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ÉTUDES ROMANES DE BRNO 31, 1, 2010 MONIKA KOSTRO « JE N’AI PAS L’ÂGE D’AVOIR DES RIDES… » LES REPRÉSENTATIONS LINGUISTIQUES DU VIEILLISSE- MENT DANS LES PUBLICITÉS DES PRODUITS DE BEAUTÉ Dans la société d’hyperconsommation (Lipovetsky 2003, 2006), qui se caractérise par un individualisme narcissique, la recherche du bien-être et le désir de maîtriser son destin jusqu’à remettre en cause le cycle naturel de la vie (Lipovetsky 2006 ; Castells 1998 : 504–508), le vieillissement fait l’objet d’un tabou culturel. D’autre part, les nouveaux retraités, baby-boomers et jeunes seniors, actifs et indépendants sur le plan financier, ne se considèrent pas comme des personnes âgées 1 . Le marché des produits anti-âge est donc en plein développement mais la publicité doit trouver le ton juste pour persuader les consommateurs qu’ils sont concernés par le processus de vieillissement sans pour autant altérer leur image de personnes toujours jeunes. Quels procédés discursifs met-elle en œuvre pour atteindre ce double objectif ? Quelle représentation linguistique du vieillissement en découle ? L’étude de l’image du vieillissement dans les publicités des produits de beauté soulève quelques questions méthodologiques. Le premier problème a trait au ca- ractère international de la publicité d’aujourd’hui. La plupart des grandes mar- ques cosmétiques étant devenues des multinationales, les annonces des fabricants français côtoient dans les médias celles des fabricants étrangers. D’autre part, les publicités des marques françaises possèdent leurs versions étrangères. L’aspect interculturel de la représentation du vieillissement dans la publicité est certes très intéressant, mais demande une étude à part et ne sera pas ici abordé. Un autre problème méthodologique découle de l’hétérogénéité du discours pu- blicitaire qui varie selon la nature du support et selon le public visé. Je me limite- rai ici à étudier les publicités des produits de beauté pour femmes 2 , parues dans la 1 Selon l’étude mondiale Beauty Comes of Age, commandée par Dove et réalisée en 2006 auprès des femmes de neuf pays âgées de 50 à 64 ans, seules 16% des femmes interrogées utiliseraient l’adjectif « âgée » pour caractériser une personne de leur âge alors que 59% em- ploieraient l’adjectif « jeune » (http://www.campaignforrealbeauty.com/DoveBeautyWhite- Paper.pdf). 2 Il est à noter toutefois que le marché des produits de beauté pour hommes est aussi en plein essor. Mais comme les publicitaires utilisent d’autres arguments pour séduire le public mas-

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ÉTUDES ROMANES DE BRNO31, 1, 2010

MONIKA KOSTRO

« JE N’AI PAS L’ÂGE D’AVOIR DES RIDES… » LES REPRÉSENTATIONS LINGUISTIQUES DU VIEILLISSE-MENT DANS LES PUBLICITÉS DES PRODUITS DE BEAUTÉ

Dans la société d’hyperconsommation (Lipovetsky 2003, 2006), qui se caractérise par un individualisme narcissique, la recherche du bien-être et le désir de maîtriser son destin jusqu’à remettre en cause le cycle naturel de la vie (Lipovetsky 2006 ; Castells 1998 : 504–508), le vieillissement fait l’objet d’un tabou culturel. D’autre part, les nouveaux retraités, baby-boomers et jeunes seniors, actifs et indépendants sur le plan financier, ne se considèrent pas comme des personnes âgées1. Le marché des produits anti-âge est donc en plein développement mais la publicité doit trouver le ton juste pour persuader les consommateurs qu’ils sont concernés par le processus de vieillissement sans pour autant altérer leur image de personnes toujours jeunes. Quels procédés discursifs met-elle en œuvre pour atteindre ce double objectif ? Quelle représentation linguistique du vieillissement en découle ?

L’étude de l’image du vieillissement dans les publicités des produits de beauté soulève quelques questions méthodologiques. Le premier problème a trait au ca-ractère international de la publicité d’aujourd’hui. La plupart des grandes mar-ques cosmétiques étant devenues des multinationales, les annonces des fabricants français côtoient dans les médias celles des fabricants étrangers. D’autre part, les publicités des marques françaises possèdent leurs versions étrangères. L’aspect interculturel de la représentation du vieillissement dans la publicité est certes très intéressant, mais demande une étude à part et ne sera pas ici abordé.

Un autre problème méthodologique découle de l’hétérogénéité du discours pu-blicitaire qui varie selon la nature du support et selon le public visé. Je me limite-rai ici à étudier les publicités des produits de beauté pour femmes2, parues dans la 1 Selon l’étude mondiale Beauty Comes of Age, commandée par Dove et réalisée en 2006

auprès des femmes de neuf pays âgées de 50 à 64 ans, seules 16% des femmes interrogées utiliseraient l’adjectif « âgée » pour caractériser une personne de leur âge alors que 59% em-ploieraient l’adjectif « jeune » (http://www.campaignforrealbeauty.com/DoveBeautyWhite-Paper.pdf).

2 Il est à noter toutefois que le marché des produits de beauté pour hommes est aussi en plein essor. Mais comme les publicitaires utilisent d’autres arguments pour séduire le public mas-

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presse féminine (Elle, Marie-Claire, Cosmopolitan) en automne-hiver 2007/2008 ainsi que les textes publicitaires (slogans, descriptifs des produits, conseils d’uti-lisation) diffusés sur les sites Internet des grandes marques cosmétiques (L’Oréal, Lancôme, Garnier, Avène, Estée Lauder, Clinique, etc.). Si la forme de la publi-cité varie selon le support, le discours sur le vieillissement garde sa cohérence, car tous les textes étudiés relèvent de la même campagne publicitaire et partant de la même stratégie de marketing.

La difficulté d’étudier la publicité est enfin liée à la « complexité sémiotique et pragmatique de la communication publicitaire », comme l’observent Jean-Michel Adam et Marc Bonhomme (1997 : 25).

D’abord, au plan illocutoire, le message publicitaire a une double visée : des-criptive-informative et argumentative (incitative). Les deux visées sont complé-mentaires, car l’acte d’incitation à l’achat est souvent indirect, dissimulé sous un acte constatif (Adam, Bonhomme, 1997 : 25). C’est le cas des publicités des produits anti-âge où les descriptifs des produits ont souvent un caractère paras-cientifique et jouent le rôle d’argument d’autorité.

La complexité du message publicitaire découle aussi de l’association du texte et de l’image (Adam, Bonhomme, 1997 : 25). L’aspect iconique des publicités des produits anti-âge est assez conventionnel. D’habitude, une photo valorisante re-présente le produit vanté et/ou sa consommatrice présumée : l’ambassadrice de la marque ou une belle femme anonyme. Le support iconique joue évidemment un rôle important dans la représentation du vieillissement dans la publicité, surtout dans l’esthétisation de celui-ci. Mon analyse porte toutefois sur les composantes linguistiques de cette représentation. C’est pourquoi l’image ne sera évoquée que dans les cas où elle est indispensable pour l’interprétation du texte.

Le message verbal est plus complexe et comporte plusieurs éléments : nom de marque, nom de catégorie de produit, nom de produit, slogan-accroche (head-line), rédactionnel (body-copy) et phrase d’assise (base-line). Le logo de la marque constitue un élément mixte : verbal et iconique en même temps. Le nom de marque et le logo ont surtout une « fonction testimoniale », il sont garants de la qualité du produit vanté et de l’authenticité de l’annonce (Adam, Bonhomme, 1997 : 57–58, 64). Le nom de catégorie de produit permet au consommateur d’identifier et de classer l’article proposé (Maingueneau, 2002 : 184–185). Dans le cas des soins anti-âge, les noms de catégorie sont d’habitude dérivés du verbe qui désigne l’action du produit (p.ex. « repulpant facial »). Le nom de produit constitue sa « mini-description » qui évoque ses effets, ses composantes ou son univers symbolique (Adam, Bonhomme, 1997 : 58). L’accroche, slogan placé en début d’annonce, concis, frappant et facile à mémoriser, résume la devise du produit (Adam, Bonhomme, 1997 : 59). Si le slogan fait plutôt appel aux émotions et s’apparente à une formule magique (Ko-chan, 2005 : 75), le rédactionnel est un texte plus long, « à dominante rationnelle » (Adam, Bonhomme, 1997 : 62). Dans les publicités des produits anti-âge, il présente

culin, l’analyse de la représentation du vieillissement dans les publicités adressées aux hom-mes demande une étude à part.

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d’habitude les propriétés et les effets du produit en termes scientifiques. Reste la phrase d’assise, slogan facultatif, placé en fin d’annonce, qui constitue la devise de la marque (Adam, Bonhomme, 1997 : 59).

Si le nom de marque, le logo et la phrase d’assise créent avant tout l’image de la marque, les autres éléments créent l’image du produit anti-âge en véhiculant en même temps une certaine image du vieillissement.

« S’offrir le luxe de ne pas faire son âge… » (Lierac)

Le discours publicitaire censé faire vendre des produits cosmétiques est tout naturellement sous-tendu par l’impératif de beauté. Dans les publicités des pro-duits anti-âge, ce dernier revêt la forme de l’impératif de beauté à tout âge, com-me en témoignent les titres des dossiers de conseils diffusés sur les sites Internet des grandes marques : « Belle à tout âge » (Clinique), « Une belle peau à tout âge » (L’Oréal), « À chaque âge, sa vraie beauté » (Lancôme). Les titres cités font res-sortir le double aspect du vieillissement : l’avancée dans l’âge et son corollaire, l’évolution naturelle de l’apparence. Les deux ne sont pas représentées dans la publicité de la même manière.

L’âge, même avancé, ne fait plus tabou et semble même valorisé : Clarins décrit les femmes quinquagénaires comme « actives, positives » qui « abordent l’avenir avec curiosité et envie », l’un des slogans de Nivea affirme « 60 ans, le plus bel âge ! » et les ambassadrices des gammes anti-âge, Andie MacDowell (L’Oréal), Sharon Stone (Dior), Jane Fonda (L’Oréal), ont entre 50 et 70 ans et ne le cachent pas. Au contraire, Jane Fonda, dans la publicité télévisée de Age RePerfect Pro Calcium Jour, dit au début du film : « Je ne me suis jamais sentie aussi bien. Sans doute parce que je ne refuse pas mon âge » et elle ajoute à la fin : « J’ai 68 ans, pas mal, non ? ». Dans la publicité de Age RePerfect Fond de Teint, elle demande, l’air coquet : « J’ai toujours l’âge de plaire. Et vous ? ».3

Si l’âge n’exclut pas la beauté, la beauté exclut le moindre signe du vieillis-sement du corps. Le message explicite « Belle à tout âge » ne révèle toute sa signification qu’à la lumière du message implicite, constitué de présupposés qui véhiculent une image négative du vieillissement cutané, processus indésirable et honteux.

Dans la lignée d’Oswald Ducrot, le présupposé est défini en linguistique com-me « un type particulier de contenu sémantique inscrit dans l’énoncé » qui n’est pas affecté par la négation ni par l’interrogation et sur lequel l’enchaînement ar-gumentatif ne porte pas. (Charaudeau, Maingueneau, 2002 : 468). C’est donc une sorte d’évidence censée être partagée par les interlocuteurs qui constitue le fon-dement même de leur dialogue. La présupposition devient de ce fait une tactique 3 La mise en valeur de l’âge est aussi la stratégie de Dove dans sa campagne publicitaire Pro-

Âge. L’objectif déclaré de la campagne est de faire évoluer les mentalités au sujet du vieillis-sement, notamment en montrant, sur des photos réalistes, des femmes qui ont réellement plus de 50 ans et en sont fières.

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argumentative qui permet d’imposer l’idée présupposée à son interlocuteur sans que celui-ci puisse la réfuter. Ducrot va jusqu’à dire qu’elle « donne la possibilité d’emprisonner l’auditeur dans un univers intellectuel qu’il n’a pas choisi » (Du-crot, 1984 : 30). Dans le cas des publicités des produits anti-âge, la présupposition sert à emprisonner la lectrice dans la croyance que le vieillissement cutané est un processus qu’il faut dissimuler et combattre à l’aide des produits vantés.

Ainsi, dans une annonce de la marque Avène, la phrase elliptique « Une affaire de temps… du temps qui passe au temps qui marque et dont nous voulons toutes contrer les effets et réparer les méfaits » impose, à travers le présupposé contenu dans la proposition relative, une attitude de refus à l’égard du vieillissement dont l’image négative est suggérée par l’emploi du terme péjoratif méfaits. L’emploi du quantificateur universel toutes et du pronom nous inclusif dans la phrase qui semble être prononcée par une jeune femme sur la photo à côté, intègre la lectrice dans la « communauté consommatrice » des femmes qui utilisent des produits Avène (Adam, Bonhomme, 1997 : 50), en augmentant encore la force persuasive du slogan cité.

Le même procédé de présupposition est employé par la marque Clinique dans son dossier « Belle à tout âge ». L’un des conseils adressés aux femmes quinqua-génaires présente le vieillissement cutané des mains comme un fait honteux qu’il faut dissimuler : « Vos mains vous trahissent ? N’ayez plus peur de les montrer. Stop Signs Hand Repair Action Anti-âge Mains les hydrate en douceur, atténue les taches brunes et ralentit l’apparition des signes de l’âge ». Le caractère honteux du vieillissement découle du présupposé vous avez peur de montrer vos mains, véhiculé par l’adverbe de négation plus et de l’emploi du verbe trahir qui signifie, entre autres, « desservir par son caractère révélateur », « être le signe, l’indice de (une chose peu évidente ou dissimulée) » (Le Nouveau Petit Robert, 2007).

Des « premiers signes de l’âge » aux « peaux matures »

Les symptômes du vieillissement font donc l’objet d’un tabou dans la publicité qui tend à la lectrice un miroir flatteur pour obtenir plus facilement son adhésion au message véhiculé. Certes, dans les descriptifs des produits, le processus de vieillissement est expliqué de façon réaliste pour démontrer l’efficacité des soins vantés, mais dans les messages de premier plan comme les slogans, les publicitai-res déploient différentes stratégies d’atténuation, parmi lesquelles les euphémis-mes jouent un rôle privilégié.

L’euphémisme, défini justement comme « toute manière atténuée ou adoucie d’exprimer certains faits ou certaines idées dont la crudité peut blesser » (Du-bois, 1973 : 200), peut prendre des formes très variées : de l’emploi des tropes comme la périphrase, la métaphore ou la métonymie jusqu’à l’emprunt de termes savants ou étrangers, en passant par l’emploi de synonymes et d’hyperonymes4

4 Pour ne citer que les moyens lexicaux et sémantiques.

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(Dąbrowska, 2006 : 321). Dans le discours publicitaire, les procédés d’atténua-tion concernent l’âge de la vieillesse et les symptômes du vieillissement.

C’est d’abord le terme même vieillissement cutané qui est remplacé par les termes plus neutres âge et temps dans les noms de produits, rebaptisés anti-âge, anti-temps et tout récemment pro-âge (Dove). Il s’agit ici d’un cas particulier de métonymie qui consiste à substituer la cause à l’effet (Dąbrowska, 2006 : 341). Les termes âge et temps désignent les causes très générales du vieillissement cu-tané et ne l’évoquent que de manière indirecte.

Les symptômes du vieillissement cutané, rides et taches pigmentaires, font aussi l’objet d’une euphémisation, qui se traduit par l’emploi de périphrases com-posées d’un terme générique vague (signes, effets, marques) et d’un complément déterminatif désignant un facteur général de vieillissement (âge ou temps). Selon l’âge des consommatrices visées, cette périphrase minimale peut comporter de plus le numéral ordinal premiers ou l’adjectif visibles. Ainsi, les soins vantés traitent : « les signes de l’âge » (Phytomer, Avène), « les premiers signes de l’âge » (Phytomer, Avène, Estée Lauder, Lancôme), « les signes visibles de l’âge » (Estée Lauder), « les signes du temps » (Lancôme), « les marques du temps » (Phytomer, Avène), « les effets du temps » (Phytomer).5

L’euphémisation du vieillissement dans le discours publicitaire se manifeste enfin par l’élimination des adjectifs relatifs à la vieillesse comme vieux, vieillis-sant, âgé en faveur de l’adjectif mature, employé surtout dans l’expression peaux matures. Si les trois premiers adjectifs connotent directement la vieillesse et le déclin, le dernier suscite des connotations positives comme l’épanouissement et la plénitude parce que la maturité signifie : « état de développement complet (de l’organisme humain) ; âge mûr, celui qui suit immédiatement la jeunesse et confère à l’être humain la plénitude de ses moyens physiques et intellectuels » (Le Nouveau Petit Robert, 2007). Conformément à cette définition, Le Petit Robert entend par la peau mature la peau qui ne présente que « les premiers signes du vieillissement cutané ». Cependant, les indications d’emploi des produits anti-âge révèlent que l’adjectif mature est en général relatif à l’âge de 45–50 ans et plus alors que l’adjectif très mature désigne l’âge de 60–65 ans et plus (Avène, Nivea). L’emploi de cet adjectif, censé concerner la « période de la vie comprise entre la jeunesse et la vieillesse » (TLF), permet donc d’opérer un glissement de sens et de retarder la vieillesse en prolongeant la jeunesse jusqu’à 45 ans et l’âge mûr jusqu’à 65 ans.

5 L’euphémisation n’est pas le seul moyen de dissimuler les symptômes du vieillissement cu-tané dans le discours publicitaire. Un autre procédé fréquent consiste à les évoquer de façon indirecte à travers des présupposés. En expliquant ce qu’un produit est censé réparer, la publicité indique en fait discrètement ce que le temps a abîmé. C’est notamment la fonction du verbe retrouver qui présuppose la perte préalable d’une qualité (p.ex. « Le visage retrouve son expression de douceur », Avène, Eluage).

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L’euphémisation de la vieillesse dans le discours publicitaire est un procédé à double tranchant. Elle permet d’enjoliver le vieillissement en atténuant ses as-pects désagréables, mais en même temps elle renforce son image négative de phénomène honteux dont il convient de parler à demi-mots.

« Je n’ai pas l’âge d’avoir des rides, alors je plonge… » (Lierac)

Tout comme le slogan « Belle à tout âge », l’euphémisme « peaux matu-res » brouille les frontières entre les âges pour cibler le plus grand nombre de consommatrices. Cette dilution de la notion de vieillissement se manifeste non seulement par l’allongement de la jeunesse et de l’âge mûr, mais aussi par le recul des limites temporelles du vieillissement, présenté comme un processus continu qui commence longtemps avant l’apparition de ses premiers symptô-mes. La publicité doit en effet éveiller la vigilance des consommatrices jeunes qui ne pensent pas encore à utiliser des produits anti-âge et maintenir la vigi-lance des consommatrices âgées qui n’y pensent plus. De Prevage (Elisabeth Arden) à Pro-Âge (Dove), les gammes de produits de beauté s’adressent donc aux femmes de toutes les tranches d’âge, de 20 jusqu’à plus de 60 ans.

Si le discours de la maturité est un discours rassurant (« Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour faire bien », Clinique), le discours adressé aux femmes de 20 à 40 ans est un discours de sensibilisation qui laisse planer le doute sans pour autant altérer leur image de femmes jeunes.

La publicité qui s’adresse aux femmes de 20 ans insiste sur les soins de pré-vention en rappelant aux jeunes femmes qu’elles ne sont pas à l’abri du vieillis-sement cutané : « Vous aimez le soleil ? Attention ! Ses rayons constituent la première cause de vieillissement prématuré de la peau. (…) Hydratez votre peau tous les jours avec Superdefense Hydratant Triple Action » (Clinique, dossier « Belle à tout âge » – 20 ans).

Le discours qui vise les femmes trentenaires évoque déjà les rides et les ridules mais il le fait discrètement en employant divers procédés d’atténua-tion. D’abord, c’est la perception des symptômes du vieillissement qui est subjectivisée à travers la modalisation épistémique (Sarfati, 2005 : 25) : « Pour toutes celles qui ont l’impression que leur peau se relâche, que leurs traits s’affaissent et que le contour de leur visage perd en netteté… » (Lierac) ou la polyphonie énonciative : « On vous parle déjà de vos rides ? » (Clinique). Dans une autre annonce, c’est l’importance de l’âge qui est minimisée par le fait d’attribuer l’apparition des rides à des facteurs extérieurs : « À 30 ans, ce n’est pas d’avoir 30 ans qui donne des rides. C’est 30 ans de pollution, de chaud, de froid et de soleil » (Clarins, Multi-Active). Les auteurs des pu-blicités ont enfin recours au paradoxe, procédé fréquemment employé dans les slogans publicitaires pour capter l’attention des consommateurs (Kochan, 2005 : 168–170). Ainsi, dans le slogan « Je n’ai pas l’âge d’avoir des rides… alors je plonge ! » (Lierac, Hydra-Chrono), la nécessité d’utiliser des produits

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anti-âge est atténuée par la violation apparente des lois de la logique naturelle (Grunig, 1990 : 104–111).

Le vieillissement, cette dimension honteuse de la condition féminine, est donc érigé en ennemi sournois qui guette la femme dès sa jeunesse et qu’elle combat pendant toute sa vie.

« À chaque âge son anti-âge » (Avène)

Si la publicité met en relief un problème, c’est évidemment pour proposer la consommation comme sa solution. Elle développe donc un discours guerrier qui repose sur la métaphore conceptuelle6 : le vieillissement cutané est un adver-saire, la femme – une guerrière, les produits de beauté – son arme. Et comme le discours publicitaire opère un amalgame entre le vieillissement cutané, l’âge et le temps, cette métaphore a encore deux variantes : l’âge est un adversaire et le temps est un adversaire.7

La métaphore guerrière sous-tend les noms mêmes des produits de beauté : an-ti-âge, anti-temps, anti-rides. Le préfixe anti- semble particulièrement productif dans le domaine médical où il forme des noms composés signifiant « qui combat la maladie, le phénomène pathologique » (p.ex. anti-cancéreux) ainsi que dans le domaine technologique et militaire où il forme des noms signifiant « dispositif, arme qui annihile les effets de, protège contre » (p.ex. anti-nucléaire) (TLF). Les produits anti-âge sont donc en même temps un remède et une arme. Dans les deux cas, en raison de ses connotations médicales et militaires, le préfixe anti- renforce l’image négative du vieillissement, phénomène pathologique et hostile qu’il faut combattre.

Le discours publicitaire exploite donc le champ lexical de l’attaque : lutter contre (« lutter contre les signes de l’âge », Elisabeth Arden, Prevage), combattre (« combattre les rides marquées », Garnier, UltraLift Pro-X), traitement d’atta-que (« traitement d’attaque pour une réduction suractivée des rides », Biotherm, Rides Repair), arme (« arme contre les signes visibles de l’âge », Clinique), etc. D’autre part, les publicitaires ont recours au champ lexical de la défense et de la protection : défendre (« Le Soin du Jour défend activement les cellules contre les agressions extérieures », Nivea, Visage DNAge Rénovateur Cellulaire), défense (les noms de produits comme Superdefense de Clinique, Primordiale Cell Défen-se™ de Lancôme), protéger et préserver (« Bien au-delà d'une simple protection traditionnelle, ce sérum anti-âge préserve continuellement votre peau des causes

6 Nous nous réfèrons évidemment à la théorie cognitive de la métaphore de G. Lakoff et M. Johnson (1985) selon laquelle les métaphores conceptuelles, qui sous-tendent les expressions métaphoriques dans la langue, structurent notre perception de la réalité et influencent notre comportement.

7 Jolanta Maćkiewicz, qui a étudié les publicités polonaises, distingue encore une autre va-riante de la métaphore guerrière : l’environnement est un agresseur, la peau est une femme qu’il faut protéger et les produits de beauté – son défenseur (Maćkiewicz, 1995 : 235).

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du vieillissement prématuré », Estée Lauder, Re-Nutriv Intensive Lifting Serum), bouclier (« un véritable bouclier anti-radicalaire », Avène, Ysthéal+ crème), etc.

La publicité de la crème Superdefense de Clinique parue dans Cosmopolitan est à cet égard exemplaire. La place centrale de l’annonce est occupée par une photo qui représente un pot de crème ouvert dont le couvercle métallique est ten-du comme un bouclier reflétant les rayons solaires. Le message, riche en référen-ces militaires (« système naturel d’autodéfense », « s’en prendre à », « ennemis de la peau », etc.), est construit autour de deux termes pivots ; Superdefense, le nom du produit et l’autodéfense, la capacité naturelle de la peau à se protéger contre le vieillissement. La stratégie argumentative repose sur l’assimilation progressive de ces deux termes. Le slogan-accroche annonce : « Demain, l’autodéfense sera la meilleure arme contre les signes visibles de l’âge. Demain, c’est aujourd’hui chez Clinique ». Le rédactionnel explique ensuite que Superdefense est un soin hydratant qui renforce les défenses naturelles de la peau et, de ce fait, devient l’un des éléments de ce système naturel de protection. La dernière phrase résume ce circuit argumentatif : « Cela fait bien des raisons de penser que Superdefense de Clinique est la meilleure arme d’autodéfense ».

« De la science à la beauté » (Dermo-Expertise, L’Oréal)

L’aspect très moderne de l’emballage de Superdefense correspond au caractère moderne de la lutte contre le vieillissement cutané qui rappelle une opération militaire planifiée et précise, comme en témoigne l’emploi des termes stratégie (p.ex la gamme Stratégie Jeunesse de Gatineau) et soins ciblés. Les principaux al-liés de la femme dans ce combat sont : la science, qui selon l’image de la marque peut être associée à la nature, par exemple chez Clarins, et la technologie.

La science compte parmi les « grands acteurs autoritaires anonymes », selon le terme de Christian Plantin (1996 : 90), qui sont cités comme « garants de la justesse du propos » (Plantin, 1996 : 88) au même titre que les autorités humaines. Les références à la Science, directes ou sous forme de « connotations autoritaires », expressions connotant un discours qui jouit d’un prestige (Plantin, 1996 : 91), constituent donc un puissant argument d’autorité. En même temps, elles modifient l’image du vieillissement qui devient un problème médical, guérissable grâce au diagnostic précis de ses causes et la mise au point de soins appropriés. La présen-tation des produits anti-âge de Lierac illustre bien cette stratégie argumentative : « Étroitement associés aux organismes de recherche scientifique les plus avancés […], les laboratoires LIERAC ont activement participé à de très nombreuses étu-des qui ont permis de mettre en évidence les différentes causes du vieillissement cutané. Cette meilleure compréhension du vieillissement cutané […] a permis aux Laboratoires LIERAC de mettre au point de véritables lignes de soins anti-âge spécifiques, adaptées à chacun des signes du vieillissement cutané ».

L’image du vieillissement en tant que problème médical est surtout créée dans les descriptifs des produits anti-âge disponibles sur les sites Internet ou parus,

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sous une forme abrégée, dans les annonces dans la presse. D’une part, ils donnent un diagnostic réaliste des causes et des symptômes du vieillissement : « Après 50 ans, à la ménopause, la peau se dessèche, s’affaisse, s’affine. Elle a besoin d’être nourrie, redensifiée, repulpée. Garnier a créé un soin qui combat les effets du vieillissement causés par les changements hormonaux (dessèchement, relâche-ment cutané, creusement des traits, affaissement de l’ovale du visage) ». D’autre part, ils détaillent la composition et les effets des produits : « Pour la première fois, les Laboratoires de l’Oréal créent une formule spécifique contre les rides de cassure en associant Pro-Rétinol A, un puissant actif anti-rides qui stimule la régénération cutanée et le Fibro-Plastyl qui favorise la production de fibres de soutien de la peau » (L’Oréal, Revitalift Rides de Cassure).

Comme le montre ce dernier exemple, la médicalisation du discours publici-taire se traduit également par l’emploi régulier de termes savants. Les emprunts au langage scientifique apparaissent non seulement dans les rédactionnels, mais aussi dans les slogans (« ‘Immunisez votre peau’ contre les signes visibles de l’âge », Estée Lauder, Re-Nutriv) et dans les noms de produits formés selon le modèle de la composition savante : Biotherm (L’Oréal), Hydra-Chrono (Lierac), Morpholift (Lancôme). C’est notamment le langage de la chirurgie esthétique qui est une source privilégiée d’emprunts, comme en témoignent les noms Super Lift Absolu (Shiseido) ou High résolution collaser – 48™ (Lancôme). Les réfé-rences à la chirurgie esthétique, qui soulignent la performance des soins anti-âge en comparant leurs effets aux effets des interventions chirurgicales (« la peau est comme liftée », Estée Lauder, Ultra Lift Fermeté), renforcent l’image moderne de la lutte contre le vieillissement8.

La performance de l’arme cosmétique est aussi mise en relief à travers le champ lexical des technologies de pointe. Les publicitaires emploient volontiers le terme même technologie (« une technologie anti-âge unique », Estée Lauder, Re-Nutriv Intensive Lifting Serum) ainsi que des termes appréciatifs qui servent d’habitude à caractériser les technologies modernes :

• des adjectifs ou des compléments déterminatifs qui expriment l’idée de performance : performant, sophistiqué, révolutionnaire, du 21ème siè-cle (« des soins anti-âge sophistiqués à la fois ultra performants et ultra doux », Estée Lauder ; « le système anti-âge ABSOLUE du 21ème siè-cle », Lancôme),

• des préfixes et des adjectifs qui marquent une intensité forte : ultra, su-per, extrême, absolu (Super Lift Absolu, Shiseido ; Resilience Lift Ex-treme Crème Nuit Ultra Lift Fermeté, Estée Lauder).

8 Ce procédé semble si répandu qu’il a même été proscrit par le Bureau de vérification de la publicité dans sa Recommandation Hygiène et Beauté de mai 2006 (www.bvp.org/fre/High/informations-generalistes/ recommandationsdeontologiques/integraldesrecommanda-tions/10122/recommandationhygienebeaute2006.pdf).

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Un produit performant à une femme performante. Le discours médico-techno-logique modifie non seulement l’image du vieillissement mais aussi l’image de la consommatrice qui n’est plus une femme faible, passive, qui subit le cours na-turel des choses, mais une femme moderne, active, battante, une consommatrice avertie et exigeante.

« Maîtriser le temps par l’efficacité scientifique » (Shiseido)

Un combat si moderne ne peut rester sans résultat : la publicité fait croire aux consommatrices que le vieillissement n’est pas un processus irréversible. Le re-tour en arrière s’opère surtout à travers l’emploi de verbes de changement, no-tamment ceux qui comportent le préfixe re- (ré-, r-), élément qui exprime, entre autres, l’idée de « retour à un état antérieur » (Le Petit Robert, 2007). Les verbes comme restructurer, regonfler, redessiner abondent dans les rédactionnels où ils servent à présenter les effets des produits vantés : « Ce sont deux produits com-plémentaires : un soin reconstituant anti-rides repulpant à usage quotidien pour regonfler les rides même marquées et un Roll-on liftant anti-rides retonifiant pour stimuler la tonicité et retendre la peau. » (Garnier, UltraLift Pro-X). Le préfixe re- est également présent dans les noms de produits (Revitalift, Re-Nutriv, Re-lance Ultra) ainsi que dans les noms de catégories de produits (p.ex. « soin nuit restructurant et refortifiant »).

Beaucoup moins souvent, l’idée d’effacement des effets du vieillissement est exprimée à l’aide du préfixe de- (dé-) qui apparaît aussi dans certains noms de produits (Deridium, Décontract’ Rides), dans les noms de catégories de produits (« soin profond double action défroisseur », L’Oréal, Age Perfect) et dans les ré-dactionnels (« déplisse les rides du front et du contour de la bouche, défronce les rides inter-sourcilières », L’Oréal, Décontract’ Rides).

Si les exemples ci-dessus mettent surtout en relief la possibilité de gommer ou au moins de réduire les effets du vieillissement cutané, certains slogans sem-blent suggérer qu’il est possible d’inverser complètement ce processus. Ce type de message n’est cependant formulé que de façon figurée à travers la métaphore ou l’ambiguïté9. C’est notamment le cas des slogans qui détournent l’expression avancer dans l’âge. Ainsi, dans le slogan d’Avène « Eluage, une réelle avan-cée dans l’anti-âge », le terme avancée désigne le progrès technologique dans le domaine des produits anti-âge, mais la symétrie entre les expressions avancée dans l’anti-âge et avancée dans l’âge semble aussi suggérer une interprétation au second degré où l’anti-âge devient le contraire du vieillissement. Dans la publi-cité de Prevage d’Elisabeth Arden, c’est le slogan « Avancer en beauté » qui sug-gère l’inversion du processus de vieillissement. De l’avancée en beauté au rêve de l’éternelle jeunesse il n’y a qu’un pas. Cette dernière est cependant évoquée moins souvent et toujours associée au progrès technologique, comme dans le

9 La promesse de rajeunissement au sens propre du terme est aussi proscrite par le BVP.

141« JE N’AI PAS L’ÂGE D’AVOIR DES RIDES… »

slogan d’Estée Lauder : « Et si votre peau restait jeune éternellement ? Révolution technologique. Molécule de Jeunesse » (Re-Nutriv Crème suprême jeunesse).

Tous ces procédés offrent aux lectrices le sentiment réconfortant d’avoir une influence sur leur horloge biologique. Tel est le message véhiculé par les publici-tés qui reposent sur la métaphore du temps-adversaire. La publicité de la gamme Bio-Performance de Shiseido est à cet égard révélatrice. « Maîtriser le temps » est ici le mot d’ordre qui organise tout le message. L’idée de contrôle sur le temps apparaît d’abord dans l’accroche – « Maîtriser le temps » –, elle revient ensuite dans le rédactionnel qui mentionne les « actifs purs, haute performance capables de défier le temps » et est enfin réaffirmée dans la phrase d’assise : « Bio-Perfor-mance : un avantage sur le temps ».

L’allongement de la jeunesse et de l’âge mûr dans les publicités des produits de beauté fait de la vieillesse un concept flou, un phénomène toujours en devenir, qui n’est jamais un fait accompli. Le vieillissement du corps est au contraire une réalité. Malgré les tentatives de faire évoluer le discours publicitaire, observables notamment dans la campagne Pro-Âge de Dove, le vieillissement cutané reste toujours stigmatisé. Présenté comme un problème médical, il est expliqué en ter-mes scientifiques et traité à l’aide de produits spécialisés et performants. Ce véri-table acharnement cosmétique pour ne pas faire son âge donne aux consommatri-ces le sentiment réconfortant de maîtriser leur vie et leur corps, la consommation fonctionnant aujourd’hui comme un « anti-destin » selon le terme de Gilles Lipo-vetsky (2003 : 84). Si la consommatrice d’aujourd’hui, avertie et exigeante, ne croit peut-être plus au mythe de l’éternelle jeunesse, elle croit sûrement au mythe de l’éternel rajeunissement, celui de la peau qui se renouvelle et de la femme qui s’auto-crée et qui se recrée chaque jour. Un Phénix version ultra-moderne en somme…

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Abstract and key words

In the era of the cult of youth, old age and ageing constitute a cultural taboo, and in effect, a lin-guistic taboo as well. The copywriters of cosmetics’ advertisements are thus faced with a double challenge. How to make the anti-age products sell by convincing the female clients that they are also subject to the ageing process, without distorting their self image as still young women at the same time? In what way are they trying to achieve this double aim? This article will focus on the analysis of the linguistic representations of ageing, and in general on the passing of time in adver-tisements of cosmetics, on the basis of the corpus of advertisements from women’s magazines and from the websites of well-known brands of the cosmetic industry. The euphemisation of ageing up to the point of its rejection by the myth of everlasting youth, war metaphors, the reference to scientific discourse with particular attention to the medical discourse, are just a few of the linguistic methods applied in order to make women accept their age, but also to persuade them to purchase such cosmetics.

Discourse; cosmetics advertising; social representations; ageing