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Feminisation de la profession vétérinaire

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Les jeunes ont peur du lendemain. Les étudiants vétérinaires sont essentiellement des femmes. Des libéraux stratèges imaginent des montages financiers pour les embaucher et sécuriser leur avenir. Dans le même temps, les vétérinaires traditionnels râlent à l’idée de voir émerger des cliniques déshumanisées, standardisées qui favorisent l’octroi de bénéfices à de futurs actionnaires. Comment nos jeunes vont-ils manœuvrer dans ce marché en plein bouleversement ? Quid des envies de la génération Y ? Sont-ils si désinvoltes qu’on le dit ?

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Les jeunes ont peur du lendemain. Les étudiants vétérinaires sont essentiellement des femmes. 'HV�OLE«UDX[�VWUDWªJHV�LPDJLQHQW�GHV�PRQWDJHV�ŵQDQFLHUV�SRXU�OHV�HPEDXFKHU�HW�V«FXULVHU�OHXU�avenir.'DQV�OH�P¬PH�WHPSV��OHV�Y«W«ULQDLUHV�WUDGLWLRQQHOV�U¤OHQW�¢�OőLG«H�GH�YRLU�«PHUJHU�GHV�FOLQLTXHV�G«VKXPDQLV«HV��VWDQGDUGLV«HV�TXL�IDYRULVHQW�OőRFWURL�GH�E«Q«ŵFHV�¢�GH�IXWXUV�DFWLRQQDLUHV�&RPPHQW�QRV�MHXQHV�YRQW�LOV�PDQĐXYUHU�GDQV�FH�PDUFK«�HQ�SOHLQ�ERXOHYHUVHPHQWb"�4XLG�GHV�HQYLHV�GH�OD�J«Q«UDWLRQb<b"�6RQW�LOV�VL�G«VLQYROWHV�TXőRQ�OH�GLWb"

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S oixante-trois pour cent des vétérinaires se sentent mena-cés par la possibilité donnée

à un confrère de posséder plusieurs cliniques (enquête de branche I+C, novembre 2009) et un tiers pratique seul : les libéraux s’affichent comme de farouches indépendants !Les réseaux de cliniques se mul-tiplient eu égard à la féminisation de la profession, à leur envie de salariat, de vie de famille et à l’im-possibilité d’investir suite à la crise économique.C’est l’avis de certains experts en management vétérinaire. Qu’en pensent les principales concernées, nos jeunes vétérinaires femmes, fraîchement moulues de l’école ?

Trouver un emploi à plein-TempS, paS Si facilePour Nina (Alfort 2012), trouver un emploi à temps plein correctement rémunéré fut rude.Sa promotion « de transition  » a bénéficié de quelques mois de pra-tique en plus. Heureusement, car les vétérinaires installés cherchent des remplaçants attestant d’une expérience significative. Avec  2 à 3 ans de clinique, Nina a ainsi été reçue dans les cliniques, contraire-ment aux générations futures qui sortiront avec moins d’expérience pratique et devront aller chercher un diplôme de spécialiste euro-péen pour faciliter leur embauche.Comme par le passé, le parcours gagnant passe par les gardes dans une belle structure, avec l’espoir d’être embauché de jour, par la suite. Mais les places y sont chères et souvent prises d’assaut par cer-tains étudiants privilégiés.

À l’exigence des vétéri-naires s’ajoute une baisse de l’offre…Les libéraux réduisent leurs frais à cause du contexte économique défavorable. Le travail à temps

plein en Île-de-France  : mieux vaut oublier ! Seuls le mercredi et le samedi sont demandés. Quand, fatalement, on arrive à travail-ler pour deux ou trois cliniques, les employeurs se battent pour les remplacements pendant les vacances – cette problématique ancienne semble s’amplifier.Alors Nina a trouvé un emploi à temps plein à 1 h 30 de Paris, dans une seule clinique. Elle accepte volontiers cette solution : compte tenu du salaire conventionnel des vétérinaires, elle n’aurait pas les moyens de vivre à Paris. En effet, cadre débutant, elle touche une ré-munération de 2 100 € bruts/mois.

… et des salairesEn comparaison, une étude du ca-binet Towers Perrin pour L’Expan-sion (2010) donne un salaire à l’em-bauche de 31 500 € bruts annuels minimum (2 625 €/mois) pour les écoles d’ingénieurs, 31 000 € pour les écoles de commerce. Bien entendu, ajouter à cela la part variable, participation et intéresse-ment, habituels dans les grandes entreprises… Même si les jeunes d’HEC Paris ont vu leur rémuné-ration se dégrader de 7 %, à euros

constants en douze ans (Confé-rence des grandes écoles, enquête insertion professionnelle 2012), ils ne font pas partie des plus mal lotis. En outre, plus de 80 % des jeunes issus d’une école de commerce ou d’ingénieur décrochent un emploi (à temps plein !), moins de deux mois après la fin du cursus.Mesdemoiselles, arrêtez de penser qu’en suivant l’un des cursus les plus difficiles qui soient en France, on gagne bien sa vie !

la féminiSaTion de la profeS-Sion eST-elle liée à la baiSSe &'5�5#.#+4'5|!Tous secteurs confondus, il existe bien une différence de salaire entre hommes et femmes contre laquelle luttent de plus en plus de femmes… Pour s’en convaincre, il suffit de lire le rapport du cabinet McKinsey (Women Matter 2012 - Making the Breakthrough), d’as-sister à une conférence sur le lea-dership des femmes en école de commerce ou de faire partie de réseaux comme EPWN (European Professional Women’s Network).Ces actions quasi-féministes re-flètent un besoin croissant d’auto-nomie financière et de reconnais-

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sance sociétale de la femme dans sa singularité. L’homme repré-sente désormais le cocon fami-lial stabilisateur qui permet à la femme de s’émanciper.

Un métier de passion, encore et toujoursAlors pourquoi voit-on de plus en plus de femmes dans les écoles vétérinaires ?En posant la question à nos jeunes consœurs, il m’a été ré-pondu que ce métier est un rêve de petite fille et que la force phy-sique n’est plus aussi nécessaire qu’auparavant. La prépa Bio-Vé-to, riche en biologie, attire plutôt les filles qui font preuve de per-sévérance pour s’accrocher à ce rêve… Et les lycéens ne posent pas la question des salaires lors de leur orientation. Donc la fémi-nisation ne s’expliquerait pas par la paupérisation de la profession, mais par une volonté d’atteindre son rêve et d’avoir un métier proche du vivant…

Alors pourquoi ne pas s’asso-cier ?Si la position de salarié en struc-ture vétérinaire ne semble pas très confortable, pourquoi ne pas s’associer rapidement ? La réponse est simple : l’expérience pratique en sortant de l’école est pauvre, les bas salaires ne leur permettent pas d’apporter des fonds (donc des ga-ranties) suffisants pour décrocher un prêt bancaire. Étonnant, pour une profession qui avait la réputa-tion de ne pas connaître la crise… Autrement dit, plusieurs solutions pour s’installer aujourd’hui : pro-céder comme hier (on reprend la clinique de Papa), gagner au Loto, épouser un homme riche, ou enfin bifurquer vers un métier plus lucratif avant de revenir à la pratique. Bref, mieux vaut être née sous une bonne étoile…

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une généraTion de réSeau-TeurS Qui refuSenT de Travail-ler à la chaîne…On dit que les jeunes s’inté-ressent plus aux loisirs, aux amis et à la famille, que leur travail compte moins, qu’ils refusent les responsabilités et l’esclavage en entreprise. Tout cela me paraît discutable… ne serait-ce pas le contraire ? Les jeunes veulent travailler, apprendre et se développer. En revanche, la crise, la hausse du chômage, les licenciements ré-currents et les nouveaux statuts professionnels (portage salarial, auto-entrepreneur, marketing de réseaux…) font entrevoir de nouvelles façons de gagner sa vie. Les employés n’ont plus de repères. Les jeunes, en perte de confiance, doivent en retrouver. Face à cet environnement ins-table, ils prennent leur ancrage dans un milieu familial, amical et de loisirs plus épanouissants.Pourtant, conscients de cette néces-sité d’adaptation, ils sont devenus

agiles. La sécurité de l’emploi im-porte moins ; ils souhaitent s’épa-nouir dans une activité profession-nelle qui a du sens pour eux et cherchent une reconnaissance pour eux-mêmes plutôt que par leur statut. Les « travailleurs » d’hier deviennent des « volontaires payés » en recherche d’authenticité et de confiance dans les relations. L’en-treprise doit incarner les valeurs qu’elle revendique et offrir un envi-ronnement de travail en cohérence avec ces valeurs. Nos jeunes vétérinaires n’adhére-ront à un réseau de clinique que s’il y a cohérence entre la stratégie, le positionnement, la culture d’entre-prise et le paradigme. Volatils, ils diversifieront éventuellement leurs sources de revenu (un salariat sé-curisant financièrement un projet entrepreneurial par exemple).D’après les vétérinaires interro-gées, les jeunes sortent encore des écoles avec de grosses lacunes en management vétérinaire. C’est pourquoi en s’installant, elles au-ront besoin d’un accompagnement

personnel qualifié ; à l’itinérant en échographie d’hier, s’ajoutera de-main le spécialiste en comptabilité analytique vétérinaire.

4'56105�126+/+56'5|�Ainsi, rien ne permet à ce jour d’affirmer que nos jeunes vété-rinaires préféreront se salarier dans des réseaux de cliniques plutôt que d’avoir leur propre structure. Ils auront simplement plus de choix ! Si l’occasion leur en est donnée, ils continueront à s’installer par volonté d’indépen-dance. Les vétérinaires, tout au moins en France, qui sont choisis pour leur esprit bien structuré, ont acquis de multiples compétences et une démarche analytique et synthétique irréprochable. Ils ne manquent pas d’imagination et sont tout à fait capables de se réinventer. Puisque le meilleur ar-rive lorsqu’on se trouve en dehors de notre zone de confort, faisons donc confiance aux jeunes géné-rations : elles sauront trouver les clés de leur réussite. ;-) !

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