View
2
Download
0
Category
Preview:
Citation preview
Université du Maine – Le Mans
CONTENTIEUX PRIVÉ
L'HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT
Mémoire
remis en août 2015
Par Florian ROGER
En vue de l'obtention du
Master 2ème année, Droit, Contentieux privé
(année universitaire 2014-2015)
Sous la direction de
Monsieur Didier CHOLET
1
2
Mes remerciements vont à Monsieur Didier CHOLET
pour avoir accepté de diriger mes recherches.
À mes relecteurs, en particulier ceux dont le droit n'est
pas la matière.
SOMMAIRE
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES..............................................................................4
RAPPORT DE STAGE......................................................................................................................6
Introduction......................................................................................................................................10
I. Histoire des troubles mentaux....................................................................................................10
II. Sociologie des troubles mentaux...............................................................................................15
III. Les modalités d'admission en soins psychiatriques sans consentement..................................16
PARTIE 1 : De la protection accrue des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques......20
I. La subsidiarité de la contrainte...................................................................................................20
II. La reconnaissance de garanties en cas de contrainte................................................................23
PARTIE 2 : De la pratique contrastée des soins psychiatriques sans consentement..................31
I. Une protection limitée par la spécificité de la psychiatrie.........................................................31
II. Des garanties procédurales superficielles.................................................................................38
ANNEXES.........................................................................................................................................43
BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................................70
TABLE DES MATIÈRES................................................................................................................74
3
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES
4
Actualité juridique Droit administratif (Dalloz)
Actualité juridique Collectivités territoriales
(Dalloz)
Actualité juridique famille (Dalloz)
Actualité juridique pénale (Dalloz)
Alinéa
Article
Bulletin des arrêts des chambres civiles de la
Cour de cassation
Code
Cour d'appel
Cour de cassation
Code civil
Code du travail
Cour européenne des droits de l’homme
Centre de santé mental angevin
Circulaire
Chambre civile de la Cour de cassation
Collection
Commentaire
Conseil constitutionnel
Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales
Code pénal
Code de procédure civile
Code de procédure pénale
Code de la santé publique
Code du travail
Dictionnaire Permament Santé, Bioéthique et
Biotechnologies
Revue de Droit de la famille (Lexisnexis)
AJDA
AJCT
AJ fam.
AJ pénal
Al.
Art.
Bull. civ.
C.
CA
Cass.
C. civ.
C. trav.
CEDH
CESAME
Circ.
Civ.
coll.
Comm.
Cons. const.
Conv. EDH.
C. pén.
C. pr. Civ.
C. pr. Pén
CSP
C. trav.
Dict. perm. santé, bioéthique et
biotechnologies
Dr. fam
5
Ed.
Gaz. Pal.
Ibid.
Jcl.
JCP A
JCP G
JLD
JO
L
L.G.D.J
LPA
n°
obs.
op. préc.
p.
QPC.
RDSS.
RTD civ.
req.
s.
TGI.
V.
Édition
Gazette du Palais
ibidem
Jurisclasseur périodique (Lexisnexis)
Semaine Juridique Administrations et
collectivités territoriales
Semaine Juridique édition générale
Juge des libertés et de la détention
Journal officiel
Loi
Librairie générale de Droit et de la Jurisprudence
Les petites affiches (Lextenso)
Numéro
Observations
Opus précédemment cité
Page
Question prioritaire de constitutionnalité
Revue de droit sanitaire et social (Dalloz)
Revue trimestrielle de droit civil (Dalloz)
Requête
Et suivants
Tribunal de grande instance
Voir
RAPPORT DE STAGE
« La meilleure façon d'aimer les hommes, c'est d'aimer, d'abord, cette portion d'humanité qui est
près de nous, qui nous enveloppe et que nous connaissons le mieux. Au lieu d'éparpiller nos
affections et de gaspiller nos énergies, sachons les concentrer et les employer utilement sur le coin
de terre où nous a enracinés la nature. »1.
C'est peut être la leçon à tirer de ce stage enrichissant, passé auprès de deux avocates angevines, à
l'écoute et sensibles à mes attentes de stagiaire.
Effectivement, ce stage de fin de Master 2 s'est déroulé à Angers, durant trois mois, au sein du
Cabinet de Maître Élisabeth GOHIER, avocate au barreau de Saumur et qui partage ses locaux avec
Maître Éléonore DUVAL, avocate au barreau d’Angers.
Entre audiences, rendez-vous, rédaction d'actes, cette « excursion » en terre angevine fut idéale pour
effectuer une entrée très instructive dans l'univers judiciaire, et plus précisément du côté du premier
défenseur du citoyen, en l'occurrence l'avocat.
L'entrée en matière dans le monde judiciaire ne fut pas des moins passionnantes. Audience au sein
du bureau du Juge d'instruction d’Angers pour un interrogatoire de première comparution dans le
cadre d'une affaire de trafic de stupéfiants. D'une durée de près de deux heures, l'interrogatoire aura
permis d'éclaircir les circonstances du dossier, mettant en lumière une importation de produits
stupéfiants en provenance de pays étrangers notamment à l'aide d'interceptions téléphoniques.
Des débuts tonitruants qui n'allaient pas s'arrêter puisqu'il était désormais temps d'assister à une
mise en examen devant le Juge des enfants d’Angers dans le cadre de poursuites pour
attouchements sexuels.
Le volet pénal allait s'éclipser peu à peu pour le volet familial constituant le socle des dossiers
traités par le cabinet.
1 Citation de Raymond POINCARÉ, O. Duhamel et J. Veil, La parole est à l'avocat, coll. à savoir, Dalloz, 2015, p.
62.
6
Recevoir des clients afin de les conseiller, c'est aussi le quotidien de ces praticiennes du droit.
L'occasion était ainsi idéale pour aborder les problématiques récurrentes du droit de la famille plus
particulièrement liées à la séparation du couple en général et ses conséquences. De manière plus
générale, il fallait résoudre de nombreuses problématiques en matière immobilière et successorale.
La saisine du Juge aux affaires familiales apparaissait souvent indispensable afin d'obtenir une
décision tranchant une situation conflictuelle. À cette occasion, m'a été confiée la mission de
rédiger de nombreux actes de saisine, tels que requêtes, assignations ou encore conclusions ; une
chance pour découvrir de manière concrète les pratiques de la profession.
Entre temps, il était l'heure de retrouver le Palais de justice pour assister à plusieurs audiences, plus
intéressantes les unes que les autres. C'est ainsi que j'aurais découvert le Tribunal des pensions
civiles et militaires, juridiction assez particulière, non permanente, devant laquelle nous avions la
charge de représenter un client, blessé de guerre, qui désirait faire réévaluer son taux d'invalidité
afin d'obtenir la légion d'honneur. Malgré le rejet de la demande, et l'amertume de ce dernier, déçu
de n'avoir pu gagner, pour ce qui représentait sûrement son dernier combat, il nous fallait repartir.
Changement d'atmosphère devant la Cour d'assises du Maine et Loire. Vol aggravé accompagné de
violences ayant entraîné la mort. Voilà la qualification retenue par le Ministère public. À la suite de
débats ayant duré trois jours consécutifs, la peine tombe à 22 heures...20 ans de réclusion criminelle
assortie d'une période de sûreté de 15 ans. L'avocat de la défense n'aura rien pu faire pour atténuer
la sentence, conforme aux réquisitions du parquet.
La grande richesse de ce métier, c'est aussi de pouvoir ressentir de multiples émotions en l'espace de
quelques instants. Du sentiment d'effroi au sentiment de joie, il n'y a que quelques pas, quelques
couloirs, quelques marches. Ainsi, lorsqu'un juge des enfants décide d'ordonner la mainlevée d'une
mesure de placement, c'est rapidement le bonheur des retrouvailles entre mère et enfants qui nous
atteint au plus profond. C'est aussi ce qui fait la beauté de la profession, et qui donne la force à ces
avocats d'avancer quotidiennement pour affronter de nombreuses difficultés.
Les journées se suivirent mais ne se ressemblaient pas. Il fallait assister une jeune primo-
délinquante devant un juge d'application des peines, prêt à révoquer un sursis accompagné d'un
travail d'intérêt général, telle une épée de Damoclès. Dur et piquant dans ses paroles, le juge aura
peut-être réussi à raisonner cette jeune maman...Seul l'avenir le dira.
7
Plus tard, entre délits routiers ou trafic de stupéfiants, il fallait préparer la défense pénale de clients
tombés dans un engrenage infernal. Essayer de trouver une faille, l'objectif n'est pas toujours aisé.
Puis l'heure était venue d'observer la plaidoirie. Le moment ultime pour l'avocat. L'aboutissement
de longues heures de travail, derrière un bureau ou dans un commissariat.
« Tous vous affirment que vous venez de prononcer la meilleure plaidoirie de votre carrière...une
heure plus tard, le président lit le verdict, c'est une lourde condamnation »2. C'est aussi le
quotidiens des avocats, souvent confrontés à des dossiers ficelés et accablants, sans grands espoirs,
face à des clients habitués du Palais comme de la boulangerie.
Enfin, l'occasion était trop belle pour ne pas approfondir le thème du présent mémoire, à savoir
l'hospitalisation sous contrainte. Le milieu psychiatrique, milieu historiquement fermé, ouvre
désormais ses portes aux avocats et au monde judiciaire en général.
Afin de découvrir la pratique, il est apparu indispensable de pouvoir assister à des audiences du juge
des libertés et de la détention au sein d'établissements psychiatriques. Cela fut possible dans un
premier temps au sein du Centre de Santé Mentale Angevin (CESAME). Effectivement, le centre se
mue régulièrement en Palais de justice. Lors de cette journée, le cas de douze patients, admis sous
contrainte à la demande de proches parents ou du Préfet, aura été évoqué.
Puis l'expérience se renouvela deux semaines plus tard au Centre Hospitalier de Saumur au sein du
pôle Psychiatrie Adulte aux fins d'évoquer deux dossiers.
Ces deux moments ont été incontestablement profitables pour la rédaction de ce mémoire qui se
voulait avant tout pratique. L'enjeu était de mettre en évidence les points positifs et négatifs de
l'actuel cadre législatif en matière de soins psychiatriques sans consentement.
Observateur lors de ces différentes audiences composées de différents protagonistes - magistrats,
avocats et personnels soignants – l'occasion était parfaite pour appréhender la pluralité d'approches
face à de délicates problématiques mêlant soins et libertés.
Ce fut une expérience riche, face à des personnes qui avant d'être de simples patients atteints de
troubles, sont des hommes et des femmes à part entière. Sans difficulté, il est possible d'affirmer
que les magistrats, avocats et personnels soignants exercent leur métier avec beaucoup de
professionnalisme et d'humanité, qualités indispensables face à de telles situations.
En définitive, ce stage aura été un moyen de pénétrer dans le quotidien mouvementé de deux
2 René FLORIOT cité par O. Duhamel et J. Veil, La parole est à l'avocat, coll. à savoir, éd. Dalloz, 2015, p. 106.
8
avocates passionnées par leur métier et que je tenais vivement à remercier, pour leur accueil, leur
gentillesse et leur grande simplicité.
Mon envie de devenir avocat reste intacte et renforcée par cette expérience captivante.
9
Introduction
1. « Quel sujet plus digne de graves méditations que le spectacle de quinze mille aliénés obtenant à
peine un regard de pitié, relégués presque partout dans des lieux insalubres qui manquent tout à
fait à leur destination, et quelquefois surchargés de chaînes dans de sombres cachots comme les
infracteurs de nos lois »3. Sujet pourtant incontournable, le législateur s'est muré dans un silence
remarquable pendant 152 ans ! D'aucuns auraient pensé que la Loi Esquirol adoptée le 30 juin 18384
et réglant le sort des « aliénés » ait une telle longévité. Toutefois, et c'est sûrement le plus
paradoxal, il n'aura pas fallu 25 ans pour voir fleurir trois réformes législatives afin d'adapter le
cadre juridique applicable aux « malades mentaux ». Le législateur aurait-il véritablement pris
conscience du problème ? En réalité, dans un domaine liberticide comme celui des soins
psychiatriques sous contrainte, une question doit être posée : Le droit positif français encadrant les
soins psychiatriques sans consentement protège-t-il efficacement les droits fondamentaux des
patients atteints de troubles mentaux ? Alors que l'on ne peut que constater un réel progrès dans la
protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sous contrainte (Partie I), la pratique
peut parfois révéler certaines subtilités qui fragilisent la protection des droits et libertés
fondamentales des malades (Partie II).
2. En dépit des efforts du législateur et de l'ensemble des acteurs impliqués dans ce domaine, la
psychiatrie est une science fuyante. Quelque soit le cadre juridique, certaines dérives restent
inévitables, tout comme certaines personnes continuent de commettre des crimes malgré la menace
de sévères sanctions prévues par la loi. L'histoire des troubles mentaux nous permettra ainsi de
découvrir le traitement infligé aux malades mentaux en fonction des différentes époques (I). Les
troubles psychiatriques, loin de n'être qu'historiques, constituent un vrai phénomène de société (II),
qui nécessitent des réponses adaptées allant parfois jusqu'à la contrainte (III).
I. Histoire des troubles mentaux
3. Rejet, fascination, peur, tels sont les différentes approches qui furent réservées à la maladie
mentale selon les différentes époques de l'histoire. Si pendant une large partie de l'histoire les
malades ont subi de nombreuses persécutions, allant de l'exclusion (A), à l'extermination (B), la
3 Claude Quétel, La loi de 1838 sur les aliénés, Volume I, L'élaboration, Frénésie Editions, Paris, 1988, p. 93.
4 Loi nº 7443 sur les aliénés du 30 juin 1838, Recueil Duvergier, p. 490.
10
tendance contemporaine est à la réinsertion du malade (C), dont les soins devraient en principe être
temporaires.
A. De l'exclusion des fous
4. « Chacun, parce qu’il pense, est seul responsable de la sagesse ou de la folie de sa vie, c’est-à-
dire de sa destinée ». À l'instar de Platon, l'antiquité grecque classique a une vision différente de la
maladie mentale, qu'elle imputera principalement à des causes surnaturelles. Les fous susciteront
ainsi dans la population un mélange de peur et de respect.
5. À l'époque moyenâgeuse, c'est d'une véritable mise au ban des malades mentaux dont il était
question. Les fous5 étaient chassés des villes6. Moyen efficace d'ignorer la réalité et d'éviter le
contact avec les aliénés. Les fous sont perçus comme des possédés. Certains deviennent d'ailleurs
objet de spectacles à la Cour royale7. Cette exclusion est d'ailleurs souvent illustrée par l'image de la
nef. Les fous sont entassés dans des nefs, naviguent loin des villes et deviennent prisonniers de la
mer. Ces malades sont ainsi punis par la société et doivent se purifier d'où l'idée de les exclure pour
les obliger à retrouver la raison. Mais généralement, ces derniers sont condamnés à mort.
6. « La renaissance bouleverse la vision moyenâgeuse de la folie »8. Certains médecins
commencent à réfléchir à la problématique de la maladie mentale et s'insurgent contre le traitement
autrefois infligé aux aliénés. Des idées humanistes apparaissent avec l'idée que la folie doit être
guérie. La société fait preuve d'une certaine tolérance à leur égard.
7. Dès la seconde moitié du XVIIe siècle - « la folie à l'âge classique » - les malades sont qualifiés
d'insensés. À cette période, ceux-ci incarnent le danger et le désordre. Il faut ainsi les empêcher de
nuire. C'est le début du « grand renfermement » au sein de l’hôpital général. Le roi prend des écrits9
pour les faire enfermer, souvent de manière abusive. Se retrouveront en prison non seulement de
vrais malades mais aussi des opposants au pouvoir.
5 Également qualifiés d'idiots.
6 Michel Foucault, Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1961.
7 De l'époque moyenâgeuse sont issues les expressions de « Fous de cour et bouffon ».
8 P. Coupechoux, Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux, éd. du Seuil, 2014, p. 47.
9 Lettres de cachet, dépôts de mendicité.
11
8. Le XIXe siècle amorce un changement de vision avec l'arrivée des « aliénistes10 ». C'est la
naissance de la psychiatrie. Les spécialistes, à l'image de Jean-Étienne Esquirol11 ou de Philippe
Pinel12, tiennent une véritable volonté médicale de soigner les malades mentaux. Ainsi, l'asile
devient le moyen thérapeutique par excellence. La loi Esquirol de 1838 concrétisera les réflexions
menées sur le traitement moral avec en toile de fond l'idée de resocialisation de l'aliéné. Cette loi
consacrera deux modalités d'internements des aliénés. Le placement volontaire, à la demande d'un
tiers13, et le placement par l'autorité publique. Cependant, l'aliéné est totalement déresponsabilisé et
fait l'objet d'une incapacité sur le plan civil. Selon Demolombe14, cette loi a instauré une sorte de
demi-incapacité.
B. De l'extermination des fous
9. Cette période aura sûrement été l'une des plus difficiles pour les malades mentaux. De
nombreuses idéologies extrémistes voient le jour. Le juriste Karl Binding publie en 1922,
L'autorisation d'éliminer les vies n'étant pas dignes d'être vécues15, écrit dont le titre révèle
nettement l'état d'esprit de l'époque. Tout comme les juifs, les malades mentaux seront exterminés.
Des centaines de milliers d'aliénés mourront dans les chambres à gaz ou par dénutrition.
10. La France ne sera pas innocente dans l'accomplissement de ce drame humain, puisque seront
morts environ 400 000 malades dans les asiles de Vichy, la plupart suite à de la malnutrition.
D'ailleurs le professeur André Requet, témoin de certaines scènes, expliquera que « certains
malades mangeaient leurs doigts »16, situation illustrant le traitement abject infligé aux aliénés.
Cette inertie criminelle de la France sera qualifiée par Max Lafont « d'extermination douce »17.
10 Terme utilisé au XIXe siècle pour qualifier une personne spécialiste de la psychiatrie. De nos jours, ces spécialistes
sont des psychiatres.
11 J-E Esquirol (1772-1840), aliéniste français, père de la psychiatrie française, à l'origine de la loi de 1838.
12 P. Pinel (1745-1826), aliéniste français, précurseur du traitement moral.
13 Demande d'admission faite par l'entourage du malade (article 8 de la Loi Esquirol).
14 J-C. Demolombe, Traité de la minorité, 1888.
15 P. Coupechoux, Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux, éd. du Seuil, 2014, p. 89.
16 P. Coupechoux, Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux, éd. du Seuil, 2014, p. 102.
17 Max Lafont, L'extermination douce, 1987
12
C. De la réinsertion
11. Suite à la seconde guerre mondiale, un véritable changement s'opère dans les mentalités. La
volonté de rompre avec les dérives passées conduit les spécialistes à repenser les méthodes de prise
en charge des malades mentaux. Ces aliénés sont des personnes à part entière qui appartiennent à
l'humanité et qu'il n'est plus possible d'exclure. Désormais, l'objectif est de désaliéner les malades
c'est à dire les soigner tout en ne recherchant pas systématiquement l'hospitalisation. L'asile n'est
plus la référence absolue. Ainsi, le système de la sectorisation va prendre peu à peu place dans le
fonctionnement de la psychiatrie française.
Selon Lucien Bonnafé18, cette nouvelle vision consiste peu ou prou à « replacer le fou au cœur de la
société, dans son environnement naturel, sa famille, son quartier, ses amis, tout le réseau
relationnel qui fait qu'il est un homme, un sujet et non pas un objet »19.
12. Une vraie réflexion sur la maladie mentale s'installe, le but étant de détruire le mythe de
l'incurabilité. La création de secteurs constitue une solution idéale et la psychothérapie
institutionnelle prend le pas sur la psychiatrie asilaire. La possibilité de sortir est octroyée aux
patients. Cette révolution ne s'est pas faite sans obstacles puisqu'imprégnée de nombreuses querelles
entre psychiatres, de découragement20 pour certains, de fatalisme pour d'autres.
13. Le secteur sera officiellement consacré par une circulaire du 15 mars 196021. Les départements
deviennent ainsi compétents pour élaborer des programmes d'organisation. Certaines des
dispositions de cette circulaire s'opposeront littéralement à la loi Esquirol de 1838 que personne
n'aura le courage de réformer tant le chantier est faramineux.
Pourtant en 1968, la grande réforme sur les incapables22 constitue une avancée importante dans la
prise en charge du malade par une protection extérieure (curateur, tuteur) mais insuffisante sur le
fond.
18 L. Bonnafé (1912-2003), à l'origine de la politique du secteur psychiatrique.
19 P. Coupechoux, Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux, éd. du Seuil, 2014, p. 108.
20 « Peut-on soigner un psychotique et cela vaut-il la peine de s'y atteler ? », P. Coupechoux, Un monde de fou :
comment notre société maltraite ses malades mentaux, éd. du Seuil, 2014, p. 148.
21 Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d'organisation et d'équipement des départements en matière de
lutte contre les maladies mentales.
22 Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 portant réforme du droit des incapables majeurs, JO du 4 janvier 1968 p. 114.
13
14. Ce n'est seulement qu'en 199023 que le législateur décidera de réviser le cadre légal de 1838, non
pour renverser le système mais pour ajouter certains principes essentiels tels que le consentement du
patient à l'hospitalisation.
15. La loi du 5 juillet 201124, parfois qualifiée de « réforme précipitée »25, fragilisée par de multiples
contestations devant le juge constitutionnel, aura eu le mérite de renforcer les principes déjà acquis
tout en affichant sa volonté de proposer « un élargissement de l'offre de soins sous contrainte »26
afin d'éviter un recours systématique à l'hospitalisation sous contrainte. Elle aura également pallié
les insuffisances législatives en matière de droits des malades et notamment de droit au recours
effectif, sous l'influence, une fois de plus, des juges européens et constitutionnels27.
16. Enfin la loi du 27 septembre 201328 achèvera le cadre législatif, d'abord pour rectifier certaines
difficultés29 liées à l'entrée en vigueur de la loi de 2011, ensuite pour renforcer les droits des
malades notamment en instaurant l'avocat obligatoire dans le cadre des soins psychiatriques sans
consentement.
17. Loin de n'être qu'un problème juridique, le traitement de la maladie mentale est avant tout un
phénomène de société de grande ampleur.
23 Loi n° 90-527 du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles
mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, JO n°150 du 30 juin 1990 p. 7664.
24 Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins
psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, JO n°0155 du 6 juillet 2011 p. 11705.
25 E. Péchillon, « Nouvelle saisine du Conseil constitutionnel à propos de la réforme du soins sous contrainte : les
limites de la QPC en matière de protection des libertés », JCP A, 20 févr. 2012, n°7, act. 106
26 E. Péchillon, « Le nouveau cadre juridique des soins sous contrainte en psychiatrie : une réforme polémique », JCP
A, 12 septembre 2011, n° 37, 2295.
27 K. Grabarczyk, note sous CEDH, 18 nov. 2010, Baudoin c/ France, req. 35935/03, « L'hospitalisation sans
consentement sous les feux des juges européens et constitutionnel », JCP G, 14 fév. 2011, n°7, 189.
28 LOI n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet
2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de
leur prise en charge, JO n°0227 du 29 septembre 2013 p. 16230.
29 V. en ce sens, Cons. const., 20 avril 2012, n°2012-235 QPC, Gicquel (J-É.), LPA, 2 octobre 2012 (n° 197), p. 13-14.
14
II. Sociologie des troubles mentaux
18. L'étude des troubles mentaux ressort principalement de la science humaine. En tant que
phénomène social incontestable (A), il nécessite une réelle prise en charge et la mise en œuvre de
moyens humains et matériels importants (B).
A. Un phénomène social
19. « Le trouble mental est un fait de culture, car l'anormal est lui-même un fait culturel »30. Les
troubles psychiatriques en France constituent un réel problème de société qu'il n'est plus possible
d'ignorer. Une personne sur cinq31 est touchée chaque année en France. Schyzophrénie, autisme,
dépression sont autant de troubles qui nuisent à la santé d'une partie de la population et qui se
traduisent généralement par des conduites addictives ou des tendances suicidaires. À cela, il faut
ajouter une surconsommation de psychotropes (antidépresseurs, anxiolytiques, hypnotiques...). La
France connaît un taux élevé de tentatives de suicide oscillant entre 175 000 et 200 000 par an 32
pour environ 10 500 décès. Au vu de ce phénomène, l'état a dû s'adapter et créer de véritables
structures de prise en charge des malades afin de permettre une guérison et une réinsertion rapide de
ces derniers dans la société.
B. Une prise en charge
20. La prise en charge des troubles psychiques peut s'organiser de différentes manières avec
différents acteurs. Du centre hospitalier à la psychiatrie libérale, de nombreux professionnels
peuvent répondre aux besoins des malades. Toutefois, le secteur psychiatrique constitue le pivot
central de la prise en charge des patients. Il se délimite en territoires d'environ 70 000 habitants.
L'offre de soin se détermine ainsi en fonction du nombre d'habitants dans un territoire donné.
21. Mais la psychiatrie hospitalière ne constitue pas à elle seule l'entier dispositif de prise en charge
des malades mentaux. En effet, d'autres structures privées peuvent intervenir dans le traitement des
30 L. Demailly, Sociologie des troubles mentaux, coll. repères, Paris, 2011, p. 22.
31 L. Demailly, Sociologie des troubles mentaux, coll. repères, Paris, 2011, p. 8.
32 Direction générale de la santé (DGS), « Etat des lieux du suicide en France », 28 juil. 2014,
[http://www.sante.gouv.fr/etat-des-lieux-du-suicide-en-france.html], consulté le 23 juin 2015.
15
maladies mentales. Ainsi en est-il des cliniques privées, des centres médico-psychologiques, des
psychiatres libéraux ou encore des psychothérapeutes.
Il faut également relever le rôle joué par certaines associations qui assurent souvent de manière
bénévole une prise en charge des malades33. Malgré ce modèle qui semble parfaitement rôdé,
certaines carences demeurent dans le suivi post-hospitalier notamment en raison d'un manque de
coordination entre professionnels du secteur médical ou social. Régulièrement sont également
dénoncées les dérives des institutions psychiatriques, à savoir les mauvais traitements, la
chronicisation des maladies, l'exclusion sociale des malades et le recours excessif à l'enfermement
sans consentement. Concernant les soins psychiatriques sans consentement, plusieurs modalités
d'admission existent dans le dispositif législatif actuel, ce qui laisse un large choix de modalités
d'internement des malades mentaux.
III. Les modalités d'admission en soins psychiatriques sans consentement
22. La pluralité des modalités d'admission obscurcit la pratique de l'hospitalisation sans
consentement. Les praticiens du droit, la plupart du temps non spécialistes de la matière, sont ainsi
confrontés à un cadre légal intégrant de nombreuses dispositions. Le droit français permet de
recourir à la contrainte dans de nombreux cas. Que ce soit par l'intermédiaire du directeur
d'établissement hospitalier (A), du représentant de l’État (B), ou du juge répressif (C), le législateur
marque ainsi sa volonté de ne pas laisser de vide concernant l'épineuse problématique des soins
psychiatriques.
A. Par le directeur d'établissement hospitalier
23. Parmi les nombreuses modalités d'admission en soins psychiatriques sans consentement, le
directeur d'établissement hospitalier tient un rôle spécial puisque c'est lui qui dans la plupart des cas
prendra la décision d'hospitaliser la personne concernée sous contrainte. Bien évidemment, il n'agira
pas proprio motu mais à la demande d'une autre personne, et déléguera généralement son pouvoir
décisionnel aux cadres administratifs de l'hôpital. La prise en charge la plus courante s'effectue
généralement sur demande d'un tiers34, souvent un membre de la famille, notion entendue
largement, ou encore une personne justifiant de l'existence de relations avec le malade antérieures à
33 La plupart du temps pour effectuer des tâches différentes des structures hospitalières professionnelles.
34 Art L. 3212-1 CSP.
16
la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt de celui-ci35.
24. À coté de cette modalité existe la demande pour péril imminent36, à ne pas confondre avec la
procédure d'urgence. Le péril imminent permet au directeur d'établissement de déclencher les soins
lorsqu'il n'est pas possible d'obtenir la demande d'un tiers. Cette décision se fondera alors sur la base
d'un seul certificat médical émanant d'un médecin extérieur à l'établissement d'accueil. En général,
cette procédure sera utilisée à l'encontre d'une personne présentant un fort risque suicidaire, isolée
socialement ou délaissée par ses proches. Toutefois, le directeur d'établissement devra rechercher et
informer, dans les 24 heures de la décision d'admission, les personnes correspondant à la notion de
tiers demandeur37. Dans le cas contraire, le directeur s'expose à une mainlevée de la décision par le
Juge des libertés et de la détention.
25. La procédure d'urgence38 quant à elle interviendra en cas de risque grave d'atteinte à l'intégrité
du malade. Cette modalité d'admission interfère avec la procédure dite de péril imminent et créée
une confusion nuisible parfois qualifiée de dégénérescence39. Des auteurs40 préconisent donc sa
suppression pour plus de clarté. Que ce soit le risque grave ou le péril imminent, le législateur n'a
pas pris le soin de définir de manière précise ces deux notions. Or, le péril imminent pourrait se
définir comme un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade.
Il n'en demeure pas moins que ces deux procédures permettent l'hospitalisation sous contrainte d'un
malade sans l'assentiment d'un tiers (du moins au préalable), ce qui reste problématique en terme de
légitimité de la décision.
35 Sont exclus les personnels soignants
36 Art L. 3212-1, II, 2° CSP.
37 Cass. civ. 1, 18 déc. 2014, n°13-26.816 : « C'est à bon droit que le premier président du TGI a ordonné la
mainlevée immédiate de la mesure de soins sans consentement fondée sur un péril imminent, le directeur de
l'établissement ayant, en l'absence de toute information de la famille de la patiente, manqué à ses obligations ».
38 Art L3212-3 du CSP.
39 C. Castaing, « Le droit fou des soins psychiatriques sans consentement », LPA, 26 novembre 2010, n°246, p. 6.
40 O. Dupuy, « Note juridique relative à la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 : analyse et proposition de modifications,
rédigée pour l'Association des établissements participant au service public de santé mentale », 31 mai 2012,
[http://spep.fr//joomla/images/adesmdupuy.pdf], consulté le 07 aout 2015.
17
B. Par le représentant de l'état
26. Le préfet représente la figure principale de cette procédure. Qualifiée d'admission en soins sur
décision du représentant de l'état, cette procédure est l'héritière du placement par l'autorité
publique41. Dans une logique de police administrative, la notion d'ordre public est au cœur de la
décision d'admission prise par le préfet. Cette modalité aura pour but de prévenir toute atteinte à
l'ordre public.
27. Le préfet n'est pas le seul acteur de l'hospitalisation sous contrainte puisqu'en cas d'urgence42 le
maire43 ou le commissaire de police à Paris pourront prendre la décision d'admettre le malade en
soins psychiatriques sous contrainte après avoir constaté, sur la base d'un seul avis médical – non
plus du critère de la notoriété publique44 – un danger imminent pour la sûreté des personnes.
Toutefois, leur décision ne sera valable que pour une durée maximale de 48 heures. Elle devra ainsi
être corroborée par une décision du préfet. Dans le cas contraire, la décision deviendra caduque et la
mesure devra être levée. Le malade pourra demander la réparation du préjudice subi du fait de cette
privation de liberté.
C. Par le juge pénal
28. Depuis la loi du 25 février 200845, la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement46 ont
également la possibilité de prononcer une décision d'admission en soins psychiatriques à l'issue
41 Procédure qui était beaucoup moins protectrice puisque aucun certificat médical n'était exigé.
42 Art. L. 3213-2 CSP.
43 E. Péchillon, « Police administrative : les arrêtés municipaux ordonnant une mesure provisoire d'admission en soins
psychiatriques », AJCT, 2015, p. 329.
44 V., E. Péchillon, note sous Cons. const., 6 oct. 2011, n°2011-174 QPC, JCP A, 6 févr. 2012, 2040.
45 Loi n°2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour
cause de trouble mental, JO n°0048 du 26 février 2008 p. 3266.
46 Art 706-35 C. pr. pén. : « Sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé
publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de
déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée,
l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un
établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant
au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté
des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public (...) ».
18
d'une décision établissant l'irresponsabilité pénale de l'infracteur pour cause de trouble mental47. Les
critères sont identiques à ceux de l'admission sur décision du représentant de l’État. Pour se faire,
une expertise psychiatrique devra établir la menace pour la sûreté des personnes ou l'ordre public48.
Ce dispositif décrit comme lacunaire par certains49 est critiqué notamment pour ne reposer que sur
une analogie avec le dispositif de droit commun trouvant son siège dans le CSP normalement
orienté vers le soin, ce qui n'est a priori pas le cas du Code de procédure pénale.
47 Art. 122-1 al. 1er C. pén : « N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits,
d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. ».
48 V. Annexe n°2 infra p. 55
49 S. de BENALCÀZAR, « L'hospitalisation d'office prononcée par un juge », Gaz. Pal. 04 avril 2009 n°94, p 9.
19
PARTIE 1 : De la protection accrue des personnes faisant
l'objet de soins psychiatriques
29. Le recours à la contrainte ne devrait pas être systématique pour traiter une personne atteinte de
troubles mentaux. C'est d'ailleurs le législateur lui même qui a érigé en principe le consentement à
l'hospitalisation, ayant eu pour effet de rendre la contrainte subsidiaire (I). Cependant, dans de
nombreux cas, la contrainte s'avère indispensable. Dans cette optique, le législateur a voulu entourer
la procédure de nombreuses garanties afin d'éviter des détentions arbitraires (II).
I. La subsidiarité de la contrainte
30. L'hospitalisation sous contrainte demeure exceptionnelle et garde un caractère subsidiaire, ce
qui n'a historiquement pas toujours été le cas. Ainsi, le consentement à l'hospitalisation a toute sa
place concernant les soins psychiatriques (A), et dans tous les cas un programme de soins pourra
être instauré pour prendre en charge le malade (B).
A. Le principe de l'hospitalisation libre
31. L'article L. 3211-1 du CSP pose le principe du consentement à l'hospitalisation. L'individu
concerné par cette mesure consentie sera considéré comme étant en soins psychiatriques libres50. Il
disposera des mêmes droits liés à l'exercice des libertés individuelles que ceux reconnus aux
malades soignés pour une autre cause. Assurément, la recherche du consentement ne se fera que si
l'état de la personne le permet. Pourtant, il peut paraître paradoxal de vouloir rechercher le
consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux. Toutefois, comme le soulignent certains,
« ces personnes, bien qu'atteintes d'une pathologie mentale, ne seraient pas pour autant dans un
état qui annihilerait complètement leur aptitude à comprendre que certains de leurs problèmes
justifient des soins »51.
32. En réalité, le principe du consentement n'est pas inconnu du domaine médical puisque c'est un
50 Art. L. 3211-1 CSP.
51 M. Couturier, « La contrainte et le consentement dans les soins ordonnés par l'autorité publique : vers une aporie
juridique », RDSS, 2014, p . 120.
20
droit fondamental reconnu à tout patient dans la mise œuvre d'un traitement. Selon l'article L. 1111-
4 al. 3 CSP, « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement
libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». Le principe du
consentement dans le cadre des soins psychiatriques est ainsi conforme au droit commun. Pour
prendre un exemple de droit comparé, le Danemark est également attaché au principe du
consentement car avant tout traitement d’office ou privation de liberté, la loi exige des médecins
qu'ils aient tout mis en œuvre pour essayer de convaincre la personne de se laisser soigner
volontairement52.
33. L'hospitalisation libre est donc synonyme de liberté d'aller et venir, principe en la matière, ce
qu'a réaffirmé récemment la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 201353 tout en expliquant
qu'il ne pouvait être porté atteinte à cette liberté de manière contraignante par voie de
protocolisation des règles de sortie de l'établissement. L'hospitalisation libre n'est pas la seule
modalité de prise en charge des malades puisque des programmes de soins peuvent également être
établis.
B. L'alternative du programme de soins
34. Le programme de soins est un progrès, permettant une prise en charge intermédiaire, et
reléguant automatiquement la contrainte au rang de solution subsidiaire même si l'hospitalisation
libre demeure le principe. La particularité du programme de soins réside dans l'interdiction de la
contrainte. En effet, depuis 2011, cette alternative sans contrainte est prévue par l'article L. 3211-2-1
CSP. Sous forme de soins ambulatoires, de soins à domicile, d'une hospitalisation à domicile, de
séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un
établissement. Ces possibilités se traduisent donc sous la forme d'un programme de soins établi par
un psychiatre de l'établissement d'accueil. Le programme de soins définit les types de soins, leur
périodicité et les lieux de leur réalisation.
35. Lors de la mise en œuvre de ce programme de soins, aucune mesure de contrainte ne peut être
utilisée à l'égard du patient, et c'est là que toute l’ambiguïté du système fait son apparition54.
52 A. Urfer Parnas, « Les soins ambulatoires sous contrainte au Danemark : code civil ou pénal ou code pénal et civil ?
», L'information psychiatrique 2006/1 (Volume 82), p. 71-76.
53 F. Vialla, note sous Cass. civ. 1, 29 mai 2013, pourvoi n°12-21194, PB, LPA, 11 juillet 2013, n°138, p 15
54 V. en ce sens, E. Péchillon, « Programme de soins : quel statut juridique pour le patient ? », Santé mentale, mai
21
Pourtant, le Conseil constitutionnel lui même avant la réforme du 27 septembre 2013 a affirmé
l'impossibilité de contraindre la personne55. Le patient en soins ambulatoires ne pourra être contraint
aux soins qu'en cas d'hospitalisation complète. La Cour de cassation veille également au respect des
programmes de soins et n'hésite pas à sanctionner de faux programmes en les requalifiant en
hospitalisations complètes sous contrainte56.
36. Des auteurs évoquent un « flou conceptuel qui entoure désormais ces soins contraints sans
contrainte »57. Toutefois, une personne placée en hospitalisation complète pourra toujours refuser
l'administration de médicaments si elle peut exprimer sa volonté. La Cour européenne des droits de
l'homme qualifie d'ailleurs l'administration forcée de médicaments comme une atteinte à l'intégrité
physique58.
37. Un patient acteur de sa guérison...s'il coopère. En réalité le patient pourra toujours se voir
contraint, si son comportement ne permet plus de poursuivre le programme de soins qui requiert son
consentement au moins tacite. Ainsi, même si la médication forcée n'est pas admise, elle pourra
avoir lieu lorsque le médecin psychiatre jugera que la personne sera victime « de graves troubles
mentaux qui obèrent intégralement sa capacité à comprendre et à vouloir »59. Le programme de
soins fonctionnerait ainsi sur la menace d'une hospitalisation complète donc d'une privation de
liberté. On retrouvera pareille menace en matière pénale pour une personne condamnée qui ne
respecterait pas les obligations auxquelles elle aurait été soumise par le juge60. Il en ressort l'idée
que le consentement aux soins reste un consentement contraint.
38. Afin de faciliter la coopération, le travail du médecin sera de faire comprendre au patient pour
2015, n°198, p. 13.
55 Cons. const., 20 avr. 2012, n°2012-235 QPC, op. préc., p. 14.
56 Cass. civ 1, 4 mars 2015, n°14-17824, P, Dict. perm. santé, bioéthique et biotechnologies, no 258, avr. 2015, p. 13,
obs. Jonas.
57 V. Vioujas, « Le contrôle des soins psychiatriques sans consentement : aperçu d'un droit jurisprudentiel en
construction », LPA, 19 juin 2014 n°122, p 4.
58 CEDH, 03 avr. 2012, X. c/ Finlande, req. n° 34806/04
59 M. Couturier, op. préc., p. 20.
60 Art. 712-19 C. pr. pen. : « En cas d'inobservation des obligations qui incombent au condamné faisant l'objet d'un
sursis avec mise à l'épreuve, d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, d'un suivi socio-
judiciaire, d'une surveillance judiciaire, d'une suspension ou d'un fractionnement de peine ou d'une libération
conditionnelle, le juge de l'application des peines peut ordonner, après avis du procureur de la République,
l'incarcération provisoire du condamné ».
22
quelles raisons un traitement doit lui être administré. En instaurant une relation de confiance entre
lui et son patient, la guérison n'en sera que facilitée. Dans le cas contraire, la contrainte sera l'ultime
recours.
II. La reconnaissance de garanties en cas de contrainte
39. Nécessité, proportionnalité et dignité ; principes directeurs de l'hospitalisation sous contrainte,
trouvant leur siège au sein de l'article L. 3211-3 du CSP, lequel dispose que « lorsqu'une personne
atteinte de troubles mentaux fait l'objet de soins psychiatriques ou est transportée en vue de ces
soins, les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être adaptées, nécessaires et
proportionnées à son état mental et à la mise en œuvre du traitement requis. En toutes
circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion
recherchée ».
40. La notion de proportionnalité se retrouve largement en droit, que ce soit en droit du travail61, ou
en droit pénal62. Il reviendra au juge d'apprécier l'adéquation de la mesure au vu de l'état de
l'individu concerné. La contrainte, étant subsidiaire, le juge devra toujours vérifier si une autre
mesure ne serait pas mieux adaptée à la situation. La même idée est prégnante en procédure pénale
quand il s'agit de placer un individu en détention provisoire. La privation de liberté constituant ainsi
l'ultime recours. Lorsque le malade aura été placé en soins psychiatriques sur décision préfectorale,
la mainlevée de la mesure ne pourra qu'être prononcée si les conditions de menace à la sécurité des
personnes ou d'atteinte à l'ordre public ne sont plus remplies63. Mais dans ce cas, la personne ne
devrait-t-elle pas continuer à recevoir des soins64 ?
61 Art. L. 1121-1 C. trav. « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de
restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
62 Art. préliminaire C. pr. pen. « Les mesures de contraintes dont «la personne suspectée ou poursuivie» peut faire
l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement
limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter
atteinte à la dignité de la personne ».
63 Cass. civ. 1, 18 mars 2015, n°14-15.613 : « Qu'en se déterminant ainsi, sans constater que la personne hospitalisée
souffrait de troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes ou portant gravement atteinte à l'ordre public,
le premier président n'a pas donné de base légale à sa décision ».
64 Problématique du droit de l'hospitalisation sans consentement. La personne placée sur décision du représentant de
l’État ne l'est pas dans une optique de soins, mais seulement pour la mettre hors d'état de nuire. En cas de mainlevée
de la mesure, le juge ou les médecins considéreront que celle-ci n'est plus susceptible de nuire à la société. Sera-t-
23
41. Le triptyque nécessité, proportionnalité et dignité participe à la protection de la personne
malade. Mais ces trois mots ne suffisent pas. C'est la raison pour laquelle l'hospitalisation sous
contrainte est entourée de garanties médicales (A) et de garanties judiciaires (B).
A. Des garanties médicales
42. Le domaine psychiatrique étant médical, il allait de soi que la procédure soit entourée de
garanties médicales. La période d'observation (1), la rédaction des certificats médicaux (2) et leur
motivation (3) constitueront à cet égard des garanties appropriées pour confiner les atteintes aux
libertés des malades.
1. La période d'observation
43. En application des dispositions de l'article L. 3211-2-2 al. 1er du CSP : « lorsqu'une personne est
admise en soins psychiatriques en application des chapitres II ou III du présent titre, elle fait l'objet
d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète ».
Cette période d'observation d'une durée de 72 h, commençant dès la prise en charge du malade sans
son consentement, qualifiée par certains de « garde à vue psychiatrique »65 , permettra au corps
médical d'évaluer la nécessité ou non de maintenir la personne en soins psychiatriques contraints.
44. La période d'observation est également utilisée en droit belge66, mais cette mise en observation
ne peut résulter que d'une décision faisant suite à la saisine par requête du juge de paix. Par rapport
à l'ancienne loi qui prévoyait que l'autorité communale était compétente, c'est désormais un régime
judiciaire. Ainsi, le juge décide du placement directement. Dans ce cadre, la mise en observation
judiciaire ne pourra dépasser quarante jours. Le maintien ultérieur aura une durée de six mois à
deux ans maximum, sous réserve de renouvellement. Dans la cadre de la procédure belge, peuvent
assister à l'audience de mise en observation, le médecin psychiatre, son avocat et une personne de
confiance67. Seront privilégiés les soins en milieu familial (pas forcément sa famille, mais famille
d'accueil ou institutions d'hébergement).
elle guérie pour autant ?
65 C. Kleitz, « Le législateur au chevet de l'hospitalisation sous contrainte », Gaz. Pal., 21 juil. 2011, n°202, p. 3.
66 Art. 4 de la loi belge du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.
67 En France l'audience de mise en observation n'existe pas. Seul le premier contrôle des douze jours existe et son
audience est par principe publique.
24
45. C'est à l'occasion de cette période d'observation que seront rédigés les deux certificats médicaux
qui conditionneront la suite de la procédure.
2. Les certificats des 24h et 72h
46. Ces deux certificats médicaux vont influencer de manière notable la suite de la prise en charge
du patient hospitalisé. Selon l'article L. 3211-2-2 al. 2 et 3 CSP : « Dans les vingt-quatre heures
suivant l'admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un
psychiatre de l'établissement d'accueil établit un certificat médical constatant son état mental et
confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions
d'admission définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. Ce psychiatre ne peut être l'auteur du
certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision
d'admission a été prononcée. Dans les soixante-douze heures suivant l'admission, un nouveau
certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles prévues au deuxième alinéa du
présent article ». De ces deux certificats ressortira ainsi le choix des soins et leur mise en œuvre.
Cependant, les médecins devront être vigilants dans la rédaction de ces certificats qui
conditionneront la sécurité juridique de la procédure et seront scrupuleusement contrôlés par
l'avocat du malade et le JLD en charge du dossier.
3. La motivation des certificats
47. Les avis médicaux revêtent une fonction primordiale au regard de la jurisprudence européenne
concernant la détention d'un aliéné. Effectivement, pour être conforme à la Conv. EDH, la détention
d'un aliéné doit respecter trois critères cumulatifs dégagés par la Cour européenne en 197968. Un
avis médical doit avoir été rendu pour confirmer de manière objective que le patient souffre
réellement d'un trouble mental. Ensuite, le trouble doit légitimer l'internement de la personne. Enfin,
l'internement ne peut se prolonger en l'absence de trouble persistant. Ainsi, le juge décidera de la
mainlevée de la mesure d'hospitalisation sous contrainte si le certificat médical n'est pas
circonstancié, c'est à dire manque d'éléments justificatifs ; La Cour de cassation a d'ailleurs dû
réaffirmer dans un arrêt du 18 mars 201569 l'importance pour le médecin de qualifier en quoi l'état
du patient justifiait la mesure de contrainte c'est à dire en l'espèce compromettait l'ordre public. Au
68 CEDH, 24 oct. 1979, Winterwerp c/ Pays Bas, n°6301/73
69 Cass. civ. 1, 18 mars 2015, n°14-15.613, op. préc., p. 23.
25
delà de ces garanties médicales, des garanties judiciaires se superposent afin de protéger
efficacement la personne objet de soins sous contrainte.
B. Des garanties judiciaires
48. Les récentes réformes intervenues ont permis d’accroître considérablement les protections
accordées aux patients, notamment en leur offrant un véritable cadre judiciaire (1) dont la
compétence est dévolue au JLD (2) et qui aura dorénavant la tâche de contrôler de plein droit
l'ensemble du processus (3), le tout au sein de l'établissement de santé (4) afin d'améliorer la qualité
des débats notamment avec l'avocat du patient désormais obligatoire (5).
1. Distinction entre liberté « d'aller et venir » et droit à la sûreté
49. En droit positif français, le droit à la sûreté, visé à l'article 2 de la DDHC, permet de jouir de la
liberté d'aller et venir, sans être arrêté ni détenu de façon arbitraire. En effet lorsque la liberté d'aller
et venir est totalement supprimée, comme en cas d'enfermement, on entre sur le terrain de la sûreté.
Les frontières ne sont pas si faciles à détecter. Pour certains auteurs les mesures d'hospitalisation
d'office se rattachent à la sûreté puisque constitutive de privation de liberté, alors que d'autres les
analyseront comme de simples restrictions à la liberté d'aller et de venir.
50. Pour la CEDH70, c'est une histoire de degré et d'intensité de la mesure de contrainte au regard de
différents critères, à savoir le genre, la durée, les effets, et les modalités d'exécution. Comme
composante du droit à la sûreté, la décision de placement en soins sans consentement doit donc faire
l'objet d'un contrôle judiciaire.
2. L'unification du contentieux devant le juge judiciaire : un préalable indispensable
51. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a joué une influence décisive
dans le domaine du contentieux des hospitalisations sous contrainte. Dans un arrêt du 18 novembre
201071, la Cour a jugé que le dualisme juridictionnel portait atteinte au droit au recours effectif
garanti par l'article 5§4 de la Convention européenne des droits de l'homme.
70 CEDH, 8 juin 1976, Engel c/ Pays Bas, req. 5100/71.
71 CEDH, 18 nov. 2010, M. Baudoin c/ France, req. 35935/03.
26
52. Effectivement, avant la réforme de 2011, le juge administratif et le juge judiciaire se
partageaient les compétences pour connaître des litiges concernant les hospitalisations sous
contrainte. Le juge administratif contrôlait la régularité formelle du placement tandis que le juge
judiciaire en contrôlait le bien-fondé. Ce dualisme freinait ainsi le dénouement des litiges. C'est la
raison qui a incité une requérante à porter sa demande devant le Cour européenne. La France a ainsi
été condamnée pour avoir violé l'article 5§4 de la Conv. EDH et le droit au recours effectif.
3. L'instauration d'un contrôle de plein droit
53. Il y a encore très peu d'années, le système français était le seul en Europe à ne pas avoir
judiciarisé ses procédures d'hospitalisation sous contrainte72, et de nombreux auteurs martelaient la
nécessité de réformer73 le cadre législatif issu des lois de 1838 et 1990.
54. Le JLD est désormais le personnage incontournable dans le monde judiciaire. Qualifié de juge à
part entière, sorte de « terminator »74, il doit désormais contrôler de manière périodique et
obligatoire75 les conditions de placement en soins psychiatriques sans consentement en application
des dispositions de l'article L. 3213-5 CSP76. Il contrôle et décide du maintien de la mesure de
placement, conformément à la jurisprudence constitutionnelle qui n'a d'ailleurs jamais exigé que
celui-ci intervienne en amont lors de la décision de placement77 mais seulement dans un délai
maximum de quinze jours78, désormais ramené à douze depuis le réforme de 2013. Ce nouveau
dispositif n'est pourtant pas exempt de critiques79 puisque l'intervention d'un juge peut être perçue
72 J. Hadley Stark, « L'hospitalisation psychiatrique sous contrainte dans la jurisprudence contemporaine », JCP G, 20
juil. 2005, n°29, I, 155.
73 J. Coelho, « Hospitalisation sous contrainte : plaidoyer pour une réforme », RDSS, 2006, p. 249.
74 B. Lavielle et F. Lebur, « Le juge des libertés et de la détention : béni-oui-oui ou terminator ? », Gaz. Pal., 28 juillet
2001, n°209, p. 3.
75 Certains auteurs restent dubitatifs sur la charge de travail du JLD, v. notamment N. Albert, « Hospitalisation
d'office : le juge judiciaire sous pression », JCP A, 26 avril 2011, n°17, act. 307.
76 Art L. 3211-12-1, I CSP : « L'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des
libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement (...) ait statué sur cette mesure
(...) ».
77 C. Castaing, note sous Cons. const., 26 nov. 2010, n°2010-71 QPC, Mme Danièle S, LPA, 23 déc. 2010, n°255, p. 5.
78 E. Péchillon, note sous Cons. const., 9 juin 2011, n°2011-135/140 QPC, « Encadrement du soin sous contrainte :
entre piqûre de rappel et nouvelle prescription au législateur », JCP A, 27 juin 2011, n°26, act. 455.
79 M. Couturier, « La réforme des soins psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie disciplinaire à la
psychiatrie de contrôle », RDSS, 2012, p. 97.
27
d'un mauvais œil par un patient au regard de la confiance déjà accordée au psychiatre, et du respect
de son intimité médicale mise à nue lors de ces audiences publiques.
55. Cependant, ces exigences s'inscrivent dans la veine logique de l'article 66 de la Constitution du
4 mars 1958 selon lequel : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne
de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
La protection des malades sort ainsi renforcée grâce à l'influence du Conseil constitutionnel dont les
arrêts issus du nouveau mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité ont été largement
commentés80. Mais c'est également sous l'influence européenne que les garanties judiciaires se sont
largement accrues ces dernières années. Différents textes européens ont souvent affirmés que les
soins sous contraintes devaient relever de l’ordre judiciaire. Cette exigence rejoint l’article 5 de la
Conv. EDH81.
56. En droit comparé, l'autorité judiciaire exerce également un rôle majeur. En effet, l'exemple le
plus marquant est sans doute celui de la Grande-Bretagne. La dernière grande loi sur les soins
psychiatriques remonte au « mental health act » de 198382. La législation britannique a créé des
juridictions spéciales, des tribunaux de révision des affaires de santé mentale afin de connaître des
contentieux relatifs aux soins psychiatriques contraints. Pour rester dans un pays à connotation
britannique, le Canada a également fait du juge un acteur important du processus psychiatrique
puisque c'est un jugement qui autorise la garde de la personne83. Malgré la judiciarisation
importante de ces procédures, la Suisse a, quant à elle, créé une institution spéciale compétente en
la matière, l'autorité de protection de l'adulte84. Le recours au juge est possible mais seulement
facultatif. Le médecin aura le rôle principal pour décider de l'hospitalisation.
57. Afin de faciliter ces contrôles périodiques, il était logique que le juge se déplace au sein des
établissements de santé.
80 V. notamment Cons. const., 26 nov. 2010, n°2010-71 QPC, Mme Danièle S, première décision rendue sur la
procédure de l'hospitalisation sans consentement depuis la loi de 1990, note de I. Maria, « Intervention de l'autorité
judiciaire dans l'hospitalisation sous contrainte : éclaircissement ou nouvelle complexification », Dr. fam., janv.
2011, n°1, comm. 11.
81 Art. 5 CEDH : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les
cas suivants et selon les voies légales : (...) e) s’il s’agit de la détention régulière d’une personne susceptible de
propager une maladie contagieuse, d’un aliéné, d’un alcoolique, d’un toxicomane ou d’un vagabond ».
82 Dispositif retouché en 2007. Le « mental health act » régit l'Angleterre et le Pays de Galles.
83 Art. 30 C. civ. du Québec.
84 Art. 426 et s. C. civ. Suisse.
28
4. La tenue des audiences au sein de l'établissement psychiatrique
58. Délocaliser les audiences au sein des établissements psychiatriques n'a pas été chose aisée pour
un certain nombre de juridictions, encore trop attachées à rendre la justice au palais85. Mais depuis
2013, les audiences doivent se tenir au sein des établissements psychiatriques et le déplacement du
patient au palais de justice ne doit être qu'exceptionnel. Pour une question médicale, il apparaît
rarement opportun de transférer les malades au tribunal pour assister à des audiences dont ils
peinent à saisir les tenants et aboutissants.
59. La tenue des audiences est désormais régie par l'article L. 3211-12-2 al. 3 CSP selon lequel :
« Le juge des libertés et de la détention statue dans une salle d'audience attribuée au ministère de
la justice, spécialement aménagée sur l'emprise de l'établissement d'accueil ou, en cas de nécessité,
sur l'emprise d'un autre établissement de santé situé dans le ressort du tribunal de grande instance,
dans les circonstances et selon les modalités prévues par une convention conclue entre le tribunal
de grande instance et l'agence régionale de santé. Cette salle doit permettre d'assurer la clarté, la
sécurité et la sincérité des débats ainsi que l'accès du public. Lorsque ces conditions ne sont pas
satisfaites, le juge, soit d'office, soit sur demande de l'une des parties, statue au siège du tribunal de
grande instance ».
60. Par ailleurs, la pratique de la visioconférence a été supprimée. Déjà avant la réforme du 27
septembre 2013 des juridictions86 avaient décidé de ne recourir à cette technique que de manière
exceptionnelle afin de faciliter l'échange entre chaque protagoniste lors de l'audience. Le recours à
la visioconférence pouvait déstabiliser un patient qui souffrait déjà de troubles mentaux, dont
l'expression orale était déjà perturbée. Cette suppression facilite ainsi la défense du malade par son
avocat, désormais obligatoire.
5. L'avocat obligatoire
61. La réforme du 27 septembre 2013 fut incontestablement innovante en matière de droits de la
défense puisque l'avocat est devenu obligatoire. Selon l'article L. 3211-12-2 al. 2 CSP : « à
85 Eve Boccara, Interview de Véronique Dagonet, bâtonnier du Val-de-Marne, « Hospitalisations d'office : le juge doit-
il se déplacer » Gaz. Pal, 08 mai 2012 n°129, p. 9.
86 Y. Benhamou, « Le contrôle du juge judiciaire sur les hospitalisations psychiatriques sous contrainte : l'exemple de
la cour d'appel de Douai », Gaz. Pal., 26 avril 2012 n°117, p. 5.
29
l'audience, la personne faisant l'objet de soins psychiatriques est entendue, assistée ou représentée
par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office ».
62. L'avocat occupe une place importante pour son client atteint de troubles mentaux, souvent
confronté à de multiples difficultés pour exprimer sa volonté ou ses besoins. Le conseil représente
le premier interlocuteur du patient et pourra décrypter l'état dans lequel se trouve ce dernier. La
présence de l'avocat facilitera d'autant plus l'échange avec le JLD. En pratique, les barreaux
s'organisent de la même manière que pour les gardes à vue et ont instauré des permanences soins
psychiatriques. Cette pratique permet l'alternance des avocats pour intervenir suite à une
commission d'office, au titre de l'aide juridictionnelle ou non.
63. Entre exclusion et extermination, les personnes atteintes de troubles mentaux auront été
largement persécutées tout au long de l'histoire. Toutefois, c'est une nouvelle ère qui s'est ouverte à
la fin du XXe siècle, le législateur ayant eu à cœur de reconnaître davantage de droits à ces malades,
et d'adopter un véritable cadre protecteur. Pourtant, si au XXIeme siècle la loi apparaît
considérablement protectrice, avec de nombreuses dispositions au bénéfice des patients, l'ensemble
du dispositif dissimule parfois une réalité différente.
30
PARTIE 2 : De la pratique contrastée des soins psychiatriques
sans consentement
64. « Qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la
santé des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prévention des atteintes à l'ordre
public nécessaire à la sauvegarde des droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part,
l'exercice des libertés constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté
d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que la liberté individuelle dont l'article 66 de la
Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire (...) »87. La conciliation entre protection de la
santé, protection de l'ordre public et protection des libertés, affirmée dans la plupart des décisions
du Conseil constitutionnel, donne bien des difficultés au législateur et au juge pour appréhender au
quotidien l'internement d'individus malades. Au regard de la pratique, il est possible de se rendre
compte de cette difficulté. En réalité, la protection des droits fondamentaux des malades est
fragilisée par une procédure en apparence protectrice mais influencée par une dimension sécuritaire
prégnante (II) et par la technicité de la psychiatrie (I).
I. Une protection limitée par la spécificité de la psychiatrie
65. Le domaine de la psychiatrie, technique par essence, fait des juges et avocats des acteurs
secondaires, dans l'ombre des spécialistes de la psychiatrie (A). Le rôle de l'ensemble de ces acteurs
sera d'autant plus bridé eu égard aux responsabilités potentiellement encourues (B).
A. Le rôle restreint des acteurs judiciaires
66. N'étant pas spécialiste de la matière, le juge ne pourra que s'en tenir aux avis des professionnels
de santé. Pour autant, cela ne fait pas de lui un acteur inutile (1). Le rôle de l'avocat reste quant à lui
ambivalent puisqu'il aura la tâche complexe de défendre des clients atteints de troubles mentaux (2).
87 V. en ce sens, Cons. const., 26 nov. 2010, n°2010-71 QPC ; Cons. const., 6 oct. 2011, n°2011-174 QPC et Cons.
const., 9 juin 2011, n°2011-135/140 QPC.
31
1. La compétence liée du juge des libertés et de la détention
67. « Le juge des libertés et de la détention gardien fragile des droits fondamentaux du patient »88.
L'article L. 3211-12-1 CSP donne compétence au JLD pour contrôler de plein droit, de manière
périodique, la régularité formelle et le bien-fondé des décisions de placement de patients admis en
soins psychiatriques sous contrainte.
68. Pourtant, le contrôle de nécessité apparaît bien illusoire au vu de la spécificité du domaine, en
l'occurrence la psychiatrie. Pour exercer ce contrôle, l'audience constitue une étape décisive dans le
contrôle du bien-fondé de la décision de placement sous contrainte. C'est aussi avant tout le moyen
pour le JLD d'observer le comportement du malade. Mais d'aucune manière le juge n'évaluera la
nécessité89 de l'hospitalisation sous contrainte. Il n'en a pas les compétences.
69. En réalité, le magistrat ne s'attachera qu'à vérifier si les certificats médicaux sont circonstanciés.
Il contrôlera les conditions de fond imposées par la loi, à savoir l'exigence de motivation des
certificats, la condition d'urgence si la procédure est utilisée, ou encore la condition de péril
imminent, tout en sachant que le législateur n'a pas, dans ces deux derniers cas, précisé le sens de
ces notions.
70. Le JLD n'a donc pas une tâche aisée à accomplir, loin des mécanismes de droit pénal qu'il est
habitué à manier. Dans le domaine de la psychiatrie, il s'en tiendra généralement aux préconisations
du corps médical. Il sera la plupart du temps confronté à des termes inconnus ou trop techniques90.
En cela, sa compétence sera liée par l'avis des psychiatres. Ainsi, lors de l'audience des douze jours
au sein du CESAME d'Angers91, alors que le patient présentait toutes les garanties pour qu'une
88 E. Péchillon, op. préc., p. 14.
89 CA Rennes, 8 juillet 2015, n°15/00218 : « Le contrôle de la régularité comprend notamment le contrôle du bien
fondé des décisions administratives, le juge judiciaire devant rechercher si les certificats médicaux produits sont
suffisamment précis et circonstanciés au regard des conditions légales exigées pour des soins sans consentement ;
cependant le juge des libertés et de la détention n'a pas à se substituer à l'autorité médicale notamment sur
l'évaluation du consentement, du diagnostic ou des soins ».
90 CA Poitiers, 21 juillet 2015, n°15/00029 : « Considérant qu'il (...) souffre d'une pathologie psychotique ayant été
décompensée sous la forme de graves troubles comportementaux, d'un délire mystique et d'un vécu persécutif (…),
considérant [que] le même praticien a relevé que des épisodes de vécu persécutif subsistaient ainsi que des idées
délirantes de thèmes mystiques et mégalomaniaques abondantes ».
91 Audience JLD, 10 juillet 2015, Annexe n°1
32
sortie soit acceptée, le JLD aura préféré maintenir la mesure de soins sous contrainte dans l'atteinte
du prochain avis du psychiatre en charge du patient. En l'espèce, le patient avait été placé en soins à
la demande de sa mère en raison d'une tentative de suicide.
71. Néanmoins, le juge conserve sa liberté d'appréciation et peut tout à fait ordonner la mainlevée
de la mesure de soins sous contrainte malgré l'avis défavorable des psychiatres. Cette situation reste
toutefois marginale92.
72. Le JLD exercera réellement un rôle primordial à l'occasion du contrôle de régularité formelle du
placement en soins sans consentement, anciennement de la compétence du juge administratif. Il
vérifiera à cette occasion la compétence de l'auteur de la décision93, la compétence des médecins, la
motivation des décisions, le respect des délais, respect du contradictoire94, notification des droits...
Le contrôle de légalité externe réalisé dans les douze jours suivant l'admission apparaît clairement
justifié pour éviter toute détention décidée irrégulièrement par les autorités compétentes. Le but
étant de réduire au maximum toute détention arbitraire d'un malade.
73. En revanche, le contrôle périodique intervenant tous les six mois apparaît contestable que ce soit
tant sur le plan du contrôle de la légalité externe ou de la légalité interne de la décision de
placement. Toutes ces vérifications ayant déjà été effectuées par le juge lors de l'audience des douze
jours, un nouveau contrôle peut sembler inutile. À tout le moins, le patient bénéficiant d'un avocat
de manière obligatoire, ses droits pourront être exercés constamment par son conseil, par exemple
en saisissant le juge en vertu du recours facultatif offert par l'article L. 3211-12 CSP95.
74. Le juge recouvrera véritablement un rôle important en cas de désaccord entre psychiatre et
préfet. En effet, un psychiatre peut avoir un avis favorable pour lever une mesure de soins sous
92 D. Legohérel, Etude sur les soins psychiatriques sans consentement, Rapport de la Cour de cassation, déc. 2014 :
« 5 % des motifs de mainlevée concernent des hypothèses où, en dépit du certificat médical concluant au maintien
de la mesure, la mainlevée a été ordonnée ».
93 Qualité du tiers ou validité de la délégation de pouvoir signée par le directeur d'établissement de santé.
94 C. Landais, « Le maintien en hospitalisation d'office doit être précédé d'une procédure contradictoire », AJDA, 2011,
p. 1786.
95 Art. L. 3211-12 I, CSP : « Le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement
d'accueil peut être saisi, à tout moment, aux fins d'ordonner, à bref délai, la mainlevée immédiate d'une mesure de
soins psychiatriques prononcée en application des chapitres II à IV du présent titre ou de l'article 706-135 du code
de procédure pénale, quelle qu'en soit la forme ».
33
contrainte alors que le préfet estimera au contraire que l'ordre public serait toujours menacé en cas
de sortie du malade. Dans ce cas, l'ultime avis d'un autre psychiatre sera nécessaire pour que le juge
puisse trancher le litige avec un élément d'appui supplémentaire. Le juge n'est pourtant pas le seul
professionnel confronté à certaines difficultés, puisque l'avocat aura également un rôle difficile à
remplir.
2. Le rôle ambivalent de l'avocat
75. L'avocat s'efforcera avant tout d'accompagner son client dans la procédure judiciaire de soins
psychiatriques sans consentement. Or, le domaine psychiatrique étant sensible, l'avocat exercera un
rôle équivoque. Souvent face à un client réclamant sa sortie, il devra concilier deux intérêts
contradictoires. Respecter la volonté de son client, et penser à la protection de sa santé. Son rôle de
conseil, exercé en vertu de l'article L. 3211-3 du CSP, deviendra ainsi primordial.
76. Un auteur96 relève deux problèmes principaux auxquels se trouve confronté l'avocat. D'une part
« l'impossibilité pratique de s'entretenir avec le client ». Le client, qui généralement ne comprend
pas pour quelles raisons une hospitalisation sous contrainte a été demandée, peut parfois se murer
dans un silence qui accroît la difficulté. D'ailleurs, comme l'avance justement l'auteur, ces patients
sont souvent sous l'effet de médicaments qui ne facilitent pas l'échange et réduisent leurs capacités
cognitives. Même en l'absence de tout traitement, le client sera, à tout le moins, toujours sous
l'emprise du trouble mental qui a justifié son hospitalisation. C'est souvent un sentiment
d'impuissance qui s'empare de l'avocat.
77. D'autre part, « l'impossibilité pratique d'évaluer la pertinence des expertises psychiatriques ».
L'avocat se trouve confronté, tout comme le JLD, à une matière technique dont il ne comprend pas
forcément les termes. Il aura ainsi les plus grandes difficultés pour évaluer la pertinence des
certificats médicaux et apprécier l'existence réelle ou non d'un trouble mental pourtant condition
exigée par la Cour européenne des droits de l'homme pour justifier la détention d'un aliéné. Le
psychiatre jouera ainsi un rôle dominant dans la procédure.
78. Ces deux problèmes ont concrètement été rencontrés lors des audiences des douze jours devant
le JLD d'Angers et de Saumur. Dans la plupart des cas, l'avocat était amené à raisonner son client et
96 M-A Julien, « Hospitalisation d'office : le modèle de la procédure pénale est-il pertinent ? », http://village-
justice.com/articles/Hospitalisation-office-modele,19916.html, consulté le 23 juin 2015.
34
lui faire prendre conscience de l'utilité de poursuivre les soins. Expliquant d'ailleurs être parfois
balancé entre l'idée de soulever une nullité (en cas de vice de procédure) et ainsi respecter la volonté
de son client, tout en mettant en péril la continuation des soins, souvent plus que nécessaires.
79. Toutefois, si une nullité devait être soulevée, le législateur a doté le procureur de la possibilité
d'effectuer appel de la décision, appel suspensif sur justification d'un risque grave d'atteinte à
l'intégrité du malade ou d'autrui. Le procureur aura un délai de six heures à compter de la
notification de l'ordonnance pour former son appel en vertu de l'article L. 3211-12-4 CSP.
80. Une fois de plus, l'ensemble de ces éléments n'aident pas le patient hospitalisé sous contrainte,
qui rencontrera les plus grandes difficultés à sortir de l'établissement. Pourtant, certains avocats
spécialistes de la matière n'hésitent plus à soulever l'ensemble des nullités invocables. L'avocat
conserve en effet la charge de défendre un client à qui l'on aura supprimé sa liberté. La situation de
l'avocat accompagnateur n'est donc pas à généraliser. En cas de refus de mainlevée manifestement
disproportionnée ou ne se justifiant pas, l'avocat essaiera de protéger son client d'une détention
arbitraire. Sa présence constitue sans aucun doute une avancée majeure dans la protection des
libertés, particulièrement dans un état qui se réclame des droits de l'homme. Seulement, malgré des
avancées dans la protection des libertés, des mécanismes inhibent les acteurs du processus.
B. Des mécanismes de responsabilité dissuasifs
81. Freiné par la spécificité de la psychiatrie, la responsabilité des acteurs de la procédure jouera
également un rôle comminatoire, incitant à la prise de risque la plus minime possible, tant sur le
plan de l'ordre public (1) que sur le plan de la santé du patient (2).
1. Les risques d'atteintes à l'ordre public
82. « La mort dramatique de deux soignantes du Centre hospitalier de Pau en décembre 2004 »97,
événement qui a marqué et choqué l'opinion public, a, comme souvent en matière pénale, forcé la
réaction du monde politique afin d'éviter la répétition de tels actes.
97 D-C Morin, « Hospitalisations sous contrainte (HDT, HO) : quelles libertés garantir ? », Perspectives Psy 2008/1
(Vol. 47), p. 90-95.
35
83. Le mécanisme de responsabilité est devenu largement dissuasif pour instaurer une très grande
méfiance de la part du corps médical et des responsables administratifs à l'égard des patients
hospitalisés pour des raisons d'ordre public. Non seulement responsables sur le plan administratif,
c'est aussi médiatiquement que ce genre d'affaires peut avoir des retentissements et alimenter
certains discours sécuritaires.
84. Un arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris rendu en 201498 illustre parfaitement les
erreurs à ne pas commettre pour un établissement de soins psychiatriques. En l'espèce, un
établissement de santé mentale a été reconnu responsable du fait des actes commis par un patient
après la levée de la mesure de contrainte. Le patient avait commis un assassinat. L'établissement a
été reconnu responsable pour deux motifs. D'abord pour avoir sous-estimé la dangerosité du patient,
ensuite pour ne pas avoir informé le préfet de la rupture de traitement après la levée de la mesure.
85. Pourtant, et c'est cela qui montre les faiblesses de cette science, le psychiatre qui avait examiné
le patient avait estimé que la mesure de contrainte ne se justifiait plus car l'individu concerné « ne
présentait plus d'idées délirantes ni de troubles thymiques et que son comportement dans le service
était adapté ». En définitive, les établissements de santé préfèrent ne plus prendre de risques, ce qui
semble compréhensible au regard des conséquences parfois effroyables liées à une sortie
prématurée d'un patient atteint de troubles mentaux99.
86. Au regard de certaines statistiques100, il est possible de constater également que les juges ne
souhaitent prendre aucun risque. Dans 80 % des cas, le juge confirme le maintien de
l'hospitalisation lorsqu'une demande de mainlevée a été effectuée, et dans 90 % des cas il maintient
la contrainte suite au contrôle périodique obligatoire. D'ailleurs, ces chiffres ne se seront pas révélés
erronés dans les cas, abordés à l'occasion du stage, par le JLD d'Angers ou de Saumur, l'ensemble
des patients demandaient une levée de leur placement sous contrainte, et le maintien de la mesure
aura toujours été l'issue de l'audience. Ainsi, les patients irrégulièrement gardés en soins
psychiatriques sans consentement pourront engager la responsabilité des acteurs de la procédure
pour obtenir réparation de leur préjudice101. D'un coté ou de l'autre, les actions en responsabilité
98 CAA, Paris, 25 septembre 2014, n°10PA01714
99 V. en ce sens, J-P Tachon, « Vous avez dit judiciarisation... ? », L'information psychiatrique 2015/6 (Volume 91), p.
445-446.
100 V. Vioujas, « Le contrôle des soins psychiatriques sans consentement : aperçu d'un droit jurisprudentiel en
construction », LPA, 19 juin 2014 n°122, p 4.
101 J. Hauser, note sous Cass. civ. 1, 5 déc. 2012, n°11-24.527, inédit, « Hospitalisation d'office : certificat médical et
36
n'ont pas fini de fleurir.
2. Les risques suicidaires
87. Les tentatives de suicide constituent un vrai fléau et plus particulièrement en France qui connaît
l'un des taux les plus élevés après les pays de l'Est et la Belgique102. Le JLD aura, par conséquent, la
mission délicate d'anticiper et d'identifier les risques encourus. Il s'appuiera alors sur les avis
exprimés par les psychiatres qui doivent l'éclairer sur les risques de suicide. Le risque peut
intervenir suite à une mainlevée de la mesure de placement sous contrainte lorsque le psychiatre
estime que la personne est apte à sortir. Ensuite, le risque peut survenir lorsque le patient pris en
charge sous la forme d'un programme de soins, la plupart du temps en soins ambulatoires ou encore
lorsque le patient, en hospitalisation complète bénéficie d'une sortie temporaire, accompagnée ou
non, de l'établissement de santé.
88. Les établissements de santé sont donc soumis à des obligations de surveillance103 plus ou moins
lourdes en fonction de certains indices qui pourraient laisser penser que le risque de suicide du
patient est élevé. Ainsi, le personnel soignant devra être attentif au comportement du patient. Son
attitude pourra trahir un éventuel passage à l'acte. Le tout sera corroboré par les antécédents
médicaux du patient. En effet, si celui-ci est déjà connu pour avoir tenté de mettre fin à ses jours, la
surveillance devra être renforcée. Enfin, l'organisation matérielle de l'établissement de santé est un
critère qui révélera un éventuel dysfonctionnement, sans lequel, la personne ne se serait pas
suicidée. Les établissements de santé et leur personnel soignant doivent donc être plus vigilants que
jamais pour ne pas engager leur responsabilité.
89. L'ensemble des mécanismes de responsabilité n'incitent pas les professionnels, psychiatres ou
juges, à ordonner la mainlevée de mesures de contrainte. La crainte de l'erreur agit comme une
menace paralysante, avec en toile de fond des discours sécuritaires qui obligent à la plus grande
prudence. La liberté des patients n'en sort que fragilisée. Les garanties procédurales d'apparence
protectrices reflètent en réalité la crainte ambiante à l'égard des malades mentaux (II).
dommage réparable », RTD civ., 2013, p. 92.
102 L. Demailly, Sociologie des troubles mentaux, coll. repères, Paris, 2011, p. 9.
103 J. Coelho, « Responsabilité du fait du suicide de patients psychiatriques en hospitalisation libre : quelle obligation
de surveillance ? », AJDA, 2008, p. 441.
37
II. Des garanties procédurales superficielles
90. « Les malades potentiellement dangereux doivent être soumis à une surveillance particulière
afin d'empêcher un éventuel passage à l'acte. Et vous savez fort bien, mieux que moi, que des
patients dont l'état s'est stabilisé pendant un certain temps peuvent soudainement devenir
dangereux »104. La dimension sécuritaire du dispositif ne date pas d'hier, déjà la loi de 1838 avait
pour objet d'assurer la protection de l'ordre public dit sanitaire. D'ailleurs, l'hospitalisation sous
contrainte constitue initialement un pouvoir régalien dont le malade mental est « le bouc
émissaire »105.
91. C'est ainsi que deux conceptions s'affrontent. D'un coté, ceux qui prônent une véritable politique
de soins106, de l'autre ceux qui réclament une politique sécuritaire.
Le législateur tendant bien évidemment vers une politique sécuritaire, il était prévisible que la
jurisprudence soit restrictive notamment dans l'appréciation des nullités (A). Les garanties
procédurales, d'apparence protectrices, restent en réalité perfectibles et critiquables au vu du
domaine liberticide que représentent les soins psychiatriques sans consentement (B).
A. Les nullités de procédure
92. Pour obtenir la mainlevée d'une mesure de soins psychiatriques sans consentement, l'avocat
devra s'atteler à chercher des moyens de nullité et pour se faire démontrer l'existence d'un grief subi
par son client (1), malgré une interprétation restrictive de la jurisprudence qui semble poindre à
l'horizon (2).
1. L'exigence du grief
93. « Pas de nullité sans grief ». Règle traditionnelle en procédure civile107 ou encore en procédure
104 Discours du Président de la république concernant l'obligation de soins et l'hospitalisation sous contrainte, Antony,
2 déc. 2008.
105 J-L Senon, « Psychiatrie et justice pénale : à la difficile recherche d'un équilibre entre soigner et punir », AJ pénal,
2005, p. 353.
106 V. notamment, J. Canneva, « Les grandes lignes du plan psychique demandé par l’Unafam », 7 janv. 2011,
[http://www.unafam.org/Les-grandes-lignes-du-plan.html], consulté le 24 juillet 2015.
107 Art. 114 al. 2 C. pr. civ.
38
pénale108, l'exigence du grief se retrouve également en matière de soins psychiatriques sans
consentement. En application des dispositions de l'article L. 3216-1 CSP, l'irrégularité affectant une
décision administrative concernant les soins psychiatriques n'entraînera la mainlevée de la mesure
que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet. L'exigence d'un
grief, avait été voulue par l'Assemblée nationale pour éviter des mainlevées systématiques,
« malgré l'opposition du Sénat qui y voyait le signe d'une défiance à l'égard du juge judiciaire »109.
L'atteinte aux droits de la personne n'étant pas qualifiée, le juge devra ainsi construire sa propre
théorie concernant les griefs qui seront susceptibles d’entraîner la mainlevée de la mesure de
contrainte.
2. Une jurisprudence probablement restrictive
94. L'unification du contentieux des soins psychiatriques sans consentement n'étant que toute
récente, la Cour de cassation commence seulement à répondre aux questions de droit émergeant des
litiges afférents aux soins contraints, notamment au regard des réformes de 2011 et 2013.
Au vu des récentes décisions de la Cour de cassation, le sens de la jurisprudence semble s'orienter
vers une interprétation assez restrictive des motifs de nullité. En raison de la sensibilité du domaine
psychiatrique, il était tout à fait prévisible que la jurisprudence soit méfiante, et interprète
restrictivement les manquements portant atteinte aux droits de la personne et constituant ainsi un
grief pouvant entraîner la sortie du malade. Malgré une façade très formaliste, apparaissant comme
une véritable protection contre la détention arbitraire, la jurisprudence devrait, en réalité, durcir et
restreindre son interprétation des dispositions de l'article L. 3216-1 CSP pour éviter des nullités
potentiellement préjudiciables. La méfiance des juges, et la balance entre soins et conséquences
d'une mainlevée préjudiciable fait déjà connaître le sens de la jurisprudence future.
95. La Cour de cassation aura donc une vision restrictive du grief comme peut l'illustrer un arrêt du
15 janvier 2015110 qui s'est prononcé sur les effets d'une absence d'information sur ses droits et
108 Art. 171, 565, 802 C. pr. pen.
109 D. Legohérel, op. préc., p. 33.
110 Cass. Civ. 1, 15 janvier 2015, 13-24.361 « Attendu que, si l'autorité administrative qui prend une mesure de
placement ou maintien en hospitalisation sans consentement d'une personne atteinte de troubles mentaux doit, d'une
manière appropriée à son état, l'informer le plus rapidement possible des motifs de cette décision, de sa situation
juridique et de ses droits, le défaut d'accomplissement de cette obligation, qui se rapporte à l'exécution de la
mesure, est sans influence sur sa légalité ».
39
recours de la personne faisant l'objet d'une mesure d'hospitalisation sous contrainte. La Haute Cour
a pu décider que l'absence d'information n'affectait pas la décision d'admission du préfet dans sa
légalité, mais ne se rapportait qu'à l'exécution de la mesure. On comprend ainsi en toile de fond que
la jurisprudence aura à cœur d'assurer un équilibre entre l'efficacité de la sécurité des actes et la
liberté des personnes.
B. Une procédure perfectible
96. Les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement, louables à de
nombreux égards, semblent perfectibles au regard de problèmes liés aux délais (1) et critiquables au
regard de l'utilisation historique de la notion d'ordre public (2).
1. Des délais et droits fondamentaux
97. Le JLD a pour obligation d'intervenir de manière automatique dans un délai de douze jours
suivant la décision de prise en charge sous contrainte du patient. Ce délai, antérieurement de quinze
jours, a ainsi été ramené à douze jours, malgré un délai de dix jours proposé par M. le député Denys
Robiliard111. Mais dans un souci de respect des exigences posées par les textes européens des droits
de l'homme, un délai davantage réduit, n'aurait-il pas été plus adapté ? En matière de rétention
administrative des étrangers, ou encore de garde à vue112, c'est un délai de 48 heures qui est de
rigueur et au delà duquel un magistrat du siège doit intervenir afin de garantir toute détention
arbitraire. Dans un domaine liberticide comme celui de l'hospitalisation sous contrainte, il aurait été
pertinent de réduire le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention afin d'atténuer au
maximum les atteintes portées aux libertés des malades concernés. Un délai de cinq jours avait
d'ailleurs été préconisé dans le rapport d'étape « Santé mentale et avenir de la psychiatrie »113 et l'on
ne peut que regretter que le législateur ait préféré fixer ce délai à 12 jours sur amendement du
gouvernement sûrement pour des raisons budgétaires.
111 Rapport présenté par Denys Robiliard sur la proposition de loi relative aux soins sans consentement en psychiatrie,
Doc. parl. A.N., n°1284, 17 juillet 2013.
112 Cons. const., 19-20 janv. 1981, n°81-127 DC, relative à la loi « sécurité et libertés ».
113 Rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales en conclusion des travaux de la mission sur la
santé mentale et l’avenir de la psychiatrie : rapport d’étape par M. Denys ROBILIARD, Doc. Parl. A. N., n°1085, le
29 mai 2013.
40
98. Même si les délais de quinze puis de douze jours n'ont jamais été remis en cause par les juges
européens, ces délais semblent assez long d'un point de vue de la protection des droits et libertés
fondamentales. Déjà dans un arrêt du 14 avril 2011114, la CEDH avait condamné la France pour
avoir violé l'article 5§4 de la Convention européenne des droits de l'homme au motif que les
juridictions françaises n'avaient pas statué à « bref délai » sur la demande de mainlevée faite par la
requérante. En l'espèce, la patiente avait attendu quarante-six jours pour qu'une ordonnance de rejet
soit rendue par le juge. L'exigence de bref délai n'était donc plus respectée. Cette affaire faisait déjà
suite à deux autres condamnations prononcées sur le même fondement115.
99. Par ailleurs, ce délai d'intervention du juge semble également problématique en pratique puisque
très éloigné du certificat des 72 heures, dernier certificat en possession du juge lors de l'audience.
Or, il va de soi qu'en huit jours, l'état du patient aura pu largement évoluer, justifiant dans certaines
circonstances une mainlevée de la mesure de contrainte. Pourtant, le certificat des 72 heures,
préconisant généralement le maintien des soins en raisons de troubles constatés à ce moment, le
juge ne pourra que décider de maintenir le malade sous contrainte dans un souci de vigilance. Là
encore, un problème pratique qui se révèle préjudiciable pour la liberté du malade. Le juge s'en
remettra à l'avis médical postérieur à l'audience des douze jours.
2. De la référence surannée à l'ordre public
100. La référence aux troubles de l’ordre public est d'abord historique. Depuis la révolution
française, l'autorité administrative a toujours pris un rôle majeur dans les soins sans consentement.
Esquirol lui-même écrivant que « le rôle du médecin aliéniste consistait à participer à
l’information des gouvernants, à la prise en compte incidemment de l’ordre public ». La loi de 1838
a eu comme première finalité la protection de l'ordre public.
101. Certains auteurs116 relèvent d'ailleurs « une confusion des domaines sanitaires, de l’ordre
public et de la défense sociale », spécificité française puisque d'autres pays européens ont mis en
place des mesures de sûreté visant à assurer la protection de la société et les mesures de prévention
114 M. Bruggeman, note sous CEDH, 14 avr. 2011, Patoux c/ France, n° 35079/06, Dr. fam., juin 2011, n°6, alerte 49.
115 CEDH, 27 juin 2002, L.R. C/ France, req. n° 33395/96 (délai de 24 jours jugé excessif) et Mathieu c/ France, 7 oct.
2005, req. n° 68673/01, (délai de 4 mois jugé excessif).
116 G. Rossinelli, « Relations psychiatrie/justice pour les soins sans consentements », Perspectives Psy 2009/1 (Vol.
48), p. 31-37.
41
de la récidive de personnes dangereuses, par des lois et textes spécifiques constituant souvent des
mesures d’isolement.
102. En réalité, il faut relever que les patients placés en soins sous contrainte sur décision du
représentant de l’État le sont pour des raisons d'ordre public. Or, c'est aussi en raison de problèmes
psychiatriques que ces personnes peuvent devenir nuisibles à la société. C'est avant tout un
problème médical dont il est question. Une personne dangereuse nécessite également des soins. De
la sorte, lorsque le préfet agit, il n'agit qu'après avoir été informé par une tierce personne, que ce soit
une autre autorité (police, maire, procureur) ou encore le directement d'établissement de santé. Le
préfet ne représente qu'une autorité de décision à qui l'on donne de multiples informations tendant à
un placement sous contrainte d'une personne.
103. La question est la suivante : pourquoi s'alourdir avec une décision préfectorale alors que in fine
le directeur d'établissement serait apte à prendre la décision non pas forcément sur des critères
d'ordre public mais sur les mêmes critères que l'hospitalisation à la demande de tiers, à savoir sur
des critères médicaux justifiant de la nécessité de soins. La référence à l'ordre public pourrait être
supprimée et complètement remplacée par une référence aux soins. Cette problématique loin d'être
juridique est avant tout politique, et la personne du préfet étant historiquement acteur du processus,
il semble difficile que la politique de soins réclamée par l'UNAFAM prenne le pas sur la dimension
sécuritaire du problème.
104. La loi du 27 septembre 2013 aurait pu être l'occasion – manquée – de réformer en profondeur
le droit des soins psychiatriques sans consentement mais celle-ci « ne renferme qu'un ensemble de
mesures à portée réduite au regard de l'économie générale d'un texte compris par les
professionnels, comme d'inspiration sécuritaire »117. La législation française ne tient compte que des
effets (dangerosité ou atteinte à l'intégrité du patient) sans réellement tenir compte des causes des
comportements, à savoir la maladie ou le trouble mental, pathologies qui peuvent être
diagnostiquées et soignées à la suite d'une thérapie adaptée.
105. De cette conception les libertés et droits fondamentaux du patient n'en sortent que fragilisés.
On se rend compte de la réelle difficulté pour celui-ci d'envisager une sortie, condamné à rester
enfermé tant que sa pathologie, menaçante pour lui ou autrui, ne disparaîtra pas.
117 Y. Hémery, « Une loi de passage ? », L'information psychiatrique, 2013/9 (Volume 89), p. 703-704.
42
ANNEXES
Annexe n°1 : Documents relatifs à une admission sur demande d'un
tiers (suite à une tentative de suicide) (p. 43 à 54)
Annexe n°2 : Documents relatifs à une admission sur demande du
représentant de L'État (suite à un meurtre) (p. 55 à 69)
43
BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie n’entend pas être exhaustive de tout ce qui a été cité ou lu dans le cadre du
présent mémoire.
I – Ouvrages généraux, monographies, thèses et actes
Cabrillac (R.), Libertés et droits fondamentaux, Dalloz, 20è éd. Paris, 2014.
Coupechoux (P.), Un monde de fou : comment notre société maltraite ses malades mentaux, Ed. du
Seuil, Paris, 2014.
Couturier (M.), « Soins psychiatriques sans consentement », in Jcl. Civil. Annexes, fascicule 10,
mars 2015.
Demailly (L.), Sociologie des troubles mentaux, coll. repères, Paris, 2011.
Douraki (T.), La convention européenne des droits de l'homme et le droit à la liberté de certains
malades et marginaux, LGDJ, Paris, 1986.
Duhamel (O.) et Veil (J.), La parole est à l'avocat, coll. à savoir, Dalloz, Rezé, 2015.
Foucault (M.), Histoire de la folie à l'âge classique, Gallimard, 1961.
Guilbert (F.), Liberté individuelle et hospitalisation des malades mentaux, Librairies Techniques,
Paris, 1974.
Huet (A.), « Droit à la sûreté et contrôle extra-répressif », in Jcl. Libertés, fascicule 630, 2007.
Lafont (M.), L'extermination douce, 1987.
Quétel (C.), La loi de 1838 sur les aliénés, volume I, l'élaboration, coll. Insania, frénésie Ed., Paris,
1988.
Quétel (C.), La loi de 1838 sur les aliénés : Ferrus, Falret, Esquirol, Faivre, volume II,
l'application, coll. Insania, Frénésie Ed., Paris, 1988.
Truchet (D.), Droit administratif, coll. Thémis, PUF, 6è éd., 2015.
II – Articles, rapports, chroniques, notes, commentaires, observations
Albert (N.), « Hospitalisation d'office : le juge judiciaire sous pression », JCP A, 26 avril 2011,
n°17, act. 307.
Benalcàzar (S.), « L'hospitalisation d'office prononcée par un juge », Gaz. Pal. 04 avril 2009 n°94,
p 9.
Benhamou (Y.), « Le contrôle du juge judiciaire sur les hospitalisations psychiatriques sous
44
contrainte : l'exemple de la cour d'appel de Douai », Gaz. Pal., 26 avril 2012 n°117, p. 5.
Boccara (E.), Interview de Véronique Dagonet, bâtonnier du Val-de-Marne, « Hospitalisations
d'office : le juge doit-il se déplacer » Gaz. Pal, 08 mai 2012 n°129, p. 9.
Bruggeman (M.), note sous CEDH, 14 avr. 2011, Patoux c/ France, n° 35079/06, Dr. fam., juin
2011, n°6, alerte 49.
Castaing (C.), « Le droit fou des soins psychiatriques sans consentement », LPA, 26 novembre
2010, n°246, p. 6.
Castaing (C.), note sous Cons. const., 26 nov. 2010, n°2010-71 QPC, Mme Danièle S, LPA, 23 déc.
2010, n°255, p. 5.
Coelho (J.), « Hospitalisation sous contrainte : plaidoyer pour une réforme », RDSS, 2006, p. 249.
Coelho (J.), « Responsabilité du fait du suicide de patients psychiatriques en hospitalisation libre :
quelle obligation de surveillance ? », AJDA, 2008, p. 441.
Couturier (M.), « La réforme des soins psychiatriques sans consentement : de la psychiatrie
disciplinaire à la psychiatrie de contrôle », RDSS, 2012, p. 97.
Couturier (M.), « La contrainte et le consentement dans les soins ordonnés par l'autorité publique :
vers une aporie juridique », RDSS, 2014, p 120.
Dupuy (O.), « Note juridique relative à la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 : analyse et proposition
de modifications, rédigée pour l'Association des établissements participant au service public de
santé mentale », 31 mai 2012, [http://spep.fr//joomla/images/adesmdupuy.pdf], consulté le 07 aout
2015.
Grabarczyk (K.), note sous CEDH, 18 nov. 2010, Baudoin c/ France, n° 35935/03,
« L'hospitalisation sans consentement sous les feux des juges européens et constitutionnel », JCP G,
14 fév. 2011, n°7, 189.
Hadley Stark (J.), « L'hospitalisation psychiatrique sous contrainte dans la jurisprudence
contemporaine », JCP G, 20 juil. 2005, n°29, I 155.
Hauser (J.), note sous Cass. civ. 1, 5 déc. 2012, n°11-24.527, inédit, « Hospitalisation d'office :
certificat médical et dommage réparable », RTD civ., 2013, p. 92.
Hémery (Y.), « Une loi de passage ? », L'information psychiatrique, 2013/9 (Volume 89), p. 703-
704.
Julien (M-A.), « Hospitalisation d'office : le modèle de la procédure pénale est-il pertinent ? »,
http://village-justice.com/articles/Hospitalisation-office-modele,19916.html, consulté le 23 juin
2015.
Kleitz (C.), « Le législateur au chevet de l'hospitalisation sous contrainte », Gaz. Pal., 21 juil. 2011,
n°202, p. 3.
45
Landais (C.), « Le maintien en hospitalisation d'office doit être précédé d'une procédure
contradictoire », AJDA, 2011, p. 1786.
Lavielle (B.) et Lebur (F.), « Le juge des libertés et de la détention : béni-oui-oui ou terminator ? »,
Gaz. Pal., 28 juillet 2001, n°209, p. 3.
Legohérel (D.), Etude sur les soins psychiatriques sans consentement, Rapport de la Cour de
cassation, déc. 2014
Maria (I.), « Intervention de l'autorité judiciaire dans l'hospitalisation sous contrainte :
éclaircissement ou nouvelle complexification », Dr. fam., janv. 2011, n°1, comm. 11.
Morin (D-C.), « Hospitalisations sous contrainte (HDT, HO) : quelles libertés garantir ? »,
Perspectives Psy 2008/1 (Vol. 47), p. 90-95.
Péchillon (E.), note sous Cons. const., 9 juin 2011, n°2011-135/140 QPC, « Encadrement du soin
sous contrainte : entre piqûre de rappel et nouvelle prescription au législateur », JCP A, 27 juin
2011, n°26, act. 455.
Péchillon (E.), « Le nouveau cadre juridique des soins sous contrainte en psychiatrie : une réforme
polémique », JCP A, 12 septembre 2011, n° 37, 2295.
Péchillon (E.), note sous Cons. const., 6 octobre 2011, n°2011-174 QPC, JCP A, 6 févr. 2012, 2040.
Péchillon (E.), « Nouvelle saisine du Conseil constitutionnel à propos de la réforme du soins sous
contrainte : les limites de la QPC en matière de protection des libertés », JCP A, 20 févr. 2012 n°7,
act. 106
Péchillon (E.), « Programme de soins : quel statut juridique pour le patient ? », Santé mentale, mai
2015, n°198, p. 13.
Péchillon (E.), « Police administrative : les arrêtés municipaux ordonnant une mesure provisoire
d'admission en soins psychiatriques », AJCT, 2015, p. 329.
Robiliard (D.), rapport sur la proposition de loi relative aux soins sans consentement en
psychiatrie, Doc. parl. A.N., n°1284, 17 juillet 2013.
Rossinelli (G.), « Relations psychiatrie/justice pour les soins sans consentements », Perspectives
Psy 2009/1 (Vol. 48), p. 31-37.
Senon (J-L.), « Psychiatrie et justice pénale : à la difficile recherche d'un équilibre entre soigner et
punir », AJ pénal, 2005, p. 353.
Tachon (J-P.), « Vous avez dit judiciarisation... ? », L'information psychiatrique 2015/6 (Volume
91), p. 445-446.
Urfer Parnas (A.), « Les soins ambulatoires sous contrainte au Danemark : code civil ou pénal ou
code pénal et civil ? », L'information psychiatrique 2006/1 (Volume 82), p. 71-76.
Vialla (F.), note sous Cass. civ. 1, 29 mai 2013, pourvoi n°12-21194, PB, LPA, 11 juillet 2013,
46
n°138, p 15
Vioujas (V.), « Le contrôle des soins psychiatriques sans consentement : aperçu d'un droit
jurisprudentiel en construction », LPA, 19 juin 2014 n°122, p 4.
47
TABLE DES MATIÈRES
SOMMAIRE.......................................................................................................................................3
PRINCIPALES ABRÉVIATIONS UTILISÉES..............................................................................4
RAPPORT DE STAGE......................................................................................................................6
Introduction......................................................................................................................................10
I. Histoire des troubles mentaux....................................................................................................10
A. De l'exclusion des fous...............................................................................................11
B. De l'extermination des fous.........................................................................................12
C. De la réinsertion..........................................................................................................13
II. Sociologie des troubles mentaux...............................................................................................15
A. Un phénomène social..................................................................................................15
B. Une prise en charge.....................................................................................................15
III. Les modalités d'admission en soins psychiatriques sans consentement..................................16
A. Par le directeur d'établissement hospitalier.................................................................16
B. Par le représentant de l'état.........................................................................................18
C. Par le juge pénal.........................................................................................................18
PARTIE 1 : De la protection accrue des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques......20
I. La subsidiarité de la contrainte...................................................................................................20
A. Le principe de l'hospitalisation libre...........................................................................20
B. L'alternative du programme de soins..........................................................................21
II. La reconnaissance de garanties en cas de contrainte................................................................23
A. Des garanties médicales..............................................................................................24
1. La période d'observation.........................................................................................24
2. Les certificats des 24h et 72h..................................................................................25
3. La motivation des certificats...................................................................................25
48
B. Des garanties judiciaires.............................................................................................26
1. Distinction entre liberté « d'aller et venir » et droit à la sûreté...............................26
2. L'unification du contentieux devant le juge judiciaire : un préalable indispensable
.....................................................................................................................................26
3. L'instauration d'un contrôle de plein droit..............................................................27
4. La tenue des audiences au sein de l'établissement psychiatrique...........................29
5. L'avocat obligatoire.................................................................................................30
PARTIE 2 : De la pratique contrastée des soins psychiatriques sans consentement..................31
I. Une protection limitée par la spécificité de la psychiatrie.........................................................31
A. Le rôle restreint des acteurs judiciaires.......................................................................31
1. La compétence liée du juge des libertés et de la détention.....................................32
2. Le rôle ambivalent de l'avocat................................................................................34
B. Des mécanismes de responsabilité dissuasifs.............................................................35
1. Les risques d'atteintes à l'ordre public...................................................................35
2. Les risques suicidaires............................................................................................37
II. Des garanties procédurales superficielles.................................................................................38
A. Les nullités de procédure............................................................................................38
1. L'exigence du grief..................................................................................................38
2. Une jurisprudence probablement restrictive...........................................................39
B. Une procédure perfectible...........................................................................................40
1. Des délais et droits fondamentaux..........................................................................40
2. De la référence surannée à l'ordre public................................................................41
ANNEXES.........................................................................................................................................43
BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................................70
TABLE DES MATIÈRES................................................................................................................74
49
Recommended