214-DroitS_piritualite_Propre-27-03-12

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    Le droit fondamental au rite propre et la spiritualit propre (c. 214)

    Les droits et les devoirs fondamentaux des fidles et des lacs ont t tudis par leprofesseur Javier Hervada comme reprsentant quatre groupe de situations juridiques : cellesqui dcoulent de la conditio communionispropre la vie dans lglise catholique, dont le

    paradigme est le principe fondamental du canon 209 (c. 12 CCEO) et qui ont trait surtout

    aux sacrements et la Parole de Dieu ; celles qui sont contenues dans la conditio libertatis,cest--dire lensemble de situations juridiques caractrises par des sphres dactivit libredu fidle ; celles qui dcoulent de la conditio activa, qui prsentent une dimension socialeaccuse, non seulement tant du fait de leur rpercussion que parce quelles peuvent aussi tredes manifestations de la fonction sociale du fidle ; celles enfin qui naissent de la conditio

    subiectionis, provenant de la dimension institutionnelle du Peuple de Dieu 1.Nous allons tudier ici le droit fondamental du canon 214. Cette norme a pour

    premire source un passage de la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium: Obissant fidlement la tradition, le saint Concile dclare que la sainte Mre l'gliseconsidre comme gaux en droit et en dignit tous les rites lgitimement reconnus, et qu'elleveut, l'avenir, les conserver et les favoriser de toutes manires; et il souhaite que, l o il en

    est besoin, on les rvise entirement avec prudence dans l'esprit d'une saine tradition et qu'onleur rende une saine vitalit en accord avec les circonstances et les ncessits d'aujourd'hui (n 4). Sy ajoutent plusieurs passages du dcret sur les glises orientales, Orientalium

    Ecclesiarum : Il existe entre elles une admirable communion, telle que la varit dansl'glise ne nuit pas son unit mais plutt la manifeste. En effet, c'est la volont de l'glisecatholique de sauvegarder dans leur intgrit les traditions de chacune des glises particulireou rites, et elle veut pareillement adapter sa manire de vivre aux ncessits diverses destemps et des lieux (n 2). Ces glises catholiques orientales sont gales en dignit etaucune d'entre elles ne l'emporte sur les autres en raison du rite, elles jouissent des mmesdroits et sont tenues aux mmes obligations (n 3)2. Enfin le concile dclare doncsolennellement que les glises de l'Orient aussi bien que de l'Occident ont le droit et le devoir

    de se rgir selon leurs propres disciplines particulires, puisque, en effet, elles serecommandent par leur antiquit vnrable, elles sont plus adaptes aux habitudes de leursfidles et plus aptes procurer, semble-t-il, le bien des mes (n 5). Nous pourrions rappeleren mme temps que le droit la libert religieuse a t dfini par la constitution pastoraleGaudium et spes(n 26 2) et par la dclarationDignitatis human(n 2).

    Ces sources ont davantage trait au rite propre qu la spiritualit propre. Cependant, lecode, reprenant la lettre le texte du canon 14 du Schema postremum de la Lex Ecclesi

    Fundamentalis3, numre deux droit distincts, bien que connexes, dans le canon 214 duCodex Iuris Canoniciet dans son quivalent, le canon 17 du Codex Canonum EcclesiarumOrientalium. De fait, le droit au rite propre relve de la sphre de la conditio communionistandis que le droit une forme de spiritualit propre appartient la sphre de la conditiolibertatis des fidles. Il et sans doute t prfrable de les prsenter en deux canons, ou dumoins en deux paragraphes, diffrents. Mais, vrai dire, ils relvent tous deux du principe devarit mis en vidence par le professeur Hervada4. Quoi quil en soit, leur diversit requiertquils soient traits sparment, puisquils ont trait des matires distinctes et entrelesquelles il existe une certaine autonomie. Il suffit de remarquer cet gard quelappartenance un mme rite est parfaitement compatible avec le fait de suivre diverses

    1J. Hervada,Elementos de Derecho Constitucional Cannico, Pampelune, Eunsa, 1987, p. 119, 126, 140, 144.2Cf. P. Valdrini, Lqualis dignitasdes glises dOrient et dOccident, Universit Saint-Esprit de Kaslik,

    Acta Sympossi Internationalis circa Codicem Canonum Ecclesiarum Orientalium, Kaslik, 24-29 aprilis 1995,publis sous la dir. dAntoine Al-Ahmar, Antoine Khalif et D. Le Tourneau, Kaslik, 1996, p. 51-68.3Cf. D. Cenalmor,La Ley fundamental de la Iglesia. Historia y anlisis de un proyecto legislativo, Pampelune,Eunsa, 1991, p. 475.4 Cf. J. Hervada, Elementos de Derecho Constitucional Cannico, op. cit., p. 125, 129; cf. D. Le Tourneau,

    Droits et devoirs fondamentaux des fidles et des lacs dans lglise, Montral, Wilson & Lafleur, coll.Gratianus, nos69 et 74, p. 113 et 119-121.

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    formes de spiritualit et que, linverse, le fait de suivre une mme forme de vie spirituelleest compatible avec lappartenance divers rites et disciplines 5. Lappartenance un rite,cest--dire ici une des vingt-deux glises catholiques de droit propre, est compatible avecle fait de suivre diverses formes de spiritualit. De mme, le fait de suivre une mme forme despiritualit est compatible avec lappartenance divers rites6.Ces prmisses tant poses, lanorme examen est la suivante : Les fidles ont le droit de rendre le culte Dieu selon lesdispositions de leur rite propre approuv par les Pasteurs lgitimes de lglise, et de suivre

    leur forme propre de vie spirituelle qui soit toutefois conforme la doctrine de lglise (c.214)7.Tout christifidelisest sujet des droits du canon 214, indpendamment de sa conditionjuridique dans lglise. Il peut les exercer seul ou regroup avec dautres, quelle que soit lanature de cette communaut de fidles8. Le droit la spiritualit propre est encore plus vifchez les migrants qui peuvent tre habitus des expriences de vie chrtienne distinctes decelles de la communaut de leur nouveau lieu de vie9.Nous tudierons, dans une premire

    partie, le droit fondamental des fidles suivre leur rite propre (I), avant daborder, dans uneseconde partie, le droit fondamental des fidles suivre leur spiritualit propre (II). Il fautajouter, bien que cela semble aller de soi, quaux droits fondamentaux des fidlescorrespondent des devoirs non moins fondamentaux et de la hirarchie et des autres fidles.

    I - Le droit fondamental suivre son propre rite

    Ltude de ce droit fondamental sera mene en deux temps: dune part, nous nous arrterons la nature et la porte du concept de rite (A) et, dautre part, nous soulignerons la place etlimportance des charismes (B).

    A) La nature et la porte du concept de rite

    En vertu du baptme, toute personne appartient une glise de droit propre (c. 111CIC ; c. 29 1 CCEO). Tout chrtien en pleine communion avec lglise peut rendre le culte

    5 D. Cenalmor, sub c. 214, Comentario Exegtico al Cdigo de Derecho Cannico (cit ComEx), ouvragecoordonn et dirig par A. Marzoa, J. Miras et R. Rodrguez-Ocaa, Pampelune, Eunsa, 1983, vol. II, p. 99-100.Cf. E. Molano, El derecho de los laicos a seguir la propia forma de vida espiritual ,Ius Canonicum26 (1986),

    p. 519.6Cf. E. Molano,Ibid., p. 517.7 Le c. 17 CCEO lui est semblable : Les fidles chrtiens ont le droit de clbrer le culte divin selon les

    prescriptions de leur glise de droit propre et de suivre leur forme propre de vie spirituelle qui soit toutefoisconforme la doctrine de lglise. 8Cf. E. Molano, El derecho de los laicos a seguir, loc. cit., p. 521-522.9Cf. Conseil pontifical de la pastorale des migrants et des personnes en dplacement, Instr. Erga migrantes, 3mai 2004, La Documentation Catholique 101 (2004), p. 656-692 ; E. Baura, Movimientos migratorios yderechos de los fieles en la Iglesia , dans J. Otaduy, E. Tejero et A. Viana (dir.), Migraciones, Iglesia y Derecho.

    Actas del V Simposio del Istituto Martn de Azpilcueta sobre Movimientos migratorios y accin de la Iglesia.Aspectos sociales, religiosos y cannicos, Pampelune, Navarra Grfica Ediciones, 2003, p. 67 ; Jos MaraSanchis, La pastorale dovuta ai migranti ed agli itineranti (aspetti giuridici fondamentali) , Fidelium Iura 3(1993), p. 451-494 ; M. A. Ortiz, La Especial solicitud por algunos grupos de fieles. El n. 18 del decretoChristus Dominus y la pastoral de la movilidad humana , Territorialit e personalit. Il diritto canonico di

    fronte al terzo millennio. Atti dellXI Congresso Internazionale di Diritto Canonico e del XV CongressoInternazionale della Societ per il Diritto delle Chiese Orientali, Budapest, 2-7 Settembre 2001, a cura di P. Erd-P. Szab, 2001, Budapest, Szent Istvn Trsulat, 2002, p. 137-155 ; A. D. Busso, La organizacin eclesisticade los inmigrantes latinos y orientales en Amrica latina , Ibid., p. 357-391 ; E. J. Ibaez Carrin, Elementosde una posible prelatura personal para la atencin pastoral de los emigrantes , Cuadernos Doctorales, n 21(2005-2006), p. 247-300 ; A. T. Opalalic, A Proposed Ecclesiastical Structure to Respond to the Pastoral Needsof Filipino Overseas Workers , Philippines Canonical Forum 9 (2007), p. 244-250 ; F. Prez Madrid, Reflexiones acerca de la nueva Instruccin, Erga migrantes caritatis Christi, Consociatio internationalisstudio Iuris canonici promovendo, Systme juridique canonique et rapports entre les ordonnancements

    juridiques. Actes du XIIeCongrs international de droit canonique, sous la dir. du doyen lie Raad, Beyrouth,Universit de la Sagesse, 2008, p. 649-663 ; J. B. Achacoso, Shepherding an Itinerant Flock , PhilippinesCanonical Forum 12 (2010), p. 29-68 ; Migrations chrtiennes et glises daccueil, dossier, LAnneCanonique52 (2010), p. 9-149.

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    Dieu dans toute glise de droit propre en communion avec le Sige apostolique. Le prceptedominical est accompli en participant la messe clbre selon le rite catholique (c. 1248 1). Le baptme peut tre reu dans nimporte quelle glise de droit propre (c. 111, 112 2CIC ; c. 29 1 CCEO) ; de mme lEucharistie (c. 923), ou encore le sacrement de larconciliation (c. 991). Pour administrer la confirmation, il faut lautorisation au moins

    prsume du pasteur propre (c. 886 1) ainsi que pour le sacrement des malades (c. 1003 2 ; c. 739 2 CCEO). Pour confrer le presbytrat dans un autre rite, il faut un indult du Sige

    apostolique (c. 1015 2, 1021 CIC ; c. 748 2, 752 CCEO) et, dans le cas de la clbrationdu mariage, une des parties au moins doit tre du rite du ministre et ce, pour la validit (c.1110 CIC ; c. 829 2 CCEO). Les crmonies doivent tre ralises en suivant les livresliturgiques approuvs par lautorit comptentede lglise de droit propre considre(c. 846 1 CIC ; c. 674 1 CCEO). Si le ministre ne sen tient pas cette disposition, il refuse auxmembres de lassemble un droit fondamental10.

    Nous devons prciser deux sens du mot rite, selon quil porte sur la faon de rendre leculte d Dieu ou quil a trait aux familles liturgiques.

    a) Un premier sens de rite

    Les glises de droit propre sont gales en dignit et aucune dentre elles nelemporte sur les autres en raison du rite, elles jouissent des mmes droits et sont tenues auxmmes obligations, mme en ce qui concerne le devoir de prcher lvangile au monde entiersous la conduite du pontife romain 11. Le rite contribue aussi dfinir lidentit ecclsiale dufidle, qui a le droit de maintenir la communion avec lglise par lintermdiaire de songlise de droit propre.

    Le droit au rite propre est en relation troite avec la vie spirituelle et liturgique. Le ritenest pas uniquement un lment qui caractrise une glise particulire dtermine, mais aussiun lment qui sert dfinir lidentit ecclsiale de chaque fidle, qui a le droit de garder lacommunion avec lglise travers sa propre glise rituelle12ainsi que le devoir de le faire.Cest le droit de rendre Dieu un culte conforme aux dispositions lgales, qui sont tablies

    dans dautres parties de la lgislation canonique13. Ce droit comporte aussi lobligation deconserver son rite propre partout et de le pratiquer dans la mesure du possible : Tous lescatholiques et chacun d'eux, ainsi que les baptiss de quelque glise ou communaut noncatholique que ce soit qui viennent la plnitude de la communion catholique garderont

    partout leur propre rite, le suivront et l'observeront dans la mesure du possible.14 Lon a puaffirmer que lgalit dans le domaine sacramentel interrituel ne dcoule pas seulement delgalit entre les glises sui iuris considre de faon abstraite, mais de la dignit de la

    personne 15. Par consquent, suivre son propre rite signifie rester fidle aux traditionspropres, cest--dire la liturgie propre, la discipline ecclsiastique propre et au patrimoinespirituel propre 16. Il sensuit que les fidles ont le droit, en application du canon 213 et deson quivalent le canon 16 oriental, recevoir les sacrements selon la liturgie de leur gliserituelle propre17. Pour cela, tous les clercs et ceux qui entrent dans les ordres sacrs seront

    10J. H. Provost, subc. 214 , J. A. Coriden, T. J. Green et D. E. Heintschel (dir.), The Code of Canon Law. AText and Commentary, commandit par la Canon Law Society of America (CLSA), New York/Mahwah, N.J.,Paulist Press, 1985, p. 148.11Concile Vatican II, dcr. Orientalium Ecclesiarum, n 3.12D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, vol. II/1, p. 100.13Cf. c. 846 2, 923, 991, 1015 2, 1021 et 1109 CIC 83; c. 674 2 (pas dquivalent pour les c. 923 et 991),748 2, 752 et 829 1 CCEO.14Sauf perte de la condition prvue au canon 112 CIC 83 (c. 32-34 CCEO). Cf. Concile Vatican II, Orientalium

    Ecclesiarum, n 4.15P. Erd, Questioni interrituali (interecclesiali) del diritto dei sacramenti (battesimo e cresima) , Periodica84 (1995), p. 325.16M. Brogi, Il diritto allosservanza del propiro rito (CIC can. 214),Antonianum68 (1993), p. 108.17Cf. D. Le Tourneau, Droits et devoirs fondamentaux, op. cit., nos113-127, p. 161-181 ; Le droit aux biensspirituels (c. 213) , Homenaje al profesor Rafael Navarro Valls, paratre ; G. Kuminetz, La forma de lacelebracin del matrimonio desde la comparacin entre ordenamientos ,Ius Canonicum45 (2005), p. 107.

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    bien instruits des rites et, singulirement, des rgles pratiques dans les matires interrituelles,et les lacs, eux aussi, recevront au catchisme un enseignement sur les rites et leursnormes 18. En outre, ceux que leur fonction ou ministre apostolique met en relationsfrquentes avec les glises orientales ou avec les fidles de ces dernires doivent tre instruitsavec soin dans la connaissance et le respect des rites, de la discipline, de l'enseignement, del'histoire et du gnie des Orientaux, selon l'importance de l'office auquel ils s'emploient 19.

    Le rite propre na pas quun caractre personnel, car il peut tre attribu aussi aux

    personnes morales, telles que les glises particulires 20

    . Son exercice suppose labsence detoute coercition. Il rclame galement que les fidles puissent accomplir les actes de culte enpleine conformit avec leurs traditions ecclsiales et selon les modalits pratiques de leurcommunaut. Pour ce faire, la mise en place de certaines structures pastorales appropriessavre ncessaire, comme le droit le prvoit dailleurs, du moins dans certains cas.

    b) Un second sens de rite Par le terme rite , le canon 214 semble admettre aussi le sens de famille liturgique,

    cest--dire les cinq grandes traditions orientales21 et leurs variantes, dont la disciplinecommune est recueillie dans le Code des canons des glises orientales, les diffrentestraditions liturgiques dOccident22, et les variantes existant au sein de la liturgie romaine23.

    Le canon parle de rite propre approuv par les Pasteurs lgitimes de lglise. Cetteclause sinscrit dans le contexte plus global de la communion des glises de droit propre avecle Sige apostolique, communion qui est donne pour acquise 24. Certains auteurs ont critiqucette formulation, au chef quelle laisserait entendre que le droit au rite propre nexisteraitqu partir de lapprobation quen donnerait lautorit lgitime25, ce qui impliquerait, par voiede consquence, que le droit driverait de la dcision hirarchique et non du baptme. Ceserait videmment tout fait tranger la conception des droits et des devoirs fondamentauxdes fidles et des lacs telle quelle ressort de lenseignement conciliaire et quelle a tformalise dans les codes latin et oriental.

    Cette clause sapplique ensuite en particulier ladaptation des rites existants, surtoutdans les pays de mission26, ainsi qula cration de nouveaux rites pouvant tre considrs

    comme des rites propres du fidle ou ladaptation de rites existants aux besoins decommunauts concrtes de fidles, par exemple, par retour la pleine communion, le momentvenu, des vieux catholiques ou des anglicans27. Bien videmment, ces rites nouveaux ne

    18Concile Vatican II, dcr. Orientalium Ecclesiarum, n 4. Cf. D. Salachas, Receiving Other Christians in theChurch (cc. 896-901) , A Guide to the Eastern Code. A Commentary on the Code of Canons of the EasternChurches, edited by G. Nedungatt, S. J., Rome, Pontificio Istituto Orientale, 2002, p. 597-606.19Concile Vatican II, dcr. Orientalium Ecclesiarum, n 6.20E. Corecco, Il catalogo dei doveri-diritti del fedele nel CIC , Ius et Communio. Scritti di Diritto Canonicoacura di G. Borgonovo e A. Cattaneo, Facult de thologie de Lugano, Casale Monferrato, Edizione Piemme,1997, vol. I, p. 507.21Alexandrine ou copte, antiochienne ou syrienne orientale, armnienne, chaldenne ou syrienne orientale,constantinopolitaine ou byzantine : cf. D. Le Tourneau, glises catholiques orientales. Bref aperu historique ,

    Acta Symposii Internationalis circa Codicem Canonum Ecclesiarum Orientalium, op. cit., p. 597-607 ; Lesglises orientales catholiques , Les mot du christianisme. Catholicisme Orthodoxie - Protestantisme, Paris,Fayard, 2005, p. 239-247.22Les liturgies romaine, ambrosienne, gallicane, hispano-wisigothique.23 En particulier Lyon et Braga, ainsi que certains ordres religieux. Cf. D. Le Tourneau, La dimension

    juridique du sacr, Montral, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2012.24Le canon oriental correspondant, canon 17, na pas repris cette prcision, mais elle se retrouve au canon 27CCEO.25 Cf. P.-J. Viladrich, La declaracin de derechos y deberes de los fieles , Redaccin Ius Canonicum, El

    proyecto de Ley Fundamental de la Iglesia, Pampelune, 1971, p. 144.26Cf. Concile Vatican II, const. Sacrosanctum Concilium, n 38.27Cf. V. F. Parlato, Il diritto alla manifestazione del propio pensiero su cio che riguarda il bene della Chiesa ,dans V. F. Parlato,I diritti dei fedeli nellordinamento canonico, Turin, G. Giappichelli Editore, 1998, p. 57-59.Pour les anglicans, cf. Const. ap. Anglicanorum ctus, 3 novembre 2009. Cf. J. I. Arrieta, Gli Ordinariati

    personali ,Ius Ecclesiae22 (2010), p. 151-172 ; E. Baura, Las circunscripciones eclesisticas personales. Elcaso de los oridinariatos personales para fieles provenientes del anglicanismo , Ius Canonicum50 (2010), p.165-200 ; E. Baura, Personal Ecclesiastical Circumsciptions. The Personal Ordinariates for Faithful from the

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    seraient pas lgitimes sils ne respectaient pas le devoir de communion. Sil appartient lahirarchie de les approuver, le Code ne prcise pas si cette approbation doit tre explicite. Parconsquent, appliquant la norme du canon 18, favorabilia amplianda, odiosa restringenda,ilfaut affirmer que lapprobation peut parfaitement ntre quimplicite, que tacite, surtout audbut. Deux hypothses peuvent se prsenter : dune part, lapprobation du rite dunecommunaut de fidles ne et forme en dehors de lunit avec Rome et qui veut entrer dansla pleine communion de lglise catholique; dautre part, lapprobation du rite dune nouvelle

    communaut ecclsiale. Le respect du droit des fidles crer de nouveaux rites exprimeindniablement louverture du lgislateur ecclsial.28Lessence du droit des fidles suivre un rite propre consiste maintenir la

    communion avec lglise universelle au travers de lglise du rite propre. Ce droitcomprend : 1) le droit sinscrire lglise particulire du rite propre; 2) la possibilit dedemeurer librement dans ce rite, en observant les exceptions prudemment prvues par la loi ;3) le devoir de la hirarchie de garantir une assistance pastorale suffisante aux fidles du rite

    propre 29.Outre labsence de coercition, le droit au rite propre demande que les fidles puissent

    raliser leurs actes de culte conformment aux modalits spcifiques de leur culture et deleurs traditions ecclsiales. Ce droit de rendre le culte d Dieu selon le rite de chacun est un

    droit subjectif qui peut tre vcu aussi bien individuellement que collectivement, etanalogiquement par les glises particulires et dautres personnes morales. La fidlit au

    patrimoine de chaque glise de droit propre se rpercute au-del des intrts de chaque fidle,car elle permet de conserver et de transmettre aux gnrations venir une partie de larichesse de lglise universelle 30. Le droit-devoir du migrant dans lglise est le droit-devoir de parvenir Dieu, et donc de se sauver, sans renier sa propre identit de fidle, tantindividuelle que communautaire, ni y renoncer 31.

    Cela entrane son tour lobligation pour lautorit ecclsiastique de crer unehirarchie et des structures de chaque rite quand un nombre suffisant de fidles de ce rite ason domicile dans son domaine de juridiction et que le bien des fidles le demande 32. Cest cela que rpond, entre autres, lrection dordinariats pour les fidles de rite oriental ayant

    leur domicile dans une glise latine et tant dpourvus de hirarchie propre, ainsi que lesparoisses rituelles33. Il nen reste pas moins que les vques latins sont appels partager le

    Anglican Communion ,Philippines Canonical Forum12 (2010), p. 101-130 ; E. Caparros, The Manifestationof the Will of the Faithful in the Context of Anglicanorum ctibusand Other Ecclesiastical Circumscriptions ,dansLibro homenaje a Rafael Navarro Valls, paratre.28J. Krukowski, Il diritto dei fedeli ad un proprio rito , Ius Ecclesiarum vehiculum caritatis. Atti del simposiointernazionale per il decennale dellentrata in vigore del Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, Citt delVaticano, 19-23 novembre 2001, Cit du Vatican, Librairie ditrice Vaticane, 2004, p. 811.29J. Krukowski, Il diritto dei fedeli ad un proprio rito , loc. cit., p. 809.30M. Brogi, Il diritto allosservanza del proprio rito (CIC can. 214), loc. cit., p. 114.31P. A. Bonnet, Communione ecclesiale, migranti e diritti fondamentali , Migrazioni e diritto ecclesiale. La

    pastorale della mobilit umana nel nuovo Codice di diritto canonico, Padoue, Edizioni Messaggero, 1992, p. 47-48.32Cf. concile Vatican II, dcr. Orientalium Ecclesiarum, n 4 ; dcr. Christus Dominus, nos23.3/b et 27/a ; c. 518CIC 83 ; c. 280 1 CCEO.33Cf. Cf.Nuove terre e nuove Chiese. Le comunit di fedeli orientali in disapora, a cura di Luis Okulik, Istitutodi diritto canonico San Pio X, Studi 7, Venise, Marcianum Press, 2008 ; Incontro fra canoni dOriente edOccidente, a cura di Raffaele Coppola, Bari, Cacucci Editore, 3 vol., 1994 ; J. Passicos, LOrdinariat descatholiques de rite oriental rsidant en France , LAnne Canonique40 (1998), p. 151-163 ; D. Le Tourneau, Le soin pastoral des catholiques orientaux en dehors de leur glise propre. Le cas de l'ordinariat franais , Ius

    Ecclesiae13 (2001), p. 391-419 ; M. Brogi, Il nuovo Codice orientali e le Chiese latine , Antonianum 66(1991), p. 50ss ; L. Lorusso, o.p., Gli orientali cattolici e i pastori latini. Problematiche e norme canoniche,Rome, Pontificio Istituto Orientale, 2003 ; A. Viana, Estructuras personales y colegiales de gobierno. Conreferencia especial al problema de la movilidad humana y de la dispora de los catlicos orientales , FoliaCanonica 7 (2004), p. 7-48 ; M. Delgado Galindo, La cura pastorale del Vescovo verso i migranti nellaEsortazione apostolica post-sinodale Pastores gregis, Consociatio internationalis studio Iuris canonici

    promovendo, Systme juridique canonique et rapports entre les ordonnancements juridiques. Actes du XIIeCongrs international de droit canonique, sous la dir. du doyen lie Raad, Beyrouth, Universit de la Sagesse,2008, p. 613-627 ; L. Okulik, La cura pastorale del fedeli ascritti ad unaltra Chiesa sui iuris ,Ibid., p. 629-

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    souci du Saint-Sige que les catholiques de rite oriental puissent pratiquer partout dans lemonde leur propre rite en leur assurant un concours pastoral appropri.

    Diverses solutions sont prvues par le droit pour assurer un soin pastoral appropriaux fidles qui ont migr dans un pays ou une rgion dans laquelle ils nont pas de hirarchiede leur rite propre. Cest dabord le cas de la paroisse personnelle envisage par le canon 518 (c. 280 1 CCEO) pour des raisons de rite, de langue, de nationalit des fidles, et encore

    pour tout autre motif34. Quand le groupe de fidles manque de stabilit, leur soin pastoral

    pourra tre assur par la constitution dune mission avec charge dmes, qui, rige surle territoire dune ou de plusieurs paroisses, peut tre annexe une paroisse territoriale, enparticulier quand celle-ci est dirige par des membres de la mme congrgation religieuse quiprennent soin de lassistance spirituelle des migrants35. Dans certains cas, envisags avecprudence par le canon 372 2, il pourra tre procd lrection dglises particuliresdistinctes par le rite des fidles . Ou bien un vicaire piscopal 36 sera constitu au sens ducanon 476, ou, plus modestement, un chapelain muni de toutes les facults requises (c.566 1) Plus frquemment, lapplication des canons 294-297 du CIC relatifs aux prlatures

    personnelles pourrait trouver un champ dapplication dans ce domaine, car, vu lautonomiedont elles jouissent, elles sont certainement en mesure dagir trs efficacement pour un soin

    pastoral appropri des fidles migrants 37.

    Il a t propos que les communauts orientales se trouvant en dehors du territoire deleur glise dappartenance se structurent partir de la constitution dune association defidles, selon le canon 18 du CCEO (c. 215 CIC). Il devrait sagir dune association publiquede fidles, rige par lautorit ecclsiastique orientale comptente ou, plus srement, par leSige apostolique, dans la mesure o elle serait de domaine international38.

    Cependant les migrants ont besoin dtre davantage protgs et reconnus dans leuridentit spcifique. Cest pourquoi, afin dassurer une meilleure protection canonique desfidles migrants, divers nouveaux droits-devoirs non codifis pourraient leur tre reconnus 39.Dabord le droit-devoir tre accueilis par lglise particulire dans laquelle ils viennentvivre, ce qui suppose quils disposent de moyens et dinstruments canoniquement garantis ycompris face la hirarchie. Ensuite le droit-devoir une insertion et une participation

    ecclsiale dpourvue de discrimination. Le droit-devoir enfin faire lobjet dunsoin pastoralspcifique et donc adapt aux particularits de leur condition ecclsiale.

    Lon a galement suggr que les fidles des glises orientales non catholiques qui seconvertissent au catholicisme et demandent tre inscrits dans lglise catholique, devraient conserver leur propre rite dorigine dans lglise orientale catholique

    642 ; D. Salachas, Lo status giuridico-pastorale degli orientali cattolici en emigrazione ,Anuario Argentino deDerecho Cannico16 (2009-2010), p. 161-183 ; M. Brogi, Oblighi dei Vescovi Lattini verso i fedeli di unaChiesa orientale cattolica inseriti nella loro diocesi , Ius Ecclesiae 22 (2010), p. 325-342 ; P. Gefaell, L'attenzione agli orientali cattolici nei documento delle Conferenze episcopali , ibid., p. 367-382. Les

    principes territorial et personnel sappliquent dans le cadre de lorganisation ecclsiastique dj existante. Parconsquent, ces principes ne peuvent pas agir sur le plan constitutionnel, plan sur lequel agissent le principedgalit (communio fidelium) et le principe hirarchique (communio hierarchica) qui ne peuvent en aucunefaon leur tre subordonns (A. Marzoa, Derechos fundamentales del fiel y ejercicio territorial y personal dela jurisdiccin. ,Fidelium Iura11 (2001), p. 107-108).34Possibilit dj envisage par la const. ap. Exsul familiasur le soin pastoral des migrants, 1eraot 1952, n 4,

    A.A.S.44 (1952), p. 694 ; Congr. des vques, instr. de pastorali migratorum cura, 22 aot 1969, n 33 1.35Congr. des vques, instr. de pastorali migratorum cura, 22 aot 1969, n 33 3.36Cf. J. Abbass, O.F.M. Conv., Latin Bishops Duty of Care towards Eastern Catholics , Studia Canonica35(2001), p. 7-32.37P. A. Bonnet, Communione ecclesiale, migranti e diritti fondamentali , Migrazioni e diritto ecclesiale,op.cit., p. 44.38Cf. L. Lorusso, o.p., Gli Orientali cattolici e i pastori latini,op. cit.; L. Okulik, Tutela giuridica dellidentitecclesiale dei fedeli orientali in situazione di diaspora , Istituto di diritto canonico San Pio X, Nuove terre enuove Chiese,op. cit., p. 235-239.39Cf. P. A. Bonnet, Communione ecclesiale, migranti e diritti fondamentali , loc. cit., p. 49-51.

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    correspondante , et que ceux qui proviennent des communauts ecclsiales de la Rforme devraient appartenir lglise latine40, ce qui serait conforme au canon 35 CCEO41.

    Le Code oriental prsente une ecclsiologie plus mre, qui lamne parler dEcclesiasui iuris et non, comme ici, de diffrences entre les glises particulires en raison de leurrite42. Le rite a t frquemment identifi lglise de rite propre, y compris par desdocuments conciliaires43. La rflexion sest poursuivie aprs le Concile et est parvenue distinguer le rite, en tant que patrimoine liturgique, thologique, spirituel et disciplinaire

    (c. 28 1), et lglise de droit propre laquelle ce patrimoine appartient44

    . Si le canon 17CCEO correspond en substance au prsent canon 214, il est complt par des normes,absentes du CIC 83, sur la sauvegarde, la promotion et le respect du rite propre (c. 39 et 40),ainsi que le devoir des fidles de connatre les spcificits du rite dune autre glise de droit

    propre avec laquelle ils sont frquemment en relation. Ce devoir oblige tous les christifideles,mme latins, appels remplir un office, un ministre ou une charge pour le bien de fidlesdune autre glise de droit propre doivent se former avec soin afin de connatre et davoir enestime le rite de cette glise (c. 41). Ces dispositions montrent bien que la protection du droit observer son propre rite ne se limite pas aux fidles qui vivent dans leur pays dorigine,mais stend aussi ceux de la diaspora, qui vivent dans dautres rgions, quils soientrunis en groupes ou parpills sur de vastes territoires 45.

    Le CCEO dfinit donc le rite comme tant le patrimoine liturgique, thologique,spirituel et disciplinaire qui se distingue par la culture et les circonstances historiques des

    peuples et qui sexprime par la manire propre chaque glise de droit propre de vivre safoi (c. 28 1). Les diffrents rites sont un patrimoine de lglise du Christ tout entire,dans lequel resplendit la tradition qui vient des aptres par les Pres et qui affirme dans lavarit la divine unit de la foi catholique . Maintenir et observer son rite signifie demeurerfidle ses traditions telles quelles sont dfinies par le canon 28 1 sus mentionn. Encorrlation avec ceci se trouve le canon 10, spcifique au code oriental, sur le droit des fidlesdadhrer la foi conserve et transmise grand prix par les anctres, de la professer

    publiquement, de lapprofondir davantage et de la faire fructifier dans les uvres de charit46.Le canon 214 sapplique tous les fidles, bien quil semble clair quil entend

    protger tout spcialement les fidles des glises orientales catholiques, qui sont trsminoritaires au sein de lglise catholique. Cest ce caractre de minorit qui a conduit lesPres de Vatican II, puis le Lgislateur suprme, affirmer, et partant protger, leur droit leur propre personnalit 47.

    La norme du canon 214, en ce qui concerne le rite propre, comporte deux lments48.Dune part cultum persolvere, cest--dire rendre un culte Dieu. Cet aspect ne saurait selimiter au seul culte public ralis par les personnes dputes cet effet. Il comprend aussi leculte rendu de faon prive avec ses diffrentes manifestations, telles que ladoration du saint-sacrement, le chemin de croix, la rcitation du chapelet, etc., dont lautorit sassurera quellessont pleinement conformes aux rgles de lglise (c. 839)49. Le second lment est lamention du proprius ritus, expression qui ne fait pas uniquement rfrence la liturgie ou

    40 P. Gefaell, Impegno della Congregazione per le Chiese oriental a favore delle comunit orientali indiaspora , Istituto di diritto canonico San Pio X,Nuove terre e nuove Chiese,op. cit., p. 139.41Et au dcret Orientalium Ecclesiarum, n 4, qui sen inspire directement.42Cf.La condicin jurdica, p. 143.43On verra concile Vatican II, dcr. Orientalium Ecclesiarum, n 2 : glises particulires ou rites .44Cf. I. uzek, s.j., Las Ecclesi sui iuris en la revisin del derecho cannico, dans R. Latourelle (dir.),Vaticano II : balance y perspectivas. Veinticinco aos despus (1962-1987), Salamanque, Ed. Sgueme, 1990,

    p. 651-661.45M. Brogi, Il diritto allosservanza del proprio rito (CIC can. 214), loc. cit., p. 115.46Cf. D. Le Tourneau, La peculiar obligacin fundamental de los fieles del can. 10 del CCEO , Escritos enhonor a Javier Hervada,Ius Canonicum, volumen especial, 1999, p. 303-312.47M. Brogi,Ibid., p. 112.48Cf. M. Brogi,Ibid., p. 113.49Cf. Congr. pour le culte divin et la discipline des sacrements, Directoire sur la pit populaire et la liturgie,dcembre 2001.

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    dautres formes de religiosit publique, comme le culte des icnes, mais renvoie galement lensemble du patrimoine de chaque communaut.

    En mme temps, dans la lgislation en vigueur, la notion de rite fait rfrence lappartenance une glise de droit propre, tant latine quorientale. Les enfants qui nont pasatteint lge de quatorze ans accomplis et dont les parents appartiennent lglise latine sontinscrits celle-ci par la rception du baptme. Si lun de leurs parents appartient une autreglise de droit propre mais consent avec son conjoint ce que leurs enfants soient baptiss

    dans lglise latine, ces enfants appartiennent de plein droit cette glise. En cas dedsaccord entre les parents, les enfants sont inscrits lglise de droit propre de leur pre (c.111 1 CIC). En droit oriental, lenfant est inscrit par le baptme lglise de droit propre laquelle est inscrit son pre catholique . Mais si seule sa mre est catholique ou si les deux

    parents le demandent dun commun accord, il est inscrit lglise de droit propre laquelleappartient la mre , sans prjudice du droit particulier tabli par le Sige apostolique (c. 29 1). Dans ce cas, le droit propre du pre apparat comme le critre gnral suivre,contrairement la situation cre par le droit latin, le commun accord intervenant titresubsidiaire50.

    Une fois franchi le cap des quatorze ans, le fidle qui demande le baptme peut choisirlibrement de le recevoir dans lglise latine ou dans une autre glise de droit propre, en vertu

    de quoi il appartient cette glise de son choix (c. 111 2). Ici encore, la lgislation orientale(c. 30) apporte une nuance, due au fait que le droit particulier tabli par le Sige apostolique

    peut en dcider autrement. Le CCEO ajoute encore que les catchumnes sont libres desinscrire nimporte quelle glise de droit propre selon le canon 30 . Mais, en mme temps,aucune pression ni suggestion ne devra tre exerce pour les inciter sinscrire une glisequi ne soit pas la plus conforme leur culture (c. 588). Il est impratif, en tout tat decause, de respecter leurs charismes spcifiques.

    B) La place et limportance des charismes dans lglise

    Lglise nat et se maintient en tant quunit structure grce lonction de lEsprit

    par laquelle le Pre et le Fils sanctifient lglise. Cette action trinitaire se produit dans lessacrements conscratoires, les canaux institus par le Christ pour que la force de lEsprit fassesurgir les christifideleset les ministres sacrs, tous deux sacerdotaux et lments structurantsde lglise. Cest ce que nous pourrions qualifier de dimension sacramentelle de lastructure de lglise.

    Mais le don du Saint-Esprit et son action structurante nen restent pas l. Le Christ,tte de lglise, gouverne, enseigne et sanctifie son Peuple, ds son origine, par un nouveaumode de don de lEsprit que lcriture appelle charismes 51. La prsence des charismes ausein de lglise appartient sa structure originaire et en constitue la dimension charismatique . Le mme Esprit-Saint non seulement sanctifie le Peuple de Dieu, leconduit et l'orne de vertus au moyen des sacrements et des ministres mais, "en distribuant chacun ses dons comme il lui plat" (1 Co 12, 11), il dispense galement, parmi les fidles detout ordre, des grces spciales qui les habilitent assumer des activits et des services divers,utiles au renouvellement et l'expansion de l'glise, suivant ces paroles : " chacun lamanifestation de l'Esprit est donne en vue du bien commun" (1 Co 12, 7). Ces charismes,qu'ils soient extraordinaires ou plus simples et plus rpandus, sont ordonns et adapts d'abordaux besoins de l'glise : ils doivent donc tre accueillis avec gratitude et joie spirituelle.Cependant, il ne faut pas demander imprudemment les dons extraordinaires, pas plus qu'il nefaut en attendre prsomptueusement les fruits des travaux apostoliques. C'est l'autorit

    50A. de Fuenmayor,subc. 111, Code de droit canonique bilingue et annot, sous la dir. dE. Caparros et H. Aubavec la collaboration de J. I. Arrieta et D. Le Tourneau, 3e d. rvise, corrige et mise jour enrichie deconcordances avec le Code des canons des glises orientales, 2etirage rvis, 2009, p. 111.51 Cf. C. Fantappi, Carisma e instituzione nella Chiesa : la discussione canonistica in ambito cattolicodallOttocento ad oggi, quitas sive Deus. Studi in onore di Rinaldo Bertolino, Turin, G. Giappichelli Editore,2011, vol. I, p. 228-238.

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    ecclsiastique qu'il appartient de juger de l'authenticit et de la mise en uvre de ces dons ; etc'est aussi elle qu'il appartient spcialement de ne pas teindre l'Esprit, mais de toutexaminer et de retenir ce qui est bon (cf. 1 Th 5, 12 et 19-21).52

    Le dcretApostolicam actuositatemsexprime en des termes semblables: tous leschrtiens donc incombe la trs belle tche de travailler sans cesse pour faire connatre etaccepter le message divin du salut par tous les hommes sur toute la terre. Pour lexercice decet apostolat, le Saint-Esprit qui sanctifie le Peuple de Dieu par les sacrements et le ministre

    accorde en outre aux fidles des dons particuliers (cf. 1 Co 12, 7), les rpartissant chacuncomme il lentend (cf. 1 Co 12, 11) pour que tous et chacun selon la grce reue semettant au service des autres soient eux-mmes comme de bons intendants de la grcemultiforme de Dieu (1 P 4, 10), en vue de ldification du Corps tout entier dans la charit(cf. Ep 4, 16). De la rception de ces charismes, mme les plus simples, rsulte pour chacundes croyants le droit et le devoir dexercer ces dons dans lglise et dans le monde, pour le

    bien des hommes et ldification de lglise, dans la libert du Saint-Esprit qui souffle o ilveut (Jn 3, 8), de mme quen communion avec ses frres dans le Christ et trs

    particulirement avec ses pasteurs. Cest eux quil appartient de porter un jugement surlauthenticit et le bon usage de ces dons, non pas pour teindre lEsprit, mais pour prouvertout et retenir ce qui est bon (cf. 1 Th5, 12.19.21).53

    Ces textes envisagent les charismes au plan des ralits vitales et existentielles delglise, car ils dterminent la vie et lexistence chrtienne des fidles et de toute lacommunaut54. Cest pourquoi certains auteurs, dont Congar55, ont estim que seul llmentsacramentel et hirarchique appartenait la structure de lglise tandis que les charismesrelevaient de sa vie.

    Si nous prenons le mot charisme dans un sens non technique, nous constatons quelglise tout entire est charismatique, en ce sens quelle est suscite et quelle se maintient

    par le don de lEsprit reu du Seigneur. Nous pouvons dire en toute rigueur que lonction delEsprit , qui ralise la distinction de fidles et de ministres par les sacrementsconscratoires, est le charisme le plus radical. Mais ce nest pas l le concept thologique etstructurel du charisme. La notion de charisme comporte des caractristiques qui la distinguent

    des notions structurantes de conditio fideliset desacrum ministerium.Ces deux lments de la structure de lglise requirent une intervention de celle-ci,

    par la clbration des sacrements conscratoires de baptme, confirmation et ordre. Mais lecharisme au sens technique, en tant qulment structurant diffrenci, est un don direct delEsprit, non uni un sacrement.

    Dautre part, les situations produites par les sacrements conscratoires conservent unepermanence ontologique chez ceux qui les ont reusils produisent en eux un caractre ousphragiset un aspect structurel dfinitif qui transcende les personnes concrtes, alors quela situation ecclsiale que produit la rception dun charisme est thologiquement diffrente.Mme dans le cas o le charisme dterminerait foncirement lexistence du sujet au point deconfigurer de faon dfinitive son service dans lglise, son origine ne se trouve pas danslontologie sacramentelle mais dans le don continuel de lEsprit, qui requiert une rponseconstante et un engagement personnel du bnficiaire. Il lui est toujours possible dtreinfidle son charisme-vocation-mission. Tel est le cas des charismes qui configurent lessituations permanentes du christifidelis dans sa faon de vivre la totalit de sa vocationchrtienne baptismale. Cest ce que montre saint Paul quand il parle, aux fidles de Corinthe,du mariage et du clibat en tant que dterminations de lexistence chrtienne. Il aimerait quetous soient clibataires, comme lui. Mais cela nappartient pas une option humaine :

    52 Concile Vatican II, const. dogm. Lumen gentium, n 12/b. cf. P. Lombarda, Carismas e Iglesiainstitucional ,Escritos de Derecho Cannico y de Derecho Eclesistico del Estado , Pampelune, Eunsa, vol. IV,1991, p. 53-85.53Concile Vatican II, dcr.Apostolicam actuositatem, n 3/d.54Pour ce passage, cf. P. Rodrguez, La identidad teolgica del laico ,La misin del laico en la Iglesia y en elmundo. VIII Simposio Internacional de Teologa, Pamplona, 22-24 abril de 1987, Pampelune, Eunsa, 1987, p.85-92.55Cf. Y. Congar, Vraie et fausse rforme dans lglise, Paris, Le Cerf, 2ed., 1969.

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    Chacun tient de Dieu son charisme particulier, lun dune manire, lautre dune autre (1Co 7, 7). Il est clair dans ce texte que le charisme nest pas un simple fonction externe,mais quil affecte le cur de lexistence chrtienne.

    Ce qui appartient la structure de lglise, cest que lEsprit accorde ses charismes,non les situations que ceux-ci engendrent, situations qui sont multiples et potentiellementchangeantes. Nous pouvons donc dire que la structure originaire de lglise est forme destrois lments (conditio fidelis, ministre et charisme) par lesquels lEsprit du Christ la

    gouverne. Ou, si lon prfre, que la structure originaire de lglise prsente une doubledimension : la dimensionsacramentelle, do naissent les conditions structurelles qui donnentlieu au binme fidles-ministres sacrs ; et la dimension charismatique qui, nuanant cessituations structurelles, contribue configurer lastructure historiquede lglise56.

    Lglise a compris que le binme dorigine sacramentelle fidles-ministressacrs , sur lequel repose la varit multiple des charismes, sest exprim et prolong dans laralit historique de lexistence chrtienne, fondamentalement dans deux nouvelles situations structurelles qui rpondent deux grandes et permanentes directionscharismatiques de lEsprit. Il sagit du lacat et de ltat religieux. La conscience que lglisea delle-mme y a vu deux lments permanents de sa structure fondamentale. tablirlidentit thologique du lacat dans sa ralit ecclsiologique concrte se ramne donc

    identifier son charisme propre, charisme qui non seulement embrasse toute lexistence decelui qui le reoit [], mais qui dtermine dans lglise une situation structurelle, celle delacs, qui ne saurait tre ramene une autre ; charisme, par consquent, qui configure lafaon dexprimer ltre et la mission de lglise dans le monde qui est le propre des fidleslacs.57

    Nous voyons par-l que labsence de la mention des charismes dans la lgislationcanonique constitue un certain appauvrissement de lenseignement conciliaire en la matire etde la ralit mme de lglise, avec la place et la mission qui incombent chaque fidle.Lunou lautre canoniste a pu regretter de ce fait que le Code naie pas mentionn un droit lexercice intgral des charismes personnels, distinct du droit la spiritualit propre58.

    Cependant ce canon protge aussi les manifestations lgitimes de vie spirituelle que

    lEsprit suscite soit individuellement, soit par des phnomnes caractre collectif. Tous lesfidles ont le droit ce que leurs charismes spcifiques soient respects, protgs etencourags. Les dons charismatiques et les dons hirarchiques procdant du mme Esprit, ilrevient lautorit de garantir lauthenticit des formes de vie spirituelle et dexercer undiscernement prudent59. Lautorit tiendra compte des critres de qualit, de catholicit et defidlit au magistre60.

    Ce droit au rite propre, nous lavons dit, se rattache au droit vivre une spiritualitpropre, quil nous faut examiner maintenant.

    IILe droit fondamental des fidles suivre leur spiritualit propre

    Le deuxime droit envisag par le canon soumis notre examen est celui de laspiritualit propre aux fidles. Il senracine dans lappel universel la saintet laquelle tousles fidles sont galement convis par le baptme. Il se fonde en outre sur le principe devarit mentionn prcdemment, tant donn que la volont du Christ sexprime au long dessicles par une pluralit de formes de vie chrtienne et de spiritualits, de charismes et dechemins pour parvenir la plnitude de la charit. Les fidles, en effet, se sanctifierontdavantage chaque jour dans leur condition, dans les devoirs de leur tat ou les circonstances

    56P. Rodrguez, La identidad teolgica del laico , op. cit., p. 89.57P. Rodrguez,Ibid., p. 91-92.58Cf. P. J. Viladrich , La declaracin de derechos... , loc. cit., p. 145.59Le Code dispose que ce discernement doit tre exerc par lvque avant dapprouver de nouvellesassociations (c. 301 CIC 83) et les nouvelles formes de vie consacre (c. 605 CIC 83 ; c. 574 CCEO).60 Cf. D. Le Tourneau, Criterios de eclesialidad de los movimientos , dans Collectif, Iglesia universal e

    Iglesias particulares. Actas del IX Simposio Internacional de Teologa de la Universidad de Navarra,Pampelune, Servicio de Publicaciones de la Universidad de Navarra, 1989, p. 445-464.

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    de leur vie 61. La multiplicit de formes de spiritualit prsentes dans lglise rpond donc la libert dont les fidles disposent dans lglise etce, par droit divin62. Nous prsenteronsdabord le droit la spiritualit propre en tant que tel (A), pour tablir ensuite ses liens avecdautres droits des christifideles(B).

    A) Le droit la spiritualit propre

    La norme sapplique indirectement la spiritualit sacerdotale, religieuse et laque.Mais lintrieur de ces trois grands groupes de spiritualit, il y a de la place pour denombreuses formes concrtes de spiritualit, qui toutes, sous le souffle de lEsprit, contribuent la perfection de lunit voulue par Jsus-Christ pour son glise63.

    Que faut-il entendre par vie spirituelle , vie intrieure ? Cest la vie de lmequi, sous laction de la grce, dveloppe lamiti avec Dieu, Pre, Fils et Saint-Esprit, jusqu

    parvenir un tat habituel de contemplation ou de vision face face. Le sens de la filiationdivine en constitue un lment important 64. Il sagit donc dune sphre absolument

    personnelle et intime de la vie du fidle, dans laquelle la libert des enfants de Dieu65doitpouvoir sexpliquer dans toute sa plnitude 66. Mais la vie spirituelle est appele avoir desmanifestations extrieures, car le fidle est membre de la communaut des croyants. Cest

    pourquoi la liturgie est lexercice de la fonction sacerdotale du Christ, dans lequel lasanctification de lhomme est signifie par des signes sensibles et est ralise dune manire

    propre chacun deux, dans lequel le culte public intgral est exerc par le Corps mystique deJsus-Christ, cest--dire par le Chef et par ses membres 67. Le baptis doit accourir auxmoyens de sanctification de lglise, exercer les charismes quil a reus et mener bien uneaction apostolique de tous les instants. Tels sont les aspects que protge le droit suivre sa

    propre forme de vie spirituelle.La vie de relations personnelles du lac avec Dieu par le truchement des ralits de ce

    monde permet de parler de spiritualit des lacs. Cette spiritualit des lacs, dit le concile,doit revtir des caractristiques particulires suivant les conditions de vie de chacun : vieconjugale et familiale, clibat et veuvage, tat de maladie, activit professionnelle et sociale.

    Chacun doit donc dvelopper sans cesse les qualits et les dons reus 68. La vie spirituelle dulac est oriente, comme il se doit, la plnitude de la vie chrtienne, laccomplissement dela vocation commune la saintet, partir des moyens que la spiritualit chrtienne propose :Parole de Dieu, sacrements, prire, charit. Mais la mission des lacs demande en outre quilsreoivent une formation pousse dans le domaine des vertus humaines, conditionindispensable pour faire passer le message chrtien dans des milieux bien souventdchristianiss69.

    En soi, ce droit est en rapport trs troit avec lobligation du canon 210 (c. 13 CCEO)de rechercher activement la saintet. Il dcoule aussi du devoir-droit fondamental du canon213 (c. 16 CCEO) recevoir laide des moyens spirituels, surtout de la Parole de Dieu et dessacrements et dvelopper ainsi sa propre vie spirituelle70. Ces moyens permettent au fidle

    61Concile Vatican II, const. dogm.Lumen gentium, n 41/g.62D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, op. cit., p. 104.63Cf. concile Vatican II, dcr. Unitatis redintegratio, n 4/a.64D. Le Tourneau, Vie intrieure , Les mots du christianisme. Catholicisme Orthodoxie Protestantisme,Paris, Fayard, coll. Bibliothque de culture religieuse, 2005, p. 651.65Cf. Rm 8, 21 ; concile Vatican II, const. dogm.Lumen gentium, n 9/b.66D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, op. cit., p. 105.67Catchisme de lglise catholique, n 1070. Cf. D. Le Tourneau,La dimension juridique du sacr, op. cit.68Concile Vatican II, dcr. Apostolicam Actuositatem, n 4/g. Les nos34 et 35 de la const. ap. Lumen gentiumnutilisent pas lexpression, mais sy rfrent clairement. Cf. J. L. Illanes, La sanctification du travail, Paris, LeLaurier, 2ed., 1985, p. 13-21.69 Rappelons le texte bien connu de Lumen Gentium (n 31/b) : Dans les conditions ordinaires de la viefamiliale et sociale [... les lacs] sont appels par Dieu pour travailler comme du dedans [ velut ab intra] lasanctification du monde la faon dun ferment [fermentum instar]. Cf. saint Josmaria, Vertus humaines ,dansAmis de Dieu, 3ed., Paris, Le Laurier, 2000, nos73-93.70Cf. E. Molano, El derecho de los laicos a seguir, loc. cit., p. 515-530.

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    dapporter une rponse tout fait personnelle lappel de Dieu la saintet. Les sourcesindiques pour ce canon sont les documents dj mentionns pour le droit au rite propre, savoir la constitution Sacrosanctum Concilium, numro 4, et le dcret Orientalium

    Ecclesiarum, numros 2, 3 et 5. En ralit, comme pour dautres canons sur les droits et lesdevoirs fondamentaux, nous pourrions en ajouter dautres. Cest ainsi que le texte suivant dela constitution Lumen gentiumsert de fondement au droit la spiritualit propre : Dans lesformes diverses de vie et les charges diffrentes cest une seule saintet que cultivent tous

    ceux que conduit lEsprit de Dieu []. Ainsi donc tous ceux qui croient au Christ iront en sesanctifiant toujours plus dans les conditions, les charges et les circonstances qui sont celles deleur vie et grce elles.71 Le concile se fait ainsi lcho de lexosrtation du Livre delApocalypse (21, 11): Que le juste continue pratiquer la justice, et le saint sesanctifier . Cette diversit de formes de vie et de charges pour parvenir lunique saintetrequiert une varit de spiritualits permettant chaque fidle de latteindre au mieux dans lescirconstances qui sont les siennes et selon son statut juridique propre dans lglise. Pour cefaire, les fidles ont dabord le droit recevoir en abondance les secours des moyenssurnaturels de la Parole de Dieu et des sacrements72. Ils ont ensuite le droit ce que la

    possibilit effective leur soit reconnue de choisir et de suivre la spiritualit qui leur permettede rpondre pleinement leur vocation spcifique dans lglise (et dans le monde),

    individuellement ou associs avec dautres, ce qui implique galement le droit fondamentaldassociation (c. 215 CIC ; c. 18 CCEO).

    Il appartient la hirarchie de formuler un jugement de conformit entre lappeluniversel la saintet, contenu dans lvangile, et les formes de spiritualit que les fidlesdsireront vivre personnellement ou associs 73- devoir qui est un droit des fidles, lesquelsont galement le droit ce que la hirarchie accorde lun ou lautre degr de reconnaissance

    prvus par le code aux associations qui mriteront ce jugement de conformit (cf. c. 298 1).Ce droit la spiritualit propre ne serait pas respect si, par exemple, on ne

    reconnaissait pas que le lac peut vivre lui aussi avec plnitude sa vocation chrtienne, ensuivant, dans son propre tat, les commandements et les conseils du Matre ; ou si les rglesdisciplinaires, qui doivent rgir la vie sacramentelle et liturgique de la communaut

    chrtienne, ne tenaient pas compte des circonstances sociologiques propres la vie des fidlesdans la socit civile (horaires, dplacements dus au travail professionnel, temps libre, etc.) ;ou encore si les formes de prdication de la parole divine ne sappliquaient pas aux situationsrelles et aux besoins spirituels des lacs7475.

    Il se peut toutefois que les priorits pastorales dune paroisse ne permettent pas dedgager suffisamment lun ou lautre clercpour satisfaire les besoins spcifiques dun groupede fidles. Il ny a alors pas de refus de respecter leur droit la spiritualit propre. Le cur

    pourra, par exemple, leur conseiller de dvelopper des exercices de pit qui ne requirent pasla prsence dun prtre76. Mais, dans la mesure o le bon ordre est observ et o rien nesoppose lenseignement de lglise, les fidles ont le droit de dvelopper les mouvementsspirituels de leur choix et dy participer. Il serait contraire au droit garanti par ce canondinterdire une forme donne de spiritualit ou dexiger que seules certaines formes despiritualit soient observes par les gens dune localit dtermine. La libert religieuse77sapplique dans lglise aussi bien que dans la socit, et nous avons l son application la plusvisible 78.

    71Concile Vatican II, const. dogm.Lumen gentium, n 41.72Cf. c. 213 CIC ; c. 16 CCEO ; D. Le Tourneau, Le droit aux biens spirituels (c. 213) ,Homenaje al profesor

    Rafael Navarro Valls, paratre.73 A. del Portillo, Fidles et lacs dans lglise. Fondement de leurs statuts juridiques respectifs, Montral,Wilson & Lafleur, 2ed. franaise, 2012, p. 91.74Cf. concile Vatican II, dcr.Presbyterorum Ordinis, n 4.75A. del Portillo,Fidles et lacs dans lglise,op. cit., p. 90.76Cf. J. H. Provost,subc. 214, loc. cit., p. 149.77Cf. D. Le Tourneau,Droits et devoirs fondamentaux,op. cit., nos223-229, p. 305-318.78Cf. J. H. Provost,subc. 214, loc. cit., p. 149.

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    Alors que le canon 214 porte explicitement sur tous les fidles du Christ, il va de soi,mais il est utile de le souligner, que les fidles lacs ont, eux aussi, le droit de suivre unespiritualit propre, avec les nuances que revt la spiritualit chrtienne chez eux. Laspiritualit laque nest autre que la manifestation spirituelle des charismes du fidlethologiquement sculier 79. Cependant, elle ne sapplique pas ncessairement tous leslacs et elle est compatible avec lexistence de nombreuses spiritualits qui mettent laccentsur lun ou lautre aspect de la spiritualit laque envisage en gnral. Il faut distinguer, en

    effet, entre spiritualit laque et spiritualits que les lacs peuvent suivre, et dans lesquelleslaspect proprement lac peut tre quelque peu marginalise. Cest le cas, par exemple, destiers-ordres (c. 303), dont les membres vivent dans le monde mais participent lesprit duninstitut religieux ; ou encore des associations de fidles unies un institut de vie consacre80.

    Le canon 224 (c. 400 CCEO) reconnat aux fidles lacs ce droit gnral de toutchristifidelis. Y fait pendant le devoir des lacs dexercer leur charisme propre en vue deraliser leur vocation et leur mission dans lglise et dans le monde81.

    Le droit la spiritualit propre se traduit par le respect des diverses sensibilits quiexistent lgitimement dans lglise. Cest ainsi que le motu proprio Summorum Pontificum82de Benot XVI et linstruction Univers Ecclesi83 publie par la commission pontificale

    Ecclesia Deiprennent des dispositions pour lutilisation du Missale Romanumde 1962 ainsi

    que les rites liturgiques prconciliaires pour ladministration des sacrements de baptme, deconfirmation, de mariage, de la pnitence et de lonction des malades. Une distinction esttablie au sein de lunique rite romain entre sa forme ordinaire, cest--dire celle qui rsultede la rforme liturgique entreprise par le concile Vatican II, et sa forme extraordinaire, qui luiest antrieure. Il est clairement tabli que, dans les paroisses o il existe un groupe stable defidles attachs la tradition liturgique antrieure, le cur accueillera volontiers leur demandede clbrer la Messe selon le rite du Missel romain dit en 1962 84. Il est ajout que si cegroupe de fidles nobtient pas du cur ce quils lui ont demand, ils en informerontlvque diocsain. Lvque est instamment pri dexaucer leur dsir. Sil ne peut pas

    pourvoir cette forme de clbration, il en sera rfr la Commission pontificale EcclesiaDei85.

    Le canon indique les limites qui encadrent lexercice de ce droit. Il faut, en effet, quela forme de vie spirituelle suivie soit toutefois conforme la doctrine de lglise86. Cestune exigence logique, qui dcoule du devoir fondamental de la communion ecclsiale (c. 209CIC ; c. 12 CCEO). Il revient lautorit comptente de se prononcer sur cette conformit. Par exemple, le droit la spiritualit propre ne sapplique pas dans le cas dultramontanismeexagr, de pit mariale dplace, et ainsi de suite. Ces lments sont assez souvent deslments de for externe et doivent donc tre corrigs 87.Lautoritrglera aussi lexercice dece droit compte tenu du bien commun de lglise, ce que rclame le canon 22388 (c. 26CCEO).

    79J. I. Arrieta, Formation et spiritualit des lacs ,LAnne Canonique29 (1985-1986), p. 179.80Cf. c. 311 et 677 2 CIC83 (sans quivalent dans le CCEO).81Cf. E. Molano, El derecho de los laicos a seguir, loc. cit., p. 520.82Benot XVI, lettre ap. m.p. sur lusage des formes liturgiques prconciliaires Summorum Pontificum, 7 juillet2007,A.A.S.99 (2007), p. 777-781.83Commission pontificaleEcclesia Dei, instr. Univers EcclesiSur lapplication de Summorum Pontificum, 30avril 2011.84Commission pontificaleEcclesia Dei,Ibid., art. 5 1.85Ibid., art. 7. Cf. Ch. J. Glendinning, Univers Ecclesi: Text and Commentary , Studia Canonica 45(2011), p. 355-409.86Cf. Congr. pour la doctrine de la foi, instr.sur les prires pour obtenir de Dieu la gurison, 23 novembre 2010,

    Notitiae37 (2001), p. 20-65.87F. G. Morrisey, o.m.i., La formation des sminaristes et le respect de la personne , Studia Canonica 22(1988), p. 23.88Mais cette norme est juge par nombre de canonistes comme frileuse et restreignant indment les droitsreconnus aux fidles. Cf., par ex., G. Lo Castro, Condizione del fedele e concettualizzazione giuridica , Ius

    Ecclesiae3 (1991), p. 23-24.

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    B) Les rapports du droit la spiritualitpropre avec dautres droits

    Si, de fait, cette norme suppose la mise en pratique dautres normes canoniques, il nefaut pas perdre de vue leur caractre unitaire, savoir quelle forme un ensemble dedispositions qui, de ce fait, sont de nature fondamentale et quelles constituent un critrehermneutique pour linterprtation du droit canonique en son entier89.

    Le canon 214 porte sur la vie spirituelle des fidles en gnral, droit qui est appliqu

    au cas des lacs en particulier par le canon 224 (c. 400 CCEO). Nous pouvons y voir unrapport direct avec le droit la libert religieuse au sein de lglise, tel quil a t codifi parle lgislateur au canon 227 (c. 402 CCEO). De fait, les rdacteurs du projet de Lex Ecclesi

    Fundamentalis ont donn pour fondements ce droit du canon 21490 et le n 2 de laconstitution Gaudium et spesparlant du respect de la dignit de la personne humaine et le n 2de la dclarationDignitatis human91.

    Le droit du canon 214 est bien videmment, et en tout premier lieu, en lien avec ledroit recevoir des pasteurs sacrs laide des biens spirituels de lglise, principalement, maisnon exclusivement, de la Parole de Dieu et des sacrements (c. 213 CIC ; c. 16 CCEO). Cenest une exigence immdiate et indispensable, qui impose aux pasteurs le devoir de les fournirabondamment aux fidles qui les leur demandent opportunment et avec les dispositions

    requises92. Cest dire, par exemple, que la prdication de la Parole de Dieu devra tre adapte la ralit et aux besoins des auditeurs, ce que rappelle le canon 769 (c. 626 CCEO). Le droitdu canon 214 est aussi en rapport avec le devoir de sefforcer de mener une vie sainte selon sa condition propre (c. 210 CIC ; c. 13 CCEO), dont il est une consquence ; avec ledevoir-droit lducation chrtienne (c. 217 CIC; c. 20 CCEO) ;avec le droit au libre choixde ltat de vie, tat de vie qui peut tre dtermin par cette spiritualit propre (c. 219 CIC ; c.22 CCEO) ; avec le devoir et le droit duvrer, individuellement ou associ, pour que lemessage de salut touche tous les hommes (c. 225 1 CIC ; c. 406 CCEO) ; avec le devoir dimprgner desprit vanglique et de parfaire lordre temporel (c. 225 2 CIC ; c. 401CCEO) ; avec lobligation et le droit de recevoir une formation chrtienne approprie (c. 229 1 CIC ; c. 404 1 CCEO), y compris dans les universits et facults ecclsiastiques (c. 229

    2 CIC ; c. 404 2 CCEO), ce qui peut tre galement une exigence de la spiritualit propre une forme dtermine dapostolat. Ces deux derniers droits sont ncessaires pourdvelopper sa propre forme de vie spirituelle et son propre style apostolique 93.

    Le droit la spiritualit propre suppose dabord labsence de coercition dans sesmanifestations extrieures et le respect de la libert des consciences. Nul, ft-il vque, ft-ildirecteur de sminaire, ne peut imposer ses sujets de suivre une forme dtermine despiritualit et les enrler de force sous sa propre bannire. Nulle autorit, nul fidle ne peutnon plus faire obstacle la libert des fidles de suivre leur spiritualit : bien au contraire, serjouissant de ce que Spiritus ubi vult spirat, lEsprit souffle o il veut (Jean 3, 8) et de ceque dans la maison de mon Pre il y a beaucoup de demeures (Jean 14, 2), ils doiventfavoriser au maximum cette libert qui est une vritable richesse dans lglise. Comme leconcile la proclam, cette libert consiste en ce que tous les hommes doivent tre soustraits toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux et de quelque pouvoirhumain que ce soit, de telle sorte qu'en matire religieuse nul ne soit forc d'agir contre saconscience, ni empch d'agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en priv comme en

    89Cf. D. Le Tourneau,Droits et devoirs fondamentaux,op. cit., n 6, p. 8-10 et la bibliograhie cite.90Cf. D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, op. cit., p. 104.91Concile Vatican II, dcl.Dignitatis human, n 2/a : la libert religieuse consiste en ce que tous les hommesdoivent tre soustraits toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux et de quelque

    pouvoir humain que ce soit, de telle sorte quen matire religieuse nul ne soit forc dagir contre sa conscience,ni empch dagir, dans de justes limites, selon sa conscience, en priv comme en public, seul ou associ dautres.92Cf. D. Le Tourneau,Droits et devoirs fondamentaux,op. cit., n 124, p. 173-174.93D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, vol. II/1, p. 107.

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    public, seul ou associ d'autres 94. De par sa nature mme, cette matire chappe aupouvoir de toute autorit humaine.

    Cest ici que le lien entre le droit la spiritualit propre et le droit rendre un culte Dieu selon son rite propre est le plus vident. La seule limite cette non-ingrence, dailleurs

    prvue par la norme, est, nous lavons dit, que la spiritualit en question soit toutefoisconforme la doctrine de lglise. Mais aucun pasteur ne peut imposer ses fidles unespiritualit dtermine95. Limmunit de coercition prsuppose galement le droit pouvoir

    acqurir une spiritualit spcifique et ncessairement aussi le droit utiliser les moyensappropris pour la conserver 96. Mais la requte des moyens de saintet dont ils ont besoin nedoit pas conduire les fidles demander limpossible aux ministres, qui ne seront pasforcment toujours en mesure de satisfaire lensemble de leurs demandes.

    Ce droit la spiritualit propre ne concerne pas quun groupe res treint de fidles et neconstitue pas uniquement un droit lgitime que certains fidles peuvent exercer. Cest unencessit pastorale absolue et imprative que lglise doit affronter institutionnellement97.Ce droit serait en pratique vid de son contenu sil ntait compris que comme une facultde pratiquer les dvotions que chaque fidle estime les plus opportunes. Cest pourquoi jaiaffirm quil est insparable du droit aux moyens de sanctification, dont la distribution estconfie la hirarchie 98.

    La reconnaissance du droit pratiquer une forme de vie spirituelle propre sappliqueen ralit sur deux plans distincts, quil nest pas toujours facile de distinguer. Il sagit, certes,des manifestations de lEsprit, auxquelles lon songe peut-tre dentre de jeu propos dudroit la spiritualit propre, mais aussi des manifestations de la spiritualit laque dans la vieordinaire. Or, les manifestations de lEsprit rclament un discernement quil revient lahirarchie deffectuer, selon lecanon 223 (c. 26 CCEO), tandis que les manifestations de laspiritualit laque sont une exigence pastorale de la constitution de lglise99.

    Nous devons prciser en outre que les manifestations de la spiritualit particuliresuscite par les charismes peuvent fort bien tre individuelles : cest mme le cas habituel.Cela signifie que le canon 214 protge le droit subjectif la spiritualit propre de tout fidle,et pas uniquement des groupes de fidles ou des associations de fidles afin de saider

    mutuellement dans la vie spirituelle et lvanglisation.En outre, le canon 212 2 (c. 15 2 CCEO) codifie un droit fondamental de ptition

    lendroit de tous les fidles100. En vertu de cette norme, les fidles sont invits exposer auxpasteurs leurs besoins, notamment spirituels, et rclamer de la sorte que les dispositionsvisant assurer leur soin pastoral soient mises effectivement en uvre : prtre dput ceteffet, constitution ventuelle dune paroisse rituelle101 ou la nomination dun vicairepiscopal102, etc.

    94Concile Vatican II, dcl.Dignitatis humann 2/a.95Nous avons vu, en France, tel vque imposer ses sminaristes dappartenir une association prcise, lexclusion de toute autre.96J. I. Arrieta, Formation et spiritualit des lacs ,LAnne Canonique29 (1985-1986), p. 177.97J. I. Arrieta,Ibid., p. 178-179.98A. del Portillo, Los derechos de los fieles ,Ius Canonicum11 (1971), p. 87.99Cf. Arrieta, Formation et spiritualit des lacs , loc. cit., p. 180.100Cf. D. Le Tourneau,Droits et devoirs fondamentaux,op. cit., nos 100-103, p. 148-152.101Cf. c. 518 CIC 83 ; c. 280 1 CCEO. Plusieurs diocses de France se sont pourvu dune paroisse personnelle

    pour les fidles qui dsirent suivre la forme extraordinaire du rite liturgique romain. Cf. P. V. Aimone, Paroisseterritoriale et paroisse personnelle : une contribution historique sur la paroisse et une analyse sur la situation

    juridique des paroisses canoniques en Suisse , Territorialit e personalit. Il diritto canonico di fronte al terzomillennio. Atti dellXI Congresso Internazionale di Diritto Canonico e del XV Congresso Internazionale dellaSociet per il Diritto delle Chiese Orientali, Budapest, 2-7 Settembre 2001, a cura di P. Erd-P. Szab, 2001,Budapest, Szent Istvn Trsulat, 2002, p. 573-591.102Cf. A. Prez Dez, Los Vicarios generales y episcopales en el Derecho cannico actual, Rome, PontificiaUniversit Gregoriana, 1996; V. De Paolis, De vicario episcopali secundum decretum Conc. ecum. Vatic. IIChristus Dominus, Periodica56 (1967), p. 309-330 ; W. Bassett, The Office of Episcopal Vicar , The

    Jurist 30 (1970), p. 285-313 ; A. Gutirrez Poza, Vicarius episcopalis pro religiosis , Commentarium proreligiosis60 (1979), p. 105-117 ; A. E. Verbrugghe, O. Carm., The Figure of the Episcopal Vicar for Religiousin the New Code of Canon Law,Le Nouveau Code de droit canonique. Actes du VeCongrs international de

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    Dun point de vue plus positif, le droit la spiritualit propre demande de la part delautorit ecclsiastique de recourir aux moyens de pastorale commune et spcialise,suggrs par le Concile et repris par la codification actuelle. Cest le cas de lattention degroupes de fidles par le biais dglises rectorales et daumneries103, la cration de prlatures

    personnelles104et dautres structures juridictionnelles pour mener bien des tches pastoralesdtermines, etc.105 Cest prcisment par le truchement de ces outils pastoraux quil sera

    possible doffrir aux lacs les moyens ncessaires leur formation106.

    Bien souvent, le fidle ne pourra suivre le chemin de la saintet quen sunissant dautres fidles. Le droit dassociation et de runion du canon215 (c. 18 CCEO) le confortesur cette voie. Il sagit aussi dun droit fondamental de tout fidle107.

    Toute spiritualit solide comporte un mode daction apostolique qui en estinsparable 108. Le droit la spiritualit propre entrane donc le droit lapostolat personnelsous toutes ses formes109 et le droit ne pas tre contraint de participer des activitsapostoliques qui mettraient sa spiritualit mal, parce quelles iraient lencontre de certainesde ses caractristiques spcifiques, non ngociables pourrions-nous dire en vue du biencommun de lglise, bien commun qui exige que unusquisque, in qua vocatione vocatus est,in ea permaneat (1 Co 7, 20), chacun reste la place que Dieu lui a assigne dans lglise.

    La protection et la garantie de ce droit fondamental se retrouvent dans les obligations

    faites aux titulaires doffices ayant charge dmes. Cest le cas des devoirs de lvquediocsain, aux canons 383 et 387 (c. 192 et 197 CCEO) et de ceux du cur, aux canons 528 et529 (c. 289 CCEO). Dautres prceptes imposent ceux qui ont charge dmes dassurer lesmoyens de salut permettant dalimenter la vie spirituelle de leurs fidles. Voir en ce sens lescanons 912 et 918 (c. 713 1 CCEO) propos de laccs la communion, et les canons 980et 991 sur labsolution sacramentelle; les canons 239 2 (c. 339 1 CCEO) et 246 4 (c.346 2, 4 CCEO) sur la libert des sminaristes quant au choix de leur directeur spirituel,240 1 (c. 339 2 CCEO). En effet, le codificateur a expressment prcis le droit dessminaristes de sadresser tout confesseur de leur choix ; au sminaire ou en dehors110. Ilsont bien videmment le droit recevoir toutes les aides et tous les moyens ducatifsncessaires111, ce qui est une devoir et une responsabilit des formateurs du sminaire.

    Dautres garanties de ce droit se trouvent aussi dans les normes sur la dcision de ladmissiondes sminaristes aux ordres qui exclut de demander lavis du directeur spirituel et du

    droit canonique, organis par lUniversit Saint-Paul et tenu lUniversit dOttawa du 19 au 25 aot 1984,publis sous la dir. de M. Thriault et de J. Thorn, 1986, vol II , p. 705-742 ; A. Viana, Las relaciones jurdicasentre el vicario general y los vicarions episcopales ,Revista Espaola de Derecho Cannico45 (1988), p. 251-260) ; H. Franceschi, A proposito della nomina di un vicario episcopale personale al di fuori del proprioterritorio del Vescovo diocesano ,Ius Ecclesiae9 (1996), p. 384ss.103Cf. c. 566 (chapelains de malades, prisonniers et navigants sur bateaux), 568 (aumniers de migrants, exils,rfugis, nomades, navigateurs), 569 (aumniers militaires), 570 (chapelain dune glise paroissiale annexe ausige dune communaut), etc.Cf. J.-M. Swerry, Le chapelain depuis lentre en vigueur des Codes de 1983 et1990 , LAnne Canonique 38 (1995-1996), p. 161-167.104Cf. c. 294-297 CIC 83. Cf. G. Lo Castro,Les prlatures personnelles. Aperus juridiques, Beauvechain-Paris,

    Nauwelaerts-Frison-Roche, 1993 ;Le prelature personali nella normativa e nella vita della Chiesa, a cura di S.Gherro, Padoue, CEDAM, 2002 ; D. Le Tourneau, Les prlatures personnelles dans la pastorale de Vatican II ,

    L'Anne Canonique28 (1984), p. 197-219.105Cf. E. Molano, El derecho de los laicos a seguir, loc. cit., p. 527-530. Aucune de ces normes ne figuredans le CCEO.106 J. I. Arrieta, Consideraciones en torno a la dimensin cannica de la formacin de los laicos , dansCollectif, Studi in memoria di Mario Condorelli, vol. I, tome I, p. 67.107 Cf. L. Navarro, Diritto di associazione e associazioni di fedeli, Milan, Giuffr Editore, 1991 ; D. LeTourneau, Droits et devoirs fondamentaux, op. cit., nos137-141, p. 190-198 ; Les associations de fidles ,dossier,LAnne Canonique52 (2010), p. 237-299..108D. Cenalmor, subc. 214 , ComEx, vol. II/1, p. 106.109Cf. c. 211, 215, 216, 225, etc. CIC 83; c. 14, 18, 19, 406, 401, etc. CCEO.110C. 240 1 CIC ; c. 339 2 CCEO ; cf. T. Rincn-Prez, Libertad del seminarista para eligir el moderadorde su vida espiritual ,Ius Canonicum28 (1988), p. 451-488.111Cf. Congr. pour la doctrine de la foi, lettre Per litteras ad universos,14 octobre 1980, n 5, A.A.S. 72 (1980),

    p. 1130.

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    confesseur, et 630112 sur la libert des membres des instituts religieux quant au recours ausacrement de pnitence et la direction spirituelle, sans prjudice de la discipline de leurinstitut, et linterdiction faite aux suprieurs dinduire leurs membres de quelque manire quece soit leur faire louverture de leur conscience.

    Depuis Vatican II, les offices ecclsiastiques sont conus comme des services et nonplus comme des situations de puissance113. Aprs avoir prcis cette dimension de service, lesPres conciliaires ajoutent que cette charge [...] confie par le Seigneur aux pasteurs de son

    peuple, est un vritable service : dans la Sainte criture, il est appel expressment diakoniaou ministre 114. Cest un des lments qui caractrisent limage relle et authentique delglise115. Comme laffirmait saint Augustin, vobis enim episcopus, vobiscumchristianum116. Cela doit conduire leurs dtenteurs respecter au maximum la libert detous les fidles lheure du choix des moyens de sanctification, dapostolat et de formationdans lglise117.

    Pour connatre les limites des droits noncs dans ce canon 214, il est utile de recourirau dispositif du canon 223 sur le caractre gnral des limites lexercice des droitssubjectifs. Ces limites se trouvent dans le respect du droit commun et des droits dautrui.Cest ce que ce canon entend exprimer par la formule conforme la doctrine de lglise.Ici aussi, il faut renvoyer aux normes gnrales, concrtement celles du canon 221 sur la

    protection des droits. En outre, laction vanglisatrice doit respecter la personnalit delautre. Quand un fidle catholique entre en contact avec un chrtien non catholique, le

    proslytisme consiste essayer, comme expression dune amiti sincre, laider franchirventuellement le pas et enrer dans lglise catholique, en respectant pleinement son intimitet sa libert, non seulement nest pas rprouver, mais est une manifestation de charitauthentique. Dans sa ralit thologique profonde, celui qui fait ce pas ne change pas duneglise une autre , mais sincorpore pleinement lglise laquelle il tait imparfaitementuni 118.

    *

    * *

    Comme tout droit, le droit fondamental sanctionn au canon 214 peut tre revendiqu(cf. c. 221 2 CIC ; c. 24 2 CCEO), dans un contexte de communion ecclsiale (c. 209CIC ; c. 12 CCEO), que tout fidle doit respecter. Les droits des fidles ne sauraient tre

    brandis comme autant de revendications face lautorit ecclsiale119, dautant que touteaction intente pour les protger peut ltre lencontre de nimporte quel fidle. Il est vraique le code cherche dissuader autant que faire se peut de rsoudre les conflits par la voie

    judiciaire. La solution des conflits dans lglise, vu le caractre surnaturel de celle-ci, doitviser avant tout restaurer la communion blesse par le dlit, et rendre plus efficace la

    112Cf. C. 473 2, 2, 474 2, 475 1-2, 538 3, 539 1 CCEO.113Cf. D. Le Tourneau,Manuel de droit canonique, Montral, Wilson & Lafleur, coll. Gratianus, 2011, n 20, p.27-28. Cf. V. Gmez-Iglesias, Acerca de la autoridad como servicio en la Iglesia , Pontificium Consilium delegum textibus interpretandis, Ius in vita et in missione Ecclesi. Acta Symposii internationalis iuris canonicioccurente X anniversario promulgationis Codicis iuris canonici diebus 19-24 aprilis 1993 in Civitate Vaticanacelebrati, Cit du Vatican, Librairie ditrice Vaticane, 1994, p. 193-229.114Concile Vatican II, const. dogm.Lumen gentium, n 24/a.115

    Jean-Paul II, const. ap. Sacr disciplin leges(CB, p. 10 et 11).116

    Ubi me terret quod vobis sum, ibi me consolatur quod vobiscum sum. Vobis enim episcopus, vobiscum

    christianus. Illud est nomen officii, hoc grati; illud periculi est, hoc salutis, quand je me remplis de crainte enpensant ce que je suis pour vous, ce que je suis avec vous me remplit de consolation. Car pour vous je suislvque, avec vous je suis un chrtien; celui-l est le nom de mon office, celui-ci de la grce ; celui-l est maresponsabilit, celui-ci est mon salut (st Augustin, Sermon340, 1).117E. Molano, El derecho de los laicos a seguir, loc. cit., p. 527.118F. Ocariz, Evangelizacin, proselitismo y ecumenismo , Scripta Theologica38 (2006), p. 636.119Cest toutefois un argument utilis par certains pour refuser la qualification de fondamentaux aux devoirset aux droits : cf. R. Castillo Lara, Some General Reflections on the Rights and Duties of the ChristianFaithful , Studia Canonica20 (1986), p. 15-17.

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    collaboration ncessaire entre les membres du Corps mystique du Christ et, en mme temps, solliciter la ralisation fructueuse de la vocation spcifique de chacun des fidles , ainsiqu mettre en valeur les biens spirituels qui ont une importance particulire la lumire dela foi 120. Il a t affirm dans le mme sens que revendiquer ses droits peut constituer uneexigence de justice, mais ce nest pas un lment essentiel de la conduite chrtienne. La

    prudence, la patience et surtout la charit peuvent faire prfrer, dun point de vue chrtien, desubir un tort plutt que de dfendre un droit 121.

    Le suprieur comptent est tenu de donner suite toute requte lgitime, moins quilne juge que des exigences suprieures du bien commun (c. 223 2 CIC ; c. 26 2 CCEO) nele lui permettent pas, ce dont il sexpliquera au requrant. Il est important que chacun respecteles droits dautrui, spcialement ceux des minorits, qui sont moins mme de faire valoirleur droit et de faire entendre leur voix122. Et, afin dloigner tout risque de latinisation desfidles orientaux, le lgislateur du code oriental a tenu apporter une garantie ceux-ci entablissant que celui qui, inscrit nimporte quelle glise de droit propre, aussi lgliselatine, et exerant un office, un ministre ou une autre charge dans lglise, a os inciter inducere prsumpsitde quelque manire que ce soit un fidle quelconque passer uneautre glise de droit propre contre le canon 31123, sera puni dune peine adquate (c. 1465).

    Lon a pu dire que, en dfinitive, dans bien des cas, respecter cet exercice de la

    libert revient tout simplement respecter la conscience des personnes 124. Le concilesouligne cet gard que c'est un des points principaux de la doctrine catholique, contenudans la parole de Dieu et constamment enseign par les Pres125, que la rponse de foi donne

    par l'homme Dieu doit tre volontaire ; en consquence, personne ne doit tre contraint embrasser la foi malgr soi126. Par sa nature mme, en effet, l'acte de foi a un caractrevolontaire puisque l'homme, rachet par le Christ Sauveur et appel (cf. Ep 1, 5) par Jsus-Christ l'adoption filiale, ne peut adhrer Dieu qui se rvle, que si, attir par le Pre (cf. Jn6, 44), il fait Dieu l'hommage raisonnable et libre de sa foi. Il est donc pleinement conformeau caractre propre de la foi qu'en matire religieuse soit exclue toute espce de contrainte dela part des hommes 127. Partant, tout rgime de libert religieuse doit contribuer favoriserun tat de choses dans lequel l'homme peut tre sans entrave invit la foi chrtienne,

    l'embrasser de son plein gr et la confesser avec ferveur par toute sa vie 128. Tel doit tre lecas, de faon exemplaire, dans la socit ecclsiale.

    Dominique Le Tourneau

    120Z. Grocholewski, La tutela dei diritti dei fedeli e le composizioni stragiudiziali delle controversie ,Quaderni di Diritto Ecclesiale8 (1995), p. 283.121R. Castillo Lara, La difesa dei diritti nellordinamento canonico , Il Diritto alla Difesa nellOrdinamentoCanonico, Cit du Vatican, Librairie ditrice Vaticane, Studi giuridici 18, 1988, p. XVII.122Cf. M. Brogi, Il diritto allosservanza del propiro rito (CIC can. 214), loc. cit., p. 117.123Cette norme prcise que personne nosera induire daucune manire un fidle chrtien passer une autreglise de droit propre .124J. I. Arrieta, Libert fondamentali e libert fondamentale. Considerazioni attorno alla diversa posizione deifedeli nella partecipazione alla missione della Chiesa , I diritti fondamentali del fedele. A venti anni dalla

    promulgazione del Codice, Cit du Vatican, Librairie ditrice Vaticane, Studi giuridici 64, 2004, p. 202.125Cf. Lactance,Divinarum Institutionum, Lib. V, 19, CSEL 19, p. 463-464, 465, PL 6, 614 et 616 (cap. 20) ; S.Ambroise, Epistola ad Valentianum Imp., Ep. 21: PL 16, 1005; St Augustin, Contra litteras Petiliani, Lib. II,cap. 83, CSEL 52, p. 112 ; PL 43, 315 ; cf. C. 23, q. 5, c. 33 (ed. Friedberg, col. 939) ; ID., Ep. 23, PL 33, 98;ID., Ep. 34, PL 33, 132 ; ID., Ep. 35, PL 33, 135 ; St Grgoire le Grand, Epistola ad Virgilium et Theodorum

    Episcopos Massili Galliarum, Registrum Epistolarum, I, 45, MGH Ep. 1, p. 72 ; PL 77, 510-511 (lib. I, ep.47) ; ID.,Epistola ad Iohannem Episcopum Constantinopolitanum, Registrum Epistolarum, III, 52, MGH Ep. 1,

    p. 210 ; PL 77, 649 (lib. III, ep. 53) ; cf. D. 45, C. 1 (ed. Friedberg, col. 160) ; Conc. Tolet. IV, c. 57, Mansi 10,633 ; cf. D. 45, c. 5 (ed. Friedberg, col. 161-162) ; Clment III, X., V, 6, 9 (ed. Friedberg, col. 774) ; Innocent III,

    Epistola ad Arelatensem Archiepiscopum, X., III, 42, 3 (ed. Friedberg, col. 646).126 Cf. c. 1351 CIC 17 ; Pie XII, Allocutio ad Prlatos auditores caeterosque officiales et administrosTribunalis S. Roman Rot , 6 octobre 1946, A.A.S. 38 (1946), p. 394 ; ID., encycl. Mystici Corporis, 29 juin1943,A.A.S.(1943), p. 243.127Concile Vatican II, dcl.Dignitatis human, n 10.128Concile Vatican II,Ibid.