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LA "BARITJEYCIIE" DU CLOCHER DE SAINT - LÊONA1W ET LES MARCHÉS D'OUVRAGE 0E 1467-1473 Dans la boule qui surmontait la flèche du clocher de Saint- Léonard (1) én n trouvé, lors des réparations faites en 1880, avec quelques autres reliques, un Agnus Dei en argent émaillé renfermant des parcelles de la vraie croix. Ce reliquaire, dont M. le chanoine Lecler a donné la description, accompagnée d'un dessin de M. Louis Bourdery, dans leBullelin de la Société archéo- logique et historique (lu Limousin (2), paraît dater du XIVe siè- cle (3). Le clocher avait été frappé parla foudre, le 15 octobre 1270, et si gravement endommagé qu'il fallut le reconstruire en partie (4). Lorsque les réparations furent achevées, il est pro- bable que le collège des chanoines fit placer dans la houle, au sommet de la flèche, I'Agnus Dei, pour préserver leur église du feu du ciel et des attaques des ennemis (5). La protection ne fut (I) D'après M. le chanoine AibeIloL cette boule, qui avait 0,20 centimètres environ de diamètre, était surmontée d'un coq en laiton de 0,65 centimètres sur 0,45. (Semaine religieuse de Limoges, t. XIX, p. 35). Cf. BuIL de la Soc. areh. et hist. du Limousin, t. XXXVI, p. 257. (2) T. XXXVI, p. 257 et s. (3) Après les réparations faites ou clocher en 1880, cet Agnus Dei n'a pas été remis en place. Dans la description qu'il donne de son revers, M. le chanoine Lecicr dit autour, sur un fond d'émail bleu, on lit, on belle gothique ronde du XIV' siècle: + DE LIGNO S. CRTJCIS D. (Bull. soc. arch. et hixL du Limousin, t. XXXVI, p. 260). (4) Petite Chronique du Chapitre de Saint-Léonard, publiée par.M. le chanoine Lecler dans les Archives historiques de la Marche et du Limousin, t. Il, 1890, p. 454, note 2. - Cf. Bonaventure do Saint-Ainable, Hisi. de Saint' Martial, t. 111, p. 577. (5) Sur le pouvoir de protection attaché aux Agnus Dei, voir Mgr. Barbier de Montanit, Un Agnus Dei de Grégoire XI, dans le Bull. de la Soc, des Lettres, Sciences ci Arts de 'fuite, t. IX, p. 96. - - - Document L liii I II II III DDI IV 111V . _0000005530731 -

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LA "BARITJEYCIIE"

DU CLOCHER DE SAINT - LÊONA1W

ET LES MARCHÉS D'OUVRAGE 0E 1467-1473

Dans la boule qui surmontait la flèche du clocher de Saint-Léonard (1) én n trouvé, lors des réparations faites en 1880,avec quelques autres reliques, un Agnus Dei en argent émaillérenfermant des parcelles de la vraie croix. Ce reliquaire, dont M.le chanoine Lecler a donné la description, accompagnée d'undessin de M. Louis Bourdery, dans leBullelin de la Société archéo-logique et historique (lu Limousin (2), paraît dater du XIVe siè-cle (3). Le clocher avait été frappé parla foudre, le 15 octobre1270, et si gravement endommagé qu'il fallut le reconstruire enpartie (4). Lorsque les réparations furent achevées, il est pro-bable que le collège des chanoines fit placer dans la houle, ausommet de la flèche, I'Agnus Dei, pour préserver leur église dufeu du ciel

et des attaques des ennemis (5). La protection ne fut

(I) D'après M. le chanoine AibeIloL cette boule, qui avait 0,20 centimètresenviron de diamètre, était surmontée d'un coq en laiton de 0,65 centimètressur 0,45. (Semaine religieuse de Limoges, t. XIX, p. 35). Cf. BuIL de la Soc.areh. et hist. du Limousin, t. XXXVI, p. 257.

(2) T. XXXVI, p. 257 et s.(3) Après les réparations faites ou clocher en 1880, cet Agnus Dei n'a pas

été remis en place. Dans la description qu'il donne de son revers, M. lechanoine Lecicr dit autour, sur un fond d'émail bleu, on lit, on bellegothique ronde du XIV' siècle: + DE LIGNO S. CRTJCIS D. (Bull. soc. arch.et hixL du Limousin, t. XXXVI, p. 260).

(4) Petite Chronique du Chapitre de Saint-Léonard, publiée par.M. le chanoineLecler dans les Archives historiques de la Marche et du Limousin, t. Il,1890, p. 454, note 2. - Cf. Bonaventure do Saint-Ainable, Hisi. de Saint'Martial, t. 111, p. 577.

(5) Sur le pouvoir de protection attaché aux Agnus Dei, voir Mgr. Barbierde Montanit, Un Agnus Dei de Grégoire XI, dans le Bull. de la Soc, desLettres, Sciences ci Arts de 'fuite, t. IX, p. 96.

- -- Document

Lliii I II II III DDI IV 111V

. _0000005530731 -

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pas toujours efficace. Atteint plusieurs fois encore (1), le clocherallait subir, dans le siècle méme où il avait été mis sous lapieuse égide, les plus sérieuses avaries.

Une vieille chronique (2) nous apprend qu'en 1467 la foudretomba sur le clocher de Saint-Léonard, le fendit du côté del'Ouest et brisa une des petites cloches. L'évêque de Limoges,

(1) La Petite Chi'onique du chapitre de Saint-Léonard relate, en ces termes,le clégat causé par un coup de foudre en 1403

Notum sil omnibus tara presentibus quota futuris guS die f cxli corporisChrisli, anno Donnai raillesimo quadringenlesimo s&xagesimo tereio, fulgursec (empestas cecidit supra pi g:, acutum monasterii écati Leonardi et f repli unurnsimbolorum vocalorum dobbtiers. Quad simhotu,n fuit denuo hetemosinisbonarum pentium factum, die vicesima men.vis augusti ànno Domini miltesimoquatercenteno sexageno sexto et vocatur Merci ails.

Il ne nous parait pas hors de propos de préciser ici la signification du mot.dobbliers. Nous ne pouvons y voir le nom du donateur, du parrain ou dupatron de la cloche. Ce mot, en effet, a la forme du pluriel; il désigne plusieurscloches (vocatorum dobbtiers) et non pas seulement celle qui a été briséeet qui sera refondue sous le nom de Martial. La cloche, qui fut nomméeMartial, était donc une des dobbtiers. Dans les rubriques ecclésiastiqueson appelle double sus $00F OÙ l'office est plus solennel. Pour certaines fêtesil est d'usage de sonner plusieurs cloches à la fois. Il existe, dans beaucoupd'églises, une couple de cloches dont le son s'harmonise et que l'on met enbranle en rnêi-ne temps. Ce sont, pour ainsi dire, des cloches jumelles. Demême que les fenêtres accouplées, qui éclairent les chevets plats des églises,se nomment triplets si elles sont au nombre de trois, les deux cloches, quel'on avait l'habitude de sonner en même temps pour les doubles et les céré-monies solennelles, portaient le nom de doublets. On lit dans Du Cangc(vo Doble) In (criera prœlati et prbendariorurn... fit sotemnis erepiinscampanarurn vulgo Doble. Nous croyons donc quo les cloches jumelles,qui étai&nt destinées à sonner les dobtis, s'appelaient elles-mômes dobtés,d'où est venu, par corruption, le mot doûbtier.

(2) Voici le texte de cette chronique que nous empruntons à In publicationde M. le chanoine Lecler

Et anno irnmediate preeedenti ( 1467) eccideral fulgur scu tempestas suprapignaculum ecetesie écati Leonardi et fregit dictum pignoculum u parte occi-dentali et unam eampanam ex parvis. Sed dorninus Johannes Barthorlis,Lcmovicensis episcopus, fecit ipsum pignacutrim rehediffleari, et costitit insumma dueentos fientas site libres turonensium. Et cum hoc (ccii fleri bardes-chant site la fustailhe, que fuit (acta per menus cu/usdaïn lignifabri uocatiP. Ruade, cum quodam aiio eousocio vocato Colar Bouleau. Et coust,uetoresdicil pignacuti /ueru et lotionnes de La leu et Cotaudus Il olin. Pior ucro etconventus art requestam ipsius domini episeopi corner hetemosidarn faciendodcderunt dcccv, héros tu,'onensiurn, et cum bot dicta parva campana fuit

.reffacla. Et eciam domini consoles dicte ville Sti-Leonardi dederunt XXXnhéros turonensium et Islam valsera stuc la chaulai que fuit necessaria adreppa,rationem dicil pignaculi, cura incItEs allie juuaminibus et scroiciis.(Arch. hist. de ta Marche et du Limousin, t. Il, p. 44).

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Jean Barton (1), avec les fonds qu'il fournit lui-même et ceux quelui donnèrent le prieur, le chapitre et les consuls de Saint-Léo-nard, fit reconstruire la flèche dans toute la partie endommagée,refondre la cloche et rebâtir la Fiardeyche ou /uslailhe. La res-tauration de la flèche fut confiée aux maçons Jean de Laleu etNicolas Molin; quant à la bardeyche, les maîtres charpentiersPierre Ruade et Nicolas l3ouleuf furent chargés de l'établir (2).

Les conventions qui intervinrent entre le procureur de l'évêqued'une part, et les maîtres charpentiers ci maçons, d'autre part,sont conservées dans les Archives de la Haute-Vienne (3). Ellesnous permettent de définir ce qu'était la bardeyche du clocher deSaint-Léonard ci de préciser Je sens de plusieurs mots techniquesqui ont échappé, jusqu'à ce jour, aux auteurs des glossaires dela vieille langue française. Nous en reproduisons la copie .que M.Antoine Thomas, membre de l'Institui, n bien voulu nousdonner.

Voici d'abord, le prix-fait de la charpenterieLe segond jour de novembre l'an mille quatrecens LXVII,

presens les tesmoigns ey dessoubz eseript, mestre Piero de MeyLrengas comme procureur de revcrend porc en Dieu mous. deLimoges n bailhé a bastir et edifiler la bardeyche du cluchier demonseigneur saint Lienard u Piere Ruada et Colau Boleu char-pentiers de la ville de Saint Lieunard illec presens et acceptanspar la forma et maniere que sensuit.

Et premièrement lesd. charpentiers feront lad. bdrdeychede fuste (4) bien et competement o la ordenanec de maistres etl'ung par l'autre et chacun par le tout.

Jtein led. procureur fournira tout boys breclant (5) et tout

(1) Jean Barton, né en 1417, fut élu te 1 avril 1458 et sacré au moisd'août suivant; il résigna le 4 février 1484 et eut pour successeur, sur lesiège épiscopal de Limoges, Jean Barton de Monthas.

(2) Les noms de Pierre Ruade et de Jean de Lalou se retrouvent sous Inmême forme (tans les marchés d'ouvrage que nous publions plus loin. Nicolas(colaid est la forme familière et patoise de 0e prénom) Molle est nomméGolau de Noysat dans les conventions du 8 décembre 1.467, et Nicholas deNoysat dans un autre prix-fait du 17 mai 1473; Noysat doit être le lieu(l'origine. Golar (Nicolas) Boubou est le même que Golau I3oIeu, de La Palisse,que nous trouvons clans les prix-faits comme témoin et partie contractante.Nous croyons que Bouteou et bleu doivent se traduire par Bouleuf.

(3) G. 170, fo 77.(4) Dois de charpente.(5) Dans le prix fait du 8 décembre 1467 on lit: bort brellan. Nous croyons

que ces mots signifient le bois de futaie sur pied. En vieux franQals forêt se

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charreys et reddra la fuste en pince, corde forte n la leve (1),et toute fer.radure nectessayre n lad. bardeyche.

Item pour ce fore lcd. procureur fournira la somme de trentahuit estutz mantenan courant lesquieulx ce poyeront par cesteinaniere c'est assavoir dix estutz avant la main (2), dix estutzampres que la fuste sera feite aux boys, dix estuts quant la fastesera talhce et huit estutz affin d'obrage.

Item lcsd. charpentiers seront tenus de devaler la fuste dela bardeiche vilhe (3) laquelle faste sera aud. procureur et lcd.procureur fornira corde et force et la despence n la defeire.

Item esd. charpentiers pauseront les saigas et tes entame-ront (4) et feront les joux que seront nectessaires et les randronssonant et lcd. procureur baihera faradura.

Item feront lesd. charpentiers sur lad. bardeyche une couver-turc de post (5) ou de iuelle (6) et lcd. procureur fornira lespost ou le tieule.

Item feront lesd. charpentiers une eschalle manual de la lon-gueur de lad. bardeyche boue et forte.

Item feront lesd. maistres lad. bardeyche de l'outeze (7)qu'est celle que y est apresent et sera feite lad. bardeyclic dedans la lac de la nativité de st Jchan Baptiste prouchainementvenant.• Et de ce fore tenir et observer lesd. parties an nom que dessusse sont obliges et jure et passe letres en lala meilheurforme, presensLienard Danicu alias Igaud et Jehan de Laleu charpentier,.tesmoigns.

N. Havelli clorions (B).

Le prix fait de la maçonnerie fut rédigé en ces termes, quelquessemaines plus tard -

disait brai!, brœil, broet et breil. Erellel était employé pour désigner un boisde petite superficie. (Frédéric Godefroy, Diction, de l'ancienne langue trou-luise). L' évêque fournissait les arbres que les ouvriers étaient tenus d'abattre

leurs frais, (lesd. maistres... abatront la fuste. La fuste sera folie aux boys).(I) Une corde solide pour monter dans le clocher les bois de charpente.(2) Avant de mettre ta main à l'oeuvre.(3) Vieille.

- (4) Nous donnons, dans le texte, l'explication de ce mot.(5) Pas! a 1e sens do madrier, de planche. ce mot est conservé dans le

patois du Bas-Limousin; on dit, à Argentat, La pasl de la cliarninada, laplanche -de la cheoriinée. (Renseignement donné par M. E. Bombai). Postersignifie planchéier (Godefroy. Diction. de l'ancienne Langue /ranaoise).

(6) TucIle cL tieule, tuile.(7) La hauteur.(8) Arch. de la Haute-Vienne, G, 170, f' 77.

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Le Ville jour de decembre l'an mil CCCCLXVIIC, présentPeyr. Ruada e, Colau Boleou charpentiers tesmoigns personale-inen con,stituit, maistre Peyr de Meyrengas corne procureur dereverend payr en Dieu Mons r de Limoges o bailliat a prefTacha bastir de massonaria a Colau de Noysat ci Johan de LaleuIo clueliier de monsr saint Lienard ce que s'en set:

Et primievrament Iosd. inaistres sosdaran (1) la joya de lay (2).on sonen los scigns ou de peyra menuda ou de tailba ainsi quemclii veyrant entre cuix estre faich.

Item siran tengut de sosdar la pile de la testa deu lopt deverscossolat, (3) et la tornar en PestaI que era per avant tant dedinsque de fora.

Item sirant tengut de far las fenestrages ce que eys abatutet le reddre en la forma que era devant et cc den costat deversIo cosso]at.

Item siran tengut de sosdar ung tas de charge que cys deversla sale de monsr et far los arehetz (4) neciessaires tant de dins quedeforo si eys bcsoign.

Item sirant tengut de montar et sosdar la gulha (5) ce que eyscassaI et taraI devers Io costal de cossolat et tornarant las peyrasque son remuda'das (6) per la tenpesta ailhor que deu costatdeud. cossolaL

Et lcd. procurayre bailbera LX te et cinq frans ou livresmonnaie contrite que se pagarant ausd. rnestres per aquestamaniere, soy assabeyz avant, la ma XV livres, et quant la peyraet fusta sira en place XV livres, ci quant cornensarant a massonarXV livres, et XV livres a pousar los archet devant et cent seraaffin d'obragc.

Item bd, procureur sera tengul de fornir tout charreys tantde peyra que de fusta et delievrera LOufa peyrieyra et bostbrellan et las cordas neclessarias et Ioula farradura et plombnectessari et sable et chou.

Item la meytat de la fusta de len arladis (7) sira ausd. rnaistreset l'autre aud. procureur et l'angin sera aud. maistres.

(I) Sosder, boucher, souder (La Cw'ne do Sainte Palaye. Diction. historiquede l'ancie,, langage f,'ançois). Dans le prix-fait du 16 mai 1473, on lit resou-der une pille o. Le sens est rondin solide, réparer.

(2) Voir, dans le texte, l'explication (lue nous donnons de ces mots.(3) Du côté du Consulat, c'est-è-dire la maison commune.(4) Les arceaux, arcs ouarcades.(5) La quiha pour ragnua, l'aiguille, c'est-à-dire la flèche du clocher.(6) Déplacées ou arrachées. (La L'urne de Sainte Palaye, y0 Remuer.)(7) Pour l'cnark,dis. Nous donnons, dans le texte la signification de ce

MOL

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• Item et losd. maistres ourant comput bd. preftach de dinsla feste nostre Dame d'oust prochenenient venant et ce a laordenance de inaistres

Et super hoc fuerunt concesse littere meliore forma.N. Eaelli clericus (1).

Un délai était imparti aux ouvriers pour l'achèvement deleurs travaux; la hardevehe devait être prête le 23 juin 1468; lesmaçons avaient jusqu'au 15 août suivant pour accomplir leurtâche. Ils ne pouvaient se mettre immédiatement à l'ouvrage,la saison n'étant pas favorable. Ne fallait-il pas, d'abord, préparerles bois et faire les approvisionnements ?

Le registre des comptes du receveur de l'évêque nous apprendque, le 15 avril 1468, vingt-huit hommes amenèrent la fastedu clocher; que, le 30 mai, une charretée de pierres fut conduiteà pied d'oeuvre; et que, lés 12, 13 et 14 juin, sept hommes furentemployés à tirer du sable pour la maçonnerie (2).

Pendant (lue des manoeuvres faisaient les charrois, les maîtrescharpentiers descendaient du clocher les bois de la vieille bar-deyche, et avant d'entreprendre l'établissement de la hardeyelienouvelle, ils se rendaient à Limoges le 19 mai ' pour voir cellequi existait dans le clocher de Saint-Martial (3).

Nous savons, par une mention du même livre de comptes,que « les massons commencerent a massonner au cluchier n le24 juin 1468 (4). 11 est probable que, de leur côté, les charpentierss'étaient mis à l'oeuvre dès leur retour de Limoges, car ils reçurentdivers acomptes dans le courant du mois de mai (5).

La bardeyche et la maçonnerie du clocher furent-elles terrai-nées dans les délais convenus? C'est probable, car le dossierdes Archives ne contient aucune réclamation à ce sujet.

Les travaux dont nous venons de parler furent bientôt suivisd'autres réparations importantes. La toiture de la collégialeétait en fort mauvais état. u Le damier jour de novembre (1468),tomba en la eglise de Mons. saint Lienard, devant sainte Kathe-

(1) Arch. de la haute-Vienne, G. 170, f 78.(2) Areh. de la Haute-Vienne, G. 170, 1° 10 v o, 13 y0 et 14 r°. - Voir,

dans le Bali.. de la Soc, des Archives historiques du Limousin (Ire série,t. X, p. 282 et s.), les extraits du registre des comptes du receveur de Salat-Léonard, publiés par M. Alfred Leroux.

(3) Ibid. fo 13, V0.(4) Ibid. 1° 15, r°.(5) Ibid. f' 41, r° et s. -

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rias, cinq ou six chabrons (1) e. La charpente était à refaire engrande partie; soit que la foudre ait de nouveau frappé l'église,soit que les premières réparations aient été insuffisantes, unelézarde s'était produite dans la flèche. II y avait, en outre, àremplacer une des colonnettes des fenêtres, à restaurer tin pilieret la vente basse du clocher. Pierre Ruade et Nicolas Bouleuf,qui avaient édifié la bardeyche, furent chargés des nouveauxtravaux de charpenteric, aux conditions suivantes

Item die XXC mensis februarii anno Domini iniltesimo GCCC0LXX0, presenti venerabili viro domino Johane Rogier, sucten-tore (2) eetclesie Lemovicensis, et magistro Petro de Meyrengis,testibus ad hec vocatis personalitef' eonstitutis, reverendus inChrislo pater et dominus doininus Lemovicensis episcopus tra-didit ad edifficandum de cliarpentarie Petro Ruada et NieholaoBalcon de la Palissa, ibidem preseniibus, videlicet coperturammonasterii sancti Leonardi videlicet a magnoportali dieU monas-terii tendendo usquè pinnaculum cori dicti monasterii et deindetendendo usque ad capellam sancte Catarine prout tendit losexûs (sic) versus dictam capellam et capellam sancte Trinitatis,et hoc per modum qui sequitur. -

Et premieyrament lesd. maistres feront lad. bastimant garaitde tirant, queyreu (3), agulltes (4) grosses et hans ncctcssaires,lesquicuix tirans 'se pauseront sur les queyreux et autres f listesnectessaires bien et competemment n la ordenance de maistrcs.

Item aront lesd. inaisires let lad. hastimcnt dans la Mada-Jonc prochainement vencnt.- hem lesd. maistres abattront le bastiment vieulx n leur

despens et la fusta vilha demeurera a mond. seigneur.Item la tieule vieulx mond. s r le feradevaler n ses despens.Item mond. 5r leur fornira tout boys breclant, tout charreys,

force et corde a la lave et doux nectessaires et la somme dequarante cinq livres t. monaye courant que n promis n payerc'est assavoir a commencement d'obrage XV. I. t., quantcommenseront a taillier en la place XVI. t., item a la lcvc Xl. t.,et u later cinq 1. t.

Item lesd. maistres feront que les chabroux passeront lesgros murs dud.inostier deux pics tant seulement et se penseront

(I) Des chevrons de charpente. 16W., f07, V0.

(2) Pour succentore, le sous-chantre.(3) Carreaux de briques.(4) Chevilles. --

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les tirans sur les queyreux et blot de boys (l) soubz lesd.qucyreux

Et super bec promiserunt dicte partes.....N. flavelli, elericus (2).

Tous -les autres iraaux furent donnés à Jean de JJaleu et àNicolas de Noysat, aussi bien les ouvrages de maçonnerie quecertaines fourniturés de charpenterie pour la bardeyche et lesclochers. Le dernier prix-fait porte In date du 16 mai 1473. Onpetit supposer que les maltres ouvriers, qui avaient refait la bar-deyche et la charpente de l'église, ayant terminé leur entreprise,n'étaient pas à. Saint-Léonard à cette époque et qu'on ne jugeapas utile de les rappeler. D'ailleurs les maçons Jean de La)euet Nicolas de Noysat sont qualifiés charpentiers dans les con-ventions qui suivent; ils remplissaient ù l'occasion l'un et l'autremétier.

La forme du prilTet du cluchier de Saint Lieunard de ce queseront tenus de fere les maistres.

Et premierement seront tenuz lesd. maistres repparer et resou-der une pille au segond fenestrage et sarsir (3) la cuherta de la.testa du lop.

Item au segond fenestrage seront tenus de f cre une pile menuelaquelle est rompue.

Item au tenent de lad. pille seront tenus de repparer le pilon.et rettere les arceux dessus et le borsadis (4) qu -est a dessus dud.pilon en montant jusques n l'agulhe dud. clochie et sarsir lesfendes de lad. agulhe et garnir de crampoux de fer.

Item clouront les deux parties de la ssime (5) de lad. agulliebien et competamment c'est assavoir le pertus (6) desoubz lapoma (7) et l'autre qu'est aupres.

Item adoberont la pille et bus vousours de las cordas deuxsaintz (8) qu'est afolle (9) la ont l'en sono.

(1) i3Ioe de bois, madrier ou cale.(2) Arch. de la Haute-Vienne, G. 170, f 79.(3) Repriser, réparer.(4) Voir dans le texte, nos observations ou sujet do ce mot.(5) La cime.(6) Le trou, la fente.(7) La boule scellée au sommet de la flèche.(8) Nous expliquons cette phrase dans le texte.(9) En parlant des hommes et des animaux, afolier veut dire blesser;

en pariant des choses, ce mot signifie percer, entamer, endommager (GodetroyDiction, de l'ancienne langue française).

« ... je n'ai selle, n'ar2ofl,Tosse, pannel qui ne soit affolé s.

(Eust. Deschamps. Poésies).

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- if -

Item seront tenus de fere lesd. mastres 1111e senture de fuste.pour arester la bardeyche dud. clochier et pauser et fere troysjoux pour les saintz et garnir de coyssinctz et sousder le queyreucasse et ronpu par la teinpesta.

Et par la forme et maniere susd. mond. s r n balhe lcd. priffeta Jehan de Laleu et Nicholas de Noysat charpentiers presens etacceptans.

Et pour cc fere Mond. sr fornira aud. maistres tota matiereen place, chau, sable, pierre ettieule, et tote fuste en place, reserveque lesd. inaistres feront mosdrc (1) le tieulle et peyreiront (2)la talhe, abatront la fuste et feront les clides.

Et rnond. s' fornira corde nectcssaire, plump, charroy, etlesd. rnaistrcs forniront manobre et feront tota leur despense.

Et pour lcd. priffet mond. 5r peyera ausd. maistres trente cinqIl. t., cinq charges de vin de Ylc (3) cL VI sixtiers segle, laquellesomme se poyera c'est asseuvoir avant la main XII )L,VIH Il.apprcs que la talhe sera fecte, et les XV 11. restans la moytie apresque la moytie de la massonarie sera fecte. et l'autre moytie aclaure la porna (4), et lcd. vin et hie a leur volante.-

Fait et passe letres sur ce par moy jure cy dessoubz eseript enla mcilhcur forme, presens mestre Lienard de Villefranche,Lienard Choussade et frere Nieholas Lebloy prieur d'Eyboleou (5),tesmoigns adce appeles, le XVI e jour du moys de may l'an milleCCCC LXXIII, et doit estre compli lcd. preffet dans la lestede Nostre Dame d'oust prochainement venant, et de ce se sontobliges l'un et l'autre et chescun pour le tout.

N. Bavelli, clericus (6).

La chèvre et le treuil, nécessaires pour monter le pièces de lacharpente, furent installés le 2 septembre 1471 (7). Quatre jours

(1) 11 s'agit, probablement, de lu façon de la tuile, qui était à la chargedes entrepreneurs.

(2) Pour pegeroni.(3) Isle, oh-lieu de commune du dép. de la Haute-Vienne. La châtellenie

d'lsle appartenait à l'évêché de Limoges.(4) Lorsque In boule sera scellée à la pointe du clocher.(5) Eybouleuf, eh-lieu de commune du canton de Saint-Léonard.(6) Arch. de la Haute-Vienne, G. 170, fos 79v° et 80.(7) « Le II' de septembre (1471) fores assiges les engins pour monter la

fuste de l'église, et benz XXIII Inaneuvres «. Registre des comptes du receveurde l'évêque de Limoges, publié par M. A. Leroux (Euh, de la Soc, des Arch./us!, du Limousin, t. X, y. 282 et s.).

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après, la charpente était en place (1). Les couvreurs ne commen-cèrent leur travail que le & octobre (2).

•Etienne Ragaveau, forgeron, avait fait la fourniture de toutesles chevilles de fer, des chaînes, bandes, crampons et clous,employés dans les diverses réparations que nous venons derappeler; il avait fait aussi le battant de la grosse cloche. Sonmémoire fut soldé le 17 janvier 1472 (3). La corde qui avaitservi à monter les matériaux fui payée à la fin du mois de décem-bre (4).

Voilà à peu près tout ce que les documents contemporainsnous disent des travaux effectués de 1468 à 1473, au clocher età l'église de Saint-Léonard. Il nous reste à préciser, autant quepossible, ce qu'ont été ces travaux, en donnant la significationde certains mots peu connus, qui ont, disparu de notre langue,et dont quelques-uns sont défigurés sous une forme localecorrompue. -

Le plus important des ouvrages, donné à façon aux maîtrescharpentiers Ruade et Bouleuf, était incontestablement la bar-deyche du clocher. Le prix convenu de trente huit écus, le délaide huit mois accordé aux ouvriers pour l'achèvement de cctravail, prouvent qu'il s' agissait d'une grosse entreprise.

Que faut-il entendre par ce mot bardeyche ? IL se présente,dans la chronique. latine, dans les prix-faits et dans les comptesdu receveur de l'évêque, sous plusieurs formes différentes enlatin bardescha; en patois, bw'decha; en français, 11ardc1jchc,bardciche et bardeche. Sous aucune de ces formes nous ne letrouvons dns les glossaires de la basse-latinité ou du vieuxfrançais.

La hardeyclte du clocher était un bâti de pièces de bois, unouvrage de grosse charpenterie, dans lequel ne devait entrerque de la faste (du bois de charpente) et la ferradure (les ferre-ments) nécessaire. Vingthuit hommes furent employés au

(1) « Led. jour (6 septembre 1471) que je donne à souper a deux maigrescharpentiers pour ce qu'ils avoient love la grand fuste ». (Ibid.). L'usages'est continué, en Limousin, de donner un dîner- aux ouvriers le jour de lalevée (le la charpente (Voir Bôronie et. Vialle. Diction, du palois du Bas-Limousin, u' Levo).

(2) Registre des comptes du receveur do l'6vque de Limoges.(3) Ibid.(4) La corde fut payée 4 Il. 8 s. G d. - Registre des comptes... (Arch. de

la Haute-Vienne, G. 170, f' 69, r').

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transport de cette fuste à pied d'oeuvre. Pour la lever, c'est-à-dire pour la mettre en place, le procureur de l'évêque fournitune forte cordé qui lui couta près de quatre livres et demie. ily avait donc beaucoup de pièces de bois, d'un poids considérable.Cc bois devait être de premier choix et pris dans les futaiesappartenant à l'évêque; les charpentiers étaient tenus d'abattreles arbres et de les équarrir sur place.

Ce qui prouve encore l'importance de cet ouvrage de charpen-terie, c'est que les deux maîtres ouvriers chargés de l'édifier,furent envoyés à Limoges pour étudier celui du clocher de Saint-Martial. La vieille bardcyche de Saint-Léonard ne pouvait passervir dc modèle; il muait faire mieux, s'inspirer d'une construc-tion plus récente, plus savante, plus solide sans doute, et aussimieux appropriée à sa destination. Le travail n'était donc passans difficulté etsortait des entreprises curantes des citarpentiers.

Les considérations qui précèdent suffiraient à démontrer quela bardcyche n'était pas une charpente ordinaire. Pour écarterdéfinitivement cette idée, nous devons ajouter que le clocher deSaint-Léonard est bâti en pierres depuis sa hase jusqu'au sommetde sa flèche.

Faut-il voir dans la bardeyche un ouvrage de défense, unhourd en poutres et madriers, une fortification provisoire dontl'évêque ou les chanoines auraient fait munir la partie hautede la tour du clocher pour résister Ydes attaques imminentes ?Le mot bardeyche ne serait-il pas une forme corrompue dumot bretèche ? La bretèche était un bâti de charpente une sortede tour en bois, formée de pieds-droits et de poutres entrecroisées,crénelée à Pétage supérieur, servant au moyen âge, â l'attaqueou à la défense des villes. On en établissait aussi sur les maisons,sur les portes et sur les tours; elle formait, en cc cas, un appentissaillant, revêtu de madriers et percé d'archères et de machi-coulis (1). Les conditions du prix-fait de 1467 pourraient, enpartie, s'appliquer à la construction d'une bretèche militaire.

Il est impossible, cependant, de s'arrêter à cette signification.Le clocher de Saint-Léonard ne porte, en effet, aucune trace defortification, et les documents anciens qui le concernent ne nousapprennent pas qu'il ait été jamais muni d'un hourd en boisou d'une bretèche de défense. Il faut chercher un antre sens aumot; le contexte des prix-faits, que nous avons reproduits plushaut, nous permettra de le fixer avec certitude. -

(1) Vioflet-Le-Duc. Dictionnaire raisonné de l'Architecture française duX10 au XVI' siècle, VO BRETEcHS, t. H, p. 244 et ss.

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Le mot hardeyche dérive évidemment de bretèche. On trouve,dons des écrits du XV O siècle, bc,'lece et berlesche pour bretèche (1)..Le changement du I en d s'explique par une corrupi ion dialec-tale. Or, dans le langage du moyen âge, les tours roulantes encharpente, destinées à l'attaque des places, sont appelées indiffé-remment bretèches ou beffrois (2); les deux mots sont synonymes.Le mot beffroi avait deux significations distinctes il désignaitaussi bien la machine de guerre que le bûti en charpente servantà contenir, à suspendre et à faire mouvoir les cloches. Dans lesdeux acceptions le mot beffroi s'appliquait à des ouvrages enbois, de même nature, presque de même forme, construits d'une,façon analogue, mais ayant des destinations différentes. Plus tard,comme le dit Viollet-Le-Duc, « prenant le contenant pour lecontenu, on o donné le nom de beffroi aux tours renfermant lescloches de 1h commune (3) s et û l'étage du clocher contenant lescloches de l'église. Mais, malgré cette extension, très naturelle,le mot a conservé sa signification d'origine. Les gens du métierne confondent pas le beffroi et le clocher; ils savent que, dans lesclochers en pierre surtout, le beffroi doit être indépendant dela maçonnerie, reposer sur des corbeaux ou sur une retraite, etne pas toucher les parois extérieures des murs, afin d'éviter l'é-branlement que donnerait à la tour la volée des cloches.

De là est venu l'usage d'établir, dans les clochers en pierre,des appareils en grosse charpente, pour la suspension et la sonneriedes cloches, rcssem.blant, par le système de leur construction. etles matériaux employés, aux bretèches ou beffrois militaires.

La hardeyche de Saint-Léonard ne pouvait être qu'un beffroide ce genre. Il suffit de se reporter au marché du 2 novembre1467 pour sen convaincre. Les charpentiers, chargés de la bâtir,devaient, en effet, poser les cloches (les saiyns), avec tous leurs

(1) l'uel li Calais drecier eu hautUne bertece defendantEt bat-es landes nouai.

(Durmars 1h Gallois, 13036, Slengel).Les damoiselles estoieni monices sur les berlesches que de dras n or bain niaient'Laveries,

(Gir. Le Court, Val. chr. 1501, 10

F. Godefroy (Diction. de l'ancienne langue française) cite plusieurs réfé-rences pour celle dernière forme. - Cf. Viollet-Le-Duc (V° Bnsràcur)qui e relevé les formes hcrlesche et berteiche.

(2) Viollet-Le-Duc, Diction, raisonné de l'Architecture V° 13Err801, p 186et suivantes.

(3) Viollet-Le-Duc. Vo BEFFROI.

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accessoires (les enlorneronl (1) ), faire les moutons (les jouoe (2) )nécessaires les mettre prêtes à sonner (les randrons sonani).Cet article est compris dans un forfait n'ayant d'autre objet quel'établissement de la hardeyche. La destination de celle-ci n'estdonc pas douteuse: elle était faite pour le logement des cloches.

II n'existe plus de beffrois du moyen âge; ces ouvrages eu bois,soumis à un ébranlement répété chaque jour, exposés aux coupsde foudre et aux incendies, ont duré moins longtemps que lesclochers en pierre qui les contenaient. En s'inspirant des débrisde ceux qu'il a pu voir et aussi des documents anciens, Viollet-Le-Due n rétabli les beffrois de Notre-Dame de Paris tels qu'ilsdevaient être dans l'origine. A raison de leur vaste proportion,un escalier en bois, établi dans la charpente, permet d'arriverjusqu'aux coussinets sur lesquels reposent les tourillons desmoutons. Le beffroi de Saint-Léonard, dont la largeur et lahauteur étaient beaucoup moins grandes, ne comportait pasd'escalier; le marché de 1467 nous apprend que l'escalier étaitremplacé par une échelle à main.

Les beffrois de la cathédrale de Paris, occupant la partie hautedes tours, sont abrités par la couverture même de ces tours,qui, placée à quelques mètres au-dessus des cloches, sert à lafois de toiture et d'abat-son. Il ne pouvait en être ainsi dans leclocher de Saint-Léonard. La flèche en pierre, qui s'élève au-dessus du beffroi, met celui-ci à l'abri des intempéries; mais leson des cloches, si rien ne l'avait arrêté, serait monté dans levide de la flèche. S'y répercutant

et s'y brisant, il aurait produit

des résonances et des dissonances qui auraient fait perdre lanetteté et contrarié l'harmonie des sonneries. Cet inconvénienteut été grave surtout quand plusieurs cloches étaient mises enbranle en même temps. Il était donc nécessaire d'empêcher lesondes sonores de se perdre et de s'entre-choquer-dans la flèche.

Par le marché du 2 novembre 1467, les charpentiers étaienttenus de faire sur la «bardeyche une couverture de post ou de•bielle ». Nous croyons que cette couverture était prévue pourobvier à l'inconvénient que nous venons de signaler, et ne pouvaitavoir d'autre objet. Ce qui prouve qu'elle n'était pas destinéeà servir de toiture, à proprement parler, c'est que les charpentiers

(1) Enlorner, dérivé de enfoui';,, salops. Les charpentiers devaient mettreles entours des cloches, les accessoires nécessaires pour qu'elles puissentsonner, attacher les battants, les chaînes et les cordes.

(2) Le mot joug, pris dans le sens de mouton de cloche, s'est conservédons le langage limousin.

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avaient la faculté de l'établir en posl, c'est-à-dire en planches.Us pouvaient y employer des tuiles, s'ils le jugeaient à propos,mais n'y étaient pas tenus. Une toiture en planches eut étéinsuffisante pour ahi9ter les cloches et la charpente du beffroi;elle convenait, au contraire, pour les couvrir, puisque la flèche lespréservait de la pluie. A notre avis, la couverture de planchesou de tuiles devait être comme un chapeau, comme un plafond,isolant J'étage du beffroi et le séparant de la flèche.

L'orage de 1467 avait causé d'importants dégats au clocherde Saint-Léonard. La face de la tour, du côté de la Maison coin-mime (dcii casiol devers la cossolai) semble avoir été parliculié-renient éprouvée. Les réparations, confiées aux maîtres maçonsNicolas de Noysat et Jean de Lalcu sont déterminées par leforfait du 8 décembre 1467; mais il n'est pas toujours facile depréciser, aujourd'hui, la nature des travaux qu'ils avaient àexécuter.

A l'article premier, nous lisons e !osd. inaisires sosolaran lajoya de log on sonen los seigns ou de peyra inenuda ou de lailha.. e.Quelle est la signification de ces mots ?.Dans un procès-verbalde l'état de l'église de Saint-Léonard, en date de 1457, il estquestion d'une jouha (ai. joha) lapidea qui soutient le monas-tère (1). Sous ces trois formes différentes, joya, joulw, joua, lemot est le môme. On ne le trouve pas dans les glossaires. N'a-t-ilpas la même étymologie que le vieux mot français payer, quivoulait dire mur de clôture (2) ? De lui est dérivé bajoyer. Ondit, encore les joues d'un épaulement, pour désigner les paroisd'une embrasure de batterie (3). La joya pouvait donc être laparoi du mur de l'étage' inférieur du clocher, de l'endroit où l'on,sonne les cloches (de lay on sonen las sei,qna).

Cette partie de l'édifice ôtait en mauvais état, et les réparationsfaites en 1468 ne suffirent pas à la consolider. Nous voyons,Cil effet, dans le marché d'ouvrage du 16 mai 1473, que les maîtres

(1) Procès-verbal fait par les commissaires du sônesehal du Li,nousia dela ruiae des maisons épiscopales et églises de Saint-Léonard et de Saint-Junien. (Arch. rie la Haute-Vienne, G. 173.)

(2) Ung jo,sycr faisant closlure 1521, (Arct.. mua, de Laon). Jeterou fouyer désigne plus particulièrement la paroi en maçonnerie qui revetla chambre d'une écluse. Bajoyer n le même sens. (F. Godefroy. Diction, del'ancienne langue française).

(3) Littré. Dictionnaire, V Joue.

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maçons furent chargés de réparer « la pille et tous vousours delas cordas deux gainEz qu'es fofolle la ont l'en sona s. Ici la déter-mination du travail est assez facile. La voûte des cordes descloches est celle qui couvre l'étage inférieur du clocher, percéd'une large ouverture circulaire ou de petits trous par lesquelspendent les cordes (I). C'est sous cette voûte que se tiennentles sonneurs. Elle était afolle, c'est-à-dire endommagée.

Du rapprochement des passages qui précèdent de ces deuxdocuments, ne peut-on pas induire, avec vraisemblance, que leprix-fait de 1467 visait la réparation du mur, et celui de 1473 laconsolidation de la voûte du même étage du clocher ?

Les maçons avaient à consolider (sosdar) la pilé de la tête duloup, du côté du Consulat. Nous n'avons aucun renseignement surla pile ainsi désignée. Son nom lui venait probablement d'unmascaron, d'un corbeau ou d'une gargouille représentant unetête de loup. Elle était recouverte d'un petit toit ou d'un glacisen pierre, car, en 1473, les ouvriers rejointoyèrent la cuberla dela lesta du iop.

Les travaux ordonnés en 1467 comprenaient encore la restau-ration des fenêtres dont certaines parties, du côté du Consulat,avaient été endommagées, la reprise d'un tas-de-charge, et lareconstruction des arcades ou arcatures détériorées, tant à l'ex-térieur qu'à l'intérieur. Enfin, - et c'était le plus gros et leplus difficile de la tâche, - les maçons devaient remonter laflèche (mon far et .çosdar l'aqullza) en emplocliant les pierresarrachées par la tempête ailleurs que sur la face tournée versla maison commune.

Une dernière explication peut être nécessaire au sujet d'un desarticles du prix-fait de 1467. Le travail étant terminé, à quiappartiendra le bois d'échafaudage et l'appareil qui aura servià monter les matériaux ? Les parties en décident de la façonsuivante cc la meylal de la fusla de l'enarladis sira ausd. ,naistreset l'autre aud. procureur et l'an gin sira aud. ,naislres ". L'enarladis,c'est l'ensemble des bois de l'échafaud (2). L'engin, c'est laroue, 1e treuil ou la chèvre du chantier.

(1) M. Bombai nous donne, ù ce sujet, le précieux renseignement suivant:« Vousour de las cordas deux saint: désigne certainement la voûte où pendentles cordes des cloches. Dans l'église rt'Argent.at, avant le déplacement duclocher, In travée, qui est aujourd'hui ii la gauche en entrant, se nommaitles cordes des sings; elle était sous le clocher, et c'est de lA qu'on tirait lescordes .

(2) Enartadis vient de enari, échafaud, échafaudage de maçon. Enartaveut dire échafauder. (Frédéric Mistral, bichon, provençal français).

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Les actes du 20 févier 1470, et du 16 mai 1473 ne présententqu'une seule difficulté d'interprétation. il suffira pour le surplus,de rappeler le sens de quelques-uns des mots qui s' y rencontrent.Dans le premier de ces marchés, il s'agft de la reconstruction dela charpente des bâtiments. Cette charpente doit avoir ses tirants,ses chevilles (agulisas grosses) et ses liens. Aucun doute n'estpossible sur la signification des mots qui précèdent. En est-ilde même du mot queyreux ? Dans le dialecte limousin, qucyrcu(al. queirel) veut dire ni' carreau de brique (I). Tel est, à notreavis, le sens qu'il faut lui donner ici. Pour être bien assis, lestirants devaiènt reposer sur des briques (el se pouscronl les lironssur les que yreux), et les briques devaient être placées elles-mêmessur des cales en bois (biol de boys sou b; lcsd. quegreux). Ce systèmede construction, consistant à caler avec des blocs de bois desmatériaux de maçonnerie, peut paraître défectueux; mais lesexemples n'en sont pas rares dans les édifices du Limousin.

Nous relevons, dans le dernier des documents, un mot dontla signification est moins certaine. Les maçons doivent s repparerle pilon cl reffere les arceaux dessus et le borsadis qu'esl au dessusduel. pilon en moutonl jusques o l'agullme e. Ce travail intéresse,'évidemment, la partie haute de la tout'. On reconnait, dans lepilon et les arceaux dont il est parlé, les arcatures qui ornentle dernier étage de la tour du clocher. Quant au borsadis, nous nepouvons donner qu'une interprétation hypothétique. L'étymo-logie du mot nous est inconnue. L's de borsadis ne permet pasd'y reconnaître un dérivé de hourda qui voudrait dire bord,bordure, rebord. Il aurait plutôt la même origine que bout-seauqui désigne une moulure ronde du sommet d'une toiture (2).La tour de Saint-Léonard se termine par une moulure en pierre,au-dessus de laquelle est le départ de la flèche. Cette moulurene serait-elle pas le borsadis du prix-fait de 1473 ?

Les observations qui nous ont été suggérées par les marchésd'ouvrage relatifs aux réparations du clocher et de l'église deSaint-Léonard prouvent l'intérêt queprésentent les documents dece genre. Ils sont aussi précieux pour l'archéologie que pour laphilologie. On y trouve M date précise de restaurations et de

(l F. Mistral. Diction. VO QUEVUEU. - néronie et Vielle. Diction. 'dupatois du Bas-Limousin, V' QUFIREL.

(2) Littré. Dictionnaire, V° BounsEAu.

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remaniements qui ont pu modifier l'aspect primitif d'un édifice,l'indicatioii. des circonstances dans lesquelles ces travaux ontété exécutés, les conventions intervenues entre les parties,les délais imposés aux ouvriers, le prix della main-d'oeuvre,les modalités du paiement. Aussi faut-il les rechercher avec soindans nos archives, et les publier pour le grand profit des historienset des archéologues.

Limoges, imp. Ducouitiewa et Gout, 7. rus de, Arènes, Limoges