de l'humanité pourtant
détourné des impensés d’un romantisme déchu par le nazisme allemand en
quête d’une soi disante pureté arienne sous la dénomination…de croix
gammée !
Le mot allegoria a remplacé tardivement chez les Grecs, à l'époque de
Plutarque, le mot Opinia (opinion) pour désigner la « signification cachée »
sous la donnée sensible du langage, par exemple dans la narration ou la
description. Mais ce changement de terme s'accompagne d'une restriction de
sens : on désigne par le mot allegoria une forme de l'exposé littéraire plutôt
qu'une méthode d'interprétation. Les grammairiens latins ont confirmé ce point
de vue en présentant l'allégorie comme une figure de rhétorique, la métaphore
continuée pédagogique (Quintilien).
Dans la rhétorique et la théologie médiévale, à mesure qu'on s'élève dans la
hiérarchie de la spiritualité, l'allégorie déploie à cette époque des sens
analogiques, tropologiques, anagogiques dans le cadre d’une pensée
normative. Sa finalité est esthétique mais elle n’est ni fondamentalement
analogique (signifié) ni tropologique (signification) mais instamment
normative... Plutarque le déclare expressément ne voulant aucunement en
composant ses Vies faire œuvre d'historien, mais uniquement peindre des
caractères. Ses héros ne sont que de remarquables exemples, des figures
représentatives de l'humanité aux prises avec ses passions, victorieuses ici dans
le vice, vaincues là dans la vertu. Les Vies sont en somme la vérification sur
dossier de la philosophie des Œuvres morales. Une banque de données pour
des adeptes qui atteste de valeurs. Pour être plus précis le mot banque devrait
être associé à celui de bourse (qui renferme les testicules : image de la tête de
la pieuvre).
On pourrait alors légitimement s’interroger sur le caractère scientifique du
carré sémiotique quand à sa capacité de déterminer un sens dans le
questionnement puisque le questionnement est par essence centrifuge. En effet
nous sommes ici au cœur d’une mémoire ou les informations s’accumulent
187
sans être en contact ni avec le signifiant ni avec la signification tant que le
signifié n’aura pas été alerté par un signe extérieur pour mettre en action le
signifiant des modifications perçues à partir de l’environnement. Il y a des
fortes chances que cette approche procède alors d’une forme de magie et que
celui qui manipule cette forme cognitive puisse aussi être le manipulateur de
son propre entourage. Lorsque la culture ambiante est moutonnière et
enchanteresse et les flux favorable au système, les conclusions ne peuvent
qu’aboutir à faire prendre position contre le signifié et la signification
susceptibles de venir troubler l’endormissement. Mais dès lors que
l’approvisionnement naturel des réfrigérateurs s’épuisera ou changera de cap
les moutons deviendront des loups en quête d’un chef de meute décisionnaire
et arbitraire.
Tel est indéniablement et probablement inconsciemment le mode opératoire
qui affecte certaines obédiences sociologiques lorsqu’elles protègent une tête
molle de tentacules viriles capables par la multitude de ses ventouses de
concentrer toutes les informations en son centre de trie statistique auto
alimentaire. En revanche tel est bien aussi le siège de la psychanalyse, celui de
l’introspection qui n’a d’autres prétentions que d’être une pratique honnête au
bénéfice de l’autre faisant du financement de la thérapie un outil de celle-ci.
Point de différenciation entre exploitation de la pensée triviale et introspection
sociétale portant toutes deux insérées pleinement et entièrement dans une
même forme cognitive normative.
Mono polarisée au sein du triangle des cognitions la pensée triviale opère de
façon cachée sur fond dichotomique au sein d’une triade obscure. Trivial
(« trois voies »), le mot est emprunté par Rabelais au latin trivialis, e, et
trivium, ii qui signifient « carrefour de trois chemins » mais aussi un « endroit
fréquenté » (sans omettre de préciser parallèlement « un ensemble de trois
sciences »). Grossière au sens rabelaisien du terme la pensée triviale est bien
ce point de croisement des trois chemins et des deux sens (par manipulation de
la relation et ou de l’information) qui fait du lyrisme une pirouette de sorcier
blanc capable d’escamotage d’un troisième sens du mot latin, « manière dont
les prostituées arpentaient lesdits carrefours », et nous faire passer, sous les
apprêts d’une robe de bure, une catin pour none. En un opéra Si je t’aime,
prends garde à toi ! On en fera un opéra, « La Traviata » de Verdi : La
« traviata », la « dévoyée », inspirée du librettiste Francesco Maria Piave par la
Marguerite Gautier, de La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils, elle-
même tirée du personnage réel d'Alphonsine Duplessis. L’euphorie dans les
larmes ou: l’atroce objet du désir, tel pourrait être la définition à donner à la
pensée triviale. On comprend dès lors mieux l’impossible fonctionnement
mono polarisé ou bipolarisé à l’excès de nos mécanismes anthropologiques
introspectif en recherche de sens qui comme dans la machine de von Neumann
ne peuvent que devenir entropique sans l’opérationnalité d’un « système de
188
commande des relations ». Plus encore pouvons nous considérer au regard de
l’Histoire comme coupables de cannibalisme ceux d’entre les scientifiques
titrés qui au nom d’une quelconque conviction personnelle voudraient faire
passer pour contraire à la liberté cette réalité fonctionnelle sans plus de
démonstrations contraires que celles de leurs propres explications. La pensée
triviale au comble de la science narcissique. C’est afin d’éviter ces travers
qu’au rouge et au bleu des couleurs de la ville de Paris, celle de échevins du
Moyen Age, Lafayette ajoutera au milieu le blanc pour faire de l’union des
trois les couleurs le drapeau de la France, mettant ainsi à la place qui lui
revient la fonction anthropologique des pouvoir numineux. Il n’est pas ici
question de transparence !
Pour évacuer les risques des dérives intellectuelles la méthode du casework
devrait être instamment mise en œuvre dans un nombre non négligeable de
chapelles chargées des « sciences » humaines. Cette méthode à été appliquée à
Londres sous le nom de « groupe de Balint » (du nom de son inventeur
Michael Balint, auteur du célèbre « Le Médecin, son malade et la maladie »
(« The Doctor, His Patient and Illness », 1957)) pour contribuer à la
formation psychologique des travailleurs sociaux puis élargie à la formation
des médecins généralistes (notamment avec la discussion de cas cliniques en
groupe). Ainsi naquirent les « groupes Balint », qui, s'efforçant de rendre les
praticiens plus attentifs aux relations qu’ils établissent avec leurs patients, ont
permis de contrecarrer les abus de pouvoir cachés sous les titres et le verbe.
Cette approche a connu un important succès, en particulier en France. Peut-
être une psychanalyse dans les deux sens afin que le médecin ne soit pas lui-
même un agent pathogène qui s’alimenterait des propres maux qu’il
diffuserait par les mots!
La gorgone et le veau d’or
Les dérives que le romantisme allemand a connu dans la tentative de s’inspirer
de la nature pour vouloir unifier le monde ont abouti à exclure de son champ
de vision, lorsque les flux sont devenus contraires, et à évincer du corps
social, tout ce qu’il ne considérait plus comme conforme à un horizon purifié.
Recroquevillée sur ses derniers subsides la pensée triviale normée cherchera à
consolider ses impensés par l’introjection d’un paradis artificiel en portant la
vindicte de la pensée normative à l’encontre de boucs émissaires pour mieux
échapper à une improbable introspection sur l’origine de ses propres maux.
Sous l’effet de la masse de la température et de la pression ce qui ne se pourra
être cristallisé ne devra plus être.
Méfions nous de la transparence autant que de l’obscurité, s’il existe des
couleurs dans le monde ce n’est certes pas pour espérer que les couleurs ne
fussent plus: ce qui est le cas du blanc et du noir qui ne sont pas des couleurs.
189
Qui plus est de nos transparences « démocratiques ». Pour ces pensées « vert
des gris » tous les génocides procèdent un jour de la sorte lorsque la gorgone
sort de la grotte des fonds marins ou que Zeus envoie au firmament ceux des
vivants qui perturbent son ordre. Alors peut être que consciente de tout cela
l’herméneutique ‘patonomique pourrait jouer le rôle qui lui revient en
définitive, celui qu’occupait Junon, celui de l’alerte du système de mémoire
lorsque s’accumulent trop d’informations contradictoires et qu’une unité
contre commence à se constituer : transformer les oppositions en désaccords,
faire passer l’inconscient au conscient afin d’éviter l’enfermement
communautaire (scientifique ou trivial) qui ne peut aboutir qu’au devoir
mémoriel après les massacres sans que ni victimes ni bourreaux n’aient pu
dégager autre chose des cendres qu’une frontière bien incertaine entre le bien
et le mal. Le Juste sait en conscience, en acceptant les honneurs, qu’il n’en
sera qu’un point médian, autant qu’un bouclier, tant que de la repentance ne
jaillira pas le devoir de connaissance. Celui là même qui est en mesure
d’identifier à temps des causes ténues pour éviter des conséquences qui le
seront moins : contraindre le passage de l’induction à la déduction.
La vérité téléologiques voire théologiques est une affaire de désaccord non
celle de l’opposition. Autour du tabernacle de la divinité. La pureté est
incompatible avec la sédentarité, elle ne peut se concevoir que dans le
mouvement de l’Essence : ce sens qui est fait de miel, de lait et de dates dont
la provenance importe moins que leur utilité dans l’itinéraire de l’humanité.
Propriétés de personne ils sont faits pour être partagés. Pour être Saint un
martyre ne doit jamais être suspecté de masochisme, c’est la meilleure façon
d’éviter l’émergence du sadisme autour du veau d’or.
Dans la tradition postérieure et théologiquement élaborée de la Bible, Aaron,
frère de Moïse, apparaît comme l'éponyme de l'important groupe sacerdotal,
« les fils d'Aaron » (Ex., (Ex., XXVIII) et comme le premier grand prêtre
d'Israël (Ex., XXXIX). Dans les psaumes CXV et CXVIII, l'ensemble des
prêtres est appelé « la maison d'Aaron », dont pourtant on sait comment, en
l'absence trop prolongée de Moïse, il fabriqua sous la pression populaire il
fabriqua un Veau d'or et un autel en son honneur (Exode, XXXII). L'Haggadah
juive tardive s'efforcera de blanchir la mémoire d'Aaron en réinterprétant, en
des récits populaires et légendaires que l'on repère chez Flavius Josèphe et
dans les midrashim, les faits malheureux que certaines pages bibliques lui
imputent. En allumant le chandelier à sept branches (Menorah décrite dans le
temple de Zorobabel, Zacharie., IV, 1-14), symbole significatif d’un Dieu à
sept yeux comme les 7 planètes du système solaire, Aaron signifie bien ainsi
que Dieu n’est pas un cyclope mais une dynamique et qu’en l’état actuel des
choses la terre est un passage obligé et que ce serait orgueil que de prétendre
n’en être pas. Ce caractère de fondateur sacerdotal du personnage d'Aaron, au
demeurant mystérieux historiquement, trouvera un double écho marquant
190
quelques siècles plus tard : d'une part, dans le messianisme des qumranites (et
ensuite des karaïtes), qui attendaient à la fois un Messie sacerdotal
(« d'Aaron ») et un Messie royal (« d'Israël ») ; d'autre part, chez les chrétiens,
qui firent d'Aaron le type même du Christ-prêtre : l'Épître aux Hébreux (V, VII
et VIII) voit en lui l'image imparfaite, dans l'Ancienne Alliance, du sacerdoce
que le Christ portera à sa apogée « selon l'ordre de Melchisédech » dans la
Nouvelle Alliance. (André Paul)
Seule la gravitation nous fait mettre le chandelier sur un pied faisant que l’on
rend grave une partie sinusoïdale d’un jeu qui en l’absence de pesanteur est
évolutif et constellaire. Une affaire de prosélytisme… au sens étymologique et
propre du terme pour éviter d’avoir à se protéger de soi-même dans l’entropie
anagogique qui ne se réfèrerait qu’à la nature, aux vœux religieux ou à quelque
posture idéologique que ce soit.
Telles sont les conséquences et la destinée de tout système dont les fondations
puiseraient dans l’opposition et les subcontraires au sein d’une pensée
normative univoque. Au mieux peut-il en sortir de ces exercices hasardeux
quelques médications magiques dont on aura vite oublié le prix de
l’expérimentation. Quoi qu’il en soit de la magie, du matérialisme scientifique
ou des théologies de la libération nous devrons ici bas, au contact des flux qui
font de nos systèmes ce qu’ils sont, en toute modestie, ne maintenir qu’un seul
culte qui soit viable, celui de l’ornithorynque, toujours préférable à celui du
missing link. Se protéger contre soi-même.
Mais trivialement. « Dans monde des aveugles les borgnes sont rois. »
Dans le monde des aveugles les borgnes sont rois
Si l’on dit juste que dans le monde des aveugles les borgnes sont rois et que les
passions rendent aveugles, il suffit alors non de se pencher sur les
manifestations passionnelles pour les comprendre mais plutôt aller chercher
l’intérêt que le roi peut tirer de l’aveuglement généralisé et consenti : au plus
large voir comment réciproquement le point scotome de l’un ne peut être
compensé par celui de l’autre dans une même communauté immédiate
d’intérêts. Si les deux scotomes se situent au même endroit, il y a de fortes
chances pour que les événements prennent d’autres significations que celles
généralement envisagées par les protagonistes. Pour éviter cela il faut aller
chercher au point scotome cette part d’ombre, ce scotome, cette tâche aveugle,
ce qui permet à notre cerveau de convertir une géométrie bi dimensionnelle
des représentations en une troisième dimension à partir desquels le sens peut
être compris.
Cela revient à jouter la part de jugement « l’évaluation scientifique » qui
manque à l’analyse normative triviale, au carré sémiotique clos pour éviter les
191
dérives par rapport à la doxique car le langage n’est pas uniquement le sujet de
lui-même. « Ma communauté, dit un hadith, ne tombe pas (ou ne tombera pas)
d'accord sur une erreur». Si tel n’était pas le cas et que «si le langage soit le
sujet de lui-même on pourrait légitimement se demander si le seul autre qui
subsiste n'est pas l'autre de l'énonciateur, autrui, et si le contrat de véridiction
n'est pas l'ultime refuge de la croyance-foi en l’immanence d’une perfection
qui devrait devenir Etat : car comment un énonciataire interpréterait-il
« correctement » le message de l'énonciateur, au point de mettre son faire
interprétatif en conformité avec le faire persuasif du premier, si l'énonciateur
n'était pas fiable, digne de confiance, et si l'énonciataire ne le croyait pas,
c'est-à-dire n'avait pas foi en lui ? Avec cette question, le problème de la
croyance doit sortir de la sémiotique pour entrer dans la pragmatique des
actes en cohérence avec le discours seuls admissibles pour tenter d’en valider
par les faits la véracité en les touchant du doigt», pour éviter dans le « Silence
des Agneaux » le suicide de l’Histoire par la pensée magique.
Une affaire de toucher en aveugle pour saisir, lorsque le doute se fait jour, une
réalité moins illusoire que celle qu’offre à la pensée qui dérape les grands
espaces qui font illusion d’en être la cause.
« On surprend étrangement les aveugles quand on leur parle de théories
philosophiques qui leur refusent la notion de l’étendue ou qui leur accordent
une étendue toute différente de celle des clairvoyants (…) je puis certifier à
partir des personnes qui les fréquentent qu’ils n’ont rien remarqué qui pût
laisser supposer une différence aussi profonde entre leur mentalité et celles des
autres hommes. » comme le précise Pierre Villey, aveugle lui-même, dans son
ouvrage « Le monde des aveugles », collection corpus tactilis, Editions Les
doigts qui rêvent (1984). Toutefois continue-t-il « la vue donne l’espace tout
élaboré, tandis que le toucher fournit les éléments propres à l’élaborer ».
La complexité issue des diverses formules d’explications contraires fait
adhérer la pensée triviale au mystère. Le tabou devient intouchable et malheur
à celui qui s’y risquerait. Le mystère interdit le toucher et ne tolère que la
vision globale totémique sous la direction du prêtre ou du chamane. De son
côté, privé de la vue globale, l’aveugle pour se constituer des représentations
synthétiques doit procéder par d’incessants contacts tactiles avec le monde qui
l’entoure. Partir de l’analyse pour cartographier dans l’espace les éléments en
un tout cohérent. La mémoire devra retenir et agglutiner ces impressions
successives pour donner à l’image synthétique une clarté, une richesse, une
intensité qu’il n’avait pas au premier abord. L’enveloppe que l’œil jette sur
l’objet facilite l’action de l’esprit, mais ne la supprime pas pour autant. Ici
s’arrête la distinction qui existe entre le monde des voyants et celui des
aveugles en sorte qu’au final il n’y ait pas de différence de nature entre la
représentation spatiale visuelle et la représentation spatiale tactile. En cela la
192
vue apparaît comme un toucher perfectionné, le toucher comme une vue
embryonnaire. La pensée tactile cherche à faire se connecter des éléments dans
l’espace, établir des relations sans placer l’émotion comme préalable à
l’investigation. Elle cherche à établir des relations, harmoniser les choses avec
l’espace, préférer accorder qu’opposer. La démarche empruntée par le
naturaliste Buffon.
Toute la problématique de la véridiction tient entre ces deux pôles : le « faire
persuasif » du côté de l'énonciateur et « faire interprétatif » du côté de
l'énonciataire. Le croire-vrai, quand il fait coïncider le second avec le premier,
remplit ce qu'on peut appeler le contrat de véridiction : un signifiant
anagogique (normatif) qui, pour éviter de n’être que manipulation, devra être
soumis à la pensée logique de la signification et analogique du signifié.
Différence notoire en véridiction et connaissance pour éviter le piège
intellectuel de la tâche aveugle : en somme les situations cornéliennes issues
de l’opposition : une affaire de docimologie des valeurs d’un système.
De l’objection à la synergie par les désaccords.
L’objection pourrait être vue comme étant la raison d’être de la dialectique
dont l’origine grecque signifie un échange de parole qui implique une
méthode : la dispute, « outputer » un désaccord pour solutionner par la
disputation une opposition, pratique de la cité grecque.
Tout l’art de la négociation consiste à mettre deux imaginaires (souvent deux
ou plusieurs formes cognitives) en phase pour aller dans le même sens, c’est-à-
dire dans le sens de l’intérêt commun à partir de flux convergents. 70 000 ans
avant notre ère émerge une pensée conceptuelle : les premières formes
géométriques apparaissent (une succession linéaire des losanges égaux reliés
par une droite centrale et deux parallèles aux sommets des triangles qui les
forment). 35 000 ans, l’homo sapiens sapiens, capable d’anticipation et d’une
pensée symbolique, mettra fin à la période néandertalienne, trop pratique et
réactive. Puis le langage, de conceptuel, deviendra symbolique, capable de
faire appel à l’imaginaire et d’exprimer ses désirs qui donneront naissance aux
arts premiers et aux échanges géographiques par le commerce. Dès lors,
résoudre un désaccord n’aura plus pour seul objet la défense d’un territoire
mais celui de faire converger des intérêts au premier abord divergents. Le refus
ou la peur systématique du désaccord sont caractéristiques d’une attitude
visant au maintien d’une stabilité passée. Cette attitude défensive dans un
environnement commercial (communicationnel, dont la signification est :
« charge partagée ») est incompatible avec l’évolution lorsque le prix à payer
est supérieurs aux gains espérés. C’est toute la différence qui existe entre une
pensée normative et une pensée cybernétique, entre un modèle fermé et un
193
modèle ouvert, en somme la différence entre les Néandertaliens et l’homme
moderne.
Faire évoluer les désaccords
Dans une négociation en face-à-face tout comme en réunion, et cela est aussi
valable en famille, chacun expose ses idées. Le problème des idées vient du
fait qu’elles deviendront une pensée qu’après s’être confrontées à d’autres
pour espérer faire émerger une vérité momentanée dans la mesure ou les
principes et processus de la communication synergique sont respectés. La
véridiction qui en sortira fera son œuvre quelque temps, jusqu’à ce que
d’autres idées viennent perturber la pensée initiale pour lui donner une
envergure nouvelle. Pour éviter le dénie, le désaccord est un point de passage
obligatoires pour que toute construction humaine puisse exister.
Un accord trop spontanément acquis sur un projet sensible est souvent la
conséquence de sujets tabous que l’on ne veut pas aborder, ou de totems
faussement rassembleurs. Dans les deux cas il y a trafic d’influences. Le
désaccord n’est pas un conflit qui aboutirait nécessairement à la rupture, c’est
une situation saine qui peut évoluer de différentes manières et prendre
différentes formes.
Dans une situation de négociation, deux points de vue acceptent, dans un
consensus, de s’entrecroiser dans la perspective d’un enrichissement mutuel.
Ce que nous appelons le marché est la suite souvent heureuse de ces
désaccords consentis dans une volonté de progrès. La négociation
commerciale s’intègre donc au sein d’un processus global de désaccords dont
le mode agressif n’intervient que pour défendre un territoire lorsque celui-ci
vient à être exposé à des risques supérieurs aux bénéfices escomptés.
Konrad Lorenz, lauréat du prix Nobel de physiologie et médecine en 1973, par
ses travaux sur l’agression, a considérablement fait avancer la compréhension
de ce phénomène qui apparaît dès l’instant où un territoire vient à être
transgressé et où pour survivre, il importe de se défendre. Mais il faut à
l’homme beaucoup plus qu’un territoire matériel. Nous vivons au sein d’un
réseau familial, amical, professionnel, social, éthique, culturel, religieux. Le
matériel et l’immatériel s’enchevêtrent en mêlant le rationnel, le conceptuel et
le symbolique. L’ensemble ainsi tissé constitue notre domaine d’intégrité,
territoire où s’expriment les modalités d’expression d’une probité : forme
anagogique triviale (normative), à l’extrême autistique. Ces domaines trouvent
leurs manifestations dans la façon de vivre, la perception de l’avenir, la
culture, la position sociale, le pouvoir. Tenter d’investir ce que l’autre
considère comme son domaine constitue de facto une atteinte à son intégrité
quelque soit l’objet de l’intention première. Méfiance, sentiment
d’instrumentalisation, régression et violence peuvent s’en suivre.
194
Il y a dans cette violence deux éléments dont l'un est aisément identifiable, les
manifestations de la force physique et l’autre moins visible qui est une
tentative d’atteinte à la norme contraire. On pourrait ici prendre à notre compte
la définition qu’en donne Y. Michaud, dans « Violence et politique »: « Il y a
violence quand, dans une situation d'interaction [entre territoires], un ou
plusieurs acteurs agissent de manière directe ou indirecte, en une fois ou
progressivement, en portant atteinte à un ou plusieurs autres à des degrés
variables soit dans leur intégrité physique, soit dans leur intégrité morale, soit
dans leurs possessions, soit dans leurs participations symboliques et
culturelles. »
Passer de l’affrontement, de l’opposition entre contraires, à la confrontation
par le désaccord induit une volonté de rapprochement.
Non formé, comme il est parfois écrit à partir du latin ad (qui signifie avec, qui
marque la direction vers un objet, puis l’arrivée auprès de cet objet, enfin la
proximité) mais de ac l’admission, ac (et même, et cependant…) le terme
acculturation a pourtant été proposé sous cette dénomination dès 1880 par les
anthropologues nord-américains. C’est donc sémantiquement à juste titre que
les Anglais lui préfèrent celui de cultural change (moins chargé de valeurs
ethnocentriques liées à la colonisation : Malinowski), les Espagnols celui de
transculturation (F. Ortiz), et les Français l'expression d'interpénétration des
civilisations. Mais le vocable nord-américain finit par s'imposer au point de
créer une ambiguïté linguistique convenue. Par soucis de cohérence nous
remplacerons le terme impropre d’acculturation par celui d’adculturation
indicateur d’une volonté de rapprochement
Ainsi, selon le degré d’échelle, selon la plus ou moins grande importance que
les protagonistes manifesteront à l’égard de l’intégrité et, ou, de l’adculturation
(volonté de rapprochement en fonction des pertes acceptables par rapport aux
gains espérés) varieront les formes d’évolutions possibles d’un désaccord
susceptibles d’apparaître à partir de perception différentes sur :
- les faits : chacun avec sa subjectivité perçoit une réalité de façons
différentes ;
- les causes : on est d’accord sur les phénomènes observés, mais les vues sont
divergentes sur leurs origines ;
- le but : il s’agit de l’aboutissement à long terme. Nous avons dans nos buts
une part inavouée, inconsciente ou cachée.
- les objectifs : l’objectif de l’un ne correspond pas à court terme à celui de
l’autre;
- les moyens : on est d’accord sur le but, sur l’objectif mais pas sur les
modalités pour y parvenir ;
195
- la valeur : les critères d’appréciation ont des fondements différents.
- la méthode : les axes cognitifs permettant d’aborder au mieux une
problématique.
Cependant, pour assurer une issue la plus positive possible, il faut vouloir
progresser de concert dans :
- le respect de l’intégrité de chacun (commande d’information)
- la volonté de rapprochement (commande de relation)
L’un sans l’autre est insuffisant et conduit à des situations non pérennes. Le
type d’évolution d’un désaccord dépend de l’importance plus ou moins grande
donnée à chacune de ces deux variables (intégrité et rapprochement). Les
variations à l’intérieur de ces deux paramètres détermineront les issues
possibles dans le cadre de la triangulation agression-inhibition-fuite selon le
tableau suivant :
Nature de
l’évolution
Définitions Conséquences
Domination L’un des deux
protagonistes impose
sa solution à l’autre
qui la subit.
Rassure le soumis qui
se sent protégé mais
déresponsabilisé.
Soumission L’un des deux
protagonistes accepte
la prépondérance
de l’autre.
Si ces situations
deviennent répétitives,
il y a affaiblissement
progressif du processus
de défense.
Compromis riche La solution est établie
à partir du maximum
des points convergents.
Voie incertaine et
coûteuse, elle maintient
le lien tout en étant
susceptible de s’orienter
vers la synergie.
Synergie La solution est
innovante, issue d’une
recherche de la part
d’originalité résidant
dans toutes pensées
contraires et
fécondables.
Amélioration dans le
sens du mouvement de
l’évolution et du
changement.
Renforcement durable
des liens : chacun
y trouve son intérêt.
Compromis pauvre La solution est établie
à partir du minimum
de points d’accord,
les moins coûteux.
Ne donne satisfaction à
personne mais maintient
momentanément le lien
et l’activité.
Troisième voie On s’oriente vers autre On risque d’abandonner
196
chose pour fuir les
risques d’une solution
plus complexe.
des idées intéressantes.
Cumul On réalise l’une et
l’autre des solutions
dans leur intégralité,
afin de préserver
l’intégrité de chacun
pour maintenir le lien
et les rapports de force.
Ne mécontente
personne mais ne résout
pas le problème
de fond, conduit à la
réunionite et à des
groupes de pilotage
parfois incertains.
Destruction On veut tout effacer.
C’est la guerre, les
coups bas, la
désinformation le
dénigrement, les
stratégies saumâtres.
Victoire à la Pyrrhus.
Tout le monde
s’appauvrit, s’épuise, se
fatigue et perd de vue
l’essentiel. On navigue
à contre-courant.
Rupture Séparation de deux
protagonistes qui font
un constat tacite
d’infaisabilité, sans
volonté de nuire.
Utile lorsque toutes les
solutions recherchées ne
peuvent aboutir, afin
d’éviter des
investissements plus
coûteux.
Attente On admet qu’un délai
de réflexion permettra
de faire le point dans
l’apaisement.
Calme les tensions,
tranquillise, permet
l’émergence d’idées
nouvelles.
Le tableau suivant permet de situer les différentes évolutions possibles d’un
désaccord comme présentées sous les deux formes schématiques suivantes que
l’on peut mettre en rapport avec des attitudes communicationnelles physiques
et verbales:
197
TABLEAU & TRIKÃLA DES EVOLUTIONS POSSIBLES ISSUES
DUN DEACCORD
DOMINATION
SOUMISSION
COMPROMIS
RICHE SYNERGI
E
COMPROMIS
PAUVRE 3e VOIE CUMUL
DESTRUCTION RUPTURE
SIMPLE ATTENTE
- 1
0 1
1
0 - 1
Rétorsion
combinatoire
INHIBITION AGRESSION
Conformiste
3e VOIE
Information
Pugnace
COMPROMIS
RICHE
Décision
Subéreux
COMPROMIS
PAUVRE
Interprétation
Oppresseur
DOMINATION
Jugement
Résigné
SOUMISSION
Enquête
Obligeant
CUMUL
Soutien
Instigateur
SYNERGIE
Reformulation
Psychorigorisme
DESTRUCTION
mutisme
En aval du
désaccord est
antinomique de la
synergie.
En amont du
désaccord peut
être compris
comme une alerte
qui fait signe.
Volonté de
rapprochement
(Adculturation)
Respect de
l’intégrité
0 10
10
10
198
Disons en conclusion que la forme trifonctionnelle anthropologique constitue
le cadre d’exercice de champ de forces qui assigne à chaque pôle la fonction
de constituer des zones inter agissantes vers son barycentre et qui fixent ce
point d’adaptation dynamique aux flux qui traversent le système par des
propriété distinctes associées à des espaces cognitifs. Il faut en cela considérer
les formes communicantes comme étant nues par une forme molaire constante
comme l’est un môle, cette construction qui protège un port de l’entrée des
vagues… mais pas de l’eau. Cette cohérence unificatrice intérieure est garante
de la pérennité d’un système de communication ainsi que de lui permettre
d’exploiter au mieux et avec le moins d’efforts possibles les flux les plus
aisément captables et utiles, le cas échéant avec un autre système. Ces
interactions lorsque qu’elles deviennent de plus en plus opérationnelles dans la
connaissance et la maîtrise les flux extérieurs vont croissantes. Mais lorsque
les flux d’approvisionnement viennent à dépérir, passé un certain seuil
d’acceptabilité, le système redistribuera sa forme dans un ordre
qualitativement différent qui pourtant et quoi qu’il en soit ne sera qu’une
extension de cette loi immanente trifonctionnelle.
Merleau-Ponty, dans la structure du comportement précise :
« Nous sommes obligés d’introduire, dans notre monde physique des totalités
partielles sans lesquelles il n’y aurait pas de lois et c’est ce que nous
entendons par forme. Le jeu combiné des lois pourra retirer l’existence aux
structures qui s’étaient stabilisées et en faire apparaître d’autres dont les
propriétés ne sont pas prévisibles. Il y a donc un cours des choses qui porte les
lois et ne peut être résolu définitivement en elles. Traiter le monde physique
comme un entrecroisement de séries causales linéaires ou chacune garde son
individualité, comme un monde qui ne se dure pas, c’est une extrapolation
illégitime, il faut relier la science à une histoire de l’univers ou le
développement est discontinu. Si l’on considère comme une forme l’état de
distribution équilibrée et l’entropie maxima vers lequel tendent les énergies à
l’œuvre dans un système selon le second principe de la thermodynamique*,
ont peut présumer que la notion de forme sera présente en physique partout où
l’on assigne aux événements naturels une direction historique». C’est la perte
de la direction historique et anthropologique qui fait contresens.
_______________________________________________________________ * Le deuxième principe admet des énoncés qualitatifs, qui expriment son contenu par
des mots et non par des formules (cf. l'énoncé de Clausius).
199
CHAPITRE VIII
ENTRE TERMODYNAMIQUE ET SOCIODYNAMIQUE
DES COMMUNICATIONS : UNE LOI CONSTRUCTALE
_______________________________________________________________
La thermodynamique se définit de nos jours comme la science des propriétés
et des processus qui mettent en jeu la température et la chaleur. Le nom de
« thermodynamique » associe les deux mots grecs thermon (chaleur) et
dynamis (puissance). L’objectif de cette discipline, à partir d’une théorie
physique élaborée à partir de l’observation, à la fois abstraite et rigoureuse,
fondée sur les concepts d’énergie et d’entropie est de dégager des lois
permettant d’obtenir cette transformation dans des conditions optimales.
La posture initiale de la thermodynamique a fait peut de cas des questions
posées sur la structure atomique des objets qu'elle étudiait. Au XIX eme siècle
certains de ses tenants, tant les résultats s’avérèrent puissants et concrètement
efficaces dans la vie pratique allèrent même jusqu’à nier l’existence des
atomes. Le dénie s’est depuis réglé favorablement au bénéfice de tous comme
cela se produira inéluctablement dans les sciences humaines lorsqu’elles
auront opérées la même démarche que Lavoisier pour mettre fin à des
recherches établies dans l’auto conviction de l’immanence phlogistique.
Il est en effet de toute première importance que dans les domaines de la
communication nous cessions de concentrer nos cherches sur l’être ou ne pas
être d’un point triple (dont l’intérêt ne réside que dans la question) comme il
apparaît dans la physique des corps purs mais de nous intéresser plus aux
processus qui y conduisent, non dans la perspective de faire de la
communication une communion universelle mais plus simplement aux fins
d’en optimiser l’efficacité : autant une affaire de débuggeur que d’optimisation
de la distribution des flux dans nos fonctionnement intellectuels et sociétaux
dont la finalité est la prévalence de la pérennité sur l’entropie. « Ce que l’on
veut dire (intentio) par «cogitation » n’est rien d’autre que cela, à savoir que
la faculté cogitative pose la chose absente au sens comme une chose sentie. Et
c’est pourquoi les perceptions (comprehensibilia) humaines se divisent en
deux : celles dont le principe est le sens et celles dont le principe est la
cogitation. ». En opérant cette distinction dans « L’intelligence et la pensée,
sur le De anima » Ibn Rushd , Averroès, nous conforte dans nos conclusions
selon lesquelles la pensée trifonctionnelle se répartirait deux fonctions, celle de
commande et celle d’information, la première s’opérant par la prise en compte
du signe extérieur par le signifié en liaison avec la signification (principe de
200
sens ou animus, puissance) et le traitement de l’information entre la
signification et le signifiant (principe de cogitation ou anima, chaleur), pour
faire consensus entre le signifié et le signifiant, principe de compréhension. En
sorte que la concentration de la chaleur de la cognition au point de
compréhension fasse sens (canal) : la charia musulmane, le chemin qui mène à
l’Essence par le djihad de l’intelligence qui est résistance à l’oppression (60
occurrences de ce terme autour de l’effort sur soi, l’effort de la pensée, l’effort
sur la matière) : base trifonctionnelle du scepticisme grec.
Tout comme nous l’avons fait à propos de la machine de von Neumann pour
mettre au jour qu’elle était bien l’image appliquée de nos processus cognitifs
et à partir de laquelle nous avons retenu la distinction à opérer entre
commandes de liaison et commandes d’informations pour le traitement du
signe extérieur, nous situeront la problématique d’une socio dynamique des
cognitions au regard des changement de phase d’un corps pur en physique.
Tout comme pour nous l’avons fait à partir du schéma « cartésien » de la
machine de von Neumann nous avons opéré de même au sujet du schéma de
la physique d’un corps pur en le transférant sous la forme triangulée ci-après :
201
TRIANGLE DE LA PHYSIQUE DE PHASE D’UN CORPS PUR
(Collaboration Nadège Cottin)
L’excellent article de Jean Petitot qui suit, publié dans l’Encyclopaedia
Universalis 2005, à propos de la problématique concernant le concept de
forme, valide de façon pertinente l’illogisme dans lequel se placent les
sciences sociales en prétendant idiomatiquement pouvoir analyser la
complexité tout en réfutant les notions de déterminisme. Cette aberration
épistémologique latente et sournoise consiste en réalité à chercher à
comprendre une forme en portant l’analyse sur le point critique sans disposer
préalablement des paramètres initiaux qui justifient du phénomène observé et
au terme de laquelle le phénomène considéré sera expliqué, sans
démonstration, en se référant à des hypothèses phénoménologiques qui sont en
GAZEUX
(Haute température +
Haute pression)
LIQUIDE
(Moyenne
température +
Moyenne pression)
SOLIDE
(Basse température
+ Basse pression)
VAPORISATION
SUBLIMATION
SOLIDIFICATION
FUSION
LIQUEFACTION
CONDENSATIONN
Point triple
N.B. la mise en parallèle du triangle de la machine de von Neumann
avec celui des phases d’un corps pur (orientation similaire) dégage
une congruence significative entre les deux processus et plus
généralement avec le mode trifonctionnel des communications.
202
tous points conformes à celles de la phlogistique avant Lavoisier. Cette posture
pseudo scientifique n’est en réalité rien d’autre que l’expression laïque et
idéologique d’un contre-transfert issu du géocentrisme de la pensée religieuse
qui a animé la science jusqu’au Siècle des Lumières. C’est ainsi que sous
couvert du qualificatif usurpé de « science » certaines disciplines sociales
risquent fort de ne faire que de l’alchimie tant il est vrai qu’en physique Pierre-
Gilles de Gennes n’aurait pu mener à bien ses recherches sur les objets fragiles
si sa discipline ne s’était historiquement penchée sur les objets solides.
« L'histoire du concept de forme et des théories de la forme est des plus
singulières. Nous vivons dans un monde constitué de formes naturelles.
Celles-ci sont omniprésentes dans notre environnement et dans les
représentations que nous nous en faisons. Et pourtant, jusqu'à une époque
récente, on ne disposait d'aucune science morphologique à proprement parler.
Ce n'est que vers la fin des années 1960 qu'on a commencé à comprendre de
quel concept de naturalité et d'objectivité l'on fait usage lorsqu'on parle de
formes naturelles objectives ».
Jusque-là, un insurmontable obstacle épistémologique (au sens de Bachelard)
faisait obstruction à une telle compréhension. La raison en est d'ailleurs assez
simple. Tenter de développer une théorie objective (donc compatible, sinon
réductible, à des contenus physiques) des formes, c'est chercher à généraliser
l'objectivité physique en direction d'une « ontologie qualitative ». Or, d'une
façon ou d'une autre, toute ontologie qualitative est néo-aristotélicienne. Mais,
précisément, le concept moderne d'objectivité physique s'est édifié à partir d'un
concept mécaniste (galiléen-newtonien) qui rompait avec la tradition
aristotélicienne (ce que l'on a appelé la « coupure épistémologique »). Le
développement physico-mathématique d'une mécanique des forces a, pendant
environ trois siècles, totalement fait écran à toute dynamique des formes. La
conséquence en a été que le concept de forme a été pensé de façon alternative.
L'impossibilité où l'on croyait être d'en théoriser les aspects objectifs a conduit
à en théoriser les aspects subjectifs. Tel a été le cas dans les approches
psychologiques (de la Gestalt-théorie aux sciences cognitives
contemporaines), dans les approches phénoménologiques (de Husserl à
Merleau-Ponty et aux reprises actuelles de certains thèmes husserliens) ou
dans les approches sémantiques et sémio-linguistiques. Ainsi s'est installée
l'évidence (fallacieuse) d'un conflit irréductible entre une phénoménologie des
formes et une physique de la matière. Ce n'est qu'à une époque récente qu'on a
commencé à comprendre les processus permettant à la matière de s'organiser et
de se structurer qualitativement en formes ».
Après avoir donné raison à Gibson en ce qui concerne l'idée que des
discontinuités constitutives de morphologies peuvent être véhiculées par la
203
lumière, Jean Petitot opère une démonstration à partir d’un cas simple, celui
des caustiques pour conclure que :
« Si l'on analyse soigneusement cet exemple, on remarque qu'il est bien
paradigmatique pour une bonne épistémologie de l'émergence.
- On y voit un système naturel organisé à deux niveaux de réalité : un niveau
« micro », « fin », « complexe » correspondant à la physique fondamentale du
système (géno-physique) et un niveau « macro », « grossier », finement
descriptible et de nature morphologique (phéno-physique).
- Le niveau morphologique « macro » est organisé autour des singularités de
la physique sous-jacente. Ces singularités supportent l'information. Elles sont
phénoménologiquement dominantes. C'est « l'infrastructure catastrophique »
qu'elles constituent qui est prise en charge par la perception.
- On peut lire dans la modélisation mathématique du niveau fin les principes
du passage « micro » X « macro », c'est-à-dire du changement de niveau, de
l'émergence du phénophysique (principe de la phase stationnaire et système
dynamique ha miltonien associé à l'équation des ondes).
- Il existe des contraintes abstraites et formelles (« platoniciennes »),
mathématiquement formulables, imposées au niveau phénophysique (existence
d'un nombre restreint de singularités génériques des caustiques, etc.). Bien
qu'émergent, celui-ci possède donc une certaine autonomie et une certaine
universalité. ». (Jean Petiot, polytechnicien, docteur es lettre et sciences
humaines, vice président de l’International Association for Semiotic Studies,
directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales »).
Il aurait donc congruence, et non analogie, entre épistémologie des sciences
dures et des sciences souples, susceptibles de se renforcer mutuellement. Le
propre de la science est de travailler sur les déterminismes, l’indétermination
est l’affaire de la littérature.
Pluralité anthropologique des communications
La construction des cultures s’opère au contact des flux. C’est à ce contact et
des lectures que s’en font les hommes, en fonction de la connaissance et de
l’intérêt qu’ils revêtent pour l’équilibre interne du système afin d’en assurer la
pérennité, que se structurent les représentations à des degrés variables
d’autonomie intellectuelle, à partir de mêmes structures cognitives.
Les équations des interactions entre formes trifonctionnelles canéphores
et canéphages
Afin de percevoir plus finement l’évolution et les modifications d’un système
anthropologique nous allons l’envisager au contact d’un autre système qu’il
204
soit imaginaire (onirique), lorsqu’il est seul au point de captage des flux, ou
réel en interagissant avec lui.
Les canéphores étaient à l’époque de la Grèce Antique étaient les jeunes filles
dignes et respectées qui portaient une corbeille de fleurs sur la tête au moment
des cérémonies. En empruntant le nom de canéphore pour en faire un adjectif
notre propos a été de neutraliser les termes souvent trop connotés qui tournent
autour des mots « progrès », « évolution sociale », « amélioration des
conditions de vie », etc. Socio dynamiquement, en analogie à la
thermodynamique, l’adjective canéphore est associable à une source froide. A
l’inverse, associé à une source chaude nous parlerons de système canéphage,
qu’il doive puiser son énergie de l’intérieur, donc consommer son propre
système ou celui des autres pour maintenir son existence. Ce n’est donc qu’en
apparence nous quitterions les domaines d’expression de la cognition et des
représentations pour traiter de celui des organisations humaines. Ces dernières
sont la conséquence et la matérialisation des premières en sorte que l’approche
trikãlienne constructale peut permettre aisément de comprendre le plus grand à
partir du plus petit et d’envisager l’évolution du plus petit vers le plus grand.
Données initiales
Le trikãla des organisations est assimilable à un système canéphore et à une
source froide qui va avoir besoin de chaleur pour se réchauffer. De ce fait,
après réchauffement il passera de la configuration canéphore à la configuration
canéphage.
Quant au trikãla des marchés, il est conçu comme un système canéphage et
assimilé à une source chaude qui va pouvoir céder une certaine quantité de
chaleur afin de réchauffer une source froide. Selon ce processus, il passera de
la configuration canéphage à la configuration canéphore.
205
Notions d’équilibre
Il en résulte les deux égalités suivantes :
Structure : S Nouveauté : N
Pouvoir : P Qualité : Qu Interaction : I Quantité : Q
R M
TRIKALA DES
ORGANISATIONS
TRIKALA DES
MARCHES
Au sein du trikãla des
organisations s’établit un
centre d’équilibre
(barycentre) « élastique » R
entre les 3 pôles P, S, I
défini par l’équation :
Eq R = P + S + dI / I
Eq R = S + I + dP / P
Eq R = P + I + dS / S
L’élasticité de cet équilibre
R étant déterminée par de
possibles déstabilisations de
P, S ou I (respectivement
notées :
dP / P ; dS / S, dI / I
Au sein du trikãla des
marchés s’établit un centre
d’équilibre (barycentre)
« élastique » M entre les
3 pôles Q, N, Qu défini par
l’équation :
Eq M = Qu + Q + dN / N
Eq M = Q + N + dQu / Qu
Eq M = Qu +N + dQ / Q
L’élasticité de cet équilibre
M étant déterminée par de
possibles déstabilisations de
Qu, Q ou N (respectivement
notées :
dQu / Qu ; dQ / Q, dN / N
Eq R = P + S + dI / I = S + I + dP / P = P + I + dS / S
Eq M = Qu + Q + dN / N = Q + N + dQu / Qu = Qu + N + dQ / Q
206
Application et adaptation des principes de la calorimétrie et de la
thermodynamique au trikãla des organisations (R) et des marchés (M)
Principe no1 de la calorimétrie : si un corps reçoit de la chaleur, sa
température s’élève ou il change d’état physique.
Adaptation
Si un trikãla subit une rupture de son équilibre « élastique » provoquée par une
déstabilisation trop importante d’un de ses trois pôles, alors il change de
configuration. De ce fait, pour une organisation si dI / I ou dS / S ou encore
dP / P varie de façon importante, alors l’équilibre en R entre les trois pôles I,
S, P est rompu. De même pour un marché, si dQu / Qu ou dQ / Q ou encore
dN / N varie de façon trop importante, alors l’équilibre M entre le pôles Qu, Q
et N est rompu.
Principe no2 de la thermodynamique : une machine thermique ne peut au
cours d’un cycle thermique fournir de travail que si elle emprunte une quantité
de chaleur (Q1>0) à une source chaude et si elle en restitue une partie (Q2<0)
à une source froide.
Adaptation
En assimilant le trikãla des marchés (système canéphage) à la source chaude et
le trikãla des organisations (système canéphore) à la source froide, on obtient
le schéma suivant :
Structure : S Nouveauté : N
Pouvoir : P Qualité : Qu Interaction : I Quantité : Q
R M
TRIKALA DES
ORGANISATIONS
(Canéphore et source froide)
TRIKALA DES
MARCHES
(Canéphage et source chaude)
Q1 < 0
0 > Q2
207
Principes no2 et n
o3 de la calorimétrie : si un corps subit deux
transformations inverses, la quantité de chaleur qu’il reçoit dans l’une est égale
à celle qu’il cède à l’autre, d’où : Q1 = - Q2. Lorsqu’il y a uniquement
échange de chaleur entre deux corps, la quantité de chaleur cédée par le plus
chaud est égale à celle gagnée par le plus froid, d’où : [ Q1 ] = [ Q2 ] .
Adaptation Alors si Eq R + Q1 = Eq M + Q2 avec [ Q1 ] = [ Q2 ]
on en déduira que R = Eq M d’où Eq R – Eq M = 0
De ce fait, si Q1 > Q2 alors le trikãla des organisations devient ou reste
canéphage.
En revanche, si Q2 > Q1 alors le trikãla des marchés devient ou reste
canéphore.
Détermination de Q1 et Q2
Supposons une « surforce » du trikãla des marchés au niveau de N et notons
dN / N (avec dN /N > 0). De même, supposons une « faiblesse » du trikãla des
organisations au niveau I et notons dI / I (avec dI / I< 0), cette « faiblesse »
peut être compensée par un rapport de chaleur provenant du trikãla des
marchés.
De ce fait : Q1 = dN / N si dN / N > 0
D’où l’équation permettant le passage d’un système canéphore à un système
canéphage :
Eq R + Q1 = P + S + dI / I + dI / I + dN / N
(Si et seulement si dI / I > 0 et dN / N < 0)
Supposons maintenant que le trikãla des organisations possède un pôle en
« surforce », par exemple le pôle I, et notons celle-ci dI /I (le trikãla des
marchés ayant une « faiblesse » en N dN / N), alors
Q2 peut s’écrire : Q2 = dI / I avec dl / I > 0
D’où l’équation permettant le passage d’un système canéphage à un système
canéphore :
Eq M + Q2 = Eq R + Q1 = Qu + Q + dN / N + dI / 1
(Si et seulement si dN / N > 0 et dI / I < 0)
Les équations présentées s’entendent en considérant les trois pôles de chacun
des trikãlas comme étant interchangeables tels que P = I = S pour le trikãla des
208
organisations et que Qu = Q = N pour le trikãla des marchés, en sorte qu’une
déficience par exemple de P (trikãla des organisations) pourrait être
compensée indistinctement par Qu, Q ou N du trikãla des marchés. Or la
déficience de P placera bien le trikãla des organisations au niveau d’une source
encore plus froide pouvant conduire à un raidissement des interactions entre S
et I concevable comme pouvant être l’un des trois états de la matière (solide,
liquide et gazeux), dans le cas présent une solidification par refroidissement
accéléré de la source rendant la structure plus hermétique encore à
l’intervention de N seule, à moins que la surchauffe de N soit en mesure de
compenser considérablement le refroidissement de SI en S qui s’isolerait ainsi
de I pour à nouveau le rendre attractif de I par effet de condensation. Dans le
cas contraire, si N n’est pas en mesure d’apporter la chaleur nécessaire, le pôle
P abandonnera SI si SI est dominant de P pour rejoindre N, donnant ainsi
naissance à une structure P’N qui devra se trouver un nouveau partenaire S’
pour équilibre les échanges entre la masse et l’énergie. Ainsi, la nouvelle
structure P’N S’ sera devenue entropique de I. Nous sommes ici typiquement
dans les phénomènes de délocalisation où P se trouve contraint de quitter I
parce que IS n’a, pour diverses raisons (chrono-holistiques) pu, voulu ou su
intégrer ou anticiper le changement, qu’il en soit victime ou coupable, ou bien
encore que la faute puisse être imputée à P pour n’avoir pu, voulu ou su
anticiper, le résultat au final est malheureusement identique. En revanche, dans
cette même configuration de départ, si une surchauffe s’opère en N alors que
la chaleur des interactions entre P et I est supérieure à N alors que S se
trouverait (de fait) un peu plus faible, la quantité de chaleur supplémentaire de
N serait suffisante pour compenser la déperdition de S et la compenser par une
activation de PI, maintenant ainsi le trikãla de l’organisation en position de
réguler celui des marchés. On voit ainsi qu’une interaction suffisante entre
deux pôles d’un même trikãla est en mesure d’intégrer canéphorement (de
façon profitable) une tentative canéphage d’un des pôles du trikãla des
marchés à condition que celui-ci soit le complémentaire opposé. Ainsi P I
pourra compenser une surchauffe en N, I S une surchauffe en Qu, et P S en Q,
dans la mesure où le trikãla du système est dominant sur celui qu’il sert. Dans
la mesure où le trikãla des organisations se trouvait initialement en position
barycentré, la surchauffe de quelque pôle que ce soit du trikãla des marchés
sera immédiatement répartie sur l’ensemble P S I qui s’en trouvera renforcé
durablement : c’est le cas par exemple des conséquences du plan Marshall
(injection de Q faisant émerger P - S stabilisateur de I) qui, après la Seconde
Guerre mondiale, donnera naissance aux Trente Glorieuses barycentrées P - S
- I (Pouvoirs forts et visionnaires, Interactions sociales riches et Structure
renforcées (Ve République) et naissance de l’Europe diversifiant Q (acier et
charbon monopole de l’Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale rendue
possible par P – S ayant jugulé I par le « jeu » des complémentaires lorsque
l’impulsivité prend le pas sur la conscience et que le droit s’approprie le sens).
Cette même logique s’applique au marché lorsque celui-ci est mieux régulé
209
que les organisations qui le servent. Les phénomènes canéphages ou
canéphores doivent tenir compte des facteurs de température et de pression.
C’est peut être aussi à ce niveau de réflexion que l’on pourrait élucider la
problématique des deux récurrents (je n’aime pas ce terme qui est trop
évocateur de ces tampons à briquer utilisés pour faire la vaisselle, mais dont
l’image s’applique aussi ici) vecteurs qui encadrent les opérations internes à la
trifonctionnalité et qui posent tant de problèmes insolubles tout en contribuant
à de réelles avancées intellectuelles autant qu’elles ralentissent les avancées.
Une question de maturation peut-être. Rappelons que :
- nous avions isolé du fonctionnement de la machine de von Neumann
deux types de commandes : celles concernant la relation et celles
concernant l’information,
- la linguistique reconnaît deux axes : sémantique et pragmatique (sens
kantien du terme pragmatisch survit chez C. S. Peirce),
- Gonsun Long « Sur les concepts et les choses » s’oppose aux sophistes
chinois.
- représentation (du latin praesentia : le fait d’être dans un lieu avec
quelqu’un qui s’y trouve ou qui y vient) est l’expression d’une
dystrophie (trouble de l’alimentation d’un organe d’une partie du
corps : par extension, une incompréhension, une incertitude qui nuit à
l’action) mentale qui consiste, par projection stéréotaxique (relief) à
mettre en scène au sein d’une situation distyle in antis (en
architecture : qui présente deux colonnes en front),
- évoque le combat entre l’animus (la logique créatrice) et l’anima (« la
folle du logis », l’imaginaire)
En effet si nous nous référons à notre approche socio-thermodynamique
trikãlienne ces deux « colonnes » qui encadrent le fonctionnement de la
constante trifonctionnelle pourraient tout simplement être associées à une
source froide (anima) et à une source chaude (animus) entre lesquels oscille les
masses internes de la trifonctionnalité constructale. L’équilibre « diélectrique »
étant obtenu par une répartition de la densité des charges lorsque les polarités
sont différentes. Par voie de conséquence, un matériau diélectrique doit être
isolant tout comme il en est d’un système trifonctionnel pour ne pas être
emporté par les flux qui le traversent ou son voisinage immédiat. En sorte que
cette logique confirme bien notre hypothèse sémiostylistique du départ que la
problématique du signe et du sens ne peut être traitée comme jaillissant de
l’imaginaire du système mais de l’extérieur en tant que source froide ou source
chaude d’alimentation du système, cela confirme aussi que le système interne
n’est en mesure de fonctionner qu’en disposant d’un système de régulation
(entre signifié et signifiant, associée à un puits (source) neutre, ou isolant) d’un
système d’approvisionnement (signification et signifiant, puits (source)
210
chaude) d’un système de captation (signifié et signification, puits (source)
froid). De la présence plus ou moins opérationnelle d’un, deux ou trois de ces
sous-systèmes internes le système prendra des formes trikãliennes variables et
sera plus ou moins dépendant, dominant ou régulateur des flux
communicationnels qui le traversent. Nous confirmons aussi l’importance
primordiale des organes de commande de liaison (source froide) seules
capables au contact du signe extérieur (source chaude ou froide) d’en capter
l’énergie. Sans sa présence le fonctionnement des deux pôles restants
(signifiant et signification) est aléatoire et éminemment dépendant des
inversions de la « climatologie » extérieure. L’exclure du système revient à ce
que le signifié (source froide) quitte naturellement le système pour aller
s’approvisionner vers d’autres sources chaudes qu’il attire naturellement tant
qu’il ne pourra plus, si les flux viennent à dépérir, s’en approvisionner de
l’intérieur en phase transitoire canéphagique. Ce barycentrage trifonctionnel
est le seul possible pour maintenir en équilibre le système sur ses flux. Faute
de cela il devient canéphage.
Dans la perspective de visualiser les formes représentationnelles psycho socio
dynamiques que peuvent prendre des organisations au sein d’une culture, nous
nous proposons d’effectuer cette opération en faisant interagir conjointement
des pratiques religieuses et des pratiques économiques.
Les cohérences des continuités structurelles et des rencontres conjoncturelles
entre dans l’ordre du mental qui est l’expression d’un point de vue cognitif sur
le réel à un instant donné d’une histoire. Dans le cadre d’une approche
constructale il apparaît évident de constater une stabilité multiséculaire d'un
ensemble de représentations qui animent certaines périodes de l’histoire et de
larges couches de populations. Processus et contenus doivent être élucidés. De
la connaissance des mécanismes qui les sous-tendent dépend l’aptitude que
nous aurons à en appréhender les bénéfices mais aussi à nous prémunir contre
les risques qu’engendrent les abus conceptuels et les pratiques exacerbées. Une
affaire de décodage et parfois de débogage.
Les rites (le contraire manquant).
En dehors du néo-platonisme, l’emploi philosophique des termes extase, ou
extatique, est peu usité. Il faut cependant en signaler le sens
phénoménologique : pour Sartre par exemple, la conscience est ek-statique :
elle sort de soi, elle est conscience d’autre chose que soi, d’un au-delà de soi.
L’extase est la conséquence de la sublimation. Sublimer, c’est retrouver le
mouvement qui affranchit de la conformité pour passer de l’intention
commune à l’acte individuel. Pour être un héros, disait Otto Rank, il faut être
seul à tuer le père. En généralisant, toute sublimation opère intrinsèquement
une emprise de conscience euphorique de ce qui sépare et fait éclater la
211
consistance du monde. De nouvelles configurations apparaissent alors sous des
formes idéalisées ou conceptualisées. L’Eurêka (j’ai trouvé) est une des
manifestations tangibles de cet état euphorique. La légende se plaît à
représenter Archimède parcourant, dévêtu, les rues de Syracuse au cri
d’Eurêka ! Eurêka ! Il venait, dit-on, de trouver, à la requête de Hiéron,
comment confondre un orfèvre indélicat par la loi suivante : « Les corps plus
lourds qu’un fluide sont allégés, dans ce fluide, du poids d’un volume de ce
fluide égal au leur » : on pouvait dès lors mesurer autrement que par les
sensations.
De même qu’il ne peut exister de rite sans manque à compenser, le rite ne peut
se comprendre sans que ce manque soit directement lié à la recherche d’un
pouvoir protecteur que l’on vénérera par les totems, que l’on craindra par les
tabous où auquel on cherchera à s’identifier par l’intermédiaire des extasiants
concomitamment à des comportements d’agression, d’inhibition (cf.
H. Laborit).
Le vocabulaire est comme un vaste champ traversé (dans le temps et dans
l’espace) par des forces attractives, diversement agissantes selon les centres
d’intérêts d’une culture. L’appel aux mots anciens, inusités ou, en dernier
recours, aux néologismes consiste à investir des zones restées en friche. Par
exemple, le mot addiction apparaît pour se substituer à celui de toxicomanie,
dès lors que les pratiques deviennent communes au point que le nombre des
adeptes représente un poids tel qu’il faille édulcorer le langage afin de ne pas
perdre d’électeurs, de lecteurs ou de baisser dans l’audimat. En dessous du
seuil de tolérance, les pratiques ne concernent que les extrêmes : les marginaux
ou certaines élites. Elles font partie des tabous et, puisqu’elles n’ont aucun
sens, les pratiques considérées comme déviantes ne prennent pas ou peu de
forme dans les signes linguistiques identifiés par l’Académie comme étant
d’usage, alors que l’argot les déclinera avec un vocabulaire riche.
Pourtant, ces pratiques toxicologiques existent bel et bien au sein de toute
société et accompagnent la plupart des rites. Or le mot toxicologie est empreint
de connotations négatives et, étrangement, il n’existe dans notre vocabulaire
aucun mot d’usage accepté suffisamment factuel pour espérer, dans un cadre
neutre, non médicalisé, saisir l’ambivalence et les nuances de pratiques
ancestrales et anthropologiquement constantes.
L’appel au néologisme offre l’avantage de lever le voile sur ces terrains que la
scotomisation sociale des faits occulte. Pour cette raison (et peut-être faute de
mieux), nous utiliserons dans ces travaux le mot extasiant qui permet de
regrouper sous ce vocable l’ensemble des pratiques qui visent momentanément
à s’extraire des pressions totémiques ou des tabous qui agissent comme
accélérateur ou frein sur notre moteur social : le franchissement d’obstacles
212
nécessitant de disposer aussi d’une pédale d’embrayage. C’est à ce dernier
niveau qu’opèrent les extasiants. Ils agissent dans tous les domaines chaque
fois que nous nous extrayons de la réalité du cycle physiocratique de
production-consommation : celui nécessaire à la prédation nous permettant de
maintenir stable les mécanismes vitaux, c’est-à-dire les besoins premiers. Les
extasiants sont des facilitateurs. Ils rendent possible l’enclenchement des
processus de sublimation, d’enchantement, au travers de protocoles ritualisés
qui, dans les sociétés traditionnelles, réduisent l’improvisation à la portion
congrue. Ils prennent corps dans la religion, les comportements amoureux, les
loisirs, les grands idéaux, la philosophie et les arts. Leur finalité est le plaisir,
le bonheur... un instant. Une fuite de la réalité, hors de la coutume et du
quotidien. Tout en aiguisant les sens, les extasiants remettent les compteurs à
zéro en prévision de l’étape suivante. De la thèse hédoniste, Platon retient que
le plaisir est un mouvement ; le plaisir n’est pas absence de douleur ou
suppression de la douleur ; il est un état positif, essentiellement bon. Ainsi se
construiraient les formes premières que prennent naturellement les rites, sur
fond de schèmes agression, inhibition et fuite, d’après un cadre trifonctionnel
simple et selon le modèle initial systémique. Ce modèle est représenté par le
schéma synoptique suivant auquel s’appliquent les principes socio-
thermodynamiques vus précédemment:
213
TRIKÃLA DES FORMES RITUELLES
- 1
0 1
1
0 - 1
Explosion
combinatoire
EXTASIANT
(Fuite. Obnubilation.
Sublimation)
Erotique
Troisième voie
PROCESSION
Extériorisation
Objectivation
POSSESSION
Extatique
Contemplation
CONCESSION
Compulsion
Pélagianisme
TABOU
(Inhibition)
Obsessionnel
Frustration
Macération
Prédestinatianisme
TOTEM
(Agression)
Narcissique
Domination
Noétique augustinienne
EXEGESE
Connaissance
Trikãla
des formes
rituelles
214
A ce stade d’imbrication congruente de concepts issus de l’interdisciplinarité,
(connexion entre Dumézil, Freud, Piaget, Laborit et Devereux), on peut
conclure que les rites disposent bien d’une structure endopsychosociologique
trifonctionnelle : constante anthropologique et communicationnelle constituée
selon un modèle simple paramétré totem, tabou, extasiant permettant de
pondérer les comportements d’agression, d’inhibition et de fuite qui
interagissent et donnent forme ; en sorte que la complexité se comprend non
dans une dimension fractale, mais constructale constitutive de strates
intriquées.
L’interaction entre les sommets identifiés du trifunctionalia (ou triade
fonctionnelle) des rites autorise aux déclinaisons génériques qui suivent.
En mettant en contact totem et tabou, nous obtenons la concession, plus
communément appelée « coutume ». Nous procéderons de même entre
extasiant et tabou pour obtenir le mode chamanique de la possession, et pour
finir, entre totem et extasiant nous obtenons celui le mode processionnel. La
convergence de ces trois pôles donne naissance au concept d’hypostase (ou
intro-spect-acteur, de : introspection, spectateur, acteur par extension du
concept de spect-acteur de Pascal Lardellier en ce sens que l’hypostase est de
nature trifonctionnelle : fonction spectaculaire (mise en scène), fonction des
masques (acteur), fonction d’intériorisation (introspection).
Les rites sociaux d’appartenance (concession) ont pour perspective de
construire, unir et structurer une collectivité autour de totems et de tabous qui
régissent explicitement ou implicitement les protocoles de la vie sociale afin
de garantir l’équilibre interne, ceci en fonction des fluctuations des zones
d’incertitude de l’environnement. La pression exercée par les rites
d’appartenance, par la coutume, sera atténuée et apaisée par des rites
extasiants, complémentaires, forme de fuite organisée de la réalité pour la
sublimation.
En connectant matriciellement les typologies :
- des comportements premiers issus de la triangulation agression,
inhibition et fuite, qui donnent naissance aux rites premiers (princeps),
constitutifs de la triangulation totem, tabou, extasiant,
- des préoccupations religieuses sociétales,
il apparaît envisageable de comprendre les formes que prennent les rites.
Concernant le tableau présenté à la page suivante, précisons que son caractère
est strictement indicatif. En effet, il n’intègre volontairement pas les facteurs
extérieurs susceptibles d’intervenir sur la morphogenèse des typologies. En
215
effet, les développements de cette approche systémique devraient dans l’avenir
intégrer plus finement les influences extérieures qui jouent un rôle important
sur le niveau canéphore (offrande donnée), ou canéphage (offrande
consommée) ou canéviatique (offrande-prospérité) du rite. Dans un premier
temps, le tableau s’inscrit donc dans un environnement théoriquement
canéphore (dominante totémique de l’action narcissique).
En croisant les 7 types de rites et les 7 types d’attentes spirituelles, chacun
déterminé par les mêmes schèmes trifonctionnels, nous obtenons le tableau
typologique des pratiques rituelles (pages suivantes). Celui-ci concerne
l’Église catholique romaine. Une recherche plus approfondie devrait permettre
une généralisation des terminologies dans un cadre plus largement
anthropologique.
TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES
* La Psyché, l’Ame du monde, constitue par sa présence et par son mouvement
ascendant l’amorce d’une conversion du sujet humain vers l’unité (hypostase) qui le
sauve.
Cette triangulation (trifunctionalia ou triade fonctionnelle) conditionnerait la
constructalité des rites et d’une façon plus générale l’ensemble des mécanismes de
communication : seuls le niveau et la nature de l’hypostase attendue, en fonction de la
nature du manque à combler, fera varier l’importance attribuée à chacun de ses
sommets (agression, inhibition, fuite). Cette représentation permettrait de définir le rite
par sa fonction inductive (ce qu’il sous-tend comme étant différent de ce qu’il donne à
voir) autant que de différencier les rites les uns par rapport aux autres, afin d’un peu
mieux comprendre les protocoles communicationnels qui régissent les interactions
entre les protagonistes.
216
TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES
- 1
0 1
1
- 1
Explosion
combinatoire
*HYPOSTASE
Faire corps
DOGMATISME
(Refuge spirituel)
Se référant aux
fondements de la foi
APOLOGETE
Justifier une
cause et une
appartenance
PROSELYTISME
Zèle déployé au
service d’une
cause
CASUISTE
(Inhibition
obsessionnelle)
Résoudre des
cas de
conscience
DEVOTION
Recherche
de
congruence
OSTENTATION
(Agression
narcissique)
Identité
0
Trikãla
des attentes
spirituelles
217
TRIKÃLA DES FORMES ORGANISATIONNELLES
- 1
0 1
1
0 - 1
Explosion
combinatoire
Trikãla
des
organisations
Bureaucratique
s
STRUCTURE (objectif, loi,
méthode)
REFUGE
POUVOIR (finance,
management)
AGRESSION
INTERACTIO
N (hommes,
compétences)
INHIBITION
Technocratique Démocratique
Communautaire
Autogestionnaire Autocratique
Economo-
cratique
LEGITIMATION
SOCIALISATION
RATIONALISATION
Pensée à
dominante
logique
Pensée à
dominante
analogique Pensée à
dominante
logique
ue
Pensée à
dominante
normative
218
TRIKÃLA DES MARCHES
La mise en contact matricielle de ces quatre trikãlas par binômes
correspondants (socio-économique (organisations et marchés) et religieux
- 1
0 1
1
0 - 1
Explosion
combinatoire Trikãla
des marchés
CAPITALISME
PHYSIOCRATISME
SOCIALISME
NOUVEAUTE
(Art, religion,
loisirs)
FUITE
Princeps
Libéraliste
Accumulatif
Contributif
Mercantiliste
Elitiste
Economo-
éthique
QUANTITE
(Consommation)
INHIBITION
QUALITE
(Production)
AGRESSION
219
(attentes spirituelles et formes rituelles) permet la réalisation indicative et
ouverte :
- d’une cartographie des modèles représentationnels,
- d’une typologie des axes de traitement verticaux et horizontaux
sémantiques et formels,
- du trikãla des imaginaires mentaux avec leurs attributs et supports
stylistiques,
- de la nature des climats mentaux qui en résultent.
Rappelons s’il en est encore besoin que le niveau relatif de complexité obtenu
(dans ces cas simplement par superposition dans les binômes de deux trikãlas
barycentrés similairement) par l’approche trikãlienne constructale
(trifonctionnelle – cybernétique – hystérétique - systémique et constructale) se
trouve être la conséquence de trois schèmes interagissant entre eux (dont les
variations constituent les ensembles : agression – inhibition – fuite) pour
adapter la forme d’un système aux flux qui le traversent. Ces trois schèmes
engendrent sept grandes catégories d’attitudes expressives et verbales en sorte
qu’elles constituent le substrat tangiblement identifiable de l’observation et de
l’analyse sémiostylistique, en conséquence mesurables tant concernant
l’émetteur, le récepteur que l’environnement informationnel et
communicationnel, quelques soient les supports et médium utilisés. Cette
dimension métrologique des communications permet le passage de l’intuition
explicative à la démonstration scientifique. En remontant les niveaux d’échelle
de complexité, du plus élémentaire (communication en face à face) au plus
large (interférences entre vie économique, cultuelle et politique) on constate
l’immanence de la constante trifonctionnelle polarisée et encadrée par le
vecteur de commande de la relation et celui de l’information pour intégrer et
traiter le signe qui doit toujours être compris comme étant strictement un agent
étranger extérieur au système de traitement.
Nous pouvons donc conclure en l’existence phénoménologique de la loi
trifonctionnelle constructale comme régissant l’ensemble des processus
communicationnels sémantiques et formels.
220
TAB
LEA
U
CON
STRU
CTA
L
DES
CON
STRU
CTIO
NS
MEN
TAL
ES
AUTOCRA-
TIQUE
OSTENTA-
TION
BUREAU-
CRATIQUE
DOGMA-
TISME
AUTO
GESTION-
NAIRE
DEVOTION
CATE-GORIE
SEMAN-
TIQUE
(Chomsky)
DISTRIBU-TION
(Jakobson)
SELEC-TION (Neumann)
INFOR-
MATION
ELITISTE
TOTEM
Acquisition
Thésauriseur
Carrière
(pierre & éternité)
Tatouage
Sécurisation
Cambisme Coulissier
Candélabre
vestale
Inquisition
Chambellanie Dulie
Icône
Empreinte Domination
Marque
PRINCEPS
EXTASIANT
Amplification
Défilé
Place Offrande
Centrali-
sation
Répartition
Autel
devise
Aliénation
Centralisation
Krak blason
Cadre
Réglemen-
tation
Limites
INT
EG
RE
R (F
roid
)
Masculinité
221
ACCUMU-
LATION
TABOU
Prospection
Détention Comptoir
Chrismal
Onction
Ascension
Ascension Pyramide
Echelle
Concen-
tration
Concentration
Sarcophage Relique
Partition
Formation
Transfor-
mation
MERCAN-
TILE
PROCES-
SION
Exploration
Pari (espoir) Panache
Conquête
Trophée Drapeau &
cuirasse
Implantation
Mausolée Idole
Concen- tration
Externali-
sation Intern-
alisation
LIBERAL
POSSESSION
Spéculation
Risque Postulat
Simulation
Estimation
Pilotage Posture
Evaluation
Conformité
Pondération
Recul
Imprévu / nature
Normalisation
Assouplis-sement
Durcissement
CONTRIBUT
ION
CONCESSIO
N
Valorisation
Mécénat
Collection Art / Aumône
Partage
Mutualisme
Fondation Hospice
Collecte
Ressource
Placement
Estimation
Compensation Réversion
ECONOMO-
ETHIQUE
HYPOSTASE
Réconciliation
Congrès Intronisation
Conciliation
Légalisation Loi
balance
Modélisation
Commé- moration
auréole
CATEGORIE
SEMANT-
IQUE
(Chomsky)
SYNTAXE
(Jakobson) COMBINAISO
N
(Neumann) RELATION
Référant
Déplacement
Pionnier
Référentiel
Valeur
Consensus
Inférant
Mémoire
Pratiques
NATURE DE
L’ISOLANT
AS
SE
MB
LE
R (C
ha
ud
)
Féminin
AS
SE
MB
LE
R (C
ha
ud
)
Masculinité
222
TECHNO
CRA
TIQUE
DEMO-
CRATIQUE
COM-
MUNAU-
TAIRE
APOLO-
GETE
ECO-
ETHIQUE
CATEGO-
RIE SEMAN-
TIQUE
(Chomsky) DISTRI-
BUTION
(Jakobson) SELEC-
TION
(Neumann) INFOR-
MATION
ELITISTE
TOTEM
Démarquer
Délivrance
Croisade
Corsaire bannière
Remarquer
Protection
Templier
Boucanier banderole
Marquer
Honneur
Chevalerie
Flibustier Flamme
Conscri-
ption Assurance
Mandarinat
Dragon
Empreinte
Domination Marque
PRINCEPS
EXTASIANT
Réception
Frontière Créneau
Insigne
Conception
Incrustation Table
emblème
Perception Réception
Ecu
(bouclier) armoiries
Circon-
scription
Bacchanale
Circon-cision
Cadre
Réglemen-
tation
Limites
ACCUMU-
LATION
TABOU
Diffusion
Goupillon Gerbe
Récupéra-
tion
Rubis (pivot
d’horloge) Levier
Couver-
ture
Capuchon Crispin
(revers de
gant)
Circon-
spection
Consé-
cration Canon
(droit)
Schola- stique
Excision
Partition
Formation
Transfor- mation
MERCAN-
TILE
PROCES-
SION
Distribu
-tion
Stakhan-ovisme
Déflation
Concent-
ration Oligopole Stagnation
Détermi-
nation
Rigueur Spartiate
Inflation
Distrac-
tion
Hégémonie Stigmati-
sation
Concen-
tration
Externa- lisation
Interna-
isation
LIBERAL
POSSESSIO
N
Assimila-
tion
Conversion
Mission notaire
Cooptation
Relais
Démission
Témoin
médiateur
Régular-
isation
Assignation
Permission huissier
Mutualisa-
tion
Répartition
Transmis-
sion
Paritaire
Normali-
sation
Assouplis-
sement
Durcis-
sement
CONTRI-
BUTION
CONCES-
SION
Corpora-
tion
Rogations Revendi-
cation
Intégration
Coopération
Repentance Mémoire
Congré-
gation
Mur Autarcie
Compensa-
tion
Absolution Denier
Estimation
Compen-
sation Réversion
PROSE
LYTE
AS
SE
MB
LE
R (C
ha
ud
)
CASUISTE
INT
EG
RE
R (F
roid
)
Féminité
223
ECO-
ETHIQUE
Hétérodoxie
Lyrisme
Hétéro-
Nomie
Carnaval Transg-
ression
Métam-
orphose
Mutation
Change-
ment de cycle
(apocalypse)
Catégories
Sémantiques
(Chomsky) Syntaxe
(Jakobson)
Combinaison (Neumann)
Relation
Déférant
Contenu
Travers
Interférant
Articulation
Recentrage
Conférant
Contenant
Formalisati
on
‘Patanomie
phagocytos
e
NATURE DE
L’ISOLANT
Suite du tableau de la page précédente
Féminité
224
TRIKÃLA SEMIOLOGIQUE
Denuntio
Denotato
Sibylle
Nota
Denudo Denuntiatio
SIGNIFIE
REFERENT
Connecto
Denubo
SIGNIFIANT
INFERENT*
SIGNIFICATION
REFERENTIEL
REPRESENTATION
SIGNALISATION
INTERFERENT
SIGNE
ALERTE
SIGNALETIQUE
DEFERENT
CONSIGNATION
CONFERENT*
SENS
CONTES
(cf. « source »
isolante)
MYTHES
(cf. source
chaude)
LEGENDES
(cf.source
froide)
225
CARTOGRAPHIE DES ESPACES SEMIOTIQUES
Réfé-
rant
Référen-
tiel
Infé-
rant
Défé-
rant
Interfé-
rant
Confé-
rant
Révé-
rend
Signifié
Signifi-
cation
Signifiant
Signalé-
tique
Signali-
sation
Consign-
ation
Désigna-
tion
ESPACE DE
DEPRESSION
CONTES
ESPACE DE
COMPENSATION
MYTHES
ESPACE DE
PRESSION
LEGENDE
ESPACE DE
CONDENSATION
ROMAN
INS
IGN
AN
T
CONFIRMANT
226
REFERENCES & PENSEES SYMBOLIQUES
LEGENDE
(« Lumières ») MYTHE
(« Romantisme »)
CONTE
(« Renaissance »)
ROMAN
Eyes wide shut Stanley Kubrick
Agression Inhibition
Fuite
227
REFERENCES & AUTRES PENSEES SYMBOLIQUES
LEGENDE
(« Lumières »)
MYTHE
(« Romantisme »)
CONTE
(« Renaissance »)
ROMAN
Eyes wide shut Stanley Kubrick
Schème
Agression
Schème
Inhibition
Schème
Fuite
FOLKLORE FABLIAU
ALLEGORIE
PHANTASME Construction
imaginaire, consciente ou inconsciente,
permettant au sujet qui s'y met en scène,
d'exprimer mentalement un désir plus ou moins refoulé.
SIGNE
FANTASME Approche de la réalité qui
transcendent le vécu individuel et ont un certain caractère d'universalité.
En ce sens, les fantasmes sont à rapprocher des
mythes collectifs. De fait et à ce titre ils entrent dans
le cadre de la réalité psychique.
SENS
REPRESENTATION
228
TRIKÃLA DES SUBSTRATS SEMIOSTYLISTIQUES
CONTE
MANTIQUE
ANAMORPHOSE
Anxiété & induction Grimoire,
prédication,
divination,
béatitude, pamphlet,
ambiguïté,
/Chiasme,
argumentation.
(Mage, Diacre).
(Convivialité)
EPIPNOIA*
(Ecritures
Saintes)
Hypostase
Hystérie
Roman, poème,
Transfiguration,
rêverie, souffle.
(Génie, Messie).
(Heuristique).
LOGORETIQUE
EXOTHERISME
Exhortation
Narcissisme &
manie
Prophétie,
maléfice,
bénédiction
(Prophète)
(Parole,
logorrhée)
MYTHE
MEDITATION
Spiritualisme
Psychose,
Mythomanie
Hyperbole,
divination inspirée,
détermination,
interprétation,
psychodrame,
hallucination.
(Maître)
(Initiation)
Ingénu
Mythification
LEGENDE
LOGISTIQUE
Prosélytisme
Névrose.
Schizophrénie
Parabole,
comparaison,
explication,
démonstration,
intronisation.
(Héros).
(Expérimentation).
intuitive
Mysticisme
Détermination
Roublard
innculption
SIGNE
Kabbale, Graal,
Da’Wah.
Abacomantique
° REPRESENTATION
° FORME EXPRES-
SIVE
° Substrat spirituel
° Substrat psycha-
nalytique
° Moyen, méthode, support
° (Médiateur)
° (Pratique)
TYPOGRAPHIE
DES CORRES-
PONDANCES
SENS
CASUISTIQUE
MYTHO-
POÏETIQUE &
DIVINATION
ESOTHESRISME Spiritisme. Transe
Superstition, Ascèse,
sortilège.
(Chamane)
Incubation
(Onanisme).
SYMBOLIQUE
ENTHOUSIASME
Scholastique
Transfert
Enseignement.
(Connaissance)
(Extase-Hédonisme)
229
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ENCYCLOPAEDIA UNIVERSALIS
232
TABLE DES MATIERES
_______________________________________________________________
Page :
REMERCIEMENTS 7
INTRODUCTION GENERALE 9
CHAPITRE I - DES RISQUES DE L’EPISTEMOLOGIQUE
CARTESIENNE APPLIQUEE AUX SCIENCES HUMAINES.
Un cheval de Troyes 11
Cassier : structuralisme et herméneutique 11
Kant : schématisme transcendantal 12
Althusser et la thèse centrale du matérialisme 13
Le milieu est plus riche que le centre 14
La métaphysique : la science du coup d’après 16
Ibn al-Sarrag avant Leibniz 17
Archimède et l’imaginaire 18
Sémiologie saussurienne : le signe en cul de sac ? 21
Comprendre la partition avant de l’interpréter 23
Pour sortir de la dialectique : la répétition 25
Rien ne sert d’inventer le marteau-pilon pour ouvrir la noisette 26
Foin de l’exhaustivité : aller voir ailleurs 27
CHAPITRE II - DETERMINER LES CONSTANTES.
Jamais deux sans trois 31
La représentation : un invariant derrière des variations 31
Les représentations, une question d’être contingente de l’avoir 32
La conquête de l’avoir : une projection sensible de l’intuition
à partir de la mémoire 34
Totems, tabou, extasiant 36
L’union : un symbole cassé 38
Prononcé du divorce en 1792 (Gravure) 42 Le temps du tribut 44
Ensemble trifonctionnel significatif 45
INSCRIPTION LATINE DÉCOUVERTE À ROME (1880)
CHAPITRE III - PLACER LES CONSTANTES
POUR SITUER LA DIVERSITE
Entre Prague et Palo Alto 47
De l’emphase à l’extase : un manque d’outillage 47
Pour s’éviter la roulette russe 48
Principe d’utilité et Palo Alto 49
La fonction crée l’organe 50
Cheval blanc n'est pas cheval 51
Signe, signifiant, signifié, signification 53
233
Le signe est donc extérieur au système 54
Pour fuser de la confusion :
là ou les ciseaux de Saussure se brisent.
Vison 3D 55
Pitié pour la Pythie 57
Nota, Denuntio, denotato 58
TRIKÃLA SEMIOTIQUE DE DELPHES 59
L’Avertisseuse : l’anormalité fait signe 60
Le compte n’était pas tout à fait bon : l’anomie est adnomie 65
L’approche interprétative et ethno-sens 66
L’ambition de Palo Alto 68
Le signe d’un manque 70
L’ordinateur : projection de la triangulation sémiotique 71
CHAPITRE IV - DES CONSTANTES AU MODELE
POUR SORTIR DES CONTRESENS
Vers une systémique des représentations 77
Penser les rituels de la pensée 77
Contexte épistémologique 79
Parier sur la modélisation 80
Pour sortir de la matière noire 81
De la nécessité d’une cartographie
paramétrée en communication 85
Prométhée contre Épiméthée 88
Une posture de découverte philologique constructale 90
Georges Dumézil : une philologie
des constantes anthropologiques 91
La trifonctionnelle constructale :
une phénoménologie trikãlienne 94
Un modèle trifonctionnel
des phénomènes communicationnels 96
Situer un paradigme de pensée dans la recherche 97
TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE
DES POSTURES DE SENS 99
TRIKÃLA SEMIOTIQUE SYSTEMIQUE
DES CADRES CONCEPTUELS 100
TABLEAU SYNOPTIQUE DES SENTIMENTS
ET DE LEURS CAUSES 103
(Interrogation sur les causes des sentiments éprouvés)
CHAPITRE V - DU MODELE MONADIQUE AU MODELE
DES REPRESENTATIONS
Vers une systémique constructale des représentations 105
MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA CARTESIEN) 107
234
MACHINE DE VON NEUMANN (SCHEMA TRIKÃLIEN) 108
TRIKÃLA DES VALEURS -1, 0, +1 /
MACHINE DE VON NEUMANN 110
TABLEAU MATRICIEL DES VALEURS (BASE-1, 0, +1)
ISSUES DES INTERACTIONS TRIKÃLIENNES
(EMETTEUR – RECEPTEUR) 111
TRIKÃLA DES SEMIOFORME 113
TRIKÃLA DES SEMIOCONSTRUCTIONS 115
Le triangle de Sierpiński 116
CHAPITRE VI - DE LA DISPUTATIO A L’UTLILITAS
Les pendules à l’heure 121
TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES 138
TRIKÃLA DES SEMIOPHILOSOPHIES (suite tableau) 139
CARTOGRAPHIE TRIKALIENNE HOMOTHETIQUE DES
VISIONS INTELECTUELLES 141
De Monnet à l’€uro : choisir entre le conte et le mythe 143
La trinité abrahamique 151
TRIKÃLA DES FORMES COGNITIVES
ET DES
APPROCHES ABRAHAMIQUES 158
De la sibylle à la sébile : jouer placé plutôt que gagnant 158
Le triangle infernal : pour une économie de l’effort 163
Perspectives et méthode d’une approche trikãlienne 3D 161
Si j’en suis, donc je peux le penser 165
L’approche trikãlienne : franchir le paradigme traditionnel 166
TRIKÃLA PHONOLOGIQUE 171
Les critères de validité d’un concept en
science de l’information et des communications 173
CHAPITRE VII - DE LA MAGIE DE L’OPPOSITION
ET DU GENIE DU DESACCORD 177
La pensée triviale et la pensée des contraires:
l’art de noyer le poisson 177
Triangle des subcontraires et carré sémiotique 181
Si je t’aime, prend garde à toi 185
La gorgone et le veau d’or 188
Dans le monde des aveugles les borgnes sont rois 190
De l’objection à la synergie par les désaccords 192
Faire évoluer les désaccords 193
TABLEAU & TRIKÃLA DES EVOLUTIONS
POSSIBLES ISSUES DUN DESACCORD 197
235
CHAPITRE VIII - ENTRE TERMODYNAMIQUE
ET SOCIODYNAMIQUE DES COMMUNICATIONS :
UNE LOI CONSTRUCTALE 199
TRIANGLE DE LA PHYSIQUE DE PHASE
D’UN CORPS PUR 201
Pluralité anthropologique des communications 203
Les équations des interactions entre formes
trifonctionnelles canéphores et canéphages 203
Données initiales 204
Notions d’équilibre 205
Les rites (le contraire manquant) 210
TRIKÃLA DES FORMES RITUELLES 213
TRIKÃLA DES ATTENTES SPIRITUELLES 216
TRIKÃLA DES FORMES ORGANISATIONNELLES 217
TRIKÃLA DES MARCHES 218
TABLEAU CONSTRUCTAL
DES CONSTRUCTIONS MENTALES (réflexions indicatives) 220
TRIKÃLA SEMIOLOGIQUE 224
CARTOGRAPHIE DES ESPACES SEMIOTIQUES 225
REFERENCES & PENSEES SYMBOLIQUES 226
REFERENCES & AUTRES PENSEES SYMBOLIQUES 227
TRIKÃLA DES SUBSTRATS SEMIOSTYLISTIQUES 228
BIBLIOGRAPHIE 229
TABLE DES MATIÈRES 233
236
Document de couverture :
Giotto. One of the Legend of St. Francis frescoes at Assisi,
Renunciation of Wordly
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