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Saison 2016/2017 | www.espace-rohan.org

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Représentation scolaire :

Mercredi 29 mars 2017 à 9h30

Représentation tout public :

Mardi 28 mars 2017 à 20h30

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Dossier pédagogique

LE PRINCE TRAVESTI De Marivaux

Mise en scène Daniel Mesguich

Créé en juillet 2015 au Théâtre du Chêne Noir en Avignon

Reprise du 9 mars au 10 avril 2016 au Théâtre de l’Epée de Bois

Ce dossier est destiné aux enseignants qui souhaitent emmener leurs élèves au spectacle. Il peut être utilisé de plusieurs façons :

soit avant la représentation, pour les préparer au spectacle, et particulièrement à la langue du XVIIIème siècle ;

soit après la représentation pour analyser les éléments constitutifs du spectacle. Donnés à titre indicatif, ils peuvent être travaillés dans un ordre différent.

Avant de voir le spectacle : la préparation au spectacle

Présentation : l’affiche, le résumé, A propos du Prince Travesti

Les biographies : Marivaux, Daniel Mesguich

Note d’intention du metteur en scène et interview

Le Prince Travesti en 1974

La langue : Etude d’un extrait du texte

Prolongements

Annexe 1 : Daniel Mesguich et le théâtre Après avoir vu le spectacle : les pistes de travail

Traces et remémorations du spectacle

Scénographie et mise en scène, décor, costumes, son, lumières …

Prolongements

Annexe1 : le décor

Annexe 2 : les costumes

Annexe 3 : la musique

Annexe presse

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Avant de voir le spectacle: La préparation au spectacle

I. Présentation

a) Lancement à partir de l’affiche

Faire réagir les élèves devant l’affiche.

Titre, auteur, lieu, équipe artistique, dates, accroche.

A remarquer : la charte du Théâtre de L’Epée de Bois (logo) : cela permet la reconnaissance du théâtre sur toutes les affiches de sa saison.

Description:

Dessin stylisé représentant une série de cinq têtes emboitées qui ne se différencient que par leur couleur, qui va du rouge au noir. Un doigt devant la bouche, une main devant l’œil, etc…

Exercices :

Faire composer aux élèves, une affiche du Prince Travesti qui intègrerait les éléments analysés précédemment.

Ceci peut se faire en partenariat avec l’enseignant(e) d’arts plastiques

Demander aux élèves d’imaginer l’intrigue du Prince Travesti à partir de l’affiche. Confronter leur proposition avec le résumé de la pièce.

b) L’Histoire

Le Prince Travesti repose, comme bien d'autres pièces de Marivaux, sur un personnage « travesti », c’est-à-dire qui cache son identité : afin d'explorer le monde, d’étudier la nature humaine et éventuellement de trouver sa future épouse, le Prince de Léon se fait passer pour un aventurier. Il se fait donc appeler Lélio et engager au service de la Princesse de Barcelone. Aimé de la Princesse, Lélio est cependant épris de la modeste mais fougueuse Hortense, qui l’aime aussi...

A propos du Prince Travesti

Le Prince Travesti ou L'Illustre Aventurier est une comédie romanesque en trois actes et en prose de Marivaux, représentée pour la première fois le 5 février 1724 par les Comédiens Italiens à l'Hôtel de Bourgogne.

La pièce est annoncée comme une comédie. Pourtant la présence de princesse, de prince, d'ambassadeur et de roi est difficilement compatible

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avec le genre. Le premier compte rendu de la pièce par le Mercure, en 1824, la présente comme une "comédie héroïque". Les contemporains de Marivaux parlent aussi d’une comédie « di cappa e spada » (comédies napolitaines dans lesquelles sont représentés à la fois des princes et des gens de basse condition). Le genre de la tragi-comédie a aussi été évoqué dans la mesure où la pièce présente un mélange de tons et un dénouement heureux. Les relations amoureuses sont liées, comme souvent chez Shakespeare, au jeu du politique : pour assurer la paix avec la Castille, la Princesse de Barcelone devrait épouser le Roi de Castille. Mais elle est amoureuse de Lélio et souhaite le nommer Secrétaire d’Etat à la place de Frédéric (le conseiller de la Princesse). Le Prince travesti est, d'autre part, la pièce où Marivaux, journaliste et observateur de son temps, se fait le plus polémique : la pièce est censée se passer en Espagne au temps de la guerre entre l’Aragon et la Castille. Mais c’est surtout la Régence, en France, qui est sans doute ici donnée à voir : période d’entre-deux où les valeurs de l’ancien régime commencent à battre de l’aile.

II. Les biographies

Faire trouver aux élèves les éléments marquants des biographies de l’auteur et du metteur en scène. Pour approfondir leurs connaissances, les élèves peuvent faire des recherches et proposer leur propre biographie.

L’auteur : Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Né à Paris le 4 février 1688, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux y fait des études de droit. Il fréquente les salons littéraires de Mme de Lambert et de Mme de Tencin. En 1712, il publie Le Père prudent et équitable, sa première comédie (en vers) puis Le Télémaque travesti en 1714. Il prend parti pour les Modernes dans le dernier épisode de la querelle qui les oppose aux anciens. Il connaît son premier succès en 1720 au Théâtre Italien avec Arlequin poli par l'amour, mais est ruiné par la faillite de Law. En 1721, licencié en droit, il est reçu avocat, mais n'exercera jamais réellement. Il lance Le Spectateur françois, dont il est l'unique rédacteur, à la fois conteur, moraliste, et philosophe. Il l'éditera jusqu'en 1724 et produira 25 numéros. A partir de 1722, il écrit sans discontinuer les chefs-d'œuvre qui continuent à être représentés aujourd'hui : La Surprise de l'Amour (1722), La Double Inconstance (1723), la Fausse Suivante ou le Fourbe puni (1724), L'Ile des esclaves (1725), Le Jeu de l'amour et du hasard, (1730), Le Triomphe de l'Amour (1732), Le Legs (1736), Les fausses Confidences (1737) Les Sincères (1739). En 1742, il est élu à l’Académie française (contre Voltaire). La Dispute (1744), Les Acteurs de bonne foi (1757) sont ses deux dernières pièces marquantes. Malade depuis 1758, Marivaux meurt le 12 février 1763 à Paris.

Marivaux fait des études de droit mais n’exerce pas. Il est impliqué dans la vie littéraire de l’époque (la Querelle des anciens et des modernes, l’Académie française) Il est résolument moderne.

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Le metteur en scène : Daniel Mesguich

Daniel Mesguich compte à son actif plus d’une centaine de mises en scène pour le théâtre, et plus d’une quinzaine pour l’opéra, sur les plus grandes scènes françaises (Cour d’honneur du Festival d’Avignon, Comédie -Française, Théâtre de Chaillot, Odéon, Opéra de Paris, etc.) et étrangères (Moscou, Pékin, Séoul, Brazzaville, Leibnitz, Shanghaï etc.). Daniel Mesguich a également été à l’affiche d’une quarantaine de films de cinéma, (signés, notamment, Michel Deville, Costa - Gavras, François Truffaut, Ariane Mnouchkine) et de télévision (Napoléon, Berlioz, Kafka, etc.).

Au théâtre, il a joué dans ses propres mises en scène (Hamlet, Dom Juan, Platonov,…), ou sous la direction de, notamment, Robert Hossein, Antoine Vitez, Jean-Pierre Miquel,...

Nommé professeur au Conservatoire national supérieur d’art dramatique –dix ans seulement après sa sortie comme élève – il y a enseigné de 1983 à 2014, et en a été, de 2007 à 2013, le directeur.

Il est, aujourd’hui, fréquemment sollicité pour diriger des Master classes à l’étranger (Académie de Pékin, Princeton University, Monterey, Budapest, etc.) et donner des conférences sur l’art dramatique (New-York, Harvard, Oxford, Bogotá, etc.).

Daniel Mesguich est fréquemment invité comme lecteur dans de nombreuses manifestations littéraires (Marathon des mots à Toulouse, Banquet de Lagrasse, etc.), et s’est produit tout aussi fréquemment, comme récitant, aux côtés de grandes personnalités de la musique (Brigitte Engerer, Soo Park, Jean- Efflam Bavouzet, Cyril Huvé, Hélène Grimaud,...) ou sous la baguette de grands chefs d’orchestre (Kurt Masur, Jean-Claude Malgoire, Philippe Bender, François-Xavier Roth, Jean-Claude Casadesus, Emmanuel Krivine,...).

Outre de nombreux articles théoriques sur le théâtre, Daniel Mesguich est notamment l’auteur d’un essai (L’éternel éphémère), d’un Que sais-je ? (Le Théâtre, avec Alain Viala), de trois livres d’entretiens (Le Passant Composé, avec Antoine Spire ; Je n’ai jamais quitté l’école, avec Rodolphe Fouano ; Vie d’artiste, avec Jocelyne Sauvard), d’une pièce de théâtre (Boulevard du boulevard du boulevard), d’un roman (L’Effacée), de nombreuses traductions (de Shakespeare, Kleist, Euripide ou Pinter), et, récemment, d’un livret d’opéra (La Lettre des sables, musique de Christian Lauba).

Daniel Mesguich est tout à la fois acteur au cinéma, au théâtre, en concert ; metteur en scène de théâtre et d’opéra, auteur et traducteur, professeur de théâtre. Un « homme-orchestre », un artiste complet.

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III. Note d’intention de Daniel Mesguich : Le Prince Travesti en 2016

« Dans Le Prince Travesti - manière de conte de fées qui cache sous la langue la plus délicieuse la voix la plus délictueuse - la voix majeure du désir sans dieu - manière de rêve (ou de cauchemar) toute tissée de secrets, de désirs, de menaces et de terreurs, où évoluent, dans un labyrinthe mental, dans un pays de carton-pâte, dans un palais-prison, en lequel, sans cesse, lorsqu’ils ne sont pas en train de s’y perdre, s’espionnent princes, princesse et méchant ministre - nul n’est qui il est. Mais le devient. Par le théâtre. Une Princesse prie sa meilleure amie de dire pour elle à un homme qu’elle l’aime… Mais « pour », hélas, signifie aussi bien « en faveur de » que « à la place de ». « Pour », qui toujours déplace ou remplace, est le mot du théâtre. Le Prince Travesti, en les méandres psychologiques les plus romanesques (et les plus terrifiants : plutôt roman noir anglais que « marivaudage »), colin-maillard métaphysique tout sous-tendu de faux semblants, de chausse-trappes et de miroirs sans tain, triomphe de l’Amour et du Désir sur le Pouvoir et l’Intérêt, spectre incandescent d’un étrange soleil noir en pleine idéologie des Lumières, dit le théâtre même.

Si je mets en scène Le Prince Travesti, c’est que je cherche, une fois de plus, à mettre en scène… le théâtre. »

Daniel Mesguich

Le Prince Travesti - en 1974 !

En 1974, Daniel Mesguich créait, avec sa compagnie Le Théâtre du Miroir, Le Prince Travesti au Bio-théâtre, petit théâtre situé dans les anciennes Halles de Paris, à l’invitation de son directeur Pierre Sala.

Tout juste sorti du Conservatoire national d’art dramatique, Daniel Mesguich signait là sa troisième mise en scène. Marivaux commençait à ressortir des brumes de l’histoire littéraire grâce à la mise en scène de Patrice Chéreau de La Dispute en 1973. Marivaux devenait essentiel, arraché à son rôle de simple étape d’une culture passéiste et référentielle. « Derrière Marivaux le précieux, l’autre Marivaux. Derrière ou plutôt dans les arabesques du langage, l’impétueuse tension du désir », disait à l’époque Daniel Mesguich. Voici un extrait de ce qu’écrivait Michel Cournot dans le Monde : « Dans la vie du Théâtre en France, voici l’évènement de l’année. Ce Prince Travesti de Marivaux, monté par une nouvelle compagnie, celle de Daniel Mesguich, est ce que nous avons vu de plus neuf, de plus fort, de plus beau. Et ce n’est pas tout : si surpris qu’on soit par cet évènement, on en prévoit les conséquences. Il est clair que cette compagnie Daniel Mesguich n’en est ici qu’à ses débuts, qu’elle est porteuse de merveilles, et que chacune de ses créations modifiera, dans son domaine, l’ordre des choses. Il est clair aussi que l’apport inattendu

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de Daniel Mesguich qui implique une pratique nouvelle de l’art du théâtre, va dévier et régénérer l’action des autres compagnies. ». Le retentissement de l’article de Michel Cournot est immédiat : « En 1974, après l’étincelant papier de Michel Cournot, toute la profession théâtrale, Le Monde sous le bras, de Jean Mercure à Jean-Pierre Miquel en passant par André Louis Périnetti, Pierre Cardin et Pierre Bergé, attendaient l'ouverture des portes du Biothéâtre pour assister au Prince Travesti monté d'une manière indépendante par Daniel Mesguich débutant. Ainsi se créait, avec une soudaineté épatante, la brèche-surprise par laquelle il s'engouffra avec les effets que l'on sait. Son profil était certes conforme : garçon, jeune et joli, insolemment brillant, et sorti du Conservatoire. Il n'empêche que la découverte de Cournot était totalement libre de toute pression extérieure. »1 Qui désire qui ? Un homme qui répond au nom de Lélio, mais qui sous ses apparences d’aventurier devenu ministre cache une origine princière, est aimé secrètement de la Princesse Mais Lélio aime Hortense, l’amie de cette Princesse, qui l’aime. Qu’en sera-t-il de la Princesse ? Comment échapperont-ils à sa puissance ? Arlequin, lui, poursuit Lisette, et la fortune. Quant à Frédéric, le conseiller de la Princesse, il court des uns aux autres, éperdu d’ambition. Acharné à perdre Lélio, que lui restera-t-il ?

IV. Etude d’un extrait du texte

Acte 1, scène 3

Rappels sur le personnage d’Arlequin issu de la Commedia dell’arte : L'origine du nom « Arlequin »2 L'origine du nom « Arlequin » est discutée : s'agit-il d'une survivance de Harlequin, Herlequin ou Hellequin, nom d'un diable dans les mystères populaires du XIe siècle? D'une dérivation d’Erlenkönig, farfadet scandinave et germanique ? Le descendant d'Alichino, diable de La Divine comédie de Dante ? Ou encore, le nom dériverait-il de celui du comique italien protégé par Achille de Harlay et nommé Harlayquino ? Pour Donato Sartori (in L'art du masque dans la Commedia dell'arte), le nom est transparent: il est d'origine germanique et désigne le roi (könig) des Enfers (Hell, devenu Herl), certains signes en témoigneraient: la bosse de son crâne qui est un reste de cornes, sa voix de fausset, le rythme de son pas, ses gestes obscènes et scatologiques.

1 Faut-il brûler la critique ? par Michèle Venard (Article publié dans le n°7 d'Action

Théâtre, Journal du Centre Français du Théâtre, automne 97) 2 Le genre théâtral au Baccalauréat, Lacoste 2009

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Arlequin est un des plus fameux «zanni», né dans la zone pauvre de Bergame. Sot et très crédule, c'est un bouffon, un mime qui fait rire le public avec ses mouvements, gesticulations et flexions de voix. Il évolue pour devenir couard et superstitieux ; son manque de nourriture et d'argent devient chronique. En général, il est le valet fidèle d'un noble, amoureux d'une servante, avide, toujours plongé dans les ennuis dont il essaie de se tirer avec esprit. Il a des mouvements de chat, prompt à l'attaque. C'est un individu amoral plus qu'immoral, crédule et sensuel. Marmontel dit de lui : «Son caractère est un mélange d'ignorance, de naïveté, d'esprit de bêtise et de grâce ; c'est une espèce d'homme débauché, un grand enfant qui a des lueurs de raison et d'intelligence, et dont toutes les méprises et les maladresses ont quelque chose de piquant. Le vrai modèle de son jeu est la souplesse, l'agilité, la gentillesse d'un jeune chat, avec une écorce de grossièreté qui rend son action plus plaisante ; son rôle est celui d'un valet patient, fidèle, crédule, gourmand, toujours amoureux, toujours dans l'embarras, ou pour son maître ou pour lui-même; qui s'afflige, qui se console avec la facilité d'un enfant, et dont la douleur est aussi amusante que la joie.» A l’origine rustre, naïf et balourd, le personnage est devenu plus rusé, vif, cynique, immoral, usant parfois d’un langage scatologique. Optimiste, il trouve toujours une solution à tout. Paresseux, gourmand et coureur de jupons, il sait aussi être gentil et fidèle. Il est le préféré des enfants, car, sous bien des traits, il leur ressemble. Il s’apparente au chien par sa fidélité et obéissance, au singe par son agilité et au chat par son autonomie et indépendance. Arlequin aime à s’amuser et faire de l’esprit.

La première scène

La didascalie du début de la scène est intéressante car elle donne une indication sur la façon dont Arlequin déambule sur le plateau :

- «d’un air désœuvré» c'est-à-dire comme quelqu’un qui n’a rien à faire, mais en même temps «en regardant de tous côtés», c'est-à-dire aux aguets, curieux de tout, presque comme espionnant.

- Puis il voit les deux femmes, il « veut s’en aller», comme s’il était en tort, comme si, en traînant ainsi, dans ces appartements, il n’était pas à sa place et risquait d’être puni.

On retrouve donc dès le début de la pièce des traits de caractère du valet de la Commedia dell’arte : vif, rusé et couard. Abordé par la Princesse il répond par une phrase de politesse emberlificotée qui prête à rire, dans laquelle il se caractérise : il se dit étourdi et nigaud. Il annonce déjà la couleur face à la Princesse qui lui est supérieure socialement. On peut retrouver en lui encore un mélange de rouerie et d’intelligence. Pour justifier sa présence, il va flatter la Princesse en vantant la beauté de ses appartements. Mais là encore, il joue avec le langage, et dans la seconde partie de sa tirade, l’éloge se fait critique : il oppose la richesse des uns à la misère des autres et compare la situation sociale des nobles à celle de ceux qui les servent. On entend ici Marivaux qui parle par la voix du valet : «Que vous êtes riches, vous autres Princes ! Et moi, qu’est-ce que je suis en comparaison de cela ?». Mais évidemment, il s’en tire avec une pirouette en se qualifiant immédiatement lui-même d’ « impertinent » et de « sot ». Sa

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charge continue : «vous vous amusez à être riches, et moi je m’amuse à être gaillard». Il fait comprendre à ses interlocutrices que Lélio ou un autre maître, pour lui, c’est du pareil au même, que c’est le hasard qui l’a placé sur le chemin de son maître, et que celui-là en vaut bien un autre, que pour les gens comme lui, le principal est de trouver à se placer. On peut remarquer qu’Arlequin ne répond en aucune façon à la curiosité des deux femmes, et qu’il se livre à un bavardage qui ne prête pas à conséquence pour son maître : les deux femmes n’apprendront rien de plus de sa bouche sur Lélio. Arlequin, ici, fait le naïf, l’idiot et, comme le valet de la Commedia dell’arte, on sent qu’il sait être reconnaissant à son maître d’être bon avec lui et qu’il lui sera, sans doute, fidèle.

Les réactions des deux femmes : leurs différences C’est la Princesse qui, dans un premier temps interroge Arlequin. Elle le tutoie. Elle s’enquiert de Lélio. Par deux fois, elle lui demande où est son maître, sans se formaliser, s’amusant, même, des paroles un peu impertinentes d’Arlequin. Quand il veut repartir, sentant qu’il a jeté le bouchon un peu loin, elle l’en empêche («arrête, arrête»). Plus tard, en aparté, elle commente sa bonne humeur, puis rit quand il raconte comment il a rencontré Lélio. En fait, elle semble magnanime, affable, de bonne composition, et bien disposée à son égard. Il est vrai qu’elle cherche à obtenir de lui des renseignements sur son maître… Hortense aussi tutoie Arlequin. Elle rit d’abord à sa première tirade. Elle le trouve plaisant. Puis, voyant que la Princesse n’arrive pas à le faire parler de son maître, elle le questionne habilement à son tour pour essayer d’en apprendre davantage, mais sans succès, car Arlequin, d’une certaine façon, ne semble que parler pour ne rien dire. Elle intervient même directement («on dit qu’il est grand seigneur»), pour tenter de forcer les choses. Elle paraît un peu mécontente, pourtant, de la réponse d’Arlequin («tu me réponds comme si tu ne savais pas qui il est»). Sans traiter Arlequin de menteur, elle est, semble-t-il, dubitative. Mais elle est arrêtée par la Princesse qui comprend, après la dernière réplique d’Arlequin, qu’il est inutile d’insister, et qui coupe court à l’entretien.

La dernière réplique d'Arlequin. « La Grandeur de Madame l’a trouvé brave homme, elle l’a favorisé de sa faveur ; car on l’appelle favori ». Arlequin joue avec les mots : d’abord la «Grandeur de Madame», qui fait une métaphore du statut social de la Princesse et qui rejoint le terme «votre Principauté» du début de la scène ; ensuite, concernant Lélio, «brave homme», c’est-à-dire «honnête homme» dans le sens de «homme du monde, agréable et distingué par les manière comme par l’esprit et les connaissances» ; et enfin la déclinaison du mot «faveur» sous sa forme verbale («a favorisé») et substantive («favori») . Arlequin décrit puis dénonce les mœurs des courtisans qui apportent leur respect et leur amitié à celui qui a la faveur des princes, et par extension, à son valet. Il explique qu’il ne voit aucune raison pour que cela soit ainsi, et que cela ne change en rien ce que son maître et lui sont : «il n’en est pas plus impertinent qu’il était pour cela, ni moi non plus». Il y a peut-être quelque amertume chez Arlequin qui ne se sent pas apprécié pour ce qu’il est, mais parce qu’il est le serviteur de Lélio : «c’est un drôle de métier que d’avoir un

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maître ici qui a fait fortune ; tous les courtisans veulent être les serviteurs de son valet». Les rôles sont inversés, et cette situation ne lui plaît guère. Il s’en plaint à la Princesse : c’est assez téméraire, puisque c’est elle qui est à l’origine de cela ! On peut dire qu’il est plutôt courageux, ou alors très bête…

V. Les présupposés de la mise en scène

On peut étudier, dans ces propos recueillis auprès de Daniel Mesguich, sa vision du théâtre, celle du Prince travesti, les thèmes du spectacle et les axes qui y seront développés.

« Il y a, voyez-vous, deux manières de faire du théâtre. La première, majoritaire, serait : ces dialogues semblent dire une certaine intrigue, une certaine histoire, je vais donc déployer cette intrigue, l’illustrer, la rendre le plus présent possible, et c’est ça que je dis être le théâtre, c’est ça la mise en scène : tirer du livre les dialogues pour qu’ils se déploient dans l’espace, en, mettons, une heure et demie, deux heures, et que ça raconte une histoire. Mais il y a une autre façon de faire du théâtre (qui est la mienne), qui est d’imaginer qu’il n’y a là aucune histoire qui tienne, que ce n’est pas une histoire, non, mais du texte, des mots, des lettres, un point inaccessible dans la pensée, dans l’esprit. Un point dans l’inconscient, pourrait-on même dire. C’est-à-dire, quelque chose qui nous échappe. Un point, par définition, n’a pas de dimension. C’est une donnée dont on ne pourra jamais rien savoir si on ne l’extrait pas du blanc de la page, ou de la nuit en nous, et si on ne la déploie pas en, mettons, une heure et demie, deux heures... Ce point mystérieux, le théâtre le fait durer, par exemple une heure et demie, alors qu’il n’a aucune durée par définition. Il le déploie sur cent mètres carrés alors qu’il n’a aucune dimension. Et c’est comme si on racontait une histoire, mais cette histoire… n’est pas là pour raconter une histoire, si j’ose dire, mais pour, de manière métaphorique, de manière décalée, montrer, donner à lire quelque chose qui ne serait pas visible sans cela, sans cette opération. Alors, je ne vais pas, à mon tour, tenter de la résumer, puisque c’est un point, mais disons que ce point serait, ici, par exemple, le glissement d’un sujet à l’autre (d’une princesse à son amie) ; le glissement entre être et paraître (qu’est-ce que c’est qu’être pour quelqu’un, ou devant quelqu’un et qu’être en soi) ; ce serait, aussi, le désir infini de chacun pour chacun ; ce serait, encore, un certain croisement des choses, c’est à dire que d’un côté il n’y aurait, de manière « aristocratique », de manière « apolitique », que le désir, alors qu’au contraire, d’un autre côté, il n’y aurait que l’argent, le politique, la nécessité par exemple de remplacer les riches ou les nobles (Arlequin), et là, il n’y aurait plus de désir amoureux ou sexuel, il n’y aurait plus que du politique, du social : de la même façon qu’Hortense « remplace » la Princesse devant Lélio, (c’est la demande même de la Princesse), et qu’elle la remplace tellement que Lélio tombe amoureux d’Hortense, Arlequin, lui, ne vise qu’une chose, c’est de remplacer Frédéric, ou le Prince, c’est-à-dire : que la bourgeoisie prenne les commandes à la place de l’aristocratie. Et de ce point de vue, il est vrai que Le Prince Travesti raconte déjà la future Révolution française. Marivaux est un précurseur, et sans doute l’est-il davantage, malgré les apparences (il est un auteur de l’ancien régime), que Beaumarchais : il l’a montré dans d’autres pièces, L’ile des esclaves, par exemple (« Appelez-moi Frédéric, dit Arlequin, et vous à cette heure vous

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serez Arlequin »). Tout de suite après, il dit « Non, non, c’était pour rire ! C’était du théâtre, je plaisantais ». N’empêche qu’il l’a dit… Mais je dis, moi, que ça, c’est encore du désir sexuel, même si ça a l’apparence d’un désir social ; j’ai commencé par dire qu’il y avait deux désirs, l’amoureux, le sexuel, et puis le social, le politique, et que cette hétérogénéité se croisait... Mais, en réalité, quand on pousse un peu plus loin ce que nous dit Marivaux, c’est que le remplacement de l’aristocratie par la bourgeoisie montante est la jouissance d’Arlequin ; qu’au fond, il n’y a que du désir. Qu’il n’y a jamais qu’un seul désir, majeur. Qui peut prendre plusieurs formes. Le Prince Travesti est aussi une pièce haute en couleurs, qui fait même un peu peur (j’ai d’ailleurs imaginé que sous le palais, sans doute magnifique, de la Princesse, despote omniprésente et tyrannique, il y avait des souterrains, des labyrinthes, peut-être même des oubliettes, des cachots où l’on torture les opposants, et qu’on y entend de temps en temps les hurlements ou les râles des torturés pendant que l’on se parle délicieusement d’amour). Et tout se passe comme si l’on voulait refouler tout ce qui n’est que moyens pour accéder à quelque fin noble, quand ces moyens sont réputés vils : par exemple, on dit toujours que Frédéric est le « méchant », mais qu’est-ce qui le prouve ? Après tout, il est sans doute ambitieux (comme tous les hommes politiques du monde), et il craint pour la sauvegarde de l’Etat quand il voit un type dont on ne sait rien, un étranger, qui est en train de prendre un pouvoir terrible. Alors, pour savoir ce qu’il en est exactement, il paie, il touche à l’argent, et de ce point de vue, il est méprisable pour la Princesse, ou pour Lélio (« Quelle horreur, quel minable ce Frédéric »). Mais ceux-là ont beau jeu de mépriser l’argent, eux, puisqu’ils sont riches ! Même la Princesse, pour laquelle pourtant il travaille, le tient pour minable, même si sa cause était, pourquoi pas, noble et juste. Frédéric, de ce point de vue, est très proche d’Arlequin. Mais Arlequin, on lui pardonne, parce qu’il fait l’idiot, ou qu’il fait semblant de l’être, et que de tout façon c’est un « inférieur ». Il est d’ailleurs génial quand, pour tromper quelqu’un, il lui dit la vérité. Arlequin a lu Lacan. C’est d’une intelligence diabolique de la part de Marivaux que d’avoir inventé un personnage qui, quand on lui demande de faire quelque chose de négatif envers quelqu’un, va voir cette personne et lui dit : « on m’a demandé ça, alors, d’après-vous, que dois-je faire ? On m’a demandé de vous espionner, demande-t-il à son maître, êtes-vous d’accord pour que je vous espionne ? ». Et voici qu’il trompe deux personnes, le commanditaire de l’espionnage et l’espionné. Frédéric utilise une femme pour mieux soudoyer Arlequin. Lisette est un symbole de ce que le désir social est encore un désir sexuel. Marivaux est le plus freudien des auteurs classiques ».

VI. Prolongements Faire étudier aux élèves d’autres scènes où Arlequin est présent,

pour compléter l’étude de son personnage.

Leur faire imaginer une mise en scène de la scène étudiée, un décor, des costumes. La leur faire interpréter.

Travailler sur le vocabulaire du XVIIIème siècle.

Compléter la conception du théâtre de Daniel Mesguich à l’aide de l’annexe 1

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Annexe 1 - Daniel Mesguich et le théâtre

« Je peux dire ce qui me sépare du théâtre ambiant.

Premièrement, je n’aime que le texte, c’est à dire que, pour moi, le théâtre est littérature, et non pas, images, « performances », activité qui n’aurait rien à voir avec elle. Cette seule phrase que je vous dis, déjà, me sépare de 80% de la production théâtrale d’aujourd’hui, qui se donne souvent comme cris, hurlements, ou simples dialogues d’enquêtes sociologiques, paroles d’interviews, que sais-je… Et quand, par hasard il y a textes, neuf fois sur dix, hélas, ces textes sont « savonnés », comptent pour du beurre, sont écrasés par quelque diction naturaliste, banalisée, comme s’ils étaient quelque parole spontanée, quotidienne, et non pas, précisément, écriture, texte. Or, moi, je tiens que dire de l’écrit n’a rien à voir avec parler. Or, nous sommes tous traversés par de l’écriture, même si nous ne le savons pas. Au contraire, même : la traversée de l’écriture en nous empêche de parler, en quelque sorte. Et c’est la mise en scène qui est l’exultation de cette parole absente (qui ne tient que par l’écriture), et non pas la naïve illustration de ce que se « diraient » tels ou tels « personnages », habilement (ou pas) émaillée de quelques déplacements.

Deuxièmement, j’essaie de faire que chaque chose qu’on voit sur scène se donne à lire. Autrement dit, qu’elle soit signifiante, et, à son tour, soit une écriture, ce qui n’est pas, là encore, le cas, hélas, en ce qu’on voit dans 80% du théâtre ambiant, où, sous prétexte de « naturel », les déplacements sont aussi hasardeux que les phrases sont « quotidiennisées ». J’essaie, moi, de ne rien laisser au hasard. Si tel acteur va au jardin, ou à la cour, ou sur telle ligne, là, de manière géométrique, c’est, comme si la mise en scène était vue d’avion, pour donner à lire une mise en scène en train de s’écrire. Au théâtre, il y a de l’écriture partout, jusques et y compris dans les corps, les déplacements, les gestes les plus infimes, dans la voix elle-même. Ce texte-là, invisible, je le donne à lire (j’essaie). Quant au texte lui-même, au texte imprimé, j’essaie d’y faire entendre le crissement de son inscription dans l’espace, les longues, les brèves, les rythmes, les allitérations, les assonances, enfin tout ce qui peut être la langue dans son ébullition. C’est là le bois dont mon théâtre se chauffe. Je tiens que le théâtre, d’abord, part de ça, part de la lettre, et du sens, qu’il n’y a que de la lettre, et, partant, que du sens. Or, je vois autour de moi beaucoup de choses in-sensées, et hasardeuses, et c’est la raison pour laquelle je me sens un militant d’un autre théâtre, un militant du sens. Le sens, n’est-ce-pas, est inséparable de la langue, et moi, je ne travaille que la langue, jusqu’au corps, à l’espace, à l‘image… Et j’appelle ça « théâtre ».

Concernant les sons (les musiques, les bruits,… mais aussi bien les silences), j’essaie de faire qu’ils soient « contradictoires » : ni illustratifs simplement, c’est-à-dire pléonastiques, ni simples jolis contre-points (ce qui n’est qu’une autre façon de sombrer dans l’illustration). J’essaie que, à leur tour, ils se donnent à lire. Par exemple, l’on entend des cris étouffés sous le théâtre : c’est que le refoulé de toute cette vieille histoire de cour, c’est la torture, la violence ou la mort. D’autre part, j’essaie que lorsqu’on entend un son une fois, on le réentende peu après, et encore une fois, et encore,

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comme les leitmotivs wagnériens, comme si, au fond, les sons s’accrochaient toujours à je ne sais quels cahots, je ne sais quels hoquets de mise en scène. Comme si tout, toujours, semblait revenir au point de départ… Cela pour dire que pendant Le Prince Travesti, ce ne sont pas seulement une heure ou deux qui ont passé, mais aussi, huit cent quarante-trois siècles, ou encore zéro seconde. Pas une heure ou deux (ou même, pire, douze jours résumés en une heure ou deux, comme c’est souvent le cas au théâtre), mais un temps – littéralement – incalculable. Ça s’est passé, et dans le même temps, rien ne s’est passé du tout. Ça n’a pas eu lieu. C’est ce « ça », ce « ça » qui n’a pas lieu, que je crois que le théâtre montre. Doit montrer.

Les lumières, aussi, disent une certaine géométrie. On peut dire que sur la scène, il n’y a que des points, des cercles (des îles), ou des lignes droites (des chemins). Il y a peu de lumière d’ambiance générale, parce que, encore une fois, le plateau n’est pas une surface de, mettons, douze mètres d’ouverture sur huit mètres de profondeur, mais un point sans dimension, qu’on ouvre jusqu’à ce qu’il donne l’apparence de faire, mettons, douze mètres sur huit mètres. Une lumière d’ambiance sous-entendrait qu’on a allumé la lumière sur une telle surface qui préexisterait, qui serait « objective », ou qu’il y a du soleil dans ce désert, ou un lustre dans ce palais. Mais non, non, il n’y a pas de désert, il n’y a pas de palais, il n’y pas d’ambiance qui tienne. Bien plutôt, dans la nuit de la pensée, dans son immense univers nocturne, ténébreux, il y a une personne, ou plutôt tel point en cette personne, qui s’illumine, telle diagonale qui traverse, qui zèbre la nuit en nous. Ce que mon théâtre montre, c’est, si vous voulez, une suite de « flashs d’inconscient », qui ressembleront peut-être, pour finir, à une « histoire », mais non pas d’abord une histoire qui se déploie et se raconte.

A propos de flashs, d’ailleurs, je crois que ce que je sous-entends - et là aussi je me sépare de 80%, sinon plus, des autres metteurs en scène - c’est que, pour moi, chaque phrase est un monde. Je mets en scène chaque phrase « le plus possible » : en cherchant ce que j’appelle la petite porte dérobée qu’il y a au fond de chacune d’elles. Je la pousse, et j’entre dans ses couloirs, ses labyrinthes, et j’en ramène les sens les plus minoritaires, les plus tenus, les plus inattendus souvent, ceux qui peut-être n’auraient pas eu, sans moi, la chance de voir le jour. Puis suit, n’est-ce-pas, et parfois contradictoire avec les sens que nous avons trouvés dans la phrase précédente, une autre phrase. Que faire alors ? Eh bien, elle aussi, je la mets en scène « le plus possible ». Le lien entre les sens minoritaires de ces deux phrases se fera tout seul, ou pas. Le « contexte », ce qu’on appelle le contexte, m’ennuie. C’est un gendarme. La douzième phrase d’une scène n’a pas à être inféodée à la treizième, ou à la onzième. Chaque phrase est un monde. Un monde en soi. Et tous ces mondes, immenses et minuscules, se font suite, comme autant de mises en scène de pièces très très courtes, et ça donne un spectacle. S’il faut vraiment le faire, les spectateurs feront le lien… les liens… Ce lien entre les phrases, on le trouvera donc après coup. Il n’était pas là au départ. Il se donne au futur antérieur : il aura donc eu lieu.

De la même manière, il n’y a pas pour moi de « personnage » qui précèderait le texte. La Princesse n’existe pas. Lélio n’existe pas. Ni Arlequin, ni Frédéric. Ce qui existe, c’est du texte, et c’est le lire (c’est-à-dire un travail ludique) qui fera une Princesse, un Lélio, un Arlequin, etc… La pièce Le

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Prince travesti elle-même n’existe pas. Mais on aura joué cette phrase, puis cette phrase, puis cette autre, et ça aura fait Le Prince travesti. Ou encore : on n’incarne pas un personnage. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de raconter l’histoire du Prince travesti, c’est l’aventure du corps d’un acteur aux prises avec la langue, l’écriture, avec telle et telle phrase. Et cela, ce travail, ou ce jeu, aura donné un Prince, un Frédéric, une Princesse, une intrigue, du théâtre. C’est au spectacle de cette prise au corps du texte que je convie les spectateurs »…

Après avoir vu le spectacle Les pistes de travail

I. Traces et remémorations du spectacle

Après la représentation, donner un temps de paroles et d’échanges aux élèves pour leur permettre d’exprimer sentiments, opinions, réactions, voire émotions face au spectacle qu’ils ont vu. Ce peut être l’occasion de l’organisation d’un débat, de tours de parole, d’une confrontation d’opinions, l’occasion d’exprimer des accords et des désaccords, d’argumenter les choix faits, les thèmes du spectacle, l’interprétation des comédiens... Utiliser ces moments pour relever les éléments cités et approfondir la réflexion.

II. Scénographie et personnages

Les éléments peuvent être étudiés dans un ordre différent de celui proposé ici, en fonction des réactions des élèves.

Daniel Mesguich répond à quelques-unes des interrogations que les élèves pourraient éprouver après avoir vu le spectacle :

La scène d’exposition : les élèves peuvent avoir été étonnés par sa mise en scène. Comment Daniel Mesguich explique- t-il par exemple l’apparition démultipliée de cinq princesses dans le jeu de colin-maillard auquel se livrent les deux personnages au début de la pièce ?

Voilà ce qu’en dit Daniel Mesguich :

« C’est évidemment l’exposition de la situation : la Princesse, dit-elle, est amoureuse de Lélio, un type dont elle ne sait pas grand-chose. En tout cas, elle sait au moins une chose, c’est qu’il n’est pas Prince (elle croit savoir ça, puisqu’en réalité, il l’est). Donc, elle demande à sa meilleure amie qui vient d’arriver, de lui parler « pour » elle. Je joue sur le mot « pour », comme le font les philosophes, comme faisait Jacques Derrida, comme le font les psychanalystes : « pour », en français, signifie à la fois « représentez-moi », « parlez en ma faveur », mais aussi, littéralement, « à ma place ». C’est dire que c’est, au fond, à un jeu dangereux que joue, là, la Princesse, qui n’est pas sans savoir - elle l’interroge dans la même scène - qu’Hortense elle-même n’a pas d’amoureux, qu’elle est veuve, que ça s’est mal passé avec son premier mari, etc. Ça, c’est la scène d’exposition. J’ai voulu forcer le trait, entendre la pièce non pas seulement comme une comédie

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« marivaudienne », c’est-à-dire, somme toute bonne enfant, mais comme une tragédie, aussi, qui court sous la comédie. Et donc, j’ai fait de la Princesse une sorte de Reine, c’est à dire quelqu’un dont on ne peut pas savoir où est sa jouissance, et peut-être que sa jouissance est dans le fait de « risquer de ne plus en avoir », de risquer que ça se passe mal pour elle… C’est un tyran que cette Princesse : qu’est-ce qui caractériserait la tyrannie ? C’est que la loi est sans arrêt bafouée, Il y a de la loi, mais elle change sans cesse au gré des humeurs du tyran. Et donc, on ne peut pas obéir à la loi, on est souvent hors la loi, pour la bonne raison qu’on ne connaît jamais la loi, puisqu’elle change sans cesse. Et, ayant fait de cette Princesse un tyran absolu, j’ai voulu jouer en même temps que pour Hortense, cette meilleure amie, la Princesse est partout et nulle part. C’est pour cela que j’ai multiplié les princesses au début, et Hortense entend une phrase qui vient de cour, une phrase qui vient de jardin, une phrase qui vient près d’elle, une phrase comme lointaine, etc… lors d’une partie de colin-maillard. Le colin-maillard était un jeu très à la mode au XVIIIème siècle. C’est un jeu qui a l’air charmant, champêtre, à l’eau de rose, et pourtant, sous cet aspect bucolique, il y a toute la tyrannie imaginable, avec l’imprévisible : la tyrannie serait l’imprévisible même, et elle serait à sa droite, à sa gauche, au-dessus d’elle, au loin, elle environne littéralement Hortense pendant le colin-maillard. Voilà, c’était ça que je voulais annoncer dès le départ. Et cette couleur se retrouve un peu partout dans le spectacle… »

La fin du spectacle

Les élèves seront peut-être étonnés de la fin abrupte du spectacle. Là encore le metteur en scène donne des pistes :

« la scène finale, c’est le « happy-end » type. Il y a une intrigue terrible, qui normalement devrait aller à la tragédie la plus noire, et puis, tout d’un coup, parce que c’est une comédie et parce qu’on a décidé que c’était une comédie, on s’en moque. La Princesse, sans crier gare, dit finalement : ça va très bien comme ça, j’aime finalement beaucoup le roi de Castille, et vous, Lélio et Hortense, allez-y, aimez-vous en paix… Tout se passe comme si elle savait cette fin dès le départ. Auquel cas : elle a fait du théâtre. Auquel cas, elle est Marivaux en personne, cette Princesse. Ou bien elle ne savait rien, et c’est Marivaux qui, au dernier moment, décide d’en finir, il faut bien faire une fin, et il écrit un « happy-end » plaqué, ou la Princesse savait tout dès le début, et jouait. Or, si on écoute bien les phrases de la Princesse, tout le long, elle semble être au courant (« mais Lélio n’a regardé que vous »). Tout se passe comme si elle avait tout fait pour que Hortense épouse Lélio, pour que sa meilleure amie soit heureuse. Et c’est d’une méchanceté totale. Ce que j’aime au théâtre, c’est la question : qu’est-ce qui est vrai ? A quoi peut-on croire, et à quoi peut-on ne pas croire ? Au théâtre, on ne peut croire absolument en rien, mais on ne peut lire que par une suite de menues croyances.»

Faire décrire aux élèves le décor. En quoi ce décor correspond-il aux intentions de mise en scène du metteur en scène ?

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Décor

A l’aide de la maquette en annexe 1, faire remarquer que le décor symbolise la salle d’un palais. Les panneaux en arc de cercle sont de très hauts miroirs sans tain : ils réfléchissent, mais peuvent aussi laisser voir en transparence, grâce aux jeux de lumières. Ainsi les personnages qui jouent sur le plateau peuvent être espionnés depuis l’envers du décor. Cela correspond parfaitement à ce qu’en dit Daniel Mesguich dans sa note d’intention : « un palais-prison labyrinthique en lequel, lorsqu’ils ne sont pas en train de s’y perdre, sans cesse s’espionnent princes, princesse ou méchant ministre… » Les trois marches en forme de piédestal au centre lointain du plateau permettent souvent à la Princesse de dominer les autres protagonistes (montrant ainsi qu’elle a le pouvoir). De la même façon, Lisette domine Arlequin du haut de ces trois marches et le manipule. Il n’y a qu’un seul accessoire, un simple seau qu’Arlequin apporte. Il n’y a en effet aucune nécessité d’accessoires. Les joutes sont verbales : des mots, des rires, des larmes.

En quoi lumière et musique sont-elles partie prenante du spectacle, et sont indissociables de la mise en scène ?

Parties intégrantes et importantes du spectacle, le son et la lumière sculptent la scénographie, et ajoutent une part d’angoisse à la mise en scène.

Les lumières

Le décor ainsi conçu ne prend toute sa magnificence que parce qu’il est éclairé par des projecteurs qui viennent de sources très différentes. Il y a évidemment les projecteurs, derrière le décor, qui laissent voir en transparence le personnage qui espionne. D’autres projecteurs sont positionnés sur le gril et lancent leurs rayons en douche. De temps en temps, un personnage (par exemple Frédéric) est isolé des autres, par une lumière crue qui n’éclaire que lui. L’attirance de Lélio pour Hortense et celle d’Hortense pour Lélio crée un couloir de lumière ; arrivés au centre du plateau, ils sont comme isolés du reste du monde par une « douche » qui les rapproche, mais dès que le danger est là, très rapidement, ils se séparent et s’éloignent dans les mêmes couloirs éclairés en diagonale qui se croisent, dansant une course poursuite épuisante. Il y a très peu de projecteurs qui éclairent de face le plateau, donc très peu de projecteurs donnant une « ambiance ». Presque tous les projecteurs sont dans le cadre de scène. Cette façon d’éclairer un spectacle est une marque de fabrique du metteur en scène qui affectionne les jeux de douche, de diagonale et de miroirs sans tain. Les éclairages éclairent et soulignent les déplacements géométriques des comédiens. Les lumières, comme la musique, sont une partie intégrante de la mise en scène, au même titre que les acteurs, le texte.

La musique

Presque omniprésente dans le spectacle, elle nappe le silence, elle est comme, avant même qu’il n’arrive, le parfum du danger, elle en accentue la menace. On entend, parfois, des cris de souffrance, comme si dans les souterrains du palais, on était en train de torturer un prisonnier anonyme.

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Les musiques sont utilisées en boucle, de façon lancinante, comme pour montrer que tout avance dans un environnement où rien n’avance et accentuer la tragédie qui se joue.

En regardant l’annexe 3, on voit que les musiques de cinq compositeurs sont utilisées dans le spectacle :

- Mozart, compositeur du XVIIIème siècle, beaucoup plus jeune que Marivaux mais toutefois sont contemporain, dont la musique sied particulièrement à l’ambiance XVIIIème du spectacle (décor et costumes d’époque)

- Penderecki et Ligeti, compositeurs du 20ème siècle, contemporains de Daniel Mesguich (celui-ci a d’ailleurs mis en scène un de des opéras de Ligeti), dont les musiques, très modernes, viennent apporter un contrepoint inquiétant dans cette ambiance fin de siècle.

- Danny Elfman, compositeur américain de musique de films (ceux de Tim Burton par exemple), dont la musique très actuelle permet de faire le pont entre les siècles.

- Et enfin, un jeune compositeur, Franck Berthoux, également ingénieur du son, a proposé sa propre interprétation du Prince Travesti.

- La musique de ces compositeurs tissent comme un cocon au spectacle, et ponctuent les moments clés de l’intrigue.

N.B. Le minutage qui apparaît dans l’annexe, correspond à la durée de chaque extrait : il est nécessaire pour la déclaration à la SACEM qui reverse les droits aux artistes compositeurs et musiciens.

On peut demander aux élèves de faire des recherches sur chaque compositeur, d’écouter un morceau de leur œuvre et de donner leur impression.

Les personnages, leurs costumes, leurs maquillages, leurs jeux

Costumes et maquillages

En quoi costumes et maquillages confortent-ils l’impression donnée par le décor, les lumières et la musique, et aident-ils à mieux percevoir ce qui est en jeu ?

On peut regarder les croquis de la costumière, Dominique Louis, dans l’annexe 2.

Les costumes donnent l'impression d'être du 18ème siècle. Mais leur conception est plus subtile !

Voilà ce que dit Dominique Louis sur l‘« esprit » des costumes du Prince travesti :

« Les costumes ont été conçus pour suggérer de longues silhouettes dont les traînes laissent des sillons sur le plateau. Les coutures sont visibles et sanglées - pour ce qui est des fermetures - et certaines coupes sont asymétriques, le tout dans un souci de confronter l’ancien et le moderne.

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Les codes de couleur, chers à Daniel Mesguich, se retrouvent cités - exemples: Lélio est en bleu, Hortense en rose, la Princesse en blanc et or, Frédéric rouge et noir … Arlequin est habillé d’un costume miteux au début du spectacle et son costume évolue jusqu’à devenir celui d’un bourgeois du 19ème siècle, redingote et haut-de-forme. Les matières allient textile et animalité (cuir, tissu effet crocodile, skaï = cuir artificiel, impression léopard,…). »

On est bien dans le monde d’une cour du XVIIIème. Mais de quelle cour s’agit-il : d’une sorte de secte dans laquelle les participants sont tatoués, dans laquelle ils se reconnaissent à leurs marques ? Seuls, Frédéric, qui est délibérément malformé, et Arlequin, le bouffon, par sa gestuelle et ses propos de basse extraction, s’en démarquent, et seront rejetés.

A remarquer l’importance des maquillages dans le spectacle.

Voici ce que dit des maquillages du Prince Travesti, la maquilleuse, Eva Bouillaut :

« Les maquillages ont pour tous les personnages une base de formes géométriques (triangles et petits rectangles), pour rappeler la mise en scène très géométrique, et pour donner une dimension moins classique, moins réaliste aux personnages. Il y a aussi quelques regroupements entre les personnages et la couleur de leur maquillage : Le doré est utilisé en majorité pour les personnages royaux, comme la princesse, le roi de Castille et le prince. Le rouge bordeaux est utilisé pour le duo Lisette Arlequin. Et Frédéric a un maquillage un peu plus personnalisé et plus sombre, avec un teint blafard verdâtre et une majorité de noir »

Demander aux élèves d’analyser dans leur jeu les relations des personnages entre eux.

- La Princesse est habillée comme il sied à son rang. La cape rouge qu’elle porte au début cache une robe blanche somptueuse : le rouge et le blanc : le feu et la glace : c’est ce qu’elle représente. Dans sa relation avec Hortense, elle mène un drôle de jeu. Parfois amicale, elle feint de se confier, mais sait aussi faire peur, dévorée qu’elle semble par la jalousie. Elle joue au chat et à la souris. Elle est câline, puis elle ordonne autoritairement. Dès le début du spectacle, cinq princesses viennent menacer Hortense comme autant de cauchemars. Elle menace ouvertement Lelio : c’est qu’elle est toute puissante !

- Hortense porte une robe rose : elle incarne la naïveté. C’est une victime toute trouvée quand la Princesse se rend compte qu’elle est sa rivale. Elle ne sait plus où donner de la tête lorsqu’elle retrouve Lélio, le seigneur qui l’avait attirée précédemment. Elle sent bien qu’elle se trouve prise dans les rais de la Princesse, et ne sait comment s’en dépêtrer. Elle est comme un papillon enfermé dans une pièce, et qui ne peut sortir, et qui se cogne à la vitre inutilement. Très aimante, elle

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s’inquiète surtout de ce qui peut arriver à Lélio si la colère de la Princesse se déchaine.

- Lélio, habillé comme le Prince travesti qu’il est, est grand seigneur. D’abord plutôt attiré par la Princesse qu’il ne dédaignerait pas comme épouse, son désir le porte vers Hortense dès qu’il retrouve l’inconnue qu’il avait sauvée il y a peu et qui l’avait attiré. Il a bien du mal à calmer Hortense, mais il ne lui dévoile pourtant pas tout de suite son identité. Il maltraite Frédéric, en qui il voit un conseiller véreux. Et il ne peut s’empêcher de snober l’Ambassadeur. Peut-être n’est-il pas mécontent du désir qu’il provoque chez ces deux belles femmes.

- L’Ambassadeur aussi avance masqué : il n’est autre que le Roi de Castille en personne, qui vient en reconnaissance pour savoir si la Princesse est digne d’être son épouse. Il est très élégant, hiératique, et rien ne semble le toucher. Il joue un drôle de jeu avec Lélio, incertain de son avenir avec la Princesse si Lélio accepte sa main.

- Frédéric, habillé de rouge et noir, il se contrefait quand nécessaire, en s’appuyant sur une canne, c’est à dire quand il veut qu’on le plaigne et se redresse soudain quand il semble ne plus rien avoir à perdre. Il ourdit plan sur plan, pour obtenir, semble-t-il, le pouvoir sur la Princesse et le Royaume, mais aussi, en homme politique, il s’inquiète de ce nouveau venu qui peut être néfaste pour le Royaume.

- Lisette est habillée comme une princesse (ou une espionne de luxe, une sorte de « Mata-Hari »). Elle affiche une sorte de mépris amoureux pour Arlequin, qu’elle traite de gros balourd et qu’elle manipule à souhait. Téléguidée par Frédéric, elle se vend à Arlequin pour qu’il accepte de trahir son maître et aider la Princesse à découvrir que Lélio est amoureux d’Hortense.

- Et enfin, Arlequin, dont le costume évolue du costume d’un misérable valet du XVIIIème à celui du bourgeois de XIXème, n’aspire qu’à une chose, se libérer de sa condition de valet, obtenir des gratifications financières et matrimoniales. Malgré ses réticences - aime-t-il bien son maître ? - il accepte, avec l’accord de celui-ci, mais pour de l’argent, de le « dénoncer » à la Princesse. C’est le personnage comique de la pièce : son jeu désamorce chaque fois l’atmosphère tragique et sombre qui pèse sur le spectacle, et offre des moments de rire franc.

Le comique dans le jeu d’Arlequin

Faire repérer aux élèves ce qui les a fait rire dans le jeu d’Arlequin, leur faire décrire ce jeu. Au besoin leur faire rejouer la scène étudiée dans la première partie en l’imitant ou en inventant d’autres facéties.

De l’utilité du personnage comique

Avec un personnage comique, l’auteur prend ses distances avec les problèmes qu’il aborde. Il établit à ses dépens une connivence avec son public, faite de clins d’œil, d’allusions, de sous-entendus. Mais il fait aussi, sous couvert de rire, le point sur l’état de la société. Il dénonce les ridicules et les vices des hommes et surtout les intérêts à la fois politiques et religieux de

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son époque. Souvent les formes de comique se mêlent dans une même œuvre : le comique de caractère peut être associé au comique de mots, mais aussi se manifester à travers lui.

Le comique de mots exploite toutes les ressources du langage : décalage entre ce qui est attendu et ce qui est dit : accidents, déformations, bizarreries involontaires ou volontaires, jeux de mots ou répétitions, quiproquos. Dominant dans la farce où il est souvent grossier, ce comique apparaît aussi dans les autres types de comédies : la fantaisie verbale (jeux sur les sons et les sens des mots, calembours, « ballets de parole » avec répétitions et rapide échange de répliques vers à vers) caractérise toutes les comédies de Molière.

Le comique de gestes joue sur les coups de bâton, les gifles, qui souvent manquent leur but, la précipitation, les mouvements désordonnés. Ces mimiques et gestes de la pantomime sont nombreux dans la commedia dell’arte et la farce, mais aussi dans les comédies « sérieuses » de Molière, telles Le Tartuffe ou Le Misanthrope.

Le comique de situation domine dans les comédies dites d’intrigue : décalages entre ce qui a lieu et ce qui est attendu : personnage dissimulé entendant ce qu’il ne devrait pas entendre, quiproquos, déguisements, rencontres non-prévues, reconnaissances, péripéties diverses, erreur sur l’identité d’un personnage …

Le comique de caractère, enfin, s’en prend aux travers (défauts) des individus ou des types (l’avare, l’hypocrite, le vaniteux, le jaloux). Caricature, schématisation et grossissement des traits physiques et moraux d’un personnage. Il traite, en divertissant, de la critique sociale et morale.

III. Les prolongements :

Leur faire comparer les thèmes du texte de Marivaux trouvés dans la première partie du dossier avec leur mise en œuvre dans le spectacle. Les rapports Princesse, confidente : la jalousie Le désir ardent : l’attirance impossible à cacher : Lélio et Hortense L’amour non réciproque : la Princesse rejetée L’opposition maître /valet : Lélio/Arlequin La volonté de pouvoir, menaces, mensonges, trahisons ; la Princesse,

Frédéric, Arlequin

Atelier théâtre à mener pour sensibiliser les élèves à la mise en voix et la mise en espace ; travailler la gestuelle et la voix pour interpréter un texte ; articuler et « mettre le ton » en respectant la ponctuation ; mémoriser de courts passages récités avec « le ton ».

Découvrir le théâtre (vocabulaire précis : scènes, didascalies) par rapport à la poésie et à la narration ; repérer la présentation du texte de théâtre par rapport au texte narratif ; réaliser collectivement une adaptation théâtrale d’un conte traditionnel en maniant les outils de l’écriture dramatique

Ecriture : réaliser la fiche d’identité des personnages en prélevant des indices dans le texte ou en se rappelant de leur jeu sur le plateau.

Langage oral/écriture : réaliser l’interview des comédiens. En faire le compte-rendu

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Langage oral : organiser un débat, pour exprimer des accords et des désaccords, argumenter les choix faits pour l’adaptation du texte et la réalisation du spectacle

Communication : inciter d’autres élèves à aller voir le spectacle

Critique du spectacle : faire écrire aux élèves une critique du spectacle. Voir l’annexe Presse du Prince Travesti 1. Recherche Internet : Il peut être intéressant de faire rechercher aux

élèves sur internet les critiques concernant Le Prince Travesti. 2. Comparaison : Les élèves ont fait leur propre critique du spectacle.

Les faire comparer leurs critiques avec celles des journalistes à Avignon. Si des critiques en Ile de France paraissent en cours d’exploitation, on pourra aussi établir des comparaisons.

3. Les critères d’une bonne critique de théâtre. Quels critères retenir ? En tirer des conclusions. Donner aux élèves la possibilité de modifier leurs propres critiques.

4. La revue de presse : Constituer leur propre revue de presse, à envoyer à la compagnie, à poster sur le site de l’établissement. revue de presse

5. Autre piste de travail sur la presse : à quoi servent les critiques de théâtre ? Quelle légitimité ont les journalistes qui se font critiques ?

La Presse en parle !

http://lebruitduoff.com/2015/07/14/le-prince-travesti-au-chene-noir-william-mesguich-illumine-marivaux/

http://www.mesillusionscomiques.com/archive/2015/07/17/le-prince-travesti-mesguich-avignon-off-2015.html

http://plusdeoff.com/2015/07/11/le-prince-travesti-critique-avignon-off-2015/

http://www.telerama.fr/scenes/avignon-un-daniel-mesguich-assagi-mais-toujours-brillant-avec-le-le-prince-travesti,129502.php

http://destimed.fr/On-a-vu-dans-le-off-d-Avignon-Daniel-Mesguich-met-en-scene-Le-prince-travesti

http://toutelaculture.com/spectacles/theatre/avignon-off-le-prince-travesti-brillants-reves-noirs/

http://www.regarts.org/avignon2015/le-prince-travesti.htm

http://www.paperblog.fr/7713970/le-prince-travesti-de-marivaux-daniel-mesguich-avignon-theatre-du-chene-noir/

http://culturebox.francetvinfo.fr/scenes/theatre/le-fol-ete-de-william-mesguich-trois-fois-a-laffiche-du-off-davignon-224189

http://claudialucia-malibrairie.blogspot.fr/2015/07/le-prince-travesti-de-marivaux-mise-en.html

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Annexe 1 Le décor de Camille Ansquer

Maquette

Le décor en construction

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Annexe 2 Les costumes de Dominique Louis – croquis préparatoires

La princesse Hortense

Lisette Frédéric

L’Ambassadeur

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Annexe 3 – Les Musiques du Prince travesti TITRE COMPOSITEUR DUREE ALBUM INTERPRETES

Divertimento In F, K 138 - 2. Andante

Wolfgang Amadeus Mozart

5'01" String quartet 15, 19, divertimento

Quatuor ébène

Little Alice Danny Elfman 1'34" Alice in Wonderland

Danny Elfman

6 Bagatelles - 1. Allegro Con Spirito

György Ligeti 1'11" György Ligeti Edition, Vol. 7 - Chamber Music

London Winds

Le Prince Franck Berthoux 14" Franck Berthoux

Zaide - Melodrama Wolfgang Amadeus Mozart

7'26" Zaide Lynne Dawson, Hans Blockwitz, Etc.; Paul Goodwin: Academy Of Ancient Music & Chorus

String Quartet #19 In C, K 465, _Dissonance_ - 1. Adagio, Allegro

Wolfgang Amadeus Mozart

11'33" String quartet 15, 19, divertimento

Quatuor ébène

String Trio_ I. Allegro molto

Krzysztof Penderecki

7'23" Penderecki_ Chamber Music

Ensemble Villa Musica

Piano hypnose Franck Berthoux 24" Franck Berthoux

Requiem In D Minor, K 626 - Agnus Dei

Wolfgang Amadeus Mozart

3'11" Requiem In D Minor, K 626

Gemma Coma-Alabert, Hjördis Thébault, Etc.; Jean-Claude Malgoire: La Grande Ecurie & La Chambre Du Roy, Choeur Régional Nord-Pas-De-Calais

Divertimento In F, K 138 - 1. Allegro

Wolfgang Amadeus Mozart

3'54" String quartet 15, 19, divertimento

Quatuor ébène

6 Bagatelles - 2. Rubato. Lamentoso

György Ligeti 3'01" György Ligeti Edition, Vol. 7 - Chamber Music

London Winds

String Quartet #15 In D Minor, K 421 - 4. Allegretto Ma Non Troppo

Wolfgang Amadeus Mozart

8'36" String quartet 15, 19, divertimento

Quatuor ébène