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Collection dirigée par Étienne Chantrel 20 dissertations avec analyses et commentaires sur le thème Le monde des passions Balzac La Cousine Bette Racine Andromaque Hume Dissertation sur les passions Sous la coordination de Matthieu Bennet et Natalia Leclerc Par Matthieu Bennet : professeur agrégé de Philosophie, ancien élève de l’ENS Lyon Géraldine Deries : professeur agrégé de Lettres modernes, ancienne élève d’HEC, docteur ès Lettres Sophie Fortin : professeur agrégé de Lettres modernes Fatma Hamoudi : professeur agrégé de Philosophie, ancienne élève de l’ENS Lyon, interrogateur en CPGE Natalia Leclerc : professeur agrégé de Lettres modernes, docteur ès Littérature comparée, interrogateur en CPGE Carine Luccioni-Sauvage : profes- seur agrégé de Lettres modernes, doc- teur ès Lettres Yannick Malgouzou : professeur agrégé en CPGE, docteur ès Lettres Lydie Niger : professeur agrégé de Lettres classiques, interrogateur en CPGE Marie Patout : professeur certifié de Lettres modernes Nicolas Patout : étudiant en Philoso- phie Vincent Perrot : élève de l’ENS Natacha Salliot : professeur agrégé en CPGE, docteur ès Lettres

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  • Collection dirige par tienne Chantrel

    20 dissertationsavec analyses et commentaires

    sur le thme

    Lemonde des passions

    Balzac La Cousine BetteRacine AndromaqueHume Dissertation sur les passions

    Sous la coordination deMatthieu Bennet et Natalia Leclerc

    Par

    Matthieu Bennet : professeur agrgde Philosophie, ancien lve de lENSLyon

    Graldine Deries : professeur agrgde Lettres modernes, ancienne lvedHEC, docteur s Lettres

    Sophie Fortin : professeur agrg deLettres modernes

    Fatma Hamoudi : professeur agrgde Philosophie, ancienne lve de lENSLyon, interrogateur en CPGE

    Natalia Leclerc : professeur agrg deLettresmodernes, docteur s Littraturecompare, interrogateur en CPGE

    Carine Luccioni-Sauvage : profes-seur agrg de Lettres modernes, doc-teur s Lettres

    YannickMalgouzou : professeuragrg en CPGE, docteur s Lettres

    Lydie Niger : professeur agrg deLettres classiques, interrogateur enCPGE

    Marie Patout : professeur certifi deLettres modernes

    Nicolas Patout : tudiant en Philoso-phie

    Vincent Perrot : lve de lENS

    Natacha Salliot : professeur agrg enCPGE, docteur s Lettres

  • 6Sommaire

    La mthode pour russir ses dissertations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12Pourquoi une preuve de franais ? (12) Quest-ce quune dissertation ? (12)

    Comment une copie est-elle value ? (15) Le thme et les uvres (17)

    Les rapports du jury (17) La dcouverte du sujet (18) Les mots du sujet

    (19) La convocation des uvres (20) Construire votre problmatique (20)

    Construire votre plan (21) Rdiger un plan dtaill (22) Lexpression (24)

    Lintroduction (25) Les parties (26) Les sous-parties (27) Les transitions

    (28) La conclusion (29)

    Le thme et ses principaux enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

    Prsentation des uvres et des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

    LE MOI ET SES PASSIONS

    Passages cls analyss et comments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

    Sujet 1Ma passion, cest moi et cest plus fort que moi. (Alain) 53

    Sujet 2 Ce que nous croyons notre amour, notre jalousie, nest pas une mmepassion continue, indivisible. Ils se composent dune infinit damourssuccessifs, de jalousies diffrentes, qui sont phmres mais par leurmultitude ininterrompue, donnent limpression de la continuit, lillu-sion de lunit. (Proust) 61

    Sujet 3 Toutes les grandes passions se forment dans la solitude ; on nen apoint de semblables dans le monde, o nul objet na le temps de faireune profonde impression, et o la multitude des gots nerve la forcedes sentiments. (Rousseau) 70

    Sujet 4 Les passions procdent du foyer mme de la volont et non du corps ;la passion trouve sa tentation et son organe dans linvolontaire, mais levertige procde de lme. En ce sens prcis les passions sont la volontmme. (Paul Ricur) 78

  • 8 SOMMAIRE

    PASSIONS ET RAISON

    Passages cls analyss et comments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

    Sujet 5 Notre raison nous rend quelques fois aussi malheureux que nos pas-sions, et on peut dire de lhomme, quand il est dans ce cas, que cest unmalade empoisonn par son mdecin. (Chamfort) 93

    Sujet 6 On dteste parfois son amour [...] Pourra-t-on comprendre de telstats si lon sobstine considrer la passion comme notre tendance laplus profonde ? Nous croyons au contraire que la prpondrance de latendance passionnelle est illusoire, et que nos passions ne sont que noserreurs. [...] Si donc on veut dcouvrir la source de lerreur passionnelle,il faut se demander dabord en quoi elle consiste : nous comprendronsalors quelle mane du refus du temps. Le passionn, en effet, sembletre celui qui prfre le prsent au futur, le pass au prsent.

    (Ferdinand Alqui) 101

    Sujet 7Peut-on comprendre une passion ? 109

    Sujet 8 Il ny a de passions que celles qui nous frappent dabord et nous sur-prennent ; les autres ne sont que des liaisons o nous portons volontai-rement notre cur. Les vritables inclinations nous larrachent malgrnous. (Mme de La Fayette) 117

    LUSAGE DES PASSIONS

    Passages cls analyss et comments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125

    Sujet 9La passion est-elle une excuse ? 131

    Sujet 10 Nos passions les plus dcries sont bonnes telles que Dieu nous les adonnes ; il ny a de vicieux que la civilisation ou industrie morcele quidirige toutes les passions contresens de leur marche naturelle.

    (Charles Fourier) 139

  • 10 SOMMAIRE

    Sujet 11 Supposons pour unmoment que les passions fassent plus demalheu-reux que dheureux, je dis quelles seraient encore dsirer, parce quecest la condition sans laquelle on ne peut avoir de grands plaisirs ; or,ce nest la peine de vivre que pour avoir des sensations et des senti-ments agrables ; et plus les sentiments agrables sont vifs, plus on estheureux. Il est donc dsirer dtre susceptible de passions, et je le r-pte encore : nen a pas qui veut. Cest nous les faire servir notrebonheur, et cela dpend souvent de nous. (milie du Chtelet) 147

    Sujet 12Nous voyons quelles [les passions] sont toutes bonnes de leur nature,et que nous navons rien viter que leurs mauvais usages ou leurs ex-cs [...]. (Descartes) 155

    PASSIONS, DESTRUCTION, CRATION

    Passages cls analyss et comments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163

    Sujet 13 Nous disons donc que rien ne sest fait sans tre soutenu par lintrtde ceux qui y ont collabor. Cet intrt, nous lappelons passion lorsquerefoulant tous les autres intrts ou buts, lindividualit tout entire seprojette sur un objectif avec toutes les fibres intrieures de son vouloiret concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins. En ce sens, nousdevons dire que rien de grand ne sest accompli dans le monde sanspassion. (Hegel) 169

    Sujet 14 Do viennent les luttes, et do viennent les querelles parmi vous ?Nest-ce pas de vos passions qui combattent dans vos membres ?

    (ptre de saint Jacques) 177

    Sujet 15 La passion est une terrible destructrice. Elle dtruit dans la tte dequi la loge tout ce qui nest pas son ide fixe. Elle fait une effroyableconsommation dimpulsions et de concepts dont elle nourrit son in-satiable cancer. Et quand, par fortune bonne ou mauvaise, elle vient disparatre (comble ou consume), elle laisse dans la maison de quila nourrie une vacance dvaste, et son hte priv de dsirs hormis lasoif de devenir esclave nouveau. (Vercors) 185

    Sujet 16 Les passions dtruisent plus de prjugs que la philosophie.

    (Diderot) 193

  • SOMMAIRE 11

    LE DISCOURS DES PASSIONS

    Passages cls analyss et comments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201

    Sujet 17 Joies, douleurs, amours, vengeances, nos sanglots, nos rires, les pas-sions, les crimes, tout est copi, tout ! (Jules Valls) 207

    Sujet 18 Les passions des hommes sont autant de chemins ouverts pour allerjusqu eux. (Vauvenargues) 214

    Sujet 19 La passion est sourde et muette de naissance. (Balzac) 222

    Sujet 20 Une affection qui est une passion cesse dtre une passion sitt quenous en formons une ide claire et distincte. (Spinoza) 230

    Citations retenir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

    Index des uvres et des noms propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 246Index des notions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 248

  • 12

    Lamthodepour russir ses dissertations

    La dissertation possde une rputation redoutable, qui nest pas sans fon-dement. Elle nest pas pour autant hors de votre porte ; cette mthode vousmontrera comment faire. Il nous faut cependant prciser demble un point :nous pouvons vous expliquer ce qui est attendu, vous montrer des exemplesrussis, vous mettre en garde contre les erreurs frquentes, mais pas disserter votre place. Votre apprentissage doit donc passer par la thorie (ce chapitre)mais aussi par la pratique ( votre bureau), en utilisant les corrigs de ce livrecomme guides.

    I But du jeu

    1 Pourquoi une preuve de franais ?

    Un bon ingnieur est polyvalent. Il doit comprendres les sciences, matri-ser des techniques, imaginer des solutions, exposer ses projets, souder unequipe... Les coles recherchent donc en priorit des candidats capables demontrer plusieurs facettes. votre niveau dtude, cela se traduit par despreuves de franais et de langue en plus des preuves scientifiques1 .

    Les preuves de franais aux concours sont conues pour valuer des capa-cits proches de celles exiges en science : rigueur, comprhension en profon-deur, crativit, qualit de la communication. La dissertation est un exercicebien adapt pour valuer ces comptences2 , nous vous montrerons pourquoi.

    2 Quest-ce quune dissertation ?

    Le franais peut, en droit, donner lieu des exercices trs divers : la rcita-tion dune pope3 , la mise en scne dune pice de thtre, la dicte, le com-mentaire de texte, lcriture de pomes... Les concours ont slectionn celuides exercices qui est le mieux adapt vos qualits : la dissertation. Elle est lamise en scne dun raisonnement, cest--dire dune forme de discours.

    1 Tout au long de ce chapitre, les notes de bas de page sont des passages extraits des rapportsdes jurys des principaux concours : Polytechnique, Mines-Ponts, Centrale-Suplec, CCP, E3A,Banque PT. 2 Les qualits qui assurent la russite dans cette preuve sont celles que lon attenddun futur ingnieur, discernement, approchemthodique, bon usage du doute et juste apprcia-tion des risques avant de prendre une dcision, mais aussi rapidit et fermet. 3 Avec larcitation dun cours, on est aux antipodes de la dissertation.

  • 30

    Le thmeet ses principaux enjeux

    1 Lemoi et ses passions

    Le monde des passions fait rfrence ces tats subits et subis qui nousportent des actions irrflchies et nuisibles nous-mmes ou notre en-tourage. Elles constituent un lment dautant plus important de notre viequelles semblent toujours prises dans des alternatives qui virent au paradoxe.Si lon ajoute cela lvolution des connotations de cette notion travers lhis-toire, on aboutit des visions toujours contrastes de ce que sont les passions,et de leur rapport notre identit personnelle. En effet, elles relvent de la pas-sivit, puisque je les subis, mais aussi de lactivit, puisquelles nous poussent agir. Elles me sont extrieures, puisquelles sont leffet dun objet passion-nant sur moi, et intimes, car elles occupent mon esprit au point deme dfinir.Enfin, elles hsitent entre lumire et obscurit, car elles crent une perspectivesur le monde, en agissant sur lui comme un filtre rvlateur, en mme tempsquelles maveuglent. Le moi se dfinit par ses passions autant quil sen dfie.

    Pour Hume, seules les passions existent et maniment : elles sont dailleursplus relles que le moi, qui nest quune fiction laquelle on les rapporte. Ellesfont demoi ce que je suis. Chez Racine, les personnages sont absorbs par leuramour ravageur, qui les dfinit et auquel ils sacrifient tout. Balzac, lui, dcritun monde de passions dont lgosme semble lunique point commun.

    Le premier problme que posent les passions est donc celui de leur rap-port lidentit personnelle. Nous nous sentons la fois dfinis et dpassspar nos passions. Alain formule cet apparent paradoxe de faon limpide : mapassion cest moi et cest plus fort que moi (sujet 1). Sil faut se dfinir parses passions, encore faut-il avoir une vision claire de ces passions. Or il estfrquent quon se mprenne sur la nature et lidentit de nos passions. Sou-vent lamour se transforme en haine, et lamour lui-mme a des modulations,au point quon peut se demander ce qui fait lunit dune passion (sujet 2).Puisquune passion se rapporte un objet souvent extrieur, lenvironnementsemble fondamental pour expliquer la gense des passions : sont-elles un ef-fet social ou au contraire purement individuel (sujet 3) ? Si ctait cette der-nire rponse qui devait prvaloir, ce serait sans doute parce que les passionssemblent provenir de mon corps, de ma constitution physiologique. Mais a-t-on raison de croire que les passions sont lies au corps, et sopposent mavolont et ma libert (sujet 4) ?

  • 34

    Prsentation des uvres et des auteurs

    I Balzac et La Cousine Bette

    1 Honor de Balzac (17991850)

    Un long dbut

    Honor est n le 20 mai 1799 Tours, fils dun paysan parvenu, BernardBalssa devenu Balzac, qui, entr dans ladministration royale, restera admi-nistrateur sous la Rvolution puis lEmpire, faisant carrire dans les subsis-tances. Honor a deux surs et un frre : Laure, trs proche, ne en 1800,Laurence, en 1802, dont le mariage excrable et la mort prmature le mar-queront, et Henry, en 1807, fils dun ami de la famille et prfr de sa mre,Laure Sallambier. Issue dune famille de drapiers parisiens, milieu qui a beau-coup influenc luvre de Balzac, marie dix-neuf ans Bernard qui en avaitcinquante et un, elle rpercute son ducation, trs dure, sur ses enfants.

    Balzac, un rveur qui prfre ses propres travaux aux devoirs, fut souventpuni lcole. 14 ans, il quitte le collge de Vendme pour Paris, son par-cours affect par les vnements politiques de la fin de lEmpire. partir de1816, il fait son droit et travaille comme clerc dans une tude. Mais il refusede devenir notaire : partir de 1819, il crit. Il produit un drame, Cromwell,que sa famille puis des proches de la Comdie-Franaise, consults, jugentmauvais. Or, en mme temps, il a rdig un roman, Stnie, et dcouvert WalterScott ; il se lance dans la production romanesque, en collaboration et sous despseudonymes. Il rencontre aussi Mme de Berny, premire dune srie de ma-tresses mres. En 1826, pour smanciper de son esclavage de plumitif, il de-vient diteur, sendette et doit abandonner ds 1828.

    Une ide capable de rassembler une uvremultiple et passionnelle

    Le Dernier Chouan ou La Bretagne en 1800 parat en 1829, anne o meurtson pre. Le livre, bien reu, procure Balzac une renomme mais pas dar-gent, le poussant publier dans les journaux et se dmultiplier. Il se cre ainsiunmodus operandi : la vente de projets ltat desquisses convaincantes dontson perfectionnisme et ses engagementsmultiples retardent voire rendent im-possible la production. La Peaude chagrin (1831) engendre lide dune collec-tion de Romans ou Contes philosophiques, alors que Balzac continue de pro-duire des contes, comme La Paix du mnage ou La Maison du chat qui pelote

  • 47

    Lemoi et ses passionsPassages cls analyss et comments

    Texte n 1

    Hermione jalouse

    Racine, Andromaque, acte V, scne 1.

    Ce monologue ouvre lacte V, celui o tout se rsout en cascade, une ca-tastrophe venant en renforcer une autre. Hermione attend des nouvelles dumariage de Pyrrhus, qui pouse Andromaque. Elle a commandit le meurtrede celui quelle aime et qui ne laime pas.

    Hermione, dvore par les passions

    Dans lensemble de la pice, Hermione est la reprsentante de la colre,celle qui, selon la thorie des humeurs, est dborde par la bile jaune.

    Hermione en dsordre

    Le dbut de la scne la montre envahie par des passions quelle peine r-frner. Laccumulation de questions (v. 13931396) lillustre. Celles-ci portenttoutes sur elle-mme, quelle soit sujet ( je ) ou objet (me ) de linterroga-tion. Elle nest plus capable de se rpondre elle-mme, puisque son je necomprend plus son moi : Ah ! ne puis-je savoir si jaime ou si je hais ? (v. 1396).

    Hermione en rage

    Ce dsordre engendre sa colre et mme sa rage. Les phrases exclamativessuccdent aux interrogations. Lindiffrence de Pyrrhus attise sa fureur et ellesemble autant souffrir de labsence damour de Pyrrhus que de son manquede compassion, mme feinte. Pyrrhus ne sait pas dguiser son indiffrence.Face au dsordre dHermione, les phrases qui voquent Pyrrhus sont, elles,construites sur un rythme rgulier, binaire (v. 1399, v. 1401).

    Hermione fantasme

    Un autre lment vient attiser sa jalousie : Hermione imagine ce que pensePyrrhus ( il pense , il croit , il juge , le perfide a bien dautres penses ).

  • 169

    Notions abordes : cration, destruction, grandeur, bassesse, utilit

    Sujet 13

    Nous disons donc que rien ne sest fait sans tre soutenu par lin-trt de ceux qui y ont collabor. Cet intrt, nous lappelons pas-sion lorsque refoulant tous les autres intrts ou buts, lindividua-lit tout entire se projette sur un objectif avec toutes les fibres in-trieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tousses besoins. En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne sestaccompli dans le monde sans passion.

    (Hegel, La Raison dans lhistoire)

    Vous analyserez et commenterez cette citation la lumire desuvres au programme.

    Corrig propos par Natacha Salliot

    I Analyse du sujet

    1 Analyse des termes du sujet

    Hegel dfinit la passion comme un intrt fondamental qui se dtache detous les autres intrts particuliers. Partant du constat que toute ralisationsuppose un investissement de lindividu ( lintrt ), ds lors quil est total etmobilise lensemble des forces physiques et psychiques du sujet pour les faireconverger vers un mme but, on peut lappeler passion. On pourrait penserque les grandes choses seraient accomplies par des personnes sacrifiant lint-rt particulier en vue dun objectif suprieur. Mais la citation de Hegel rhabi-lite la passion au dtriment de laction dsintresse puisque rien de valeur nepeut advenir sans intrt personnel et, surtout, sans passion. La grandeur dela ralisation accomplie aumoyen de linvestissement de lindividu est en effetproportionnelle la force de lintrt mobilis. La notion de passion rconci-lie toutes les facettes de lhomme (corps et esprit) et le met en mouvement,en soumettant la volont et la raison. Laction humaine apparat oriente parla ralisation dun grand dessein, opr aumoyen de passions individuelles fi-nissant par converger pour aboutir une cration ayant, cette fois, une valeuruniverselle.

    Hegel expose par consquent une conception positive de la passion car ellesoutient laction de lhomme ; elle permet la ralisation dobjectifs et de des-seins qui dpassent le sujet et transcendent les limites de laction individuelle.

  • 170 PARTIE IV PASSIONS, DESTRUCTION, CRATION

    En cela, la passion apparat comme cratrice et source de grandeur. Cepen-dant, la valeur morale des passions nimporte pas lauteur qui se focalise surleur seule vertu dynamique et cratrice. Ainsi, faut-il penser que le dsint-ressement empche les grandes ralisations ou que les grandes actions, quisemblent ralises de faon dsintresse, cachent au fond une passion aussigoste que les plus viles ?

    2 Confrontation auxuvres

    La tragdie de Racinenous confronte la grandeur des effets des passions.Oreste sombre dans la folie, Hermione se suicide, Pyrrhus est victime dunrgicide et le trne dpire change de dynastie en revenant au fils dAndro-maque. La puissance fatale de la passion amoureuse, suscitant laction dme-sure des personnages qui en sont les victimes, traduit bien la force entra-nante de la passion telle que lexpose Hegel, ainsi que le caractre extrme deses effets.

    Le roman de Balzac rejoint la pice de Racine, dans la mesure o les pas-sions des personnages principaux (la cousine Bette ou le baron Hulot) pro-duisent des effets redoutables. L encore, les passions sont dvastatrices. Leurgrandeur est vidente, mais celle-ci demeure ngative. La passion est gale-ment un puissant moteur de laction des personnages. Ainsi, le dveloppe-ment de lobsession sexuelle du baron Hulot va de pair avec la dchance dupersonnage. En outre, la puissance de la haine jalouse de la cousine Bette mo-tive son action tout au long du roman.

    Hume sintresse davantage lanalyse des passions qu la considrationde leurs effets dans le monde. Tout comme Hegel, il considre les passionsindpendamment de leur valeur morale. Il en donne une image positive dansla mesure o la passion est ncessaire : elle permet lhomme dapprhenderle rel (en cela, elle ne peut tre infode la raison), et elle motive lactionhumaine. Rien ne peut saccomplir sans passion. En effet, ce quon appellecouramment raison est en ralit, pour Hume, une passion gnrale etcalme 1.

    3 Problmatique

    Dans quelle mesure la passion est-elle le moteur de laction, et quelle peuttre la nature des ralisations quelle favorise ? Do pourraient procder lesgrandes choses, sinon de la passion ?

    1 p. 93

  • SUJET 13 171

    II Plan dtaill

    I La passion est lemoteur de laction humaine, ellemobilise toutes les fibresde ltre1. Labsence de passion est-elle possible ?2. La passion galvanise lindividu3. La passion est cratrice et inscrit laction de lhomme dans le rel

    La force dynamique ou cratrice de la passion peut cependant poser problme,

    dans la mesure o nos uvres montrent quil sagit, le plus souvent, de ralisa-

    tions destructrices. Loin damener lhomme la grandeur, la passion semble au

    contraire le rabaisser.

    II Mais la passion rabaisse lhomme ou le perd1. La passion fait dchoir lindividu2. La passion aline la volont du sujet3. La passion est soumise aux circonstances

    Malgr son caractre destructeur ou immoral, la passion contribue toutefois pro-

    duire des effets dmesurs, de sorte quon peut parler dune certaine grandeur des

    passions, indpendamment de tout jugement moral.

    III Les passions, quelle que soit leur nature, concourent produire de grandseffets, sans considration morale1. Les passions gostes peuvent converger en un mme grand dessein2. Les effets des passions sont puissants, indpendamment de leur gran-

    deur ou de leur bassesse3. Les passions sinscrivent dans la marche dumonde

    III Dissertation rdige

    POUR Pascal, lhomme est un tre divis et toujours contraire lui-mme2

    du fait de la guerre que se livrent en lui la raison et les passions. Au con-traire, pour Hegel, la passion nentre pas ncessairement en conflit avec lesautres instances de lme humaine, dans lamesure o elle permettrait lhom-me de se dpasser et daccomplir de grandes choses.

    En effet, selon Hegel : Nous disons donc que rien ne sest fait sans tresoutenu par lintrt de ceux qui y ont collabor. Cet intrt, nous lappe-lons passion lorsque refoulant tous les autres intrts ou buts, lindividualittout entire se projette sur un objectif avec toutes les fibres intrieures de sonvouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins. En ce sens,

    2 Penses, d. Brunschvicg, 412

  • 172 PARTIE IV PASSIONS, DESTRUCTION, CRATION

    nous devons dire que rien de grand ne sest accompli dans le monde sanspassion. Rien de valeur ne peut advenir sans intrt personnel et, surtout,sans passion. Celle-ci galvanise le potentiel de lindividu et lui permet de sen-gager totalement (corps et esprit) dans laccomplissement dun dessein sus-ceptible de transcender les limites individuelles. Hegel expose par consquentune conception positive de la passion, qui apparat comme cratrice et sourcede grandeur. Cependant, la valeur morale des passions nimporte-t-elle pas lauteur, qui se focaliserait sur leur seule vertu dynamique ? Dans quelle me-sure la passion est-elle le moteur de laction et quelle peut tre la nature desralisations quelle favorise ? Do pourraient procder les grandes choses, si-non de la passion ?

    Si la passion pousse lhomme agir et semble lui confrer des forces inat-tendues pour accomplir des actions tonnantes, elle nen demeure pas moinsune puissance dangereuse aux effets destructeurs, voire nfastes. De sorte quelon peut considrer que la passion est susceptible de produire de grands ef-fets, mais cela, indpendamment de toute considration morale.

    LA PASSION est au cur de laction de lhomme, rien ne peut advenir si lint-rt de lindividu nest mobilis, la valeur de lobjectif demeurant propor-tionnelle au degr dinvestissement du sujet. En cela, seule la passion permetdaccomplir de grandes choses.

    Grandeur et dsintressement paraissent pourtant lis, comme le suggrela figure dAdeline dans La Cousine Bette.Mre et pouse sublime, elle renonce ses dsirs et ne cesse de faire preuve dabngation. Bien que dlaisse et rui-ne par son mari, elle refuse de porter atteinte limage du baron Hulot etcherche toujours prserver lquilibre familial. De mme, Andromaque sedistingue des autres personnages parce quelle est capable de se sacrifier poursauver son fils. Cependant, comme le souligne Balzac, la vertu naccomplitpas de plus grandes choses que le vice, au contraire, puisque les sentimentsnobles pousss labsolu produisent des rsultats semblables ceux des plusgrands vices 3. Les plus grands accomplissements ne sont donc pas ncessai-rement produits par la mise distance de lintrt particulier. La passion, aucontraire, parat plus efficace parce quelle entrane toutes les facults de ltrevers un objectif.

    En effet, la passion est le moteur de laction, selon Hume, puisquelle meten marche une activit de lesprit ou du corps en vue de se procurer unbien ou de se dbarrasser dun mal 4. Elle nintervient que pour recher-cher le plaisir ou viter la douleur. De mme, Oreste recherchant Hermione,objet de sa passion, prsente son comportement comme entirement dirig

    3 p. 108 4 p. 64

  • SUJET 13 173

    par lamour qui le fait chercher ici une inhumaine 5. La passion mobilisetoutes les fibres de ltre et prend possession de toutes ses facults. Ainsi,galvanis par sa passion, le baron Hulot dfie les lois de la nature et semblerajeunir6 enmme temps quil sacrifie aisment tous ses devoirs. La raison naaucune influence sur la passion qui dirige totalement ltre.

    Enfin, la passion permet daccomplir de grands desseins et des actions d-mesures. Ainsi, Pyrrhus sengage combattre toute la Grce si Andromaqueaccepte son cur7, et Oreste sapprte dclencher une nouvelle guerre deTroie pour satisfaire Hermione8. Chez Balzac, la passion exerce galement uneforte influence sur le rel : la jalousie de Lisbeth lui permet de slever socia-lement et son amour de la domination lui confre assez de force pour dis-cipliner Steinbock et le rendre productif9. Aussi malfique quintelligente, elleillustre bien cette force calme et gnrale quon assimile dordinaire la rai-son, mais dont Hume fait une passion10 . Lexubrance de la haine, comme ladtermination acharnequi sappuie sur la ruse, sont des passions. La passion,sous toutes ses formes, possde par consquent une vertu cratrice.

    La force dynamique de la passion peut cependant poser problme, dansla mesure o nos uvres montrent quil sagit, le plus souvent, de ralisa-tions destructrices. Loin damener lhomme la grandeur, la passion sembleau contraire le rabaisser.

    LINDIVIDU soumis la passion apparat draisonnable, goste, indiffrentau bien commun et soumis aux alas des circonstances qui influencent lecours de ses affections.

    La passion rvle ainsi la bassesse morale de lindividu : la force de la cou-sine Bette prend sa source dans la sauvagerie de son temprament et dans laconstance de sa haine, laquelle transforme la chvre affame en lionne 11.La cruaut des passions est galement mise en valeur chez Racine la faveurde rimes signifiantes ( inhumaine / haine 12, prisse / supplice 13).De plus, la violence et la fureur, voire le remords, qui composent la naturerelle de la passion amoureuse, enfantent des monstres, tel Oreste aux yeuxdHermione14, ou Hermione et les rinyes lors de la folie dOreste15. Les in-tentions relles de Pyrrhus sont galement monstrueusement gostes : il seprsente en roi magnanime dsireux dpargner le fils de son ennemi vaincu,alors quen ralit, le salut dAstyanax fait lobjet dun vil chantage16. Andro-maque souligne dailleurs lopposition totale entre une action rellement h-roque et ce comportement dict par les transports amoureux 17. Il semble

    5 I, 1, v. 26 6 p. 326 7 I, 4, v. 325332 8 IV, 3, v. 11581162 9 p. 100 10 p. 93 11 p. 19912 I, 1, v. 109110 13 I, 4, v. 273274 14 V, 3, v. 1564 15 V, 5, v. 16351638 16 I, 2 17 v. 299300

  • 174 PARTIE IV PASSIONS, DESTRUCTION, CRATION

    donc que ce soient des raisons mesquines ou mauvaises qui prsident auxgrandes actions.

    En effet, lindividu apparat alin par sa passion, comme dans la trag-die de Racine, o il nest plus matre de ses actions. La passion amoureuse estune puissance fatale, qui crase les personnages au mme titre que le destin.Acte I scne 118, Oreste sexclame ainsi : Je me livre en aveugle au destin quimentrane. La passion rvle par consquent la faiblesse de celui qui la subit,comme dans le cas de Monts, facilement manipul par la femme quil aime,laquelle repre dans la physionomie du Brsilien les indices de cette faiblessequi livre ces hommes si forts la fascination de la femme 19. Par ailleurs,si Hume ne condamne pas la puissance exerce par les passions, il soulignecependant que lhomme peut, bien souvent, tre le jouet des passions, agircontre son intrt et loccasion, succomber la sollicitation dune affectionou dun dsir violents 20. La matrise des passions apparat par consquentimpossible.

    Laction humaine se trouve par consquent entrave, ce qui est accen-tu par le fait que la passion elle-mme reste soumise aux influences ext-rieures. Chez Hume, les passions sont diverses, voluent, et sinfluencent lesunes les autres ; limage de linstrument cordes21 suggre lide dune rso-nance, notre entourage jouant de nos passions. De sorte que plutt que din-fluer sur le monde, il semble que ce soit le monde qui influe sur elles. Les ph-nomnes extrieurs et intrieurs peuvent en effet rendre une passion calmeou violente , aviver ou au contraire affaiblir une motion22. Les circonstancesmettent dailleurs un terme aux agissements de la cousine Bette puisque, mal-gr la force de la passion haineuse qui la maintenait en vie, la maladie, maisaussi le retour du pre prodigue et le rglement de ses dettes, prcipitent la finde Lisbeth qui dj bienmalheureuse du bonheur qui luisait sur la famille, neput soutenir cet vnement heureux 23. Par consquent, grandeur et passionsemblent sopposer.

    Malgr son caractre destructeur ou immoral, la passion contribue toute-fois produire des effets dmesurs, de sorte quon peut parler dune certainegrandeur des passions, indpendamment de tout jugement moral.

    LES GRANDES passions produisent bien de grands effets, mais de faon par-faitement amorale, en faisant converger les intrts personnels, en ac-complissant des actions inoues, mais aussi en rvlant le cours des choses.

    Mues par la force de leur intrt personnel, Lisbeth et Valrie associentleur passion en un seul dessein destructeur o Bette est la main et Valrie la

    18 v. 98 19 p. 474 20 p. 94 21 p. 65 22 p. 94 23 p. 506

  • SUJET 13 175

    hache24. Les passions gostes sont donc susceptibles dencourager les indi-vidus agir de concert. Chez Hume, les passions sont sociales et ont besoinde la prsence dautrui pour se dvelopper. Ainsi en est-il de lorgueil : Rienne flatte davantage notre vanit que le talent de plaire par notre esprit, notrebonne humeur ou quelque autre perfection 25. Cette communaut cre parles passions contribue dfinir la personnalit du sujet qui a besoin de se re-flter dans le regard dautrui ( travers son approbation ou sa dsapprobation)pour tre capable de svaluer avec plus de justesse26 .

    Mais si les passions permettent de raliser de grands desseins, il ne fautdonner cette grandeur aucune connotation morale. Les effets des passionssont puissants mme sils peuvent tre destructeurs et ce, que les passionssoient vertueuses ou vicieuses. Comme le rappelle Jospha au baron Hulot,on peut trouver de la grandeur dans le crime, dans un brlage gnral 27.Mais lenthousiasme suscit par la grandeur du brlagena dquivalent quela force de leffet, quasi esthtique, produit par Adeline sur Jospha. Cette der-nire est vivement touche par la contemplation de la plus grande image dela Vertu sur terre 28. Demme, Oreste songe sattirer la haine des dieux pouraller au bout de sa passion, le Bien et le Mal nayant plus de sens face la forcede la passion29 .

    La dynamique des passions, qui entrane le sujet comme hors de lui-mmeet le pousse accomplir des actions tonnantes, sinscrit en dfinitive au seinde lamarche dumonde et semble sharmoniser avec un ordre suprieur. En ef-fet, le conflit des passions rvle les antagonismes politiques des socits danslesquelles les intrts individuels sinscrivent. Ainsi, les braises de la guerrede Troie sont-elles encore fumantes et laction destructrice de la passion dela cousine Bette renvoie-t-elle aux prils qui, daprs Balzac, guettent la so-cit de la monarchie de juillet (pouvoir des femmes, faillite de la famille etdes figures incarnant lautorit, danger reprsent par les classes populaires).Plus largement, pour Hume, les diverses passions suivent une sorte demca-nisme rgulier susceptible dune investigation aussi prcise que celle des loisdumouvement, de loptique30 . La question de laccomplissement dun granddessein via la passion na donc que peu dintrt pour Hume, mais il nen de-meure pas moins que les passions individuelles sinscrivent de faon pluttharmonieuse dans un contexte social qui les entretient et quelles rendent pos-sible. La raison, passion gnrale et calme [...] embrasse son objet dun pointde vue loign ((p. 93) ; elle est indiffrente au Bien ou au Mal, mais permetdtablir des rgles gnrales, de crer un ordre et dintroduire une constance.

    24 p. 205 25 p. 74 26 p. 80 27 p. 394 28 p. 421 29 III, 1, v. 777778 30 p. 99

  • 176 PARTIE IV PASSIONS, DESTRUCTION, CRATION

    LA PASSION, comme le souligne Hegel, possde une force motrice et donne lhomme la capacit daccomplir des actions surhumaines, mais aussiinhumaines en cela, la passion possde une dimension destructrice. Cettedernire ne suffit pas, cependant, effacer la puissance des effets obtenus auxmoyens des passions qui chappent, de ce point de vue, toute rgulationmorale.

    La passion permet par consquent lhomme de dpasser les limites ha-bituelles de son action et lui confre une porte plus large. Celle-ci prend alorsune dimension collective et sinscrit dans lordre du monde, voire contribue la marche du monde. On ne peut alors manquer de songer Balzac qui, danslavant-propos de la Comdie humaine, nonce : La passion est toute lhu-manit. Sans elle, la religion, lhistoire, le roman, lart seraient inutiles.

    IV viter le hors-sujet

    Ces grandes et clatantes actions qui blouissent les yeux sont reprsen-tes par les politiques comme les effets des grands desseins, au lieu que ce sontdordinaire les effets de lhumeur et des passions. Ainsi la guerre dAuguste etdAntoine, quon rapporte lambition quils avaient de se rendre matres dumonde, ntait peut-tre quun effet de jalousie

    (La Rochefoucauld, Rflexions ou Sentences et maximes morales, 7).

    La citation prsente des ressemblances avec notre sujet, dans lamesure ola passion est lorigine des actions : elle dfinit les mobiles et confre auxindividus suffisamment dnergie et de volont pour atteindre leur but. Ce-pendant, contrairement ce que fait Hegel, une hirarchie est ici introduite :la jalousie parat infrieure lambition et les intrts particuliers, triviaux,prennent le dessus sur les grands desseins. La notion de passion ne devra doncpas tre traite de faon gnrale, mais il conviendra de procder une com-paraison, voire une valuation de diffrentes passions. Enfin, le propos deLa Rochefoucauld sloigne considrablement de la pense de Hegel puisquela grandeur des actions nest quillusoire, ds lors quelles sont motives parles passions. Les deux sujets proposent des trajectoires inverses : Hegel attirenotre attention sur la grandeur qui peut natre des passions, La Rochefoucauldnous rappelle la bassesse qui serait lorigine des actions que lon admirepourtant.

  • 238

    Citations choisies

    Les citations qui ne sont pas tires des trois uvres au programme sontutiles pour votre culture gnrale et votre comprhension du thme. Vous avezle droit de les utiliser comme point de dpart de votre introduction ou commelargissement de la rflexion dans la conclusion, mais vous ne devez pas lesciter dans votre dveloppement.

    1 Lemoi et ses passions

    Andromaque

    Oreste Pylade : Que sais-je ? De moi-mme tais-je alors le matre ? / Lafureur memportait [...] (III, 1, v. 725726)

    Andromaque Cphise : Quoi donc ? as-tu pens quAndromaque infidle /Pt trahir un poux qui croit revivre en elle [...] ? (IV, 1, 10771080)

    Hermione : O suis-je ? Quai-je fait ? Que dois-je faire encore ? / Quel trans-portme saisit ? Quel chagrinmedvore ? /Errante et sans dessein je cours dansce palais. / Ah ! ne puis-je savoir si jaime ou si je hais ? (V, 1, v. 13931396)

    Dissertation sur les passions

    La VOLONT intervient chaque fois que lon peut se procurer la prsencedun bien ou se dbarrasser dunmal par une action quelconque de lesprit oudu corps. (p. 64)

    Or si nous considrons lesprit humain, nous observons que, pour ce qui estdes passions [...] il ressemble plutt un instrument cordes qui, chaqueattaque, en conserve les vibrations encore quelque temps, pendant que le sondcline par degrs insensibles. (p. 65)

    Les hommes sont fiers de la beaut de leur pays, de leur comt, voire de leurparoisse. Dans ce cas, lide de beaut produit videmment un plaisir. Ce plai-sir est reli lorgueil. Lobjet ou la cause de ce plaisir est, par hypothse, reliau moi, objet de lorgueil. (p. 76)

    La Cousine Bette

    Les passions vraies ont leur instinct. Mettez un gourmand mmedeprendreun fruit dans un plat, il ne se trompera pas et saisira, mme sans voir, le meil-leur. [...] La nature est infaillible. (p. 124125)

  • 245

    Lexique

    Alination : devenir autre que soi, ne plus tre soi-mme. Le terme apris diff-rentes nuances : lalin est un fou. Lalination en philosophie, depuis Marx,dsigne le fait de perdre son identit et sa libert.

    Dialectique : rapport dynamique quentretiennent des ralits contraires. Parexemple, le rapport dialectique de la destruction et de la cration rside dansle fait quil faut souvent dtruire pour crer. On ne peut donc pas opposer pu-rement et simplement cration et destruction.

    tiologie : tude des causes en gnral, des causes dune maladie en parti-culier

    Machiavlique : qui utilise nimporte quel moyen, honnte ou non, nimportequelle ruse, pour parvenir ses fins. Nicolas Machiavel (14691527) a tudiles ruses et mcanismes du pouvoir politique.

    Mtaphysique : rflexion qui a pour but de comprendre les principes premiersde la connaissance, de lunivers. Le terme a pris chez certains une connotationpjorative, dsignant une pense trop abstraite et qui tourne vide.

    Mimtique : relatif limitation (mimesis en grec). Le dsirmimtique, commele dfinit Ren Girard, est un dsir qui nat de limitation du dsir dautrui.

    Transcendance : ce qui dpasse un niveau donn, la normalit, et qui se pr-sente ainsi comme suprieur et diffrent. Peut dsigner un dieu, un principesuprieur comme le destin.

  • 246

    Index desuvres et des noms propres

    Alain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53, 85 la Recherche du temps perdu . . .61Alqui, Ferdinand . . . . . . . . . . . . . . 101Andromaque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38Anthropologie dun point de vue

    pragmatique . . . . . . . . . . . . . . . . .124Aristote . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56, 162Aux jeunes gens. Comment tirer pro-

    fit de la littrature grecque . . . 146Avant-propos de La Comdie hu-

    maine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

    Balzac . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34, 222Basile de Csare . . . . . . . . . . . . . . .146Baudelaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 192

    Calypso . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73Chamfort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93, 146Chateaubriand . . . . . . . . . . . . . . . . . 191

    Descartes . . . . . . . . . . . . . . 85, 143, 155Diderot . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 193Discours sur le bonheur . . . . . 77, 147Discours sur lorigine et les fon-

    dements de lingalit parmi leshommes . . . . . . . . . . . . . . . . . .77, 142

    Dissertation sur les passions . . . . . 42Donne, John . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217du Chtelet, milie . . . . . . . . . 77, 147

    mile ou De lducation . . . . . . . . 141nide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75Entretiens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104Entretiens sur Le Fils naturel .193pictte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104ptre de saint Jacques . . . . . . . . . . 177Essai sur les maladies de la tte . 188thique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230Euripide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212vangile selon Luc . . . . . . . . . . . . . .232

    Fanny . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133Faust . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165Fourier, Charles . . . . . . . . . . . . . . . . 139Freud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

    Galate . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .165Girard, Ren . . . . . . . . . . 126, 144, 210Gorgias . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221Gray, James . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

    Hegel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169Hume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

    Jakobson, Roman . . . . . . . . . . . . . . 217Julie ou La Nouvelle Hlose . 70, 108

    Kant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124, 188

    Laclos, Choderlos de . . . . . . . . . . . 212La Comdie humaine . . . . . . . 35, 176La Cousine Bette . . . . . . . . . . . . . . . . .34La Fayette, Mme de . . . . . . . . . . . . . 117La Muse du dpartement . . . . . . . 222La Philosophie dans le boudoir . 154La Raison dans lhistoire . . . . . . . .169La Rochefoucauld . 68, 124, 176, 221Le Dsir dternit . . . . . . . . . . . . . . 101Le Gnie du christianisme . . . . . . 191Le Robert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Le Roman de Tristan et Iseut . . . .179Le Silence de la mer et autres

    rcits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .185Les Liaisons dangereuses . . . . 50, 212Les Passions de lme . . . . . . . . . . . 155Les Victimes du livre . . . . . . . . . . . . 207

    Madeleine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .73Marie-Madeleine . . . . . . . . . . . . . . 128Maximes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221Maximes et Penses . . . . . . . . . 93, 146Memnon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

  • INDEX DES UVRES ET DES NOMS PROPRES 247

    Mphistophls . . . . . . . . . . . . . . . . 165Mertueil, Madame de . . . . . . . . . . . 50Mtamorphoses . . . . . . . . . . . . . . . . 182

    Nouveau Testament . . . . . . . . . . . . 177

    dipe roi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96Ovide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 182

    Pagnol, Marcel . . . . . . . . . . . . . . . . . 133Pascal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60, 171Penses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60, 171Phdre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .101, 120Philosophie de la volont . . . . . . . . 78Platon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .221Potique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56Propos sur le bonheur . . . . . . . . 53, 85Proust . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61Pygmalion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165

    Racine . . . . . . . . . . . . . . . . . 38, 101, 120Rflexions et Maximes . . . . . . . . . . 214Rflexions ou Sentences et maximes

    morales . . . . . . . . . . . . . .68, 124, 176

    Ricur, Paul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .78Rousseau . . . . . . 70, 77, 108, 141, 142

    Sade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 154Saint Jacques . . . . . . . . . . . . . . . . . . .177Snque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212Sophocle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96Spinoza . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230

    Thorie de lunit universelle . . . 139Thomas dAngleterre . . . . . . . . . . . 179Trait de la nature humaine . . . . . 43Two Lovers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

    Ulysse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

    Valls, Jules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207Vauvenargues . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214Vercors . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .185Virgile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75, 212Voltaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .55

    Zade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

  • 248

    Index des notions

    Action . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 4, 12me . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 4Autrui . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 17Bassesse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 13Bien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 10, 12Bonheur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 11Civilisation . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 10Clart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 20Cur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 8Communication . . . . . . .sujets 17, 18Comportement . . . . . . . . . . . . sujet 20Comprhension . . . . . . . . . . . . .sujet 7Concept . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 20Connaissance . . . . . . . . . . . . . . . sujet 6Conscience . . . . . . . . . . .sujets 1, 2, 20Consommation . . . . . . . . . . . . sujet 15Consomption . . . . . . . . . . . . . . sujet 15Corps . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujets 4, 5, 7Corruption . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 10Cration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 13Culpabilit . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 1Dchirement . . . . . . . . . . . . . . sujet 14Dfinition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 8Dsir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 15Destruction . . . . . . . . . . . sujets 13, 15Dialogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 19Discernement . . . . . . . . . . . . . . .sujet 9Dure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 6Environnement . . . . . . . . . . . . . sujet 3Erreur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 6Excs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 12Excuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 9Fragmentation . . . . . . . . . . . . . . sujet 2Gense des passions . . . . . . . . sujet 3Gots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 3Grandeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 13Guerre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 14Identit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 1

    Illusion . . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 6, 16Imagination . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 2Inn / acquis . . . . . . . . . . . . . . .sujet 17Langage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 19Libert . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujets 4, 8Logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 7Lutte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 14Matrise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 8Mal . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 10, 12, 14Maladie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 19Malheur . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 5, 14Manipulation . . . . . . . . . . . . . . sujet 18Mdecine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 5Mensonge . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 16Mimtisme . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 17Moi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 2, 17Morale . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 11, 18Nature . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 10Origine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 6Passion . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 10, 15Persuasion . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 18Philosophie . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 16Plaisir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 11Pratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 7Prjug . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 16Puissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 1Raison . . . . . . sujets 1, 5, 7, 11, 16, 19Responsabilit . . . . . . . . . . . sujets 4, 9Risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 12Socit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 10Solitude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 3Temps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 2, 6Thorie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 7Unit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .sujet 2Utilit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 13Valeur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 11Vrit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . sujet 16Volont . . . . . . . . . . . . . . . . sujets 1, 4, 8