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« Ce qu’éprouvent les grands-parents » Catherine Le Grand-Sébille : Socio- anthropologue, Maître de conférences, Faculté de médecine, Lille 2

« Ce qu’éprouvent les grands-parents  »

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« Ce qu’éprouvent les grands-parents  ». Catherine Le Grand-Sébille : Socio-anthropologue, Maître de conférences, Faculté de médecine, Lille 2. Sociologie des Grands-Parents. - PowerPoint PPT Presentation

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Page 1: « Ce qu’éprouvent les grands-parents  »

 

« Ce qu’éprouvent les grands-parents  »

Catherine Le Grand-Sébille : Socio-anthropologue, Maître de conférences, Faculté de médecine, Lille 2

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Sociologie des Grands-Parents

La sociologie de la grand-parentalité a connu en France, grâce aux deux sociologues Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen une croissance et une fécondité inégalées dans les autres pays francophones.

Depuis une vingtaine d’années, elles étudient un fait démographique majeur, celui de l’allongement de la vie et de la multiplication contemporaine des grands-parents, refusant de les laisser dans l’ombre.

Il y a près de 13 millions de grands-parents en France, on ignore combien d’entre eux ont un petit enfant gravement malade ou décédé.

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Rôles et fonctions Les grands-parents ont des fonctions

symboliques essentielles et exercent aussi un rôle concret. Comme le dit M.F. Fuchs ce sont des « relieurs » et des « transmetteurs » : continuité familiale, inscription temporelle, véhicules des valeurs familiales, garantie de l’existence de l’histoire, témoignage de la mort des générations plus âgées, légitimation du parent auquel l’aïeul à passer le relais pour devenir parent à son tour…

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L’éternelle question de la « place »

• La récurrente question de la « bonne » place est ainsi précisée par J-P Dommergues : « Le rôle des grands-parents est d’être disponible mais sans prendre la place des parents et en sachant revenir au second plan quand les parents sont présents. Ce jeu d’acteur de la relation fait alterner un travail d’avant-scène puis d’estompe en coulisse mais avec une permanence affective qui garantit aux grands-parents de ne pas être des intermittents du spectacle de la vie familiale… ».

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• L’entreprise morale et normative de la médecine et de la psychologie est ici perceptible, tant le modelage spatial et relationnel exigé du grand-parent est complexe et représente probablement un défi hors d’atteinte.

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Des dynamiques historiques

• Les processus politiques et sociaux que sont la professionnalisation du soin, la médicalisation, la technicisation et l’institutionnalisation de la naissance et de la mort, nous sont maintenant bien connus grâce aux travaux des historiens et des sociologues.

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La disqualification des savoirs familiaux

• Il existe des tendances lourdes qui caractérisent depuis la fin du XIXe siècle, la disqualification puis la mise à l’écart des savoirs profanes sur la maladie et la mort des enfants, et des soins familiaux qui leur étaient afférents.

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Une représentation de la famille atomisée

De fait, les familles, longtemps tenues éloignées des services de maternité et de pédiatrie, trouvent depuis quelques dizaines d’années, la possibilité d’y entrer. Ce problème est structurel et n’est pas lié à la seule volonté des acteurs. Cette exclusion de la famille élargie, notamment, est une caractéristique de notre médecine, à la différence de celle d’autres pays.

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Les parents de l’enfant sont les interlocuteurs privilégiés et souvent uniques des professionnels, ce qui complique la communication sur la santé du bébé, entre parents et grands-parents.

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Les liens « forts » n’excluent pas les tensions et conflits

• Claudine Attias-Donfut et Martine Segalen qui ont beaucoup travaillé sur les solidarités familiales exercées par les grands-parents, mettent aussi en lumière que ces liens intenses sont tissés parfois de difficultés qui vont de la tension passagère à la rancœur ou au conflit. Elles rappellent que si les grands-parents, de par leur simple présence, offrent un formidable socle identitaire à leurs petits-enfants, leurs relations n’échappent pas à la complexité des liens interindividuels.

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• Nous ne nions pas l’existence de tels conflits au sein des familles, dans le contexte de notre étude qui donne la « part belle » aux grands-parents, sans taire les peines et les regrets qui teintent de tristesse certains témoignages, en cas de disputes.

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Notre étude

«  Être le grand-parent d’un enfant gravement malade aujourd’hui en Suisse, au Québec et en France »

Réalisée en France grâce à l’association Soleil AFELT.

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La population concernée• Nombre de Grands-parents rencontrés:  France : 35, Québec : 24, Suisse :  21• Petits-enfants décédés 

France: 4, Québec : 6, Suisse :  2• Âge des petits-enfants : 1 jour à 17 ans• Pathologies concernées: cancers, maladies orphelines,

grande prématurité.• Milieux sociaux, urbains / ruraux variés• Soignants rencontrés médecins et professionnels

paramédicaux, sociaux, psychologues: France : 18, Québec : 6, Suisse 5

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Constats

Ils sont des aidants précieux pour chacun, sur le chemin périlleux qui suit le décès du bébé, mais des aidants mal connus et peu reconnus. L’aide qu’ils apportent sera utile dans la traversée du deuil de toute la famille.

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Différences culturelles à l’hôpital dans l’accueil des grands-parents

• Il apparaît que les différences sont plus marquées entre les services hospitaliers parfois au sein du même hôpital, qu’entre les pays.

• Quelques grandes tendances sociologiques cependant pour les trois pays :

Des grands-parents proches, en France, des deux générations plus jeunes. Un souci d’indépendance des enfants semblent plus

marqué en Suisse qu’en France. Des « figures » puissantes de grands-mères au Québec,

constituées historiquement comme telles, devant les absences prolongées des hommes.

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• Les soignants nous disent souvent que grâce à cette enquête, et avant même d’en connaître les résultats, ils ont été plus attentifs aux grands-parents.

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Mal connus, peu reconnus

 

• Les grands-parents sont encore trop souvent les oubliés de la réflexion sur les proches de l’enfant malade. Les associations aussi n’ont pas toujours pensé à eux. « On aurait aimé rencontrer quelqu’un, mais on ne savait pas où taper... Je crois qu’on aurait aimé rencontrer des gens qui ont vécu des grandes souffrances, pour pouvoir être écoutés ». (GM)

  

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Mal connus, peu reconnus

«  Y a des choses pour les parents, y a rien pour les grands parents ! » (G-M)

« Parler à l’hôpital avec d’autres grands-parents, ça m’a beaucoup aidé » (G-P)

• Quand on se soucie de les écouter, les grands-parents ont en effet, beaucoup à dire.

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Quelques uns des points récurrents dans les témoignages des grands-parents

 • Ils indiquent tous l’injustice de voir la

maladie grave et la mort frapper les plus jeunes, quand la logique générationnelle voudrait que ce soient eux qui soient victimes.

« Maman l’arrière grand-mère disait : « C’était pas à Julie de partir, c’était à moi » (G-M)

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Des grands-pères qui se révèlent 

• Apparemment moins présents, appartenant à des générations peu loquaces, on retrouve des grands-pères qui pleurent leur petit-enfant, qui soutiennent leur fils ou leur fille de manière tout aussi importante, plusieurs possédant de réels savoir-être qui n’est pas souvent exprimé face aux soignants.

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La double souffrance

 • Ils et elles disent tous combien leur statut

dans la famille les amène à souffrir « deux fois », pour l’enfant et le petit-enfant. 

« Finalement les grands-parents souffrent presque deux fois : on souffre pour notre enfant et on souffre pour notre petit enfant. Et voir sa fille souffrir, sa fille triste, sa fille maigrir, c’est épouvantable. Et de la voir pas toujours soutenue par son mari, j’ai trouvé que c’était très difficile »(G-M)

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L’intensité de leur deuil 

« Nous croyons qu’il ne faut pas sous-estimer le rôle et la douleur vécus par les grands-parents des familles endeuillées. D’ailleurs, les expériences les plus appréciées par les grands-parents au moment du décès étaient leur inclusion dans les derniers moments où ils eurent la chance de prendre leur petit-enfant dans leur bras avant de le quitter, où ils étaient présents pendant les discussions avec les médecins et infirmières ».

dans Le deuil des grands-parents.Enquête par questionnaire postal auprès de 21 grands-parents

Sophie Lessard, M.D., Claude Cyr M.D.Département de pédiatrie, Faculté de médecine et des sciences de la

santé, Université de Sherbrooke, Canada

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Malgré l’intensité de leur peine, les grands-parents apportent un soutien d’ordre relationnel, affectif, matériel. Il est aussi spirituel

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Les multiples soutiens qu’apportent les grands-parents

La garde des autres enfants

« J’ai pris ma retraite et pendant plusieurs semaines, je me suis occupé des grandes (sœurs) afin qu’elles ne se sentent pas abandonnées » (GP)

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Les multiples soutiens qu’apportent les grands-parents

• La préparation des repas pour les parents du bébé et ses frères et sœurs.

• Le maintien des fêtes familiales

« Les fêtes de famille on a toujours continué. Mais, elles sont quand même très dures.... je crois que, si on arrêtait, ce serait encore plus dur... » (G-M)

 

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Quelques éléments d’analyse 

  • Les grands-parents contribuent à la stabilité

intergénérationnelle tout au long de la vie familiale.

 • Beaucoup d’entre eux ont su organiser les

rituels funéraires, réunir une communauté plus large que la seule famille, notamment dans les villages. Ils rendent très souvent visite à la sépulture de l’enfant et l’entretiennent en étant vigilants aux souhaits des parents.

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Les besoins des grands-parents

 • Le besoin d’être considérés comme faisant partie de la

famille.• Le besoin de sentir qu’ils ne dérangent pas. • Le besoin de poser des questions et, pour certains

d’être seuls avec les soignants.• Le besoin de pouvoir exprimer leurs inquiétudes et leur

peine.• Le besoin d’un accueil chaleureux dans un moment

difficile. Peu de différences en matière de besoins des grands-parents d’un pays à l’autre.

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Conclusion

Grands-parents et arrières grands-parents ont toute leur place dans la construction d’une mémoire générationnelle et d’une vie familiale auxquelles les soignants et les parents contribuent positivement quand ils favorisent la rencontre et l’évocation , sans juger les places, les rôles, la distance bonne ou mauvaise, mais en reconnaissant l’importance de la filiation.

« Les grands-parents sont importants parce qu’ils sont les parents des parents » F. Dolto