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AFRATAPEM
Association Française de Recherche et Applications des Techniques Artistiques
en Pédagogie et Médecine
Un atelier d’Art-thérapie à dominante arts plastiques
auprès d’adultes psychotiques suivis en secteur
psychiatrique à l’hôpital de Montauban
Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute répertorié par
l’Etat au niveau II
Présenté par Gilles TEDETTI
Année 2016
Sous la Direction de Service Thérapies médiatisées
FLORENS Chrystel Centre Hospitalier de Montauban
Art-thérapeute 100 rue Léon Cladel - BP 765
Service Infanto-juvénile 82 013 MONTAUBAN
2
Remerciements.
Je remercie en premier lieu les patients qui ont accepté de me rencontrer et de me
faire confiance. Ce fût de belles rencontres enrichissantes d’abord sur le plan
humain, et ensuite sur le plan professionnel.
Je remercie également les Art-thérapeutes de Clérembault qui ont facilité mon
séjour au sein du service, ainsi que toute l’équipe soignante avec laquelle j’ai
travaillé.
Je remercie tout particulièrement Chrystel Florens ma directrice de mémoire pour
sa disponibilité et sa gentillesse. Malgré un emploi du temps très chargé, c’est
toujours avec le sourire qu’elle m’a reçu et conseillé dans la rédaction de ce
mémoire. Son aide a été à la fois bienveillante et exigeante face aux attendus de
l’exercice.
Je n’oublie pas les formatrices et formateurs de l’AFRATAPEM qui se sont
toujours rendus disponibles pour répondre aux questions que le terrain faisait
remonter. En plus des apports théoriques, leurs expériences professionnelles
respectives apportent un plus incontestable pour l’Art-thérapeute stagiaire
confronté à la clinique. Je voudrais profiter de cette occasion pour tous les
remercier.
Enfin, j’ai une pensée pour ma femme et mes filles qui m’ont supporté dans les
deux sens du terme (encouragé et subi). Je voudrais les remercier et leur dédier ce
mémoire.
3
Le plan du Mémoire
Remerciements. .................................................................................................................. 2
Le plan du Mémoire ............................................................................................................ 3
Glossaire : ........................................................................................................................... 9
Introduction ...................................................................................................................... 12
Partie I : lorsque la maladie psychique diminue l’Estime de Soi, il devient difficile d’aller
vers les autres. .................................................................................................................. 14
A - La maladie psychique affecte la capacité à exister, à éprouver du plaisir, et
engendre un sentiment de dévalorisation important. ................................................. 14
1-La bonne santé n’est pas seulement l’absence de maladie, elle est aussi liée à la
capacité à ressentir du plaisir à être. ........................................................................ 14
2 – le public accueilli au sein de l’hôpital psychiatrique est confronté à des pénalités
qui entravent l’expression, la communication et la relation. ................................... 14
3 - Un bref historique permet de mieux comprendre le regard porté sur les
maladies mentales aujourd’hui. ............................................................................... 15
4 - La maladie psychique est une pénalité qui englobe plusieurs pathologies et qui
peut engendrer de la souffrance. ............................................................................. 16
5 - L’évolution des connaissances en psychiatrie rend difficile, même aujourd’hui,
l’énumération de caractères distinctifs entre névroses et psychoses. .................... 20
6 – L’être humain est mû par un certain nombre de besoins dont celui d’exister. . 22
7 - La capacité à éprouver du plaisir permet l’engagement et l’implication du corps
et de l’esprit car elle nourrit la saveur existentielle. ................................................ 25
8 - La saveur existentielle(1) agit sur l’estime de Soi car elle améliore la
considération que l’on se porte. ............................................................................... 25
9 - Le manque de cohérence entre les ressentis et les représentations augmente
l’anxiété et affecte l’Amour de Soi. .......................................................................... 27
10 - La saveur existentielle nourrit l’Amour de Soi qui permet l’engagement du
corps et de l’esprit dans une production artistique ou relationnelle. ...................... 28
B – L’Art est une activité humaine qui donne du sens à la vie ..................................... 28
1- L’être humain se définit par trois entités : une entité physique, une entité
psychique et une entité sociale. ............................................................................... 28
2- L’Art se définit différemment selon les époques, le regard que l’on porte sur lui
et la fonction qu’on lui assigne. ................................................................................ 29
3 - Le passage de l’utile à l’agréable permet à l’artisan de devenir artiste. ............. 32
4 - Les arts plastiques témoignent du passage de l’art à l’Art car ils traduisent
l’expression de la subjectivité de l’individu et son intention esthétique. ................ 33
4
5 – Pour exprimer des ressentis et matérialiser des intentions, la pratique des arts
plastiques permet d’éprouver des sensations dans l’Art1 et d’expérimenter des
techniques dans l’Art2. ............................................................................................. 33
6 - La dynamique Art1/Art2 mobilise les pouvoirs de l’Art et favorise l’expression
des ressentis, des envies, des désirs, des souffrances, des émotions, dans un
engagement corporel. .............................................................................................. 34
7 - L’Art comme expression humaine orientée vers l’esthétisme va influencer la
médecine et particulièrement le secteur de la psychiatrie. ..................................... 34
8 – La pratique des arts plastiques agit directement sur l’estime de Soi car elle
favorise l’expérimentation de ressentis et engage le pratiquant dans un savoir-faire
qui nourrit la confiance en Soi et permet l’affirmation d’un style et d’un goût
personnel. ................................................................................................................. 36
8 -1- Le dessin et la peinture permettent d’exprimer des ressentis, de faire des
choix et de reprendre confiance en ses capacités. ................................................... 36
8-2- La sculpture papier permet d’éprouver des ressentis nouveaux et de
structurer ces ressentis en intention esthétique. ..................................................... 37
8-3 – Les arts diachroniques permettent de laisser une trace et de revenir sur son
ouvrage afin d’affirmer son style et son goût. ......................................................... 38
C – L’Art-thérapie peut réduire la souffrance des personnes confrontées à la psychose
en leur proposant un lieu d’expression, de communication, de relations, et
d’expérimentation. ....................................................................................................... 39
1- L’Art a des pouvoirs spécifiques qui permettent d’impacter des mécanismes
humains (physiques, psychologiques et sociaux). .................................................... 39
2 - Ce n’est pas l’Art qui soigne mais ce que l’on en fait. L’Art-thérapie utilise les
pouvoirs de l’Art pour apporter du soin au patient. ................................................ 40
3 - L’opération artistique permet de mettre en relation les pouvoirs de l’Art avec les
mécanismes humain. ................................................................................................ 41
4 - L’exercice de l’Art-thérapie nécessite un cadre et une méthodologie
d’intervention. .......................................................................................................... 42
5 - L’Art-thérapie utilise des outils spécifiques pour mettre en œuvre une relation
thérapeutique. .......................................................................................................... 43
6 - La pratique des arts plastiques peut améliorer la relation entre les ressentis et
les représentations. .................................................................................................. 45
7- L’Art-Thérapie favorise l’expression des ressentis et permet un traitement à
distance des conflits internes. .................................................................................. 46
8 – La pratique des arts plastiques en séance collective permet au patient de
retisser du lien social tout en remobilisant ses ressources personnelles. ............... 46
9– La sculpture papier mâché favorise les ressentis et l’implication du corps et
suggère l’expérimentation qui permet de renforcer la confiance en Soi par
l’acquisition et le développement d’un savoir-faire. ................................................ 47
5
10 - La peinture favorise l’expression des émotions par un engagement corporel et
agit sur les trois composantes de l’Estime de Soi. .................................................... 47
D – La pratique dirigée des arts plastiques par l’Art-thérapie moderne, peut renforcer
l’Amour de Soi et restaurer la qualité de la relation. ................................................... 47
1- Il n’y a pas de bonnes relations sans comportements adaptés, et l’adaptation
passe par la capacité à récupérer les informations, à les traiter, à les stocker et à les
exprimer de manière cohérente avec ses ressentis. ................................................ 47
2 – Améliorer le rapport entre les ressentis et le représenté permet d’améliorer les
capacités relationnelles parce que l’on se sent moins menacé par l’autre. ............ 48
3 – L’espace « Art-thérapie » permettra à la personne de restaurer l’Amour de Soi
et la Confiance en soi par le vecteur de l’alliance thérapeutique. ........................... 49
Partie II : L’atelier d’Art-thérapie est un lieu qui favorise l’expression des ressentis et
améliore les capacités relationnelles des personnes psychotiques. ................................ 50
A – Le service des arts médiatisés au sein de la psychiatrie adulte est un espace de
reconstruction du lien social et du rapport à soi-même. ............................................. 50
1-L’hôpital est un lieu de soins qui partage des temps de vie. ................................. 50
2 – Le bâtiment « Clérembault » propose un lieu d’accueil, d’écoute, d’échange et
de partage de temps créatifs. ................................................................................... 50
3 – L’équipe pluridisciplinaire permet de regarder le patient dans sa globalité ...... 51
4 - Les temps de réunions permettent de croiser les regards de différents
professionnels et d’ajuster les prises en charge. ...................................................... 51
5 – La personne avec maladie psychique s’approprie l’espace des arts médiatisés
pour expérimenter une autre façon d’être au monde ............................................. 51
B - Des suivis individuels d'art-thérapie à dominante Arts plastiques sont mis en place
au sein d’un atelier collectif. ......................................................................................... 52
1/ La mise en place d'ateliers collectif d'art-thérapie à Clérembault permet de
restaurer le lien social tout en mobilisant des compétences individuelles. ............. 52
2/ L'art-thérapeute utilise ces temps collectifs pour évaluer et affiner des items
d’observation individuels. ......................................................................................... 52
3/ La prise en soin en Art-thérapie obéit à un protocole spécifique à l’intérieur
duquel les temps collectifs entrent dans une stratégie globale du soin qui vise une
amélioration des relations sociales. ......................................................................... 53
4/ L'art-thérapie mobilise des outils d’évaluation basés principalement sur
l’observation de l’impact du phénomène artistique sur les mécanismes humains. 53
C) Les prises en charge individuelles se réfèrent à des protocoles thérapeutiques
personnalisés : présentation de deux situations cliniques en séances individuelles. .. 54
1 - Jacha est suivi par l’institution psychiatrique depuis 21 ans et nous est présenté
comme ayant très peu d’autonomie personnelle. ................................................... 54
1-1- L’Indication médicale(*) est recueillie auprès de l’équipe pluridisciplinaire. ... 54
6
1-2-L’état de base confirme les premières informations recueillies auprès de
l’équipe pluridisciplinaire et permet d’établir un objectif général thérapeutique
(OGT) en lien avec l’indication médicale. ................................................................. 55
1-3- Le protocole de soins va organiser l’ensemble de la prise en soin en Art-
thérapie pour identifier des sites d’action (SA), des cibles thérapeutiques (CT) et des
objectifs intermédiaires (OI). .................................................................................... 55
Une fiche d’observation est conçue avec des items spécifiques à Jacha. Ils sont
choisis en fonction des objectifs thérapeutiques à atteindre (Voir Annexe I ). ....... 56
1-4- La prise en charge en atelier individuel se déroulera sur 10 séances
individuelles et 11 séances collectives. .................................................................... 56
1 - 5 – L’évaluation des séances s’appuie sur la fiche d’observation personnalisée,
l’autoévaluation par le cube harmonique(*), ainsi que toutes les observations
pouvant rendre compte de l’engagement dans la production artistique et de
l’impact sur les trois composantes de l’estime de Soi. ............................................. 63
1-6- Le bilan de la prise en charge fait apparaitre une nette amélioration de la
confiance en soi et de la capacité à faire des choix personnels. .............................. 65
2 - Sassa voudrait reprendre ses études suite à une bouffée délirante et l’équipe
médicale se questionne sur ses capacités à reprendre des relations apaisantes. ....... 66
2-1- L’indication médicale est recueillie auprès du Médecin psychiatre de l’unité. 66
2-2- l’Etat de base fait apparaitre une situation familiale conflictuelle et un vécu
d’enfance très douloureux. ...................................................................................... 67
2-3- Le protocole de soins et la stratégie d’intervention ont donné lieu à des
observations en suivi individuel mais dans le cadre d’un atelier collectif, compte
tenu des objectifs thérapeutiques. ........................................................................... 68
2-4- Les séances se sont déroulées en atelier collectif la plupart du temps et cela
constitue une stratégie globale d’accompagnement ............................................... 68
2-5- L’évaluation s’appuiera sur des items spécifiques de la fiche d’observation mais
aussi sur une auto évaluation à chaque séance. ...................................................... 73
2-6- Le bilan de cette prise en charge rend compte d’une évolution rapide des
objectifs intermédiaires et ponctue de manière positive la prise en charge. .......... 75
D – D’autres prises en charge s’effectuent principalement en atelier collectif ........... 76
1 – Les autres suivis se sont réalisés dans le cadre de l’atelier collectif qui travaille
depuis un an sur un projet d’exposition collective dans une Abbaye. ..................... 76
2 - Les différentes prises en charge personnalisées trouvent un point commun dans
les troubles de l’expression et de la relation, et traduisent une atteinte manifeste
de l’Estime de Soi. ..................................................................................................... 77
3 – Le bilan de ces prises en charge montre que l’acte créatif permet de restaurer la
confiance en Soi et d’améliorer le savoir-ressentir. ................................................. 77
7
4- La nature même de la psychose pose des limites et rend difficile le phénomène
d’empathie et la perception positive de sa propre valeur. ...................................... 78
5- Le bilan de ces prises en charge en atelier collectif laisse apparaitre des
perspectives intéressantes sur le plan comportemental et relationnel par le biais de
l’alliance thérapeutique et par l’amélioration significative de la confiance en soi. . 78
Partie III : En améliorant la saveur existentielle, l’Art-thérapie nourrit l’Amour de Soi et
redonne de la fierté et de l’espoir nécessaires à une meilleure qualité de vie. ............... 79
A)- Ces expériences cliniques, par le biais de la pratique artistique, ont montré un
certain nombre de points communs entre les personnes concernées. ....................... 79
1-1-Au regard de notre hypothèse de départ, le manque de cohérence entre les
ressentis et les représentations que l’on s’en fait sont bien de nature à perturber le
rapport entre saveur et savoir. ................................................................................. 80
1-2- Les résultats obtenus mettent en évidence une particularité qui interroge la
place de l’Art-thérapeute. ........................................................................................ 83
1-3- La qualité de la relation thérapeutique a une influence sur la confiance en Soi
mais elle a aussi une influence sur l’amour de soi qui permet l’engagement corporel
vers une production (artistique ou relationnelle). ................................................... 84
B – D’autres travaux sur la maladie psychique traitent des troubles de la relation et
du comportement en lien avec l’estime de Soi. ........................................................... 85
1 - Plusieurs expériences en ateliers d’Arts plastiques ont été menées auprès
d’adultes confrontés à la maladie psychique. .......................................................... 85
2 – Le trouble de la relation et l’atteinte de l’Estime de Soi semble être un point
commun aux personnes confrontées à la psychose. ................................................ 87
3-L’Art-thérapie a une influence positive sur les trois composantes de l’estime de
Soi, mais la qualité de la relation entre l’Art-thérapeute et le patient agit
directement sur la confiance en Soi. ........................................................................ 87
C – S’il est bien convenu que le rôle de l’Art-thérapeute se situe dans le soin, sa
posture pourrait être interrogée et évoluer en fonction du cadre d’intervention. ..... 88
1-Le cadre thérapeutique influence la perception que le patient psychotique a de
ses propres capacités. ............................................................................................... 88
2-L’alternance atelier collectif/atelier individuel est un dispositif intéressant pour
un public confronté à la maladie psychique car elle permet l’expérimentation
sensorielle et relationnelle, l’élan et l’implication du corps et de l’esprit, et suggère
l’autorégulation sous l’influence de l’intersubjectivité. ........................................... 88
3-La place et le rôle de l’Art-thérapeute pourraient évoluer en fonction des
domaines de vie (ou d’intervention) qui sont autant de domaines d’expériences
sociales, de rencontres, d’échanges et d’autorégulation. ........................................ 89
Conclusion ........................................................................................................................ 90
Liste des graphiques et illustrations ................................................................................. 93
8
Références bibliographiques ............................................................................................ 94
Annexes ............................................................................................................................ 96
Annexe I : La Fiche d’observation de Jacha .................................................................. 97
Annexe II : Le tableau des items retenus pour Jacha ................................................. 103
Annexe III : La fiche d’observation de Sassa ............................................................... 105
Annexe IV : Le tableau des items retenus pour Sassa ................................................ 109
Résumé ........................................................................................................................... 110
9
Glossaire :
Sans précisions particulières, ces définitions sont extraites du Dictionnaire de Français en
ligne ou du Dictionnaire des termes de médecine, Ed. Maloine, 26e édition, 2000, pour
les termes médicaux.
Pour les termes spécifiques à l’Art-thérapie, les définitions sont extraites soit des cours
dispensés par l’AFRATAPEM dans le cadre de la Certification du titre d’Art-thérapeute
répertorié au Registre National des Compétences Professionnelles (RNCP), soit du livre
de Richard FORESTIER « Le métier d’art-thérapeute », pages 52 à 56.
Art : Activité Humaine et volontaire qui est orientée vers l’esthétique.
Art 1 : Pratique basée essentiellement sur le ressenti
Art 2 : Pratique basée sur une intention artistique.
Art-Thérapie Moderne : C’est l’exploitation du potentiel artistique dans une visée
thérapeutique et humanitaire.
Art-Thérapie traditionnelle : C’est une forme de psychothérapie à support artistique,
une spécialité qui vient compléter un premier métier d’infirmier Psychiatrique,
d’éducateur spécialisé, de psychiatre, de psychologue, etc..). L’Art-thérapie traditionnelle
interprète tant l’activité, la production que le discours en rapport avec l’atelier d’art.
Affirmation de soi : [art-thérapie]. Capacité à percevoir le monde extérieur comme un
enrichissement propre à développer sa personnalité. L’affirmation de soi se révèle en Art
par la détermination du goût.
AFRATAPEM : Association Française de Recherches et Applications des Techniques
Artistiques en Pédagogies et Médecine, appelée aussi « école d’Art-thérapie de Tours ».
Alliance thérapeutique : [art-thérapie]. Dynamique qui se crée entre le patient et l’art-
thérapeute. Ce terme "d'alliance" implique une notion de contrat dont les deux parties
auront définies ensemble les objectifs, les moyens et les méthodes pour atteindre les
objectifs art-thérapeutiques. L'alliance thérapeutique se constitue par le plaisir sensoriel,
la disponibilité ainsi que l'implication relationnelle.
Amour de soi : aptitude à s’aimer, indépendamment de nos performances et réussites, de
façon inconditionnelle.1 L'amour de soi se révèle en Art par l'engagement.
Anamnèse : [médecine]. En grec "se souvenir". Ensemble de renseignements recueillis
auprès du patient et de son entourage, relatifs à son histoire personnelle et à sa maladie.
Archaïque : [art-thérapie]. Nature brute, fondamentale et primale de l’activité à laquelle
se rapporte cet archaïsme.
Beau : [art-thérapie]. Action réfléchie qui va de l’œuvre au ressenti humain et
inversement, désigne l’impression ou le sentiment éprouvé à la suite d’une satisfaction
esthétique suivant son goût. Le Beau est associé à l’affirmation de soi.
Bien : [art-thérapie]. Passage de l’intention à la production, phase de l’activité
proprement dite. Le Bien est à même de réguler l’action au regard de la cohérence entre
ce que veut l’artiste et ce qu’il est en train de produire, c'est-à-dire son style. Le Bien est
associé à la confiance en soi.
10
Bon : [art-thérapie]. Désigne ce qui est relatif à l’engagement de la personne dans la
production artistique. Il met en jeu le plaisir esthétique de la personne et son intérêt dans
l’activité artistique. Le Bon est associé à l’amour de soi.
Bien-être : Fait d'être bien, satisfait dans ses besoins, ou exempt de besoins,
d'inquiétudes, sentiment agréable qui en résulte.
Boucle de Renforcement : enchainement de phases de l’opération artistique qui renforce
une dynamique vertueuse.
Catharsis : Selon Aristote, effet de "purgation des passions" produit sur les spectateurs
d'une représentation dramatique (Petit Robert 2006).
Cible thérapeutique : Point précis sur lequel travaille l’Art-thérapeute.
Cube harmonique : Modalité évaluative des capacités auto-évaluatives artistiques d’une
personne (par le Bon, le Bien et le Beau).
Disponibilités relationnelles : Ensemble des prédispositions psychiques, physiques et
sociales personnelles à rentrer en relation.
DSM III R : Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (également
désigné par le sigle DSM, abréviation de l'anglais : Diagnostic and Statistical Manual of
Mental Disorders) est un ouvrage de référence publié par la Société américaine de
psychiatrie (APA) décrivant et classifiant les troubles mentaux.
Engagement : Intensité de l’implication d’une personne pour réaliser ou apprécier une
activité artistique ou ses produits.
Estime de soi : [art-thérapie]. Valeur et considération de la personne à son propre
regard. L'estime de soi est harmonieuse lorsque ses trois composantes, l'amour de
soi, la confiance en soi et l'affirmation de soi, sont équilibrées.
Exister : [général]. Avoir une réalité ; Vivre ; Avoir de l'importance, de la valeur.
Faisceaux d’items : ensemble d’items regroupés car significatifs et caractéristiques d’un
phénomène à observer.
Implication relationnelle : Engagement effectif du corps et de l’esprit dans une relation
Indication médicale, ou thérapeutique : Recommandation, conseils par le corps
médical.
Items : Plus petite unité perceptible en rapport avec un objectif. Item : (En art-thérapie) :
Plus petite unité appréciable d’un niveau d’organisation. Il peut être observé, ressenti ou
interprété.
Intersubjectivité : Communication entre deux sujets humains (Dictionnaire Français en
ligne) ; En Art-thérapie : Rencontre et échange entre deux façons intimes et singulières de
ressentir un même évènement
Opération artistique : Organisation des éléments humains impliqués dans l’activité
artistique
Pénalité : [art-thérapie]. Désavantages infligés à la personne à la suite d’une maladie,
d’un handicap, d’une blessure de vie ou d’un choix de vie qui affecte la qualité de vie.
11
Pénalités sanitaires: Entrave sanitaire, souffrance : R. Forestier, « le métier d’art-
thérapeute » p.55
Phénomène artistique : [art-thérapie]. Mécanismes observables de l’opération artistique.
Phénomène associé : [art-thérapie]. Ce qui accompagne, qui est choisi ou subi et qui
influe sur la dominante.
Pouvoirs de l’Art : Le Pouvoir d’Engagement (le corps bouge), le Pouvoir éducatif
(Respect de la dominante et des outils en lien avec la dominante) et le Pouvoir relationnel
(ex : le fait de montrer, on a besoin de l’autre pour présenter une œuvre).
Production artistique : Le résultat concret d’une activité artistique.
Production sociale : C’est un engagement et une implication du corps et l’esprit dans
une relation sociale.
Qualité du moment : Impression générale relative au moment passé par le patient
Ressenti : éprouver, percevoir à nouveau une sensation. Activité sensorielle dominante
qui possède un caractère abstrait et hors verbal.
Représenté : Se rappeler, saisir rapidement par l’esprit. Activité cognitive dominante qui
possède un caractère symbolique. Signifiant.
Saveur existentielle : Régulateur naturel du savoir existentiel. Fondements du goût de
vivre.
Savoir existentiel : Présence et fonction naturelle de tous les éléments indispensables à
l’épanouissement de la vie.
SAVS : Service d’Accompagnement à la Vie Sociale
SAMSAH : Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
Service de suite (SSR) : Les Soins de Suite et de Réadaptation interviennent dans la
rééducation d'un patient, à la suite d'un séjour hospitalier.
Sites d’Actions : Localisation d’une ou plusieurs difficultés sanitaires sur lesquelles il est
possible d’intervenir.
Syndrome : Un syndrome est un ensemble de signes cliniques et de symptômes qu'un
patient est susceptible de présenter lors de certaines maladies.
Traitement Archaïque : Traitement des perceptions sensorielles par le tronc cérébral,
donne naissance aux émotions et/ou aux mécanismes archaïques de défense (l’Arc
réflexe).
Traitement mental sophistiqué : Traitement cognitif des perceptions reçues et filtrées
par le traitement archaïque. Englobe le stock de connaissances acquises, la culture,
l’affect et le domaine des représentations mentales.
Zone extrapyramidale : Partie du cerveau responsable de la coordination des
mouvements. L’inhibition de la dopamine peut entraîner un syndrome extrapyramidal qui
se manifestera par de la rigidité musculaire, de l’hyperkinésie, des torticolis et des
tremblements des membres (par exemple dans le cas de Sassa jusqu’à la modification de
son traitement à partir de la séance 3).
12
Introduction
Mon parcours professionnel s’est construit depuis 26 ans autour des métiers de
l’éducation spécialisée, du social et du médico-social.
Durant ces années, j’ai pu mettre en place des ateliers artistiques à visées
éducatives qui m’ont permis de me rendre compte de l'impact d'une pratique
artistique sur la santé et sur les rapports sociaux au sein d’un collectif.
Ces expériences humaines et artistiques m’ont conduit à rencontrer un public
confronté à des troubles du comportement et de la personnalité et, les 13 dernières
années, elles m’ont permis d’accompagner plus particulièrement un public adulte
confronté à la maladie psychique.
Ces expériences professionnelles se sont déroulées dans le cadre d’établissements
médico-sociaux avec l’appui d’une équipe pluridisciplinaire diversifiée
(Psychiatre, Assistante Sociale, Psychologue, Psychomotricien, Orthophoniste,
éducateurs spécialisés, Aide Médico-Psychologique, Moniteur éducateur, etc…).
Dans ces établissements, j’ai exercé les fonctions de responsable éducatif pour,
ensuite, prendre la direction d’un Foyer de vie pour adultes avec handicap mental
et maladie psychique. A ces occasions, j'ai mis en place plus d'une vingtaine
d'ateliers artistiques à visée éducative.
Grâce à l’éclairage d’un travail partenarial qui s’était mis en place pour certains
résidents (lorsqu’ils étaient suivis par une équipe médicale extérieure,
principalement les services de l’hôpital psychiatrique de Montauban), j’ai pu
constater l’impact d’une pratique artistique sur la vie quotidienne des personnes et
sur l’évolution de leur maladie. Afin de poursuivre mon expérience
professionnelle et de répondre aux questions soulevées par ces constats, j’ai
entrepris une formation d’art-thérapeute à l’AFRATAPEM(*) à Tours.
Lors de mes stages pratiques, c’est tout naturellement que je me suis dirigé vers
une structure d’accueil d’un public adulte confronté à la maladie psychique, dans
le secteur psychiatrique de l’hôpital public de Montauban. Ce mémoire
professionnel portera donc sur ce public et ses difficultés à exister(*).
13
Dans une première partie, je vous présenterai les caractéristiques principales de ce
public et de cette maladie, ainsi que son impact sur la vie psychique et
quotidienne des personnes qui y sont confrontées. En essayant d’expliquer les
pénalités sanitaires(*) qui affectent la qualité de vie du patient, et aussi de quelles
manières l’art-thérapie est en mesure d’y apporter une réponse, j’avancerai
l’hypothèse que la pratique des arts plastiques peut diminuer les souffrances
engendrées par ces pénalités, peut renforcer les capacités relationnelles, et
améliorer la qualité de vie des patients.
La deuxième partie présentera deux cas cliniques traités dans le cadre de l’art-
thérapie moderne(*) avec un protocole de soins adapté à chaque patient. La
présentation succincte de quatre autres patients viendra témoigner des avantages
et des limites d’un accompagnement en art-thérapie pour un public confronté à la
maladie psychique.
Dans la troisième partie, après une évaluation de l’ensemble de ces expériences
cliniques, confrontée à l’hypothèse opérationnelle ainsi qu’à d’autres recherches
effectuées auprès d’un public similaire, je pourrai mettre en exergue un aspect qui
me parait fondamental dans l’efficacité d’un accompagnement art-thérapeutique :
la relation thérapeutique, le cadre et la place de l’art-thérapeute dans le dispositif
d’accompagnement aux soins.
Ce constat a permis d’élaborer un début de réflexion et de présenter des
perspectives qui nous semblent intéressantes de développer dans des prochaines
études universitaires et sur le terrain professionnel de l’art-thérapie.
14
Partie I : lorsque la maladie psychique diminue l’Estime de Soi, il
devient difficile d’aller vers les autres.
A - La maladie psychique affecte la capacité à exister, à éprouver du plaisir,
et engendre un sentiment de dévalorisation important.
1-La bonne santé n’est pas seulement l’absence de maladie, elle est aussi liée à
la capacité à ressentir du plaisir à être.
Définition de la bonne santé :
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (l’OMS), la bonne santé c’est « un état
de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en
une absence de maladie ou d’infirmité »(1).
Une bonne qualité de vie contribue à une bonne santé car elle entretient la saveur
existentielle, c’est-à-dire le fait de savoir que la vie peut avoir un goût et que ce
goût peut être bon. Cette saveur existentielle nourrit le bien-être car elle tend à
développer un sentiment général d’épanouissement et une capacité à ressentir du
plaisir.
Un ressenti psychique est soumis aux émotions et pour que ce ressenti devienne
un sentiment partageable il doit passer par le filtre de nos représentations. Un
mauvais rapport entre les ressentis et les représentations va perturber la
communication (les sentiments dirigés vers autrui) et la relation (manque de
disponibilité dans les échanges).
2 – le public accueilli au sein de l’hôpital psychiatrique est confronté à des
pénalités qui entravent l’expression, la communication et la relation.
Les pénalités présentes sur le lieu de l’étude relèvent de la maladie psychique. Il
s’agit principalement de la névrose, la psychose et les formes sévères de
dépression nécessitant une hospitalisation.
Toutes ces maladies engendrent des pénalités sanitaires, mais aussi existentielles
qui se manifestent par des troubles de l’expression, de la communication et de la
relation.
(1)- Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la
Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet 1946 par les
représentants de 61 Etats. 1946; (Actes officiels de l'Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p.
100) et entré en vigueur le 7 avril 1948.
15
La maladie mentale trouve un écho particulier dans la société (hors institution) qui
rajoute de la difficulté dans les relations sociales et questionne la place du patient
au sein d’un « vivre ensemble ».
Non seulement les différentes maladies évoquées ci-dessus affectent les capacités
relationnelles et de communication, mais le regard que renvoie la société sur le
sujet malade ne lui facilite pas son intégration et sa guérison. Pire, cela entraîne
des souffrances supplémentaires : sentiment d’être rejeté, de ne pas être adapté à
la société et aux attentes sociales, augmente sa culpabilité et son manque de
confiance en Soi.
De plus, ce sentiment de ne pas être adapté accentué par une vision négative des
personnes de la société civile, a pour effet d’affecter fortement la considération
que l’on se porte à soi-même, ainsi que les capacités d’expression de la personne
concernée.
3 - Un bref historique permet de mieux comprendre le regard porté sur les
maladies mentales aujourd’hui.
La délimitation des champs des névroses et des psychoses a évolué selon les
moments de l’histoire des idées.
Dans la première partie du 19ème
siècle, les névroses étaient considérées comme
des atteintes du système nerveux central. Elles sont devenues sous l’influence de
la psychanalyse des affections psychogènes avec une accessibilité thérapeutique
assez grande. Le sujet névrosé pouvait être maintenu dans sa famille et continuer
sa vie sociale ordinaire, alors que la personne psychotique relevait d’une
hospitalisation.
Le terme de psychose désignait au 19 ème siècle la maladie mentale en général.
Puis il a été réservé aux maladies mentales les plus graves pour s’opposer aux
névroses. Il faut savoir que pendant toute la première moitié de ce siècle, la
psychose entrainait systématiquement une hospitalisation car les troubles
engendrés affectaient gravement les relations sociales. Ce n’est qu’avec
l’apparition des neuroleptiques d’abord, puis du lithium, que l’indice de gravité de
certaines psychoses fut modifié.
L’évolution de la pensée théorique a beaucoup évolué au cours du 20 ème siècle
et encore plus ces 30 dernières années à la lumière des neurosciences.
L’atelier d’Art-thérapie de Clérembault dispense des soins de support pour un
public recevant des soins psychiatriques au sein de l’hôpital public de Montauban.
Il dépend donc principalement des services de psychiatrie adulte que l’on nomme
communément l’hôpital psychiatrique.
Cette expression est née au cours du XIXe siècle, période à laquelle l'hôpital
psychiatrique moderne s'est développé. C'est également au cours de cette période
(1838 précisément), que la loi rendant la création de ce genre d'établissement
obligatoire en France a été promulguée.
16
Le terme employé jusqu’ici était « Asile ». Il est encore employé de nos jours
dans le langage commun d’une manière péjorative, avec une notion
d’enfermement et d’isolement afin de protéger les autres gens (les pas fous !).
Pourtant ce terme d’asile, ou plus précisément « salles d’asile », était employé
aussi à la même époque (de 1830 à 1881) pour désigner les classes maternelles.
Ces classes d’asile avaient pour fonction d’accueillir les jeunes enfants du peuple
qui restaient dans la rue pendant que leurs parents travaillaient. En plus de
l’enseignement dispensé, elles portaient aussi assistance à ces enfants, dont l’âge
était compris entre 2 et 6 ans. Même si le fonctionnement de ces établissements
reposait sur des méthodes relativement dures, elle avait une vocation d’accueil,
d’assistance et de refuge par rapport à une vie sociale extérieure qui n’en était pas
moins dure. Enfin, il faudra attendre les lois de Jules Ferry, en 1881, pour que les
écoles maternelles soient véritablement instituées.
De nos jours, si le mot asile n’est plus employé pour désigner un lieu qui accueille
des personnes ayant besoin de soins psychiatriques, il est décliné sous plusieurs
formes:
Sur le plan politique et historique, la fonction d’accueil se retrouve aussi dans
l’usage actuel du mot asile pour des « demandeurs d’asile ».
L’asile est un lieu inviolable où l’on est à l’abri des persécutions et des poursuites.
Il est synonyme de sanctuaire dans lequel on peut trouver refuge.
Tandis que dans l’usage littéraire, c’est un lieu de retraite où l’on trouve le calme
et l’apaisement.
Aujourd’hui, l’Hôpital psychiatrique désigne, dans le domaine médical, un
établissement hospitalier (ou un service) dont la spécialité est de traiter les
troubles mentaux, comme la psychose, la schizophrénie, les formes sévères de
névroses et de dépression.
4 - La maladie psychique est une pénalité qui englobe plusieurs pathologies et
qui peut engendrer de la souffrance.
La névrose.
La névrose est une affection répandue qui selon son importance ou (et) sa durée
engendre des pénalités invalidantes et des souffrances importantes.
Bien qu’il existe différentes approches de la notion de névrose, les théories
psychanalytiques qui restent très influentes dans les pratiques en psychiatrie
adulte en général, et à l’hôpital de Montauban en particulier.
Les théories psychanalytiques reposent sur l’apport fondamental de l’œuvre de
Sigmund Freud (1) à la psychiatrie.
(1)-Sigmund Freud, né le 6 mai 1856 à Freiberg, Moravie (Autriche), et mort le 23 septembre
1939 à Londres, est un médecin neurologue autrichien, fondateur de la psychanalyse.
17
Au regard du champ d’intervention de l’Art-thérapie moderne, il est intéressant de
souligner que c’est lui qui formula le premier l’existence d’une vie psychique, et
que celle-ci pouvait faire souffrir (la souffrance étant le principal indicateur qui
justifie l’intervention d’un Art-thérapeute).
En 1900, il développe une première topique qui présente l’appareil psychique en
trois parties (ou lieux psychiques) : l’inconscient, le préconscient et le conscient.
A partir de 1920, il propose une organisation de la personnalité (seconde topique)
qui fait intervenir trois instances : le Moi, le ça (pulsions instinctuelles), et le
Surmoi (les exigences socioculturelles).
Pour S. Freud, la névrose est la résultante d’une forme d’adaptation de notre vie
relationnelle régit par le Moi (donc une adaptation du Moi) aux conflits qui
opposent les exigences pulsionnelles du ça aux interdits (censure) du Surmoi.
Cette lutte génère des angoisses et de la tension. La frustration engendrée se
traduit par le symptôme qui joue un rôle de substitut et entraine un bénéfice
primaire (abaissement de la tension), et dans un deuxième temps des bénéfices
secondaires (se faire plaindre, maternage de l’entourage, etc…) pour obtenir des
avantages.
Pour opérer ce processus, le Moi utilise des mécanismes de défenses. Chaque type
de névroses correspond à un ou plusieurs mécanismes de défense dits
« spécifiques ». Compte tenu du champ d’application retenu dans ce mémoire
professionnel et du public rencontré lors des stages pratiques, nous avons choisi
de présenter ceux qui sont le plus souvent à l’œuvre et qui caractérise le public
abordé pendant la période de stage pratique.
Les mécanismes de défenses :
Le refoulement est le plus commun et le plus caractéristique de la névrose. Il
consiste à rejeter et à maintenir dans l’inconscient des pensées, des souvenirs, des
images liées à une pulsion qui n’a pu être satisfaite.
La régression consiste à un retour des modes d’expression et de comportement à
un niveau ancien de satisfaction
Le transfert est le mouvement qui consiste à attribuer à l’autre un sentiment, une
pensée, un désir.
Le déplacement est le transfert d’une représentation sur une autre, cette dernière
étant neutre en elle-même.
L’identification consiste à assimiler un attribut ou une propriété de l’autre,
pouvant aller jusqu’à se transformer sur le mode de l’autre.
L’introjection est un mécanisme dérivé de l’identification qui est proche de
l’incorporation.
La projection consiste à projeter sur l’autre des sentiments, des qualités, des désirs
que l’on refuse de voir comme les siens.
Les formations réactionnelles sont des conduites à l’inverse des affects latents.
Ex : une propreté excessive se substitue à une tendance à la saleté).
18
L’annulation rétrospective consiste à utiliser une pensée ou un comportement
inverse à ce que l’on n’a pas réussi à faire.
Le fait de bien identifier la névrose permet de mieux définir la psychose, l’une se
définissant par rapport à l’autre.
On observe 3 grandes catégories de névroses :
→ La névrose d’angoisse qui se manifeste par deux types de troubles :
le trouble panique (attaques de panique récurrentes et inattendues)
le trouble d’anxiété généralisé (personnalité anxieuse)
→ La névrose phobique : c’est une crainte angoissante déclenchée par un objet ou
une situation qui ne représentent pas objectivement un caractère dangereux.
→ L’hystérie : c’est une névrose caractérisée par l’hyper-expressivité somatique
des idées, des images et des affects inconscients qui se manifestent par des
comportements, des humeurs et des symptômes psychosomatiques permanents ou
paroxystiques. La névrose hystérique s’installe habituellement à l’adolescence ou
au début de l’âge adulte (rarement plus tard).
En résumé.
La plupart des auteurs reconnaissent une origine multifactorielle aux syndromes
névrotiques.
Sur le plan du diagnostic, la névrose implique que soient d’abord éliminées une
affection organique ainsi qu’une affection psychotique.
La dépression.
Elle accompagne souvent une autre pénalité.
L’hôpital accueille des personnes dont les formes sévères de dépression rendent la
vie sociale compliquée. Ainsi, une hospitalisation est nécessaire pour protéger la
personne et lui donner les moyens de retrouver suffisamment de ressources
internes pour retourner dans la vie sociale extérieure. Souvent, ces dépressions
chroniques sont la conséquence de maladies ou pénalités qui sont installées depuis
longtemps. Elles se manifestent par des souffrances qui se rajoutent à un tableau
clinique.
Compte tenu du cadre de prise en charge hospitalière, nous ne pourrons observer
que la forme la plus répandue en institution, la dépression névrotique.
Elle se définit par sa longueur et son absence de rémission spontanée, d’où une
hospitalisation sur du moyen et long terme, ou bien ponctuellement dans une
période d’excitation (crises cycliques).
La durée évoquée dans le DSM III R(*) pour parler de dépression névrotique est
de deux ans chez un adulte et de un an chez un adolescent. C’est ce type de
19
dépression que l’on trouve le plus souvent au sein de l’atelier d’art-thérapie de
l’hôpital de Montauban, avec une particularité : elle est souvent associée à une
personnalité pathologique de type hystérique ou état limite(1), pouvant être
aggravée par la dépendance à des médicaments (sédatifs ou tranquillisants), voir
alcool ou drogues.
La psychose.
La psychose engendre des troubles du comportement, de la relation et de
l’expression qui sont interdépendants.
Les psychoses sont de 3 ordres :
→ Chroniques, comme la paranoïa, les Psychoses Hallucinatoires Chroniques (les
PHC), et les schizophrénies,
→ Aigües, comme les bouffées délirantes (les BDA),
→ Ou bien organiques (qui apparaissent suite à des facteurs organiques bien
connus et précis)
Les mécanismes de défense de la psychose sont :
→ Le clivage
→ Le Déni
→ L’identification
→ La projection
→ L’identification à l’agresseur
Les troubles psychotiques engendrent des comportements qui peuvent parfois se
rapprocher de ceux observables chez des personnes atteintes de névroses ou dans
des formes sévères de dépression. Cependant, les souffrances ne sont pas les
mêmes et ne prennent pas leur source dans les mêmes mécanismes humains
(physiologiques, psychologiques, biologiques, etc…). Cet exposé tente d’apporter
un regard théorique qui éclaire des comportements observés dans le cadre
professionnel de l’Art-thérapie et non d’expliquer de manière exhaustive toutes
les maladies mentales. Ainsi, nous avons choisi de présenter les psychoses sous
une forme comparative avec la névrose développée ci-dessus afin d’en dégager les
principales caractéristiques observables dans le cadre d’un atelier d’Art-thérapie.
Ces caractéristiques sont mises en lien avec les souffrances pouvant être
habituellement traitées en Art-thérapie moderne.
(1)- état limite : Maladie située entre la névrose et la psychose
20
5 - L’évolution des connaissances en psychiatrie rend difficile, même
aujourd’hui, l’énumération de caractères distinctifs entre névroses et psychoses.
Définir la psychose c’est aussi savoir reconnaitre ce qui n’en est pas. C’est
pourquoi la psychose se définit souvent au regard de la névrose (et inversement).
Il m’a semblé intéressant de présenter un ensemble d’éléments distinctifs et de
repérer de quelles manières ils impactent les différents aspects de la vie sociale et
psychique d’un être humain. Ainsi, lorsque le diagnostic de psychose est écarté,
on parle souvent de névrose.
Tableau n°1 :les principaux signes distinctifs Névrose/Psychose:(Tableau Gilles Tedetti).
Eléments observables et
traitables dans le cadre
de l’Art-thérapie
Névrose
Psychose
Rapport à la réalité Reste dans la réalité
même si le rapport à
celle-ci se négocie
Rupture avec la réalité
extérieure
Communication
Réalité interprétée en
fonction de ses
expériences antérieures et
de son état émotif mais
cela reste communicable
et accessible aux autres
Déni de la réalité
extérieure au profil d’une
réalité personnelle
incommunicable
Relationnel
Pas d’expérience
incommunicable et hors
de la réalité
Interprétation de la réalité
qui situe l’individu en
dehors de toute expérience
partageable
Expression de la
souffrance
Exprime une souffrance
qui peut être
communiquée et qui ne
paraîtra pas
incompréhensible aux
autres
Soit sa souffrance
l’empêche de
communiquer avec les
autres, soit la personne
fournit des informations
inutilisables par les autres
Impact de la souffrance Cette souffrance ne
détache pas le névrosé de
la réalité
Sa souffrance l’éloigne de
la réalité
Adaptation
Négocie avec la réalité
mais ne rompt pas avec
elle
Peut partir dans des
délires avec des
explications que lui seul
semble comprendre
Aménagements
Certains aménagements
de la relation permettent
généralement à la
communication de
reprendre ou de
s’améliorer
Ces aménagements sont
souvent inefficaces avec
un psychotique
Communication
La capacité à
communiquer est
Malaise dans la relation
dû à l’étrangeté des
21
troublée mais la plupart
des informations sont
exploitables
troubles et à
l’incommunicabilité
Prise de conscience
Conscience de ses
troubles
Ignore ses troubles mais
peut avoir conscience des
effets «hors attentes
sociales » des
comportements engendrés
Relationnel
Peut demander de l’aide
en précisant la nature de
ses troubles
Ne peut pas demander de
l’aide car ignore l’origine
de son trouble.
Types de prises en
charge
Les hospitalisations sont
rares et les personnes
peuvent maintenir un lien
social, familial et
professionnel.
(sauf hystéries
somatiques chroniques,
névroses obsessionnelles,
rites phobies
Les hospitalisations sont
souvent indispensables,
périodiques et souvent de
longues durées, ce qui
engendre des blessures de
vie en plus de la pénalité
sanitaire
En résumé, des évolutions sont possibles.
Tout être humain connait dans sa vie des symptômes névrotiques. Seulement un
petit nombre les organisent de façon durable et répétée sans relation apparente
avec les évènements extérieurs. Une partie de ceux-là exprime leur souffrance et
demande de l’aide. Ce sont eux que l’on retrouve en milieu de soins hospitaliers,
soit en accueil de jour ou pour des hospitalisations de courte à moyenne durée.
Un état dépressif prédomine et l’hospitalisation engendre des blessures de vie
(perte du lien social et familial, relation intimes, carences affectives, etc…).
Le trouble névrotique rencontré en institution présente souvent un tableau poly-
symptomatique dans lequel il est difficile de retrouver les cadres classiques. Il
existe également des associations de troubles névrotiques avec des troubles
psychotiques chez un même sujet.
Certaines névroses comme l’hystérie peuvent évoluer vers un trouble psychotique.
On parle alors de psychoses hystériques.
Une amélioration des troubles psychotiques dans le traitement des schizophrénies
peuvent amener l’apparition de nouveaux troubles de type névrotique, en
particulier obsessionnels.
Certaines intoxications (alcool, drogues), certains désordres métaboliques ou lors
de troubles hormonaux, ou bien des atteintes du Système Nerveux Central,
peuvent aussi être à l’origine de troubles psychotiques aigus ou chronique.
22
En dehors de toute psychose caractérisée par les éléments cités ci-dessus et en
dehors de toute affection organique décelable (tumeur cérébrale, etc…) on peut
observer des troubles psychotiques dans ce que l’on appelle les états limites. Ils
peuvent se manifester par des délires, des troubles de l’humeur (excitation et
dépression), et sont souvent associés à des carences affectives et sensorielles.
Quels que soient les troubles engendrés par les différentes expressions de la
maladie psychique, les souffrances induites expriment d’une manière consciente
ou inconsciente, un besoin d’exister, d’être au monde et d’établir une relation avec
son environnement.
Par contre coup, la difficulté à établir des relations adaptées à son environnement
pénalise la capacité à ressentir du plaisir, ce qui affecte la saveur existentielle(*).
6 – L’être humain est mû par un certain nombre de besoins dont celui d’exister.
La capacité à éprouver du plaisir peut être affectée par un mauvais traitement des
perceptions et des ressentis qui engendre une mauvaise adaptation à son
environnement. En effet, l’adaptation à son environnement s’établit par
l’intermédiaire de l’ensemble de ses facultés réceptives: l’odorat, la vue, le
toucher, l’audition et le goût, qui peut être perturbé à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, une mauvaise adaptation à l’environnement peut provenir d’une
déficience des captations sensorielles (par les 5 sens ci-dessus) qui transmettent de
mauvaises informations. Ensuite, d’un mauvais acheminement des informations
par le système nerveux périphérique, autonome et central. Enfin, d’un mauvais
traitement cérébral (traitement archaïque dans le tronc cérébral et traitement
sophistiqué dans le cortex (substances grises), qui engendre un traitement cognitif
erroné des informations perçues.
Tout ce processus permet à l’être humain d’établir une relation avec son
Environnement et de s’adapter en permanence aux variations qui apparaissent.
Cette adaptation à son environnement est essentielle à la vie car elle rend possible
cette relation entre un « intérieur » ressenti propre à l’individu et un « extérieur »
partie visible et partageable.
Ce processus influence le rapport entre le ressenti et le représenté et permet à
chacun d’adapter son monde intime aux exigences de son environnement. Cet
ajustement sur le plan physiologique, mental et social, permet de maintenir un
équilibre indispensable à la vie. Cet équilibre est appelé homéostasie sur le plan
physiologique, ou esthésie au niveau de l’esprit. Ces équilibres constituent les
premiers besoins fondamentaux de la vie humaine, et de la vie dans son principe
en général. Ils permettent à la vie de se déployer et engendrent d’autres besoins
spécifiques à la condition humaine.
23
Ces besoins spécifiques à l’être humain sont définis par plusieurs auteurs.
Abraham Maslow(1) a défini un ensemble de besoins propres à l’être humain en
les présentant sous forme de pyramide pour expliquer qu’il y a des besoins
fondamentaux sur lesquels il est nécessaire de s’appuyer pour satisfaire d’autres
besoins.
Voici la représentation graphique des besoins selon A. MASLOW(2):
Besoins de réalisation : de se sentir utile et reconnu, d’Estime de soi
d’épanouissement, de développement, de réalisation de Soi
Besoin de valorisation : Se sentir aimé, compris, valorisé
Considéré, écouté, respecté.
Besoins d’appartenance : d’identité collective, de se sentir
appartenir à une communauté, se reconnaitre dans un groupe
Besoins de sécurité : de protection, d’être rassuré (Schéma N°1)
Besoins Physiologiques : Relatifs au maintien de la vie, Manger, boire, dormir, se reproduire.
Rosette Poletti (3) s’inscrit dans la lignée du courant humaniste comme Maslow.
Elle reprend sa pyramide et y rajoute le besoin de propriété et distingue dans le
besoin d’estime, le besoin d’estime de Soi et le besoin d’estime de la part des
autres. Schéma N°2 : les besoins selon Rosette Poletti :
Besoins de se réaliser
Besoins d’estime de Soi
Besoins d’estime de la part des autres
Besoins d'appartenance
Besoins de propreté
Besoins de sécurité
Besoins physiologiques de base (Schéma N°2)
(1)- Abraham Harold Maslow, né le 1ᵉʳ avril 1908 à New York et mort le 8 juin 1970 à Menlo
Park en Californie, est un célèbre psychologue américain considéré comme le père de l'approche
humaniste.
(2)- MASLOW, A. H., The farther reaches of human nature. Viking Press, New York, 1971.
(3)- Rosette Poletti, née en 1938 à Payerne, est une infirmière suisse en soin généraux et en
psychiatrie, formatrice en soins infirmiers et Sciences de l'Education. Elle est également
psychothérapeute.
Niveau 1 : Besoins physiologiques
Niveau 2 : Besoins de sécurité
Niveau 3 : Besoins d’appartenance
Niveau 4 : Besoins de
valorisation , d’estime de Soi
Besoins de
réalisation
Niveau 5
Niveau 1 : Besoins physiologiques
Niveau 2 : Besoins de sécurité
Niveau 4 : Besoins d’appartenance
Niveau 6 : Besoins d’estime de Soi
Besoins de
réalisation
Niveau 3 : Besoins de propriété
Niveau 5 : Besoins d’estime des autres
24
Selon le modèle de Virginia Henderson(1), les besoins fondamentaux de l'être
humain peuvent être classés selon une liste ordonnée que les professionnels de
santé peuvent utiliser lors des soins, et notamment des soins infirmiers.
Cette vision schématique du fonctionnement et des besoins humains est un guide
pour le soignant qui est toujours opérationnel en milieu hospitalier. Si l’on
considère que pratiquement tous les Arts-thérapeutes qui exercent à l’hôpital
psychiatrique de Montauban sont à l’origine de formation infirmier psychiatrique,
il semble important d’y faire référence dans la présentation de l’approche globale
des besoins.
Cette grille de quatorze besoins est utilisée en psychiatrie, où les patients ne sont
pas forcément demandeur de soins. Il convient donc de l’utiliser en l’adaptant aux
patients rencontrés (comme le voulait Virginia Henderson).
1 : Besoin de respirer ; 2 : Besoin de boire et de manger ; 3 : Besoin d’éliminer
4 : Besoin de se mouvoir et de maintenir une bonne posture
5 : Besoin de dormir et de se reposer ; 6 : Besoin de se vêtir et de se dévêtir
7 : Besoin de maintenir la température corporelle du corps dans les limites
normales ; 8 : Besoin d’être propre, soigner et protéger ses téguments
9 : Besoin d’éviter les dangers ; 10 : Besoin de communiquer
11 : Besoin d’agir selon ses croyances et ses valeurs ; 12 : Besoin de s’occuper en
vue de se réaliser ; 13 : Besoin de se recréer ; 14 : Besoin d’apprendre
Les besoins engendrent des tensions qui rompent l’homéostasie et poussent l’être
humain à rechercher des solutions pour satisfaire ses besoins et rétablir l’équilibre.
Ce retour à l’équilibre libère les tensions provoquées par les besoins qui n’étaient
pas satisfaits et cela procure du plaisir. Ce plaisir est issu de ce savoir inné qui
consiste à rechercher un équilibre pour maintenir la vie. C’est donc un savoir
existentiel et le plaisir qu’il procure une saveur agréable. A l’inverse, lorsque le
besoin n’est pas satisfait, la saveur existentielle devient désagréable.
Ce rapport entre savoir et saveur participe à la valeur que l’on attribue à
l’existence (à son goût positif ou négatif). Cette faculté, génératrice d’un goût qui
peut être agréable ou désagréable, conditionne aussi la valeur que l’on s’attribue à
soi-même.
C’est également grâce à ces recherches de solutions que les êtres humains
explorent leur environnement, engrangent des connaissances, éprouvent du plaisir
ou déplaisir qui les pousse à s’adapter, à s’autoréguler, à s’affirmer. De cette
façon, l’être humain est poussé à faire des choix et devient autonome.
(1)- Virginia Henderson (1897-1996), est une infirmière américaine qui a travaillé en pédiatrie,
en psychiatrie et dans le domaine de la recherche.
25
Nous voyons bien que, parmi l’ensemble des besoins énoncés par A. Maslow,
Virginia Andersen et R. Poletti, le besoin d’estime de Soi (par soi-même ou/et par
les autres) est un besoin essentiel à l’existence humaine, et que s’il y a un besoin
qui dépasse la nécessité de vivre, c’est bien le besoin d’exister (à ses yeux et aux
yeux des autres).
7 - La capacité à éprouver du plaisir permet l’engagement et l’implication du
corps et de l’esprit car elle nourrit la saveur existentielle.
Nous avons vu que le corps reçoit et transmet des informations sensorielles. Il
perçoit des stimulis de son environnement dans une phase d’impression, et il
réagit en mobilisant sa structure corporelle dans une phase d’expression. Dans
chaque mouvement que suscite cet échange d’informations, le corps s’implique et
permet une autorégulation des capacités sensorielles par un phénomène
d’appétence.
Ainsi, si l’expérience sensorielle est gratifiante, la capacité à éprouver du plaisir
se renforcera et donnera un élan corporel plus significatif. Cette gratification
sensorielle va également nourrir la saveur existentielle(1) par le rapport
saveur/savoir qui viendra témoigner que la vie peut avoir un goût et que ce goût
peut être bon.
Ce savoir sur la saveur va agir sur l’estime de Soi car il influence la capacité à
attribuer une valeur à la vie et à soi-même. Cela permet de ressentir du plaisir à
vivre et à être.
8 - La saveur existentielle(1) agit sur l’estime de Soi car elle améliore la
considération que l’on se porte.
Différentes approches du concept de l’estime de Soi sont abordées par plusieurs
auteurs.
André et Lelord(2) proposent de concevoir l’estime de soi comme l’interaction de
trois composantes, l’amour de soi*, la confiance en soi* et la vision de soi* – cf.
tableau n°2 ci-dessous.
(1)- La saveur existentielle, c’est le fait de savoir que la vie a un goût et que ce goût peut être bon.
Si je sais que ce goût peut être bon, c’est que je l’ai déjà perçu au moins une fois. Il fait partie de
ma mémoire sensorielle, corporelle, structurelle. La recherche d’une saveur existentielle positive
est donc toujours une recherche de ce que je sais, et tout ce que je pourrais percevoir est donc du
Re-senti (du déjà senti). Ce ressenti est possible grâce à des perceptions sensorielles qui font
naître des émotions.
(2)- Christophe ANDRE et François LELORD, « L’Estime de soi », édition Odile Jacob,
septembre 2008
26
François FANGET(1) identifie trois facteurs qui sont l’estime de Soi*, la
confiance en Soi et l’affirmation de Soi*.
Hélène BENHART et Christine MILLOT(2) parlent d’Amour de Soi, de
Confiance en Soi et d’Affirmation de Soi. C’est ce modèle que je retiendrai pour
mon travail clinique car l’affirmation de Soi est une composante qui me parait
intéressante pour observer les conséquences d’une évolution de la confiance en
soi et de l’amour de soi dans l’engagement vers les autres, autrement dit sur le
renforcement des capacités relationnelles.
C’est en effet ce que je souhaite observer dans la partie évaluation de mes
expériences cliniques compte tenu de la problématique retenue.
Voici ce que j’ai choisi de retenir des trois approches citées ci-dessus, en y
précisant les définitions et fonctions des composantes de l’Estime de Soi:
Tableau N°2 : Les composantes de l’Estime de Soi
CONCEPT COMPOSANTES Définitions Fonctions
Confiance en soi Croire en ses capacités à agir efficacement
Permet d’entreprendre des choses, de se lancer dans une production, d’accepter de se tromper et de recommencer pour améliorer sa technique.
Amour de soi
Aptitude à s’aimer, indépendamment de nos performances et réussites, de façon inconditionnelle.
Favorise la stabilité affective. Rapport affectif à soi
Vision de soi (3) Regard évaluatif et affectif que l’on porte sur soi, sur ses qualités, défauts, limites et potentialités.
Evaluation de Soi, L’idée que l’on se fait de soi
Affirmation de soi
Elle concerne les compétences relationnelles de l’individu et vise à l’expression de ses propres émotions, idées, désirs ou besoins.
Favorise l’expression. Le rapport aux autres, les compétences relationnelles
(1)- FANGET F., & ROUCHOUSE B., L'Affirmation de soi, une méthode de thérapie,
Odile Jacob, Paris, 2007.
(2)- Bernhard, H., et Millot, C. L’apport spécifique de l’auto-évaluation par le cube harmonique
dans la restauration de l’estime de soi. In Forestier, R. L’évaluation en art-thérapie, Actes du
Congrès international d’art-thérapie, 2006.
(3)-Il est à noter que la « Vision de Soi » selon André et Lelord concerne « son propre regard
critique », p.17, ce qui est déjà un effet de l’Affirmation de Soi, l’autocritique étant une affirmation
de son point de vue sur soi.
ESTI
ME
de
SO
I
27
L’ensemble des auteurs s’accordent à dire que toutes les composantes de l’estime
de soi sont en interaction et qu’elles s’influencent mutuellement.
Grâce au schéma ci-dessous, je voudrais représenter cette dynamique, ainsi que
les raisons pour lesquelles je pense que les trois composantes que j’ai retenues
sont intéressantes pour le travail clinique à mettre en place:
Schéma N°3 : Les trois composantes de l’Estime de Soi
Pour notre approche clinique, nous retiendrons le modèle de Hélène BENHART
et Christine MILLOT qui parlent d’Amour de Soi, de Confiance en Soi et
d’Affirmation de Soi. Ces trois composantes sont interdépendantes mais l’Amour
de Soi influence particulièrement le ressenti positif ou négatif de notre existence.
Elle conditionne la qualité subjective d’un rapport affectif à soi-même.
Ce rapport affectif repose sur la cohérence entre les ressentis et la représentation
que l’on s’en fait.
9 - Le manque de cohérence entre les ressentis et les représentations augmente
l’anxiété et affecte l’Amour de Soi.
Les conséquences engendrées par la psychose s’observent souvent par un
comportement décalé par rapport à la réalité et des relations sociales compliquées
qui renvoient à une expérience négative et dévalorisante pour la personne.
La psychose est une maladie qui affecte la qualité de vie du patient en diminuant
ses capacités de projection, son estime de Soi, et augmente son anxiété.
Estime de
Soi
Amour
de Soi
Affirmation
de Soi
Confiance
en Soi
Vision de Soi
La confiance en soi a
besoin d’actes pour se développer et se
maintenir. Elle conforte
ainsi un savoir-faire et
nourrit la fierté
Développe les
capacités
relationnelles et
affirme un savoir-être
Témoigne du rapport saveur/savoir, et
rend compte de la capacité à
s’attribuer une valeur positive. Cela
nourrit l’espoir
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La prise de conscience de comportements inadaptés développe chez le patient un
sentiment d’existence peu valorisant. Il s’en suit une baisse sensible de l’amour de
Soi qui a des répercussions sur la confiance et l’affirmation de Soi.
La prise d’un traitement à base de psychotropes engendre souvent une
perturbation des capacités sensorielles, et lorsque les ressentis ont du mal à
trouver du sens dans le représenté, la diminution de l’amour de Soi ne permet plus
une structuration corporelle suffisante pour donner de l’élan corporel pour
entreprendre une production, qu’elle soit artistique ou sociale.
La psychose est donc une pénalité qui affecte les capacités de projection, par un
manque d’estime de Soi, et une altération du savoir ressentir.
Elle affecte la pleine conscience de ses actes et peut modifier l’expérience
concrète de son existence. La saveur existentielle en est directement affectée.
10 - La saveur existentielle nourrit l’Amour de Soi qui permet l’engagement du
corps et de l’esprit dans une production artistique ou relationnelle.
Lorsque la maladie est installée, elle entraine une situation d’handicap et un
besoin de redonner du sens à sa vie.
Ces troubles affectent très souvent les capacités sensorielles et l’élan moteur qui
permet au corps de se structurer et d’aller vers les autres. Les capacités
d’impression et d’expression sont diminuées et la qualité de vie est affectée. La
pratique de l’Art peut stimuler des mécanismes humains afin d’améliorer la
saveur existentielle et atténuer les souffrances engendrées par la maladie.
B – L’Art est une activité humaine qui donne du sens à la vie
La pratique de l’Art ou la contemplation d’une œuvre peut procurer du plaisir et le
plaisir donne du sens à la vie. L’Art est une activité humaine orientée vers
l’esthétique.
1- L’être humain se définit par trois entités : une entité physique, une entité
psychique et une entité sociale.
L’être humain (E.H.) possède des facultés innées communes à tous les individus
qui lui permettent d’interagir avec son environnement. Ces facultés constituent
l’identité humaine. Elles vont plus ou moins se développer pour différencier
chaque individu selon ses propres capacités. Ainsi, un individu possède des
facultés humaines qui lui donnent la possibilité de capter son environnement par
ses capacités sensorielles basées sur ses facultés d’entendre, de voir, de toucher,
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de respirer, etc… ex : la faculté de marcher donne la capacité de courir. Le fait de
courir plus ou moins vite est une potentialité que développe chaque individu et
contribue à donner son caractère unique à chacun.
L’évolution des capacités d’un être humain (EH) confrontée à son Environnement
familial, culturel, spirituel, éducatif, va permettre d’affirmer sa personnalité. C’est
cette personnalité qui va avoir un impact sur l’expression, la communication et la
relation aux autres.
On considère que 80% de ces capacités relèvent de l’acquis. Elles peuvent donc
augmenter en fonction des expériences, ou baisser, notamment lorsqu’une pénalité
vient affecter les capacités sensorielles, c’est-à-dire entraver la captation ou la
perception de son environnement.
Dans le cas de personne psychotique, certains traitements peuvent altérer la
captation (modification de la composition chimique qui modifie le
fonctionnement des neurotransmetteurs).
Une mauvaise perception peut influencer des ressentis et affecter la saveur
existentielle, entraînant par la suite un traitement cognitif compliqué. Ce
traitement compliqué, voir incohérents par rapport aux réalités extérieures,
structure le corps de manière inadapté et crée le trouble du comportement observé
chez les personnes psychotiques.
Il est important de comprendre le parcours « neurologique » d’un stimuli extérieur
jusqu’à l’action (c’est-à-dire le chemin du stimuli, capteurs sensoriels, système
nerveux central, tronc cérébral, neurotransmetteurs, système nerveux
périphérique, perception dans le cortex, commande motrice, jusqu’à l’action), car
cela permet de comprendre comment l’Art peut impacter les mécanismes humains
et conduire vers le bien-être.
Le bien-être est un équilibre entre un état physique, psychique et social
satisfaisant. Cette définition rejoint l’état de bonne santé définit par l’OMS pour
qualifier de plus ou moins bonne la qualité de la vie.
2- L’Art se définit différemment selon les époques, le regard que l’on porte sur
lui et la fonction qu’on lui assigne.
L’Art étant une activité propre à l’être humain, il n’a cessé d’évoluer avec
l’évolution de l’histoire des Hommes.
De l’impression à l’expression, de l’artisanat à l’Art, de l’utilitaire à l’esthétique,
de l’utile à l’agréable, du savoir-faire au savoir-ressentir, l’évolution de l’Art à
travers les différentes époques de l’histoire de l’humanité montre que l’Art est une
activité humaine orientée vers l’esthétique (la science du beau et du sensible).
Le mot esthétique est dérivé du grec « aisthesis » signifiant « beauté/sensation».
L'esthétique définit étymologiquement la science du sensible.
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Ce sens est présent, par exemple, dans la « Critique de la Raison pure » de Kant
(1) où l'esthétique est l'étude de la sensibilité ou des sens. Mais l'usage a donné au
mot une autre signification qui est sans rapport à l'étymologie lorsque l'esthétique
désigne la science du beau ou la philosophie de l'art.
Dans le langage courant, l'adjectif « esthétique » se rapproche de « beau ».
Comme nom, « esthétique » est une notion désignant l'ensemble des
caractéristiques qui déterminent l'apparence d'une chose.
Sur le plan philosophique, elle correspond ainsi au domaine désigné jusqu'au
XVIIIe siècle par « science du beau » selon Hegel(2) ou « critique du goût »(3) selon
Kant, et devient depuis le XIXe siècle la philosophie de l'art.
L'esthétique est une discipline de la philosophie « ayant pour objet les perceptions, les
sens, le beau (dans la nature ou l'art) »(4).
Elle se rapporte, par exemple, aux émotions provoquées par une œuvre d'art (ou certains
gestes, attitudes, choses), aux jugements d’une œuvre, à une expression artistique,
littéraire, poétique, etc., à ce qui pourrait se définir comme beau par opposition à l'utile
et au fonctionnel. Elle se rapproche donc de ce qui est agréable mais pas forcément utile.
Il faut comprendre cette approche dans un contexte de changement de point de vue qui
s’opère sur la conception de la beauté au 18ème
siècle (voir les 2 paragraphes suivants).
C'est le philosophe allemand Alexander Gottlieb Baumgarten qui introduit au
XVIIIe siècle le néologisme « esthétique » et lui donna son acception moderne avec la
publication du premier volume de son Aesthetica, en 1750 (5).
Baumgarten considère le beau comme une perception confuse ou un sentiment et de ce
fait comme une forme inférieure de connaissance, d'où l'usage du terme esthétique (6).
(1)- La « Critique de la Raison pure », publiée en 1781, chez Flammarion; Édition : 3e édition revue et
corrigée, août 2006. Kant est un philosophe allemand, fondateur du criticisme et de la doctrine dite «
idéalisme transcendantal ». Né le 22 avril 1724 à Königsberg, capitale de la Prusse-Orientale, il y est mort
le 12 février 1804.
(2)- « L’esthétique », ouvrage qui présente une série de cours sur l’Art donnés par Hegel à l’université de
Heidelberg puis de Berlin entre 1818 et 1829. Hegel est un philosophe allemand du 19ème siècle (1770-
1831). Il naît à Stuttgart et est élève au séminaire de Tübingen. Il devient précepteur à Berne, Francfort
puis enseigne à l’université de Iéna.
(3)- « Critique de la faculté de juger » de Kant, traduction et mise à jour par Alain Renaut, Flammarion
2015. Emmanuel
(4)-fr.wikipedia.org · Texte sous licence CC-BY-SA.
(5)- « Esthétique » (248 pages) de Alexander Gottlieb Baumgarten, par Jean-Yves Pranchère, édition
Herne, avril 1988.
(6)- « Esthétique », vol. 1, trad. fr. J.-Y. Pranchère, p. 121.
31
Dans l'ouvrage Méditations philosophiques(1), (1735), Baumgarten définit
l'esthétique comme « la science du mode de connaissance et d'exposition
sensible », puis dans Æsthetica (1750) : « L'esthétique est la science de la
connaissance sensible ».
Dans la langue anglaise, l'esthétique définissait généralement comme « critique
d'art » (critic of art). Cette vision tend à restreindre la portée de l’esthétique à une
seule philosophie de l'art.
Dans la langue française, ce champ d'étude était généralement désigné avant le
XIXe siècle, comme « théorie des arts » ou « critique du goût ».
Le mot « esthétique » entre dans la langue française à la fin du XVIIIe siècle et
dans le Dictionnaire de l'Académie française en 1835 seulement. Sa première
apparition dans un dictionnaire philosophique est due à Charles Magloire Bénard
(le traducteur français de Hegel(2) ) en 1845(3). Le nom désigne "la science du
beau" et la "philosophie des beaux-arts".
Pour nos contemporains, il est admis que l’esthétique est une notion liée au
jugement de la beauté par la sensibilité humaine et qu’elle se réfère à l’Art.
Pour Michel Blay, l'esthétique est « la théorie, non de la beauté elle-même, mais
du jugement qui prétend évaluer avec justesse la beauté, comme la laideur »(4).
Pour Edgar Morin, « l’esthétique, avant d’être le caractère propre de l’Art, est
une donnée fondamentale de la sensibilité humaine »(5). Il associe l’esthétique à
l’Art, au sentiment de plaisir pouvant conduire au bonheur. Pour lui, chacun
éprouve à sa manière, à travers ses sens, une « émotion esthétique » qui débouche
sur un « sentiment esthétique » profondément humain. Il dit que « tout ce qui est
esthétique est un élément intégré et intégrant de la part poétique de la vie » p.12.
Ainsi, nous voyons bien que, selon les langues, les époques et les cultures, le
terme « esthétique » prend une signification différente, surtout à la suite des
différentes influences philosophiques (celles de Kant et de Hegel notamment).
(1)- « Méditations philosophiques sur quelques aspects de l'essence du poème » (Meditationes
philosophicae de nonnullis ad poema pertinentibus ), Alexander Gottlieb Baumgarten, 1735.
(2)- Hegel, Georg Wilhelm Friedrich Hegel, est un philosophe allemand du 19ème siècle, né en
1770 à Stuttgart et mort en 1831 à Berlin. Il définit l'esthétique comme la science du Beau, et
particulièrement du beau produit par l'Art.
(3)- C.M. Bénard, art. "Esthétique", p. 480
(4)- Michel Blay, Dictionnaire des concepts philosophiques, Larousse, CNRS éditions, 2006,
p. 50-53. Michel Blay, né le 13 mai 1948 à Paris, est directeur de recherche au CNRS, philosophe
et historien des sciences.
(5)- Edgar Morin, « Sur l’esthétique », p. 11, édition Robert Laffont, Paris novembre 2016.
32
Aujourd’hui, quels que soit le courant philosophique, la culture ou la langue dans
laquelle on aborde le mot « esthétique », il est généralement associé aux
perceptions sensorielles pour appréhender le beau, aux émotions (« esthétiques »)
et aux jugements liés à nos perceptions. Enfin, il est communément admis que
l’esthétique concerne l'Art sous toutes ses formes (musique, peinture, sculpture,
poésie, etc…).
L’Art est un moyen d’expression privilégié de l’être humain, il engage le corps
dans la relation et le rapport au monde. Pour cela il mobilise des capacités
humaines à travers des phénomènes d’impression, d’intention, d’action et
d’expression.
L’impression, c’est l’ensemble des facultés perceptives de l’être humain pour
capter les stimulis issus de son environnement. L’intention procède d’une volonté
humaine orientée ou non vers l’esthétique. L’action qui matérialise la phase
d’expression, peut s’orienter vers un idéal esthétique, une recherche d’un
sentiment de beauté, cette expression est alors qualifiée d’artistique.
Mais à travers l’histoire de l’homme et des arts, la conception de la beauté n’a pas
toujours été reliée au sentiment de subjectivité.
Ainsi, jusqu’à la renaissance, la beauté était forcément liée au divin créateur de la
nature, et rien ne pouvait être plus beau que la création divine (la nature). Les
peintres, sculpteurs, etc… ne pouvaient être, au mieux, que des reproducteurs de
cette nature. Les artisans qui maîtrisaient leurs « ars » exerçaient une fonction qui
nécessitait principalement un savoir-faire, et non obligatoirement un savoir-être
ou un savoir-ressentir. L’intention devait s’en tenir à des attentes fonctionnelles et
non traduire des perceptions et impressions de l’artisan. Ce n’est qu’à partir du
16ème
siècle que l’artisan commencera à être considéré comme un sujet pouvant
exprimer sa subjectivité à travers ses productions. C’est le commencement d’une
évolution vers un statut d’artiste au sens moderne du terme.
3 - Le passage de l’utile à l’agréable permet à l’artisan de devenir artiste.
Jusqu’au début du 16ème
siècle, les productions des artisans été considérées
comme des objets issus d’un savoir-faire obéissant à des techniques précises et
devant répondre à des objectifs utilitaires. La notion de plaisir et de beauté
n’intervenait pas dans la réalisation des ouvrages.
La notion d’artiste se construira à travers cette idée que la production, dégagée de
l’impératif utilitaire, pourra se tournée vers une intention esthétique, c’est-à-dire
une beauté subjective que l’artisan choisira d’exprimer à partir de ses propres
ressentis, c’est-à-dire de sa propre subjectivité.
Désormais engagé dans ce processus, l’artisan peut aussi devenir artiste et son art
contribuer à l’Art. Mais l’artisanat persiste grâce à la transmission de savoirs-faire
à travers les siècles. Si l’artisan ne devient pas forcément un artiste, son travail
contribue au développement des métiers artistiques et nourrit l’idéal esthétique de
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ceux qui s’engage dans des productions artistiques. Le passage de l’art à l’Art
c’est en quelque sorte l’entrée de l’artisanat dans le monde de l’Art, il permet à
l’artisan d’accéder au statut d’artiste, et à certains métiers traditionnels de devenir
des métiers d’art.
Ainsi, l’artisan devenant Artiste permet aussi à l’objet de changer de statut en
passant de l’utile à l’agréable. Ce faisant, l’artiste se situe entre l’esthète et le
besogneux. Sa première qualité est de savoir mettre en relation le fond et la forme,
de se jouer de l’utile pour rejoindre l’agréable. Si l’utile peut devenir agréable,
l’agréable n’est pas forcément utile. Cependant, il est essentiel.
L’agréable provenant d’une activité artistique, qu’elle soit contemplative ou
créative d’une œuvre, amène du plaisir et du bien-être qui nourrissent la saveur
existentielle.
La pratique et (ou) la contemplation de l’Art peuvent amener ces sentiments, mais
ils peuvent aussi faire émerger des ressentis négatifs et provoquer des
perturbations. Ainsi, on peut affirmer que l’Art a un impact sur les activités
humaines (et inversement), même si elles ne sont pas toujours vécues comme
positives.
4 - Les arts plastiques témoignent du passage de l’art à l’Art car ils traduisent
l’expression de la subjectivité de l’individu et son intention esthétique.
Les arts plastiques permettent l’expression des ressentis, des émotions, des
sentiments, des idées, des intentions, car ils rendent visible le domaine intérieur et
subjectif (phase d’impression) en accompagnant cette subjectivité vers l’extérieur
(phase d’expression). C’est pour cela que nous pouvons dire que les arts
plastiques permettent l’expression de la subjectivité.
Le savoir-faire de l’artisan apporte la maîtrise technique nécessaire pour croire en
ses capacités à agir efficacement, cela renforce la confiance en soi, donne l’envie
de recommencer et nourrit la fierté, les compétences et l’imagination.
Cette imagination alimente l’intention esthétique qui peut alors naître dans un élan
corporel (ex : contemplation) ou dans une production artistique qui rend visible
cette intention.
Du moment où l’art se dégage de son obligation d’utilité pour exprimer de la
subjectivité, de l’intention esthétique, il devient de l’Art.
5 – Pour exprimer des ressentis et matérialiser des intentions, la pratique des
arts plastiques permet d’éprouver des sensations dans l’Art1 et d’expérimenter
des techniques dans l’Art2.
En fonction de ses dispositions, de l’environnement, de la matière choisie ou de la
technique utilisée, le pratiquant d’activités artistiques peut rester dans une phase
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d’impression où les ressentis sont prédominants et peuvent amener des
gratifications sensorielles, on appelle cette « étape » de l’Art1. Ou bien il se laisse
porter par une intention esthétique et on appelle cela de l’Art2.
C’est dans l’Art2 que le savoir-faire (la technique) entre en jeu et permet à
l’artiste de témoigner de son intention esthétique. Dans la pratique, ces phases se
succèdent et s’enchaînent au grès de la production, de la technique employée, des
matériaux utilisés, de l’humeur…
Cette alternance est nommée « dynamique Art1 / Art2 ».
6 - La dynamique Art1/Art2 mobilise les pouvoirs de l’Art et favorise
l’expression des ressentis, des envies, des désirs, des souffrances, des émotions,
dans un engagement corporel.
La dynamique Art1/Art2 est souvent soumise au contexte et à la nature des
matériaux utilisés et elle contribue à renforcer les pouvoirs d’engagement
(entrainement), d’éducation (connaissances et savoir-faire), ainsi que les pouvoirs
relationnels de l’Art.
Le pouvoir relationnel et social de l’Art a été augmenté par le développement des
musées.
L’affirmation de la place de sujet de l’artiste, c’est-à-dire de sa subjectivité, va de
pair avec le développement des lieux d’exposition. Ainsi, la notion de musée ne
s’est développée qu’à partir du 19ème
siècle. Auparavant, il n’existait que des
collections particulières détenues par des familles aristocratiques qui n’étaient
nullement destinées à être montrées au grand public. Ce sont les collections
privées que l’on peut retrouver, par exemple, à Florence dans la famille des De
Médicis.
Au 18ème
siècle, l’évolution des arts et de la notion de beauté ont donné naissance
à la notion de beaux-arts, laissant supposer qu’il pouvait exister des arts moins
beaux que d’autres en fonction de critères établis à l’époque.
7 - L’Art comme expression humaine orientée vers l’esthétisme va influencer la
médecine et particulièrement le secteur de la psychiatrie.
Mais nous voyons bien que, selon l’époque durant laquelle on regarde une œuvre,
les conceptions de la beauté, de l’Art, et de la fonction de l’Art, varient.
L’expression de la subjectivité de l’artiste rend compte de son vécu intime. Aussi,
la capacité de l’Art à favoriser l’expression des ressentis, des envies, des désirs,
des souffrances, des émotions, etc…, a sans doute incité la médecine et
particulièrement la psychiatrie à utiliser l’expression artistique dans une
perspective catharsique et thérapeutique dès la fin du 19ème
siècle.
35
Ainsi, entre 1919 et 1921, Hans Prinszhorn(1) réunit plus de 5000 travaux
exécutés par environ 450 malades souffrant de maladies psychiatriques. Cela fera
date dans le monde de l’Art au début du 20ème
siècle sous l’appellation de « l’art
des fous » qui deviendra « l’Art brut » en 1945, sous l’influence du peintre Jean
Dubuffet(2) qui explorera l’univers de l’hôpital psychiatrique afin de constituer
une collection impressionnante d’œuvres d’art.
J. Dubuffet crée en 1949 la « Compagnie de l’art brut ». Dans sa démarche,
Dubuffet essayait d’extraire l’Art de la culture en soutenant que l’Art n’appartient
pas aux artistes. Il recherchait des productions « spontanées » des personnes « non
artistes ». Il rechercha des œuvres provenant de malades mentaux car il pensait
que « l’artiste fou » crée pour lui-même en dehors de toute culture.
La Compagnie de l’art brut recherchait des personnes qui sortaient des
conventions et des habitudes reçues en matière de production artistique. J.
Dubuffet n’a jamais cherché à définir ce qu’était l’Art brut. Il disait d’ailleurs
dans Prospectus et tous les écrits suivants (3) : « L’Art brut, c’est l’Art brut…
Formuler ce qu’il est cet Art Brut, sûr que ce n’est pas mon affaire. Définir une
chose (et déjà l’isoler), c’est l’abîmer beaucoup. C’est la tuer presque. Il y a des
choses dans la continuité ».
(1)- Hans Prinzhorn est né à Hemer en Westphalie le 6 juin 1886. Il a étudié l’histoire de l’art et
la philosophie à l’Université de Vienne. Il a été un précurseur de ce que l’on nomme encore
aujourd’hui l’Art brut. Ses travaux, cristallisés dans son livre Expressions de la Folie (Bildnerei
der Geisteskranken -1922), bouleversèrent le regard des artistes et de la société sur l’ « art des
fous » au XXe siècle.
(2)- Jean DUBUFFET est un peintre et un sculpteur connu pour être le fondateur du mouvement
de l’art brut. Il est fasciné par l’art des non-initiés, ceux pour qui n’ont pas de références
culturelles et artistiques. Né Jean Philippe Arthur Dubuffet le 31 juillet 1901 au Havre. Il forme la
Compagnie de l’Art Brut (1948 – 1951, restaurée en 1962) avec André Breton, Slavko Kopac,
entre autres. Il meurt le 12 mai 1985 à Paris à l’âge de 83 ans. La Fondation Jean Dubuffet, créée
en 1973 dans le Val-de-Marne, continue de présenter ses œuvres.
(3)- J. DUBUFFET, Prospectus et tous les écrits suivants, édition Gallimard, 1946
36
8 – La pratique des arts plastiques agit directement sur l’estime de Soi car elle
favorise l’expérimentation de ressentis et engage le pratiquant dans un savoir-
faire qui nourrit la confiance en Soi et permet l’affirmation d’un style et d’un
goût personnel.
Les arts plastiques, c’est l’Art de mettre en lien un fond et une forme dans la
production d’un volume, dans une démarche esthétique.
Les arts plastiques développent des savoir-faire qui confortent la confiance en Soi
et favorise l’engagement personnel. Ainsi, un style et un goût personnel peuvent
s’affirmer.
8 -1- Le dessin et la peinture permettent d’exprimer des ressentis, de faire des
choix et de reprendre confiance en ses capacités.
Le Dessin permet de représenter le monde (en trois dimensions) sur un support de
deux dimensions. Par le jeu des ombres et lumière, avec l’utilisation de la
perspective, la troisième dimension apparait.
Le dessin peut être modifié, accentué ou gommé, ou bien nuancé (par la gomme
ou par le frottement d’un doigt). Il peut représenter un objet contemplé ou
imaginé. Il fait appel à une motricité fine : tenir dans sa main, entre 2 ou trois
doigts, faire appel à une pression plus ou moins importante et découvrir des
sensations particulières au niveau de la peau, de la vue, du son. Que l’on utilise
une ou plusieurs couleurs, le dessin nous ramène à nos plus profondes origines où
la terre, le charbon de bois ou l’ocre, étaient utilisés pour matérialiser sur les murs
d’une grotte les scènes de la vie humaine. L’Art est profondément ancré dans
l’existence humaine, et un trait sur une feuille, quel que soit sa forme ou sa
couleur, c’est déjà une trace d’une existence, la sienne.
La peinture permet d’aborder la dimension des formes et des couleurs, mais aussi
celle des absences, des dédoublements, des ressentis.
Les couleurs mobilisent la vision, le choix, l’expression du goût, l’utilisation de
différentes techniques et textures et matériaux différents comme le pastel, la craie.
Par exemple, les craies écrasées peuvent être traitées avec les doigts et ainsi
mobiliser le toucher, l’odeur, l’ouïe (bruits de crissements, frottements)
On peut aussi souffler des pigments avec une paille pour produire certains effets
(bruit, odeur, effets visuels).
Quelle que soit la technique employée et l’intention esthétique qui la sous-tend,
l’Art est un mouvement d’expression de la qualité humaine, des sentiments de
l’être humain, de ses pensées, de ses aspirations, de ses désirs, de ses besoins, de
ses origines et de son besoin d’exister. A travers l’acte de création, l’être humain
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mobilise pleinement ses sens, cela lui donne des repères dans sa vie quotidienne et
du contrôle sur sa condition humaine. Ainsi, par la pratique de l’Art, il s’implique
pleinement dans son existence.
8-2- La sculpture papier permet d’éprouver des ressentis nouveaux et de
structurer ces ressentis en intention esthétique.
La sculpture papier permet d’aborder les volumes et de maîtriser rapidement une
matière familière. Les ressentis corporels par l’intermédiaire du toucher, de la vue,
de l’odorat et de l’ouïe, sont ainsi sollicités d’une manière singulière, mais surtout
cette technique permet d’aborder un projet en volume (3 dimensions) par rapport
au papier peinture et dessin (2 dimensions).
C’est la sculpture qui permettra de matérialiser cette troisième dimension,
« esquissée » par le dessin, en jouant sur les volumes, la matière, en créant du
relief, une superposition de matière. Par un technique d’amalgame, on peut faire
appel à plusieurs matières : papiers, terre, peinture, sable, bois, carton, etc…
Assembler de la matière, c’est d’abord choisir des éléments et les réunir dans une
intention esthétique ou dans la recherche de sensations archaïques. C’est une
forme d’expression qui mobilise le corps et l’esprit et qui réveille des choses
enfouies depuis le début de l’histoire de l’humanité.
La sculpture permet donc d’appréhender les formes et les volumes dans leurs trois
dimensions. Une fois les masses créées, on peut rajouter de la matière ou bien en
enlever comme dans le cas du modelage.
Dans la sculpture de la pierre ou du bois, les volumes se dessinent par retrait de la
matière. Ainsi on peut prendre conscience que quelque chose qui « manque » peut
rajouter de la plus-value, ou autrement dit, du « moins » (de matière première)
peut engendrer du plus (de l’esthétisme).
Ainsi, chacun peut mesurer que la qualité n’est pas subordonnée à la quantité, à
l’abondance, à la conformité, et elle n’a rien à voir avec un « talent » artistique qui
réserverait la pratique artistique aux seuls artistes « confirmés ». Annie Boyer-
Labrouche, dans son ouvrage « Manuel d’Art-thérapie »(1), parle de l’Art
Moderne et évoque Paul Klee(2) « qui dessinait avec sa main gauche parce que
l’habileté de sa main droite lui interdisait toute faute ». Elle précise qu’il s’agit
« d’aller au plus près de la genèse, du lieu où nait le sentiment, la pensée. C’est
un lieu de la créativité où l’homme s’extériorise involontairement, retrouve sa
liberté propre. A la différence du talent, cette forme de puissance créatrice
appartient à tout individu, même si elle est le plus souvent cachée par une
cuirasse d’angoisse et de conformisme ».
(1)- Annie Boyer-Labrouche, « Manuel d’art-thérapie », p.13, Dunod, Paris 2012
(2)- Paul Klee, est un peintre allemand né en 1879 à Münchenbuchsee, près de Berne, et mort en
1940 en Suisse. Courant expressionisme, surréalisme, influencé par les impressionnistes français.
38
En résumé, les apports de ces différentes techniques sont multiples :
La manipulation des couleurs permet de faire des choix.
L’expérimentation de la matière permet d’évoluer en permanence dans une
dynamique art1/art2.
La technique permet d’expérimenter des ressentis nouveaux et d’éprouver des
gratifications sensorielles.
Il est possible de privilégier l’Art 1 et de viser directement des gratifications
sensorielles sans passer par le filtre de ses propres représentations. Souvent dans
la psychose, le traitement erroné des perceptions détériore la saveur existentielle,
car la capacité de symbolisation pose un problème majeur.
La manipulation de matériaux en arts plastiques permet de passer directement
dans le ressenti (dans l’Art1), pour engendrer une structuration corporelle
directement liée à ce ressenti.
Si l’expérience est positive, elle pourra s’inscrire comme telle dans nos
représentations et ainsi une améliorer la relation entre le ressenti et le représenté,
et nourrir l’amour de soi.
8-3 – Les arts diachroniques permettent de laisser une trace et de revenir sur
son ouvrage afin d’affirmer son style et son goût.
La possibilité de faire et puis de refaire, permet au patient d’expérimenter, de
tâtonner, de se tromper, et au final de se sentir pleinement concerné par sa
production (bien faite ou mal faite). Ce sentiment d’y être pour quelque chose
dans ce qui arrive, redonne au patient une place de sujet dans son existence et lui
permet de s’impliquer davantage dans d’autres domaines d’expériences (par ex :
les relations sociales).
La pratique des arts plastiques amène du plaisir qui engendre du bien-être
nécessaire à la bonne santé. Elle peut procurer des gratifications sensorielles,
améliorer le ressenti, permettre de stocker des expériences positives à partir de ces
ressentis, et créer un élan, donc un mouvement.
Elle renforce des savoirs-faire en permettant l’expression d’un style personnel ce
qui nourrit la confiance en soi et permet d’affirmer son goût à travers une
production, une contemplation ou un échange avec autrui.
Enfin, les différentes techniques d’expression utilisées dans les arts plastiques
permettent de faire des choix, ces choix amènent l’autonomie, l’autonomie amène
le bien-être et le bien-être amène la bonne santé.
39
C – L’Art-thérapie peut réduire la souffrance des personnes confrontées à la
psychose en leur proposant un lieu d’expression, de communication, de
relations, et d’expérimentation.
Lorsqu’une pénalité engendre une souffrance, l’Art-thérapie se justifie car elle
peut apporter une réponse pertinente en utilisant les mécanismes de l’Art.
1- L’Art a des pouvoirs spécifiques qui permettent d’impacter des mécanismes
humains (physiques, psychologiques et sociaux).
L’être humain tend naturellement vers le bien-être. Pour exprimer sa personnalité
et rechercher ce bien-être, il choisit des modes d’expression différents (sport,
profession, engagement politique ou religieux, etc…) ou bien des activités
tournées vers l’esthétique, l’ART.
On peut se passer d’activités artistiques pour se sentir bien, mais il est possible
d’obtenir le bien-être par la pratique « dirigée » d’une activité artistique, c’est-à-
dire en utilisant les pouvoir de l’Art à des fins thérapeutiques et humanistes. C’est
ainsi que l’art-thérapie moderne se définit.
L’Art possède des éléments spécifiques qui vont favoriser le ressenti, la structure
corporelle et l’élan par l’engagement, le style et le goût, comme je l’ai définit dans
la partie B.
L’engagement agit sur le ressenti et permettra de restaurer ou (et) de développer le
Savoir-ressentir (affecté dans la majorité des pathologies psychiatriques).
Le style s’observera et s’affinera dans le savoir-faire par la pratique des arts.
Le goût témoignera d’un savoir-être qui s’observera dans les relations sociales.
Chez le psychotique, c’est le rapport entre le ressenti et le représenté qui
« s’invite » dans les « relations aux autres » pointées par l’indication
thérapeutique la plus fréquente concernant ce public.
La pratique des arts, et en particulier des arts plastiques, permet de rendre visible à
l’extérieur l’intention, l’élan, la volonté, l’expression, l’action, la production, et le
rapport à l’autre. Ce qui se joue à l’intérieur (captation, perception affectée,
traitement de l’info, comment se structure le corps, etc …), peut s’appréhender à
l’extérieur au regard des mécanismes humains, de l’environnement dans lequel la
personne évolue, et d’un certain nombre d’items personnalisés.
Pour toutes ces raisons on peut dire que l’Art est spécifique à l’être humain. Il
peut être dirigé vers autrui (dans un atelier collectif, vers l’Art-thérapeute, dans
une expo, …) et donc entretenir une dynamique relationnelle. Cela représente un
des trois pouvoirs principaux de l’Art : le pouvoir relationnel, les deux autres étant
le pouvoir d’entraînement (par la contemplation d’une œuvre, la dynamique d’un
groupe, la participation à un projet collectif où l’engagement est sollicité, …), et
le pouvoir éducatif parce que la technique apprise va éduquer le savoir-faire qui
va renforcer la confiance en soi et donner envie de recommencer.
40
Lorsque l’Art se pratique sous le couvert d’un art-thérapeute (dans la perspective
de l’art-thérapie moderne), il peut (et même doit) développer un autre pouvoir,
c’est celui de donner de l’autonomie à chaque patient. En fonction de ses
capacités et de son état de santé, l’EH est plus ou moins dépendant de son
environnement, mais il peut être autonome et faire des choix par rapport à cet
environnement. L’art-thérapie peut contribuer à rendre plus autonome le patient
en lui permettant de faire des choix.
En renforçant le savoir-ressentir, on permet au patient de dire « je peux », et «je
sais que je peux ». En renforçant le savoir-faire, on développe le « je fais », et si je
peux et je fais alors j’existe. Si j’existe, je veux et si je veux c’est donc que j’ai
fait un choix. Et choisir, c’est être autonome.
Ainsi, certains patients feront le choix volontaire de se soigner (ou pas), d’avoir
envie de guérir et de vouloir maintenir leur dignité même dans les derniers
moments de leur existence.
On peut se passer d’activités artistiques pour se sentir bien, mais il est possible
d’obtenir le bien-être par la pratique « dirigée » d’une activité artistique, c’est-à-
dire en utilisant les pouvoir de l’Art à des fins thérapeutiques et humanistes. C’est
le sens même de l’art-thérapie moderne.
2 - Ce n’est pas l’Art qui soigne mais ce que l’on en fait. L’Art-thérapie utilise
les pouvoirs de l’Art pour apporter du soin au patient.
Définition de l’Art-thérapie :
«C’est l’exploitation du potentiel artistique dans une visée humanitaire et/ou
thérapeutique»(1). Cette définition est établie à partir de l’enseignement de l’école
de TOURS, sur les recherches théoriques et méthodologiques de M. Richard
FORESTIER (2) ancien directeur de recherche au sein de l’AFRATAPEM.
L’Art-thérapie ne guérit pas d’une maladie mais elle peut donner envie de se
soigner. La médecine permet d’entretenir et de maintenir la vie, et l’Art-thérapie
permet d’exister. Elle recherche le bien-être de la personne (et rejoint ainsi une
préoccupation naturelle de l’être humain) pour améliorer sa qualité de vie, c’est-à-
dire la perception qu’il a de sa place dans l’existence.
Dans le cadre de la psychose, c’est bien principalement le champ des perceptions
et du traitement de ces perceptions qui sont affectés, ce qui engendrent des
comportements inadaptés, comme définit dans le tableau N°1, page 16.
La connaissance des mécanismes humains permet d’appréhender des pénalités
comme une maladie, un handicap, une blessure de vie ou un choix de vie, ainsi
que les souffrances exprimées par le patient.
(1)- Richard FORESTIER, « Le métier d’art-thérapeute », éditions Favre, Lausane 2014, p.52
(2)- Richard FORESTIER est responsable du Centre d’études supérieures en Art-thérapie et
Médecine (CESAM), et responsable scientifique du diplôme universitaire de Lille.
41
C’est pourquoi il faudra au préalable connaitre suffisamment les mécanismes
humains pour localiser des secteurs sur lesquels l’Art pourra agir. Une
correspondance avec les mécanismes de l’Art permettra de définir des sites
d’action (SA), c’est-à-dire des difficultés qui sont liées à une pénalité du patient,
mais également à un contexte environnemental dans lequel il évolue.
C’est en mobilisant les mécanismes opérants dans l’Art que L’Art-Thérapeute les
transforme en pouvoirs opérant sur les mécanismes humains à des fins
thérapeutiques.
3 - L’opération artistique permet de mettre en relation les pouvoirs de l’Art avec
les mécanismes humain.
L’Art-thérapie moderne utilise un outil spécifique qui permet l’interface entre les
mécanismes humain et les pouvoirs de l’Art. Il s’agit de l’opération artistique
représentée par le schéma suivant :
Schéma N°4 : L’opération artistique.
Le Goût
L’objet d’Art Production Traitement mondain
Contemplation Nouvelle chose de l’Art
Savoir-être
Ressenti corporel
Rayonnement Le Style Savoir-faire Technique
Emotions Action Extérieur
-------------------------------------------------------------------------------------------------- L’Engagement
Intérieur Structuration corporelle
Poussée corporelle
Savoir-ressentir élan
Intention AVNOE (Action Volontaire non Orientée vers l’Esthétique)
Rejet
Légende couleurs :
En bleu : les Savoirs : Domaines de l’IMPRESSION
En violet : L’implication de l’esprit
En marron : L’implication du corps physique : Domaines de l’EXPRESSION
En rouge : Le phénomène artistique
Le rapport entre le Ressenti et le Représenté est un rapport entre le 3 et le 4
1
2
3
7
6
5
8
4
5’
1’
Traitement Mental
sophistiqué(*)
Avant
Le Ressenti
Le Représenté
42
Légende des chiffres :
1 =L’œuvre d’Art « avant » (à percevoir), 1’=l’œuvre d’Art après traitement mondain
2 =Rayonnement qui peut être augmenté par l’appétence développée pour l’œuvre
3 =Traitement archaïque des perceptions ressenties qui amène des émotions
4 =Traitement sophistiqué, cognitif, stockage des informations, représentations
5=Elan et poussée corporelle vers une production en 6 ou une contemplation en 5’
5’=Activité contemplative ; 6 =Activité/Production et savoir-faire ; 7 La Production artistique ;
8 =Le Traitement mondain de la production ; 1’=Retours mondains sur la production.
Le schéma de l’opération artistique (OA) permet d’établir une relation entre les
mécanismes humains comme la captation sensorielle en 2 (phénomène
d’impression de l’Art), les ressentis, émotions en 3 et leur traitement cognitif en 4
(où naissent les intentions), l’élan et la poussée corporelle en 5 (pour passer de
l’intention à l’action), et la production en 6 qui mobilise des savoir-faire vers un
idéal esthétique en 7, et enfin un traitement mondain en 8 qui permet d’affirmer
son style et d’exprimer un savoir-être en direction d’autrui.
4 - L’exercice de l’Art-thérapie nécessite un cadre et une méthodologie
d’intervention.
Des règles d’exercice sont énoncées concernant le lieu, la date, la durée et les
conditions du déroulé de l’atelier.
La sécurité et la confidentialité seront garanties par l’Art-thérapeute qui se réfère à
des règles déontologiques, accueille la parole sans préjugé et respecte la
singularité de chacun.
La raison de la prise en soin ainsi que de l’objectif thérapeutique général (ou
indication médicale) doivent être suffisamment entendues et acceptées par le
patient pour obtenir son consentement éclairé et son engagement dans le
processus thérapeutique.
Ainsi, on pourra attendre du patient une implication dans une durée et dans un
cadre précis, même si une certaine souplesse reste nécessaire pour permettre des
adaptations nécessaires au fil des séances compte tenu des objectifs thérapeutiques
intermédiaires poursuivis.
Cette souplesse est nécessaire pour aller à la rencontre de l’autre et se laisser
surprendre par ses capacités et compétences. Le cadre rassure et il est nécessaire,
mais s’il est trop clivant il pourrait nuire à l’expression, à la communication et à la
relation thérapeutique.
A quoi alors nous servirait-il d’établir des items d’observation(*) pertinents si
nous altérons les conditions de les observer ?
43
5 - L’Art-thérapie utilise des outils spécifiques pour mettre en œuvre une
relation thérapeutique.
L’état de base.
Pour ce faire l’Art-thérapeute établira un état de base qui reprendra l’ensemble des
éléments qui rendent compte de la situation d’une personne sur le plan physique,
psychique, social, dans un environnement donné et par rapport à une indication
médicale recueillie auprès d’un médecin.
Après quoi, il évaluera la pertinence et la faisabilité d’une action thérapeutique au
regard des souffrances et des souhaits recueillis auprès du patient.
La fiche d’observation.
Elle permet d’orienter l’observation et d’en retenir l’essentiel pour l’atteinte des
objectifs thérapeutiques. Il n’est pas possible (et pas nécessaire) de retenir tous les
éléments fournis par un patient ou par l’équipe médicale.
La fiche d’observation est composée de faisceaux d’items(*) et d’items
spécifiques relatifs à un élément que l’on veut observer pendant une séance (ou en
périphérie d’une séance). L’évolution des items (ou indicateurs) est une donnée
importante dans la prise en soin d’un patient.
Cette fiche d’observation reprendra les principaux éléments à observer pendant la
pratique artistique, à savoir ce qui concerne l’impression, l’intention, l’expression
par l’action et la production, ainsi que l’engagement du corps pendant toutes ces
phases. On pourra également apprécier les capacités expressives, relationnelles et
communicationnelles. En fonction de la problématique des patients, des faisceaux
d’items seront établis et des critères d’observation précis (items qualitatifs ou
quantitatifs) seront évalués en fonction des objectifs thérapeutiques visés. Par
exemple, lorsque l’on aura déterminé que l’expression du visage est beaucoup
plus « parlante » pour telle personne que son expression verbale, on détaillera
dans le visage ce que l’on veut observer.
Comme le disait Richard Forestier : « L’une des qualités d’un bon thérapeute est
sa capacité à observer. »(1)
Il est parfois plus efficace de bien observer un petit nombre d’items que de vouloir
tout observer.
Pour cela l’AT devra faire un choix pertinent. Pour ma part j’utilise ce que j’ai
appelé la méthode des 4 C : Collecter, Clarifier, Classer, Choisir.
1er
C : Collecter les informations concernant le patient, son anamnèse, l’expression
de sa souffrance et la nature de sa pathologie, constitue la première étape à partir
d’écrits de synthèse, d’indication médicale, d’avis de l’équipe, de la rencontre
avec le patient.
(1)- Richard FORESTIER, Le métier d’Art-thérapeute, édition Favre 2014, p. 98
44
2ème
C : Clarifier ces informations orales ou écrites en les confrontant aux
observations et au contexte actuel. Cela permet de vérifier la signification que l’on
attribue à ces informations. On recoupe les données recueillies pour mieux en
comprendre le sens. Clarifier, c’est donner du sens partagé aux éléments
recueillis.
3ème
C : Classer tous ces éléments pour en dégager des grandes lignes, en
regroupant des éléments semblables qui mettent en lumière des processus à
l’œuvre chez le patient (classer les éléments de même nature).
4ème
C : Choisir parmi ces processus lesquels seront des leviers et déterminer ce
qui nous semble primordial et secondaire parmi les sites d’action et les cibles
thérapeutiques. De ces choix dépendront la stratégie et le protocole de soin, en
rapport avec l’objectif thérapeutique général et l’indication médicale. A ce stade,
l’écoute et la compréhension des attentes du patient seront des repères importants
pour faire des choix pertinents et opérationnels.
Le protocole de soin.
L’Art-thérapeute établira un protocole thérapeutique qui fixera les objectifs à
atteindre (Généraux et intermédiaires si nécessaires), les moyens à mettre en
œuvre (la(les) dominante(s), les cibles thérapeutiques), la méthode utilisée (la
stratégie, les supports techniques, les Boucles de Renforcements(*) recherchées,
…), et l’évaluation en lien avec les objectifs, et les limites sur les critères utilisés,
la méthode, les dominantes, l’indication, les souhaits du patient, etc…
L’objectif général :
Il est fixé, en début de protocole, au regard de l’indication médicale, de
l’anamnèse, de l’état de base, et en tenant compte des souhaits et des attentes
formulées par le patient.
Des objectifs intermédiaires :
Ils sont fixés en fonction des sites d’action(*) et de la stratégie mise en place pour
atteindre l’objectif général. Un bilan évaluatif de chaque séance permet de
mesurer l’écart entre les objectifs fixés de la séance et les résultats obtenus. Cela
déterminera la poursuite de l’objectif intermédiaire ou bien orientera la séance
ultérieure vers un autre objectif intermédiaire, ou vers l’aboutissement d’un
objectif général.
Les Sites d’Action (SA) :
Au regard de l’opération artistique, dans le cas de la maladie psychique, et
particulièrement pour un public atteint de psychose, les sites d’action se situent
principalement dans le domaine des perceptions sensorielles en 3, du traitement
des émotions ressenties en 4, de la relation entre les ressentis et les représentations
(3//4) que l’on s’en fait, et de la structuration corporelle en 5 qui en découle et qui
peut se traduire par des comportements inadaptés à la réalité et aux attentes
sociales en 8.
45
Toujours au regard de l’opération artistique (l’OA) qui reprend d’une manière
schématique l’articulation des mécanismes de l’Art, on peut situer des difficultés
importantes sur le savoir-ressentir (3/4/5) qui se manifeste dans le savoir-être
(7/8/1’).(Voir schéma de l’Opération Artistique (OA) en page 37).
Les Cibles Thérapeutiques (CT) :
Ce sont les points sur lesquels l’Art-thérapeutes va s’appuyer pour atteindre les
objectifs qu’il a fixé dans le protocole de soin.
L’évaluation :
Un bilan d’ouverture de dossier de prise en charge constitue le premier temps
d’évaluation. Après chaque séance, une évaluation de l’Art-thérapeute et une auto
évaluation du patient permettent d’évaluer l’atteinte ou non de l’objectif
intermédiaire fixé et de confirmer ou de modifier la poursuite de la stratégie
thérapeutique.
Un bilan intermédiaire peut être établi si nécessaire, par exemple pour contribuer à
une synthèse en équipe pluridisciplinaire concernant un patient.
Enfin, une évaluation de fin de prise en charge permet d’établir un bilan « Art-
thérapeutique » final afin d’apprécier l’évolution du patient au regard de
l’indication médicale, et de l’orienter, si nécessaire, vers une autre prise en charge
décidée en réunion d’équipe.
Le protocole va reprendre tous les éléments recueillis pour organiser les
différentes étapes de la prise en charge. La stratégie thérapeutique va à la fois tenir
compte de la problématique abordée (dans le cas de la psychose : la relation entre
les ressentis et les représentations), et justifier de la dominante utilisée (dans cette
étude les arts plastiques).
6 - La pratique des arts plastiques peut améliorer la relation entre les ressentis
et les représentations.
La pratique des Arts plastiques, de par les techniques, matériaux et supports
employés, met le corps en mouvement et, de ce fait, a un impact direct sur le
ressenti (en 3 sur le schéma de l’OA) car cela mobilise l’ensemble des facultés
sensorielles. Accompagnée par un Art-thérapeutique qui connait et utilise les
pouvoirs de l’Art pour intervenir sur les mécanismes humains, cette pratique
amène du plaisir et des ressentis gratifiants.
En retour, ces gratifications sensorielles ont un impact sur les pratiques car elles
inscrivent ces expériences positives dans la sphère cognitive de la personne (en 4
sur l’OA). Ses représentations s’en trouvent modifiées car elles évoluent et
trouvent une cohérence avec les ressentis (rapport entre 3 et 4).
Lorsque les ressentis ne trouvent plus de sens dans les représentations, la personne
se sent menacée, elle doute de ses propres capacités, et la personne psychotique a
46
tendance à développer en plus ses mécanismes de défense qui se traduisent le plus
souvent par des troubles du comportement.
Ainsi, la relation aux autres devient difficile car il n’y a pas de bonnes relations
sans un comportement adapté aux attentes sociales.
7- L’Art-Thérapie favorise l’expression des ressentis et permet un traitement à
distance des conflits internes.
De plus, la pratique artistique étant une forme d’expression (donc externe à
l’individu), elle favorise une extériorisation des processus internes. Ainsi, un
rapport conflictuel entre le ressenti et le représenté peut se manifester à l’extérieur
de l’individu à travers la pratique d’une activité artistique. Il sera plus facile
d’intervenir sur la réalité extérieure (sur cette pratique) que sur ses ressentis (les
processus internes). C’est une manière de traiter « à distance » des problèmes
d’ordre interne.
8 – La pratique des arts plastiques en séance collective permet au patient de
retisser du lien social tout en remobilisant ses ressources personnelles.
Sous le couvert bienveillant de la relation thérapeutique, la pratique des arts
plastiques en séance collective amène les patients à exprimer des ressentis
individuels sous le regard des autres sans toutefois se risquer à une production
commune dans un premier temps. C’est de l’accompagnement individuel dans un
groupe. Lorsque la personne sera suffisamment en confiance et aura renforcé son
estime de Soi, elle pourra peu à peu s’engager seule et à son rythme dans le
rapport à l’autre. Ces temps collectifs sont des moyens de remobiliser des
ressources personnelles tout en trouvant sa place dans un collectif.
Comme le fait remarquer Julie Athané dans son mémoire de fin d’études
universitaires(1), peu à peu le corps physique et l’esprit s’implique dans la
relation par la manifestation d’un savoir être qui s’appuie sur l’Amour de Soi,
d’un savoir-faire qui renforce la Confiance en Soi et d’un savoir-ressentir qui
témoigne d’une Affirmation de Soi. Ces processus rendent compte du rapport
savoir/saveur qui agit sur l’Estime de Soi, qui elle-même permet de s’affirmer
dans un groupe et donc d’améliorer les relations sociales.
De plus, dans l’atelier collectif, l’art-thérapeute introduit une démarche
valorisante et non-jugeante qui rassure la personne. Elle se sent moins en danger
et a moins tendance à développer des mécanismes de défense perçus comme des
troubles du comportement gênants.
(1)- Julie ATHANE, « L'articulation d'un cadre art-thérapeutique au sein d'un Institut
Thérapeutique Educatif et Pédagogique et l'impact de l'art-thérapie, à dominante arts plastiques,
sur la saveur et sa fonction régulatrice de l'estime de soi auprès d'adolescents », Mémoire de fin
d’études du Diplôme Universitaire d’Art-thérapie, Faculté de Médecine de Grenoble, 2012, p.25
47
9– La sculpture papier mâché favorise les ressentis et l’implication du corps et
suggère l’expérimentation qui permet de renforcer la confiance en Soi par
l’acquisition et le développement d’un savoir-faire.
La sculpture papier permet d’aborder les volumes et de maîtriser rapidement une
matière familière. Les ressentis sont ainsi sollicités d’une manière différente, mais
surtout cette technique permet d’aborder un projet en volume (3 dimensions) par
rapport au papier peinture et dessin (2 dimensions).Voir chapitre 8-1 page 32.
La personne peut rajouter de la matière ou bien en enlever, ce qui permet une
autorégulation de sa production, encourage le regard critique et l’élan esthétique.
La confiance en Soi se renforce dans un faire qui donne la possibilité de refaire.
10 - La peinture favorise l’expression des émotions par un engagement corporel
et agit sur les trois composantes de l’Estime de Soi.
La peinture est une technique qui offre des possibilités multiples. D’abord celle de
choisir une couleur et d’exprimer ses préférences et ses goûts. La personne peut
aussi affirmer son style par l’épaisseur de ses traits, les variations de tons utilisés,
l’épaisseur de la matière (plus ou moins diluée), la position de son corps, etc…
La mise en place de la couleur fait appel à différents outils pour l’étaler (pinceaux,
spatules, éponge, doigts, soufflette, etc…). Autant de choix qu’il sera permis de
faire pour affirmer son autonomie, son style, ses goûts, ou bien expérimenter
d’autres perceptions sensorielles.
D – La pratique dirigée des arts plastiques par l’Art-thérapie moderne, peut
renforcer l’Amour de Soi et restaurer la qualité de la relation.
C’est parce que : « je peux » et que : « je sais que je peux », que je pourrais aller
vers les autres.
1- Il n’y a pas de bonnes relations sans comportements adaptés, et l’adaptation
passe par la capacité à récupérer les informations, à les traiter, à les stocker et à
les exprimer de manière cohérente avec ses ressentis.
Observations de terrain :
Chaque personne est confrontée à des souffrances différentes en fonction des
pathologies et types de pénalités rencontrées. Cependant, les troubles de
l’expression, de la communication et de la relation à l’autre constituent les
principales observations lors des ateliers collectifs. Ainsi, il est fréquent que l’on
retrouve « l’amélioration de la relation aux autres » parmi les indications
médicales. Or, il n’est pas aussi facile de parvenir à cet objectif thérapeutique que
de l’observer.
48
Les conflits intérieurs auxquels sont confrontés la majorité des patients accueillis
rendent difficiles la rencontre avec l’autre. C’est pourquoi il me semble
intéressant de réfléchir à l’élaboration d’objectifs intermédiaires, notamment celui
d’un meilleur rapport à soi-même au lieu de viser directement un changement de
la relation à autrui.
Questionnement :
Comment une personne ayant un rapport à elle-même qui lui pose problème peut-
elle établir une relation satisfaisante avec autrui ?
N’est-il pas indispensable de conforter le savoir-ressentir et le rapport à soi-même,
avant de poursuivre l’objectif thérapeutique d’amélioration de relation à autrui ?
La relation thérapeutique ou alliance thérapeutique n’est-elle pas la première étape
d’expérience sociale à concevoir afin de restaurer une confiance et un élan vers
autrui ?
Hypothèse sur la génèse du conflit interne:
La qualité relationnelle entre patient et Art-Thérapeute est un vecteur qui permet
d’établir les bases sécurisantes pour mobiliser les ressources et compétences
sociales et cognitives des personnes qui ne perçoivent plus de cohérence entre
leurs perceptions et émotions dans le 3, leurs ressentis, et les connaissances
acquises et représentations dans le 4.
Il est donc nécessaire d’élaborer un objectif intermédiaire visant l’amélioration du
rapport à soi-même avant de fixer comme objectif la relation aux autres.
2 – Améliorer le rapport entre les ressentis et le représenté permet d’améliorer
les capacités relationnelles parce que l’on se sent moins menacé par l’autre.
Le psychotique sait que son comportement est décalé par rapport aux attentes
sociales, mais il ne comprend pas pourquoi. C’est de ses propres perceptions de
lui-même que la compréhension lui fait défaut.
Il peut très bien développer des explications sur ses comportements qui sont
souvent qualifiées de délirantes car en déphasage par rapport à la réalité de son
vécu. Il exprime des ressentis qui ne trouvent pas d’explications cohérentes dans
ses représentations mentales. Cela engendre un mal être. Il perçoit ce trouble et le
communique dans un discours délirant nourrit par des mécanismes de défense qui
le protège du danger que représente la confrontation aux autres.
Ce qu’il donne à voir c’est donc principalement des troubles de la relation, mais
ce qui dysfonctionne c’est la relation entre ses ressentis (en 3 sur l’OA) et ses
capacités de se les représenter (en 4 sur l’OA).
L’amélioration de ses comportements et de « la relation aux autres », ne passerait-
elle pas d’abord par une meilleure perception de soi-même?
49
Hypothèse explicative :
Si le ressenti de l’expérience (en3) est différent de la symbolisation de
l’expérience (en 4), alors il y a menace :
Il se crée un conflit entre la réalité externe et le vécu interne (les émotions
et les ressentis en 3 et les représentations en 4).
Soit une remise en cause « interne » qui débouche sur une angoisse (car il
se crée un conflit interne)
Ce conflit bouleverse la construction de Soi, et si cela va trop loin c’est la
décompensation.
Sans une aide thérapeutique, la personne entre dans un processus
d’aliénation car il y a une résistance et une peur des changements = cela crée
une menace (menace du Moi, car l’on s’aperçoit que l’on s’est construit avec
une image erronée du Moi). Il y aurait donc un danger de mettre
systématiquement la réalité face à la personne psychotique si celle-ci n’est pas
prête à la regarder.
L’Action de l’Art-thérapeute (Stratégie ?) consistera à remettre le patient en
contact avec des ressentis positifs, pour élaborer une production valorisante,
et inscrire cette expérience dans un vécu positif (pour que les émotions
ressenties soient plus cohérentes avec les représentations élaborées) et
restaurer ainsi la saveur existentielle.
Plus l’expérience sera en accord avec le ressenti et plus la représentation sera
cohérente par rapport à la réalité, et moins il y aura besoin de mécanismes de
défense.
3 – L’espace « Art-thérapie » permettra à la personne de restaurer l’Amour de
Soi et la Confiance en soi par le vecteur de l’alliance thérapeutique.
Hypothèse opérationnelle :
C’est parce que la personne aura retrouvé suffisamment d’Amour de Soi (par un
meilleur rapport 3/4) et de Confiance en Soi (en 5/6) qu’elle pourra se projeter
(meilleure structuration en 4 et élan nécessaire en 5) pour tenter l’expérience
sociale vers les autres en 8 (suffisamment d’amour de Soi et de confiance en Soi
pour s’affirmer dans une « production sociale(*)»).
La relation thérapeutique, parce qu’elle est bienveillante et non-jugeante dans un
cadre conventionnel (l’atelier d’art-thérapie), constituera un refuge, un asile, un
lieu où l’Amour de Soi pourra se reconstruire, la Confiance en Soi se renforcer et
le savoir-être s’épanouir.
50
Partie II : L’atelier d’Art-thérapie est un lieu qui favorise
l’expression des ressentis et améliore les capacités relationnelles
des personnes psychotiques.
A – Le service des arts médiatisés au sein de la psychiatrie adulte est un
espace de reconstruction du lien social et du rapport à soi-même.
1-L’hôpital est un lieu de soins qui partage des temps de vie.
Le Centre Hospitalier de Montauban regroupe plusieurs unités d'activités
proposant les spécialités médicales et chirurgicales, obstétricales et psychiatriques
ainsi que des prestations d'hébergement pour les personnes âgées.
L’organisation du centre hospitalier comprend 5 Pôles de Management. Le pôle
au sein duquel j’ai effectué mon travail clinique s’appelle le Pôle Psychiatrie
Adulte et Santé-Société. Ce pôle est sous la responsabilité d’un médecin chef
psychiatre, d’un cadre supérieur de santé et d’un cadre administratif.
Le Pôle Psychiatrie Adultes est le principal «prescripteur » des indications en Art-
Thérapie.
La psychiatrie est divisée en 3 secteurs sur le département de Tarn et Garonne en
fonction de 3 zones géographiques d’habitation. La ville de Montauban
(Préfecture) est elle-même divisée en trois secteurs géographiques. Ainsi les
patients sont accueillis en secteur 1, 2 ou 3 selon leur résidence administrative.
Le service des Arts médiatisés de Clérembault reçoit des patients orientés
principalement par le secteur psychiatrique de l’hôpital.
Bien que l’Art-thérapie s'adresse à tous les patients de l’hôpital, il est à noter que,
dans la pratique, seuls les patients orientés par la psychiatrie l’utilisent.
2 – Le bâtiment « Clérembault » propose un lieu d’accueil, d’écoute, d’échange
et de partage de temps créatifs.
Ce bâtiment est situé dans l’enceinte du parc de l’hôpital. Il reçoit les ateliers
d’Arts plastiques pour adultes, une salle de projection et un espace café au rez de
chaussée.
A l’étage se situent les bureaux des Arts-thérapeutes, la salle de réunion, et
l’atelier de Musicothérapie et l’atelier d’Art-thérapie pour enfants et adolescents.
51
Un atelier collectif est ouvert tous les jours de la semaine de 9h00 à 11h30.
Depuis peu, il est également ouvert l’après-midi de 14h00 à 15h30. Des ateliers
individuels sont aménagés le vendredi matin ou bien après 15h30. Pendant cette
expérience en milieu professionnel, j’ai pu organiser des séances individuelles le
matin de 9h à 11h30, soit deux interventions de 45 minutes chacune.
Le service se développe et s’adapte à la demande croissante des patients et de
l’équipe médicale.
En effet, depuis maintenant deux années, les orientations vers l’Art-thérapie n’ont
cessé d’augmenter ce qui a conduit les professionnels à ouvrir les ateliers les
après-midi pour répondre à toutes les prises en charge.
3 – L’équipe pluridisciplinaire permet de regarder le patient dans sa globalité
L’équipe de soin compte parmi eux des infirmiers et psychiatres qui se sont
formés à l’Art-thérapie ces dernières années. Elle est composée d’un médecin
psychiatre, d’infirmiers psychiatrique, d’assistantes sociales, de cadres de santé,
psychologues et d’Arts –thérapeutes. C’est à l’issue d’une concertation d’équipe
que le médecin psychiatre oriente un patient vers l’atelier d’art-thérapie.
Au vu des résultats obtenus, et bénéficiant de l’appui du médecin chef, une
reconnaissance de l’impact de l’Art-thérapie sur l’évolution des prises en charge
s’est affirmée au sein de l’hôpital, ce qui ne semble pas avoir été toujours le cas
auparavant.
4 - Les temps de réunions permettent de croiser les regards de différents
professionnels et d’ajuster les prises en charge.
Aujourd’hui, psychiatres, infirmiers, psychologues, assistantes sociales et Arts-
thérapeutes se réunissent tous les mercredis matin de 8h30 à 9h30 pour évoquer
des suivis en cours et ajuster des stratégies thérapeutiques.
Le lundi matin de 8h30 à 9h00 est réservé pour une réunion d’organisation
matérielle du service avec la cadre de santé.
Une fois par mois, une réunion d’analyse des pratiques professionnelles est
animée par une psychologue extérieure au service.
Enfin, des réunions ponctuelles peuvent être programmées en fonction des besoins
de suivis des projets thérapeutiques (synthèses, rencontres avec des parents, des
professionnels extérieurs et réseaux d’insertion sociale et professionnelle).
5 – La personne avec maladie psychique s’approprie l’espace des arts
médiatisés pour expérimenter une autre façon d’être au monde
52
Le retour que font les Arts-thérapeutes sur chaque patient en réunion d’équipe
surprend souvent les autres professionnels du quotidien qui rencontrent ces
mêmes patients sur un lieu de vie différent, avec des exigences différentes, et un
rapport au soin plus conventionnel et pas toujours apprécié à sa juste valeur par
les patients.
L’adhésion à l’atelier d’Art-thérapie permet à certains patients de maintenir un
lien avec les soins, de réduire leurs mécanismes de défense et d’atténuer les
troubles du comportement et de la relation. De ce fait, un regard différent est posé
sur eux et cela a un effet de revalorisation et de mise en confiance avec autrui. Les
personnes expérimentent ainsi d’autres ressentis, le plus souvent positifs car le
regard social au sein de l’atelier est porté sur leurs compétences plutôt que sur
leurs difficultés. Un autre rapport à l’institution, aux soins, aux personnels
soignants et à autrui en général, s’installe et favorise un savoir-être plus bénéfique
en termes de relations sociales.
B - Des suivis individuels d'art-thérapie à dominante Arts plastiques sont
mis en place au sein d’un atelier collectif.
L’accueil des personnes se fait en atelier collectif dans un premier temps. Par la
suite, en fonction de la stratégie thérapeutique et du protocole mis en place, des
ateliers individuels pourront être proposés en dehors de ces temps collectifs.
Les orientations se font à la suite de synthèse avec l’équipe soignante qui
détermine les indications médicales et soutient par la suite le protocole de soins
mis en place par les Arts-thérapeutes.
1/ La mise en place d'ateliers collectif d'art-thérapie à Clérembault permet de
restaurer le lien social tout en mobilisant des compétences individuelles.
Les conséquences les plus fréquentes des maladies psychiques sont une altération
du lien social, une perte de confiance en soi dans ses capacités relationnelles, un
risque d’isolement et de perte de repères sociaux. C’est pourquoi, sauf contre-
indication majeure, les patients sont reçus dans un atelier collectif afin d’y
construire une place et y faire émerger des compétences et du plaisir être
ensemble.
Cela n’empêche pas des suivis individuels, voir des ateliers individuels
programmés en supplément lors d’une autre tranche horaire si la stratégie
thérapeutique les rend nécessaires. C’est d’ailleurs dans ce cadre que j’ai pu
effectuer les accompagnements présentés dans ce mémoire.
2/ L'art-thérapeute utilise ces temps collectifs pour évaluer et affiner des items
d’observation individuels.
53
C’est un lieu qui encourage la créativité à des fins thérapeutiques. Cette créativité
permet de développer son jugement personnel, de nourrir l’Amour de Soi et le
sentiment d’exister. Au sein de l’atelier collectif, cette créativité favorise les
échanges, le vivre ensemble et la prise d’initiative.
Pour un public confronté à la maladie psychique et en particulier pour des
psychotiques, cette perception d’un Moi créatif au sein d’un collectif où il peut
échanger, permet de vivre une expérience plus riche sur le plan des ressentis et de
la relation aux autres. Cette expérience favorise une perception plus réaliste du
monde, et cela diminue les mécanismes de défense et réduit les troubles du
comportement qui sont à l’origine d’une dégradation des relations sociales.
En effet, l’atelier collectif est à la fois un lieu de sociabilité mais aussi
d’expérimentation tant pour les patients qui peuvent s’autoévaluer que pour le
thérapeute qui constate des progressions et affine ou modifie ses critères
d’observation.
3/ La prise en soin en Art-thérapie obéit à un protocole spécifique à l’intérieur
duquel les temps collectifs entrent dans une stratégie globale du soin qui vise
une amélioration des relations sociales.
Trouver sa place dans un collectif permet de se préparer à la vie sociale à
l’extérieur de l’établissement. Devant la durée d’hospitalisation qui s’étend
parfois sur plusieurs années, il n’est jamais inutile de rappeler que l’hôpital est un
lieu de soins et non un lieu de vie. La chronicisation de certaines pénalités
entraîne des blessures de vie qui se rajoutent au tableau clinique et qu’il ne faut
pas négliger dans la stratégie globale.
Des règles d’exercice sont énoncées concernant le lieu, la date, la durée et les
conditions du déroulé de l’atelier.
La sécurité et la confidentialité seront garanties par l’Art-thérapeute qui se réfère à
des règles déontologiques, accueille la parole sans préjugé et respecte la
singularité de chacun.
La raison de la prise en soin ainsi que de l’objectif thérapeutique général (ou
indication médicale) doivent être suffisamment entendues et acceptées par le
patient pour obtenir son consentement éclairé et son engagement dans le
processus thérapeutique.
4/ L'art-thérapie mobilise des outils d’évaluation basés principalement sur
l’observation de l’impact du phénomène artistique sur les mécanismes humains.
Nous avons vu au chapitre 5 de la partie I, page 39, que l’état de base reprend
l’ensemble des éléments significatifs au regard de la situation du patient et de ses
pénalités. Cet état de base permet de déterminer un objectif thérapeutique général
54
(OTG), des sites d’action(SA), des cibles thérapeutiques(CT) et des objectifs
thérapeutiques intermédiaires (OTI) afin de répondre à une indication médicale
fixée par l’équipe de soins.
Pour évaluer l’atteinte des OTI ainsi que l’OTG au moment d’un bilan
(intermédiaire ou final), l’art-thérapeute construit une fiche d’observation d’items
spécifiques à la problématique du patient.
C’est un outil qui permet d’évaluer l’impact du phénomène artistique, par la
dynamique impression/intention/expression (voir schéma N° p.37 sur l’opération
artistique) et par les attitudes corporelles (intention non verbale/action et
production artistique), sur les mécanismes humains (évolution des pénalités
sanitaires(*)).
C) Les prises en charge individuelles se réfèrent à des protocoles
thérapeutiques personnalisés : présentation de deux situations cliniques en
séances individuelles.
Les trois étapes de la prise en charge Art-thérapeutique :
Indication. Etat de base- Bilan de base- Protocole de soins
Déroulé des séances - Bilan des séances
Evaluation- Bilan de fin de prise en charge Art-
thérapeutique
1 - Jacha est suivi par l’institution psychiatrique depuis 21 ans et nous est
présenté comme ayant très peu d’autonomie personnelle.
1-1- L’Indication médicale(*) est recueillie auprès de l’équipe
pluridisciplinaire.
Domaines
d’investigation
Recueil de données concernant Mr JACHA
Indication
Prévenir les phases délirantes et l’agressivité
Augmenter l’autonomie personnelle (la capacité à faire des choix)
Amélioration des relations sociales (Meilleure intégration au groupe)
Etat de base :
Anamnèse
Evaluation des capacités
JACHA est un homme de 54 ans, il est issu d’une famille de 12 enfants. Il a très peu d’autonomie. Il est suivi par l’institution psychiatrique depuis 1995. Il vit actuellement en foyer
de vie (établissement spécialisé) et vient tous les jours à l’hôpital pour participer aux ateliers
collectifs d’Art-Thérapie, Jacha est diabétique et rencontre des problèmes rénaux dus à la prise de neuroleptiques. Il aurait
du mal à respecter ses traitements, c’est pourquoi un suivi mensuel infirmier est nécessaire.
Il est diagnostiqué psychotique schizophrène à tendance paranoïaque. L’équipe médicale l’oriente vers l’Art-Thérapie afin de renouer le dialogue avec lui pour qu’il adhère au soin. Son
comportement pourrait être agressif. C’est d’ailleurs suite à un passage à l’acte très violent sur une personne qu’il a été conduit d’office à l’hôpital psychiatrique par la police en 1995.
Son traitement neuroleptique modifie ses perceptions sensorielles, ex : pour le chaud et le froid = il boit le café très vite et très chaud sans aucune expression de ressenti désagréable, il choisit
sa vêture d’une manière inappropriée, ex : très couvert quand il fait chaud et pas assez quand il
Dossier d’ouverture
Accompagnement Thérapeutique
Synthèse ou (et) Clôture du dossier
55
Bilan de base
fait froid, etc….
Bilan moteur : geste lents Capacités d’expression : Bonnes mais restreintes par manque de confiance et d’amour de Soi
Capacités relationnelles : Reste à l’écart du groupe, il n’a jamais de conversation en dehors de
l’encadrement Capacités intellectuelles : Vie psychique très limitée
Capacités de communication: S’exprime que si on lui demande, mais répond volontiers aux
sollicitations Bilan psycho affectif : Manque de cohérence entre des perceptions / ressentis altérés par la
maladie et la représentation qu’il peut s’en faire à travers un discours axé sur le gigantisme et le
morbide. Les Goûts : Intérêt pour l’Art et le gigantisme ; il aime les sorties en groupe, les visites de sites,
les repas au restaurant
Limites observées à ce jour : Incapable d’exprimer ses propres choix (et d’en faire). Il a du mal à exister en tant que sujet.
Attentes du patient Très peu d’attentes si ce n’est de satisfaire aux attentes des autres, et en particulier de
l’encadrement médical
Pénalités Maladie psychique, psychose schizophrène à tendance paranoïaque, et blessure de vie due à la
durée de la prise en charge en institution
Souffrances Diminution de la projection, Diminution de la qualité de vie, Baisse de l’estime de Soi, peur de
ne plus être adaptée à la réalité, perte du sentiment d’être sujet.
1-2-L’état de base confirme les premières informations recueillies auprès de
l’équipe pluridisciplinaire et permet d’établir un objectif général thérapeutique
(OGT) en lien avec l’indication médicale.
L’état de base confirme de grandes difficultés à faire des choix, à se sentir exister
et à s’engager dans une démarche sans une demande de l’encadrement.
La typologie de sa pathologie ne favorise pas les relations sociales.
Il a très peu confiance en lui et se dévalorise fortement. Il a peu de considération
pour lui-même et pense ne pas savoir faire les choses. Il montre très peu d’envie,
d’intention et d’engagement corporel, tant dans les activités artistiques proposées
que dans les relations sociales.
L’indication thérapeutique générale sera centrée sur l’autonomie dans ses choix
personnels et sur son implication dans les relations sociales.
1-3- Le protocole de soins va organiser l’ensemble de la prise en soin en Art-
thérapie pour identifier des sites d’action (SA), des cibles thérapeutiques (CT) et
des objectifs intermédiaires (OI).
A partir des éléments retenus dans l’état de base, nous déterminons des manques,
des besoins et des Sites d’Action (SA) au regard de l’Art-thérapie Moderne.
Le tableau ci-dessous synthétise la démarche méthodologique :
Objectif Général
Thérapeutique
Une meilleure adaptation à son environnement
Augmenter sa capacité à faire des choix et sa faculté critique Amélioration des relations sociales
Objectifs Intermédiaires OI1 : Nourrir la saveur existentielle (pour un meilleur rapport ressenti/représenté) ;
OI2 : Affirmer sa place du sujet ;
OI3 : Parler de lui et de ce qu’il pense; OI4 : Produire (faire) à partir de choix personnels;
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OI5 : Affirmer ses choix personnels face à autrui ;
OI6 : Augmenter sa participation aux actions collectives (Engagement dans le projet collectif à
thème pour une expo en octobre).
Sites d’Action En 3 car captations sensorielles difficiles et génératrices de ressentis négatifs
En 4 car le traitement cognitif est altéré, l’estime de soi est touchée (Amour de soi dans
l’Intention ; Confiance en soi dans l’Action ; Affirmation de soi dans la Production) En 8 car la Relation aux autres (Communication / Expression ; Capacité relationnelle/Confiance
en soi ; Autonomie) reste difficile à établir.
Cibles thérapeutiques En 1 car il aime les choses de l’Art, en 6 car ses compétences manuelles peuvent amener des
gratifications sensorielles en 3, et 5’ car il a besoin de modèle pour entreprendre. En 8 car il aime les sorties en groupe (malgré sa mise en retrait) et pour mobiliser son élan
corporel en 5 vers des relations mondaines conviviales.
Stratégie
D’un point de vue méthodique, elle s’appuiera dans un premier temps sur les capacités manuelles de Jacha. (en 6 sur l’OA et qui constitue la partie saine), pour favoriser des ressentis
positifs.
Le cheminement stratégique s’oriente dans un premier temps en 5’/6/3 : (ressentis mobilisés par
le faire à partir d’un modèle) pour rechercher le plaisir sensoriel (Art1), puis de ramener
suffisamment de confiance en soi pour oser faire un choix en /4/5/ (structure corporelle et élan)
= 1ère boucle de renforcement (5’/6/3/4/5) Par la suite, lui redonner de la confiance en ses choix, en ses capacités, ainsi que l’envie de
recommencer (engagement dans le /5/6/7/) = 2ème boucle de renforcement (5/6/7--- puis 8 à
travers le projet d’expo coll.).
Une fiche d’observation est conçue avec des items spécifiques à Jacha. Ils sont
choisis en fonction des objectifs thérapeutiques à atteindre (Voir Annexe I ).
1-4- La prise en charge en atelier individuel se déroulera sur 10 séances
individuelles et 11 séances collectives.
Rappel méthodologique : Toutes les séances se décomposent en trois temps :
1er temps: l’accueil et l’engagement dans l’atelier
2ème temps: le contenu de l’atelier
3ème temps: le raccompagnement jusqu’à la porte d’entrée du bâtiment.
Concernant : JACHA
Période : d’avril à octobre 2016
Séances : 1 Cadre d’intervention
Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
Affiner l’état de base et établir une relation sécurisante
Dominante(s) choisie(s)
Conversation et support technique (fiche et grille d’évaluation)
Phénomènes associés* Atelier collectif avant la séance individuelle, où Jacha fait le café à 10h00 (Rituel/j). La séance individuelle prévue à 10h00= problème d’ajustement d’horaire qui peut le stresser un peu.
Stratégie Thérapeutique Méthode
Rencontre explication de ma position d’Art-thérapeute stagiaire et de mes objectifs de
formation. Exposé des opportunités pouvant être mises en œuvre pendant ce temps de stage
Recueillir l’avis de Jacha, l’associé à l’indication médicale et faire émerger des objectifs
thérapeutiques généraux ensemble ; Obj : obtenir son adhésion et son intérêt à poursuivre une prise en charge individuelle
Accompagnement Thérapeutique
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Déroulé de la séance
Conversation agréable et détendu. Bonnes bases pour bâtir une alliance thérapeutique.
Jacha exprime ses goûts et son envie de s’engager dans des séances d’art-thérapie individuelles. Il me dit qu’il en a déjà bénéficié il y a trois ans avec une personne qui a quitté l’établissement.
On commence un dessin à partir d’une reproduction de trois dessins de bande dessiné
représentant un animal qui essaie de faire parler une peluche… cela lui fait penser au chien de sa sœur et il me parle de lui et de sa relation avec le chien.
Bilan de la séance
Manque de confiance en Soi, s’attribue une valeur négative quand il arrive à l’exprimer, attend
qu’on lui dise de faire, ne prend aucune initiative personnelle, colle au désir de l’encadrement,
et en particulier de Claude son « référent » depuis 15 ans. Les renseignements recueillis auprès de l’équipe, les indications médicales, et l’état de base
réalisé se recoupent. Jacha accepte de s’engager dans des ateliers individuels. Il commencera
par le dessin.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 3/5 ; Le Bien : NE/5 ; Le Beau : NE/5 ; la Qualité du Moment : 3/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Valoriser ses tentatives d’incursion dans l’Art2, car l’intention témoigne d’une prise de décision et prendre une décision c’est choisir, et faire des choix permet de devenir autonome.
Séances : 2 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI1 : Nourrir la saveur existentielle (pour un meilleur rapport ressenti/représenté)
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et coloriage Le dessin rassure Jacha. Il permet de déposer une trace personnelle (force
du trait, hésitations, reprises, gommage, etc…). Le trait cadre et pose des limites, … et c’est lui
qui les posera. Le coloriage le mènera à faire des choix
Phénomènes associés Suivi en atelier collectif avant la séance individuelle. Calme
Stratégie Thérapeutique Méthode
En mobilisant son goût pour le dessin et son savoir-faire existant (en 6), recherche de
gratifications sensorielles en 3, valorisation afin de fixer d’une manière positive cette expérience en 4, et favoriser un élan corporel en 5 et ainsi améliorer la saveur existentielle en 3.
Déroulé de la séance Observations cliniques
Jacha continue le dessin entreprit la veille. Il le colorie. Il me demande un modèle, je lui demande d’imaginer, je l’aide à dessiner ce qu’il pense
Il choisit la technique (le dessin car cela le rassure), mais il n’arrive pas à choisir le sujet et
attend que je lui impose, ou lui propose un modèle. Jacha est un peu plus bavard que la veille. Il parle de lui.
Les gestes sont appliqués mais un peu crispés. Il possède de bonnes bases en dessin mais il a
toujours besoin d’un modèle pour commencer.
Bilan de la séance
Il cherche à coller aux attentes. Il semble prendre du plaisir à être dans cet atelier et à dessiner (ce qu’il ne fait pas en atelier collectif). L’expression du visage peut en témoigner.
Il a peur de mal faire et n’a pas confiance en lui. Il a une image peu valorisante de lui-même
dans ses propos. Cependant, il prend du plaisir à faire et à en parler. La pratique du dessin le plonge dans une
concentration et un calme qui ressemble à de la quiétude, du plaisir (expression du visage et
expression verbale). La saveur est là et l’autoévaluation du Bon le confirmera. Le premier objectif est atteint même s’il reste à développer.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4 /5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 2/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 3 Cadre d’intervention
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Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI2 : Parler de lui et de ce qu’il pense
Pour affirmer sa place de sujet
OI3 : Exprimer son point de vue
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et coloriage
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Je demande à Jacha d’imaginer un dessin. Méthode semi-directive pour à la fois rassurer, cadrer et aussi permettre une auto évaluation à
partir des critères fixés en amont (objectifs)
Déroulé de la séance Observations cliniques
Jacha est détendu. Ses gestes sont appliqués mais encore crispés par moment. Il ne s’exprime
que sur sollicitations de ma part. la relation est conviviale et un sourire pendant la production
me laisse croire qu’il prend du plaisir dans ce qu’il fait. Il commence à corriger ce qu’il produit. Il semble exprimer par moment une intention esthétique
Bilan de la séance
Il choisit lui-même les couleurs. Il dira par la suite qu’elles ressemblent à celles du chien de sa
sœur (ce qu’il recherchait au départ) = donc il dit ce qu’il pense et il exprime un point de vue personnel sur son choix de couleurs. (c’est un début d’auto critique positive…).
Les OI1, OI2 et OI3 sont atteints mais doivent être consolidés au fil des séances.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4 /5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 2/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 4 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI4 : Produire (faire) à partir de choix personnels
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et coloriage
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
A partir d’une discussion sur le dessin de la dernière fois= 3 idées.
Consigne : mettre en forme ces trois idées Cheminement stratégique : à partir des ressentis positifs antérieurs (3/4), imaginer (4), se
projeter sur 3 idées (4/5), mettre en forme (5/6/7).
Déroulé de la séance Observations cliniques
Demande toujours un modèle. Il donne son avis sur le dessin et choisit des couleurs avec une
intention artistique.
Sur la consigne des 3 idées : il fait un choix. Il se trompe sur le ton d’un couleur (par rapport à sa description) : il se justifie et décide de
continuer
Bilan de la séance
Jacha parle plus facilement pour exprimer ce qu’il pense. Il définit ses intentions (continuer le
dessin sur le thème du chien de sa sœur). Il commence à s’affirmer dans ses choix personnels.
Il commente son dessin sans valeurs négatives. Sa description de cercles autour du sujet
principal montre son intention esthétique et sa capacité à justifier ses choix. L’OI4 est atteint mais il est préférable de le reconduire sur une prochaine séance pour le
confirmer.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
59
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 4/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 5 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI4 : Produire (faire) à partir de choix personnels
OI5 : Affirmer ses choix personnels face à autrui
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et coloriage
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Méthode libre
Il choisit le dessin et les crayons de couleurs
Déroulé de la séance Observations cliniques
Avant de commencer il dit : je ne sais pas quoi faire. Je n’ai pas de modèle.
Je lui dis : Ok. Tu me donnes une idée, je te donne un modèle. Il est d’accord. Il me donne une idée et le temps que je cherche un modèle il avait déjà commencé tout seul !
Un personnage qui marche sur un chemin de campagne.
Le trait est confiant, pas de gommage Remarque importante :
Après la séance, il remet en cause une consigne?! de Claude (l’art-thérapeute avec lequel il est
très proche) donnée lors de l’atelier collectif. Il en discute spontanément et envisage une
solution personnelle à une difficulté rencontrée. Bilan de la séance
Le sujet du dessin est directement pensé et mis en œuvre par lui-même. Il commente spontanément son dessin et affirme ses choix de couleurs et de formes esthétiques (végétaux,
perspective du chemin, etc…). il peut faire un choix, et le défendre.
Le dessin de base (intention) terminé, il rajoute un arbre : l’élan, l’engagement, la volonté
esthétique sont là.
Il fait un choix personnel et il l’affirme. L’OI4 et l’OI5 sont confirmés.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 4 /5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 6 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI5 : Affirmer ses choix personnels face à autrui
(OI à confirmer)
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et peinture
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode Méthode libre
Pas de consignes
Déroulé de la séance Observations cliniques
Il choisit la technique, le support et le thème. Il feuillette longuement un ouvrage (5’), puis décide de reproduire un tableau.
Le dessin respecte les grandes lignes de la composition mais l’épaisseur de ses traits,
60
l’agencement dans la construction graphique, ainsi que le choix des couleurs, laisse apparaitre
un style personnel.
Bilan de la séance
Jacha s’affirme et prononce un discours positif sur ce qu’il a fait lorsque l’on discute sur sa production. Il choisit ce qu’il va faire en fonction de ses goûts personnels et il peut le justifier.
Il porte un regard critique sur sa production et y apporte une modification. Il prend confiance en
lui et s’exprime sur sa production sans se dévaloriser lui-même. L’OI 5 est atteint
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4 /5 ; Le Bien : 3 /5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances collectives Cadre d’intervention
A l’extérieur Durée : 3 fois 7h sur une sem. ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif
Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI6 : Augmenter sa participation aux actions collectives pour qu’il puisse affirmer sa
position de sujet et améliorer la qualité de ses relations sociales.
Dominante(s) choisie(s)
Agencement de l’espace, décoration et montage expo collective
Précisions sur l’engagement de Jacha dans le projet collectif : Il a construit des masques
d’animaux fantastiques (thème de l’expo) en sculpture grillage, papier mâché et peinture. Ses œuvres ont été exposées dans la grande salle de l’Abbaye de Beaulieu (82) et il a participé
activement à l’installation de cette exposition.
Phénomènes associés Trajet 2 fois 60 kms dans la journée Restaurant à midi avec les responsables du centre culturel.
Stratégie Thérapeutique Méthode Montage de l’expo. Collective dans l’Abbaye de Beaulieu (82).
Sur une semaine, trois séances collectives.
Boucle de renforcement recherchée (5/6/7--- puis 8 à travers le projet d’expo coll.).
Déroulé de la séance Observations cliniques
Participation active de Jacha à l’aménagement de l’espace d’exposition.
Comprend certaines attentes et s’engage dans l’exécution des tâches à effectuer. Il communique avec les autres si on s’adresse à lui.
Il reste discret mais attentif à ce qu’il se passe. Il donne son avis sur la disposition des
masques accrochés au mur. Il comprend les attentes techniques et essaye d’y répondre au mieux.
Bilan de la séance
Jacha est discret mais attentif à ce qu’il se passe. Il s’expose ainsi au regard des autres et
témoigne d’un meilleur ressenti sur ses propres capacités. Il semble s’être amélioré sur sa confiance en lui. Sur les 3 sorties de préparation de l’expo coll, il confirmera son engagement
dans l’action collective et un plaisir affirmé d’y participer. L’OI6 est atteint.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 7 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif
61
Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OTG : Augmenter sa capacité à faire des choix
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et coloriage. Peinture mise à disposition avec divers matériels
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Méthode libre : A partir d’une idée ou d’un élément de la nature= création personnelle
Dessin et feutres sont choisis par Jacha
Déroulé de la séance Observations cliniques
Il décide de faire un cerf
Il commente spontanément son dessin. Il met un arbre dans le décor.
Jacha est calme, détendu et souriant. Le geste est assuré, la composition est équilibrée, et les couleurs cohérentes et bien réparties
Bilan de la séance
Jacha anticipe et propose des sujets et émet des critiques artistiques sur sa production. Il
entretient la conversation. Il exprime spontanément ses intentions et prend des initiatives. Il utilise le « je » pour parler de lui.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 5/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 8 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OTG : Augmenter sa faculté critique pour qu’il s’affirme et qu’il renforce son estime de lui
en impliquant son esprit par l’engagement (le Bon), l’affirmation d’un style (le Bien) et
l’affirmation de son goût (Le Beau)
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et crayons de couleur
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Expression libre
Après plusieurs boucles de renforcement de type 5’/6/3/4/5 et 4/5/6/7 Conforter la confiance en ses choix et en ses capacités, et lui donner l’envie de recommencer
(engagement dans le /5/6/7/), Puis lui permettre de donner un avis critique sur sa production
sans qu’il se sente menacé ou dévalorisé = (6/7/8/4/5/6)
Déroulé de la séance Observations cliniques
Il cherche un modèle pour entreprendre une peinture.
Il choisit le portrait d’un violoniste au ¾ profil
Il dessine en respectant le sujet, mais un style particulier apparait dans sa façon de tracer, dans l’épaisseur des traits (épais et foncés), ainsi que dans le ton des couleurs.
Le rendu final est réussi. Il est calme et détendu. Le rapport fond/forme est équilibré, le
discours ressentis / expressions est cohérent.
Bilan de la séance
Sa production confirme un style bien prononcé caractérisé par l’épaisseur du trait, le choix
des couleurs, le mouvement arrondi, l’expression générale du portrait. Sa faculté critique reste à confirmer mais elle est bien présente et cela contraste avec les
premières séances.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : /5
62
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 9 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier
Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OTG : Augmenter sa faculté critique pour qu’il confirme son implication du corps et de
l’esprit, qu’il affirme son jugement et améliore son autonomie en faisant des choix.
Dominante(s) choisie(s)
Dessin et peinture
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Libre.
Mettre à sa disposition les supports techniques et matériels pour qu’il s’engage dans une production de son choix. Stratégie : lui permettre de donner un avis critique sur sa production
sans qu’il se sente menacé ou dévalorisé = (6/7/8/4/5/6)
Déroulé de la séance Observations cliniques
Il arrive avant moi dans l’atelier = (élan corporel et engagement confirmé)
Il anticipe sur la séance en cherchant l’inspiration dans des revues= (idem) Il a décidé de se lancer dans la peinture. Il choisit un portrait (encore d’homme) à partir
d’une photo.
Il choisit les pinceaux avec une gouache (plutôt épaisse, ce qui convient assez à son style), Et la taille du support (A3)
Il est détendu, il s’exprime spontanément sur ce qu’il fait, il entretient la conversation, il prend des initiatives, il me regarde quand il parle (ça c’est nouveau), il manifeste de l’intérêt
pour ce que je vais faire après mon stage. Il corrige spontanément sa production et surtout il
exprime un sentiment d’efficacité personnelle. Sa production est organisée et témoigne d’un style personnel
Il modifie son choix et l’améliore
Bilan de la séance
Jusqu’à ce jour, il disait que la peinture c’était trop dur pour lui, qu’il ne pourrait pas y arriver, que Claude(1), lui, savait très bien peindre, etc…
Aujourd’hui, il choisit un modèle à partir d’une photo portrait (et non une autre peinture plus
facile à réaliser). En fin de séance, Jacha veut accrocher sa production avant de me la montrer : il y a de
l’intention esthétique et du choix affirmé dans la façon de l’exposer au regard de l’autre.
Il note le Bien à 4 (enfin !). Le Bon à 5 !; mais le Beau reste à 3. Sa capacité à exprimer un sentiment d’efficacité personnelle montre que l’estime de soi
remonte et que l’Amour de Soi s’est amélioré.
Il peut faire un choix personnel et le confirmer verbalement. (1)- Claude est l’art-thérapeute qui le suit depuis 15 ans, auquel Jacha est très lié (référence+)
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 4/5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer
Séances : 10 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OTG : Augmenter sa faculté critique
Dominante(s) choisie(s)
Peinture
Phénomènes associés Dernière séance et fin de mon stage à l’Atelier d’Art-thérapie
Stratégie Thérapeutique Méthode
Méthode Libre
Peinture gouache
Pinceaux divers
63
Stratégie : lui permettre de donner un avis critique sur sa production et de justifier ses choix
dans la discussion
Déroulé de la séance Observations cliniques
Reprise de la peinture pour rectifier la lumière dans le visage et la veste (envie, élan et confiance)
Gestes calmes et assurés. Termine ce qu’il avait l’intention de faire (l’affirmation de soi
s’améliore) Le rendu global est satisfaisant, cohérent et équilibré.
La correction qu’il apporte à son œuvre améliore le rendu et il s’en aperçoit (et le dit)=
l’amour de soi progresse En fin de séance, il parle beaucoup de lui (détendu et souriant), de son vécu artistique avec
Claude et une autre IDE, de maintenant et de son envie de participer au décor de théâtre qui est la prochaine commande faite à l’atelier collectif par une troupe.
Il a une intention et il se projette dans une action collective.
Bilan de la séance
Confirmation de ses capacités critiques et de son engagement dans la production.
Il détermine ce qu’il doit améliorer et le met en œuvre sans attendre une approbation de ma part.
Il fait des choix et les assument (si nécessaire les explique), il décide quand sa production est
finie, puis il décide d’afficher sa peinture finie pour pouvoir la critiquer. Il dit que le modèle est plus rond que la forme qu’il a représentée. C’est un jugement objectif et surtout évaluatif
de l’œuvre et non de sa propre personne.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : 5/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : 5/5
Eléments à intégrer
1 - 5 – L’évaluation des séances s’appuie sur la fiche d’observation
personnalisée, l’autoévaluation par le cube harmonique(*), ainsi que toutes les
observations pouvant rendre compte de l’engagement dans la production
artistique et de l’impact sur les trois composantes de l’estime de Soi.
Au regard de l’indication médicale et compte tenu des objectifs thérapeutiques,
l’évaluation se portera plus particulièrement sur l’implication et l’engagement
corporel dans la pratique artistique, ainsi que sur les trois composantes de
l’Estime de Soi.
Pour évaluer l’ensemble des items retenus, une fiche d’observation a été élaborée
(voir annexe I ). Les Items spécifiquement choisis pour Jacha sont répertoriés
dans la fiche d’observation. Elle a permis d’établir un suivi régulier au fil des
séances.
Les grands faisceaux d’items concernant Jacha sont les suivants :
Tableau N°3
Implication du corps dans la pratique artistique Expression Verbale :
►La Verbalisation (fréquence, débit, force..
►Expression Verbale de son intention
Concernant l’Impression / Expression :
►Implication corporelle dans l'activité
Expression Non Verbale :
► Expression non verbale du plaisir: Attitude
►Expression non verbale du plaisir: Visage
►Expression Non Verbale : La respiration
64
L’Amour de Soi L’Engagement Corporel :
►Engagement Corporel dans l'activité ►Expression Non Verbale pendant l'activité
L’Engagement Relationnel :
►Expression corporelle dirigée ver autrui ►Elan corporel
►Mode relationnel
►Perception et Amour de Soi
La Confiance en Soi L’Engagement dans la Production :
►Capacité à se corriger
►Intention esthétique ►Rapport fond/forme
►Expression du Style
Confiance en Soi :
►Choix de l'œuvre (Faire un choix)
►Confiance en sa place de sujet
L’Affirmation de Soi Affirmation de Soi :
►Sur le Choix d'entreprendre ►Choix de la technique ou du sujet
►Critiquer un Choix
►S'exprimer sur sa production
L’alliance thérapeutique a rapidement permis à Jacha de se prêter à l’exercice de
l’auto évaluation sans se sentir en danger. Au bout de quelques séances, il
semblait même attendre ce moment qui faisait « repère » en fin de séance.
Tableau N°4 : les résultats des auto-évaluations de Jacha.
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10
BIEN NE 2 3 4 4 3 3 3 4 3
BEAU NE 2 2 4 3 3 5 3 3 4
BON NE 3 4 4 4 4 5 4 5 5
QdM NE 3 4 4 4 4 5 4 5 5
NE : Non évalué S1 : Séance 1 QdM : la Qualité du Moment
Commentaires et analyse du Graphique N°1 : Autoévaluation de Jacha
Le Bon et la Qualité du Moment ont été évalués toujours sur le même niveau
d’appréciation. J’ai eu sans doute des difficultés à lui faire sentir une différence
entre les deux.
Le Bon a rapidement atteint un niveau satisfaisant pour garder une valeur entre 4
et 5 jusqu’à la fin.
Le Beau a pu osciller en fonction des productions et je peux témoigner qu’à partir
de la 5ème
séance, l’objectivité de Jacha rendait compte du développement de ses
capacités de critique.
0
1
2
3
4
5
6
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10
BIEN
BEAU
BON
Graphique N° N°1 : Autoévaluation de Jacha
65
Le Bien s’est affirmé à partir de la séance 4 comme un indicateur de sa fragilité en
matière de confiance en Soi. En revanche, il a su expliquer avec cohérence ses
choix et développer son sens critique à partir de choix personnels qu’il n’arrivait
pas toujours à réaliser à sa convenance au début, d’où une évaluation qui oscille
comme le Beau, sans toutefois se confondre avec lui (comme dans le rapport du
Bon avec la QdM).
Si l’on compare deux périodes charnières qui sont de la séance S1 à S3, et de S4 à
S10, on peut voir une nette évolution dans la perception du Beau et du Bien
(l’affirmation de Soi et la Confiance en Soi en progression dans les temps
d’observations).
Cela a été certainement facilité par une évolution positive du rapport
ressenti/représenté constatée dans l’engagement et la production artistique, et
confirmé par une évolution rapide et croissante du Bon et de la Qualité du
moment. Ceci a contribué aussi à une restauration de l’Amour de Soi et a permis à
Jacha de retrouver une image plus positive de lui-même.
Graphique N°2 : Evolution des faisceaux d’items concernant Jacha
Commentaires :
Tous les faisceaux d’items observés ont évolué favorablement et en
particulier la confiance en Soi et l’affirmation de Soi qui ont été en constante
évolution.
Si l’on met en part la séance S8 où un phénomène associé vient perturber
les ressentis (Augmentation du taux de diabète et remontrances du personnel
éducatif sur le foyer d’accueil, ce qui a contrarié Jacha ; voir feuille
d’observation), toutes les courbes progressent et la confiance en Soi d’une
manière très significative.
Le relationnel et l’engagement constituent deux faisceaux d’items choisis
pour évaluer l’Amour de Soi chez Jacha. Ils se suivent de très près, et le plaisir
semble les suivre de manière régulière jusqu’à l’épisode de la séance 8.
1-6- Le bilan de la prise en charge fait apparaitre une nette amélioration de la
confiance en soi et de la capacité à faire des choix personnels.
0
10
20
30
40
S1 S2 S3 S4 S5 S6 S7 S8 S9 S10
PLAISIR
ENGAGEMENT
RELATIONNEL
CONFIANCE EN SOI
AFFIRMATION DE SOI
Amour de Soi
66
Jacha est orienté vers l’Art-thérapie avec pour indications de prévenir les phases
délirantes, d’augmenter son autonomie personnelle et d’améliorer son intégration
au groupe. Les objectifs généraux fixés en Art-thérapie concernent sa capacité à
faire des choix personnels et l’augmentation de ses facultés critiques.
Les premières séances montrent en effet un manque de confiance en soi et une
déconsidération systématique sur ses propres capacités. Il s’attribue visiblement
une valeur négative et cela l’empêche d’aller vers les autres et d’entreprendre
quoique ce soit. De fait, il se situe à l’écart dans les ateliers collectifs, et il attend
que l’encadrement lui donne des consignes et lui dise comment il faut faire.
La perspective de rencontres individuelles lui plait. La première séance il est
réservé et en attente d’instruction. Au fil des séances il prendra d’abord confiance
en moi et en notre relation, puis enfin en ses capacités de produire des éléments
positifs. Il prendra rapidement du plaisir à dessiner et colorier.
Puis, la confiance venant, il se lancera dans la peinture en affirmant un style
personnel. Ses productions sont équilibrés et ses jugements sont effectifs et
cohérents par rapport rendu (intention/réalisé). Il a encore du mal à donner une
valeur très positive sur le bien. Mais il a une meilleure perception de ses capacités
et il n’a pas peur de les exprimer et même de les afficher. La nature de ses
troubles psychiques ne lui permet pas d’explorer le domaine empathique des
relations sociales, néanmoins il tient compte des autres dans ses comportements et
il peut apporter une aide effective à une autre personne sur sa propre initiative.
Aujourd’hui, on peut dire que son intégration au groupe s’est améliorée, même si
sa pathologie nous invite à relativiser ces résultats qui restent à confirmer dans le
temps. Il fait des choix personnels et s’affirme assez bien dans des relations
duelles. Le collectif reste encore un domaine où il est plus en retrait. Cependant, il
sait adapter son comportement aux attentes des autres et c’est peut-être là un signe
d’une meilleure intégration au groupe puisqu’il a démontré qu’il savait s’affirmer.
2 - Sassa voudrait reprendre ses études suite à une bouffée délirante et
l’équipe médicale se questionne sur ses capacités à reprendre des relations
apaisantes.
2-1- L’indication médicale est recueillie auprès du Médecin psychiatre de
l’unité.
Domaines
d’investigation
Recueil de données concernant Mr/Mme SASSA
Indication
Améliorer un rapport à l’autre compliqué (sentiment de persécution).
Reprise de ses études après une période d’arrêt suite à une Bouffée Délirante Aigue (BDA).
Etat de base :
Anamnèse
Sassa est une jeune femme de 22 ans qui est suivie en psychiatrie depuis 6 semaines, suite à une
bouffée délirante survenue lors d’un échec dans une formation BAFA.
Sassa raconte qu’à l’âge de 6 ans elle accusa son père d’inceste pour « coller » aux désirs de sa mère qui ne cessait d’accabler son conjoint de tous les maux, dans un contexte de séparation
très conflictuel.
Sassa se rétracta par la suite et aucune poursuite ne fût engagée contre son père, mais la culpabilité de l’enfant resta « retenue » selon les dires de Sassa.
67
Evaluation des capacités
Bilan de base
A l’âge de 15 ans elle partit habiter chez son père à Taïti et engagea une thérapie qui dura 2
années. A 19 ans, de retour en France, elle commença des études de psychologie, jusqu’à ses 22
ans où, confrontée à la situation d’échec en formation BAFA, elle « évacua un trop plein d’énergie accumulée depuis l’enfance » et dit avoir eu « une bouffée délirante » qui se traduisit
par des confusions et délires importants.
Bilan moteur : Déplacements lents
Capacités d’expression : Lenteur dans la formulation, éprouve des difficultés à exprimer ses
émotions Capacités relationnelles : Se tient à l’écart dans le groupe, Recherche l’approbation de
l’encadrement, elle a besoin d’être rassurée sur ses capacités (Confiance en Soi très touchées)
Capacités intellectuelles : Bonnes capacités intellectuelles (très bon niveau de culture générale) Capacités de communication: Bonne capacité de communication, Malgré des traits de visage
peu expressifs Bilan psycho affectif : Montre un sentiment de culpabilité important Les Goûts : Elle aime le dessin, le collage de papier et tissus, la mise en couleur, elle aime
découvrir d’autres techniques artistiques Limites observées à ce jour : Elle manque de motricité fine, ses capacités sensorielles
pourraient être perturbées par la prise de son Traitement (Neuroleptiques).
Attentes du patient Réduire mes impatiences et apprendre à concentrer mon énergie
Etre plus calme et plus apaisée Retrouver le chemin des études en psychologie
Retrouver le plaisir de créer et découvrir de nouvelles matières
Pénalités Maladie psychique, décompensation manifestée par une bouffée délirante. Le caractère de chronicité n’est pas encore établi, par exemple : Psychose Chronique Hallucinatoire (PCH).
Souffrances Diminution de la projection, Diminution de la qualité de vie, Baisse de la Confiance en soi et de
l'Amour de soi, sentiment de culpabilité important, angoisses, peur de ne plus être adaptée à la
réalité.
2-2- l’Etat de base fait apparaitre une situation familiale conflictuelle et un
vécu d’enfance très douloureux.
L’état de base confirme une confusion mentale et une grande anxiété chez Sassa.
Le discours est bien structuré mais les souvenirs sont confus et les faits relatés
sont peut-être réinterprétés à la lumière de sa formation universitaire (Master de
psychologie). La coordination des mouvements laisse apparaitre quelques
difficultés, l’expression du visage est crispée, avec de légers tremblements du
corps et des mâchoires qui sont nettement tendues, sans doute les effets
secondaires de son traitement de neuroleptiques (Tersian) et des tranquillisants
(Equanil). Le diagnostic médical n’est pas encore confirmé mais il semblerait que
ce soit une psychose organique aiguë de type BDA (c’est ce que signale
l’indication médicale).
Sassa dit se souvenir de ce qu’elle a ressenti lors de sa bouffée délirante. Elle
justifie son angoisse d’aujourd’hui par le fait qu’elle n’arrive pas à expliquer la
confusion mentale et le trouble émotionnel dans lequel elle s’est soudainement
retrouvée. Plus elle y pense et plus cela l’angoisse. Je lui propose des séances
d’art-thérapie dans le cadre de l’atelier collectif et du projet d’exposition sur le
thème « les animaux fantastiques », mais en suivi individuel. Elle accepte avec
plaisir car elle est sensible à l’Art et à la découverte de techniques artistiques. Je
lui explique la prise en charge tiendra compte des indications médicales que je lui
68
ai exposé en début d’entretien, ainsi que de ses attentes personnelles vis-à-vis de
l’atelier d’art-thérapie.
Elle assiste déjà à des ateliers d’art-thérapie en collectif depuis 3 séances, le matin
de 9h à 11h00. Elle est accompagnée par son père (jusque dans l’atelier…). Elle
semble prendre beaucoup de plaisir dans l’exécution d’une sculpture animale
qu’elle a choisi de réaliser en grillage et papier collé.
2-3- Le protocole de soins et la stratégie d’intervention ont donné lieu à des
observations en suivi individuel mais dans le cadre d’un atelier collectif, compte
tenu des objectifs thérapeutiques.
Compte tenu de l’indication médicale d’améliorer la relation aux autres, d’une
part, et des Objectifs Thérapeutiques Généraux « reprendre ses études à
l’université » (donc dans un collectif), d’autre part, il a été choisi d’établir un
accompagnement personnalisé mais au sein de l’atelier collectif d’Art-thérapie de
9h00 à 11h00 et trois fois par semaine.
Le protocole de soins est le suivant:
Objectif Général
Thérapeutique
Réduire son anxiété et Calmer ses impatiences (rapport 3 / 4 sur l’OA) (Améliorer le rapport
à soi-même) Améliorer la relation aux autres (en 8).
L’accompagner à la reprise de ses études en maîtrise de psychologie à Toulouse.
Objectifs Intermédiaires OI 1 : Stimuler les ressentis corporels pour prendre du plaisir.
OI 2 : Rechercher l’engagement dans une production individuelle. OI 3 : Engagement dans le projet collectif (production à thème pour une expo en octobre).
Sites d’Action En 3 car captations sensorielles difficiles et génératrices de ressentis négatifs, 4 car le traitement
cognitif est altéré et manque de cohérence // aux ressentis ; 5 car l’élan corporel est touché par un mauvais rapport entre le 3 et le 4.
Cibles thérapeutiques 6 et 7 car Sassa aime la pratique artistique et la découverte de techniques nouvelles ; 3 pour
retrouver des sensations positives et gratifiantes ; 5 et 8 pour mobiliser son élan corporel afin de
retrouver des relations mondaines apaisées.
Stratégie
1er objectif : Rechercher des sensations positives en 3, et sortir d’un traitement cognitif (en 4)
mis en doute par le médical, mais aussi par Sassa. (incohérence entre les émotions en 3 et leur traitement en 4)
Méthode: Utiliser la production artistique (volonté exprimée par Sassa) pour renforcer le
ressenti positif (gratifications sensorielles en 3), sans passer par un raisonnement en 4 (sur lequel elle a perdu confiance)
Boucles de Renforcement recherchées: 6/3/5 (ou 6/7/3), puis 3/4/5/6/7/3
Cheminement stratégique: passer par la technique du 6 pour augmenter la gratification sensorielle en 3, la structuration corporelle en 4 et un engagement « cohérent » en 5.
Objectif : Restaurer la Confiance en Soi (5,6 et 7) et l’affirmation de Soi (6,7 et 8).
2-4- Les séances se sont déroulées en atelier collectif la plupart du temps et cela
constitue une stratégie globale d’accompagnement
Rappel méthodologique : Toutes les séances se décomposent en trois temps :
1er temps: l’accueil et l’engagement dans l’atelier
2ème temps: le contenu de l’atelier
69
3ème temps: le raccompagnement jusqu’à la porte d’entrée du bâtiment.
Concernant : SASSA
Période : de avril à juin 2016
Séance Ouverture Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
Etablir les bases d’une bonne relation thérapeutique :
Clarification des attentes, besoins et souhaits de SASSA par rapport à l’Art-thérapie et compte tenu de l’indication médicale
Obtenir l’adhésion de SASSA au projet thérapeutique et gagner sa confiance.
Dominante(s) choisie(s)
Pas de technique artistique sollicitée car besoin d’Approfondir l’état de base à travers un
échange verbal.
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Etablir un écoute bienveillante et non jugeante pour permettre à Sassa de s’exprimer sur ses
attentes vis-à-vis de l’Art-thérapie.
Déroulé de la séance Observations cliniques
L’indication médicale est énoncée puis commentée par Sassa qui enchaîne sur son épisode de
décompensation et sur les raisons qu’elle y attribue. Lors d’un échec récent dans une formation BAFA, elle aurait été le « bouc émissaire » d’une situation dont le directeur de
formation serait l’artisan (« le Directeur m’a descendue… »). Selon Sassa cet épisode aurait
déclenché une situation de « déblocage d’un trop plein d’énergie retenue depuis l’enfance ». Un récit douloureux de sa petite enfance commence. Sassa a un visage tendu et très peu
expressif. Son discours est très bien structuré et cohérent. Elle évoque le souvenir des
émotions vécues, lors de la période délirantes, et dans lesquelles elle a du mal à se reconnaitre. Cela développe une angoisse et une perte de confiance en ses propres
perceptions. Elle parle de d’impatiences, de recherche d’apaisement, de recherche de plaisirs,
de reprise d’études en master de psychologie à l’université de Toulouse.
Bilan de la séance
Sassa assiste à des ateliers d’art-thérapie en collectif depuis 3 séances, le matin de 9h à
11h00. Elle est accompagnée par son père (jusque dans l’atelier…). Elle semble prendre
beaucoup de plaisir dans l’exécution d’une sculpture animale qu’elle a choisi de réaliser en grillage et papier collé.
Le diagnostic médical n’est pas encore clairement posé et nécessite un peu plus
d’investigations, notamment pour apprécier le degré de dissociation. Le rapport à l’autre pose clairement problème, avec une tendance à la mise en retrait et au
sentiment de persécution.
La reprise de ses études en maîtrise de psychologie à Toulouse semble être un item concret sur lequel on peut s’appuyer pour considérer qu’une amélioration de son état général s’est
opérée.
Sassa est demandeuse d’activités créatrices et artistiques. Nous établissons les bases d’un accompagnement en atelier d’Art-thérapie. Cet accompagnement sera individualisé et se
déroulera pendant le temps de l’atelier collectif dans le même espace. Sassa semble motivée
pour la sculpture et collage de tissus et cet élan corporel me semble directement mobilisable sur une production artistique.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 1 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI 1 : Stimuler les ressentis corporels pour prendre du plaisir.
Accompagnement Thérapeutique
70
Dominante(s) choisie(s)
Sculpture papier mâché/ grillage, puis collage de tissus de couleurs variées (Tissus africains)
Phénomènes associés Son père l’accompagne jusque dans l’atelier d’art-thérapie. Il est de formation Infirmier, mais ne travaille pas au sein de l’hôpital de Montauban.
Stratégie Thérapeutique Méthode
Utiliser la production artistique (volonté exprimée par Sarah) pour renforcer le ressenti
positif (gratifications sensorielles en 3), sans passer par un raisonnement en 4 (sur lequel elle
a perdu confiance)
Déroulé de la séance Observations cliniques
Sassa semble prendre du plaisir à toucher la matière. Ses gestes sont imprécis, mais elle manifeste un élan corporel et une soif de technique, associé à un besoin d’être « encadrée », soutenue et revalorisée par l’encadrement. Elle n’hésite pas à tremper les doigts dans la colle, frotter les tissus, semble un peu perdue lorsque ses intentions ne se réalisent pas comme prévue. Elle ne se décourage pas et continue à entreprendre. Il faut cependant soutenir le désir et accompagner le geste technique. Aucune attention n’est portée vers les autres, aucun regard. Elle n’accorde aucun intérêt à ce qui se passe en dehors de sa production et de sa relation avec l’Art-thérapeute. Elle semble très concentrée et son visage, bien que tendu, laisse apparaitre un léger sourire.
Bilan de la séance
Sassa semble prendre beaucoup de plaisir dans la pratique artistique. Elle se contente pour l’instant d’être dans la mimésie et expérimente des techniques qu’elle découvre. Elle a besoin d’une présence régulière de l’encadrement et aussi d’être rassurée sur ses capacités à faire. De toute évidence l’estime de Soi a besoin d’être renforcée. Sa gestuelle, son engagement corporel et sa constance à l’ouvrage, témoignent de son ressentis positif qu’elle confirmera oralement et spontanément en fin de séance. Elle souhaite vivement continuer l’accompagnement en Art-thérapie. Le premier objectif est atteint dès la première séance mais nécessite d’être reconduit sur les autres séances Le beau et le bien ne sont pas évalués (choix de l’AT) pour ménager l’estime de soi et parce que l’objectif de la séance se centre sur les ressentis et le plaisir.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4 /5 ; Le Bien : NE /5 ; Le Beau : NE/5 ; la Qualité du Moment : 4 /5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 2 /5 ; Le Beau : 2/5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 2 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI 2 : Rechercher l’engagement dans une production individuelle.
Dominante(s) choisie(s)
Sculpture papier mâché/ grillage, puis collage de tissus de couleurs variées (Tissus africains)
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Rappels sur stratégie:
• Obj.: Gratification sensorielle positive en 3. Utilisation de la dynamique art1/art2 et sortir d’une pensée excessive (en 4)
Stratégie: Utiliser la production artistique (volonté exprimée par Sassa) pour renforcer le ressenti positif (gratification en 3) et stocker cette expérience positive en 4
• Les boucles de Renforcement recherchées: 5/6/3, puis 4/5/6/7/3
Déroulé de la séance Observations cliniques
L’élan corporel est toujours présent et l’implication dans la production aussi. Mais la réalisation technique est difficile et pas toujours réussie. Cependant Sassa est ne se décourage pas. Je suppose pour plusieurs raisons : 1-Elle n’a pas vraiment encore d’intention esthétique prononcée et affirmée, 2-Ses différentes tentatives dans l’Art2 sont valorisées systématiquement par l’Art-thérapeute tout en portant des observations sur la forme technique (puisque Sassa était demandeuse
71
de techniques nouvelles, il est plus facile de « corriger » sans la dévaloriser). Elle recherche des modèles à suivre et ne se lance pas encore dans le choix de la création, l’imaginaire.
Bilan de la séance
Sassa est motivée, un élan corporel est bien présent mais il ne concerne pas encore une intention personnelle et un choix personnel de s’engager dans une production personnelle. L’OI2 reste à poursuivre Le geste est encore imprécis et la confiance dans ses actes assez faible, mais Sassa ne se décourage pas et semble prendre beaucoup de plaisir. L’attention aux autres n’est toujours pas là. Si elle croise quelqu’un, elle l’évite sans le regarder et ne porte son attention que sur sa production. Les regards sont tournés uniquement vers l’encadrement.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 3/5 ; Le Bien : 2/5 ; Le Beau : 2/5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 3 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI 2 : Rechercher l’engagement dans une production personnelle.
Dominante(s) choisie(s)
Sculpture papier mâché/ grillage, puis collage de tissus
Phénomènes associés Diminution de son traitement médical
Stratégie Thérapeutique Méthode
Cheminement stratégique: passer par la technique du 6 pour maintenir la gratification
sensorielle en 3, la structuration corporelle en 4 et un engagement en 5 vers une création
personnelle.
Objectif : Restaurer la Confiance en Soi (5,6 et 7) et l’affirmation de Soi (6,7 et 8).
Déroulé de la séance Observations cliniques Sassa continue sa production. Concentration et curiosité sont toujours au rendez-vous.
Elle prend du plaisir à toucher la matière et cela se voit dans ses gestes, sa posture et
l’expression de son visage qui commence à changer.
L’engagement corporel est là mais il n’y pas encore de production choisie et imaginée, elle reste dans la mimésie.
Bilan de la séance
Sassa s’exprime volontiers sur ses ressentis positifs et le manifeste aussi par des sourires (encore un peu crispés sur le visage). L’engagement est là, mais pas encore d’intention personnelle au niveau de la création. L’OI 2 reste à poursuivre
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 2/5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : 4/5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 4 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI 2 : Rechercher l’engagement dans une production individuelle.
Dominante(s) Sculpture papier mâché/ grillage, puis collage de tissus
72
choisie(s)
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Consigne : Produire la sculpture d’un animal qui n’existe pas dans la nature.
La consigne cadre, le cadre rassure, et l’impératif de production aussi : « qui n’existe pas dans la nature » Justification stratégique : elle est sure au moins de ne pas se tromper…
Même cheminement stratégique que la séance précédente : passer par la technique acquise
dans le 6 pour maintenir une gratification sensorielle en 3, la structuration corporelle en 4 et un engagement en 5 vers une création personnelle.
Déroulé de la séance Observations cliniques
Sassa porte un regard critique sur sa production. Elle fait des choix esthétiques (couleurs,
tissus, disposition,…) Elle manifeste un élan, une intention personnelle et une volonté de s’engager dans une
production individuelle.
Elle s’intéresse soudain au projet d’exposition collective. Elle pose des questions à
l’encadrement et projette d’y participer.
Elle commence à regarder les productions des autres. elle devient plus attentive à ce qui se
passe autour d’elle, sans toutefois engager la conversation avec les autres.
Bilan de la séance
Après un moment d’hésitation, Sassa s’est lancée dans une production personnelle. La consigne a visiblement fait l’effet recherché et Sassa a pu se laisser aller dans la créativité personnelle et cela lui a été très gratifiant pour elle. Elle a gagné en confiance en elle et commence à affirmer ses goûts et ses choix esthétiques. L’OI 2 est atteint. Remarque: Elle s’est engagée d’elle-même dans la perspective de l’OI3, c’est à dire dans l’engagement dans la production collective à thème.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 4/5 ; Le Bien : 4/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : 5/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : /5 ; Le Bien : /5 ; Le Beau : /5 ; la Qualité du Moment : /5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
Séances : 5 Cadre d’intervention Durée : 45 minutes ⃝ Atelier Individuel ⃝ Atelier Collectif Objectif(s) Thérapeutique(s) Intermédiaire(s) de la séance (OI)
OI 3 : Engagement dans le projet collectif (production à thème pour une expo en octobre).
SA: 5/6/7/8
Dominante(s) choisie(s)
Sculpture papier mâché/ grillage, puis collage de tissus
Phénomènes associés
Stratégie Thérapeutique Méthode
Consigne : Continuer la sculpture d’un animal qui n’existe pas dans la nature afin de la
rajouter aux pièces de l’exposition collective prévue en octobre.
Par une création personnelle et un engagement sur une œuvre collective
Objectif : Renforcer la Confiance en Soi (5,6 et 7) et l’affirmation de Soi (6,7 et 8), par une
expérience relationnelle génératrice de plaisirs, et en espérant un retour mondain gratifiant et revalorisant pour l’estime de Soi.
Déroulé de la séance Observations cliniques
L’engagement corporel est bien présent. La technique a évolué et le rendu esthétique
commence à être satisfaisant ce qui rend Sassa fière d’elle. Au-delà d’une implication du corps, on perçoit une implication de l’esprit. Elle pose des questions sur l’expo collective et
s’intéresse aux autres productions.
Bilan de la séance
Résumé et bilan:
Sassa commence à regarder les productions des autres patients et donc commence à s’ouvrir
aux autres. On sent nettement que son entourage ne lui est plus indifférent. Elle adhère au projet
73
collectif, l’autre n’est plus vécu comme une menace mais comme un partenaire dans un
projet créatif, artistique et innovant (une solution positive peut être imaginée, construite et assumée collectivement.
Elle s’intéresse à l’expo collective et confirme sa volonté d’y participer activement.
L’OI3 est atteint. La confiance en Soi est revenue, l’affirmation de Soi est présente dans ses choix et dans sa production.
Evaluation de(s) l’OI de la séance
⃝ Atteint ⃝ Non atteint ⃝ Partiellement atteint ⃝ à reconduire ⃝ à confirmer ⃝ à modifier
Autoévaluation De 1 à 5 ; NE= Non évalué
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 4/5 ; Le Beau : 4/5 ; la Qualité du Moment : 5/5
Evaluation des 3 B par l’AT//observations
Le Bon : 5/5 ; Le Bien : 3/5 ; Le Beau : 3/5 ; la Qualité du Moment : 5/5
Eléments à intégrer aux prochaines séances
2-5- L’évaluation s’appuiera sur des items spécifiques de la fiche d’observation
mais aussi sur une auto évaluation à chaque séance.
Au regard de l’indication médicale et compte tenu des objectifs thérapeutiques,
l’évaluation se portera plus particulièrement sur l’engagement corporel dans la
pratique artistique et dans les relations avec les autres. Les trois composantes de
l’estime de Soi seront observés avec des critères spécifiques à Sassa. (Voir fiche
d’observation et grille des items retenus en annexe III et IV).
Tableau N°5 : Les grands faisceaux d’items concernant Sassa.
Affirmation de SOI (Rapport au autrui)
Le REGARD
VISAGE (changements)
Expression non verbale du plaisir
Expression Non Verbale du plaisir
Le CORPS
Capacités relationnelles
Expression non verbale du plaisir
Engagement du corps et de l'esprit
COMMUNICATION
Capacités relationnelles (Engagement)
Expression Verbale
Engagement de l'esprit
CONFIANCE en SOI (Via la production)
Capacité à faire et à refaire
Recherche de l'approbation de l'encadrement
AMOUR de SOI (le rapport à soi-même)
Perception de Soi (IMPRESSION)
Production//Rapport aux autres (EXPRESSION)
Attitude corporelle
Expression Non Verbale pendant l'activité
74
Graphique N°3 : Présentation des résultats des séances auprès de Sassa
Commentaires :
L’Affirmation de Soi a progressé de manière régulière au fils des séances, surtout
dans les items d’expression et d’engagement du corps dès la 2ème
séance.
La Confiance en Soi s’affirme de manière plus nette, mais seulement à partir de la
séance 4, ainsi que l’Amour de Soi qui progresse par palier mais rejoint
l’Affirmation de Soi.
Graphique N°4 : Affirmation de Soi // Amour de Soi
Il semble y avoir une corrélation entre l’Amour de Soi et l’Affirmation de soi qui
se renforcent au cours des séances.
0
2
4
6
8
10
S1 S2 S3 S4 S5
Affirmation de Soi
Confiance en Soi
Amour de Soi
0
2
4
6
8
S1 S2 S3 S4 S5
Affirmation de Soi
Amour de Soi
Capacités relationnelles0
2
4
S1 S2 S3 S4 S5
Capacités relationnelles
Perception de Soi (IMPRESSION)
Graphique N°5: Relation entre les capacités relationnelles et la Perception de Soi
75
L’amélioration de la perception de Soi semble favoriser nettement les capacités
relationnelles.
Tableau N°6: Auto-évaluation par le cube harmonique
S1 S2 S3 S4 S5
BON 4 3 4 4 5
BIEN NE 2 3 4 4
BEAU NE 2 3 4 4
QdM 4 4 4 5 5
NE : Non évalué S1 : Séance 1 QdM : la Qualité du Moment
Pour des raisons stratégiques, le Bien et le Beau n’ont pas été évalué à la première
séance. L’objectif était de privilégier la qualité du moment passé ainsi que le
plaisir éprouvé dans la pratique artistique.
Dès la première séance, la qualité de la relation thérapeutique a permis à Sassa de
noter assez haut la qualité du moment et le Bon. Ce fût une base sur laquelle le
Beau et le Bien ont pu progresser lentement vers une affirmation de ses goûts et
de son élan artistique. La confirmation d’une amélioration de la confiance en Soi
peut s’évaluer par la notation jusqu’à 4 du Bien, alors que la production technique
restait médiocre.
2-6- Le bilan de cette prise en charge rend compte d’une évolution rapide des
objectifs intermédiaires et ponctue de manière positive la prise en charge.
Sassa nous a été orientée suite à une bouffée délirante venant perturber ses
perceptions et ressentis au point d’alimenter des délires de persécutions et
provoquer un arrêt brutal de ses études universitaires. L’indication médicale
0 1 2 3 4 5 6
S1
S2
S3
S4
S5
QdM
BEAU
BIEN
BON
Graphique N°6 : Autoévaluation Sassa
76
portait sur la restauration de relations apaisées avec autrui, et sur une réduction de
ses angoisses, dans la perspective d’une reprise de ses études.
Les premières séances en atelier collectif, montre une personne très discrète qui
n’accorde aucun intérêt aux personnes qui l’entourent à part l’encadrement.
Peu à peu, Sassa prend ses marques, retrouve de la confiance en elle et s’investit
dans une production individuelle.
Lorsque la confiance est revenue, elle a pu affirmer ses goûts et ses choix
artistiques.
Son auto-appréciation s’est améliorée au fil des séances
Son intérêt pour autrui s’est manifesté peu à peu, puis s’est confirmé à la 5ème
séance.
Enfin, elle a pu exprimer sa volonté de participer à une exposition collective,
manifestant ainsi une envie de s’investir dans une relation aux autres.
Aujourd’hui Sassa est sortie des soins hospitaliers pour reprendre ses études
universitaires à Toulouse.
D – D’autres prises en charge s’effectuent principalement en atelier collectif
1 – Les autres suivis se sont réalisés dans le cadre de l’atelier collectif qui
travaille depuis un an sur un projet d’exposition collective dans une Abbaye.
Tableau N° 7 : Observations dans les ateliers collectifs.
Patients Etat de base Indications Objectifs thérapeutiques
Dominante principale
Observations, Limites, analyse
Jujube
Psychose Schizophrénie, tendance au sentiment de persécution et aux délires mystiques
Développer sa concentration et son inscription dans un projet collectif de création artistique (sensible à l’art)
Contenir ses projections hallucinatoires et réduire les épisodes délirants Obtenir une adhésion dans un projet de création
La sculpture sur siporex et papier mâché sur grillage
Des épisodes anxieux rendent sa progression difficile, mais des résultats ont été remarqués au niveau de sa concentration et de son savoir-être en groupe.
Rintin
Troubles du comportement et de la personnalité, tendance au repli social
Restaurer du lien social, de la confiance et de l’affirmation de soi
Affirmer des compétences pour favoriser un ressenti positif et développer la confiance en soi
Sculpture sur Fer avec technique de soudage à l’arc
La maîtrise d’un savoir-faire (technique de soudure à l’arc) lui a permis d’augmenter sa confiance en lui et de mieux communiquer avec son environnement médical, social, institutionnel.
Lara
Agitations, difficulté à se concentrer et à supporter la frustration
Calmer l’anxiété et réduire le trouble du comportement
Améliorer la concentration et favoriser la confiance en soi par une production esthétique.
Sculpture sur siporex, peinture, papier mâché
Difficultés à rester concentrer plus de 10 mn sur une tâche =Un ressenti pas toujours positif sur le bien-faire.
Séluine
Etat dépressif sévère, ayant un
S’inscrire dans un groupe et dans un
Favoriser des ressentis positifs par le toucher
Découpage papier,
La chronicité de sa pathologie rend
77
impact sur ses relations sociales ainsi que son autonomie quotidienne
projet de création afin de se projeter dans l’avenir
et la découverte de matières plastiques Rechercher une dynamique de projet (artistique, relationnel, personnel, …)
Dominante associée : « discussion au café »
difficile un engagement effectif dans une production. Cependant, elle vient souvent à l’atelier, même si elle ne produit pas, elle fait « acte » de présence dans le collectif et c’est déjà en soi un élan corporel.
2 - Les différentes prises en charge personnalisées trouvent un point commun
dans les troubles de l’expression et de la relation, et traduisent une atteinte
manifeste de l’Estime de Soi.
Quelles soient d’origine métabolique, infectieuse, cérébrale ou toxique, la
psychose engendre le développement de mécanismes de défenses contre un stress
important engendré par la pathologie. Ces mécanismes de défense, associés à la
confusion mentale provoquent des comportements inadaptés qui perturbent les
relations sociales. Il n’est donc pas étonnant de retrouver souvent « l’amélioration
des relations sociales » dans la plupart des indications médicales.
D’autres points communs sont dus à la particularité des traitements médicaux.
Le traitement principal de la psychose reste le neuroleptique qui engendre des
effets secondaires d’hypotension, de tachycardie, de syndrome extrapyramidal(*)
ou parkinsonien. Ces troubles physiques et physiologiques s’associent aux
troubles psychiques pour renforcer les troubles du comportement et de la relation.
Si le psychotique ignore l’origine de ses troubles, il en perçoit cependant les effets
et cela engendre de la souffrance, un sentiment de ne pas être adapté, d’être exclu,
rejeté. Tout ceci affecte profondément l’estime de Soi dans ses trois dimensions,
et particulièrement l’Amour de Soi. Le peu de valeur que les personnes
s’accordent, associé à la difficulté de trouver une explication rationnelle et
partageable de ce qu’il ressente, les mettent dans une situation psychique qui les
menace et les incite à développer des mécanismes de défense, manifestations
visuelles de ce qui est nommé « troubles de la relation et du comportement ».
3 – Le bilan de ces prises en charge montre que l’acte créatif permet de
restaurer la confiance en Soi et d’améliorer le savoir-ressentir.
A travers ces expériences cliniques, j’ai pu constater que l’acte créatif mobilise le
corps et l’esprit dans un élan productif. La créativité d'un individu, c’est sa
capacité à imaginer (dans le 4) et à produire (dans le 6/7). Que ce soit à partir de
ressentis corporels, visuels ou de l’ordre de l’esprit, l’intention esthétique permet
d’anticiper et de se projeter. Les expériences créatives renforcent et régulent le
rapport savoir/saveur. Faire acte de créativité, c’est mobiliser son savoir-ressentir
dans un élan productif au service d’un savoir-faire. La pratique artistique permet,
par des actes concrets, l’expression d’un style et d’un goût qui témoigne de la
créativité et de la singularité de chacun.
78
Comme je l’ai écrit dans le schéma N°3 p.26, la confiance en soi a besoin d’actes
pour se développer et se maintenir. La créativité conforte ce savoir-faire et nourrit
le rapport saveur/savoir, et la capacité à s’attribuer une valeur positive. Cela
renforce l’espoir et la fierté et restaure l’estime de soi dans ses trois dimensions.
4- La nature même de la psychose pose des limites et rend difficile le
phénomène d’empathie et la perception positive de sa propre valeur.
Les souffrances engendrées par la psychose affectent la perception positive que la
personne pourrait avoir d’elle-même.
Le déni de la réalité extérieure, au profil d’une réalité personnelle
incommunicable, situe l’individu en dehors de toute expérience partageable et
crée un malaise dans la relation. Les patients observés ont beaucoup de mal à être
dans l’empathie, ce qui ne facilite pas le rapprocher avec autrui.
Leur souffrance les éloigne encore plus de la réalité et accentue le doute sur leurs
propres perceptions. Comment alors pourrait-il ne pas douter de la valeur qu’ils
accordent à eux-mêmes et qu’ils pourraient accorder aux autres ?
5- Le bilan de ces prises en charge en atelier collectif laisse apparaitre des
perspectives intéressantes sur le plan comportemental et relationnel par le biais
de l’alliance thérapeutique et par l’amélioration significative de la confiance en
soi.
Les expériences en atelier collectif permettent de mobiliser les compétences de
chacun dans un lieu de sociabilité créative. Au vu de l’analyse des résultats
cliniques, on peut dire que l’alliance thérapeutique constitue la première étape de
la restauration de la confiance en Soi. Cette relation thérapeutique permet
d’expérimenter des ressentis, des comportements, des ouvertures aux autres qui
pourront être transférées dans d’autres domaines d’expériences. Une adaptation
des comportements des personnes psychotiques serait donc possible à partir d’une
pratique artistique qui déplacerait les enjeux de la relation sur des objets extérieurs
(les productions).
En d’autres termes, si je participe à une création collective, je donne de moi-même
dans une rencontre avec l’autre par le fait d’un acte créatif, donc volontaire. Or,
cette volonté ne peut être le fait que de ma propre intentionnalité, donc de mon
propre savoir ressentir. Lorsque l’expérience collective est gratifiante, la personne
ne peut que constater que ce plaisir éprouvé est issue de ses propres capacités à
ressentir et à s’engager vers les autres.
Ses compétences sociales peuvent donc générer du plaisir et modifier le sentiment
qu’il a de l’autre. L’autre n’est plus un objet de menace extérieure, mais une
personne qui lui renvoie des éléments positifs sur lui-même. C’est ce que j’ai pu
observer dans le suivi clinique de Sassa, de Jacha et de la plupart des personnes
observées dans le cadre de mon stage professionnel.
79
Partie III : En améliorant la saveur existentielle, l’Art-thérapie
nourrit l’Amour de Soi et redonne de la fierté et de l’espoir
nécessaires à une meilleure qualité de vie.
A)- Ces expériences cliniques, par le biais de la pratique artistique, ont
montré un certain nombre de points communs entre les personnes
concernées.
Les principales observations portent sur la corrélation entre la saveur existentielle,
l’élan corporel et les capacités relationnelles.
1 - La capacité à éprouver du plaisir permet l’engagement et l’implication du
corps et de l’esprit, ce qui nourrit la saveur existentielle (qui elle-même agit
sur l’estime de Soi).
C’est le cas de l’accompagnement de Sassa et Jujube :
Sassa a pu reprendre confiance en elle et nourrir sa saveur existentielle en
éprouvant directement des sensations positives et gratifiantes (en 3) par le biais de
la pratique artistique (en 6) sans passer par une intellectualisation (en 4).
Jujube a également expérimenté des ressentis positifs en 3. Il a fait l’expérience
concrète que ses propres perceptions pouvaient engendrer du plaisir partageable,
avant d’inscrire cette expérience positive et gratifiante dans le 4. Ceci a favorisé
un élan corporel et psychique dans des productions de peinture. Effets : réduction
de l’envahissement par la parole et engagement du corps et de l’esprit dans la
production (du concret et du communicable).
2 - La maladie psychique affectant l’engagement corporel, il devient difficile
d’aller vers les autres.
Jacha et Sassa avait du mal à s’engager dans une relation sociale. Jacha a pu
modifier sa disponibilité relationnelle en s’engageant dans une production
collective. Sassa a retrouvé une raison de s’impliquer sur le plan relationnel en
retrouvant le goût de ressentir des sensations corporelles différentes par la
découverte de techniques nouvelles.
3 - La capacité à exister et à éprouver du plaisir rend compte de la
considération que l’on se porte. L’estime de Soi est affectée et principalement
l’Amour de Soi qui se traduit par une diminution de la saveur existentielle,
de l’élan corporel et de l’engagement dans une relation sociale.
Jacha montrait très peu d’envie et d’élan corporel. La chronicité de sa maladie et
la durée de son vécu en institution l’a éloigné d’une perception d’existence
personnelle et de sa position de sujet. Son autonomie et la considération qu’il se
porte s’en trouvent affectées. La prise en charge en atelier individuel a eu
tendance à faciliter sa position de sujet et lui a permis de faire des choix
80
personnels et de renforcer son estime de Soi. Son implication dans le projet
collectif a permis de vérifier cette tendance, visible par une modification de son
engagement corporel (regard, visage, gestes, placement du corps) envers les
autres. Même sur une courte durée de prise en charge (quelques mois),
l’amélioration de la saveur existentielle chez Jacha a renforcé son aptitude à
s’aimer et à s’engager.
1-1-Au regard de notre hypothèse de départ, le manque de cohérence entre les
ressentis et les représentations que l’on s’en fait sont bien de nature à perturber
le rapport entre saveur et savoir.
La pratique des arts plastiques amène des résultats intéressants. Comme nous
l’avons vu dans notre hypothèse sur l’explication du conflit interne chez le
psychotique page 48, la personne sait que son comportement est décalé par
rapport aux attentes sociales, mais elle ne comprend pas pourquoi. Il y a une
incohérence entre le ressenti et le représenté.
Sassa ou Jujube (tableau p.76), peuvent très bien donner des explications sur leurs
comportements qu’ils trouvent par ailleurs décalés par rapport à la réalité que leur
renvoie la vie en société. Le sentiment de persécution qu’ils développent tous les
deux, témoigne d’un rapport particulier entre le ressenti et le représenté et peut-
être aussi d’un moyen mis en place pour réduire l’incohérence ressentie(1). En
fait, ce qu’ils donnent à voir, ce sont principalement des troubles de la relation
avec les autres, mais ce qui dysfonctionne c’est la relation entre les ressentis (en 3
sur l’OA) et les capacités de se les représenter (en 4 sur l’OA).
Au regard de notre hypothèse, les résultats sont également significatifs.
Rappel de notre démarche d’approche de la problématique psychotique :
A partir d’une explication médicale, psychologique et sociale du trouble
psychotique et des comportements qu’il engendre, nous avons émis des
hypothèses explicatives au regard de l’opération artistique. Nous avons ainsi
opéré un glissement d’une lecture psychosociale et médicale de la psychose vers
une lecture art-thérapeutique.
En d’autres termes, après avoir expliqué comment les mécanismes humains
étaient impactés médicalement et socialement par le trouble psychotique, nous
avons tenté d’expliquer comment la pratique artistique agit sur les mécanismes
humains pour modifier ce trouble.
(1)- En effet, le risque (que l’on cherche à éviter), c’est d’entretenir l’appétence pour des
phénomènes qui nourrissent le symptôme. L’avantage (le bénéfice secondaire), c’est que cela
maintient une cohérence entre ce que l’on perçoit en 3 et ce que l’on « sait » traiter en 4, et ainsi
on évite le malaise de l’incohérence qui amènerait l’anxiété et déclencherait le mécanisme de
défense… (à moins que ce risque soit lui-même un mécanisme de défense qui se répète…).
81
En s’appuyant sur les éléments exposés aux chapitres 6 et 7 page 45 et 46, nous
avons expliqué comment la pratique des arts plastiques pouvait agir sur les sites
d’action repérés dans l’OA (principalement le 3, le 4 et le 8) pour apporter des
modifications nécessaires à la réalisation des objectifs thérapeutiques.
Que se passe-t-il lors de la pratique artistique et comment peut-elle impacter les
mécanismes humains qui sont à l’œuvre dans le syndrome psychotique ?
Et comment la pratique artistique peut-elle agir sur les représentations ?
Schéma N°5 : Modification des représentations par la pratique des arts plastiques.
Stimulis extérieurs
émotions Action/Production
Structuration corporelle
Elan corporel AVNOE
Commentaires sur les apports de la pratique artistique :
C’est en modifiant les émotions et les stimulis (en passant par l’engagement du
corps et de l’esprit) que la pratique artistique peut modifier le ressenti et les
représentations mentales qui peuvent y être associées.
L’action permet de se recentrer sur la réalité d’une matière, d’un outil, d’une
technique, et la production atteste à la fois des compétences mais aussi de
l’existence de son créateur dans la réalité.
Dans l’exemple de Sassa, après sa bouffée délirante aiguë, elle exprime des
ressentis qui ne trouvent pas d’explications cohérentes dans ses représentations
mentales. Cela engendre une anxiété importante. Lorsqu’elle produit une
sculpture à partir de ressentis positifs, elle peut mettre directement en relation les
émotions esthétiques avec le résultat observé et elle reprend confiance en ses
propres perceptions.
Dans l’exemple de Jujube (voir tableau p.76), il perçoit son trouble et le
communique dans un discours délirant nourrit par des mécanismes de défense qui
le protège du danger que représente la confrontation aux autres. En atelier
individuel, dégagé de la pression du regard de l’autre et sous la bienveillance de la
relation thérapeutique, il renforce l’estime de soi, nourrit sa saveur existentielle et
améliore le rapport saveur/savoir par une meilleure cohérence entre le ressenti et
le représenté. Par la pratique de techniques artistiques (dessin et peinture), il
nourrit sa saveur existentielle et son Estime de Soi.
3
Captations
sensorielles
4 5
Traitement des infos par des
représentations + ou - erronées
6
7
82
Ces expériences cliniques montrent des avantages:
Ce modèle d’approche permet de proposer à la personne confrontée à la psychose
une autre lecture de ses actes, des actes concrets et producteurs de sens
partageable, et donc, dans une certaine mesure, une autre lecture de la réalité (plus
valorisante et plus structurante). Des actes concrets et producteurs de sens sont
des actes qui rendent comptent d’un lien entre une intention, un élan corporel et
psychique, et une production associée.
Elles montrent également des limites :
► Le temps de la prise en charge parait court compte tenu de la chronicité de la
maladie et du nombre d’années où la personne s’est construit un système de
référence dans le 4 (représentations et traitement cognitif des informations reçues
de son environnement). Les mécanismes de défenses sont bien installés et rendent
difficiles un ancrage dans la réalité.
► Les centres d’intérêts peuvent être « pris en otage » par l’urgence du symptôme
et rendre la personne indisponible à la relation et à la pratique des arts plastiques.
► Le cadre de l’atelier art-thérapeutique est sécurisant, bienveillant et structurant.
De même, la relation entre l’art-thérapeute et le patient est construite sur des bases
négociées, structurées (et structurantes), et bienveillantes. Cette situation ne
reflète pas la réalité extérieure à l’établissement, celle à laquelle il devra se
confronter (et négocier) à la sortie de l’hôpital. C’est d’ailleurs aussi une limite
que signale Julie Gentils dans son mémoire de fin d’études effectué auprès de
personnes souffrant de pathologies mentales(1).
Dans la plupart des expériences effectuées auprès de ce public, la stratégie
thérapeutique indique souvent qu’il est préférable de passer d’abord par les
ressentis en 3 (dans l’art1), ou bien de commencer par du savoir-faire (selon les
compétences et envies de la personne), en évitant le plus possible de commencer
par le passage par le 4 (interprétations erronées de la réalité).
(1)- Julie Gentils, Une expérience d’art-thérapie à dominante gravure et porcelaine auprès de
personnes souffrant de troubles psychiques. Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du
titre d’art-thérapeute AFRATAPEM, 2014 : « L’art-thérapeute utilise des stratégies pour
protéger le patient lorsque cela est nécessaire ».p.53
83
1-2- Les résultats obtenus mettent en évidence une particularité qui interroge la
place de l’Art-thérapeute.
C’est particulièrement dans les cas de Jacha et Sassa qu’un constat m’est apparu
après avoir visualisé les courbes d’évolution des trois composantes de l’estime de
Soi. Les trois composantes évoluent positivement au fil des séances mais la
confiance en Soi progresse plus fortement que les deux autres.
Ce constat appelle au moins deux interrogations :
→ Existe-t-il un rapport de cause à effet entre la confiance en soi et les capacités
relationnelles indépendamment des deux autres composantes de l’estime de soi ?
Les résultats enregistrés ne permettent pas de l’affirmer car l’Amour de Soi et
l’Affirmation de Soi augmentent aussi lorsque les capacités relationnelles
s’améliorent.
De plus, l’interdépendance des trois composantes de l’estime de Soi rend cette
hypothèse difficile à vérifier.
Dès lors, la question de savoir si l’effet positif sur les relations sociales est dû
prioritairement à l’amélioration de l’amour de soi ou bien de la confiance en soi
n’est pas primordiale puisque les deux doivent s’associer pour être processeur
dans l’affirmation de Soi et influencer les capacités relationnelles.
On ne peut donc pas affirmer qu’une composante de l’estime de soi agirait comme
processeur sur les deux autres. Mon hypothèse de départ reste opérationnelle, à
savoir que : « C’est parce que la personne aura retrouvé suffisamment d’Amour
de Soi et de Confiance en Soi qu’elle pourra se projeter pour tenter l’expérience
sociale vers les autres et s’affirmer dans une production sociale».
Cependant, après analyse des résultats obtenus, et au regard du schéma N°6,
j’apporterais une nuance à mon hypothèse de départ en disant que c’est en
agissant sur le rapport saveur/savoir en 3 et 4 (et donc sur l’Amour de Soi), que la
confiance (en 6 et 7) peut se renforcer et que l’individu peut s’affirmer dans des
relations sociales en 8 (voir schéma de l’OA N°4 p.41).
Mais si les résultats ont tendance à confirmer cette hypothèse, on ne peut pas
affirmer que ce soit la seule voie explicative. En effet, lorsque l’on a dit « agir sur
le rapport saveur/savoir » on n’a rien dit sur le « comment cela se passe ».
Or, une relecture des bilans de séance, à la lumière des résultats obtenus, me
permet d’avancer une hypothèse complémentaire et explicative :
Ne serait-ce pas la qualité de la relation thérapeutique, qui, en agissant sur la
confiance en Soi et en mobilisant le pouvoir d’entraînement et le pouvoir
relationnel de l’Art par des actes créatifs, permet à la saveur existentielle de se
développer et de conforter l’Amour de Soi ? Dès lors, l’association des deux
composantes entraînerait la troisième (l’affirmation de Soi) pour une estime de
Soi suffisamment porteuse pour s’engager dans des relations sociales.
→ De plus, si l’on considère que la relation thérapeutique est à la fois
bienveillante (nourrit l’Amour de Soi), rassurante et aidante sur la production
84
(renforce la Confiance en Soi), et vectrice de relations sociales (soutient
l’affirmation de Soi), ne nous est-il pas permis de penser que ce pourrait être la
qualité de la relation thérapeutique qui a suffi à renforcer la confiance en Soi, de
manière plus significative que l’Amour de Soi ?
L’évolution rapide de la confiance en Soi chez Jacha et Sassa correspond aux
courbes de l’engagement et de la perception de Soi (Faisceaux d’items de
l’Amour de Soi), et atteint des niveaux élevés lorsque la qualité du moment et le
Bon sont également bien côtés. Sachant que ces deux derniers items sont
étroitement liés à la qualité de la relation thérapeutique, on peut se demander si
cette dernière n’aurait pas autant d’influence (sinon plus ?) dans la restauration de
l’estime de Soi que le choix des objectifs thérapeutiques?
1-3- La qualité de la relation thérapeutique a une influence sur la confiance en
Soi mais elle a aussi une influence sur l’amour de soi qui permet l’engagement
corporel vers une production (artistique ou relationnelle).
Si l’Art-thérapeute permet à la personne de croire en ses capacités en renforçant
son savoir-faire et donc sa confiance en soi, il a aussi une influence sur l’amour de
soi car il met en place les conditions d’expérimentation de ressentis positifs.
De plus, savoir que l’on est capable de faire, renforce la considération que l’on se
porte et la capacité à ressentir du plaisir à être, donc renforce l’Amour de Soi.
La qualité de la relation thérapeutique a donc un impact sur l’Amour de Soi qui
pourrait renforcer ainsi la confiance en soi et nourrir l’espoir d’un savoir être dans
la relation à autrui.
Si la qualité de la relation thérapeutique a une influence sur la confiance en Soi,
cette confiance en Soi ne pourra se maintenir sans des actes de productions
concrets basés sur un Amour de Soi suffisamment détaché des performances de
ces actes.
Si la relation thérapeutique peut influencer favorablement l’Amour de Soi, la
Confiance en Soi et la relation aux autres, elle pourrait aussi devenir un leurre
d’Affirmation de Soi si elle devient trop dépendante de la qualité de la relation
avec le thérapeute. A quel moment peut-on dire que la personne fait un choix et
donc s’affirme, et à quel moment elle se laisse influencer par la qualité de la
relation thérapeutique?.
C’est sans doute là un paradoxe qu’il faudra accepter pour pouvoir mieux en tenir
compte. Et c’est sans doute une des particularités de l’Art-thérapie que de
considérer ce rapport efficacité/dépendance et de l’intégrer dans la stratégie
thérapeutique.
La capacité à s’attribuer une valeur (propre à l’estime de soi) devrait pouvoir
s’évaluer à l’extérieur de l’Atelier d’Art-thérapie, mais nous sortirions par
définition du cadre « Art-thérapeutique », et cela poserait des problèmes de
validation des résultats, du moins au regard de la discipline.
85
Une solution serait de pouvoir établir des « ponts avec l’extérieur ». Le travail
pluridisciplinaire à l’intérieur de l’institution hospitalière permet d’accompagner,
de suivre et d’évaluer l’évolution d’un patient et de préparer sa sortie dans la vie
sociale extérieure.
L’Art-thérapeute pourrait participer à ce soutien à l’extérieur de l’établissement de
soins en continuant des séances d’Art-thérapie avec une évolution de l’indication
médicale et une reformulation des attentes du patient. Il existe des services de
suites(*) sur le plan médical, social et éducatif, je pense qu’il y aurait de la place
pour l’Art-thérapie dans un SAVS(*), un SAMSAH(*) ou autre structure médico-
sociale extérieure, toujours basée sur une demande du patient.
S’il existe des services de suites et d’accompagnements extérieurs par des
infirmiers psychiatriques et médecins psychiatres, l’Art-thérapie ne figure pas
officiellement dans le dispositif d’accompagnement. Bien sur le patient peut
revenir sur l’atelier d’Art-thérapie après sa sortie de l’établissement, mais cela ne
rentre pas dans l’action d’évaluation globale car non repérée dans le dispositif
thérapeutique extérieur à l’hôpital.
B – D’autres travaux sur la maladie psychique traitent des troubles de la
relation et du comportement en lien avec l’estime de Soi.
1 - Plusieurs expériences en ateliers d’Arts plastiques ont été menées auprès
d’adultes confrontés à la maladie psychique.
Tableau N°8 : Des expériences d’Art-thérapie auprès de publics confrontés à la maladie
psychique
Auteurs
Selon Julie Gentils 2014
Selon Julie BOON, 2014 Julie Athané, 2012
Hypothèses
L’Art permettrait à l’être humain d’être reconnu socialement
La relation entre le patient et le soignant peut aider le patient à s'identifier, à s'affirmer et à avoir confiance.
En réactivant le régulateur savoir/saveur, l’art-thérapie permet de raviver la qualité existentielle et de restaurer l'estime de soi.
Objectifs thérapeutiques
Raviver la saveur existentielle Stimuler l’amour de soi et la confiance en soi
Raccrocher la personne à la réalité Développer les capacités relationnelles Stimuler la faculté de critique Favoriser l'implication dans un projet
Restaurer les plaisirs sensoriels Aider à exprimer ses émotions Permettre de s’individualiser et d’exprimer sa personnalité Impliquer le corps à l’oeuvre dans la production artistique Structure / Ressenti / Poussée corporelle
Stratégies principales
Propose de limiter le traitement mental (en 4) par la pratique des arts plastiques
Stimuler la sensorialité en phase (3) pour lui apprendre quelques techniques (6) dans lesquelles il aura plaisir à se concentrer (5).
Agir sur l'estime de soi par la régulation du processeur savoir/saveur. Rééquilibrer la dynamique expression/communication/ relation pour améliorer l'implication relationnelle
Dominantes choisies
Arts plastiques Porcelaine et peinture
Arts plastiques Arts plastiques (dessin, peinture, …)
86
Cadre de l’intervention
Atelier collectif et ateliers individuels Semi-directif et ouvert
Ateliers collectifs ouverts et libres
Séances individuelles hebdomadaires, à jour et heure fixes
Faisceaux d’items choisis
L’intention : l’autonomie et le choix du mode de production • L’action : l’expérimentation, la gestuelle font référence aux items liés à la prise de risque. • Les capacités relationnelles : des renseignements sur les capacités de communication, de relation.
Motricité : position, concentration, dextérité Investissement : dans l’atelier, initiatives, temps d’activité Capacités relationnelles
Prise d’initiatives et Résolut° de probl., Projection vers un idéal esthétique,Expression du plaisir Auto-évaluation de sa product ° Capacité à faire des choix Capacités de communication Expression du goût et des émotions Attitude corporelle, Implication dans l'activité, Implication relationnelle avec l’art-thérap. Engagement dans l'action
Résultats
L’Engagement dans l’action augmente Les Capacités relationnelles s’améliorent La pratique des arts plastiques permet de travailler l’affirmat° de soi. La pratique des arts plastiques permet d’améliorer la confiance en S
La pratique des arts plastiques en ateliers collectifs favorise l’investissement dans un projet, améliore la motricité et les capacités relationnelles.
L’amélioration de la saveur existentielle et de l’estime de Soi permettent au patient psychotique de recoller aux soins et l’incite à participer à la vie sociale. Les arts plastiques réactivent la conscience d’être qui est le fondement de la saveur existentielle.
Limites observées
des limites quant à l’affirmation de soi sur sa vie personnelle Ces expériences sont faites à l’intérieur du cadre rassurant de l’atelier et représentent de ce fait, un enjeu moins menaçant pour la personne.
L’atelier ouvert et libre pose des limites : Difficultés d’intervenir individuellement, manque de régularité des personnes (difficulté de définir des objectifs individualisés), effets de groupe, impact sur les OI.
L’art-thérapeute a son propre parcours de pratique artistique. Sa subjectivité vis-à-vis de l’Art est donc très marquée : l’alliance thérapeutique va se fonder à partir de cette intersubjectivité.
Ces différentes études confirment que la maladie psychique, quelle que soit son
origine, se traduit par des difficultés de perception de soi, de penser et d’agir de
manière cohérente par rapport à la réalité extérieure. Cette maladie entrave les
bonnes relations sociales et rend difficile l’expression, la communication, et des
relations sociales adaptées aux attentes de l’environnement sociétal.
Concrètement, les personnes ont du mal à organiser leur quotidien, à respecter des
règles sociales (des limites), et à se projeter dans un avenir qui ait du sens. Le
rapport ressenti/représenté est perturbé et cela affecte l’estime de Soi dans ses
trois composantes.
L’Amour de Soi et la saveur existentielle semblent les plus touchées. Elles
impactent la Confiance en Soi qui se répercute sur le manque d’affirmation de Soi
qui est à l’œuvre dans les troubles de la relation.
Ainsi, la saveur existentielle ne permet plus de structurer le corps pour
s’impliquer dans une action. La pratique de l’Art, par son pouvoir d’engagement
relationnel, va remettre en mouvement ce corps pour qu’il retrouve des ressentis
gratifiants et améliore sa perception de soi.
Dans l’ensemble de leurs résultats, ces études montrent que si l’on agit sur
l’estime de Soi on améliore la relation et le comportement en groupe.
87
Julie Athané pointe l’influence du parcours artistique de l’Art-thérapeute sur la
relation thérapeutique. Julie Gentils a remarqué que le cadre rassurant de l’atelier
influence l’affirmation de soi et son impact sur les capacités relationnelles.
2 – Le trouble de la relation et l’atteinte de l’Estime de Soi semble être un point
commun aux personnes confrontées à la psychose.
Nous avons vu que le trouble de la relation est induit par un comportement
inadapté. Julie Boon montre la nécessité de « raccrocher » la personne
psychotique à la réalité. Julie Athané parle de rééquilibrer la dynamique
expression/communication/relation/action pour améliorer l’implication
relationnelle. Julie Gentils propose de « limiter le traitement sophistiqué en 4 »
pour raviver la saveur existentielle en 3.
Ces études rejoignent un point essentiel de mon travail. Elles mettent en évidence
l’importance de la saveur existentielle et du savoir ressentir (le rapport
saveur/savoir) dans la restauration de l’estime de soi et l’amélioration des
capacités relationnelles. Elles mettent aussi en évidence l’importance de la qualité
de la relation thérapeutique sur les résultats obtenus.
3-L’Art-thérapie a une influence positive sur les trois composantes de l’estime
de Soi, mais la qualité de la relation entre l’Art-thérapeute et le patient agit
directement sur la confiance en Soi.
Si les expériences cliniques montrent l’impact de l’Art-thérapie sur l’estime de soi
auprès d’un public psychotique, elles mettent aussi en évidence l’influence de la
relation patient/thérapeute. Les arts plastiques mobilisent des techniques et des
méthodes qui permettent de restaurer l’estime de soi, mais la relation
thérapeutique a pour effet de rassurer le patient et de renforcer sa confiance en lui
par des actes concrets et valorisés par l’art-thérapeute. L’engagement artistique (la
technique) mais aussi personnel (l’humain) jouent un rôle important sur
l’engagement corporel du patient. Sa technique va s’améliorer, son savoir-faire et
son envie de bien faire aussi, effet de la confiance en soi.
De plus, l’influence du cadre thérapeutique va être importante dans la confiance
en soi et l’affirmation de soi car il va jouer un rôle de contenant qui rassure,
structure la séance et le cheminement stratégique et thérapeutique. Cela va se
mettre en œuvre, par exemple, avec le choix du lieu de la séance, l’espace mis à
disposition, le matériel disponible, le choix de la dominante et la posture de l’art-
thérapeute : va-t-il produire en même temps que le patient pour permettre à ce
dernier de s’engager dans la production par mimétisme ? Va-t-il rester statique
pour laisser s’exprimer des ressentis plus personnels ? etc…
88
C – S’il est bien convenu que le rôle de l’Art-thérapeute se situe dans le soin,
sa posture pourrait être interrogée et évoluer en fonction du cadre
d’intervention.
1-Le cadre thérapeutique influence la perception que le patient psychotique a de
ses propres capacités.
Le cadre d’intervention de l’Art-thérapeute a plusieurs dimensions (structurelle,
relationnelle, thérapeutique), et la place du thérapeute dans ce cadre influencent la
perception que le patient a de ses propres capacités.
Le cadre thérapeutique n’est pas une situation naturelle dans le sens où il
représente un construit humain, celui d’un thérapeute qui s’adresse (et s’adapte)
aux difficultés d’un patient. Le cadre est adapté en fonction des difficultés du
patient et surtout en fonction de ses capacités à leur apporter une réponse adaptée.
La réalité sociale extérieure ne tient pas compte de ces particularités et exige un
niveau de compétences psychosociales bien supérieur à celui demandé lors d’une
prise en charge en Art-thérapie. C’est pourquoi, l’atelier collectif représente un
lieu d’expérimentation des relations sociales où peuvent se rencontrer les
subjectivités de chacun (l’intersubjectivité dont parle Julie Athané) sous la
bienveillance de l’art-thérapeute.
2-L’alternance atelier collectif/atelier individuel est un dispositif intéressant
pour un public confronté à la maladie psychique car elle permet
l’expérimentation sensorielle et relationnelle, l’élan et l’implication du corps et
de l’esprit, et suggère l’autorégulation sous l’influence de l’intersubjectivité.
L’atelier collectif constitue un intermédiaire intéressant entre deux niveaux
d’exigence, celui d’un lieu protégé, l’atelier individuel, où les exigences
s’adaptent aux performances présumées des participants, et celui d’un extérieur
qui n’aura pas les mêmes attentes sociales et donc les mêmes jugements de valeur
sur les acteurs sociaux. Cet atelier collectif est donc à la fois un lieu d’expériences
sociales et d’autorégulation des comportements. Il rend compte des évolutions de
chacun et constitue à lui seul un faisceau d’items qui permet d’évaluer les
performances psychosociales de chacun.
Par la pratique artistique le corps s’engage et cela permet de développer une
posture (la sienne) qui est, de fait, une forme d’affirmation de soi au sein d’un
collectif. Le lien social se crée et il peut évoluer par une autorégulation du
comportement en groupe, une forme d’adaptation qui renforcera la confiance en
soi et la saveur existentielle. Le groupe est un lieu où s’opère l’intersubjectivité(*)
et qui renvoie des réalités à tout le monde. Chacun devra apprendre à négocier
pour maintenir un équilibre acceptable. C’est un espace de rencontres où l’on
apprend à entrer en relation avec les autres membres du groupe, à son rythme et
en dosant soi-même son degré d’engagement avec l’autre. Cela favorise un
autoapprentissage et une intégration sociale à l’extérieur de l’établissement.
89
3-La place et le rôle de l’Art-thérapeute pourraient évoluer en fonction des
domaines de vie (ou d’intervention) qui sont autant de domaines d’expériences
sociales, de rencontres, d’échanges et d’autorégulation.
L’intégration sociale à l’extérieur de l’établissement hospitalier est à la fois un
objectif commun à tous les patients (l’hôpital étant dans l’absolu un lieu de soins
et non un lieu de vie), ainsi qu’un moyen concret de vérifier les résultats de l’Art-
thérapie sur les indications « d’amélioration des capacités relationnelles ».
C’est pourquoi il serait intéressant de développer des « ponts thérapeutiques »
entre le soin psychiatrique, la vie sociale extérieure et l’Art-thérapie. L’art-
thérapeute pourrait intervenir à l’extérieur de l’établissement tout en faisant le lien
avec le soin psychiatrique qui restera dans la majorité des cas une nécessité
permanente dans la vie d’une personne confrontée à la psychose.
Dans ce contexte, il est intéressant d’imaginer la place et le rôle de l’Art-
thérapeute dans différents domaines de vie.
Schéma N°6 : Les différents espaces de vie.
Légende :
Atelier
Collectif
Atelier
Individuel
Patient
Professionnel
Equipe
pluridisciplinaire
Amoureux
Associatif et
institutionnel
Voisinage
Amical Familial
Patient
Patient
Présence de l’Art-Thérapeute Demande de soins Acte de soins Echange d’énergie
et de ressources
90
Nous pensons que ce qui est expérimenté dans le cadre d’un atelier d’Art-thérapie
peut s’exporter dans la vie sociale extérieure à l’établissement de soins.
Nous pouvons alors faire l’hypothèse que lorsque le patient aura fait l’expérience
d’affirmer des choix personnels dans le domaine de vie « Atelier Art-thérapie », il
pourra utiliser ce savoir-être, ce capital confiance, cette restauration (même
partielle) de l’Estime de Soi dans un autre domaine de la vie sociale. « Changer
une seule pièce du problème provoquera des réactions en chaîne et vous
apprendra une manière d’agir que vous reproduirez ensuite »(1).
Cet environnement global de domaines de vie interdépendants qui est présenté
dans le schéma ci-dessus, constitue un ensemble de possibles et représente sans
aucun doute un champ d’application pertinent pour évaluer les faisceaux d’items
qui rendent compte du degré de consolidation de l’estime de Soi, de sa capacité à
adapter son comportement aux attentes d’un milieu, et de sa capacité à faire des
choix et donc à être autonome.
Dans le cadre d’une étude plus approfondie comme le Diplôme Universitaire
d’Art-thérapie, il me semblerait intéressant d’explorer ce champ de réflexions
relatif à l’impact de l’Art-thérapie sur l’insertion sociale.
Conclusion
Notre étude s’est portée sur la maladie psychique et son impact sur les capacités
relationnelles des personnes concernées.
Nous avons vu que les principales difficultés des personnes confrontées à la
psychose se situent dans le trouble du comportement qui traduit le mécanisme de
défense mis en place pour tenter de répondre au mal être ressenti. Nos
investigations théoriques et pratiques se sont donc portées sur du mal être qui
prend ses origines dans le ressenti.
Le comportement observé est le plus souvent inadapté à la situation car éloigné de
la réalité qui l’interroge. Or, il n’y a pas de bonnes relations sociales sans
comportements adaptés, c’est-à-dire des comportements qui ont du sens par
rapport à l’environnement auquel il s’adresse. On retrouve souvent l’indication
« améliorer les rapports aux autres » dans les indications médicales recueillies.
La représentation que le psychotique se fait de son ressenti (souvent décalée et
incohérente), associée aux représentations sociales sur la maladie psychique,
rendent difficile une insertion sociale dans le milieu ordinaire. Le rapport entre le
ressenti et le représenté est clairement perturbé. Plus la personne est éloignée de la
réalité et plus elle a du mal à partager sa souffrance. Elle manifeste alors son
symptôme à travers des mécanismes de défenses qui troublent encore plus le
comportement.
(1)- «Ch. André et F. Lelord, L’estime de Soi, Odile Jacob. 2008, page 235 ».
91
Du coup, au-delà de toutes indications médicales, c’est bien l’insertion sociale qui
pose problème et qui est en jeu dans la prise en charge de ce public (étant entendu
que l’hôpital est un lieu de soins, et donc un lieu de vie provisoire…).
Après avoir exposé l’approche théorique de la pénalité, des souffrances et de leurs
origines, nous avons formulé des hypothèses de travail.
Les arts-plastiques se sont avérés être un moyen efficace pour permettre
l’expression des ressentis, pour favoriser la communication et pour établir des
relations sociales. La personne retrouve des sensations positives et un plaisir
d’entreprendre. L’estime de Soi se renforce et les capacités relationnelles
s’améliorent.
Cependant, ces expériences se sont déroulées dans un cadre « protégé »,
sécurisant, contenant et bienveillant. La relation thérapeutique influence en grande
partie la confiance en soi du patient et l’amour de soi. Dans le cadre d’un atelier
collectif, on constate une amélioration de l’affirmation de soi. Mais qu’en est-il de
leurs capacités relationnelles à l’extérieur de l’atelier d’art-thérapie, voir dans la
vie sociale (hors établissement de soins)?
Le soin art-thérapeutique apporte un dynamisme particulier dans lequel la
personne pénalisée peut retrouver un plaisir à agir.
L'Art est à la fois un moyen d'expression, un moyen d'entrer en communication et
un moyen d'entretenir des relations.
La pratique des Arts plastiques a nettement favorisé les gratifications sensorielles,
a contribué à l’amélioration de la saveur existentielle dans la plupart des cas.
Dans l’atelier collectif, l’art-thérapie a peut être amélioré la qualité existentielle
des personnes, leur a donné une place de sujet (dans leur thérapie et dans leur vie),
a renforcé leur l’estime de soi ainsi qu’un sentiment d’appartenance à un groupe.
Mais la personne peut-elle affirmer ses choix dans un autre contexte « moins
compréhensif ? ». Peut-elle faire des choix personnels dans sa vie quotidienne ?
Son autonomie s’est-elle renforcée à l’extérieur ? Sa qualité de vie s’est-elle
améliorée à l’extérieur? Tout cela nous pouvons raisonnablement le supposer au
regard des résultats produits en séances d’art-thérapie, mais il ne nous est pas
permis de le vérifier et donc de le prouver de manière expérimentale et
scientifique.
C’est pourquoi, il me semble intéressant de questionner la place d’un art-
thérapeute dans un dispositif d’accompagnement à la vie sociale à l’extérieur de
l’établissement hospitalier. L’intervention d’un art-thérapeute dans ce genre de
dispositif, permettrait de consolider des acquis psychosociaux pour la personne
suivie et de démontrer, s’il en est besoin, l’efficacité de l’art-thérapie dans le
développement de son autonomie et pour son insertion sociale dans l’ensemble
92
des domaines de vie dans lesquels chaque individu a le droit d’évoluer malgré son
handicap et sa maladie.
Les situations d’exclusion affectent la qualité existentielle. L'art-thérapie donne
l'élan, l'engagement nécessaire à toute activité, et redonne l’envie d’être autonome
et de se porter du soin. Je pense qu’il faudrait accompagner cet élan et cette envie
à l’extérieur de l’établissement de soins.
Un schéma tente de poser une réflexion sur la place d’un art-thérapeute dans un
dispositif d’accompagnement qui fait le lien entre le soin et la vie sociale de la
personne.
Il me semblerait intéressant d’approfondir cette démarche dans le cadre d’un
diplôme universitaire qui reprendrait à la fois la place de l’art-thérapeute
(l’espace, le temps, le lieu), son rôle (thérapeutique) et sa position dans le
dispositif (actif ou passif dans la production artistique ?, on donne envie ou on
laisse émerger les envies ?, on montre son statut de thérapeute ou bien on
déambule parmi les autres ?).
Quelles que soient la place et le cadre choisis, l’impact sur le patient n’est pas
neutre et il me semble intéressant d’aller l’interroger.
93
Liste des graphiques et illustrations
Tableau N°1: Les principaux signes distinctifs Névrose/Psychose: p.20
Schéma N°1 : La représentation graphique des besoins selon A. MASLOW, p.23
Schéma N°2 : Les besoins selon Rosette Poletti, p.23
Tableau N° 2 : Les composantes de l’Estime de Soi, p. 26
Schéma N°3 : Les trois composantes de l’Estime de Soi, p.27
Schéma N°4 : L’opération artistique, p.41
Tableau N° 3 : Les grands faisceaux d’items concernant Jacha, p.63
Tableau N°4 : les résultats des auto-évaluations de Jacha, p.64
Graphique N°1 : Autoévaluation de Jacha, p.64
Graphique N°2 : Evolution des faisceaux d’items concernant Jacha, p.65
Tableau N°5 : Les grands faisceaux d’items concernant Sassa, p.73
Graphique N°3 : Présentation des résultats des séances auprès de Sassa, p.74
Graphique N°4 : Affirmation de Soi // Amour de Soi concernant Sassa, p.74
Graphique N°5 : Relation entre les capacités relationnelles et la Perception de Soi,
p.74
Tableau N°6 : Auto-évaluation de Sassa par le cube harmonique, p.75
Graphique N°6 : Autoévaluation Sassa, p.75
Tableau N° 7 : Observations dans les ateliers collectifs, p.76
Schéma N°5 : Modification des représentations par la pratique des arts plastiques,
p.81
Tableau N°8 : Des expériences d’Art-thérapie auprès de publics confrontés à la
maladie psychique, p.85
Schéma N°6 : Les différents espaces de vie, p.89
94
Références bibliographiques
ANDRE Christophe et LELORD François, L’Estime de soi. Odile Jacob. 2008. 297 p.
BAUMGARTEN Alexander Gottlieb, Aesthetica « Esthétique » (248 pages), par Jean-Yves
Pranchère, édition Herne, avril 1988.
Bernhard, H., et Millot, C. « L’apport spécifique de l’auto-évaluation par le cube
harmonique dans la restauration de l’estime de soi ». In Forestier, R. L’évaluation en
art-thérapie, Actes du Congrès international d’art-thérapie, 2006.
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BOURGEOIS Marc Louis. Les schizophrénies. Puf, 2008. 123 p.
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Thérapeutique Educatif et Pédagogique et l'impact de l'art-thérapie, à dominante arts
plastiques, sur la saveur et sa fonction régulatrice de l'estime de soi auprès
d'adolescents », Mémoire professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute à
l’AFRATAPEM, année 2012.
BOON Julie, « L'art-thérapie à dominante arts plastiques peut être un accompagnement
bénéfique auprès d'adultes atteints de psychose chronique », Mémoire professionnel
réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute à l’AFRATAPEM, année 2014
FLORENS Chrystel, « Une expérience d’art-thérapie à dominante arts plastiques
auprès d’adolescents souffrant de névrose en service de pédopsychiatrie », Mémoire de
fin d'études du Diplôme Universitaire d'Art-thérapie, Faculté de Médecine de TOURS,
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GUEUDRY Aude, « Une expérience d’Art-thérapie à dominante chant ou peinture
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professionnel réalisé pour l’obtention du titre d’art-thérapeute, AFRATAPEM, année
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pour l’obtention du titre d’art-thérapeute à l’AFRATAPEM, année 2014
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Documentations institutionnelles :
Préambule à la Constitution de l'Organisation mondiale de la Santé, tel qu'adopté par la
Conférence internationale sur la Santé, New York, 19-22 juin 1946; signé le 22 juillet
1946 par les représentants de 61 Etats. 1946.
Sources sur le net :
Dictionnaire Français en ligne, www.le-dictionnaire.com
fr.wikipedia.org · Texte sous licence CC-BY-SA.
96
Annexes
Annexe I : La Fiche d’observation de Jacha
Annexe II : Le tableau des items retenus pour Jacha
Annexe III : La fiche d’observation de Sassa
Annexe IV : Le tableau des items retenus pour Sassa
97
Annexe I : La Fiche d’observation de Jacha
98
99
100
101
102
103
Annexe II : Le tableau des items retenus pour Jacha
104
105
Annexe III : La fiche d’observation de Sassa
106
107
108
109
Annexe IV : Le tableau des items retenus pour Sassa
110
Résumé
AFRATAPEM
Association Française de Recherche et Applications
des Techniques Artistiques en Pédagogie et Médecine
Gilles TEDETTI
2016
Un atelier d’Art-thérapie à dominante
arts plastiques auprès d’adultes
psychotiques suivis en secteur
psychiatrique à l’hôpital de Montauban.
Notre étude s’est portée sur la maladie
psychique et son impact sur les capacités
relationnelles des personnes concernées. Les
principales difficultés des personnes
confrontées à la psychose se situent dans le
trouble du comportement qui traduit le
mécanisme de défense mis en place pour
tenter de répondre au mal être ressenti. Nos
investigations théoriques et pratiques se sont
portées donc sur du mal être qui prend ses
origines dans le ressenti. Dans les cas de
psychose, le rapport entre le ressenti et le
représenté est clairement perturbé et
l’Estime de Soi fortement affectée. La
personne exprime sa souffrance par le
trouble du comportement qui rend les
relations sociales compliquées. Les arts-
plastiques se sont avérés être un moyen
efficace pour permettre l’expression des
ressentis, pour favoriser la communication et
pour établir des relations sociales. Les
résultats mettent en évidence l’importance
du rapport saveur/savoir dans la restauration
de l’estime de soi et l’amélioration de
l’implication relationnelle. Ils interrogent
aussi sur l’impact de la relation
thérapeutique sur les résultats obtenus,
notamment sur l’estime de soi. Nous
terminerons cette expérience en nous
questionnant sur la place d’un art-thérapeute
dans un dispositif d’accompagnement à la
vie sociale à l’extérieur de l’établissement
hospitalier.
Mots clefs : Rapport ressenti/représenté,
Estime de Soi, implication relationnelle,
saveur existentielle, rapport savoir/saveur.
A workshop of Art therapy to dominant
visual arts with psychotic adults in
psychiatric sector at the Hospital of
Montauban.
Our study has focused on the psychological
illness and its impact on the skills of the
persons concerned. The main difficulties of
people with psychosis are in the disorder
who translated the defence mechanism in
place to respond to evil to be felt. Our
theoretical and practical investigations are
brought so on trouble be that takes its origins
in the feeling. In the case of psychosis, the
relationship between the felt and the
representing is clearly disturbed and strongly
affected self esteem. The person expresses
his suffering by the disorder that makes
complicated social relationships. The Visual
arts proved to be an effective way to allow
the expression of feelings, to promote
communication and social relationships. The
results highlight the importance of the
flavor/knowledge report in the restoration of
self-esteem and improving the relational
involvement. They also question the impact
of the therapeutic relationship on outcomes,
including self-esteem. We will finish this
experience questioning us on the place of an
art therapist in a system of support to social
life outside the hospital.
Key words: report felt/represented, self-
esteem, relational involvement, existential
flavor, knowledge/flavor.
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