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Rapport de l’Académie des sciences - Mai 2013 Il est urgent de ne plus attendre L’enseignement de l’informatique en France

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  • 1. Lenseignement de linformatique en France Il est urgent de ne plus attendre Rapport de lAcadmie des sciences - Mai 2013
  • 2. Rapport de lAcadmie des sciences Lenseignement de linformatique en France Il est urgent de ne plus attendre MAI 2013 Prambule Ce rapport sur lenseignement de linformatique a t prpar par un groupe de travail de lAcadmie des sciences dans le cadre de son Comit sur lenseignement des sciences. Il a t prsent le 6 mars 2013 au Comit restreint de lAcadmie (Comit compos des membres du Bureau de lAcadmie, des dlgus des sections de lAcadmie et de membres lus par lassemble plnire) puis, sur avis favorable de celui-ci, le 9 avril 2013 son Comit secret (assemble plnire des membres de lAcadmie des sciences). Le rapport traite de la place de linformatique dans les enseignements primaire et secondaire, ainsi que de la formation de leurs professeurs. Il voque galement brivement lenseignement suprieur (classes prparatoires et universits), sujet qui mritera de plus amples dveloppements. Le groupe de travail est compos dacadmiciens, de chercheurs et denseignants : Serge Abiteboul (acadmicien, Inria), Jean-Pierre Archambault (association EPI, Enseignement public & informatique), Christine Balagu (Institut Tlcom), Georges-Louis Baron (universit RenDescartes, Paris), Grard Berry (acadmicien, Collge de France), Gilles Dowek (Inria), Colin de la Higuera (SIF - Socit informatique de France - et universit de Nantes), Maurice Nivat (acadmicien), Franoise Tort (cole normale suprieure de Cachan), Thierry Viville (Inria). Grard Berry en assure la prsidence et Gilles Dowek le secrtariat. Merci aux acadmiciens Marie-Lise Chanin (CNRS), Jean-Pierre Demailly (universit JosephFourier, Grenoble), Pierre Encrenaz (Observatoire de Paris), Jean-Pierre Kahane (universit ParisSud), Pierre Lna (universit Paris-Diderot), Odile Macchi (CNRS) et Alain-Jacques Valleron (universit Pierre-et-Marie-Curie, Paris), ainsi qu Michle Artigue (universit Paris-Diderot) et Jean-Pierre Raoult (universit Paris-Est), pour leurs commentaires et contributions aprs rception de versions prliminaires du rapport. Il faut toutefois noter que la contribution d'un expert la ralisation de ce rapport n'entrane pas ncessairement son adhsion toutes ses conclusions. 1
  • 3. Table des matires Rsum................................................................................................................................................. 3 Recommandations................................................................................................................................ 5 Dcider denseigner la science informatique................................................................................... 5 Programmes ..................................................................................................................................... 5 Formation des enseignants............................................................................................................... 6 Contexte et positionnement de ce rapport............................................................................................ 7 La nature et les impacts de linformatique......................................................................................... 10 Les finalits de lenseignement de linformatique............................................................................. 13 Prparer les citoyens ...................................................................................................................... 15 Un contexte favorable .................................................................................................................... 16 Quelques principes gnraux ......................................................................................................... 17 Esquisse dun curriculum................................................................................................................... 19 Trois modes dapprentissage.......................................................................................................... 19 Lcole maternelle et lcole primaire : la dcouverte................................................................... 20 Le collge : lacquisition de lautonomie ...................................................................................... 23 Le lyce : consolider les savoirs et le savoir-faire ............................................................................. 25 Aprs le bac : prparer tous les mtiers lis au numrique ......................................................... 26 Le dveloppement professionnel dans tous les mtiers ................................................................. 27 La formation et le statut des enseignants ........................................................................................... 27 Lcole ........................................................................................................................................... 28 Le collge....................................................................................................................................... 28 Le lyce.......................................................................................................................................... 28 Lenseignement de linformatique dans le monde............................................................................. 30 Aperu de la situation actuelle en Europe ..................................................................................... 31 Lexemple du Royaume-Uni ..................................................................................................... 31 Lexemple de lAllemagne ........................................................................................................ 32 Bref aperu sur la situation dans le reste du monde ...................................................................... 33 Synthse ......................................................................................................................................... 33 2
  • 4. Rsum Limpact considrable de linformatique dans un nombre toujours croissant de domaines de lindustrie, de la communication, des loisirs, de la culture, de la sant, des sciences et de la socit en gnral est universellement reconnu. On parle dsormais dun monde numrique au sens large, qui sappuie sur deux grands leviers, celui des matriels informatiques et celui de la science informatique. Linformatique Le dveloppement du numrique est intimement li aux progrs de linformatique, qui est devenue une science autonome avec ses formes de pense spcifiques. Si les objets et applications numriques voluent allure soutenue, la science informatique reste fonde sur un ensemble stable et homogne de concepts et de savoirs. Nombre des progrs technologiques les plus marquantes de ces dernires annes sont des produits directs de linformatique : moteurs de recherche et traitement de trs grandes masses de donnes, rseaux trs large chelle, informatique sre embarque dans les objets, etc. De par luniversalit de son objet, la science informatique interagit de faon troite avec pratiquement toutes les autres sciences. Elle ne sert plus seulement dauxiliaire de calcul, mais apporte des faons de penser nouvelles. La situation actuelle Linformatique est dune importance toujours grandissante en termes de cration de richesses et demplois dans le monde, que ce soit directement dans lindustrie informatique ou dans des domaines grands utilisateurs comme laronautique, lautomobile et les tlcommunications. LEurope et la France en particulier accusent un important retard conceptuel et industriel dans le domaine par rapport aux pays les plus dynamiques, comme les Etats-Unis et certains pays dAsie. Ce retard est en partie li aux carences de lenseignement de linformatique, rest longtemps au point mort ou rduit lapprentissage des seuls usages de produits de base. Un enseignement aussi limit ne saurait permettre de faire basculer notre pays de ltat de consommateur de ce qui est fait ailleurs celui de crateur du monde de demain. La prise de conscience de la ncessit dun enseignement dinformatique en tant que discipline scientifique saccrot : spcialit Informatiques et sciences du numrique (ISN) en terminales scientifiques la rentre 2012, gnralise toutes les terminales la rentre 2014, etc. La feuille de route du numrique prsente par le gouvernement en mars 2013 insiste sur lapprentissage des usages et sur le rle du numrique en pdagogie, mais dclare aussi explicitement limportance dun enseignement de science informatique. On assiste une prise de conscience semblable dans dautres pays europens. Les circonstances sont trs favorables lintroduction dun vritable enseignement de linformatique : pression de lindustrie en manque de personnel bien form en informatique, attirance naturelle des lves pour le numrique qui fait partie de leur environnement de tous les jours, possibilit de dcliner les exemples dapplications dans des domaines trs varis et attirants, excellente adaptation lenseignement en ligne qui se dveloppe partout, dveloppement dune meilleure comprhension de ce quun curriculum doit inclure dans ce domaine avec participation des chercheurs. 3
  • 5. Lenseignement de linformatique Lenseignement doit sadresser dune part tous les citoyens, pour quils comprennent les mcanismes et faons de penser du monde numrique qui les entoure et dont ils dpendent. Il doit sadresser dautre part de faon plus approfondie tous ceux qui auront crer, adapter ou simplement bien utiliser des applications ou objets de nature informatique, quels que soient leurs domaines dactivit. Un soin particulier doit tre apport le rendre attirant pour les deux genres, le milieu informatique restant encore trop majoritairement masculin. Il peut et doit tre commenc ds le primaire, par une sensibilisation aux notions dinformation et dalgorithme, possible partir dexemples trs varis dans le style de La main la pte. Il doit tre approfondi au collge et au lyce. On pourra y distinguer trois phases principales : 1. La sensibilisation, principalement au primaire, qui peut se faire de faon complmentaire en utilisant des ordinateurs ou de faon dbranche ; un matriau didactique abondant et de qualit est dores et dj disponible. 2. Lacquisition de lautonomie, qui doit commencer au collge et approfondir la structuration de donnes et lalgorithmique. Une initiation la programmation est un point de passage oblig dactivits cratrices, et donc dautonomie. 3. Le perfectionnement, qui doit se faire principalement au lyce, avec un approfondissement accru des notions de base et des exprimentations les plus varies possibles. La formation des enseignants La formation des enseignants est une priorit absolue. La feuille de route du gouvernement propose une formation massive denseignants aux usages du numrique, mais ne prcise encore rien sur leur formation linformatique. Ce chantier doit tre dfini et entrepris au plus tt. Pour les professeurs des coles, amens sensibiliser les lves la science informatique, lenseignement des concepts et des exemples de base devrait prendre la forme dun module ddi dans les ESPE (coles suprieures du professorat et de lducation) nouvellement cres. Pour les professeurs de Collge et Lyce, lAcadmie recommande fortement des qualifications et des modes de recrutement aligns sur ceux des autres disciplines de lenseignement secondaire, eux-mmes susceptibles dvoluer comme lAcadmie la dj recommand. Tous les enseignants devront tre forms limpact de linformatique dans lvolution de leur discipline : la simulation dans les sciences exprimentales, lusage de bases de donnes en histoire ou gographie, lanalyse de textes en littrature, la traduction automatique, la cration artistique, etc. 4
  • 6. Recommandations Pour toutes ces recommandations, le mot informatique dsigne les concepts, la science et la technique de linformatique, comme expliqu dans le rapport complet, et ne se limite donc pas la simple utilisation de matriels et logiciels. Dcider denseigner la science informatique La dcision essentielle prendre est de mettre en place un enseignement de science informatique depuis le primaire jusquau lyce, orient vers la comprhension et la matrise de linformatique, et dpassant donc largement les seuls usages des matriels et logiciels. Cette mise en place ne doit plus tre diffre. Pour la raliser, il sera souhaitable de procder, sur chacun des points, une exprimentation dchelle suffisante et de dure suffisamment brve, accompagne solidement et dont lextension fera lobjet dune stratgie pluri-annuelle. Programmes Primaire : Dans les programmes de lcole primaire, inclure une initiation aux concepts de linformatique. Mler ds ce niveau des activits branches et dbranches. Collge : Introduire un vritable enseignement dinformatique, qui ne soit pas noy dans les autres enseignements scientifiques et techniques, mais dveloppe des cooprations avec ceux-ci dans une volont dinterdisciplinarit. Lyce : Proposer un enseignement obligatoire dinformatique en seconde. Rendre obligatoire lenseignement dinformatique en premire et en terminale S, sans exclure une option de spcialit plus approfondie en terminale. Proposer un enseignement facultatif dinformatique en premire et terminale L et ES. Continuer et dvelopper lenseignement dinformatique dans les sries techniques et professionnelles. tudier lquilibrage horaire des disciplines requis par l'introduction de l'informatique, avec dune part un horaire spcifique dinformatique, et dautre part la prise en compte de contenus informatiques au sein des autres disciplines et de leurs programmes. Un quilibrage inventif des disciplines ne peut tre du ressort de ce seul rapport, mais il ne doit pas servir d'alibi un nouveau retard l'introduction de l'informatique, qui serait fortement prjudiciable notre pays et aussi notre systme ducatif dans son ensemble. Suprieur : Pour les CPGE (classes prparatoires aux grandes coles), augmenter le volume horaire ddi lenseignement dinformatique. Le volume actuellement propos de deux heures en premire anne et une heure en seconde anne ne saurait suffire couvrir les besoins culturels et professionnels des tudiants de ces classes Dvelopper des cours spcifiques de culture informatique pour tous les tudiants des cycles 5
  • 7. licence et matrise, en particulier ceux qui se destinent l'enseignement. Formation des enseignants Inclure linformatique dans la formation initiale des professeurs des coles, et former les professeurs en activit par un dveloppement professionnel volontariste afin que tous puissent initier leurs lves cette discipline. Au collge aller vers un enseignement d'informatique spcifique, assur par des professeurs ayant une exigence de niveau et de diplme identique celle des autres sciences au Collge. Recruter des enseignants de discipline informatique au lyce ayant une exigence de niveau et de diplme identique celle des autres sciences au Lyce. Concevoir une intgration de linformatique dans les enseignements disciplinaires traditionnels, aussi bien dans les humanits que dans les sciences. 6
  • 8. Contexte et positionnement de ce rapport Ce rapport poursuit le travail spcifique effectu par des chercheurs, des enseignants et des inspecteurs gnraux depuis 2008 sur lenseignement de la science informatique, date laquelle la rintroduction de la science informatique au lyce est devenue un objectif explicite du Ministre de lducation nationale. Ce travail collaboratif sur les principes et le programme a dbut dans le cadre de la rforme de lducation de 2008, et sest continu ensuite lorsqua t dcid, peu aprs, le retour de la science informatique au lyce la rentre 2012, sous la forme de lenseignement de spcialit Informatique et sciences du numrique en terminale scientifique. Ce rapport poursuit galement les travaux de lAcadmie des sciences, qui avait dj mis des avis partiels sur lintroduction de linformatique dans lenseignement, en particulier dans des rapports de 20071 et 20102. Le texte du Socle commun de connaissances de 2006 incluait aussi dans son pilier 3 des paragraphes sur la comprhension du traitement lectronique et numrique de linformation, sur proposition de lAcadmie des sciences Note : ce rapport a t rdig avant la publication de la feuille de route du gouvernement dfinie au sminaire gouvernemental sur le numrique de mars 2013. Cette feuille de route insiste sur limportance croissante de lindustrie du numrique et de la place du numrique dans un nombre grandissant dactivits et dans la cration demplois. Ce rapport insiste aussi sur limportance dune vraie familiarisation de lensemble de la population avec linformatique, ainsi que sur la ncessit de former beaucoup plus de professionnels comptents dans le domaine. Il indique enfin quune rflexion sur la place que doit prendre la science informatique, tous les niveaux denseignement, sera prochainement engage. Un monde numrique cr par les sciences et techniques informatiques Le dveloppement de linformatique et la numrisation systmatique dinformations de toutes sortes bouleversent lensemble de la socit et de ses activits, conduisant ce quon appelle au sens large le monde numrique . La spcificit des activits et industries numriques est claire : elles manipulent des informations immatrielles, trs diffrentes des objets matriels. Un programme ou une donne informatique ne psent rien, se transportent quasiment sans cot, et se dupliquent exactement volont. Mais, dans notre pays, tout le monde ne reconnat pas encore trois vrits que lAcadmie des sciences tient affirmer avec force et que ce rapport va commenter en dtail : La route vers le monde numrique repose sur les progrs conjoints de la science et de la technique informatiques. La science informatique est devenue une discipline autonome avec ses formes de pense et ses rsultats propres. Si elle est indispensable et contribue rduire la fracture numrique, lducation aux pratiques numriques par les seuls usages des logiciels, ordinateurs et rseaux, na pas de rel apport en termes dducation la science informatique. Notons que le gouvernement reconnat dsormais explicitement que ngliger limportance de linformatique dans lenseignement mettrait en danger lavenir de notre pays. Il traduit cette 1 Rapport de lAcadmie des sciences sur la formation des professeurs lenseignement des sciences, http://www.academiesciences.fr/activite/rapport/avis131107.pdf. 2 Rapport de lAcadmie des sciences sur la rforme des Lyces, 2010, http://www.academiesciences.fr/activite/rapport/avis251110.pdf. 7
  • 9. reconnaissance dans le projet de loi pour la refondation de lcole prsent en Conseil des ministres le 23 janvier 2013, qui confie lcole une nouvelle mission : celle dduquer au numrique . Mais il ne la dtaille bien sr pas, et ne prcise donc pas la diffrence fondamentale entre usage, science et technique. La feuille de route du numrique prsente ensuite par le gouvernement en mars 2013 mentionne explicitement la mise en place dune rflexion sur la place de la science informatique dans lenseignement. Cette rflexion nous semble effectivement essentielle, et cest elle que sera consacr le rapport. Prcisions de vocabulaire Il nous faut dabord prciser le vocabulaire, car de nouveaux sigles apparaissent constamment pour dsigner des activits lies linformatique : TIC, NTIC, STIC, etc3. Le mot lectronique reste utilis dans courrier lectronique , commerce lectronique , etc. Le mot numrique est clairement dans lair du temps, simposant dans un nombre de domaines croissant. Dans ce rapport, nous adopterons les dfinitions suivantes : Le mot informatique dsignera spcifiquement la science et la technique du traitement de linformation, et, par extension, lindustrie directement ddie ces sujets. Ladjectif numrique peut tre accol toute activit fonde sur la numrisation et le traitement de linformation : photographie numrique, son numrique, dition numrique, sciences numriques, art numrique, etc. On parle ainsi de monde numrique pour exprimer le passage dun nombre toujours croissant dactivits la numrisation de linformation et dconomie numrique pour toutes les activits conomiques lies au monde numrique, le raccourci le numrique rassemblant toutes les activits auxquelles on peut accoler ladjectif numrique. Puisque toute information numrise ne peut tre traite que grce linformatique, linformatique est le moteur conceptuel et technique du monde numrique. Par rapport langlais, notre acception du mot informatique recouvre Computer Science, Information Technology et ce que lon entend souvent par Informatics, alors que ladjectif numrique correspond digital, par exemple dans la correspondance entre monde numrique et digital age. Linformatique au cur du numrique La science informatique est lobjet dun travail de recherche scientifique considrable dans le monde entier, qui va de la recherche abstraite sur lalgorithmique et les structures fondamentales du calcul la conception de matriels et de logiciels innovants et utiliss partout. Cest exclusivement lenseignement de la science et de la technique informatiques travers la scolarit que sera consacr ce rapport. Notre objectif est de montrer quun enseignement de linformatique commenant beaucoup plus tt est devenu ncessaire pour tous, bien sr des niveaux diffrents selon quon parle de lducation de lingnieur informaticien ou du citoyen. Lenseignement gnral de linformatique devra dabord donner tous les citoyens les cls du monde du futur, qui sera encore bien plus numrique et donc informatis que ne lest le monde actuel, afin quils le comprennent et puissent participer en conscience ses choix et son volution plutt que de le subir en se contentant de consommer ce qui est fait et dcid ailleurs. Il faudra aussi que cet enseignement les prpare aux mtiers nouveaux et riches demploi engendrs par linformatique. Aux ingnieurs et scientifiques, il faudra quil apporte les connaissances et les 3 Technologies de linformation et de la communication, Nouvelles technologies de linformation et de la communication, et Sciences et technologies de linformation et de la communication. 8
  • 10. pratiques scientifiques et techniques adquates pour quils fassent le meilleur usage de tous les outils informatiques quils utiliseront et pour quils puissent adapter ces outils leurs mtiers propres, voire crer de nouveaux outils. des degrs divers, il faudra donc duquer tous ceux qui seront en interaction constante et riche avec des systmes informatiss, quels que soient leur mtier et leur discipline, littraire, scientifique, artistique ou autre. Les curricula correspondants devront tre labors en fonction de la diversit de ces interactions et avec les acteurs concerns, mais sans jamais oublier lunit profonde des concepts : linformatique nest pas diffrente selon les disciplines ni rductible ces disciplines, mme si elle se dcline diffremment ici ou l. Il faudra donc enseigner harmonieusement la fois ses concepts gnraux et ses dclinaisons particulires. Un enseignement de linformatique, au-del des usages numriques Ce que le rapport propose : Une discussion sur la nature et les impacts de linformatique. Une proposition de finalits de lenseignement de linformatique. Une esquisse de curriculum pour le premier et le second degr. Des lments sur la formation et le statut des enseignants dcole, collge et lyce. Un regard sur lenseignement de linformatique dans le monde. Des recommandations lhorizon 2020. Ce que le rapport ne couvre pas : il ne prtend pas stendre lensemble des questions relatives au monde numrique, ni aux volutions de la pdagogie rendues possibles par les nouveaux outils numriques dans toutes les matires. Il ne prtend pas analyser en dtail lenseignement suprieur. Ce que cet enseignement ne doit pas tre : certains continuent penser quun enseignement scientifique de linformatique nest pas ncessaire, quune familiarisation de base avec ses usages suffit, et, quen cas de besoin, linformatique sapprend sur le tas . Cette opinion conduit un contresens dangereux. Certes, une familiarisation avec les usages est indispensable ; elle savre simple et naturelle pour les jeunes du XXIe sicle, pour qui linformatique nest en rien nouvelle puisquils sont ns avec. Le B2I4 y participe. Mais il est incontestable que linformatique est devenue bien plus quun pourvoyeur doutils savoir utiliser sans trop penser. Au contraire, elle est devenue un immense espace de cration scientifique, technique, industrielle et commerciale, ainsi quun des domaines les plus crateurs demplois directs ou indirects dans le monde, comme attest par le rapport LvyJouyet5, nombre de rapports du CIGREF6, de lOCDE7, etc., ainsi que par la feuille de route du gouvernement du 28 fvrier 20138. La richesse correspondante est construite par ceux qui crent et font avancer le domaine, pas par ceux qui ne font quen consommer les fruits. Si on peut peut-tre devenir un consommateur numrique averti en baignant dans la socit numrique, la cration repose ncessairement sur de vraies comptences en informatique. Un enjeu majeur : le logiciel Au XXe sicle, de nombreux programmes utiles et novateurs ont t raliss par des amateurs avertis, quelquefois autodidactes, ce qui a particip au mythe de linformatique que lon peut dvelopper dans un garage. Mais les applications cratrices de valeur dont nous parlerons dans la 4 Brevet informatique et internet http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000880/0000.pdf 6 Club informatique des grandes entreprises franaises 7 Organisation de coopration et de dveloppement 5 8 http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/feuille_de_route_du_gouvernement_sur_le_numerique.pdf 9
  • 11. suite sont bien plus ambitieuses et complexes ; elles sont cres par de solides quipes de gens forms et outills, que ce soit dans lindustrie ou dans la socit pour le dveloppement de logiciels libres. Notons que la France se prsentait elle-mme dans les annes 1980 comme un grand acteur industriel de linformatique, en particulier pour le logiciel. Cest loin dtre rest le cas, mme si la recherche franaise est reste de haut niveau mondial, et mme si la France et lEurope sont restes leaders dans des niches importantes comme linformatique embarque dans les objets. La France reste comptitive en termes de services informatiques (SSII), mais est faible dans ldition de logiciels, o une seule socit franaise figure parmi les 100 premires entreprises mondiales. Au moment o la reconstruction industrielle est lordre du jour, mais surtout centre sur les entreprises en difficult, il est indispensable de constater la faiblesse dommageable de notre industrie par rapport lextraordinaire expansion mondiale du domaine, ainsi que le nombre lev dentreprises informatiques franaises qui deviennent trangres pour cause de succs, ce qui nest pas vraiment le meilleur signe possible de sant et dindpendance industrielles pour lavenir de notre pays. Nous pensons que notre dclin actuel dans un sujet aussi fondamental pour lavenir est largement d une reconnaissance tardive et limite de la discipline dans les grandes coles, dans lenseignement secondaire, et dans la socit franaise en gnral. Lopinion tait autrefois assez rpandue que linformatique ntait pas une science et ne devait donc pas tre enseigne, voire que ctait une mode qui allait passer. Il y a quelque chose de faux dans la manire dont nous enseignons linformatique, et encore plus, dans le fait que souvent nous ne lenseignons pas. La situation peut tre inverse en mettant en place un vrai enseignement dinformatique en tant que science et pas seulement usage, conforme au haut niveau traditionnel de lenseignement scientifique en France, ainsi qu la place de la science ds lcole primaire, progressivement restaure depuis 1996 par laction de lAcadmie (voir La main la pte). Le problme de la reconnaissance de la ncessit dun vrai enseignement de linformatique nest pas limit notre pays. Il est de plus en plus dbattu, avec des arguments similaires ceux qui seront dvelopps ici, et beaucoup de pays ont dj lanc de nouvelles initiatives sur le sujet. De faon notable, le Royaume-Uni a dcid dintroduire la science informatique au Baccalaurat galit avec les autres sciences9 ; voir la partie de ce rapport sur linformatique dans le monde pour dautres expriences. Ce rapport participe cette prise de conscience internationale. Une originalit de notre comit est probablement la participation denseignants et de chercheurs trs impliqus dans les questions denseignement et de diffusion scientifique et ayant dj particip la dfinition de curricula informatiques et la rdaction des manuels associs. La nature et les impacts de linformatique Une science et une technique omniprsentes En ce dbut de XXIe sicle, linformatique bouleverse de trs nombreux domaines de lactivit humaine, de la transmission du savoir la gestion des entreprises, de la cration artistique ladministration des tats. Si linformatique des annes 1980 concernait essentiellement le calcul scientifique, la gestion des entreprises et les tlcommunications, linformatique actuelle concerne toutes les formes de communication entre les personnes, les loisirs, la plupart des pans de 9 http://www.bbc.co.uk/news/education21261442 10
  • 12. lindustrie, de la conception des objets jusqu leur fabrication, le commerce, les transports, une grande partie des activits de service et, tout autant, les sciences, les sciences humaines, la sant et laide la dpendance. Chacun peut par exemple constater limpact dInternet sur la communication entre les personnes, laccs aux uvres de lesprit et la transmission du savoir. Le fait quune quantit gigantesque de donnes soit disponibles en ligne et analysables par algorithmes transforme notre rapport la connaissance. Il faut noter quInternet est depuis ses dbuts un rseau rsolument informatique fond sur le protocole IP, trs diffrent des technologies utilises classiquement en tlcommunications, qui nauraient pas pu passer cette chelle. Jusqu une priode rcente, on accdait Internet laide dordinateurs de bureau ou portables. Mais les ordinateurs du XXIe sicle changent de forme, se diversifient et sintgrent partout. Les tlphones et les tablettes connects Internet remplacent rapidement les ordinateurs classiques, associant une mobilit sans limites des interfaces tactiles, gestuelles ou sonores dun nouveau genre, et incorporant une multitude dapplications nouvelles, utilisant par exemple la golocalisation. Les ordinateurs embarqus dans les avions, les trains, les voitures et les objets quotidiens sont encore plus nombreux. Ces ordinateurs invisibles sont relis des capteurs et actionneurs de plus en plus varis. Une voiture, par exemple, contient une quantit impressionnante de matriels informatiques et de logiciels pour assister la conduite, assurer le freinage, rduire la consommation, etc. Des fonctions nagure mcaniques, comme le contrle moteur, la direction et la suspension sont aujourdhui informatises. La diffrence entre un modle de voiture et un autre tient souvent linformatique embarque. Bientt, les voitures seront connectes en permanence Internet et prendront directement des informations de la route, de la ville et de leurs nombreux capteurs, pour assurer une meilleure sret et une plus grande fluidit du trafic. Comme celle des avions, la conception des voitures est entirement assiste par ordinateur, en utilisant des outils de modlisation gomtrique et de simulation. Cela explique que les constructeurs automobiles embauchent aujourdhui autant dinformaticiens que de mcaniciens. Sciences devenues numriques et science informatique Toutes les sciences de la nature adoptent dsormais linformatique comme un lment fondamental de la recherche, par exemple en concevant de nouveaux capteurs et instruments dobservation et dexprimentation qui mlent physique et informatique un niveau scientifique et technique trs lev : tlescopes, acclrateurs de particules, appareils dimagerie mdicale, squenceurs ADN. Mais linformatique dans les sciences devient bien plus quun outil de calcul. Elle conduit une nouvelle forme de pense, appele pense informatique (computational thinking en anglais). Les algorithmes y sont placs au mme niveau que les quations. Cette pense informatique sapplique aussi aux sciences du vivant, o les quations font parfois dfaut. Ainsi, les bio-informaticiens modlisent le vivant avec des outils algorithmiques, ce qui leur permet de mieux le dcrire, et parfois de le simuler pour mieux le comprendre. En mdecine, on commence modliser le fonctionnement dynamique des organes. Les oprations chirurgicales se font sous ralit augmente, et des prothses intelligentes pour laudition, la vue et le mouvement se dveloppent. Selon des cogniticiens exprimentaux, notre cerveau a certains aspects algorithmiques : une fois un but fix, il cherche les moyens de l'atteindre, runit l'information et les matriaux ncessaires, puis effectue une suite d'actions lmentaires physiques ou mentales pour atteindre ce but. Les relations entre mathmatiques et informatique sont nombreuses et profondes. Comme la physique, linformatique utilise beaucoup de mathmatiques et en dveloppe pour ses besoins propres : logique, combinatoire, thorie des nombres, statistiques, etc. Rciproquement, les mathmaticiens utilisent la visualisation informatique en gomtrie ou en systmes dynamiques. Ils ont aussi dmontr des thormes importants en utilisant de gros calculs informatiques : thorme des 4 couleurs, thorme de Hales sur lagencement des sphres, etc. Pour certains sujets, limbrication mathmatiques / informatique est plus directe. Les mathmaticiens appliqus et les informaticiens collaborent la ralisation doutils de calcul numrique et de calcul formel utiliss 11
  • 13. dans un nombre considrable dapplications scientifiques et industrielles ; ces outils posent des problmes difficiles de reprsentation et de qualit dapproximation des quantits manipules. Enfin, de nouvelles logiques et architectures de preuves formelles ont t appliques aussi bien la preuve de grands thormes mathmatiques qu la vrification formelle rcente de circuits, de compilateurs et de systmes dexploitation. Les humanits sont aussi concernes : les philologues, les historiens et les juristes utilisent des ordinateurs pour archiver et indexer des corpus de grande taille, mais aussi pour assembler des fragments de statues ou de manuscrits afin de les reconstituer. Linformatique gagne les arts, avec de nouveaux modes de cration et de diffusion de lcrit et de limage, la gnration des calculs informatiques en architecture, et de nouvelles techniques de fabrication directe dobjets complexes comme limpression en trois dimensions. Les musiciens utilisent des logiciels pour inventer de nouveaux instruments numriques et se doter de nouveaux outils de composition. Enfin, les sportifs utilisent couramment une instrumentation informatique complexe pour augmenter leurs performances. Dans ces domaines aussi, on assiste la pntration de la pense informatique. Lanalyse automatique des trs grands volumes de donnes, ne avec les bases de donnes et les moteurs de recherche, trouve des applications dans des domaines aussi divers que la biologie du gnome, lpidmiologie, ltude du climat, le journalisme, lanalyse de clientle, etc. Linformatique est enfin un grand fournisseur demplois directs ou indirects dans le monde, avec lexpansion constante dun tissu continu allant des start-ups, aux socits de services, aux grands empires industriels, et une expansion particulirement forte en Amrique du Nord et en Asie. La France et lEurope sont restes actives mais leurs rles se sont quelque peu limits, sauf dans des secteurs spcialiss, comme les systmes embarqus, les tlcommunications, la conception assiste par ordinateur ou les jeux vido. Les ides absolument nouvelles comme les moteurs de recherche, les rseaux sociaux ou les smartphones ne sont pas nes en Europe, o la crativit est en retrait par rapport aux USA et lAsie. Une science unifie : linformatique La trs grande varit des impacts de linformatique que nous venons de dcrire ne signifie pas quil existe plusieurs informatiques. Bien au contraire, cest labsence de spcialisation des ordinateurs qui est lorigine de leur omniprsence. Les informaticiens les appellent dailleurs machines universelles . Mme si linformatique est un domaine o la cration est rapide et o les produits deviennent rapidement obsoltes, cette cration et ces produits sappuient sur des connaissances fondamentales et des savoir-faire stables. En particulier, la science informatique repose sur de grands concepts unificateurs. Ainsi, le rcent programme de la spcialit Informatique et sciences du numrique10, en terminale scientifique, sarticule autour de quatre concepts et de leurs interactions : algorithme, langage, information et machine. Ces concepts prexistaient linformatique : le mot algorithme est par exemple issu du nom du grand mathmaticien persan AlKhawarizmi, aussi inventeur de lalgbre, et la notion dalgorithme a t utilise en mathmatiques toutes les poques. Mais linformatique a systmatis et considrablement tendu ces concepts. Pour expliquer la gnralit des algorithmes, rappelons que de nombreuses questions qui se posent nous commencent par ladverbe interrogatif Comment : Comment fait-on une addition ? Comment reconnat-on un visage ? Comment sait-on si une phrase est correcte ? Comment fait-on pour marcher ? Comment connat-on sa position gographique ? La rponse de telles questions est souvent un algorithme, quil soit effectu par un humain ou par une machine : un algorithme de laddition enseign lcole ou ralis par un circuit, un algorithme de reconnaissance de formes, 10 Programme disponible ladresse http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57572 12
  • 14. un algorithme danalyse grammaticale, un algorithme neuronal ou robotique pour la marche, la lecture dune carte ou lalgorithme du GPS qui fait appel aux relativits restreinte et gnrale pour lorientation. En informatique, la conception dalgorithmes sappuie sur un nombre relativement restreint de grands principes, mme si les algorithmes connus et tudis ne se comptent plus. Un algorithme est avant tout un objet conceptuel, comme un nombre. Pour se concrtiser, un nombre doit tre crit dans un langage prcis, par exemple la numration dcimale position, peuttre au sein dune phrase crite en langue naturelle. En informatique, les programmes qui incarnent les algorithmes doivent tre uniformment formels et prcis car ils doivent tre compris la fois par des hommes et des machines, ces dernires ne sachant qutre infiniment stupides. Les langages informatiques dans lesquels on crit les programmes sont donc trs diffrents des langues naturelles, car plus simples, plus spcialiss et moins ambigus. Mais eux aussi reposent sur un nombre restreint de concepts, qui peuvent cependant sarticuler de nombreuses manires, do la multiplicit des langages informatiques actuels. A la diffrence du discours humain pour lequel lauditeur est cens comprendre les sous-entendus, la concrtisation dun algorithme en programme est une activit dlicate car susceptible de provoquer de nombreux bugs qui conduisent des comportements erratiques et potentiellement dangereux. Lart de la programmation est dcrire les programmes dune faon scientifiquement organise, afin quils soient justes et que leur justesse soit effectivement vrifiable. On peut d'ailleurs dire que le point de dpart de la science informatique, plus que l'apparition des premires machines calculer, a t l'apparition des premiers langages de programmation de haut niveau que sont Fortran, Lisp, et ALGOL : ces langages ont permis l'accumulation de programmes et leur change, la rutilisation d'un programme par d'autres indpendamment des machines utilises et la transformation des programmes eux-mmes en objets d'tude. Le concept dinformation, ou de donne, est central dans notre manire de penser. Dans la vie de tous les jours, nous baignons dans un ocan dinformation. Nous devons apprendre structurer, trier et vrifier ces informations, nous interroger sur leurs origines, les mettre jour, et en extraire des connaissances. Nous devons distinguer les informations dont nous disposons de celles qui nous manquent mais que nous pouvons chercher acqurir ou sur lesquelles nous pouvons spculer. Linformatique simplifie ces problmes en fournissant de nouveaux moyens de collecte, de reprsentation, de structuration et de recherche de linformation trs grande chelle. Mais elle exacerbe aussi les problmes de matrise de cette information. Il y a enfin une continuit dans lhistoire des machines manipulant linformation, qui sinscrit dans lhistoire gnrale des machines, et qui a conduit des calculateurs mcaniques aux machines calculer lectriques puis aux ordinateurs lectroniques modernes. Luniformit des concepts sapplique aussi ces ordinateurs : quils soient gros ou petits, les circuits des machines sont tous conus et fabriqus suivant les mmes principes, en utilisant des outils logiciels de conception assiste par ordinateur et de simulation. Ce caractre fondamental des concepts de linformatique a men certains proposer un slogan pour les enfants de ce sicle, en ajoutant un mot celui dj propos par lAcadmie des sciences : Apprendre lire, crire, compter, raisonner et programmer Les finalits de lenseignement de linformatique Lenseignement de linformatique doit permettre tous les lves y compris ceux qui ne deviendront pas informaticiens de comprendre le monde numrique qui les entoure, de le matriser et daccder aux nouvelles formes de pense qui accompagnent le dveloppement de linformatique. Il doit tre au double service des personnes dans leur vie professionnelle et dans leur citoyennet. 13
  • 15. Former les professionnel-le-s de tous les mtiers Trois catgories de mtiers sont fortement concernes par linformatique : dabord ceux de lindustrie informatique, qui est un grand pourvoyeur demplois qualifis ; ensuite les mtiers dinformaticien au sein dautres structures industries, administrations, etc. o se crent en permanence de nouvelles applications haut de gamme ; enfin lensemble des autres mtiers scientifiques, techniques, commerciaux, juridiques, etc., o le contact avec des objets informatiques sophistiqus est constant. En informatique, la France et lEurope ont une recherche de trs grande qualit et, comme nous lavons dj soulign, restent leaders dans quelques domaines majeurs. Il reste cependant reconnu que le tissu industriel franais et europen manque de vigueur, avec un nombre restreint de leaders mondiaux et des rachats frquents des jeunes entreprises franaises les plus dynamiques par des entreprises trangres. Cela ne sexplique pas uniquement par des facteurs industriels et financiers, mais aussi par des facteurs culturels, dont le premier est un manque de comprhension des enjeux de lindustrie informatique par nos lites et nos ingnieurs, qui nont souvent pas bnfici dune formation linformatique satisfaisante. Pour ce qui est de linformatique dans lindustrie, et pas seulement dans lindustrie informatique proprement dite, les industriels tirent rgulirement le signal dalarme dans de nombreux pays occidentaux quant au manque dinformaticiens bien forms. On peut stonner du fait quil y a aussi des informaticiens au chmage. Mais il sagit souvent de programmeurs lancienne , forms sur le tas, et qui ont du mal sadapter aux volutions de leur mtier faute dune comprhension des concepts fondamentaux. Cela montre dautant plus que le systme ducatif ne peut rester sourd la demande dune vritable formation en informatique permettant de sadapter ces volutions rapides, et cest une raison supplmentaire pour commencer la formation plus tt. Pour les autres mtiers en contact permanent avec linformatique, ingnieurs, managers, commerciaux, architectes, etc., la construction dun vrai bon sens informatique est indispensable et ne peut galement rsulter que dune vraie formation. Pour reprendre les mots de Louis Becq dans larticle Contre lillettrisme numrique en entreprise11 : Sans doute lindustrie a-t-elle besoin de davantage dinformaticiens, toujours mieux forms, toujours plus professionnels [] Mais lindustrie na pas moins besoin de personnels ayant acquis et assimil une culture gnrale en informatique leur permettant non seulement de dialoguer efficacement avec leurs collgues informaticiens, mais aussi de prendre le recul ncessaire face leur outil de travail afin dtre des vecteurs actifs de son amlioration et de sa performance. Par exemple, les juristes sont de plus en plus souvent amens crire et appliquer des lois qui concernent des questions lies linformatique. Lexprience rcente montre que leur difficult comprendre et suivre le sujet mne des retards permanents dans laction, voire des contresens, comme on en a vus sur questions didentification, de vote lectronique ou de protection de la vie prive : croyance rpandue mais errone quune adresse IP (dans sa version 4 actuelle) identifie un ordinateur, confiance a priori dans le vote lectronique certainement pas partage par les spcialistes de la scurit informatique, etc. Quel que soit le mtier que lon exerce, il faut abandonner lide classique de se limiter utiliser des applications dont la ralisation est sous-traite des informaticiens. Pour prendre deux derniers exemples, un scientifique qui imagine une exprience a besoin de traiter des donnes, mais pas 11 http://www.lemonde.fr/sciences/reactions/2012/12/06/contrelillettrismenumeriqueen entreprise_1801258_1650684.html 14
  • 16. seulement en adaptant des logiciels existants. La manire mme dont ces donnes seront traites fait partie de la conception de lexprience. Le jeune qui utilise un tlphone na pas envie dattendre davoir termin ses tudes en informatique pour dvelopper et mettre en ligne les applications quil invente. Tous ces acteurs doivent gagner leur autonomie dans le monde numrique. Prparer les citoyens Lalphabtisation numrique pour tous On rduit souvent la fracture numrique au clivage qui spare ceux qui possdent un ordinateur et un accs Internet de ceux qui nen possdent pas. Cette vision centre sur lquipement est rductrice et peut conduire des solutions inadquates du point de vue de lducation. Par exemple, offrir un ordinateur chaque lve entrant au collge ou quiper chaque salle de classe dun tableau blanc interactif, comme cela se fait dans nombre de dpartements et rgions, nest quune faon inefficace de se ddouaner dun problme rel si ce cadeau nest pas associ un accompagnement ducatif. Devenus adultes, les lves seront en ralit le plus souvent confronts, non une pnurie dordinateurs, mais de nombreuses transformations induites par linformatique dans de multiples domaines qui les concerneront directement. La vritable fracture sera entre ceux qui possderont les outils intellectuels pour comprendre ces transformations et ceux qui ne les possderont pas : un chmeur doit utiliser un ordinateur pour sinscrire Ple emploi. Il lui sera certainement plus facile den trouver un que dapprendre sen servir. Les transformations dues linformatique portent un grand message despoir : davantage de transparence, plus de proximit, plus de possibilits pour chacun de sexprimer, plus daccs linformation et lducation. Elles peuvent cependant aussi porter atteinte nos liberts. Elles demandent donc tre acceptes et contrles par les citoyens et la socit. Ce contrle ne pourra se faire sans une comprhension minimale des concepts mis en jeu, qui est loin dtre actuellement rpandue et ne pourra rsulter que dune vritable ducation. Une tude approfondie des arguments utiliss lors de dbats rcents tmoigne de la ncessit dune telle ducation : confiance ou dfiance largement irrationnelles vis--vis du vote lectronique dont les qualits et dfauts sont mal valus, inquitudes vis--vis des nouveaux modles de diffusion des uvres de lesprit, souvent vues sous langle exclusif du pillage, absence de contrle de la diffusion des donnes personnelles, souvent collectes linsu des personnes elles-mmes, difficult pour les institutions de mesurer limpact de la possibilit pour chaque citoyen de sexprimer sur tous les sujets, impact des crans et des divers objets informatiss sur la sant physique et psychique des jeunes12, etc. Rduire les fractures numriques de genre et de catgorie sociale Il est essentiel que tous les citoyennes et citoyens soient gaux dans leur comprhension de linformatique et du monde numrique. Alors que les femmes taient trs prsentes aux dbuts de linformatique et jusqu la gnration forme dans les annes quatre-vingt, on constate aujourdhui une forte ingalit de genre dans les cursus dinformatique lUniversit et dans les Grandes coles, avec comme rsultat une proportion actuellement de lordre de 15% dans les mtiers de linformatique13. Cette ingalit ne semble malheureusement pas diminuer avec le temps. Par 12 Voir lavis publi par lAcadmie des sciences JF Bach et al (2013) LEnfant et les crans, Le Pommier, Paris. En ligne sur http://www.academie-sciences.fr/activite/rapport/avis0113.htm et le module pdagogique de La main la pte Les crans, le cerveau et lenfant . 13 Marie-Paule Cani, "Filles et garons face l'informatique", dans les actes du colloque "Filles et garons en sciences et techniques, un enjeu europen et plantaire" co-organis par l'association Femmes et Sciences, l'Association pour la Parit dans les Mtiers Scientifiques et Techniques (APMST), et la Mission pour la 15
  • 17. ailleurs, nous savons que la diffrentiation sociale entre les filles et les garons augmente avec lge, en particulier dans leur got des matires scientifiques et que la rsorption de ce type dingalit ne peut se faire sans un effort ducatif prcoce et permanent. Cest pour nous une raison essentielle pour enseigner linformatique ds lcole. De mme, nous devons viter de laisser se creuser une fracture numrique entre les enfants des classes favorises qui sont pleinement exposs au monde numrique et qui peuvent sils le souhaitent se former en informatique, et les autres qui nont pas les mmes chances. Cest aussi pourquoi il est indispensable que notre systme ducatif enseigne linformatique, et ce ds lcole, pour que laccs cette science ne devienne pas un privilge li au milieu social. Un contexte favorable Lunit conceptuelle de linformatique et la trs grande varit de ses applications fournissent un cadre favorable la constitution dun enseignement la fois conceptuellement bien articul et dclinable dans des applications pratiques trs varies, pour les exercices et les ralisations des lves. Les domaines dapplication peuvent tre lis aux autres sciences, aux langues, aux arts, lhistoire, la gographie, la gestion des entreprises, ladministration des tats, etc. La richesse du champ applicatif rend possible le choix de domaines dapplication adapts aux sries et options des lves, proches de leurs intrts. Du point de vue informatique, les fabrications de tables de conjugaison ou de calendriers sont des problmes trs similaires. On peut indiffremment enseigner la notion de boucles imbriques en sappuyant sur lun et lautre, mais la rception ces deux exemples est trs variable en fonction des centres dintrt des lves auxquels on sadresse. Un autre facteur favorable un enseignement de qualit intressant les lves est que beaucoup dentre eux sont maintenant trs familiers avec les usages et la logique de linformatique. Pour les enfants du XXIe sicle, linformatique est tout sauf une nouvelle technologie , puisquils nont jamais connu le monde sans elle. Lordinateur nest pas plus trange que la mer, la montagne, le vlo ou le chat. Au contraire, ce sont certains des objets du XXe sicle qui sont devenus tranges : il faudra bientt que les professeurs dhistoire expliquent leurs lves ce quest une cabine tlphonique, une machine crire ou un disque vinyle, voire un disque compact. De plus, linformatique est souvent associe des aspects agrables de leur vie : jeu, change avec les autres, musique, photo, vido, etc. Cette familiarit peut tre utilise comme moyen pour mener progressivement les lves les plus jeunes des usages aux concepts. Un bon indice dapptence des lves pour linformatique est la russite du concours Castor informatique 14 qui sadresse aux lves de collge et lyce. En informatique, les activits scientifiques et techniques sont souvent troitement mles. Dans le cadre dune application mme trs pratique, on aura souvent besoin dun programme de tri, quil faudra concevoir puis crire. Lenseignant pourra alors conduire les lves analyser lalgorithme quils ont programm, sinterroger sur sa complexit, et tudier une borne infrieure absolue la complexit des algorithmes de tri. Ce chemin qui mne progressivement du concret vers labstrait est lessence de lenseignement de linformatique. Un tel enseignement peut jouer un rle vritablement positif pour dvelopper le got des lves pour les sciences et les techniques, que ce soit pour ceux que rebute un enseignement des sciences qui ignore trop quoi elles peuvent servir, ou, linverse, pour ceux qui sennuient devant un enseignement des techniques qui tourne trop volontiers le dos labstraction. Un dernier lment contextuel favorable est lmergence de cours en ligne ouverts et massifs, place des femmes au CNRS. Grenoble, 15 nov 2008. 14 http://castorinformatique.fr/ 16
  • 18. massive open online course (MOOC). Mme sils constituent un investissement financier important, ils offrent un nouveau levier, forte conomie dchelle, et permettent de faire merger des communauts coopratives et de dvelopper une pdagogie ouverte. Ce type denseignement semble particulirement bien adapt linformatique. Ce rapport reviendra sur les cours en ligne ouverts et massifs quand il traitera de la formation permanente et de la formation des enseignants. Il faut cependant noter que cest un lment en fort dveloppement quil faudra prendre en compte au fil du temps au niveau de lenseignement de linformatique en gnral. Quelques principes gnraux Avant daborder une esquisse de curriculum, dtaillons quelques principes gnraux qui doivent gouverner lenseignement de linformatique, quel quen soit le niveau. quilibrer thorie et exprimentation. Sur le plan des objets quelle tudie, linformatique se rapproche des mathmatiques, car lune et lautre sintressent des objets abstraits. Sur le plan de la mthode, elle se rapproche aussi des sciences de la nature, car elle sappuie sur des objets matriels les ordinateurs pour mettre en uvre des algorithmes abstraits. Elle permet ainsi des ralisations concrtes en prise directe avec la ralit : analyser un texte ou une image, dessiner laile dun avion pour optimiser lcoulement de lair, composer et jouer une pice de musique, etc. Il faut transmettre aux lves ce double ancrage en les initiant aux aspects les plus abstraits de la discipline, tout en leur montrant comment ils se dclinent naturellement dans des applications concrtes, proches de leurs intrts personnels et de leurs projets professionnels, donc en liant thorie et exprimentation dans lesprit par exemple de La main la pte. Relier linformatique au monde rel et aux autres disciplines. Une faon commode denseigner un peu dinformatique est de se limiter des exemples mathmatiques simples. Mais les calculs mathmatiques ne forment quune partie des applications de linformatique et ils ne sont susceptibles dintresser que ceux que les mathmatiques intressent dj. La souplesse de linformatique permet de choisir des exemples bien plus varis : donnes textuelles, images sons et vidos, robots et dispositifs numriques quotidiens, simulations physiques, etc. Tous ces domaines sont galement formateurs, et la pense informatique y est de mme essence. Garantir la prennit des contenus. Une caractristique de linformatique est le contraste entre la stabilit des concepts de base et lvolution rapide des objets eux-mmes. Par exemple, beaucoup dtudiants ont jadis appris le langage Lisp, aujourdhui quasiment abandonn. En revanche, les notions qui sont la base de Lisp lappel de fonction, la rcursivit, les structures de donnes arborescentes, etc. sont des notions fondamentales qui sont videmment restes dactualit. Ainsi, il importe de formuler les objectifs dun enseignement de la programmation en termes de concepts et non de langages. Mme si nous enseignons la programmation en utilisant un langage particulier, ce qui semble invitable, il faut que cet enseignement soit suffisamment gnral et souple pour quil permette aux lves dapprendre ensuite dautres langages par eux-mmes. Il faut donc systmatiquement rechercher lenseignement des fondements et des concepts, au lieu de former les lves aux dtails doutils vite prims, faute de quoi les lves se primeront aussi vite que les objets enseigns. Rduire les fractures numriques. Pour rduire ces ingalits, nous proposons un enseignement prcoce et une approche diversifie de la discipline qui mle abstraction et prise sur le monde rel, en particulier loigne de limage masculine dun tre peu communicatif, coll sa machine. Dpasser les seuls usages et la formation sur le tas . Contrairement une ide encore trop rpandue, un enseignement de linformatique ne peut en aucune faon se rsumer celui de ses usages traitement de texte, tableur, navigateur, etc. pour la mme raison quun enseignement de la thermodynamique ne peut se limiter lapprentissage de la lecture dun thermomtre et dun baromtre, ou celui de la mcanique la validation du permis de conduire. Un tel enseignement 17
  • 19. fabriquerait des utilisateurs qui subiraient la technique, non des acteurs du monde de demain. De mme, rptons quun apprentissage sur le tas , non fond sur une approche graduelle des concepts, na de sens que pour une utilisation doutils conus par dautres. Un vrai enseignement est ncessaire pour concevoir les objets, services et sciences du futur, car tous les mtiers crateurs de valeur conduiront des innovations informatiques relles et pas uniquement une consommation doutils standards. La formation dun architecte, par exemple, ne doit pas se limiter lui apprendre utiliser les logiciels de conception architecturale utiliss aujourdhui, mais lui donner les comptences qui lui permettront dinventer ceux de demain, linstar de Frank Gehry, dont les nouveaux btiments ne peuvent plus tre conus sans ordinateurs. La pense informatique est devenue centrale dans leur conception. 18
  • 20. Esquisse dun curriculum tous les ges et surtout lcole Lapprentissage de linformatique se dcline diffremment selon que lon sadresse des coliers, des collgiens, des lycens ou des tudiants, mais la question du curriculum doit tre aborde de manire globale, car le contenu dun enseignement au lyce, par exemple, dpend du niveau des lves leur entre en seconde, cest--dire de ce quils ont appris au collge. Nous disposons par ce rapport dune occasion relativement unique dadresser cette globalit. Trois modes dapprentissage On peut distinguer trois modes dapprentissage de linformatique, qui diffrent par leur finalit : la dcouverte, lacquisition de lautonomie et la matrise des concepts. La dcouverte. Une manire de faire dcouvrir linformatique aux lves est de leur apprendre utiliser des objets informatiques et de les amener, par cet apprentissage, se poser des questions et y chercher des rponses. Beaucoup dlves, par exemple, savent envoyer un courrier lectronique, mais ils ne cherchent pas ncessairement savoir comment un tel courrier arrive dans la bote aux lettres de son destinataire. Lapprentissage de lutilisation dun logiciel de courrier lectronique est pourtant une occasion de les amener se poser cette question et y chercher une rponse. Cette question peut tre introduite de manire attirante, comme une nigme. Les lves peuvent y chercher une rponse collectivement. On peut la replacer dans son cadre historique : le problme de la transmission de message est ancien ; il se posait dj, par exemple, dans lempire de Gengis Khan qui stendait de lAsie Mineure la mer de Chine. Cette question permet dintroduire la notion de rseau les ordinateurs sont relis entre eux par des cbles lectriques ou par radio et de routage un message doit trouver son chemin dans le labyrinthe que constituent ces milliards dordinateurs relis entre eux. Cette initiation linformatique passe aussi par la dcouverte des concepts fondamentaux dalgorithme, de langage, dinformation, etc., sans ncessairement utiliser un ordinateur pour cela. Lacquisition de lautonomie. Comprendre linformatique ne consiste pas uniquement savoir utiliser des objets conus par dautres, mais aussi savoir en concevoir soi-mme. Cette acquisition de lautonomie demande dapprendre les rudiments des langages et mthodes de programmation. Le but nest bien entendu pas de former des programmeurs, mais de donner aux lves loccasion de mettre la main la pte, afin de comprendre de quels ingrdients les programmes sont faits, ce qui est une cl indispensable pour comprendre le monde dans lequel ils vivent. Le but est de leur apprendre dpasser le stade de simple spectateur pour devenir des participants part entire du monde numrique. Lapprofondissement des concepts. Une fois cette autonomie acquise, les lves peuvent vritablement entrer de plain-pied dans lunivers de la science informatique. Ils peuvent comprendre comment sont conus les langages de programmation, comment fonctionne la cryptographie cl publique, comment est organis un systme de bases de donnes, comment fonctionne un ordinateur ou un rseau, pourquoi certains problmes ne peuvent pas tre rsolus par un algorithme ou pourquoi dautres demandent un temps de calcul plus ou moins long. Par exemple, interroger un index de plusieurs traoctets ne demande que quelques diximes de secondes, mais dcrypter un court message sans en connatre la cl demande des sicles. 19
  • 21. Ce dcoupage de lapprentissage de linformatique nest pas exclusivement chronologique. Par exemple, les lves pourront commencer trs tt crire de petits programmes, tout en ne se perfectionnant que plus tard par lapprentissage et la comprhension de diffrents langages informatiques. Mais il reste raisonnable de dire que le premier mode denseignement doit dominer lcole maternelle et lcole primaire, le deuxime au collge et le troisime au lyce et dans lenseignement suprieur. Lcole maternelle et lcole primaire : la dcouverte Avec des langages de programmation adapts leur ge ou en mode dbranch Lenseignement de linformatique lcole est parfois limit lutilisation dun ordinateur. Mais cette vision dnature une discipline scientifique qui donne un rle essentiel labstraction. Faire de linformatique ne consiste pas passer des heures devant un cran. Linitiation linformatique lcole maternelle et lcole primaire doit donc quilibrer des activits utilisant un ordinateur et des activits dbranches 15. Lusage de linformatique par les enfants, comme la fascination quelle exerce sur eux, peut permettre de les initier au fonctionnement mystrieux de leur cerveau, comme le propose un module construit par La main la pte pour lcole primaire16. Avec un ordinateur. Les activits seffectuant avec un ordinateur peuvent dbuter avec lenseignement des logiciels les plus courants : logiciel de courrier lectronique, navigateur et moteur de recherche, traitement de texte, tableur, etc. Comme nous lavons dit, cet enseignement doit tre un prtexte pour sinterroger sur le fonctionnement de ces objets, interrogation qui mne son tour dcouvrir certains concepts de linformatique. Nous avons dj voqu le cas du courrier lectronique. Le Web est un autre exemple. Si lacheminement du contenu dune page dun serveur Web jusqu lordinateur de lcole suit les mmes principes que lacheminement dun courrier lectronique, une nouvelle question apparat : celle de lorigine des informations auxquelles on accde. Qui parle ? O ces informations sont-elles enregistres ? Comment sont-elles identifies ? Il est possible daborder aussi la recherche des pages contenant certains mots cls et la notion dindex : on soulve ainsi un coin du mystre des moteurs de recherche. Les lves peuvent mme concevoir leur propre page Web et devenir ainsi des participants actifs du Web, ce qui est le meilleur moyen de comprendre que nimporte qui peut dire nimporte quoi dans une page web, et de sinterroger sur la pertinence de linformation que lon y trouve. Le Web peut aussi tre replac dans lhistoire, travers la question de la diffrence entre une page Web, un parchemin et une page imprime. Par exemple, comme une encyclopdie traditionnelle, une encyclopdie en ligne peut contenir aussi bien des informations sur les dinosaures que des informations spcialises sur la typologie des prises lectriques dans le monde, que la contrainte du nombre de page aurait limines dune encyclopdie traditionnelle. Sil fait partie de lapprentissage dun colier du cours moyen de comprendre la diffrence entre une encyclopdie, un manuel technique, un guide de voyage, etc. il fait dsormais aussi partie de cet enseignement de comprendre quune encyclopdie en ligne est tout cela la fois. En mode dbranch. ct de ces activits, qui partent de lutilisation dun ordinateur pour poser des questions, les activits dbranches , cest--dire qui ne ncessitent pas lutilisation dun ordinateur, permettent daborder linformatique un niveau plus conceptuel. Elles visent initier les lves trois notions fondamentales de linformatique : celles de langage, dinformation et dalgorithme, notions que lon retrouve videmment dans les activits branches . Elles mettent 15 Voir aussi lAvis de lAcadmie des sciences Lenfant et les crans. B Descamps-Latscha et al (2013) Les crans, le cerveau et lenfant, Le Pommier, Paris, module pdagogique de La main la pte conu en appui lavis de lAcadmie des sciences (op.cit. supra). 16 20
  • 22. en outre en vidence le fait que les concepts de linformatique sappliquent au monde rel tout autant quon monde virtuel contenu dans les ordinateurs. Un langage formel se distingue dune langue naturelle par sa spcialisation, son caractre artificiel, le caractre limit de son lexique et la simplicit des rgles qui rgissent sa grammaire. Un exemple simple est le langage form de quatre mots : nord , sud , est et ouest et dune construction, la squence, qui permet de former des suites de tels mots. Ce langage permet dindiquer un chemin suivre sur une grille carre, par exemple sur le carrelage du prau dune cole. Lexpression nord, nord, nord, est, est, est, sud, sud, sud, ouest, ouest, ouest indique, par exemple, un enfant de se dplacer de trois carreaux vers le nord, puis de trois carreaux vers lest, puis de trois carreaux vers le sud et enfin de trois carreaux vers louest, dessinant ainsi un carr sur le sol. Ce mme mouvement peut tre exprim dans un autre langage : avancer, avancer, avancer, tourner--droite, avancer, avancer, avancer, tourner--droite, avancer, avancer, avancer, tourner-droite, avancer, avancer, avancer, tourner--droite qui ne comprend que trois mots : avancer , tourner--droite et tourner gauche , composs par une opration de squence. Des activits autour de la notion de langage consistent par exemple interprter les instructions donnes par un autre lve ou trouver la phrase qui commande daller dun point du prau un autre. On peut ensuite passer des exercices plus labors, comme la traduction dune expression dun langage dans un autre par exemple une expression forme dans le premier des langages prsents ci-avant dans le second , la mise en vidence de la redondance dun langage par exemple, tourner--gauche pourrait tre remplac par une squence de trois tourner--droite . Il est aussi possible dvoquer dans une telle activit la notion de bug. Une petite erreur dans une instruction exprime dans le second langage, par exemple, un tourner--droite de trop change compltement le dessin et envoie nimporte o, comme sur la figure de droite ci-dessus. Ce type dactivit permet daider les lves comprendre, dans un cadre trs simplifi, quelquesuns des traits essentiels de la langue crite : son caractre conventionnel, la ncessit de rgles et la correspondance entre les mots et les actions. Elle leur permet aussi de comprendre quil est possible de calculer non avec des nombres, mais avec des mots. Parler aux petits dinformation, de langage et dalgorithme, avec leurs mots et partir du quotidien La notion dinformation est aussi une formidable cl pour entrer dans linformatique. La premire notion transmettre est que toute forme dinformation peut tre reprsente numriquement, cest-dire par une suite de symboles, par exemple des 0 et des 1. Les images, les sons, les textes, les nombres ont tous un reflet numrique, un codage, qui permet de mmoriser cette information, de la transmettre, de la reproduire linfini. Il est possible ds lcole primaire dintroduire latome dinformation, le bit, et de se demander de combien de bits on a besoin pour exprimer une 21
  • 23. information. Pour savoir si une lumire est allume ou teinte, un bit suffit, alors que pour exprimer la couleur des cheveux dune personne bruns, chtains, blonds ou roux deux bits sont ncessaires. Apparat naturellement ici la notion de quantit dinformation contenue dans un message, qui est, en premire approximation, sa taille. Toutefois, la redondance complique un peu cette notion : si un message exprime quun animal est un insecte, en ajoutant quil a six pattes, on augmente la taille du message mais pas linformation transmise, Une troisime notion quun tel enseignement dbranch peut aborder est la notion dalgorithme. Un algorithme est essentiellement une manire de rsoudre un problme en effectuant des oprations lmentaires sans rflchir . Les algorithmes qui transforment des symboles, addition, soustraction, dclinaisons, conjugaisons, etc. sont aussi anciens que ces symboles, cest--dire que lcriture. Mais lhumanit a bien entendu utilis des algorithmes avant mme la naissance de lcriture, pour prparer des aliments, tisser des toffes, tailler des silex, etc. Linitiation la notion dalgorithme peut commencer par lidentification dalgorithmes simples que les enfants utilisent tous les jours : pour shabiller il faut mettre son tee-shirt avant son pull ; pour faire une tarte aux pommes, il faut mettre les pommes avant la cuisson de la pte, mais pour une tarte aux fraises, il faut mettre les fraises aprs. Une deuxime tape est une interrogation sur les constructions qui permettent dexprimer un algorithme comme une squence : faire ceci puis cela ; un test : si telle condition est vrifie, alors faire ceci, sinon faire cela ; une boucle : faire ceci trois fois, ou alors jusqu ce que telle condition soit vrifie. Une fois ces bases poses, on peut aborder la notion dalgorithme parallle : pour faire une tarte aux pommes, un ptissier peut couper les pommes pendant quun autre prpare la pte brise ; en revanche, pour faire un nud de chaise, il est difficile deux matelots de se partager le travail. Cette rflexion peut se poursuivre, mme un niveau lmentaire, sur la diffrence entre une dfinition algorithmique et une dfinition non algorithmique : dfinir la diffrence n p de deux nombres comme le nombre de cailloux restants si on en met n dans un sac et que lon en retire p, nous donne un algorithme pour calculer cette diffrence de deux nombres. En revanche, dfinir la diffrence de deux nombres n et p comme le nombre quil faut ajouter p pour obtenir n ne nous donne aucun moyen direct de le faire. Les objectifs de la dcouverte des notions de langage, dinformation et dalgorithme sont de deux ordres. Le premier est bien entendu la prparation dun enseignement dinformatique plus avanc au collge et au lyce, ce qui fait de cette dcouverte la premire pierre dun enseignement qui stale sur toute la scolarit dun lve. Mais, il est important de comprendre son utilit plus globalement pour la formation des jeunes enfants. Les apprentissages prcoces des enfants sont pour beaucoup des apprentissages linguistiques et algorithmiques. Les enfants apprennent des rgles qui leur permettent de rsoudre des problmes, dont celui de communiquer avec leur entourage. De mme que les rgles dun jeu ne sont pas des contraintes imposes par une autorit, mais la condition mme de lexistence du jeu on ne peut pas jouer la marelle sans respecter les rgles qui autorisent ou interdisent de poser le pied certains endroits de mme, les rgles de grammaire, les rgles qui permettent deffectuer une addition ou de trouver son chemin dans une ville ne sont pas des contraintes imposes par une autorit, mais les composants essentiels des mthodes qui permettent de sexprimer, de calculer, de sorienter. Ici, ce sont les rgles de grammaire qui dfinissent un langage, les rgles de codages qui permettent dexprimer des informations, les rgles exprimes par les algorithmes qui permettent de rsoudre un problme. Cette initiation linformatique est donc une occasion pour les enfants de commencer dcouvrir un niveau lmentaire ce pan de notre culture, notamment crite, fait de signes et de rgles pour les manipuler. On peut aussi proposer quelques activits dbranches autour de la notion de machine, par exemple en montrant aux lves combien il est difficile pour eux de se comporter comme des robots et do vient cette difficult. Il est aussi souhaitable dattirer lattention des lves sur quelques 22
  • 24. lments cls de lhistoire des machines. Lhumanit a dabord fabriqu des outils, cest--dire des objets qui demandent un certain apprentissage pour tre utiliss. Ensuite elle a fabriqu des machines munies dun moteur capables dexcuter certaines oprations de manire autonome, ce qui a parfois demand de paramtrer ces machines pour quelles effectuent une tche ou une autre. Par exemple, les mtiers tisser peuvent tre paramtrs pour tisser un motif ou un autre. Puis, ont t fabriques des machines traiter de linformation, capables de manipuler des symboles. Par exemple, une machine spciale a t construite aux tats-Unis pour dpouiller les rsultats du recensement de 1890. Mais ce qui distingue radicalement les ordinateurs de ces machines est leur universalit, cest--dire la possibilit pour un ordinateur dexcuter un algorithme arbitraire : un ordinateur est tous les ordinateurs. Le collge : lacquisition de lautonomie Au collge, articuler science et technique Une particularit de linformatique est quelle est la fois une science et une technique : son but est la fois construire des connaissances et de construire des objets. Ces objets sont soit concrets, par exemple les ordinateurs, soit abstraits, par exemple les programmes. En cela, linformatique annonce peut-tre de nouvelles relations entre sciences et techniques au XXIe sicle. Si la construction de connaissances dominait lcole maternelle et lcole primaire, la construction dobjets, en particulier de programmes, nous semble devoir dominer lenseignement au collge. crire soi-mme des programmes est en effet une tape essentielle pour devenir soi-mme un acteur, et cesser dutiliser uniquement des objets construits par dautres. Cest aussi une tape essentielle pour comprendre de quoi les programmes sont faits et aller vers une matrise des principaux concepts de linformatique, dont on dcouvre de nombreux aspects en programmant. En informatique, parce que certains de ses objets sont abstraits, il est possible de construire des objets avec beaucoup moins de moyens que dans dautres domaines techniques, comme laronautique ou mme llectronique. Cela permet daccorder une place beaucoup plus importante aux activits pratiques que dans dautres disciplines. Matriser le numrique par la dcouverte de la programmation On commence apprendre programmer en apprenant les rudiments dun langage de programmation, limits par exemple aux notions daffectation, de squence, de test, de boucle et de tableau, sans ncessairement introduire de notions plus avances comme les fonctions ou lallocation dynamique. Mais apprendre programmer demande aussi dapprendre un savoir-faire qui permet de passer dune description de ce que doit faire un programme, par exemple imprimer un calendrier, une ide de la manire de le faire, par exemple en utilisant deux boucles imbriques. Cela demande aussi dapprendre mettre au point ses programmes, qui contiennent souvent des bugs. L o des formes denseignement plus traditionnelles privilgient une suite dexercices courts, effectus individuellement et en mme temps par tous les lves, lenseignement de la programmation privilgie des exercices qui se droulent sur des temps plus longs, plusieurs semaines, et en petits groupes, typiquement de deux lves, travaillant sur des exercices diffrents. Ces exercices sont souvent appels des projets . Une partie importante de la tche demande aux lves est, de plus, de dfinir en partie eux-mmes le sujet de leur projet. Cette activit de programmation est donc loccasion de dvelopper au collge une forme denseignement partiellement par projet, dont lide remonte John Dewey, est en place dans lEIST (Enseignement intgr de sciences et technologies au Collge) et dans La main la pte, et qui peut tre vue comme une initiation aux mthodes de la recherche. Dans un tel enseignement par projet, les enseignants ne doivent pas rester muets, car les lves ont une probabilit trs faible de dcouvrir par eux-mmes les connaissances que lhumanit a mis des 23
  • 25. sicles construire. Lenseignant doit donc guider les lves, rpondre leurs questions et les accompagner dans leur recherche, sans brider leur crativit. Il est aussi possible de demander aux lves de lire le chapitre dun livre, avant de commencer leur projet ou de chercher des ressources en ligne. Malgr ses qualits cet enseignement par projet nest pas suffisant, car les connaissances ainsi transmises peuvent tre trop atomises. Le lien entre les diffrentes connaissances transmises peut parfois manquer. Il est essentiel de trouver un quilibre entre lenseignement par projet et le cours magistral qui construit une pense structure. Lapprentissage de la programmation permet de dcouvrir les rudiments de la pense informatique. Ds que lon apprend programmer, on comprend en effet que certains problmes, comme vrifier la prsence dun visage dans une image, qui semblent simples rsoudre, sont trs difficiles programmer, contrairement dautres, comme vrifier la prsence de la lettre a dans un mot. Cette prise de conscience est une premire tape qui mne se demander comment notre cerveau est capable de reconnatre un visage dans une image. Une nouvelle signification de ladverbe interrogatif Comment merge : la rponse la question Comment notre cerveau fait-il pour reconnatre un visage ? est un algorithme, sans doute programm par lvolution, et que nous ne connaissons encore que trs partiellement. Le collge est aussi loccasion de dcouvrir ou dapprofondir dautres aspects de linformatique. Tout dabord, si certains systmes informatiques sont autonomes, par exemple un ordinateur de bureau, dautres sont utiliss au sein de systmes plus complexes, avions, trains, voitures, etc., qui articulent des composants mcaniques avec des composants informatiques. Linterface entre les ordinateurs et les systmes mcaniques quils contrlent se fait par des capteurs et des actionneurs, qui sont eux-mmes des machines. Cest un sujet riche, puisquil mle des aspects matriels et des aspects algorithmiques, car des algorithmes sont ncessaires pour traduire une valeur analogique en une valeur numrique dans un capteur ou une valeur numrique en une valeur analogique dans un actionneur. Dautres algorithmes sont indispensables pour contrler le systme en agissant sur les actionneurs en fonction des valeurs captes. Ds le collge, il est possible de faire programmer par les lves un petit robot, par exemple une voiture, pour lui faire suivre une ligne blanche : quand la voiture va trop droite, le programme doit tourner le volant gauche, quand elle va trop gauche, il doit le tourner droite. Ce type de travail les sensibilise des problmes comme la conversion analogique-numrique et la commande avec rtroaction en boucle ferme, qui ne pourront tre envisags en profondeur quau lyce. Le collge est aussi le lieu o peuvent tre abords les rseaux, et en particulier les notions dadressage et de routage, de manire dbranche , cest--dire sans utiliser un ordinateur. Alors qu lcole primaire, il tait simplement possible de sinterroger sur la manire dont un paquet trouve son chemin sur un rseau et de donner des rponses schmatiques, il devient possible au collge dintroduire les notions de routeur, de table de routage et des algorithmes de routage et de mise jour des tables de routage. Cette initiation la notion de rseau est bien entendu un moment privilgi pour introduire des notions de scurit, de vie prive ou de proprit que leur dveloppement induit. Nous avons mentionn les modifications profondes que linformatique apportait notre socit. Cest au collge que les lves peuvent commencer rflchir ces modifications. Par exemple, les adolescents savent trs tt tlcharger des pices de musique. Au-del de la question de la lgalit de ces pratiques, il est possible de les mener sinterroger sur la raison pour laquelle cette question de la lgalit se pose pour un fichier mp3, mais non pour un disque vinyle ou mme un disque compact. La rponse cette question peut les mener comprendre que la non-rivalit est un aspect essentiel des biens immatriels : la copie tant immdiate et parfaite, le fait de possder une information ninterdit pas aux autres de possder la mme. Lvolution des pratiques, mais aussi des normes et mme du concept de proprit prive est dtermin par lvolution des proprits techniques des objets changs. 24
  • 26. Le lyce : consolider les savoirs et le savoir-faire Linformatique est pour toutes et tous les lves de toutes les filires Depuis lcole primaire, les lves auront dcouvert les notions au cur de linformatique : les notions de machine ordinateur, rseau, robot, etc. , dalgorithme, de langage, en particulier de programmation, et dinformation. Lenseignement au lyce est loccasion de prendre du recul par rapport chacune de ces notions et surtout de comprendre la manire dont elles sarticulent. La notion de langage, par exemple, tait aborde au collge, essentiellement travers lactivit de la programmation. Il devient possible au lyce dintroduire des constructions plus avances comme les notions de fonction, de rcursivit, dallocation dynamique, de type de donnes, dobjet ou de paralllisme. Mais il devient aussi possible de commencer inventer soi-mme de petits langages dans le style du langage nord , sud , est , ouest introduit lcole maternelle et crire soi-mme des interprteurs pour de tels langages simples. Cest aussi le moment de comprendre la pluralit des langages utiliss dans un mme systme informatique, par exemple, le fait quun programme crit dans un langage volu est traduit dans en langage machine pour tre excut par une machine. Cest enfin un moment privilgi pour introduire les notions de code source et de code compil, si importantes pour comprendre des aspects techniques allant de loptimisation du temps de rponse dun programme jusquaux questions juridiques sur les licences logicielles. La notion dinformation peut saborder sous deux angles : celui de son codage et celui de sa structuration. Le codage est lensemble des mthodes qui permettent aux ordinateurs de manipuler des nombres, des textes, des images, des sons, etc., alors quils ne connaissent de manire primitive que des 0 et des 1. Cette ide de codage inclut galement les mthodes qui permettent de compresser les informations, de corriger les erreurs de transmission et de chiffrer les informations pour les protger. La structuration de linformation est lensemble des mthodes associes au codage de linformation complexe, depuis les systmes de fichiers jusquaux bases de donnes et au Web, qui permettent de grer par ordinateur des quantits astronomiques de donnes. La notion de machine peut saborder au lyce dune manire plus analytique quau collge en insistant sur la pluralit des descriptions dun mme objet en fonction de son chelle, en allant du plus concret au plus abstrait : chelles du transistor, de la porte logique, du processeur, de lordinateur, du rseau local, dInternet, etc. Cest ce niveau quon peut aussi aborder la programmation distribue, par exemple dans larchitecture client / serveur du Web et des applications de tlphones portables. La notion dalgorithme enfin saborde pour elle-mme en insistant sur la diffrence subtile entre algorithme et programme. Cest au lyce que les lves peuvent comprendre quun algorithme peut tre lobjet dune tude rsolument abstraite en ce quelle ne met pas en jeu son incarnation dans un langage particulier ni son excution sur une machine particulire, mais en mme temps trs concrte en ce quon peut considrer les ressources quil exige par exemple en temps et en espace. Le lyce est aussi un lieu de plus grande spcialisation pour les lves. En fonction de leurs choix, il est ncessaire daxer lenseignement dinformatique sur leurs centres dintrt. Les fondements de linformatique sont les mmes dans toutes les sections. Mais on peut jouer sur les illustrations choisies, les applications de linformatique considres et les projets pour les adapter aux proccupations premires des lves. En premire et en terminale L, par exemple, les questions de traitement de la langue et du texte peuvent prendre une place centrale. Depuis des algorithmes simples pour mettre un mot au pluriel y compris les mots cheval , chacal , souris , etc. jusquaux algorithmes danalyse statistique des textes qui permettent, par exemple, didentifier leurs auteurs. En premire et en terminale ES et STG cest la notion dinformation qui sera au centre de lenseignement, en sinterrogeant sur la place des donnes dans les sciences humaines et surtout sur 25
  • 27. la manire dont les systmes dinformation ont transform le fonctionnement des entreprises. En premire et en terminale STI2D, cest la notion de machine qui prendra une place centrale, avec une tude plus fine de larchitecture des ordinateurs et de