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à Mimi et Manou mes éternelles compagnes.

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Ce fut le résultat d’une de ces simples combinaisons des événements que les

imbéciles admirent sous le nom de hasard.

Aimer et être aimé !… Tout est là ! Le reste… Niaiseries.

Emile GABORIAU.

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Patrick Smaghe attendait la sortie de son client au

terminal E de l’aéroport Charles de Gaulle. L’avion était arrivé, mais apparemment, sans les bagages… Derrière les vitres du hall, il observait les voyageurs résignés qui fixaient un tapis roulant désespérément immobile… Enfin, après trente sept minutes de patience, et quelques signes d’exaspération, la machine se mit en branle, et les valises apparurent une à une.

– Avez-vous fait bon voyage ? – Très bien merci… C’était toujours la même question et Patrick

obtenait de ses clients souvent la même réponse. Ils parlaient bagages et du temps perdu, de l’été pourri et de l’automne qui ne s’annonçait pas mieux, des événements survenus de part et d’autre des continents, et généralement, à la barrière du péage de Senlis, les sujets de conversations étaient épuisés… Ce jour là, ce fut comme d’habitude, après avoir réglé le régulateur de vitesse sur 135km/h, Patrick dégagea son pied droit de l’accélérateur et plus confortablement installé, apprécia le ronron des six cylindres de sa Mercedes Classe S. L’ordinateur de bord lui indiquait 645 km d’autonomie mais heureusement pour lui son trajet serait plus court, car de l’aéroport à Courtrai en

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Belgique son GPS affichait 228 kilomètres à parcourir : il serait de retour chez lui vers 19 heures dans sa bonne ville de Tourcoing…

Chauffeur indépendant, il travaillait principalement pour des hommes d’affaires belges en les conduisant de leur domicile à Roissy et vice versa. Autonome, parlant peu, écoutant quand il était seul la radio, cette routine lui plaisait et il avalait ses kilomètres journaliers avec tranquillité en songeant à tous ces businessmen assis derrière lui, stressés par la grimpé de l’euro et fatigués par les décalages horaires.

En cette fin d’après midi de septembre 2006, son passager s’était assoupi la tête renversée sur l’appui-tête avec une bouche bêtement ouverte. Le jour commençait à décliner et Patrick pensait à son dîner, en l’occurrence un reste de pâtes à la bolognaise de l’avant veille, toujours meilleures quand elles sont réchauffées… Peut-être allait-il aussi regarder la télévision si sa femme n’était pas rivée devant une récurrente série policière américaine à l’inévitable recherche d’ADN…

Plongé dans ses pensées culinaires, il venait de passer l’échangeur de Bapaume, quand un éclair bleu venant du ciel fusa dans la campagne à deux cents mètres de l’autoroute. Ce fut quelque chose d’extraordinaire car ses dimensions dépassaient l’entendement. Incroyable fut le seul adjectif qui traversa la tête de Patrick, qui n’avait jamais vu un tel phénomène. Au même moment tout s’arrêta, le moteur, les lumières du tableau de bord, et tous les véhicules circulant sur l’A1 dans les deux sens. Patrick eut la présence d’esprit de profiter de sa vitesse pour garer la Mercedes directement sur le

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terre-plein à droite de la bande d’arrêt d’urgence. Geste qui lui fut salutaire, car un poids lourd surpris par le ralentissement freina brutalement et se mit immédiatement en travers dans un crissement de pneus assourdissant. Un souffle d’acier et de caoutchouc brûlé fit vibrer l’habitacle de la Classe S dans un mouvement latéral qui réveilla monsieur Debecker en sursaut.

– Hein ! Que se passe-t-il ? Nous sommes déjà arrivés ?

– Pas vraiment, regardez ! – Qu’est-ce que c’est que ça ? !

À un jet de pierre, posée dans un champ, une lumière bleue irradiait tout un périmètre dans un halo fantasmagorique. Cela ressemblait à une lentille géante de 50 mètres de diamètre environ dont il était impossible de voir la structure.

– C’est certainement un OVNI ! – Seulement on ne voit pas l’objet et… ça ne vole

pas.

Plus pragmatique que Patrick, monsieur Debecker analysait la situation en homme rompu aux affaires où il fallait rapidement souligner dans un contrat le détail important.

– Il faut vite appeler la police. Patrick prit son portable, mais en vain, rien ne

fonctionnait. – Le mien non plus, c’est tout de même pas

ordinaire ! – C’est sûrement un OVNI, dans tous les récits ce

sont les mêmes histoires qui reviennent. Plus de courant, plus rien et c’est… les 4400 !

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– Les quoi ? – Non, je plaisante, c’est une série de science

fiction qui passe en France en ce moment. – Ah ! oui, je connais !… Bon, que fait-on

maintenant ? – Ben, je vais voir, regardez il y a des gens qui

avancent déjà.

En effet quelques personnes avaient abandonné leur véhicule dans un capharnaüm indescriptible, franchi le terre-plein et se dirigeaient vers le phénomène lumineux.

– Je ne sais pas si c’est une bonne idée, cette lumière bleue me rappelle une lampe pour attraper les insectes.

L’homme d’affaires belge mit le doute dans l’esprit de Patrick. Mais la routine de sa vie, même si elle lui plaisait, méritait une audace, celle qui peut changer votre quotidien ou du moins le pimenter. Tous les hommes n’avaient pas la chance de franchir le Rubicon pensa-t-il.

Il sortit de sa voiture et rejoignit le groupe qui avançait doucement. Le champ avait été labouré et les sillons formés de grosses mottes de terre rendaient la progression difficile. Tous murmuraient des phrases ponctuées de qualificatifs enthousiastes : C’est merveilleux ! Personne ne nous croira… On est les premiers c’est génial !… Qu’est-ce qu’on va leur dire ? Tenons-nous tous la main… Un couple d’Anglais répétait en boucle My God ! My God ! My God !

Patrick se retrouva entre un camionneur ventripotent et une jeune femme, tous unis main dans

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la main pour entrer dans l’inconnu. Ils approchaient de la lumière pas à pas, inquiets et confiants à la fois.

Pour ne pas trébucher Patrick regardait où il mettait les pieds, et se désola de voir ses belles chaussures déjà maculées de boue. Aussitôt il lâcha les mains de ses deux partenaires pour relever le bas de son pantalon afin qu’il ne subisse pas le même sort des Paraboots, mais en se baissant il perdit l’équilibre et partit tête la première en faisant trois grandes enjambées maladroites. Il se retrouva immédiatement isolé dans un couloir bleu qui le conduisit vers le centre de la lumière. C’était immense et vide. Etait-ce un vaisseau spatial ?… Une illusion d’optique ?… Patrick marcha en interrogeant le vide.

– Il y a quelqu’un ?… Oh oh ! répondez-moi !…

Curieusement il n’avait pas peur, il marchait sur le bleu, il était entouré de bleu, lui-même avait une couleur bleue… Il fit encore deux tours dans cet étrange espace, puis le couloir bleu réapparut. Il s’y engagea et retrouva ses deux voisins qui lui prenaient à nouveau les mains comme pour l’aider à se relever.

– Vous vous êtes fait mal ? – Non pas du tout je…

Tout avait disparu.

– Que s’est-il passé ? – Ben rien, vous avez trébuché et tout a disparu.

Vous avez dû lui faire peur. Le camionneur le regardait d’un drôle d’air, lui

reprochant sans doute par son manque d’équilibre la disparition de la vision lumineuse.

– Comment ça rien ? Je suis allé dedans !

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– Dites pas de conneries ! Vous avez trébuché et le truc s’est éteint aussitôt ! J’ai bien vu que vous n’avez pas été dans !

Patrick essayait de comprendre ; il regarda la jeune femme dans l’espoir de trouver une alliée, mais…

– C’est vrai monsieur, vous avez trébuché et la lumière a disparu. Vous ne l’avez pas vue ?

– Si si, mais j’ai eu l’impression que…

Patrick sentit qu’il ne fallait pas insister. Il venait de vivre quelque chose d’unique et tous ces gens n’avaient rien vu. Épris de sciences fictions, les apparitions de vaisseaux et autres phénomènes n’avaient plus de secret pour lui. A l’image de Jodie Foster dans le film Contact les extraterrestres avaient communiqué avec lui sans que les autres en aient conscience. Il était resté au moins cinq minutes hors du temps… Il était l’élu !

Quand il regagna sa voiture, il retrouva son client qui lui serra chaleureusement la main.

– Vous êtes tout pâle ! Vous n’avez pas eu peur ! – Non, je vous remercie. – Quand je vous ai vu partir la tête la première, je

me suis dit oh ! là là ! et puis non, le phénomène a disparu et mon GSM s’est remis à fonctionner !

Patrick essayait d’enlever tant bien que mal la boue de ses chaussures en les essuyant sur le pneu quand sa voisine d’aventure l’aborda.

– Tenez, voici ma carte, je suis visiteuse médicale et je propose des médicaments anti-stress. Si vous avez besoin de quelque chose téléphonez-moi.

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Patrick la remercia, interdit. Il la regarda remonter dans sa Polo, faire une petite manœuvre arrière, se faufiler le long de la bande d’urgence et disparaître.

– Voici une bien belle Martienne ! Le Belge ne manquait pas d’humour. – Sans doute attirée par la Mercedes. – Peut-être, mais vous avez quand même la carte.

À 48 ans, Patrick était séduisant mais avec discrétion, 1m82, le cheveu plus sel que poivre, le ventre plat, non fumeur, des footings réguliers le maintenaient en forme, il ressemblait de loin à un Thierry Lhermite aux yeux marrons et, quand il était seul au volant, il était certain qu’il attirait les regards… Mais c’était bien la première fois qu’il se faisait draguer d’une façon aussi directe par une « gamine » de 25 ans tout au plus. Reprenant le volant, il se dégagea de l’embouteillage comme la visiteuse et retrouva l’asphalte autorisé une centaine de mètres plus loin.

– Il nous est arrivé quelque chose d’extraordinaire tout de même. Je ne sais pas si en Belgique on en parlera, mais ce soir je vais regarder les chaînes françaises.

– Je pense qu’ils vont en parler, car il y avait trop de monde sur l’autoroute pour ignorer l’événement, et je suis certain qu’il y a eu de la casse, j’ai entendu des coups de frein suspects.

– Oui, j’ai entendu aussi, j’espère qu’il n’y a pas eu de blessés.

– Il vaudrait mieux qu’il y en ait eu, comme cela ils ne pourront pas nous raconter des mensonges.

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– Mensonges ? Vous pensez que les gouvernements nous cachent des choses ?

– Absolument. Ça les dérange tellement qu’ils font tout pour éviter le problème.

– Je ne vois pas où est le problème, nous n’avons qu’à y gagner avec d’autres intelligences.

– Je suis entièrement d’accord avec vous, mais les fondements religieux occidentaux s’écrouleraient. Dieu nous a fait à son image ne l’oubliez pas.

– Oui c’est vrai, et si des gueules de crabe débarquent avec 5000 ans d’avance sur nous, cela ferait désordre une fois.

Décidément ce Belge avait tout compris. Patrick remit le régulateur de vitesse et replia un peu ses jambes… Son cerveau marchait aussi vite que sa Classe S, avec une seule envie, celle de raconter son aventure à sa femme.

* * *

– Tu te rends compte, j’ai été contacté ! – Par qui ? – Comment ça par qui ? Je viens de te le dire ! – Et qu’est-ce qu’ils ont dit ? – Rien. – Et qu’as-tu vu à l’intérieur ? – Rien. – Tu te fiches de moi ! ? Tu me dis qu’il t’est

arrivé une aventure extraordinaire, mais tu n’as rien vu et rien entendu !

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– Mais tu le fais exprès ou quoi ! Je viens de te dire qu’on était au moins 200 personnes sur l’autoroute à avoir vu ce phénomène, plus de moteur, plus de batterie, plus de téléphone, je suis entré dans cette lumière et personne n’a vu que j’y suis resté au moins cinq minutes et tu ne trouves pas ça extraordinaire ! Je me demande ce qu’il te faut !

– Oui, je suis déçue, car dans le film Contact elle a vu quelque chose, elle.

– Bon, oublie, laisse-moi regarder le journal, ils en parleront peut-être.

Sa femme Isabelle était gentille, adorable, élégante, mais commerçante, et donc aussi sensible à la science fiction qu’un canidé à un lampadaire Art nouveau. Pour elle il n’y avait point de salut hormis les séries policières avec meurtres, violes, kidnappings et une flopé d’avocats récitant le code pénal comme du Molière. Elle ne rêvait que d’une chose, voir les agents du FBI investir sa boutique de décoration : à Tourcoing, elle pouvait attendre…

Le journal télévisé commença et Patrick Poivre d’Arvor annonça les titres. Politique intérieure, extérieure, conflit Israélien, attentat à Bagdad, tout y passait sauf son aventure, Patrick commençait à désespérer quand :

– Je débuterai ce journal en vous parlant d’un fait divers qui s’est produit en fin d’après midi sur l’autoroute A1. Plusieurs centaines d’automobilistes ont été les témoins aux alentours de Bapaume d’un phénomène lumineux digne des meilleurs films de science fiction…

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Tous les détails étaient exacts et Patrick jubilait. Il y eut même l’interview d’un couple de vacanciers Hollandais parlant très bien le français.

– On était tous autour, quand il y a eu un homme qui a trébuché et tout a disparu.

Patrick bondit du canapé. – C’est moi ! C’est moi ! Qui a trébuché, Bon

Dieu ! Il parle de moi ! – T’en loupes pas une toi, si je comprends bien, la

lumière est partie à cause de toi. Eh bien téléphone au journal, ils vont peut-être d’interviewer.

– T’as raison. Il prit son portable et demanda au 118 218 le

numéro de TF1 devant une Isabelle médusée qui avait lancé cette idée comme une raillerie.

– Oui, bonsoir, pourrais-je avoir la rédaction du journal s’il vous plait ?… J’ai des révélations à faire par rapport à l’incident qui s’est produit sur l’autoroute aujourd’hui… Oui… Ah bon ? je suis le quatre vingt troisième qui téléphone ! Oui, mais c’est moi qui ai trébuché ! Eh bien je…

Patrick dû raconter son histoire quatre fois et à quatre interlocuteurs différents pour qu’enfin on daigne prendre ses coordonnées pour éventuellement le contacter.

– Purée ! vingt minutes au téléphone, bonjour mon forfait !

– Tu t’attendais à quoi, avoir Patrick Poivre d’Arvor en direct à l’antenne avec ta photo en encart comme un grand reporter ?

Isabelle se moquait souvent de son mari, plus jeune de cinq années, elle avait en plus un ascendant

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financier sur lui, qui malgré la Mercedes et comme beaucoup de chauffeurs, était smicard. Elle s’autorisait donc à se gausser de lui par une ironie quelques fois mordante…

Ils regardaient un feuilleton inepte depuis quelques minutes quand le portable de Patrick sonna.

– Oui ?… vous êtes l’assistant de monsieur d’Arvor ?…

Patrick fit un signe de tête suffisant vers Isabelle. – Eh bien voilà comment ça c’est passé, je… Il énuméra pour la cinquième fois son aventure

avec force détails. – Bon, d’accord… Non non, je comprends… Tout

à fait… Très bien… Je vous remercie monsieur… Bonne soirée… Oui… Merci…. Au revoir…

– Alors ? – Alors PPDA est intéressé par mon histoire, ils

ont reçu énormément d’appels, donc ils la prennent au sérieux, seulement demain c’est vendredi et c’est Claire Chazal qui présente le journal, alors IL va lui en parler, et si elle est d’accord, ils me demanderont de venir au journal.

Patrick se mit à siffloter, mais n’importe quoi, pour bien montrer à sa femme qu’il pouvait aussi lui renvoyer la balle…

– Bien, je m’incline… Crois-tu qu’ils vont te rappeler.

– A mon avis cela ne fait aucun doute, la Chazal est aux ordres, et tu l’as entendue au journal, c’est un fait divers qui a bloqué l’A1 pendant plus de deux heures avec 27 blessés légers et 78 voitures endommagées et au moins 200 personnes qui ont vu

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le phénomène. Ça va faire le tour du monde cette histoire.

Il se remit à siffloter. – Bon ça va, je peux regarder mon feuilleton

tranquille ?

La porte d’entrée s’ouvrit et Louise embrassa ses parents.

– Ton frère n’est pas avec toi ? – Si si, il gare la voiture, il n’y a pas de place

devant la maison. – Votre père à quelque chose à vous raconter. – Quoi ? – Je vais attendre ton frère car cela fait au moins

vingt fois que je la raconte et j’en ai marre. – Tu racontes quoi ? – Attends ton frère et tu verras. – Bon, qu’est-ce qu’il y a à manger ? – C’est encore sur la gazinière.

Louise fila dans la cuisine. – Encore des pâtes à la bolognaise ! La barbe ça

fait grossir ! Le frère fit claquer la porte d’entrée à son tour et

embrassa ses parents de loin. – Dépêche toi Adrien, papa a quelque chose

d’important à nous dire. – Je mange d’abord, j’ai trop faim… – Je pourrais leur annoncer que j’ai un cancer, ils

ne penseraient qu’à manger ces deux là ! – Encore des pâtes ! Il n’y a pas autre chose ? – Si, le plat du jour du restaurant d’à côté !

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Patrick savait répondre à ses enfants du tac eu tac. Louise surgit de la cuisine.

– T’as un cancer ! – Mais non ! Allez, prenez vos assiettes et venez. Adrien et Louise s’installèrent avec leur plateau

dans les fauteuils qui entouraient le canapé et, Isabelle, le sourire aux lèvres, commença sans préambule.

– Papa va peut-être passer au journal télévisé de Claire Chazal !

– C’est vrai papa ?! – Oui, c’est vrai ! Car quand on a deux enfants de

18 et 21 ans qui mangent comme deux gorets leur brouet, on passe au journal ! Mais bon dieu respirez entre deux bouchées !

– Mais on a faim ! – Bon, j’attends que vous ayez fini, ça me dégoûte.

Patrick n’attendit que 48 secondes pour commencer son récit…

– Mais c’est incroyable papa chéri ! Tu vas peut-être te recouvrir d’écailles pendant la nuit !

– Ouais, ou il va te pousser des pattes d’araignées ! – C’est ça, fichez-vous de moi comme votre mère,

décidément les chats ne font pas des chiens ! – Mais papa, t’as rien vu et rien entendu, t’as vu

que du bleu, c’est le Grand Bleu ton truc : tu vas te ridiculiser. Moi, je ne regarderai pas le journal ! Je vais avoir trop la honte !

– Mais bon sang de bonsoir ! J’ai l’impression d’être David Vincent, c’est insensé ! Dans toutes les séries que vous regardez depuis que vous êtes nés et… même avant, il y a toujours un gros connard qui mange un hamburger et qui ne croit pas à l’histoire

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qu’on lui raconte ! Et je suis dans le même cas de figure avec ma propre famille !

– Mais papa chéri on te croit… Mais… ça va être délicat pour nous si d’un seul coup tu te métamorphoses en… en cafard géant et tu dévores Claire Chazal.

– Bon, j’ai compris, allez réviser.

Ses deux enfants se levèrent et de concert levèrent leur petit doigt comme dans la série des Envahisseurs. Patrick regarda sa femme.

– Tu ne dis rien. – Téléphone à David Vincent.