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    LA VIE INTERIEURE

    HAZRAT INAYAT KHAN

    TRADUIT PAR PIERRE-ALBERT HAYEN

    TROIS ESSAIS CLASSIQUES SUR LA VIE SPIRITUELLE PAR LE MATRE BIEN-

    AIME QUI INTRODUISIT LE SOUFISME EN OCCIDENT

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    TABLE DES MATIERES

    Avant-propos

    La vie intrieure1. La prparation du voyage2. Lobjet du voyage3. Satisfaire aux obligations de la vie humaine4. Lpanouissement de la vie intrieure5. Libert daction

    6. La loi de la vie intrieure7. Le but de la vie intrieure8. Laccomplissement de la vie intrieure9. Lhomme-ange

    10. Cinq diffrents types dmes spirituelles

    Le mysticisme soufi1. Le mysticisme2. Le mystique3. La ralisation4. La nature et le travail dun mystique

    5. Le secret de lesprit6. Le cur mystique7. Repos8. Action

    Le sentier de linitiation et du discipulat1. Le sentier de linitiation2. Le sens de linitiation3. Ce qui est ncessaire sur le sentier4. Les diffrentes tapes du sentier5. Etude intrieure6. Trois aspects de linitiation7. Discipulat8. Quatre sortes de discipulat9. Lattitude dun disciple

    La voie du mystique

    Aphorismes

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    AVANT-PROPOS

    Ce livre rassemble quelques enseignements sur la voie mystique de lune des personnalits lesplus extraordinaires de lpoque contemporaine : Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan. Hazrat

    Inayat Khan fut un clbre musicien indien et un mystique illumin qui se rendit dans lemonde occidental pour apporter une rponse ses besoins les plus profonds dans son messagesoufi.

    Si lon considre la premire partie de sa vie, il est frappant de voir comment toutsesorigines, sa famille, sa carrire musicale, sa qute spirituelle et ses expriences de viele

    prpara pour sa grande mission dapporter le message soufi au monde occidental.1

    Il est n le 5 juillet 1882 Baroda, en Inde. Baroda tait un Etat progressiste. Son maharajatrouvait idal que lInde et lOuest apprennent lun de lautre : lEurope et les Etats-Unisseraient inspirs par la spiritualit indienne et lInde apprendrait de lOccident la technologieet le progrs conomique.

    Tout le monde tait trs dou dans la famille dInayat Khan. Son grand-pre, Maula Bakhsh,tait un grand musicien qui mit au point un systme de notation musicale qui rapprocha lamusique du nord et du sud de lInde. Il tudia aussi la musique occidentale et fonda uneacadmie de musique Baroda, la Gayanshala. Le pre dInayat Khan, Rahmat Khan, futaussi un musicien accompli et un chanteur dhrupad. Beaucoup de musiciens, de potes et de

    philosophes, musulmans et hindous, se rencontraient dans la maison de Maula Bakhsh. Cest ainsi quInayat Khan grandit dans une atmosphre qui tait inspirante, universelle etouverte tous, sans distinctions ni diffrences. Et bien que sa famille ait des origines

    musulmanes, on lenvoya dans une cole hindoue. Ainsi, depuis le dbut, il tait ouvert toutes les religions.

    Une relation trs intime se dveloppa entre Inayat Khan et son grand-pre. Quand il taitgaron, il passait ses matines avec lui pratiquer la musique et le chant. Cest ainsi quildveloppa son talent et quil devint un grand musicien. Alors quil tait encore trs jeune, ilfut invit chanter la cour de plusieurs maharajas. Il atteignit lapoge de sa carrire Hyderabad o le nizam tait trs ouvert la musique et la spiritualit. Le nizam tait trsimpressionn par Inayat. Il sentait quil y avait une grande profondeur derrire sa musique. Illui donna le nom de Tansen, daprs le clbre chanteur de la cour du roi Akbar.

    La comptence musicale dHazrat Inayat Khan tait extraordinaire. Mais sa musique taitdvotionnelle et mditative. Il chantait pour Dieu dans lamour et la dvotion, dans labandonet lextase. Cest ainsi que sa musique laida et linspira au cours de son voyage spirituel. Undsir de contact avec des saints hommes stait dj manifest quand il tait enfant. Ses

    parents le conduisirent chez de nombreux yogis et de nombreux sages hindous, musulmans etparsis et il aimait sasseoir avec eux silencieusement.

    A la mort de Maula Bakhsh en 1896 alors quInayat tait g de 14 ans, son pre lemmena auNpal o il devait y avoir un rassemblement de musiciens. Dans les montagnes du Npal, ilrencontra un merveilleux vieux matre soufi dont le regard lui procura un sentimentdexaltation. Il revint, joua de la vina pour lui et reut une grande bndiction. Il se mit

    1 Les donnes de ce bref compterendu biographique ont t empruntes The Biography of Pir-o-MurshidHazrat Inayat Khan (London and The Hague : East West Publication Company)

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    mditer de plus en plus et quand, aprs son retour un an plus tard, il perdit aussi sa mre quilui tait trs chre, il voyagea seul dans toute lInde et rencontra de nombreux sages. La nuit,il commena entendre un appel mditer, et un jour quil tait assis silencieusement lesyeux ferms, il vit un beau visage et comprit quil tait arriv un point o il devait se mettreen qute dun murshid. Il se rendit auprs dun grand sage dHyderabad qui ressentit quil ne

    mritait pas le privilge de linitier. Alors, une personnalit cleste rendit visite au sage etInayat reconnut le visage quil avait vu dans sa mditation. Leurs regards se croisrent. Il yeut un contact profond et Inayat fut initi sur le champ. A partir de ce moment, il futtotalement dvou son murshid, Mohammed Abu Hashim Madani. Le cur ouvert, ilsjourna chez lui pendant des moisla plupart du temps en silencepour absorberlatmosphre rayonnante de son murshid. Son respect et sa vnration taient illimits. Il fitlexprience de ce que pouvait donner le vrai discipulat, mais murshid Madani dcda aprsune priode relativement courte. Ce fut une perte trs douloureuse pour Inayat. Il quitta lacour du nizam dHyderabad et sa grandeur et suivit son dsir de solitude et de renoncement la vie matrielle. De nouveau, il partit en plerinage chez les saints hommes de lInde. Il enrencontra beaucoup, eut des contacts inspirants et beaucoup dexpriences merveilleuses. Sa

    musique sapprofondit aussi de plus en plus. Il slevait rapidement ltat de samadhi danssa musique et provoquait llvation et lextase chez ses auditeurs. Et pourtant, il commena sentir que la musique lui avait donn tout ce quelle pouvait et que la tche dune nouvelle viese prparait.

    Il avait perdu ce quil avait de plus cher en Inde : son grand-pre, Maula Bakhsh, sa mre etson murshid, Abu Hashim Madani. Il avait renonc son rang de chanteur clbre la courdHyderabad et il vit comment la musiquetellement sacre pour luicommenait parfois tre utilise pour des divertissements superficiels. De plus en plus clairement, il commena ressentir un appel intrieur qui avait t exprim par son murshid : aller en Occident et

    apporter le message du soufisme, en harmonisant lOrient et lOccident avec sa musique.Cest ainsi quil laissa derrire lui le monde merveilleux de lInde et quil partit pour lesEtats-Unis le 13 septembre 1910, avec son frre Maheboob Khan et son cousin MohammedAli Khan. Peu de temps aprs, ils furent rejoints par son frre cadet, Musharaff MoulamiaKhan.

    Ils dcouvrirent un monde compltement diffrent de lInde ancienne quils avaient quitte.Comme le soufisme tait encore totalement inconnu, il commena par donner des concerts.Mais cela aussi, ctait difficile. Les gens ntaient pas encore habitus la musique indienne.Inayat Khan sentit que sa musique tait mise rude preuve, mais il rencontra desAmricains qui y trouvaient de lintrt et dautres qui ressentaient le message soufi quelle

    vhiculait.

    Lun dentre eux sappelait Ora Ray Baker, une jeune femme qui tait apparente MaryBaker Eddy, la fondatrice du mouvement Science Chrtienne. Il lui donna des cours demusique. Une forte attirance se dveloppa entre eux. Elle le suivit en Angleterre et devint safemme. Ils eurent quatre enfants : lane Noorunnisa, suivie par Vilayat, Hidayat etKhairunnisa. Inayat Khan sentit quil avait besoin de lexprience du mariage et des enfants

    pour approfondir sa comprhension de la vie.

    Pendant ces premires annes en Occident, Inayat Khan eut lopportunit dtudier lapsychologie des gens. Ctait une prparation ncessaire. Le message soufi devait apporter

    des rponses leurs questions.

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    Aprs deux annes passes aux Etats-Unis, Inayat Khan et ses frres partirent pour lEurope :lAngleterre, la France et aussi la Russie. Graduellement, ils dcouvrirent quelques disciplesaux curs ouverts qui taient inspirs par le soufisme et qui acceptrent la tche daider rpandre le message soufi.

    La Premire Guerre Mondiale fut une priode difficile quils passrent Londres. Aprs laguerre, aprs leur retour en France commena une grande diffusion du message soufi dans desclasses dt : dabord Katwijk aux Pays-Bas ; ensuite prs de Paris, puis au cours deconfrences partout en Europe et durant un second voyage aux Etats-Unis. Ses enseignementstaient un flux dinspiration divine. De plus en plus de disciples taient attirs. Il rpondait leurs questions et leurs vies taient changes. Des centres soufis furent tablis en de nombreuxendroits et une organisation internationale fut cre. Le message soufi avait besoin dun corps,comme lme humaine a besoin dun corps pour vivre sur ce plan terrestre. Ainsi, leMouvement Soufi fut fond et constitu Genve en Suisse et diverses activits duMouvement Soufi furent cres.

    Cette uvre qui prenait rapidement de lextension prenait de plus en plus de temps InayatKhan. Il dormait peu et ne pouvait donner que de trs brefs entretiens tous ceux qui taientattirs par sa personnalit rayonnante. Il dut alors faire un ultime sacrifice : renoncer samusique. Il le dcrit lui-mme de faon mouvante dans ces quelques lignes :

    On doit sacrifier ce que lon a de plus cher pour servir Dieu et jai sacrifi ma musique, cequi m tait le plus cher.

    A prsent, si je fais quelque chose, cest accorder les mes et non plus des instruments,cest harmoniser des gens la place des notes. Sil y a quoi que ce soit dans ma

    philosophie, cest la loi de lharmonie : on doit se mettre en harmonie avec soi-mme etavec les autres.

    Jai jou de la vina jusqu ce que mon cur se transforme en cet instrument. Puis, jaioffert cet instrument au Musicien divin, le seul musicien qui existe. Depuis lors, je suisdevenu Sa flte, et quand Il le veut, Il joue Sa musique.2

    Les souvenirs de ces annes refltent en effet quelque chose de cette musique divine,latmosphre cleste des runions mditatives des classes dt. Comme lun de ses premiersdisciples le dcrivit : Lassise silencieuse dans cette atmosphre divine avant dtre admis un

    par un pour quelques minutes dans la prsence du Murshid, le regard que Murshid nous

    octroyait, le sentiment librateur de purification surpassant tout, tout cela est difficile dcrire.

    Ctait une richesse indescriptible. Mais cela ne pouvait pas durer. En septembre 1926, Pir-o-Murshid Hazrat Inayat Khan retourna en Inde en esprant trouver un peu de repos aprs sonuvre puisante pour la propagation du message soufi. Il fut nanmoins dcouvert et desuniversits indiennes linvitrent donner des confrences. Peu aprs, il tomba gravementmalade et dcda inopinment le 5 fvrier 1927. Il navait que 44 ans, mais le message soufiquil laissait derrire lui tait complet et couvrait tous les aspects de la vie et de lamanifestation.

    2 Hazrat Inayat Khan, The Mysticism of Sound and Music (Boston : Shambhala Publications, 1996)

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    Quelle est la nature de ce message soufi ? Le cur en est bien sr le mysticisme. En tant quemystique ralis contemplant la culture occidentale, ce quHazrat Inayat Khan tait destin faire, ctait douvrir une voie la ralisation intrieure que beaucoup en Occident ne

    pouvaient plus dcouvrir. Il fut inspir voquer les mystres et la beaut de cette voie demanires multiples. Il dcrivit les tapes successives que le chercheur de vrit doit parcourir.

    Et il cra lcole intrieure du Mouvement Soufi, lOrdre Soufi, afin de donner des conseilspersonnels aux chercheurs sincres. Aux initis de cette cole, il offrait la possibilit dedvelopper la relation de disciple qui a toujours t si importante dans la voie mystique, ainsiquune gamme de pratiques spirituelles qui peuvent aider ouvrir le cur et les sensintrieurs, mais qui conviennent aussi pour les Occidentaux qui restent encore dans la vieactive. Parce quun aspect essentiel de son enseignement tait lquilibre. Il ne conseillait pasde se retirer du monde pour se concentrer uniquement sur la vie intrieure : la prire, lacontemplation et la mditation. Il nous montre une voie humaine o lon vit dans le monde,o lon accepte ses obligations avec ses semblables avec sympathie et comprhensionet en mme temps o lon apprend se tourner vers lintrieur et contacter la paix etlinspiration de la lumire divine. Alors, nous dcouvrons la plnitude de la vie. Nous

    pouvons atteindre un quilibre entre la vie intrieure, o nous ouvrons nos curs dans unesoumission passive lEsprit divin, et la vie extrieure o nous devons travailler activement laccomplissement de nos idaux et la satisfaction de nos obligations. Alors, nos actions

    peuvent tre guides par linspiration et la sagesse que nous recevons de notre harmonisationintrieure qui transparatra de plus en plus dans notre travail extrieur.

    Cette vision mystique claire toute la vie : la religion, la philosophie et la psychologie. Lavoie mystique est aussi lessence de la religion. Car le but de la vie intrieurecomme HazratInayat Khan le ditest de faire de Dieu une ralit. Pas une thorie, un dogme ou uneabstraction, mais lexprience la plus profonde que nous puissions avoir. Cette vision conduit

    alors la comprhension de lunit fondamentale de toutes les grandes religions. Car cesreligions ont toutes t donnes lhumanit par des messagers successifs diffrentespoques pour veiller le sentiment et la ralisation du divin. Inayat Khan montre que lidalde Dieu est pour cela une grande aide, un tremplin, que la Ralit divine se situe au-del denotre intelligence limite et quelle ne peut tre exprimente que dans la profondeur de notretre, notre me qui elle-mme est une tincelle de la lumire divine. Alors, nous pouvons voirtoutes les religions comme des voies, des mthodes ou des moyens qui convergent vers lemme but. Pour exprimer cette ide, Hazrat Inayat Khan cra le Culte Universel o toutes lesreligions sont rassembles dans un rituel qui montre comment elles manent toutes de lamme lumire divine.

    Laspect philosophique du message soufi est galement important. Le dveloppementextraordinaire de la science et de la technologie notre poque sest oppos ce que

    beaucoup de gens dcouvrent le chemin de la religion et de la vie intrieure. Car les dogmesreligieux et les reprsentations religieuses traditionnels sont en conflit avec lide scientifiquemoderne. Mais la philosophie mystique dInayat Khan saccorde parfaitement avec lacomprhension grandissante de la science moderne.

    La voie humaine que prne le message soufi signifie que par lexprience et les difficults dela vie extrieure, nous pouvons progresser vers le but intrieur. Ceci est laspect

    psychologique des enseignements dInayat Khan. Il nous donne ici une vision remarquable dufonctionnement de notre esprit. Il indique limportance des impressions que nous recevons

    constamment du monde extrieur qui seront enregistres dans notre mmoire et deviendrontactives, influenant nos sentiments, nos penses, nos paroles et nos actions. Et il explique

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    comment nous pouvons apprendre contrler notre esprit en nautorisant que les impressionspositives et dsirables vivre et travailler en nous. En contrlant notre esprit, nous pouvonsalors contrler notre vie. Mais si importantes que soient les impressions dans notre vie, ellesne sont toujours que des reflets sur le miroir de notre me, notre conscience la plus profonde.Lme elle-mme reste toujours pure. Sa nature est divine, et cest cette nature divine que

    nous devons dcouvrir dans la vie.

    Dans leur aspect moral, les enseignements dHazrat Inayat Khan dcrivent aussi une voie deprogrs graduel ou dvolution. Il parle de culture morale et de dveloppement du cur.Nous devons apprendre comprendre dautres gens et leurs points de vue, dvelopper de laconsidration et de la sympathie pour eux. Cela largit notre conscience et aide surmonterlidentification avec notre tre limit, la grande illusion qui bloque laccs la connaissancede Dieu.

    Tout ceci ne peut tre quesquiss de la manire la plus brve dans lintroduction de ce livredans lequel sont prsents quelques-uns des enseignements les plus importants dHazrat

    Inayat Khan sur le sujet du mysticisme. La premire partie,La Vie Intrieure, est unevocation puissante du caractre de cette vie intrieure qui est dcrite comme un voyage , etdes prparatifs et des conditions qui doivent tre remplies si nous voulons poursuivre cevoyage avec succs. Elle montre la beaut de lquilibre entre la vie intrieure et la vieextrieure, et elle dcrit comment notre perspective de la vie commencera changer quandnous suivrons cette voie.

    Le Mysticisme Soufi discute de nombreux aspects du sentier mystique dans sesprofondeurs et sa richesse. Il dcrit les tapes qui conduisent la ralisation, ltape finale o,comme le dit Inayat Khan, le mystique nest plus celui qui connat la vrit, mais la vritmme.

    La dernire partie, Le Sentier de lInitiation et du Discipulat, clarifie ces concepts qui sonttellement essentiels sur le sentier mystique. Ils sont souvent difficiles comprendre pour lesOccidentaux. Mais il est naturel sur le sentier spirituel que des initiations successives nousrvlent de nouveaux mystres et nous rapprochent de lEsprit divin en nous et en dehors denous. Et le discipulat signifie faire confiance un guide spirituel qui est all un peu plus loinsur le sentier et qui peut nous inspirer et nous aider surmonter les nombreuses limitations etautres attachements prsents dans notre esprit qui bloquent notre progrs.

    Ces trois essais ont dj t publis dans les volumes un et dix du Message Soufi dHazrat

    Inayat Khan, publi par le Mouvement Soufi.

    3

    Une confrence jusqu prsent non publiesur la voie du mystique et quelques aphorismes ont t ajouts ces essais. Les textes de LaVie Intrieure et du Mysticisme Soufi ont subi quelques modifications mineures afin deles rapprocher du texte original des confrences telles quHazrat Inayat Khan les a donnes.

    Les mots dun mystique ont un pouvoir spcial, une fragrance et un rythme qui aident dvoiler le mystre qui se cache derrire eux. Leur authenticit doit ds lors tre prserveautant que possible. Cest pour cette raison que nous navons pas modifi le texte pour ce quiest du problme du genre, bien que nous voyions limportance de lquilibre entre laspectmasculin et fminin. Inayat Khan, comme ctait habituel son poque, employait souvent lemasculin dans des mots tels que homme, fraternit, et il se rfrait Dieu comme Lui. Mais

    3 Les volumes du Message Soufi sont prsent distribus par East West Publication, London and The Hague etOmega Publications, New Lebanon, New York.

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    en fait, il tait trs progressiste cet gard et il donna aux femmes un rang tout fait gal danstoutes les activits du Mouvement Soufi. Pendant sa vie, ses initis les plus avancs taientdes femmes qui firent partie de ses leaders et de ses travailleurs de premier plan. Et dans sa

    prire pour la paix, il sadressait au Seigneur comme notre Pre et notre Mre.

    Dieu est un qui se manifeste Lui-mme dans la dualit.

    H.J.W.

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    LA VIE INTERIEURE

    1 LA PREPARATION DU VOYAGE

    La vie intrieure est un voyage, et avant de lentamer, une certaine prparation est ncessaire.Si lon nest pas prpar, on court toujours le risque de devoir rebrousser chemin avant dtrearriv destination. Quand quelquun part en voyage et quil doit accomplir quelque chose, ildoit connatre ce quil lui faut pour la route et ce quil doit prendre avec lui pour que sonvoyage soit facile et quil puisse accomplir ce quil a commenc accomplir. Le voyage quelon entreprend dans la vie intrieure est aussi long que la distance entre la vie et la mort.Cest le voyage le plus long que lon entreprend dans la vie. Il faut tout prparer pour ne pasavoir rebrousser chemin aprs avoir parcouru une certaine distance.

    La premire chose vrifier est quil ny a pas de dette payer. Chaque me doit rembourserune dette dans la vie : ce peut tre sa mre ou son pre, son frre ou sa sur, son

    mari, sa femme ou son ami, ses enfants, sa race ou lhumanit. Si elle na pas pay ce quiest d, certaines cordes la lient intrieurement et la retiennent. La vie dans le monde est uncommerce quitable. Si seulement on pouvait le comprendre, si lon savait combien il y admes dans ce monde avec lesquelles on est li ou apparent dune manire ou dune autreou que lon vient de rencontrer, chaque jour chacune, quelque chose est d, et si lon na

    pas pay ses obligations, il en rsulte quaprs, on doit payer avec des intrts.

    Il y a la justice intrieure qui uvre au-del de la justice du monde, et quand lhommenobserve pas cette loi intrieure de justice, cest parce qu ce moment-l, il est intoxiqu,que ses yeux sont clos et quil ne connat pas rellement la loi de la vie. Mais cetteintoxication ne durera pas. Un jour viendra o les yeux de chaque me seront ouverts et il est

    dommage que les yeux souvrent quand il est trop tard. Il vaut mieux que les yeux soientouverts quand la bourse est pleine, car ce sera trs difficile si les yeux souvrent quand la

    bourse est vide. A certains, la considration est due, certains, le respect, certains, leservice, certains, lindulgence, certains, le pardon, certains, laide. Dune manire oudune autre, dans chaque lien de parent, dans chaque relation, il y a quelque chose payer eton doit savoir avant dentreprendre le voyage que lon a pay et tre sr que lon a payentirement et quil ne reste plus rien payer. De plus, il est ncessaire que lhomme raliseavant dentreprendre ce voyage quil a accompli ses devoirs, son devoir envers ceux quilentourent et son devoir envers Dieu. Mais celui qui considre sacro-saint son devoir enversceux qui lentourent accomplit son devoir envers Dieu.

    Avant dentreprendre ce voyage, lhomme doit aussi se demander sil a appris tout ce quildsirait apprendre du monde. Sil reste quelque chose quil na pas appris, il doit en termineravec cela avant dentreprendre le voyage, car sil pense Jentreprendrai le voyage, bien que

    jai le dsir dapprendre quelque chose avant le dpart, dans ce cas, il ne pourra pas atteindreson objectif. Ce dsir dapprendre quelque chose le fera revenir. Chaque dsir, chaqueambition, chaque aspiration quil a dans la vie doit tre gratifi. Non seulement cela, lhommene doit avoir aucun remords daucune sorte avant dentreprendre ce voyage ni aucun regret

    par aprs. Sil existe le moindre regret ou remords, il faut en tre quitte avant le dpart. Il nedoit exister aucune rancune contre quiconque, ni aucune plainte propos de quelquun luiayant fait du mal, car toutes ces choses qui appartiennent ce monde deviendraient un fardeausur le chemin spirituel, si lhomme les emmenait avec lui. Le voyage est suffisammentdifficile et il devient plus difficile, si un fardeau doit tre port. Si une personne soulve lefardeau du dplaisir, de linsatisfaction et de linconfort, il est pnible porter sur cette voie.

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    Cest une voie qui mne la libert et pour sengager sur cette voie de la libert, lhommedoit se librer : nul attachement ne devrait le faire revenir, nul plaisir ne devrait lattirer enarrire.

    En plus de cette prparation, il faut un vhicule, un vhicule dans lequel voyager. Ce vhicule

    aura deux roues parfaitement quilibres. Un homme qui est dsquilibr, quelle que soitltendue de sa clairvoyance ou de sa clairaudience, quelle que soit sa connaissance esttoujours limit. Il ne peut aller bien loin, car il faut deux roues pour que le vhicule avance. Ildoit y avoir un quilibre, lquilibre de la tte et du cur, lquilibre du pouvoir et de lasagesse, lquilibre de lactivit et du repos. Cest lquilibre qui permet lhomme desupporter le stress du voyage et davancer en facilitant son chemin. Nimaginez jamais un seulinstant que ceux qui sont dpourvus dquilibre peuvent aller loin sur la voie spirituelle, peuimporte combien en apparence ils semblent ports sur la spiritualit. Seules les personnesquilibres peuvent exprimenter la vie extrieure aussi pleinement que la vie intrieure,

    prendre plaisir la pense autant quau sentiment, se reposer aussi bien quagir. Le centre dela vie est le rythme et le rythme entrane lquilibre.

    Pour ce voyage, certaines pices de monnaie sont galement ncessaires pour dpenser enchemin. Et quelles sont ces pices ? Lexpression rflchie dans la parole et dans laction.Pour ce voyage, lhomme doit faire des provisions pour manger et boire, et ces provisionssont la vie et la lumire. Pour ce voyage, lhomme doit se vtir contre le vent et la pluie,contre la chaleur et le froid, et ce vtement est le vu du secret, la tendance au silence. Pource voyage, lhomme doit dire adieu aux autres en partant, et cet adieu est le dtachementaffectueux. Avant de partir pour ce voyage, il doit laisser quelque chose derrire lui avec sesamis, et ce sont les souvenirs heureux du pass.

    Nous voyageons tous. La vie elle-mme est un voyage. Personne nest fix ici, nous avanonstous, et par consquent, il nest pas juste de dire que si nous entreprenons un voyage spirituel,nous devons interrompre une vie stable. Personne ne mne une vie stable ici. Tous sontinstables, tous sont en chemin. Seulement, en entreprenant le voyage spirituel, vous prenezune autre voie qui est plus facile, meilleure et plus plaisante. Ceux qui nempruntent pas cettevoie arriveront aussi au bout. La diffrence est dans la manire. Une voie est plus facile, pluslisse, meilleure. Lautre est remplie de difficults, et comme la vie ne cesse de produire desdifficults depuis linstant o vous avez ouvert les yeux sur cette Terre, vous pouvez tout aussi

    bien choisir la voie la plus facile pour arriver la destination laquelle toutes les mesdevront un jour arriver.

    Par vie intrieure, on entend une vie dirige vers la perfection qui peut tre appele laperfection de lamour, de lharmonie et de la beaut ; en termes traditionnels, dirige versDieu.

    La vie intrieure ne soppose pas ncessairement la vie matrielle, mais la vie intrieure estune vie plus pleine. La vie matrielle signifie la limitation de la vie ; la vie intrieure signifieune vie complte. Les asctes qui ont pris une direction loppos de la vie matrielle ont agiainsi pour avoir la facilit de chercher dans les profondeurs de la vie, mais aller dans uneseule direction ne rend pas une vie complte. Par consquent, la vie intrieure signifie la

    plnitude de la vie.

    En bref, on peut dire que la vie intrieure consiste en deux choses : laction avec laconnaissance et le repos avec la passivit de lesprit. En accomplissant ces deux mouvements

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    contraires et en gardant lquilibre entre ces deux directions, on atteint la plnitude de la vie.Une personne qui vit la vie intrieure est aussi innocente quun enfant, et en mme temps,

    plus sage que plusieurs personnes intelligentes runies. Ceci montre un dveloppement dansdeux directions opposes. Linnocence de Jsus est connue depuis des sicles. Dans chacun deses mouvements, dans chacun de ses actes, il a prouv quil tait comme un enfant. Tous les

    grands saints et les grands sages, les grands qui ont libr lhumanit ont t aussi innocentsque des enfants et en mme temps, plus sages, beaucoup plus sages que les matrialistes. Etquelle en est la raison ? Quest-ce qui leur donne cet quilibre ? Cest le repos avec la

    passivit. Quand ils se tiennent devant Dieu, leur cur est comme une coupe vide ; quand ilsse tiennent devant Dieu pour apprendre, ils dsapprennent tout ce que le monde leur aenseign ; quand ils se tiennent devant Dieu, leur ego, leur moi, leur vie ne se trouvent plusdevant eux. A ce moment, ils nont pas en tte quun dsir soit satisfait, quun but soit ralisou bien une expression qui leur est propre, mais ils se voient comme des coupes vides queDieu peut remplir pour quils puissent perdre leur faux moi.

    Par consquent, la mme chose les aide dans leur vie quotidienne pour montrer un aperu du

    moment calme de repos quils ont eu avec Dieu. Ils montrent dans leur vie quotidiennelinnocence et non pas lignorance ; ils savent les choses et ils ne savent pas. Ils savent si une

    personne dit un mensonge, mais accusent-ils cette personne, disent-ils : Vous racontez unmensonge ? Ils sont au- dessus de tout cela. Ils connaissent tous les jeux du monde et ils lescontemplent passivement. Ils slvent au-dessus des choses de ce monde qui ne produisentaucune impression sur eux. Ils prennent les gens trs simplement. Certains peuvent penserquils sont ignorants dans leur vie matrielle, quils ne font pas attention aux choses qui nont

    pas dimportance. Lactivit avec la sagesse les rend plus sages. Tout le monde dans ce mondene dirige pas chacune de ses actions avec sagesse. Beaucoup ne consultent jamais la sagesseavant dagir. Il y en a dautres qui recherchent la sagesse aprs avoir agi, et bien souvent, il estalors trop tard. Mais ceux qui vivent la vie intrieure dirigent tous leur activit avec sagesse.Chaque mouvement, chaque action, chaque pense, chaque parole est dabord pens, pes,mesur et analys avant dtre exprim. Par consquent, tout ce quils font dans le monde estfait avec sagesse, mais devant Dieu, ils se tiennent dans linnocence, ils nemmnent pas lasagesse du monde.

    Lhomme commet souvent des erreurs en choisissant une voie ou bien lautre et ainsi, ilmanque dquilibre et natteint pas la perfection. Par exemple, lorsquil choisit la voie delactivit sur le chemin de Dieu, il veut aussi y utiliser sa sagesse ; sur le chemin de Dieuaussi, il veut tre actif l o laction nest pas ncessaire. Cest comme nager contre-courant : l o vous devez tre innocent, si vous utilisez votre sagesse, cest la plus grande des

    erreurs. Ensuite, il y en a dautres qui sont habitus a prendre comme principe la passivitavec laquelle ils se tiennent devant Dieu dans leur innocence, et ils veulent utiliser ce mmeprincipe dans toutes les directions de la vie, ce qui ne serait pas juste.

    2 LOBJET DU VOYAGE

    La premire et la chose principale dans la vie intrieure est dtablir une relation avec Dieu enfaisant de Dieu lobjet auquel nous nous relions : le Crateur, la Providence, le Juge, leMisricordieux, lAmi, le Pre, la Mre et le Bien-Aim. Dans chaque relation, nous devons

    placer Dieu devant nous et devenir conscients de cette relation de telle manire quelle ne

    reste plus une imagination, car la premire chose que fait un croyant, cest imaginer. Ilimagine que Dieu est le Crateur, et il essaye de croire que Dieu est la Providence. Il fait un

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    effort pour penser que Dieu est un Ami et une tentative pour ressentir quil aime Dieu. Mais sicette imagination doit devenir la ralit, alors exactement comme lon ressent pour sa bien-aime terrestre de la sympathie, de lamour et de lattachement, on doit ressentir la mmechose pour Dieu. Quelle que soit la pit, la bont ou la vertu dune personne, sans ceci, sa

    pit ou sa bont ne sont pas une ralit pour elle.

    Le travail de la vie intrieure est de faire de Dieu une ralit pour quIl ne soit plus uneimagination, pour que cette relation que lhomme entretient avec Dieu lui apparaisse plusrelle que toute autre relation en ce monde. Et quand ceci se produit, alors toutes les relations,quelles que soient leur proximit et leur valeur, deviennent moins contraignantes. Mais dansle mme temps, une personne nen devient pas pour autant froide, elle devient plus aimante.Cest lhomme impie qui est froid, marqu quil est par lgosme et le manque damour de cemonde, parce quil partage ces conditions dans lesquelles il vit. Mais celui qui est amoureuxde Dieu, celui qui a tabli sa relation avec Dieu, son amour devient vivant, il nest plus froid.Il remplit ses devoirs vis a vis de ceux qui lui sont apparents dans ce monde beaucoup plusque ne le fait lhomme impie.

    Maintenant, quant la manire dont lhomme tablit cette relation avec Dieu, laquelle est laplus dsirable, que devrait-il imaginer ? Dieu le Pre, Dieu le Crateur, Dieu Juge, Dieu leMisricordieux, Dieu lAmi ou Dieu le Bien-Aim ? La rponse est que, dans chaquesituation de la vie, nous devons donner Dieu la place exige par le moment prsent. Quand,cras par linjustice et la froideur du monde, lhomme contemple Dieu, la perfection de

    justice, son agitation sen va, son cur nest plus troubl, il se console avec la justice de Dieu.Il place le Dieu juste devant lui et ainsi, il apprend la justice. Le sens de la justice sveilledans son cur et il voit les choses tout fait diffremment.

    Quand lhomme se trouve dans ce monde orphelin de pre et de mre, alors il pense quil y ala mre et le pre en Dieu. Et mme sil tait en prsence de sa mre ou de son pre, ceux-cine sont ses parents que sur Terre. La maternit et la paternit de Dieu est la seule relationrelle. Le pre et la mre terrestres ne refltent quune tincelle de cet amour maternel et

    paternel que Dieu possde en plnitude et perfection. Puis lhomme dcouvre que Dieu peutpardonner comme les parents peuvent pardonner lenfant, sil est dans lerreur. Alors,lhomme ressent la bont, la douceur, la protection, le soutien,la sympathie de tous cts. Ilapprend sentir que cela vient de Dieu, le Pre et la Mre travers tous.

    Quand lhomme imagine Dieu comme le Misricordieux, il dcouvre quil ny a pas dans cemonde quune justice stricte, mais quil y a aussi de lamour, de la clmence et de la

    compassion, quil y a un sens du pardon, que Dieu nest pas le serviteur de la loi comme lestle juge dans ce monde. Il est le Matre de la loi. Il juge quand Il juge. Quand Il pardonne, Ilpardonne. Il a les deux pouvoirs. Il a le pouvoir de juger et Il a le pouvoir de pardonner. Il estJuge, car Il ne ferme pas les yeux sur tout ce que lhomme fait. Il sait, Il pse, Il mesure et Ilrend ce qui est d lhomme. Il est le Misricordieux, parce quau-dessus et au-del de Son

    pouvoir de justice, il y a Son grand pouvoir damour et de compassion qui est Son tre mme,qui est Sa propre nature et qui par consquent est suprieur, existe en plus grande proportionet est plus actif que Son pouvoir de justice. Nous, les tres humains de ce monde, sil existeune tincelle de bont ou de gentillesse dans nos curs, nous vitons de juger les gens. Nous

    prfrons le pardon au jugement. Le pardon nous donne naturellement un plus grand bonheurque chercher nous venger moins que lhomme ne soit sur un chemin tout fait diffrent.

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    Lhomme qui ralise Dieu en tant quAmi nest jamais seul au monde, ni dans ce monde, nidans le suivant. Il y a toujours un ami, un ami dans la foule, un ami dans la solitude, ou quandil est endormi, inconscient de ce monde extrieur et lorsquil est veill et conscient. Dans lesdeux cas, lAmi est l dans sa pense, dans son imagination, dans son cur et dans son me.

    Lhomme qui fait de Dieu son Bien-Aim, que veut-il de plus ? Son cur sveillle toute labeaut quil y a lintrieur et lextrieur. Pour lui, toutes les choses sont attirantes, tout sedvoile et pour ses yeux, cest la beaut, parce que Dieu imprgne tous les noms et toutes lesformes. Par consquent, son Bien-Aim nest jamais absent. Quil est heureux ainsi, celuidont le Bien-Aim nest jamais absent, parce que toute la tragdie de la vie, cest labsence duBien-Aim et pour celui dont le Bien-Aim est toujours l, quand il a ferm les yeux, le Bien-Aim est lintrieur, quand il a ouvert les yeux, le Bien-Aim est lextrieur. Tous ses sens

    peroivent le Bien-Aim. Ses yeux Le voient, ses oreilles entendent Sa voix. Quand unepersonne arrive cette ralisation, elle vit, pour ainsi dire, dans la prsence de Dieu. Alors,pour elle, les formes et les croyances diffrentes, les diffrentes fois et communauts necomptent pas. Pour elle, Dieu est tout en tout, Dieu est partout. Si elle se rend lglise

    chrtienne, la synagogue, au temple bouddhiste, au sanctuaire hindou, la mosque dumusulman, Dieu sy trouve. Dans la jungle, dans la fort, dans la foule, elle voit Dieu partout.

    Ceci montre que la vie intrieure ne consiste pas fermer les yeux et se tourner verslintrieur. La vie intrieure, cest regarder lextrieuret lintrieur et voir le Bien-Aim

    partout. Mais on ne peut pas faire de Dieu un Bien-Aim moins que llment damour nesoit suffisamment veill. Celui qui hait son ennemi et qui aime son ami ne peut pas appelerDieu son Bien-Aim, car il ne connat pas Dieu. Quand lamour arrive sa plnitude, alors onconsidre lami avec affection, lennemi avec indulgence et ltranger avec sympathie.Lamour sexprime dans tous ses aspects quand lamour slve sa plnitude et cest la

    plnitude de lamour qui mrite dtre offerte Dieu. Cest alors que lhomme reconnat enDieu son Bien-Aim, son Idal, et par l, quoiquil slve au-dessus de laffection troite dece monde, en ralit, il est celui qui sait comment aimer mme son ami. Cest lamant de Dieuqui connat lamour, lorsquil slve au stade de la plnitude de lamour.

    Toute limagerie de la littrature soufie en langue persane crite par les grands potes commeRumi, Hafiz et Jami dcrit la relation entre lhomme en tant quamant et Dieu en tant queBien-Aim. Quand on lit en comprenant cela et quon dveloppe cette affection, alors on voitquelles images les mystiques ont cres et quelle note leur cur a t accord. Il nest pasfacile de dvelopper dans son cur lamour de Dieu, parce que quand on ne voit pas ou quonne ralise pas lobjet de son amour, on ne peut pas aimer. Dieu doit devenir tangible pour que

    lon puisse Laimer, mais une fois quune personne est parvenue aimer Dieu, elle arellement entam le voyage du chemin spirituel.

    3 SATISFAIRE AUX OBLIGATIONS DE LA VIE HUMAINE

    La position de la personne qui vit la vie intrieure devient semblable celle dun adulte vivantparmi de nombreux enfants et en mme temps, extrieurement, il ne semble pas y avoir dediffrence aussi visible que lge des enfants et celui de ladulte, la diffrence rsidant dans lagrandeur de sa vision qui nest pas toujours apparente. Celui qui vit la vie intrieure devient

    beaucoup plus g que ceux qui lentourent et pourtant, extrieurement, il est le mme que

    toute autre personne. Par consquent, lhomme qui est arriv la plnitude de la vie intrieureadopte une politique tout fait diffrente de celle de celui qui commence juste emprunter

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    cette voie, ainsi que celle de celui qui connat intellectuellement quelque chose de la vieintrieure, mais qui ne la vit pas rellement. Laction dans le monde est galement diffrente,car ce dernier critiquera ceux qui ne connaissent pas ce quil pense connatre et il lesconsidrera avec orgueil et suffisance ou avec mpris en pensant quils ne se sont pas levsau mystre ou la hauteur laquelle il sest lev et quil comprend. Il souhaite se couper des

    gens en disant quils sont en retard dans leur volution et quil ne peut pas se joindre eux. Ildit : Je suis plus avanc ; je ne peux pas me joindre eux pour quoi que ce soit ; ils sontdiffrents ; je suis diffrent. Il se rit des ides mesquines de ceux qui lentourent et lesconsidrent comme des tres humains avec lesquels il ne doit pas sassocier, quil ne doit pasrejoindre dans leurs activits, parce quil est beaucoup plus avanc quils le sont.

    Mais pour celui qui atteint la plnitude de la vie intrieure, cest une grande joie de sassocier son prochain, tout comme cest une grande joie pour des parents de jouer avec leurs petitsenfants. Les meilleurs moments de leurs vies sont ceux o ils se sentent comme des enfantsavec leurs enfants et o ils peuvent les rejoindre dans leurs jeux. Des parents tendres etaffectueux, si un enfant leur apporte une tasse de poupe feront semblant de boire le th et de

    lapprcier. Ils ne laisseront pas croire lenfant quils sont suprieurs ou que ceci est quelquechose laquelle ils ne doivent pas participer. Ils jouent avec lenfant et ils en sont heureux

    parce que le bonheur des enfants est aussi le leur.

    Telle est laction de lhomme qui vit la vie intrieure et cest pour cette raison quil saccordeet sharmonise aves des gens de tous les niveaux dvolution, quelles que soient leurs ides,leurs penses, leurs croyances ou leur foi, la forme laquelle ils rendent un culte ou lamanire dont ils montrent leur enthousiasme religieux. Il ne dit pas : Je suis beaucoup plusavanc que vous ne ltes et me joindre vous serait rgresser. Celui qui a autant avanc ne

    peut jamais rgresser, et en se joignant aux autres, il les entrane avec lui. Sil continuait seul,il considrerait quil a vit son devoir envers son prochain quil devait accomplir. Cest lacruche vide qui fait du bruit quand vous cognez dessus, mais la cruche remplie deau ne

    produit aucun son. Elle est silencieuse et muette.

    Ainsi les sages vivent parmi tous les gens de ce monde et ils ne sont pas malheureux. Celuiqui aime tout le monde nest pas malheureux. Est malheureux celui qui contemple le mondeavec mpris, qui hait les tres humains et qui pense quil leur est suprieur. Celui que les aime

    pense seulement quils passent par le mme processus quil a subi. Cest de lobscurit quildoit passer dans la lumire. Cest juste une diffrence de moment et avec beaucoup de

    patience, il passe ces moments avec ses semblables qui sont encore dans lobscurit, en neleur faisant pas savoir quils sont dans lobscurit, en ne les laissant pas se sentir blesss par

    cela, en ne les considrant pas avec mpris, en pensant seulement que pour chaque me, il y alenfance, il y a la jeunesse et il y a la maturit. Ainsi, il est naturel que chaque tre humainpasse par ce processus. Jai vu de mes propres yeux des mes qui ont atteint la saintet et quisont parvenues une grande perfection et pourtant une telle me se tenait devant une idole de

    pierre avec son prochain pour rendre un culte, sans lui faire savoir quelle tait en aucunefaon plus avance que les autres hommes, gardant toujours un aspect humble et ne

    prtendant pas le moins du monde quelle tait alle plus loin dans son volution spirituelle.

    Plus loin vont ces mes, plus humbles elles deviennent. Plus grand est le mystre quelles ontralis, au moins elles en parlent. Vous auriez de la peine le croire si je vous disais que

    pendant les quatre ans o je fus admis dans la prsence de mon Murshid, je nai eu quune ou

    deux conversations traitant de sujets spirituels. Gnralement, la conversation portait sur leschoses matrielles, comme chez tout le monde. Personne ne se doutait quil y avait ici un

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    homme ayant ralis Dieu, toujours absorb en Dieu. Sa conversation tait semblable cellede tout le monde, il parlait de tout ce qui concernait ce monde, jamais de conversationsspirituelles ni aucune dmonstration particulire de pit ou de spiritualit, et pourtant,lambiance, la voix de son me et sa prsence rvlaient tout ce qui tait cach dans son cur.

    Ceux qui ont ralis Dieu et ceux qui ont atteint la sagesse parlent trs peu du sujet. Ce sontceux qui ne savent pas qui tentent den discuter, non parce quils savent, mais parce queux-mmes ont des doutes. Quand la connaissance est l, la satisfaction est l. Il ny a aucunetendance la controverse. Quand on discute, cest que quelque chose nest pas satisfait. Il nya rien dans ce monde, richesse ou statut, pouvoir ou connaissance, qui peut offrir autant desuffisance que la plus petite somme de connaissance spirituelle, et une fois quune personne acette suffisance, elle ne peut plus progresser. Elle est cloue sur place, parce que lide mmede la ralisation spirituelle est dans labsence dego. Lhomme doit ou bien se raliser commequelque chose ou bien comme nant. Dans cette ralisation du nant, il y a la spiritualit. Silon a la moindre connaissance des lois internes de la nature et quon en est fier ou si lon

    pense : Comme je suis bien, comme je suis bon, gnreux, bien lev, influent, sduisant,

    la moindre ide de quelque chose de ce genre dans lesprit ferme les portes qui ouvrent sur lemonde spirituel. Cest une voie si facile emprunter et pourtant si difficile. Lorgueil est sinaturel chez un tre humain, lhomme peut nier mille fois une vertu en paroles, mais il ne peutsempcher de ladmettre avec ses sentiments, car lego lui-mme est orgueil. Lorgueil estlego, lhomme ne peut vivre sans lui. Pour obtenir la connaissance spirituelle, pour devenirconscient de la vie intrieure, il ne doit pas apprendre beaucoup, parce quici, il doit connatrece quil connat dj. Seulement, il doit lui-mme le dcouvrir. Pour sa comprhension de laconnaissance spirituelle, il na besoin de connaissance de rien dautre que de lui-mme. Ilacquiert la connaissance du moi qui est lui-mmesi proche et pourtant si lointain.

    Une autre chose que montre lamant de Dieu est la mme tendance que montre lamanthumain. Il ne parle pas de son amour qui que ce soit. Il ne peut pas en parler. Lhomme ne

    peut pas dire quel point il aime sa bien-aime. Nulle parole ne peut lexprimer, et de plus, ilna pas envie den parler qui que ce soit. Mme sil le pouvait, il fermerait sa bouche en

    prsence de sa bien-aime. Comment alors, lamant de Dieu pourrait-il professer : JaimeDieu ! Le vritable amant de Dieu conserve silencieusement son amour au fond de son curcomme une graine plante dans le sol et si la graine pousse, elle se transforme en actions pourson semblable. Il ne peut pas agir sans gentillesse, il ne peut pas ressentir autre chose que du

    pardon. Tous les mouvements quil fait, tout ce quil fait parle de son amour, mais pas sabouche.

    Ceci montre que dans la vie intrieure, le plus grand principe que lon devrait observer estdtre sans prtention, calme, sans ostentation de sagesse, sans manifestation drudition, sansle moindre dsir de faire savoir quiconque jusquo lon a avanc, sans mme se faire savoir soi-mme jusquo lon a avanc. La tche accomplir est loubli complet de soi-mme etsharmoniser avec son prochain, agir en accord avec tous, rencontrer chacun son propreniveau, parler chacun son propre langage, rpondre au rire de ses amis avec un sourire et la douleur dun autre avec des larmes, tre auprs de ses amis dans leurs joies et dans leurs

    peines, quel que soit son propre degr dvolution. Si un homme dans sa vie devenaitsemblable un ange, il accomplirait trs peu. L'accomplissement qui est le plus dsirable pourun homme est de satisfaire aux obligations de la vie humaine.

    4 LEPANOUISSEMENT DE LA VIE INTERIEURE

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    Le principe de celui qui fait lexprience de la vie intrieure est de devenir toutes choses pourtous les hommes tout au long de sa vie. Dans chaque situation, dans chaque cas, il rpond lademande du moment. Souvent les gens pensent que la personne spirituelle doit tre un homme lapparence triste, la mine longue, avec une expression srieuse et un air de mlancolie. A

    dire vrai, cette image est prcisment le contraire de la personne spirituelle relle. Dans tousles cas, celui qui vit la vie intrieure se doit dagir extrieurement comme il sied loccasion.Il doit agir selon les circonstances et doit parler chacun son langage, se mettre au mmeniveau et pourtant, raliser la vie intrieure.

    Pour celui qui connat la vrit, qui a ralis la connaissance spirituelle et qui vit la vieintrieure, il ny a pas doccupation dans la vie qui ne soit trop difficile. En tant quhommedaffaires, homme de profession librale, en tant que roi, dirigeant, pauvre, homme du monde,

    prtre ou moine, dans tous les aspects, il est diffrent de ce que les gens savent et voient delui. Pour celui qui vit la vie intrieure, le monde est une scne o il est lacteur qui joue unrle dans lequel il doit parfois tre en colre et parfois tre affectueux et dans lequel il doit

    jouer la tragdie et la comdie. De mme, celui qui a ralis la vie intrieure joueconstamment, et pareil lacteur qui ne ressent pas les motions quil affecte, lhommespirituel doit remplir adquatement lespace dans lequel la vie la plac. L, il accomplit toutentirement et la perfection pour satisfaire sa mission extrieure dans la vie. Il est un ami

    pour ses amis, un parent pour ses parents. Avec tous ceux avec qui il est extrieurement enrapport, il maintient le bon rapport avec rflexion, avec considration, et pourtant, dans saralisation, il se situe au-dessus de tous les rapports. Il est dans la foule et en mme tempsdans la solitude. Il peut se montrer trs amus et en mme temps tre trs srieux. Il peutsembler trs triste, et pourtant, la joie dborde de son cur.

    Par consquent, celui qui a ralis la vie intrieure est un mystre pour tout le monde.Personne ne peut sonder la profondeur de cette personne, mis part quelle promet lasincrit, quelle rayonne damour, quelle commande la confiance, quelle rpand la bont etquelle donne une impression de Dieu et de vrit. Pour lhomme qui a ralis la vieintrieure, chaque action est sa mditation : sil marche dans la rue, cest sa mdiation ; siltravaille comme charpentier, comme orfvre ou dans nimporte quel commerce ou affaire,cest sa mditation. Cela na pas dimportance quil regarde le ciel ou la terre, il regardelobjet quil vnre. Est ou ouest ou nord ou sud, de tous cts est son Dieu. Dans la forme oule principe, rien ne le limite. Il peut connatre des choses, et pourtant ne pas en parler, car siun homme qui vit la vie intrieure devait parler de ses expriences, cela perturberait denombreux esprits.

    Dans le monde, il y a des gens qui, du matin au soir, ont leurs yeux et leurs oreilles pointsvers chaque recoin sombre, dsirant couter ou voir ce quils pourraient dcouvrir et qui netrouvent rien. Si quelquun devait raconter des merveilles ces gens, il aurait une trs bonneoccupation, le monde entier le rechercherait. Mais ce nest pas le travail de lhomme ralis. Ilvoit, et pourtant, il ne cherche pas. Sil devait chercher, que ne verrait-il pas ! Il y a tant voir

    pour celui dont le regard, o quil se porte, pntre chaque objet et dcouvre sa profondeur,son secret. Et sil devait contempler les choses et dcouvrir leurs secrets et leurs profondeurs,o cela finirait-il et quel intrt pour lui ?

    La vie intrieure, par consquent, cest voir toutes les choses et pourtant ne pas les voir, sentir

    toutes les choses et ne pas les exprimer car elles ne peuvent pas tre pleinement exprimes,comprendre toutes les choses et ne pas les expliquer : jusquo un tel homme peut-il expliquer

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    et combien un autre peut-il comprendre ? Chacun suivant la capacit quil a, pas plus. La vieintrieure ne se vit pas en fermant les yeux ; on ne doit pas fermer ses yeux au monde pour lavivre, on peut tout aussi bien les ouvrir.

    Le sens exact de la vie intrieure nest pas seulement de vivre dans le corps, mais de vivre

    dans le cur, de vivre dans lme. Pourquoi alors lhomme moyen ne vit-il pas la vieintrieure, quand il possde lui aussi un cur et une me ? Cest parce quil a un cur etcependant, il nen nest pas conscient. Il a une me et ne sait pas ce que cest. Lorsquil vitdans lesclavage du corps, limit par ce corps, il ne peut sentir une chose quen la touchant, ilne voit quen regardant avec ses yeux, il nentend quen entendant avec ses oreilles. Jusquoles oreilles peuvent-elles entendre et les yeux peuvent-ils voir ? Toute cette exprienceobtenue par les sens extrieurs est limite. Quand lhomme vit dans cette limitation, il ne sait

    pas quune autre partie de son tre existe qui est nettement suprieure, plus merveilleuse, plusvivante et plus exalte. Quand il commence le savoir, alors le corps devient son instrument,car il vit dans son cur. Et puis plus tard, il va plus loin et vit dans son me. Il faitlexprience de la vie indpendamment de son corps et ceci sappelle la vie intrieure. Une

    fois que lhomme a fait lexprience de la vie intrieure, la crainte de la mort disparat, car ilsait que la mort touche le corps et non pas son tre intrieur. Quand il commence raliser lavie dans son cur et dans son me, il considre son corps comme un vtement. La crainte dela mort ne dure que tant que lhomme na pas ralis que son tre rel ne dpend pas de soncorps.

    Par consquent, la joie de la personne qui fait lexprience de la vie intrieure est au-del detoute comparaison suprieure celle de lhomme moyen qui ne vit que comme un esclavedans son corps mortel. Nanmoins, la vie intrieure ne suppose pas que lhomme adopte uncertain mode de vie ou vive une vie asctique ou une vie religieuse. Peu importe sonoccupation extrieure, cela na pas dimportance : lhomme qui vit la vie intrieure la vit entoutes circonstances. Lhomme cherche toujours la personne spirituelle dans une personnereligieuse ou peut-tre dans ce quil appelle une bonne personne ou dans une personne dotedun esprit philosophique, mais ce nest pas ncessairement le cas. Une personne peut trereligieuse, mme philosophique, une personne peut tre religieuse ou bonne et cependant, ilest possible quelle ne vive pas la vie intrieure.

    Il ny a pas dapparence extrieure particulire qui puisse prouver quune personne vive la vieintrieure, except une chose. Lorsquun enfant devient jeune homme, vous pouvez voir danslexpression de cet enfant une lumire qui rayonne, une certaine conscience nouvelle qui voitle jour, une nouvelle connaissance qui vient que lenfant na pas connue avant. Cest le signe

    de la jeunesse, mais lenfant ne le dit pas et ne peut pas le dire. Mme sil le voulait, il ne peutpas lexpliquer. Et pourtant, partir de chaque mouvement que fait lenfant, partir dechacune de ses expressions, vous pouvez voir quil prend conscience de la vie, prsent.Ainsi en est-il pour lme. Quand lme commence prendre conscience de la vie au-dessuset au-del de cette vie, cela commence se voir. Et bien que lhomme qui ralise cela puissesabstenir dessein de le montrer, nanmoins, partir de son expression, partir de sesmouvements, de son regard, de sa voix, de chaque action quil accomplit, le sage peut saisir etles autres peuvent sentir quil est conscient dun mystre.

    La vie intrieure est la naissance de lme. Comme la dit le Christ, moins que lme nenaisse nouveau, elle ne pourra pas entrer dans le Royaume des Cieux. Par consquent, la

    ralisation de la vie intrieure, cest entrer dans le Royaume des Cieux et quand cette

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    conscience touche ltre humain, cela sapparente une nouvelle naissance et avec cettenouvelle naissance vient lassurance de la vie ternelle.

    5 LIBERTE DACTION

    Au fur et mesure que lhomme grandit dans la vie intrieure, il ressent une libert de pense,de parole et daction qui vient naturellement au cours de son voyage spirituel. Et la raison

    pour laquelle cette libert vient et do elle vient peut sexpliquer par le fait quil y a un espritde libert cach en lhomme sous la couche dun conformisme extrieur. Quand lhomme sedbarrasse du conformisme, alors lesprit de libert emprisonn jusque-l devient manifeste.

    Les lois donnes lhumanit sont donnes par ceux qui sont loin de telles lois, les Ans.Comme pour les enfants, il y a certaines lois, certaines rgles qui sont ncessaires, de manire ce que ceux dont lvolution ne leur a pas encore permis de considrer la vie du plus haut

    point de vue soient encadrs par certaines lois qui leur sont enseignes sous forme de

    religions. Et elles sont aussi ncessaires pour lhumanit que le sont les rgles donnes auxenfants la maison. Si aucune rgle ntait donne, les enfants deviendraient indisciplins.Mais quand les enfants deviennent adultes, ils commencent voir par eux-mmes la raison

    pour laquelle des rgles ont t donnes et le bnfice que ces rgles leur ont apport. Alorsils peuvent adopter pour eux-mmes des rgles qui leur conviendront le mieux.

    La vie intrieure aide une me grandir. Lorsque lme passe de la sujtion la matrise, alorselle se fait des rgles pour elle-mme. Aussi, en Orient, personne ne tente de critiquer une

    personne spirituelle ; personne ne srige en juge de ses actions ou ne laccuse de quelquechose quelle-mme estime mauvais. Cest pour cette raison que Jsus-Christ a dit : Ne

    jugez pas. Mais cet enseignement a t donn pour montrer que ne jugez pas sapplique votre gal. Pour celui qui est encore plus avanc, personne ne peut juger. Lorsque lhomme atendance juger quelquun de plus avanc que lui-mme, la consquence est que le progrsspirituel se dtriore, parce quaussi avanc quil puisse tre, ceux qui ne sont pas encoreavancs lentranent vers le bas. Par consquent, lhumanit, au lieu davancer, recule. Quesest-il pass dans le cas de Jsus-Christ ? Il a t jug. Lme libre, lme rendue libre parla nature divine a t juge la cour des hommes. Des hommes moins avancs se sontconsidrs suffisamment avertis que pour juger le Christ et pas seulement Le juger, mais aussiLe condamner.

    Ainsi, chaque priode de civilisation, lorsque est apparue la tendance juger quelquun

    davanc, il y a toujours eu un effondrement de toute la civilisation. Aurangzeb demanda ausoufi Sarmad, un grand saint qui vivait Gwalior, de se rendre la mosque, car lpoque, ilallait lencontre des rgles que quiconque sabstienne des prires rgulires qui se faisaientdans la mosque de lEtat. Sarmad tant un homme dextase qui vivait chaque instant de sa

    journe ou de sa nuit en union avec Dieu, en tant lui-mme conscient de Dieu, oublia peut-tre ou il refusa. Une certaine heure de prire ou un certain lieu de prire ntaient rien pourlui. Pour lui, chaque endroit tait un lieu de prire, chaque instant tait un instant de prire,chaque souffle tait une prire. Comme il refusa de participer aux prires, il fut dcapit pouravoir contrevenu aux rgles qui taient faites pour tout le monde. La consquence en fut lachute de tout lEmpire moghol que lon peut dater de cette poque. Toute la civilisationmoghole, unique lpoque, tomba en ruines.

  • 8/4/2019 14018312 La Vie Interieure

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    Les hindous ont toujours connu cette philosophie, pour la raison quils avaient une religionparfaite, une religion dans laquelle un aspect de Dieu tait reprsent comme humain, et leursmultiples devas ne sont rien dautre que diverses caractristiques de la nature humaine,chacune delle adore et vnre. De cette faon, non seulement Dieu, mais lentiret de lanature humaine, dans tous ses aspects, tait adore et vnre. Cest cela qui rend parfaite la

    religion hindoue. Quand des gens disent : Cet endroit est sacr et lautre ne lest pas ; cettechose-ci est sainte et toutes les autres ne le sont pas, ils divisent alors la vie en denombreuses parts, la vie qui est une, la vie qui ne peut pas tre divise.

    Ainsi, ceux qui slvent par leur dveloppement intrieur au-dessus des conformismes de lavie parviennent une autre conscience. Pour eux, les lois du monde sont les lois des enfants.Ceux qui commencent voir cette diffrence entre les lois quils tablissent pour eux-mmeset les lois qui sont observes par lhumanit condamnent dabord parfois et puis mprisent leslois communes. Ils les critiquent et demandent : A quoi bon tout cela ? Mais ceux qui

    parviennent une ralisation plus complte des lois intrieures montrent du respect, mmepour les lois des enfants. Sachant que ce sont les lois pour les enfants et non pour les adultes,

    ils les respectent, car ils savent quil ne peut pas en tre autrement. Les lois quils connaissentne peuvent se manifester qu celui dont lme slve cette ralisation, mais avant quecette me ne slve, elle doit avoir une loi grce laquelle elle vivra en harmonie. Ainsi lesmes avances considrent ces lois avec respect et les observent quand elles se trouvent dansla communaut. Elles ne les condamnent pas, elles ne les critiquent pas. Elles comprennentque lharmonie est la chose principale dans la vie et que nous ne pouvons pas tre heureuxdans la vie si nous ne pouvons pas nous harmoniser avec tous ceux qui nous entourent. Quelque soit notre niveau dvolution, quel que soit notre regard sur la vie et quelle que soit notrelibert, nous devons avoir du respect pour les lois de la majorit.

    Maintenant, la question est : ceux qui sont spirituellement avancs ont-il une conceptionspciale de la moralit ? En effet, ils en ont une et leur moralit est plus grande, beaucoup

    plus grande que ltre humain moyen ne peut limaginer. Ce nest pas quen devenant libresspirituellement des lois de la majorit, ils deviennent libres de leurs propres lois. Ils ont leurs

    propres lois qui les lient et celles-ci sont nettement suprieures et plus grandes. Il ny a aucundoute que leur faon de considrer les choses puisse tre critique et puisse gnralement ne

    pas tre comprise. Pourtant, leur loi est plus proche de la nature. Leurs lois sont en harmonieavec lEsprit. Leurs lois ont leur effet en tant que phnomnes, et en tenant compte de deuxmoralits qui sont contraires entre elles, la moralit gnrale et leur propre moralit, ilsarrivent un plan et dans une situation o leurs mains et leurs pieds sont clous. Cest le senssymbolique du cloutage du Christ sur la croix.

    6 LA LOI DE LA VIE INTERIEURE

    Ceux qui vivent la vie intrieure commencent voir une loi qui est cache lhomme moyen.Il y a la loi de la nature connue comme science et celle de la vie qui est appele loi morale,mais au-del de la science et de la moralit, il y a une autre loi. On peut lappeler loi occulteou en dautres mots, loi intrieure, une loi qui peut tre comprise par un cur ouvert et uneme veille.

    Cette loi se manifeste la vue du voyant sous des formes multiples et varies. Parfois, elle

    apparat sous une forme tout fait contraire leffet quelle a plus tard dans sa manifestation.Lil du voyant devient une pe qui perce, pour ainsi dire, toutes choses, ce qui inclut les

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    curs des hommes,et il voit clairement tout ce quils contiennent. Mais cette pntration esten mme temps une gurison.

    Dans le Coran, il est dit que Dieu a enseign lhomme par le talent de Sa plume. Quest-ceque cela signifie ? Cela signifie que pour lhomme qui vit la vie intrieure, chaque chose

    quil voit devient un caractre crit et que tout ce monde visible devient un livre. Il le lit aussiclairement quune lettre crite par un ami. De plus, lintrieur, il entend une voixquidevient pour lui un langage. Cest un langage interne. Ses mots ne sont pas les mmes queceux du langage externe. Cest un langage divin. Cest un langage sans mots qui ne peut treappel que voix, et pourtant, il sert de langage. Cest comme de la musique qui est aussi clairequun langage pour le musicien. Une autre personne apprcie la musique, mais seul lemusicien sait exactement ce quelle dit, ce quest chaque note, comment elle est exprime etce quelle rvle. Chaque expression de musique a pour lui un sens, chaque morceau demusique est pour lui une image. Mais je ne dis ceci qu propos du vrai musicien.

    Des gens prtendent tre clairvoyants et clairaudients et trompent souvent les autres en faisant

    de fausses prophties, mais celui qui vit la vie intrieure na pas besoin de prophtiser. Il napas besoin de dire aux autres ce quil voit et ce quil entend. Ce nest pas seulement quil nese sent pas pouss le faire, mais il nen voit pas la ncessit. En plus, il ne peut passexprimer pleinement. Quil est difficile de traduire pleinement la posie dun langage danscelle dun autre langage ! Pourtant, ce nest quinterprter les ides dune partie de la Terre des gens dune autre partie de la mme Terre. Combien il doit tre plus difficile alors detraduire ou dinterprter les ides du monde divin vers le monde humain. En quels termes

    peuvent-elles tre transmises, quelles expressions peut-il tre utilis pour elles, et mme aprsavoir t transmises en mots et en phrases, qui les comprendrait ? Cest le langage dunmonde diffrent.

    Ainsi, quand les prophtes et les voyants de toutes les poques ont transmis aux hommes uncertain message et une certaine loi, ce nest quune goutte de locan quils reurent dansleurs curs. Et cest galement une grosse difficult, car mme cette goutte nest gureintelligible. Chaque chrtien comprend-il la Bible ? Chaque musulman connat-il le Coran ouchaque hindou le Vedanta ? Non, peut-tre connaissent-ils les mots, mais pas toujours le sensrel. Chez les musulmans, il y en a qui connaissent tout le Coran par cur, mais ce nest passuffisant. Toute la nature est un livre secret, pourtant cest un livre ouvert pour le voyant.Comment lhomme peut-il le traduire, comment lhomme peut-il linterprter ? Cest commetenter damener la mer sur la terre ; on peut ly amener, mais en quelle proportion ?

    La comprhension de cette loi offre au voyant une vue tout fait diffrente de la vie qui lerend plus enclin apprcier tout ce qui est beau et bien, admirer tout ce qui vaut la peinedtre admir, se rjouir de tout ce qui est rjouissant et faire lexprience de tout ce quivaut la peine dtre expriment. Elle suscite la compassion du voyant aimer, tolrer,

    pardonner, endurer et faire preuve de solidarit. Elle le pousse soutenir, protger et servir ceux qui sont dans le besoin. Mais peut-il dire ce quil ressent vraiment, comment il sesent rellement ? Non, il ne peut pas se le dire lui-mme.

    En consquence, celui qui vit la vie intrieure est toutes choses. Il est comme un mdecin quiconnat des choses quun mdecin ne peut pas savoir, comme un astrologue qui en sait

    beaucoup plus que lastrologue, comme un artiste qui connat ce quun artiste ne pourrait pas

    connatre, comme un musicien qui sait ce quun musicien ne sait pas, comme un pote quiconnat ce que le pote ne peut pas percevoir, car il devient lartiste du monde entier, le

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    chanteur du chant divin, il devient lastrologue du cosmos tout entier qui est cach la vuedes hommes. Il na pas besoin des choses extrieures comme signes de sa connaissance de lavie ternelle. Sa vie elle-mme est la preuve de la vie ternelle. Pour lui, la mort est uneombre, cest un changement, cest tourner le visage dun ct vers lautre. Pour lui, toutes leschoses ont leur sens, chaque mouvement dans ce mondele mouvement de leau, le

    mouvement de lair, de lclair, du tonnerre et du vent, chaque mouvement a pour lui unmessageil lui apporte un signe. Pour un autre, ce nest rien que le tonnerre, ce nest rienquune tempte, mais pour lui, chaque mouvement a son sens. Et lorsquil slve dans sondveloppement, non seulement chaque mouvement a un sens, mais chaque mouvement porteson commandement. Cest cette partie de sa vie qui devient matrise.

    En plus de cela, dans toutes les affaires de ce monde, des individus et des multitudes quiconfondent les gens, qui leur apportent dsespoir et dpression, qui leur procurent joie et

    plaisir, qui les amusentil y voit parfaitement clair. Il sait pourquoi cela arrive, do celavient, ce quil y a derrire, quelle en est la cause et derrire la cause apparente, quelle est la

    cause cache. Sil voulait dterminer la cause derrire la cause, il pourrait remonter jusqu lacause primordiale, car la vie intrieure se vit en vivant avec la cause primordiale, en tant enunit avec la cause primordiale. Par consquent, celui qui vit la vie intrieure, ou en dautresmots qui vit la vie de Dieu, Dieu est en lui et il est en Dieu.

    7 LE BUT DE LA VIE INTERIEURE

    Est-ce le pouvoir qui est le but de la personne spirituelle ou est-ce linspiration quellerecherche ? En ralit, elle ne poursuit ni lun ni lautre, mais toutes ces choses comme le

    pouvoir et linspiration la suivent au fur et mesure quelle avance vers le but spirituel. Le

    but de la personne spirituelle est lautoralisation et son voyage se fait vers la profondeur deson propre tre, son Dieu, son idal.

    Une telle personne sacrifie-t-elle tout intrt dans la vie ou considre-t-elle les diffrents butsque les gens ont dans leurs vies comme quelque chose qui gare ? Pas du tout. Il ny a pas dedoute que son but soit le plus lev quune me puisse avoir, mais tous les autres buts quellevoit devant elle dans la vie ne la gnent pas ncessairement en chemin. Ils deviennent commeun escalier qui rendent sa voie plus facile suivre. Par consquent, la personne vivant la vieintrieure ne condamne jamais et ne critique pas les buts dun autre, aussi petits et ridiculesquils puissent paratre, car elle sait que chaque but dans la vie dune personne nest quuntremplin qui lemmne plus loin, si seulement elle veut bien continuer avancer.

    Il y a un temps dans la vie dune me o elle a envie de jouer avec des poupes, de chercheraprs des jouets. Du point de vue spirituel, il ny a pas de mal cela et lhomme voit en sontemps le chemin qui mne au but. Ce ne sont que des intrts passagers qui en mnent dautres et ainsi, lhomme progresse.

    Ainsi, selon le point de vue du voyant, lhomme se donne pour objectif, diffrentes poques,la richesse, le plaisir ou un paradis matriel. La personne spirituelle commence son voyagequand ceux-ci prennent fin. Le processus dvolution nest pas une ligne droite. Celaressemble plus une roue qui ne cesse jamais de tourner. Ainsi, lexprience de la personnequi emprunte la voie spirituelle commence montrer une tendance vers le bas et puis de

    nouveau vers le haut. Par exemple, sur la voie spirituelle, une personne retourne en arrire,elle exprimente de nouveau la jeunesse, car la spiritualit procure la sant lesprit et au

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    corps, tant la vie relle. Elle exprimente la vigueur, la force, laspiration, lenthousiasme,lnergie et un esprit vivant qui la fait se sentir jeune quel que soit son ge. Puis elle devientcomme un petit enfant, impatient de jouer, prt rire, heureux avec les enfants. Elle montredes traits enfantins dans sa personnalit, spcialement ce regard que lon voit chez les enfantso il ny a pas de souci, pas dangoisse, de sentiment damertume contre quiconque, o il y a

    le dsir dtre amical envers chacun, o il ny a pas dorgueil ou de suffisance, mais unempressement se joindre tout le monde, quelle que soit sa classe, sa caste, sa nation ou sarace. Ainsi, la personne spirituelle devient comme un enfant. La tendance aux larmes,lempressement rire, tout cela se retrouve chez la personne spirituelle.

    Plus loin, la personne spirituelle montre dans sa nature la prime enfance. Ceci peut sepercevoir dans son innocence. Son cur peut tre clair de sagesse, pourtant elle estinnocente. Elle est facilement trompe, mme consciemment, en plus dtre heureuse entoutes circonstances, comme un petit enfant. Tout comme le petit enfant na pas dgard pourlhonneur ou pour linsulte, la personne spirituelle nen na pas non plus. Lorsquelle arrive ce stade, elle rpond linsulte par un sourire. Les honneurs qui lui sont rendus sont comme

    des honneurs rendus un petit bb qui ne sait pas qui ils sont rendus. Seule la personne quia tmoign des honneurs sait quils ont t rendus quelquun. La personne spirituelle nennest pas consciente, ni heureuse, ni fire. Ce nest rien pour elle. Celle qui la honore sestelle-mme honore, car pour le bb, ce nest rien si quelquun parle en sa faveur ou en sadfaveur. Le bb sen moque, il est prt sourire dans les deux cas. Ainsi est la personnespirituelle.

    Au fur et mesure que lme spirituelle progresse, elle commence montrer les traits rels delhumanit, car ici lhumanit commence rellement. Dans une telle me, on peut voir lessignes qui sont les pures caractristiques de ltre humain, sans les traits animaux. Parexemple, il y a une tendance en elle apprcier le plus petit bien fait par quelquun, admirerle bien chaque fois quelle le voit chez une personne, une tendance tmoigner de lasympathie, quelle que soit la condition de la personne, saint ou pcheur, une tendance

    prendre intrt aux affaires de ses amis quand on le lui demande, une tendance au sacrifice,pourvu quelle soit motive pour accomplir cette action. Le respect, la gratitude, la sincrit,la loyaut, la patience, lendurance, toutes ces qualits commencent se montrer dans lecaractre de cet homme. Cest ce stade quil peut vraiment juger, car ce stade, le sens de la

    justice sveille.

    Mais au fur et mesure quil se dveloppe, il continue rgresser. Il montre prsent lessignes du royaume animal. Par exemple, une qualit comme celle de llphant, qui avec toute

    la force et la puissance de sa masse, est prt soulever la charge place sur lui ; le cheval quiest prt servir le cavalier ; et la vache qui vit dans le monde harmonieusement, qui rentre ltable sans tre pousse, qui donne le lait qui est le droit de son veau. Ces qualitsdeviennent le propre de la personne spirituelle. La mme chose est enseigne par le Christ.

    Lorsquelle progresse encore se dveloppe en elle la qualit du royaume vgtal, des plantesqui produisent les fruits et les fleurs en attendant patiemment la pluie du ciel, qui nedemandent jamais rien en retour ceux qui viennent cueillir leurs fleurs et leurs fruits, quidonnent en nattendant jamais rien en retour, qui ne dsirent que faire jaillir la beaut suivantles possibilits caches en elles et qui la laissent tre emporte par le digne ou lindigne, quiquil soit, sans la moindre attente, apprciation ou merci.

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    Et lorsque la personne spirituelle avance encore plus loin, elle arrive au stade du royaumeminral. Elle devient comme un roc, un roc sur lequel les autres peuvent sappuyer et dont ils

    peuvent dpendre, un roc qui reste inbranlable au cur des vagues constamment mouvantesde locan de la vie, un roc qui endure toutes les choses de ce monde dont linfluence a uneffet discordant sur les tres humains sensibles, un roc de constance en amiti, de stabilit en

    amour,de loyaut envers chaque idal pour lequel elle a pris position. On peut compter surelle dans la vie et la mort, ici et au-del. Dans ce monde o rien nest fiable, qui est rempli dechangements chaque instant, une telle me est parvenue au stade o elle montre au cur detous ces changements la solidit du roc, prouvant par l son accession au royaume minral.

    Elle progresse ensuite dans la qualitjinn qui reprsente la connaissance et la comprhensionglobale. Il ny a rien quelle ne puisse comprendre : quelle que soit la difficult de la situation,la subtilit du problme, la condition de ceux qui lentourent, elle comprend tout. Un homme

    peut se rendre auprs delle endurci par des fautes commises pendant toute sa viedevantcette comprhension, il fond, car quil soit ami ou ennemi, cette personne spirituelle lescomprend tous deux. Non seulement, elle possde la connaissance de la nature humaine, mais

    galement celle des objets et des conditions de la vie en gnral sous tous ses aspects.

    Et quand elle avance encore plus loin, sa nature se mue en celle dun ange. La nature dunange est dtre rvrencieux. Elle vnre ds lors Dieu dans toutes les cratures. Elle ne sesent pas plus importante ou meilleure ou plus spirituelle que nimporte qui dautre. Dans cetteralisation, elle vnre tous les noms et toutes les formes, car elle considre que ce sont tousles noms et toutes les formes de Dieu. Personne, si dgnr quil soit ou mpris par lemonde, nest moins ses yeux. A ses yeux, il ny a que lEtre divin et ainsi, chaque momentde sa vie est consacr ladoration. Pour elle, il nest plus ncessaire de vnrer Dieu unecertaine heure, dans une certaine maison ou dune certaine manire. Il ny a pas un seulmoment o elle nest pas en adoration. A chaque instant de sa vie, elle est en adoration, ellese trouve devant Dieu, et tant devant Dieu chaque instant de sa vie, elle devient tellement

    purifie que son cur devient un cristal o tout est clair. Tout y est rflchi, personne ne peutlui cacher ses penses, rien ne lui est cach, tout est connu aussi clairement que pour lautre

    personne. Et plus encore, car chaque personne connat sa propre condition et pourtant, ellenen connat pas la raison. Mais ltre spirituel, ce stade, connat la condition de la personneet la raison qui la motive. Par consquent, il en sait plus propos de chaque personne que la

    personne elle-mme.

    Cest ce stade que son progrs culmine et atteint la plnitude et ce propos, le Christ a dit :Soyez parfait comme votre Pre Cleste est parfait. Quand ce stade survient, cela dpasse

    toute expression. Cest un sentiment, cest une ralisation, cest une sensation que les mots nepourront jamais expliquer. Il ny a quune chose que lon puisse dire : quand une personne aatteint ce stade qui est appel la perfection, sa pense, sa parole, son action, son atmosphre,tout devient productif de Dieu. Elle rpand Dieu partout. Mme si elle ne parlait pas, ellerpandrait Dieu. Mme si elle ne faisait rien, elle rpandrait encore Dieu. Ainsi, ceux qui ontralis Dieu apportent au monde le Dieu vivant. A prsent, il nexiste dans le monde quunecroyance en Dieu. Dieu existe en imagination, dans lidal. Cest une telle me qui a touch la

    perfection divine qui apporte la Terre un Dieu vivant qui, sans elle, resterait au Ciel.

    8 LACCOMPLISSEMENT DE LA VIE INTERIEURE

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    Dans laccomplissement de la vie intrieure, il y a cinq choses qui sont ncessaires. Lapremire chose qui est ncessaire est la matrise de lesprit et celle-ci sopre en dsapprenanttout ce que lon a appris. La connaissance intrieure ne sobtient pas en ajoutant laconnaissance que lon a dj acquise dans la vie, car elle ncessite une fondation solide. Onne peut pas construire une maison en pierre sur du sable. Par consquent, pour faire des

    fondations solides, on doit creuser dans le sable et btir les fondations sur la roche qui est endessous. Par consquent, il devient trs souvent difficile pour une personne intellectuelle quipendant toute sa vie a appris des choses et les a comprises par le pouvoir de lintellectdaccder la vie intrieure, car ces deux voies sont diffrentes. Lune va vers le nord etlautre va vers le sud. Lorsquune personne dit : Jai maintenant march autant de kilomtresvers le sud, atteindrai-je ds lors plus vite quelque chose qui existe au nord ?, elle doit savoirquelle ny parviendra pas plus vite, mais plus tard, parce quautant dheures quelle a marchvers le sud, elle devra marcher en sens inverse pour atteindre le nord.

    Par consquent, il doit tre compris que tout ce que lhomme apprend et tout ce dont il faitlexprience dans cette vie dans le monde, tout ce quil appelle rudition ou connaissance,

    nest utilis que dans le monde o il apprend et entretient le mme rapport avec lui que lacoquille duf avec le poussin, mais lorsquil emprunte le chemin de la vie intrieure, cetterudition et cette connaissance ne lui sont plus daucune utilit. Au plus il est capabledoublier cette connaissance, de la dsapprendre, au plus il est capable datteindre le but pourlequel il emprunte la voie spirituelle. Par consquent, il a t fort pnible pour ceux qui sontsavants et expriments dans la vie extrieure de penser quaprs leurs grands progrs dans laconnaissance du monde, ils doivent faire marche arrire. Souvent, ils ne peuvent pascomprendre. Beaucoup dentre eux pensent que cest trange et sont ainsi dus. Cest commeapprendre la langue dun pays, quand on veut se rendre dans un autre pays o cette languenest pas comprise, et o la langue de ce pays nest pas comprise par soi-mme. Tout commeil y a le ple nord et le ple sud, il y a la vie extrieure et la vie intrieure. La diffrence estencore plus grande, car le dcalage entre la vie intrieure et la vie extrieure est plus grandque la distance entre le ple nord et le ple sud. Celui qui se dirige vers le sud ne se rapproche

    pas du ple nord, mais au contraire, il sen loigne. Pour latteindre, il doit faire demi-tour. Cenest cependant pas difficile pour lme qui est un vrai voyageur sur la voie. Il suffit dutiliserlenthousiasme dans la direction oppose ; transformer lenthousiasme que lon a pourapprendre quelque chose du monde pour loublier et le dsapprendre afin dapprendre quelquechose de la vie intrieure.

    Maintenant la question est : comment dsapprend-on ? Apprendre, cest former un nud danslesprit. Tout ce que lon apprend par lexprience ou dune personne, on en fait un nud dans

    lesprit et il y a autant de nuds que de choses que lon a apprises. Dsapprendre, cestdfaire le nud, et il est aussi difficile de dsapprendre que de dfaire un nud. Combiendefforts cela rclame et combien de patience cela rclame quand on a fait un nud et quelon a serr des deux cts ! Ainsi, cela demande de la patience et des efforts pour dfaire lesnuds de lesprit. Et quest-ce qui aide au processus ? La lumire de la raison travaillant

    pleine puissance dfait les nuds mentaux. Un nud est une raison limite. Quand on ledfait, sa limitation est enleve, elle est libre. Quand lesprit devient lisse en dsapprenant eten dterrant toutes les impressions de bon et de mauvais, de bien et de mal, alors, le sol ducur devient comme un sol cultiv, comme la terre aprs avoir t laboure. Toutes lesvieilles souches, les vieilles racines, les cailloux et les pierres sont enlevs, et le sol estmaintenant prt pour semer la graine. Sil reste encore des pierres ou des vieilles racines,alors

    il est difficile de semer. Le sol nest pas dans ltat que le fermier dsire.

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    La chose suivante dans laccomplissement de la vie intrieure, cest de rechercher un guidespirituel, quelquun en qui on peut avoir une confiance absolue, quelquun vers qui on peutlever les yeux et avec qui on a des affinits qui culmineraient dans ce que lon appelle ladvotion. Et une fois que lon a trouv quelquun dans la vie que lon considre comme songuru, son murshid, son guide, alors il faut lui donner toute confiance et ne rien retenir. Sil y a

    quelque chose de retenu, alors ce qui est donn pourrait tout aussi bien tre retir, parce quetout doit tre fait fond : ou on a confiance, ou on na pas confiance ; ou on a la foi, ou on napas la foi. Sur cette voie de la perfection, toutes les choses doivent tre pleinementaccomplies.

    Maintenant il y a les mthodes particulires du guide qui dpendent de son temprament et deson discernement pour dcouvrir la manire indique avec la personne qui est guide. Il peutla conduire destination par la voie royale ou par des petites rues et des ruelles, par la mer ou

    par la ville, par la terre ou par leau, la manire qui lui semblera la meilleure selon certainescirconstances.

    La troisime chose ncessaire laccomplissement spirituel est de recevoir la connaissance.Celle-ci tant la connaissance du monde intrieur, elle ne peut tre compare laconnaissance que lon a apprise avant. Cest pourquoi, il est ncessaire de dsapprendre cettedernire. Dans cette voie, lhomme ne peut adapter ce quil reoit aux ides quil soutenaitavant : les deux choses sont incompatibles. Ainsi, celui qui est guid doit passer par troistapes pour recevoir la connaissance. La premire tape est la rception de la connaissanceo il ne fait que recevoir. Ltape suivante est la priode aprs celle-ci, et cette tape estlassimilation de ce qui a t appris. Il y pense, il y rflchit pour que cela puisse rester dansson esprit. Cest comme manger de la nourriture et puis lassimiler. La troisime tape est leraisonnement par soi-mme. Lhomme ne raisonne pas aussitt quil a reu la connaissance.Sil le faisait, il perdrait tout. Cest comme une personne qui apprendrait dabord a,b et c et

    puis qui voudrait connatre des mots qui ne commenceraient pas par ces lettres. Elle iraitbeaucoup plus vite quelle ne le devrait, car elle na pas encore appris les autres lettres. Il y aun temps qui doit ncessairement tre consacr recevoir, comme on se donne du temps pourmanger. Pendant quon mange, on ne court pas dans la rue pour assimiler la nourriture. Aprsquune personne ait fini de dner, elle peut tout faire pour aider digrer. Assimiler, cestclairement comprendre, ressentir et mmoriser la connaissance en soi-mme ; pas seulementcela, mais attendre que son bnfice et son illumination viennent comme rsultat delaccomplissement.

    Donc, la dernire tape dans lacquisition de la connaissance est le raisonnement : Pourquoi

    tait-ce ainsi ? Quel bnfice ai-je tir de cela ? Comment mettre cela en pratique dans la vie ?Comment cela peut-il mtre utile moi et aux autres ? Cest la troisime tape. Si ces troistapes sont confuses, alors tout le processus devient confus et on ne peut obtenir le gain pourlequel on emprunte la voie spirituelle.

    Le quatrime niveau daccomplissement de la vie intrieure est la mditation. Si lon adsappris tout ce que lon a appris, si lon a un matre et si lon a reu la connaissance de lavie intrieure, la mditation est encore une chose qui est tout fait ncessaire et qui en termessoufis sappelle ryazat. Dabord, la mditation se fait mcaniquement une heure que lon afixe comme heure de la dvotion ou de la concentration. Ltape suivante est de penser cette ide de mditation dautres moments de la journe. Et la troisime tape, cest la

    mditation continue tout au long de la journe et de la nuit. Alors, on atteint la vraiemditation. Si une personne ne pratique la mditation que pendant quinze minutes au soir et

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    puis quelle oublie tout pendant le reste de la journe, cest comme se rendre lglise ledimanche et puis tout oublier les autres jours de la semaine.

    Il va de soi que la formation intellectuelle a son utilit dans laccomplissement de la vieintrieure, mais la chose principale est la mditation. Cest lapprentissage rel. Ltude dune

    anne et la mditation dune journe sont gales. Par mditation, jentends le bon type demditation. Si une personne ferme les yeux et sassied ne rien faire, elle peut tout aussi bienaller dormir. La mditation nest pas seulement un exercice qui doit tre pratiqu. Dans lamditation, lme se charge dune nouvelle lumire et dune nouvelle vie, dinspiration et devigueur ; dans la mditation, toutes les bndictions sont prsentes. Certains se fatiguent de lamditation, mais cela ne signifie pas quils mditent. Ils se fatiguent avant dtre arrivs austade o lon exprimente vraiment leffet de la mditation. Cest comme ceux qui sefatiguent de jouer du violon. Ils sen fatiguent parce quils nont pas encore jou du violon.Sils en avaient jou, ils ne sen seraient pas lasss. La difficult est de jouer du violon et ladifficult est davoir de la patience avec son propre jeu.

    La patience est requise dans la mditation. La raison pour laquelle une personne se fatigue,cest quelle est habitue sactiver tout au long du jour. Ses nerfs ont tous tendance

    poursuivre cette activit, ce qui nest pas vraiment pour son bien, et pourtant, cela lui donnelenvie de continuer et quand elle sassied les yeux ferms, elle se sent mal laise, carlesprit qui a t actif tout le jour devient nerveux, tout comme un cheval aprs une longuecourse. Si vous voulez alors que le cheval demeure immobile, il est nerveux. Il ne peut pas setenir immobile, parce que chaque nerf a t actif et il devient quasiment impossible de garderce cheval immobile.

    Il en va de mme avec lhomme. Une fois, jtais avec un homme qui avait lhabitude demditer. Alors que nous tions assis prs du feu discuter de choses et dautres, il se perditdans le silence et je dus calmement attendre quil ouvre les yeux. Je lui demandai : Cestmerveilleux, nest-ce pas ?, et il dit : Ce nest jamais assez. Pour ceux qui exprimententla joie de la mditation, il ny a rien au monde qui ne soit plus intressant ou plus agrable. Ilsfont lexprience de la paix intrieure et de la joie qui ne peuvent sexpliquer par des mots ;ils touchent la perfection, ou lEsprit de lumire, de vie et damourtout est l.

    La cinquime ncessit sur la voie spirituelle est de vivre la vie quotidienne. Il ny a pas demoralit stricte quun guide spirituel exige dune personne, car ce travail a t donn auxreligions extrieures. Cest le ct exotrique du travail spirituel auquel la moralit extrieureappartient, mais lessence de la moralit est pratique par ceux qui empruntent la voie

    spirituelle. Leur premier principe moral est toujours dviter de blesser les sentiments dunautre. Le second principe moral est dviter de se laisser perturber par les influencesconstamment discordantes que chaque me doit rencontrer dans la vie. Le troisime principeest de garder lquilibre dans toutes les situations et conditions qui bouleversent cettetranquillit desprit. Le quatrime principe est daimer sans cesse tous ceux qui mritentlamour et daccorder le pardon ceux qui ne le mritent pas, et ceci, ils le pratiquenttoujours. Le cinquime principe est le dtachement au sein de la fou