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1 Economiste pensant à l’économie suisse...

1 Economiste pensant à léconomie suisse.... 2 ÉCONOMIE SUISSE : DYSFONCTIONNEMENTS ET REMÈDES Exposé devant le Club du lundi, Genève, 7 mars 2005 Jean-Christian

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Economiste pensant à l’économie suisse...

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ÉCONOMIE SUISSE : DYSFONCTIONNEMENTS ET

REMÈDES

Exposé devant le Club du lundi, Genève, 7 mars 2005

Jean-Christian Lambelet

Cette présentation est disponible sur ma homepage :http://www.hec.unil.ch/jlambelet/docs.html#article

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• Vous avez peut-être remarqué que, par rapport

au titre annoncé, je me suis permis de suppri-mer le point d’interrogation...

• ...pour le bonne raison qu’il ne peut y avoir aucun doute : notre économie souffre bien de «quelques» dysfonctionnements.

• Il n’empêche que c’est au chapitre «remèdes» qu’un point d’interrogation a certes sa place...

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DIAGNOSTIC GENERAL

• Consensus général parmi les écono-mistes sur le diagnostic général :

• L’économie suisse est une « économie duale » ou, si vous préférez, une écono-mie divisée en 2 grands secteurs :

- Les industries d’exportation, y compris de services ;

- Les marchés intérieurs.

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INDUSTRIES D’EXPORTATION

• Dans l’ensemble et en comparaison internationale, les industries suisses d’exportation sont très, voire extrême-ment performantes et compétitives (gran-des entreprises et PME) Pas ou peu de problèmes de ce côté-là, du moins pour l’heure. Ça, c’est la bonne nouvelle...

• Pas une vue de l’esprit, à témoin les faits suivants :

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• Parmi les pays industrialisés et depuis 2-3 décennies, c’est pour la Suisse que les «termes de l’échange» se sont le plus améliorés et continuent de s’améliorer Une « unité physique » de biens ou de services exportés permet d’acheter une quantité toujours plus grande d’unités phy-siques de biens et de services importés.

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• - Année après année, la balance des paiements suisse accuse un excédent de l’ordre de 10% du PIB Presque un record mondial.

• - Depuis quelques temps, il y a même excédent de la balance commerciale (pour les seuls biens)...

• - En conséquence, la Suisse dispose d’une très importante fortune étrangère, qui va en augmentant.

• - D’après les données sectorielles disponibles, les industries d’exportation connaissent, dans l’ensemble, des taux de croissance plus que satisfaisants.

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MARCHÉS INTERIEURS

• C’est indiscutablement là que le bât blesse La plupart des secteurs intérieurs - sont peu performants - croissent lentement, voire stagnent - ont des barrières à l’importation... - ... et des barrières à la mobilité - sont sur- ou mal réglementées - souffrent d’un manque de concurrence

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QUELQUES EXEMPLES

• Le secteur de la santé

• Electricité, eau, gaz

• Beaucoup de professions libérales

• L’agriculture

• De larges pans du secteur public ou secteur « Etat », y compris l’éducation

• Etc.

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Ce diagnostic est cependant un peu trop géné-ral. Quels sont les secteurs importants en cause et, partant, quel est l’ordre de priorité des réformes ? (On ne peut pas tout faire à la fois.)

Pas encore de consensus entre économistes, mais un point de départ : une toute récente enquête d’Avenir Suisse : voir le premier numéro de sa nouvelle « newsletter » (avenir aktuell). NB: vous pouvez vous y abonner, c’est gratuit.

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• 37 « experts » ont été priés de distribuer chacun 100 points entre les 17 mesures du « paquet pour la croissance » proposé par le Conseil fédéral...

• ... Un paquet qui, en l’état, n’est qu’une simple liste, sans ordre de priorité.

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ORDRE DE PRIORITÉ SELON LES “EXPERTS”

• Voici les 6 mesures jugées les plus impor-tantes et urgentes, dans un ordre décrois-sant :

1. Déficit des finances fédérales et quote-part de l’Etat (commentaire : OK, mais l’efficacité du secteur Etat est tout aussi importante).

2. Révision de la loi sur le marché intérieure

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3. Politique agricole

4. Libre circulation pour les ressortissants des nouveaux membres de l’UE (com-mentaire : vue peut-être trop à court terme prochaine votation...)

5. Plus de concurrence dans le secteur santé

6. Réforme de l’imposition des entreprises

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• Vous vous dites sans doute que tout cela reste encore trop général, pas assez concret...

• OK – je vous propose donc de prendre un sujet tout ce qu’il y a de plus précis, concret, actuel et urgent :

La politique agricole !

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• Tout le monde sait que notre politique agricole fait problème...

• ... Mais personne n’aime trop s’aventurer sur ce terrain...

• ... Ne serait-ce que parce que le monde agricole tend à être, mettons, un peu crispé et violent... En outre, énorme surreprésentation dans les Chambres.

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QUELQUES FAITS

• Selon un récent sondage, une majorité de Suisses estime aujourd’hui que les prix des biens agricoles (au sens large, y compris l’élevage) sont trop élevés chez nous et que la politique agricole coûte trop cher.

• Selon l’OCDE, les biens agricoles produits en Suisse sont, si l’on prend tout en compte, subventionnés à raison de 70-80% ! C’est en Suisse que le taux de subventionnement de l’agriculture est le plus élevé au monde, avec le Japon et les pays scandinaves.

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• Par ailleurs, notre politique agricole nous fait de plus en plus problème au sein de l’OMC La Suisse, jadis championne du libéralisme en matière d’échanges internationaux, en est réduite à s’agripper de plus en plus à des positions protectionnistes, rigides et rétrogrades, d’où une perte certaine d’influence.

• Je vais cependant arguer que nous devons réformer notre politique agricole non pas, ou pas seulement, par réaction à ce qui se passe ou va se passer au plan international, mais dans notre propre intérêt.

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A vrai dire, c’est une bien curieuse et triste situation. En effet, personne n’est satisfait de notre politique agricole :

- Pas les paysans (terme non péjoratif en Suisse) qui se sentent profondément insécurisés et qui n’aiment pas être des « assistés ».

- Pas les contribuables/consommateurs qui commencent à se rendre compte de ce que cette politique leur coûte.

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- Pas les autorités, en raison du coût de cette politique (assainissement des finances fédérales) et en raison des difficultés qu’elle soulève au plan international.

A noter enfin que les propositions concrètes et un tant soit peu courageuses pour réformer cette politique brillent par leur absence.

Avec votre permission, je vais m’y essayer et m’y lancer, en mon nom personnel et à mes ris-ques et périls...

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• Voici donc ce qui, d’après votre serviteur, pourrait être une nouvelle politique agricole.

• C’est un paquet de mesures en trois volets qui forment un tout que je crois assez équilibré.

• C’est aussi un paquet assez « révolution-naire », mais qui, à mon sens, n’est pas complètement irréaliste.

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PREMIER VOLET - OUVERTURE

• Au terme d’un délai fixe et irrévocable de, mettons, 7 ans, le marché suisse des biens agricoles (toujours au sens large) sera complètement ouvert.

• Toutes les mesures de protection à la frontière (contingents, licences, droits de douane, etc.) seront alors abolies.

• De même pour toutes les mesures de soutien à la production.

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PREMIER VOLET - SUITE

• Ce « désarmement » douanier et financier s’étagera de manière linéaire sur 7 ans à partir de l’adoption de la nouvelle politique.

Après ces 7 ans, les prix des biens agricoles en Suisse seront les prix inter-nationaux (plus frais de transport et de distribution locale).

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PREMIER VOLET - SUITE

• Les finances fédérales sont déchargées d’autant, mais ... voir plus loin.

• Une bonne partie des exploitations agricoles actuelles, peut-être la moitié, aura disparu et les autres se seront consolidées.

• Contrairement à ce qu’affirment les organisa-tions paysannes, la Suisse a des avantages comparatifs en matière agricole: par son climat, elle est comme prédestinée à l’élevage et à ses produits (fromages, viande, etc.)

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PREMIER VOLET - SUITE

• Si les Hollandais arrivent à vendre partout leur (infecte ?) gouda, comment se fait-il que nous devions subventionner l’exporta-tion de notre incomparable gruyère ?

• Pourquoi pas du charolais suisse ?• Restent aussi les cultures maraîchères

(fraîcheur), les produits bio et autres «niches».

• Etc.

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PREMIER VOLET - SUITE• Bref : d’assistés, les paysans suisses devien-

nent des entrepreneurs compétitifs et innova-teurs, indépendants et fiers de l’être – ils devien-nent une industrie moderne et performante, aussi pour l’exportation.

• Le niveau des prix baissent considérablement (effets directs et indirects) et donc les salaires réels augmentent Stabilisation des salaires nominaux ou plus lente progression Avantage concurrentiel pour toute l’économie.

• Nous n’avons plus de problème avec l’OMC.

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DEUXIÈME VOLET

• Les paysans et « nous » (le reste de la collecti-vité) avons été mariés pendant très longtemps Pas question, donc, d’un divorce brutal et pas question non plus de les laisser tomber comme autant de vieilles chaussettes.

• En contrepartie de la première mesure, il y aura donc un généreux plan social pour les paysans, surtout les plus vieux, qui devront « fermer bou-tique ». A noter qu’ils se plaignent régulièrement de ne pas avoir de caisse de retraite.

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DEUXIÈME VOLET - SUITE

• Ce plan social ne sera évidemment pas gratuit.

• Les calculs restent à faire, mais je suis persuadé qu’en valeur présente la charge financière nette pour la collectivité sera plus légère.

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TROISIÈME VOLET

• Ce troisième volet concerne l’aménage-ment du territoire.

• Postulat : l’idéal de la majorité, du moins dans les classes moyennes, reste la vraie maison individuelle...

• ... et non pas les « locatifs couchés » qu’on nous impose actuellement au nom de la « densification ».

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TROISIÈME VOLET - SUITE

• Une raison, mais pas la seule, pour l’actuel prix exorbitant des maisons « in-dividuelles » est le prix des terrains.

• Le troisième volet de la nouvelle politique agricole sera donc un « dézonage » pro-gressif des terrains, y compris les terrains agricoles. Le prix des maisons individuel-les devrait donc baisser.

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TROISIÈME VOLET - SUITE

• En d’autres termes, le modèle actuel de l’aménagement du territoire changera – dans le sens de ce qu’on appelle le «cottage model». Un exemple est le Sussex anglais : paysage diversifié de maisons individuelles, de hameaux, d’ateliers et de petites usines, de jardins, de forêts et de pâturages. Donc, vive l’habitat dispersé dans ce sens !

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TROISIÈME VOLET - SUITE• Pour ce que j’appellerais la « clique » actuelle

de l’aménagement du territoire, ce nouveau modèle est bien sûr une hérésie. La question, cependant, est de savoir qui est le maître.

• Pour les paysans, il s’ensuivra un puissant «argument portefeuille» : le prix de leurs terrains augmentera, sans doute de beaucoup.

• On fait d’une pierre deux coups : pour la collectivité, on résout ou, en tout cas, on allège les problèmes actuels du logement ; pour les paysans, cela aidera à « faire passer la pilule ».

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LES PAIEMENTS DIRECTS ?

• Les actuels paiements directs liés aux activités agricoles seront supprimés.

• Préservation des paysages et sites : sera l’af-faire de la nouvelle politique d’aménagement du territoire.

• Régions périphériques et de montagne, occu-pation « décentralisée » du territoire : s’il doit y avoir subventionnement, que cela soit fait avec une politique ciblée directement sur ces objectifs et non pas via le soutien à l’agriculture.

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CONCLUSIONS

• Pour ma part, je suis persuadé que cette nouvelle politique agricole est «vendable», y compris dans une partie au moins des milieux paysans. Il faut essayer d’agir avec les paysans et non pas contre eux.

• Il y a au moins un précédent à l’étranger : la Nouvelle-Zélande.

• L’adoption de cette politique démontrerait que le pays est encore capable de se réformer par lui-même et de trouver un nouveau dynamisme Cela aura « valeur exemplaire ».

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CONCLUSIONS - SUITE

• Qui (de crédible) pourrait mettre ces idées ou des idées analogues sur le tapis ? Qui lancera ce débat constructif qui fait si cruellement défaut aujourd’hui ?

• Car ce sont là bien sûr des idées person-nelles, éminemment perfectibles, et qui demandent à être analysées de plus près.

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CONCLUSIONS - SUITE

• Qui ? sinon un « think tank » comme Avenir Suisse, qui a déjà fait pas mal d’autres propositions constructives dans plusieurs domaines et qui a de plus en plus d’impact dans le pays.

• Sans rien trahir, je crois savoir que cela sera le cas avant trop longtemps.

Je vous remercie de votre attention.