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À Margot

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Ledivanetleconfessionnal

GérardMiller

Ledivanetleconfessionnal

DescléedeBrouwer

©DescléedeBrouwer,201010,rueMercœur,75011ParisISBN:978-2-220-06358-4

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PhilippeStarck5«Jevisdansuntunnelsolitaireetvide»

Àvosdébuts,l'argentétait-ilaussiprésentqu'aujourd'huipourlescréateurs?

Beaucoupmoinsprésent.Àl'époque,lesgensinvestissaientpeudanslacréation,ilfallaitqu'onsedébrouille,c'étaitdusystèmeD.Monpremiermeuble«à succès»,c'est toutcequ'ilyademoinscheràfabriquer.Uncontre-plaquéqu'onplie,unboutdetube et youpi tagada. Avant, on faisait une chaise avec zéroinvestissement,aujourd'huiilfauttroisouquatremillions.Pourlesindustriels,lacréationestdevenueune«niche».

Est-ce que vous vous pensez comme le meilleur archiviste devospropresœuvres?

Non,parceque jevisendehorsdu tempsetde touteformedemémoire.Jeseraisincapabledevousprécisercequej'aifaitàteloutelmoment,jenepourraismêmepasvousdirel'âgequej'ai–monmédecinsûrement,mafemmejenel'espèrepas...Jevisenautarcie, dans un tunnel solitaire et vide, et je ne fais pas dedifférenceentrelesannées.

Onapourtant l'idéequevousavez toujours su sentir l'airdutemps.

Poursentirl'airdutemps,ilfautlerespirer,moijesuisailleurs.Je n'ai aucun lien particulier, ni culturel ni affectif, avecmonépoque. Je n'ai pas le goût des séquences courtes, ce n'est pasmontiming.M'intéressebiendavantagecequis'estpasséilyaquatremilliards d'années ! En réalité, j'aime la longévité et la

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modernitédel'héritage.

Dans les années 1980, où vous êtes devenu incontournable,FrançoisMitterrandnevousa-t-ilpaschoisipourtransformerl'Élysée,parcequevousétiezleplus«branché»detous?

Lesautresétaientbranchés,pasmoi!Pasassezouvert,pasassezchic,pasassezdandy,troptravailleur,tropdansmesrêves,tropdansmonpropre rythme... J'étaisunoutsideretMitterrandm'aappelé parce qu'à tort ou à raison j'avais une réputationsulfureuse et qu'il soupçonnait qu'en me choisissant ce seraitmoins plan-plan. On est allé chercher lemauvais garçon pourdanser avec la reine d'Angleterre, en espérant que la reined'Angleterreentireraitdesenseignements.

Commentavez-vousréussiàconcevoir,d'unboutàl'autredelaplanète,lesrestaurants,leshôtelsoulesboîtesdenuitlesplusàlamodesansjamaislesfréquenter?

Mais ce n'est qu'en restant en dehors de tout qu'on peut créerpour les autres. Si vous passez votre temps à fréquenter lescocktailsouàregarderlatélévision,vousvousretrouvezdanslemainstreamdelapenséeetvousbégayezcommetoutlemonde.Seulenfacedevous-même,avecvosangoissesetvosvisions,sivous n'êtes pas totalement con, vous avez une petite chanced'apporterquelquechosed'unpeuplusfrais.Autantilm'importedetravailleravecrigueursurlaviequotidienneetd'imaginercequ'elle peut devenir, autant la vie quotidienne elle-même nem'intéressepas.D'ailleurs,jenesaismêmepasoùc'est!

Àl'instantprésent,sivousdeviezdéfinirvotrebutprincipal?

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Ceseraitd'arriveràmecouchercesoiràvingt-deuxheures.

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l'esprit»?

Disonsque jedoute, parcequ'il faut être très fort pournepasdouter... Mon frère, lui, ne doutait absolument pas et il medisait :«Danielle, tun'esqu'un tasdechairqu'onmettradansuntrouetceserafini.»Ehbien,non,jecroisqu'onfaitpartied'untoutquiaunesprit.LaTerreaunespritetelleledit.LesAmérindiensavecquij'aibeaucouptravaillém'ontrenforcédanscetteconviction.Quandilsparlentducontactqu'ilsontaveclaTerre, on en reste bouche bée. Ils n'apportent pas de réponse,maisonsedit:«Laquestionestlà.»

Si ce que vous pensez est exact, la Terre doit vous êtrereconnaissantedececombatquevousmenezpourquel'eaunesoitplusconsidéréecommeunemarchandise!

Cecombat est logique.L'eau c'est la vie, richeoupauvre sanseauonnevitpas.Or lemarchéde l'eauestdevenuunélémentfondamentaldecettedictatureéconomiquequelemondeentiersubit. En France, par exemple, les pouvoirs publics se sontcomplètement déresponsabilisés, il y a jusqu'à 80 % dedélégation àdes entreprisesprivées.En fait, il faudrait revenirpartoutàunservicepublicde l'eauetneplus jamaisparlerdu«prixdel'eau»,carseulson«service»peutavoiruncoût–etencoreserait-ildebonnegouvernancequeceservicesoitgratuitpourlesquarantepremierslitresd'eaunécessaireschaquejouràladignité.

C'est un mot qui revient souvent dans vos propos : la«dignité».

On a fait croire aux peuples que pour être heureux, il fallait

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avoir beaucoup d'argent. Mais, pour moi, la vie prévaut surtoutescesrichessesqu'onfaitbrillersousnosyeux.Larichessesuprême,c'estdevivreetdevivredignement.

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JacquesChessex11«J'auraispuêtreunmonstre»

Quelsouvenirgardez-vousdevotrepère?

Lesouvenird'unhommecultivé,intelligentetgénéreux.Grâceàlui, toutemonenfanceabaignédansl'adorationdubeau.Maisc'était aussi un aventurier du donjuanisme, ce qui étaitextrêmementdangereuxdansunÉtatcalviniste,auxdébutsdesannées 1950, et il a accumulé les sottises qui l'ont conduit ausuicide.Aujourd'hui,jesuisquasipersuadéqu'ilaétémêléàlamortétrangedel'unedesesmaîtresses,tombéeparunefenêtre.

Vous semblez être toujours en dette à son égard, comme àl'égarddevotremère,quiavaitfiniparlequitter.

Lemotdetteesttrèsjuste.Jesaisquej'ailedevoirdeleurdire,à l'un et à l'autre, que je les ai réconciliés en moi – c'estconstitutif de l'être que je suis. Ce matin encore, j'entre dansl'église de Saint-Germain-des-Prés, je fais le tour de la nef, jem'arrêtedevantlaViergeàl'enfant, jem'assieds,jeréfléchis,etjemerendscomptequemoiquinesaispasprier,jesuisentraindeprieravecmamèreetpourelle.

L'ancienmilitantmarxistequevousêtesneseveutpasathée?

Non,parcequej'ai toujourseulesentimentd'êtrehabitéparlatranscendance. En fait, j'ai pris très tôt conscience que je nepouvais me passer ni de Dieu ni... de la sexualité, je diraismême:l'undansl'autre.C'esttoutàfaitcurieux.J'aihorreurdupanthéisme, mais dans la relation amoureuse, dans la relationphysique, je ne peux m'empêcher de considérer qu'il y a une

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PierrePerret16«J'auraisaiméêtreunsalaud»

DavidDouilletévoquaitlesennuisquesoncorps,tropmassif,luiavaittoujoursattirés.Jemedemandesi,vous,cen'estpasdevotre«bouille»,par trop sympathique,quevouspourriezvousplaindre.

Cen'estpasfaux.Jemesouviensquel'annéedesJoliescoloniesdevacances, comme j'étais en tournée avecCharlesAznavour,j'aichantédevantluiBlanchepourlapremièrefois.L'enfoirénevoulait pas croire que je l'avais écrite ! « Oui, c'est bienmoi,mais je te rassure, je sais la tête que j'ai et je ne vais pas lagarderpourmoi,cettechanson.»Ils'estmarré,maisdansmonesprit,chantercettehistoired'amour,c'étaitvraimentuncontre-emploiterrible.J'avaisvoulucettechanson,jel'avaisécrite,maispasunesecondejen'avaispensélachanter.

Si vous aviez eu, par exemple, une « sale gueule », votreparcoursauraitdoncétédifférent?

J'aiunefascinationpourlecinémaetjesuiscertain,entoutcas,quej'auraispuyfaireunecarrièreplusimportante.J'aiétéplusqu'acteur, puisque j'ai été auteur, mais j'aurais pu aborder despersonnagesdanslapeaudesquelsjenesuisjamaisentré.

Quiregrettez-vousden'avoirpasété?

Onm'apresquetoujoursdemandédejouerdespatronsdebistrotou des mecs ruisselant d'humanisme. L'Instit, que Klein alongtemps interprété,onmel'aproposéà l'époque!Jen'aipasvoulu rentrer là-dedans. Ce que j'aurais aimé, c'est qu'on me

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proposeunvraichallenge:êtreunsalaud,çaoui,j'auraisaimé,etjeleregrette.

Est-cequelesaigrefinsdushow-bizontparfoisabusédecettecandeur,decettenaïvetéquis'affichesurvotrevisage?

Jusqu'à ce que j'aie ma propre maison de disques, je n'ai pasarrêtédemefaireavoir.Barclaymedonnait4%–unearnaque!Lesgensavertisavaient16ou18%.ChezVogue,pareil,jemesuisfait roulerdans la farine. Ilsm'ontvuarriver,beaucommeun soleil, et ils se sont dit : «On va s'amuser avec celui-là. »Résultat : je leur devais presque des sous chaque fois que jevendais des disques. Le jour où, chiffres en main, on m'aexpliqué ce qui se passait, jeme suis dit que j'étais le roi descons,maisçam'afaitplutôtrire.Aujourd'hui,heureusement,ilyaRebecca,mafemme,quiestautrementpluslucidequemoi.

Etvousnevousfaitesplusjamaisavoir?

Hélas, si, sans arrêt. Quand on m'arrache un accord pour uneémission,pourundîner,unmariage,unecommunion,oùjesaisqu'onvamedemanderdechanteràlafin.Lecauchemar,c'estlespréfaces !Onmedemandedespréfacespour tout.Etàchaquefois,quandj'ailemecautéléphone,jedevienslâche.J'aimeraissavoir dire non, je ne peux pas. Ce n'est pas glorieux d'êtrecommeça,c'estunmanquetotaldepersonnalité,maisc'estunefaçon deme débarrasser des choses quim'ennuient que de lesfaire.

Quand je vous écoute, j'ai du mal à savoir si vous vous envoulez.

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Bien sûr que jem'en veux,mais ça n'a aucun effet. Il y a deschanteurs qui, dès le premier rappel, ont déjà quitté la salle.Moi,jeneveuxpasfairedelapeineauxgens.Jevoudraisêtresansvergogne,jen'yarrivepas.

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interviennentdavantagedansledébat.Souvenez-vousdecequis'étaitpassélorsdelamobilisationcontreleslicenciementschezMichelin ou chez Danone. Sans parler du référendum sur laConstitutioneuropéenne...

Vousavezété identifiéà lagaucheplurielle,quebeaucoupdeFrançais voulaient sanctionner. Ne regrettez-vous pas que lesministres communistes n'aient pas démissionné dugouvernementJospin?

Non, jepenseque cela aurait étéune faute. Il n'y avait pasdemajorité sans les communistes et on leur aurait fait porter laresponsabilité d'un retour anticipé de la droite. Et puis jeconsidère que les communistes ont fait beaucoup dans legouvernement.Lutterauseinmêmedesinstitutions,cen'estpasunepositionfacile,maisilfautavoirlecouragedelaprendre.

Quevoyez-vousaujourd'huilorsquevousregardezvotreparti?

Je vois d'abord des militants d'une générosité exemplaire. Etpuisunoutilpolitiquequin'apasconnulamutationnécessaire.La mutation s'est faite autour de la conception même ducommunisme, de ses idées, mais l'outil politique, lui, a unedifficultéstructurelleàchanger.

Vous êtes issu d'une famille ouvrière et communiste. Tout lemondeatoujoursfaitblocderrièrevous?

Non,monpère,parexemple,quiappartenaitàlavieillegardeduparti, avait du mal à me suivre. Vous savez, tout le monde apleuré à la maison au moment de la mort de Staline ! J'étaispetit, j'avais six ans, mais je m'en souviens. Alors, quand je

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touchais un peu à des dirigeants qu'il avait vénérés ou que jeparlais de transformer l'organisation elle-même, je bousculaisbeaucoupdesescertitudes.Ilsemontraittrèsfavorableàcequej'entreprenais, mais comme un père. Le militant, lui, étaitsouventdéboussolé.

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VincentDelerm22«Jenetendraijamaisl'autrejoue»

Je me dis parfois que vous êtes une nouvelle que votre père,PhilippeDelerm,auraitpuécrire.

C'est une idée qui me va ! Quand j'ai donné mes premièresinterviews,àvingt-cinqans,j'aidécouvertquec'étaitfinalementbizarre de ne pas avoir fait de crise d'adolescence. Mais c'estcommeça,trèsvitej'aisouscritàl'atmosphèrequiétaitchezmesparents.Jen'aipasétéinfluencéparl'écrituredemonpère,maisje sais que je partage avec lui cet intérêt pour tout ce que lesautrescroientbondenepasrelever.

LafamilleDelermaimel'infinimentpetit...

Parce que les choses infinitésimales ont une valeur en soi etqu'un simple geste, par exemple, est révélateur. Sur le papier,bien sûr, on est censé ne retenir de la vie que les grandsmoments, mais notre cerveau est ainsi foutu qu'il nous laisseaccumulerdansnotretêteuntasdetrucsquineserventàrien.C'estlecôtéarbitrairedecequ'onretientdupasséquimeplaît.

Vous êtes proche de votre père, mais également... de BrigitteBardot, dont la voix n'est pas sans évoquer la vôtre. Leshumoristesadorentvousimiter!

C'est vrai que dansmon premier album – je l'ai fait beaucoupmoinsparlasuite–jeprenaislesnotestrès«endessous».Jesouhaitais sansdouteme faire remarquer surune seuleécoute,capter tout de suite l'attention du public, comme lorsque jechantais en première partie ou devant des gens en train de

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confianceenmoi,jen'aiaucundoutesurmonintégritéousurlavaleur,voire l'importancedu rôleque j'aipu jouer,mais jen'aipasdecarapace.J'aitoujoursdétestéêtredétesté!Celadit,s'ilmefallaitchoisir:êtredétestéaujourd'huiououbliédemain–jepréféreraisêtredétestéaujourd'hui.Latracededemainestplusimportantequel'approbationd'aujourd'hui.

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Loana27«Jedétestequ'ons'apitoiesurmonsort»

Qui étiez-vous, à vingt-trois ans, juste avant d'entrer dans leLoft?

Unejeunefemmequitravaillaitdanslesbars,surlaCôte,etquiétait auboutdu rouleau.Quand je suis entréedans leLoft, jevivais avec quinze francs par jour. C'était pitoyable. J'achetaismabaguettedepain,monpaquetdecigarettes,parcequec'étaituncoupe-faim,etjesalivaisdevantlespublicitésàlatélévision.LeLoftm'asauvélavie.

Vouspensiezalorsausuicide?

Oui,maisc'étaitunepenséedontj'étaisfamilière.Petite,j'avaisdéjà cette idée demourir. Jeme disais que je n'aurais pas dûnaître, que j'étais une erreur.Quandmamère est partie, j'avaisonzeans,monpèreestdevenuviolent.Jeregardaistoutletempslesbalconsenpensant:«Etsijesautais?»Lefaitestqu'àdix-huit ans, j'ai fait deux tentatives de suicide, à quinze joursd'intervalle.

Pouruneraisonprécise?

Un peu avant, j'avais été hospitalisée d'urgence. Je suis restéetrois semaines sans bouger de mon lit, j'avais très mal, oncraignait une septicémie. Je voyais tous les autres patientsrecevoir lavisitede leur famille, alorsquenimonpère, nimamère, qu'on avait pourtant prévenus, ne s'étaient déplacés uneseulefois.Jemesuisdit:«Jesuisvraimenttouteseule.»

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LepublicduLoftafaitdevoussapréférée.Vouspensezavoirétérécompenséepourvossouffrancespassées?

Non, jenemesuis jamaisdit ça. Jedétestequ'on s'apitoie surmonsort.Lesgalèresquej'aivécues,ontaussiétéentrecoupéesdejoies,toutça,c'estjustemavie.

Comment expliquez-vous que cette vie, qui ne vous a pasépargnée, n'ait pas fait naître en vous le sentiment de larévolte?

Oh, mais au moment de mes tentatives de suicide, j'étaisrévoltée. Je détestais tout le monde, j'en voulais à la terreentière ! Je ne me maquillais plus, je m'habillais en large, jerestaisdansmoncoin...

Justement, pourquoi ne vous êtes-vous jamais dit que vouspourriez sortir de votre coin et lutter avec les autres contrel'injusticedumonde?

Manifester ? Faire la grève ? Non, je n'ai pas du tout l'espritcollectif.Pourmoi,s'ensortir,c'ests'ensortirseul.

Vous dites-vous parfois que les producteurs du Loft vous ontexploitée?

Oui,commelesautres,maisilsauraientpuaussibiennepasmeprendre. Ils y ont trouvé leur compte et moi aussi. De toutefaçon,aujourd'hui,ont'exploitepartout–situnel'acceptespas,autantrestercheztoi.

Detoutcequ'onracontesurvous,qu'est-cequivousblesseleplus?

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WillyRonis32«Ilyaunephotoquejeregretteden'avoirpasfaite»

Àquatre-vingt-quinzeans,est-cequevouscontinueztoujoursàfairedesphotos?

Non,c'estfini.Quandmesjambesm'onttrahi,ilyamaintenantquatre ans, j'ai enlevé le pied de mes appareils et monlaboratoire est devenu un placard. Celame déprime, bien sûr,mais j'ai fait desphotospendantplusde soixante-dix ans : dequoimeplaindrais-je?

Pourquoi,toutaulongdevotrevie,avez-vousphotographiésisouvent des travailleurs, des manifestations ouvrières, desquartierspopulaires?

C'est par empathie pour ceux qui n'ont pas été gâtés par lehasarddelanaissanceetquitententavecdifficultédefaireleurplace au soleil.Monpère, lui-même, était ouvrierphotographeet,àforcedetravail,ilavaitacquisunpetitatelierdeportraits.Ilétait doué d'une bonté immense, d'un incroyable sens dusacrificeetiltravaillaitcommeunfoupoursubvenirauxbesoinsdessiens.Ilyaperdusasantéetsavie.

Photographedequartier,votrepèreétaitunartiste?

Ses photos étaient propres, bien faites, les gens en étaientcontents,maismoi, je trouvais ça d'unemédiocrité affligeante.C'était une photographie à laquelle je n'adhérais pas du tout.Déjàaulycée,j'avaisunsensdubeau,unamourdesbeaux-arts,surtoutdelamusique.

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Vousauriezpuêtremusicienetnonphotographe?

Lemétier dont je rêvais, en tout cas, c'était compositeur ! Enfait,jenesuisdevenuphotographequeparaccident,quandmonpèremaladeaeubesoindemoi.Onétaiten1932,lacrisenoustombaitdessus,ilfallaitquel'atelierroule.Celadit,soncancerm'asauvélavie!J'auraisétéuncompositeurmédiocre,jel'aisuaprès.Toutcequej'aiécrit,jel'aitrèsvitedéchiré.

Vousavezlongtempsappartenuauparticommuniste.Commentjugez-vousaujourd'huicetengagement?

Jen'enaiaucunregret.Jen'étaispasfaitpourêtreunmilitant,j'aiadhéréparlecœurplusqueparl'esprit,maisjeconserveuntrèsgrandrespectpourlesidéauxcommunistes.Certes,commebeaucoup,j'aimisdutempsàcomprendrequiétaitStaline,maisil y avait des circonstances atténuantes : le matraquage de lapropagande était tel qu'on n'y voyait pas très clair. Sauf, sansdoute, ceux qui avaient l'esprit beaucoup plus politique quemoi!

Est-ce qu'il y a une photo que vous regrettez de n'avoir pasfaite?

Oui, il y a une quinzaine d'années. Je recherchais depuis dessemaines la photo qui devait illustrer la couverture de monprochain livre et, tout à coup, sur le trottoir, je vois la plusravissantedesjeunesfemmes,serrantcontreelleunbouquetdeglaïeulsetunadorablebébé.C'étaitmacouverture,ilfallaitqueje la photographie ! Mais à mon bras, il y avait ma proprefemme,atteintedelamaladied'Alzheimer,etquejenepouvaisabandonner,neserait-cequ'uninstant.Jen'aipasprislaphoto,

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j'ai continué la promenade, et pendant de longues minutes,mêmesidansmaviej'avaisconnubienpire,j'aipleuré.

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Alors,pourquoiavoirmisaussilongtempsàlequitter?

Parcequejesuisunlentetquej'aimeassurerlaprise.Pendantlongtemps,jen'aipaseulesmoyensdemonautonomied'action,maisdèsquejelesaieus,disonsàpartirde1986,j'airecherchésanscessedesstratégiesderebond,sanscessejemesuisposélaquestiond'agiretd'avancer.

Indépendammentdesrésultatsquevousavezobtenus,depuislacampagnedesélectionseuropéennes,voussemblezêtredevenu«àlamode».

Lepersonnagequej'incarneparaîtutileàuncertainnombredecommentateurs,parcequ'ilssaventcommemoiqu'àforcedesefoutredumonde,quelquechosegrondedanslepays.Ducoup,mes défauts d'hier – avoir la tête dure, être un rebelle – sontdevenusdesqualités.Maisjeneprendspaspourautantlascènemédiatiquepourunmiroir.

Ilestpourtant incontestablequevousn'êtesplus toutà fait lemême...

C'est vrai, le temps a passé.Quand j'étais un jeune homme, jepouvais vivre avec le sentiment de courir sur la barricade sanstropmesoucierdulendemain.Avant,ilyavaittoujoursuneplusgrosse branche sur laquelle s'appuyer, à commencer par leprésidentMitterrand.Aujourd'hui, jeme sens responsable et ilmefautreprésenterdignementceuxquim'ontfaitconfiance:les«disparus de laFrance», la classe ouvrière, les employés.Lacampagne des municipales, qui m'a fait traverser dix-huitdépartements, a étémagnifique.Quand vousmarchez dans lespas de Montaigne, de Jean Jaurès, des camisards ou des

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républicainsespagnols,croyez-moi,vousêtesenconnexionavecquelquechosede trèsprofondquihabite laconsciencede touthommedegauche.Cefutunebellecampagne,oui,maisaussi...unparcours.

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LaurentRuquier38«J'ailongtempsétérésigné»

Vous continuez de vous lever chaque matin à l'aube et vousn'arrêtezquelesoirvenu.Est-cepourvouspunir?

Oh,maisrassurez-vous,j'aimelaviequejemène!D'ailleurs,sij'avais un regret, ce serait plutôt de ne pas en faire davantage.Quand jemecompare à laplupart desgens, j'estimeavoir uneexistence tellement heureuse, que me lever aussi tôt pourtravailleraussitardmeparaîtbienléger.

Vousn'avezriensurlaconsciencequivousobligeàtravaillerautant?

Non,mais–quisait?–peut-êtreest-cequejemefaispayeràmoi-même une sorte d'impôt, histoire d'être vraiment sûr deméritertoutcequej'ai.Aumoins,pouravoirtoutça,jebosse!

VotrepèreétaitouvrierchaudronnierauHavre.Vousregrettezden'avoirpasconnuplustôtlesplaisirsquevouspouvezvousoffriraujourd'hui?

Paradoxalement, quand j'étais enfant, je n'avais pas beaucoupd'envies.Nousnepartionspasenvacances,mesparentsétaientpresquelesseulsànepasavoirunevoituredansl'HLMoùnoushabitions, et pourtant je ne vivais pas ça comme un manque,plutôtcommeunconstat.Ilfautdirequej'étaisintrovertietqueje ne quittais guère la cellule familiale, j'avais donc peud'élémentsdecomparaison.Cequejevivaismesemblaitnormal,etlereste...inaccessible.

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peuventêtreconsidéréesplustardcommedesréussites.

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JacquesWeber43«J'aimeraisséduiresansavoirdecorps»

Avez-vousdesregrets?

Plusieurs.Enfant, j'étais dans une classe d'adaptation, ça, c'estterrible, on s'en souvient toute sa vie. J'ai arrêté à l'oral duBEPC,j'aileregretdenepasavoirfaitd'études.Etpuisjesuismaladeaussi,parexemple,den'avoir jamaisditunelignechezPialat, même si je sais qu'avec cet homme qui demandait àchaque acteur d'être à nu, à vif, j'aurais bien évidemmentsouffert.

Êtes-vous satisfait de la façon dont le grand public vousperçoit?

Jemedis souventque lesgensme situentmal.Parfois, ilsmevoientcommeungrandcabotextraverti,parfois ilsm'appellent«Maître!»,avecadmirationouironie–danstouslescas,j'ailasensationd'untiraillementeffrayant.

SansparlerdeDepardieu,auquelonvousassociesouvent...

Nous sommes tous les deux nés à la même époque dans labassine. Lui dans la bassine physique (c'est la bonne !), moidanslabassinetechnique.Celadit,s'ilaprislaplacequiestlasienne,c'estcertainementqu'ilyaquelquechosequejen'aipasassuméoupasrevendiqué.

Quand vous avez l'occasion de vous revoir jouer plus jeune,quelregardportez-voussurvous-même?

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Commesi l'âgepermettait de s'éloignerunpeude lavanité, jesais qu'aujourd'hui je joue mieux qu'hier. Du coup, si jem'écoutais,jepasseraismontempsàrefairecequej'aidéjàfait.JerejoueraisDonJuan,Alceste,parcontrepasCyrano!Aveccerôleemblématiqueduthéâtrefrançais,j'aiconnuunphénomènequetoutacteurrêvedeconnaîtreaumoinsunefoisdanssavie:nonseulementlaplusfolledesconsécrations,maislesentimentaffirméd'allerauboutdecequepeutêtrel'interprétation.

Onsortindemned'unteltriomphe?

AprèsavoirjouéCyranodansuneeuphoriedélirante,jemesuisretrouvéavec lavoixbousillée.Unephobievocale, etque rienne soignait. J'avais l'impression d'être une danseuse à qui onavait coupé un pied. Onme disait : « C'est dans votre tête »,maismoij'auraispréféréavoirdebonsmédicamentsàprendre!Cetteexpérienceasansaucundoutemodifiémaperceptiondumétieretmafaçondejouerensuitecertainsrôles.

Votre corps vous a souvent joué des tours pendables de cegenre?

J'aieu,versquatorzeouquinzeans,desboutonsdansledos,etjelesaitrimballéspendantdesannées.C'étaitvraimentmocheetchaque fois que je devais me dévêtir devant quelqu'un, parexemple pour faire l'amour avec une fille, l'épreuve étaiteffroyable. En écoutant les gens qui, ici ou là, avaient lagentillessedemerépéterquej'étaisextrêmementbelhomme,jemedisais:«S'ilssavaient...»J'avaisl'impressionquecettepartcachée demoi-même constituait la vérité, le réel. Ce n'est pasétonnantquej'aieétésuperbedansCyrano!C'estquandmêmeçalebonhomme,unpersonnagedel'ombre.

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RobertGuédiguian48«Seulem'intéresselacommunautédesfaibles»

Quand on voit vos films, la question se pose : êtes-vousnostalgique?

Jenelecroispas.Quemonpassémeurenemegênepas,jamaison nem'entendra dire : «Avant c'étaitmieux qu'aujourd'hui. »Par contre, ce qui m'intéresse, c'est de remettre sans cesse enchantier tout ce qui m'a fondé et de savoir comment letransformerpourlegardervivant:Marseille, lemondeouvrier,métissé,communiste...

VousregrettezuntantsoitpeulePCd'antanoul'URSS?

Non, ce à quoi je suis attaché, c'est au substrat des idéescommunistes:jecroisàl'intérêtgénéral!Nousvivonsdansunmondeoù90%desgensont toutes les raisonsd'êtred'accordentreeux–onpeutlesréunirdansunmêmecombat.Jecontinuedoncdepenserque le rêved'unesociétépluségalitaireetplusjusteresteàl'ordredujour.

Dequoivoussentez-vouspersonnellementredevable?

Fils d'ouvrier, dans un quartier ouvrier – nous étions deux outroisàallerau lycée. Jepenseàmonpère,grandaccidentédutravail,quiestaujourd'huienmillemorceaux.Toutçapourquemoi,jefassedesétudes.Cequiafaitnaîtremonintérêtpourleschoses intellectuelles, était surdéterminé par la politique. Onrépétait : « Si on est communistes, il faut être les plus fortspartout!»Celapeutfairepeuraujourd'huideledirecommeça,mais il y a là quelque chose, j'allais dire une morale, qui a

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permisàdestasdegensdontjesuisdeseformer.

Vous vous pensez du coup comme un porte-parole desopprimés?

Despauvres,desexclus,deshumiliés,desoffensés...Oui,sansdoute. La seule communauté qui vaille, c'est en tout cas lacommunautédesfaibles.Etdanstousmesfilms,j'essayedefaireensortequel'amouret l'amitiésubmergent toutcequipourraitlafaireéclater.

DansMonpèreest ingénieur, et cen'estpas lapremière fois,l'engagementpolitique croise la foi religieuse.Manifestement,lecommunismevousattire,maislapastoralevousfascine!

Jeme suis en effet inspiré de ces histoires populaires qu'on ainventées,enProvenceetailleurs,pour lanaissanceduChrist,avec tous ces personnages originaux qu'on retrouve dans lessantons : les bergers, la boulangère, le pêcheur, le meunier...Celafaitlongtempsquejetravailleautourdel'idéedelacrèche,maiscettefois,jesuisalléjusqu'aubout!

Même si le berceau reste sempiternellement vide, on sent quevospersonnagesontlatêtepleined'imageschrétiennes.

C'estdel'ordredusacré,del'enfance,dumerveilleux.C'estunesorted'inconscient!Moi-même,jesuisalléaucatéchismeetj'aifaitma communion.Mon père s'en foutait,maismamère, quiétait originaire de la région la plus catholique d'Allemagne, ytenait.Lepremierlivredontjemesouvienne,c'estl'Évangileenbandes dessinées. J'en ai retrouvé un exemplaire, qui date desannées 1950, et j'en ai fait un plan dans le film. Aujourd'hui

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encore,j'aidesamisdegauchequineconnaissentrienàtoutçaet je continuedem'engueuler avec eux sur l'importancede cestextes, dont je sais qu'ils m'ont marqué culturellement. Il fautquandmêmelesavoirlus!

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voitureàuneentrée,cequinousaobligésàressortirdumêmecôté. Cela n'explique peut-être pas ce qui s'est passé ensuite,maisc'étaituneerreuràlaquelleilm'arrivederepenser.

Cequiétonne leplusvos interlocuteurs,c'estquevousparleztrèsfacilementdevotrecaptivité,sanstraumatismeapparent.

Je ne m'y connais pas assez pour savoir ce qui est ou nontraumatique,etjesupposed'ailleursquec'estdifficileàévaluerpour soi-même.Mais ce qui est sûr, en tout cas, c'est que lesautressontplusgênésquemoi.Pendantlongtemps,lesgensmedemandaientsanscesse:«Alors,lecontrecoup?»,etquandjeleur répondais : « Pour l'instant, rien », je sentais bien qu'ilsétaientdéçus.

Vous n'avez même pas l'impression que cette expérienceterrifiantevousachangée?

Toutlemondeasesfaiblessesetjeneveuxpasdonnerdemoiuneimageidéale.Cequej'aivécuétaitbienévidemmentterrible,mais, pour autant, je n'ai pas étébrisée et je n'ai pasnonplusl'impressiond'êtredifférente.Celadit,commej'entendsparfois:«Maintenanttuesbien,onteretrouvecommetuétaisavant»,j'aipeut-êtrechangésansm'enrendrecompte!

Ressentez-vous aujourd'hui de la haine à l'égard de vosravisseurs?

Non,etjen'enaijamaisressenti.Ilsnem'ontpasenlevéeparcequec'étaitmoi,maisparcequejefaisaispartied'unensemble.Jecrois qu'ils n'ont jamais lu une seule ligneque j'avais écrite etqu'ilsn'ontmêmepaseulacuriositéd'allervoirsurInternetquel

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était exactement le journal auquel j'appartenais. Pour eux, jen'étaisqu'unefeuillesurl'arbre.

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ArielleDombasle54«J'aimeraisqu'onmevoiecommeunestatue

impénétrable»

Quellepetitefilleétiez-vous?

J'ail'impressiond'avoireuuneenfancejusqu'àdixans,jusqu'aujour où j'ai perdumamère.Après, c'est unnoman's land, unmorceau de vie qu'on m'a arraché, que j'ai enterré et que jen'évoque jamais. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, j'ai vécu auMexiquecommeunêtreétrange,commeuneproiequiessayeraitdesesoustraireàtouslesregards.

Votrepèreétait là,pourtant,vousnepouviezpascomptersurlui?

Monpèreestnéavecunecuillèreenargentdanslabouche.Savie était celle d'un aventurier, grand archéologue, grandcollectionneur d'art précolombien, de femmes aussi. Pour lui,j'étaisunecréatureannexe,anecdotique.Ilestd'ailleursrestéunmystère jusqu'aux troisdernièresminutesdesavie,quand,parl'intermédiaire d'un père jésuite, nous avons parlé pour lapremière fois.Nousavonséchangéquelquesparolesmagiques,quisesontcristalliséesautourdesesobjetsd'art,etj'aialorspului dire que moi-même j'étais sensible à ces extraordinaireshaches de pierre qu'il collectionnait – ce qu'il ne soupçonnaitprobablementpas.

Qu'est-cequivousafaitrenaîtreàdix-huitans?

Unhomme,lepremierdemavie,plusâgéquemoidetrenteans.J'imagine qu'il a réussi, lui, àme faire rester sous son regard.

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MazarinePingeot59«Lamaternitépeutdevenirmortifère»

Àlauned'unhebdomadaire,vousavezacceptéun jourd'êtrephotographiéeenceintedevotredeuxièmebébé.

Jel'aimontrétantqu'onnelevoyaitpas.

Parceque ensuite vousavezdécidéde le cacher, commevousl'avezétévous-même?

Ce n'est pas cacher ses enfants que de refuser qu'ils soientexhibés.Ilsaurontleurnomsurlaboîteauxlettres,ilsdirontàl'écolecequ'ilsveulent,ilsinviterontàlamaisonleurscopains,et ils ne se poseront pas toutes les questions, à la foismatérielles et symboliques, que je me suis posées dans monenfance.Maistantqu'ilsn'aurontpaschoisidesemontrer,jelesprotégeraiférocement.

Lesenfantsdel'actuelprésidentdelaRépublique,eux,nesontpasaussiépargnés...

Je les plains beaucoup.Ne plus vivre indépendamment de sonimageetsurtoutdesafiliation,jesaisàquelpointc'estdifficile.Toutcelarendvraimentcompliquéeslesrelationsaveclesautreset,aufinal,unenfantn'arienàgagnerauxorsdelaRépublique,cen'estqu'illusion.

Est-ce que vous vivez votre deuxième grossesse comme unerépétition?

Pasdutout.Carautantjeconnaisbienleun,autantj'ignoretout

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dudeux...Mêmesij'aitoujoursrêvéd'avoirdesfrèresetsœurs,cen'estpasunhasardsijen'enaipaseu.Jedevaisêtreuniqueet c'est sur ce modèle que j'ai été élevée. À deux, les enfantspeuvent affronter autrement les parents, il y a un dialoguepossibled'uneexpériencepartagée,toutestplusléger.J'attendsavecimpatiencedeleconstater.

Depuis que vous êtes mère, ne vous pensez-vous pas un peumoins comme la fille de François Mitterrand et d'AnnePingeot?

Maisquandjen'étaispasmère,jenemepensaispaspourautantcomme la « fille de » ! Je m'éprouvais comme une fille, toutcourt, comme un enfant, et c'est ça que lamaternité a changé.Pointderuptureradicaleavecmonvécu,elleatransformécettereprésentation que j'avais demoi-même, ellem'a fait passer del'autrecôté.

Vosparentsvousapparaissentcommemoinssouverains?

Leur«toute-puissance»acertainementcédélepasàuneautrerelation. Sans l'avoir voulu, j'ai donné un sens à leur histoired'amour, puisque à travers moi cette histoire continue enapportant des fruits.Et puis, entre lesmères et les filles, c'esttoujoursunpeu fusionnel.Ehbien,disonsquenousavonsputrouvermaintenantunautreéquilibre,plusserein.

Bien loin, fort heureusement, de l'amour maternel tel qu'ilapparaissait dans votre livre, Le cimetière des poupées,l'histoire d'une mère qui commet l'irréparable ! Carcontrairementàlapolémiquequevousaviezalorssoulevée,cequivousintéressaitalorscen'étaitpasdedécrirelamortd'un

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enfant,maisdecernerlesdérèglementsdel'amourdesamère.

Oui, la maternité peut devenir mortifère. En le tuant et en lemettantprécisémentdansuncongélateur,c'està lamortqu'ellevoulaitlesoustraire.Etc'estàcetacted'amourpathologiquequelalogiqueinternedecelivremenait.

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Maisdèsqu'elleaétéenceinte,retouràlamaisonetautricot!Eh bien, sa déception se lit sur les photos, une espèce demélancolie,lafinpourelledetouteperspectiveartistique–sansfantasmer, je le vois sur son visage. Si un enfant peut être lasurvivanced'undésirtrèsfortquileprécède,jesuiscetenfant.

Votre mère et votre père sont morts le même jour, dans desconditions épouvantables que vous avez racontées dans Levoilenoir,etvotrefamilleaensevelicedramesouslesilence.

Sous le silence et lemensonge. Pendant des années, on a faitcroireàmapetitesœur,àquionnevoulaitpas fairedepeine,quenosgrands-parentsétaientsesparents.

Vous-même,commentvousreprésentiez-vousvotrefamille?

L'arbregénéalogiquequ'onimaginehabituellementdebout,jelevoyaisàplat.Ladisparitiondemesparentsétaitunévénementsitraumatiquequ'ilavaiteffacétoutcequileprécédait.Jen'avaisplus de passé, plus aucun souvenir de mes huit premièresannées.J'avaisl'impressiond'êtrenéelejourdeleurmort.

L'arbre, vous l'avez néanmoins fait grandir, en ayant à votretourdesenfants.

J'aiadorélesavoiretlesélever.Maisjen'attendaisqu'unechose,c'est qu'ils grandissent. Je n'aime pas l'état de dépendance etd'incertitudequ'est l'enfance.D'ailleurs, quand il y ade jeunesenfants,s'ilyenaunequifaitundétour,c'estmoi.

Et que pensent duVoile noirvos enfants, qui ont aujourd'huiunevingtained'années?

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Ilsnel'onttoujourspaslu!Commes'ilsavaientpeurdesavoiretd'êtretouchés.Noussommestrèsprocheslesunsdesautres,mais cela me rend un peu triste qu'ils ne me connaissent pascomme ils le devraient. J'ai voulu briser le silence et, pourl'instant,eux,ilslereproduisent.

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AndréManoukian65«J'aimeraispouvoirm'affirmerdavantage»

J'ai appris récemment que vos grands-parents étaient desrescapés du génocide commis par les Turcs contre lesArméniens.

Oui, ma grand-mère a même été déportée, elle a perdu sesparents et les enfants qu'elle avait alors. Par trois fois, mongrandpère, lui, aéchappéauxmassacres, et iln'adûsa surviequ'àlarusedesesfrères,quiétaientgrandsetcostauds.Eux,ilsont tous été tués. Cette histoire, en fait, j'en connaissais desbribes,maisjenel'aimoi-mêmeapprisequerécemment,quandmonpères'estenfindécidéàmelaraconter.

Quelrapportentretenez-vousaveccettehistoire?

Un rapport de chaque instant. C'est l'histoire demes origines,bien sûr, mais aussi celle de mon caractère. Je me sensappartenir à une minorité qui a été obligée de s'adapter et decomposer. Parfois, j'aimerais être un peu plus turc et un peumoins arménien ! J'aimerais êtreplusdans l'affirmationde soi,sansavoirconstammentàdealermapetiteplacedansunmilieuhostile.

À seize ans, pourtant, vous êtes devenu contestataire. C'étaitunepremièretentativepourvousémanciperdecepassé?

Certainement. Jusqu'à seize ans, je m'ennuyais sans cesse.Brusquement, jechangede lycéeet je tombesurunebandedejeunes gauchistes, avec des petites lunettes cerclées d'acier etdesdrapeauxrouges.Jenecomprendsrienàlabouilliesonore

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PhilippeVal70«Enfant,monimpuretémemettaitmalàl'aise»

Enfant,vousétiezunangeouundémon?

J'avais l'impression d'être double. Dans lemonde de la petite-bourgeoisiecoincéequejevoyaisévoluerautourdemoi,toutlemonde semblait marcher droit, mais moi, j'étais attiré parl'interditetlasexualité.Monimpuretémemettaitmalàl'aise,jeme sentais coupable d'avoir autant de mauvaises pensées. Jem'imaginaisquelaplupartdesgens,àquijefaisaiscréditd'êtrehonnêtesetsains,valaientmieuxquemoi.C'étaitsansdoutelàmaculpabilitéd'enfantdedivorcés.

Àdouzeans,vousracontezavoirdécouvertqueDieun'existaitpas...dansunurinoir.

Jesortaisdelamesse,leprêcheavaitététrèslong,j'aicourumesoulager,ilyauncôtémécaniqueàl'affaire.Celadit,leplaisirqu'on peut avoir au soulagement d'une vessie torturée par unetrop longue attente a certainement contribué à me donnerl'intuition de l'univers comme totalité. Car j'ai découvertl'athéisme enme disant d'abord : « SiDieu existe, alors il esttout.»

Depuiscejour,quelrapportentretenez-vousavecDieu?

Je ne suis pas croyant, mais je fais partie des gens que lebonheur rapproche de Dieu. Contrairement à la majorité descroyantsquiserapprochentdeDieuquandilssouffrentets'enéloignentquandilssontheureux.

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Vous avez volontiers accepté cet entretien dans La Vie. Parprovocation?

Non,celam'intéressaitdeparlerauxlecteursdevotremagazine.Il n'y a chez moi aucune provocation, aucun mépris, et pasdavantagederessentiment.Chacuns'arrangeavecsaconceptionde l'univers, je n'ai aucun problème avec les croyants. Ce quiimporte, c'est de se rebeller quand les croyants, armés de leurcroyance, décident d'agir sur l'organisation du collectif, alorsmêmequec'estauxinstitutionsdémocratiquesdes'enoccuper.

Attaché comme vous l'êtes à ce qui est juste, vous arrive-t-ilparfoisdevousrebeller...contrevous-même?

Je sais que j'ai parfois été maladroit et excessif, je pense parexemple à certains textes écrits sous la colère.Un jour, jemesuis emporté, dans un papier très cynique, contre PhilippeManière, le directeur de l'institutMontaigne, et j'ai appris unpeu plus tard que je l'avais vraiment blessé. Même si nosopinions étaient divergentes, il ne méritait pas de se sentirinsulté et sa réaction m'a touché. Je n'ai même pas osé allerrechercher ce que j'avais écrit de peur d'avoir honte, etmaintenant,jefaistrèsgaffe!

Une association d'anciens harkis vous a un jour traîné enjustice pour des propos haineux tenus par Siné dans CharlieHebdo.Vousregrettezdelesavoirpubliés?

Non,jeneleregrettepas,mêmesijemesuisretrouvéenporte-à-faux.Dansuncascommecelui-là,lecitoyenprivéquiéprouveplutôtdelacompassionpourlesharkis,etcertainementaucunehaine,nepeutquese taire,mêmesicetteespècedeschizoïdie

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est pénible. J'assumais le fait d'être directeur du journal et j'aidéfendumoncollaborateur.

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que, làaussi, j'aipumenerquandmêmequelquescombatsquiontcompté!

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MgrJean-MicheldiFalco76«Onnepeutcontraindrepersonneànousaimer»

Àquoi vous a servi leCAPde fraiseur que vous avez obtenudansvotrejeunesse?

Ce n'est pas le diplôme qui m'a servi, mais la formation.Conduireunemachine-outil,seconfronteràlamatièrepourluidonnerlaformesouhaitée,cesexpériencesm'ontenrichipourlavie.D'ailleurs, j'aime toujours le travailmanuelet je surprendslesgensautourdemoiquandilsmevoientbricoler,changerunedouille,montersuruneéchelle...Certainsdoiventpenserquejesuisunmanuelégaré!Maisquandons'égare,onpeutaussibiendécouvrirquelquechosedetrèsbeau.

Vousêtesnostalgiquedevotrepassé?

Pendantlongtemps,jen'yaccordaispasbeaucoupd'importance.Maisdepuisdeuxoutroisans,c'estvraiquejemesurprendsàypenseravecunecertainenostalgie.Jemesouviensparexempledes lieuxquim'ontmarqué.Mesdix-huitans,c'est leVercors,j'aimeraisyretourner.EtpuisilyaRome,Marseille,Paris...

Et Notre-Dame du Laus, où vous avez fait sensation enreconnaissant, il y a peu, le caractère surnaturel desapparitionsdeMarieàBenoîteRencurel!

Parrapportàd'autreslieuxdepèlerinageoùilyabeaucoupdemonde, c'est un endroit très paisible.Que l'on soit croyant ounon,onyéprouve toutde suiteunsentimentde sérénité.Celadit, je nem'attendais pas à un retentissement aussi important.Mais même si je m'interroge sur ce qui pourrait prendre pour

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certainsunaspectdemerveilleuxquin'estpasdudomainedelafoi, je pense important que les fidèles aient des lieux commecelui-làpourseressourcerspirituellement.

Il n'y a que 8% de catholiques pratiquants en France. Vousdites-vousparfois:«J'auraisdûêtreunpeuplusmilitant»?

Dansundiocèsecommelemien,jepeuxvousassurerquejevislasituationdefaçondouloureuse.Jen'aipaspourautantl'espritde prosélytisme. La foi est un acte d'amour, on ne peut pascontraindrelesgensànousaimer.Notremissionestd'ouvrirdescheminsdanslerespectdechacun.

Vous qu'on a surnommé « l'attaché de presse deDieu », querépondez-vous à ceux qui disent, à propos de la crise desvocations : « Si Dieu continue à appeler, comment se fait-ilqu'iln'yaitpasderéponse?»

C'est une formule d'éditeur, Dieu n'a pas besoin d'attaché depresse, chaquechrétienest son«média».Etpuiscen'estpastantlacrisedel'appelquiestenjeu,maislacrisedelaréponse.OnparledusilencedeDieu,nefaudrait-ilévoquerunpeupluslasurditédeshommes?

Vousarrive-t-il,vous-même,dedouter?

Biensûr.Jediraismêmequeceuxquinedoutentjamaismefontpeur.Quand je suisconfrontéàdes situationsparticulièrementdouloureuses, à lamaladie, à la souffrance, quand je vois parexemple un enfant cloué sur un fauteuil et qui n'arrive pas às'exprimer, il m'arrive de dire à Dieu : « Là, je ne comprendspas.»Maisdouter,vaciller,renforceaufinalmafoi.

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d'efforts. Je retrouve ça avec le succès. Je voulais simplementfaire de la musique, je suis devenu un chanteur en haut del'affiche,cen'étaitpasprévuauprogramme.Finalement, jen'airienfaitd'autrequedesuivrecequiseprésentaitenessayantdeleréussir.

C'estcequis'estpasséégalementaveclesfemmes:vousvousêteslaisséfaire?

Ce que j'avais envie d'assouvir était assez simple à réaliser.J'étaisoriental, je rêvaisdegrandesblondessuédoises.C'est lavie quim'a permis de réalisermes autres fantasmes !Cela dit,quand on énumère mes conquêtes amoureuses, cela me faitsourire,parcequec'estsouventfaux.

Souventoutoujours?

ÉdithPiaf,c'estvrai,JeanneMoreauaussi,maispasBarbara,oubiend'autresfemmesquiontjusteprisplacesurmamoto.

Làencore,pasderegret?

D'avoireu,commeDonJuan,«milleet troisfemmes»,disonsquecelam'aempêchédevivre la forceducouple, le faitqu'unhomme et une femme forment une entité inaltérable,Ça, je nel'aipasconnu,paslongtempsdumoins.Ducoup,j'aiparfoisdeshumeursquimefontdire,alorsmêmequejeconnaisbeaucoupdemonde:«Jesuisseul.»Maisc'estunchoix.

Unchoixplusdifficileàassumerquandonvieillit?

Quandj'étaisàAlexandrie,mepromenantseulsurlebateauquem'avait offertmon père ou faisant les quatre cents coups avec

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mes copains, et qu'onme demandait : «Qu'est-ce que tu veuxfaireplustard?»,jedisaistoujours:«Jevoudraisêtrevieux.»Entrel'enfantinsouciantquej'étaisetlesvieillardsquejevoyaiss'amuser,regarderlesfilles,alleràlapêcheouaucafé,ilyavaitlesgenssérieux,ceuxquimettaientleurcostume,quiprenaientleur voiture, qui allaient travailler, et je ne pouvais pasm'identifier à eux. Je voulais soit rester enfant, soit devenirvieux.Etbizarrement,lephysiqueasuivi!J'aiblanchijeune:àtrente ans, j'avais la tête d'unhommede soixante.Vousvoyez,j'aiétéexaucé,mêmephysiquement.

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MichelDrucker82«Jesuisplutôtbiendanslasouffrance»

Quandvousparlezdevotrepère,ondiraitquevousnevoulezsurtout pas qu'on en pense du mal. Et pourtant, quel tyrandomestique avez-vous décrit dans votre autobiographie, Maisqu'est-cequ'onvafairedetoi?

Oui,maisilyavaitdanssatyranniedel'impatienceplusquedela violence.Lui était persuadé d'être un très bon père et ne serendaitpascomptequ'ilconcentraittoutesonénergie,toutessesattentions sur l'extérieur, sur sesmalades – c'était unmédecincommeonn'enfaitplus–etsesconquêtes,carc'étaitaussiunséducteur.Jel'aisansaucundoutebeaucoupaimé,mêmes'ilnes'enestjamaisrenducompte.

Ilétaitconvaincuquevousnevousensortiriezpasetvousavezlongtempsportélacroixdecefunestepronostic.

Dans une famille comme la nôtre, le diplôme, c'était sacré, etmoi,commej'avaisà l'écoleunvéritableblocagequ'aucunprofne réussissait à lever, je suis entré très vite dans la vie active.Comment mes parents, qui avaient le goût de l'excellence,auraient-ils pu imaginer que je tracerais mon sillon sans êtrepluscultivéetbrillantque lesautres,etcommentaurais-jepu,dumoinspendantunlongtemps,nepasenêtrepersuadémoi-même?

À la dureté de votre père, depuis votre plus tendre enfance,vous avez opposé cette gentillesse, aujourd'hui légendaire, etquiétaituneéchappatoire.

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pasenvied'êtredéçueparcequejeproduis.

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GuyCarlier87«Tousmesregretssontliésàdeslâchetés»

Avec les autres, vous êtes mordant, voire acerbe. Mais avecvous-même,quelleférocité!Unvraiautocannibale.

Surmonpoids, il aurait étémalvenuque jenepratiquepas ladérision. Quand je raconte dans Le cœur au ventre que j'aiacheté,au fildesannées,desvoituresdeplusenplusgrosses,avecdeshabitaclesdeplusenplusspacieux,etquemêmedansun 4x4, avec le siège reculé à fond, je devais bloquer marespiration pour ne pas klaxonner en permanence, c'estpathétique,biensûr,maiscommec'estdrôle,çapasse.

Parfois, ce n'est pas drôle du tout. J'ai tout transformé enmerde,expliquez-vous,mêmel'amour.

C'était, en effet : « Dis-moi que tu m'aimes, que je teconsomme. » Et à partir dumoment où l'autreme le disait, ilétaitingéréetnem'intéressaitplus.

N'avez-vouspaslesentimentd'êtreobscène,envousdécrivantdanscelivresouslescoutureslesplusintimes,envousmettantainsiàl'étal?

Sansdoute,d'où ledégoûtque jepeuxà l'occasionm'inspirer,mais quand vous voyez une femme obèse chez Fellini, quandvous regardez un Botero ou L'origine du monde de Courbet,n'est-ce pas aussi obscène ?À partir dumoment où il y a unsouffledecréativité,ya-t-ilencoreindécence?

À l'origine de ce que vous appelez votre « maladie », vous

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racontezqu'ilyauntraumatismeinfantile.

Oui, je devais avoir trois ans.Mamèrem'avait laissé dans uncentreaéréavecdesenfantsbeaucoupplusâgésquemoi.Jemesouviens de leur vacarme et de la frayeur que j'ai ressentie,jusqu'à ce que la maîtresse m'emmène déjeuner avec lesmonitrices. Là, je me suis retrouvé dans un havre de paix,entouré de ces femmes qui me nourrissaient et ma peur s'estcalmée.Depuis,chaquefoisquej'aipeur,quejesuisangoisséetque j'ai comme l'impression que des chiens bouffent mesentrailles,mangermecalme.

Etlapeurvoustenaillesouvent?

Oui,parcequedanscettemaladie,elleprendsouventledessus.Alors, vouspartezvous enfermer, vous cacher, et vousmangezdeplusbelle.Dansmaviepersonnelleouprofessionnelle,tousmes regrets sont liés à des situations que je n'ai pas oséaffronter,oùj'aiétélâche.J'apprendsçaenmeguérissant.

OnvousavuposeravecvotrecompagnedansMatch,puisêtrefilméàlacliniqueoùvousallezrégulièrement.Vosdétracteursmoquentvotredérivepeople.

On m'avait dit que des paparazzis nous suivaient et que desphotosdansMatchdédramatiseraientlachose.J'aiaccepté,alorsmême que c'était insupportable pour moi. Là-dessus, Marc-OlivierFogielm'envoiesepttextosconsécutifsenmereprochantdenepasêtreloyaletdeluiavoirpréféréMatch.J'aidenouveauditoui.Voiciabalancétoutesmescitationssurlespeople,surlethème«GuyCarlier,deuxpoidsdeuxmesures».Jen'airienàdire. Autant je considère qu'il y a de la création dans mon

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PhilippeDelerm92«Physiquement,jenesaistoujourspasàquoije

ressemble»

Voussemblezfaitpourlebonheur.

Jesuisnésixansaprèsunepetitesœur,quiétaitmorteàlasuited'unbombardement,pendantlaguerrede40.Surlatabledenuitdemamère, ily avait laphotode sa tombe, etmamèredisaitsouventqu'aprèsavoirhésité,ellem'avaiteupourretrouverl'idéedubonheur.J'aitoujoursétéentourédebeaucoupd'affectionetjeressenscommeundevoirdetransformercettechancedenaîtrequiaétélamienne,derendreauxautresquelquechosequel'onm'adonné.

Est-cequ'ilyauntraitquevousavezgardédevotreenfance?

Alorsquecelafaitlongtempsquejenemetrouveplustrèsbeau,j'aiunepropensionquiseprolongeàmeregarderdanslaglace,Adolescent, c'était systématique : je me regardais dans lesmiroirs,danslesvitrines,ycomprissurlesvoitures.L'habitudeest restée. L'âge venant, je ne sais toujours pas à quoi jeressemble.

Pourlegourouquevousêtesdevenu,celafaitdésordre!

Ceux de mes lecteurs qui me voient comme un gourou setrompent.Simeslivrespeuventleurapporterquelquechose,j'ensuisbiensûr ravi.Mais la fréquentationdemapersonne réelleneleurapporteraitrien.

J'avoueque,moiaussi, je vous imaginais zen,maîtrede vous

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commedel'univers.

Ehbien,sachezque,misàpartl'écriture,jesuisinquietdetout.

La Fédération française d'athlétisme vous a néanmoinscontacté pour conseiller et, sans doute, « détendre » sesathlètes.

Ellesavaitvraisemblablementquejesuispassionnéparcesport.Maismoi-même j'étaisun athlèteplutôt paniqué.Par exemple,j'enlevaismonsurvêtementunquartd'heureavantledépartdelacourse,parceque j'avaispeurqu'il secoincedans lespointes !Croyez-moi, j'aurais fait un fichu gourou pour l'équipe deFrance.

Vous regrettez de ne pas être devenu un grand championsportif?

Jusqu'à vingt-cinq ans, j'aurais de beaucoup préféré être unchampion de 400mètres plutôt qu'un écrivain.Mais c'est unepossibilité qui m'a été refusée. J'ai tout mis en œuvre, jem'entraînaistouslesjours.Maiss'entraînernesuffitpas,ilfautêtredoué.Oui,c'estungrandregret.

Ilyenad'autres?

J'ai lesentimentdequelquesfautesgraves,qui touchentàmonêtreintime,àmavieamicaleetamoureuse.

Vous qui vous êtes représenté, dans Mister Mouse, sous lestraitsd'unesouris,seriezenréalitéunfauve?

Disonsplutôtquej'aiétélâche.Jepenseparexempleàunami,

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qui était lemeilleur demes amis, et que j'aurais pu davantageaider,àunmomentdesaviedramatique.Jesaisquelesraisonsquejemesuisdonnéesàl'époquen'étaientpasbonnes.

L'écritureest-elleundérivatifàcetteculpabilité?

Onprêtesouventunœilsympathiqueauxgensquiavouentleursfautes, mais ce serait une lâcheté supplémentaire que de lesexorciserainsi.Non,l'écrituren'estpaspourmoiunexutoire...

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40.Chanteur.Dernieralbum:Sesplusgrandssuccès(Musidisc).

41.Écrivainetréalisateur.Dernierlivre:Lameute,Grasset,2010.

42.Créateurdemode.

43.Comédien.Dernierfilm:Ensemblec'esttropdeLéaFrazer.

44.Navigatrice,a traversé l'Atlantiqueet lePacifiqueà la rame,puis fait letourdumondeàlavoileàcontre-courant.

45.DessinateuràCharlieHebdo.Dernierlivre:Démobilisationgénérale:laFrancequidoute,LeCherchemidi,2009.

46.Comédienetmetteurenscène.Disparu le2 juillet2010.Dernièrepiècedethéâtre:PhiloctètedeJean-PierreSiméon,d'aprèsSophocle.

47.Écrivain.Dernierlivre:LemiroirdeCassandre,AlbinMichel,2009.

48.Réalisateur.Dernierfilm:L'arméeducrime.

49.Réalisateuretproducteur,fondateurdelasociétéMK2.

50. Clown, musicien et comédien. Dernier spectacle en tournée :Ce soirdansvotreville.

51.Écrivain.Dernierlivre:LatrahisondeThomasSpencer,Julliard,2009.

52.Chanteuse.Dernierspectacleentournée:Auplaisir!

53.Journaliste.Dernierlivre:LequaideOuistreham,Éditionsdel'Olivier,2010.

54.Comédienneetchanteuse.Dernieralbum:Glamouràmort(Columbia).

55.Secrétaired'État chargéede laPolitiquede laville, ancienneprésidentedel'associationNiputesnisoumises.

56.Dessinateur.Dernier livre :L'anniversaire d'Astérix et d'Obélix, AlbertRené,2009.

57.Chanteur.Disparu le 10 janvier 2010.Dernier album :Rentrer au port

Page 74: À Margot

(Wagram).

58.Comédien.Dernierfilm:DanstonsommeildeCarolineetÉricduPotet.

59.Écrivain.Dernierlivre:Mara,Julliard,2010.

60.Chanteuretcomédien.Dernierdisque:Infréquentable(Jive).

61. Comédien et musicien. Disparu le 14 février 2006. Dernier film :L'hommequirêvaitd'unenfantdeDelphineGleize

62.Écrivain,co-fondatriceduMouvementdelibérationdesfemmes.Dernierlivre : Qui êtes-vous Antoinette Fouque ? avec Christophe Bourseiller,Bourinéditeur,2010.

63.Députéesocialiste,ancienministredelaJustice.

64.Comédienne et écrivaine.Dernière pièce de théâtre :Colombe de JeanAnouilh.

65.Musicien,auteur-compositeur,jurédelaNouvellestarsurM6.

66. Publicitaire, vice-président d'Havas. Dernier livre : Génération QE,VillageMondial,2009.

67.Écrivain,acteuretchroniqueur.Dernierlivre:Parcequeçanousplaît.L'inventiondelajeunesse,avecJoySorman,Larousse,2010.

68.Chanteuretcomédien.Dernièrepiècedethéâtre:Abraham.

69.DirigeantdescentresLeclerc.

70.DirecteurdeFranceInter,anciendirecteurdeCharlieHebdo.

71.Comédien.Dernierfilm:Protégeretservird'ÉricLavaine.

72.Dessinateur.Dernierlivre:Geluckselâche,Casterman,2009.

73.Comédienetréalisateur.Dernierfilm:NewYorkILoveYou.

74.Chanteur.Dernieralbum:PuertoRico(Warner).

Page 75: À Margot

75. Avocate au barreau de Paris. Dernier livre :Ne vous résignez jamais,Plon,2009.

76.ÉvêquedeGap.

77.Journalisteetchroniqueur.

78.Physicienfrançais,prixNobeldephysique1992.

79.Comédienne.Dernierfilm:LafollehistoiredeSimonEskenazydeJean-JacquesZilbermann.

80. Écrivain, éditeur et chroniqueur. Dernier livre : Parkeromane, Jean-ClaudeGawsewitch,2010.

81.Chanteur.Dernieralbum:Solitaire(EMI).

82.AnimateurdeStudioEurope1etdeVivementdimanchesurFrance2.

83.Facteur,porte-paroleduNouveaupartianticapitaliste.

84.Créatricedemode.

85.Comédienne.Dernièrepiècede théâtre :Embrassons-nousFolleville et29°àl'ombred'EugèneLabiche.

86.PremièreadjointesocialisteàlamairiedeParis.

87.HumoristeetchroniqueurradiodanslaMatinaled'Europe1.

88.Journaliste,animateurdeÇabalanceàParissurParisPremière,directeurduthéâtreMarigny.

89.Écrivain.Dernierlivre:LessablesdeJubaland,Plon,2010.

90.Comédien.Dernierfilm:VictordeThomasGilou.

91.Comédienne.Dernierfilm:MumudeJoëlSeria.

92.Écrivain.Dernier livre :Quelquechoseen luideBartleby,MercuredeFrance,2010.

Page 76: À Margot

93.Comédien.Dernierfilm:ChicasdeYasminaReza.

94.Comédien.Dernierfilm:BlanccommeneigedeChristopheBlanc.

95.Chanteur.Dernieralbum:Lebaldesgensbien(Polydor).

96.Écrivain.Dernierlivre:Discoursparfait,Gallimard,2010.