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© CRDP de l’académie de Versailles – 2008

18 juin 1999. Prizren, YougoslavieUn enfant-soldat de l’Armée de libération du Kosovo (UCK) patrouilledans les rues de Prizren.AFP/Christophe SIMON

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On ne joue plus !Alain Faucher

L’image nous montre un enfant d’origine européenne. Son visage juvénile et l'aspect frêle de ses bras nous laissent supposer qu’il a entre dix et treize ans. Il est seul. Vêtu d’un jean, d’un tee-shirt, d’une doublure de veste sans manches, coiffé d’un béret militaire cu-rieusement à sa taille, portant une mitraillette : c’est en réalité un soldat qui se présente à nous. Est-il dans ce « costume » de son propre chef ? Ou bien est-il habillé et « utilisé », comme tant d’autres enfants de son pays, par une organisation militaire ?

Cette photographie, dans le format à la française ou « portrait », peut être divisée en trois parties verticales. Le personnage occupe la partie centrale. Coupé dans sa hauteur, à mi-cuisse, en plan américain, il semble prendre la pose du cow-boy. Tel celui d’un vieux rou-tier blasé, un vieil habitué de la guérilla, son bras gauche prend appui sur un fusil d'as-saut suspendu à son épaule. Sa position, de profil, semble suggérer qu'il avance au milieu des ruines, visibles au second plan, alors qu’il est interpellé, peut-être, par le reporter photographe. Son visage, coiffé d’un béret bien ajusté et accréditant l’identité militaire, nous fait face. Cependant, son regard semble se diriger au-delà de l’objectif. Son expres-sion, sa bouche résolument fermée et ses yeux tournés vers un lointain virtuel traduisent une tristesse désabusée. Peut-être pense-t-il à un « avant » ou un « ailleurs » correspon-dant mieux à son âge. Par ce recul fugace, il s’échappe momentanément de l’enfer de la réalité.

Le cadrage resserré autour de cet enfant soldat, la silhouette coupée à mi-cuisse, l’ab-sence de profondeur de champ, l’arrière-plan très proche, suggérant l'enfermement et un impossible avenir, procurent un sentiment de malaise. En fond, le mur en brique laisse planer un doute soit sur un avenir en construction, non terminé et stoppé net dans ses travaux, soit sur une démolition prématurée due au conflit présent.

Cette photographie nous confronte à une ambiguïté visuelle. D’un côté, un enfant, avec toutes les connotations associées : innocence, sensibilité exacerbée, absence de respon-sabilité, ignorance du monde, quête du pourquoi et du comment. De l’autre, un militaire, un milicien, plutôt, d'après son accoutrement, avec tout ce que cela représente en termes de responsabilité, de droit de vie ou de mort sur autrui, enfin de désabusement par rap-port au métier et même à la vie, sa vie.

Ce n’est plus un enfant en habit de Zorro ou de Rambo, avec son jouet en plastique commandé à Noël, qui nous est présenté. Cette fois-ci, « c’est pour de vrai », comme di-sent les enfants. Cette image, prise sur le vif, fixée en un instant choisi par le reporter, dénonce un fait effroyable  : l’enfance, représentant par définition le monde de l’inno-cence, est criminellement détournée, bafouée et utilisée dans ce «  jeu  » de guerre du monde adulte.

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