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Cybergeo : Revue européenne de géographie, Espace-Société-Territoire, N°398, 19 septembre 2007 1 www.cybergeo.eu La ségrégation résidentielle dans les plus grandes villes françaises (1968-1999) : quel modèle urbain ? The residential segregation in the largest French urban areas (1968-1999): Which urban model? Markus Schwabe, Statistics Austria, Vienna, [email protected] Résumé : Les changements sociaux dans les espaces urbains font l’object d’un vif débat dans le domaine des recherches urbaines. Cet article envisage de se concentrer sur la question spatiale de ces changements. A partir de l’exemple des huit plus grandes villes françaises, il met en évidence d’importantes transformations des structures de la ségrégation résidentielle entre 1968 et 1999. L’espace social au début du 21ème siècle se caractérise par une nouvelle complexité de l‘espace urbain, qui ne peut plus être résumé par les trois dimensions classiques du « statut social », du « statut démographique » et du « statut ethnique », traditionnellement mobilisés pour décrire la ville. De plus l’étude montre les divers processus de redistribution de la population dans l’espace urbain, s’articulant d’une manière différente selon les caractéristiques sociales, démographiques ou ethniques de la population urbaine. Mots-clés : espace urbain, géographie sociale, modèle, ségrégation résidentielle, gentrification, France Summary : The socio-economic transformations on the urban space are the object of an intensive discussion in urban research. This article intends an analysis of the spatial question of these changes. This case-study of eight French urban areas shows important transformations of the patterns of residential segregation between 1968 and 1999. The social space at the beginning of the 21th century can be characterized by a new complexity of urban space which can not be summarized by the classic social dimension “social status”, “demographic status” and “ethnic status” usually mobilized to describe the city. In addition to this, the study shows the different processes of redistribution of the population in the urban space, which hinge in a different way as a function of the social, demographic or ethnic characteristics of the urban population. Keywords : urban space, social geography, model, residential segregation, gentrification, France 1. Changements sociaux et spatiaux dans l’espace urbain La différenciation socio-spatiale ou ségrégation résidentielle de la population urbaine en fonction de la catégorie sociale, de l’âge, de l’appartenance ethnique ou du mode de vie n’est pas stable dans le temps, elle est soumise aux différents flux et reflux ségrégatifs produisant la « mosaïque urbaine ». A grande échelle temporelle, elle est le reflet de la hiérarchisation et de la fragmentation sociale de la société dans l’espace urbain. De ce point de vue la configuration de l’espace social est fortement temporelle et se modifie dans le contexte global des changements sociaux. En ce moment, les sociétés occidentales sont confrontées à des changements économiques, démographiques et culturels considérables qui sont liés au passage d’une société industrielle vers une société postindustrielle, agissant depuis quelques décennies. La notion de société postindustrielle – dont des sociologues Bell (1973) et Touraine ( 1969) sont à l’origine - essaie de conceptualiser la nouvelle organisation sociétale émergeante, due au progrès technique (Crouch, 1999). Selon Singelmann (1978) le système « fordiste-industriel » basé sur l’extraction des matières premières, leur transformation (production des biens standardisés à grande échelle) et leur distribution se transforme vers un système « post-industriel » qui s’organise autour des services aux entreprises, services sociaux et des services personnelles.

1. Changements sociaux et spatiaux dans l’espace urbain

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Cybergeo : Revue européenne de géographie, Espace-Société-Territoire, N°398, 19 septembre 2007

1 www.cybergeo.eu

La ségrégation résidentielle dans les plus grandes villes françaises (1968-1999) : quel modèle urbain ?

The residential segregation in the largest French urban areas (1968-1999): Which urban model?

Markus Schwabe, Statistics Austria, Vienna, [email protected]

Résumé :

Les changements sociaux dans les espaces urbains font l’object d’un vif débat dans le domaine des recherches urbaines. Cet article envisage de se concentrer sur la question spatiale de ces changements. A partir de l’exemple des huit plus grandes villes françaises, il met en évidence d’importantes transformations des structures de la ségrégation résidentielle entre 1968 et 1999. L’espace social au début du 21ème siècle se caractérise par une nouvelle complexité de l‘espace urbain, qui ne peut plus être résumé par les trois dimensions classiques du « statut social », du « statut démographique » et du « statut ethnique », traditionnellement mobilisés pour décrire la ville. De plus l’étude montre les divers processus de redistribution de la population dans l’espace urbain, s’articulant d’une manière différente selon les caractéristiques sociales, démographiques ou ethniques de la population urbaine.

Mots-clés : espace urbain, géographie sociale, modèle, ségrégation résidentielle, gentrification, France

Summary :

The socio-economic transformations on the urban space are the object of an intensive discussion in urban research. This article intends an analysis of the spatial question of these changes. This case-study of eight French urban areas shows important transformations of the patterns of residential segregation between 1968 and 1999. The social space at the beginning of the 21th century can be characterized by a new complexity of urban space which can not be summarized by the classic social dimension “social status”, “demographic status” and “ethnic status” usually mobilized to describe the city. In addition to this, the study shows the different processes of redistribution of the population in the urban space, which hinge in a different way as a function of the social, demographic or ethnic characteristics of the urban population.

Keywords : urban space, social geography, model, residential segregation, gentrification, France

1. Changements sociaux et spatiaux dans l’espace urbain La différenciation socio-spatiale ou ségrégation résidentielle de la population urbaine en

fonction de la catégorie sociale, de l’âge, de l’appartenance ethnique ou du mode de vie n’est pas stable dans le temps, elle est soumise aux différents flux et reflux ségrégatifs produisant la « mosaïque urbaine ». A grande échelle temporelle, elle est le reflet de la hiérarchisation et de la fragmentation sociale de la société dans l’espace urbain. De ce point de vue la configuration de l’espace social est fortement temporelle et se modifie dans le contexte global des changements sociaux.

En ce moment, les sociétés occidentales sont confrontées à des changements économiques, démographiques et culturels considérables qui sont liés au passage d’une société industrielle vers une société postindustrielle, agissant depuis quelques décennies. La notion de société postindustrielle – dont des sociologues Bell (1973) et Touraine ( 1969) sont à l’origine - essaie de conceptualiser la nouvelle organisation sociétale émergeante, due au progrès technique (Crouch, 1999). Selon Singelmann (1978) le système « fordiste-industriel » basé sur l’extraction des matières premières, leur transformation (production des biens standardisés à grande échelle) et leur distribution se transforme vers un système « post-industriel » qui s’organise autour des services aux entreprises, services sociaux et des services personnelles.

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Dans les villes, en particulier, la nouvelle organisation sociétale semble produire une polarisation sociale (O’Loughlin & Friedrichs, 1996). La discussion scientifique évoque une fragmentation socio-spatiale à l’intérieur des villes. Des sociologues proposent des schéma différents, comme celui de la ville duale (Mollenkopf & Castells, 1991) ou celui d’une ville divisée en trois parties ou plus (Häußermann & Siebel, 1987 ; Krätke, 1995). Les processus sociaux et spatiaux agissant dans les villes sont étroitement liés à la position de chaque ville dans la hiérarchie urbaine. Dans les villes au sommet de la hiérarchie urbaine, à savoir les villes globales (Sassen, 1991) qui se caractérisent par une forte importance économique, politique et culturelle à l’échelle mondiale (Friedmann, 1986, 1995; Sassen, 1994), la polarisation sociale et fragmentation spatiale semblent être les plus marquées.

Les processus agissant dans l’espace social des différentes villes sont multiples. Dans de nombreuses villes occidentales on peut observer une révalorisation sociale ou « gentrification » des quartiers centraux de la ville (Castells, 1994 ; Hamnett & Randolph, 1984, Häußermann, 1990 ; Lees, 2003 ; Ley, 1992, 1996). Ces études montrent que cette nouvelle attractivité des centres-villes pour les populations aisées est étroitement liée aux changements économiques et sociaux des dernières décennies. La désindustrialisation des quartiers centraux qui est souvent associée à des projets de la rénovation urbaine a souvent été le point de départ ou le support d’une revalorisation sociale. De plus, malgré des restrictions financières, la politique urbaine a été amenée à investir dans des projets prestigieux dans le but d’augmenter l’attractivité de la ville, dans le contexte d’une nouvelle concurrence inter-urbaine. Car dans une économie tertiaire, le prestige et le facteur du « bien-être » deviennent des atouts de plus en plus importants (Helbrecht, 2001). Enfin, la société post-moderne est marquée par l’émergence d’une nouvelle classe sociale aisée, qui adopte un style de vie « urbain » et préfère résider dans la ville-centre (Dangschat, 1990 ; Ley, 1996).

D’autre part, les sociétés se voient confrontées à la « deuxième transformation démographique » (Lesthaeghe, 1995). Cette transformation démographique se caractérise par l’augmentation du nombre de ménages d’une personne, des divorces et des familles monoparentales, ainsi que par la prolongation de l’espérance de vie et le recul du taux de natalité à un niveau inférieur au seuil de reproduction (Eurostat, 2004 ; Höpflinger, 1997). Plus globalement, le cycle de vie de la société industrielle basé sur le modèle de la famille nucléaire, avec quatre phases principales (mariage après le départ du foyer parental, naissance de plusieurs enfants, départ des enfants et la phase de veuvage) a perdu sa généralité. Les changements ont introduit de multiples différenciations et une nouvelle flexibilité de ce schéma classique : beaucoup d’individus vivent une phase de célibat, une « post-adolescence », avant de former un couple durable. En outre la nouvelle fragilité de l’union libre a multiplié le nombre des phases dans les cycles de vie de plus en plus individualisés (p.ex. nouvelle phase de célibat ou phase de mono-parentalité). Enfin, l’enfant a perdu sa position primordiale dans la hiérarchie des valeurs des couples (Glick, 1989 ; Kemper, 1985 ; Stapleton, 1980).

La ségrégation socio-démographique dans la ville est souvent schématisée par un modèle auréolaire. D’après cette logique, la population âgée et les personnes seules sont localisées dans la ville-centre et la population jeune et les familles à la périphérie urbaine. D’après certaines théories classiques, la population urbaine effectue un ajustement résidentiel en fonction de son cycle de vie. Du fait de l’augmentation de la taille de ménage, les familles se déplacent vers la périphérie avec le retour des personnes âgées au centre-ville à la fin de leur cycle de vie (voir par exemple Timms, 1971). Néanmoins, on peut observer une forte inertie démographique. Les jeunes ménages une fois installés vieillissent sur place, ce qui aboutit à l’émergence des auréoles successives du vieillissement du centre vers la périphérie (Ghékière, 1998 ; Wyly, 1999). Ghékière (1998, p. 66) décrit ce processus comme « la dynamique ondulatoire du vieillissement démographique » : la croissance démographique se fait par un

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peuplement des marges successives de l’agglomération, qui prend la forme d’une onde de peuplement.

Enfin, le phénomène migratoire a pris une nouvelle ampleur depuis la deuxième guerre mondiale dont il résulte une diversification culturelle des sociétés occidentales. Pendant la première vague d’immigration (une migration de travail) des années 50-60 et la deuxième vague (une migration de regroupement familial) des années 70, des groupes sont venus d’Europe du Sud et plus tard de Turquie et du Maghreb ou des anciennes colonies françaises d’Afrique subsaharienne. Depuis la fin des années 70, on peut observer une nouvelle vague de migration, une migration postindustrielle se caractérisant par des motifs et des pays d’origine (Asie années 70, Europe de l’Est depuis la chute du mur) différents de deux premières (Champion, 1994 ; de Wenden, 1999 ; White, 1993). Leur schéma spatial de localisation résidentielle prend la forme de noyaux multiples. Du fait des multiples processus de filtrage et d’une situation économique souvent précaire, ces populations se concentrent souvent dans l’habitat le plus ancien et défavorisé (Friedrichs, 2000 ; van Kempen & Özüekren, 1998, Simon, 1998)

En analyse urbaine, les trois modèles socio-écologiques de l’école de Chicago, le modèle auréolaire de Burgess, le modèle de Hoyt avec son schéma sectoriel et le modèle des noyaux multiples de Harris et Ullman représentent les modèles de reférence. Néanmoins, suite aux processus ségrégatifs récents la configuration de l’espace social est en train de changer continuellement. En conséquence la représentation habituelle de l’espace social de la ville est à revoir. Les travaux de Davies & Murdie (1991, 1994) montrent que le modèle urbain de la société post-industrielle se distingue nettement du modèle de la société industrielle. Dans leur ouvrage « Globalizing cities » Marcuse & van Kempen (2000) posent la même question d’un nouvel ordre spatial.

En France la manifestation spatiale des nouvelles structures sociales n’est pas moindre, elle est l’objet de nombreuses études. Par exemple, Brun & Fagnani (1994) ont déterminé de nouvelles trajectoires résidentielles des couples aisés et Préteceille (2006) a montré la diversité des schémas ségrégatifs de catégories socioprofessionelles. En intégrant la dimension temporelle dans l’analyse des inégalités territoriales, Martin-Houssart & Tabard (2002) ont montré un renforcement des inégalités spatiales et l’émergence d’une opposition entre chômage et emploi comme facteur de différenciation entre 1990 et 1999.

Cet article essaie de clarifier la structure contemporaine de différenciation socio-spatiale de l’espace intra-urbain. Son approche particulière est la comparaison des grandes villes françaises et l’analyse de leur évolution socio-spatiale à partir des années 60. Cet horizon temporel se justifie par le début des transformations sociales généralement daté des années 60/70. Ainsi l’analyse de ces transformations sur une période relativement longue de 30 ans permet de comprendre ces changements dans leur dimension temporelle et permet particulièrement de retracer les transformations sociales dans l’espace urbain. Une comparaison temporelle des structures sociales permet de mettre nettement en évidence les structures sociales et spatiales de la ville industrielle par rapport à la ville post-industrielle.

L’étude qui suit recouvre plus précisément les huit plus grandes aires urbaines françaises : Paris, Marseille, Lyon, Lille, Nice, Toulouse, Bordeaux et Nantes. La population varie entre 0,7 Mio. (Nantes) et 11,2 Mio. d’habitants (Paris) en 1999. La taille importante de ces villes est susceptible de révéler des schémas ségrégatifs généraux qui dominent les facteurs locaux de la ségrégation spatiale. En plus, à l’exception de Paris ces espaces métropolitains sont comparables dans leur importance en tant que métropoles régionales (Damette, 1994) qui exercent généralement un rôle innovateur dans les changements sociaux.

L’article est organisé autour de trois parties : D’abord, je vais présenter la manière dont la structure sociale de la population dans les

villes françaises a évolué entre 1968 et 1999, à l’échelle de l’aire urbaine toute entière.

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Quelles sont les évolutions communes, quelles sont les différences sociales qui caractérisent les huit plus grandes villes françaises ?

Ensuite, je vais présenter les différents processus de ségrégation observables dans les villes françaises entre 1968 et 1999. L’analyse va se concentrer sur la localisation des différents groupes sociaux par rapport aux différentes couronnes urbaines, qui semblent la maille d’analyse la plus pertinente pour saisir les divers processus de déplacement, de concentration ou de diffusion des différents groupes sociaux.

Enfin l’article propose un modèle de l’espace social des différentes villes à la fin du 20ème siècle. Ces modèles spatiaux sont basés sur les résultats de l’analyse des processus ségrégatifs et sur l’exploitation de plusieurs analyses en composantes principales qui servent à déterminer les formes et les dimensions de l’espace social.

2. Changements sociaux en France urbaine

2.1. Quelques éléments méthodologiques Avant l’analyse des différents processus de redistribution sociale dans les villes françaises,

il me semble nécessaire de donner quelques élements méthodologiques : Pour cette étude, les différentes aires urbaines ont été délimitées selon la définition de

l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE). Une aire urbaine est définie à la fois morphologiquement et fonctionnellement. Elle se décompose en deux parties : premièrement le pôle urbain, caractérisé par une morphologie urbaine nette (forte densité du bâti), deuxièmement la zone polarisée ou périurbaine caractérisée par un bâti discontinu mais un espace dont la population est encore en forte relation avec l’espace central (mesurée par les navettes domicile-travail).

La délimitation des aires urbaines est celle établie en 1999. Pour des raisons analytiques, les aires urbaines ont été divisées en quatre couronnes:

• ville-centre (commune centrale) • banlieue (dans sa situation en 1982) • couronne périurbaine ancienne (espace périurbain en 1982) • couronne couronne périurbaine récente (espace périurbain en 1999 en excluant

les communes de la couronne périurbaine ancienne).

La figure 1 montre cette configuration spatiale à partir de l’exemple de Lyon. Comme la périurbanisation a démarré en Europe dans les années 60, l’espace périurbain était quasiment inexistant dans les années 60, et s’est ajouté au fur et à mesure à l’agglomération urbaine. Pour l’interprétation des cartes il faudra tenir compte de cette réalité.

Les données mobilisées pour cette étude sont issues des cinq recensements de la population

de 1968, 1975, 1982, 1990 et 1999. Un travail d’harmonisation a été entrepris dans le souci de rendre les différentes variables comparables dans le temps. Par exemple, pour le recensement de 1982 l’INSEE a remplacé la définition des catégories socioprofessionnelles, définie en 1954, par une nouvelle nomenclature, qui a été étendue aux recensements précédents pour assurer la comparabilité des variables. Les données sont représentées dans la géographie constante décrite ci-dessus.

Le maillage spatial est issu des communes dont les différentes aires urbaines sont composées. Pour garantir la précision statistique, les communes d’un petit poids démographique ont été regroupées avec un seuil de 200 actifs au sondage au quart. Enfin, les communes-centre, généralement les plus peuplées ont été subdivisées en unités spatiales plus petites.

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Figure 1 : Zonage d’étude des différentes aires urbaines. L’exemple de Lyon

2.2. Urbanisation, désurbanisation et réurbanisation dans les villes françaises

Le développement urbain des dernières décennies était marqué par une forte progression de l’urbanisation. En France, la part de la population vivant dans une des 354 aires urbaines représente 77% de la population en 1999 (cf. Julien, 2001).

Pour les huit plus grandes aires urbaines françaises on peut remarquer un accroissement considérable qui varie de 12,7% (Lille) à 62,2 % (Toulouse) entre 1968 et 1999 (tableau 1).1 Cette augmentation est portée à la fois par un accroissement naturel et un solde migratoire positif dans la plupart des aires urbaines. Néanmoins, l’évolution de la population est très inégalement répartie dans l’espace. Suite aux processus de désurbanisation (sub- et périurbanisation) les villes-centres ont subi un déclin démographique assez important jusqu’aux années 80. Depuis, les tendances de desserrement du centre se sont légèrement inversées dans la plupart des villes. Seules les villes de Paris et de Marseille avaient encore un solde migratoire négatif entre 1990 et 1999. Le plus grand essor démographique a eu lieu en banlieue et plus récemment dans les zones périurbaines, où la population n’a pas cessé de croître. Depuis un certain temps les villes forment de véritables régions urbaines. La suburbanisation a été soutenue par la construction massive des grands ensembles de l’habitat social et des maisons individuelles à grande échelle à partir des années soixante. Elle est l’expression spatiale de la croissance économique de la société industrielle (Kesteloot, 2000). Plus récemment, le retour vers la ville-centre semble être une caractéristique spatiale de la ville post-industrielle.

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Tableau 1 : Evolution de la population dans les plus grandes aires urbaines

(aire urbaine constante de 1999)

2.3. Changements économiques et sociaux dans les villes françaises Les transformations économiques des dernières décennies ont un impact profond sur la

composition socio-professionnelle de la population active dans les villes françaises. Suite à la désindustrialisation et l’augmentation de l’importance des activités de services (activités tertiaires), on peut observer une diminution importante de la part des ouvriers et une augmentation considérable de la part des cadres et professions intellectuelles supérieures dans la population active dans les différentes aires urbaines entre le recensement 1968 et 1999 (figure 2). L’évolution générale de différences de la structure socio-professionnelle montre une grande stabilité. Car de nombreuses études montrent une grande stabilité de la position (fonctionnelle) des villes dans le même système de villes au cours du temps (Cattan, Pumain et al., 1994 ; Pumain, 1982). Si on compare la part des cadres et professions intellectuelles supérieures et la part des ouvriers dans les différentes aires urbaines, on peut constater que Paris a confirmé sa fonction tertiaire avec une part de 21% de cadres et professions intellectuelles supérieures dans la population active en 1999. Dans la hiérarchie mondiale des villes, Paris prend la fonction d’une ville mondiale qui se caractérise par son rôle financier, politique, de commandement économique et culturel de niveau mondial (Vandermotten & Vermoesen et al., 1999 ; Sassen, 1994).

Vue la part des cadres et professions intellectuelles supérieures (17,2% en 1999) l’aire urbaine de Toulouse peut être caractérisée comme deuxième métropole tertiaire en France. Après avoir raté la révolution industrielle au 19ème siècle, Toulouse est devenue grâce à la politique économique dès les années 50/60 le pôle de la construction et de la recherche

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aéronautique en France. Outre la recherche, l’économie toulousaine est très spécialisée dans les domaines de l’informatique, de la télécommunication, de la gestion et des services aux entreprises (Jalabert, 1995 ; Julien, 2002).

L’aire urbaine de Lyon est la deuxième ville dans la hiérarchie urbaine française du poids démographique et économique. Elle a été particulièrement touchée par la désindustrialisation (textile, métallurgie), afin de réussir finalement à diversifier son économie qui se fonde d’orès et déjà autour des activités tertiaires (des activités de commerce, de gestion, de recherche et de services aux entreprises et le maintien d’une base industrielle non négligeable (Bonneville, 1997 ; Pumain & Saint-Julien, 1990). En conséquence la structure de la population active se caractérise par une part importante des ouvriers de 23,3% accompagné par un taux des cadres et professions intellectuelles supérieures de 15,0% en 1999.

Figure 2 :Part de différents groupes socio-professionnels dans la population active (en %) en 1968 et 1999

Les aires urbaines Lille et Marseille ont été touchées par une crise économique profonde

dès les années 60. Quant à Lille, elle était longtemps un centre important de la sidérurgie et du textile, elle représente aujoud’hui une métropole tertiaire importante en France (Pumain & Rozenblat, 1996; Gamblin, 2001). En ce qui concerne l’aire urbaine de Marseille, elle souffre de la perte de la base économique organisée pendant des siècles autour du port. Le taux de chômage de 20,1% est bien le reflet de cette crise économique. On doit mentionner que, même si ce taux est le plus élevé de toutes les aires urbaines étudiées, l’augmentation du nombre de chômeurs est une nouvelle charactéristique des sociétés urbaines en général (figure 2). En

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1999 le taux de chômage dépasse 11% dans toutes les aires urbaines, d’ailleurs le taux en France est de 12,8% en 1999.

L’économie des aires urbaines Bordeaux et Nantes se caractérise à la fin du 20ème siècle par sa diversité sans spécialisation trés marquée (Julien, 1995 ; Pumain & Saint-Julien, 1995). Ainsi, la structure de la population active en 1999 peut être décrite comme relativement équlibrée.

Enfin, à Nice l’économie est fortement marquée par le tourisme et depuis les années 60/70 par l’ajout de la haute technologie (Dauphiné, 1990 ; Pumain & Saint-Julien, 1990). Les cadres et les ouvriers sont sous-représentés, la caractéristique de la population active est la part considérable des employés et des artisans et commerçants.

Enfin, on doit mentionner que depuis 1968 le nombre de professions intermédiaires a considérablement augmenté pour atteindre à l’heure actuelle à peu près un quart de la population active dans les différentes aires urbaines (figure 2). Une augmentation légère peut être observée pour le nombre d’employés. Finalement, la part d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise a reculé au cours du temps.

2.4. Changements démographiques Le géographe Clark (1987) remarque que le changement démographique est autant

important que le changement économique pour le changement social dans les villes.

Figure 3 : Part de groupes socio-démographiques dans la population

(en %) en 1968 et 1999

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Un premier aspect est l’augmentation considérable du nombre des ménages d’une personne. La figure 3 montre que ce type de ménage est monté d’environ 20% en 1968 à plus de 30% en 1999. Quand on compare directement les différentes aires urbaines on peut remarquer que l’aire urbaine de Nice se trouve avec un taux de 36,5% au premier rang en ce qui concerne le nombre des ménages d’une personne en 1999 (voir aussi Ogden & Hall, 2000).

L’autre changement est le vieillissement de la société, s’exprimant par une augmentation du nombre des plus de 64 ans et la diminuation de la part des moins de 20 ans dans la population. Avec 22% de population de plus de 64 ans en 1999, Nice est également la ville la plus âgée parmi toutes les aires urbaines étudiées. Si, en général, l’augmentation du pourcentage de la population de plus de 64 ans s’explique par l’augmentation de l’éspérance de vie dans les différentes aires urbaines, elle y particulièrement soutenue par l’installation de nombreux retraités au sud de la France. En général, l’augmentation du nombre des ménages d’une personne s’explique non seulement par l’augmentation de l’espérance de vie mais aussi par une nouvelle phase de célibat (de post-adolescence) et par les nouvelles fractures familiales. Le dernier phénomène a conduit à un doublement de la part des familles mono-parentales entre 1968 et 1999 dans la plupart des villes françaises. Avec 16,9% en 1999, cette proportion est particulièrement marquée à Marseille.

En 1999, la part des plus de 64 ans est la plus basse à Paris. Elle ne représente que 12,5% en 1999. La population parisienne peut être caractérisée par une forte présence du groupe d’âge de 25 à 45 ans. Cette structure démographique particulière s’explique par le « filtre parisien » attirant les étudiants et les jeunes professionnelles, qui repartent au bout de quelques années (Bonvalet & Lelievre, 1991 ; Ogden & Hall, 1998).

En considérant aussi les pourcentages de moins de 18 ans dans les différentes aires urbaines, Lille est la plus jeune avec un quart de la population qui a moins de 18 ans en 1999. De même la part des ménages d’une personne y est la plus basse.

2.5. Changements culturels La présence d’importantes populations ethniques est souvent un phénomène urbain. En

Europe on retrouve les populations étrangères les plus importantes dans de grandes villes comme Londres, Paris ou Bruxelles (Friedmann, 1995). Cette concentration est due à la fois aux meilleures possibilités de travail et à un réseau ethnique déjà présent qui facilite l’insertion dans la vie locale pour les nouveaux immigrés s’installant dans le pays. Néanmoins, les différents groupes ethniques sont très inégalement répartis dans les villes françaises. Le tableau 2 montre la part de la population étrangère2 dans les huit plus grandes aires urbaines en 1999. On peut remarquer une varieté importante de la part des immigrés dans les villes considérées. En valeur absolue et en pourcentage le plus grand nombre d’immigrés se trouve dans l’aire urbaine de Paris. L’effectif le plus faible se trouve à Nantes. Néanmoins, même à Nantes, la localisation urbaine joue sur la proportion de population immigrée : ainsi, la région Pays de la Loire ne compte que 1,9% d’immigrés dans sa population totale en 1999, contre 3 % dans l’aire urbaine (voir aussi Boëldieu & Borrel, 2000).

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Tableau 2 : Immigrés dans les grandes aires urbaines en 1999

Les différents groupes d’immigrés regroupés en quatres groupes selon leur région d’origine

sont très inégalement représentés dans les aires urbaines. Par exemple, la concentration régionale des immigrés du Sud de l’Europe à Bordeaux (38,8%) ou Toulouse (37,8%) reflète la distance géographique à l’Espagne ou au Portugal. La forte présence des immigrés de l’Afrique à Marseille (58,8%) montre la fonction classique de Marseille comme point d’entrée de nombreux groupes d’immigrés d’Afrique.

3. Processus de redistribution sociale dans les villes françaises

Les nombreuses études sur l’espace social de la ville ont montré que la ségrégation résidentielle est déterminée par la position socio-économique, les caractéristiques familiales (position dans le cycle de vie) et l’origine ethnique des ménages. Pour pouvoir comprendre l’évolution de l’espace social dans sa complexité et l’interaction multiple des différents groupes sociaux 22 variables caractérisant les différences de la mosaïque sociale ont été considérées (voir première colonne tableau 4). En supplément, 5 variables caractérisant les différents milieux d’habitat dans la ville ont été prises en compte.

Pour une première approche des évolutions socio-spatiales, seuls quelques indicateurs sont considérés: cadres et professions intellectuelles supérieures, ouvriers, population de 18 à 24 ans, population de 55 à 64 ans, population de plus de 64 ans, familles avec enfant de moins de 6 ans. Ces variables sont les indicateurs les plus parlants qui permettent le mieux de comprendre les processus agissant au cours des dernières décennies.

Pour une analyse des changements de la répartition géographiqe des différents groupes sociaux dans la ville leur localisation a été représentée par rapport aux quatre couronnes urbaines (figure 1). En effet, les analyses sur la ville ont montré que les différences familiales suivent généralement un modèle auréolaire. En ce qui concerne les différences socio-économiques, elles suivent généralement un modèle sectoriel, néanmoins l’analyse de la répartition des différents groupes socio-économiques a montré que les changements pendant les dernières décennies ont suivi un modèle centre-péripherie sans bouleverser le schéma sectoriel qui est dominé par un schéma concentrique à l’èchelle de toute l’aire urbaine (Schwabe, 2005).

Pour saisir les logiques spatiales de localisation, j’ai calculé le quotient de localisation QL, qui indique la concentration d’un groupe social dans une entité spatiale par rapport à la

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proportion totale dans une zone donnée (ici l’aire urbaine, cf. Apparicio, 2000). Ce quotient permet la comparaison des structures spatiales intercensitaires et interurbaines, puisqu’il est indépendant de la moyenne. Une valeur inférieure à 1 indique une concentration spatiale inférieure à la moyenne, une valeur égale à 1 indique une concentration égale à la moyenne et une valeur supérieure à 1 indique une forte concentration d’un groupe.

3.1. Changements de l’espace socio-économique A l’opposé des villes américaines, les villes françaises se sont toujours caractérisées par la

présence des catégories sociales aisées au centre. La figure 4 confirme cette régularité pour les cadres et professions intellectuelles supérieures. Avec une faible représentation des ouvriers au centre et une forte concentration en banlieue la localisation des deux groupes aux extrémités de la hiérarchie sociale peut être décrite comme opposée. L’évolution de leur localisation entre 1968 et 1999 montre un accroissement des disparités sociales entre la ville-centre et la banlieue depuis la fin des années soixante-dix à Paris, Bordeaux, Lyon et Lille. Le niveau des disparités sociales entre le centre et la périphérie reste relativement stable à Nantes et Toulouse et décroît même légèrement à Marseille et Nice au cours de cette période. Ce résultat confirme à long terme les résultats genéralement reportés par Lajoie (2002) et Reynard (1995) pour la période de 1982 à 1990.

Figure 4 : Localisation des cadres et des ouvriers dans la ville-centre et en banlieue

En France, l’aire urbaine de Paris peut être considérée comme « ville-modèle » des

transformations économiques et sociales et de son empreinte socio-spatiale. Depuis longtemps Paris intra-muros (ville-centre) excerce une forte attractivité sur la population, qui avait conduit à une forte augmentation des prix immobiliers depuis des décennies. Cette

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augmentation explique que le solde migratoire (tableau 1) entre l’espace central et le reste de l’aire urbaine est non seulement selectif par rapport à la position de l’individu dans le cycle de vie, il l’est aussi par rapport à la catégorie socio-professionnelle (Rhein, 1996 ; Noin & White, 1997). Par exemple 5,5% des cadres, mais 22,3% des ouvriers résidant dans la ville-centre en 1990 ont quitté la ville-centre pour s’installer dans les autres parties de l’aire urbaine entre 1990 et 1999 (Schwabe, 2005). Le même phenomène explique l’augmentation des disparités socio-spatiales à Bordeaux et Lyon.

En fait, le marché du logement joue un rôle déterminant de la stratification sociale de l’aire urbaine. Selon le modèle classique de l’économie urbaine, le modèle d’Alonso-Muth (Alonso, 1964) l’aire urbaine s’organisé en cercles concentriques avec des prix immobiliers décroissant plus qu’on s’éloigne du centre-ville. Dans le contexte de la pression immobilière seule la présence d’un stock immobilier social important permet aux populations pauvres de continuer à habiter dans les quartiers centraux de la ville (Preteceille, 1997). La figure 5 indique bien cette relation. Plus le stock immobilier social (logements sociaux H.L.M.) est concentré dans la ville-centre, plus la concentration de la population ouvrière y est forte. Ce rapport est indépendant de la part totale des logements sociaux dans l’aire urbaine (tableau 3).

Figure 5 :Relation entre la concentration des logements sociaux et la localisation des ouvriers dans la ville-centre

Pour expliquer l’évolution des disparités socio-spatiales entre centre et périphérie il ne

suffit pas de regarder seulement les flux entre la ville-centre et le reste de l’aire urbaine, il est aussi utile d’analyser les flux entre l’espace à l’intérieur et à l’extérieur de l’aire urbaine. Faute des données sur ce solde migratoire, seulement une analyse des zones d’installation des nouveaux arrivants dans l’aire urbaine a été faite (Schwabe, 2005). Elle montre que la localisation de tous les arrivants dans les aires urbaines est fortement selective en fonction de la catégorie socio-professionnelle. Par exemple à Paris parmi toutes les nouvelles personnes qui se sont installées dans l’aire urbaine entre 1990 et 1999 seulement 19,2% des ouvriers, mais 43,4% des cadres se sont installés directement dans la ville-centre. La croissance des inégalités spatiales s’explique finalement également à Bordeaux, Lyon et Lille par le même flux socialement sélectif. En revanche à Nantes, Toulouse, Marseille et Nice les taux d’installation des différentes catégories socio-professionnelles sont plus ressemblants. Dans ces dernières villes la part des logements sociaux dans la ville-centre est supérieure à la

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moyenne de l’aire urbaine (figure 5 & tableau 3), ce que montre l’influence du stock immobilier social sur la ségrégation urbaine.

Tableau 3 : Proportion des logements H.L.M. dans les grandes aires urbaines en 1999

3.2. Changements de l’espace socio-démographique La ségrégation socio-démographique dans la ville est souvent résumée par une localisation

de la population âgée dans la ville-centre et par une localisation de la population jeune et des familles à la périphérie urbaine. Les différents graphiques de la figure 6 montrent que cette schématisation spatiale était juste à un moment donné, mais il n’en est rien aujourd’hui et pour les années à venir.

Quand on regarde l’évolution de la localisation de la population ayant plus de 64 ans dans la ville-centre et en banlieue entre 1968 et 1999, on peut d’abord constater que la localisation n’était pas stable pendant cette période, mais aussi que la surreprésentation maximale dans la ville-centre peut être observée pour les années 80 dans la plupart des aires urbaines étudiées. Depuis ce moment là on observe une forte diminution de la concentration de ce groupe d’âge sauf à Nice où la population agée est toujours moyennement représentée dans la commune centre. A Marseille cette évolution est moins marquée sur le graphique parce que le poids de la commune centre fausse l’analyse. En ce qui concerne la concentration de la population âgée en banlieue on peut observer une sous-représentation qui est en train de diminuer depuis les années 80. Ce processus a été mis en évidence et systématiquement analysé pour la première fois par Ghékière (1998) dans l’arrondissement de Lille (agglomération de Lille). Le changement de la localisation de la population de 55 à 64 ans montre les mêmes tendances avec un décalage d’environ 10 ans (figure 6). Pour cette tranche d’âge on peut déjà observer une sous-représentation dans la ville-centre et une surreprésentation en banlieue au moment du recensement 1999 dans la majorité des aires urbaines étudiées. En vieillissant sur place, ce graphique permet de présager une nette surreprésentation de la population de plus de 64 ans en 2009 (10 ans plus tard, quand la population à l’âge de 55 à 64 ans aura plus de 64 ans).

En ce qui concerne la localisation des familles avec un ou plusieurs enfants on prévoit généralement leur localisation en banlieue et dans les espaces périurbains. Quand on considère les ménages avec au moins un enfant ce schéma apparaît nettement. Néanmoins, si on rapporte toutes les jeunes familles avec un ou plusieurs enfants de moins de 6 ans sur toutes les familles (couple sans ou avec enfant ou famille monoparentale) le graphique (figure 6) fait apparaître de nouvelles tendances de localisation. Il montre une croissance de la localisation des (jeunes) familles dans la ville-centre et des déconcentrations en banlieue. Ce processus est

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particulièrement net à Lyon, où le solde migratoire centre-périphérie des jeunes familles décroît continuellement de 48,3% entre 1968 et 1975 à 27,2% entre des 1990 et 1999 des jeunes familles qui ont quitté la ville-centre pour s’installer dans d’autres part de l’aire urbaine (Schwabe, 2005). Différentes études ont montré qu’une partie des couples ne quitte plus le centre-ville au moment de la naissance d’un enfant. Car le centre-ville représente une localisation idéale pour la famille de la société « post-industrielle », qui permet de réunir les besoins divergents comme une carrière professionnelle des femmes, une proximité au travail de deux membres du couple, un mode de vie urbaine et les relations sociales (Rose, 1989 ; Ley, 1992 ; Brun & Fagnani, 1994 ; Karsten, 2003).

Une autre caractéristique de la population urbaine déjà reportée est l’augmentation du nombre de ménages d’une personne au cours des dernières décennies. Leur localisation est nettement centrale. En 1999, la part des ménages d’une personne parmi tous les ménages dans la ville-centre dépasse 50% à Bordeaux, Lille, Paris et Toulouse (voir aussi Ogden & Hall, 2000). Néanmoins, suite au déplacement du vieillissement démographique la concentration des ménages d’une personne (âgée) augmente également en banlieue. Si pendant longtemps il s’agissait surtout de femmes âgées du fait de la différence d’espérance de vie entre femme et homme, la structure actuelle de ces ménages est radicalement différente. Les nouveaux célibataires sont désormais principalement des jeunes adultes (étudiants ou personnes ayant son premier emploi), des adultes de l’âge intermédiaire ayant divorcé et enfin des célibataires âgés. La figure 6 montre la localisation des jeunes adultes (population de 18 à 24 ans). Leur localisation est de plus en plus centrale dans la plupart des aires urbaines. La situation s’avère extrême à Lille, où un cinquième de la population (21,7%) dans la ville-centre a entre 18 et 24 ans en 1999. L’absence du phènomène à Marseille peut s’expliquer à la fois par la grande superficie de la commune centrale et par la localisation du pôle universitaire en banlieue (à Aix-en-Provence). A Paris le marché immobilier tendu semble expliquer l’égalité de la localisation des personnes de 18 à 24 ans entre centre et périphérie.

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Figure 6 : Localisation des différents groupes socio-démographiques dans la ville-centre et en banlieue

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4. Les dimensions sociales structurant l’espace dans les villes françaises

La structure socio-spatiale de la ville est souvent schématisée par trois dimensions et leur schéma spatial associé: le statut social avec un modèle sectoriel, le statut familial avec un modèle auréolaire et le statut ethnique qui adopte un modèle spatial nucléaire. Dans la partie précédente, différents processus de changements socio-spatiaux ont été mis en évidence. On peut supposer que de tous ces processus, résulte une nouvelle structure socio-spatiale des villes françaises.

Pour cette raison une analyse en composantes principales a été entreprise pour chaque aire urbaine individuellement. Elle permet pour chacune l’identification des dimensions principales de la structure socio-spatiale. Pour cette analyse 27 variables indiquant le statut professionnel, le statut d’activité, la formation, l’âge, la structure de ménage et de famille, des caractéristiques des logements ou les ethnies ont été retenues (cf. la colonne « variable » dans le tableau 4). Le tableau des scores factoriels est représenté à titre d’exemple pour l’aire urbaine de Lyon.3 Les cinq dimensions les plus importantes en terme de part de variance expliquée et de configuration spatiale associée sont représentées pour chaque aire urbaine dans les figures 7 et 8. Les deux figures de synthèse de la configuration spatiale ont été élaborées non seulement à partir des cartes de la répartition spatiale des scores factoriels associés aux différents axes, mais aussi à partir des cartes de la répartition spatiale des différentes variables inclues dans l’analyse. Les deux schémas prennent en compte les différentes auréoles spatiales de chaque aire urbaine et l’orientation géographique de chaque structure spatiale représentée. La carte de France a été schématisée sous forme d’hexagone.

En analysant le tableau 4 des scores factoriels des 27 variables sur les différents axes on peut constater qu’en 1999 la structure des aires urbaines est plus complexe que les modèles classiques ne le prévoient. Au lieu d’une seule dimension socio-économique on en trouve deux, au lieu d’une seule dimension socio-démographique on en trouve trois dans la plupart des aires urbaines. Cette complexité caractérise non seulement la structure la structure socio-spatiale de l’aire urbaine de Lyon, mais aussi les autres aires urbaines de cette étude (Schwabe, 2005).

La dimension de différenciation spatiale la plus importante est le statut de marginalité sociale. Elle distingue les quartiers de la ville qui se caractérisent par une forte proportion de chômeurs, des familles monoparentales, des immigrés d’Afrique et d’Asie et des logements H.L.M d’un côté, des espaces qui se caractérisent par une forte proportion de maisons individuelles de l’autre côté. L’association des familles monoparentales à cet axe est renforcée par une attribution prioritaire des logements sociaux à ces populations. Cette dimension peut être mise en évidence en 1999 dans toutes les aires urbaines sauf à Nice, où la faible proportion des logements sociaux semble empêcher l’émergence d’une telle dimension socio-spatiale. A Marseille, où la structure de l’espace de marginalité sociale est plus complexe que dans les autres aires urbaines, il y a deux composantes de cette dimension. L’une prend en compte les caractéristiques sociales de cette dimension associée à l’habitat social H.L.M des grands ensembles, l’autre associe ces caractéristiques à l’habitat social de fait dans les quartiers anciens. La figure 7 montre que les quartiers de forte marginalité sociale se localisent dans la ville-centre et en banlieue. Dans l’aire urbaine de Paris ce type de quartier est exclusivement attaché à la banlieue. Du fait que ce type de quartier est caractérisé par la présence d’un habitat social, sa disposition spatiale est fortement déterminée par la répartition de l’habitat social dans l’aire urbaine (tableau 3).

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Tableau 4 : Structure factorielle de l’espace social de Lyon en 1999

La deuxième dimension est facilement reconnaissable comme le statut social classique.

Elle oppose les espaces urbains caractérisés par une forte proportion d’ouvriers aux espaces où les cadres, professions intellectuelles supérieures et les personnes avec diplôme supérieur sont fortement surreprésentés. Cette dimension peut être identifiée dans chaque aire urbaine. Sa configuration spatiale est principalement sectorielle. Au cours du temps les secteurs initiaux se sont prolongés dans l’espace périurbain. A Lille le dispositif sectoriel est moins net du fait d’une histoire économique particulière et de l’existence de plusieurs noyaux urbains (Roubaix et Trourcoing) qui rendent le schéma spatial plus complexe. A Paris l’embourgoisement de la ville-centre est si avancé que le schéma sectoriel de la ville-centre a été quasiment remplacé par un noyau central d’un statut social élevé, à partir duquel les secteurs sociaux se prolongent jusqu’à l’espace périurbain.

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En ce qui concerne la ségrégation socio-démographique on peut constater une décomposition en plusieurs dimensions socio-spatiales dans la plupart des aires urbaines étudiées.

Le statut familial observé dans beaucoup d’études factorielles ne peut être identifié que dans les aires urbaines de Marseille, Nice, Paris et Toulouse. Dans les autres aires urbaines, il est décomposé en deux dimensions socio-démographiques indépendantes : famille et âge et jeunes familles et familles âgées. La dimension famille et âge oppose la population de moins de 18 ans et la population entre 35 et 44 ans aux personnes âgées de plus de 64 ans et aux familles sans enfant (couples).

La répartition spatiale du statut familial et du statut jeunes familles & familles âgées est représentée dans la figure 8. Son schéma est principalement auréolaire. Néanmoins, suite au processus du vieillissement démographique décrit dans la partie ci-dessus, on ne peut plus parler d’un simple gradient centre-périphérie. Désormais, la population âgée doit être de plus en plus localisée en banlieue proche et les familles en périphérie. Toutefois à Nice la localisation de la population âgée dans la ville-centre et en banlieue est proche de la moyenne est très stable dans le temps, de sorte que la répartition des scores factoriels du statut familial est mieux saisie par un simple gradient centre-périphérie. Cela est probablement dû à la forte proportion des personnes âgées à Nice.

La seconde dimension socio-démographique est le statut familles jeunes et familles âgées. Elle se caractérise par la distinction des quartiers qui se caractérisent par la présence des jeunes familles avec au moins un enfant de moins de 6 ans et des personnes ayant entre 25 à 35 ans sur l’un côté et des quartiers se caractérisant par des personnes ayant entre 45 et 55 ans sur l’autre côté. Cette dimension peut être identifiée à Bordeaux, Lille, Lyon et Nantes.

La répartition spatiale se décrit par une forte présence des familles jeunes non seulement à la périphérie urbaine mais aussi dans la ville-centre. Ce nouveau schéma est dû au nouveau schéma comportemental d’une part des jeunes familles souvent aisées qui restent dans la ville-centre malgré la naissance du premier enfant.

Enfin, dans toutes les aires urbaines sauf à Nice et Lille, on constate l’existence d’une dimension jeunes adultes se caractérisant par des fortes saturations des personnes entre 18 et 24 ans. La répartition spatiale montre une concentration forte des jeunes adultes dans la ville-centre et suite aux implantations des cités universitaires à partir des années soixante (Merlin, 1995) des concentrations dans quelques quartiers de la banlieue proche. Cependant, dans l’aire urbaine de Paris ce groupe d’âge se concentre encore fortement en lointaine banlieue. Le quotient de localisation indique une répartition spatiale presque égale entre la banlieue et la ville-centre. Une décohabitation tardive des jeunes adultes semble expliquer cette particularité socio-spatiale (IAURIF / INSEE, 2002).

A Paris et Toulouse on peut observer une dimension démographique particulière. Elle se caractérise par l’opposition de la population de 25 à 34 ans à la population de 45 à 54 ans. L’émergence de cette dimension socio-démographique s’explique par un régime démographique spécifique avec une proportion importante de célibataires ayant entre 25 et 34 ans (Rey, 1997 ; Ogden & Hall, 2000).

Enfin, on peut s’attendre à l’existence d’une dimension socio-ethnique. C’est aussi le cas dans cette étude. On a déjà vu l’association des immigrés de l’Afrique et de l’Asie à la première dimension caractérisée comme socio-économique. Néanmoins, on peut identifier une dimension qui peut être interprétées comme une dimension ethnique à dominante sud-européenne dans la plupart des aires urbaines. Les immigrés de l’Europe du Sud sont généralement concentrés en banlieue, sauf à Nantes et Bordeaux où ils sont surreprésentés dans la ville-centre. En ce qui concerne les immigrés des autres pays, ce groupe est souvent associé au statut social.

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Figure 7 : L’espace socio-économique dans les plus grandes aires urbaines françaises

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Figure 8 : L’espace socio-démographique dans les aires urbaines françaises

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5. Vers une convergence des changements urbains ? L’analyse de la mosaïque résidentielle dans les villes françaises a été faite dans l’hypothèse

sous-jacente que les changements sociaux des dernières décennies avaient pour conséquence une nouvelle configuration de la structure spatiale.

D’abord, on peut constater que les changements des différentes sociétés urbaines montrent en gros les mêmes tendances de transformation socio-économique, socio-démographique et socio-culturelle.

Ensuite, l’analyse des changements de la localisation résidentielle de quelques groupes sociaux a permis de saisir les différents processus de ségrégation observables dans l’espace urbain. Par exemple, on a pu observer les processus de la revalorisation sociale des villes-centres ou le déplacement spatial du vieillissement démographique ou le mouvement résidentiel des jeunes adultes vers la ville-centre dans la plupart des aires urbaines considérées.

Finalement, l’analyse en composantes principales a permis de comprendre les nouvelles structures spatiales émergeantes dans leur ensemble. Elle révèle qu’à la fin du 20ème siècle, la structure urbaine ne correspond plus à la représentation habituelle de l’espace social par trois dimensions (statut économique, statut familial, statut ethnique). Elle montre l’émergence d’une multitude de nouvelles dimensions socio-spatiales (statut de marginalité sociale, jeune familles et familles âgées, jeunes adultes) ou des dimensions classiques dont la structure spatiale a changé.

Ces processus de ségrégation résidentielle ne sont pas uniques en France. De nombreuses études montrent les divers aspects de changements dans les villes occidentales. Par exemple l’embourgeoisement des quartiers centraux peut être observé dans la plupart des grandes villes européennes (Vandermotten et al., 1999), mais aussi les processus du déplacement spatial du vieillissement démographique observé par Köster (1994 ) ou Wyly (1999) ou la présence des familles avec enfant dans la ville-centre par Ley (1992) pour des villes canadiennes ou par Karsten (2003) pour Amsterdam. En ce qui concerne la structure de l’espace social dans l’ensemble, les études factorielles entreprises par Davies and Murdie (1991) pour les 24 « metroplitains areas » au Canada montrent l’émergence de nouvelles dimensions de différenciation sociale de l’espace urbain qui sont comparables à celles identifiées pour les 8 aires urbaines en France (cf. Murdie & Teixeira, 2000). Tous ces changements socio-résidentiels nous indiquent-ils l’émergence d’un nouveau principe de différenciation socio-spatial, typique de la ville de la société postindustrielle ?

Néanmoins, cette étude montre également des différences en terme d’intensité et des tendances d’évolutions spatiales. Par exemple on a noté que l’aire urbaine de Nice échappe souvent à des tendances généralement observables. On peut considérer ces tendances comme une particularité régionale qui est éventuellement typique pour la ville méditerranéenne. De plus on peut revenir à l’exemple de l’aire urbaine de Paris qui se distingue nettement des autres aires urbaines en ce qui concerne l’expression et l’intensité des restructurations socio-spatiales. Cette aire urbaine se distingue par la plus forte augmentation des disparités socio-économiques dans l’espace urbain parmi toutes les aires urbaines de l’étude. Il semble que le rôle de Paris comme « ville globale » y trouve son expression spatiale. Cette position économique se reflète également dans l’espace démographique. La particularité de la répartition spatiale des jeunes adultes dans cette aire urbaine peut être citée à titre d’exemple.

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1 Tous les chiffres dans cet article ont été calculés par rapport à une délimitation fixe des aires urbaines en 1999. 2 Dans cet article la population étrangère ou les immigrés sont définis comme des personnes qui sont nées à

l’étranger et n’ont pas eu la nationalité francaise au moment de la naissance. 3 Pour les tableaux factoriels des autres aires urbaines veuillez voir Schwabe (2005).