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ide pratique de psychogériat Jean-Pierre Clément Nicolas Darthout Philippe Nubukpo MEDIGUIDES Ill MASSON M MI EDITIONS

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ide pratiquede psychogériat

Jean-Pierre ClémentNicolas DarthoutPhilippe Nubukpo

MEDIGUIDES

Ill MASSONM MIEDITIONS

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Chez le même éditeur

Nutrition de la personne âgée. par M. Ferry, E. Alix, T. Constans, P. Brocker, P. Pfitzenmmeyer. B. Lesourd,

D. Mischlich. 2006, 308 pages.

La douleur des femmes et des hommes âgés, par R. Sebag-Lane B. Wary. 2002, 368 pages.

La maladie d'Alzheimer. par J. Touchon, F. Portet. Collection Consulter/prescrire. 2004, 192 pages.

Gériatrie et basse vision-Pratiques interdisciplinaires, par Ch. Holzschuch, D. Manière, F. Mourey. Collection,

Abrégés de médecine. 2002, 160 pages.

Psychologie clinique de la personne âgée, par Ph. Cappeliez, Ph. Landreville, J. Vézina. 2000, 288 pages.

Psychopathologie du sujet âgé, par G. Ferrey, G. Le Goues, B. Rivière. Collection Les âges de la vie. 2006, 320 pages.

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Guide pratiquede psychogériatri

2e édition

Jean-Pierre ClémentProfesseur des universités

Praticien hospitalierPsychiatre

Nicolas DarthoutAncien Chef de clinique des universités

Assistant des hôpitauxPsychiatre

Philippe NubukpoPraticien hospitalier

Psychiatre

Centre de Psychiatrie du Sujet âgéCentre Hospitalier Esquirol, Limoges

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(*) En date du 10 novembre 1999, pour les médecins généralistes.En date du 28 juillet 1999, pour les médecins spécialistes.

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© 2002, 2006 Elsevier Masson SAS — Tous droits réservésISBN : 2-294-06243-4

ISSN : 1269-9330EAN : 978-2-294-06243-8

Elsevier Masson S.A.S.— 62. rue Camille Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux Cedex

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Sommairete et Pet SUI ■ra e 111, 3111 MI Mt en en 1111 01I et »It ee ee Me

Avant-propos XIII

1 Agitation 1Définition et contexte 1Explications psychodynamiques 2Tableaux cliniques 2Les multiples causes 2La démarche diagnostique 4Prise en charge d'une personne âgée agitée 5

2 Agressivité 7Définitions et contexte 7Difficultés avec l'entourage 8Facteurs favorisants et situations à risque 8Tableaux cliniques 10Possibilités thérapeutiques 10

3 Alcoolisme et autres addictions 13Définitions et contexte 13L'ALCOOLISME 13Épidémiologie 14Quelques caractéristiques de l'alcoolisme du sujet âgé 14Les différents modes de consommation alcoolique 15Conséquences de l'alcoolisme 16Syndrome de sevrage 18Comment affirmer l'alcoolisme du sujet âgé ? 19Un traitement souvent hospitalier 19Traiter les troubles associés 21Volet social 21Autres possibilités de prises en charge 22Pronostic 22Prévention et recommandations 22LA DÉPENDANCE MÉDICAMENTEUSE 23Données épidémiologiques 23Conséquences : essentiellement psychiatriques 24Le sevrage est le plus souvent hospitalier 24LE TABAGISME 25

V.

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Guide pratique de psychogériatrie

Les risques sont les mêmes que chez les gens moins âgés 25

Traitement 25

LES DÉPENDANCES TOXICOMANIAQUES 25LES ADDICTIONS SANS DROGUE 25Quelques cas rares, présentation atypique 25

Traitement 26

4 Alexithymie 27

Définitions 27

Modes d'expression 28

Hypothèses psychologiques et neurobiologiques 29

Alexithymie primaire et secondaire 29

Prévalence de l'alexithymie 29Alexithymie et troubles somatiques 29Relations entre l'alexithymie et d'autres concepts cliniques 30

Dépistage 30Orientations thérapeutiques 30

5 Angoisse (trouble panique et trouble anxieux généralisé) 33Définitions et limites 34Épidémiologie 35Tableaux cliniques 35Diagnostic différentiel 36Facteurs favorisants 37Traitement 38Conclusion 40

6 Anorexie et autres troubles des conduites alimentaires 43Aspects psychologiques de l'alimentation 44Tableaux cliniques 44Troubles du comportement alimentaire par défaut 45Troubles du comportement alimentaire par excès 47Conseils thérapeutiques 48

7 Confusion 51Épidémiologie 52Facteurs de risque prédisposants 52Facteurs de risque précipitants 52Clinique 53Formes cliniques 53Évolution et pronostic 53

.VI

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Sommaire

Démarche diagnostique et traitement 54Traitement 54

8 Délires 59Épidémiologie 59Tableaux cliniques 60Troubles délirants vieillis de l'âge adulte 63Troubles délirants concomitants de troubles thymiques 63Autres modalités délirantes aussi spécifiques du grand âge 63Délire durant la démence 64Traitement 66

9 Démences 69Définitions 70Épidémiologie 70Généralités 70Clinique 70Diagnostic positif 71Exploration clinique 71Examens paracliniques 76Diagnostic différentiel 77Principales causes 80Traitement 83

10 Dépression 89Toujours y penser 89Épidémiologie 90Facteurs de risque 91Tableaux cliniques 91Traitement 95Dépistage 98

11 Désordre psychotraumatique 101Définition 101Approche psychopathologique 102Clinique 102Diagnostic 104

Évolution 104

Formes clinques 104

Modalités de prise en charge 105

VII.

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Guide pratique de psychogériatrie

12 Douleurs de la personne âgée 107Épidémiologie 107Physiopathologie 108Approche psychologique de la douleur 108Approche et évaluation de la plainte douloureuse 108Examen 108Prise en charge 110

13 Hallucinations 111Définitions 111Généralités 112Différentes situations 113Traitement 114

14 Hôpital de jour pour personnes âgées 117Définition 117IntÉrêts et buts 118Indications et contre-indications à l'hôpital de jour 118Prise en charge 119Prestations spécifiques aux patients souffrant d'une pathologiede type « démentiel » 119Devenir des patients 120

15 Hypocondrie 121Approche psychopathologique 121Clinique 122Traitement 123

16 Maladie maniaco-dépressive 125Définitions 125Épidémiologie 126Classification 126Clinique 128Évolution 129Traitement 130

17 Mémoire (difficultés mnésiques) 133Épidémiologie 133Situations cliniques 134Explorations 135Prise en charge des plaintes mnésiques 137

V I II

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Sommaire

Les tests 138Questionnaire d'auto-évalutation des fonctionscognitives de Mac-Nair 138MMSE : consignes de passation et de cotation(version consensuelle du GRECO) 140Détérioration cognitive observée (DECO)(Ritchie & Fuhrer, 1994) 143Tests de fluence verbale 147

18 Mesures de protection des biens 149Circonstances et objectifs 149La sauvegarde de justice 150La curatelle 151La tutelle 152Choix d'une mesure 153

19 Modalités d'hospitalisation complète en psychiatrie 155Dispositions légales 156Le problème de la contention physique et le maintiende protection et de sécurité des personnes âgées à l'hôpital 159

20 Psychosomatique et personnes âgées(considérations pratiques) 163Quelques notions sur la médecine psychosomatique 163Clinique et pratique 165Psychothérapie 166Affections pouvant être considérées comme psychosomatiques 167Psychosomatique et personnes âgées 167

21 Psychothérapies 169Moyens et buts des psychothérapies 169Indication d'une psychothérapie et particularitéschez le sujet Âgé 170Psychothérapies individuelles 171Psychothérapies de groupe 173Thérapies corporelles 174Hypnose 175Thérapies de la famille 175Thérapie du couple 176Psychothérapie des sujets déments 176

Conclusion 177

IX.

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Guide pratique de psychogériatrie

22 Psychotropes : spécificités d'utilisation 179

Généralités 179

Les antidépresseurs 181

Les Neuroleptiques 184

Anxiolytiques 189

Hypnotiques 192

Thymorégulateurs 194Thérapeutique et troubles démentiels 196Recommandations importantes 198

23 Sexualité et difficultés de couple 199Le couple âgé 199La sexualité des sujets âgés 201Ce qui se passe chez l'homme âgé 202Ce qui se passe chez la femme âgée 204Troubles sexuels 205Diagnostic des troubles sexuels 206Traitements 207Conclusion 210

24 Le sommeil 211Généralités 211Épidémiologie 212Examen du sommeil 212Tableaux cliniques des troubles du sommeil 213Les conseils pour bien dormir 216Les thérapeutiques pharmacologiques 217Autres traitements 218

25 Suicide et tentative de suicide 219Épidémiologie 219Connaître les causes 220Facteurs favorisants 221Facteurs protecteurs 222Possibilités de prise en charge 222

26 Thérapeutiques psychosociales 225Généralités 225Structures hospitalières 226Psychogériatrie extra hospita lière 228L'allocation dépendance pour personnes âgées 231

.X

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Sommaire

Les réseaux gérontologiques 232Les réseaux Maladie d'Alzheimer 232Les mesures de protection 233L'institutionnalisation 233Les thérapeutiques cognitives et de réentraînement 234

27 Troubles de la personnalité 237Définitions 237Types de personnalité : présentation clinique et traitements 238

28 Troubles névrotiques des personnes âgées 247Généralités 247Épidémiologie, vieillissement et névrose 248Persistance des troubles névrotiques et leur traitement 249États névrotiques d'apparition tardive ou d'involution 254

Index 257

XI.

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Avant-proposeoel HP et Ble 110 ■■■ 811 a■ V/6 fa ■■■■ 31. eie see 7Pa Be ee ■■■■ ■Be etalt «0 IP eue.. gle (I& ee AS1 ■■■

Le nombre de personnes âgées augmente, leur demande de soins aussi. La placeimportante des troubles psychiques dans la pathologie rencontrée dans le grand âge estincontestable. Les soignants ont donc tout intérêt à s'informer des données actuelle-ment fournies par une discipline qui n'est plus tout à fait naissante : la psychogériatrie.Certains parlent plutôt de gérontopsychiatrie, voire de psychiatrie gériatrique. Un bonconsensus non polémique serait de parler de psychiatrie du sujet âgé. En effet, lapsychologie de la personne et les troubles psychiatriques qui s'y rattachent éventuelle-ment ont des spécificités. D'autres pays l'ont déjà bien réalisé depuis de nombreusesannées, dans lesquels les réseaux, les structures de soins et la formation à cettemédecine sont bien rodés.

La France, en termes de structures, d'organisation de soins et d'enseignement de lapsychiatrie du sujet âgé est classée 18e au niveau mondial. Pourtant il existe unedéclaration de consensus sur la psychiatrie de la personne âgée rédigée par l'OMS :« Cette spécialité s'occupe de l'ensemble des maladies psychiatriques et de leursconséquences, particulièrement des troubles de l'humeur, de l'anxiété, des démences,des psychoses de l'âge avancé et des toxicomanies. Elle traite en outre les patients âgéssouffrant de maladies psychiatriques chroniques. Dans la plupart des cas, la morbiditépsychiatrique dans l'âge avancé coexiste avec la maladie physique et est susceptible dese compliquer souvent de problèmes sociaux. Les personnes âgées peuvent aussiprésenter plus d'un diagnostic psychiatrique ».

Il existe donc une réalité de terrain, de plus en plus grandissante, d'un besoin depersonnels médicaux maîtrisant la prise en charge de la personne âgée présentant destroubles psychiatriques, y compris et surtout dans le contexte de la maladie d'Alzheimeret des syndromes apparentés. Bon nombre de professionnels du champ de la gériatrieactuellement, se plaignent de manquer de réponse psychiatrique devant des problèmesde troubles psychologiques et comportementaux, de plus en plus fréquents enparticulier dans les établissements de soins et les institutions.

Modestement, cet ouvrage veut poser les bases d'une pratique psychiatrique orientéespécifiquement vers la souffrance de la personne âgée. Il se veut descriptif, pratique et,surtout, il ambitionne d'éveiller la curiosité du soignant. Le vieillissement fait peur,intrigue. Il n'a pas encore livré tous ses secrets et ce d'autant plus que le grand âges'élargit. Il y a les jeunes sujets âgés (de 65 à 75 ans), les sujets âgés (de 75 à 85 ans)et les très âgés. De plus, il faut distinguer les affections psychiatriques vieillies et lespathologies émergentes. Ces dernières justifient encore des études cliniques etétiopathogéniques pour améliorer les prises en charge de ces patients et de leurstroubles. Cela signifie donc que les années à venir sont attendues comme prospèresd'une encore meilleure compréhension de la psychopathologie et de la physiopathologiedes maladies mentales de la personne âgée.

Ce guide s'inscrit aussi dans le contexte de la structuration de l'enseignement de lapsychiatrie du sujet âgé en France autour d'un DESC. Il se veut être une réponsepratique aux problèmes des professionnels autour du sujet âgé.

XIII,

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Guide pratique de psychogériatrie

Le succès de la première édition laisse supposer qu'il est devenu un ouvrageincontournable pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur cette disciplinepassionnante qu'est la psychiatrie du sujet âgé dans la pratique quotidienne.

Souhaitons-lui, comme pour la première, que cette seconde édition ne devienne pastrop rapidement caduque et qu'elle aide le lecteur dans sa pratique et dans sa réflexionpersonnelle face à la vieillesse et à ses souffrances.

Jean-Pierre CLÉMENT,2006.

XIV

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I Agitation

• Agitation n'égale pas agressivité.• C'est l'expression comportementale d'une souffrance.• Elle ne justifie pas toujours une hospitalisation qui doit être le plus

souvent évitée.• Les causes possibles sont multiples et parfois intriquées.

CAS CLINIQUEMarcel A., 85 ans, est hospitalisé pour agitation, hétéro-agressivité, déambulationsexcessives et chutes répétées émaillant l'évolution d'une démence de type Alzheimer. Ilfaut noter dans ses antécédents, un glaucome chronique, une prostatectomie et unediverticulose colique. L'examen est en faveur d'une démence sévère (MMS : 5/30). Onobserve un pli cutané, une sécheresse des muqueuses, des hématomes multiples et uneépaule droite douloureuse. Il existe un syndrome extrapyramidal majeur (akathisie,antépulsion, roue dentée, hypersialorrhée, tremblement de repos prédominant à droite)faisant évoquer une maladie de Parkinson. Il existe aussi une toux grasse productive avecune auscultation pulmonaire normale.Le bilan complémentaire montre : un syndrome inflammatoire (GB : 13 000/mm 3 ; VS :46-85), une hypoalbuminémie à 36,4 g/L avec une pré-albuminémie à 190 mg/L.La radiographie du poumon est normale.Le traitement à l'admission associait : buflomédil : 200 mg/j, venlafaxine (Effexor) :100 mg/j, rivastigmine (Exelon) : 6 mg/j, mémantine (Ebixa) : 20 mg/j, divalproate(Dépakote) : 1 000 mg/j, pilocarpine collyre (Timoptol) : 1 mg/j.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre démarche diagnostique ?2 — Quelles mesures thérapeutiques préconisez-vous?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITION ET CONTEXTE

L'agitation est un trouble du comportement caractérisé par une exagération et/ou undésordre de l'activité psychomotrice sans efficience objective. Elle entraîne une perte ducontrôle des pensées et des actes.L'agitation peut être verbale, physique, associée ou non à de l'agressivité.Elle peut avoir des conséquences graves pour le sujet âgé et éventuellement pourl'entourage.

1

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Guide pratique de psychogériatrie

Elle n'est pas toujours associée à de l'agressivité qui est plus souvent le fait del'entourage.Environ 15 % des sujets âgés hospitalisés en psychiatrie le sont pour agitation avecagressivité.

EXPLICATIONS PSYCHODYNAMIQUES

Dans la plupart des cas, l'agitation correspond à une tentative d'adaptation comporte-mentale, apparemment inadéquate et régressive face à une situation nouvelle qu'il fautdécouvrir.Le sujet âgé exprime en effet facilement sa souffrance par des troubles des conduites.L'agitation n'est donc souvent qu'un épiphénomène dans un syndrome plus complet oule reflet d'une situation de crise.

TABLEAUX CLINIQUES

La présentation clinique de l'agitation varie selon le contexte dans lequel elle survient.Globalement, le sujet ne tient pas en place, déambule, voire arpente les lieuxvigoureusement et gesticule. Il peut crier, s'accrocher aux autres. Il peut parfois avoirdes gestes violents ou entraînant des chutes et traumatismes. Ses propos peuvent êtrequérulents, injurieux ou répétitifs. Il peut refuser de coopérer et être opposant.L'agitation peut être permanente ou intermittente, alternant avec de la prostration.

LES MULTIPLES CAUSES

LA CONFUSION

Ce syndrome fréquent chez la personne âgée peut entraîner, dans sa forme hyperactive,des troubles du comportement avec agitation. On retrouve alors dans sa présentationcaractéristique une obnubilation de la conscience, une désorientation temporo-spatiale,un onirisme, une perplexité anxieuse et des signes généraux (modifications du pouls, dela tension, de la température...). Dans ce contexte, on observe également unefluctuation des troubles sur le nycthémère et une alternance avec des moments deprostration.

L'intrication d'autres causes n'est pas rare, représentée surtout par des agressionssomatiques mais aussi par des problèmes affectifs : conflits, disputes, « non-dits »,pertes (deuil, départ, déplacement de lieu de vie, perte d'argent ou d'un animal...).La confusion peut compliquer le cours d'une démence : elle rend alors agité un sujethabituellement calme.

L'ANXIÉTÉ

Sous sa forme aiguë d'attaque de panique (crise d'angoisse), l'anxiété peut générer uneagitation plus ou moins confuse chez la personne âgée.

2

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Agitation

L'anxiété chronique peut entraîner une déambulation, une insomnie, une irritabilité ets'accompagne de manifestations corporelles : oppression respiratoire, sueurs, tremble-ments, palpitations, douleurs abdominales.Si le sujet âgé n'a pas d'antécédent du même ordre et si l'examen somatique estnormal, cette anxiété agitée découle souvent d'un sentiment de vie menacée (agression,cambriolage, accident, maladie aiguë, etc.).

L'HYPOMANIE

Le sujet âgé qui présente un état d'excitation hypomaniaque est euphorique,logorrhéique, satisfait, mais parfois méfiant, suspicieux, revendicateur, voire agressif.S'il n'a pas d'antécédent de maladie maniaco-dépressive, il faut rechercher une causetoxique (corticoïdes) ou une tumeur cérébrale.

LA DÉPRESSION

Certaines dépressions du sujet âgé peuvent comporter des accès d'agitation anxieuse.lis surviennent alors sur un fond d'humeur triste, de désintérêt, de sentiment de vide etde dévalorisation, d'hostilité. Le risque suicidaire doit être alors bien apprécié.

LE DÉLIRE TARDIF

Il s'est installé progressivement et parfois insidieusement ; il peut conduire à destroubles du comportement marqués par une agitation, mais le sujet a été préalablementen proie à des idées de préjudice et de persécution et à des réactions émotionnelles,dépressives et quérulentes. Il peut être agressif.

DES HALLUCINATIONS

Fréquentes dans certaines démences, elles peuvent être angoissantes et engendrer uneagitation.

UNE DÉMENCE CONNUE

Aux troubles mnésiques, praxiques, gnosiques et du langage, il arrive que se surajouteune phase confusionnelle ou délirante induisant une agitation incohérente facilementagressive.Une démence fronto-temporale peut aussi débuter par des troubles du comportementavec irritabilité, agitation et agressivité.Cependant, la déambulation calme du sujet dément est bénéfique, car elle participe aumaintien de l'autonomie physique.

UNE SITUATION DE CRISE

Une crise relationnelle au sein d'une famille ou de l'entourage (amis, institution) peutgénérer une agitation de la personne âgée. Un désaccord, un non-dit, une malveillanceparfois interprétés de façon excessive par le sujet âgé, nécessitent une mise à plat avec

3

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Guide pratique de psychogériatrie

les différents protagonistes. Le sujet âgé a en effet été dépassé par la situation et n'apas pu la mettre en mots, préférant exprimer son désarroi par un comportement quidemeure cependant inadapté.

LE DEUIL, LA PERTE

Par les mêmes mécanismes, le deuil d'un proche, la perte d'un animal ou d'argent, ledépart d'un lieu de vie peuvent déclencher une agitation.Les troubles de la personnalité peuvent aussi, avec le vieillissement, générer del'agitation (avec colère, impulsivité, autoritarisme...).

LES NOMBREUSES CAUSES MÉDICO-CHIRURGICALES

Il importe de les rechercher systématiquement.

Causes médicales et chirurgicales d'agitation du sujet âgé

• Hypoglycémie• Hyperthyroïdie• Fécalome• Rétention urinaire• Hypocorticisme• Hyponatrémie• Infection fébrile (pulmonaire, urinaire, dentaire)• Méningite• Pathologie iatrogène :

—médicaments pouvant entraîner une confusion (anticholinergiques, cimétidine,L-Dopa, etc.) ;— diurétiques révélant une hyponatrémie latente ;—corticoïdes ;—extraits thyroïdiens ;— caféine...

• Sevrage médicamenteux (en particulier benzodiazépines)• Sevrage alcoolique• Apparition d'un trouble du rythme cardiaque• Désordre hémodynamique• Hématome sous-dura) du vertex après une chute sur les fesses passée inaperçue,minimisée ou oubliée• Pathologie cérébrale vasculaire ou tumorale.

LA DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE

Après la prise de contact avec la personne âgée qui peut parfois dédramatiser lasituation, il y a lieu aussi de bien interroger l'entourage.Il faut préciser les circonstances déclenchantes de l'agitation, retrouver les antécédentspathologiques et les traitements antérieurement pris.

4

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Agitation

Si une cause psychiatrique n'est pas évidente, et au moindre doute, l'examen cliniquedoit rechercher les causes somatiques précédemment évoquées.L'examen doit être complet : outre la vérification du pouls, de la tension, de latempérature, il s'attachera à vérifier l'état cardio-vasculaire, pulmonaire, abdominal,cutané (à la recherche d'ecchymoses, d'éruptions, de sécheresse évoquant unedéshydratation) et neurologique. On vérifie en particulier l'orientation temporo-spatiale,les signes d'hémiparésie ou d'irritation pyramidale.Dans tous les cas, un bilan biologique minimal comprend : numération et formulesanguines, glycémie, créatinine, natrémie, kaliémie, calcémie, thyréostimuline (TSHUS : thyroid stimulating hormone — ultra sensible).

PRISE EN CHARGE D'UNE PERSONNE ÂGÉE AGITÉE

•La présence du médecin peut parfois avoir un effet de sédation apaisante. Si ce n'estpas le cas, une thérapeutique sédative peut s'avérer nécessaire.Le contact, le dialogue, l'examen clinique et un traitement rapide de la personne âgéedoivent permettre d'éviter une hospitalisation qui ne fait dans la plupart des casqu'aggraver la symptomatologie.• La prescription médicamenteuse symptomatique s'oriente plutôt vers :—un antipsychotique de type benzamide pour une action urgente (Tiapride injectableou per os, 100 mg renouvelable, jusqu'à 400 mg/jour) ou anti-hallucinatoire sinécessaire (Haldol, 1 à 5 mg/jour) ou de type velotab (qui fond instantanément dans labouche) : Zyprexa 5 mg ;— les alternatives sont les carbamates (Équanil, 400 à 800 mg/jour) ou les benzodia-zépines à demi-vie courte (Alprazolam, 0,75 à 1,5 mg/jour) si l'anxiété prédomine ;—un antidépresseur sérotoninergique (Séropram, Séroplex) peut s'avérer nécessaire s'ils'agit d'un trouble persistant ou chronique, en particulier chez le sujet dément ;—un thymorégulateur (Dépamide) peut être utilisé dans les mêmes indications queprécédemment ;—un correcteur des effets extrapyramidaux des Neuroleptiques (Lepticur) est parfoisnécessaire (mais pas d'emblée).• Exemples de protocole de traitement immédiat :—Tiapride : 100 mg IM (amp. à 100 mg) ou per os (cp à 100 mg), renouvelable uneheure après si l'agitation persiste ;— ou Alprazolam : 0,5 mg per os (cp à 0,50 mg), relayé par Tiapridal, si l'agitationpersiste une heure après.—ou Zyprexa velotab : un cp à 5 mg• Adapter le traitement à la cause :—agitation anxieuse : prescription de tranquillisants, soit per os avec un compriméd'Alprazolam à 0,25 ou 0,50 mg sublingual ou avalé, soit par voie IM en cas de refusavec Tranxène 1 amp. à 20 mg ; Tiapride est aussi indiqué (1 amp. à 100 mgrenouvelable) ;— agitation maniaque : commencer le traitement neuroleptique avant l'hospitalisation :Tiapride (200 mg), Nozinan (30 à 50 mg), Haldol (5 mg) par voie IM ;—agitation dans un contexte de dépression :•traiter l'anxiété comme précédemment et, si cela n'est pas fait, envisager untraitement antidépresseur ;•hospitaliser en fonction de l'état général, de l'intensité du trouble (mélancolie), durisque suicidaire patent et de l'isolement ;

5.

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Guide pratique de psychogériatrie

— agitation sur délire de préjudice : calmer rapidement le trouble du comportement etprévoir un traitement de fond associant la poursuite du neuroleptique à dose filée(Tiapride, Haldol, Risperdal, Zyprexa, Abilify, Orap) et la mise en route d'un traitementantidépresseur ;— agitation du sujet dément :

—aiguë, utiliser plutôt un neuroleptique sédatif (Tiapride) ;—chronique, envisager un antidépresseur sérotoninergique (Séroplex, Zoloft...) ou un

thymorégulateur (Dépamide).• Agir sur l'environnement avec tact et persuasion est souvent indispensable : informa-tion, incitation à une meilleure tolérance, aménagement des conditions actuelles.• Une hospitalisation s'impose toutefois, lorsqu'une cause somatique grave estsuspectée ou non élucidée, lorsqu'il existe un trouble psychiatrique majeur ou lorsquele contexte socio-familial est précaire.Dans tous les cas, l'hospitalisation doit être clairement expliquée à la personne âgée.L'orientation, qui dépend de la suspicion diagnostique, se fait rarement d'emblée versune structure psychiatrique, mais plutôt vers un service d'accueil d'urgence.Cependant, si l'agitation se complique d'agressivité majeure, s'il y a refus de soin ou sila tolérance de l'entourage est rompue, l'hospitalisation se fera sous contrainte (à lademande d'un tiers et plus rarement d'office).

Correction du cas clinique

1 — Devant une agitation confuse chez un patient dément connu, avec une bronchite,une altération de l'état général et un syndrome inflammatoire biologique, il fautrechercher :En premier lieu, une cause médico-chirurgicale : fracture, luxation, une constipation,métabolique, infectieuse, tumorale, iatrogène...En second lieu, une cause psychiatrique isolée ou intriquée avec une cause organique :anxiété, dépression, situation de crise émaillant l'évolution de la démence (deuil, perte,trouble métabolique...)2 — Les mesures thérapeutiques préconisées :La prescription médicamenteuse symptomatiqueEn urgence :• contention souple brève d'une heure le temps d'obtenir une sédation médicamen-teuse de l'agitation• tiapride (Tiapridal) : 100 mg en intramusculaire• réhydratation et correction des troubles hydroélectrolytiques.Est rajouté à son traitement pour une période de quelques semaines à diminuerprogressivement :• hydroxyzine (Atarax) : 25 mx3/j• alimémazine (Théralène) goutte : 15 mg au coucher.Il est ajouté à son traitement au long cours un agoniste dopaminergique du piribédil(Trivastal) : 100 mg/j.• La radiographie de l'épaule droite est normale ; l'épaule peut être immobilisée pendantquelques jours par un bandage type Dujarrier.• Le scanner cérébral ne montre pas de tumeur ni d'hématome• Une kinésithérapie avec aide active à la marche permettant une amélioration de lamarche est préconisée.

6

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2 1 Agressivité

• L'agressivité signe généralement une souffrance.• Elle renvoie à une pathologie, à un moment de crise ou à une per-

sonnalité.• Sa résolution est délicate, justifiant une prévention engagée.• Cette pathologie fréquente concerne 10 à 15 % des sujets institu-

tionnalisés et des motifs d'hospitalisation. Ce chiffre atteint 30 %chez les patients déments.

CAS CLINIQUEÉliane F. 74 ans est hospitalisée pour hétéroagressivité vis-à-vis de Jacques un autrerésident de l'EHPAD. Ce dernier l'a poussée avec son fauteuil roulant sur un chemin enpente entraînant sa chute et des hématomes... Lui-même, perdant prise, a aussidégringolé dans les talus. L'anamnèse fait ressortir qu'Éliane, qui avait déjà untempérament rigide et directif, depuis un accident de la voie publique dix ans plus tôt,est devenue difficile de caractère. Dans ses antécédents, il faut signaler une cholécystec-tomie. Il est reproché à Éliane de faire intrusion dans la vie des autres résidents et defaire circuler des rumeurs ; elle est aussi accusée d'émettre des pets de façon indélicate.Jacques est le président « du conseil de la vie sociale » de I'EHPAD. Durantl'hospitalisation de crise en psychogériatrie, les examens clinique et complémentairesont normaux. L'entretien montre une personnalité hystérique, surtout théâtrale etsuggestible, un MMS à 25 sans trouble cognitif patent et une humeur dépressivemodérée.

Questions d'auto-évaluation1 — Quels ont été les facteurs favorisant l'agressivité ?2 — Comment traiter cette situation ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITIONS ET CONTEXTE

On distingue l'agressivité normale, synonyme de combativité, de courage, de producti-vité et l'agressivité pathologique qui vise à détruire, à dégrader, à humilier, à imposer,à soumettre...

7.

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Guide pratique de psychogériatrie

L'agressivité est donc une modalité comportementale pathologique qui met en relationun individu agressif avec un ou plusieurs protagonistes éventuellement eux-mêmes

agressifs.Elle complète souvent une agitation, mais elle n'est pas toujours physique et peut êtreessentiellement verbale. L'agressivité demande donc la même démarche clinique que

l'agitation (cf. chapitre 1).

DIFFICULTÉS AVEC L'ENTOURAGE

L'agressivité a tendance à faire rompre la tolérance de l'entourage. À l'inverse,l'entourage peut jouer un rôle important dans le déclenchement ou l'entretien del'agressivité du sujet âgé, en particulier en excluant ou en isolant la personne âgée, quivit cette situation en victime.L'agressivité peut parfois représenter un danger réel, pour les autres, mais aussi pourle sujet lui-même. Sa persistance constitue un obstacle à la socialisation du sujet âgéen famille comme en institution.L'agressivité s'inscrit le plus souvent dans un contexte de souffrance dont elle est parfoisl'unique expression. Elle évoque un mouvement ambivalent d'appel et de rejet vis-à-visd'un interlocuteur.Elle peut être aussi la projection d'une auto-agressivité.

FACTEURS FAVORISANTS ET SITUATIONS À RISQUE

Plusieurs facteurs peuvent favoriser l'émergence d'une agressivité chez la personneâgée.

LA PERSONNALITÉ

Avec l'âge, le seuil de passage à l'acte s'abaisse ; ainsi l'introverti aura tendance às'isoler, à être méfiant et revendicateur, alors que l'extraverti s'exprimera par la colèreet l'agressivité.Les personnalités psychopathiques peuvent facilement manifester de l'impulsivité, del'intolérance à la frustration, un refus d'adaptation et de l'agressivité. Elles s'assagissentcependant avec l'âge.

LES ALTÉRATIONS COGNITIVES

Généralement liées à une pathologie démentielle, les altérations cognitives peuventprovoquer des réactions agressives d'autant plus fréquentes que l'anosognosiel estimportante.

LES DÉTERMINANTS FAMILIAUX

Ils sont aussi à prendre en considération. Certaines familles développent en effet destransactions conditionnées par l'agressivité. En vieillissant, la personne garde ce modede relation aux autres, en particulier en institution.

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Agressivité

il n'est pas rare de retrouver derrière une agressivité des conflits familiaux incessantsou non résolus.

LES SITUATIONS DE DÉSAFFÉRENTATION

Qu'il s'agisse de la désafférentation sociale (la solitude prolongée entraîne alors desréactions agressives envers ceux qui la rompent) ou de la désafférentation sensorielle,elles ont tendance à favoriser l'expression d'une agressivité. En outre, un handicapvisuel ou auditif altère la communication par le langage et réactive une communicationcomportementale.Problème de communication fréquent, un manque d'écoute de la personne âgée, enparticulier en institution, et surtout si celle-ci souffre, peut générer un comportementagressif.

UN ENVIRONNEMENT PSYCHOLOGIQUE OU PHYSIQUE AUSTÈRE

Il peut entraîner un mécontentement et une attitude agressive de réprobation. Il peuten être de même d'un environnement trop complexe où la personne âgée se sentdépassée, dévalorisée, inutile.L'agressivité peut aussi faire suite à des contentions abusives, en particulier prescritespour éviter les chutes.

LA PRISE DE MÉDICAMENTS OU D'ALCOOL

Certains médicaments peuvent occasionner des réactions agressives. Les psychotropespeuvent avoir des effets paradoxaux chez la personne âgée. Ainsi, les benzodiazépinesdesquelles on attend un effet anxiolytique et sédatif peuvent favoriser l'agitation etrendre l'individu agressif. D'autres produits par leur effet excitant peuvent aussiprovoquer des réactions agressives : corticoïdes, extraits thyroïdiens, caféine, codéine...D'autres enfin ont les mêmes conséquences par la confusion qu'ils induisent :cimétidine, anticholinergiques, antiparkinsoniens...L'alcool reste la substance la plus à même de modifier les attitudes et lescomportements de la personne âgée, sans oublier que l'ivresse agressive existe aussi àcet âge.

LES PROBLÈMES ORGANIQUES

Ils peuvent causer des troubles du comportement chez la personne âgée où l'agressivitépeut être au-devant de la scène et d'installation progressive : hématome sous-durai,hyperthyroïdie, fécalome... Lorsque l'agressivité débute plus brutalement, il faut penserà une hypoglycémie, des troubles du rythme, une rétention urinaire, une coliquenéphrétique...

LA DÉPRESSION MASQUÉE

La dépression hostile se caractérise cliniquement par une attitude régulièrementquerelleuse, coléreuse et agressive. Il faut savoir chercher derrière ce masque les

9.

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Guide pratique de psychogériatrie

symptômes fondamentaux de la dépression, marquée par les pertes (d'intérêt, du goûtà faire les choses, de la capacité à éprouver du plaisir...).Un état mixte (dépression avec composante maniaque) peut aussi s'exprimer par uneagitation agressive.

L'ANXIÉTÉ

Dans sa forme aiguë (attaque de panique) ou chronique (anxiété généralisée), l'anxiétépeut aussi entraîner des gestes et des propos agressifs.

LE DÉLIRE

La pathologie délirante, organisée autour du préjudice et de la persécution, peut évoluervers des troubles du comportement : isolement, repli, revendication, mais aussi actesviolents envers les protagonistes suspects (famille, voisins, etc.).

LES SITUATIONS DE PERTE

Certains sujets âgés peuvent réagir par des comportements violents et par une auto-agressivité à des situations brutales de perte (de proches, de leur liberté, de leurautonomie, de leur moins bonne adaptabilité, etc.).

TABLEAUX CLINIQUES

• On peut distinguer l'agressivité aiguë qui est le plus souvent le fait d'une situation decrise ou d'un processus organique pathologique brutal, de l'agressivité chronique plutôtliée à des circonstances environnementales et au tempérament de la personne âgée.Dans cette deuxième éventualité, elle s'associe souvent à des troubles du caractèremarqués par de l'intolérance, une impatience, de l'irritabilité et une tendance coléreuseet revendicatrice.• L'agressivité physique va se traduire par des bris d'objets, des coups, des pincements,des morsures, mais aussi par des conduites d'opposition ou de refus, des fugues, desdéambulations, du tapage (surtout nocturne), voire par des conduites addictivesanarchiques et dangereuses.• L'agressivité verbale s'exprime par des injures, des propos calomnieux, des menaces,mais aussi par des cris.

POSSIBILITÉS THÉRAPEUTIQUES

L'approche thérapeutique de l'agressivité doit tenir compte, s'il y a lieu, du rôle et dela signification des symptômes dans l'univers relationnel du sujet âgé.

PEUT-ON ÉVITER DE TRAITER ?

L'abstentionnisme thérapeutique risque d'entraîner l'éloignement de l'entourage, laprescription ultérieure de fortes doses de sédatifs (responsables de confusion, de

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Agressivité

troubles de l'équilibre et de chutes) et le retournement de l'agressivité sur le sujet lui-même (risque de passage à l'acte suicidaire).

TRAITER L'AGRESSIVITÉ À SA SOURCE

Une bonne thérapeutique de l'agressivité doit prendre en compte les éventuellespathologies favorisantes (dépression, anxiété, délire, troubles organiques décelés...).

DIALOGUER, ÉCHANGER

Même si le dialogue peut s'avérer parfois difficile, il peut enrayer l'agressivité. L'écouted'un soignant bienveillant, attentif et adoptant une attitude ferme est souvent efficace.La recherche de causes relationnelles, conflictuelles sera systématique pour lesdédramatiser et essayer de leur trouver des solutions (réorganisation du fonctionnementfamilial ou institutionnel, aménagement de l'environnement...).La dédramatisation de certaines situations, le respect de certaines expressionsagressives, l'incitation à une meilleure tolérance par les familles constituent desattitudes qui peuvent supprimer l'agressivité.

PARFOIS DES MÉDICAMENTS

Une prescription médicamenteuse devra être soigneusement expliquée pour obtenir uneobservance optimale. Cette médicalisation n'est pas toujours nécessaire. Elle se justifiesurtout devant l'agressivité chronique et physique.Dans l'urgence, une sédation par voie injectable peut être réalisée :—Tiapridal : 100 à 200 mg IM (amp. à 100 mg) ;— ou Équanil : 400 mg IM (amp. à 400 mg).En traitement de fond, dans le but d'atténuer un caractère irascible et agressif, on peutessayer :— un antidépresseur sérotoninergique (Divarius, Fluvoxamine, Prozac, Séroplex,Zoloft) à la posologie d'un comprimé par jour ;—ou un thymorégulateur (Dépamide, Dépakine, Dépakote) à la posologie d'au moinsdeux comprimés par jour.

DANS LE CADRE INSTITUTIONNEL

Dans ce contexte, et selon les moyens dont on dispose, il est possible d'établir desprogrammes (curatifs, mais aussi de prévention) concernant les vieillards agressifs :— nursing affectueux (toilettes attentives et respectueuses, habillage dans la douceur,repas gais et soignés) ;—rééducation, massages, relaxation ;—soins esthétiques ;— ergothérapie ;—activités physiques adaptées ;— sociothérapie par des animations culturelles ;—groupe de parole.

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Correction du cas clinique

1 — facteurs favorisants :• traits de personnalité hystériques et psychorigides• altération cognitive• dépression• handicap• limitation de l'activité physique et des rôles sociaux• situation de perte• environnement psychologique austère2 — attitude soignante :• éviter de donner des médicaments dans un premier temps,• traiter l'agressivité à sa source notamment à travers une meilleure régulation desinteractions dans le cadre institutionnel• psychothérapie avec un référent institutionnel.

Guide pratique de psychogériatrie

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3 I Alcoolismeet autres addictions

• L'alcoolisme n'est pas rare chez la personne âgée, l'addiction à cer-tains psychotropes non plus.

• L'un comme l'autre sont insuffisamment dépistés et pris en charge.• L'alcoolisme tardif est souvent comorbide, en particulier de troubles

anxieux et/ou dépressifs.

DÉFINITIONS ET CONTEXTEOn entend par addiction le lieu de rencontre d'une personne, d'un produit et d'unmoment socio-culturel.Chez le sujet âgé, les deux principales addictions sont l'alcoolisme et les surconsomma-tions médicamenteuses.La fréquente méconnaissance de ces addictions par l'entourage du sujet âgé et par lessoignants, ou parfois les attitudes du sujet lui-même, de sa famille ou même de sonmédecin, peuvent être de sérieux obstacles pour leur identification et leur traitement.Il est donc fréquent que le diagnostic d'alcoolisme ou de dépendance médicamenteusesoit porté lors d'une complication organique ou psychiatrique.

L'ALCOOLISME

CAS CLINIQUEDaniel D., 84 ans, présente des troubles du comportement quelques jours après unehospitalisation d'une journée en clinique pour une cure herniaire, à la suite de laquelleil est orienté en structure de moyen séjour. À l'admission, le patient est désorienté dansle temps et dans l'espace. Il a des fausses reconnaissances et prend l'interne pour unepersonne rencontrée au cours de la guerre d'Algérie. Parfois le patient est anxieux etperplexe. On observe des déambulations incessantes. Il existe une recrudescencevespérale des symptômes. Son traitement au moment de l'admission comportait entreautre de l'oxazépam (Séresta 30 mei).L'enquête familiale révèle l'existence d'une consommation régulière d'alcool aggravée aumoment de la retraite. Actuellement, le patient buvait 1,5 litre de vin rouge par jouravant son hospitalisation. Il existerait aussi de façon progressive depuis deux ans desoublis bénins et des troubles du caractère marqués par de l'agressivité et de l'irritabilité.Il a fait un accident ischémique transitoire trois ans plus tôt.

13.

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Guide pratique de psychogériatrie

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre hypothèse diagnostique ?2 — Quelle est votre conduite pratique ?

Voir réponses en fin de chapitre.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Dans la population générale des plus de 65 ans, la prévalence de l'alcoolisme varieentre 2 et 15 %, mais en institution, l'abus d'alcool se situe entre 5 et 70 %.L'alcoolisme est une affection primaire, chronique, comportant des facteurs génétiques,psychosociaux et environnementaux qui influencent son développement et ses manifes-tations.La maladie alcoolique est caractérisée par une perte du contrôle de la consommationde boissons alcoolisées, une préoccupation centrée sur l'alcool, une utilisation del'alcool malgré ses conséquences néfastes, et des distorsions dans le fonctionnementde la pensée, plus particulièrement marquées par un déni.

QUELQUES CARACTÉRISTIQUES DE L'ALCOOLISME DU SUJET ÂGÉ

LES PROBLÈMES LIÉS À L'ALCOOL

Les complications suivantes sont caractéristiques de l'alcoolisme chez le sujet âgé :—les chutes et les accidents ;—l'incohérence alimentaire ;—les problèmes familiaux, comportant en particulier l'isolement social ;— et, le principal d'entre eux, les conséquences organiques liées aux ingestions massivesd'alcool.

DÉPENDANCE ET TOLÉRANCE

Pour parler d'alcoolisme, il faut retrouver un syndrome de dépendance et une tolérance.Ils sont souvent moins marqués et plus tardifs que chez le sujet jeune.• La tolérance, définie par l'augmentation de la consommation d'alcool, est différentechez le sujet âgé du fait des modifications physiologiques, en particulier desdiminutions du compartiment hydrique et du métabolisme hépatique de l'alcool ; /esquantités d'alcool consommées seront ainsi moindres pour observer les mêmes effets.• Chez le sujet âgé, la vulnérabilité est différente par rapport à une population plusjeune. Les conséquences somatiques (en particulier cérébrales) d'un usage prolongé etimportant d'alcool peuvent en effet être sévères chez le sujet âgé. Dans l'ensemble, lespersonnes âgées alcooliques ont aussi plus de problèmes de santé que la populationâgée non alcoolique.• Le stade de dépendance décrit une double assuétude physiologique et psychologiquevis-à-vis de l'alcool.• Le déni, trait dominant du trouble, est renforcé chez beaucoup de sujets âgés, quigardent des croyances bien ancrées que l'alcoolisme est une défaillance morale et un

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Alcoolisme et autres addictions

trouble du caractère. Il joue aussi un rôle du côté de certains soignants qui peuventavoir leurs propres problèmes avec l'alcool.• En outre, les médecins peuvent adopter une position pessimiste quant au pronosticet croire de façon erronée que leurs patients seront mieux si leur comportementalcoolique est laissé inchangé pour leurs dernières années à vivre.

LES DIFFÉRENTS MODES DE CONSOMMATION ALCOOLIQUE

Deux groupes de patients alcooliques âgés ont été décrits — ceux dont l'alcoolisme estapparu relativement tôt dans leur existence, où l'alcool est intégré depuis longtempsdans l'économie psychique du sujet et est souvent en rapport avec des troubles de lapersonnalité, et ceux dont l'addiction a débuté vers 60 ans ou plus tard. On estime quela moitié ou les deux tiers d'entre eux appartiennent au premier groupe.

ADDICTION PRÉCOCE

Dans le groupe d'alcooliques anciens dont la pathologie s'est installée à l'âge adulte ets'est poursuivie au troisième âge, il s'agit principalement non pas d'alcooliques gravesavec dépendance dont la longévité est compromise, mais surtout de buveurs excessifs,qu i même s'ils ont pu un temps modérer leur consommation, en ont repris une plusimportante du fait de facteurs négatifs liés à leur environnement.• La sénescence pourrait avoir une influence positive sur cette conduite ancienne.Une consommation élevée à une période donnée de l'existence peut aussi avoir pourconséquences des perturbations physiologiques et psychologiques durant la vieillesse.Savoir si ces déficits sont attribuables aux effets de l'alcool et/ou aux effets duvieillissement n'est cependant pas toujours évident.• En institution, dans la majorité des cas, l'alcoolisme est antérieur au séjour. Il estentretenu par la consommation de boissons alcoolisées dans les bars ou apportéesclandestinement.• Deux groupes de causes favorisent cette conduite :— des causes anciennes : le bas niveau intellectuel, les traditions du pays, les conditionssocio-économiques difficiles, le nombre de bars ;— des causes pérennisant la conduite : le manque d'intégration, le manque dedistraction et l'ennui, le manque de relation et de soutien affectif, la vétusté des locauxet parfois la complaisance du personnel.L'alcoolisme des vieillards institutionnalisés ne serait donc pas un problème médical,mais souvent un problème social.

ADDICTION TARDIVE

• Pour supporter des difficultés liées

L'alcoolisme de début tardif correspond le plusmoyen de l'alcool de difficultés apparues avecpremier plan comme l'isolement, la retraitepremières années de la cessation d'activité, laou grabataire, le veuvage, la perte d'amis, ladouloureuse ou invalidante. On retrouve plusinfluences génétiques.

à l'âge

souvent à une tentative de résolution aul'âge. Les facteurs situationnels sont auavec une particulière vulnérabilité lesprésence au foyer d'un conjoint infirmedépression ou une maladie somatiquerarement une histoire familiale ou des

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Guide pratique de psychogériatrie

• Parfois révélation d'un alcoolisme latentBeaucoup de ces sujets considérés comme ayant un alcoolisme tardif peuvent en faitavoir un alcoolisme non détecté ou plusieurs périodes de consommation excessiveaccumulées depuis des années, et, à la faveur d'événements de vie récents, la maladiedevient manifeste.

• Les hommes avant les femmesLe problème de la consommation d'alcool tend cependant à apparaître plus tard chezles femmes que chez les hommes.

• Aisés et cultivésLe statut économique et social influe sur l'alcoolisme du sujet âgé comme aux autresâges. Les personnes âgées à faible revenu ont moins tendance à boire que celles quisont plus aisées. Il en est de même pour celles d'un plus faible niveau d'éducation.En général, les patients âgés avec un alcoolisme de survenue tardive ont des revenusplus élevés et un niveau éducationnel plus important que ceux dont le début del'addiction est précoce.

INTOXICATION AIGUË OU CHRONIQUE

• L'ivresse aiguë est encore plus à risque chez le sujet âgé. En particulier lescomplications biologiques sont plus fréquentes : hypoglycémie et ses conséquences,troubles osmolaires avec déshydratation cellulaire, etc.• L'addiction alcoolique chronique est marquée par des complications somatiques(digestives, nutritionnelles), neurologiques, psychiatriques et des conséquences socialesnégatives.Le vieillissement modifie la réponse de l'organisme à l'alcool et aux autres substances,incluant la qualité et le taux de l'absorption, de distribution et d'excrétion. Pour unemême quantité d'alcool absorbée, l'alcoolémie est supérieure chez le sujet âgé que chezle sujet jeune, car son volume hydrique est relativement plus bas.De plus, les effets que le vieillissement a quelquefois sur la sexualité, les fonctionssensorielles et le sommeil peuvent être aggravés par une consommation chronique etimportante d'alcool.Cette conduite contribue à accélérer le vieillissement et la déchéance tant physiquequ'intellectuelle et sociale. Elle favorise les infections, les chutes et leurs conséquencesostéo-articulaires et interfère avec le métabolisme et la tolérance de nombreuxmédicaments.

CONSÉQUENCES DE L'ALCOOLISME

LES EFFETS PSYCHOLOGIQUES

Les séquelles psychologiques de l'interface alcool-vieillissement peuvent être majeures.

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Alcoolisme et autres addictions

• Alcoolisme solitaire

Qu'il s'agisse d'un alcoolisme ancien ou à début tardif, la consommation a rarement lieuen groupe. Les sujets âgés consomment seuls, en cachette, et plutôt des alcools fortspour rechercher l'ébriété. L'alcool est parfois fourni par un entourage complaisant.

• Association aux tranquillisants

L'addiction à l'alcool est très souvent associée chez le sujet âgé à une dépendance auxtranquillisants.

• Les intrications avec l'anxiété et la dépression

Une des tâches du clinicien est de déterminer si la morbidité psychiatrique diagnosti-quée, et en particulier une dépression, est symptomatique de l'alcoolisme ou vice versa,ou si ce sont en fait des troubles coexistants.L'anxiété (surtout phobique) et l'alcoolisme sont souvent associés dans une interrelationcomplexe, car l'anxiété compliquant un alcoolisme ne se distingue pas facilement d'unalcoolisme secondaire à un trouble anxieux. Dans un premier temps, l'alcool apaise lestensions, puis il est générateur d'anxiété.Les dépressions sont le plus souvent secondaires à la dépendance alcoolique.Cliniquement, il est difficile de distinguer les symptômes de l'intoxication ou du sevragealcoolique des symptômes dépressifs.Les signes tels qu'asthénie, désintérêt, repli, dysphorie avec tristesse, irritabilité,troubles du sommeil sont communs à l'alcoolisme et à la dépression.En cas de dépression associée à l'alcoolisme, le risque suicidaire est majoré, l'alcoolfacilitant le passage à l'acte. Dans beaucoup de cas, le sentiment de désespoir quiaccompagne l'alcoolisme pourrait être plus significatif que la dépression commeprincipal facteur causal.Les interactions entre dépression et alcoolisme sont plus fréquentes chez la femme ; enparticulier, l'alcoolisme est souvent secondaire à la dépression.

• Du retrait social à l'urgence psychogériatrique

L'alcoolisme dans cette classe d'âge peut aussi avoir des conséquences socialesd'autant plus dramatiques que les effets de l'âge se conjuguent aux effets néfastes dela dépendance alcoolique. Le désinvestissement progressif des activités, le retraitsocial, l'isolement peuvent aboutir à des tableaux d'incurie et de détresse vitale etconstituer une urgence psychogériatrique.

LES COMPLICATIONS SOMATIQUES

Elles sont très diverses• digestives troubles gastro-intestinaux, gastrites, pancréatites aiguës ou chroniques,cirrhoses hépatiques et risque de cancérisation ;• cardio-vasculaires, avec surtout une atteinte myocardique ; mais une tensionartérielle systolique élevée est aussi très fréquemment retrouvée chez les sujets âgésalcooliques ;• nutritionnelles, associant les carences d'apport, les malabsorptions par la muqueusedigestive lésée par l'éthanol et les troubles du métabolisme des différents nutriments ;

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Guide pratique de psychogériatrie

les déficits en vitamines Bl, B6, B12, PP et en folates peuvent entraîner des troublesneuropsychiatriques graves ;• neurologiques, qui peuvent aussi être sévères :— polynévrites des membres inférieurs sensitivomotrices pouvant aboutir à unedégénérescence irréversible et à un état grabataire ;—névrites rétro bulbaires débutant par une baisse progressive de l'acuité visuelle et, ens'aggravant, évoluant vers une cécité ;—encéphalopathie de Gayet-Wernicke-Korsakoff, regroupant deux entités dont lediagnostic chez la personne âgée est souvent méconnu, les troubles mnésiquesconstatés pouvant faire évoquer un état démentiel irréversible ; une vitaminothérapieB1 intensive peut entraîner une évolution favorable ; l'encéphalopathie de Gayet-Wernicke est marquée par des troubles de la vigilance (somnolence, confusionmentale...), des signes d'hypertonie, un grasping, des signes cérébelleux avec troublesde l'équilibre et des atteintes motrices oculaires ; cette encéphalopathie peut évoluersous une forme séquellaire vers un syndrome de Korsakoff qui associe une désorienta-tion temporospatiale, des troubles mnésiques avec amnésie antérograde, une fabula-tion, de fausses reconnaissances et une polynévrite des membres inférieurs ; les lésionsanatomopathologiques siègent au niveau du circuit de Papez hippocampo-mamillo-thalamique, intégrateur de la mémoire ;—atrophie cérébrale, avec cliniquement une sémiologie très variable, marquée au débutpar des troubles mnésiques et évoluant progressivement vers une altération desfonctions cognitives et un tableau de démence alcoolique ; les lésions anatomiques sontreprésentées par une atrophie d'abord corticale, puis sous-corticale avec dilatationventriculaire ;—hématome sous-durai chronique, à évoquer même si la notion de chute est passéeinaperçue devant un tableau associant des céphalées chroniques, des troubles ducomportement, une incontinence, un déficit moteur à chercher systématiquement ;— crises comitiales, surtout lors de périodes de sevrage.• oto-rhino-laryngologiques : les cancers de la bouche, du larynx et de l'oesophage nesont pas rares chez les sujets âgés, en particulier chez ceux qui, de surcroît, fument.• orthopédiques l'alcool joue en effet un rôle dans beaucoup de cas de fractures après65 ans, en particulier du col du fémur, et de façon identique pour les deux sexes.Hormis les chutes liées aux alcoolisations, un déficit plus important de la densitéosseuse est aussi impliqué.

SYNDROME DE SEVRAGE• Par rapport à la population plus jeune, il faut noter que le syndrome de sevrage peutêtre retardé, souvent plus prolongé et généralement plus sévère.• Un facteur déclenchant de ce syndrome doit toujours être recherché.• Les signes neurologiques associent tremblements, agitation, insomnie, état confuso-onirique, dysarthrie, troubles de l'équilibre et de la coordination à un syndrome généralqui en fait la gravité éventuelle (on parle alors de delirium tremens).• Le syndrome général comporte une fièvre, une tachycardie, des sueurs profusesconcourant à un état de déshydratation sévère. Il peut y avoir aussi d'importanteshallucinations et un risque de crise comitiale.

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Alcoolisme et autres addictions

COMMENT AFFIRMER L'ALCOOLISME DU SUJET ÂGÉ ?

PAR UN BILAN CLINIQUE ET BIOLOGIQUE DE MÉDECINE GÉNÉRALE

L'évaluation d'un sujet âgé qui semble présenter un problème lié à l'alcool devraitcomporter :• un examen physique complet ;• un dépistage d'autres signes d'alcoolisme dans l'histoire médicale, tels que desproblèmes passés ou actuels d'hyperuricémie, de troubles gastro-intestinaux, d'hyper-tension artérielle, d'insomnie, de malnutrition et de diabète instable ;• un bilan biologique général : numération et formule sanguines, créatininémie,uricémie, glycémie, électrophorèse des protéines, cholestérolémie, triglycéridémie,natrémie, kaliémie, TSH US et ciblé sur les marqueurs de l'alcoolisme malgré leurfiabilité relative : volume globulaire moyen (VGM), gamma glutamyl transpeptidase(gamma GT) ;• le recueil de ses habitudes alimentaires ;• une estimation de son état mental (cognitif et psychologique) ;• une appréciation de son attitude face au vieillissement ;• une reconstitution biographique soigneuse répertoriant les consommations récenteset anciennes d'alcool, de tabac et d'éventuelles autres substances prescrites ouillégales. En effet, il est fréquent qu'il y ait un usage concomitant d'anxiolytiques,d'hypnotiques et d'autres médications psycho-actives.

GRÂCE AUX INSTRUMENTS DE DÉPISTAGE STANDARDISÉS

• L'utilisation par les médecins d'instruments de dépistage de l'alcoolisme en auto ouen hétéro-évaluation est devenue plus familière par exemple par le questionnaire DETA(Diminuer, Entourage, Trop, Alcool), en particulier avec des questions telles que « Avez-vous observé que votre consommation d'alcool a augmenté après le décès d'unproche ? » ou « Est-ce que l'alcool vous rend somnolent au point que vous vousendormiez souvent dans votre fauteuil ? ».• En France, pour détecter l'alcoolisme chronique, un certain nombre de techniquessont utilisées, dont la grille de dépistage de Le Gô, recherchant des signes cliniquesobjectifs, des signes subjectifs, des marqueurs biologiques (VGM, gamma GT), mais cesexamens sont d'interprétation plus difficile chez la personne âgée.La principale barrière à franchir reste malgré tout celle du déni affiché par le patient etparfois par sa famille, pour que toutes les parties concernées soient capables d'accepterun projet thérapeutique.

UN TRAITEMENT SOUVENT HOSPITALIER

La prise en charge de l'alcoolo-dépendance chez le sujet âgé nécessite le plus souventune hospitalisation tant pour réaliser un sevrage que pour évaluer les conséquencespsychosomatiques et leur traitement le cas échéant.

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Guide pratique de psychogériatrie

Grille de GÔElle comporte 12 cases disposées en deux lignesSignes objectifs d'examen (cotés de 0 à 5) :—Aspect :visage (télangiectasies, acné, bouffissure, congestion, couleur terreuse) ;conjonctives (fond jaunâtre, dilatation des capillaires, yeux ternes, oedème palpébral) ;langue (enduit homogène ou fendillé, crevasses marquées de l'empreinte des dents, dosde la langue pastelle, violacée ou lie de vin).—Tremblements :bouche (commissures la bouche à demi ouverte) ;extrémités ;langue (partiellement tirée, tremblements vermiculaires).Score entre 0 à 30

Troubles subjectifs :— Neuropsychiatriques (troubles du sommeil, cauchemars, troubles du caractère,troubles de la mémoire, troubles sexuels...)—Troubles digestifs (pituites, soif...)—Troubles moteurs (crampes, fatigabilité...) et accidentsAutres :—Taille du foie—TA— Poids

Entre 0 et 3 : abstinence ou sobriétéEntre 3 et 5 : intoxication présente entre 3 et 5 (buveur excessif)Entre 5 et 11 : intoxication évidente sans dépendanceAu delà : dépendance physique, particulièrement importanteAu-delà de 17 : dépendance physique très importante

Questionnaire DETAD : avez-vous déjà eu besoin de Diminuer votre consommation d'alcool ?E : votre Entourage vous a-t-il déjà fait des remarques au sujet de votre consommationd'alcool ?T : avez-vous l'impression que vous buvez Trop ?A : avez-vous le besoin d'Alcool le matin pour vous sentir en forme ?

LA CURE

• Le sevrage doit se faire sous surveillance médicale, afin de contrôler ou de prévenirles signes de ce sevrage et surtout les complications graves mettant en jeu le pronosticvital, en particulier le delirium tremens et les crises comitiales...• L'hydratation est essentielle par voie orale ou parentérale ainsi que les apportsioniques, avec une attention particulière chez les sujets âgés qui ont l'habitude de

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Alcoolisme et autres addictions

prendre des diurétiques. La surveillance clinique et biologique évalue l'évolution dusevrage.• Une prescription de psychotropes est souvent associée à titre préventif, en sachantque chez le sujet âgé leur maniement est plus délicat, car ces molécules peuvent aussiinduire ou aggraver un état confusionnel :— la classe des benzodiazépines est la plus utilisée, oxazépam (Séresta : 150 mg/j) ;—mais certains préfèrent les carbamates (Équanil : 1,2 g/j) et— certains neuroleptiques (Tiapride : 300 mg/j) ou la lévomépromazine (Nozinan : 50à 100 mg/j), plus sédatifs dans les formes agitées et confuses.Cette prescription est courte, de deux à quatre semaines, avec une diminutionprogressive de la posologie jusqu'à l'arrêt.• Une polyvitaminothérapie, comportant en particulier la thiamine (vitamine B1)pendant 10 jours, la vitamine B6 et, en fonction des carences, les vitamines B12 et B9(folates) est plutôt systématiquement associée, pour prévenir le développement d'uneencéphalopathie et de neuropathies périphériques.En pratique :—Vitamines B1-86-812 3 cp/j ;— et Spéciafoldine : 2 cp/j.• Le disulfiram, comme thérapeutique antabuse pouvant aider à maintenir l'absti-nence, est peu utilisé chez la personne âgée à cause de la possibilité d'effets cardio-vasculaires indésirables.• L'acamprosate (Aotal) comme la naltrexone (Revia) ne sont pas encore indiqués si lesujet est âgé.

TRAITER LES TROUBLES ASSOCIÉS

Il est aussi important de traiter les troubles psychiatriques associés, les troubles anxieuxet les troubles dépressifs étant les plus fréquemment rencontrés.• Le choix de l'antidépresseur, une fois le sevrage réalisé, obéit aux mêmes règles deprescription que pour le traitement de la dépression isolée.• L'anxiété secondaire à l'alcoolisme nécessite aussi un sevrage alcoolique complet etprolongé. La prescription d'anxiolytiques doit tenir compte du risque d'entraîner unesurconsommation de ces produits et une dépendance. Il est donc important de ne paspérenniser leur administration.• L'accompagnement psychologiqueIl fait partie du projet de traitement à long terme.Les différentes techniques psychothérapiques ont une place importante, que ce soit lesméthodes de psychothérapie de soutien, les psychothérapies à médiation corporelle(relaxation...), les méthodes comportementales apprenant au sujet des alternatives àl'alcoolisation, ou surtout les psychothérapies de type Gestalt.Les programmes thérapeutiques qui gratifient les relations sociales et les aspectspositifs de la vie du patient ont démontré qu'ils amélioraient beaucoup plus le devenirdes patients que ceux qui utilisent le modèle traditionnel de la confrontation et qui sefocalisent sur les erreurs du passé.

VOLET SOCIAL

Il est aussi à prendre en compte avec, pour les patients vivant à domicile,l'aménagement des conditions de vie en profitant de toutes les mesures d'aide au

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maintien chez eux (portage de repas à domicile, aides ménagères, club du 3e âge,etc.)Le maintien ou l'amélioration du support social est aussi très important pour aider lepatient à trouver des alternatives en remplacement de la conduite pathologique commeinfluence dominante de son existence. Ceci est particulièrement vrai pour l'alcoolismede début tardif.

AUTRES POSSIBILITÉS DE PRISES EN CHARGE

• Une prise en charge en hôpital de jour psychogériatrique est proposée dans certainscas précis, en particulier dans le cadre de la prise en charge des altérations desfonctions cognitives.• Pour les patients vivant déjà en institution (maison de retraite, cure médicalisée),l'approche thérapeutique se fait avec l'aide de l'équipe soignante de l'établissement.• Enfin, certains groupes associatifs, qui voient arriver en leur sein de plus en plus depersonnes relativement âgées (Vie Libre, Alcooliques Anonymes, etc.), peuvent êtred'une grande aide dans le soutien à long terme.Pour tout praticien, il est donc important de connaître et d'être familiarisé avec lesmoyens (et leur accessibilité) dont il dispose pour répondre au projet de soins prolongésque l'alcoolisme nécessite.Il n'est malheureusement pas encore prévu des prises en charge spécifiques (en groupe)pour les personnes âgées, qui rendraient plus compliants les patients.

PRONOSTIC

Quoi qu'il en soit, la guérison est aussi variable qu'aux autres âges de la vie, avec desrechutes et des rémissions qui dépendent beaucoup d'une interaction complexe entredes conditions propres à l'individu âgé et des circonstances parfois extérieures.Mais l'âge ne doit pas être un facteur péjoratif contre la motivation de soins...

PRÉVENTION ET RECOMMANDATIONS

• Une prévention primaire de l'alcoolisme tardif consiste principalement à réduire lesfacteurs de risque représentés par les difficultés à faire face aux changements de rythmede vie et à la retraite.

• LA PRÉVENTION SECONDAIRE

La prévention secondaire repose sur /e dépistage précoce des premiers signesd'imprégnation alcoolique ou de troubles liés à une consommation abusive d'alcool, enimpliquant parfois la famille et les amis (particulièrement en maisons de retraite).Elle doit aussi comporter une information simple et suffisamment claire sur les méfaitsd'une consommation abusive d'alcool, en prodiguant la modération, méthode qui amontré une efficacité évidente en médecine générale.• En termes de recommandations, il est impératif de rappeler que tout médecin estimpliqué dans les différentes étapes que sont la prévention, le diagnostic et letraitement.

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Alcoolisme et autres addictions

Le psychiatre du sujet âgé serait dans un réseau de soins celui qui va répondre à l'appelà l'aide du médecin de famille ou du gériatre responsable d'une structure d'accueil pourpersonnes âgées. Il doit pouvoir faire face aux différentes demandes de soins et destratégies thérapeutiques à long terme qui s'intègrent inévitablement dans un réseaumultidisciplinaire.

Correction du cas clinique

1 — Devant ce tableau confus'onnel et compte tenu des antécédents on peut évoquer unsyndrome de sevrage brutal d'une dépendance à l'alcool, iatrogène (du fait del'hospitalisation pour cure herniaire). Ce tableau aggrave probablement des troublescognitifs évoluant à bas bruit.2 — En pratique :—le bilan biologique montre des signes d'imprégnation éthylique (VGM : 102), légèrecytolyse hépatique (TGO : 60, TGP : 70, gammaGT : 100) ; il existe un syndromeinflammatoire sans hyperleucocytose ;—le MMS est à 24/30 après stabilisation du patient (15 jours après l'admission) ;—l'électrocardiogramme et l'électroencéphalogramme sont normaux ;— la TDM cérébrale montre des images micro-lacunaires disséminées dans les régionspariéto-lenticulaires et caudées gauches et droites et une atrophie cortico-sous-corticalediffuse ;—la prévention d'un delirium tremens a été renforcée dès l'admission : réhydratationsuffisante par voie parentérale avec apport d'électrolytes et de vitamines Bl, B6 et PP ;tiapride (Tiapridal : 100 mg x3j, diminué progressivement après 15 jours) ;— les contentions ont été évitées ;—la posologie d'oxazépam (Séresta) a été renforcée à 100 mg/j avec diminutionprogressive.

LA DÉPENDANCE MÉDICAMENTEUSE

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

• Les tranquillisants en tête.Les dépendances médicamenteuses rencontrées chez la personne âgée concernentprincipalement les tranquillisants : hypnotiques, sédatifs surtout benzodiazépiniques etplus rarement de type barbituriques.• L'enquête PAQUID a évalué la consommation médicamenteuse chez le sujet âgévivant à domicile et en institution : 89 % des sujets vivant à domicile et 94,9 % eninstitution sont traités par au moins un médicament ; 40,4 % des sujets vivant àdomicile et 56 % en institution utilisent plus de quatre médicaments. En tête, viennentles médicaments cardio-vasculaires, suivis des psychotropes utilisés par 39,1 % despatients à domicile et 66,4 % en institution, avec une consommation prépondérantedes benzodiazépines (31,9 % à domicile et 42,9 % en institution).• L'utilisation de benzodiazépines est plus fréquente chez les sujets avec desantécédents de pathologies mentales et surtout de dépressions, ainsi que chez les

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femmes, et lorsque l'état de santé est dégradé. La prise au long cours de ce type detraitement pose le problème du risque d'accoutumance et de dépendance.• Chez le sujet âgé, l'addiction aux médicaments est très souvent liée à l'alcoolisme.Chez les non alcoolo-dépendants, sa prévalence est de 3,5 % alors qu'elle s'élève à18 % chez les sujets alcooliques. Plus d'un quart des personnes âgées consommentrégulièrement des psychotropes, encore principalement des benzodiazépines et surtoutdans un but hypnotique. Ce pourcentage peut atteindre 66 % en institution. Cesprescriptions seraient inappropriées dans 65 % des cas.

CONSÉQUENCES : ESSENTIELLEMENT PSYCHIATRIQUESLes effets secondaires liés à la prescription de benzodiazépines peuvent être majoréschez le sujet âgé. Ce sont principalement :• les effets sédatifs et hypnotiques qui sont à l'origine d'un ralentissement moteur,d'une baisse de la vigilance, d'une somnolence ; à l'extrême, ils peuvent réaliser untableau de confusion mentale et même engendrer de graves troubles mnésiques ; desexcès chroniques peuvent entraîner des tableaux pseudo-démentiels ;

• les effets myorelaxants qui peuvent entraîner des chutes aux conséquences parfoissévères ;

• les effets paradoxaux, avec excitation psychomotrice, majoration de l'anxiété, troublesdu caractère ou agressivité, troubles du sommeil avec recrudescence de cauchemars ;la surconsommation de benzodiazépines peut être aussi à l'origine de symptômesdépressifs ; la pertinence de ce type de prescription doit donc toujours être réévaluée ;• l'automédication participe parfois à l'addiction médicamenteuse ; on l'observeprincipalement avec les antalgiques, les laxatifs et les anxiolytiques.

LE SEVRAGE EST LE PLUS SOUVENT HOSPITALIER

UN SEVRAGE PROGRESSIF CONTRÔLÉ

La dépendance médicamenteuse aux benzodiazépines justifie une prise en charge leplus souvent hospitalière pour réaliser une diminution progressive. Le traitement estcontrôlé par le personnel soignant qui s'enquiert de phénomènes de rebond d'anxiété.Ils seront éventuellement soulagés par une autre classe thérapeutique comme Tiapride(200 à 300 mg/j).

SURVEILLER L'APPARITION DES PATHOLOGIES PSYCHIATRIQUESDÉBUSQUÉES

Si une éventuelle pathologie émerge lorsqu'on réduit la posologie des benzodiazépines,elle sera traitée en conséquence (dépression, névrose, etc.).

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Alcoolisme et autres addictions

LE TABAGISME

LES RISQUES SONT LES MÊMES QUE CHEZ LES GENS MOINS ÂGÉS

• L'addiction tabagique n'a pas fait l'objet d'étude chez le sujet âgé. Il ne semble pasexister de tabagisme de survenue tardive.• On sait seulement qu'une prévention devrait être aussi envisagée devant le constatque les fumeurs persistants durant le troisième âge aggravent statistiquement leurrisque de maladie respiratoire ou de cancer pulmonaire par rapport à ceux qui ont cessédurant la vie adulte.• Le tabagisme persistant est généralement associé à une consommation tout aussiexcessive d'alcool et le cumul des deux apparaît délétère sur les fonctions cognitives.

TRAITEMENT

• L'arrêt du tabac, motivé ou non, peut entraîner une réaction dépressive qui doit êtretraitée.• Le tabagisme « arrosé » justifie un arrêt de l'alcoolisme, mais le sevrage tabagiqueest alors difficile à obtenir de façon concomitante et ne doit être envisagé que dans unsecond temps.• L'arrivée du buproprion (Zyban), indiqué dans le sevrage tabagique, va peut-êtrepermettre d'aborder ces situations autrement, mais il n'est actuellement pas indiquéchez le sujet âgé.

LES DÉPENDANCES TOXICOMANIAQUES• Les toxicomanies au cannabis, à l'héroïne ou à la cocaïne sont très rares après 65ans. Le cycle naturel de l'évolution de la toxicomanie montre un arrêt quand les sujetsatteignent l'âge du milieu de la vie. Aux États-Unis, dans les « programmesméthadone », on ne retrouve que 1 % de patients de plus de 60 ans.• Ces addictions sont suspectées devant des troubles cognitifs atypiques et lorsque lesujet âgé a des antécédents de ce type.

LES ADDICTIONS SANS DROGUE

QUELQUES CAS RARES, PRÉSENTATION ATYPIQUE

Les dépendances comportementales n'ont pas fait l'objet d'études spécifiques chez lapersonne âgée.• Leur survenue tardive est extrêmement rare et il s'agit presque toujours d'un troublequi se pérennise avec l'âge, mais qui s'atténue souvent du fait des modifications desconditions existentielles de la personne âgée.• La personne âgée sort moins, veille moins, est plus vulnérable, moins sécurisée et dece fait renonce à des conduites avec prise de risque. L'apparition de tels comportements

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Guide pratique de psychogériatrie

qui seront alors atypiques (achats compulsifs mais intrigants, kleptomanie maladroite,addictions sexuelles ou plutôt désinhibition, boulimie mais sans angoisse) doit faireévoquer une pathologie neuropsychiatrique sous-jacente (démence fronto-temporale,manie ou état mixte, tumeur cérébrale).

TRAITEMENT

• Les thérapies cognitivo-comportementales sont le principal traitement de cesdépendances comportementales, à condition qu'une autre cause organique n'ait pas étéretenue.• L'adjonction de psychotropes qui auraient des propriétés régulatrices des comporte-ments, comme les antidépresseurs sérotoninergiques, les thymorégulateurs, les anti-psychotiques peut être indiquée.

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Alexithymie

• L'alexithymie se traduit par une façon d'être et de se comporter quemalheureusement peu de médecins connaissent.

• Cela est dommageable étant donné qu'elle fait le lit d'une vulnéra-bilité à différentes affections.

• Les soignants doivent être sensibilisés à dépister le plus précoce-ment possible les sujets alexithymiques en dépit d'une prise encharge psychologique souvent difficile du fait d'une faible demanded'aide des patients.

CAS CLINIQUEVous consultez pour la Ire fois, conduit par son épouse, Monsieur B, 66 ans, à la retraitedepuis 1 an (il l'a beaucoup repoussée). Depuis 6 mois, il présenterait un étatd'inhibition et de prostration sans prise d'initiative ; ce qui a inquiété son épouse. Ilprésente également des alternances de diarrhée et de constipation, des rectorragies, desdouleurs intermittentes parfois violentes du flanc droit avec à la coloscopie, « un aspecten faveur d'une colite inflammatoire ». Cette situation s'est aggravée trois mois après ledécès de son frère jumeau. Dans ses antécédents, il faut signaler 4 chirurgies pourlombalgies rebelles, apparemment sans nette amélioration. Il a aussi régulièrement desépisodes de palpitations avec ECG et échographie cardiaque normaux.L'entretien ne met pas en évidence de syndrome dépressif. Monsieur B s'exprime peu,est laconique, ne se plaint de rien et dit ne pas avoir de problème. Quand vous luidemandez de parler de son enfance, il vous répond : « ben, rien de particulier, elle estcomme la vôtre ».

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre analyse sémiologique ?2 — Comment définissez-vous la pensée opératoire ?3 — Que proposer à ce patient ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITIONS

• L'alexithymie correspond à l'incapacité ou à la grande difficulté à exprimer sessentiments et ses émotions. Littéralement, c'est l'absence de mots pour décrire sesémotions.

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Guide pratique de psychogériatrie

• Elle a été étudiée, dans le cadre d'affections psychosomatiques et de certainesmaladies somatiques. Ce terme se rapproche du concept de pensée opératoire quicorrespond à une pensée sans lien avec une activité fantasmatique de niveauappréciable. Le sujet « opératoire » expose ses troubles comme des faits isolésoccupant l'ensemble du champ de la conscience.

MG (médecin traitant) : Alors, monsieur M, comment allez-vous ?SO (sujet opératoire) : Comme tout le monde à mon âge. Encore aujourd'hui, j'ai eu malau dos. Cela m'a pris vers 9 heures. J'avais pris mon petit-déjeuner. Le café était froid.J'ai ressenti la douleur qui montait et qui m'a pris les deux flancs.MG : Qu'avez-vous ressenti exactement ?SO : Eh bien, une douleur, comme tout le monde peut en avoir, qui a commencé, versneuf heures, je vous l'ai dit, et qui vous bloque. Cela fait très mal. Si je n'avais pas prismon petit-déjeuner, cela me coupait l'appétit. Ma femme a fait le café trop tôt, il étaitfroid.MG : Qu'avez-vous fait depuis ?SO : J'avais déjà pris mon déjeuner. J'ai eu cette douleur. Ce n'est pas la première fois.Cela arrive aux autres. Cela fait bien mal. J'ai alors dit à ma femme de vous appeler !MG : Avez-vous autre chose ?SO : Bien sûr, mais je ne me plains pas : le sommeil, l'appétit, le mauvais temps, maisc'est surtout cette douleur depuis ce matin, qui m'a pris à 9 heures après ce déjeunergâché. Elle me tient. Je ne sais pas si vous allez pouvoir me soulager. Cela fait déjà huitheures que ça dure.MG : Avez-vous déjà pris quelque chose ?SO : J'avais déjà pris le déjeuner. J'ai attendu midi pour prendre un « doriprane ». Maison vous avait déjà appelé. Ma femme était inquiète, plus que pour le café froid.MG : Cela a-t-il eu un effet ?SO : Qu'elle s'inquiète ? Si au moins, cela lui donnait une leçon pour le café.MG : Non, le Doliprane vous a-t-il soulagé ?SO : Bien sûr que non, sinon on vous aurait pas appelé, même si on l'avait fait avant,soit entre 9 heures, le début de la douleur, et le repas chaud de midi.MG : Bien, je vais vous examiner.SO : Cela me bloque les flancs depuis 9 heures.

MODES D'EXPRESSION

Elle se manifeste donc par une incapacité à reconnaître ses émotions et à verbaliser sessentiments. Elle se caractérise également par une limitation de la vie imaginaire, unetendance à recourir à l'action, une description détaillée des faits, des événements et dessymptômes physiques et une tendance à la dépendance ou une préférence pour lasolitude.

Les sujets alexithymiques se plaignent de tension intérieure, d'irritabilité, de sentimentd'ennui et de vide, d'agitation et de nervosité.L'alexithymie correspond à une dimension clinique que l'on retrouve chez certainspatients ayant une addiction à l'alcool ou aux toxiques, des troubles du comportementalimentaire ou certains troubles dépressifs.

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Alexithymie

Ce concept semble permettre une approche transversale de la nosographie psychiatri-que permettant de repérer des phénomènes et des comportements communs.L'alexithymie peut être considérée comme un marqueur ou un facteur de risque dedécompensation psychologique, mais surtout somatique.Les patients alexithymiques par un défaut d'expression verbale auraient tendance à« somatiser » leurs problèmes émotionnels.

HYPOTHÈSES PSYCHOLOGIQUES ET NEUROBIOLOGIQUES

• Pour les psychanalystes, l'alexithymie représente une défense contre des douleursmorales intolérables ou contre des situations traumatisantes et serait déterminée parl'existence de traumatismes précoces de la petite enfance.• L'approche neurobiologique aborde les relations entre cognitions, émotions etlangage. Des auteurs ont constaté dans le discours de certains patients une carence desmoyens d'expression des émotions (ou alexithymie) qu'ils attribuaient à des anomaliesde connexions entre le système limbique (lieu de traitement des émotions) et lenéocortex (lieu de synthèse des perceptions).Actuellement, une question importante posée par les chercheurs est de savoir sil'alexithymie est déterminée à la naissance (origine génétique) ou si elle résulte plutôtd'une absence de mise en fonction de systèmes lors du développement de lapersonnalité. Cette dernière approche est intéressante dans la mesure où ellepermettrait de faire le lien entre des événements de vie (approche biographique) et lamaturation cérébrale durant la période infanto-juvénile.

ALEXITHYMIE PRIMAIRE ET SECONDAIRE

• L'alexithymie primaire renvoie à un facteur prédisposant à l'éclosion des troublessomatiques qui pourrait avoir une origine génétique.• L'alexithymie secondaire représente un mécanisme cognitif d'adaptation à certainstraumatismes ou événements existentiels à fort impact émotionnel.• De la même façon, les conceptions modernes individualisent une alexithymie-état(contemporaine d'une maladie organique et liée à un état dépressif) et une alexithymie-trait (comme un trait de personnalité).

PRÉVALENCE DE L'ALEXITHYMIE

• L'alexithymie aurait une prévalence pouvant aller de 5,2 % à 58 % chez des patientsvus pour des problèmes somatiques.• La prévalence serait plus élevée chez le sujet âgé que chez l'adulte jeune, mais il estsouvent difficile de faire la part de ce qui revient à la dépression et à une détériorationdes fonctions cognitives. Bon nombre de tableaux cliniques chez les personnes âgéessemblent répondre au modèle de l'alexithymie lié à une sénescence pathologique.

ALEXITHYMIE ET TROUBLES SOMATIQUES

L'alexithymie serait prédictive de symptômes somatiques cliniquement non expliqués,qualifiés de troubles psychosomatiques comme l'asthme, la maladie de Crohn,

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Guide pratique de psychogériatrie

certaines pathologies migraineuses et d'autres troubles gastro-intestinaux et respira-toires. Ce constat est dû à l'observation de patients psychosomatiques qui secomporteraient à l'entretien différemment des sujets névrotiques.

RELATIONS ENTRE L'ALEXITHYMIE

ET D'AUTRES CONCEPTS CLINIQUES

L'alexithymie noue également des relations étroites avec différentes entités de laclinique psychiatrique, notamment avec la dépression et les processus démentiels.

ALEXITHYMIE ET DÉPRESSION

• La prévalence de la dépression est importante chez le sujet âgé surtout s'il existe unepersonnalité prémorbide pathologique (alexithymique) avec le risque potentiel d'évolu-tion vers une dégradation des fonctions cognitives, voire vers une maladie démentielle.• Des études ont montré que chez des sujets alexithymiques il existait des troublesdépressifs souvent non diagnostiqués car les patients, du fait de leur capacité deverbalisation faible, avaient du mal à se reconnaître déprimés.

ALEXITHYMIE ET DÉMENCE

D'autres études mettent en évidence une plus grande susceptibilité des patientsalexithymiques à devenir déments.

DÉPISTAGE

Il existe des instruments de dépistage de l'alexithymie sous forme de questionnaires.L'EFEA (échelle française d'évaluation de l'alexithymie) a été élaborée dans ce sens.Pour l'EFEA, les items sont dichotomiques. Les scores-seuils permettent de remplir desobjectifs de dépistage et de diagnostic. Un score supérieur ou égal à 6 permetd'affirmer l'alexithymie alors qu'un score inférieur ou égal à 4 permet de l'éliminer.La note de cinq paraît le score-seuil le plus fiable dans un but de dépistage et desensibilisation au diagnostic. L'intérêt de cette échelle dichotomique est sa simplicitéqui permet de l'utiliser en médecine générale comme instrument de dépistage simplede ces sujets alexithymiques à risque de vulnérabilité dépressive ou anxieusenotamment.

ORIENTATIONS THÉRAPEUTIQUES• La meilleure attitude médicale est de dépister les patients alexithymiques le plusprécocement possible, en raison des risques potentiels de développer un troublesomatique, dépressif, voire démentiel.• La psychothérapie est indiquée chez des personnes souhaitant rechercher l'origine deleur bouleversement psychologique.• La prise en charge individuelle de l'alexithymique est difficile, car il n'y a pas de réelledemande.

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Alexithymie

• Une prise en charge groupale avec d'autres patients névrosés est souvent indiquée.Ces derniers peuvent en effet compenser le travail mental insuffisant des alexithymi-ques.• La relaxation est également une bonne indication par l'intermédiaire d'un abordcorporel, c'est-à-dire par le terrain où le malade s'exprime. Cette méthode s'adresse eneffet aux patients présentant des troubles auxquels ils ont du mal à donner un sens. Ellepermet de dépasser les défenses et de transformer ce corps réel en corps fantasmé. Lerelaxant est allongé, le relaxateur lui parle de son corps, ce qui induit des réactions,tantôt positives tantôt négatives, dont le sujet va pouvoir parler après la séance. Elle estdébutée après des entretiens et peut se pratiquer en séance individuelle ou en petitgroupe. Il est facile d'envisager le bénéfice chez la personne âgée qui voit son corpsdécliner, moins capable de réaliser des faits et des gestes.

Échelle française d'évaluation de l'alexithymie (EFEA) Oui Non

1. Vous est-il plus facile de décrire des symptômes que des sentiments ? 1 0

2. Avez-vous du mal à utiliser des mots pour décrire vos sentiments ou vosémotions ?

1 0

3. Est-ce que vous trouvez que vous manquez d'imagination ? 1 0

4. Quand vous êtes face à une situation de conflit, avez-vous tendance à agirimmédiatement plutôt que de l'analyser ?

1 0

5. Avez-vous des troubles physiques quand vous êtes contrarié ? 1 0

6. Durant votre sommeil est-ce que vous rêvez rarement ? 1 0

7. Vous arrive-t-il d'éprouver des sensations corporelles que vous necomprenez pas ?

1 0

8. Avez-vous tendance à préférer rester seul (plutôt que d'entrer en contactavec les autres) ?

1 0

9. Avez-vous du mal à communiquer avec les autres ? 1 0

10. Lorsque vous êtes en colère, est-ce que bien souvent, vous ne savez paspourquoi vous l'êtes ?

1 0

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Correction du cas clinique

1 — Analyse sémiologique :Le tableau actuel associe : une inhibition, une colopathie fonctionnelle, une penséeopératoire ou des traits de personnalité alexithymique (exprime peu ses émotions,relation transférentielle difficile, déni voire banalisation des pertes réelles et symboliquesinduites par les événements de vie récents : retraite, décès du frère). Les antécédentssont également évocateurs (« syndrome des balafrés du dos » : chirurgie lombairerépétée). Enfin, le fonctionnement familial est marqué par le retrait du patient et unecertaine dépendance à son épouse.2 — La pensée opératoire est un type de fonctionnement psychique survenant chez dessujets ayant une mauvaise mentalisation et de ce fait sujet à des somatisationslésionnelles (infarctus du myocarde, ulcère duodénal...). Il est marqué par une pauvretéde la vie imaginaire et fantasmatique, une difficulté à éprouver et à nommer ces affects,masquée par un discours déclaratif, factuel.3 — Traitement antidépresseur et relaxation psychothérapique.

Guide pratique de psychogériatrie

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I Angoisse(trouble panique et troubleanxieux généralisé)

• Ces troubles sont vraisemblablement sous-estimés chez la personneâgée.

• Ils sont souvent considérés à tort comme moins sévères que chezles sujets jeunes car associés à des troubles somatiques.

• Les troubles paniques et le trouble anxieux généralisé ont sur le planclinique une expression bien définie qui apparaît distincte d'autressyndromes anxieux.

• Ces derniers font le lit de symptômes phobiques, de décompensa-tions dépressives et peuvent s'accompagner d'addictions alcooli-ques ou de suicides.

• Ils augmentent la consommation de soins, la dépendance et la mor-bidité associée.

CAS CLINIQUEVous recevez en consultation Mme Lucienne G. 74 ans. Sa première plainte est qu'elledort très mal : difficulté d'endormissement, mentisme, éveils fréquents avec un sommeilnon réparateur. Elle décrit aussi des épisodes de plus en plus fréquents (au début une àdeux fois par semaine, mais plus récemment presque tous les jours) durant lesquels ellese sent « mal dans sa peau », avec un important tremblement intérieur, une brutaleperte d'envie et de goût, une grande fatigue et une oppression. Il n'y a pas decirconstance déclenchante décelable. Ils répondent de moins en moins bien auméprobamate. Il y a 7 ans, elle a eu des épisodes de tachycardie par crises quelquessemaines après que son mari ait été victime d'un infarctus du myocarde. On avaitdiagnostiqué une communication inter-auriculaire non opérable et elle prend donc letraitement suivant : Coversyl : 4 mg/j, Cordarone 1/j 5 j/7 ; Lasilix : 20 mg/j ;Kaléorid :1 000 mg/j ; Préviscan : 0,5/j ; Tanakan : 80 mg/j ; méprobamate(Equanil) : 800 mg/j ; Zopiclone : 1/j. Elle exprime un bon moral et n'apparaît en effetpas dépressive, mais ces phénomènes l'inquiètent de plus en plus. Elle a euantérieurement une vie professionnelle très active.

Questions d'auto-évaluation1 — Quel diagnostic ?2 — Quelle conduite à tenir ?

Voir réponses en fin de chapitre.

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Guide pratique de psychogériatrie

DÉFINITIONS ET LIMITES

• L'anxiété est un état affectif douloureux qui consiste en un sentiment pénible d'attented'un danger imprécis, toujours imminent.En psychologie médicale, le terme d'angoisse est rattaché au phénomène physique del'émotion. Certains auteurs ne distinguent cependant pas l'angoisse de l'anxiété.Ces manifestations émotionnelles peuvent être observées à tous les âges de la vie etsont généralement associées à des symptômes somatiques liés à des dysrégulationsneurovégétatives.• Lorsque l'on parle de ces troubles, il est classique de parler d'anxiété normale etd'anxiété pathologique. La normalité correspond à un mécanisme adaptatif nécessairepour surmonter une situation difficile, sans que le sujet ne connaisse des difficultésdans ses relations interpersonnelles et sociales. Le trouble anxieux pathologique rendcompte d'une désadaptation et d'une souffrance psychologique.• L'anxiété est omniprésente dans la nosographie actuelle et est individualisée aussibien en tant qu'entité spécifique (trouble anxieux généralisé, attaque de panique) quesymptôme accompagnant des affections psychiatriques et organiques.De nombreux chercheurs se posent la question de la validité de l'identification dutrouble panique comme un trouble autonome étant donné la constatation de lasuccession dans le temps de différents diagnostics posés pour un même malade.En psychologie médicale, l'anxiété est présente dans tous les états névrotiques. Elleconstitue l'essentiel de la symptomatologie ou n'apparaît que dans certaines conditions.Pour l'école Freudienne, elle représente le fondement de l'ensemble des affectionsnévrotiques.Ces réflexions doivent permettre au clinicien de rechercher des manifestationsdépressives, phobiques, obsessionnelles associées.

ANXIÉTÉ SOUVENT MASQUÉE CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE

Une sémiologie anxieuse moins complète, un trouble physique ou somatique associéplus bruyant, la présence d'un traitement (benzodiazépine, antihistaminique, (3-bloquant), les difficultés des sujets à exprimer leurs émotions, la prédominance desplaintes somatiques et d'une association de pathologies peuvent « masquer » lesmanifestations anxieuses du sujet âgé, ce qui contribue à une sous-estimation de cestroubles anxieux.Ainsi, le diagnostic de trouble anxieux n'est pas posé dans un cas sur deux.

L'attaque de panique est un concept psychiatrique récent proposé à la communautépsychiatrique au début des années 80 (parution du Manuel diagnostique et statistiquedes troubles mentaux de l'Association américaine de psychiatrie, DSM IV) portant unemarque psychanalytique, biologique et pharmacologique.Ce concept semble être un noyau central avec une évolution et une histoire naturellepropres :—attaque de panique inaugurale : rémission ou répétition des crises ;— possibilité d'évolution vers un état anxieux généralisé ;—co-morbidité avec la dépression et les addictions ;— liens étroits avec les troubles phobiques.

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Angoisse (trouble panique et trouble anxieux généralisé)

ÉPIDÉMIOLOGIE

Il existe actuellement peu de données permettant de connaître la prévalence destroubles anxieux chez le sujet âgé et la proportion des formes qui débutent à lasénescence par comparaison aux formes précoces. Les études de prévalence donnentdes résultats variant de 5 à 68 %.Certaines études suggèrent que les troubles anxieux sont plus fréquents que les étatsdépressifs chez la personne âgée.Un des problèmes épidémiologiques de taille est qu'il n'existe pas actuellementd'échelle d'évaluation française des troubles anxieux chez le sujet âgé comprenant unevision globale du malade et de sa maladie (excepté la mesure de l'anxiété chez le sujetâgé [MASA, voir fin de chapitre] adaptée pour les institutions). Les formes incomplètesou intriquées à d'autres affections somatiques ou psychiques ne sont souvent pasappréhendées par les études épidémiologiques.Une étude récente met en évidence une prévalence du trouble panique dans unepopulation de 2,9 % et une forte co-morbidité avec l'agoraphobie et l'état dépressif majeur.L'état anxieux généralisé représenterait au moins 70 % des troubles anxieux du sujetâgé. Il concerne 4 % des sujets âgés vivant à domicile.Pour certains auteurs, 3 % des troubles anxieux généralisés débuteraient après 65 ans.La prévalence de ce trouble en population générale est estimée à 1,4 à 4 % selon lesétudes.

TABLEAUX CLINIQUES

L'anxiété chez le sujet âgé peut se manifester, comme chez l'adulte jeune, sous la formed'un tableau clinique typique avec un versant somatique et un versant psychique(comportemental et cognitif). Les difficultés diagnostiques apparaissent en présenced'un trouble anxieux moins typique. Des formes sévères d'anxiété peuvent faire évoquerd'autres diagnostics comme un état délirant aigu ou un syndrome confusionnel.Le clinicien doit toujours tenir compte chez le sujet âgé de sa possible difficulté àexprimer ses émotions, phénomène donnant un tableau clinique incomplet et uneprédominance somatique des troubles.

TROUBLE PANIQUE

Il se caractérise par la survenue de crises d'angoisse.• Pour parler d'un tel trouble, la classification américaine des troubles mentaux (DSM)requiert des critères cliniques précis ainsi que la notion de fréquence du trouble.Le sujet doit faire plusieurs crises, et doit présenter au moins trois des treizesymptômes suivants :— palpitations ;—tremblements ou secousses musculaires ;—transpiration ;—sensation de souffle coupé ou d'étranglement ;— douleur ou gêne thoracique ;—nausée ou gêne abdominale ;—sensation de vertige ou d'instabilité ;—déréalisation ou dépersonnalisation ;—peur de perdre le contrôle de soi ou de devenir fou ;—peur de mourir ;

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—paresthésies ;—frissons ;— ou bouffées de chaleur.• Ce trouble doit survenir sur des périodes bien délimitées avec des sentiments decrainte ou des malaises intenses et imprévisibles. Ces crises sont répétées ou suivies dela crainte d'une nouvelle crise.• Le trouble panique est souvent atténué, intriqué ou masqué.L'expérience clinique montre que ce trouble est fréquemment retrouvé chez le sujet âgé.La sous-estimation de ce diagnostic semble être due à la présence de formes dégradées,atypiques souvent intriquées à des pathologies somatiques. Les épisodes d'anxiétérevêtent un aspect confusionnel avec agitation ou perplexité ne répondant pas auxcritères diagnostiques exigés.Les troubles cognitifs sont parfois au-devant du tableau (troubles de l'attention, de laconcentration et de la mémoire).Il est fréquent de constater chez le sujet âgé l'association des attaques de panique etde certaines maladies chroniques comme la maladie de Parkinson, la broncho-pneumopathie chronique obstructive.Devant la présence de symptômes phobiques ou dépressifs, de conduites addictives(alcool, benzodiazépines) ou de tentatives de suicide, il faut penser à ce diagnostic. Letrouble panique peut donc parfois expliquer des troubles psychologiques ou desmodifications des conduites et des comportements.Un trouble panique est plus fréquemment associé à des pathologies cardiaques,ulcéreuses et thyroïdiennes.

TROUBLE ANXIEUX GÉNÉRALISÉ

• Définition du DSM :Il s'agit d'un état anxieux prolongé présent la plupart du temps et depuis une périoded'au moins six mois (DSM). Pour parler de ce trouble, il faut éliminer la causalité d'unesubstance pharmacologique ou d'une affection médicale.• Des plaintes somatiquesChez le sujet âgé, ce syndrome se caractérise le plus souvent par des plaintes de naturesomatique (troubles locomoteurs et neurovégétatifs) ; les troubles psychiques sontminimisés et ne constituent pas l'essentiel de la demande exprimée. L'entretien cliniquemet souvent en évidence des préoccupations liées aux conditions de vie, à l'état desanté, à l'autonomie, au degré d'isolement relationnel et familial ou au sentiment desolitude.• Des modifications comportementales sont souvent associées comme des déambula-tions, des comportements répétitifs, des périodes d'errance, des addictions alcooliquesou médicamenteuses.• L'évolution spontanée de ce trouble est souvent chronique, souvent comorbide d'unedépression ou qui peut se compliquer par un épisode dépressif ou d'un alcoolisme. Ilaugmente grandement la dépendance.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL• Des pathologies organiques multiples peuvent prendre le masque d'un troubleanxieux :— pathologies endocriniennes et métaboliques : hypoglycémie, hyperthyroïdie, hypo ouhyperparathyroïdie, hypercorticisme ;

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Angoisse (trouble panique et trouble anxieux généralisé)

pathologie cardiaque et pulmonaire : embolie pulmonaire, angor, infarctus dumyocarde, trouble du rythme, asthme, hypoxie... ;_ pathologies cérébrales : épilepsie temporale, encéphalite, atteinte vasculaire outumorale ;— sevrage de certains médicaments.Néanmoins, dans certains cas, l'existence d'une pathologie somatique favorise ledéveloppement d'une anxiété réactionnelle à cette maladie. Certaines maladies peuventêtre des conséquences de stress et représenter un mécanisme d'adaptation.• La dépression est également importante à distinguer de l'anxiété même s'il existe unecomorbidité de ces deux troubles dans 30 à 50 % des cas majorant le risque depassage à l'acte suicidaire.Un entretien clinique à la recherche d'asthénie, de perte d'appétit et de poids, d'unetristesse, d'une auto-dépréciation, d'un ralentissement idéomoteur permanent et d'idéessuicidaires oriente le diagnostic. L'utilisation d'instruments comme la mini-GDS (mini-Geriatric Depression Scale) peut aider au dépistage des troubles dépressifs de lapersonne âgée.

FACTEURS FAVORISANTS

L'ENVIRONNEMENT

L'anxiété peut être due à des modifications de l'environnement du sujet comme celapeut se voir lors d'hospitalisations brèves, de la pratique d'examens complémentaires,d'un déménagement ou de l'admission en maison de retraite. Le médecin doit consacrerdu temps à informer et à rassurer un patient âgé afin de ne pas favoriser uneincompréhension et un rejet de la part du malade et de sa famille.

'ATROGÉNIE

De nombreuses substances sont incriminées dans la genèse des manifestationsanxieuses, comme par exemple les psychotropes, un surdosage en caféine, lessympathomimétiques, les corticoïdes. L'arrêt de la substance incriminée ne suffit pastoujours à faire disparaître l'anxiété qui continue souvent à évoluer pour son proprecompte. La perturbation ne doit pas être expliquée par une autre étiologie et doits'accompagner d'une souffrance et d'une altération du fonctionnement social. Cetteétiologie iatrogène aux troubles mentaux est due notamment à des modificationspharmacocinétiques et pharmacodynamiques liées à l'âge ainsi qu'à une médicationmultiple des personnes âgées.

LA DÉGRADATION INTELLECTUELLE

L'anxiété comme la dépression se rencontrent très fréquemment au cours de ladémence. Si l'anxiété dans les formes mineures est facile à déceler, il peut parfoisdevenir difficile d'apprécier si des modifications comportementales sont dues à untrouble anxieux ou à une majoration de la détérioration intellectuelle.

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Guide pratique de psychogériatrie

TRAITEMENT

Pour prendre en charge les troubles anxieux, on dispose de trois approches qu'on vapouvoir associer ou utiliser séparément.Le soignant doit pouvoir rassurer son patient, lui prescrire éventuellement un traitementmédicamenteux et lui proposer une psychothérapie de soutien ou d'un autre type(psychothérapie cognitivo-comportementale, relaxation, gestalt-thérapie, etc.).La prise en charge du trouble panique est bien codifiée (surtout pour les médicamentset les thérapies cognitives et comportementales).Le traitement est le plus souvent ambulatoire, l'hospitalisation est réservée aux formessévères associées à un risque suicidaire, à une comorbidité dépressive ou à desconduites addictives (alcool, médicaments).

TROUBLE PANIQUE

• Médicaments de l'attaque de paniqueTraitement préventifLes traitements proposés dans l'attaque de panique le sont sous le libellé « préventiondes attaques de panique avec ou sans agoraphobie ».Trois médicaments ont l'AMM pour ce trouble :— la clomipramine (Anafranil) ;— le citalopram (Séropram) ;—la paroxétine (Déroxat, Divarius).Pour les IRS (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, Séroplex désormais etDivarius), la meilleure administration se fait en une prise au moment du repas. Si latolérance est mauvaise le matin, le traitement peut être prescrit le soir.La durée du traitement est de douze mois, voire plus. L'arrêt doit se faire de façonprogressive sur 2 à 6 mois. Mais la prise en charge peut s'étendre sur des années.Exemple : Escitalopram, 10 à 20 mg/jour.

Les benzodiazépines n'ont pas d'indication dans la prévention des attaques de paniqueen France. À l'étranger, c'est avec l'alprazolam que le plus d'études ont été menées.

Traitement de la criseDevant une attaque de panique, il faut :—éliminer une pathologie organique ;— administrer un traitement : les benzodiazépines sont le traitement le plus indiquéper os ; la voie intramusculaire n'a aucun intérêt ;— dédramatiser et isoler le sujet des facteurs anxiogènes (entourage).

• Psychothérapies du trouble panique

Différentes prises en charge existent et dépendent de la pratique, des souhaits dumédecin et de son patient.Les psychothérapies proposées sont notamment la thérapie cognitive et comportemen-tale (TCC), les psychothérapies d'inspiration analytique, la relaxation. Les TCCassocient des techniques de contrôle respiratoire, de relaxation et des techniquesd'exposition. Les autres formes de psychothérapies n'ont pas été suffisamment validéeset peuvent être associées en cas d'échec.

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Angoisse (trouble panique et trouble anxieux généralisé)

Éléments de choix du traitement

• Le délai d'action des thérapies cognitives et comportementales (TCC) est de 4 à 6semaines, et demande à ce que la personne âgée soit motivée.• Il est plus court pour les médicaments.• L'association à un trouble de la personnalité semble donner une moins bonne réponseaux médicaments.• Le taux de rechute est plus élevé avec les médicaments qu'avec les TCC.• L'adhésion (plus facile) du patient au traitement médicamenteux.

Les traitements cognitifs et comportementaux et les médicaments sont bien codifiésdans le trouble panique.

TROUBLE ANXIEUX GÉNÉRALISÉ

• Moyens thérapeutiques médicamenteuxLes benzodiazépines sont très utilisées dans les manifestations anxieuses. Lesbenzodiazépines à demi-vie longue doivent être évitées en raison d'un risqued'accumulation et d'effets secondaires (chutes par exemple). Il est nécessaire de limiterla durée de la prescription et de procéder à un suivi régulier de ces patients. Laprescription de benzodiazépines n'est pas toujours pertinente en raison notamment desrisques de baisse de la vigilance et d'interactions avec d'autres médicaments.L'association d'une benzodiazépine à un neuroleptique ou à d'autres psychotropespotentialise son action.Certaines molécules ralentissent le métabolisme des benzodiazépines comme lacimétidine, l'isoniazide, le kétoconazole, la sertraline, la fluoxétine et d'autres.Les anxiolytiques non benzodiazépiniques :• azapirones : la buspirone (Buspar) est un anxiolytique qui produit moins d'effetssédatifs que les benzodiazépines, n'a pas d'effets sur la fonction respiratoire et neproduit pas de dépendance physique ; la posologie initiale est de 1/2 cp à 10 mg troisfois/jour, augmentée progressivement jusqu'à 25 mg/j ;

• les bêtabloquants ont une action inhibitrice sur les manifestations neurovégétativesde l'anxiété : palpitations, sueurs, tremblements ; mais la iatrogénie est accrue avecl'âge ; les effets cardiaques inotropes et dromotropes négatifs, les risques de complica-tions de pathologies pulmonaires, vasculaires et gastriques justifient de renoncer à leurutilisation dans cette indication ;

• les carbamates sont encore utilisés en France avec leurs propriétés sédatives etmyorelaxantes malgré leur risque de toxicité cardiaque ; l'utilisation du carbamate(méprobamate : Equanil) est à éviter ou à réserver à un usage hospitalier pour la miseen route du traitement à une posologie de 400 à 800 mg/j ;

• l'hydroxyzine (Atarax) est un antihistaminique moins anxiolytique que les benzodia-zépines et ayant l'avantage de ne pas induire de dépendance ni de manifestations desevrage ; ses effets sédatifs et anticholinergiques nécessitent une adaptation deposologie de 25 à 100 mg/j en deux à trois prises ;

• les neuroleptiques font disparaître les manifestations d'anxiété par leurs effetsdépresseurs du système nerveux central ; l'indication des neuroleptiques doit se faire eninstitution, à des posologies réduites ;

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Guide pratique de psychogériatrie

• l'utilisation des antidépresseurs paraît adaptée dans le traitement du trouble anxieuxgénéralisé, dans les décompensations dépressives et les manifestations phobiquesassociées à ces troubles anxieux ; les antidépresseurs sérotoninergiques commel'escitalopram (Séroplex) et la paroxétine (Divarius) sont utilisés avec succès. Ils sontplus faciles d'utilisation que les tricycliques et présentent les mêmes risques d'effetssecondaires chez le sujet âgé que chez le jeune.

La conduite du traitementOn doit commencer le traitement à faibles doses pour éviter une exacerbation dessymptômes anxieux. La posologie adéquate est en général atteinte au bout de quatresemaines.Ce traitement est en général à poursuivre pendant 6 à 9 mois.Le médecin doit être attentif à la surveillance et à la bonne tolérance de ce traitementétant donné que, chez le sujet âgé, le métabolisme des médicaments peut être ralentipar une diminution de la clairance rénale et par une diminution de l'efficacité del'élimination hépatique.

• Prise en charge psychothérapiqueElle constitue un aspect fondamental du traitement comportant l'écoute du patient etsouvent de sa famille.La psychothérapie de soutien associe une dimension relationnelle qui va permettre, au-delà du soutien, de repérer les difficultés de la personne âgée et de la faire bénéficier àcertains moments de l'aide des services sociaux par exemple. Elle vise à unrenforcement de la confiance du patient, un réinvestissement dans des activités et unétayage important.Des techniques plus structurées sont possibles, comme la relaxation, et despsychothérapies de type analytique ou cognitivo-comportemental.• L'implication de la famille est un élément indispensable quand cela est possible carl'anxiété de la personne âgée est souvent mal tolérée. Le rôle du médecin est decomprendre l'entourage, de lui expliquer la maladie et de l'aider à adapter son attitudeà la situation.• L'orientation vers un psychiatre est le plus souvent nécessaire dans les formessévères et en cas de trouble grave de la personnalité associé.

CONCLUSION

• Ces troubles sont plus fréquents chez le sujet âgé que ne le suggère la littérature.• Cette sous-estimation semble être due à une clinique des troubles anxieux spécifiqueà la personne âgée.• Il est indispensable de bien comprendre que cette entité noue des liens étroits entreles troubles phobiques et dépressifs, les conduites addictives et suicidaires.• La prise en charge de l'anxiété chez le sujet âgé repose non seulement sur un suivirégulier notamment de la bonne tolérance et de la bonne observance du traitementmédicamenteux, mais aussi sur une démarche psychothérapique. Elle peut se limiter àun simple soutien ou utiliser des techniques plus structurées d'inspiration analytique oucognitives par exemple.• Le soutien psychologique et le dialogue avec les intervenants sociaux sont tout aussiimportants que chez le sujet jeune dans l'optique d'une prise en charge globale del'individu et de son environnement social et familial.

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Angoisse (trouble panique et trouble anxieux généralisé)

Mesure de l'anxiété chez un sujet âgé (Masa)

Oui Non

1

Observer:

Est-ce que le sujet est tendu avec une expression douloureuse sur le visage et tremblementdes mains ?

2 A-t-il un débit verbal perturbé (inhibé ou important) ou une parole bredouillante ?

Demander:

3 Êtes-vous souvent grognon, de mauvaise humeur?

4 Êtes-vous facilement impatient, irritable, coléreux?

5Vous sentez-vous souvent bloqué, entravé par une peur suffisamment importante pourvous gêner dans la vie de tous les jours ?

6 Vous sentez-vous souvent inquiet ?

7 Avez-vous souvent peur de l'avenir ?

8 Avez-vous tendance à dramatiser, à vous faire un souci démesuré pour des riens ?

9 Vous sentez-vous tendu à l'intérieur de vous avec des difficultés pour vous détendre ?

10 Vous sentez-vous souvent agité à l'intérieur de vous ?

11 Vous sentez-vous souvent las avec une fatigabilité exagérée et gênante ?

12 Avez-vous un sentiment d'imperfection par rapport à votre situation personnelle ?

13 Avez-vous un sentiment pénible d'être moins performant en raison de votre âge ?

14 Faites-vous souvent des cauchemars ?

15Avez-vous une préoccupation exagérée concernant votre santé ou une inquiétude injustifiéed'avoir une maladie au point que cela devienne une obsession ?

16 Vous plaignez-vous de blocage de la respiration, de sensation d'étouffement?

17 Avez-vous peur d'avoir l'air ridicule avec les autres ?

18 Avez-vous peur de rencontrer des gens ?

19 Vous plaignez-vous d'avoir du mal à être attentif, à rester concentré sur ce que vous faites ?

20 Avez-vous du mal à prendre des décisions ?

Total

Pour chaque question : oui = 1 point ; non = 0 point.Score-seuil de diagnostic d'un syndrome anxieux : 8 ou plus (sensibilité 95 %, spécificité 89 %).

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Guide pratique de psychogériatrie

Correction du cas clinique

1 — Il s'agit d'un Trouble panique que l'on peut considérer comme atténué, voire masqué(équivalents de crises d'angoisse — plus de 4 en 4 semaines). Le contexte est favorable :cardiopathie (avec symptomatologie ressemblante) ; stress de l'accident cardiaque dumari ; hyperactivité avant la retraite = changement de rythme... ; rôle de la Cordarone ?Mais il y a aussi une dyssomnie.2 — Cet état justifie d'un traitement par antidépresseur. Proposition tenant compte dutrouble du sommeil : fluvoxamine 100 mg le soir (plusieurs mois).Mais il faut vérifier TP et INR ainsi que la kaliémie. Elle s'est révélée être à 5,8... Doncle Kaléorid doit être réduit de moitié et le bilan de coagulation doit être régulier pendant2 à 4 semaines après l'initiation de ce traitement (interférence avec le cytochromeP450). Une psychothérapie interpersonnelle peut compléter ce traitement médicamen-teux pour amener à certains liens et prises de conscience.

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I Anorexie et autres troublesdes conduites alimentaires

• Chez le sujet âgé, l'alimentation reprend souvent une grande place.• Il est important de bien distinguer anorexie (mentale), perte d'appé-

tit et refus alimentaire.• Le refus alimentaire est la situation la plus préoccupante, entraînant

parfois des choix de thérapeutiques agressives à utiliser avec pré-caution et après mûre réflexion. Il est toujours préférable de tenterdes méthodes relationnelles empathiques.

• La démence est à l'origine de troubles du comportement alimentaireaberrants qui nécessitent d'être mieux contrôlés.

Les troubles des conduites alimentaires du sujet âgé s'observent au sein de la famille,mais surtout en institution. Face à eux, les soignants et les aidants se sentent souventdémunis.Ces troubles sont polymorphes dans leurs manifestations et leur étiopathogénie estcomplexe. Le risque vital est parfois engagé du fait de la malnutrition protéino-énergétique.En tant que trouble du comportement, un trouble des conduites alimentaires est chezla personne âgée plus souvent un symptôme signal que le reflet d'une pathologieidentifiée comme chez le sujet jeune.Ces troubles sont le plus souvent porteurs de sens pour le sujet âgé.De plus chez le sujet âgé polypathologique, il est parfois difficile de faire la part de cequi revient à une problématique psychique et aux troubles organiques. Il n'est donc pastoujours facile d'établir un lien entre certains troubles des conduites alimentaires et unepathologie psychiatrique donnée.

CAS CLINIQUE :Marie-Thérèse V., 85 ans est hospitalisée en psychogériatrie pour un syndrome régressif(apathie, perte d'appétit, négligences) s'inscrivant dans le cadre d'un trouble de lapersonnalité de type histrionique. Elle présente aussi une DTA modérée (MMS : 19/30) ;dans ses antécédents des dépressions récurrentes et une névrose qualifiée d'hystérique.Cet état se serait déclenché à la suite d'un changement de domicile ; la patiente s'étaitinstallée dans un nouveau foyer-logement pour se rapprocher d'une de ses soeurs ; ainsiaprès avoir partagé sa chambre pendant trois mois, elle a été contrainte de s'en séparerdu fait de travaux de réfection. Au cours de l'hospitalisation, on note une légèreamélioration temporaire grâce à une psychothérapie de soutien (associant accompagne-ment chaleureux dans la régression, remise en valeur, relaxation), une adaptation dudispositif afin d'éviter l'exagération des conduites théâtrales (repas en chambre) et

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Guide pratique de psychogériatrie

l'instauration d'un traitement antidépresseur (venlafaxine, Effexor : 100 mg/j) et de

sulpiride (Dogmatil 50 ma. Toutefois, le refus alimentaire devient rapidement totalavec altération de l'état général. Le bilan complémentaire retrouve un syndromeinflammatoire en rapport avec une infection urinaire à E. Coli traitée efficacement par

Ciflox.

Questions d'auto-évaluation1 — Quel diagnostic différentiel essentiel faut-il évoquer ?2 — Quelle est votre attitude ?

Voir réponses en fin de chapitre

ASPECTS PSYCHOLOGIQUES DE L'ALIMENTATION

Le comportement alimentaire est régi par des facteurs physiologiques et psychologiquesdont l'équilibre est susceptible de perturbations.Il correspond à un triple besoin : énergétique, hédonique et social.Il est souvent fortement imprégné des habitudes acquises très tôt au sein de la familleet généralement maintenu tout au long de la vie. Mais avec le vieillissement desattitudes nouvelles peuvent apparaître. La consommation des repas demeure cependantun repère dans la vie des sujets vieillissants. L'alimentation est souvent le dernier plaisirpréservé chez la personne âgée qui lui permet de conserver le fil de son identité, au-delà des changements liés à la vieillesse.Par ses choix alimentaires, la personne âgée opère un va-et-vient entre souvenirs etéprouvés.On considère à tort comme normal de moins manger lorsqu'on vieillit. L'image positivedu vieux sage, ascète, opposée à la version négative du vieillard glouton argumentecette croyance.L'acte alimentaire est lié à la relation à autrui. Manger, c'est aussi le plaisir du partage.L'alimentation participe à l'hédonisme, au lien social et au maintien de l'identité. Maisavec l'âge, les repas partagés sont souvent plus rares et la solitude a tendance à altérerl'investissement pour l'alimentaire. De plus, les possibilités d'identification des alimentspeuvent s'amenuiser avec l'âge, les capacités olfacto-gustatives pouvant se dégrader.Certains sujets âgés ont aussi des préoccupations exagérées pour les règles hygiéno-diététiques. Ils peuvent attribuer à certains aliments des vertus de vitalité ou despouvoirs magiques. Cette maîtrise sur l'alimentation peut parfois passer par unetentative de contrôle de la digestion.

TABLEAUX CLINIQUES

On distingue des pathologies du comportement alimentaire identiques à cellesobservables chez des sujets plus jeunes et des troubles plus spécifiques à la personneâgée.

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Anorexie et autres troubles des conduites alimentaires

TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE PAR DÉFAUT

Les plus fréquents, ils sont souvent étiquetés « anorexie », mais ils regroupent destroubles assez distincts.

L'ANOREXIE MENTALE

Elle est décrite chez la jeune fille, mais peut s'observer chez la personne âgée.Elle présente soit les caractéristiques d'une anorexie mentale chronique corroborées parla notion d'antécédents, soit celle-ci est de survenue récente. Dans les deux cas, elle secaractérise par une perte de poids intentionnelle, induite ou maintenue par la personneâgée. Il peut y avoir des vomissements provoqués, une prise de laxatifs ou demédicaments à visée amaigrissante. On retrouve des perturbations de l'image du corpset une non-conscience du trouble. Même maigre, elle se sent grosse.Les habitudes alimentaires peuvent être ritualisées, comportant aussi une sélectionspécifique et excessive des aliments. Un refus de convivialité des repas, demandés enchambre, est fréquent.Même si cette pathologie est rare chez la personne âgée, ou sous-diagnostiquée, saprise en charge est difficile, car elle se heurte au refus d'absorber les quantitésnécessaires de nourriture. De même, un « contrat » ou une alimentation entérale sontsouvent mis en échec.Cela justifie une prise en charge psychologique et médicamenteuse.

LA PERTE D'APPÉTIT

Elle est exprimée par la personne. C'est un phénomène involontaire, signe d'appel denombreuses pathologies somatiques ou psychiques. Elle s'installe de façon insidieuse,s'associe facilement à une altération de l'état général et justifie le plus souvent un bilanrecherchant /es causes de la perte d'appétit.• L'anxiété et la dépression sont les deux principales causes de nature psychique. Danscertaines formes de dépression, la personne âgée ne peut plus investir la fonction demanger comme une source de plaisir. Elle est confinée dans une impossibilité deressentir quelque plaisir que ce soit. Dans la majorité des cas de dépression, il y a doncune restriction des apports alimentaires. De plus, la satiété y est plus précocementressentie.• L'isolement : la restriction des apports chez le sujet âgé dépressif est favorisée par lefait qu'il se confine à son domicile, ne s'approvisionne pas, ne se fait pas à manger ; ils'isole des autres et manque donc de stimulation dans ce sens.• L'altération du goût, assez constante chez le sujet âgé, serait aggravée par ladépression.• Les causes iatrogènes : l'utilisation, pourtant consensuelle en gériatrie, des antidé-presseurs sérotoninergiques a révélé un effet iatrogène non attendu : une diminution del'appétence et du poids et parfois des symptômes digestifs tels que des nausées et desvomissements qui altèrent directement l'appétit. Il a pourtant été montré que ces agentssérotoninergiques réduisent la sous-nutrition et la perte de poids chez les sujetsdéments déprimés (Thomas et al. 2001).• Les facteurs liés à la démence : on sait que 50 % des déments institutionnalisésperdent du poids par dénutrition. Cela peut être mis sur le compte d'une perte d'appétit,soit liée à une dépression surajoutée, soit inhérente à la maladie (désordre métaboliquepropre ?), en particulier dans le cadre de la maladie d'Alzheimer.

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Guide pratique de psychogériatrie

L'oubli de manger doit aussi être pris en considération. Dans ce sens, on sait bien quela perte d'autonomie peut favoriser une carence d'apport. Un besoin métabolique plusimportant en raison des troubles du comportement (déambulation excessive) a aussi étéavancé. Enfin, à un stade plus avancé de la démence, il faut penser à une apraxiebuccale par atteinte des centres intervenant dans la déglutition.

LE REFUS ALIMENTAIRE

Il est souvent confondu avec la perte d'appétit. C'est un phénomène volontaire, le sujetluttant contre l'acte de manger. Ce refus s'associe facilement à une agitation, à unehostilité, surtout au moment des repas.• Causes somatiquesLe refus alimentaire n'est pas toujours synonyme de pathologie psychiatrique et unbilan somatique permet d'éliminer une gêne à la déglutition, une dysphagie, unedouleur ORL ou oesophagienne...• Causes psychiquesAprès avoir éliminé une origine somatique, il faut évoquer une dépression hostile, unéquivalent suicidaire ou un conflit soignant-patient.Des croyances délirantes, dans certaines dépressions, marquées par des idéesd'empoisonnement ou des convictions hypocondriaques peuvent favoriser une réductionalimentaire.Dans le délire hypocondriaque, en particulier, la personne âgée rapporte des sensationsd'arrêt du transit, des brûlures bucco-linguales, des douleurs à la mastication et biend'autres symptômes qu'il éprouve sincèrement, sans que soit retrouvée une quelconqueétiologie organique.Il en découle souvent des mesures diététiques curieuses et contradictoires. Le médecinest sans cesse questionné mais non entendu. Le sujet est en effet sidéré dans unepensée unique, résistant à toute intervention. À l'extrême, il refuse toute alimentation.Parfois ces délires hypocondriaques accompagnent un tableau mélancoliforme où lerefus est souvent complet. Lorsque le risque vital est en jeu, des mesures de renutritionénergiques, pouvant aller jusqu'à la gastrostomie, sont parfois nécessaires.Le syndrome de Cotardi, où le sujet peut se croire immortel, sans organe, donc sans lanécessité de manger, entraîne aussi un refus délirant de toute absorption volontaire.Enfin, le refus alimentaire peut être un moyen d'exercer une pression sur l'entourageet un appel à prendre en considération. Cela demande alors une approche relationnelleempathique et bienveillante avant que s'amorce un processus plus régressif.• Evolution, complicationsL'évolution est encore trop souvent péjorative du fait du retentissement sur l'étatgénéral.Le refus alimentaire peut déboucher sur des attitudes thérapeutiques agressives (sonde,gavage) qu'il ne faudra utiliser qu'avec précaution et après mûre réflexion. Il est toujourspréférable de tenter des méthodes relationnelles empathiques. Si la décision du gavageest prise, il est impératif de bien en informer la personne âgée.Un avis spécialisé se justifie dans beaucoup de cas.

1. Syndrome de Cotard : délire mélancolique de négation d'organe où le sujet peut se croire pourri, anéanti, voire immortel puisqu'ayantdépassé la mort.

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Anorexie et autres troubles des conduites alimentaires

AUTRES TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE PAR DÉFAUT

• Des processus de conversion hystérique peuvent, chez le sujet âgé, intéresser lecarrefour oro-pharyngé entraînant une déglutition impossible, souvent associée à unmutisme aphone. Au risque de dénutrition, s'ajoute celui des fausses routes. Classique-ment, le sujet est indifférent à son trouble, mais peut réagir à la suggestibilité, voire àl'hypnose. Il s'agit d'une forme de régression, qui peut être confondue avec un délire etqui demande un maternage et de la tolérance pour bien évoluer.• Dans le cadre de la psychose hallucinatoire chronique, il est possible de rencontrerdes phénomènes qui touchent l'alimentation. Ils sont, soit consécutifs à des sensationsolfactives et gustatives, soit liés à des sentiments d'être influencé par le voisinage. Ilspeuvent entraîner des modifications des choix alimentaires, mais rarement unedénutrition qui signerait alors un refus de contact avec le monde extérieur.Cela demande un réajustement de la thérapeutique antipsychotique et antidépressive.Un portage des repas au domicile peut avoir ici un intérêt.

TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE PAR EXCÈS

Ils se caractérisent par une hyperphagie le plus souvent qualitativement inadéquate.

LA BOULIMIE

La forme classique de boulimie, qui se traduit par la survenue d'accès répétitifsd'hyperphagie avec une préoccupation exagérée de ne pas prendre pour autant dupoids, est rare chez la personne âgée. Il s'agit alors le plus souvent d'un tableau ayantdébuté plus jeune. Les mêmes comportements de contrôle se retrouvent (vomissementsprovoqués, usage de laxatifs...).Anorexie et boulimie peuvent d'ailleurs se succéder ou coexister.

L'HYPERPHAGIE

Elle est marquée par une absorption excessive d'aliments avec prise de poids,s'accompagne facilement d'une obésité.• Elle est le plus souvent transitoire, éventuellement récurrente, en relation avec desévénements négatifs de l'existence (deuils, pertes diverses, accidents...) et traduit unepersonnalité anxieuse. Même si l'hyperphagie cesse, il est fréquent que le surpoidspersiste.• Elle peut aussi parfois se voir dans le cadre de la psychose hallucinatoire chroniqueoù les voix psychiques peuvent ordonner de manger souvent.Il ne faut pas confondre l'hyperphagie avec le grignotage permanent, adopté parcertaines personnes âgées surtout isolées, qui remplace les repas.• Il faut noter que certains sujets déments non aidés peuvent aussi avoir desconsommations excessives d'aliments du fait d'une perte des repères temporels desrepas.

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Guide pratique de psychogériatrie

COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES ABERRANTS

Ils surviennent le plus souvent dans un contexte pathologique. Le sujet âgé présentealors une prise inappropriée d'objets pris ou non pour des aliments comestibles. Unehyperoralité et une gloutonnerie sont souvent associées.• Les principales causes sont les démences et, plus rarement car mieux contrôlés,certains états psychotiques vieillis. Chez le sujet dément, il faut cependant bien fairela part de ce qui peut être dû à une agnosie visuelle'.On peut ainsi opérer chez le sujet dément un regroupement des symptômes selon qu'ilssont liés aux conduites sociales, à l'instrumentalité (surtout le mésusage des couverts),à l'activité motrice impliquée dans l'alimentation (qui peut être gênée par desstéréotypies2 ), au temps, à l'attention, à la motivation, aux désirs et aux préférencesalimentaires (s'il peut les verbaliser !) et enfin à la faim, à la soif et à la satiété.• L'évolution des troublesDans la majorité des débuts de démence, il y a modification des consommationsalimentaires en excès ou en défaut (dans ce dernier cas, une dépression surajoutée doitêtre éliminée). Mais ce sont le plus souvent des modifications dans les choixalimentaires qui affectent les sujets déments (appétence pour le sucré, changement deboisson, intérêt nouveau pour les épices...). Cela peut parfois prendre un caractèreboulimique.À un stade plus avancé, le comportement de porter ou d'explorer des objets avec labouche (hyperoralité) se combine facilement avec la prise de substances nonconsommables ou d'aliments non préparés. Cette hyperoralité peut être associée à unedésinhibition sexuelle. Le pica 3 ou ingestion répétée de substances non nutritives, demême que la coprophagie peuvent s'observer.Pour toutes ces raisons, les moments des repas peuvent devenir des situations deconflit : l'aidant ou le soignant s'emportent de leur impuissance alors que le sujet âgépersiste dans son refus.

CONSEILS THÉRAPEUTIQUES

Les troubles des conduites alimentaires sont donc fréquents avec le grand âge. Lesfacteurs psychologiques ont une influence sur la majorité d'entre eux, en dehors de ladémence où des processus organiques semblent amplifier ces phénomènes. Dans laplupart des cas, leur traitement passe par une approche étiopathogénique.

L'ANOREXIE MENTALE

Elle nécessite une prise en charge psychologique. Un avis spécialisé doit donc êtredemandé ; une hospitalisation est souvent indiquée.L'efficacité des antidépresseurs imipraminiques (Surmontil, 50 à 100 mg chaque soir)a été démontrée.L'adjonction d'un neuroleptique phénotiazinique (Nozinan ou Tercian, 10 à 20 mg/j)peut en synergie avec le précédent donner un meilleur résultat.

1.Agnosie visuelle difficulté ou impossibilité de reconnaître les éléments de l'environnement par la vision.2. Stéréotypies : attitudes, tics, gestes, phrases, sans signification actuelle, répétées inlassablement, reproduits avec fixité. Ce termeest voisin, presque synonyme de la persévération.3. Pica perversion du goût ou désorganisation instinctuelle qui se traduit par l'ingestion de substances non comestibles.

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Anorexie et autres troubles des conduites alimentaires

LA PERTE D'APPÉTIT

Le traitement est essentiellement celui de sa cause. Il faut préciser que certainsa ntidépresseurs ont un effet favorisant sur l'appétit en particulier les imipraminiques(exemple : Surmontil 100 mg, 1/2 à 1 pris le soir).L'anxiété qui entraîne durablement une perte d'appétit relève donc plutôt d'untraitement par antidépresseur.

LA DÉMENCE

Dans ce cadre, il est important d'être vigilant sur la qualité et la quantité del'alimentation pour prévenir la dénutrition.

LE REFUS ALIMENTAIRE

La mise à plat d'un conflit doit être réalisée, si nécessaire par un spécialiste. Celajustifie parfois qu'un changement de lieu de vie soit réalisé, soit par une hospitalisation,soit par un retour au domicile ou dans l'institution d'hébergement.• Le renoncement suicidaire justifie la même démarche.• Les réticences délirantes doivent être atténuées par un traitement neuroleptiquechoisi en fonction du type de trouble et des autres phénomènes concomitants.• Les phénomènes de conversion demandent une approche psychothérapique et uneattitude maternante. L'adjonction d'un antidépresseur peut être utile.

L'HYPERPHAGIE

Elle se gère en fonction de sa cause, mais l'anxiété fréquente est l'indication d'untraitement par benzodiazépine (Alprazolam, 0,75 mg/j) ou carbamate (Équanil,600 mg/j).

LES TROUBLES ABERRANTS DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

Ils sont l'indication d'un traitement par sérotoninergique (Séroplex, 1 cp/j).

Correction du cas clinique

1 — Devant ce tableau d'anorexie rebelle avec altération de l'état général, il faut éliminerune cause organique.2 — Le bilan complémentaire répété et approfondi montre une protidémie à 57 g/L, unealbuminémie à 35 g/L et une pré-albuminémie à 120 mg/L. Le bilan thyroïdien estnormal, amis il existe une carence en folates et en vitamine B12. Les GB : 20 000 avecneutrophiles : 17 000 ; la CRP : 110. Les marqueurs tumoraux (à noter qu'ils n'ont pasde valeur diagnostique mais plutôt d'orientation et surtout de surveillance) : alphafoetoprotéine : 10,4 UI/mL, CA 19-9 : 9 310 U/mL. La radiographie pulmonaire estnormale. La fibroscopie gastrique associée à la biopsie montre une néoplasie gastrique.

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I Confusion

• La confusion est une situation fréquente en gériatrie.• Elle implique toujours une démarche étiopathogénique exhaustive.• L'hospitalisation est indiquée et un protocole thérapeutique est

indispensable quelle qu'en soit la cause.

La confusion se caractérise par un trouble de la vigilance (obnubilation de laconscience) qui est le signe le plus évocateur. Il se complète d'une désorientationtemporo-spatiale, d'un onirisme et de signes généraux.La confusion traduit une souffrance cérébrale diffuse.L'enquête étiologique est capitale car elle débouche sur une thérapeutique active.

CAS CLINIQUEMme Colette 0., 70 ans, est adressée pour des troubles du comportement. Elle s'agite,déambule et crie la nuit depuis quelques jours au décours d'un épisode infectieux ORL.Dans ses antécédents, on note :• une maladie maniaco-dépressive stabilisée par du lithium,• un diabète de type 2, traité par sulfamides et metformine,• une hypertension artérielle traitée depuis 10 ans, récemment mise sous inhibiteurs del'enzyme de conversion,• une hyperlipidémie traitée par fénofibrate.Depuis quelques jours étaient apparus brutalement des moments d'excitation vespéraleet nocturne avec des déambulations et des cris. Le mari raconte que son épouse a cruqu'il voulait "l'enfermer", pour se débarrasser d'elle.Le tableau clinique associe une désorientation temporo-spatiale modérée, et uneperplexité anxieuse (regard hagard, interrogatif, inquiet) sans agitation.La présentation est négligée. Le discours intentionnel est pauvre avec des réponses àpeine ébauchées. Il y a un apragmatisme important avec une impossibilité à s'habiller,à se lever et à marcher seule. Les gestes sont pauvres, maladroits et inadaptés. Il existeun ralentissement psychomoteur global et une perte de l'élan vital. Elle exprime unetristesse et une inquiétude à propos de sa mère de 90 ans qui est hospitalisée pour uneinsuffisance respiratoire aiguë.L'examen somatique est normal en dehors d'un intertrigo mammaire et d'une TA à 18/10. Il n'y a pas de fièvre, ni de signe de déshydratation.Le traitement à l'admission associe Térallthe 400 mgLP : 2 ep/j ; Noctran 1 cp/i ;Tercian 25 mg : 1, 5 cp/j ; Diamicron LM3O mg 2 cp/j ; Glucophage retard : 2 cp/j ;Captéa : 1 cp/j ; Lipanthyl 200 mg : 1/j ; Ludiomil 75 mg : 1/j.

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Guide pratique de psychogériatrie

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre démarche ?2 — Quelles mesures thérapeutiques préconisez-vous lors de la sortie au domicile dela patiente ?3 — Quelles sont vos conclusions sur le mécanisme de cet épisode ?

Voir réponses en fin de chapitre.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Chez les patients âgés admis à l'hôpital, la prévalence est estimée entre 15 et 30 %,et l'incidence de la confusion surtout après chirurgie orthopédique peut s'élever jusqu'à60 %, mais elle est fréquemment sous-diagnostiquée.

FACTEURS DE RISQUE PRÉDISPOSANTS

Ce sont :• l'âge élevé ;

• le sexe masculin ;

• l'existence d'une démence ou de troubles cognitifs préexistants ;

• la présence d'une pathologie psychique, en particulier anxiété et dépression ;

• une consommation de psychotropes et en particulier de benzodiazépines ;

• une dépendance alcoolique ;

• les désafférentations sensorielles, en particulier une baisse de l'acuité visuelle ;

• un retard de sommeil ;

• une immobilisation.

Ces circonstances prédisposent au développement d'une confusion, mais chez le sujetâgé il ne faut pas négliger les événements de vie stressants (causes affectives).

FACTEURS DE RISQUE PRÉCIPITANTS

Il s'agit :• de toutes les maladies somatiques générales : métaboliques, septiques, hémodyna-

miques, neurologiques, etc. ;

• de la consommation de médicaments anticholinergiques, anxiolytiques et hypnoti-ques (sans oublier leur sevrage), mais aussi d'analgésiques morphiniques, decorticostéroïdes, de digitaliques, de théophylline, de cimétidine, de L-dopa, etc. ;

• en post-opératoire : âge élevé, durée de l'anesthésie, survenue d'une hypoxie et/oud'une hypotension post-opératoire, complications post-opératoires ;

• venir d'une institution.

Le facteur précipitant est souvent d'autant plus banal que le sujet est plus âgé et qu'ilsouffre de détérioration intellectuelle.

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Confusion

CLINIQUE

Le trouble s'installe en quelques jours, voire en quelques heures.• L'obnubilation de la conscience est fluctuante au cours de la journée et son intensitépeut atteindre un niveau stuporeux. Le sujet âgé est hébété avec des moments delucidité qui avivent une perplexité anxieuse entraînant parfois une agitation. Il esthagard, négligé, maladroit avec une parole bredouillante. Cela provoque des troublesde l'attention et des troubles mnésiques de fixation.• La désorientation est habituellement importante. Elle touche toutes les valeurstemporelles, même celles se rapportant à soi et au nycthémère. Le sujet âgé confusidentifie aussi très mal l'espace environnant.• L'onirisme, proche du rêve, réalise une expérience hallucinatoire et illusionnelleproche du réel, faite d'images furtives et instantanées. La diminution des facultésintellectuelles tend à diminuer l'importance de cet onirisme, voire le réduit à néant.• Les signes généraux, outre le pouls accéléré et la tension artérielle fluctuante,dépendent de la cause déclenchante. Une déshydratation est fréquente, favorisée parl'oubli et le refus d'absorption.• Le rythme veille-sommeil est facilement perturbé. Une aggravation nycthémérale dela confusion est caractéristique et des idées de persécution sont assez communes.L'ensemble se complète fréquemment de troubles du comportement (agitation,agressivité, déambulation, chutes, urinationsl, etc.).

FORMES CLINIQUES

Il est maintenant classique d'opposer la forme hyperactive et la forme hypoalerte.• La forme hyperactive est marquée par une hyperactivité généralement sous-tenduepar des hallucinations, une irritabilité et une agressivité.• La forme hypoalerte (ou apathique) se manifeste par une diminution de l'activitépsychomotrice, un déficit de l'attention important, voire une stupeur aréactive qui peutévoluer vers le coma.• Il ne faut pas non plus passer à côté de la forme clinique torpide, fréquente chez lesujet âgé, s'illustrant par des propos décousus ou répétitifs, une grande distractivité,une opposition ou l'apparition d'une incontinence.• De même, l'apparition d'un délire aigu chez le sujet âgé doit faire penser tout d'abordà une confusion.• II est facile d'éliminer une cécité, une surdité et une aphasie d'apparition récente.• Il est plus difficile de faire la part des choses avec une démence. Une confusion peuten effet révéler une démence, mais aussi en émailler l'évolution. Doute et pragmatismedoivent d'abord faire opter pour une confusion curable.

ÉVOLUTION ET PRONOSTIC

L'installation est généralement rapide et l'évolution se fait la plupart du temps sur unecourte période.Elle est cependant imprévisible avec différents risques : déshydratation, décès,syndrome de glissement, perte d'autonomie, chutes, durée d'hospitalisation plus

1. Urination action d'uriner, sous -entendant dans des endroits inappropriés, avec intentionnalité.

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Bilan minimum en l'absence de cause certaine

• ECG, ionogramme, calcémie, glycémie, numération globulaire.• Si normal : scanner cérébral, alcoolémie, recherche de toxiques.• Selon le contexte : radiographie pulmonaire, examen cytobactériologique des urines,vitesse de sédimentation, azotémie, créatininémie, thyréostimuline hypophysaire (TSH),hémocultures, électroencéphalogramme (EEG) : un EEG non désorganisé oriente versune cause psychiatrique ; gaz du sang, amylasémie.

Guide pratique de psychogériatrie

longue, pathologie iatrogène, institutionnalisation, chronicité (onirisme persistant),idées fixes post-oniriques.Une lacune mnésique couvre la période de confusion.Le pronostic va dépendre de l'état physique et mental du sujet âgé, mais surtout de ladurée de l'accès, d'où la nécessité impérative d'un traitement rapide.Les formes traînantes posent le problème des frontières avec la démence, car unépisode subconfusionnel peut en être le révélateur.Il est à noter que les troubles du comportement vespéraux et nocturnes des patientsdéments identifiés sous le terme de sundowning syndrome (syndrome du coucher desoleil) présentent de nombreuses similitudes avec la confusion.

DÉMARCHE DIAGNOSTIQUE ET TRAITEMENT

Il y a une grande diversité des causes possibles et une causalité multiple est habituelle.L'hospitalisation est généralement urgente et indispensable et ce d'autant plus qu'il

paraît exister une urgence somatique probable, qu'il n'y a pas d'orientation étiologiqueet que le sujet vit seul.• L'enquête étiologiqueL'interrogatoire du malade et de l'entourage permet de relever :— les antécédents médico-chirurgicaux ;—les traitements habituellement pris, récemment débutés ou interrompus ;— la notion d'un alcoolisme ;—un changement existentiel ;—une chute récente ; mais parfois plus ancienne et oubliée ;—le type de chauffage (intoxication au CO).• L'examen clinique s'attache à vérifier pouls, tension, température, et à rechercher dessignes neurologiques focaux, un syndrome méningé, des signes cardiologiques,pulmonaires, digestifs, une rétention (globe vésical, fécalome).Un infarctus du myocarde récent et une hypoglycémie doivent être systématiquementéliminés.Un bilan biologique est d'emblée indispensable (voir tableau ci-dessous).

TRAITEMENT

Le traitement associe le contrôle des facteurs organiques précipitants ou déclenchantset des mesures symptomatiques spécifiques.

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Confusion

LES MESURES IMMÉDIATES

Elles doivent assurer une bonne réhydratation et un contrôle de l'anxiété.• Mesures généralesLe patient est placé dans une pièce éclairée et n'est pas laissé seul. Il ne doit pas êtredésafférenté (lunettes, prothèses auditives). Il faut le lever et le faire marcher, favoriserson orientation, éviter toute agression sensorielle. La contention physique et letraitement sédatif font courir le risque des complications de décubitus, mais il estimpérieux de prévenir les chutes.• Traitement médicamenteuxIl est cependant souvent nécessaire de faire usage de médications sédatives anti-confusionnelles.Les neuroleptiques :— les benzamides substitués (tiapride, sulpiride, amisulpride ; 300 à 600 mg/j)semblent les mieux tolérés ; ils présentent le moins de risque d'effets extrapyramidaux,d'hypotension orthostatique et de trop grande sédation ;— lorsque la composante hallucinatoire est importante, l'halopéridol (5 à 10 mg/j) peutêtre préféré ;— d'autres neuroleptiques tels que le zuclopenthixol, et plus récemment la rispéridone(2 mg/j) et l'olanzapine (5 à 10 mg/j) sont aussi de plus en plus utilisés.Le méprobamate est parfois préféré (jusqu'à 1,2 g/j).Les benzodiazépines ne sont pas indiquées, mais si une consommation chronique pré-existe, il convient d'adopter un maintien puis une prescription lentement dégressivepour éviter de voir le syndrome de sevrage renforcer la confusion. Le mérite desbenzodiazépines est d'avoir un effet anti-convulsivant bienvenu lorsque la cause de laconfusion est une crise comitiale partielle complexe.

LE TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE

Il varie en fonction des causes et facteurs précipitants répertoriés (voir tableau ci-contre).Dans le cas de causes psychiatriques, le premier objectif sera de rétablir le cycle veille-sommeil avant de mettre en route le traitement causal (manie, mélancolie, état mixte,dépression réactionnelle, état psychotique délirant réactionnel...).Les idées fixes post-oniriques nécessitent parfois une prise en charge, car elles peuventdevenir pathogènes (anxiété, dépression, troubles du comportement). Un suivi ultérieurest donc toujours indispensable.

MESURES PRÉVENTIVES

Elles doivent être envisagées en particulier pour tout sujet âgé hospitalisé. De même,tout changement dans l'existence de la personne âgée (déménagement, institutionnali-sation, départ d'un proche, intervention chirurgicale programmée...) doit être préparé.Lors d'une hospitalisation non programmée, il ne faut pas sevrer brutalement lapersonne âgée des médicaments habituellement pris depuis longtemps (en particulierla benzodiazépine anxiolytique...).

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Guide pratique de psychogériatrie

Principales causes organiques et iatrogènes des syndromes confusionnels chez lesujet âgé• Interventions chirurgicales : surtout s'il y a eu anesthésie générale et réanimation• Troubles hydro-électrolytiques : surtout hypo- ou hypernatrémie, déshydratation• Troubles endocrino-métaboliques : diabète (hyper- et hypoglycémie), hypo- ouhyperthyroïdie, hypercalcémie, malnutrition et carences vitaminiques (vitamine B12,folates), encéphalopathie hépatique ou respiratoire, hyperazotémie• Anémies• Atteintes cérébrales : tumeurs, accidents vasculaires cérébraux, hématomes sous-duraux, état de mal convulsif, méningites et hémorragies méningées• Infections : urinaires, respiratoires, septicémiques• Affections cardiovasculaires : insuffisance cardiaque, troubles du rythme, infarctus dumyocarde, hypertension et hypotension artérielle• Rétention urinaire, iléus, fécalome, diarrhées• Médicaments :—anticholinergiques (antidépresseurs surtout imipraminiques, correcteurs antiparkinso-niens)— dopathérapie—traitements cardiovasculaires (diurétiques, méthyldopa, propranolol, digitaliques)— benzodiazépines (surtout à demi-vie longue)—cimétidine—antispasmodiques atropiniques— antalgiques centraux—antimitotiques.

Correction du cas clinique

1 — Démarche devant ce tableau confusionnel avec agitation, DTS, onirisme, anxiété,labilité, etc. :—éliminer un problème organique : déshydratation, saignement, globe vésical, constipa-tion.—rechercher un sevrage brutal en un médicament psychotrope—instaurer calme, lumière veilleuse, sédation de l'angoisse et des hallucinations(Tiapride, ou Nozinan ou Haldol ou Zyprexa), contention brève (1 heure) si besoin, enattendant l'efficacité de la sédation— enquête étiologique par des examens complémentaires : hyperglycémie à jeûn : 11 ;iono : discrète hypokaliémie (3,4), natrémie et chlorémie normales ; hyperhydratationextra-cellulaire avec hypoprotidémie à 52 g/L et hypoalbuminémie à 29 g/L ; hémodilu-tion (hématocrite à 34) ; lithiémie plasmatique élevée à 1 mmol/L (normale entre 0,5 et0,8) ; anémie modérée avec un taux d'hémoglobine à 11,3 g/dL, GR : 3,8 M/mm3 etVGM à 80 ; insuffisance rénale avec urémie à 0,55 g/L et taux de créatinine sérique à107 pmol/L, qui s'est corrigé après l'arrêt du lithium, évoquant un caractère fonctionnel ;hypertriglycéridémie modérée à 2,05 g/L ; accélération discrète de la VS (16/33) et dela CRP ; 7 ; absence d'hyperleucocytose : 7 800 ; calcémie corrigée normale ; bilanthyroïdien normal ; cycle glycémique compris entre 7,7 et 15,1 ; bilan hépatique normal :

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Confusion

radiographie pulmonaire : cardiomégalie légère, au profit du ventricule gauche, aortedéroulée et calcifiée ;— ECG normal, rythme sinusal à 84/mn, sans trouble de la repolarisation ;— EEG : ralentissement global de l'électrogenèse cérébrale, un peu destructurée, avecune importante surcharge lente, delta, assez ample, diffuse à prédominance gauche,déjà décrit lors d'une précédente hospitalisation en 1986 ;— tomodensitométrie cérébrale : atrophie cortico-sous-corticale non significative.Plus tard sont effectués à la recherche d'une étiologie vasculaire : doppler cervical : pasde signes de sténose carotidienne, ni de sténose sous-claviaire ;— existence d'épaississements sur les carotides primitives ;— IRM cérébrale : présence d'une atrophie cortico-sous-corticale, mais absence d'élé-ments en faveur d'une leucoencéphalopathie vasculaire.

2 - Thérapeutique—amélioration progressive après arrêt du lithium et du Ludiomil*, hydratation adaptée,rééquilibration du diabète sous insuline (Insulatard 20 unités le matin et 14 unités lesoir) et régime adapté, administration de Tiapridal 200 mg/j [ou olanzapine (Zyprexa)] :10 mg/j pour diminuer la confusion et l'anxiété.—dans un deuxième temps, traitement de la dépression par Moclamine : 450 mg/j etprévention des rechutes thymiques par Dépamide : 600 mg/j.— mais aussi Captéa : 1/j, Kaléorid : 1/j, Médiator : 3 cp/j

3 — Mécanismes qui sont à l'origine de cet épisode confusionnel :Chez Madame O., c'est l'association :—d'une cause psychique (recrudescence dépressive et anxieuse par rapport à sa mèremalade)—et de facteurs organiques (épisode infectieux, déshydratation puis hyperhydratation,insuffisance rénale fonctionnelle, lithiémie élevée et déséquilibre du diabète).

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I Délires

• Un délire tardif chez le sujet âgé doit faire rechercher une problé-matique dépressive.

• Il est favorisé par de nombreux facteurs psycho-socio-environne-mentaux sur lesquels une action est souvent possible.

• Le traitement idéal combine antidépresseur, neuroleptique à dosefaible et soutien psychothérapique.

CAS CLINIQUEMadame Irène D. 73 ans, est veuve depuis 6 ans. Elle vit seule dans un appartementoù elle a régulièrement la visite de sa fille unique. Depuis quelques mois, elle estconvaincue que des voisins pénètrent chez elle en son absence et s'amusent à déplacerdes objets et plus récemment à lui en voler. Elle pense aussi qu'ils mènent une mauvaisevie. Elle entend à travers le mur des ébats auxquels elle est invitée. Progressivement, ellea donc restreint ses sorties au point de ne même plus relever son courrier et depuisquelques jours de dormir dans un fauteuil devant sa porte d'entrée pour veiller à cequ'aucun intrus ne rentre pendant la nuit. Elle a même signalé tout cela plusieurs foisauprès des services de police. Sa fille, inquiète et ne pouvant lui faire entendre raison,vous la conduit en consultation.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre démarche ?2 — Quelles mesures thérapeutiques préconisez-vous ?

Voir réponses en fin de chapitre

La pathologie délirante du sujet âgé recouvre un ensemble de phénomènes cliniquesqui demandent à être bien caractérisés tant sur le plan diagnostique que sur le plannosographique. Les conduites thérapeutiques qui en découlent sont en effet différentes.La compréhension psychopathologique de la pathologie délirante du sujet âgé estimportante pour la prise en charge globale de ces patients et de leur entourage.Un délire peut survenir chez le sujet âgé dans différentes situations.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Très peu d'études ont recensé la prévalence de la pathologie délirante et l'incidence dedélires émergeant durant le grand âge. On peut estimer qu'un sujet sur dix va vivredurant sa vieillesse une expérience délirante, mais la frontière avec les syndromesconfusionnels est étroite.

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8 I Délires

• Un délire tardif chez le sujet âgé doit faire rechercher une problé-matique dépressive.

• Il est favorisé par de nombreux facteurs psycho-socio-environne-mentaux sur lesquels une action est souvent possible.

• Le traitement idéal combine antidépresseur, neuroleptique à dosefaible et soutien psychothérapique.

CAS CLINIQUEMadame Irène D. 73 ans, est veuve depuis 6 ans. Elle vit seule dans un appartementoù elle a régulièrement la visite de sa fille unique. Depuis quelques mois, elle estconvaincue que des voisins pénètrent chez elle en son absence et s'amusent à déplacerdes objets et plus récemment à lui en voler. Elle pense aussi qu'ils mènent une mauvaisevie. Elle entend à travers le mur des ébats auxquels elle est invitée. Progressivement, ellea donc restreint ses sorties au point de ne même plus relever son courrier et depuisquelques jours de dormir dans un fauteuil devant sa porte d'entrée pour veiller à cequ'aucun intrus ne rentre pendant la nuit. Elle a même signalé tout cela plusieurs foisauprès des services de police. Sa fille, inquiète et ne pouvant lui faire entendre raison,vous la conduit en consultation.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre démarche ?2 — Quelles mesures thérapeutiques préconisez-vous ?

Voir réponses en fin de chapitre

La pathologie délirante du sujet âgé recouvre un ensemble de phénomènes cliniquesqui demandent à être bien caractérisés tant sur le plan diagnostique que sur le plannosographique. Les conduites thérapeutiques qui en découlent sont en effet différentes.La compréhension psychopathologique de la pathologie délirante du sujet âgé estimportante pour la prise en charge globale de ces patients et de leur entourage.Un délire peut survenir chez le sujet âgé dans différentes situations.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Très peu d'études ont recensé la prévalence de la pathologie délirante et l'incidence dedélires émergeant durant le grand âge. On peut estimer qu'un sujet sur dix va vivredurant sa vieillesse une expérience délirante, mais la frontière avec les syndromesconfusionnels est étroite.

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Guide pratique de psychogériatrie

TABLEAUX CLINIQUES

TROUBLES DÉLIRANTS SURVENANT DURANT L'ÂGE TARDIF

C'est le tableau le plus spécifique de cette période de la vie.

CLINIQUE

C'est un délire bien construit, plus ou moins systématisé en fonction de l'état cognitif.Il fait référence à la situation de la personne âgée, à sa sphère actuelle d'intérêts etd'activités, à son environnement immédiat.Les thèmes de persécution, de préjudice et les thèmes hypocondriaques sont les plusfréquents avec les thèmes de vol et de privation.Les mécanismes dominants sont interprétatifs et imaginatifs, mais des phénomèneshallucinatoires sont possibles.• Le début est souvent insidieux et le contenu assez pauvre avec un thème restreint,« terre à terre », concret, accroché aux objets, recentré sur le propre univers ou le corpsde la personne âgée.Des réactions émotionnelles et une modification de l'humeur sont habituelles.• Des troubles du comportement peuvent apparaître si le délire évolue (refus descontacts habituels, claustration, démarches quérulentes auprès des instances policièreset juridiques, conduites agressives).Dans ce délire d'apparition tardive, on ne retrouve généralement pas d'idée d'influence,ni de phénomène d'automatisme mental' ; le sujet n'a pas de trouble du cours de lapensée, il n'est pas coupé du monde réel. Ce constat empêche a priori de parler deschizophrénie vraie, même tardive.Ce délire d'apparition tardive est pourtant parfois appelé paraphrénie tardive, voireparfois schizophrénie d'apparition tardive. La terminologie anglosaxonne la plusconsensuelle est « psychose d'allure schizophrénique d'apparition très tardive ».

FACTEURS FAVORISANTS

L'isolement et la solitude liés au veuvage, au célibat et à l'absence d'enfant(désafférentation sociale), une désafférentation sensorielle (hypoacousie, baisse del'acuité visuelle), des troubles cognitifs, l'ennui, les changements existentiels, lecomportement de l'entourage, des sentiments d'insécurité (générateurs d'anxiété), unniveau socio-économique défavorable et un bas niveau d'étude font le lit du délire tardif(voir tableau ci-dessous).

SPÉCIFICITÉS (PAR RAPPORT À L'ADULTE)

On ne retrouve généralement pas d'antécédent psychiatrique en dehors de possiblestroubles dépressifs.

1. Automatisme mental fonctionnement indépendant et spontané de tout ou partie de la vie psychique, en dehors du contrôle de lavolonté, et parfois même de la conscience ; ce syndrome entraîne la conviction délirante que le patient n'est plus maître de sa volonté,et qu'il est influencé par une force étrangère et extérieure qui contrôle toute son activité psychique en dirigeant ses actes, sa penséeet ses perceptions.

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Délires

Facteurs favorisant la survenue d'un délire tardif :• âge• bas niveau d'éducation• isolement socio-affectif (vit seul, contacts sociaux pauvres, solitude, ennui)• bas niveau socio-économique• désafférentation sensorielle• personnalité prémorbide (schizotypique, sensitive...)• troubles mnésiques• dépression, anxiété• handicaps physiques• antécédents cardio-vasculaires (en particulier HTA)• support familial précaire• sexe féminin• célibat• sentiments d'insécurité et de vulnérabilité• événements de vie récents• infertilité• traumatisme infantile (abus sexuel, violences physiques)

Le sexe féminin est plus touché (3/4 des cas).Les facteurs favorisants sont multiples.Ce délire a une proximité plus marquée avec l'onirisme de nature confusionnelle avecpour conséquence de plus fréquents troubles du comportement (turbulence, déambu-lations, fugues).On retrouve souvent antérieurement des troubles du caractère qui s'accentuent ou unepersonnalité avec des traits de dépendance et des traits narcissiques ou solitaires,timide et réservée.Une symptomatologie dépressive concomitante ou alternant avec l'atténuation du délireest habituelle. Elle répond bien aux antidépresseurs.

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

La difficulté est de distinguer un état confusionnel (voir chapitre 7) d'un véritable délire.En effet, si le début est brutal sous la forme d'un tableau évoquant une classique« bouffée délirante aiguë », telle qu'elle peut être plus facilement observée chez l'adultejeune, c'est en fait dans la grande majorité des cas un état confusionnel (syndromecérébral organique) qui justifie un bilan étiologique complet sans oublier les causesmédicamenteuses. Ce sujet âgé est facilement susceptible de présenter, au décours decet épisode confusionnel, un délire prenant la forme d'idées fixes ou d'imagesrésiduelles post-oniriques.

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Guide pratique de psychogériatrie

MÉCANISMES PSYCHOPATHOLOGIQUES

• Le délire, un mode d'adaptation

Le délire tardif pourrait être une façon personnelle d'organiser le monde dans lequel onvit, comme une sorte d'élaboration nouvelle, donnant une certaine cohérence entrel'affectivité et ce que l'on perçoit du milieu environnant.Il serait une réaction à une situation bio-psychosociale que vivrait le sujet âgé, luiconférant donc une certaine valeur adaptative.La vieillesse s'illustre par l'insécurité et la vulnérabilité. C'est l'âge des pertes, maisaussi une période de crise provoquant de l'anxiété, une fragilisation du « Moi » et desblessures narcissiques — crise qui signe la rupture de l'équilibre homéostatique entre lesujet âgé et l'environnement.Dans ce contexte de la vieillesse, le symptôme délirant est d'abord une production avantd'être une défaillance, le signe d'une activité mentale autour d'une défaillance.Le sujet âgé délirant a tendance à retirer son intérêt libidinal des objets pour le retournersur son « Moi » propre.Les productions délirantes pourraient oeuvrer pour le rétablissement libidinal.

• Le délire, système de défenseLe sujet âgé utiliserait deux mécanismes défensifs massifs : le déni et la régression.Dans le délire d'apparition tardive, c'est surtout le déni qui fonctionne, mais aussi ledéplacement et la projection qui participent aux thèmes de persécution et de préjudice.La plupart des délires d'apparition tardive s'articulent en effet autour du préjudice, maisaussi de l'intrusion.Les idées de préjudice concernent la propriété, la santé et la réputation, valeurs quiprésentent le risque d'être « perdues » :— la notion de propriété apparaît dans le délire par l'intrusion de l'autre dans l'espacepersonnel du sujet et le risque de vol, d'héritage convoité et d'ingratitude ;—la notion de santé s'oppose à l'intrusion de la maladie et de la mort expliquant ledélire hypocondriaque, le déni de la mort ou déni du décès et le délire de longévité,mais aussi le délire de malveillance de l'entourage accusé de négligence volontaire ;— entre propriété et santé se situe aussi l'intrusion du parasite dans le délired'infestation (syndrome d'Ekboml) ;—la notion de réputation peut expliquer l'érotomanie (l'intrusion de l'amour de l'autre),la jalousie (l'intrusion de l'autre dans le couple) et les thèmes sexuels et de moralité(« les voisins ont des pratiques et des allégations sexuelles qui font intrusion dans mavie et nuisent à ma morale »).

• Le délire, construction d'un monde possibleCette conviction délirante d'être atteinte dans sa personne physique et morale n'est pasqu'un vécu persécutoire ; c'est aussi une modalité de lutte contre l'isolement, la solitudeaffective et la dépression. Le délire a alors valeur de remplissage d'un vide et derestitution d'un sens à l'existence.

1. Syndrome d'Ekbom : délire parasitaire ou dermatozoïque consistant en la conviction d'être envahi d'organismes étrangers soit surla peau, soit sur les muqueuses ou les orifices. Le préjudice porte alors sur l'intégrité du schéma corporel.

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Délires

Toute émergence délirante procède d'un afflux d'angoisse et constitue une solution deconflit. L'avènement du délire constitue le retour d'un sentiment de réalité, mais aussile retour d'une certaine capacité de penser.Il s'agit de redevenir un « bon objet » et de retrouver l'estime d'autrui en projetant sespropres insuffisances.

TROUBLES DÉLIRANTS VIEILLIS DE L'ÂGE ADULTE

Ils correspondent aux schizophrénies et aux délires chroniques systématisés. Ils ontété diagnostiqués au début ou durant la vie adulte. Ils ont tendance à s'atténuer enintensité durant la vieillesse, ceci est surtout vrai pour la schizophrénie, beaucoupmoins pour les états paranoïaques.Par rapport à l'influence du vieillissement sur les schizophrénies, il est important dedistinguer durée d'évolution et vieillesse en elle-même.Avec l'évolution, l'excitation et l'agitation diminuent, alors que le maniérisme, lestroubles du cours et du contenu de la pensée et l'émoussement affectif persistent. Avecle vieillissement, on assiste à un abaissement de la fréquence des hospitalisations quisont plutôt motivées par des raisons sociales que des troubles du comportement.La plupart des symptômes résiduels des schizophrénies dans le grand âge sont doncl'indifférence, le retrait affectif, l'aboulie, le négativisme, le maniérisme et lesstéréotypies. Les manifestations délirantes en tant que symptômes productifs (positifs)se sont estompées.Sous l'influence anglo-saxonne, on admet de plus en plus que la schizophrénie puisseavoir un début tardif après 40 ans. Au-delà de 60 ans, on parle de psychose d'allureschizophrénique d'apparition très tardive.

TROUBLES DÉLIRANTS CONCOMITANTS DE TROUBLES THYMIQUES

• En ce qui concerne les troubles de l'humeur « bipolaires » à début précoce, leurévolution a aussi tendance à s'estomper avec le vieillissement.Les cycles ont tendance à s'espacer et l'éventuel délire accompagnant l'accès maniaqueou mélancolique a tendance à s'exprimer, plus fréquemment qu'à l'âge adulte, sur lemode de la confusion.Les thèmes restent cependant similaires à ceux de l'adulte.• Les troubles de l'humeur « bipolaires » à début tardif, c'est-à-dire apparaissantaprès 50 ans chez des sujets qui avaient présenté seulement des accès dépressifs oumaniaques (unipolarité) ou chez des sujets « vierges » de tout passé dysthymiqueconnu ou reconnu, évoluent par poussées de plus en plus rapprochées et de plus enplus longues.La confusion, l'agitation et la stupeur sont là aussi très fréquentes, les thèmes délirantstouchant préférentiellement le corps (syndrome de Cotard, somatisations douloureu-ses), l'alimentation et, chez les femmes, l'habillage (« je n'ai plus rien à me mettre »).

AUTRES MODALITÉS DÉLIRANTES AUSSI SPÉCIFIQUES DU GRAND ÂGE

• Le syndrome d'Ekbom est un délire d'infestation qui se définit par « un étatpersistant durant lequel le patient croit que de petits animaux tels que des insectes, dela vermine ou des asticots vivent et se développent sur ou dans sa peau ».

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Guide pratique de psychogériatrie

En dépit de l'évidence du contraire, le patient a la ferme conviction qu'il est infesté.Ce syndrome est souvent classé dans les troubles paranoïaques, mais a presquetoujours été considéré comme un syndrome non spécifique, pouvant survenir dansn'importe quel contexte psychiatrique.Il semble néanmoins plus fréquent s'il y a un trouble de l'humeur de type dépressif.

• Le syndrome de Charles Bonnet est composé d'hallucinations visuelles complexes,persistantes ou répétées, fréquemment colorées, riches en détails, comportant souventdes personnages et des animaux.Ces formes sont toujours muettes et n'effraient pas le patient. Elles sont favorisées parune baisse plus ou moins importante du niveau de conscience et par une faibleluminosité ambiante.Elles surviennent le plus souvent au décours d'une occlusion oculaire brutale aprèschirurgie, qui a fait désigner cette forme de délire de « syndrome du bandeau ».D'autres éléments sont cependant à prendre en compte : le contexte d'hospitalisation,l'isolement et la personnalité.Sa prévalence est estimée à 11 % des mal-voyants, dont l'âge est dans la majoritésupérieur à 65 ans.On y note aussi l'absence d'autre hallucination que visuelle.L'intégrité des fonctions cognitives a été remise en question et ce syndrome pourrait êtreun marqueur précoce de survenue d'une démence.• La folie à deux (ou trouble psychotique partagé) comporte presque toujours unepersonne âgée, même si le début des troubles est rarement dans l'âge tardif.C'est soit un couple mari et femme, soit un couple père-fille, mère-fille (la fille présenteune schizophrénie paranoïde et sa mère âgée adhère à son délire) ou mère-fils, mais leplus souvent deux soeurs.Dans tous les cas, un des deux partenaires est réellement dominant sur l'autre etprésente une réelle pathologie psychotique. L'autre est très souvent une personnalitépassive-dépendante avec des handicaps physiques (en particulier un déficit auditif) etun affaiblissement intellectuel (folie imposée ou communiquée).Parfois, le partenaire passif (ou « récipient ») peut être aussi psychotique (foliesimultanée).Invariablement, il s'agit de sujets qui se sont enfermés dans un isolement partagé(absence d'autre famille ou de support social) et une intimité pathologique, chezlesquels on retrouve aussi fréquemment la notion de pauvreté et de passé traumatique.

DÉLIRE DURANT LA DÉMENCE

Les patients atteints de démence peuvent présenter une pathologie délirante.

Au DÉBUT DE LA DÉMENCE

Les troubles délirants peuvent être révélateurs de l'affection et s'articulent principale-ment autour des oublis.Ils débouchent sur des idées de déplacement ou de vol d'objets, d'intrusion au domicile,voire d'empoisonnement.Favorisés par une personnalité antérieure narcissique ou par des antécédents psychia-triques, ils peuvent engendrer des troubles du comportement marqués par del'agressivité.

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Délires

AU COURS DE L'ÉVOLUTION DU SYNDROME DÉMENTIEL

Lors de l'évolution de l'affection, et surtout à un stade sévère, d'autres phénomènesdélirants peuvent survenir.Chez le sujet dément avéré, il apparaît cependant judicieux de parler d'idées délirantesplutôt que de délires à proprement parler, vu le manque de structuration etl'insuffisance de coordination des pensées entre elles dans une psyché marquée par desdéfaillances du jugement et une détérioration.Ces idées délirantes sont dues d'une part à l'érosion des contenus et des contenants etd'autre part au cheminement rétrograde qu'opère l'appareil psychique dans sonmouvement involutif.• Concernant le premier point, les idées délirantes ont pour but de combler le videgrandissant induit par la perte mnésique de plus en plus importante, sans que le sujetpuisse toutefois bien se situer entre réel et imaginaire, entre passé et présent, entre lesouvenir et l'actuel ; ces phénomènes sont à l'origine d'ecmnésiesl.Dans ce sens, on a de plus en plus tendance à parler « d'hallucinations mnésiques »,dans la mesure où elles sont puisées dans les restes de souvenirs qui se donnent pourle réel.• Concernant le second point, le processus d'involution va dans le sens d'uncheminement régrédient qui ramène le sujet dément à des fonctionnements archaïquesreposant sur l'identification 2 projective ou la projection 3 , et qui vont traiter le pulsionnelsur un mode expulsif en le transformant en perception, fondement même des idéesdélirantes, pour la plupart de préjudice. Les thèmes délirants les plus fréquemmentretrouvés sont en effet le vol, le préjudice et l'infidélité. En ce qui concerne le délire dejalousie, il est retrouvé dans environ 15 % des cas.

FORMES PARTICULIÈRES

• Non reconnaissance du conjointD'un point de vue neuropsychologique, elle est plutôt liée à l'évolution lésionnelle etentre dans le cadre de la prosopagnosie. Le sujet dément ne reconnaît plus les visages.

• Syndrome d'identification erronéePour le sujet dément, des gens vivent dans la maison, des visages télévisés ne sont pasreconnus, l'image spéculaire du sujet lui-même n'est plus reconnue. On parle aussi dusyndrome de Capgras qui correspond à la négation délirante de l'identité d'unepersonne connue, avec la conviction que celle qui est mal identifiée est identiquephysiquement avec celle qui est familière, mais différente psychologiquement (illusionde sosie). Une explication psychopathologique est ici souvent plus plausible qu'unesimple prosopagnosie et renvoie souvent à des distorsions anciennes dans l'ententeconjugale.

1.Ecmnésie : rappel intense d'une situation passée, avec les propos et les gestes correspondants qui sont des évocationshallucinatoires du passé.2. Identification : processus d'assimilation par lequel un sujet s'approprie un aspect ou la totalité des aspects d'un individu priscomme un modèle au moins provisoire.3. Projection transfert à autrui de pensées et de sentiments que le sujet refuse ou qu'il méconnaît comme siens.

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Guide pratique de psychogériatrie

• Délire du compagnon tardifC'est aussi essentiellement dans le cadre de la démence que l'on peut rencontrer cedélire.Le dément reconstruit un fonctionnement antérieur où un (ou des) protagoniste(s) de savie passée va(vont) prendre place de façon imaginaire.Ce compagnon est d'abord imaginé, puis halluciné ; par la suite, il est parfois reportésur un aidant ou sur sa propre image spéculaire ou, de façon ultime, sur un objetfamilier inanimé (poupée, chiffon...).Au fur et à mesure de l'avancée de la démentification, la psyché semble s'aplatir enretournant de plus en plus vers ses origines corporelles ou sensorielles.Ce compagnon imaginaire est quasi systématique dans l'évolution de la maladie dusujet dément.

TRAITEMENT

Il comporte plusieurs axes qui tiennent donc compte de la catégorisation nosographiquedu trouble et de la compréhension psychopathologique qui a pu en être faite.

PATHOLOGIES VIEILLIES

Il est généralement admis que les traitements antérieurs bien tolérés de typeneuroleptique classique ou à action prolongée sont maintenus, avec parfois unediminution de la posologie.

PATHOLOGIES TARDIVES

Il apparaît clair que l'affectivité joue un rôle primordial. L'anxiété souvent franche et leséléments dépressifs justifient que le traitement anti-délirant ne repose pas seulementsur une médication neuroleptique.

• Le traitement médicamenteux idéal est la combinaisond'un antidépresseur et d'un antipsychotique à dose filée• Le raisonnement psychopharmacologique est le suivant : s'il existe un délire, etmême si une explication psychogène réactionnelle est plausible, il est fort probable qu'ily a, sous-jacent à cette expression comportementale, une hyperdopaminergie qui doitêtre réduite. Cependant, dans la majorité des cas, l'antipsychotique ne suffit pas, et ilfaut traiter l'affect dépressif, qu'il soit évident d'emblée ou qu'il apparaisse lors del'extinction du délire.• Les antidépresseurs sérotoninergiques sont préférables car ils n'ont pas d'effetdopaminergique (escitalopram, citalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine, ser-traline).Le traitement antidépresseur améliore en outre les réactions comportementales.Le but est d'obtenir l'atténuation du délire, plutôt que sa disparition trop rapide, dansla mesure où il joue un rôle dans les aménagements psychodynamiques du sujet âgé.Sa persistance à un degré moindre peut donc parfois être respectée.• Le traitement antipsychotique associé doit rester dans des posologies minimales :— halopéridol (1 mg/j), pimozide (Orap) (4 mg/j), tiapride (200 mg/j) ;

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Délires

— Risperdal (1 à 2 mg/j), Zyprexa (5 à 10 mg/j), Abilify (5 à 10 mg/j) sont de plus enplus couramment utilisés.

• L'abord psychothérapique est aussi indispensableIl est d'abord important de gagner la confiance de la personne âgée délirante pourqu'elle puisse exprimer sans réticence ce qui la préoccupe, dans la mesure où sonidéation s'articule donc autour du préjudice mais aussi de l'intrusion... (de l'autre).La psychothérapie s'oriente vers l'aménagement du patient vis-à-vis de ses idéesdélirantes. Sans adhérer au propos délirant, il faut savoir le tolérer et ne pas en favoriserune critique trop hâtive.

• Suivi et environnement• Il est nécessaire de surveiller la réapparition de réactions dépressives ou anxieusesou de troubles du comportement relationnel et social. Leur correction ne peutqu'améliorer la qualité de la vie de ces patients même si le délire y est bien ancré.• L'intervention auprès des personnes de l'entourage permet souvent d'améliorer leursinterrelations négatives avec le sujet âgé.• L'hospitalisation ne s'envisage que lorsque celles-ci sont devenues trop néfastes,mais aussi lorsque l'isolement est vraiment trop prégnant et si les facteurs somatiquessont importants (altération de l'état général, refus d'alimentation, perte ou refus dusommeil...).• Enfin, il faut dans la mesure des possibilités agir sur les facteurs favorisants(correction d'un handicap sensoriel, comblement de la solitude et de l'ennui, solutionau sentiment d'insécurité, mesures vis-à-vis de pertes mnésiques trop invalidantes...).

PATIENT DÉMENT

Lorsqu'il s'agit de soulager un patient dément et son entourage de symptômes délirantset surtout hallucinatoires trop perturbateurs, l'utilisation des antipsychotiques doit êtreprudente et le choix des molécules et des doses utilisées éclairé.En effet, ils ont une efficacité modeste (40 % de non-répondeurs) et ils sont souventmal tolérés (en particulier par les patients présentant une démence à corps de Lewy,du fait d'une forte réduction de leurs neurones dopaminergiques expliquant leur grandesensibilité).• L'apparition d'idées délirantes en début d'évolution ne doit faire envisager laprescription d'antipsychotiques que lorsqu'elles provoquent de l'angoisse et des troublesdu comportement.• Il en est de même dans la phase tardive de la démence où le délire tend à devenirune production inévitable imaginaire puis hallucinée — et seule possible — par ce quireste de l'appareil psychique.Généralement bien acceptées par le sujet, ces hallucinations ne doivent donc êtretraitées (atténuées), que lorsqu'elles sont anxiogènes.• Dans le cas d'une démence à corps de Lewy (DCL) fortement suspectée, il estpréférable de choisir des « agents sélectifs non D2 » (ou en fait dont l'activité D2 estréduite, d'où l'intérêt des nouvelles molécules dont le profil est 5HT2/D2) enaugmentant les doses très progressivement :—Risperdal jusqu'à 2 mg/j ;—Zyprexa jusqu'à 10 mg/j ;—Abilify jusqu'à 10 mg/j.

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Guide pratique de psychogériatrie

Souvent les phénomènes hallucinatoires de la DCL répondent mieux aux anticholines-térasiques (voir chapitre 9).

Correction du cas clinique

1 — Démarche :• rechercher des symptômes dépressifs et/ou anxieux• rechercher des éléments confusionnels• rechercher une atteinte cognitive• rechercher des antécédents délirants• rechercher des éléments dissociatifs (bizarrerie, hermétisme, impénétrabilité, détache-ment du réel, ambivalence)• apprécier la personnalité sous-jacente (schizoïde ?)• rechercher des facteurs favorisant l'éclosion d'un délire tardif de préjudice• éliminer une pathologie somatique sous-jacente

2 — Devant ce délire tardif de préjudice qui est un équivalent dépressif, il faut convaincrela patiente de prendre le traitement suivant :• séropram 20 mg matin• Orap 1 à 2 mg soir ;• assurer une prise en charge psychologique.Une hospitalisation peut s'avérer nécessaire.Le délai d'efficacité de l'antidépresseur est souvent plus long (8 semaines).

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Démences

• Elles représentent un réel problème de santé publique.• Elles justifient une approche pluridisciplinaire et en réseau.• Une prise en charge précoce peut améliorer le pronostic.

CAS CLINIQUESuzanne, 63 ans est hospitalisée à la demande d'un tiers pour un trouble ducomportement associant désorientation, fugues répétées, rendant impossible sonmaintien au domicile. L'histoire de la maladie remonte à trois années plus tôt lorsquesous le coup d'une pulsion agressive incompréhensible, elle frappe violemment son petit-fils de 3 ans qui refusait de lui obéir (en continuant à caresser le chien de la maison)...Elle s'était alors acharnée sur son petit-fils qui doit la vie sauve à l'arrivée de son frèrequi avait appelé leur père. Hospitalisée en psychiatrie, elle sort au bout de plusieurs moisavec un traitement par Risperdal Consta 25 mg tous les quinze jours en intramusculaireet chlorazépate acépromazine (Noctran) 20 mg au coucher.Depuis lors, elle est en perte d'autonomie à tel point qu'elle ne pouvait plus faire faceaux activités de la vie quotidienne (préparer le repas, faire ses courses, faire leménage...) sans l'aide de son époux. Agent hospitalier à la retraite, elle a trois enfants.Depuis le décès de son époux un an plus tôt, son fils cadet est devenu l'aidant principal.Il explique sa surprise face à l'indifférence émotionnelle de sa mère lors du décès de sonpère, « comme si elle ne s'en était même pas rendu compte ». Il rapporte aussi quedepuis 6 ans sa mère avait des troubles du caractère à type de réactions coléreusesexagérées, de propos grossiers inhabituels ainsi que des troubles du comportement àtype de kleptomanie ce qui obligeait leur père à l'accompagner lors des courses et àrendre les objets du larcin de leur mère.L'examen clinique confirme l'existence de troubles du comportement (troubles dusommeil, troubles sphinctériens, méfiance, semi-mutisme, hyperphagie). Il existe unealtération cognitive avec : trouble de la mémoire de fixation, manque de mots,dyscalculie. L'exploration est difficile à cause du mutisme et de la désorientationtemporo-spatiale. On observe une apathie et des déambulations incessantes. Le MMSest à 15/30.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est l'hypothèse diagnostique la plus probable ?2 — Quels sont les diagnostics différentiels les plus probables?3 — Quel bilan complémentaire demandez-vous pour étayer votre hypothèse diagnos-tique la plus probable et qu'en attendez-vous?

Voir réponses en fin de chapitre.

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DÉFINITIONSLes états démentiels représentent un groupe d'affections bien individualisées du restede la pathologie mentale.Leur pluralité se justifie par la variabilité de leur présentation clinique, de leur âge desurvenue, mais surtout par le difficile problème de leur origine. Il existe en effetplusieurs arguments pour affirmer que les causes des états démentiels sont multiples,même s'il peut être admis que ces maladies gardent une certaine unité psychopatholo-gique.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Leur prévalence atteint environ 5 % après 60 ans, 10 % après 70 ans et 20 % après80 ans.

GÉNÉRALITÉS

• À un stade précoce, un état démentiel peut se définir par un affaiblissement global,acquis des fonctions corticales supérieures, y compris la mémoire, la capacité derésoudre les problèmes quotidiens de l'existence, les facultés perceptivo-motricesacquises, la capacité de vivre en société, tous les aspects du langage et de lacommunication, et le contrôle des réactions émotionnelles, en l'absence de troublesflagrants de la conscience.Au début, ces signes sont souvent discrets en raison de la persistance de certainsautomatismes et d'une minimisation qui masquent la symptomatologie déficitaire.• La maladie est souvent progressive mais pas nécessairement irréversible (certainescauses traitées précocement sont en effet curables).• Le pronostic dépend en fait de la nature du processus pathogène et de la précocitéde la prise en charge.Le terme de démence était initialement un concept anatomo-clinique qui, employé duvivant du malade, ne suggère qu'un diagnostic probable.• Les thérapeutiques dépendent donc de l'enquête étiologique et doivent toujours êtreappliquées le plus tôt possible. Elles sont, dans certains cas, curatives sinon ellesenvisagent la stabilisation et la réhabilitation du sujet dément.

CLINIQUE

SIGNES DE DÉBUT

Un syndrome démentiel peut débuter avec des aspects variables. Il faut y penser chezun sujet âgé devant les éventualités suivantes :• survenue d'oublis de plus en plus fréquents : noms propres, numéros de téléphone,adresses, conversations et faits survenus dans la journée écoulée, généralement alorsassociés à des difficultés dans la vie courante : moins bonne capacité à se retrouver età s'orienter dans des lieux nouveaux, incertitudes sur la date et le jour, fatigabilité àl'effort intellectuel, négligence de soi et détachement progressif vis-à-vis des tâchesadministratives et des responsabilités ;

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Démences

• survenue d'un tableau dépressif où le fléchissement de l'humeur, le ralentissementet les idées noires s'associent à des perturbations cognitives ;

• survenue de modifications du caractère et de troubles du comportement avecapparition progressive de labilité émotionnelle, d'irritabilité, d'instabilité, d'opposition etde turbulence, parfois de conduites incongrues ;

• survenue d'idées fausses, insensées voire délirantes de persécution ou de préjudice,chez un sujet sans antécédent psychotique. Elles concernent souvent l'entourageimmédiat du patient, sa famille ou ses voisins.

SIGNES D'ÉTAT

• L'ensemble des fonctions cognitives s'altère. Le sujet a des troubles de la mémoirede fixation ; il n'enregistre plus rien. Il se souvient de moins en moins de son passépersonnel et des informations générales. Il ne sait plus exécuter les gestes courants duquotidien. Il a de plus en plus de mal à reconnaître ce qui l'entoure.• Il perd progressivement la capacité à communiquer et à comprendre les informationsdonnées par les autres.• Il perd aussi toutes les convenances de l'hygiène, des règles alimentaires, de lasociabilité. Il peut devenir agité, agressif, violent.

SIGNES TERMINAUX

Il devient de plus en plus dépendant pour tous les actes de la vie courante, souventcachectique et décède dans un état grabataire.

DIAGNOSTIC POSITIF

La suspicion diagnostique impose :• un examen clinique complet pour apprécier surtout l'état général (perte de poids) etcardio-vasculaire (HTA), ainsi que le degré de vigilance (recherche d'une confusionmentale) ;

• un entretien soigneux avec le patient et son entourage (un référent familial)permettant de préciser les modalités d'apparition des divers troubles et leur évolutivité,les éventuels antécédents familiaux et personnels du sujet, les traitements antérieurs etactuels (certains médicaments sont susceptibles d'altérer la mémoire).

L'éventuel retentissement des troubles sur les activités de la vie quotidienne doit êtreapprécié.Il est aussi important de tenir compte d'éventuels déficits sensoriels et du niveausocioculturel préalable.Pour que le diagnostic de syndrome démentiel puisse être retenu, il faut unaffaiblissement global des fonctions supérieures d'intensité suffisante pour entraînerdes difficultés d'adaptation professionnelle ou sociale.

EXPLORATION CLINIQUE

L'examen clinique et l'interrogatoire sont un moment essentiel ; ils demandent dutemps et une démarche organisée.

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TROUBLES DE LA MÉMOIRE

Les troubles de la mémoire sont précoces.• L'empan mnésique est abaissé (nombre d'informations restituables immédiatementaprès réception : de 5 à 10 chez le sujet sain). En pratique, on l'évalue par la liste des3 mots dans le MMSE ou par le test des 5 mots (voir chapitre « difficultésmnésiques »).• La fixation mnésique est déficiente. Le sujet ne peut plus retenir des informations àcourt terme. Il a des difficultés à apprendre (oubli à mesure).• Le sujet a des troubles de la mémoire des faits récents. Il ne se souvient pas de cequ'il a fait la veille.• Il peut avoir aussi des troubles de la mémoire à long terme ou des faits anciens. Cestroubles portent d'abord sur des éléments neutres (informations générales), puisprogressivement sur des souvenirs à forte charge affective (ses repères biographiques,son histoire personnelle).Cependant, la possibilité d'évocation des souvenirs peut varier d'un jour à l'autre etchanger selon la motivation et la charge affective rattachée aux événements.Le sujet peut essayer de cacher ses troubles, de les minimiser et de les compenser (ilrépond à côté, banalise, utilise des formules passe-partout).

TROUBLES DES AUTRES FONCTIONS SUPÉRIEURES

• Troubles de l'orientation, d'abord temporelle puis spatialeLe sujet ne parvient plus à élaborer un récit chronologique ordonné, puis à se situerdans le temps (d'abord par rapport à l'année, au mois et au jour puis dans la journée)et dans l'espace (d'abord dans les espaces peu familiers, puis chez lui). L'estimationcorrecte de la durée se perd aussi jusqu'à ne plus pouvoir donner son âge.• Troubles de l'attention gênant la possibilité d'apprentissage.• Troubles du raisonnement empêchant la résolution de problèmes simples et illustrantla progressive perte de la capacité d'abstraction. Les troubles du calcul (surtout mental)objectivent cliniquement cet affaiblissement.• Troubles du jugement marqués par l'absence de critique d'histoires absurdes, desdifficultés pour interpréter des proverbes. Ils sont parfois responsables de conduitesrépréhensibles non reconnues dans leur anormalité par le sujet.

ALTÉRATIONS DES FONCTIONS INSTRUMENTALES

• Troubles du savoir-parler (ou troubles phasiques) : ils portent sur l'expression dulangage et l'élaboration de son contenu. Ils sont d'abord marqués par une gêne à laparole et un appauvrissement (oublis des noms propres et des termes techniques, puisdes mots usuels ; les objets sont alors décrits par leur usage à l'aide de périphrases),puis par des persévérations', des formules passe-partout, des réponses de moins enmoins compréhensibles (stéréotypées, floues, inadéquates voire écholaliques 2). Ilss'associent progressivement à une agraphie.

1.Persévérations tendances à maintenir ou à répéter le même type de conduite ou de comportement sans tenir compte desmodifications de la situation ou de la question posée.2. Echolalie : stéréotypie verbale caractérisée par la répétition involontaire et dénuée de sens des derniers mots entendus par lemalade.

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Démences

L'exploration simple du langage à la recherche de troubles mineurs repose sur desépreuves de dénomination d'objets, de répétition de mots ou de phrases, de définitionde mots ou de proverbes et sur la lecture à voix haute (recherchant aussi une alexie).• Troubles du savoir-faire (ou praxiques) : ils sont marqués par une incapacitéprogressive à réaliser les gestes de l'activité quotidienne (en l'absence d'altération de lamotricité et de la compréhension), démontrés par certaines épreuves :— l'échec du sujet dans des tâches consistant à refaire un geste simple par exemple lesalut militaire, le signe de croix confirme une apraxie idéomotrice ;- un geste complexe utilisant des objets, par exemple allumer une bougie, préparer unelettre, correspond à une apraxie idéatoirel (incapacité de manipulation) ;— ou enfin l'impossibilité de dessiner spontanément ou par copiage renvoie à uneapraxie constructive.• Troubles du savoir-reconnaître (ou gnosiques) : ils sont marqués par des difficultés àidentifier des objets, des couleurs, des parties du corps (autotopoagnosie 2 ), des visages(prosopagnosie) ou des mélodies, alors que les fonctions sensorielles sont intactes.

TROUBLES DES FONCTIONS EXÉCUTIVES

Elles se traduisent par des difficultés d'abstraction, de planification, de séquençage,d'initiation et d'organisation d'actions complexes.

TROUBLES DU COMPORTEMENT ET MODIFICATIONS DU CARACTÈRE

• Le sujet peut devenir de plus en plus indifférent, apathique. Il se désintéresse de sonentourage. Il néglige ses soins corporels. Il peut devenir turbulent la nuit (inversionnycthémérale du sommeil).• Il peut aussi faire des fugues, errer sans retrouver son domicile, devenir désinhibé(exhibitionnisme, propos grossiers) et avoir des troubles du comportement alimentaire(gloutonnerie, allotriophagie : ingestion d'éléments non comestibles) et excrémentiel(gâtisme).• Le caractère peut évoluer vers l'irritabilité, la tendance aux colères, l'agressivité, laméfiance et l'égoïsme ou vers la puérilité et la jovialité.• Le sujet peut aussi présenter des idées délirantes diverses, principalement depréjudice, persécutoires ou parfois hypocondriaques, mais généralement incohérentes,absurdes et plutôt fugaces. Il peut avoir enfin des idées fixes et des phénomèneshallucinatoires.

PRÉSENTATION DÉPRESSIVE

Un état dépressif isolé ou associé à des troubles cognitifs peut en effet représenter undes modes de début de la maladie démentielle.Un traitement antidépresseur d'épreuve permet alors (pour certains) de distinguer unedépression pseudo-démentielle, dont tous les symptômes s'améliorent rapidement,

1. Apraxie idéatoire : les gestes simples sont exécutés mais il y a une perte de l'aptitude à faire un geste qui demande l'usage d'objets(donc une succession d'actes).2. Autotopoagnosie : agnosie spatio-temporelle caractérisée par l'incapacité de reconnaître la localisation des différentes parties ducorps.

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Tests de fluence verbale'

• Fluence lexicale catégorielle : le patient doit dire en deux minutes tous les nomsappartenant à une même classe qu'il connaît (animaux, villes de France, etc.).• Fluence lexicale alphabétique : le patient doit dire en deux minutes tous les nomscommuns débutant par une lettre donnée (f, m, t...).

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d'une dépression secondaire à la démence (syndrome dépressif de la démence) où vontpersister les troubles cognitifs.

SIGNES NEUROLOGIQUES

L'examen neurologique est indispensable.• Le diagnostic de démence se pose rarement au décours d'une épilepsie tardive.Parfois, premier signe patent de la maladie, la crise comitiale constitue le plus souventune complication évolutive.• L'examen neurologique s'attache plus à rechercher des signes objectifs :—réapparition des réflexes archaïques : réflexe palmo-mentonnier, réflexe de préhen-sion, réflexe de succion ;—et surtout des troubles moteurs (hypertonie oppositionnelle, incoordination motrice)plutôt présents à un stade avancé de la maladie et dans la forme vasculaire.

EXPLORATIONS PSYCHOMÉTRIQUES COMPLÉMENTAIRES

TESTS SIMPLES

Il est bien sûr indiqué d'évaluer, à l'aide de tests simples, les fonctions précédemmentévoquées pour avoir un repérage quantifié de l'altération cognitive.• Le plus connu et le plus facilement utilisable est le Mini Mental State (MMS) (versionGRECO : voir chapitre Difficultés mnésiques) qui permet une évaluation globale etstandardisée des fonctions cognitives en dix minutes. Le score maximal est de 30 pointset on considère qu'il y a atteinte des fonctions intellectuelles pour un score inférieur à24. Il n'est cependant pas un test diagnostique et en ce sens ne peut pas être utiliséseul. L'âge, le niveau socioculturel ainsi que l'état affectif (anxiété et dépression)peuvent avoir une influence sur le résultat.• D'autres tests de réalisation simple (épreuve de rappel des cinq mots, tests de fluenceverbale, test de l'horloge, test du dessin du personnage...) sont utilisables en fonctionde l'expérience de chaque praticien (voir chapitre Difficultés mnésiques).

• L'échelle des activités instrumentales de la vie quotidienne (IADL) dans sa formesimplifiée à quatre items peut aussi être utilisée. Si un de ces quatre items les plussensibles (utilisation du téléphone, utilisation des transports, prise de médicaments,gestion des finances) est inefficient, il y a un retentissement significatif des troubles surl'activité quotidienne du patient.

1. Fluence verbale terme neuropsychologique rendant compte de la capacité du sujet à donner le plus possible de mots avec un liensémantique pendant un temps donné (par exemple, une liste d'animaux en une minute).

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Démences

Échelle IADL 4 items

Cette échelle doit être remplie en utilisant une ou plusieurs sources d'informations(malade, famille, amis).La réponse qui correspond le mieux aux capacités du sujet (une seule réponse par item)doit être cochée.

Utiliser le téléphone❑ 0 : Se sert du téléphone de sa propre initiative❑ 1 : Compose seulement quelques numéros de téléphone bien connus❑ 1 : Peut répondre au téléphone mais ne peut pas appeler❑ 1 : Ne se sert pas du tout du téléphone

Utiliser les transports❑ 0 : Voyage tout seul en utilisant les transports publics, le taxi ou bien sa propre voiture❑ 1 : Se déplace seul en taxi, mais pas en autobus❑ 1 : Utilise les transports publics à condition d'être accompagné❑ 1 : Ses déplacements sont limités au taxi ou à la voiture, avec l'assistance d'un tiers❑ 1 : Ne se déplace pas du tout à l'extérieur

Prendre des médicaments❑ 0 : Prend ses médicaments tout seul, à l'heure voulue et à la dose prescrite❑ 1 : Est capable de prendre tout seul ses médicaments, s'ils sont préparés à l'avance❑ 1 : Est incapable de prendre ses médicaments

Gérer ses finances❑ 0 : Gère ses finances de manière indépendante (tient son budget, fait des chèques,paie ses factures, va à la banque)❑ 1 : Parvient à effectuer des achats journaliers, mais a besoin d'aide pour s'occuper deson compte en banque ou pour des achats importants. Ne peut pas rédiger des chèquesou suivre en détail l'état de ses dépenses❑ 1 : Est incapable de s'occuper de son argent

SCORE

• Une évaluation d'une éventuelle dépression est réalisable à l'aide de la mini-GDS.• On peut aussi pratiquer un score de Hachinski qui cherche à différencier causesdégénérative et vasculaire.Si, en dépit d'une plainte mnésique du patient ou d'une inquiétude de l'entourage, lesrésultats de ces évaluations sont normales et qu'il n'y a ni trouble de l'humeur, nitrouble du comportement, une évaluation comparative doit être proposée trois à sixmois plus tard.

TESTS PLUS ÉLABORÉS

Un avis spécialisé peut aussi être demandé au moindre doute (en particulier dans uncentre mémoire).

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Guide pratique de psychogériatrie

• Un bilan neuropsychologique peut alors mieux apprécier la situation au moyen detests tels que le test de Grober et Buschke qui apprécie la mémoire verbale épisodiqueet qui comporte un indiçage et un rappel différé.Mais les méthodes psychométriques sont très diversifiées :• La Wechsler Adult Intelligence Scale (WAIS) reste très utilisée ;• L'échelle de Mattis ;• La comparaison d'un test de vocabulaire (Binois-Pichot) donnant le niveau desconnaissances acquises par le sujet au cours de son existence avec un test deperformance (test des dominos) permet aussi d'apprécier au mieux le niveaud'altération pathologique.• Le trait making test, le test de rétention visuelle de Benton et la figure complexe deRey, sensibles à l'atteinte organique cérébrale, donnent aussi une assez bonneévaluation et peuvent rendre compte de l'évolutivité de l'affaiblissement cognitif, mais,pas plus que les instruments précédents, ils n'écartent l'effet sur les performancesd'états réversibles ou trompeurs (dépression à forme pseudo-démentielle, état anxieux,psychose chronique).

EXAMENS PARACLINIQUES

EXAMENS BIOLOGIQUES

Le but est de rechercher une cause curable et de dépister une éventuelle pathologieassociée.• De façon systématique, il est recommandé de prescrire un dosage de la TSH et de laglycémie, un hémogramme et un ionogramme sanguin (incluant une calcémie).• En fonction du contexte clinique, seront prescrits : sérologies syphilitique et VIH,dosage de la vitamine B12 et des folates, bilan hépatique, analyse du liquide céphalo-rachidien.Il en est de même de la VS, du CRP, du fer sérique, du bilan rénal et lipidique.

IMAGERIE CÉRÉBRALE MORPHOLOGIQUE (TOMODENSITOMÉTRIECÉRÉBRALE, IRM)

Elle est systématiquement recommandée devant toute démence d'installation récentepour éliminer un processus expansif intracrânien, un hématome sous-durai, unehydrocéphalie à pression normale, des lésions d'origine vasculaire... Mais cetteimagerie ne permet pas de porter le diagnostic de démence.

IMAGERIE FONCTIONNELLE PAR SPECT (IMAGERIE PAR ÉMISSIONMONOPHOTONIQUE QUI ÉTUDIE LE DÉBIT SANGUIN RÉGIONAL)[SCINTIGRAPHIE CÉRÉBRALE]

Elle peut être demandée devant un tableau atypique ou s'il existe un doute diagnostiqueentre maladie d'Alzheimer (MA) et démence fronto-temporale.L'imagerie fonctionnelle par DAT-Scan se pratique de plus en plus pour faire lediagnostic différentiel entre MA et démence à corps de Lewy (DCL). Elle rend comptede l'activité dopaminergique, perturbée dans la DCL.

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Démences

ÉLECTROENCÉPHALOGRAMME

La réalisation d'un électroencéphalogramme (EEG) simple n'est recommandée qu'enfonction du contexte clinique (crise comitiale, suspicion d'encéphalite ou d'encéphalo-pathie métabolique, de maladie de Creutzfeldt-Jakob...).L'EEG de sommeil semble intéressant pour différencier démence et dépression : étudede la latence d'apparition du sommeil paradoxal (latence REM = à mouvementsoculaires rapides — réduite dans la dépression), pourcentage de sommeil paradoxal(atténué dans la démence) et précocité des éveils matinaux (fréquents chez ledépressif).

DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL

VIEILLISSEMENT NORMAL

Il entraîne des modifications variées des fonctions intellectuelles qui n'ont généralementpas une sévérité suffisante pour retentir sur les fonctions sociales. Les troubles de lamémoire immédiate, souvent transitoires, sont les plus fréquents. Ils réalisent « l'oublibénin lié à l'âge » : le sujet est plutôt conscient de ses troubles et s'en irrite, sonattention et ses capacités d'adaptation sont diminuées.La personne âgée peut aussi présenter une diminution de la capacité d'apprendre desinformations nouvelles et un ralentissement des processus de pensée.Le vieillissement normal peut aussi s'accompagner d'une atrophie cérébrale physiologi-que visible en imagerie.L'EEG se modifie avec l'âge de façon variable selon les sujets. Il y a généralement unralentissement diffus du rythme alpha.En outre, on note aussi dans le cerveau âgé autopsié, des lésions dégénérativesidentiques à celles retrouvées dans la démence de type Alzheimer, mais en quantitébien moindre et sans localisation particulière.

DÉPRESSION

Le syndrome dépressif, fréquent chez le sujet âgé, peut provoquer une altérationimportante des fonctions cognitives et des troubles du comportement simulant un étatdémentiel. L'incidence de cette dépression pseudo-démentielle est estimée à environ10 % des diagnostics de démence.Les arguments diagnostiques sont essentiellement cliniques. Le sujet a plus souventdes antécédents psychiatriques (surtout des troubles dépressifs). Le début des troublesest précis et la progression en est rapide.Le retentissement social de la maladie est plus précoce. Le sujet se plaint plusfacilement et exprime son déficit de façon détaillée : c'est généralement un troublemnésique qui porte sur des détails pouvant être remémorés ultérieurement. Il y a peu(ou pas) de trouble instrumental associé.Le sujet fait peu d'efforts pour participer aux tâches proposées et se présente rarementindifférent, mais plutôt anxieux et majorant ses troubles. Les réponses « je ne saispas », « je ne me souviens pas » sont fréquentes.

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Une évaluation de la mémoire par le test de Grober et Biischke est indiquée. Le sujetdépressif profitera de l'indiçage pour améliorer sa mémoire de rappel. Le test simplifiédes 5 mots est aussi très contributif.L'évolution sous traitement antidépresseur est favorable, mais les risques de rechuteet surtout de développer ultérieurement une authentique démence ne doivent pas êtresous-estimés.

CONFUSION

Son installation brutale ne devrait a priori pas faire errer le diagnostic, d'autant plusqu'il existe des troubles de la conscience (altération de la vigilance). La désorientationest majeure et l'onirisme (délire vécu et agi, comme dans un rêve) fréquent. Lephénomène est donc aigu et transitoire.Mais une confusion peut passer à la chronicité inaugurant ainsi une démence etl'évolution d'une démence peut se compliquer d'épisodes confusionnels. Il y a alors uneangoisse diffuse associée et une variabilité des symptômes d'un moment à l'autre.

TROUBLES ISOLÉS DES FONCTIONS SYMBOLIQUES

Il peut s'agir d'apraxies ou d'agnosies isolées mais surtout d'aphasies (les troubles dulangage rendent alors malaisée l'appréciation de l'efficience intellectuelle).Les causes sont surtout vasculaires (accident vasculaire cérébral ischémique ouhémorragique) et tumorales, mais certains états démentiels peuvent débuter par untrouble isolé d'une fonction symbolique.Un argument diagnostique important est l'attitude du patient vis-à-vis de son trouble :il réagit de façon anxieuse et coopérative contrairement au sujet dément plutôtindifférent et distrait.

Critères diagnostiques de la démence à corps de Lewy (critères de McKeith)1. Déclin cognitif progressif retentissant sur la vie sociale et les activités courantes,avec une prédominance des troubles de l'attention, des perturbations des fonctionsfronto-sous-corticales et visuo-spatiales. Les troubles de la mémoire ne sont pasforcément au premier plan dès le début, mais sont évidents lors de l'évolution.2. Présence d'au moins deux des trois critères suivants :• fluctuation des aptitudes cognitives avec des variations prononcées de l'attention et del'état d'alerte ;• hallucinations visuelles élaborées et récidivantes ;• syndrome parkinsonien spontané.3. Manifestations évocatrices du diagnostic :• chutes à répétition ;• syncopes ;• pertes de connaissance brèves ;• hypersensibilité aux neuroleptiques ;• hallucinations non visuelles.4. Manifestations rendant le diagnostic moins probable :• signes neurologiques ou radiologiques d'AVC ;• mise en évidence d'une autre cause organique de démence.

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Démences

[ Critères cliniques de démence fronto-temporale (critères de Lund & Manchester)1. Troubles du comportement :• début insidieux et lente progression ;• perte précoce de la « conscience personnelle (mauvaise hygiène personnelle, laisser-aller vestimentaire) ;• perte précoce des convenances sociales (manque de tact, actes délictueux tels quevols à l'étalage) ;• signes précoces de désinhibition (sexuelle, verbale, jovialité inappropriée, impatiencemotrice) ;• rigidité mentale ;• hyperoralité (boulimie, consommation excessive d'alcool, exploration orale d'objets) ;• comportements stéréotypés et persévératifs (déambulations, gestes répétitifs, ritualisa-tions telles que collectionnisme, toilettage...) ;• comportement d'utilisation (manipulations incessantes des objets) ;• distractibilité, impulsivité ;• anosognosie précoce.2. Symptômes affectifs :• dépression, anxiété, exacerbation thymique, délire transitoire ;• préoccupations hypocondriaques bizarres ;• indifférence émotionnelle ;• amimie (inertie, aspontanéité).3. Troubles du langage :• réduction progressive du langage ;• stéréotypies verbales ;• écholalie et persévérations ;• mutisme tardif.4. Préservation de l'orientation spatiale et des praxies5. Signes physiques :• réapparition précoce des réflexes archaïques (grasping, réflexes de succion, de lamoue) ;• incontinence précoce ;• akinésie, rigidité et tremblement tardifs ;• pression artérielle basse et labile.6. Examens paracliniques :• EEG normal ;• atrophie frontale et/ou temporale antérieure en imagerie cérébrale ;• disproportion entre la sévérité des troubles neuropsychologiques frontaux et la moindreintensité des troubles de la mémoire, du langage et des fonctions visuo-spatiales.En faveur du diagnostic :• début avant l'âge de 65 ans ;• histoire familiale ;• paralysie bulbaire, faiblesse musculaire, amyotrophie, fasciculations (par atteinte dumotoneurone).

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Guide pratique de psychogériatrie

PRINCIPALES CAUSES

• Communément, on a admis que la maladie d'Alzheimer était la principale cause dedémence dans les pays post-industrialisés. Cela est toujours vrai, mais les prévalencesd'autres formes de démence reprennent du terrain. Est-ce que ces dernières ont étésous-estimées ou deviendraient-elles plus fréquentes ?La maladie d'Alzheimer se caractérise essentiellement par 2 types de lésionscérébrales : les plaques séniles et la dégénérescence neurofibrillaire (DNF). Elless'associent à une perte neuronale et synaptique notable. L'influence de l'état artérielcérébral est discutée.

• Quoi qu'il en soit, on observe de plus en plus de démences à corps de Lewy et dedémences fronto-temporales.La démence à corps de Lewy est une démence dégénérative dont le substratumlésionnel est représenté par de nombreux corps de Lewy répartis de façon diffuse dansles structures sous-corticales et corticales. Des plaques séniles, une des deux lésionsretrouvées dans la maladie d'Alzheimer, sont souvent associées ; par contre, on n'yobserve pas de dégénérescence neurofibrillaire.Les démences fronto-temporales se distribuent en :-Maladie de Pick-Dégénérescence fronto-temporale aspécifique-Démence associée à une maladie du motoneurone.La démence de type frontal est loin d'être rare. Elle serait la deuxième cause, enfréquence des démences dégénératives. Mais il est actuellement impossible deconnaître l'importance exacte de ce type de démence. Selon les études, sa prévalencevarie de 0,4 à 10 %. Sa fréquence relative, par rapport à la maladie d'Alzheimer, seraitde un pour quatre en moyenne. Lorsqu'il est isolé, le tableau de démence de type frontalrenvoie essentiellement à trois entités neuropathologiques.L'entité la plus ancienne et la plus classique, mais aussi celle qui est la plus rare, estla maladie de Pick. Elle est caractérisée par la présence de corps de Pick (inclusionsneuronales argyrophiles), de cellules ballonisées, et d'une gliose astrocytaire ; la perteneuronale entraîne une atrophie prédominante au niveau des régions frontobasales etdes noyaux gris.La seconde entité, de loin la plus fréquente, est représentée par les démences fronto-temporales, où l'étude neuropathologique ne met en évidence qu'une perte neuronale etune spongiose aspécifique, plus ou moins associée à une gliose. Ces lésions sontlocalisées au cortex préfrontal et à la partie antérieure du lobe temporal.La troisième entité est beaucoup plus rare : il s'agit de la démence de type frontal avecatteinte du motoneurone. Sur le plan neuropathologique, il y a association de lésionsencéphaliques de type démence fronto-temporale à une atteinte du motoneurone.Le tableau clinique de la démence de type frontal associe un terrain particulier, destroubles du comportement, des modifications de l'affectivité et une altération dufonctionnement cognitif dominée par les troubles du langage.

• Les facteurs vasculaires sont aussi de mieux en mieux appréhendés puisqu'ils sontaussi impliqués dans l'étiopathogénie de la maladie d'Alzheimer sporadique.

En effet, il semble clair qu'il faut distinguer les formes familiales de certaines démences,où des gènes sont directement impliqués et qui représentent 0,6 % des démences, desformes sporadiques grandement majoritaires dans lesquelles plusieurs gènes desusceptibilité ont été répertoriés. Le plus validé est le gène epsilon 4 de l'apolipopro-téine E, mais il en existe de nombreux autres.

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Démences

• D'autres causes sont plus rares et éventuellement curables : syphilis, maladie deWhipple, démence associée au VIH, tumeur cérébrale, hématome sous-durai,hydrocéphalie communicante, encéphalite limbique paranéoplasique, maladie deCreutzfeldt-Jakob, leucodystrophies...

Différents types de démence :Démences dégénératives :• maladie d'Alzheimer

• démences fronto-temporales

• démences à corps de Lewy

• dégénérescence cortico-basale

• démence avec maladie de Parkinson

• paralysie supranucléaire progressive

• maladie de Huntington

• syndrome de Down

• syndrome de Gertsmann-Straussler-Scheinker

• autres causes

Démences non dégénératives :vasculaires :• infarctus multiples

• état lacunaire

• maladie de Binswanger

• angiopathie amyloïde

• démence hémodynamique

carentielles :• vitamine B1

• vitamine B12 (anémie macrocytaire)

• folates

• vitamine PP

métaboliques endocriniennes :• dysparathyroïdie

• dysthyroïdie

• séquelles d'anoxie

• encéphalopathie hépatique

• troubles hydro-électrolytiques

infectieuses et inflammatoires :• démence du SIDA

• paralysie générale (neuro-syphilis)

• agents infectieux non conventionnels

• maladie de Creutzfeldt-Jakob

• maladie de Whipple

• leucoencéphalopathie multifocale

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Guide pratique de psychogériatrie

• sclérose en plaques

toxiques :• iatrogène (neuroleptiques, anticholinergiques)

• toxiques (C C14)

• alcoolisme chronique

• syndrome de Korsakoff

• maladie de Marchiafava-Bignami

• pellagre

• dialyse chronique

mécaniques :• hydrocéphalie chronique de l'adulte

• processus expansif

• séquelles de traumatisme crânien

Signes et symptômes psychologiques et comportementaux des démences(Consensus de l'International Psychogeriatric Association)

Les patients déments présentent des troubles cognitifs mais aussi des manifestationsnon cognitives regroupées sous l'intitulé « signes et symptômes psychologiques etcomportementaux ». Leur prévalence est d'environ 50 % de l'ensemble des sujetsdéments.Il existe actuellement un consensus sur l'importance de ces troubles qui émaillent lecours évolutif des démences, en particulier de la maladie d'Alzheimer. Ce constat ad'ailleurs fait reconsidérer l'action thérapeutique qu'exercent les médicaments qualifiésde « promnésiants ».Ils correspondent à des distorsions, soit des perceptions, soit du contenu de la pensée,soit de l'humeur, soit enfin du comportement.On y distingue :• Les délires et les troubles de l'identification qui comportent :—les accusations de vol, d'infidélité ;— les délires sous-tendus par un trouble perceptif visuel entraînant des faussesreconnaissances, dont le phénomène du fantôme, le trouble de la reconnaissance de sapropre image (dans le miroir), le trouble de l'identification d'une autre personne, laconviction que les personnes de l'écran de télévision sont présentes ;— le délire de Capgras (non-reconnaissance d'un proche alors que la ressemblance estsoulignée, identification d'un sosie) ;—le délire de Fregoli (fausse reconnaissance de plusieurs personnes sans ressemblancecomme étant la même personne) ;- le délire d'intermétamorphose (plusieurs individus différents sont reconnus commeincarnés dans le même corps).• Les hallucinations, différentes des illusions (erreur perceptive) et qui sont favoriséespar l'agnosie visuelle.• L'agitation, qui peut être verbale, physique non agressive ou agressive.

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Démences

• L'instabilité motrice, marquée par des déambulations (calmes ou forcées et alorsdangereuses pour les autres), une tasikinésie (incapacité à rester assis ou allongé) et parle syndrome de Godot (manifestation anxieuse qui consiste à suivre l'aidant principaldans ses déplacements).• Les compulsions, sous forme de comptages à haute voix, de répétitions gestuellesdont la distinction avec les stéréotypies est difficile.• La désinhibition et/ou l'exaltation, qui sont souvent associées à de l'impulsivité, à unegrande distractivité, et qui peuvent s'exprimer par des troubles du contrôle de l'émotion.• L'apathie, qui correspond à un trouble de la motivation et se traduit par unediminution de l'initiation motrice, de l'initiation cognitive et du ressenti affectif.• L'hyperémotivité, qui est favorisée par des circonstances précipitantes alors que lesréactions de catastrophe sont indépendantes du contexte.• Des manifestations dépressives, sous forme de troubles du comportement.• L'anxiété, qui peut être liée à la dépression, à des manifestations psychotiques, à dessituations interpersonnelles ou syndrome du coucher du soleil (sundowning syndrome).• Les troubles du sommeil et du rythme circadien, qui se traduisent par une inversionnycthémérale, une somnolence diurne et une hyperactivité dans la période dusundowning.• Les troubles des conduites alimentaires, qui comportent une hyperphagie, unehyperoralité ou à l'inverse un renoncement avec perte de poids et qui sont probablementen relation avec un trouble de la satiété.• Des troubles des conduites sexuelles soit en réduction, soit par une désinhibition. Ilssont fréquents dans la maladie d'Alzheimer à un stade sévère, mais ce sont les premierssymptômes dans la démence fronto-temporale.

TRAITEMENT

PRINCIPES DU TRAITEMENT

Les patients déments ont un impact socio-économique énorme sur le système de santéparce qu'ils nécessitent une très grande quantité de soins. Compte tenu de la diversitédes causes des démences, il est vain de vouloir leur trouver un traitement unique. Il estimpératif de toujours rechercher et traiter d'éventuelles causes curables avant de serésoudre à un traitement symptomatique qui doit être idéalement complété par destechniques de stimulation.Les mesures de protection (curatelle ou tutelle) sont quasiment systématiques chez cespatients.

TRAITEMENT CURATIF

Dans certains cas, on peut proposer :• une intervention chirurgicale sur les hématomes, l'hydrocéphalie à pression normaleet les tumeurs, tout en sachant cependant que chez les personnes âgées, l'agressionchirurgicale et anesthésique peut entraîner ou aggraver l'altération des fonctionscognitives ;

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Guide pratique de psychogériatrie

• la correction des troubles métaboliques et carentiels, mais le bénéfice thérapeutiquedépend de la rapidité d'application par rapport à l'installation des symptômes ;• une antibiothérapie, comme dans la paralysie générale ou la maladie de Whipple ;• une hormonothérapie substitutive (thyroïde).

TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE

• Médicaments « promnésiants » devenus « symptomatiques » desdémencesTrois molécules existent sur le marché français. L'objectif initial était d'obtenir un effetbénéfique sur la mémoire, mais les résultats ont été décevants sur ce point alors qu'onconstatait une amélioration sensible dans d'autres dimensions de la symptomatologieobservée en particulier sur le plan du comportement, mais aussi au niveau de la sphèreaffective et émotionnelle. Leurs indications sont donc le traitement « symptomatique »de la maladie d'Alzheimer dans ses formes légères à modérément sévères.Cela intéresse donc le déficit cognitif et principalement les troubles de la mémoire et del'apprentissage, les perturbations non cognitives — essentiellement les troubles desémotions et des comportements — et enfin les activités de la vie quotidienne.Mais elles sont aussi indiquées dans la démence à corps de Lewy, dans la démenceparkinsonnienne et dans la démence vasculaire ou mixte.

La première molécule a été la tétrahydroaminoacridineElle était plus connue sous le nom de tacrine et commercialisé sous le nom de Cognex.Elle fait partie de la famille des inhibiteurs de l'acétylcholinestérase (premièregénération) dont le principal effet pharmacologique est d'améliorer le fonctionnementdes synapses cholinergiques centrales.Des effets cholinergiques latéraux tels que nausées, vomissements, diarrhée ont étéobservés dans 1/5 des cas. Une toxicité hépatique s'est révélée plus inquiétantetouchant près de 40 % des sujets traités, marquée par une élévation des transamina-ses, sévère dans 2 % des cas. De ce fait, le Cognex n'est plus recommandé et aucuntraitement ne doit maintenant être initié.On dispose donc de trois molécules :

Le chlorhydrate de donépézil ou AriceptIl fait aussi partie de cette famille (seconde génération avec affinité différentielle et doncun moindre impact cholinergique périphérique). Sa demi-vie de 70 heures permet uneprise journalière unique.Il n'a pas de toxicité hépatique et ses effets latéraux sont souvent modérés à type dediarrhée, vomissement, fatigue, crampes musculaires et vertiges. La prise recomman-dée est de 5 mg/j révisable à 10 mg après un mois. Son administration ne nécessitepas de suivi biologique.

La rivastigmine ou ExelonElle appartient à la famille chimique des carbamates. Elle n'a pas non plus de toxicitéhépatique. La preuve de son efficacité repose sur un nombre plus important d'étudesque les précédentes. La posologie recommandée est de 1,5 mg deux fois par jour pourdébuter, avec une zone thérapeutique adaptable entre 6 et 12 mg/j.

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Démences

La galantamine ou ReminylC'est un autre inhibiteur sélectif et réversible de l'acétylcholinestérase tout en étantaussi un modulateur des récepteurs nicotiniques centraux. La posologie quotidienne estde 16 à 24 mg/j (posologie de départ : 4 mg x 2/j ; en entretien : 8 mg x 2/j ; si bonnetolérance et bonne réponse clinique : 12 mg x 2/j). Aucune toxicité hépatique n'a étérapportée. Seuls des effets indésirables digestifs ont été rapportés. Il existe depuis ledébut de l'année 2006, le Reminyl LP qui ne nécessite plus qu'une seule prise par jour.Il serait aussi efficace sur la composante cérébro-vasculaire. De plus, par cettemodulation allostérique nicotinique, cette molécule aurait un impact sur l'apathie etl'anxiété.

Ces traitements doivent être réévalués après 12 semaines et poursuivis seulement s'ily a un bénéfice évident, idéalement confirmé par des tests objectifs.Sachant qu'ils contribuent à retarder la perte d'autonomie et le moment de l'institution-nalisation et qu'ils confèrent une meilleure qualité de vie au patient et à son entourage,ils doivent être instaurés le plus précocement possible.

• Traitement des formes modérément sévères à sévèresOn dispose de la mémantine (Ebixa) qui agit sur la transmission d'un acide aminéexcitateur, le glutamate, antagoniste partiel de son récepteur de type NMDA. Il est deplus en plus co-prescrit avec un des précédents lorsque la maladie évolue, mais uneprescription plus précoce semble être de plus en plus recommandée (effet neuroprotec-teur). La posologie est en général de 20 mg/j en deux prises, que l'on atteint en 4semaines.

• Autres traitements médicamenteuxIls sont utiles pour soulager les symptômes annexes et pour améliorer la qualité de viedes patients et de l'entourage :—traitement anxiolytique (les antipsychotiques sont préférables aux benzodiazépinesréputées dysmnésiantes) ;— traitement antidépresseur (pour traiter un épisode dépressif surajouté) ;— traitement antidélirant ou antihallucinatoire (indispensable si les phénomènesangoissent le patient et entraînent des troubles du comportement) ;— traitement contre l'agitation, la turbulence et l'insomnie.Les recommandations thérapeutiques actuelles proposent d'utiliser :— les agents sérotoninergiques (escitalopram, fluoxétine, fluvoxamine, paroxétine,séropram, sertraline) sur :• les troubles du contrôle des émotions ;• les manifestations anxieuses ;•I'instabilité psychomotrice ;• les troubles des conduites alimentaires ;—les anticonvulsivants (Dépamide, Dépakine, Dépakote, Tégrétol) sur :• l'agressivité ;—les antipsychotiques et les neuroleptiques (Risperdal, Zyprexa, Abilify, Orap, Haldol)sur les hallucinations et les délires ;—les anticholinestérasiques (Exelon, Aricept, Reminyl LP) sur :• les troubles cognitifs ;• I'apathie ;• les hallucinations visuelles.

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Guide pratique de psychogériatrie

TRAITEMENTS DE RÉHABILITATION

• Leurs objectifs sont de maintenir le sujet à domicile, de retarder le plus possible sonentrée en institution, de stimuler les différents pôles de l'appareil psychique en essayantde préserver les capacités restantes et de restaurer celles atteintes mais indispensablespour les activités du quotidien, de détendre les tensions créées par la maladie dans lemilieu familial.• Il s'agit d'une prise en charge globale qui va comporter :— des entretiens individuels (reconsolidation de l'identité et du narcissisme) ;—des ateliers d'activités en groupe (ateliers de stimulation de la mémoire et desfonctions practo-gnosiques, ateliers d'activités resocialisantes, groupes de paroles,gymnastique, ateliers d'expression et de création) ;— des prises en charge individuelles (entraînement mnésique, relaxation, soinscorporels, massages, kinésithérapie, soins esthétiques, etc.) et des rencontres avec lesfamilles.L'intervention coordonnée d'une équipe médico-sociale unique assurant ces divers soinsralentit indiscutablement la dégradation et la diminution de l'autonomie. L'hôpital dejour psychogériatrique semble actuellement le lieu le plus adéquat pour cette prise encharge.

TRAITEMENT PRÉVENTIF

Aujourd'hui, il n'y a guère de stratégie biologique préventive face aux démencesdégénératives.• Néanmoins, la question actuelle repose sur les sujets à risque démentiel qui seraientvictimes d'événements ou de situations stressantes (par exemple, les pertes) faceauxquels ils n'auraient pas ou plus de ressources affectives suffisantes pour lessurmonter et s'y adapter. Ainsi, si l'on accepte cette hypothèse psychogénétique, quibien évidemment ne rejette pas les effets organiques lésionnels vraisemblablement dusà des mécanismes immunologiques non encore suffisamment explorés, il est urgent defaire des études épidémiologiques tenant compte de la biographie détaillée et de lapersonnalité antérieure de ces malades. Une première dépression dans la troisièmepartie de la vie apparaît dans cette hypothèse comme une situation à risque d'évolutiondémentiel le.• L'hygiène de vie des personnes âgées doit donc aussi être améliorée (évitement dela solitude, restauration d'un entourage familial chaleureux et d'un environnementsocial rassurant, prise en charge des déficits sensoriels...) et il faut traiter leurdépression de façon efficace et prolongée.• Les facteurs de risque vasculaire (HTA, troubles du rythme cardiaque, athéromatose,hyperlipidémie) doivent être rigoureusement prévenus et traités.

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Correction du cas clinique I

1 — On peut évoquer une démence fronto-temporale (DFT) devant l'association de :• trouble des conduites avec acte médico-légal (passage à l'acte hétéroagressif)• modifications du caractère• apathie• troubles de la mémoire• troubles des autres fonctions supérieures (raisonnement, calcul...)• altérations des fonctions instrumentales et troubles des fonctions exécutives

2 — Diagnostic différentiel• Maladie d'Alzheimer : devant ce tableau, on ne peut pas exclure une forme frontale deDTA• Démence à corps de Lewy mais absence de signes extra-pyramidaux dans cetteobservation.

3 — Démarche diagnostique :

Explorations psychométriques complémentaires :• diminution de la fluence verbale• trouble de l'encodage, du rappel libre et du rappel indicé• perturbation du test de l'horloge• altération des fonctions exécutives à la BREF• troubles massifs du langage (D080 : 33/80)

Examens paracliniques :• Examens biologiques : sans anomalie particulière• TDM cérébral : atrophie cortico-sous-corticale• Imagerie fonctionnelle par SPECT : hypodébit frontal, régions temporo-pariétalesnormales• Électroencéphalogramme : normal.

Démences

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I Dépression

• La dépression du sujet âgé est insuffisamment reconnue.• Elle peut prendre différents masques.• Elle nécessite un traitement par antidépresseur qui doit être pour-

suivi longtemps.

CAS CLINIQUEGeorges R. est adressé pour une asthénie intense et des plaintes somatiques multiples.Agriculteur à la retraite, il essaie d'organiser sa succession de son vivant entre ces troisenfants et ses petits-enfants. Son fils a repris la propriété familiale ; la fille aînée s'estsuicidée 6 ans plus tôt et les deux autres filles sont en bonne santé et travaillent. Ilexprime des idées suicidaires et une difficulté à vieillir. Il existe une anorexie modérée,des troubles du sommeil et une tendance hypochondriaque (il est persuadé d'avoir unenéoplasie digestive non diagnostiquée). Il craint qu'à son décès, ses enfants ne bradentle patrimoine. Il regrette d'avoir mené une existence uniquement laborieuse.

Questions d'auto-évaluation1 — Quels sont les mécanismes psychopathologiques fréquents chez le sujet âgé etpouvant rendre compte de ce tableau clinique ?2 - Quels traitements préconisez-vous ?

Voir réponses en fin de chapitre.

TOUJOURS Y PENSER

La dépression du sujet âgé est fréquente, mais elle est souvent mal diagnostiquée etinsuffisamment traitée.Les conséquences néfastes sur la morbidité, sur l'autonomie, sur la qualité de vie et surle recours aux services de santé sont évidentes.Si la dépression du sujet âgé est aussi méconnue en médecine générale, c'est en partielié au fait qu'elle prend, à côté d'une présentation qui correspond souvent à celle del'adulte, des formes spécifiques que l'on qualifie de masques de la dépression. Ladépression est aussi difficile à reconnaître chez le sujet âgé du fait des modificationssomatiques contemporaines du vieillissement, de l'intrication fréquente des affectionssomatiques, et de l'idée fausse mais trop classiquement répandue que cette période dela vie s'accompagne inéluctablement d'une certaine tristesse.On entend par « dépression masquée », une forme clinique où des symptômessomatiques prennent le devant du tableau. Chez le sujet âgé, cette présentation cliniqueest très fréquente, et il est parfois difficile de faire la part entre ce qui est lié à un

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Guide pratique de psychogériatrie

substratum organique et ce qui appartient à l'expression d'un désarroi dépressif. Deplus, le vieillissement et la comorbidité imprègnent souvent le tableau clinique de ladépression et ont un effet masquant majeur.La vieillesse est en effet une période de crise et de fragilisation en raison despertes multiples subies : perte de l'activité professionnelle, perte d'un corps en bonnesanté, perte de personnes chères... Il y a donc des personnes qui vieillissent bien, maisil en est aussi qui traversent cette période avec difficultés et qui les expriment d'unemanière spécifique à cet âge marquée en particulier par une atténuation des symptômesdépressifs classiques (la tristesse, l'anhédoniel) et par une plus grande fréquence deprésentations atypiques avec des comportements d'agitation, de délire, de confusion etdes somatisations.Les troubles cognitifs peuvent aussi être au premier plan du tableau clinique, et êtremis d'emblée, à tort sur le compte d'une maladie démentielle.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Probablement un tiers des sujets de plus de 65 ans a des symptômes dépressifs, maisils sont temporaires et le plus souvent associés à des maladies physiques concomitan-tes et à des difficultés sociales.En population générale, on peut estimer entre 1 et 4 % la prévalence de l'épisodedépressif majeur après 65 ans, à laquelle il faut ajouter 10 à 15 % « d'étatsdysphoriques » moins bien caractérisés.En médecine générale, 15 à 30 % des personnes âgées qui consultent présentent dessymptômes dépressifs significatifs.La consultation est souvent motivée par un trouble somatique qui masque les signesclassiques de dépression.Moins de 20 % des sujets âgés identifiés comme dépressifs sont traités avec desantidépresseurs. Trop de sujets âgés dépressifs sont traités par des tranquillisants.Enfin, 75 % des personnes âgées qui commettent un suicide ont pourtant consulté leurmédecin dans le mois qui précède leur mort.Chez le sujet âgé, le taux de suicide est le double de celui de la population générale etla dépression en est la principale cause.L'accès à des soins spécialisés dépend donc en grande partie de la décision dumédecin généraliste, mais certains facteurs déterminent cette orientation : la sévéritédes signes et l'association de troubles pathologiques, la précarité du soutien social, lareconnaissance d'idées suicidaires ou de tentatives d'autolyse, mais aussi une demandeémanant du patient ou de ses proches.Chez les sujets institutionnalisés, la prévalence de la dépression serait de 40 %. Dansdes études récentes concernant les sujets âgés hospitalisés, des taux entre 35 et 45 %ont été rapportés. La dépression non traitée empêche la résolution des problèmessomatiques concomitants, allonge le temps d'hospitalisation et altère l'observancethérapeutique des patients âgés. Un trop grand nombre de sujets âgés souffre dehandicaps physiques qui, du fait de leur concomitance avec une dépression, empêchentque cette dernière soit traitée.Quelle que soit la nature de la dépression, l'influence et l'impact des facteursbiographiques, situationnels, sociaux et psychologiques seraient plus importants danssa survenue chez les sujets âgés. Il faut donc savoir rechercher une vulnérabilitédépressive (antécédents personnels ou familiaux).

1. Anhédonie littéralement absence de plaisir ; perte de l'élan vital avec perte de la capacité à éprouver du plaisir.

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Dépression

FACTEURS DE RISQUE

• Certaines caractéristiques sociales et démographiques ont un effet particulièrementdépressogène chez le sujet âgé :— l'âge, par ce qu'il apporte de pathologies somatiques chroniques, de difficultéscognitives, de situations interpersonnelles et sociales nouvelles, en particulier lasolitude, l'isolement, les conflits interpersonnels, notamment les problèmes devoisinage ;—les conséquences de la retraite, notamment la réduction des activités ;—la perte de proches (veuvage) qui peut entraîner des deuils pathologiques ;—les dates anniversaires d'un deuil ;—les problèmes financiers ;— un mauvais support social, en particulier l'absence de relation de confiance (lapratique d'une religion est considérée comme protectrice) ;—la perte d'autonomie due aux maladies physiques ;—les changements de domicile ;—une vie insatisfaisante ;— les tensions affectives durables et les traumatismes psychiques réitérés (comme laprise en charge d'un conjoint ou d'un proche, malade).• Il y aurait aussi plus de symptômes dépressifs chez les sujets âgés avec uneintelligence prémorbide de niveau faible, et qui sont carencés en relations intimes et enrelation de confiance.• Les hommes qui ont des échanges relationnels appauvris avec leur femme ont unrisque de dépression plus élevé, alors que pour les femmes le fait de se retrouver seuleabaisserait ce risque.• Les dépressions à début tardif semblent davantage déclenchées par des événementsde vie que chez les sujets jeunes.• Les symptômes dépressifs chez le sujet âgé sont fréquemment associés à un grandnombre de facteurs organiques. En particulier la pathologie vasculaire cérébrale joueun rôle important dans l'étiologie de la dépression « tardive » : approximativement50 % des patients âgés ayant présenté un accident vasculaire cérébral développent unedépression, surtout dans les localisations frontales gauches et l'extrémité proximalegauche du noyau caudé ; ceci a conduit à proposer le concept de « dépressionvasculaire ». Parmi les dépressions secondaires, certaines autres causes sont àrechercher systématiquement chez le sujet âgé : les dysthyroïdies, la maladie deParkinson et la dénutrition (carence en folates), sans oublier les déficits sensoriels.• Il ne faut pas non plus sous-estimer le rôle dépressogène de certaines médications(bêtabloquants, antihypertenseurs centraux, neuroleptiques, cimétidine, benzodiazépi-nes...).Une première dépression chez un sujet âgé peut donc être en rapport avec un troublesomatique concomitant, mais négligé.

TABLEAUX CLINIQUES

La présentation clinique de la dépression chez le sujet âgé est souvent moins évidenteet moins franche que chez le sujet plus jeune.Il a été relevé que certains symptômes, comme l'irritabilité, le sentiment de ne paspouvoir faire les choses correctement, la perte d'intérêt sont plus fréquents chez lessujets âgés que chez les sujets jeunes.

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Guide pratique de psychogériatrie

On rapporte aussi un taux plus élevé de délire, d'agitation, de perturbation de l'appétit,de plaintes relatives au sommeil et d'idées de culpabilité.Enfin, la perte de l'estime de soi est assez habituelle, en rapport avec une consciencepar le sujet âgé de son incapacité à subvenir à certains de ses besoins et à sa sécurité.Il faut préciser que certains sujets âgés ont des difficultés à se reconnaître déprimés età s'en plaindre. Cela a été mis en relation avec une plus grande prévalence del'alexithymie dans cette population. De même, l'humeur dépressive est parfoisinapparente du fait de l'émoussement affectif apparaissant chez certains sujetsvieillissants, et elle peut passer pour de la sérénité.

FORME TYPIQUE

Elle est identique à celle de l'adulte et comprend une perte de l'élan vital, associée àune perte de l'intérêt pour les activités habituelles, une perte du goût à faire les choses,une perte des envies et de la capacité à éprouver du plaisir (anhédonie).Ce noyau dépressif se complète d'une tristesse pathologique, d'une douleur morale, deperturbations psychomotrices (ralentissement ou agitation), de troubles des fonctionsinstinctuelles (perte d'appétit et/ou du poids, altération du sommeil, fléchissement dela libido), de signes somatiques (asthénie, douleurs, perturbations digestives, frilosité),d'un fléchissement intellectuel (troubles de l'attention, de la concentration et de lamémoire). Des idées noires et/ou des ruminations suicidaires peuvent aussi êtreprésentes.Il n'est pas rare que ces symptômes centraux de la dépression soient attribués de façonerronée au vieillissement normal.

FORME MÉLANCOLIQUE

À une idéation pathologique, parfois délirante, se surajoutent des idées de culpabilité,d'indignité, d'inutilité, de ruine, de damnation, d'incurabilité qui signent la sévérité del'épisode.La dépression avec caractéristiques mélancoliques appartient dans la majorité des casà la maladie maniaco-dépressive.Le risque suicidaire est multiplié par 20 par rapport à la forme typique et justifietoujours d'une hospitalisation.

FORMES MASQUÉES

Chez le sujet âgé, la dépression est donc très souvent masquée. Les symptômes sontalors plutôt physiques que psychologiques.

• Masque somatique

Près des deux tiers des sujets ont des plaintes somatiques prédominantes et dans 30 %des cas, cette somatisation est le symptôme initial de la maladie.Différents symptômes sont mis en avant : désordres gastro-intestinaux, mauvais étatgénéral, douleurs ostéo-articulaires et musculaires, troubles cardio-vasculaires.À côté de cela, il y a un déni des sentiments de dépression et une absence de tristesse.

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Dépression

• Masque hypocondriaqueLe sujet âgé se plaint d'un mauvais fonctionnement d'une ou de plusieurs parties deson corps. Son ventre ne digère plus, il n'urine pas, son coeur va lâcher, sa bouche esten feu, il a une fatigue intolérable.Il demande des examens et des traitements. Cela le rend fébrile, inquiet, revendicateur,exigeant et il est entièrement polarisé sur lui-même.Cette dépression peut prendre des proportions délirantes surtout chez les sujets âgéshospitalisés.

• Masque délirantLa symptomatologie prédominante est marquée par des idées de préjudice, depersécution et parfois de jalousie.Des faits banals sont interprétés péjorativement par la personne âgée qui pense qu'ons'introduit chez elle, qu'on déplace des objets, qu'on la vole, qu'on lui veut du mal,qu'on en veut à sa morale.Cette symptomatologie délirante interprétative et imaginative comporte parfois quelquesphénomènes hallucinatoires auditifs ou visuels.Il n'y a pas d'antécédent de même nature et il n'existe pas de syndrome dissociatifl, nid'automatisme mental qui pourraient faire évoquer une pathologie psychotique (voirchapitre 8).Les relations sociales de la personne âgée vont s'altérer et il n'est pas rare qu'elle aitdes comportements quérulents, procéduriers et agressifs.

• Masque hostileLa dépression hostile se caractérise principalement par une attitude agressive. Le sujetâgé est devenu irritable, susceptible, ombrageux, querelleur, coléreux et hostile à sonentourage. Il est aussi méfiant, agité et émotionnellement labile. Elle risque d'être prisepour un trouble caractériel. Elle semble être un mécanisme de protection vis-à-vis del'auto-agressivité et de l'auto-dévalorisation.

• Masque anxieuxDans le masque anxieux, la présentation est aussi très riche sur le versant émotionnel.Il faut rappeler que bon nombre de dépressions caractérisées, donc non masquées,comportent chez le sujet âgé une composante anxieuse importante.Dans cette forme masquée, il n'y a généralement pas d'antécédent anxieux et unévénement déclenchant est fréquent.L'anxiété s'exprime alors par des accès itératifs d'angoisse inexpliqués, une inquiétudepermanente, parfois reliée à des faits anodins, une grande appréhension et uneimpossibilité à se détendre.Le sujet âgé peut aussi être terrassé par une grande inhibition et d'importantesruminations. Il piétine, il geint, il a peur de tout, il se plaint de vertiges, il ne veut plus

1. Dissociatif : qualificatif utilisé pour désigner des troubles dont la caractéristique essentielle est une altération secondaire ettransitoire des fonctions normales d'intégration de la conscience, de l'identité et du comportement moteur. On parle aussi dediscordance qui est donc le maître syndrome de la schizophrénie. Les principaux troubles dissociatifs » dans la nouvelle nosographie(DSM) sont l'amnésie psychogène, la fugue psychogène, l'état de transe, la personnalité multiple... Mais ils n'ont pas de rapport avecla discordance (Spaltung).

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Guide pratique de psychogériatrie

sortir, une dépendance grandissante vis-à-vis de l'entourage s'installe. Quelquefois dessymptômes hystériques comme une incapacité à marcher ou à déglutir peuventapparaître.Cette angoisse peut parfois générer des symptômes d'allure confusionnelle. Le sujet seplaint alors aussi de ne plus pouvoir penser.Cette présentation conduit souvent à une prescription isolée d'anxiolytiques.

• Masque démentielDans la dépression pseudo-démentielle, cette plainte cognitive est moins habituelle etce sont de vraies altérations des compétences intellectuelles qui s'affichent.Le sujet est désorienté, il ne mémorise plus, exprime un vide intellectuel, il ne peut passe concentrer et se montre maladroit dans les activités de la vie quotidienne, il ne saitplus exécuter certaines tâches, ne reconnaît plus certains objets ou personnes, sondiscours peut devenir incompréhensible.Le comportement est souvent perturbé : le sujet est agité, déambule, chute, crie, netient pas en place. Parfois, il est plutôt figé, mutique et il se confine progressivementau lit.

• Masque conatiflUne autre situation atypique est représentée par la dépression conative qui est centréesur la démotivation.Il y a alors un désengagement affectif et relationnel, un sentiment d'inutilité d'être, unrenoncement. Il en découle des négligences envers soi-même, autrui et l'environne-ment. Le sujet va être progressivement en proie à une régression qui va l'entraîner dansune dépendance de plus en plus importante. La dépression conative est aussi marquéepar une perte de la volonté, de l'amorçage de l'action et par une grande apathie.C'est une forme fréquente en institution. Elle s'illustre par cette personne âgée qu'ondéplace d'une chaise à l'autre, docile, passive, sans initiative. L'anhédonie y est souventimportante.Derrière ces masques, il faut donc rechercher une douleur morale et le noyau dépressifprécédemment évoqué. Dans ces formes masquées, les symptômes classiques de ladépression ne sont donc pas toujours évidents, mais il faut systématiquement lesrechercher.

DÉPRESSION SECONDAIRE

Il ne faut pas sous-estimer le masque inversé que représente la dépression secondaireà une affection organique.En dehors de l'effet dépressogène des différentes affections qui peuvent toucher le sujetâgé, certaines maladies peuvent se révéler par une symptomatologie dépressivecaractéristique qui en devient masquante.Il faut y penser encore plus devant la dépression résistante aux traitements.Une forme de dépression secondaire de mieux en mieux individualisée est représentéepar la dépression vasculaire » qui s'inscrit dans un contexte de pathologie cérébralevasculaire. L'hypothèse d'une atteinte des systèmes préfrontaux ou de leurs modula-

1. Conatif liée à la conation ; la conation étant l'impulsion déterminant un acte, un effort quelconque. Un trouble conatif renvoie à unmanque de motivation, de volonté, de mise en action.

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Dépression

teurs par des lésions macroscopiques ou par une accumulation de microlésions qui, au-delà d'un certain seuil critique, aboutissent à une hypofrontalité a été évoquée.Chez ces patients, le ralentissement psychomoteur est plus marqué. Ils sont beaucoupplus apathiques, avec moins d'introspection, donc souvent anosognosiques. Ils ont plusd'incapacité dans la vie quotidienne (troubles des fonctions exécutives) que les sujetsâgés dépressifs « non vasculaires ».Il en découle l'intérêt de traiter les facteurs de risque cérébro-vasculaires pour prévenircette forme de dépression du sujet âgé.Au plan thérapeutique, le choix de molécules antidépressives doit prendre en compteleurs effets sur les processus post-ischémiques. Le traitement antidépresseur y estcependant moins efficace que dans les dépressions « non vasculaires ». Le recours àl'électroconvulsivothérapie est parfois nécessaire.On a aussi décrit le syndrome dépressif-dysexécutif, probablement un mélange dedépressions conative, vasculaire et pseudo-démentielle. On retrouve chez ces sujets ungrand âge, une faible scolarisation durant l'enfance, un important désintérêt, desactivités instrumentales de la vie quotidienne altérées, des troubles dysexécutifs(fluence verbale, dénomination visuelle), une note paranoïaque (antécédent de sensiti-vité), une hypoperfusion frontale. Il serait lié à une atteinte des ganglions basaux et deleur projection pré-frontale. On a observé chez ces sujets une insensibilité aux ISRS etune meilleure efficacité des agents dopaminergiques (moclamine).

TRAITEMENT

La démarche diagnostique permet de proposer des stratégies thérapeutiques nuancéesen fonction de la symptomatologie, de sa gravité, des éléments de personnalité intriquéset des conditions existentielles de la personne âgée dépressive.

HOSPITALISATION

Lorsqu'un éventuel masque est levé, le diagnostic établi, c'est principalement enfonction de ces dernières variables qu'est décidée ou non l'hospitalisation.Elle est indiquée lorsqu'une idéation suicidaire a été détectée, que l'état général estprécaire, qu'il y a une hostilité entre la personne âgée et l'entourage, que le sujet esttrès isolé, qu'une mauvaise observance est prévisible, qu'une première prescription aété inefficace et qu'une électroconvulsivothérapie est envisagée.Mais la plupart des dépressions de la personne âgée doivent être traitées enambulatoire par le médecin généraliste.

PSYCHOTHÉRAPIE

Une approche psychothérapique interpersonnelle est toujours indiquée.Elle revêt le plus souvent un aspect pragmatique se situant entre une approched'inspiration psychanalytique et une attitude dynamique de soutien.Le thérapeute doit s'enquérir d'éventuels conflits et questionner sur les pertes récentesou à venir et faire évoquer au sujet ses croyances sur le futur qui lui semble réservé.

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Guide pratique de psychogériatrie

PRISE EN COMPTE DE L'ENTOURAGE

Il est aussi indispensable de rencontrer l'entourage, afin de faire le point sur la situationpsycho-affective du patient et de mieux comprendre les relations et le mode decommunication intra-familiale.Ces entretiens familiaux permettent également d'entendre la souffrance des soignantsfamiliaux et de leur apporter un soutien empathique, ce qui est très bénéfique pour laguérison de la dépression.Un entourage compréhensif et soutenu par l'équipe soignante constitue toujours ungage de meilleur pronostic pour l'avenir du patient, en particulier dans une perspectivede prévention des rechutes de la dépression.

PHARMACOTHÉRAPIE

L'approche médicamenteuse se fonde sur les particularités cliniques.• La dépression caractérisée doit être traitée en première intention, soit par untraitement antidépresseur de type sérotoninergique (Séropram, 1 cp chaque matin ouFloxyfral, 1 cp chaque soir...) du fait de la bonne tolérance chez le sujet âgépolymédiqué, soit par un inhibiteur réversible de la monoamine oxydase A (RIMA),moclobémide, soit par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de lanoradrénaline (IRSN), venlafaxine.Une autre famille d'antidépresseur peut être choisie si elle a fait précédemment sespreuves chez tel sujet.• La forme mélancolique, qu'elle appartienne ou non à une maladie maniaco-dépressive, nécessite une hospitalisation et parfois le recours à l'électroconvulsivothé-ra pie.• La dépression hypocondriaque résiste souvent au traitement antidépresseur psycho-trope et doit aussi faire pratiquer l'électroconvulsivothérapie. Cependant, l'actionantidépressive dans les deux cas sera d'autant plus efficace qu'un travail psychothéra-pique sur l'image du corps et sur les atteintes narcissiques liées à l'âge sera réalisé.• La dépression délirante est traitée le plus efficacement par l'association d'unantidépresseur et d'un antipsychotique à faible dose.Il faut savoir que le délai d'efficacité est plus long et que le soutien psychothérapiquedoit respecter une disparition incomplète du délire.• Dans la dépression hostile, ce sont les antidépresseurs de type sérotoninergique quisont les plus indiqués du fait de leur action anti-impulsive.• Le masque anxieux justifie plutôt, et surtout s'il y a une composante phobique, d'untraitement par IMAO sélectif A (RIMA) comme la Moclamine (3 à 4 cp/j).• La dépression pseudo-démentielle est aussi une bonne indication des sérotoninergi-ques (par exemple : Séropram, Prozac : 1 à 2 cp/j).Après la rémission des symptômes, le traitement de consolidation antidépresseur doitêtre poursuivi à la même posologie indéfiniment tant le risque de développer une vraiedémence est élevé.• La dépression conative, dans la même perspective que l'apathie, serait plus sensibleà une action dopaminergique justifiant outre-Atlantique l'usage du bupropion et desamphétamines ; en France, elle peut être traitée par la Moclamine ou par une faibledose de benzamide substituée comme le Solian (25 à 50 mg/j) pour obtenir une actionstimulante.• Le traitement de la dépression vasculaire, outre l'attitude préventive des facteurs derisque (traitement de l'HTA, des dyslipidémies...), repose sur certains arguments

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Dépression

psychopharmacologiques découlant de la modification de l'action des diverses droguessur le système nerveux après un accident vasculaire cérébral.On a par exemple montré chez l'animal que certaines molécules étaient délétèrescomme la trazodone, l'amitriptyline, le diazépam, et que d'autres avaient un effetbénéfique comme la désipramine, la bromocriptine, les amphétamines et la yohimbine.Chez l'homme, la fluoxétine faciliterait le rétablissement post-AVC, alors que lamaprotiline le retarderait.Des études sur l'efficacité curative, mais aussi préventive des antidépresseurs sur ladépression « vasculaire », sont donc encore nécessaires.L'électroconvulsivothérapie peut être aussi envisagée.

• Consensus

De façon consensuelle, dans la plupart des cas de dépression du sujet âgé, lessérotoninergiques sont indiqués en première intention.On connaît leur pouvoir inhibiteur vis-à-vis des cytochromes P450 qui peut être àl'origine d'interactions médicamenteuses, en particulier chez le sujet âgé souventpolymédiqué.Les paramètres pharmacocinétiques ne sont pas modifiés avec l'âge pour la fluoxétine,la fluvoxamine et la sertraline, ce qui n'est pas le cas avec la paroxétine et le citalopramqui voient leur demi-vie d'élimination augmenter en relation avec la diminution de leurclairance rénale.Néanmoins, chez le sujet âgé souvent polymédiqué le citalopram (Séropram) al'avantage de ne présenter pratiquement aucune interaction médicamenteuse parrapport aux autres sérotoninergiques. Son éniantiomère, l'escitalopram devrait leremplacer avantageusement.Il faut préciser que le délai de réponse au traitement antidépresseur est souvent pluslong que chez les sujets plus jeunes (6 à 12 semaines).Le traitement de consolidation doit être maintenu au moins 6 mois après la rémissiondes symptômes. La durée de ce traitement de consolidation peut être facilementprolongée jusqu'à deux ans, voire indéfiniment si le sujet âgé a une tendance à rechuteret à présenter des troubles cognitifs associés (traitement de maintenance).

ÉLECTROCONVULSIVOTHÉRAPIE (OU SISMOTHÉRAPIE)

L'utilisation de la sismothérapie a repris un intérêt ces dernières années, en particulierpour les dépressions mélancoliques et les dépressions résistantes à une chimiothérapieantidépressive bien conduite, ce qui n'est pas rare à cet âge chez des patients qui ontsouvent un long passé de thérapeutiques antidépressives diverses.Une évaluation prospective a montré que son utilisation par rapport aux antidépresseurspermettait un meilleur pronostic (toute comorbidité somatique confondue).La sismothérapie ne comporte aucune contre-indication absolue (pas plus lesantécédents d'accident vasculaire cérébral, qu'une anémie ou un traitement paranticoagulant ne constituent une contre-indication absolue), et l'âge n'est pas en soitune contre-indication.Le problème majeur est la déshydratation liée à la dépression sévère qui, si elle n'estpas corrigée, peut conduire avec la sismothérapie à la formation de thrombosesveineuses et d'embolies pulmonaires.L'utilisation de cette technique est bien codifiée :— choc uni ou bilatéral ;

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Guide pratique de psychogériatrie

— intensité progressivement croissante si absence de crise (la quantité d'énergienécessaire est plus élevée chez les personnes âgées que chez les jeunes) ;—sous anesthésie rapide et de courte durée ;— fréquence de deux fois par semaine.Des sismothérapies d'entretien sont utilisées pour certains patients : lorsqu'il y a euune rechute dépressive après résolution de l'épisode par les électrochocs, et ce malgrél'adjonction d'un traitement antidépresseur de renforcement, et s'il y a la notion d'unebipolarité.

DÉPISTAGE

Face à toutes ces formes cliniques de dépression du sujet âgé, masquées ou non, undes objectifs majeurs en matière de santé publique reste cependant d'améliorer leurdépistage, en particulier en médecine générale, et d'inciter à les prendre en charge.• Dans ces perspectives, l'utilisation d'outils psychométriques d'utilisation rapide,facile et fiable est de plus en plus préconisée. Dans ce sens, bon nombre d'instrumentsd'évaluation de la dépression ont donné lieu à des formes réduites spécifiquementadaptées à la personne âgée :—l'échelle d'Hamilton dans une version abrégée à 10 items ;—l'échelle MADRS dans une forme à 5 items qui est une mesure appropriée de lasévérité de la dépression ;—la Self Rating Depression Scale de Zung dans une forme abrégée à 10 itemsspécifiquement validée pour le dépistage ;—l'inventaire de dépression de Beck dans une version abrégée à 13 items ;—la Center for Epidemiological Studies-Depression Scale avec deux versions abrégéesà 8 et 10 items mieux adaptées aux conditions d'évaluation de la personne âgée ;— il en a été de même d'échelles spécifiques comme la Geriatric Depression Scale deYesavage qui est la plus connue et la plus utilisée. D'auto-questionnaire à 30 itemsdichotomiques, elle a été réduite à 15 items, afin d'atténuer la fatigabilité et la pertede concentration liées aux évaluations trop longues ; enfin, un hétéroquestionnaire à 4items pour le dépistage tant en institution qu'en service d'urgence ou en population vueen médecine générale a été proposé.L'utilisation d'un tel instrument de dépistage ne reste cependant qu'un moyen desensibiliser à pousser le jugement clinique. Elle ne saurait dispenser de réflexions surle sens du symptôme, sa fonction, sa valeur dans l'histoire du sujet.

MINI-GDS (Clément et al. 1997)• Avez-vous le sentiment que votre vie est vide ? (0)• Êtes-vous heureux (se) (bien) la plupart du temps ? (N)• Vous sentez-vous souvent découragé(e) et triste ? (0)• Avez-vous l'impression que votre situation est désespérée ? (0)(N) signifie que la réponse négative cote 1 point. (0) signifie que la réponse affirmativecote 1 point.Si score 1 ou plus : très forte probabilité de dépression.Si score 0 : très forte probabilité d'absence de dépression.

Comme on l'a vu, la dépression peut présenter une symptomatologie déroutante(hallucinations, troubles cognitifs...). Aussi, il est apparu intéressant de pouvoir aussi

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Dépression

disposer d'un instrument permettant le dépistage de la dépression en institution,pouvant être appréhendé par l'équipe soignante. Il s'agit d'EDDI (Clément et al, 2006).

Échelle de dépistage de la dépression en institution (EDDI)Le patient : 0 ou 11. apparaît découragé, triste, déprimé [2. exprime désespoir et pessimisme [3. est soucieux [4. manque d'énergie [5. a des difficultés pour se concentrer [6. est plus mal le matin [7. a des plaintes physiques [8. n'a pas de plaisir [ 19. est désintéressé [ 110. a une diminution d'appétit [11. a des idées délirantes [ 112. a des hallucinations [ ]13. est agité et/ou agressif [14. est apathique et/ou indifférent [ ]15. est anxieux [ ]16. a des troubles du sommeil [ 1TOTAL /16

La formulation est en items binaires dichotomiques aboutissant à un instrument en 16questions avec un total de 16 points. Le score-seuil est de 6 (sensibilité 85 %). C'estun instrument observationnel pluridisciplinaire.La dépression du sujet âgé mérite donc, malgré ses différents masques, d'être mieuxappréhendée tant sur les plans du dépistage, du diagnostic que de sa prise en charge.Ceci est vrai à tous les niveaux où est pratiquée la gériatrie, de la médecine généralejusqu'aux différents services de l'hôpital.

Correction du cas clinique

1 — mécanismes psychopathologiques :• la problématique du deuil (réel : décès de sa fille ; symbolique : perte de statut) ;• l'hyperinvestissement du corps comme derniers objets d'investissements libidinaux(préoccupations hypochondriaques).

2 — traitements :• antidépresseur biaminergique type mirtazapine (Norset) : 30 à 45 mg le soir ;• psychothérapie (relaxation psychothérapique, psychothérapie interpersonnelle).

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I Désordrepsychotraumatique

• Beaucoup de personnes, en prenant de l'âge, deviennent plus vul-nérables aux événements traumatisants.

• Ce trouble est souvent associé à des décompensations anxieuses,voire dépressives et à un risque de voir se développer des manifes-tations phobiques et des conduites addictives.

• Le risque suicidaire est toujours à évaluer.• La prise en charge est souvent psychothérapique. Une aide pharma-

cologique est néanmoins souvent nécessaire.

CAS CLINIQUEMathieu B., 70 ans au cours d'une promenade en bateau sur un lac avec son beau-frèrevit une expérience traumatisante ; le bateau chavire et ils restent 15 minutes environ àattendre des secours éventuels. Il a eu très peur de mourir. Six mois après cetévénement, il est conduit en consultation par son épouse. Depuis trois mois environ,s'est installé un tableau associant apathie, inhibition et prostration, difficultés deconcentration, cauchemars et flashs diurnes persistants mettant en scène sa mort parnoyade.

Questions d'auto-évaluation1 — Quels sont dans cette observation, les éléments en faveur d'un état de stress post-traumatique ?2 — Peut-on observer d'autres présentations de l'ESPT chez le sujet âgé ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITION

Il correspond à l'état de stress post-traumatique (terminologie anglo-saxonne) [ESPT].Les traumatismes physiques et/ou psychologiques n'épargnent pas le sujet âgé etpeuvent avoir des conséquences diverses.Pour parler d'événement traumatisant, une personne doit avoir été confrontée à un (oudes) événement(s) stressant(s) majeur(s), comme la mort, et réagir par une peurintense, un sentiment d'impuissance et d'horreur. Il s'agit habituellement d'unecatastrophe (naturelle, de la circulation, par fait de guerre, par attentat...), mais chezle sujet âgé, l'événement peut être plus anodin.

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Guide pratique de psychogériatrie

APPROCHE PSYCHOPATHOLOGIQUE

D'un point de vue analytique, le terme d'événement traumatique correspond à ce quiadvient de façon inattendue dans la vie du sujet à une date et un lieu déterminés. Il sedéfinit par son intensité, par l'incapacité du sujet à y répondre de façon adéquate et parle bouleversement et les effets pathogènes durables qu'il provoque dans l'organisme.L'événement pour celui qui le vit est de l'ordre du surprenant avec une dimensiond'ineffable et d'incommensurable.Un événement traumatique concerne toujours un sujet. Il comporte une part de réel quirelève de l'accident et une part de subjectivité dans laquelle le sujet est engagé.Le vieillissement peut lui aussi représenter un traumatisme par la nécessité d'adapta-tion qu'il demande et par l'ensemble des pertes cumulées que subit l'individu :modification du corps, diminution des capacités sensorielles, dévalorisation sociale parla mise à la retraite. Toutes ces agressions nécessitent pour la personne âgée un travaild'élaboration et un travail de deuil. Les différents mécanismes de défense utilisésdépendent de la personnalité du sujet. Une décompensation est possible s'il existe desanomalies de l'organisation de cette dernière durant l'enfance et l'adolescence. Levieillissement entre ainsi en écho avec la problématique de l'individu.Il semble donc exister chez certains une vulnérabilité face à la vieillesse.La valeur traumatique d'un événement dépend de plusieurs facteurs comme l'effet desurprise de l'événement, la capacité de contrôle du sujet sur l'événement et l'existenced'une organisation névrotique passée inaperçue. Cet événement peut avoir diversesconséquences : un sentiment d'insécurité, la mise en place d'une dépendance, ladécompensation d'une affection somatique, un état confusionnel, une décompensationdépressive.Il existe donc une clinique post-traumatique spécifique de la personne âgée du fait del'intrication de l'âge et du traumatisme.Le diagnostic est souvent difficile car il existe une parenté sémiologique avec d'autressyndromes, c'est pourquoi l'analyse de l'ensemble des symptômes est importante.

CLINIQUE

LE TRAUMATISME

Il est donc représenté par une situation imprévue, survenue brutalement qui vaconfronter le sujet avec la mort (crainte de celle-ci, conviction qu'elle est imminente,pressentie pour un autre protagoniste de la scène).Exemples :— un couple âgé dort paisiblement et est visité par des cambrioleurs qui le menacent deleurs armes pour qu'il avoue où sont cachés les bijoux ;—une personne âgée glisse sur le verglas et tombe en arrière sur la tête ;—un vieil homme voit s'écraser une personne qui s'est défenestrée ;— un agriculteur âgé, participant toujours aux travaux de la ferme, prend un coup depied de vache et tombe inanimé ;—une vieille dame est molestée par des jeunes dans la rue et victime d'un vol à la tire.Le traumatisme psychique peut être donc défini comme les conséquences d'unphénomène d'effraction du psychisme par un événement agressant ou menaçant la vieou l'intégrité physique et/ou psychique du sujet qui y est exposé.

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Désordre psychotraumatique

LA PÉRIODE DE LATENCE

Elle suit le traumatisme.C'est une période asymptomatique ou pauvre en manifestations psychiques. Seul unexamen attentif pourrait permettre de noter un retrait dépressif, un repli sur soi ou aucontraire une euphorie paradoxale.Elle peut durer de quelques jours à plusieurs mois.On parle d'une période de rumination, de temps d'incubation ou de temps deméditation.Elle correspond à un travail dynamique de remaniement des défenses de la personnalitépour élaborer de nouvelles défenses qui devraient permettre de faire face à l'intrusionde cet événement dans l'histoire du sujet et dont la survenue n'a pas pu être maîtrisée.

LA PHASE D'ÉTAT : LE SYNDROME DE RÉPÉTITION

Elle se caractérise par des manifestations anxieuses polymorphes et une hyper-réactivité aux stimuli.Le syndrome de répétition est pathognomonique.Les quatre entités symptomatiques de cet état sont : le rêve ou le cauchemar, larépétition à l'état de veille, la réaction de sursaut et l'inhibition.

• Rêves et cauchemars traumatiquesIls reproduisent à l'identique l'événement traumatique. Le sujet revit de façon quasihallucinatoire la scène traumatisante inaugurale.Ils produisent le réveil du sujet âgé qui se fait dans un contexte d'angoisse. Le sommeilest perturbé par la crainte de nouveaux cauchemars.

• Répétitions à l'état de veilleDurant la journée, le sujet s'enferme dans une rumination mentale qui occupe parfoistoute son activité et qui le laisse désemparé.Il est victime de pensées forcées voire de visions de la scène inaugurale.Parfois, il ne cesse d'être en quête d'informations à caractère morbide lui rappelantencore plus l'événement traumatique.

• Hyper-réactivitéLe sujet âgé est en proie à une forte réaction affective marquée par des angoissesmassives, des sueurs, des palpitations...Des réactions de sursaut se produisent dans un état d'alerte permanent. À chaquestimulus (sonnerie de téléphone, par exemple), le sujet a une réaction immédiate depeur excessive.Il en découle une irritabilité et une agitation anxieuse.

• InhibitionElle se révèle par une attitude de repli, un désintérêt ou une distractivité qui permettentau patient de se protéger d'un milieu externe vécu comme menaçant.Cette inhibition est source de sous-estimation du syndrome post-traumatique.

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AUTRES PRÉSENTATIONS

• Des troubles du caractère avec irritabilité peuvent être au premier plan, avec uneintolérance aux changements, des périodes de débordement émotionnel et le fait derevivre un passé remanié.• Des réactions phobiques et des conduites d'évitement sont possibles. Elles sont àrattacher aux circonstances qui ont entouré le traumatisme. A un degré de plus, lapersonne âgée peut rester isolée et confinée à cause de sentiments de danger ou demenaces externes.• Si le sujet âgé se considère incompris par son entourage aussi bien familial queprofessionnel des conduites d'opposition peuvent apparaître, pouvant aller jusqu'à desattitudes auto ou hétéro-agressives.• Des périodes de prostration et de confusion sont également possibles.• Il n'est pas rare que des alcoolisations compliquent le tableau.

DIAGNOSTIC

Il repose sur la mise en évidence de cette triade chronologique : événement, latence etsyndrome de répétition.Il exige d'éliminer une pathologie déficitaire, un état dépressif, un trouble phobique etdes troubles caractériels, mais surtout un trouble de l'adaptation qui est une réactioninadaptée, de nature anxieuse, dépressive ou mixte après un événement existentieldifficile (contrariétés familiales, altercation, perte d'argent...).Des antécédents psychiatriques sont retrouvés dans 60 % des cas.Des traumatismes déjà vécus durant l'enfance doivent aussi orienter vers ce diagnostic.

ÉVOLUTION

C'est une affection durable et chronique.Le pronostic est lié à l'état dépressif qui s'installe au long cours avec un risquesuicidaire évident.Il peut apparaître des modifications durables ou des troubles de la personnalité, parfoisjusqu'à la désocialisation.Une autre complication est réalisée par la revendication quérulente de réparation et debénéfices secondaires qui peut confiner à la sinistrose. Elle est favorisée par l'attitudede l'entourage.

FORMES CLINQUES

• L'ESPT « de novo » : cette forme correspond au développement d'un ESPT dans lessuites d'un traumatisme psychique subi après l'âge de 65 ans.• L'ESPT chronique : c'est la persistance chez le sujet âgé d'un ESPT apparu à l'âgeadulte. Dans cette forme, le sujet présente une persistance à travers les années dessymptômes apparus depuis le traumatisme initial.• L'ESPT retardé : cette forme est spécifique au sujet âgé et correspond à ladécompensation tardive d'un psychotraumatisme ancien ou à la réactivation d'un ESPTaprès plusieurs décennies sans symptôme. Le grand âge constitue en soi un• traumatisme » difficile à intégrer, à l'occasion duquel ressurgissent fréquemment

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Désordre psychotraumatique

d'anciennes situations traumatiques. Ainsi, des expériences traumatiques anciennessont susceptibles d'être associées à une vulnérabilité, à des traumatismes plus récentsou à des événements de vie stressants allant de pair avec le vieillissement (retraite,deuils, maladie, handicap, déficits sensoriels, isolement, placement...). Tous cesévénements sont prompts à rouvrir les cicatrices laissées par un traumatisme psychiqueancien jusqu'ici resté dans l'ombre. Le syndrome de répétition, resté silencieux pendantde nombreuses années, serait susceptible de ressurgir lors de la confrontation à deuxtypes d'événements : ceux à l'origine d'une perte de l'étayage ou de ruptures sociales(hospitalisation ou décès du conjoint, hospitalisation ou institutionnalisation du patient,pathologie organique sévère, examens ou thérapies invasifs), ou ceux répétant lescirconstances de la rencontre traumatique (guerre ou catastrophe naturelle médiatisée,commémoration, agression et violence).

MODALITÉS DE PRISE EN CHARGE

Elle nécessiterait une intervention précoce, dès la phase de latence, ce qui n'est encoreque rarement le cas, consistant en des techniques abréactives 1 permettant dedésamorcer « le travail torpide de latence, névrogène ». Ces techniques permettent ausujet de verbaliser ce qu'il a vécu, d'exprimer des émotions. Un des objectifs est derenforcer la capacité à gérer ses peurs.Ultérieurement, elle repose sur l'établissement d'une relation de confiance avec lemédecin.Malheureusement, ces malades sont donc souvent rencontrés de façon tardive aprèsune longue histoire médicale ou administrative. La personne âgée peut avoir déjà subidifférents examens complémentaires, voire différentes expertises.

MOYENS MÉDICAMENTEUX

• Les antidépresseurs ont fait la preuve de leur efficacité à des posologies antidépres-sives usuelles. L'effet ne doit être évalué qu'après huit semaines de traitement bien pris.Les inhibiteurs spécifiques de recapture de la sérotonine auraient un intérêt particulieren cas de repli et d'évitement marqués.Il faut au moins traiter un à deux ans.• Un traitement anxiolytique par benzodiazépines est parfois nécessaire, maisgénéralement déconseillé en raison de leur potentiel addictogène et de la fréquence deseffets paradoxaux rencontrés dans cette pathologie et des autres effets adverses :sédation, agitation paradoxale et troubles cognitifs. Il est alors souhaitable de ne donnerqu'une molécule, de demi-vie courte (alprazolam), de commencer à des doses faibleset d'augmenter par paliers la posologie en fonction de la réponse obtenue. Laprescription sera faite au mieux sur 24 heures, en fixant les moments de prise, afin deprévenir une automédication. La diminution du traitement se fait aussi de façonprogressive par paliers de deux semaines.• Les antipsychotiques à petites doses, ou des thymorégulateurs peuvent être utilisésà visée essentiellement symptomatique (induction du sommeil, lutte contre l'impulsi-vité, l'agressivité, etc.).

1. Technique abréactive : technique qui favorise ou déclenche des décharges émotionnelles par l'extériorisation d'un conflit ou d'untraumatisme refoulé, avec généralement un effet libératoire.

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Guide pratique de psychogériatrie

MOYENS PSYCHOTHÉRAPIQUES

• Idéalement, le meilleur moyen est la prévention en agissant au décours d'unévénement stressant.Le principe consiste alors à faire revivre l'événement traumatique en verbalisant lesémotions qui y sont rattachées.• À la phase d'état, il est possible d'envisager des techniques cognitivo-comportemen-tales d'exposition (évocation en état de relaxation de l'expérience traumatique et miseen place de stratégies de lutte contre les symptômes).• Lorsque le traumatisme est ancien, l'hypnose est indiquée.Une psychothérapie analytique, pas toujours réalisable, est la plus utile, à la conditionque le sujet puisse bénéficier de ce traitement (cf. chapitre 21).• Thérapie de groupe : son efficacité a été montrée chez le sujet âgé. Le fait deregrouper les patients par âge et type de traumatisme leur permettrait d'avoir lesentiment d'être mieux compris et de pouvoir s'identifier à un groupe.

Correction du cas clinique

1 — Eléments en faveur d'un ESPT :• le traumatisme du naufrage avec la peur du décès par noyade ;• la période de latence de trois mois ;• l'apparition d'un syndrome de répétition : cauchemars et remémorations intrusivesdiurnes ;• difficultés de concentration, apathie.

2 — Autres présentations de l'ESPT chez le sujet âgé :• ESPT chronique : persistance d'un tableau apparu à l'âge adulte ;• ESPT retardé : décompensation tardive d'un psychotraumatisme ancien ou la réacti-vation d'un ESPT après plusieurs décennies sans symptôme.

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12 DouleursI de la personne âgée

• Soigner des personnes âgées, c'est forcément être confronté ausymptôme « douleur », donc à la plainte douloureuse.

• C'est un des motifs fréquents de consultation de la personne âgéequi ne doit pas être intégré comme le fait d'un vieillissement normal.

• La douleur chez le sujet âgé est souvent sous-estimée.

CAS CLINIQUEMarcelle, 83 ans est hospitalisée pour bilan de troubles cognitifs associé à un syndromedépressif et à des céphalées rebelles. Le MMS montre un score de 30/30 à un moisd'intervalle et les activités de la vie quotidienne ne sont pas perturbées.La description des céphalées est peu spécifique, sans topographie précise, plutôt encasque, à type de brûlures, sans facteur déclenchant, sans aura, sans horaire, sans signed'accompagnement résistant aux antalgiques de grade II et aux anti-migraineux. Lediscours est plaintif, centré sur la tête avec un décalage entre la plainte douloureusealléguée et le comportement.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre démarche ?2 — Quelles sont vos hypothèses ?

Voir réponses en fin de chapitre.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Différentes études mettent en évidence une plus grande fréquence des douleurschroniques chez le sujet âgé par rapport aux douleurs aiguës qui se rencontrent plusfréquemment chez l'adulte jeune.Une des explications est qu'il existe une plus forte prévalence d'affections douloureuses(arthrose, polyarthrite rhumatoïde, zona, cancers, artérite...) par rapport au sujet jeune.On estime que près de 70 % des personnes âgées ressentent des douleurs lorsqu'on lesinterroge sur ce point et que dans 60 % des cas il s'agit de douleurs chroniques quipersistent depuis plusieurs années.En institution, 45 à 80 % des personnes âgées souffriraient de douleurs chroniques.

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Guide pratique de psychogériatrie

PHYSIOPATHOLOGIEDes études ont essayé de s'intéresser au seuil et à la tolérance de la douleur chez lapersonne âgée sur le modèle d'études des systèmes sensoriels. Alors qu'avec l'avancéeen âge, il existe une diminution de l'acuité sensorielle, l'expression de la douleur est trèsvariable car son seuil et sa tolérance sont soit inchangés, soit augmentés ou diminués.D'un point de vue psychiatrique, la douleur du corps correspond souvent à l'expressionde syndromes psychologiques.

APPROCHE PSYCHOLOGIQUE DE LA DOULEUR

Le patient « douloureux » se présente au médecin avec la demande d'être aidé etsoulagé de son trouble. Chez le sujet âgé, cette demande est souvent l'expression d'unesouffrance psychologique avec le besoin de se sentir écouté et d'être considéré commeune personne ayant une identité propre.Le clinicien doit évaluer les répercussions de cette douleur dans la vie familiale et lesens qu'elle peut prendre. Un besoin d'attention et d'affection est souvent retrouvé.Une des particularités du sujet âgé est de parler et de communiquer avec son corps,plutôt que par la parole et la pensée.La spécificité de la douleur est qu'elle représente une menace à l'intégrité corporelle etqu'elle est verbalisée en fonction des expériences antérieures, du vécu. Toutesymptomatologie algique est à replacer dans une histoire de vie.

APPROCHE ET ÉVALUATION DE LA PLAINTE DOULOUREUSE

La douleur n'est pas une fatalité liée au vieillissement.• L'évaluation est souvent difficile en raison d'altérations cognitives, de difficultés deverbalisation et d'expression des émotions qui perturbent l'expression de la douleur.Les plaintes peuvent également s'exprimer au travers de modifications du comporte-ment que l'on retrouve parfois chez les déments avec des périodes d'agressivité.Des modifications du sommeil, de l'appétit peuvent également représenter des signesde douleur.La douleur est à évaluer en fonction du ressenti, du comportement (agitation,prostration, confusion ou autre) et des capacités cognitives de la personne âgée.• Le médecin doit évaluer les antécédents douloureux qui influencent souvent le vécude la douleur. Une personne ayant vécu des traumatismes physiques, subi desexplorations et des traitements invasifs et agressifs peut souvent minimiser l'épisodeactuel. L'important est toujours de replacer les algies dans un contexte et une histoirede vie.• Étant donné le caractère multidimensionnel nécessaire à l'approche de la douleur, lemédecin doit également s'intéresser aux retentissements de tels troubles sur la qualitéde vie et sur le bien-être du patient.• L'analyse sémiologique doit permettre d'individualiser le type de douleur.

EXAMEN

L'étude des manifestations douloureuses peut se faire de la façon suivante.

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Douleurs de la personne âgée

• Il paraît dans un premier temps nécessaire de réaliser un bilan somatique avec unexamen clinique complet s'intéressant au corps et de pratiquer un minimum d'examenscomplémentaires si besoin. Le retentissement psychologique de l'affection douloureuseest à apprécier.Le médecin peut mettre en évidence des douleurs de désafférentation et des douleurspar excès de nociception :— la douleur de désafférentation ou douleur neurogène est due à une lésion nerveuse,comme une neuropathie périphérique, une algie post-zostérienne, une section de nerf,une névralgie du trijumeau ; cette douleur est permanente ou paroxystique à type debrûlures et s'accompagne de signes neurologiques ou végétatifs ; le traitement estsouvent difficile et nécessite le recours à une consultation pluridisciplinaire pour adapterau mieux un traitement antalgique ;— la douleur par nociception est due à une stimulation des récepteurs nociceptifs ; ellecorrespond à des douleurs par compression médullaire ou à des douleurs viscérales,musculaires ou vasculaires.• Une fois ce bilan réalisé et si les explorations sont négatives, différents troublespsychologiques peuvent être envisagés chez la personne souffrante.Il faut alors rechercher et apprécier des éléments cliniques en faveur d'un troubledépressif ou anxieux, éliminer des douleurs psychogènes et éventuellement individuali-ser des troubles hypocondriaques.—Des douleurs digestives, thoraciques, urinaires peuvent se retrouver dans une maladiedépressive. il existe en effet des dépressions avec une forte prédominance des plaintessomatiques (dépression à masque somatique, dépression masquée) qui vont répondrede façon très positive à un traitement antidépresseur.— Des manifestations corporelles algiques peuvent être dues à un trouble anxieux. Unentretien clinique va pouvoir individualiser l'état anxieux et permettre la prescriptiond'un traitement adapté. Les symptômes somatiques témoignent d'une hyperactivité etd'une excitabilité du système nerveux végétatif. Classiquement, des plaintes diffusesintéressant plusieurs organes ou fonctions seraient évocatrices d'anxiété alors qu'uneplainte isolée accompagnerait un état dépressif. Derrière ce syndrome somatique, lademande de la personne âgée peut être tout simplement le besoin d'une écoute et d'unereconnaissance.—Les douleurs psychogènes sont également un motif fréquent de consultation estiméentre 40 et 60 % des plaintes fonctionnelles comme les douleurs articulaires, lesdorsalgies, les céphalées, les douleurs thoraciques et abdominales, les douleurs desmembres. Il va alors falloir bien individualiser ces types de douleur. L'entretien et lesexplorations vont mettre en évidence que la douleur ne répond pas à une affectionsomatique répertoriée et qu'il existe souvent des facteurs psychologiques déclenchants.—Différentes spécialités médicales sont concernées par ces douleurs :—en rhumatologie, il est fréquent de retrouver des douleurs articulaires, osseuses etmusculaires après un bilan et la réalisation de traitements et de constater la relationexistant entre ces douleurs et les difficultés de la vie quotidienne ;— en neurologie, les céphalées et les algies de la face et du cou sont un motif deconsultation ;—en cardiologie, les douleurs thoraciques sont également fréquentes ;—en hépato-gastro-entérologie, les douleurs digestives sont souvent attribuées à desaffections fonctionnelles ; il n'existe pas dans ces cas, après avoir éliminé un troubleanxieux ou dépressif, de traitement chimiothérapique spécifique.L'attitude thérapeutique la plus adaptée est d'ordre psychothérapique. Le thérapeute seposera toujours la question du sens et de la fonction de tel trouble douloureux et aiderale patient pour permettre une meilleure appréhension du trouble.

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Guide pratique de psychogériatrie

PRISE EN CHARGE

• Elle doit être réalisée après un examen médical ou éventuellement après uneconsultation multidisciplinaire de la douleur.• En l'absence de signes d'atteinte organique, le traitement pose des problèmesdifficiles. La prise en charge de la douleur, et notamment de la douleur chronique, doits'insérer dans un projet thérapeutique prenant en compte la signification de la douleur,des approches spécifiques (relaxation, hypnose, thérapies à médiation corporelle) etparfois pharmacologiques.Les anxiolytiques permettent un effet de détente supérieur aux antalgiques quiproduisent souvent des conduites toxicomaniaques.Les douleurs rebelles de patients âgés cancéreux, ou souffrant de névralgies peuventcéder parfois à des prescriptions :—d'alprazolam (Xanax) ;—ou de clonazépam (Rivotril).Il existe maintenant depuis quelques années une dérive « contrôlée » dans laprescription des antidépresseurs dans d'autres indications que les pathologies menta-les. L'Anafranil est ainsi souvent utilisé avec succès également dans les algies rebellescomme les névralgies et les douleurs des membres fantômes.Des techniques psychothérapiques comme l'hypnose peuvent constituer un traitementnon négligeable dans des affections douloureuses.Les approches corporelles, comme les massages, accompagnées d'une relationhumaine chaleureuse ont également des effets bénéfiques.

Correction du cas clinique

1 — L'examen neurologique l'examen ophtalmologique et le bilan complémentairebiologique ainsi que l'enquête pour éliminer une cause organique sont normaux, ycompris l'EEG et la TDM cérébrale.

2 — Devant ce tableau, on peut faire l'hypothèse de plaintes mnésiques anxieuses et decéphalées psychogènes et demander un bilan neuropsychologique plus approfondi, afind'éliminer un déficit cognitif léger lié à une baisse de l'humeur (MCI Mood en anglais).

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CAS CLINIQUEAngèle F., 80 ans, est hospitalisée aux urgences pour un syndrome hallucinatoire desurvenue récente entraînant une angoisse. Il s'agit de visions d'images élaborées debonhommes géants et de petits animaux. Ceci s'accompagne de l'audition d'unemusique persistante. Tous ces phénomènes la surprennent car elle vit seule depuis ledécès de son époux. Elle a peur de « perdre la tête » et se dit de temps en temps quetout cela est un mauvais rêve. Elle n'a pas d'antécédent particulier en dehors d'unecataracte bilatérale non opérée et d'une presbyacousie.

Questions d'auto-évaluation1 – Quelle est votre hypothèse diagnostique2 – Par quel mécanisme expliquez-vous ce trouble

Voir réponses en fin de chapitre.

13 I Hallucinations

• Elles sont plus fréquentes chez le sujet âgé qu'aux autres âges dela vie.

• Elles peuvent gravement perturber le sujet âgé.• Elles justifient un bilan psychique et médical.

DÉFINITIONS• Une hallucination est une perception sans objet à percevoir. Elle traduit des troublesdes fonctions perceptives plus ou moins associés à une destructuration profonde del'être conscient.• Le délire est « une construction psychique déréelle entraînant une convictioninébranlable, survenant dans une conscience claire ».• Ainsi l'un peut exister avec ou sans l'autre.• L'hallucination se définit aussi comme une expérience sensorielle (principalementvisuelle, auditive ou tactile) sans perception, ce qui la différencie de l'illusion qui est laconséquence d'une erreur perceptive et qui peut être favorisée par une agnosie visuelle.• Elle n'est pas nécessairement un phénomène pathologique et peut survenir chez dessujets normaux.

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Guide pratique de psychogériatrie

GÉNÉRALITÉS

• Toutes les hallucinations ne sont pas en rapport avec un délire. Il faut dans ce senstenir compte du contexte de survenue.• La personne âgée présente plus d'hallucinations que le sujet jeune. Cela s'expliqueen partie par le fait qu'elle est beaucoup plus sujette à différentes affections cérébrales,neurodégénératives ou non et qu'elle subit aussi les remaniements, bien qu'hétérogè-nes, du vieillissement cérébral.• Dans la tradition clinique psychiatrique, de nombreux syndromes délirants compor-tent des hallucinations de toutes sortes. Classiquement, on les retrouve lors de :—la confusion, fréquente chez le sujet âgé, où elles représentent le symptôme majeurdu délire onirique ;—la schizophrénie paranoïde, où elles apparaissent concomitantes de phénomènesinterprétatifs, imaginatifs et illusionnels ; mais la schizophrénie paranoïde ne débutequ'exceptionnellement après 60 ans (on parle alors de psychose d'allure schizophréni-que d'apparition très tardive) ;—la psychose hallucinatoire chronique, sous la forme plus spécifique des hallucinationspsychiques (on donne des ordres dans la tête, on commente les actes, cela passe parles ondes, par la télévision ou le réfrigérateur...) ;—la bouffée délirante aiguë où elles peuvent être riches, polymorphes et intenses.Exceptionnelle, chez le sujet âgé, elle doit faire penser à un syndrome confusionnel.Il n'est cependant pas exclu d'observer aussi des hallucinations lors de manies ou demélancolies délirantes (comme dans le syndrome de Cotard).• Les délires avec hallucinations signent donc le plus souvent chez le sujet adultel'existence d'une psychose. Cela ne peut pas être superposable chez le sujet âgé.•Différents syndromes cliniques peuvent aussi comporter une problématique déliranteassociée à des hallucinations :— certaines dépressions délirantes persécutoires sthéniques 1 rencontrées sous lestropiques, mais rares chez l'autochtone âgé ;—certains états de dépersonnalisation générés par l'angoisse, plus fréquents dans leNouveau Monde, forme clinique de l'attaque de panique ;— et chez le sujet âgé, la pathologie délirante tardive (c'est-à-dire sans antécédentdélirant), qui peut comporter dans environ 30 % des cas, des hallucinations principa-lement auditives et visuelles.• Il faut distinguer l'hallucination, précédemment définie, de la « pseudo-hallucination » où le sujet ne considère pas sa perception comme une représentationde la réalité et qui correspond en fait à une hallucination avec un « insight 2 » intact.• Il existe donc deux grandes catégories de phénomènes hallucinatoires :—les éidolies hallucinosiques 3 , où les « visions » sont reconnues comme « a priorianormales ;—les hallucinations délirantes, où le processus hallucinatoire revêt certaines particula-rités à la fois sur le plan sémiologique, mais aussi sur le plan étiopathogénique où semêlent des facteurs favorisants de nature organique, psychodynamique et sociodynami-que.

1. Les symptômes prédominants sont des idées de persécution complétées d'une sthénicité, c'est-à-dire d'une agitation, d'uneagressivité, voire de colères et d'une quérulence.2. Insight terme qui renvoie aux capacités d'introspection d'un individu.3. Éidolie (hallucinosique) : perception sans objet mais reconnue comme telle par le sujet qui n'y adhère pas ; différente donc del'hallucination où il y a conviction de la perception.

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Hallucinations

DIFFÉRENTES SITUATIONS

HALLUCINATIONS PHYSIOLOGIQUES

• Elles peuvent s'observer chez la personne âgée endeuillée. Il s'agit alors dephénomènes intermédiaires entre l'illusion sensorielle et l'hallucination. Ce sont desillusions de présence, l'impression d'entendre des bruits familiers, la vision du visagedu défunt sur la vitre. Ces phénomènes sont considérés comme non pathologiques dansla situation car accompagnant le travail de deuil. Leur persistance après plusieurs moisdoit cependant inciter à revoir la situation clinique.• Elles peuvent correspondre à des phénomènes liés au sommeil : audition de bruitsou de musiques, visions ou impressions tactiles qui apparaissent dans l'obscurité et lesyeux fermés. Les hallucinations hypnagogiques se produisent lors de l'endormissement.Au réveil, on parle d'hallucinations hypnopompiques.Elles peuvent survenir lors d'une grande privation de sommeil et lorsqu'un isolementsensoriel persiste.Elles peuvent correspondre à la possibilité de produire à volonté, et en leur absence, lareprésentation visuelle précise et colorée d'un objet ou d'une scène vus auparavant. Onparle d'images eidétiques.

SYNDROME DE CHARLES BONNET

• Il consiste en la survenue d'hallucinations visuelles au décours d'une interventionophtalmologique. Elles ne s'accompagnent ni de délire, ni d'une autre modalitéd'hallucination.• Il peut aussi survenir dans un contexte de pathologie vasculaire cérébrale ou dedémence, soulignant ainsi le fait que les phénomènes hallucinatoires sans délire sontplus souvent liés à une cause organique.Il faut cependant rappeler qu'on parle plutôt d'éidolies hallucinosiques visuellescomplexes dans le syndrome de Charles Bonnet et que ce syndrome sans délire apourtant des liens d'une part avec la démence (dont c'est parfois un mode de début),mais aussi avec le délire tardif.La désafférentation visuelle pourrait agir par une levée d'inhibition de centres supérieursqui libéreraient des traces perceptives.Le phénomène dépend donc de l'âge, d'un éventuel déficit visuel, qui serait cependantmoins nécessaire pour le faire émerger, si le sujet présente une démence ou un troubledélirant où les anomalies structurales cérébrales sont alors plus impliquées.

TROUBLE DÉLIRANT TARDIF

Le trouble délirant tardif est le plus souvent de mécanisme interprétatif, avec desthèmes de persécution, de préjudice, d'intrusion, de jalousie, de spoliation voire deruine. Il est volontiers centré sur le sujet lui-même et son environnement proche (safamille, sa maison, ses voisins, mais aussi son corps...).Le délire est généralement bien construit, faisant référence à la situation de la personneâgée, où la rupture d'avec le reste du monde favorise une recentration sur son propreunivers ou son corps. Dans ce dernier cas, on entre dans le champ hypocondriaque oùla persécution est assurée par les organes, par ce qu'ils peuvent sécréter, ou bien par

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Guide pratique de psychosériatrie

des éléments qui peuvent les envahir ou les parasiter comme dans le syndrome

d'Ekbom.Des phénomènes hallucinatoires peuvent compléter le tableau, mais n'y sont jamaisisolés. Leur existence signe plutôt un délire d'intensité marquée et est associée à unenote confusionnelle ou onirique.• L'étiopathogénie de ce délire tardif est souvent complexe, car elle associe différentsfacteurs favorisants de nature psychosociale mais aussi biologique, en particuliercertains remaniements cérébraux s'illustrant entre autres par des hyperdensitéspériventriculaires et thalamiques visibles au scanner et surtout à l'IRM, qui sontprobablement d'origine vasculaire.• Sur un plan psychodynamique, on donne à ce délire tardif un rôle adaptatif face àune situation bio-psychosociale que vit le sujet âgé. Il a la conviction délirante d'êtreatteint dans sa personne physique et morale. Mais ce n'est pas qu'un vécu persécutoire,c'est aussi une modalité de lutte contre l'isolement et la dépression, une réactionactive de la personnalité, partiellement réussie, contre une position dépressive généréepar le deuil que le sujet âgé doit faire de sa propre image. Ce délire remplit un vide liéà l'isolement. Il restitue un sens à l'existence. Cette émergence délirante procède d'unafflux d'angoisse ; elle marque aussi le retour du sentiment de réalité, le retour d'unecertaine capacité à penser. Le délire tardif est donc une tentative d'établir desdéfenses contra-dépressives.Les hallucinations n'y représentent qu'un symptôme complémentaire.

AUTRES SITUATIONS CLINIQUES

• Certaines substances psychoactives peuvent entraîner des hallucinations :—l'alcool, lors de l'ivresse pathologique, du syndrome de sevrage ou de l'hallucinosedes buveurs ;— les drogues stimulantes et/ou hallucinogènes, le LSD, le cannabis à l'origine depharmacopsychose.• Certains médicaments comme les antiparkinsoniens (Modopar, Sinemet), l'Artane,la bromocriptine, le Di-Antalvic, les corticoïdes...• Les syndromes de désafférentation sont à l'origine d'hallucinations somesthésiques.C'est par exemple le phénomène du membre fantôme chez la personne amputée.• L'épilepsie peut provoquer dans les formes partielles des hallucinations diverses quisont soit des phénomènes élémentaires soit des visions ou des auditions élaborées.• Des hallucinations visuelles élémentaires font partie de la forme la plus fréquente dela migraine avec aura (migraine ophtalmique).• Les maladies neurodégénératives peuvent se compliquer d'hallucinations (maladie deParkinson, démence avec corps de Lewy, maladie d'Alzheimer).• Des lésions du tronc cérébral peuvent être à l'origine d'une hallucinose pédonculaire :mais les hallucinations ne sont jamais isolées et sont souvent critiquées par le sujetcomme n'étant pas réelles.

TRAITEMENT

• Le traitement des hallucinations de nature organique se confond avec celui del'affection médicale correspondante.• Les hallucinations, dans un contexte de troubles psychiatriques, répondent auxneuroleptiques et aux antipsychotiques (l'Haldol étant le plus anti-hallucinatoire, on

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Hallucinations

préfère cependant les nouveaux antipsychotiques : rispéridone, olanzapine,aripiprazole) ; ils peuvent être associés au traitement spécifique de l'affection.

Correction du cas clinique

1 — Syndrome de Charles Bonnet devant la présence d'éidolies hallucinosiques ouhallucinoses élaborées macro et microscopiques mettant en scène des personnages etdes animaux.

2 — Le mécanisme en cause ici est la déprivation polysensorielle du fait de la solitude,de la presbyacousie et de la malvoyance.

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Hôpital de jourpour personnes âgées

• L'hôpital de jour fait maintenant partie intégrante des structures desoins en psychiatrie du sujet âgé.

• L'hospitalisation de jour s'adresse à toutes les pathologies psychia-triques compatibles avec un maintien à domicile.

• On doit pouvoir y trouver une réelle fonction soignante pour des pri-ses en charge de groupe, mais aussi individuelle.

Cas CliniqueMadame Marcelle G, 80 ans est hospitalisée en psychogériatrie pour un syndromedépressif réactionnel au décès de son époux six mois plus tôt, entraînant la vente de samaison à la campagne et son installation dans un appartement en ville. Depuis sondéménagement elle s'est inscrite dans un club du troisième âge et à la piscine.Cependant elle souffre de solitude et a depuis quelques semaines des idées suicidaires.Son mari qu'elle a connu à 18 ans, qui selon elle, « l'a sortie de la misère », et qu'ellen'a pas quitté depuis lors, lui manque,..Tous les souvenirs de son enfance malheureusereviennent en boucle. En groupe de parole elle verbalise beaucoup sa souffrance. Aumoment de sa sortie, elle souhaite poursuivre cette psychothérapie de soutien.

Questions d'auto-évaluation1 – Cette patiente relève-t-elle d'un hôpital de jour ou d'un Centre d'accueilthérapeutique à temps partiel (CATTP)?2 – Quelles sont les conditions pour être pris en charge en hôpital de jour ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITION

L'hôpital de jour n'est ni un centre de jour, ni un accueil de jour, qui sont des structuressociales dont l'objectif est de rompre la solitude et l'isolement des personnes âgées enleur proposant des activités de groupe.L'hôpital de jour psychogériatrique est une institution médicale s'adressant à despatients résidant chez eux ou dans un domicile de substitution et dont la pathologie estadéquate au projet de soin qu'elle s'est donnée. C'est une structure où sont dispensésdes soins psychiatriques et/ou somatiques.Elle ne fonctionne que la journée. Les malades y sont accueillis du matin jusque vers17 heures.

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Guide pratique de psychogériatrie

Idéalement, son personnel se compose d'un psychiatre, d'un psychologue, d'unesurveillante et d'infirmiers, assistés pour le projet de soins d'un gériatre, d'uneorthophoniste, d'une psychomotricienne, d'une ergothérapeute, d'une assistante socialeet d'une secrétaire.Les compétences de cette équipe peuvent varier d'une structure à l'autre, mais sonprojet de soin repose toujours sur des prises en charge de groupe où le repas de midiest une constante (à la différence des centres d'accueil thérapeutique à temps partiel(CATTP) qui fonctionnent par demi-journées (voire moins) deux à trois fois parsemaine).Cette structure ne reçoit que les malades dont l'état exige un suivi prolongé, qui peuventse mouvoir complètement ou partiellement, et qui jouissent à leur foyer de conditionsde vie correctes. Cette structure a l'avantage de maintenir l'adaptation sociale du sujetâgé en évitant une coupure avec sa famille.L'hôpital de jour psychogériatrique doit être considéré comme une structure hospitalièreoù peuvent être programmés et organisés des bilans, des diagnostics et des traitements.Ces unités fonctionnelles peuvent se situer à l'intérieur ou à l'extérieur de l'hôpital. Ellesfont partie d'une filière de soins s'articulant avec des réseaux complémentairesnotamment les intervenants à domicile.

INTÉRÊTS ET BUTS

Il s'agit de structures complémentaires du système hospitalier classique permettantd'éviter ou de raccourcir les hospitalisations en milieu spécialisé et de maintenir lespersonnes âgées à leur domicile malgré leur entrée en dépendance.La fréquence des hospitalisations de jour dans la semaine (de 1 à 5 jours) est trèssouple permettant de s'adapter à chaque type de patient et à chaque type de troublespsychologiques présentés.L'hôpital de jour est une structure où sont dispensés des soins psychologiques etéventuellement somatiques. Cette structure de soins a pour objectif d'essayer depermettre un retour à l'autonomie psychique, physique et sociale de la personne âgée.

INDICATIONS ET CONTRE -INDICATIONS À L'HÔPITAL DE JOUR

• Un grand nombre de pathologies mentales peuvent être prises en charge :décompensations de personnalités névrotiques, troubles anxieux et dépressifs, maladiesdémentielles.Cette liste n'est pas limitative, l'hospitalisation de jour se décidant au cas par cas avecles différents intervenants : médecins de famille, psychologues, psychiatres, infirmierset assistantes sociales.Toutes les situations de crise et les périodes de décompensations psychiques nepeuvent en général être une indication à un tel type de prise en charge. Il est en effetpeu concevable de gérer sur une journée par exemple des troubles du comportementavec auto ou hétéro-agressivité ou des décompensations délirantes.Néanmoins, il existe actuellement des structures spécialisées dans un seul domaine,comme les troubles démentiels, qui peuvent gérer des formes avancées de cespathologies. En effet, une seule catégorie de troubles se gère plus facilement avec deséquipes très spécialisées qui adaptent au jour le jour la fréquence des hospitalisations,le ou les traitements à instaurer en parfaite complémentarité avec la famille.

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Hôpital de jour pour personnes âgées

• Les trois principales indications sont donc :— les troubles dépressifs chroniques ne nécessitant pas une hospitalisation complète ;

les troubles de nature psychotique, qu'ils soient anciens ou d'apparition récente ;— les déficits intellectuels ne s'accompagnant pas de troubles majeurs du comporte-ment rendant incompatible la vie en groupe.

PRISE EN CHARGE

• Elle se fait avec l'accord de l'équipe pluridisciplinaire. Le patient peut être adressédirectement par son médecin traitant, par son psychiatre ou par une unité d'hospitali-sation complète. Si le personnel soignant de cette structure ne connaît pas le patient,la personne âgée passe quelques heures en évaluation avant que l'équipe pluridiscipli-naire ne donne son accord pour une telle prise en charge.• Les objectifs de l'hospitalisation seront définis après une période d'observation etaprès réalisation d'entretiens avec le malade et sa famille, et de différents bilans (testspsychologiques, bilan de personnalité) adaptés à chaque type de patient. Lesorientations thérapeutiques seront décidées par l'équipe et devront être réévaluéesrégulièrement.• Différents types de soins pourront être dispensés :—d'un point de vue psychologique, certains patients bénéficieront de prises en chargeindividuelles (psychothérapie de soutien, d'inspiration analytique) ou de groupe (groupede parole) ;—une approche corporelle par des massages, de la relaxation pourra être discutée ;—de plus, d'autres techniques peuvent être utilisées : technique de réapprentissage, derééducation des fonctions cognitives, participation à des ateliers d'ergothérapie.La prise en charge psychologique doit se faire en partenariat avec la famille et avec unsuivi somatique régulier. Elle est en général, et dans des situations précises, superviséepar un psychologue et/ou un psychiatre (ateliers de stimulation cognitive).Le médecin généraliste est complètement intégré dans le suivi de son patient et doit êtreinformé des modifications éventuelles de traitement de son patient, de son évolution dansle service et des projets que l'on peut avoir pour la suite de la prise en charge.

PRESTATIONS SPÉCIFIQUES AUX PATIENTS SOUFFRANTD'UNE PATHOLOGIE DE TYPE « DÉMENTIEL »

Différentes activités de soins sont proposées, centrées notamment sur la mémoire, surles activités à médiation corporelle, sur le savoir-faire, sur le langage, le concept de soiet la socialisation.• Les objectifs centrés sur la mémoire aident la personne âgée à utiliser des stratégiespour se rappeler des choses essentielles. Les soignants apportent une réassurance faceaux sentiments liés à la perte des acquis.• Les activités à médiation corporelle permettent un maintien ou une augmentation dela force musculaire, de l'amplitude des mouvements et de l'équilibre nécessaires à laréalisation des actes de la vie quotidienne. Un autre objectif est pour le sujet âgé des'adapter à l'évolution de son image corporelle.• Les activités concernant le savoir-faire sont liées aux apraxies dont souffre le démentet doivent permettre de consolider et de maintenir le plus longtemps possible les acquis,de maintenir une estime de soi. Les travaux proposés tentent de reproduire les actes

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Guide pratique de psychogériatrie

auxquels peuvent être confrontés les patients au domicile (habillage, alimentation,cuisine, jardinage, etc.).• Les objectifs liés aux aphasies sont de permettre l'expression et la compréhensiongrâce à des discussions, à des diaporamas ou à des chants.• Le travail proposé sur le concept de soi doit permettre au sujet d'accepter seschangements et d'assurer le plus longtemps possible son identité.• Les activités de socialisation concernent les relations avec l'extérieur (visitesd'exposition, participation à des fêtes locales) et des activités au sein de l'institutionpermettant aux patients de s'inscrire dans un réseau social grâce à l'intervention depersonnes extérieures (bénévoles, associations, groupes d'animations).

DEVENIR DES PATIENTS

L'hôpital de jour n'est généralement pas une structure de soins que les patientsfréquentent pendant plusieurs années. La durée de séjour est fixée en fonction dupatient et de sa pathologie.La durée moyenne des séjours pour les déments est de six mois, elle est d'environ troismois pour les autres troubles mentaux.Il s'agit donc d'une structure de soins originale permettant une prise en charge despersonnes âgées vivant encore dans leur milieu et complémentaire des autres réseauxde soins (notamment ceux intervenant au domicile des personnes âgées). Elle sedistingue des structures sociales dans la mesure où la participation au groupe n'est pasune fin en soi, mais l'objet d'une observation clinique et d'une analyse dynamiquecentrée à la fois sur les phénomènes groupaux et la manière dont la subjectivité dechaque patient s'y exprime.Ainsi, la prise en charge en hôpital de jour repose sur un travail pluridisciplinairepermettant, après identification d'une problématique médicale, l'élaboration d'objectifset la planification d'interventions dans un but thérapeutique.

Correction du cas clinique

1 — Elle relève plus d'un Centre d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) que d'unhôpital de jour. Les centres d'accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP) fonctionnentpar demi-journées (voire moins c'est-à-dire quelques heures), pour assurer des activitésde psychothérapie ou de sociothérapie, d'aide à la réinsertion. À la différence de l'hôpitalde jour, le repas de midi n'est pas une constante en CATTP.

2 — L'hôpital de jour ne reçoit que les malades :• dont l'état exige un suivi prolongé ;• qui peuvent se mouvoir complètement ou partiellement ;• qui jouissent à leur foyer de conditions de vie correctes.

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Hypocondrie

• L'hypocondrie peut survenir tardivement, mais elle est souventassociée à un autre trouble.

• Elle complique et gêne la prise en charge de la personne âgée.• Ancienne, elle peut devenir une modalité d'existence et, à travers le

médecin le lien à l'autre est maintenu.• Les demandes d'investigations et de traitements sont autant de sol-

licitations affectives, voire de recherches de soins maternels.

CAS CLINIQUEJacques V., 72 ans se plaint depuis deux ans d'une douleur abdominale diffuse ayantmotivé plusieurs consultations médicales, avis spécialisés et plusieurs bilans complé-mentaires normaux. Il est décrit par ses proches comme étant un grand anxieux,psychorigide et assez ritualisé, toujours préoccupé par sa santé. A la suite d'unemauvaise chute deux années plus tôt, il a dû arrêter sa promenade quotidienne par peurde tomber à nouveau. Il est focalisé sur sa douleur abdominale qu'il décrit avec moultdétails et se plaint alternativement de constipation et de diarrhée. Il est persuadé d'avoirun cancer dont le pronostic lui est caché par les médecins. Vous le faites dessiner et ilcommente ainsi son dessin : « tout est négatif... j'ai perdu mon visage... j'ai perdu toutema personnalité... je ne sais pas dessiner... je pense que ce corps est très mal fait,disproportionné, inélégant ».

Questions d'auto-évaluation1 — Quels sont les arguments en faveur d'une hypochondrie ?2 — Quelle thérapeutique spécifique proposez-vous ?

Voir réponses en fin de chapitre.

APPROCHE PSYCHOPATHOLOGIQUE

L'hypocondrie est un syndrome faisant croire à des patients en souffrance psychiquequ'ils sont attaqués par des maladies diverses les faisant passer aux yeux de soignantsnon expérimentés pour des malades imaginaires.L'hypocondrie se définit aussi comme un état de souffrance morale exprimant dessoucis morbides pour la santé du corps ou de l'esprit et conduisant à des comporte-ments de recherche étiologique et d'appel au secours médical.

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Guide pratique de psychogériatrie

Dans le langage courant, ce terme semble être utilisé de façon extensive pouvant définirune expression de l'angoisse, mais aussi toute expression à travers le corps d'un troublepsychiatrique.L'hypocondrie représente ainsi l'expression ou le reflet de la lutte du malade contre sasouffrance et se traduit dans la crainte ou la croyance préoccupante d'avoir une maladiegrave.La nosophobie est constante et entraîne des revendications de surveillance et de soinsmédicaux. Il est fréquent de relever une surconsommation médicale et une détériorationdes relations entre le médecin et son patient, ce dernier se sentant mal compris ou malsoigné.Il peut exister d'autres troubles associés comme de l'anxiété ou une humeur dépressive.L'hypocondrie semble être plus fréquente chez la personne âgée, ce qui peut être enrapport avec un isolement social et avec le besoin pour le sujet âgé de retenir l'attentiondu médecin.L'hypocondrie se rencontre dans différents types d'organisation psychologique : névro-tique (névrose d'angoisse, phobique, hystérique ou obsessionnelle) ou dans lespsychoses dissociatives ou non. Elle se retrouve également dans les syndromesthymiques (dépression) ou organiques.Dans la classification américaine des troubles mentaux, le DSM IV-TR définit descritères cliniques précis. L'hypocondrie comprend une préoccupation centrée sur lacrainte ou l'idée d'être atteint d'une maladie grave, fondée sur l'interprétation erronéepar le sujet de symptômes physiques. Cette préoccupation, d'une durée d'au moins sixmois, persiste malgré un bilan médical approprié et rassurant. La croyance ne revêt pasune intensité délirante et ne se limite pas à une préoccupation centrée sur l'apparence.Cet état est à l'origine d'une souffrance significative ou d'une altération du fonctionne-ment social, professionnel ou dans d'autres domaines importants. Cette préoccupationne doit pas être un symptôme d'autres troubles, comme par exemple le trouble anxieuxgénéralisé, le trouble obsessionnel compulsif, le trouble panique, l'épisode dépressifmajeur, l'angoisse de séparation ou un autre trouble somatoforme.La préoccupation peut concerner, soit des fonctions corporelles comme les battementscardiaques, la transpiration, le transit digestif, soit des perturbations physiquesmineures comme une plaie ou une toux occasionnelle. La ou les maladie(s) redoutée(s)peuvent correspondre successivement ou simultanément à diverses fonctions corporel-les.

CLINIQUE

Ce sont surtout les médecins généralistes qui vont être les premiers confrontés à cesplaintes localisées.L'hypocondriaque étudie et analyse constamment le fonctionnement de son corps etle retranscrit dans un langage médicalisé.• Les organes touchés sont difficilement explorables. Les fonctions digestives,cardiaques, respiratoires, urinaires sont souvent concernées. Les céphalées sontégalement fréquentes.• La description par le patient de son trouble est précise et bien expliquée. Elle vaprogressivement envahir l'existence du sujet avec des conséquences négatives surl'entourage de l'individu. Le danger est le risque de recours à une automédication parune quête médicale permanente contribuant à altérer la relation du médecin et dumalade. Le diagnostic différentiel le plus évident reste celui d'une maladie organique.

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Hypocondrie

Le médecin va devoir rechercher une préoccupation hypocondriaque entrant dans lecadre d'un trouble névrotique et de sa décompensation parfois dépressive qui secaractérise par l'association d'une nosophobie, d'une préoccupation excessive sur lefonctionnement corporel et par une revendication auprès des médecins.• Au cours d'un trouble névrotique anxieux, d'un trouble obsessionnel ou d'un troubledépressif, le sujet est préoccupé par l'altération de l'organe ou par sa transformation.Le mécanisme dépressif est à rechercher afin d'adapter au plus vite un traitement. Lespréoccupations phobiques s'accompagnent chez le patient de la reconnaissance ducaractère absurde de ses plaintes, par des conduites d'évitement et de réassurance.Chez la personne âgée, le fonctionnement intestinal et l'importance des selles régulièrespeuvent s'exprimer sur un mode hypocondriaque. Les plaintes sont congruentes àl'humeur.• Chez certaines personnes âgées, un syndrome de Cotard peut se développer avec desidées délirantes qui s'installent comme le fait que l'intestin ne fonctionne plus ou qu'ilest bouché. Ces idées de négation d'organe se rencontrent le plus souvent dans lestroubles thymiques de type mélancolie délirante, mais également parfois dans laconfusion mentale et la démence.• Au cours de l'évolution d'un vieux schizophrène, les interrogations, rarement isolées,du sujet concernent son intégrité corporelle et se caractérisent par une inaccessibilité àla critique et par la bizarrerie.• L'hypocondrie peut se rencontrer également dans les délires paranoïaques où lesmédecins sont perçus comme des persécuteurs car les ayant mal soignés ou parcequ'ils déclarent conserver des séquelles.• Les délires d'apparition tardive chez la personne âgée peuvent prendre le masque dedélires hypocondriaques. Ils s'accompagnent de perturbations de l'acte alimentairelorsqu'ils concernent la sphère digestive. Les patients rapportent des sensations d'arrêtdu transit, de brûlures bucco-linguales, de douleurs à la mastication ou à l'utilisationd'appareils dentaires. Dans le délire d'apparition tardive, c'est surtout le déni qui estprésent, mais d'autres défenses comme le déplacement et la projection font le lit desthèmes de persécution et de préjudice.• Le souci pour la santé et les accusations de malveillance de l'entourage correspondentsouvent à un délire hypocondriaque qui va parfois pouvoir s'intégrer dans unepathologie psychotique du dément. Ces manifestations hypocondriaques peuvent serencontrer en début de pathologie démentielle et peuvent être révélatrices de l'affection.Il est souvent plus classique de parler d'idées que de délires hypocondriaques étantdonné la fréquente insuffisance de structuration de la pensée marquée par desdéfaillances du jugement et par la détérioration intellectuelle.

TRAITEMENT

• Le traitement est le plus souvent très difficile et nécessite avant tout de poser lediagnostic d'hypocondrie pour établir une bonne relation entre le patient et le médecin.Le danger est avant tout celui de la iatrogénie et de la multiplication des explorationscomplémentaires devant le doute pouvant persister chez le médecin.• Le traitement de l'affection causale est prioritaire : dépression, anxiété, délire.• Le trouble hypocondriaque au sens du DSM IV relève des indications despsychotropes « désinhibiteurs » : antidépresseur et neuroleptique afin de diminuerl'inhibition, le repli et la rumination.

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Guide pratique de psychogériatrie

Correction du cas clinique

1 — Arguments en faveur d'une hypocondrie :• traits de personnalité obsessionnelle• anxiété permanente• travail de deuil difficile d'un corps vieillissant• persistance dans le temps des symptômes• discours descriptif• nosophobie

2 — Approche globale associant antidépresseurs et relaxation psychothérapique. Parfois,le recours à l'électroconvulsivothérapie est nécessaire.

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161 Maladie maniaco-dépressive

• La maladie maniaco-dépressive est de mieux en mieux reconnuechez le sujet âgé.

• On parle aussi de maladie bipolaire.• Elle relève du même traitement que chez l'adulte.• La forme mixte qui combine éléments dépressifs et maniaques est

plus fréquente.

CAS CLINIQUEAnna L., 83 ans présente une altération de l'état général faisant suite à une glossodynie ;plainte centrée sur la langue avec conviction délirante de ne plus avoir de langue, d'avoirla bouche infectée. Pour se « désinfecter », elle se frotte la langue à longueur de journéeà l'aide de mouchoirs. On observe alors progressivement un refus alimentaire, unetristesse de l'humeur, des idées de culpabilité (« elle regrette le mal qu'elle a fait à sesenfants ») et d'indignité (« elle est une charge pour la société »), des idées suicidaires.L'altération de l'état général s'aggrave et une fièvre au long cours perdure, malgré uneinfection urinaire et une pneumopathie correctement traitées. Rapidement, elle déve-loppe des escarres talonnières et sacrées douloureuses.Dans ses antécédents, il faut signaler plusieurs épisodes dépressifs, un épisodemaniaque dix ans plus tôt et une tante schizophrène qui s'est suicidée.

Questions d'auto-évaluation/ — Quelle est votre hypothèse diagnostique ?2 — Quel traitement préconisez-vous pour son trouble psychiatrique ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITIONS

• L'humeur se réfère à un état émotionnel soutenu que module la perception de lapersonne elle-même. L'humeur varie entre l'euphorie, la dysphorie, la tristesse etl'euthymie.• L'affectivité correspond à l'expression observable de l'état émotionnel de la personneet est décrite en fonction de l'adaptation à la situation, au degré de stabilité et à lacongruence avec l'humeur ressentie par le patient lui-même.• Les troubles de l'humeur peuvent s'observer chez la personne âgée. Ils sont associésà une morbidité et une mortalité élevées.

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Guide pratique de psychogériatrie

• Le trouble dépressif est la pathologie mentale la plus fréquente chez le sujet âgé, maisles épisodes maniaques ou hypomaniaques sont loin d'être exceptionnels. Leurdétection à un stade précoce doit représenter une préoccupation majeure pour lemédecin et permettre un traitement adapté pour prévenir ainsi les complicationssomatiques, les suicides et l'évolution possible vers une maladie démentielle.

• Les troubles bipolaires du sujet âgé ont été peu décrits, vraisemblablement en raisond'une absence d'intérêt pour ces troubles à cet âge, et du fait d'une méconnaissance etd'une difficulté à les mettre en évidence à cause d'une symptomatologie spécifique ouatténuée.• Les épisodes maniaques sont en effet souvent atténués ou bien ils prennentl'apparence d'une confusion, voire d'une démence, quand l'agitation, la désorientationtemporo-spatiale, le délire ou les troubles des fonctions intellectuelles sont prédomi-nants.• Enfin, les états mixtes (concomitance ou alternance d'éléments dépressifs etmaniaques) s'observent aussi chez la personne âgée.• La comorbidité des troubles de l'humeur du sujet âgé induit facilement aussi unerecoloration des tableaux cliniques.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les troubles bipolaires en population générale ont une prévalence sur la vie entièrecomprise entre 3 et 6 %. La prévalence diminuerait avec l'avance en âge et ne seraitplus que de 0,1 % pour la population de plus de 65 ans.Si la prévalence des états maniaques diminue avec l'âge, ce n'est pas le cas de leurincidence qui augmenterait. La moitié des nouveaux cas surviendrait chez despersonnes de plus de 50 ans. L'incidence et la prévalence de la manie chez les sujetsâgés sont de toute façon plus basses que celles de la dépression.Les états mixtes seraient retrouvés comme première manifestation affective de troublesbipolaires tardifs dans 8 % des cas.

CLASSIFICATION

TROUBLES BIPOLAIRES DE TYPE I

Ils se caractérisent par des épisodes dépressifs majeurs (souvent récurrents) alternantavec un (ou des) épisode(s) maniaque(s).

TROUBLES BIPOLAIRES ATTÉNUÉS

Ce sont les troubles bipolaires de type II et III.

TROUBLES BIPOLAIRES DE TYPE II

Ils se caractérisent par des épisodes dépressifs majeurs (récurrents) et des phaseshypomaniaques et/ou un tempérament cyclothymique intermorbide ou prémorbide.

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Maladie maniaco-dépressive

• L'hypomanie est une forme atténuée de l'excitation maniaque marquée par unehyperactivité psychique et comportementale plus ou moins bien compensée. Dans lelangage courant, ce terme désigne une personne qui ne tient pas en place.• Le tempérament cyclothymique est défini par des oscillations brutales parmi desmanifestations subjectives (léthargie-eutonie, pessimisme-ruminations, obtusion men-tale-pensée créative, estime de soi faible-mégalomanie) et parmi des manifestationscomportementales (hypersomnie-réduction du sommeil, repli introversif-recherchedésinhibée des contacts sociaux, restriction de parole-logorrhée, pleurs inexpliqués-plaisanteries excessives, hypoproductivité-hyperproductivité).

TROUBLES BIPOLAIRES DE TYPE inIls se rapportent aux états dépressifs majeurs récurrents sans hypomanie (dépressionpseudo-unipolaire), mais avec un tempérament hyperthymique et/ou une histoirefamiliale de bipolarité.Ce type est aussi retenu comme correspondant au virage maniaque sous antidépresseurprescrit pour un épisode dépressif majeur.

• Tempérament hyperthymiqueIl se définit par un état maniaque atténué où la jovialité, l'infatigabilité, la sociabilité,la prodigalité et la confiance en soi, entres autres, sont de niveau relativement stable...La notion de tempérament est donc fondamentale et il faut toujours s'attacher àrechercher ces informations auprès de la personne ou de son entourage.

• État mixteL'état mixte est défini par la concomitance ou l'alternance durant le même épisode desymptômes maniaques et dépressifs.Il faut préciser que chez les personnes âgées, beaucoup d'états maniaques sontassociés à des idées dépressives, comme chez l'enfant et l'adolescent.

• Troubles bipolaires à cycles rapidesLes troubles bipolaires à cycles rapides ont été définis par l'existence d'au moins quatreépisodes thymiques au cours des douze derniers mois : épisode dépressif majeur,maniaque, mixte ou hypomaniaque.Ils sont délimités soit par une rémission partielle ou totale d'au moins deux mois soitpar un virage à un épisode de polarité opposée.La durée totale des épisodes est au moins égale à huit semaines.Il est néanmoins rare que le trouble bipolaire à cycles rapides commence à semanifester chez une personne âgée.Il existerait cependant des facteurs prédisposants :• pharmacologiques : antidépresseurs tricycliques, IMAO, L Dopa et probablement

lithium et neuroleptiques ;

• et non pharmacologiques : électroconvulsivothérapie, sevrage des tricycliques, hypo-thyroïdie et certaines lésions cérébrales.

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Guide pratique de psychosériatrie

CLINIQUE

On différencie les formes précoces et donc anciennes et a priori connues chez lapersonne devenue plus âgée, des formes d'apparition tardive (après 50 ou 60 ans)dont la symptomatologie, le cours de la maladie et son devenir sont plus sévères.La symptomatologie particulière des troubles bipolaires rend leur diagnostic plusdifficile : la dépression agitée et la manie dysphorique qui font partie des états mixtessont en effet fréquentes à cet âge.Chez l'adulte, on s'appuie classiquement sur les antécédents familiaux (parents,collatéraux) pour porter le diagnostic de maladie maniaco-dépressive. Chez le sujet âgé,il n'est pas exclu de considérer aussi les antécédents de troubles de l'humeur chez lesenfants.Le tableau classique de manie peut exister à cet âge, mais sous une forme atténuée. Ilsemblerait que la clinique des formes précoces soit plus typique, et surtout, même sielle évolue avec l'âge vers une atténuation des symptômes, qu'elle continue àressembler aux épisodes précédents.La manie de novo prendrait, en revanche, plus généralement un aspect trompeur.Reconnaître un épisode maniaque, et le différencier d'un épisode confusionnel d'origineorganique n'est donc pas toujours facile.En fait, on est plus porté à considérer l'aspect négatif de la pathologie du sujet âgé(démence, troubles du caractère) et à l'évoquer devant toute symptomatologiepsychique (agitation, confusion, délire), que de penser à la souffrance et même plusencore, devant la joie, l'exaltation, surtout s'il s'agit de la première manifestation.Se pose également la discussion des manies secondaires à une pathologie organiqueneurologique (AVC, tumeur cérébrale) ou à certaines perturbations métaboliques(dysthyroïdies) ou iatrogènes (stéroïdes, antidépresseurs).

L'ÉPISODE NIAQUE

Le tableau classique de l'épisode maniaque chez le sujet âgé comporte d'abord unehyperactivité et une diminution du besoin de sommeil, puis éventuellement une fuitedes idées, un délire de grandeur, des dépenses inconsidérées et une hypersexualité, etplus rarement sont retrouvés des hallucinations visuelles et un délire mystique.L'hyperactivité et l'expansion de l'humeur sont moins prononcées que chez les plusjeunes, ce qui entraîne parfois une confusion de diagnostic avec une dépression agitée.Irritabilité et colère sont classiquement décrites lors d'épisodes maniaques tardifs, maisne seraient pas plus fréquentes chez le sujet âgé. Elles sont néanmoins plus courantesque l'euphorie.Les symptômes confusionnels avec troubles de la conscience, onirisme, exacerbationnocturne des troubles sont donc courants et peuvent évoquer une confusion d'étiologieorganique, quelle qu'elle soit (neurologique surtout, mais aussi iatrogène ou métaboli-que). Les symptômes confusionnels s'atténuent avec l'amélioration de l'épisodemaniaque.Les troubles cognitifs sont aussi fréquents. Ce sont des troubles mnésiques de fixationpour la plupart, dus essentiellement aux troubles de l'attention. Ils sont en généralréversibles avec la guérison de la manie, sauf en cas d'évolution vers une démence etils constituent alors un état prédémentiel.Des idées de persécution ou de référence sont plus fréquentes qu'un délire degrandeur. Des idées de ruine et d'empoisonnement peuvent aussi exister.Un discours circonstancié, facile, voire logorrhéique, remplace fréquemment la fuitedes idées.

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Maladie maniaco-dépressive

Les symptômes dépressifs sont donc très communément décrits chez les sujetsmaniaques âgés. Des idées dépressives qui accompagnent des symptômes maniaquesréalisent une « manie malheureuse » ou un état mixte.Le tableau associe très couramment, encore plus peut-être que chez les plus jeunes,une accélération idéique et une agitation, une humeur dépressive teintée de désespoir,de sentiments d'indignité et de culpabilité, voire des idées suicidaires. Cette dépression

anxieuse-excitée fait partie des troubles bipolaires mixtes. Le risque suicidaire y estplus important et ils sont plus difficiles à équilibrer sur le plan thérapeutique.

L'ÉPISODE HYPOMANIAQUE

Il se caractérise, sur une période très délimitée d'au moins quatre jours, par uneélévation persistante de l'humeur (expansive ou irritable).Les mêmes symptômes que dans l'épisode maniaque doivent être isolés, mais lasévérité de l'épisode n'est pas suffisante pour entraîner une altération marquée dans lefonctionnement de l'individu par rapport à l'environnement.Cet épisode ne doit pas être dû à une affection médicale ou aux effets d'une quelconquesubstance.

ÉVOLUTION

L'évolution des troubles bipolaires comporte de nombreux points communs avec celledes dépressions unipolaires, en particulier la mortalité et le risque d'évolutiondémentielle.

MALADIE PRÉCOCE

Elle dépend de l'ancienneté de la maladie : une maladie bipolaire, ancienne et doncprécoce, va évoluer vers un épuisement, une « extinction » de la maladie, alors quel'apparition de troubles bipolaires à la sénescence, forme tardive de la maladie, atendance à avoir un cours accéléré.L'âge moyen de début de la maladie bipolaire se situe entre 20 et 30 ans.Après 60 ans les poussées sont de moins en moins fréquentes, même si elles durentplus longtemps qu'auparavant. Les cycles sont donc plus longs et peuvent atteindreplusieurs années. Les taux de récurrence sont moins élevés. La maladie s'éteint avecl'âge et le vieillissement serait un facteur atténuateur.Mais les malades souffrant de troubles bipolaires anciens sont victimes d'une mortalitéaccrue.

MALADIE TARDIVE

L'âge moyen de début de la maladie bipolaire tardive est de 50 à 60 ans.La durée des épisodes est y plus longue et les intervalles entre les épisodes plusrapprochés.Le cours de la maladie est plus rapide, pouvant atteindre parfois des cycles rapides (aumoins 4 cycles par an).On observe également plus souvent des états mixtes.

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Guide pratique de psychogériatrie

TRAITEMENT

HOSPITALISATION

Elle est toujours indiquée.

THYMORÉGULATEURS

Les soins aux patients âgés présentant des troubles bipolaires comportent le traitementdes accès et le traitement thymorégulateur (traitement de fond). Ce dernier estsystématique. Il consolide le traitement de la dépression et surtout il prévient lesrechutes dépressives et maniaques.Le choix du thymorégulateur se fait également en fonction de la réponse aux traitementsantérieurs.

• TégrétolLors d'un accès maniaque on peut utiliser un thymorégulateur en première intention,en particulier la carbamazépine (Tégrétol) qui a une action anti-maniaque reconnue(posologie 400 à 600 mg/j, maximum : 1 200 mg/j).Le bilan à réaliser avant l'instauration du traitement sera : hémogramme, bilanhépatique, électroencéphalogramme.Les contre-indications sont le bloc auriculo-ventriculaire, le glaucome par fermeture del'angle, l'adénome de prostate, l'insuffisance hépatique sévère.Le Tégrétol est un inducteur enzymatique et les associations contre-indiquées sont lesIMAO, le valpromide et la troléandomycine.Pour la surveillance du traitement, les examens biologiques à pratiquer de façonsystématique sont les taux plasmatiques de carbamazépine, un hémogramme et unbilan hépatique.

• LithiumLe lithium, même s'il est d'un maniement plus délicat à cet âge (risques dedéshydratation et d'insuffisance rénale plus importants, grande variation des tauxplasmatiques, risque d'interactions médicamenteuses), reste le thymorégulateur le plusfiable.Son efficacité est plus grande lorsque l'agitation psychomotrice est modérée. Untraitement neuroleptique peut être associé.Sa prescription sera accompagnée d'un bilan préthérapeutique (coeur, thyroïde, rein) etd'une surveillance adéquats.Les contre-indications absolues à la lithiothérapie sont l'insuffisance rénale grave,l'hyponatrémie, un traitement salidiurétique, toute indication d'un régime désodé, uneinsuffisance cardiaque et un trouble du rythme.Les contre-indications relatives sont une insuffisance rénale modérée, une hypothyroïdieet l'épilepsie.

Les associations médicamenteuses à proscrire sont les salidiurétiques (furosémide etthiazidiques), les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et la carbamazépine sontà éviter.

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Maladie maniaco-dépressive

Le lithium augmente l'effet sédatif des neuroleptiques et le risque d'accidentscardiaques en association avec les antidépresseurs tricycliques. Il augmente aussi l'effethypoglycémiant des sulfamides et de l'insuline.Il faut également retenir que toute impossibilité d'une bonne observance du traitementest une contre-indication à la lithiothérapie.On dispose du Téralithe 250 (2 à 3 prises par jour) et du Téralithe 400 LP (une seuleprise le soir). On débute par une posologie d'un comprimé par jour, que l'on augmentejusqu'à 3 cp/j en 3 prises pour le Téralithe 250 et jusqu'à 2 cp/j en une seule prisepour le Téralithe 400 LP. On ajuste la posologie en fonction de la lithiémie.La surveillance est un temps capital à la recherche de signes de surdosage commel'asthénie, les tremblements amples, une maladresse des mouvements, un ralentisse-ment idéatoire, une dysarthrie, une hypotonie musculaire, des vertiges, une ataxie, uneconfusion mentale, de la diarrhée, des nausées et une soif exagérée.On surveille la lithiémie au 6e jour, puis une fois par semaine le premier mois, une foispar mois pendant les trois mois suivants, puis tous les trois mois. La surveillancebiologique se limite à la lithiémie et à la créatininémie et, une fois par an, au contrôlede la TSH ultrasensible. Avec le Téralithe 250, le prélèvement sanguin se fait le matin,12 heures après la dernière prise vespérale. La zone d'efficacité est de 0,6 à 0,8 mEq/L. Avec le Téralithe LP 400, la concentration efficace est de 0,8 à 1,2 mEq/L,12 heures après la prise (le matin) et de 0,5 à 0,8 mEq/L, 24 heures après (lelendemain soir à 20 heures).Dans le cas d'une intervention chirurgicale, ce traitement peut être suspendu pendant48 heures avant et après la chirurgie.

• DépamideL'usage du valproate (Dépamide) devient de plus en plus courant. Son choix à cet âgeest en effet intéressant pour traiter l'accès et avoir un effet préventif dans la mesure oùil est bien toléré et ne nécessite pas de bilan préthérapeutique, ni de surveillanceparticulière, contrairement à la carbamazépine (surveillance hépatique et NFS) et aulithium.Il faut savoir qu'il potentialise les effets des barbituriques et des neuroleptiques.Il ne doit pas être associé avec la carbamazépine en raison du risque d'hépatite et desyndrome confusionnel.L'administration se fera à doses progressives. On débute par une posologie de 2 cp/j,puis on augmente la posologie tous les deux à trois jours jusqu'à une posologiemaximale de 6 cp/j. La posologie moyenne reste de 2 à 4 cp/j.

• DépakoteL'utilisation du divalproate de sodium (Dépakote) est normalement réservée autraitement des accès maniaques dans les troubles bipolaires, et surtout lorsqu'il y a uneintolérance ou une contre-indication au lithium. Cependant, beaucoup de prescripteursle prescrivent comme traitement prophylactique du fait de son efficacité et de satolérance.

• ZyprexaL'olanzapine (Zyprexa) est indiquée dans le traitement de la schizophrénie et desépisodes maniaques modérés à sévères, mais aussi dans la prévention des récidiveschez les patients présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement parl'olanzapine lors d'un épisode maniaque. Cette molécule est parfois aussi proposée chez

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Guide pratique de psychogériatrie

la personne âgée comme traitement prophylactique en respectant les contre-indicationsrelatives au risque vasculaire.

NEUROLEPTIQUES

Si l'intensité symptomatique est majeure, il est préférable de rajouter un neuroleptiqueen choisissant les mieux tolérés :• les benzamides substitués (comme Tiapridal, 300 à 400 mg/j), surtout lorsqu'il

existe une note confusionnelle ;

• les phénothiazines ou l'halopéridol à posologie progressivement croissante etmodérée peuvent présenter un intérêt pour améliorer l'angoisse ou le délire d'un sujetmélancolique ou maniaque ;

• les nouveaux antipsychotiques sont de plus en plus indiqués et préférés pour leurmeilleure tolérance (Risperdal, 0,5 à 4 mg/j et Zyprexa, 5 à 10 mg/j).

Toutefois, seuls les traitements du trouble de l'humeur permettent la guérison del'épisode, tandis que les neuroleptiques, sans antidépresseur ou sans thymorégulateurpour la manie, ne peuvent venir à bout des troubles et peuvent même les aggraver.

SISMOTHÉRAPIE

Elle occupe une place de choix dans le traitement des épisodes dépressifs des patientsbipolaires et pour amender les épisodes maniaques.Les séances d'entretien au rythme d'une par mois sont de plus en plus utilisées avecun certain succès.

PSYCHOTHÉRAPIE

Pour les patients bipolaires, le suivi psychothérapique individuel et familial estprimordial, afin de reprendre dans leur histoire les événements de vie fragilisants et deconstituer un étayage solide permettant de mieux affronter les pertes et les change-ments ultérieurs.En effet, ces sujets sont peut-être encore plus fragiles que ceux qui n'ont pasd'antécédents de bipolarité et plus sensibles aux moindres événements de la vie.

Correction du cas clinique

1 — Le tableau clinique est en faveur d'une dépression mélancolique sévère entrant dansle cadre d'une maladie maniaco-dépressive encore appelée trouble bipolaire de type I.

2 — Le traitement ici est une urgence :• la sismothérapie démarrée avec le consentement éclairé de la patiente et de lapersonne de confiance est arrêtée au bout de trois séances car la patiente est récuséepar les anesthésistes.• un traitement antidépresseur (clomipramine, Anafranil 150 mg/j) est instauré enremplacement de l'ISRS qu'elle avait.• lors de la rémission des symptômes dépressifs, il est rajouté à son traitement unthymorégulateur en l'occurrence du divalproate (Dépakote) : 1 000 mg/j.

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ly I Mémoire(difficultés mnésiques)

• Plainte mnésique n'égale pas trouble de la mémoire.• Réassurance et prescription unique sont souvent suffisantes.• L'essentiel est d'éliminer un début de démence, mais de toujours

surveiller l'évolution.

CAS CLINIQUEMonsieur Robert T., 76 ans, se plaint d'oublier. Son épouse confirme ce fait et souligneque cela entraîne entre eux des dissensions, car il ne supporte pas qu'on le lui fasseremarquer. Il ne se rappelle pas avoir parlé de tel fait la veille. Il cherche les noms depersonnes proches. Il a un peu de mal à gérer correctement un important traitementpour prévenir de nombreux facteurs de risque vasculaires (hypertension artérielle,diabète de type 2, hypercholestérolémie, antécédent de désobstruction carotidienne,hyperuricémie, syndrome d'apnée du sommeil). Il conduit toujours sa voiture, va faireles courses et utilise le téléphone. Le MMS est à 27/30.

Questions d'auto-évaluation1 — Quel diagnostic évoquez-vous et quels sont vos arguments ?2 — Quelle démarche diagnostique préconisez-vous?

Voir réponses en fin de chapitre.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Une des plaintes les plus communément rencontrées chez le sujet vieillissant est celled'une diminution des capacités mnésiques. Sa fréquence augmente avec l'âge (environ9 % autour de 55 ans contre 23 % après 85 ans). Elle est souvent liée à la crainte queces troubles de la mémoire soient dus à une atteinte du cerveau pour laquelle il n'yaurait pas de ressource thérapeutique.Il existe une diminution des performances mnésiques avec l'âge, mais ces déficits sonttrès variables selon les individus et selon les tests utilisés pour les évaluer.L'appréciation par les sujets de leur propre mémoire varie selon qu'elle est évaluée surla présence de plaintes mnésiques exprimées spontanément ou recherchées au moyende différentes techniques.Le principal problème est de savoir si la plainte mnésique correspond réellement à undéficit des performances mnésiques, et si ce déficit objectif reste en rapport avec unvieillissement plus accentué qui peut se rencontrer chez certains individus, ou s'il s'agitd'une pathologie cérébrale plus invalidante.

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Guide pratique de psychogériatrie

SITUATIONS CLINIQUES

• Il existe donc des sujets âgés qui ne présentent pas de trouble de la mémoire (en toutcas qui ne s'en plaignent pas), comme il existe des sujets âgés qui n'ont pas de troublesensoriel. Chez eux, le vieillissement, qui reste un processus hétérogène, n'a donc pasou peu affaibli ces fonctions.• Il existe aussi des sujets âgés qui ont des difficultés à se rappeler des détailsd'événements, des noms propres, qui peuvent cependant être restitués à d'autresmoments. Ces sujets ont plutôt tendance à s'en plaindre, et à côté de cela, ilsdemeurent bien orientés, leurs fonctions intellectuelles sont respectées et leurautonomie est bien conservée. On parle alors « d'oubli bénin » lié au processus desénescence physiologique, de « déficit mnésique lié à l'âge » ou de « déficit cognitifléger ». C'est ce dernier terme qui est actuellement retenu (cf. tableau pour les critères).• D'autres sujets âgés oublient des fragments entiers du passé récent. Ils sontdésorientés, présentent souvent des fabulations et une restriction de l'autonomie. Celacorrespond à « l'oubli malin » qui se rattache à des processus pathologiques cérébrauxdégénératifs ou vasculaires.• Il y a enfin des sujets qui se plaignent de leur mémoire et qui vont ou non apparteniraux deux catégories précédentes.• Les plaintes mnésiques font cependant aussi intervenir des facteurs non cognitifscomme la présence d'une symptomatologie dépressive, l'influence de l'anxiété et dustress, la personnalité et le niveau de santé générale (en particulier lorsqu'il existe uneincapacité fonctionnelle, des perturbations de la vue ou de l'audition, ainsi qu'unehypertension artérielle).Des facteurs psychosociaux comme la sensation d'isolement, le peu d'importanceaccordée à son rôle dans la société, une conception négative du vieillissementinterviennent également.Au total, la fréquence de la plainte mnésique augmente avec l'âge, mais elle est loind'être aussi constante que la diminution des performances aux tests. Cette plus grandefréquence pourrait ne pas être directement liée à l'âge mais à l'augmentation de cesfacteurs avec l'âge.

Déterminants biopsychosociaux de la plainte mnésique

• modifications des capacités cognitives avec le vieillissement ;• professions où jeunesse = créativité, dynamisme (estime de soi diminuée avec l'âge) ;• anxiété, dépression, démotivation ;• départ des enfants, retraite ;• perception négative du vieillissement ;• stéréotype d'une « normalité » de perte de mémoire avec l'âge ;• isolement social (diminution d'activité et du réseau social), sensation d'isolement ;• présence d'affections limitant l'autonomie ou les capacités sensorielles ;• diminution des facteurs d'adaptation au stress avec le vieillissement ;• personnalité fragile ou dépendante (vieillissement vécu comme une blessurenarcissique).

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Mémoire (difficultés mnésiques)

TROUBLE COGNITIF LEGER (Mild Cognitive Impairment – MCI).CRITERES CLINIQUES

• 2 éléments positifs :– Existence chez un patient de 50 ans ou plus d'une plainte mnésique confirmée par uninformant proche– Plainte objectivée sur un test de mémoire par un score inférieur d'au moins 1,5 ECTpar comparaison à une population témoin appariée selon l'âge et le niveau culturel• 3 éléments négatifs :– Les autres fonctions cognitives et le niveau global d'efficience sont normaux (MMS> 26)– Les ADL sont préservées ; parfois altération discrète des fonctions instrumentalescomplexes– Le malade ne répond pas aux critères diagnostiques de la MA ; classé GDS* deReisberg = 3 et CDR** Berg = 0,5

* Global Deterioration Scale de Reisberg** Clinical Dementia Rating de Berg

EXPLORATIONS

La réponse médicale repose donc avant tout sur l'analyse des différents facteurs quisont susceptibles de générer la plainte mnésique chez le sujet. Une évaluationsystématique de ses performances mnésiques d'une part, et de son état psychoaffectifd'autre part, est indispensable.

DÉPISTAGE PSYCHOMÉTRIQUE

• L'utilisation d'outils brefs pour l'état cognitif (par exemple le MMS) et pour l'étatpsychoaffectif (comme la mini-GDS) est d'un grand bénéfice.Le score au MMS doit toutefois être interprété en fonction du niveau culturel et de l'étatpsychoaffectif.• On peut aussi utiliser des questionnaires explorant la connaissance qu'ont les sujetsde leur fonctionnement mnésique : métamémoire, ou bien explorant les difficultés qu'ilsrencontrent dans leur vie quotidienne (auto-questionnaire de Mac Nair).Cependant, l'appréciation subjective sur leur fonctionnement mnésique n'est pas unreflet fidèle de leurs performances aux tests de mémoire. Les patients présentant deréels troubles de la mémoire peuvent oublier leurs oublis, ce qui les conduit à sous-estimer leur évaluation. L'évaluation de ses difficultés mnésiques par le sujet lui-mêmeest moins le reflet de la fréquence réelle de ses oublis que de ses croyances concernantla façon dont il se perçoit (notamment de l'estime de soi) et des schémas ou stéréotypesculturels concernant la baisse de la mémoire chez le sujet âgé.L'autoquestionnaire de Mac Nair peut fournir une donnée quantitative qui peut êtrecomparée aux résultats obtenus dans une population appariée par l'âge et le niveauculturel.Il permet aussi d'évaluer l'évolution de la plainte chez un même patient. Par ailleurs, ildonne des renseignements qualitatifs sur la nature des difficultés que rencontre le

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patient dans sa vie courante. Bien souvent, on s'aperçoit que ces difficultés relèventplus d'un défaut d'attention que d'un réel trouble mnésique.• En pratique, on utilise de plus en plus le test des 5 mots, le test de l'horloge, lesfluences verbales et éventuellement la BREF (batterie rapide d'évaluation frontale). LeGPCOG (évaluation cognitive pour le médecin généraliste), instrument composite et quiinterroge éventuellement un informant, est aussi très intéressant pour le dépistage.

BILAN MÉDICAL

Au moindre doute sur l'existence d'une pathologie cérébrale, il est nécessaire derechercher une affection médicale pouvant interférer avec le fonctionnement cérébral etd'effectuer un examen psychométrique.

EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

• Le bilan minimal comporte un hémogramme, un dosage des folates et de la vitamineB12, un ionogramme et un dosage de la thyroxine totale (T4) et de la TSH.• Des bilans phosphocalcique, immunologique, sérologique et d'imagerie cérébralepeuvent s'ajouter en fonction du contexte.

E ENS PSYCHOMÉTRIQUES

• Leurs limitesIl faut rappeler qu'un test cognitif, qu'il soit clinique ou psychométrique, mesure uneperformance et non une compétence.Une baisse de performance peut être due à une diminution des compétences, mais plussouvent elle est liée à de nombreux facteurs qui l'altèrent, comme l'état affectif et lestress, lié ou non aux conditions de passation des tests.De même, la nature du test utilisé est peut-être moins importante que l'expérience dela personne qui le fait passer. On peut aussi reprocher aux tests de mémoire leurfaiblesse écologique (c'est-à-dire une trop grande différence avec la mise en jeu de lamémoire dans la vie quotidienne).

• L'évaluation du contexteLorsqu'il n'existe aucune suspicion d'organicité ni trouble psychiatrique, l'entretien avecle sujet qui se plaint doit s'attacher à mettre en évidence l'existence de facteursspécifiques (par exemple un événement de vie récent, une souffrance existentielle, desdifficultés familiales, des préoccupations concernant sa propre santé ou celle desproches, une angoisse de vieillir...) et la signification de cette plainte pour lui afind'orienter la prise en charge.

• Le recueil des données de l'entourageIl ne faut pas oublier que dans certains cas les données fournies par la famille peuventavoir leur importance.Dans ce sens il existe des outils permettant le dépistage de la démence parl'interrogatoire d'un proche (par exemple le DECO : détérioration cognitive observée).

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Mémoire (difficultés mnésiques)

• Les consultations spécialiséesFace à ce problème des plaintes et des mauvaises performances mnésiques, il a été misen place de nombreux centres de consultations de la mémoire (des centres mémoire deproximité et régionalement des centre-mémoire de ressources et de recherche — CMRR).L'équipe y est généralement pluridisciplinaire, composée d'un neurologue, d'un gériatre,d'un psychiatre et d'un psychologue formé à la pratique des tests neuropsychologiques.

PRISE EN CHARGE DES PLAINTES MNÉSIQUES

APPROCHE PHARMACOLOGIQUE

L'approche thérapeutique de ces difficultés mnésiques peut être pharmacologique.Cependant, la mémoire n'est pas une entité isolée et les médicaments qui améliorentla vigilance, l'attention ou l'état affectif peuvent avoir une action favorable sur lesperformances mnésiques.De plus, beaucoup de médicaments ne s'avèrent efficaces que chez un petit nombre desujets répondeurs : il apparaît donc préférable de les utiliser successivement encherchant celui qui possède chez un individu donné le maximum d'action plutôt que deles associer d'emblée avec l'espoir infondé d'en cumuler les effets.• Les suggestions thérapeutiques peuvent être :—les extraits de gingko biloba (par exemple : Tanakan, 3 cp/j) ;— l'adrafinil (Olmifon, 2 à 4 cp/j) ;—le piracétam (par exemple : Gabacet, 6 gélules/j)...Auparavant, il faut aussi s'assurer que le sujet n'absorbe pas de substance ou demédicament présentant une action défavorable sur la mémoire (voir tableau ci-dessous).La question de la durée d'un traitement médicamenteux demeure ouverte. Il peut êtremaintenu tant que dure la plainte et être arrêté lorsque le sujet a retrouvé sa confianceen lui.• Il est parfois justifié de traiter des troubles associés :—soit un trouble dépressif : la Moclamine semble ici indiquée (3 à 4 cp/j) ;—soit un trouble anxieux passager : il est alors préférable d'éviter les benzodiazépinesen se rabattant sur le méprobamate ou sur le tiapride.

Substances et médicaments ayant une action défavorable sur la mémoire

• alcool, cannabis ;• sédatifs, benzodiazépines et substances apparentées utilisées comme somnifères ;• antinauséeux, antivertigineux ;• antidépresseurs (surtout ceux qui ont une action anticholinergique, et en début detraitement !) ;• antihypertenseurs à action centrale ;• bêtabloquants.

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Guide pratique de psychogériatrie

APPROCHE NON PHARMACOLOGIQUE

Elle comporte les thérapies à visée cognitive (activation cérébrale, activation mnésique,entraînement mnésique, réhabilitation mnésique, optimisation des capacités mnési-ques...) et les approches psychothérapiques.• Les thérapies à visée cognitive se proposent d'améliorer les processus d'attention, deperception, d'apprendre aux sujets à organiser le matériel à mémoriser et de faciliter larétention par des techniques faisant appel à des processus d'association, d'imagerie oud'élaboration verbale. Leur effet est aussi bénéfique sur les plaintes que sur lesperformances.Toutefois, on ne sait pas si cette amélioration est durable et si elle doit réellement êtreimputée à une action sur les processus cognitifs ou bien si elle relève d'une améliorationde la confiance et de la motivation du sujet. Ces thérapies sont souvent proposées dansle cadre des « ateliers mémoire » qui, comme les consultations mémoire, ont uneimplantation et des techniques très hétérogènes.• L'action psychothérapique s'avère efficace lorsque la composante psychoaffective estcertaine. En particulier la relaxation psychothérapique est très bénéfique chez le sujetanxieux.Mais le traitement indispensable de la plainte mnésique est avant tout une explicationdétaillée sur le fonctionnement mnésique et sur son intrication avec d'autres processus,et aussi une réassurance vis-à-vis de la crainte de présenter un début de démence.Les plaintes mnésiques ne sont donc pas le reflet systématique d'un déficit de mémoireobjectif. Elles nécessitent cependant toujours que les performances mnésiques soientévaluées. Si un déficit cognitif quelconque est retrouvé, il justifie toujours qu'un bilanplus complet et qu'une prise en charge soient proposés.En effet, chez un sujet non dément mais présentant un déclin cognitif, l'existence deplaintes mnésiques pourrait augurer d'un déclin cognitif plus marqué si aucuntraitement n'est envisagé.

LES TESTS

QUESTIONNAIRE D'AUTO-ÉVALUTATION DES FONCTIONSCOGNITIVES DE MAC-NAIR

1.J'ai des difficultés à me souvenir des numéros de téléphone usuels 0 1 2 3 4

2.J'oublie où j'ai posé mes lunettes, mes clefs, mon porte-monnaie, mes papiers 0 1 2 3 4

3. Quand je suis interrompu(e) dans une lecture, j'ai du mal à retrouver où j'en étais 0 1 2 3 4

4 Quand je fais des courses, j'ai besoin d'une liste écrite 0 1 2 3 4

5.J'oublie des engagements, de me rendre à des rendez-vous, des réunions 0 1 2 3 4

6.J'oublie de rappeler quand on m'a téléphoné 0 1 2 3 4

7. J'ai du mal à mettre une clef dans une serrure 0 1 2 3 4

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Mémoire (difficultés mnésiques)

8.J'oublie en cours de route des courses que j'avais projeté de faire 0 1 2 3 4

9.J'ai des difficultés à me rappeler le nom de gens que je connais 0 1 2 3 4

10.J'ai des difficultés pour me concentrer sur un travail ou une occupation 0 1 2 3 4

11.J'ai des difficultés à raconter une émission que je viens de voir à la télévision 0 1 2 3 4

12. J'ai des difficultés à exprimer clairement ce que je voudrais dire 0 1 2 3 4

13.11 m'arrive de ne pas reconnaître des gens que je connais 0 1 2 3 4

14.Il m'arrive d'avoir un mot sur le bout de la langue et de ne pas pouvoir le sortir 0 1 2 3 4

15.J'ai des difficultés à retrouver le nom des objets 0 1 2 3 4

16.J'ai des difficultés à comprendre ce que je lis 0 1 2 3 4

17.J'ai des difficultés à comprendre ce que les gens disent quand plusieurs personnesparlent entre elles

0 1 2 3 4

18.J'oublie le nom des gens juste après qu'ils m'aient été présentés 0 1 2 3 4

19.Je perds le fil de mes idées lorsque j'écoute quelqu'un d'autre 0 1 2 3 4

20.1'oublie quel jour de la semaine nous sommes 0 1 2 3 4

21.J'oublie de boutonner ou de tirer la fermeture éclair de mes vêtements 0 1 2 3 4

22.J'ai besoin de vérifier une fois ou deux si j'ai bien fermé la porte, coupé le gaz, etc. 0 1 2 3 4

23.Je fais des erreurs en écrivant ou en faisant des calculs 0 1 2 3 4

24.Il m'est difficile de fixer mon esprit sur quelque chose 0 1 2 3 4

25.J'ai besoin de me faire répéter plusieurs fois les choses que je dois faire 0 1 2 3 4

26.J'ai des difficultés pour boutonner mes vêtements, tirer les fermetures éclairs 0 1 2 3 4

27.Je ne range pas mes vêtements à la bonne place 0 1 2 3 4

28.J'ai du mal à coudre, à raccommoder, à faire des paquets, à effectuer des petitesréparations

0 1 2 3 4

29.J'ai du mal à fixer mon esprit sur ce que je lis 0 1 2 3 4

30.J'oublie immédiatement ce que les gens viennent de dire 0 1 2 3 4

31.11 m'arrive de ne pas savoir ce que je suis venu faire à l'endroit où je me trouve 0 1 2 3 4

32.J'ai du mal à savoir si l'on m'a rendu correctement la monnaie 0 1 2 3 4

33.J'oublie de payer des notes, de déposer des chèques, d'affranchir ou de poster le courrier 0 1 2 3

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Guide pratique de psychogériatrie

34.Je dois faire les choses lentement pour être sûr(e) de les faire bien 0 1 2 3 4

35.J'ai par moment l'impression d'avoir la tête vide 0 1 2 3 4

36.J'oublie quel jour du mois nous sommes 0 1 2 3 4

37.J'ai des difficultés à utiliser des outils, des ciseaux, un tire-bouchon, etc. 0 1 2 3 4

0 : jamais — 1 : rarement — 2 : parfois — 3 : souvent — 4 : très souvent

Voici une liste de phrases décrivant des difficultés que chacun peut rencontrer dans lavie quotidienne. Le sujet mettra une croix dans la colonne correspondant à la fréquenceavec laquelle il a rencontré ces difficultés dans les trois dernières semaines.Le score global se situe entre 0 et 148. Il varie en fonction de l'âge, du niveau éducatif,de la pression artérielle, du motif de la consultation et de l'usage de psychotropes. Iln'y a pas de score-seuil valide. C'est la comparaison entre deux évaluations qui doitalerter s'il y a une aggravation.

MMSE : CONSIGNES DE PASSATION ET DE COTATION

(VERSION CONSENSUELLE DU GRECO)

Il est essentiel d'examiner le sujet dans le calme et de lui donner un temps suffisantpour les réponses. Il ne faut pas hésiter à renforcer positivement les bonnes réponseset à minimiser les erreurs.« Je vais vous poser quelques questions pour apprécier comment fonctionne votremémoire. Les unes sont très simples, les autres un peu moins. Vous devez répondredu mieux que vous pouvez. »

ORIENTATION

• Orientation dans le temps

« Quelle est la date complète d'aujourd'hui ? »Si la réponse est incorrecte ou incomplète, poser les questions restées sans réponse,dans l'ordre suivant :1. En quelle année somme-nous ?

2. En quelle saison ?3. En quel mois ?4. Quel jour du mois ?5. Quel jour de la semaine ?Pour ces items, seules les réponses exactes sont prises en compte. Cependant, lors deschangements de saison ou de mois, permettre au sujet de corriger une réponse erronée,en lui demandant : « Etes-vous sûr ? » Si le sujet donne deux réponses (lundi oumardi), lui demander de choisir et ne tenir compte que de la réponse définitive.Cotation : chaque réponse juste vaut un point.

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Mémoire (difficultés mnésiques)

• Orientation dans l'espace« Je vais vous poser maintenant quelques questions sur l'endroit où nous noustrouvons »6. Quel est le nom de l'hôpital où nous sommes ?7. Dans quelle ville se trouve-t-il ?8. Quel le nom du département dans lequel est située cette ville ?9. Dans quelle province ou région administrative est situé ce département ?10. À quel étage sommes-nous ?Pour tous ces items n'accepter que les réponses exactes. Les seules tolérances admisesconcernent :– pour la question n° 6 : lorsque le sujet vient d'une autre ville, on peut se contenter del'hôpital de la ville lorsqu'il n'existe qu'un seul hôpital dont le nom peut ne pas êtreconnu du patient ; si l'examen est réalisé en cabinet, demander le nom du cabinetmédical ou de la rue où il se trouve ;– pour la question n° 8 : lorsque le nom de la ville et celui du département (Paris) oucelui du département et de la région (Nord) sont identiques, il faut s'assurer que le sujetcomprend l'emboîtement des structures administratives ; le numéro du départementn'est pas admis ; si le sujet le donne, il faut lui demander de préciser le nom quicorrespond à ce numéro.Chaque réponse juste vaut un point. Accorder un délai maximum de 10 secondes.

APPRENTISSAGE

« Je vais vous donner trois mots. Je voudrais que vous me les répétiez et que vousessayiez de les retenir ; je vous les redemanderai tout à l'heure. »11. Cigare (ou citron)12. Fleur (ou clé)13. Porte (ou ballon)« Répétez les trois mots. »Donner les trois mots groupés, un par seconde, face au malade, en articulant bien.Accorder 20 secondes pour la réponse. Compter un point par mot répété correctementau premier essai. Si le sujet ne répète pas les trois mots au premier essai, les redonnerjusqu'à ce qu'ils soient répétés correctement dans la limite de cinq essais. En effet,l'épreuve de rappel différé ne peut être analysée que si les trois mots ont été enregistrés.

ATTENTION ET CALCUL

« Comptez à partir de 100 en retirant 7 à chaque fois jusqu'à ce que je vous arrête ? »Il est permis d'aider le patient en lui présentant la première soustraction : « 100 – 7,combien cela fait-il ? » et ensuite : « Continuez ». On arrête après 5 soustractions etl'on compte 1 point par soustraction exacte, c'est-à-dire lorsque le pas de 7 est respectéquelle que soit la réponse précédente (exemple : 100, 92, 85 le point n'est pas accordépour la première soustraction, mais il l'est pour la seconde).14. Première soustraction15. Deuxième soustraction16. Troisième soustraction17. Quatrième soustraction18. Cinquième soustraction

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Guide pratique de psychogériatrie

Si le sujet demande, en cours de tâche, « Combien faut-il retirer ? il n'est pas admisde redonner la consigne en cours d'épreuve (« Continuez comme avant »). Toutefois,en cas de doute sur la compréhension de la consigne, il est admis de redonner laconsigne, mais en reprenant l'épreuve au début (« Comptez à partir de 100 en retirant7 à chaque fois »).Lorsque le sujet ne peut effectuer les cinq soustractions, il est nécessaire, pourmaintenir le principe d'une tâche interférente, de lui demander d'épeler le mot mondeà l'envers (« Pouvez-vous épeler le mot monde à l'envers en commençant par ladernière lettre »). [Toutefois, lorsque le patient a des difficultés manifestes dans lecompte à rebours, il est préférable de lui demander d'épeler le mot monde à l'endroitavant de lui demander de l'épeler à l'envers pour le remettre en confiance.] Dans cetteépreuve, le nombre de lettres placées successivement dans un ordre correct est compté(exemple : edmon = 2) mais ce score n'est pas comptabilisé dans le score total.

RAPPEL

« Quels étaient les trois mots que je vous ai demandé de répéter et de retenir tout àl'heure ? »19. Cigare (ou citron)20. Fleur (ou clé)21. Porte (ou ballon)Accorder 10 secondes pour répondre. Compter un point par mot correctement restitué.

LANGAGE (8 POINTS)

• [Désignation] « Que/ est le nom de cet objet ? »22. Montrer un crayon23. Montrer une montreIl faut montrer un crayon et non un stylo ou un stylo à bille. Aucune réponse autre quecrayon n'est admise (1 point). Le sujet ne doit pas prendre les objets en main.• [Répétition]24. « Écoutez bien et répétez après moi : Pas de mais, de si, ni de et ».La phrase doit être prononcée lentement, à haute voix, face au malade. Si le patient ditne pas avoir entendu, ne pas répéter la phrase (si un doute persiste sur la qualité del'audition, on peut vérifier en représentant la phrase, mais en fin d'examen). Ne compterun point que si la répétition est absolument correcte.• [Compréhension orale]Poser une feuille de papier blanc sur le bureau, la montrer au sujet en lui disant :« Écoutez bien et faites ce que je vais vous dire :25. Prenez le papier dans la main droite,26. Pliez-le en deux,27. Et jetez-le par terre »Compter un point par item correctement exécuté. Si le sujet s'arrête et demande ce qu'ildoit faire, il ne faut pas répéter la consigne mais dire : « Faites ce que je vous ai ditde faire ».• [Compréhension du langage écrit]28. Tendre une feuille de papier sur laquelle est écrit en gros caractères FERMEZ LESYEUX et dire au sujet : « Faites ce qui est marqué. »

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Mémoire (difficultés mnésiques)

Comptez un point si l'ordre est exécuté.Le point n'est accordé que si le sujet ferme les yeux. Il n'est pas accordé s'il se contentede lire la phrase.• [Langage écrit]29. « Voulez-vous m'écrire une phrase, ce que vous voulez, mais une phrase entière ».Donner un point si la phrase comprend au minimum un sujet et un verbe, sans tenircompte des erreurs d'orthographe ou de syntaxe.

PRAXIES CONSTRUCTIVES

30. Tendre au sujet une feuille de papier sur laquelle sont dessinés deux pentagonesqui se recoupent sur deux côtés et dire : « Voulez-vous recopier mon dessin ? »Compter un point si tous les angles sont présents et si les figures se coupent sur deuxcôtés différents. On peut autoriser plusieurs essais et accorder un temps d'une minute.L'ordre de ces deux dernières épreuves peut être inversé pour ne pas laisser le patientsur un échec, car la copie du dessin est plus difficile que l'écriture de la phrase.NB : L'utilisation d'une feuille de cotation préétablie de résultats est recommandée. Desfeuilles sont gracieusement fournies par plusieurs firmes pharmaceutiques. Toutefois laprésentation des consignes ou des items est parfois différente de la version GRECO.

DÉTÉRIORATION COGNITIVE OBSERVÉE (DECO)(RITCHIE & FUHRER, 1994)

Mieux ou àpeu près pareil

(2)

Moins bien

(1)

Beaucoupmoins bien

(0)

1.Se rappelle-t-il aussi bien qu'avant le jour de la semaine et lemois ?

— — —

2.S'il sort de la maison, est-ce qu'il reconnaît aussi bienqu'avant son chemin ?

— —

3.Y a-t-il des changements dans sa capacité à se rappeler sapropre adresse ou son numéro de téléphone ?

— — —

4.Dans sa maison, est-ce qu'il se souvient aussi bien qu'avantde l'endroit où sont habituellement rangés les objets ?

— — —

5.Et lorsqu'un objet n'est pas à sa place habituelle, est-ilcapable de le retrouver?

— — —

6.Par rapport à il y a un an, comment se sert-il des appareilsménagers (machine à laver...) ?

7. Est-ce que sa capacité à s'habiller ou à se déshabiller achangé ?

— — —

143-

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Guide pratique de psychogériatrie

8.Comment s'occupe-t-il de son argent, en particulier pourfaire des achats ?

— —

9.En dehors des problèmes physiques, est-ce qu'il a présentéune diminution dans son niveau d'activité ?

— — —

10.Comment suit-il une histoire à la télévision, dans unlivre ou racontée par quelqu'un ?

— — —

11.À propos de ses capacités à écrire une lettre à des amis oupour des affaires, le fait-il aussi bien qu'il y a un an ?

— —

12.Lorsque vous avez une conversation avec lui, comment s'ensouvient-il quelques jours plus tard ? Cela a-t-il changé depuisun an ?

13.Et même quand vous le lui rappelez, a-t-il toujours desdifficultés pour s'en souvenir par rapport à il y a un an ?

— —

14.Dans une conversation, est-ce qu'il oublie ce qu'il voulaitdire ? Cela a-t-il changé depuis un an ?

— — —

15.Dans une conversation, est-ce qu'il a parfois du mal àtrouver le bon mot ?

— —

16.Par rapport à il y a un an, comment reconnaît-il les visagesde ceux qui lui sont proches ?

— — —

17.Et comment se rappelle-t-il le nom de ces mêmes personnes ?

— —

18.Par rapport à il y a un an, comment se souvient-il des détailsà propos de ces personnes : où elles habitent, ce qu'elles font ?

— — —

19.Depuis un an, y a t-il eu des modifications dans sacapacité à se rappeler de ce qui s'est passé récemment ?

— — —

Cocher la case correspondant à la réponse. Score de 0 à 38. Items 5, 7, 8,Score-seuil : 26/27.

10, 19 : les plus discriminants.

GPCOGSi le score GPcog 1 est de 9, il n'y a pas d'autres investigations et la personne estconsidérée comme non altérée au plan cognitif.Si le score est compris entre 0 et 4, il n'y a pas d'autres investigations, et il y aprobabilité d'altération cognitive. Il faut alors compléter les investigations.Si la personne a un GPcog 1 entre 5 et 8, il faut faire passer le GPCog 2. A cette partie,un score de 3 ou moins indique un signe d'altération cognitive, sinon la personne estconsidérée comme non altérée.ÉTAPE N° 1 : EXAMEN DU MALADE (GPCOG 1)Sauf si spécifié, chaque question ne doit être demandée qu'une seule fois.

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Mémoire (difficultés mnésiques)

Nom et adresse pour un test de rappel ultérieur.1. Je vais vous donner un nom et une adresse. Après que je vous les ai dits, je voudraisque vous me les répétiez. Souvenez-vous de ce nom et de cette adresse car je vais vousla redemander dans quelques minutes : "Pierre Martin, 42 rue des Acacias, Neuilly."Faire répéter la phrase jusqu'à 4 fois si nécessaire pour un apprentissage correct.

Orientation temporelle :Correct Incorrect

2. Quelle est la date ? (seulement si exacte)

Test de l'horloge :3. Placer, s'il vous plaît, les nombres pour indiquer les heuressur l'horloge (espacement correct requis.)4. Placer les aiguilles pour que cela fasse 11h10

Information :5. Pouvez-vous me dire ce qui s'est passé récemmentaux informations (journaux, télévision.)(Récemment = dans la semaine écoulée.Si une réponse est donnée, comme « guerre » ou « pluie »,demandez des détails. Ne coter qu'une réponse précise.)

Rappel :6. Quels étaient le nom et l'adresse que je vous ai demandés de retenir ?

Correct IncorrectPierre ❑ ❑Martin42Acacias (rue)Neuilly

Score total (réponses correctes) /9

ÉTAPE N° 2 : INFORMATIONS VENANT DE L'AIDANT PRINCIPAL (GPCOG 2)

Nom de l'aidant :

Date :

Nom du malade concerné :

Pour ces 6 questions, poser la question de comment est le malade en comparaison àce qu'il était quand il était bien, c'est-à-dire il y a 5 à 10 ans.

OUI NON Ne sait pasou non

applicable

Est-ce que le malade a plus de difficultés qu'autrefoisà se souvenir des choses qui lui sont arrivées récemment ?Est-ce qu'il ou elle a des difficultés pour se souvenirdes conversations d'il y a quelques jours ? CI

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Guide pratique de psychogériatrie

Est-ce qu'il ou elle a davantage de difficultés à trouverle bon mot ou est-ce qu'il ou elle a tendance à utiliserun mot pour un autre ?Est-ce que le malade est moins capable de gérerson argent ou son budget ?Est-ce que le malade est moins capable de gérerses médicaments de façon indépendante ? ❑ CI ❑

Est-ce que le malade a besoin d'aide supplémentairepour ses transports (privés ou publics) ?

Score total (compter les réponses « NON » OU « Ne sait pas ».) /6

BREF (Batterie rapide d'efficience frontale)MB (Frontal Assessment Battely)The FAB - A frontal assessment battery at bedside Dubois et al. (2000) Neurology 55

1. Similitudes (conceptualisation)« De quelle façon sont-ils semblables ? »— « Une banane et une orange... »(en cas d'échec, dire au patient : « Une banane et une orange sont des... », ne pascomptabiliser, ne pas aider le patient pour les deux autres items)— « Une table et une chaise... »— « Une tulipe, une rose et une marguerite... »Un point pas similitude, maximum de 3

2. Fluidité lexicale (flexibilité mentale)« Dites le plus grand nombre de mots commençant par la lettre "S", n'importe quel motsauf des noms propres ou des prénoms »Si le patient ne dit aucun mot durant les 5 premières secondes, dire « Par exemple,serpent... ». S'il arrête durant 10 secondes, le stimuler en disant « n'importe quel motcommençant pas S... » Temps alloué : 60 secondesCorrection : les mots répétés ou équivalents (sable et sable-mouvant) ainsi que lesprénoms ou les noms propres ne sont pas comptés10 mots et plus : 3 points6 à 9 mots : 2 points3 à 5 mots : 1 point2 mots ou moins : 0 point

3. Séquences motrices (programmation)« Regardez attentivement ce que je fais. »L'examinateur, assis en face du patient, exécute trois fois avec sa main gauche la sériede Luria (poing — tranche — plat de la main).« Maintenant, avec votre main droite, faites la même chose, d'abord avec moi etensuite seul. »L'examinateur exécute la série trois fois avec le patient et dit ensuite« Maintenant, faites-le seul ».Le patient réussit six séries seul : 3 pointsLe patient réussit au moins 3 séries seul 2 pointsLe patient est incapable seul mais réussit trois séries avec l'examinateur : 1 pointLe patient ne peut faire trois séries avec l'examinateur : 0 point.

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Mémoire (difficultés mnésiques)

4. Consignes contradictoires (sensibilité à l'interférence)« Tapez deux coups quand j'en tape un. »Pour s'assurer que le patient a compris, une série de trois est exécutée : 1-1-1.« Tapez un coup quand j'en tape deux. »Pour s'assurer que le patient a compris, une série de trois est exécutée : 2-2-2.Ensuite l'examinateur tape 1-1-2-1-2-2-2-1-1-2.Aucune erreur : 3 pointsUne ou deux erreurs : 2 pointsPlus de deux erreurs : 1 pointLe patient tape comme l'examinateur à 4 reprises consécutives : 0 point

5. Go — No Go (contrôle inhibiteur)« Tapez un coup quand je tape un coup. »Pour s'assurer que le patient a compris, une série de trois est exécutée : 1-1-1.« Ne tapez pas quand je tape deux fois. »Pour s'assurer que le patient a compris, une série de trois est exécutée : 2-2-2.Ensuite l'examinateur tape 1-1-2-1-2-2-2-1-1-2.Aucune erreur : 3 pointsUne ou deux erreurs : 2 pointsPlus de deux erreurs : 1 pointLe patient tape comme l'examinateur à 4 reprises consécutives : 0 point

6. Comportement de préhension (autonomie environnementale)« Ne prenez pas mes mains »L'examinateur est assis en face du patient. Placez les mains du patient sur ses genoux,paume vers le haut. Sans dire un mot et sans regarder le patient, l'examinateur placeses mains près de celles du patient et touche les paumes des deux mains pour vérifiers'il les prend spontanément. Si le patient les prend spontanément, l'examinateur refaitun essai après avoir dit :« Maintenant, ne prenez pas mes mains. »Le patient ne prend pas les mains de l'examinateur : 3 pointsLe patient hésite et demande ce qu'il doit faire : 2 pointsLe patient prend les mains sans hésitations : 1 pointLe patient prend les mains de l'examinateur même au deuxième essai : 0 point

SCORE < 12 Démence fronto-temporaleSCORE > 12 Démence de type Alzheimer

TESTS DE FLUENCE VERBALE

Il est intéressant si le MMS est quasi normal.Fluence verbale catégorielle :Le patient est invité à « dire, évoquer tous les noms d'animaux qu'il connaît » ; bienpréciser qu'il peut s'agir « d'animaux domestiques ou sauvages, vivant sur terre, dansl'air, dans l'eau ».L'examinateur, après s'être assuré que la consigne a bien été comprise, propose pourdémarrer le mot « chien ».

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Guide pratique de psychogériatrie

La durée de l'épreuve est de une minute. Le score est le nombre de noms d'animauxévoqués ; les noms répétés ne comptent qu'une fois.Une fluence verbale inférieure à 15 pour les noms d'animaux est suspecte.Enlever 1 point pour tout nom n'appartenant pas à la catégorie « animaux ».Fluence verbale alphabétique :Demander au patient de dire tous les mots communs débutant par une lettre donnée.La durée de l'épreuve est de une minute.Exemple lettre F : Fleur, Fruit, Farine...Une fluence verbale inférieure à 10 pour les noms commençant par une lettre courante,est suspecte.Une diminution de la fluence verbale témoigne d'un manque de mot, correspondant àdes troubles phasiques pouvant s'intégrer dans le cadre d'une démence type Alzheimer.La fluence verbale alphabétique est plus précocement atteinte que la fluencecatégorielle.

Correction du cas clinique

1 — On peut évoquer un déficit cognitif léger ou Mild Cognitive Impairment (MCI) devant :• plainte mnésique corroborée par un proche• efficience cognitive globale normale• activités de la vie quotidienne quasi normales• déficit des performances mnésiques par rapport à l'âge et au niveau d'éducation• absence de démence2 — Démarche diagnostique :• objectiver la plainte mnésique à l'aide de tests simples (test de Mc Nair, questionnairede Thomas-Antérion)• objectiver un trouble mnésique par le test de Grober & Buschke : cette épreuve demémoire avec rappel différé et indiçage semble être le coeur neuropsychologique dudiagnostic de MCI• objectiver d'autres troubles : tests de fluence verbale, tests de praxie dont le test del'horloge...• interrogatoire d'un informant• éliminer une cause somatique, iatrogène ou un syndrome dépressif• mesure du retentissement du trouble sur la vie quotidienne : IADL (activités instrumen-tales de la vie courante) à 4 items (utilisation du téléphone, des moyens de transport,prise des médicaments, gestion du budget) : score obtenu = 0/4.Il s'agit d'un MCI vasculaire.

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18 1 Mesures de protectiondes biens

• L'affaiblissement des capacités intellectuelles d'une personne âgéepeut poser, à un moment donné, le problème de la gestion et de lapréservation de ses biens.

• Cette protection nécessaire des biens ne doit pas occulter le respectde l'individu et de la dignité humaine.

• Le médecin a un rôle majeur dans la décision et le choix du régimede protection : sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle. En effet,il doit pouvoir permettre au juge des tutelles de comprendre lasituation grâce à ses connaissances cliniques, juridiques et sociales.

CAS CLINIQUERichard F., 78 ans, veuf, ne dort plus depuis trois jours, mais ne ressent aucune fatigue ;il est glouton, agité avec des déambulations incessantes et déplace plusieurs fois lesmeubles dans son séjour. Il écrit des pages entières durant la nuit, parle sans arrêt et« va du coq à l'âne ». Il fait don de 600 euros à chacun de ces trois neveux, luihabituellement plutôt économe. Sa fille est inquiète et le fait hospitaliser.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle mesure prenez-vous en urgence pour protéger son patrimoine ?2 - Citer deux autres principales mesures de protection des biens?

Voir réponses en fin de chapitre.

CIRCONSTANCES ET OBJECTIFS

Dans un objectif de bon déroulement des démarches de la vie quotidienne courante etcivile, il existe, d'un point de vue juridique, différentes mesures de protection réservéesà certaines personnes souffrant de troubles mentaux, qu'ils soient d'origine psychologi-que ou organique (la démence par exemple).Ces mesures ne dépendent bien évidemment pas de l'âge des personnes, mais de leurscapacités à connaître leurs droits et leurs obligations et de leurs capacités dediscernement, c'est-à-dire le fait de pouvoir exprimer clairement son opinion dans le butde maintenir son autonomie.Le législateur, dans l'optique de la protection des malades, s'est intéressé auconsentement parfois altéré de la personne qui peut la rendre plus vulnérable vis-à-visde menaces et de tromperies.

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Guide pratique de psychosériathe

L'incapacité de discernement est également prise en compte, dans le but de protégerla personne, en empêchant des tiers de profiter des faiblesses.Les différentes procédures permettent avant tout une protection de la personne, maiségalement du patrimoine.L'avancée en âge ne représente pas en elle-même la nécessité d'ouverture d'un régimede protection, mais plutôt un facteur de risque.Il existe des mesures ayant un effet rétroactif (sauvegarde), permettant une possibleannulation d'un acte réalisé sous l'effet d'un trouble mental ou sous l'influence detierces personnes. D'autres mesures existent, dans l'optique de pallier un défaut dediscernement lorsque l'altération des facultés mentales est médicalement établie.La protection est justifiée pour que des sujets malades ne soient pas spoliés ou abusés.Elle est réglementée par la loi du 3 janvier 1968 sur la réforme du droit des incapablesmajeurs (articles 488 à 514 du Code civil), qui prévoit notamment que lorsquel'expression de la volonté par atteinte corporelle ou lorsque les facultés mentales sontaltérées par une maladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l'âge, il soit pourvuaux intérêts de la personne par l'un des régimes de protection prévus. Le logement etle mobilier dont il est garni sont également protégés.Il existe donc pour les personnes âgées, comme pour les plus jeunes, des mesures deprotection dès lors qu'elles ne peuvent pas momentanément ou définitivement faire faceà leurs obligations de gestion.

LA SAUVEGARDE DE JUSTICE

Ce n'est pas un véritable régime de protection, puisque le sujet conserve la facultéd'accomplir tous les actes de la vie civile.Il s'agit d'une procédure temporaire simple, pouvant s'appliquer en urgence etpermettant une protection dans les actes de la vie sociale, sans atteinte de lacapacité civile. Il s'agit d'un régime provisoire qui conserve des droits au malade, maisvise à le protéger des excès.Le sujet sous sauvegarde conserve l'intégralité de l'exercice de ses droits et est protégécontre des actes inconsidérés qu'il pourrait accomplir si ceux-ci lui sont défavorables. Ilne peut donc se léser par la possibilité d'action en « nullité » ou en « réduction ».• La sauvegarde résulte d'une déclaration médicale écrite mentionnant l'identitécomplète de la personne à protéger adressée au procureur de la République du tribunalde grande instance du lieu de traitement.Si le malade est hospitalisé, un simple certificat médical du praticien au procureur dela République suffit, sans nécessité de l'avis conforme d'un spécialiste.Si le malade n'est pas hospitalisé, le médecin traitant fait la déclaration au procureurde la République accompagnée d'un avis conforme rédigé par un médecin spécialiste(psychiatre, neurologue, gériatre) non obligatoirement inscrit sur une liste d'experts.

A monsieur le procureur de la République

« Je soussigné, docteur C..., certifie avoir examiné le (date), monsieur X, né le , à , domicilié à Ce patient nécessiteune protection dans les actes de la vie civile. Il doit être placé sous sauvegarde dejustice. »

Signature

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Mesures de protection des biens

• Elle peut également être ordonnée par le juge des tutelles pendant la durée de miseen place d'une mesure de curatelle ou de tutelle.• L'acceptation de la sauvegarde de justice est faite par le procureur ou le juge destutelles sans autre forme de procédure.• Elle est valable deux mois et peut être renouvelée pour six mois.• Elle prend fin :—par décision du Parquet, par jugement mettant un terme à la procédure ;—par une déclaration médicale précisant que la situation antérieure a cessé (elle peutêtre faite par un médecin différent de celui qui a établi le certificat initial) ;—par péremption au bout de deux mois (par non renouvellement) ;—puis au bout de six mois (délai de péremption) ;—par ouverture d'une mesure de tutelle ou de curatelle.• La sauvegarde de justice n'est pas soumise à publicité.• Pour une personne âgée, peuvent seuls en demander communication au procureur :— les autorités judiciaires ;—le patient lui-même, conjoint, descendants, frères et soeurs ;— les avocats, notaires, avoués et huissiers en justifiant de son utilisation pour un actede leurs fonctions.

LA CURATELLE

CURATELLE SIMPLE

C'est un régime qui est décidé lorsque la personne a besoin d'être conseillée, contrôléeou assistée dans certains actes de la vie civile. C'est une mesure d'aide et d'assistanceavec conservation partielle de l'exercice de ses droits.Le sujet âgé sous curatelle peut accomplir seul les actes courants d'administration deses biens, mais pour effectuer des actes importants (vente d'un appartement, emprunt,viager...), il doit être assisté de son curateur.L'assistance du curateur est donc indispensable sous peine de nullité pour les actes dedisposition, mais elle n'est pas indispensable pour les actes d'administration (lagestion).

CURATELLE AGGRAVÉE

Les dispositions de l'article 512 du Code civil s'étendent à une curatelle aggravée ourenforcée. La gestion des revenus est alors confiée au curateur, qui règle les dépenseset place l'excédent s'il y a lieu.

MODALITÉS

L'ouverture de cette procédure nécessite la saisie du juge des tutelles du tribunal degrande instance par le procureur de la République, un juge informé par le médecintraitant, les services sociaux ou la famille.• La demande d'ouverture d'une curatelle doit être faite par l'une des personnessuivantes :—le malade lui-même ;— le conjoint (sauf si la communauté de vie a cessé) ;

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Guide pratique de psychogériatrie

— les parents, descendants, frères et soeurs ;—le procureur de la République ;— le juge des tutelles.• Le dossier est constitué dans un délai maximum d'un anDifférentes pièces sont obligatoires pour constituer ce dossier :— le certificat ou l'expertise d'un médecin spécialiste inscrit sur une liste établieannuellement par le procureur de la République ;—le procès-verbal de l'audition ;— l'extrait d'acte de naissance de l'intéressé.D'autres pièces facultatives peuvent être demandées comme le procès verbal del'audition des proches ou de la famille, des requérants, l'avis du médecin traitant, desservices sociaux ou éventuellement des enquêtes sociales, de police et d'expertisecomptable.• Pour le jugement, les convocations sont envoyées par lettre recommandée avecaccusé de réception.• L'audience se déroule sous la présidence du juge des tutelles, la décision pouvantêtre donnée verbalement à la fin de l'audience ou mise en délibéré.• Les voies de recours, rejugées par le tribunal de grande instance, doivent êtreexercées dans un délai de quinze jours par l'intéressé, la famille, le ministère public oule médecin traitant.

LA TUTELLE

Elle est prononcée lorsque la personne a besoin d'être représentée d'une manièrecontinue dans tous les actes de la vie civile.Il s'agit du régime de protection durable le plus complet.Il y a perte des droits civiques (mariage, donations et testament sont soumis àl'autorisation du conseil de famille) et politiques (droit de vote, inéligibilité...).• L'ouverture de la tutelle est prononcée par le juge des tutelles. Il ne prononce sonouverture que si l'altération des facultés mentales ou corporelles du sujet a été constatéepar un médecin spécialiste choisi sur une liste établie par le procureur de la République.• La procédure juridique est la même que pour la curatelle.Outre les personnes qui peuvent demander l'ouverture d'une curatelle, le curateur peutdemander une mise sous tutelle.• Le tuteur est nommé par le juge. Chaque année, le tuteur doit adresser au juge destutelles un compte rendu de sa gestion.• La cessation de la procédure obéit au même ordre que la mise en place.

À monsieur le juge des tutelles (tribunal d'instance)

« Je soussigné, docteur C..., certifie avoir examiné le (date), madame X, née le à , domiciliée à et avoir constaté l'altération de sesfacultés mentales (et/ou corporelles).Cette patiente nécessite d'être représentée d'une manière continue dans les actes de lavie civile. Pour cette raison, l'ouverture d'une tutelle paraît justifiée.La malade peut être entendue par le juge des tutelles sans que cela ne porte préjudiceà sa santé. »(ou : « ... ne peut être entendue » ; ou bien encore : «... peut être entendue à l'hôpital »)

Signature

avant le jugement.

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Mesures de protection des biens

• II y a inscription de la mention RC (répertoire civil) en marge de l'acte de naissancesur les registres de l'état civil.• La compétence juridictionnelle et les personnes pouvant saisir le juge sont les mêmes.• S'il y a levée de ces mesures, la mention RC (registre civil) est radiée du registre del'état civil.• La tutelle peut être organisée selon des modalités différentes parmi lesquelles le jugeétablira un choix en fonction de la situation familiale de l'intéressé, son état de santéet l'importance de son patrimoine.Il y a quatre formes d'organisation de la tutelle :— la tutelle ordinaire ;— l'administration légale ;—la tutelle d'État ;—la tutelle de gérance.

LA TUTELLE ORDINAIRE

Le tuteur (conjoint ou descendant le plus souvent) est désigné par le juge qui peutauparavant procéder à une réunion du conseil de famille.Les actes de conservation et d'administration peuvent être seulement réalisés par letuteur, contrairement aux actes de disposition qui nécessitent l'autorisation du conseilde famille.

L'ADMINISTRATION LÉGALE

Le juge peut désigner un proche parent en qualité d'administrateur légal qui gérera seulles actes courants et devra obtenir du juge une autorisation pour les actes dedisposition.

LA TUTELLE D'ÉTAT

La tutelle est confiée à l'État si un malade fortuné est sans famille ou possède unefamille inapte à exercer la tutelle.Cette tutelle est déléguée au directeur départemental des affaires sanitaires et sociales,à un notaire ou à un délégué à la tutelle choisi par le procureur de la République.

LA TUTELLE DE GÉRANCE

Elle a été organisée pour les malades soignés en établissement hospitalier.Elle est exercée par un agent qui appartient au personnel de l'établissement.Le gérant de tutelles exerce la tutelle sans subrogé-tuteur, ni conseil de famille, mais ilest placé sous le contrôle du juge des tutelles.

CHOIX D'UNE MESURE

Le médecin a un rôle majeur dans la décision et le choix du régime de protection. Eneffet, il doit pouvoir permettre au juge des tutelles de comprendre la situation grâce àses connaissances cliniques, juridiques et sociales.

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Guide pratique de psychogériatrie

La sauvegarde de justice est utile par sa rapidité de mise en place et lorsqu'un troubleest susceptible d'être réversible sous l'effet d'un traitement.Pour certaines personnes âgées, le choix des mesures de tutelle ou de curatelle estnécessaire lorsqu'un acte autonome n'est plus possible dans son intentionnalité, danssa compréhension et sans influence extérieure.

RÔLE DU MÉDECIN TRAITANT

• Pour la tutelle et la curatelle, le médecin traitant peut apporter un certificatconfirmant la nécessité d'une telle mesure et peut parfois être interrogé par le magistratpar un questionnaire spécifique auquel il devra répondre dans l'intérêt du malade. L'avisd'un médecin spécialiste est obligatoire.• En cas de divergence entre le médecin traitant et le spécialiste sur le régime le mieuxadapté, le juge peut ordonner une autre expertise par un spécialiste inscrit sur la liste.Pour la tutelle ou la curatelle, l'acceptation est consécutive à une ordonnance du jugedes tutelles en première instance ou du tribunal de grande instance en appel aprèsétude des informations apportées par le médecin traitant, le spécialiste, la famille oul'intéressé.

LÉGISLATION ET DIVORCE

• Même si les séparations sont rares (de moins en moins...), il existe des spécificitéslégales réservées aux personnes sous mesure de protection.• Le divorce d'un patient sous tutelle est demandé par le tuteur après autorisation duconseil de famille et avis du médecin traitant.• Pour un sujet âgé en curatelle, la demande est exercée par lui-même avec l'assistancede son curateur ou d'un curateur ad hoc si le conjoint est curateur.• Si un des époux est sous sauvegarde, la demande de divorce ne peut se faire qu'aprèsorganisation d'une tutelle ou d'une curatelle ou après disparition de la mesure.

Correction du cas clinique

1 — Devant ce tableau d'accès maniaque, il est important de prendre une mesure deprotection transitoire, de mise en oeuvre rapide et facilement réversible au bout de troismois : la sauvegarde de justice.

2 — Les deux autres principales mesures de protection des biens : curatelle (aggravée ounon) et tutelle.

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19 Modalités d'hospitalisationcomplète en psychiatrie

• Trois types d'hospitalisation existent lorsqu'un médecin souhaitefaire hospitaliser son patient.

• L'orientation vers des unités ouvertes ou fermées dépend bien évi-demment des troubles psychologiques et éventuellement comporte-mentaux que présente la personne âgée.

• Le but de l'hospitalisation est de pouvoir dispenser des soins. Cesderniers sont avant tout psychologiques, mais également bien sou-vent somatiques en raison de l'augmentation de la prévalence desmaladies organiques liées à l'âge.

• À côté des soins spécifiques de l'état aigu ayant conduit à l'hospi-talisation, le projet de soins intègre trés souvent une prise en chargesociale.

CAS CLINIQUELe docteur A, exerçant en milieu rural, est appelé par la fille d'un de ses patients âgé de75 ans (né le 25 mars 1931, domicilié au 38 impasse de Cocorico). A son arrivée, ilconstate que cette personne âgée, sans antécédent particulier, présente un étatd'agitation psychique (logorrhée, coq à l'âne) et motrice (s'assoit, se lève, déambuledans la cuisine et le couloir). Monsieur Gaston S. était moins bien depuis quelques joursselon sa fille. Elle relie cet état au fait que le fils cadet a récemment annoncé à son pèrequ'il voulait revendre la propriété agricole familiale. Le docteur A, devant l'opposition auxsoins du patient et avec l'accord de sa fille, va décider d'une mesure d'hospitalisationsous contrainte à la demande d'un tiers pour qu'un bilan somatique (problèmeiatrogénique éventuel) et psychologique soit réalisé.

Questions d'auto-évaluation1. Quelles sont les conditions administratives pour permettre l'hospitalisation à lademande d'un tiers (HOT) ? Que va faire le Dr A ?2. Rédigez un certificat médical d'HDT pour ce patient.3. À l'hôpital, s'il s'agite, peut-on lui faire une contention ? Si oui, à quelle condition ?

Voir réponses en fin de chapitre.

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Guide pratique de psychosériatrie

DISPOSITIONS LÉGALES

Les modalités d'hospitalisation pour les personnes âgées ne diffèrent pas par rapport àcelles de toute personne majeure. Le recueil du consentement du patient à unehospitalisation libre repose sur le principe de l'autonomie individuelle.Trois types d'hospitalisation existent en milieu spécialisé psychiatrique. Elles sontdéfinies par la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personneshospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Ils'agit de l'hospitalisation libre, de l'hospitalisation à la demande d'un tiers quand leconsentement aux soins est impossible à obtenir de la part du patient et qu'il y anécessité de soins immédiats et d'une surveillance en milieu spécialisé, et del'hospitalisation d'office quand il y a un danger imminent pour la sûreté des personnes.Les hospitalisations sous contrainte ne sont plus justifiées, lorsque le patient neprésente plus de troubles mentaux aigus.

L'HOSPITALISATION LIBRE

Dans le cadre de l'hospitalisation libre, les droits liés à l'exercice des libertésindividuelles de toute personne hospitalisée avec son consentement pour des troublesmentaux sont les mêmes que ceux qui sont reconnus aux malades hospitalisés pour uneautre cause (article L 326-2).

L'HOSPITALISATION SANS CONSENTEMENT

Elle concerne l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et l'hospitalisation d'office(HO).Les restrictions à l'exercice des libertés individuelles doivent être limitées à celles quenécessite l'état de santé du sujet malade et la mise en oeuvre de son traitement.Les droits dont la personne dispose sont de pouvoir communiquer avec les autoritésmentionnées à l'article L 333-2, de saisir la commission départementale deshospitalisations psychiatriques, de prendre conseil d'un avocat ou d'un médecin de sonchoix, d'émettre ou de recevoir des courriers, de consulter le règlement intérieur del'établissement, d'exercer son droit de vote et de se livrer aux activités religieuses ouphilosophiques de son choix.

L'HOSPITALISATION À LA DEMANDE D'UN TIERS (HDT)

Elle nécessite une demande d'admission d'un tiers et deux certificats médicaux.• La demande d'admission est manuscrite sur papier libre et doit être rédigée et signéepar la personne demandant l'hospitalisation.Ce tiers peut être un membre de la famille du malade ou toute personne susceptibled'agir dans l'intérêt du malade, à l'exclusion du personnel soignant de l'établissementd'accueil. Depuis décembre 2004, un administrateur de garde relié à un SAU ne peutplus être tiers, sauf s'il connaît bien la personne.La demande comporte les noms, prénoms, profession, âge et adresse du malade et dudemandeur ainsi que la nature des relations qui les lient et elle est adressée au directeurde l'établissement.• Les certificats médicaux circonstanciés accompagnent la demande.

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Modalités d'hospitalisation complète en psychiatrie

— Le premier certificat doit être établi par un médecin n'exerçant pas dansl'établissement d'accueil et n'étant pas parent ou allié au quatrième degré inclus dumédecin signant le deuxième certificat, du demandeur de l'hospitalisation et du chef del'établissement. Ce certificat doit être daté, contenir l'identité et l'adresse du malade etconstater l'état mental du malade. Le certificat doit se terminer par la phrase suivante• cet état nécessite des soins et une hospitalisation à la demande d'un tiers dans unétablissement régi par la loi du 27 juin 1990 conformément à l'article L 3212-1 ducode de santé publique ».—Le deuxième certificat doit confirmer le premier et peut être signé par un médecinexerçant dans l'établissement d'accueil.—À titre exceptionnel et en cas de péril imminent, la loi admet dans l'article L 3212-3 que l'admission peut être prononcée au vu d'un seul certificat médical pouvantémaner d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil.

RAPPEL : Suite à la parution au Journal officiel d'une modification législative du Codede la santé publique, l'article L 333 est remplacé par l'article L 3212-1 et l'article L333-2 est remplacé par l'article L 3212-3 pour l'hospitalisation à la demande d'un tiers.

• Dans les 24 heures suivant l'hospitalisation, un psychiatre de l'établissement doitétablir un nouveau certificat constatant l'état mental et confirmant ou infirmant lemaintien de ce mode d'hospitalisation (certificat immédiat ou des 24 heures).• Dans les trois jours précédant l'expiration des 15 premiers jours d'hospitalisation,un psychiatre doit examiner le patient et produire un certificat circonstancié, mainte-nant l'hospitalisation pour une durée maximale d'un mois renouvelable pour des duréesd'un mois, ou attestant que les conditions ayant motivé l'hospitalisation ne sont plusréunies.• De plus, l'hospitalisation peut être levée soit faute de production d'un certificat soitdès que le psychiatre juge d'une bonne amélioration de l'état clinique du patient.Le préfet peut également ordonner la levée immédiate, de même que le curateur, leconjoint, le concubin, les ascendants ou la personne ayant signé la demanded'hospitalisation.• Si le médecin estime que l'état du malade peut compromettre l'ordre public ou lasûreté des personnes, le préfet est informé et ordonne un sursis provisoire de 15 joursou une hospitalisation d'office.• Des sorties d'essai peuvent être proposées afin de favoriser la guérison, laréadaptation et la réinsertion sociale du patient. La sortie d'essai ne peut dépasser troismois et est renouvelable.

L'HOSPITALISATION D'OFFICE (HO)

• Elle est prononcée par le préfet de police à Paris et les préfets dans les départementsau vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatreexerçant dans l'établissement d'accueil, conformément à l'article L 3213-1 du Code dela santé publique. L'article L 342 est remplacé par l'article L 3213-1, l'article L 343est remplacé par l'article L 3213-2.

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Guide pratique de psychogériatrie

CERTIFICAT MÉDICALEn vue d'une hospitalisation sur demande d'un tiers visée à l'article L 3212-1 du Code

de santé publique

Je soussigné, docteur certifie avoir examiné ce jour M né(e) le ../../.. demeurant à présentant

J'atteste que ses troubles mentaux rendent impossible son consentement à l'hospitalisa-tion, que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante enmilieu hospitalier, en application de l'article L 3212-1 du Code de santé publique.

À , le / /Cachet et signature du médecin

CERTIFICAT MÉDICALEn vue d'une hospitalisation sur demande d'un tiers, Procédure d'urgence visée à l'articleL 3212-3 du Code de santé publique

Je soussigné, docteur certifie avoir examiné ce jour M né(e) le ../../.... demeurant à présentant

J'atteste que ses troubles mentaux rendent impossible son consentement à l'hospitalisa-tion, que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante enmilieu hospitalier, en application de l'article L 3212-3 du Code de santé publique, queles troubles du patient constituent un péril imminent pour sa santé.

À , le / /..Cachet et signature du médecin

Demande d'une hospitalisation sur demande d'un tiersVu l'article L 3212-1 du Code de santé publique,Je soussigné(e)Né(e) leDemeurantProfessionDemande en ma qualité deL'hospitalisation deDemeurantProfessionAu centre hospitalier deConformément à l'article L 3212-1 du Code de santé publique (ou L 3212-3 siprocédure d'urgence) et aux conclusions des certificats médicaux (ou du, si L 3212-3).Fait à , le ../../.... Pièce d'identité n° :

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Modalités d'hospitalisation complète en psychiatrie

Certificat médicalEn vue d'une hospitalisation d'office visée à l'article L 3213-1 du Code de la santépubliqueJe soussigné, docteurCertifie avoir examiné leM., Mme, MlleNé(e) leDemeurant àEt avoir constaté les troubles suivants :

J'atteste que ses troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté despersonnes et nécessitent son admission au centre hospitalier de (établissement habilité selon l'art. L 3222-1) sous le mode del'hospitalisation d'office, en application de l'article L 3213-1 du Code de la santépublique.Fait à le / ../

Cachet et signature du médecin

• Elle est de plus en plus souvent utilisée comme mesure d'hospitalisation, même chezla personne âgée ; du fait de la jurisprudence de décembre 2004 qui n'autorise plusl'administrateur de garde d'un hôpital non psychiatrique à faire une demande d'HDT s'ilne connaît pas clairement en tant que tiers le patient concerné par la mesure.• Dans les 24 heures suivant l'admission le psychiatre de l'établissement doit établirun certificat.• Le préfet peut à tout moment mettre fin à l'HO après avis d'un psychiatre ou de lacommission départementale d'hospitalisation.Les sorties d'essai sont décidées par le préfet sur proposition écrite d'un psychiatre del'établissement d'accueil.

LE PROBLÈME DE LA CONTENTION PHYSIQUE ET LE MAINTIEN DE PROTECTION ET DE SÉCURITÉ DES PERSONNES ÂGÉES À L'HÔPITAL

La contention physique constitue une mesure de protection préventive temporaire aprèsune chute, ou face à une agitation ou une déambulation. Malheureusement, cettemesure devient souvent réflexe sans que le clinicien se pose la question du motif d'unetelle intervention.Des études ont montré que cette contention ne diminue pas significativement le risquede chutes et de blessures. De plus, les complications liées à l'immobilisation sont loind'être négligeables (escarres, rétractions ostéo-tendineuses, manifestations d'angoisseset modifications comportementales : cris).La contention physique doit donc prendre un sens, s'accompagner d'une parolemaintenant une relation et être discutée en équipe au cas par cas.On utilise maintenant le maintien de protection et de sécurité (MPS) qui se caractérisepar l'utilisation de tous moyens adaptés à la personne qui empêchent ou limitent les

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Guide pratique de psychogériatrie

capacités de mobilisation volontaire de tout ou d'une partie du corps. Le seul but estd'obtenir une sécurité pour une personne âgée qui présente un comportement estimédangereux (risque de chute, agitation, déambulation incessante...).Cette protection doit être transitoire et permet avant tout d'assurer la sécurité dupatient. Elle peut être suspendue à tout moment suite aux évaluations quotidiennes dela surveillance de l'état de santé physique et psychologique.Si elle est nécessaire, cette pratique doit être réalisée dans le cadre d'un protocolegarantissant les bonnes pratiques recommandées par la Haute Autorité en Santé.Le protocole doit envisager une évaluation du rapport entre les bénéfices et les risquespour le patient permettant de justifier avec pertinence la prescription et le choix dumatériel (ceinture de maintien pelvien, veste d'épaule, ceinture ventrale, barrières delit). Ce protocole doit être prescrit par le médecin.Un protocole MPS a été élaboré par l'équipe médicale et soignante du centre depsychiatrie du sujet âgé de Limoges (voir tableau ci-dessous).

DESCRIPTION :Population concernée : toute personne âgée de plus de 65 ans, encore capable de semobiliser, hospitalisée dans un service de soins.Recommandations pour la pratique d'un maintien de protection et de sécurité :Le recours à la pratique d'un maintien de protection et de sécurité pour un sujet âgéprésentant un comportement à risque est une intervention de soin qui implique :— la connaissance des risques liés à l'immobilisation ;— une évaluation régulière des besoins et des risques ;—un programme individualisé de soins et de surveillance.Décision d'un maintien de protection et de sécuritéC'est une décision médicale éclairée par l'avis des différents membres de l'équipesoignante.Le maintien ne doit pas être utilisé dans les cas suivants :—pour pallier un manque d'effectif du personnel ;—par convenance de l'équipe soignante ;— par mesure disciplinaire ou punitive.

Elle ne peut être prise qu'après une évaluation :—des indications ;—des causes (sur lesquelles il est possible d'agir, permettant d'éviter le maintien) ;— des facteurs de vulnérabilité (augmentant les dangers du MPS et l'évolution vers unétat grabataire).

RÉFÉRENCES:• Evaluation des pratiques professionnelles dans les établissements de santé — Limiterles risques de la contention physique de la personne âgée — Agence Nationaled'Accréditation et d'Evaluation en Santé — octobre 2000.• Liberté d'aller et venir dans les établissements sanitaires et médico-sociaux etobligation de soins et de sécurité — (conférence de consensus - novembre 2004)

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Modalités d'hospitalisation complète en psychiatrie

Mise en oeuvre du maintien de protection et de sécurité

Le choix du matériel :• le moins restrictif et le plus adapté au patient pour la durée du maintien ;

• en bon état, adapté à la taille du sujet, garantissant le confort et la sécurité ;

• son utilisation doit respecter les consignes du fabricant ;

• le recours à des moyens détournés de leur usage (draps, vêtement...) doit êtreabsolument évité compte tenu des risques qu'ils présentent ;

• installé par des soignants sensibilisés aux risques et formés à l'utilisation du matériel.

La surveillanceElle est écrite et programmée à intervalles réguliers. Les modalités sont établies auregard :• des risques à gérer liés au maintien ;

• des besoins et des risques spécifiques liés à l'état de santé du sujet âgé.

Cette surveillance intègre les dimensions physiques, psychologiques etenvironnementales.L'HAS (ex ANAES) préconise de lever le maintien au moins toutes les deux heures afinde maintenir l'état fonctionnel du patient.

Évaluation de l'état de santé du sujet âgé et arrêt du maintienUne évaluation journalière de la nécessité de poursuivre le maintien doit être réaliséepar le médecin et les soignants dans le but de ne pas pérenniser une mesure quiprésenterait plus de risques que de bénéfices.Elle porte sur :• l'évolution de l'état de santé ;

• les conséquences physiques et psychologiques du maintien.

L'arrêt du M.P.S. doit être expliqué à la personne soignée et à ses proches.Selon le cas l'explication portera sur :• les changements de comportement du patient qui rend possible l'arrêt du maintien ;

• les conséquences délétères du maintien qui justifient l'arrêt de cette mesure.

La traçabilité de cette information est assurée dans le dossier du patient.Recommandations de l'AFSSAPS pour une « utilisation sécurisée des barrières delitSelon les données de matériovigilance depuis 1996, on recense en France 40 décèsliés à des chutes ou des piégeages ; il faut toutefois mettre ce chiffre en relation avecle parc de lits médicaux (700 000 environ) et le taux d'occupation des lits.En janvier 2006, l'AFSSAPS a publié des recommandations destinées aux soignantspour une « utilisation sécurisée des barrières de lit » en rappelant que ces derniersétaient à l'origine de blessures, de piégeages et de chutes. Les points essentiels sontles suivants :• les chutes et les piégeages ont des conséquences graves, parfois mortelles

• le patient le plus à risque est non valide, agité, non lucide

• les barrières ne sont pas conçues pour empêcher un patient de sortir volontairementde son lit

• la majorité des accidents surviennent la nuit lorsque la surveillance est moinsrapprochée

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Guide pratique de psychogériatrie

• il faut donner une formation adéquate à toutes les personnes manipulant desbarrières

• le lit et ses barrières sont des dispositifs médicaux selon la directive 93/42/CE

• il faut veiller à la compatibilité barrière/lit et matelas/lit + barrière.

Correction du cas clinique

1 — Une demande signée par un tiers familial de préférence, et deux certificats médicauxcirconstanciés spécifiques dont l'un au moins émane d'un médecin sans lien administra-tif avec l'hôpital qui accueille le patient.Le Dr A va faire appel à l'un de ses collègues pour rédiger le deuxième certificat médicalnécessaire à cette hospitalisation.

2 — CERTIFICAT MÉDICALJe soussigné, docteur A. certifie avoir examiné ce jour Monsieur Gaston S., né le25 mars 1931, demeurant au 38 impasse de Cocorico, présentant un état d'agitationpsychique (logorrhée, coq à l'âne) et motrice (s'assoit, se lève, déambule dans la cuisineet le couloir). Monsieur Gaston S. était moins bien depuis quelques jours selon sa fille.Il refuse les soins.J'atteste que ses troubles mentaux rendent impossible son consentement à l'hospitalisa-tion, que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante enmilieu hospitalier, en application de l'article L 3 212-1 du Code de santé publique.À , le ../../....

Cachet et signature du médecin

3 — Le recours à la pratique d'un maintien de protection et de sécurité pour un sujetâgé présentant un comportement à risque est une intervention de soin qui implique :— la connaissance des risques liés à l'immobilisation ;— une évaluation régulière des besoins et des risques.

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20 1 Psychosomatiqueet personnes âgées(considérations pratiques)

• Une écoute de la personne âgée, même dans des circonstancesautres que psychiatriques, est déjà en soi thérapeutique.

• La psychosomatique apporte un autre regard sur la souffrancehumaine.

• Les patients psychosomatiques se retrouvent essentiellement enconsultation de médecine générale. Les repérer pourrait permettrede mieux les aider face aux traumatismes existentiels qui les expo-sent au risque d'une décompensation organique.

CAS CLINIQUEMme Géraldine T. 70 ans, est conduite à votre cabinet par sa fille pour une impotencedu membre inférieur gauche, suite à des problèmes affectifs et dans un contexte delombalgies chroniques. Les symptômes se seraient installés trois mois après la ruptureavec son époux qui l'aurait trompée. Dans ses antécédents, on note une atrésie del'oesophage diagnostiquée à l'âge d'un an qui a entraîné son hospitalisation pendant troismois, séparée de sa mère ; à l'âge adulte sont apparues des crises répétées de migraineet des cystalgies à urines claires. Elle se décrit comme plutôt sociable, rigide,hyperactive, souvent pressée. Elle explique que c'est le premier et unique homme de savie mais que « c'était tant pis pour lui » ; elle est très plaintive, signale des douleurserratiques ainsi que des sensations vertigineuses dont l'exploration est normale.L'entretien révèle une phobie de l'espace et de l'environnement de survenue récenteElle veut changer de médecin traitant « car comme les autres, vous ne savez pasdiagnostiquer mon mal ». Elle se fâche avec sa fille qu'elle accuse de tous les maux.Tous les examens complémentaires sont normaux.

Questions d'auto-évaluation1 — Quelle est votre analyse sémiologique et votre hypothèse diagnostique ?2 — Quels mécanismes psychopathologiques peut-on évoquer ici pour expliquer lessymptômes et quel traitement préconisez-vous ?

Voir réponses en fin de chapitre.

QUELQUES NOTIONS SUR LA MÉDECINE PSYCHOSOMATIQUE

• Le terme « psychosomatique » est appliqué aux relations corps-esprit. La médecinepsychosomatique est très peu étudiée et répertoriée chez le sujet âgé, vraisemblable-

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Guide pratique de psychogériatrie

ment en raison d'une augmentation des maladies somatiques liées à l'âge et desdifficultés liées aux investigations psychologiques et psychothérapiques à cet âge.La psychosomatique est distincte de la médecine et de la psychanalyse. Elle prône laglobalisation de l'homme. Elle offre une conception cohérente et objective desphénomènes de somatisation. Elle a pour postulat l'unité essentielle de l'organismehumain et la hiérarchisation progressive de toutes les fonctions qui appartiennent à sonorganisation.• La psychosomatique s'intéresse au retentissement sur le corps de perturbations ou detraumatismes psychologiques.La pratique psychosomatique renvoie presque toujours aux difficultés vécues par lessujets dans leur enfance et surtout dans leur première enfance. Cela veut dire qu'il y aeu une construction incomplète de leur appareil psychique et un fonctionnementatypique actuel de ce dernier. Par la suite, on peut aussi globalement avancer que lesexcitations qui se produisent en nous, et qui ne se déchargent pas ou ne s'écoulent pas,s'accumulent et atteignent tôt ou tard les appareils somatiques de manière pathologi-que.

• La mentalisation

Plus un sujet mentalise, plus les pathologies éventuelles se situeront sur le versantmental. Moins il mentalise, plus elles se situeront sur le versant somatique. Un sujetbien mentalisé a plutôt des maladies réversibles ; mal mentalisé, il a plutôt desmaladies évolutives.Les sujets ayant une faible mentalisation ont une pensée dite « opératoire ». Lamentalisation concerne la quantité et la qualité des représentations psychiques chez unindividu donné.Une perception actuelle peut se prolonger dans une représentation, qui se lie, par desassociations d'idées et des réflexions intérieures remplies d'affectivité, à un passécomme à un avenir qui concerne les relations avec les autres.Les représentations se manifestent dans le préconscient où elles peuvent se lier entreelles. On distingue les représentations de choses et les représentations de mots. Lespremières rappellent des réalités vécues et sont d'ordre sensorio-perceptif. Les secondesse produisent à partir de la perception par le langage des communications avec la mèretout d'abord, puis avec les autres, et enfin avec soi-même. Ces représentations de motsconstituent la base essentielle des associations d'idées.Exemple : Une « poupée » est d'abord sentie comme une chose visible et palpable parle nourrisson, puis elle prend progressivement la valeur affective d'un « enfant », et,plus tard chez l'adolescent et l'adulte, le sens métaphorique d'une « femme sexuée ».Chez un adulte avec un préconscient pathologiquement désorganisé, les représentationsde mots peuvent se réduire aux représentations de choses et le mot « poupée » peutalors n'évoquer que le seul « jeu d'enfant ».

• Les facteurs favorisant les défauts de représentations

Les insuffisances des représentations trouvent leur origine au départ même dudéveloppement du sujet soit du fait d'une insuffisance congénitale ou accidentelle desfonctions sensori-motrices qui constituent les bases perceptives des représentations,soit du fait de déficiences fonctionnelles d'une mère handicapée, soit du fait d'excès,d'une carence ou d'une dysharmonie des accompagnements affectifs de la mère vis-à-vis de l'enfant (mère dépressive ou indifférente ou violente ou mère de famillenombreuse...).

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Psychosomatique et personnes âgées (considérations pratiques)

On peut aussi observer des indisponibilités des représentations acquises qui sont le faitd'évitements, de répressions ou de désorganisations découlant d'événements ou desituations violentes ou désagréables.

• Le discours du malade est évocateurLe médecin apprécie le rôle des représentations, par exemple lorsqu'un patient luiraconte l'histoire de sa maladie. Cette histoire peut rester sèche, peu représentative, netenant compte que des faits pathologiques et de leurs dates ; au contraire, elle peut êtreriche lorsque chaque fait pathologique est relié aux événements affectifs des époquesconsidérées.

• L'équilibre soma, psyché, comportementsLes maladies somatiques découlent, dans la règle psychosomatique, des inadéquationsde l'individu aux conditions de vie qu'il rencontre. Naturellement, les facteursgénétiques et immunologiques personnels, ainsi que certains agents pathogènes d'unpoids particulier, participent aussi aux mouvements pathogènes, mais plutôt dans ledéterminisme concernant la nature de la maladie, sa localisation, son évolution...Chez tout individu, il existe trois domaines essentiels différemment mobilisables selonles sujets : celui de l'appareil somatique, celui de l'appareil mental et celui descomportements.Les sujets limités dans leurs aptitudes à penser (sujets mal mentalisés) n'ont d'autresrecours que l'action dans les comportements (boire, fumer...).Lorsque la disponibilité conjuguée de l'appareil mental et des systèmes de comporte-ment se trouve dépassée, mise en échec par une situation nouvelle, c'est l'appareilsomatique qui répond. Le dépassement des possibilités d'adaptation correspond, enpsychosomatique, à la notion de traumatisme.L'approche psychosomatique doit idéalement se faire avant la vieillesse, pour avoir unemeilleure chance de prévenir les accidents somatiques fréquents à cet âge. Mais lepatient psychosomatique jeune ou âgé n'est en général pas conscient de ses difficultéspsychologiques qu'il traite par la dénégation. Il est donc souvent difficile à orienter versdes psychiatres psychosomaticiens.

CLINIQUE ET PRATIQUELa pratique psychosomatique se fait chez un psychiatre psychosomaticien libéral ouhospitalier : « on m'a envoyé vous voir parce que j'ai de l'asthme ».Le psychosomaticien est par essence un médecin qui a effectué une psychanalyse. C'estgénéralement un psychiatre, mais tout médecin peut faire ce choix d'approchethérapeutique. L'investigation psychosomatique est extemporanée et elle tient comptedu double aspect, psychique et somatique, de l'économie du patient. L'investigateurdoit être particulièrement attentif, dans les premières minutes de l'entretien, à l'habitus,aux vêtements, aux mimiques, aux mouvements, aux postures et, bien sûr, auxpremières paroles du patient.Il faut éviter d'abord de parler et surtout d'interroger. Il faut encourager la parole. Il fautse laisser aller pendant un temps au rythme du patient. Mais une attitude systémati-quement muette peut être aussi nuisible.

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Guide pratique de psychogériatrie

Les flous, les silences, les insuffisances, les inadéquations et adaptations de diversordres reproduisent toujours l'aspect d'une confrontation antérieure du sujet à dessituations fondamentales ou occasionnelles de sa vie qu'il importera de découvrir.Les questions que doit se poser le psychosomaticien sont les suivantes :— Comment le patient est-il organisé mentalement ?— Comment a-t-il fonctionné et fonctionne-t-il ordinairement et moins ordinairementdans sa vie intime et relationnelle ?— Comment est-il devenu somatiquement malade ?—Quels changements sont intervenus en même temps ou précédemment dans sa vieintime et relationnelle ?— À quelles références de sa vie antérieure (enfance) les évolutions des pathologiessomatiques passées, récentes ou actuelles, peuvent-elles renvoyer ?—Pourquoi ce type ou ces types de maladies somatiques chez ce sujet ?Mais la plupart des patients ne sont pas en mesure de répondre à de telles questions.Ils ne livreront ces réponses qu'après un ou plusieurs entretiens. L'investigateur vaconsidérer la façon de parler du patient et son expression corporelle. Il doit mettre àjour des traumatismes qui ont été à l'origine des maladies somatiques. Il doit recherchertous les antécédents récents et plus anciens de la petite enfance à l'âge adulte, autantd'ordre somatique que les événements familiaux.

PSYCHOTHÉRAPIE

Les psychothérapies psychosomatiques sont instituées pour aider les sujets à établir ouà rétablir le meilleur fonctionnement possible de leur psychisme.Pour des malades somatiques, elles s'effectuent généralement au rythme d'une fois parsemaine et la séance est d'une durée de 45 minutes.

• La relaxation

Avant une approche verbale, une période en relaxation thérapeutique est souvent utilelorsque la personne est en grande difficulté de verbalisation.La relaxation permet d'aborder le patient à travers son corps. La majeure partie destechniques sont dérivées du training autogène de Schultz, qui tente d'obtenir un étatd'auto-hypnose volontaire. Le thérapeute suggère au patient des sensations depesanteur, de chaleur, puis des consignes relatives aux battements du coeur, aucontrôle des mouvements respiratoires, à la chaleur épigastrique et à la fraîcheur dufront.

• La prise de parole

Le traitement psychosomatique doit permettre une reprise de l'activité fantasmatique.Peu de personnes âgées sont disposées à envisager une telle démarche, car elles ensont le plus souvent mal informées.Le médecin généraliste peut avoir beaucoup de difficultés à orienter ses patientspsychosomatiques âgés vers un psychosomaticien. Dans ce sens, son écoute est unealternative rationnelle, logique et indispensable, qui demande cependant du temps etqui n'est donc pas facilement réalisable.Idéalement, entre le médecin et son patient âgé doit s'établir un dialogue, une relationqui débouche déjà sur un effet psychothérapique.

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Psychosomatique et personnes âgées (considérations pratiques)

AFFECTIONS POUVANT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMMEPSYCHOSOMATIQUES

MALADIES CARDIO-VASCULAIRES

Le cœur est un organe silencieux. Il devient perceptible de façon désagréable lorsqueson rythme s'accélère ou ralentit. L'infarctus du myocarde et l'hypertension artériellefont partie des maladies psychosomatiques majeures.

MALADIES RESPIRATOIRES

L'asthme, les bronchites et les rhinites allergiques ont été décrites comme desaffections psychosomatiques.

MALADIES DIGESTIVES

Elles constituent les troubles psychosomatiques les plus fréquents dans une clientèle demédecine générale.• Les troubles fonctionnels (réversibles ou peu évolutifs) comprennent notamment lesdysphagies, la constipation, la diarrhée, les colites spasmodiques.• L'ulcère gastrique et duodénal, la maladie de Crohn, la rectocolite ulcéro-hémorragi-que y représentent les affections moins réversibles, plus évolutives.

MALADIES DERMATOLOGIQUES

Prurit et urticaire sont les plus réversibles ou peu évolutifs, tandis que l'eczéma et lepsoriasis sont plus évolutifs.

MALADIES NEUROLOGIQUES

Céphalées, migraines, sclérose en plaques.

MALADIES ENDOCRINIENNES

Hyperthyroïdie et diabète insulino -dépendant.

PSYCHOSOMATIQUE ET PERSONNES ÂGÉES

À la diminution progressive des capacités physiques, s'ajoutent souvent des traumatis-mes psychologiques et sociaux qui peuvent amener à une désorganisation somatiqueprogressive parfois irréversible.Les troubles fonctionnels intestinaux sont fréquents.Le syndrome de glissement constitue un trouble spécifique de la personne âgée,caractérisé par une régression comportementale et psychosomatique irréversibleconduisant à la mort. La personne âgée refuse de boire, de manger et de communiquer.

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Guide pratique de psychogériatrie

Ce syndrome s'apparente à la désorganisation mentale progressive décrite par lespsychosomaticiens.L'histoire de ce trouble s'individualise en deux périodes : un début après une affectionsomatique stabilisée ou guérie, suivi d'un intervalle libre où le patient semble allermieux, puis l'apparition de cette affection secondaire le plus souvent létale.La démence peut également être appréhendée comme étant une affection psychosoma-tique, survenant chez une personne présentant une fragilité liée à son âge, face à sesémotions et à un appauvrissement de son fonctionnement mental.

Correction du cas clinique

1 — Analyse sémiologique et hypothèse diagnostique :Un cortège d'éléments sont contributifs au diagnostic de somatisations fonctionnelles ouconversionnelles :• les symptômes : douleur chronique, plaintes somatiques répétées, sensations vertigi-neuses, phobie récente de l'espace, errance médicale et mise en échec du médecin,absence de lésions neurologiques ;• les antécédents : migraines, cystalgies à urines claires ;• l'existence d'un événement de vie ancien : hospitalisation longue à l'âge d'un an avecséparation de la mère ;• l'existence d'un événement de vie récent : rupture amoureuse conjugale ;• les traits de personnalité : rigide, hyperactive, « belle indifférence », ambivalence àl'égard de la fille.

2 — Mécanismes psychopathologiques en jeu :• régression par mentalisation incertaine probablement liée à une perturbation précocedes interactions mère-enfant ; ainsi l'hospitalisation à 1 an peut être considérée commeun traumatisme désorganisateur primaire et la rupture conjugale comme un traumatismedésorganisateur secondaire réactualisant le premier.• déni de la souffrance psychique.Le traitement préconisé associera un antidépresseur et une prise en charge psychothé-rapique de type relaxation psychothérapique.

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1 I Psychothérapies

• La psychothérapie est possible chez le sujet âgé.• Elle n'est pas obligatoirement le fait de spécialistes.• Le médecin généraliste motivé peut tout à fait s'engager dans une

psychothérapie interpersonnelle de soutien. Et ce, d'autant plusqu'il y a une multitude de situations où elle est indiquée.

CAS CLINIQUEJeanne C, 70 ans souffre depuis plusieurs années d'un sentiment de solitude etd'incompréhension ; elle a toujours été assez rigide, doutant beaucoup d'elle, trèsscrupuleuse, peu bavarde et dans l'incapacité de se laisser aller. Souvent, elle était prisede panique dans les situations où elle n'avait pas la maîtrise. Elle ressasse souvent touteseule les souvenirs de sa vie malheureuse. Depuis quelques mois elle se sent de plus enplus tendue, a mal au dos, à la tête, au ventre... Elle a consulté de nombreux médecins,mais la plupart des remèdes sont efficaces deux ou trois jours puis les douleursrepartent. Elle dort mal...

Questions d'auto-évaluation1 — Quel type de psychothérapie peut-on lui proposer de manière privilégiée ?2 — Citer trois caractéristiques de la relaxation psychothérapique.

Voir réponses en fin de chapitre.

MOYENS ET BUTS DES PSYCHOTHÉRAPIES

Il s'agit de techniques permettant d'améliorer les difficultés psychologiques despersonnes âgées sans l'aide de médicaments.La psychothérapie comporte un dispositif, une indication et un objectif spécifiques. Ellen'obéit pas à des principes et à des mécanismes différents de ceux de l'âge adulte. Ellerépond généralement à un travail spécifique conduit par un psychiatre ou unpsychologue dans le but d'obtenir un changement par rapport à un état antérieur.Mais la psychothérapie n'est pas réservée au spécialiste et tout soignant peut intervenirdans une relation psychothérapique de soutien.À l'heure actuelle, la plupart des patients âgés arrivent en psychothérapie orthodoxe parle relais d'un médecin généraliste, d'une équipe de secteur psychiatrique ou d'unservice social.L'objectif de cette prise en charge est pour l'individu de s'adapter, de maîtriser et derésoudre ses difficultés par l'intermédiaire de la parole, ou par une prise en chargecorporelle (relaxation).

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Guide pratique de psychogériatrie

La psychothérapie est indiquée lorsque la personne vieillissante n'est plus capable des'adapter, de maîtriser et de résoudre ses conflits dans l'étape évolutive que représentela vieillesse. Elle doit permettre de mieux la tolérer.La psychothérapie considère le symptôme comme l'expression d'un conflit inconscientqui ne se livre encore que sous cette seule forme.La réussite du projet psychothérapique dépend beaucoup de l'accueil initial et du travailde la personne ou de l'équipe assurant son orientation.La préécoute psychothérapique doit être capable d'anticiper un fonctionnement faitd'ouverture sur l'imaginaire, de symbolisation des affects et de tolérance à la frustration,cet ensemble créant le point d'appui pour le travail psychothérapique.Il existe différents types de prise en charge psychothérapique réalisés de façon individuelleou en groupe qui amènent bien souvent à repenser l'ensemble des soins dispensés auxpersonnes âgées et à les restaurer dans un statut affectif, social et familial.On distingue classiquement l'action et l'acte psychothérapique.• L'action psychothérapique résulte de la découverte par les soignants du rôlepathogène ou étayant de l'environnement de leurs patients et de la valeur stimulante etprotectrice des soins institutionnels. Elle inclut la psychothérapie de soutien individuelet ses variantes que sont la guidance conjugale et familiale.• L'acte de psychothérapie désigne les traitements entrepris selon une technique et uncadre codifiés : la cure analytique, la psychothérapie en face à face, les psychothérapiesde groupe et les thérapies familiales ou de couple.

INDICATION D'UNE PSYCHOTHÉRAPIE ET PARTICULARITÉSCHEZ LE SUJET ÂGÉ

L'indication repose sur un diagnostic en termes de structure et de possibilitésévolutives. Elle doit également apprécier la motivation du patient, c'est-à-dire sasouffrance et son intérêt pour ses pensées et sa vie psychique dans son ensemble. Elledoit aussi apprécier les ressources intellectuelles, le degré de névrotisation, la capacitéde s'écouter parler et de penser. Dans ce sens, il est parfois nécessaire quepréalablement soit éveillée chez le sujet âgé son intériorité et sa qualité d'être,possédant une vie psychique autonome.L'entretien préliminaire suscite la libre association du sujet âgé. Cela veut dire que lepatient verbalise ce qui lui passe par la tête.

• Les critères de l'indication reposent sur :

—la qualité de la vie relationnelle, qui permet d'apprécier : les fonctions du Moi, labalance des statuts narcissiques et objectaux, le statut de la réalité ;—les symptômes et les mises en acte, qui renseignent sur la répartition des défensesentre le niveau mental, comportemental et somatique ;— les rêves et les capacités de manipulation fantasmatique, qui sont des indicateurs dela valeur fonctionnelle de l'activité représentative du préconscient.

• Le choix du cadre découle de cette évaluation :

— verbal ou corporel ;—face-à-face ;—côte à côte ;—plus rarement allongé.

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Psychothérapies

• Les rencontres, surtout les premières, permettent au sujet âgé de déployer sespossibilités associatives, mais elles engagent aussi d'emblée les deux partenaires dansdes interactions fantasmatiques exploitant le rapport d'âge.

PSYCHOTHÉRAPIES INDIVIDUELLES

PSYCHOTHÉRAPIE PSYCHANALYTIQUE ET CURE TYPE

• Indications et buts

Elle est en général réservée aux troubles névrotiques de la personnalité (préoccupationsconscientes, angoisses), mais les pathologies narcissiques sont une indication de plusen plus fréquente.La cure psychanalytique nécessite une formation et des connaissances théoriquesspécifiques.Elle consiste en l'exploration et le changement d'un fonctionnement psychique singulieret vise à renforcer le Moi du patient afin que celui-ci affronte les tensions auxquelles ilest soumis.L'analyse permet de comprendre les aspects le plus souvent inconscients du psychisme.Elle s'adresse à un remaniement de l'attitude du patient face à ses difficultés actuelles,en faisant référence aux liens inconscients entre sa vie présente et ses difficultésanciennes insuffisamment élaborées.Les effets attendus sont variables : apaisement de l'angoisse, atténuation ou disparitiond'un symptôme, acceptation des bénéfices de la dépendance, renforcement de l'estimede soi, relance des investissements objectaux, développement des activités sublimatoi-res.

• La conduite de la thérapie analytique

Elle se fonde sur des règles d'échange précises qui en constituent le cadre. Même avecle sujet âgé, le transfert et le contre-transfert sont à la fois le moteur et le matériau debase de toute thérapie analytique.Le cadre en face à face est préférable à la position allongée pour une meilleurecontention de l'érotisation et des affects violents (transfert) en partie liés à la jeunessedu thérapeute.Le contre-transfert est parfois difficile à neutraliser. On a parlé de parentagethérapeutique. Les traumatismes précoces du registre de la séparation ou de l'abandonsont suffisamment fréquents chez les patients de cette génération pour qu'ils nousfassent revivre avec eux une dépression ou un traumatisme précoce, dont la thérapieleur donne pour la première fois la possibilité de se saisir par la parole et la pensée.Les règles de l'association libre du patient et de la neutralité bienveillante duthérapeute sont de mise avec le sujet âgé.Le travail psychothérapique ne doit pas mettre à l'écart les symptômes et les plaintescorporels fréquents qui peuvent demander une réponse médicale. Il faut inviter le sujetâgé à en parler (« nous pouvons chercher ensemble s'il y a aussi autre chose qu'unproblème psychique »).C'est au moins une séance hebdomadaire d'une durée d'environ 45 minutes (alors quele minimum chez l'adulte est de trois séances par semaine).

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Guide pratique de psychogériatrie

La cure type est donc exceptionnelle chez le sujet âgé en dehors des personnes qui

ont déjà eu l'expérience de l'analyse.Pour la personne âgée, certains envisagent qu'elle soit cadrée à son domicile, dans sachambre en maison de retraite ou à son lit d'hôpital, de manière épisodique ou durable.L'implication d'un tiers dans l'accompagnement au cabinet ou à la structure de soinest acceptée, mais doit être préalablement et clairement évoquée.Il faut essayer de prévoir suffisamment longtemps à l'avance la période envisagée pourla fin du traitement, afin d'en parler et d'imaginer l'après.La psychothérapie psychanalytique assouplit donc les règles et travaille en côte à côteou en face à face. Le thérapeute peut être stimulant.

PSYCHOTHÉRAPIE BRÈVE

Elle engage le thérapeute et le patient à travailler sur un nombre de séances fixé àl'avance.Elle se centre sur un symptôme ou une difficulté déterminée.Elle est indiquée surtout dans la dépression.

PSYCHOTHÉRAPIE DE SOUTIEN ET D'ACCOMPAGNEMENT

La psychothérapie de soutien s'accommode d'une certaine souplesse : patient etthérapeute sont libres d'espacer les séances.Elle ne répond pas à des techniques spécifiques, mais repose sur une réassurance etdes encouragements. Elle permet souvent d'accompagner les patients en difficulté quimanquent de confiance en eux pour affronter des obstacles de la vie.Son objectif est de restaurer la vie relationnelle et l'estime de soi en offrant au patientune attitude respectueuse, disponible et valorisante.Le soutien passe aussi par l'écoute patiente et compréhensive de la plainte et de lasouffrance.Ce type d'accompagnement s'adresse :• aux sujets chez qui la rencontre ne mobilise aucune demande spécifique ;

• aux personnalités mal structurées pour lesquelles un investissement plus importantmobiliserait des angoisses insupportables ;

• à certaines personnes âgées au décours d'un épisode confusionnel ou d'un accidentsomatique, qui ont connu une réduction ou une déformation de leur vie mentale ; lethérapeute y jouant alors la fonction de Moi auxiliaire en relançant le patient aprèschaque défaillance.

GESTALT-THÉRAPIE

L'objectif de cette thérapie est de restituer au patient son unité par le refus d'unerupture entre le corps et l'esprit.Elle repose sur une prise de conscience actuelle du présent permettant au patient delivrer ses affects, ses émotions et ses frustrations pour qu'il se rende compte de sonfonctionnement. Elle insiste sur une prise de conscience des phénomènes vécus dansla situation (que ressentez-vous en ce moment ?).Elle est notamment indiquée dans les conduites addictives et chez les sujets âgés avecdes personnalités évitantes, dépendantes, histrioniques, border-lines ou paranoïaques.

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Psychothérapies

PSYCHOTHÉRAPIE COGNITIVE ET COMPORTEMENTALE

Il s'agit d'une approche directive, active, structurée et limitée dans le temps.Elle a pour but une modification du comportement pathologique en une conduiteadaptée. Elle ne prend pas en compte la force de la psyché ni celle de l'inconscient,mais essaie d'aider le patient à faire face aux difficultés concrètes qu'il rencontre danssa vie quotidienne.Elle correspond à une technique précise, notamment au moyen de réalisation de tâchesou d'activités. Les techniques cognitives permettent à l'individu une prise de consciencedes difficultés qu'il peut avoir avec les événements de son existence.Elle est indiquée dans les troubles névrotiques. Les méthodes comportementales sontégalement indiquées dans l'alcoolisme et dans d'autres addictions. Elles consistentpour l'individu à apprendre des alternatives à de telles conduites.

PSYCHOTHÉRAPIES DE GROUPE

Il en existe trois modèles théoriques : systémique, psychanalytique ou gestaltiste.Elle se pratique surtout en institution (hôpital de jour). Le rythme est hebdomadaire.L'objectif est de parler ou de pratiquer une activité.Les animateurs interviennent pour enrichir la communication verbale par la reformula-tion et la relance. Certains contenus peuvent être interprétés.Les groupes de parole encouragent l'expression individuelle en faisant référence auxpensées et aux affects du groupe.La prise en charge en groupe permet le traitement de troubles psychologiques parl'intermédiaire de l'intervention de groupe en s'inspirant de technique psychanalytique,behavioriste ou de méthodes d'encouragement vers des attitudes plus positives.Un des objectifs de cette prise en charge est d'atténuer ou de faire disparaître lesinsuffisances et les incapacités liées à l'avancée en âge.Par l'intermédiaire d'une information et d'une guidance, ils soulagent la culpabilité etétayent le narcissisme des participants par le jeu des identifications.En fonction d'un type de groupe, il peut exister des critères d'inclusion comme lacapacité de communication, le degré de vulnérabilité émotionnelle et l'acceptation del'interaction avec autrui.Le fonctionnement dépend essentiellement d'interactions avec les différents membresdu groupe dans le but d'offrir un réseau de soutien social important pour des personnesâgées vivant isolées.La prise en charge par un groupe nécessite qu'entre les séances des relations soientmaintenues.Les groupes peuvent se centrer sur une activité (écriture, lecture, récit de vie...).Il est aussi possible d'envisager des groupes de familles ou de conjoints de patientsdéments.

PSYCHODRAME ANALYTIQUE

Avec les personnes âgées, il s'agit principalement de remettre en scène un souvenir ouun rêve qui renvoie à une scène de l'enfance.L'expression corporelle, la communication des affects et le soutien de la ré-intricationpulsionnelle en font une bonne indication pour les sujets qui ont besoin d'un étayage

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Guide pratique de psychogériatrie

extérieur sécurisant et qui ne peuvent pas supporter en individuel la reviviscence descènes traumatiques.

ACTION PSYCHOTHÉRAPIQUE INSTITUTIONNELLE

C'est une forme de soutien qui s'établit au sein de l'institution permettant des relationsétroites entre le personnel soignant et la personne âgée malade.Elle se pratique sous forme de réunions soignants-soignés, de sociothérapie qui vise àaméliorer le réseau relationnel de la personne âgée et sa capacité à se maintenir dansune vie sociale.L'ergothérapie peut y participer en plaçant le sujet âgé dans des activités concrètes afinde recréer au sein de l'institution des situations la motivant à en sortir.Cette prise en charge se poursuit souvent en dehors des murs de l'institution grâce àun travail de secteur réalisé par du personnel soignant se rendant au domicile despatients pour apprécier notamment les conditions de vie et pour pouvoir compléter letravail débuté à l'hôpital (poursuite d'entretiens familiaux, appréciation du degréd'autonomie, du comportement).

THÉRAPIES CORPORELLES

Le but est de réconcilier le sujet âgé avec son corps, mais aussi de ne pas se centreressentiellement sur le corps qui est souvent au-devant de la scène en négligeantl'imaginaire et le symbolique.

TECHNIQUES SIMPLES

Les massages relaxants, où le tact et l'audition constituent les supports relationnelsessentiels, sont par exemple utilisés en institution et en hôpital de jour pour soulagerl'anxiété des sujets (déments ou non).

RELAXATION PSYCHOTHÉRAPIQUE

Elle dérive du yoga, de la méthode Coué, de la technique de Schultz et peut danscertains cas s'inspirer de l'approche analytique. La réalisation de la cure doit se fairepar un psychothérapeute formé à la relaxation.La relaxation consiste en un abord corporel des difficultés psychologiques. SelonSchultz, il s'agit d'une autoconcentration décontractive. C'est une régression accompa-gnée dans la découverte du corps propre et la reconnaissance du plaisir-déplaisir. Elleentraîne des états modifiés de conscience comme « l'état autogène », par l'intermé-diaire desquels se réalisent les processus de changement.Elle se pratique soit en individuel, soit en petit groupe.Les indications peuvent recouvrir l'ensemble des difficultés psychologiques de lapersonne âgée. Néanmoins, l'état dépressif, l'anxiété et la douleur sont troisindications préférentielles. Les douleurs du sujet âgé sont souvent liées à desintrications entre lésions organiques et somatiques d'une douleur morale.La relaxation va permettre au sujet de redécouvrir son corps en retrouvant descénesthésies agréables et en permettant la récupération d'un bon objet sécurisant quiva protéger contre des traumatismes ultérieurs. La relaxation, par sa fonction auto-

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Psychothérapies

calmante, est une thérapeutique anxiolytique permettant au bout de quelques mois unemise à distance des situations, des conflits, des pensées qui étaient anxiogènes.Elle peut également être indiquée dans les troubles du sommeil, les états d'agitationet les difficultés de concentration et de mémorisation.Cette psychothérapie permet, pour la personne âgée, une écoute plus riche de ce qu'elleest et de ce qu'elle devient, ce qui lui permet de mieux supporter la solitude enretrouvant plus de joie de vivre. Elle facilite le travail de renoncement à ce qui s'éloigne,se modifie ou disparaît et permet un peu plus de plaisir de vie pour ne pas mal vieillir.Selon la personnalité, elle peut rester strictement corporelle ou élargie à l'interprétation.

PSYCHOMOTRICITÉ

Elle commence par une évaluation de la qualité de l'investissement du corps et de lacapacité à éprouver des émotions.Les expériences programmées restaurent le fonctionnement et la représentation ducorps.Elle est indiquée devant les détériorations débutantes.

HYPNOSE

Elle correspond à un état de sommeil incomplet acquis par la suggestion d'unthérapeute permettant l'abaissement du niveau de conscience et des résistances dusurmoi. Elle est efficace à travers l'instauration d'un état modifié de conscience, l'étathypnoïde.C'est une technique pouvant servir de supplément efficace dans l'application deméthodes thérapeutiques diverses.

• Les indications

Elle permet de traiter des symptômes de conversion hystérique (torticolis, migraines,cécité, paralysie), des manifestations anxieuses, des pathologies psychosomatiques(thérapeutique d'appoint de l'asthme, de la maladie de Crohn, de la rectocolitehémorragique), des dépendances toxicomaniaques (psychotropes) et des troublesdouloureux (cancers, douleur chronique).• Les contre-indications sont les états psychotiques, les démences et les troublesgraves de la personnalité comme la psychopathie.

• La pratique

L'hypnose se pratique dans un lieu calme et se déroule en quatre phases : induction,manoeuvres, phases de suggestion thérapeutique et réveil. La suggestion consiste enune ou plusieurs formules brèves dont le sens implique clairement la disparition dusymptôme.

THÉRAPIES DE LA FAMILLE

Elles correspondent à une prise en considération des difficultés familiales, car la familleest souvent amenée à assumer la majorité des problèmes posés par leur sujet âgé.

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Guide pratique de psychogériatrie

Elles tendent à en modifier les interactions afin de créer parfois des conditionsfavorables pour permettre au sujet âgé l'accès à un travail individuel.La collaboration avec la famille est importante pour éviter des ruptures affectives lorsd'hospitalisation ou de placement et pour comprendre ce qui se passe, ce que chacunattend, redoute ou ne tolère plus afin de diminuer les risques de décompensations.Cette prise en charge doit permettre d'apporter des explications, de redéfinir dessymptômes et de donner une signification non appréciée jusque-là.Les entretiens familiaux prennent en compte l'ensemble des dimensions du vieillisse-ment afin d'éviter des décompensations pour le sujet âgé et pour son entourage.

THÉRAPIE DU COUPLE

L'avancée en âge ne protège pas non plus des difficultés tardives de couple qui doiventsouvent être prises en compte et dédramatisées.La thérapie de couple doit permettre une description du mode de fonctionnement ducouple pour essayer de comprendre ce qu'il est et de suggérer des attitudes différenteset argumentées. Il s'agit alors le plus souvent d'une guidance.

PSYCHOTHÉRAPIE DES SUJETS DÉMENTS

• La souffrance du sujet démentLa psychothérapie se fonde sur la certitude que le patient dément conserve une viepsychique. Elle demande qu'il existe encore une certaine capacité de communicationverbale ou affective.Dans toutes les formes de démences jusque dans les formes sévères, une thérapie parla communication reste donc importante.Le strict face-à-face est réservé à la démence débutante.À un stade plus avancé, le thérapeute a la fonction de Moi auxiliaire, de témoin del'existence qui se défait, de mémoire de l'identité.Les différentes psychothérapies s'adressent toutes aux difficultés à être malade et àvivre avec des personnes âgées démentes. Elles prennent en compte la dimension desouffrance du sujet atteint d'une affection pour l'instant irréversible. En effet, lapersonne démente est affectée dans sa pensée, ses paroles, son sentiment d'être, sesaffects et dans ses relations avec elle-même et les autres.

• Les buts et les moyens de la psychothérapieLes différentes techniques psychothérapiques vont s'articuler autour de la notion desoin psychique par la psyché et pour la psyché. Elles vont permettre une relance de lapensée, une restitution subjective et une reliaison de l'affect, une réparation narcissi-que, un maintien de la relation d'objet, en vue d'un meilleur confort de vie et de lasauvegarde d'une autonomie.Les soignants disposent d'un large éventail de techniques agissant sur le registreinstrumental ou l'économie somatopsychique :• techniques cognitivo-comportementales ;• thérapies médiatisées (musicothérapie, ergothérapie, expression plastique) ;• approche corporelle (psychomotricité, chant, danse, gymnastique).

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Psychothérapies

Les entretiens familiaux et de couple sont également nécessaires.La psychothérapie des sujets déments est encore une voie de recherche.

CONCLUSION

Les personnes âgées ne peuvent obtenir que des bénéfices des psychothérapiesindividuelles ou de groupe dans le but d'améliorer leurs dysfonctionnements psycholo-giques. L'expérience clinique montre en effet que le sujet âgé n'est ni rigide, ni résistantà de telles approches, même si au départ elles ont pu être conçues pour des sujets plusjeunes.Les différentes techniques proposées ont le mérite d'attirer l'attention sur la nécessitéd'une meilleure compréhension de l'étape évolutive qu'est la vieillesse.

Correction du cas clinique

1 – Face à ce tableau de névrose avec somatisations anxieuses, errance médicale,difficultés de verbalisation, la relaxation psychothérapique de type training autogène deSchultz peut être une bonne indication.

2 – Les trois caractéristiques de la relaxation psychothérapique :• La relaxation consiste en un abord corporel des difficultés psychologiques.• Elle entraîne des états modifiés de conscience (EMC) comme « l'état autogène », parl'intermédiaire desquels se réalisent les processus de changement.• Elle se pratique soit en individuel, soit en petit groupe.

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22 Psychotropesspécificités d'utilisation

• Le bon usage des psychotropes chez le sujet âgé obéit à des règlesprécises.

• Une bonne pratique médicale est de diminuer la prescription desbenzodiazépines au profit d'autres traitements comme les antidé-presseurs notamment.

• Les neuroleptiques, et maintenant les antipsychotiques ne doiventêtre utilisés que dans des indications précises.

CAS CLINIQUEMonsieur Yves V, 80 ans se plaint d'insomnie, de perte d'appétit, d'une perte d'intérêtpour la pêche, son loisir habituel. Il a perdu 6 kg en trois mois avec un bilan étiologiquetout à fait normal. Il passerait sa journée au lit s'il s'écoutait car il se sent fatigué.Plusieurs fois dans la journée, il sent son « ventre se nouer et le coeur qui serre ». Parfoisil se dit que la mort serait une solution. Il ne peut plus se supporter, lui habituellementsi actif, voire parfois impulsif. Dans ces antécédents, on note un adénome de la prostatenon opéré.

Questions d'auto-évaluation1 – Quel est votre diagnostic et quelle catégorie de psychotrope doit être la base deson traitement ?2 – Si vous deviez lui en prescrire, quel antidépresseur choisiriez-vous entre les deuxsuivants : fluoxétine (Prozac) et mirtazapine (Norset) ?

Voir réponses en fin de chapitre.

GÉNÉRALITÉS

UN DIAGNOSTIC PRÉCIS, AVANT TOUTE PRESCRIPTION

L'utilisation des psychotropes est délicate chez la personne âgée et dépend del'établissement d'un diagnostic psychiatrique précis qui n'est pas toujours évident dufait du caractère souvent atypique des manifestations cliniques dans le grand âge.En effet, les difficultés psychologiques ne sont pas toujours verbalisées et s'exprimentsouvent par des troubles cognitifs, des modifications comportementales et empruntentparfois à un registre somatique.

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Guide pratique de psychosériatrie

UNE RELATION DE QUALITÉ AVEC LA PERSONNE SOIGNÉE

• La prescription médicamenteuse s'intègre dans une prise en charge globale del'individu, notamment somatique et sociale.• La relation médecin-malade, autour de la rédaction d'une ordonnance, est d'unegrande importance dans un suivi ambulatoire ou dans un suivi en hospitalisation,d'autant plus qu'il existe un trouble psychiatrique grave, un risque suicidaire, unisolement important ou une décompensation somatique.

DE MULTIPLES PRÉCAUTIONS D'EMPLOI CHEZ LE SUJET ÂGÉ

Il existe un large éventail de molécules à la disposition du prescripteur.• La sévérité des effets indésirables possibles plus importante que chez l'adulte jeuneest l'une des difficultés majeures de prescription chez la personne âgée. En effet, à doseégale, le taux plasmatique des médicaments est augmenté par une réduction dumétabolisme et de l'élimination du produit. La demi-vie plasmatique médicamenteuseest augmentée et, lors d'administrations répétées, il existe un risque d'accumulation duproduit. Néanmoins, la tolérance est variable d'une personne âgée à l'autre.• Un examen clinique, suivi parfois de quelques examens complémentaires, estindispensable avant chaque prescription, qui doit être strictement adaptée au patient.Avant une prescription, il va généralement falloir évaluer l'état cardiaque (insuffisancecardiaque, trouble du rythme et de la conduction), l'état oculaire (glaucome, hyperten-sion oculaire), l'état prostatique chez l'homme (adénome), l'état hépatique (insuffisancehépato-cellulaire), l'état cérébral (fonctions cognitives) et s'enquérir des traitementsdéjà pris et des potentielles interactions de ces derniers avec /es psychotropes.• Des doses réduites de moitié en début de traitement sont recommandées chez lesujet âgé, surtout après 75 ans ; elles seront ensuite augmentées progressivementjusqu'à l'obtention de l'effet souhaité.Les doses de départ doivent être encore plus prudentes après 85 ans, ou en cas demauvais état général ou chez le malade grabataire, ou en cas de dysfonction cardiaque,rénale, hépatique, métabolique et/ou endocrinienne.• Dans la conduite du traitement, il faudra toujours être très vigilant sur la possibilité :—d'une mauvaise compliance au traitement, plus fréquente chez le sujet âgé, et ced'autant plus qu'il prend de nombreux médicaments ;—d'une mauvaise absorption médicamenteuse chez certains sujets âgés. Il faut ypenser quand, après avoir éliminé une mauvaise compliance au traitement, on constateune inefficacité thérapeutique ou l'absence d'effets secondaires malgré une augmenta-tion de la posologie.On peut s'aider d'une mesure des taux sériques et envisager un traitement par voie IM.Une autre voie prometteuse est la pharmacogénétique (on dose certains phénotypes etcertains génotypes en particulier liés aux cytochromes P450).

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Psychotropes spécificités d'utilisation

LES ANTIDÉPRESSEURS

LES RÈGLES DE TRAITEMENT

INDICATIONS

Leurs indications sont la dépression, certains troubles anxieux (prévention du troublepanique, trouble anxieux généralisé, obsessionnel-compulsif et trouble phobique), ledélire tardif, le désordre psychotraumatique.Tout épisode dépressif doit être traité en raison notamment des risques suicidaires etde désinvestissement social et familial. Le traitement médicamenteux n'est qu'unaspect de la prise en charge qui comporte d'autres mesures thérapeutiques (psychothé-rapie) et sociales.

CHOIX

• Selon le tableau clinique, il faut choisir une molécule anxiolytique, sédative oustimulante.• Une autre façon d'envisager les choses est de raisonner de façon dimensionnelle entenant compte des impacts des neuromédiateurs :— un dysfonctionnement sérotoninergique serait plutôt corrélé avec une dépressionhostile comportant de l'agitation, de l'agressivité, de l'impulsivité et des perturbationsdu sommeil et de l'appétit ;— un dysfonctionnement noradrénergique plutôt avec une dépression apathiquecomportant un ralentissement psychomoteur et une asthénie.Mais bon nombre de dépressions ont une présentation clinique qui relève d'undysfonctionnement biergique, voire triaminergique, incluant une hypodopaminergie.• Le consensus actuel est de débuter par un traitement de type inhibiteur spécifique dela recapture de la sérotonine (ISRS) ou éventuellement par un inhibiteur de la recapturede la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN) ou par un inhibiteur sélectif de lamonoamine oxydase A (RIMA).• Les antidépresseurs récents sont donc mieux tolérés.

PSYCHOTROPES ASSOCIÉS

• II n'y a pas lieu d'associer systématiquement en début de traitement antidépresseur,un anxiolytique, un hypnotique, un thymorégulateur ou un neuroleptique, ni de prescrireen première intention plus d'un antidépresseur.• Dans les formes anxieuses, il est souvent nécessaire d'associer un anxiolytique.Chez le sujet âgé dépressif et délirant, le traitement le mieux adapté est l'associationd'un antidépresseur et d'un antipsychotique. En cas de résistance, un traitement parsismothérapie est indiqué.

CONDUITE DU TRAITEMENT

• Le traitement doit en général être débuté à demi-dose et augmenté progressivementpar paliers tous les deux à trois jours en fonction de la tolérance clinique.

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Guide pratique de psychogériatrie

• Le maintien du traitement doit se faire pendant 4 à 6 semaines avant de juger del'inefficacité et de changer de molécule. Si le changement doit se faire, il est préférablede prescrire une molécule d'une autre classe.• Le traitement de consolidation (lorsqu'il y a rémission des symptômes) est àpoursuivre classiquement au moins 6 mois en diminuant progressivement par la suite.Chez le sujet âgé, cette durée est de plus en plus étendue à 2 ans.• Le traitement de maintenance (lorsqu'il y a récurrence des épisodes) est à envisagersur des années.• Dans les indications autres que la dépression, la posologie doit être doublée parrapport à la dose antidépressive usuelle.

LES DIFFÉRENTES CLASSES D'ANTIDÉPRESSEURS

INHIBITEURS SPÉCIFIQUES DE LA RECAPTURE DE LA SÉROTONINE (ISRS)

• Mode d'action—Ils bloquent de façon sélective la recapture de la sérotonine.—Ils ont une efficacité égale aux imipraminiques.—Leur demi-vie est très variable (minimum 15 heures pour la fluvoxamine et de 7 à 15jours pour la fluoxétine).• Leurs indications sont les états dépressifs, mais aussi pour certains les troublesobsessionnels-compulsifs (Prozac, Déroxat, Zoloft) et la prévention du trouble panique(Déroxat, Séropram).• Effets indésirables et précautions d'emploi—Ils n'ont pas d'effet anticholinergique.—Les effets indésirables les plus fréquents sont des troubles digestifs (nausées), desvertiges, des céphalées, des éruptions cutanées, une nervosité ou une somnolence, destroubles sexuels, et parfois des hépatites, une hyponatrémie et des troubles extrapyra-midaux. Le risque de syndrome sérotoninergique est rare mais à connaître (agitation,confusion, myoclonies, tremblements, rigidité musculaire, hypertension, hyperthermie).—Ils ont tous un métabolisme hépatique. Le citalopram, la fluoxétine et la sertralineproduisent des métabolites actifs. Leur élimination est principalement urinaire, maiségalement fécale. En cas d'insuffisance hépatique, la posologie des ISRS doit êtrediminuée chez l'insuffisant hépatique car la demi-vie est allongée.—Chez les insuffisants rénaux, les ISRS ont peu d'effets néfastes.—La surveillance clinique et biologique permet d'adapter les doses et de diminueréventuellement le traitement.—Le risque majeur chez le sujet âgé est celui d'un surdosage (risque d'hyponatrémie).—L'association aux IMAO et aux triptans (Imigrane...) est contre-indiquée car il y a unrisque de syndrome sérotoninergique (hyperthermie, HTA, confusion, myoclonies,sueurs, diarrhée...).—Les doses prescrites sont en général équivalentes à celles prescrites chez l'adulte.— Les patients épileptiques méritent une attention particulière comportant unesurveillance clinique et électrique.

Les personnes bénéficiant de traitements anticoagulants oraux ou de médicamentsagissant sur la fonction plaquettaire doivent être surveillées en raison des risquesd'augmentation des saignements (sauf avec le Séropram et le Séroplex qui n'interfèrentpas avec le cytochrome P450).—En cas de glaucome à angle fermé, les ISRS sont à utiliser avec prudence en raisonde rares cas d'aggravation du glaucome.

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Psychotropes : spécificités d'utilisation

INHIBITEURS DE RECAPTURE DE LA SÉROTONINE ET DE LA NORADRÉNALINE(IRSN)

• Le minalcipran (Ixel) et la venlafaxine (Effexor) inhibent la recapture de la sérotonineet de la noradrénaline et n'agissent pas sur les récepteurs histaminiques et cholinergi-ques.• Ils sont aussi efficaces que les imipraminiques. Leur demi-vie est de 5 à 10 heuresjustifiant des prises étalées.• Les effets indésirables les plus fréquents sont des vertiges, des nausées, une anxiétéet une élévation des transaminases. La venlafaxine entraîne parfois des haussestensionnelles systolodiastoliques.• Les contre-indications absolues sont, pour la venlafaxine, une hypersensibilité connueet l'association aux IMAO non sélectifs. Les contre-indications relatives sont l'adrénalineet la noradrénaline par voie parentérale, la clonidine et apparentés et les IMAO sélectifsA (moclobémide, toloxatone).

TRICYCLIQUES IMIPRAMINIQUES (IMI-TC)

L'imipramine (Tofranil), la clomipramine (Anafranil) et la trimipramine (Surmontil) enfont partie.• Mode d'action—Qu'ils soient bi, tri ou tétracycliques, tous sont anticholinergiques.—La posologie efficace est 150 mg qui doit être atteinte en 2 à 3 jours chez l'adulte ;100 mg en 5 à 6 jours chez le sujet âgé.—Certains sont administrables en IV : Anafranil, Laroxyl, Ludiomil.—Leur demi-vie est supérieure à 24 heures autorisant une prise unique quotidienne.— Leur efficacité est de 70 % dans la dépression sévère.• Précautions d'emploi—Il faut réaliser un bilan préalable (ECG, examens portant sur la prostate, l'oeil,éventuellement la thyroïde).—Les métabolites sont éliminés en grande partie par les reins.—Les effets indésirables les plus fréquents sont : tachycardie, hypotension orthostati-que, tremblements, dysarthrie, sécheresse de la bouche, constipation, sueurs, rétentiond'urine, confusion (surtout chez le sujet âgé, du fait des effets anticholinergiques), crisecomitiale, inversion maniaque de l'humeur.— Plusieurs imipraminiques sont anxiolytiques et sédatifs (Surmontil, Quitaxon etLudiomil). Ils sont indiqués dans les dépressions avec agitation, anxiété ou insomnie.— D'autres ont une position intermédiaire entre sédation et stimulation (Anafranil,Prothiaden).—D'autres sont considérés comme psychotoniques et désinhibiteurs (Tofranil).—Ces antidépresseurs ne doivent pas en général être utilisés en première intentionétant donné la plus grande fréquence des effets secondaires par rapport aux ISRS,RIMA et IRSN.—Leurs contre-indications sont l'hypersensibilité connue à cette classe, le glaucomepar fermeture de l'angle, les troubles urétro-prostatiques, l'infarctus du myocarde récentet l'insuffisance cardiaque.— Ils ne doivent pas être associés aux IMAO non sélectifs (Niamide, Marsilid,pratiquement plus utilisés).

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Guide pratique de psychosériatrie

0 (INHIBITEURS DE LA MONOAMINE OXYDASE)

Ils inhibent la dégradation des neuromédiateurs.• Les IMAO classiques (comme le Marsilid) sont rarement prescrits chez le sujet âgéen raison d'un maniement complexe, réservé au spécialiste.• Le moclobémide (Moclamine) est un IMAO spécifique, c'est-à-dire sélectif de la MAO-A et réversible (demi-vie de 2 heures) qui ne présente que peu d'effets indésirables endébut de traitement (nausées, céphalées) et ne nécessite pas de précaution d'emploiparticulière. Il est maintenant considéré comme un RIMA (inhibiteur réversible de laMAO de type A, donc spécifique).L'association avec un autre antidépresseur sérotoninergique est contre-indiquée du faitd'un risque de syndrome sérotoninergique.Il n'y a pas de baisse posologique à réaliser chez le sujet âgé.Il est indiqué dans toutes les présentations dépressives avec ralentissement et/ou apathie,dans la dépression avec troubles cognitifs (effet éveillant) et dans le trouble phobique.

AUTRES (NON I 0, NON IMIPRAMINIQUES, ET NONSÉROTONINERGIQUES SPÉCIFIQUES)

• L'Athymil est noradrénergique. Sa demi-vie est de 17 heures. Plutôt sédatif, il peutentraîner une somnolence diurne. Il est aussi indiqué comme traitement d'appoint del'insomnie.• Le Norset est noradrénergique et sérotoninergique. Il fait partie d'une nouvelle classed'antidépresseur : NaSSA (Noradrenergic and Specific Serotoninergic Antidepressant),avec un mécanisme d'action original en étant antagoniste des récepteurs alpha2adrénergiques présynaptiques autologues (favorisant la neurotransmission noradréner-gique) et des récepteurs alpha2 adrénergiques hétérologues des terminaisons sérotoni-nergiques (accroissant la neurotransmission sérotoninergique). Par ailleurs, il agit defaçon élective sur les récepteurs 5HT1 aussi impliqués dans l'action antidépressive etde manière antagoniste sur les récepteurs 5HT2 et 5HT3 auxquels on attribue certainseffets secondaires, en particulier digestifs. Enfin, il a une faible affinité pour lessystèmes qui semblent responsables de la survenue de nombreux effets secondaires (enparticulier muscariniques, histaminergiques et adrénergiques). Sa demi-vie est de 20 à40 heures. Sa rapidité d'action est reconnue. Son action sédative justifie uneprescription le soir. Un de ses inconvénients est une prise de poids parfois importante.

LES NEUROLEPTIQUES

LES RÈGLES DU TRAITEMENT

PROPRIÉTÉS GÉNÉRALES DES NEUROLEPTIQUES

• J. Delay et P. Deniker ont individualisé cinq critères pour définir les neuroleptiques :- création d'un état d'indifférence psychomotrice ;- réduction des symptômes psychotiques aigus et chroniques tels que les hallucina-tions, les états délirants ;- action sur les états d'agitation et d'agressivité ;- capacité à donner des effets secondaires neurologiques extrapyramidaux etneurovégétatifs ;- prédominance d'une action sous-corticale.

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Psychotropes spécificités d'utilisation

• Il existe beaucoup de réserves sur l'utilisation des neuroleptiques chez la personneâgée, principalement dues à leur tolérance limitée (hypotension, troubles extrapyrami-daux, décompensation d'un adénome prostatique, d'un glaucome, risque de syndromeconfusionnel en raison d'effets atropin igues importants) et à leur risque d'accumulationétant donné leur longue demi-vie.• Les neuroleptiques se présentent sous forme orale et injectable.

Sélection d'antidépresseurs utilisés chez le sujet âgé

MoléculeDCI Nom de spécialité Classe

Formesgaléniques

Posologie Spécificités

citalopram* SEROPRAM ISRS cp à 20 mggouttes à 0,2 mgIV à 20 et 40 mg

10 à 40 mg/j pas d'interférence avec lecytochrome P450

escitalopram SEROPLEX ISRS cp à 5 et 10 mg 5 à 20 mg/j

fluoxétine* PROZAC ISRS cp à 20 mgsolution 20 mg/5 mL

10 à 50 mg/j pas de rebond à l'arrêt

fluvoxamine* FLOeFRAL ISRS cp à 50 et 100 mg 50 à300 mg/j

sédatif, anxiolytique

paroxétine* DEROXATDIVARIUS

ISRS cp à 20 mg 10 à 50 mg/j sevrage difficile

sertraline* ZOLOFT ISRS cp à 50 mg 50 à200 mg/]

pharmacocinétique nonmodifiée avec l'âge

minalcipran IXEL IRSN cp à 50 et à100 mg

50 à150 mg/j

venlafaxine EFFEXOR IRSN cp à 25 et 50 mg,50 mgLP

100 à375 mg/j

effet-dose

miansérine* ATHYMIL cp à 10, 30 et60 mg

10 à 90 mg/j sédatif (somnolence)

mirtazapine NORSET NaSSA cp à 15 mg 15 à 45 mg/j restaurateur du sommeilprise de poids possible

moclobémide* MOCLAMINE RIMA cp à 150 mg 150 à600 mg/j

stimulant, éveillant,Phobies

clomipramine* ANAFRANIL IMI-TC cp à 10, 25 et75 mgamp à 25 mg

25 à200 mg/j

dosage plasmatiqueIV

trimipramine SURMONTIL IMI-TC cp à 25 et 100 mg 25 à 200 mg sédatif(sommeil)

maprotiline LUDIOMIL IMItétra-cyclique

cp à 25 et 75 mgAmp à 25 mg

25 à150 mg/j

sédatif(sommeil)IV

* = génériqué.

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Guide pratique de psychogériatrie

INDICATIONS

Différentes indications sont recensées dans la prescription des neuroleptiques : actionantidélirante, antihallucinatoire, antimaniaque, réduction de la confusion et destroubles du comportement.

CLASSIFICATION THÉRAPEUTIQUE

Elle est la suivante :•médicaments sédatifs et anxiolytiques : Nozinan, Tercian ;-médicaments antipsychotiques ayant des effets secondaires extrapyramidaux : Hal-dol, Moditen ;-possibilité d'action bipolaire de certaines molécules : efficaces sur le retrait,l'apragmatisme, l'émoussement affectif à faibles doses et efficaces sur les hallucina-tions, l'angoisse, le délire à fortes doses (l'amisulpride, Solian, est indiquée dans lesschizophrénies déficitaires à la posologie de 100 mg/j et de 800-1 200 mg/j dans lestroubles productifs) ;-les nouveaux neuroleptiques atypiques n'ont pas cette bipolarité et sont efficaces auxmêmes posologies sur les symptômes positifs et négatifs.

CONDUITE DU TRAITEMENT

•L'usage de ces produits doit se faire à des posologies minimales efficaces, endébutant le traitement à dose faible, puis en augmentant progressivement.• La prescription d'un correcteur anticholinergique :- ne doit pas être systématique lors d'un traitement par neuroleptique ;- la posologie d'un tel traitement dépend de l'intensité et de l'ancienneté des troubleset se situe entre 1 à 2 comprimés par jour pour la tropatépine (Lepticur) ;- le recours à l'association de deux anticholinergiques est contre-indiqué du fait desrisques d'effets secondaires atropiniques.• Les traitements au long cours des troubles psychotiques doivent habituellement êtrepoursuivis. Il est parfois possible de réduire les doses en fonction de l'état cliniqued'autant que la productivité symptomatique s'atténue avec l'âge.•Les délires d'apparition tardive, avec idées de préjudice et de persécution sans troubledu cours de la pensée et modification de l'humeur, bénéficient de l'associationantidépresseur et neuroleptique. Le traitement antidépresseur améliore en général lesréactions comportementales. La suspension du traitement pourra être tentée par lasuite. L'objectif de la prise en charge de ce trouble n'est pas forcément de fairedisparaître le délire, mais plutôt d'atténuer ses effets dans la mesure où il joue un rôledans les aménagements psychodynamiques du sujet âgé.•Les troubles délirants aigus chez la personne âgée sont dominés par les étatsconfusionnels et doivent faire éliminer une affection somatique sous-jacente. Lesneuroleptiques utilisés de façon préférentielle sont les benzamides (tiapride, sulpiride,amisulpride).•Le choix du neuroleptique va dépendre des symptômes :- si les symptômes positifs dominent (hallucinations, idées de persécution) : prescrip-tion d'une butyrophénone (Halopéridol) ;-- si l'agitation prédomine : préférer un neuroleptique sédatif comme la lévoméproma-zine (Nozinan). Des sédatifs par voie parentérale peuvent être utilisés.• La dose initiale doit être minime et adaptée de façon progressive. Des doses faiblessuffisent souvent à entraîner une amélioration.

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Psychotropes : spécificités d'utilisation

• Les neuroleptiques retard ont peu de place chez la personne âgée.• Les neuroleptiques atypiques sont intéressants dans la mesure où ils sont efficaces etqu'ils ont moins d'effets secondaires (rispéridone, Risperdal, de 0,5 à 2 mg/j,olanzapine, Zyprexa, de 5 à 10 mg/j, aripiprazole, Abilify, de 5 à 10 mg/j). Ces dosespeuvent parfois être plus importantes.

Sélection de neuroleptiques et d'antipsychotiques utilisés chez le sujet âgé

MoléculeDCI

Nom de spécialité ClasseFormes

galéniquesPosologie Spécificités

Halopéridol HALDOL

Decanoas

butyrophénone cp à 1 et 5 mggouttes à 0,5/1 000 et à 2 %amp 25 mg

1 à 10 mg') Dépressogène

toutes les 4semaines

cyamémazine TERCIAN phénothiazine cp à 25 et à100 mggouttes à 4 %

5 à 100 mg/j Bonne toléranceanxiolytique

zuclopentixol CLOPIXOL thioxanthène cp 25 mg 25 à 50 mg/j sédation

Amisulpride SOLIAN benzamide« AP »

cp à 100 et200 mg

50 à 300 mg/j

BivalentDésinhibiteur àfaible dose

tiapride TIAPRIDAL benzamide cp à 100 mg 50 à 300 mg/1

Bonne tolérance

rispéridone RISPERDAL

RISPERDALCONSTA

« AP » cp à 1, 2 et4 mgsol 1 mg/mLpoudre 25,37.5 et 50 mg

1 à 2 mg/j

à libérationprolongée (15 jours)

olanzapine ZYPRD(A « AP » cp à 5, 7.5 et10 mg

5 à 10 mg/j

aripiprazole ABILIFY « AP » cp à 15 mg

clozapine LEPOND( « AP » cp à 25 et100 mg

25 à 300 mg/j

Parkinson

« AP»: antipsychotique

TERRAINS À RISQUE

•Chez des patients épileptiques, le choix d'une butyrophénone ou d'une phénothiazinepipérazinée est préférable.•En cas d'insuffisance hépatique, les phénothiazines aliphatiques sont contre-indiquéesalors que les butyrophénones à posologie réduite peuvent être indiquées.•En cas d'insuffisance rénale, la réduction des posologies est indispensable.• Les maladies cardio-vasculaires contre-indiquent l'emploi de neuroleptiques trophypotenseurs.

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Guide pratique de psychogériatrie

• La présence d'une maladie de Parkinson nécessite une évaluation rigoureuse del'indication par rapport au risque de syndrome extra-pyramidal. La clozapine semble lemeilleur compromis.

EFFETS INDÉSIRABLES

NEUROLOGIQUES

Il peut s'agir de :•dyskinésies et dystonies aiguës ; le traitement est soit un anxiolytique (Valium) soit unantiparkinsonien (Lepticur) per os ou intramusculaire ;•I'apparition d'un syndrome parkinsonien doit conduire soit à une réduction de laposologie soit à l'adjonction d'un correcteur antiparkinsonien ;• l'apparition d'un syndrome hyperkinétique doit conduire à changer ou à diminuer letraitement ; la prescription de benzodiazépines est possible.

ENDOCRINIENS

La prise de poids et la baisse de l'activité sexuelle sont les effets les plus retrouvés.

-':11:X;#VÉGÉTATIFS

L'hypotension et l'hyposialie sont fréquentes et nécessitent une surveillance.

HÉMATOLOGIQUES

Le risque de leucopénie existe avec tous les neuroleptiques.

PSYCHIQUES

On peut observer :•I'induction d'une passivité avec inertie, apathie à ne pas confondre avec uneschizophrénie déficitaire ;• I'induction d'un état dépressif qui serait moins fréquent avec les neuroleptiquesatypiques ;•un risque de syndrome confusionnel, toujours possible avec les molécules les plusa ntichol i nergiq ues.• Le syndrome malin est un accident grave qui s'installe en 48 heures avec hyperther-mie, sueurs profuses, tachycardie, contractures et rigidité aboutissant à un étatcomateux. La conduite à tenir est l'hospitalisation en urgence vers un service deréanimation.

Utilisation des neuroleptiques en urgence

• Elle est exceptionnelle et ne doit pratiquement pas exister chez le sujet âgé.• Le recours à des médicaments de l'urgence comme le Loxapac, le Barnétil, leDroleptan est à déconseiller chez le sujet âgé.

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Psychotropes spécificités d'utilisation

Utilisation des nouveaux antipsychotiques chez le sujet âgé

On observe dans le traitement des symptômes psychotiques au cours de la maladied'Alzheimer et des syndromes apparentés :• une efficacité des antipsychotiques atypiques ;• une meilleure tolérance que les neuroleptiques ;• un profil de tolérance variable en fonction des molécules ;• la plupart des études ont été effectuées chez des personnes avec des démencesavancées ;• un risque cérébrovasculaire (AVC, AIT) associé aux antipsychotiques atypiques utiliséschez les personnes souffrant de maladie d'Alzheimer.Mais il faut signaler que :• dans une étude olanzapine vs placebo, l'incidence plus élevée de décès n'a pas étécorrélée à la dose d'olanzapine ;• il est fait mention dans les caractéristiques du produit : « mise en garde et précautiond'emploi : l'olanzapine n'est pas indiqué dans le traitement de la démence avec destroubles psychotiques et/ou du comportement » ;• son utilisation chez ce groupe spécifique de patients est déconseillée ;• le bénéfice-risque du traitement doit être réévalué chez ce type de patient qui est déjàtraité par olanzapine ;• ce risque n'est pas exclu pour les autres antipsychotiques (atypiques, neuroleptiques)(afssaps, 4 et 9 mars 2005).

ANXIOLYTIQUES

LES RÈGLES DU TRAITEMENT

• Les troubles anxieux sont fréquents chez la personne âgée.• L'anxiété et la tristesse ne sont pas toujours pathologiques. La personne âgée estsoumise à plusieurs stress : deuil, déménagement, retraite, affections somatiques. Il nefaut traiter que lorsque les processus adaptatifs ne peuvent pas se mettre en place.• Les benzodiazépines (BZD) représentent l'essentiel de cette catégorie de médica-ments.• Elles ont un pouvoir anxiolytique, sédatif, anticonvulsivant, myorelaxant et amné-siant. Il existe des molécules à demi-vie brève, intermédiaire et longue.

INDICATIONS

•Pour l'anxiété réactionnelle, l'indication est celle d'une benzodiazépine en cure courteper os.• Si l'évolution est chronique, l'indication d'une prise en charge psychothérapique doitse discuter. La prescription d'un antidépresseur est nécessaire, surtout si l'évolution sefait vers un trouble dépressif.•Les attaques de panique répondent en urgence aux benzodiazépines d'absorptionrapide.

189.

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Guide pratique de psychogériatrie

•Elles sont une thérapeutique d'appoint en cas d'épisode dépressif avec anxiété etdans les états psychotiques aigus comme le délire alcoolique aigu.•Le traitement de l'anxiété généralisée est difficile et passe souvent par un abordpsychothérapique.•Le choix de la molécule dépend souvent des habitudes du prescripteur. Si unebenzodiazépine est efficace à un moment donné, il est préférable de represcrire lamême.•La durée de prescription doit être limitée à 4 à 8 semaines en diminuantprogressivement le traitement pour l'arrêter.

EFFETS INDÉSIRABLES

• La sédation, l'amnésie antérograde, les risques de chutes et de fractures, le risque dedépendance et d'addictions ne sont pas à négliger.•Afin d'éviter des manifestations de sevrage, l'arrêt d'un traitement par benzodiazépi-nes doit se faire progressivement en diminuant par quart de dose (ou plus rarementmoitié) tous les 10 à 15 jours.

LES DIFFÉRENTES CLASSES D'ANXIOLYTIQUES

BENZODIAZÉPINES

•Métabolisme

Elles sont rapidement absorbées par voie digestive. Les produits à demi-vie courte etsans métabolites actifs ont moins de risque d'accumulation ; ceux métabolisés paroxydation hépatique ont une élimination réduite avec un risque d'accumulation dansl'organisme.L'oxazépam et le lorazépam ne sont pas oxydés au niveau hépatique.De nombreux traitements risquent d'interagir avec les benzodiazépines soit parcompétition, soit par inhibition de l'enzyme de dégradation.

•Association aux psychotropes

L'association d'une benzodiazépine à un neuroleptique ou à d'autres psychotropespotentialise son action.Il n'y a pas lieu d'associer deux benzodiazépines car, en plus du risque d'effetssecondaires cumulés, les molécules entrent en concurrence au niveau des récepteurscentraux.

•La prescription

Les benzodiazépines restent les produits les plus utilisés malgré les risques dedépendance, de sevrage, de chutes, de confusion mentale, d'aggravation des troublesmnésiques.— La connaissance de la demi-vie permet un choix adapté au rythme des troubles.Il est indispensable de débuter par une seule molécule à dose faible et d'augmenter parpaliers en fonction de la réponse obtenue.

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Psychotropes : spécificités d'utilisation

ANXIOLYTIQUES NON BENZODIAZÉPINIQUES

• Carbamates (Équanil) : ils ont un effet sédatif, anticonvulsivant et faiblementantalgique.• La buspirone est indiquée dans le traitement du trouble anxieux généralisé, ellen'induit pas de dépendance, mais possède un délai d'action long de 15 jours.• Les antihistaminiques (hydroxyzine), en dépit d'une efficacité pas toujours bienétablie, n'induisent pas de tolérance, ni de dépendance.• Autres : de petites doses d'antidépresseurs sédatifs (miansérine), de petites doses dephénothiazines (cyamémazine, lévomépromazine).

Sélection d'anxiolytiques utilisés chez le sujet âgé

MoléculeDCI

Nom despécialité

ClassePharmaco-cinétique

Demi-viePosologie

journalière

alprazolam* Xanax 0,25 et 0,5 benzo intermédiaire 12-15 h 0,5 à 1 mg en 3prises

lorazépam* Témesta 1 et2,5 mg

benzo courte 12 h 0,5 à 5 mg en 2 à3 prises

bromazépam* Lexomil 6 mg benzo intermédiaire 20 h 1,5 à 6 mg enplusieurs prises

diazépam* Valium 2 et 5 mg benzo intermédiaire 35-50 h 1 à 5 mg

chlorazépatedipotassique*

Tranxène 5 et10 mg

benzo longue 40 h 5 à 50 mg

buspirone Buspar 10 mg azaspirone courte 2-11 h 5 à 30 mg

méprobamate* Equanil 250 et400 mg

carbamate courte 6-16 h 125 à 1 200 mg

hydroxyzine Atarax 25 et100 mg

anti-histaminique

intermédiaire 19 h 25 à 100 mg

*génériqué.

REMARQUES SUR QUELQUES ANXIOLYTIQUES

• L'azaspirone (Buspar) est un anxiolytique non benzodiazépinique qui provoqueraitmoins d'effets sédatifs que les benzodiazépines, aurait moins d'effets dépresseurs de lafonction respiratoire et ne serait pas responsable de dépendance physique. Les effetsindésirables semblent se limiter à des nausées, des vomissements et des céphalées.• Les 13-bloquants et les carbamates sont de moins en moins prescrits en raison de leurseffets secondaires.— Les carbamates sont à l'origine d'une dépendance physique et psychologique et d'unsyndrome de sevrage à l'arrêt brutal du médicament. Le chef de file est le méprobamate(Équanil) encore souvent utilisé en France. Le mode d'action semble comparable à celuides benzodiazépines. L'utilisation des carbamates chez le sujet âgé est potentiellement

191—

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Guide pratique de psychogériatrie

dangereuse (risque de décès par toxicité cardiaque) et semble actuellement justifier lerecours à une alternative thérapeutique. L'indication est l'anxiété chez la personne âgée.— Les /3-bloquants, prescrits chez le jeune parfois dans les états d'anxiété, sont peuutilisés chez la personne âgée. Ils ont une action inhibitrice sur les manifestationsneurovégétatives de l'anxiété. Le risque iatrogène, accru avec l'âge, doit conduire à uneutilisation très prudente.• Les antihistaminiques comme l'hydroxyzine (Atarax), moins anxiolytique que lesbenzodiazépines, sont utilisées dans l'anxiété du sujet âgé à des doses variant de 25 à100 mg/j.• Les neuroleptiques sédatifs (Nozinan ou Tercian) peuvent être prescrits dans cetteindication à des doses variant de 5 à 25 mg/j. Il est indispensable d'utiliser desposologies réduites, de réévaluer régulièrement l'utilité de ce traitement et peut-être dele réserver au milieu hospitalier.

HYPNOTIQUES

LES RÈGLES DU TRAITEMENT

CONSEILS GÉNÉRAUX

• Le médecin doit s'intéresser à la cause d'un trouble du sommeil, à la quantité et à laqualité de ce dernier.• Il a pour rôle de conseiller avant tout une hygiène de vie, d'éviter les excitants (alcool,tabac, café, thé), d'éliminer des troubles spécifiques : apnée du sommeil, syndrome desjambes sans repos, affections somatique ou psychiatrique.

LA PRESCRIPTION

Les critères requis pour une bonne prescription chez le sujet âgé sont de débuter àdemi-dose par rapport à l'adulte jeune, de permettre une induction et un maintien dusommeil pendant une durée suffisante.On dispose actuellement de nombreuses molécules permettant une sédation facilitantl'induction du sommeil.Les conseils à donner à propos des hypnotiques sont de les prendre au moment ducoucher (spécifier une prise tardive), de les prescrire à la dose efficace la plus faible(souvent à demi-dose), pendant la durée la plus courte (de trois jours à fiNnois).

CmOIX DU PRODUIT

Tous les hypnotiques sont efficaces sur l'induction du sommeil. Le choix dépendessentiellement de la pharmacocinétique du produit et des troubles présentés par sonpatient.

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Page 201: 33191086 Guide Pratique de Psychogeriatrie

Psychotropes : spécificités d'utilisation

LES DIFFÉRENTES CLASSES D'HYPNOTIQUES

LES BENZODIAZÉPINES ET APPARENTÉS AUX BENZODIAZÉPINES

• Limites et alternativesCe sont d'excellents hypnotiques d'usage malheureusement souvent excessif. Cestraitements perturbent l'architecture du sommeil en augmentant la durée du stade II etdiminuant celle des stades III et IV.Une anxiolyse peut remplacer le somnifère si l'anxiété liée à l'endormissement estprévalante.• L'indication préférentielle est l'insomnie réactionnelle.• La durée de prescription maximale est actuellement de quatre semaines afin depréciser qu'il doit s'agir de traitements prescrits de façon ponctuelle et de diminuer lerisque d'accoutumance avec dépendance.• Demi-vie courte ou demi-vie longue ?Le traitement des troubles du sommeil comprend des apparentés d'action courtezolpidem (Stilnox) et des benzodiazépines d'action moyenne (Noctamide, Mogadon).Les hypnotiques prescrits chez l'anxieux peuvent être des benzodiazépines à demi-viecourte s'il existe des troubles de l'endormissement, à demi-vie moyenne s'il se produitdes réveils nocturnes.Un hypnotique à demi-vie courte a un effet se limitant à la nuit et a moins de risqued'entraîner des troubles de la vigilance la journée. Cependant, les produits à demi-viecourte peuvent s'accompagner d'un risque de surdosage si le sujet se réveille et reprendun comprimé.

Sélection d'hypnotiques utilisés chez le sujet âgé

MoléculeDCI

Nomde spécialité

Classe PosologiePharmaco-cinétique

Spécificités

zopiclone* Imovane 3,75 et7,5 mg

cyclo-pyrrolone

0,5 à 1 3,5 à 6 h Cl:insuffisancesrespiratoire ethépatique sévères,SAS, allergie auproduit

zolpidem* Stilnox 10 mg imidazo-pyridine

0,5 à 1 1 à 3,5 h Cl: idem

acéprométazineméprobamate

Mépronizine10 mg

anti Hlcarbamate

0,5 à 1 Cl: idem

chlorazépatedipotassiqueacépromazineacépropétazine

Noctran 10 mg benzophénothiazine

0,5 à 1 Cl: idem

lométazépam Noctamide 1 et2 mg

benzo 0,5 à 2 mg 10 h

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Guide pratique de psychogériatrie

LES ANTIHISTAMINIQUES

Les antihistaminiques comme l'acépromazine prescrits à visée hypnotique sont trèssédatifs et ont des propriétés anticholinergiques et neuroleptiques. Des risquesd'hypotension orthostatique et de syndromes extrapyramidaux sont fréquents chez lapersonne âgée.

LES NEUROLEPTIQUES

Les phénothiazines sont des neuroleptiques sédatifs. L'alimémazine (Théralène de 15à 50 mg au coucher), la lévomépromazine (Nozinan de 5 à 50 mg), la cyamémazine(Tercian de 5 à 50 mg) sont utilisés dans cette indication dans les cas de résistance oude contre-indication des autres hypnotiques.• Il est souvent justifié de prescrire un neuroleptique sédatif à faible dose entre 5 et 15gouttes (Théralène, Tercian, Nozinan), plutôt que d'augmenter la benzodiazépine, ensurveillant le risque des effets secondaires.• Les psychotiques âgés vont être plus récepteurs à des neuroleptiques sédatifs quinormaliseront plus facilement le sommeil.

LES AUTRES

Des antidépresseurs sédatifs peuvent être utilisés dans cette indication, en particulierchez un dépressif insomniaque :—mirtazapine (Norset 30 à 45 mg) ;—miansérine (Athymil de 10 à 30 mg).

Comme chez l'adulte jeune, il n'y a pas lieu d'associer deux hypnotiques. La durée deprescription est de quatre semaines. Un traitement par hypnotique doit être réévaluérégulièrement afin de ne pas reconduire le même systématiquement. Ces traitementssont tous susceptibles d'entraîner une baisse de la vigilance, une altération des fonctionsmnésiques, des syndromes confusionnels et un risque de chute.

THYMORÉGULATEURS

INDICATIONS

• Ils sont indiqués dans le traitement des troubles bipolaires pour permettre d'éviterles oscillations de l'humeur dans leur intensité et leur fréquence, et dans le traitementcuratif des états maniaques.Le trouble bipolaire de type I correspond à l'alternance d'accès maniaques francs avecdes épisodes dépressifs sévères.Le trouble bipolaire de type II est caractérisé par des épisodes hypomaniaques avec desdépressions majeures.Le trouble bipolaire de type III se caractérise par des virages maniaques survenant sousantidépresseur.Certains patients présentent des cycles rapides avec au moins quatre épisodes par ande troubles maniaques dépressifs et/ou hypomaniaques. Ils répondent bien à lacarbamazépine. Les troubles dépressifs récurrents sont appelés des troubles unipolaireset répondent moins bien au lithium que les bipolaires.

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Page 203: 33191086 Guide Pratique de Psychogeriatrie

Psychotropes : spécificités d'utilisation

La décision d'instauration d'un thymorégulateur dans un but préventif dépend de lamaladie (premier épisode maniaque), des antécédents familiaux de troubles bipolaires(traitement préventif), du degré de compréhension et d'adhésion du patient et de sonentourage au traitement.Le traitement curatif des états d'excitation maniaque et hypomaniaque se fait le plussouvent en hospitalisation en milieu spécialisé. Le lithium et la carbamazépine sontindiqués dans le traitement de ces épisodes.• Dans les dépressions résistantes, certains psychiatres utilisent le lithium commepotentialisateur de l'antidépresseur.• Dans les états schizo-affectifs : association de troubles thymiques et schizophréni-ques.

BILAN PRÉTHÉRAPEUTIQUE

• Il faut rechercher une insuffisance cardiaque (ECG systématique) et une pathologiedigestive.• Un bilan biologique évaluera les fonctions rénale et thyroïdienne : hémogramme,créatinine (clearance), glycémie, ionogramme sanguin, TSH, bandelette urinaire.

CONDUITE DU TRAITEMENT

• Il doit être instauré progressivement et maintenir une lithiémie inférieure à celle del'adulte traité en raison des risques de confusion mentale et de déshydratation.• L'utilisation de diurétiques et d'un régime désodé rend la prescription de lithiumdifficile.• Si la personne âgée a des troubles thyroïdiens, son bilan thyroïdien devra êtresurveillé tous les trois à six mois.• Le lithium est le traitement de choix des troubles bipolaires dont le premier accès estmaniaque. Dans le trouble avec accès hypomaniaque après traitement antidépresseurou spontané (type 2), le lithium est encore utile.La surveillance biologique du traitement par lithium s'effectue douze heures après ladernière prise.En début de traitement, les dosages sont effectués tous les quatre à sept jours. Lafourchette de lithiémie doit être légèrement inférieure à 0,6 mmol/L pour le traitementpréventif et à 0,7 mmol/L pour le traitement curatif.Une fois l'adaptation posologique effectuée :— la lithiémie est faite mensuellement le premier trimestre, puis tous les trois mois lapremière année ;— la thyréostimuline hypophysaire « ultrasensible » (TSH US) doit être contrôlée unefois par an.• Dans les formes modérées, la carbamazépine est souvent recommandée :— elle est utilisée en cas d'échec au lithium ;—bilans avant prescription : cardiaque, hépatique et hématologique ;— association interdite avec l'acide valproïque, risque de nombreuses interactionsmédicamenteuses ;—il s'agit d'un inducteur enzymatique (faire attention à l'accélération du catabolismedes hormones, des neuroleptiques et des anticoagulants) ;— les examens de routine consistent en une surveillance des taux plasmatiques, unhémogramme et une surveillance hépatique.

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Guide pratique de psychogériatrie

• Le valpromide est une alternative utile dans les formes schizoaffectives et en cas decontre-indication ou d'effets secondaires au lithium ou à la carbamazépine :—bilans hépatique et hématologique avant la mise en route ;—association interdite avec le Tégrétol.• L'utilisation du divalproate de sodium (Dépakote) est normalement réservée autraitement des accès maniaques dans les troubles bipolaires, et surtout lorsqu'il y aune intolérance ou une contre-indication au lithium. Cependant, beaucoup deprescripteurs le prescrivent comme traitement prophylactique du fait de son efficacitéet de sa tolérance, même chez le sujet âgé.• L'olanzapine (Zyprexa) est indiquée dans le traitement de la schizophrénie et desépisodes maniaques modérés à sévères, mais aussi dans la prévention des récidiveschez les patients présentant un trouble bipolaire, ayant déjà répondu au traitement parl'olanzapine lors d'un épisode maniaque. Cette molécule est parfois aussi proposée chezla personne âgée comme traitement prophylactique en respectant les contre-indicationsrelatives au risque vasculaire.

Sélection de thymorégulateurs utilisés chez le sujet âgé

MoléculeDCI Nom de spécialité Adaptation posologie Principaux risques

carbonate de lithium Teralithe250 mg, 400 mg LP

débuter par 200 ou250 mg puis parpaliers

tremblements, prise de poids,confusion, hypothyroïdie

carbamazépine Tégrétol 200 mg, 200 mgLP, 400 mg LP

débuter à 200 mg en 2prises et augmentertous les 4 jours

vertiges, troubles cutanés,confusion, accidentshématologiques

dipropylacétamide Dépamide 300 mg débuter à 600 mg/j etadapter

confusion

valproate de sodium Dépakine chrono500 mg

débuter en 2 prises de250 mg et adapter

confusion

divalproate de sodium Dépakote 250 et 500 mg débuter en 2 prises de250 mg et adapter

nausées, somnolence

THÉRAPEUTIQUE ET TROUBLES DÉMENTIELS

Le traitement doit permettre un bien-être, le maintien à domicile, l'amélioration desfonctions intellectuelles, et une réduction du degré de dépendance sans induire desyndrome confusionnel.Les médicaments spécifiquement prescrits dans le contexte des démences ont étéabordés au chapitre les concernant (chapitre 9).

LES ANXIOLYTIQUES

L'anxiété est très fréquente dans la maladie d'Alzheimer. Elle nécessite un traitementen cas d'attaque de panique, d'agitation anxieuse ou de sidération.

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Psychotropes spécificités d'utilisation

• Les benzodiazépines ont une grande efficacité mais également des effets secondaires.La posologie ne doit pas excéder la moitié de la dose normale en préférant des produitsà demi-vie brève ou moyenne tels que l'oxazépam (Séresta) ou l'alprazolam (Xanax) surune courte durée avec une évaluation régulière.• Les antihistaminiques comme l'hydroxyzine (Atarax, de 1/2 cp à 25 jusqu'à 100 mg/j)peuvent également être prescrits en débutant toujours par des posologies faibles. Leméprobamate (Équanil) d'une bonne efficacité comporte des problèmes d'accoutu-mance et de toxicité cardiaque.

ç•••.

LES HYPNOTIQUES

Les troubles du sommeil sont fréquents dans les processus démentiels.• Des produits d'action rapide comme la zopiclone (lmovane) et le zolpidem (Stilnox)qui préservent l'architecture du sommeil sont à préférer.• Des neuroleptiques sédatifs vont pouvoir être prescrits sur une courte période en casd'échec des autres traitements.

LES ANTIDÉPRESSEURS

Les antidépresseurs sont utiles si une dépression se surajoute au trouble démentiel. Lerisque suicidaire n'est pas négligeable notamment en début de maladie. Les antidépres-seurs ayant le moins d'effets anticholinergiques doivent être prescrits.• Le choix peut s'orienter vers des antidépresseurs type ISRS qui ont moins d'effetssecondaires en dehors du syndrome sérotoninergique et des risques d'hyponatrémie :fluoxétine (Prozac), fluvoxamine (Floxyfral) et paroxétine (Déroxat).• Les inducteurs du recaptage de la sérotonine comme la tianeptine (Stablon) sont bientolérés et peuvent avoir un effet stimulant.• Les amines tertiaires comme la clomipramine (Anafranil) sont intéressants en cas derésistance à un traitement par ISRS et IRNS bien conduit.

LES NEUROLEPTIQUES

• Les états délirants peuvent survenir à tout moment de l'évolution d'une démence. Desthématiques de vol, de préjudice, d'intrusion, de jalousie, d'érotomanie ou d'hypocon-drie sont le plus souvent retrouvées. Les hallucinations visuelles sont plus fréquentesque les hallucinations auditives.Les neuroleptiques sont indiqués dans les états délirants aigus ou chroniques quigénèrent un handicap important. Des produits sont bien tolérés comme l'amisulpride(Solian), le tiapride (Tiapridal), des résultats positifs sont obtenus avec des antipsycho-tiques comme la rispéridone (Risperdal 0,5 à 6 mg/j) et l'olanzapine (Zyprexa 5 à15 mg/j).• Les cris et les déambulations sont souvent peu améliorés par les neuroleptiques. Despetites doses peuvent suffire à contrôler ces manifestations cliniques.

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Guide pratique de psychogériatrie

LES THYMORÉGULATEURS

Les déambulations, les fugues, les comportements agressifs pourraient être amélioréspar des thymorégulateurs (carbamazépine et valproate de sodium) surtout si lesneuroleptiques sont inefficaces.

RECOMMANDATIONS IMPORTANTES

Le médecin face à une personne, notamment âgée, doit toujours se poser la questiondu sens et de la fonction des symptômes présentés. En effet, ces troubles représententun mécanisme adaptatif permettant de diminuer des angoisses importantes.La prise en charge psychologique va consister à déchiffrer le langage que nous livre lapersonne âgée. Cette attitude permet le plus souvent de diminuer ou de se passer detraitement psychotrope et d'éviter des conduites plus agressives comme la prescriptiond'entraves.La prescription chez la personne âgée nécessite une approche globale somatique,psychique et environnementale. Elle doit tenir compte du diagnostic, des modificationsphysiologiques, des affections somatiques, de la polymédicamentation propre au sujetâgé.Toute ordonnance doit s'accompagner d'un suivi rapproché afin d'éviter toute iatrogénieet d'évaluer régulièrement le traitement prescrit.

Correction du cas clinique

1 — Il s'agit d'un syndrome dépressif sévère qui justifie la prescription d'untraitement antidépresseur.

2 — Je choisirais de lui prescrire de la mirtazapine (Norset) :• Le Norset est noradrénergique et sérotoninergique (NaSSA : Noradrenergic andSpecific Serotoninergic Antidepressant).• Il a une faible affinité pour les systèmes qui semblent responsables de la survenue denombreux effets secondaires (en particulier muscariniques, histaminergiques et adréner-giques).• Son action sédative justifie une prescription le soir.• Un de ses inconvénients est une prise de poids parfois importante.• Sa rapidité d'action est reconnue.

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23 I Sexualité et difficultésde couple

• Il ne faut pas mésestimer la vie sentimentale et conjugale des per-sonnes âgées.

• II faut savoir chercher une souffrance liée à des difficultés sexuelles.• Même dans le grand âge, des solutions thérapeutiques peuvent être

utilisées.• Beaucoup de couples âgés ont des problèmes relationnels.

CAS CLINIQUEGermaine P., 86 ans est hospitalisée pour un état d'agitation avec fugue du domicileaprès une violente dispute avec son époux. Mariés depuis 60 ans, les difficultésconjugales se seraient accentuées depuis 5 ans environ avec des crises clastiques deGermaine qui ne supporte plus le caractère autoritaire de son mari. Les disputes serépètent conduisant à l'hospitalisation de la patiente en psychogériatrie. L'entretien enprésence des deux conjoints révèle leur impossibilité à communiquer et l'importance desgriefs réciproques : « tu fais le ménage toute la journée, tu n'arrêtes jamais, tu tefatigues, on ne peut plus te parler, tu es devenue maladivement jalouse et tu m'accusesà tort de te tromper avec les voisines » lui dit l'époux.Et Germaine de répondre : « c'est bien toi qui fais la cuisine, tu me parles mal ; il fautbien que le travail soit fait ; tu es tout le temps après moi pour faire l'amour », et lui :« Mais tu sais bien que tu n'arrives plus à faire la cuisine, que tu n'as pas le permis deconduire, que tu oublies tout... ». Le MMS est à 25/30. Après trois semainesd'hospitalisation, l'époux appréhende toujours la sortie de Germaine

Questions d'auto-évaluation1 — Comment comprenez-vous cette situation ?2 — Quelle solution préconisez-vous?

Voir réponses en fin de chapitre.

LE COUPLE ÂGÉ

L'une des évolutions les plus marquantes du xxe siècle, avec l'augmentation de la duréede la vie, est très certainement l'allongement de la durée du couple qui a doublé en unpeu plus d'un siècle, passant de 20-30 ans à 40-60 ans.

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Guide pratique de psychogériatrie

Ce progrès médico-social n'est pas sans poser des questions ou susciter des difficultésen ce qui concerne cette longue période d'interaction des désirs, des valeurs et despersonnalités. C'est ainsi que certains couples prendront fin (divorce), d'autrestrouveront un équilibre dans l'éloignement (séparation), d'autres enfin inventeront le« couple longue durée » (dans le conflit ou dans l'harmonie).Une période de transition, souvent marquée par un événement personnel (ménopause),familial (statut grand-parental) ou social (retraite) introduit généralement une réflexiondans le couple et une orientation vers ces différentes attitudes.Les moments importants de la vie du couple auront ainsi une traduction ou unerépercussion sur la sexualité.Le passage à la retraite, libérateur pour les uns, est souvent inhibiteur du désir et de lasexualité si un des conjoints (ou les deux) avait organisé sa vie de relation en dehorsdu couple. Le désir absent et les difficultés relationnelles vont alors occasionner unconflit permanent ou une indifférence protectrice.L'hospitalisation ou la maison de retraite peuvent altérer profondément les relations ducouple qui ne retrouve plus ses habitudes intimes dans des lieux étrangers. Dans cessituations, la détresse affective et sexuelle peut être grande.C'est enfin avec le veuvage que l'on observe la mort du couple et le plus souvent l'arrêtde la sexualité pour le conjoint survivant. Chez les veuves de plus de 70 ans, seulement7 % d'entre elles auraient une vie sexuelle active.

DIFFÉRENTS COUPLES

Ainsi, le couple âgé poursuivra ou non une sexualité active, avec ou sans difficultésfonctionnelles. La clinique sexuelle peut retenir trois cadres essentiels :—les couples sans sexualité ;— les couples avec troubles sexuels ;—les couples sans trouble sexuel.

• Couple sans sexualité

Un peu plus d'un tiers des couples de plus de 50 ans n'a pas ou plus de sexualité. Cetteposition est souvent asymétrique, l'un des deux conjoints imposant à l'autre son non-désir. La frustration, le refoulement, la dépression peuvent en être les conséquences,mais aussi des déplacements pulsionnels vers les perversions et les abus sexuels.

• Couple avec troubles sexuels

Certains couples poursuivent une sexualité difficile en raison de dysfonctions sexuelles :impuissance, dysérection, dyspareunie, trouble du désir, anorgasmies qui reflètent soitl'évolution des valeurs personnelles et des choix de vie, soit la persistance de troublessexuels anciens, ou bien le résultat de pathologies liées à l'âge.La passion érotique cède souvent la place à un sentiment amoureux en retrait du corps.Le désir masculin, d'expression souvent plus physique, peut alors constituer uneviolence, acceptée ou mal vécue, dont il faut permettre la prise de conscience.

• Couple harmonieux

Le couple sans difficulté sexuelle prend conscience de ses valeurs. Il a évolué dansl'écoute et la conscience de l'autre, il communique et se remet en question. Il est en

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Sexualité et difficultés de couple

général à l'écoute de sa sensorialité, et conscient de l'évolution de ses comportements. Ilreprésente un modèle pédagogique pour les couples en difficulté.

LA SEXUALITÉ DES SUJETS ÂGÉS

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Pour évoquer la sexualité du sujet âgé, il faut surmonter l'inhibition qui pèse sur laconnaissance et la communication en matière de troubles sexuels.La connaissance des problèmes est faible, les préjugés sont grands, les études peunombreuses et leurs résultats mal connus. Peu de soignants sont motivés malgrél'importance de la demande potentielle. Les intéressés eux-mêmes, syntones avec leursdescendants, cachent leurs troubles. Il est vrai que beaucoup de sujets âgés ont baignédans une morale sexuelle très culpabilisante qui ne tolérait le plaisir que lorsqu'ils'inscrivait dans une finalité reproductrice, qui donc les excluait.Cependant, beaucoup des seniors d'aujourd'hui sont devenus consommateurs de loisirset ont enrichi leur vie intime. Certains tabous ont été levés et la sexualité est ainsi pluslibrement vécue.L'évolution de la sexualité avec l'âge fait interagir, de façon peut-être plus forte qu'avantla vieillesse, une dimension organique et des paramètres psychosociaux. L'équipementbiologique de même que l'histoire antérieure du sujet jouent un rôle important, mais ilssont influencés par les événements de la vie (maladies, perte du ou de la partenaire,conditions de vie).• La condition masculine, à la différence de la condition féminine, a cependant peuévolué : le sort de l'homme est toujours suspendu à ses performances érectiles. Lesprogrès de la condition féminine ajoutent même à ce fardeau celui des performanceséjaculatoires, puisqu'il faut aussi, aujourd'hui, durer assez longtemps pour donner duplaisir à la partenaire. Or, la physiologie masculine vient à l'appui des donnéesépidémiologiques en mettant en évidence, à partir de la cinquantaine, des modificationsprogressives du fonctionnement sexuel qui ne sont pas en faveur de la performance.• Pour les femmes, on sait combien la ménopause peut être libératrice, notammentde la contrainte contraceptive. On sait également combien elle modifie l'image decertaines femmes, dont la vie a été organisée autour de la maternité et du maternage,qui ne peuvent plus se vivre comme femmes. Le désir sexuel qui était lié à la capacitéfécondatrice disparaît et le couple doit se réorganiser dans cette nouvelle perspective.L'évolution de la condition féminine, mais aussi de la physiologie sexuelle de la femmeet de ses comportements, est très récente. En 1900, une femme de 50 ans était vieille ;de nos jours certaines femmes de 65 ans et plus sont actives et agréables à regarder.Il reste cependant difficile de parler de la vie sexuelle de la femme après 60 ans, carc'est parler de la sexualité d'une grand-mère et cela dérange autant la femme que lemédecin. De ce fait, la sexualité de la femme âgée est méconnue et ses troubles peutraités.Toutefois, de plus en plus de femmes de 60 à 80 ans consultent et demandent del'aide. Le discours de la consultante âgée commence le plus souvent par une excuse dutype : « à mon âge vous allez trouver cela ridicule... », car cette femme a commencésa vie sexuelle il y a 50 ans. Elle a reçu au départ le lourd handicap de l'absenced'éducation sexuelle et des préjugés habituels de l'époque : la sexualité doit sepratiquer dans le noir, sans fantaisie, dans le mariage, si possible pour faire des enfantset pour le plaisir de l'homme. Sa jeunesse sexuelle a été entravée par la guerre,

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Guide pratique de psychogériatrie

l'absence de contraception et la peur des grossesses, l'angoisse des maladiesvénériennes, l'inconvenance du plaisir, l'idée que la frigidité était la norme.Mais les femmes âgées bénéficient aussi de la libéralisation actuelle des pratiquessexuelles et de l'information sur la sexualité qui ont transformé la condition des plusjeunes. Elles sont plus libres que dans leur jeunesse, en particulier quant à lamasturbation et l'homosexualité (15 % des pratiques homosexuelles débuteraient après65 ans), qui leur permettent de pallier, soit leur insatisfaction dans leurs relations avecles hommes, soit la perte ou la défaillance de leur partenaire avec l'âge.Il existe aussi, lié à la condition féminine, un retentissement spécifique sur la sexualitéde certaines pathologies locales relativement fréquentes (incontinence urinaire, ptosegénitale et leur chirurgie ; sécheresse vulvo-vaginale ; cancers mammaires et génitauxet leur chirurgie).Si la femme a eu une sexualité satisfaisante, si son désir persiste, si elle maintient unebonne hygiène corporelle, si elle sait s'aider de moyens adéquats, sa vie sexuelle resteraexcellente quel que soit son âge.

SEXUALITÉ DU TROISIÈME ÂGE

Le désir sexuel n'a pas d'âge. Des liens indissociables existent entre le statut émotionnelet la sexualité.• La fréquence des activités sexuelles et l'intérêt sexuel en général sont essentiellementcorrélés à leurs valeurs antérieures au vieillissement, sauf pour ce qui est du rapportsexuel, limité par les contingences de santé et de partenaires disponibles.• Les problèmes sexuels sont clairement et fortement liés aux problèmes de santégénérale. Les sujets qui rapportent un état de santé passable ou mauvais ont une plusgrande probabilité de rapporter aussi un problème sexuel. Toutefois l'état de santéretentit nettement plus sur la sexualité des hommes.• Les activités sexuelles des personnes âgées sont surtout de se toucher et de secaresser, sans pénétration ; elles se masturbent et l'activité la moins fréquente est lerapport sexuel. Cette dernière peut être limitée par le manque de partenaire. L'intérêtsexuel persiste donc, y compris dans le grand âge, chez les gens en bonne santé.La pratique des rapports sexuels dépend toutefois, en plus des modificationsindividuelles liées à l'âge, de la disponibilité d'un ou d'une partenaire, aléatoire par lamauvaise santé, la mortalité et les conditions de vie.• En maison de retraite, la sexualité persiste ainsi que l'importance de l'intimité — ycompris, mais pas seulement, sexuelle — pour leur qualité de vie.L'indifférence sexuelle de nombreux patients atteints de maladie d'Alzheimer est unobstacle souvent impossible à surmonter.

CE QUI SE PASSE CHEZ L'HOMME ÂGÉ

ASPECTS PHYSIOLOGIQUES

• Les modifications anatomiques liées à l'âge sont assez limitées. Il est possibled'observer une transformation des corps caverneux et spongieux qui, avec la perte desouplesse des vaisseaux qui les irriguent, peut entraîner des difficultés d'érection.• Bien que la fertilité persiste jusqu'à un âge avancé, la sécrétion d'androgènestesticulaires décroît progressivement au fil des années pour atteindre à 75 ans un taux

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Sexualité et difficultés de couple

de testostérone plasmatique qui représente seulement 60 % du taux moyen à 25 ans.La chute du taux de la testostérone biodisponible tombe même à 40 %.On note aussi une « somatopause » marquée par une chute significative de l'hormonede croissance, une baisse de la sécrétion des androgènes surrénaliens et une résistancepartielle à l'insuline.• La ménopause masculine » est devenue, au cours des dernières années, l'objet dedébats car, bien que l'homme ne note pas d'événements aussi objectifs que la femme,il éprouve autour de la cinquantaine un déclin dans ses capacités sexuelles, physiqueset comportementales.Des manifestations de nervosité, une tendance dépressive, des « pertes de mémoire »,une fatigabilité, de l'insomnie, des bouffées de chaleur et des dysfonctions sexuellescomposent, de façon variable, le tableau clinique. Ces modifications liées à l'âge,parallèlement au déclin des taux de testostérone, posent le problème de savoir s'ilexiste une relation entre cette déficience androgénique et les manifestationscliniques observables.Les cellules de Leydig du testicule sont responsables de la sécrétion de testostérone,sous contrôle hypothalamo-hypophysaire. La testostérone est métabolisée en deuxprincipaux métabolites actifs : la dihydrotestostérone et l'estradiol. Les hormonessexuelles circulent dans le sang sous forme libre (1 à 3 %) et sous forme liée auxprotéines (pour 60 % à une bêtaglobuline et pour 38 % à l'albumine). Des donnéesrécentes suggèrent que la fraction active des androgènes comprend la testostérone libreet celle qui est liée à l'albumine.

MODIFICATIONS DES RELATIONS SEXUELLES

Dans le déroulement des réactions sexuelles, l'érection est plus lente à s'établir et plusfragile aux stimuli défavorables.Si la phase en plateau peut être plus longue, l'éjaculation est un peu moins sthéniqueet l'orgasme moins fort. Le besoin d'éjaculer est beaucoup moins pressant, surtout chezl'homme très âgé, ce qui permettrait éventuellement de pallier la nette augmentationde la phase réfractaire (en remettant son éjaculation à la prochaine fois). L'orgasmereste de même qualité avec l'âge, mais la période réfractaire augmente.Aucune de ces modifications physiologiques liées à l'âge n'est de nature à compromet-tre la sexualité d'un homme, à condition qu'il les sache normales et qu'il y adapte sesattentes et son comportement, comme il le fait en général avec l'âge pour toutes sesautres activités.Sinon, la crainte de l'impuissance qui est au centre de la condition masculine, ou plusbanalement la croyance répandue en la disparition de la puissance sexuelle avec l'âgeva lui faire interpréter ces changements physiologiques, surtout ceux qui concernentl'érection, comme les premiers signes de cette impuissance. D'où l'installation d'uneanxiété de performance qui a bien des chances de provoquer une dysfonction érectiledurable.La fragilité du fonctionnement sexuel masculin rend probablement compte de la liaisonplus forte chez l'homme que chez la femme de la sexualité et de l'état de santé.Les hommes âgés semblent aussi plus fragiles affectivement que les femmes, et leveuvage est pour eux une période très critique, avec un risque de suicide important lespremiers mois. Cependant, par la suite les survivants tirent bénéfice de la plus longuedurée de vie des femmes et donc du grand nombre de partenaires disponibles pour lareprise des échanges affectifs et sexuels.Entre les hommes de la trentaine et ceux de 90 ans, l'intérêt sexuel diminue de moitié,la fréquence des rapports passe de une fois par semaine à une fois par an en moyenne,

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Guide pratique de psychogériatrie

et la fréquence, la rigidité et la duréediminuées.Près de la moitié des hommes entre 60fréquence de la masturbation augmentediminue.

des érections sont très significativement

et 70 ans se masturbe régulièrement. Laavec l'âge tandis que celle des rapports

CE QUI SE PASSE CHEZ LA FEMME ÂGÉE

ASPECTS PHYSIOLOGIQUES

• Les modifications des organes sexuels sont directement liées à la carence hormonaleconsécutive à la ménopause (effondrement des estrogènes mais aussi élévation deshormones hypophysaires responsable d'une modification des réactions sexuelles).La vasocongestion globale du sein traduisant l'excitation physique, plus visible chez lafemme jeune, persiste après 60 ans. La ptose physiologique et la réduction du tissuglandulaire sont constantes mais certaines femmes présentent un thélotisme visible enphase post-orgasmique.Le rosissement de la peau persiste, peu visible après 60 ans.La tension musculaire pré-orgasmique du corps et de la région périnéale diminue, defaçon toutefois dépendante de la condition physique. Chez une femme sportive, quientretient sa « forme », il n'existe pas de modification notable.La vulve se modifie. Dans la mesure où grandes et petites lèvres subissent une légèrefonte, le clitoris est souvent plus saillant. La réponse clitoridienne orgasmique est,quant à elle, inchangée. Lors de l'excitation et de l'orgasme, le changement decoloration est atténué et le signe pathognomonique de l'imminence orgasmique, àsavoir la coloration rouge bordeaux des petites lèvres, se raréfie.Le vagin involue avec une diminution de l'élasticité des parois et un rétrécissementglobal. Si la femme « n'utilise pas » cet espace, un raccourcissement, voire de vraiscloisonnements, peuvent survenir et empêcher toute pénétration. Toutefois, si lapratique sexuelle est régulière, les parois vaginales sont moins amincies. La lubrificationest liée à l'excitation psychologique de la femme. Si elle apparaît en 10 à 30 secondeschez la femme jeune, 3 à 6 minutes sont nécessaires après 60 ans. Mais des réponseslubrificatoires rapides ont pu être observées chez la femme de 70 ans.Enfin, le corps utérin involue et son élévation au cours de l'orgasme peut parfoisentraîner des douleurs.Toutes ces modifications physiologiques ne font que ralentir et réduire la réponsesexuelle, mais ne l'empêchent pas.• La ménopause peut aussi infliger une blessure narcissique qu'il va falloir négocieravec le risque d'un renoncement à la sexualité. Elle doit faire face à son changementde silhouette qui peut entraîner une dévalorisation où le rôle du partenaire estdéterminant par son propre vécu du vieillissement : supporté, assumé, il aidera sacompagne à accepter de même ; terrorisé, révolté, il aura tendance à renvoyer à sapartenaire une image négative d'elle-même qui peut mettre en péril sa sexualité.

MODIFICATIONS DES RELATIONS SEXUELLES

• L'évolution de la libido avec la ménopause est différente d'une femme à l'autre :— délivrée de toute fonction reproductive, elle peut oser une sexualité récréative ;— peu encline ou peu satisfaite antérieurement, elle peut renoncer à la sexualité ;

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Sexualité et difficultés de couple

—bien équilibrée antérieurement, elle peut maintenir une sexualité continue, en pentedouce par rapport à l'âge.• La sexualité s'améliorerait d'ailleurs plutôt avec l'âge à partir de la cinquantaine, avecune diminution des dyspareunies, des plaintes d'absence de plaisir, de l'incapacitéorgasmique et de l'anxiété de performance.• Seul le manque d'intérêt pour le sexe et les difficultés de lubrification augmentent.Il arrive alors que certaines femmes souffrent de vaginisme après la ménopause. Si letrouble préexistait, l'origine psychologique est plus vraisemblable.Les femmes ayant un (ou plusieurs) partenaires déclarent un manque de lubrification,un manque d'intérêt, des orgasmes trop peu fréquents mais aussi des difficultésérectiles chez le partenaire.

Menaces pour les relations sexuelles• Carences hormonales• Troubles physiques (douleurs, poids, coeur, fatigue)• Difficultés érectiles (entraînant doute et destabilisation)• Pensées négatives (morale rigide, pessimisme, anxiété, dépression)• Problèmes de couple• Mésentente physique antérieure

TROUBLES SEXUELS

Avec l'âge, on assiste à une diminution globale de l'activité sexuelle.

CHEZ L'HOMME

Les troubles sexuels augmentent avec l'âge, nettement à partir de la cinquantaine. Cesont des troubles de l'érection, un manque d'intérêt pour le sexe et une éjaculationprématurée. S'ils sont antérieurs, ils ne s'améliorent pas avec l'âge.Un tiers des hommes âgés est impuissant.Les hommes ayant une (ou plusieurs) partenaires déclarent présenter occasionnelle-ment ou souvent une anxiété de performance, une incapacité à atteindre ou à maintenirl'érection, une anorgasmie, mais aussi des problèmes chez la partenaire (des douleursou une lubrification insuffisante).• Différents facteurs peuvent gêner la vie sexuelle de l'homme et en particulierl'érection et le plaisir ressenti :— l'hypertrophie prostatique, le tabac, l'alcool, l'hypertension artérielle, le diabète, lestroubles lipidiques, l'abstinence, l'ennui, les tensions, les soucis quotidiens et ladépression ;— il existe aussi des impuissances d'origine médicamenteuse ; certaines classesthérapeutiques sont régulièrement mises en cause : psychotropes, diurétiques, bêtablo-queurs, antiandrogènes ;— toutes les interventions portant sur les organes du petit bassin, en particulier dansle traitement des cancers, mettent en danger le fonctionnement sexuel par lesmutilations internes qu'elles peuvent entraîner ;—enfin, certaines autres maladies peuvent entraîner des troubles de l'érection : artéritedes membres inférieurs, sclérose en plaques, insuffisance rénale dialysée...

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Guide pratique de psychogériatrie

CHEZ LA FEMME

• Le principal trouble est la frigidité (anorgasmie), mais elle est en général ancienne.

• Les dyspareunies et le vaginisme sont plus fréquents à cet âge. Liés à la peur de lapénétration sexuelle dans le jeune âge, il peut se pérenniser. D'apparition tardive, il fautlui rechercher des raisons physiologiques (mauvaise lubrification).• Une autre épreuve difficile est de faire face aux troubles de l'érection du conjoint.Chaque femme réagit en fonction de sa personnalité et de la qualité antérieure desrelations dans le couple. On peut retenir cinq typologies :- la femme fautive, qui a perdu confiance avec la ménopause et qui s'estime coupablede la panne de son compagnon car moins attrayante et moins capable de lui donner duplaisir ;- la femme encourageante qui rassure en mettant la panne sur le compte de la fatigue,du stress et qui banalise ;- la femme inquiète qui pense que son compagnon la trompe ou va la tromper pourvérifier sa virilité ;- la femme blessée qui vit la panne comme une agression, une frustration, unehumiliation ;- la femme résignée volontaire ou non qui accepte la panne et se désengage doucementde la sexualité sans blesser son partenaire ou qui se console avec un autre.

DIAGNOSTIC DES TROUBLES SEXUELS

Il n'est possible qu'après avoir gagné la confiance du sujet. Il n'est possible que si lesujet est abordé. Il faut savoir entendre les formulations détournées.

• Au cours de l'entretien, il faut :- connaître précisément les plaintes sexuelles (beaucoup de sujets confondentéjaculation précoce et impuissance...) ; les troubles doivent donc être bien décrits, lesujet âgé devant souvent être aidé par un questionnement patient, chaleureux etrespectueux ;- évaluer la participation psychologique aux troubles ;- dépister les symptômes de maladie organique ;- être attentif aux médicaments consommés ;- s'enquérir des conditions de vie, de la disponibilité et de la santé du partenaire.On peut s'aider de questionnaires gradués. Les attitudes et les réactions de l'entouragesont également à prendre en considération.

• Des examens complémentaires sont souvent nécessaires en fonctiondu contexte :

un bilan métabolique général ;- un bilan hormonal ;- une exploration de la vascularisation de la verge (examen Doppler) ;- une exploration des voies de conduction nerveuse des organes sexuels ;- une exploration urologique, notamment prostatique ;- une investigation cardio-vasculaire.

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Sexualité et difficultés de couple

TRAITEMENTS

Le traitement des troubles sexuels des personnes âgées implique d'abord que celles-cisoient informées du fait qu'il est possible de consulter pour ce motif. La questiond'éventuels troubles sexuels devrait donc être abordée à l'occasion d'une consultationmédicale, à titre d'information. Plus tôt le problème est pris, meilleur sera le résultat.Après entretien et bilan clinique complet, il est possible d'orienter l'intéressé ou lecouple vers un spécialiste : urologue, sexologue, endocrinologue, psychothérapeute enfonction de ce qui a été décelé. Le soutien psychologique est souvent le plus indiqué.Mais il faut avant tout bien apprécier les souhaits réels du sujet et/ou de son partenaire,compte tenu des données recueillies précédemment et de l'évolution de la sexualitéavec l'âge.

• Les points spécifiques du traitement des troubles sexuels chez lespersonnes âgées sont :—l'information sur les modifications sexuelles liées à l'âge ;— l'importance des traitements physiques et des suppléances hormonales ;— l'attention portée aux problèmes de trophicité et de lubrification génitale chez lafemme ;— l'utilisation, plus large que chez les plus jeunes, de traitements physiques des troublesérectiles chez l'homme.

CHEZ L'HOMME

• Administration d'androgènesElle peut être indiquée si le taux de testostérone est bas. 25 % des hommes de plus60 ans seraient théoriquement candidats à une supplémentation androgénique du faitd'un taux infranormal de testostérone.Elle peut entraîner une rétention hydrique, l'aggravation d'une hypertension et uneinsuffisance cardiaque. Le risque d'incidents respiratoires liés au sommeil peut êtreaccru.L'action sur le comportement et sur l'humeur est responsable d'agressivité, aux dosessupraphysiologiques.Des paramètres de l'humeur, tels l'énergie et la sensation de bien-être, sont amélioréschez les hypogonadiques.Quant aux effets sur la prostate, les plus récentes études suggèrent que le traitementandrogénique ne crée pas de risque majeur d'induire une hypertrophie ou un cancer dela prostate.Des données récentes ont aussi conforté l'hypothèse que les androgènes ont un effetfavorable sur le comportement sexuel : amélioration du désir, augmentation de larigidité des érections nocturnes.Chez l'hypogonadique, il y a augmentation du nombre des érections nocturnes, maispas de la réponse à la stimulation visuelle, ce qui suggère qu'elle serait androgéno-indépendante.Il a aussi été récemment démontré une action directe des androgènes sur le tissuérectile, avec un rôle dans la modulation de production d'oxyde nitrique dans le corpscaverneux.Il existe trois présentations des préparations de testostérone « libidinales » :

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Guide pratique de psychosériatrie

— une forme orale (Pantestone), parfois hépatoxique, et dont le faible niveauplasmatique diminue l'intérêt ;— une forme injectable (Androtardyl, Testostérone Théramex) peu coûteuse et la plusutilisée, mais donnant des niveaux plasmatiques non physiologiques ;— une forme transdermique (Andractim) qui procure un bon taux sanguin et une bonneréponse clinique, mais qui est plus contraignante.La supplémentation en androgènes ne suffit cependant pas à améliorer les méfaits duvieillissement. Elle doit être mise en balance avec certains risques connus cardio-vasculaires et surtout prostatiques (cancer), en surveillant régulièrement le taux de PSA,car, s'il ne semble pas prouvé que l'on puisse induire un cancer, on peut faire évoluerune tumeur méconnue.

• Traitement des troubles de l'érectionIl repose actuellement sur cinq techniques : les médicaments, les mini-injectionsintracaverneuses, la chirurgie, les pompes à vide et le soutien psychologique.

Les médicamentsL'arrivée du Viagra en France en 1998 constitue un tournant dans le traitementmédicamenteux par voie orale de l'impuissance érectile.Le Viagra est un inhibiteur sélectif d'une enzyme qui entraîne la destruction du GMPcyclique nécessaire au relâchement des fibres musculaires lisses des corps caverneux.Il agit au niveau local ne générant pas d'excitation sexuelle, ni de stimulation de lalibido.Ce médicament est disponible sous trois posologies différentes : 25, 50 et 100 mg etest dose-dépendant (plus la dose est élevée, plus l'efficacité et les effets secondairescroissent).La posologie standard est de 50 mg, l'efficacité est maximale au bout de trente minutesà une heure. La dose nécessaire chez la personne âgée est habituellement de 40 %inférieure par rapport à l'adulte jeune ; il faut donc débuter par de faibles doses de 1/2 à 1 cp de 25 mg. Il n'est pas conseillé d'absorber plus d'une dose de Viagra par jourétant donné sa longue demi-vie et le fait que l'avancée en âge entraîne un allongementde l'élimination du produit.Les bons répondeurs à ce type de traitement sont les hommes qui présentent uneimpuissance d'origine psychologique. D'autres bons répondeurs sont les impuissantsd'origine mixte, psychologique et organique (hypertension, tabagisme, surchargepondérale, sédentarité), les personnes ayant subi une intervention sur le petit bassin etcertains paraplégiques et victimes de maladies neurologiques.Moins bons répondeurs sont les diabétiques, les hypertendus présentant des lésionsartérielles.La prescription ne se fait qu'après un examen médical et notamment cardio-vasculaire.La prescription de Viagra est contre-indiquée notamment avec des produits contenantdes dérivés nitrés et des donneurs de monoxyde d'azote. Le Viagra est aussi contre-indiqué chez les personnes pour lesquelles l'activité sexuelle est déconseillée, chezl'insuffisant hépatique, l'hypotendu, chez le sujet ayant eu un accident vasculairecérébral ou un infarctus du myocarde récent et chez les patients ayant unehypersensibilité antérieure au Viagra.Deux autres produits ont été commercialisés en 2003 avec les mêmes indicationsCialis et Levitra.

Devant la présence d'une femme de plus en plus entreprenante, l'homme âgé a parfoisrecours à des substances qui auraient des effets stimulants cérébraux : les aphrodisia-

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Sexualité et difficultés de couple

ques. Il semble que ces produits agissent également par l'effet de suggestibilité qu'onveut bien leur accorder. Différentes substances ont fait l'objet d'études après descentaines de dilution sans qu'il reste de principe actif. Le ginseng est le produit dopantvraisemblablement le plus utilisé dans le monde et il en existe de nombreusespréparations contrôlées en France.

Les injections intracaverneusesElles consistent à injecter dans le corps caverneux un produit vaso-actif (prostaglandi-nes El : papavérine et alprostadil ; alphabloquants : moxisylyte). L'indication est cellede la contre-indication ou de l'absence d'effet du Viagra.

La pompe à videElle consiste à faire affluer dans les corps caverneux du sang par une dépression et àéviter la fuite veineuse en plaçant à la base de la verge un anneau élastique.

Les traitements chirurgicauxIls concernent l'implantation de prothèses ainsi que la chirurgie vasculaire. Lesprothèses péniennes sont des cylindres introduits dans les corps caverneux. La chirurgievasculaire est proposée dans de rares cas et a pour but d'augmenter le débit artériel oude freiner la fuite veineuse.

Le soutien psychologiqueVoir ci-dessous : le traitement du couple.Les films X ont également une excellente composante aphrodisiaque efficace sur lastimulation de la sexualité pour de nombreux couples.

CHEZ LA FEMME

Notons qu'à la différence de ce qui existe chez l'homme, où la supplémentationandrogénique est ouvertement indiquée pour une amélioration du fonctionnementsexuel, chez la femme, on invoque comme arguments pour le traitement hormonal dela ménopause essentiellement la prévention de l'ostéoporose et plus récemment cellede la démence dégénérative, en laissant au second plan les améliorations trophiquesgénérales et génitales qui contribuent à préserver la bonne qualité de la fonctionsexuelle.Ce traitement hormonal de substitution semble pourtant devenu pertinent.

POUR LE COUPLE

Il s'agit alors d'une prise en charge spécialisée par un thérapeute rompu à la thérapiede couple et familiale.Il est nécessaire que les deux protagonistes y soient favorables, motivés et disposent dequalités suffisantes d'introspection. Les séances auront pour objectif de guider l'un etl'autre vers des explications biographiques aux acrimonies qui devront être mises à plat.Le thérapeute a pour mission de décortiquer les points d'ancrage négatifs et de trouverles valeurs communes, parfois anciennes et oubliées qui pourront être réanimées.

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Guide pratique de psychogériathe

CONCLUSION

Si la sexualité du sujet âgé est peu ou mal connue, il faut se rappeler que la fréquenceet la qualité des rapports sexuels semblent diminuer avec l'âge dans le même temps oùs'installent des troubles sexuels, limitant l'expression libre de la sexualité.Les maladies, quelles qu'elles soient, dont la fréquence augmente avec l'âge, interfèrentencore sur ce comportement essentiel auquel les humains attachent tant de valeursymbolique. L'accès à des traitements efficaces, capables d'améliorer grandement laqualité de vie des sujets âgés, est limité par des préjugés tenaces.Pour cette raison, tout médecin doit être très attentif aux plaintes sexuelles, à la valeurqu'elles revêtent, et il doit rompre le silence qui les entoure.La restauration de la fonction sexuelle, le réveil d'une dimension érotique, sontcertainement des prérogatives médicales encore inhabituelles, mais essentielles pour lebien-être de l'homme, de la femme et du couple âgés.

Correction du cas clinique

1 — Cette situation peut s'expliquer par :• le fait que Germaine ne supporte plus sa dépendance à son mari• l'aggravation récente de cette dépendance comme en témoigne une perturbation desactivités de la vie quotidienne• l'installation progressive de troubles cognitifs se traduisant par des troublespsychocomportementaux : troubles du caractère, idées délirantes de jalousie renvoyantpeut être à une dépression pseudo-démentielle, voire à une entrée dans la démence• - l'impossibilité d'une sexualité conjugale harmonieuse.

2 — Quelle solution préconisez-vous ?• psychothérapie de couple systémique• traitement antidépresseur pour Germaine• bilan cognitif approfondi pour éliminer une démence débutante.

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241 Le sommeil

• Le sommeil est un motif fréquent de consultation.• Beaucoup de personnes âgées ont besoin d'informations sur le som-

meil.• Le sommeil se modifie avec le vieillissement.• Une plainte concernant le sommeil ne correspond pas toujours à un

trouble du sommeil.

CAS CLINIQUELouis M., 80 ans se plaint d'insomnie depuis 6 mois se traduisant par une difficultéd'endormissement, des éveils nocturnes, un réveil matinal précoce et des somnolencesdiurnes. Il a une surcharge pondérale et est soigné pour une hypertension artérielle etune hypercholestérolémie. L'humeur est triste avec des idées noires sans idée suicidaireet on note une perte de l'élan vital.

Questions d'auto-évaluation1 — Quels sont vos hypothèses diagnostiques et votre bilan spécifique ?2 — Quelles mesures préconisez-vous?

Voir réponses en fin de chapitre.

GÉNÉRALITÉS

Le sommeil est un état physiologique périodique caractérisé par un relâchement de laconscience, un ralentissement du débit respiratoire et circulatoire, une diminution dutonus musculaire et une production de rêves.Il repose sur un équilibre physiologique, psychologique et social.Un sommeil de bonne qualité se définit par :—une durée d'endormissement inférieure à 60 minutes ;— un nombre d'éveils nocturnes inférieur à deux, avec rendormissement en moins de30 minutes ;— un éveil matinal avec sensation d'être reposé.Le sommeil est une des fonctions qui évoluent le plus précocement avec l'avancée enâge. Le vieillissement va progressivement destructurer l'enchaînement des cycles dusommeil.Les besoins de sommeil varient peu avec l'âge. La durée totale du sommeil sur les24 heures reste inchangée (temps total de sommeil, TTS). Si la nuit est plus courte, ledéficit de sommeil est compensé par la sieste. Le sommeil redevient polyphasique. Une

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Guide pratique de psychogériatrie

personne sur deux après 60 ans en a une pratique quotidienne. D'une durée nedépassant pas 20 à 30 minutes, la sieste est hautement réparatrice.La capacité à rester endormi diminue avec l'âge, obligeant à passer plus de temps aulit couché pour obtenir le même temps de sommeil.Le sommeil du sujet âgé est plus fragmenté. Les périodes d'éveil partiel se multiplient,s'allongent et sont conscientisées (éveils et micro-éveils). Certains sujets âgés ont alorsla sensation d'avoir mal dormi.Le sommeil se scinde en différentes étapes : la somnolence, le stade 1 d'endormisse-ment, le stade 2 de sommeil lent léger, le stade 3 de sommeil lent moyen, le stade 4de sommeil lent profond et le sommeil paradoxal. Les stades 1 à 4 correspondent ausommeil lent. Une nuit correspond à 3 à 5 cycles de 90 à 120 minutes chacun,comprenant le sommeil lent suivi du sommeil paradoxal (période principale des rêves).Chez la personne âgée, il existe une diminution des stades 3, 4 et du sommeilparadoxal.Avec cette diminution du sommeil lent profond, le sujet âgé est réveillé au moindrebruit, au mouvement du partenaire, ainsi qu'au moindre signal vésical.Beaucoup de sujets âgés ont tendance à se coucher et à se réveiller plus tôt.Avec l'âge, la récupération d'une nuit écourtée est plus difficile (pouvoir de récupérationdiminué).Mais, il existe bien évidemment d'importantes différences individuelles.De nombreuses pathologies liées à l'âge perturbent le sommeil.La vieillesse peut représenter pour certaines personnes âgées une crise existentielle quipeut se traduire par un désinvestissement qui retentit sur le sommeil.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les difficultés à dormir dans la seconde moitié de la vie sont réelles, mais elles ne sontpas inéluctables. Elles augmentent avec le vieillissement.Après 65 ans, plus de 50 % des personnes sont insatisfaites de leur nuit et 25 %souffrent d'insomnie chronique. Mais plus qu'une augmentation réelle du nombre desujets souffrant d'insomnies, on observe chez les personnes âgées une aggravation destroubles ayant préexisté antérieurement.La moitié des somnifères consommés en France le sont par des personnes âgées deplus de 65 ans.

EXAMEN DU SOMMEIL

L'insomnie est un symptôme qui nécessite la recherche de causes, mais c'est aussi uneplainte qui nécessite la recherche de sens.L'entretien avec la personne âgée souffrant de troubles du sommeil cherche à évaluerla quantité et la qualité du sommeil :• quantité : heure d'endormissement et de réveil, durée du sommeil, nombre et duréedes éveils ;• qualité : valeur du sommeil, facilité à s'endormir et à se réveiller, existence ou nonde rêves.• L'entretien doit préciser l'hygiène de vie du patient en notant la prise d'excitants(café, thé, tabac, corticoïdes, hormones thyroïdiennes, psychotropes psycho-stimu-lants), de somnifères, l'existence d'une activité physique, la pratique de la sieste avecsa durée, et la notion de somnolence diurne.

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Le sommeil

• Un agenda de sommeil peut être utilisé pour évaluer la qualité du rythme veille-sommeil. Son objectif est de donner une vue synoptique des principales caractéristiquesd'horaires et de durées du sommeil.

TABLEAUX CLINIQUES DES TROUBLES DU SOMMEIL

DYSSOMNIES

Elles correspondent à une perturbation de la quantité et/ou de la qualité du sommeil etcomprennent les insomnies, les hypersomnies et les troubles du rythme veille-sommeil.Avec le vieillissement, les réveils précoces (milieu de nuit ou petit matin) sont plusfréquents que les difficultés d'endormissement. Dans les deux cas, le patient estinsatisfait de son sommeil. La fragmentation du sommeil nocturne liée aux modifica-tions chronobiologiques du vieillissement, avec ses éveils fréquents et prolongés, estparticulièrement mal vécue par certains sujets âgés et est à l'origine d'une fortedemande thérapeutique.Il faut alors apprécier le caractère occasionnel ou chronique de ces troubles.

INSOMNIES OCCASIONNELLES OU DE COURTE DURÉE

Cela correspond à quelques nuits et moins de trois semaines. Elles sont généralementréactionnelles à un événement ou une situation identifiable.Elles se corrigent spontanément après arrêt ou atténuation de la cause. Elles peuventjustifier un traitement hypnotique à faible posologie pendant un temps limité.

• Affections médicales

Il faut rechercher certaines causes physiques, une pathologie organique et une origineiatrogène :- problèmes vésico-sphinctériens (hypertrophie de la prostate, cystite...) ;- reflux gastro-oesophagien (hernie hiatale) ;- diabète de la maturité (hypersudation nocturne, hypoglycémie iatrogène...) ;- affections douloureuses (ulcère, angine de poitrine, rhumatismes, arthrose...) ;- troubles cardio-respiratoires (insuffisance cardiaque droite, asthme, bronchitechronique...) ;- prise de produits stimulants.

Médicaments responsables d'insomnie

• Théophylline• Corticoïdes• Bêtabloquants• Antiparkinsoniens• Diurétiques• Antiépileptiques• Vitamine C

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Guide pratique de psychogériatrie

• Affections psychiatriques

- Il faut rechercher un syndrome dépressif souvent masqué avec un réveil précoce. Ladépression entretient des liens étroits avec les difficultés de sommeil. Les personnesâgées dépressives souffrent plus de troubles du sommeil que les dépressifs plus jeunes.Il s'agit d'une discontinuité du sommeil avec des éveils nocturnes et un réveil matinalprécoce angoissé.—L'anxiété généralisée ainsi que le trouble panique, les phobies, les troublesobsessionnels compulsifs, entraînent une dyssomnie caractérisée par des difficultés àl'endormissement et en milieu de nuit. Elle évolue souvent vers une fragmentation dusommeil.—La pathologie post-traumatique du sujet âgé se caractérise par des rêves ou descauchemars traumatiques qui entraînent un réveil dans un contexte d'angoisse mêlé àdes sentiments de rage et d'impuissance ; les perturbations du sommeil sontconstantes. L'insomnie suit le réveil où le sujet est repris par ses ruminations et sescraintes. Ces manifestations s'accompagnent de sueurs dans ce contexte d'agitationdésordonnée, de peurs voire de cris.—Un trouble démentiel débutant peut s'exprimer par une perturbation du sommeiltrouble de l'endormissement, agitation nocturne et somnolence diurne. Les plaintessont peu fréquentes. À un stade avancé, il existe une inversion du rythme veille/sommeilet l'agitation nocturne (souvent sous forme de déambulations) peut devenir intolérablepour l'entourage. Dans la maladie d'Alzheimer, le stade paradoxal est conservé alorsqu'il existe une dédifférenciation touchant le sommeil lent (stade 1 à 4).— Les états confusionnels s'accompagnent également de perturbations du rythme veille/sommeil auxquelles s'ajoutent une altération de la conscience et de l'attention et desfonctions cognitives, des troubles psychomoteurs (hypo ou hyperactivité, allongementdu temps de réaction, exagération de la réaction de sursaut) et émotionnels (symptômesdépressifs et anxieux, irritabilité et apathie). Le sommeil est qualifié de turbulent.• Dans le cadre de l'addiction alcoolique, les troubles se retrouvent en dernière partiede nuit ; le sommeil est en effet perturbé par le nombre et la durée des éveils. Lesevrage modifie également le sommeil.• Mais chez le sujet âgé qui se plaint de son sommeil, il ne faut pas oublier derechercher des changements des habitudes de vie : inactivité, sédentarité à la retraite,pratique abusive de la sieste, ennui, emploi du temps décousu, coucher comme lespoules, sommeil devant la télévision...

INSOMNIES CHRONIQUES

• Elles sont relativement rares et peu décrites, car banalisées (« c'est normal avec l'âge »)ou non recherchées. Un bilan complet doit parfois être réalisé en hospitalisation.• Elles apparaissent parfois tardivement (à partir de 60 ans, voire au-delà) ; le cliniciendoit mener la même démarche clinique que devant une insomnie récente.• Lors de l'entretien, il est parfois possible de découvrir que ce trouble évolue depuisplusieurs années (bien avant 60 ans par exemple). Cette insomnie chronique peutéventuellement s'intégrer sur une personnalité hyperthymique ayant besoin de 3 à4 heures de sommeil par nuit.

HYPERSOMNIES

Elles correspondent à une somnolence excessive et comprennent différentes entités.

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Le sommeil

• Origine psychologiqueL'hypersomnie d'origine psychologique est observable lors d'une décompensationnévrotique et lors de certaines dépressions.Elle peut aussi être liée à certaines personnalités enclines à la clinophilie : passives,dépendantes, psychasthéniques, évitantes, hystériques.On peut aussi l'observer dans le trouble obsessionnel.

• Syndrome d'apnées du sommeilL'apnée du sommeil se définit par une interruption du flux aérien respiratoire perdurantdix secondes ou plus au cours du sommeil.Des apnées du sommeil sont retrouvées chez au moins un tiers des personnes âgées.Ces perturbations peuvent débuter dès la quatrième ou la cinquième décennie.La première manifestation motivant une consultation est la gêne pour l'entouragegénérée par un ronflement bruyant.Ce syndrome se caractérise la nuit par un ronflement majeur (souvent tonitruant), despauses respiratoires répétées (angoissantes périodes de silence), une agitation, unepolyurie, une fatigue au réveil, et, la journée, par une somnolence, des troubles ducaractère, de la mémoire et de l'humeur.L'hypersomnolence diurne est parfois difficile à mettre en évidence chez le sujet âgé,un interrogatoire approfondi est souvent nécessaire.L'examen clinique retrouve souvent une obésité, une HTA, une phonation particulière.Une polyglobulie est possible.L'alcool et les somnifères aggravent ce trouble en augmentant le nombre et la durée desapnées.L'examen polysomnographique est le seul examen affirmant le diagnostic. Un indiced'apnées a été proposé comme critère diagnostique à 5 apnées par heure. Cet indicene peut être appliqué au sujet âgé, et l'indice retenu actuellement est d'environ 20apnées par heure, mais les données sont insuffisantes.Les apnées s'accompagnent de modifications hémodynamiques qui semblent impli-quées dans l'augmentation de la mortalité des personnes âgées. Les complications dece syndrome sont l'HTA, les troubles du rythme cardiaque, la polyglobulie, l'hyperten-sion pulmonaire, l'impuissance.

• Narcolepsie (syndrome de Gélineau)La narcolepsie se caractérise par une somnolence diurne évoluant par vagues etculminant par des accès de sommeil irrésistibles, de brusques relâchements du tonusmusculaire et un sommeil perturbé.Cette affection survient généralement avant le grand âge.

• Hypersomnie idiopathiqueElle comprend une nuit allongée, des difficultés à se réveiller, une somnolence diurnequasi-permanente.

PARASOMNIES

Elles comprennent le somnambulisme, les cauchemars, des phénomènes survenant àl'endormissement (par exemple un mentisme et des phénomènes hypnagogiques).

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Guide pratique de psychogériatrie

Elles sont peu étudiées chez le sujet âgé et ne semblent pas présenter de différencessignificatives par rapport à l'adulte jeune.

MOUVEMENTS PÉRIODIQUES DES JAMBES

Ce syndrome trop souvent méconnu concerne 40 % de la population de plus de 60 ans.Il s'agit de mouvements en triple flexion (genou sur la hanche avec extension du grosorteil). Il est responsable d'un allègement du sommeil et de micro-éveils.Le syndrome des jambes sans repos, souvent associé aux mouvements périodiques,correspond aux « impatiences », qui sont des dysesthésies des membres inférieurs chezun sujet éveillé. Le sujet décrit des brûlures, des serrements et des fourmillements.La certitude diagnostique peut aussi être obtenue par un enregistrement polysomnogra-phique.

LES CONSEILS POUR BIEN DORMIR

• Le premier temps fort est d'expliquer les modifications du sommeil liées auvieillissement normal.• Le deuxième temps fort est de recommander des règles d'hygiène de sommeiladaptées à la personne âgée :—se lever chaque matin à heure régulière ;—comprendre qu'il est préférable de ressentir une certaine fatigue avant de se mettreau lit ;—s'habituer à des activités délassantes avant le coucher qui permettent de s'endormirplus facilement (lecture, bain chaud ou tiède, promenade) ;— insister sur les conditions de confort, de tranquillité et d'obscurité qui, lorsqu'ellessont bonnes, permettent aussi un meilleur endormissement (bonne literie, aération...) ;—proposer que lors d'un éveil franc dans le courant de la nuit le sujet puisse se leveret se livrer pendant une heure environ à des occupations délassantes (lecture, écoutemusicale) ;— éviter les longues siestes au cours de la journée et les périodes de somnolence (devantla télévision...) ;—conseiller une activité physique dans la matinée ou en début d'après-midi ;— éviter les repas chargés et les boissons excitantes en fin de journée (café, thé, coca-cola...) et trop abondantes (pour éviter le risque de nycturie) ;—s'éclairer le matin par une lumière blanche type halogène.On peut aussi renforcer les synchroniseurs externes du sujet âgé : encourager lesactivités des retraités, retarder les heures du coucher.

• En institution :

— soumettre les sujets âgés à une bonne exposition lumineuse dans la journée, pourfixer le rythme veille-sommeil ;—tolérer à certains moments les déambulations ;—éviter les siestes trop longues et les endormissements trop précoces qui vonts'accompagner d'un réveil vers quatre heures du matin ;—maintenir un cadre rassurant favorisant les points de repère : laisser une veilleuse,prendre une petite collation, peuvent aider à un endormissement.

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Le sommeil

LES THÉRAPEUTIQUES PHARMACOLOGIQUES

Même s'il y a une ou des cause(s) curable(s), il est parfois pertinent de proposer untraitement hypnotique.Le maniement des hypnotiques chez le sujet âgé est délicat. Les doses devront être plusfaibles que chez l'adulte. Les dangers d'un surdosage résident dans la prolongation d'uneffet sédatif dans la journée. Les risques de chutes, de fractures et de confusion mentalene sont pas non plus négligeables.Les benzodiazépines peuvent être utilisées en inducteurs du sommeil.La prescription d'un hypnotique doit préférer une molécule ayant une durée d'actioncourte.

HYPNOTIQUES BENZODIAZÉPINIQUES

Ils réduisent la latence d'endormissement, le nombre d'éveils nocturnes, mais aussi lesommeil paradoxal. Ils produisent une amélioration subjective de la qualité du sommeil.• Les effets secondaires sont principalement la somnolence, la fatigue, les troublesmnésiques de fixation, les vertiges, la myorelaxation avec le risque de chutes.• Quelques produits :—Mogadon, Havlane ;—les benzodiazépines utilisées dans le trouble anxieux peuvent être majorées le soir sile sommeil est altéré (par exemple : Xanax 0,25 mg ou 0,5 mg : 1/2 matin, 1/2 midiet 1 le soir).

DÉRIVÉ DE LA CYCLOPYRROLONE ZOPICLONE (IMOVANE ET GÉNÉRIQUES)

Il induit, maintient le sommeil et augmente sa durée totale.Il ne modifie pas le sommeil paradoxal.Il peut entraîner une difficulté à se lever le matin, une somnolence et des cauchemars.

DÉRIVÉ DE L'IMIDAZOPYRIDINE : ZOLPIDEM (STILNOX)

Il réduit le délai d'endormissement et augmente la durée totale du sommeil.Il respecte l'architecture du sommeil.Il peut entraîner une somnolence, des céphalées et des troubles gastro-intestinaux.Il n'a pas d'effet sur la mémoire.Il n'y aurait pas d'insomnie de rebond à l'arrêt.

AUTRES PSYCHOTROPES

Les molécules présentant des effets latéraux sédatifs sont facilitateurs du sommeil :Athymil 10 à 30 mg, Surmontil 25 mg, Norset 15 mg, Neuleptil 10 à 15 gouttes,

Tercian 10 à 15 gouttes.Ce choix thérapeutique est pertinent chez le sujet âgé.

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Guide pratique de psychogériatrie

AUTRES TRAITEMENTSIl est évidemment nécessaire de traiter toutes les affections physiques ou psychiatriquesrepérées.• Dans les états névrotiques et anxieux, l'intérêt d'une prise en charge psychothérapi-que à médiation corporelle (relaxation) ou non est discuté.• Dans le cadre d'un syndrome confusionnel, la prescription d'un neuroleptique sédatif(Nozinan ou Tercian, 5 à 20 gouttes) ou d'un antipsychotique (Risperdal 0,5 à 1 mg/jour) est indiquée.• Le traitement du syndrome d'apnée du sommeil consiste en une ventilation nasale àpression positive constante, en une réduction pondérale et, en cas d'anomalies desvoies aériennes supérieures, en un traitement chirurgical.• La narcolepsie répond, elle, à un traitement spécifique par des psychostimulantsamphétaminiques ou non (Modafinil, Ritaline).• Les mouvements périodiques des membres inférieurs doivent faire proposer de la L-Dopa au coucher. Chez le sujet plus jeune, le clonazépam (Rivotril, 0,5 à 2 mg) estprescrit en première intention mais il est à utiliser avec prudence chez le sujet âgé. Lesagonistes dopaminergiques (Parlodel) donneraient également de bons résultats.

Correction du cas clinique

1 — Hypothèses :• syndrome dépressif• syndrome d'apnée hypoapnée obstructive du sommeil (SAHOS).

Bilan spécifique :• électroencéphalogramme (E.E.G.) : normal avec rythme de fond alpha bien structuré• E.E.G. de sommeil (ou polysomnographie) montrant au niveau du sommeil paradoxal(SP) des modifications caractéristiques de la dépression : latence d'apparition raccourciede la i re phase de SP, augmentation du SP en début de nuit, densité en mouvementsoculaires rapides augmentée, anomalies +++ avec l'âge.

2 — Traitement antidépresseur type mirtazapine (Norset 30 mg le soir) et appareillage.

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25 1 Suicide et tentativede suicide

• C'est un réel problème de santé publique.• La velléité suicidaire serait exprimée dans 3/4 des cas durant une

consultation dans le mois qui précède le passage à l'acte.• Il y a des moyens de le prévenir.

CAS CLINIQUEVous êtes appelés au domicile de monsieur Gaston T., 70 ans par son épouse qui se faitdu souci pour son époux. En effet, elle a retrouvé fortuitement, au moment d'aller secoucher en retournant chercher un livre dans le grenier, une corde accrochée à unepoutre, une bouteille de vin et une lettre d'adieu de son mari. Interrogé, celui-ci se seraiteffondré et aurait avoué son plan suicidaire. Quand vous l'interrogez, il est triste, ralenti,pleure et décrit une culpabilité importante par rapport au décès de sa mère 3 ans plustôt. Il se reproche de ne pas avoir su appeler les secours assez vite, et aussi d'avoir vendula maison familiale après le décès ; il se reproche beaucoup d'autres choses anodines. Ildit qu'il ne s'en sortira jamais et parle aussi de son père qui s'était suicidé quand il avait10 ans...

Questions d'auto-évaluation1 – Quelle évaluation faites-vous du potentiel suicidaire de ce patient ?2 – Quelle solution proposez-vous en urgence ?

Voir réponses en fin de chapitre.

ÉPIDÉMIOLOGIE

Le suicide est un important problème de santé publique. Il y a en France plus de140 000 tentatives de suicide par an qui entraînent environ 12 000 décès (2,3 % detoutes les causes de décès) et on pense que la sous-estimation avoisine 20 %.La tentative de suicide survient principalement dans le contexte d'une pathologieréactionnelle ou relationnelle où prédominent impulsivité, baisse de la tolérance à lafrustration et valeur cathartique du passage à l'acte (même si ceci est plus vrai chez lesujet jeune).La réussite est dans 80 à 90 % des cas liée à une pathologie psychiatrique, en premierlieu une pathologie dépressive et plus particulièrement chez le sujet âgé (80 % descas).50 % des sujets âgés avec des idées suicidaires sont dépressifs.Le suicide devient plus fréquent au fur et à mesure que l'on avance en âge (en Europe,seule la Grèce fait exception à cette règle). Tandis que les femmes font plus detentatives de suicide (le plus souvent par intoxication médicamenteuse volontaire), le

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Guide pratique de psychogériatrie

taux de suicide est environ trois fois supérieur chez les hommes ; quatre fois supérieuraprès 75 ans.Le rapport tentative sur suicide réussi se réduit donc à mesure que l'âge avance (etsurtout chez les hommes). En population générale, il est de 1/10 à 1/20, alors que chezle sujet âgé, il est de 1/5.Il y a une sous-notification nette du suicide chez le sujet âgé, la mort étant souventimputée à tort à une cause naturelle.Tous les suicidants âgés ne sont pas hospitalisés et les motifs ne sont pas forcémentétiquetés « tentative de suicide ».Le sujet âgé a bien souvent exprimé ses velléités suicidaires à son entourage ou aconsulté un médecin dans le mois qui précède dans 75 % des cas, et dans 50 % descas dans la semaine.Chez le sujet âgé, et dans les deux sexes, la tentative de suicide est cependant souventplus grave qu'aux autres âges de la vie du fait de l'utilisation fréquente de moyensradicaux : arme à feu, pendaison, noyade, défenestration, témoignant de la détermina-tion à mourir. La fragilité somatique favorise l'issue fatale.Chez les sujets de 75 ans et plus, le suicide n'est toutefois pas la cause la plusfréquente de décès (1,1 %) succédant aux maladies de l'appareil circulatoire (41,5 %),aux pathologies tumorales (25,5 %) et aux maladies de l'appareil respiratoire (9,8 %).Une caractéristique française a été l'augmentation importante et préoccupante du tauxde suicide des personnes âgées ces trente dernières années (le plus élevé en Europedans les années 80, et encore parmi les plus importants dans le monde en 1990).Les personnes âgées suicidaires restent toujours majoritaires, mais avec l'action socialeen faveur des personnes âgées, notamment l'aide à domicile, on commence à observerune baisse sur les quinze dernières années.Les sujets âgés qui commettent une tentative de suicide ont un risque sensiblementaugmenté de décès dans les trois années qui suivent soit par récidive soit du fait decauses naturelles ; la principale raison en est la persistance d'une dépression.

CONNAÎTRE LES CAUSES

PATHOLOGIE PSYCHIATRIQUE

En matière de prévention des tentatives de suicide chez les sujets âgés, il apparaîtnécessaire de mieux dépister les individus à risque.• Ce sont d'abord les sujets qui présentent une pathologie dépressive et surtouts'inscrivant dans une maladie maniaco-dépressive.Chez les dépressifs suicidaires âgés, certains symptômes apparaissent spécifiques : uneperte de poids, une présentation hypocondriaque, mais le plus caractéristique est laperte non corrigée du sommeil.• D'autres troubles psychopathologiques peuvent favoriser à un moindre degré desvelléités suicidaires :—l'alcoolisme ;—les troubles anxieux ;—certaines personnalités pathologiques (rigides, inflexibles, auto-suffisantes) ;— l'hypocondrie ;—un syndrome démentiel à son début ;—les troubles de l'adaptation ;—un sevrage en benzodiazépines.

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Suicide et tentative de suicide

Dans ces cas, les symptômes psychiatriques observables dans le mois qui précède lepassage à l'acte sont surtout des préoccupations somatiques, un manque d'énergie ouencore des perturbations du sommeil.• Les affections cérébrovasculaires ne doivent pas être sous-estimées.

FACTEURS FAVORISANTS

• Il y a des facteurs prédisposants qui s'articulent à la crise du vieillissement oùinteragissent les modifications de la relation aux autres, les altérations de l'aspectphysique et des capacités physiologiques, le flou de l'identité sociale, la peur de lasouffrance et de la mort. Dans ce contexte d'un viellissement vécu comme destructeur,l'acte mortifère peut s'organiser.—Chez certaines personnes âgées, le processus du vieillissement lui-même (biologique,psychologique et social) est envisagé comme anxiogène, dépressogène et suicidogène.— Dans sa dimension psychodynamique, le vieillissement est en grande partie le deuilde soi-même, mais tous les gens âgés ne sont pas capables d'effectuer une telledémarche.— Le processus du passage à la retraite avec sa perte d'activité professionnelle et ladiminution des ressources entame l'estime de soi et peut affecter l'indépendance. Cettemise à la retraite, surtout lorsqu'elle a été imposée par des impératifs économiques oumal préparée, peut apparaître comme le premier acte d'un déclin. Ce phénomène quiétait en général plus vivement ressenti par les hommes, dans le sens d'unedépossession de son rôle social, devient de plus en plus observable chez les retraitées.

FACTEURS DE RISQUE

On peut répertorier :—l'âge élevé (surtout après 80 ans) ;—le sexe masculin ;—une tentative de suicide récente (récidive : 20 à 40 % des cas) ;—un statut social précaire (en particulier la dégradation de la situation financière, etsurtout dans l'agriculture) ;—l'isolement (de plus en plus de personnes âgées vivent péniblement l'éloignement deleurs enfants qui peuvent devenir parfois rejetants) ;—la solitude lorsqu'elle est douloureusement ressentie (car amère et triste, non voulue,résultant de l'abandon, du rejet, de l'oubli et vécue comme le sentiment de ne pluscompter pour personne et la crainte de mourir seul) ;— le veuvage (surtout pour l'homme, et aussi de plus en plus le divorce) ; le relâchementdes liens familiaux influe aussi sur l'incidence des suicides des sujets âgés (le taux estcroissant dans l'ordre suivant de statut matrimonial : marié, célibataire, divorcé, veuf) ;— le milieu rural où les trois facteurs précédents sont plus péniblement vécus ;—les abus de substances (surtout l'alcool, et surtout récent) ;—les disputes avec le conjoint, un enfant ou un ami ;—la présence d'une arme à feu à la maison, ou toute méthode à portée (étang...) ;—l'entrée en institution (surtout si celle-ci a été mal préparée) ;—les atteintes physiques handicapantes et douloureuses surtout neurologiques, ostéo-articulaires (à l'origine d'un retrait social), cardiovasculaires (surtout dyspnéisantes) etliées à un cancer ;—le syndrome post-chute, forme de désordre psychotraumatique après une chute avecstation prolongée au sol en toute conscience (syndrome de la tortue sur le dos) ;

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Guide pratique de psychogériatrie

— les atteintes sensorielles d'autant plus qu'elles aggravent l'isolement du sujet âgé parla désafférentation qu'elles entraînent ;—la perte d'un parent durant l'enfance ;— le fait d'avoir été un « survivant » (guerre, catastrophe...) ;—l'écart à la température attendue en fonction de la saison ;—le début du mois (comme pour l'adolescent le début de la semaine).Mais c'est la sommation de tous ces facteurs qui détermine bien souvent le passage àl'acte.

FACTEURS PROTECTEURS

On peut répertorier :— le bon équilibre conjugal ;— le mariage (chez l'homme, mais pas chez la femme) ;—la cohésion familiale entre les générations ;—l'attribution de responsabilités aux aînés ;— la pratique religieuse (mais un désintérêt ou un intérêt soudain doivent êtreconsidérés comme préoccupants) ;—des contacts téléphoniques réguliers ;—la démence (dès le stade modéré) ;—l'action sociale en faveur des personnes âgées (en France) ;— les structures psychogériatriques avec un personnel qualifié.

POSSIBILITÉS DE PRISE EN CHARGE

PRÉVENTION

La prévention du suicide du sujet âgé passe par une meilleure prise en charge despatients tout au long d'étapes successives.

• Le médecin doit établir une bonne relation avec le sujet âgéIl ne doit pas hésiter à poser les bonnes questions : plus précisément en cherchant àsavoir si la personne âgée pense souvent à la mort, au suicide ; si elle a songé au moyend'y parvenir (scénario organisé), et surtout si elle a récemment vécu un événement ouune situation pénible (surtout un deuil ou la date anniversaire du décès d'un être cher).Cela doit lui permettre d'exprimer son désarroi et ses souffrances.Explorer les idées suicidaires n'induit pas et ne majore pas le risque suicidaire.

• II est nécessaire d'évaluer certains éléments cliniques prédictifs—la perte de l'estime de soi hautement suicidogène ;—une perte d'espoir dans l'avenir ;— une tendance à l'impulsivité ;—un état anhédonique ;—des ruminations mono-idéiques ;—un désintéressement des autres.

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Suicide et tentative de suicide

• Il faut se méfier d'un pseudo-investissement de la vie future. Ce n'est pas parcequ'une personne âgée parle de ce qu'elle va faire dans le futur qu'il faut écarterl'hypothèse d'un passage à l'acte suicidaire.• Il faut savoir s'enquérir de la présence d'une arme à feu au domicile et inciter à samise à l'écart.• Si un trouble dépressif est repéré, la prescription justifiée d'un antidépresseur doitêtre précise dans sa qualité, sa surveillance et sa durée, en étant vigilant surl'observance médicamenteuse qui est d'autant meilleure que la personne est suffisam-ment bien informée sur son traitement.L'efficacité de ce dernier doit être régulièrement vérifiée.• Il faut aussi toujours se méfier d'une récidive en tenant compte de ces facteurs derisque spécifiques au troisième âge précédemment évoqués.• Il faut préparer les changements de lieu de vie.• Après une tentative de suicide, persiste un sentiment de désespoir même après larémission d'une dépression, justifiant un abord psychothérapique.

SOUTIEN AUX PERSONNES ÂGÉES À RISQUE DE SUICIDE

• C'est tout d'abord traiter la dépression.• Il faut revaloriser la personne âgée qui est prête à réaliser un geste agressif, sous-entendant qu'elle ne s'aime pas. Il faut qu'elle retrouve l'estime de son identité.• Une remémoration du passé a pour effet une libération émotionnelle et une possibilitéde se souvenir qu'elle a été utile.• Il faut aider la personne âgée à mieux percevoir les liens qui l'unissent aux autres età en renouer avec l'entourage.• Des entretiens avec la famille en présence de la personne âgée peuvent apporter unereconnaissance et un respect mutuel des protagonistes.Actuellement, le taux de suicides chez le sujet âgé ne pourra être réduit qu'à lacondition que des spécialistes de la santé mentale participent à des programmessensibilisant l'opinion aux possibilités de soins et qu'ils travaillent plus étroitement avecles médecins généralistes afin de mettre en oeuvre celles-ci.Le thème du suicide fait peur et conduit à l'évitement de la part de nombreux médecins,alors peut-être serait-il plus efficace de proposer un autre thème : réussir son avancéeen âge.

Questionnaire explorant la suicidalité• Suicidalité : Avez-vous déjà évoqué l'idée de mettre fin à votre vie ?• Préparation : Comment le feriez-vous ? Avez-vous déjà pris des dispositions ?• Pensées obsessionnelles : Y pensez-vous consciemment ou de telles penséessurgissent-elles aussi contre votre gré ?• Mise au courant : Avez-vous déjà parlé avec quelqu'un de vos intentions ?• Hostilité refoulée : Ressentez-vous de l'hostilité que vous devez maîtriser à l'égard dequelqu'un ?• Contrainte : Avez-vous réduit ou limité vos intérêts, pensées et contacts avec autrui parrapport à avant ?

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Guide pratique de psychogériatrie

Évaluation du risque suicidaire dans un futur immédiat• Idées suicidaires présentes ?• Détermination ?• Plan suicidaire ?• Solitude ?• Consommation d'alcool ?• Difficultés sociales ?

Évaluation d'un patient ayant fait récemment une tentative de suicide• Moyen dangereux ?• Croyance en l'efficacité ?• Manoeuvre pour être découvert ?• Soulagement d'être sauvé ?• Intention de lancer message ?• Ou intention de mourir ?• Tentative impulsive ou planifiée ?• Circonstances changées ?

Correction du cas clinique

1 — Grâce à la triple évaluation du potentiel suicidaire tenant compte des facteurs derisque, de l'urgence du passage à l'acte et de la dangerosité du moyen létal, noussommes face à un patient à potentiel suicidaire élevé :• facteurs de risque : sexe masculin, âgé de 70 ans, antécédents familiaux de suicide,existence d'un trouble psychiatrique, ici une dépression mélancolique, d'un deuil récentavec travail de deuil difficile ;• urgence du passage à l'acte : la planification du geste est organisée clairement et uncourrier d'adieu est écrit ;• dangerosité du moyen létal : la pendaison est le second moyen le plus létal après lesarmes à feu.

2 — Devant ce risque de récidive élevé, il faut hospitaliser en urgence (si besoin en HDT),mettre en place un traitement antidépresseur voire une sismothérapie, puis plus tard desthymorégulateurs. Une psychothérapie de soutien doit être associée.

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26 I Thérapeutiquespsychosociales

• La prise en charge de la personne âgée souffrant de troubles men-taux ne se résume pas à une prescription médicamenteuse.

• La pathologie psychiatrique du sujet âgé doit en effet être envisagéedans sa globalité, tenant à la fois compte de l'histoire de la per-sonne, de son état somatique, de sa situation actuelle familiale etsociale, de ses ressources psychologiques et de son état cognitif.

GÉNÉRALITÉS

La réhabilitation psychosociale de la personne âgée bénéficie actuellement d'unepromotion à l'échelon international. Mais comme pour les autres tranches d'âge, lesmoyens dont on dispose en France varient beaucoup d'une région à l'autre et lesréseaux de soins gérontologiques ou plus spécifiquement psychogériatriques ne sontpas tous aussi élaborés les uns que les autres.La psychogériatrie en France n'existe pas en tant que discipline constituée et reconnuesur le plan réglementaire et universitaire. Elle s'intègre le plus souvent, soit dans lechamp de la psychiatrie, soit dans le champ de la gériatrie. Un diplôme d'étudesspécialisées complémentaires de psychiatrie du sujet âgé devrait voir le jour en 2006.Il existe actuellement en France deux grandes tendances dans l'organisation du soinpsychogériatrique :• une pour les soins dévolus aux pathologies chroniques où l'objectif assigné aux

soignants est de pallier les besoins élémentaires du sujet âgé, et qui est réaliséeexclusivement en institution ;

• une autre qui appréhende la psychiatrie du sujet âgé selon une perspective plusélargie dans laquelle l'ensemble de la psychopathologie observable chez la personneâgée est prise en compte.

Dans la première, des structures regroupent des patients déments, soit en centreshospitaliers psychiatriques, soit plus fréquemment en gériatrie hospitalière, et éventuel-lement en privé. Il existe parfois aussi des unités plus réduites (20 à 30 lits) pour sujetsdéambulateurs et perturbateurs.Dans la seconde, le soin s'appuie sur des structures hospitalières et extra-hospitalièrescomplémentaires et réservées aux seules personnes âgées avec un personnel spécialisé,rompu aux différentes techniques de soins à dispenser.Dans les deux cas, l'institution, qu'elle soit d'hébergement ou de soins, va avoir deseffets sur la personne âgée qui seront déterminés non par le système en soi, mais parson fonctionnement et son mode d'approche vis-à-vis d'elle.En psychiatrie du sujet âgé, l'hospitalisation complète n'est qu'un des maillons du soin.

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Guide pratique de psychogériatrie

STRUCTURES HOSPITALIÈRES

L'HOSPITALISATION COURT SÉJOUR

• L'admission en hospitalisation complète pour des soins aigus peut se faire de façonlibre ou sous contrainte. L'hospitalisation d'office est exceptionnelle, mais l'hospitalisa-tion à la demande d'un tiers est parfois réalisée en cas d'agitation du vieillard, de délireet surtout devant un refus de soins accompagné d'une méconnaissance des troubles.• Les troubles mentaux et comportementaux conduisant à l'hospitalisation psychogé-riatrique concernent, sur le plan nosographique, la pathologie organique cérébrale, maisaussi les épisodes dépressifs majeurs (parfois pseudo-démentiels), les troubles gravesdu caractère et de la personnalité, les délires tardifs ou vieillis, les conduites addictives,sans exclure aucune autre catégorie psychiatrique.• L'hospitalisation peut relever d'une mesure d'urgence, l'état pathologique étantapparu brutalement et nécessitant des soins spécialisés immédiats. Même si certaineshospitalisations précipitées font suite à un état morbide ou à une situation conflictuellequi ont été négligés, quand cela est possible, il est toujours préférable de les prépareret de les organiser.• Les buts de l'hospitalisationOutre l'observation psychiatrique prolongée, le bilan somatique, psychologique etsocial, l'hospitalisation permet de mettre en route des traitements médicamenteux,mais aussi d'amorcer des techniques de réadaptation et de réhabilitation. Une approchepsychothérapique est très souvent nécessaire, en particulier lors des troubles thymi-ques, délirants et caractériels. Diverses techniques sont possibles en fonction descapacités cognitives et de l'empathie relationnelle de la personne âgée (psychothérapieinterpersonnelle, gestaltiste, de groupe, etc.).• La durée moyenne du séjour hospitalier se situe entre 15 et 45 jours, dépendant del'existence ou non de structures complémentaires en aval. Environ 70 % des patientsretournent à leur domicile ou dans des substituts de domicile (maisons de retraite,foyer-logement), 25 % sont admis en long séjour et 5 % décèdent.Beaucoup de centres hospitaliers n'ont encore pas individualisé d'unités fonctionnellesde psychiatrie du sujet âgé. L'aménagement de tels services est pourtant primordial. Ilsdoivent être fonctionnels pour permettre à la personne âgée de s'orienter au mieux, etêtre chaleureux pour assurer un confort de vie le plus proche du domicile. Celanécessite des chambres individuelles, des zones d'activités pour la sociothérapie,l'ergothérapie et la kinésithérapie, un espace soignant au cœur du dispositif et unespace de rencontres et de déambulation tant à l'intérieur même de l'unité qu'àl'extérieur (parc aménagé).

L'HOSPITALISATION DE JOUR

• Les buts de l'hospitalisationLe traitement en hôpital de jour, chaque fois qu'il est possible, évite la coupure entrele malade et sa famille et la désadaptation sociale du sujet.L'hôpital de jour peut aussi recevoir des sujets âgés pour bilan, diagnostic et traitement,mais sa spécificité repose avant tout sur la réhabilitation.Il permet aussi d'éviter ou de raccourcir l'hospitalisation complète et favorise donc lemaintien à domicile. Cette modalité de soin s'adapte à la diversité des situations allantde l'hospitalisation quotidienne en cas de pathologie lourde réclamant des soinscontinus à l'hospitalisation tri ou bi-hebdomadaire dans le cadre de la rééducation. Son

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Thérapeutiques psychosociales

but essentiel est de redonner au sujet âgé la meilleure autonomie possible tant sur lesplans psychique et physique que social.L'hôpital de jour évite aussi l'institutionnalisation précoce, souvent génératrice derégression du sujet âgé.Il permet de lutter efficacement contre la solitude de certaines personnes âgées et il joueun rôle préventif en évitant des décompensations ou des rechutes de maladiespsychiatriques.Il peut soulager les aidants en les déchargeant, de façon intermittente mais suffisante,de la personne âgée handicapée ou détériorée.Plus de la moitié des admissions découlent de propositions ou de décisions desmédecins généralistes ou des psychiatres qui ont suivi les patients en amont. L'autremoitié a généralement bénéficié préalablement d'une courte hospitalisation à tempscomplet indiquée la plupart du temps pour mieux contrôler des troubles du comporte-ment.• Les principales contre-indications sont les pathologies de crise, l'absence d'un tissufamilial apportant son soutien et les états démentiels à un stade avancé où le patientne peut plus profiter des techniques de soins et présente des troubles des conduites.Il existe cependant des hôpitaux de jour spécialisés dans l'accueil spécifique despatients déments.Une prise en charge en hôpital de jour nécessite une reconnaissance de l'affection enlongue durée pour une exonération du ticket modérateur qui va couvrir, outre les prixde journée, les frais de transport biquotidiens.• Différentes thérapeutiques sont prodiguées en hôpital de jour. Articulées autour despsychothérapies individuelles ou de groupe, elles comportent des soins à viséecorporelle (massage, relaxation, psychomotricité, kinésithérapie, etc.), des techniquesde réapprentissage de certaines conduites et de certaines fonctions cognitives, desactivités de resocialisation. L'équipe soignante assure aussi la délivrance et lasurveillance des effets des médicaments psychotropes prescrits ainsi qu'un travailpermanent avec les familles.• La durée moyenne de séjour est d'environ huit mois pour les pathologies démentielleset de trois mois pour les autres pathologies mentales, ce qui correspond à 120 à 130jours ouvrés. Dans le premier cas, cela débouche le plus souvent sur un placement eninstitution alors que le second est dominé par un retour à domicile.• L'hôpital de jour s'intègre le plus souvent dans un réseau de soins complémentaires,notamment avec les intervenants à domicile. Le médecin de famille demeure le pivotde ce réseau hospitalier-extrahospitalier.

L'HOSPITALISATION DE NUIT

Elle correspond à l'utilisation pour la nuit d'un lit hospitalier vacant ou réservé à ceteffet, dans une structure d'hospitalisation à temps complet.

• Les buts de l'hospitalisation

- À visée diagnostique, elle permet de déterminer la nature d'un trouble qui n'apparaîtque la nuit (insomnie rebelle, agitation...), éventuellement en réalisant certainsexamens complémentaires (EEG de sommeil...).—À visée thérapeutique, elle a pour indication principale les angoisses vespérales etnocturnes rencontrées chez certains sujets âgés déments ou non. Elle permet alorsd'apporter la sécurité et la réassurance.Cette formule d'hospitalisation reste cependant encore peu utilisée.

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Guide pratique de psychogériatrie

LES UNITÉS DE SOINS PROLONGÉS

Ces services de soins de longue durée relèvent de la loi hospitalière et leur mission estd'assurer l'hébergement de longue durée des personnes ayant perdu leur autonomie devie et dont l'état de santé nécessite une surveillance médicale constante et destraitements d'entretien.Il s'agit de structures médico-sociales dont le financement est assuré par les caisses decouverture sociale et par le patient lui-même, ses enfants et petits-enfants.

• Les buts de l'hospitalisation

Ces structures reçoivent des patients en importante perte d'autonomie, parfois en fin devie.En psychogériatrie, l'unité de soins prolongés prend une connotation spécifique dans lamesure où sa vocation est d'accueillir des sujets dont le maintien en long séjourclassique est difficile en raison de troubles du comportement (agitation, déambulationsmajeures, agressivité, cris, etc.).

• Les soins

Ces unités qui comportent en général entre 40 et 80 lits proposent des soins de nursing,mais surtout une prise en charge comportementale adaptée. Certaines activitésconviviales, voire sociales, peuvent parfois s'envisager par groupes de patients d'unmême degré de détérioration.Des programmes de thérapie comportementale sont aussi parfois proposés.Ce type de « long séjour » équivaut en fait parfois à un moyen séjour à l'issue duquelle patient amélioré peut alors être réorienté vers une autre institution d'hébergementmédicalisé ou non et plus rarement vers le domicile.

PSYCHOGÉRIATRIE EXTRAHOSPITALIÈRE

L'INFIRMIER DE SECTEUR

• Son principal cadre de référence reste la sectorisation psychiatrique. Construiteautour d'équipes médico-sociales, elle vise à maintenir le patient dans son milieu devie, cherche à traiter au plus près de leur émergence toutes les situations de souffrancemédico-psychologique et tente d'éviter les réactions d'exclusion par une action sur lemilieu.Des équipes de secteur spécifiquement affectées à la psychiatrie du sujet âgé sontencore rares et généralement les personnes âgées sont suivies par l'équipe « adulte ».• Les interventions sont multiples— sur signalement d'un service social ;— sur appel de l'entourage pour des situations d'urgence ;— dans le cadre d'une visite de pré-admission avant d'être reçu en hospitalisationcomplète ;— plus généralement, dans le contexte d'un projet thérapeutique de suivi et desurveillance au long cours.Ces interventions peuvent donc avoir lieu au domicile, mais aussi dans les institutionsd'hébergement. Les missions sont aussi d'apporter un soutien, surtout lorsque la

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Thérapeutiques psychosociales

personne âgée est isolée, une aide (accompagnement pour des démarches administra-tives...), des conseils sur la vie quotidienne, parfois des exercices de stimulation, uneassistance auprès des familles avec pour buts de dédramatiser des situations, d'éclairersur certains comportements, ou de dénouer des tensions ou des conflits.Ce personnel psychogériatrique ambulatoire doit informer les autres intervenants, enparticulier le praticien hospitalier référent et le médecin traitant.

LE MAINTIEN À DOMICILE

Actuellement, on considère que 90 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent àleur domicile ou dans un substitut de domicile. En effet, même si celles-ci souffrentd'une insuffisance de ressources, de conditions de vie plus ou moins adaptées à leursbesoins ou d'un handicap plus ou moins invalidant, elles préfèrent conserver leurindépendance et choisissent de demeurer dans le cadre de vie auquel elles sonthabituées.Certaines pathologies psychiatriques, notamment lorsqu'il existe des troubles ducomportement, peuvent poser des difficultés de maintien à domicile. En particulierquand est nécessaire une présence permanente auprès d'une personne âgée seule dontle coût financier devient alors important.Les aspects médicaux du maintien à domicile s'articulent principalement autour dumédecin traitant, mais ils peuvent être initiés au décours d'une hospitalisation enpsychiatrie.L'intervention d'une équipe d'infirmiers ou d'aides-soignants est prescrite par unmédecin.L'hospitalisation à domicile, qui permet une prise en charge plus lourde que celle dessoins à domicile, exclut les troubles psychiatriques.En revanche, la sectorisation psychiatrique tient un rôle déterminant dans le maintienà domicile des personnes âgées psychiatriques.

Le développement du maintien à domicile a débuté avec la commission Laroque en1960, mais s'est réellement mis en place avec le Vie plan de 1970 à 1975. À cetteépoque, apparaîtront les centres de jour, les services d'aides-ménagères et de soins àdomicile, les clubs du troisième âge, mais aussi les maisons de retraite, les foyers-logements, la réforme hospitalière et la revalorisation du minimum vieillesse. Le Vileplan de 1975 à 1980 a eu dans le cadre d'action prioritaire n° 15 quatre objectifsprincipaux : l'amélioration du cadre de vie habituel des personnes âgées afin defaciliter ce maintien à domicile, le renforcement des aides pour assurer un retourrapide au domicile après un séjour hospitalier (soins à domicile, hospitalisation àdomicile, repas à domicile, lavage du linge, petits travaux d'entretien), le maintiend'une vie sociale favorisée par la diffusion des informations et l'organisation decampagnes de prévention (préparation à la retraite, rapprochement des générationspar des clubs interâge...) et l'obligation réglementaire d'une représentation desretraités dans les instances chargées de la conception et de la gestion deséquipements et des services les concernant.À partir de la circulaire du 7 avril 1982, relative à la politique sociale et médico-sociale des retraités et des personnes âgées, il y a eu une décentralisation de l'Étatvers le niveau local. L'élaboration du plan gérontologique départemental découle decette situation. Les différences pouvant exister d'un département à l'autre s'expliquent

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Guide pratique de psychogériatrie

par ces mesures. Puis la commission Théo Braun met l'accent en 1986 sur lanécessaire réforme de l'allocation compensatrice et instaure l'indispensable formationdes intervenants à domicile (notamment le diplôme universitaire de gériatrie pour lesmédecins). En 1991, la commission parlementaire Boulard et la mission Schoppelinprécisent les orientations de l'assurance autonomie et se prononcent pour desprestations en espèces ou en nature servant à couvrir le coût de ce maintien à domicileou de l'hébergement. En 1996, le sénateur Fourcade dépose une proposition de loivisant à instituer une prestation spécifique dépendance dans l'attente d'une prestationautonomie.

L'ASSISTANTE SOCIALE

Tous les secteurs urbains et ruraux ont une assistante sociale polyvalente sous lacoordination du service social du conseil général.Elle a pour mission de faire le bilan des difficultés avec les intéressés et le médecin etpropose certaines prestations qu'elle met en place et coordonne. Les servicesprestataires qui peuvent être sollicités sont l'aide-ménagère, la garde à domicile, lerepas livré à domicile, le foyer-restaurant, l'hébergement temporaire (assuré parcertaines maisons de retraite et l'assistance publique de Paris durant l'été), leplacement en famille agréée, l'hébergement de jour proposé par certaines associationsou mutuelles (l'accueil restant à la charge de la personne).La mise en place du maintien à domicile se fait aussi à la suite d'une hospitalisation.Mais elle peut être proposée par l'assistante sociale.

LES SERVICES D'AIDES-MÉNAGÈRES

L'aide-ménagère a pour mission d'accomplir auprès des personnes âgées un travail nonseulement matériel mais aussi social, voire psychologique. Elle contribue au ménage,au ravitaillement, à la préparation des repas et éventuellement à l'accomplissement dedémarches administratives.Le médecin peut être à l'origine de cette aide, mais un certificat médical n'est plusobligatoire.L'aide est attribuée en nombre d'heures et financée sous condition de ressources parles caisses de retraite ou l'aide sociale avec une participation des bénéficiaires.

LA GARDE À DOMICILE

Elle complète l'aide-ménagère lorsque la personne âgée nécessite une aide à domicileprolongée, en particulier pour la veille de nuit.Son coût a été réduit grâce à l'exonération des cotisations patronales.

LES SERVICES DE SOINS INFIRMIERS À DOMICILE

Lorsque la dépendance devient importante, l'intervention d'une infirmière ou d'uneaide-soignante devient nécessaire pour la prise des traitements, l'hygiène générale etpour une aide à l'accomplissement des actes essentiels de la vie.

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Thérapeutiques psychosociales

La prescription médicale est soumise à entente préalable auprès de la caissed'assurance-maladie de la personne âgée.

L'ALLOCATION DÉPENDANCE POUR PERSONNES ÂGÉES

La loi du 24 janvier 1997 avait instauré une « prestation spécifique dépendance »(PSD) qui remplaçait « l'allocation compensatrice pour tierce personne ». Chacuns'accorde aujourd'hui à reconnaître les échecs de la PSD (conditions d'accès troprestrictives, montants trop faibles, traitement inéquitable des personnes selon lesdépartements, grille d'évaluation de la perte d'autonomie peu adaptée pour lespersonnes souffrant de détérioration intellectuelle).La loi du 20 juillet 2001 a institué une allocation nouvelle pour la remplacer :• l'allocation personnalisée d'autonomie » (APA) qui constitue :• un droit universel ; elle concerne l'ensemble des personnes âgées de plus de 60 ans

qui présentent une dépendance lourde ou moyenne et quelles que soient leursressources ;

• un droit d'accès égal (les montants maximum de plans d'aide sont définis au niveaunational et supérieur à ceux de la PSD pour les personnes les plus dépendantes) ;

• un droit personnalisé (l'allocation est modulée en fonction du degré de perted'autonomie dans le cadre de plans d'aide individualisés).

L'APA finance tout ou partie de la prise en charge des conséquences de la perted'autonomie.Peuvent en bénéficier les personnes :• résidant régulièrement en France ;

• ayant une perte d'autonomie les classant en « Groupes Iso Ressources » (GIR) 1, 2,3 ou 4 de la grille AGGIR (Autonomie Gérontologie Groupe Iso Ressources) ;

• vivant à domicile ou en établissement ;

• quel que soit leur niveau de ressources, avec une dégressivité en fonction desrevenus.

L'APA ne fait l'objet d'aucun recours sur succession, donation ou legs.Le montant de l'APA à domicile est égal au montant du plan d'aide effectivement utilisépar le bénéficiaire, dans le cadre des montants maximum fixés par un tarif nationalselon les GIR.Une participation est demandée au bénéficiaire selon ses revenus (nulle si lesressources mensuelles sont en dessous de 915 euros).À domicile, lAPA est affectée à la couverture des dépenses de toute nature relevant duplan d'aide individuel proposé par l'équipe médico-sociale.En établissement, le tarif journalier se décompose en trois parties : l'hébergement, lessoins, la dépendance.L'APA est destinée à couvrir le tarif dépendance, propre à chaque établissementd'hébergement et en fonction du degré de dépendance de la personne.Un dossier est à demander auprès des services du Conseil général.L'APA est gérée par le département et attribuée sur proposition d'une commissiondépartementale.Le droit est ouvert à compter de la date d'enregistrement du dossier complet.L'utilisation de lAPA est soumise à un contrôle d'effectivité. Elle fait l'objet d'unerévision périodique.

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Guide pratique de psychogériatrie

LES RÉSEAUX GÉRONTOLOGIQUES

En France, les réseaux ont historiquement occupé une place à la marge du système desanté et se sont surtout développés avec l'émergence de pathologies nouvelles commele SIDA ou des problèmes sociaux nouveaux tels l'augmentation de la précarité,nécessitant des réponses nouvelles. On distingue plusieurs types de réseaux ; ceuxrelevant du Code de la Santé Publique et qui concernent les établissements et ceuxrelevant du Code de la Sécurité Sociale, qui concernent la médecine ambulatoire et quiont un caractère expérimental. Un troisième groupe est constitué par les réseauxémergents décrits dans la circulaire de 1999. Ces modèles de réseaux coexistent etpeuvent s'articuler. Enfin la loi du 4 mars 2002 définit le réseau de santé et le déclineà travers deux décrets et une circulaire d'application.Le décret J.O. n° 252 du 27 octobre 2002 fixant de nouvelles conditions de suivi etd'évaluation pour le financement a facilité les démarches pour le financement de cesstructures.Le nouveau cadre réglementaire des réseaux se décline à travers deux textesfondamentaux :— dans le Code de la Santé Publique (CSP) :l'Art 84 de la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité des soinsdéfinit les RS (cf.*.) et dit qui peut se constituer en réseau

— le décret d'application du 17 décembre 2002 établit les critères de qualité et lesconditions d'organisation

— dans le Code de la Sécurité Sociale (CSS)— la loi de financement pour 2002 crée au sein de l'ONDAM une enveloppe

financière spécifiquement dédiée aux réseaux— le décret d'application du 25 octobre 2002 relatif au financement précise les

modalités de l'instruction et de la décision—la circulaire MIN/DHOS/SSS-CNAMTS du 19 décembre 2002 précise les modalitésde mise en oeuvre de la démarche. On peut distinguer 2 axes :—les principes généraux communs aux réseaux (structuration et coordination, systèmed'information, qualité et évaluation)—les modalités d'organisation dans les régions avec l'instauration d'un dispositifd'instruction commun autour de l'ARH et de l'URCAM qui vont arrêter conjointementune décision de financement d'un RS sur dotation régionale.Dans ce contexte, le réseau gérontologique peut trouver un nouvel essor qui luimanquait. Il a pour objectifs essentiels :• de détecter les situations de perte et de dépendance ;

• de repérer les besoins et si possible les anticiper ;

• d'informer les personnes âgées, leur famille, les aidants et les acteurs de terrain ;

• d'apporter des réponses adaptées aux situations de crise et aux états chroniques enprivilégiant le maintien à domicile et en développant des actions préventives ;

• d'organiser ces réponses en partenariat autour de la personne âgée par la recherchede modes coordonnés d'intervention.

LES RÉSEAUX MALADIE D'ALZHEIMER

Les premiers Réseaux Alzheimer (RA) et centres de la mémoire (CM) ont été créés dansles années 1980. Leurs buts étaient la prévention, le diagnostic précoce, et la prise en

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Thérapeutiques psychosociales

charge globale de la MA en s'appuyant sur des réseaux pluridisciplinaires regroupésautour de dispositifs (consultations, hospitalisations...) pluridisciplinaires.Quelques expériences de réseaux MA en France semblent assez avancées comme leRéseau régional de consultations mémoire du Nord-Pas-de-Calais dont le modèle est lecentre de la mémoire de Lille-Bailleuil qui comporte douze lieux de consultationspluridisciplinaires, chacune à proximité d'un bon plateau technique (EEG, scanner,biologie). Les membres du réseau ont des outils et des protocoles communs pour lediagnostic et le suivi de la MA et des démences apparentées. Néanmoins, il semble quela France soit encore sous-dotée en réseaux.

LES MESURES DE PROTECTION

La protection juridique est réglementée par la loi du 3 janvier 1968 sur la réforme dudroit des incapables majeurs. Par rapport aux personnes âgées, deux points sontimportants : elles doivent être protégées si elles ne peuvent momentanément ou defaçon définitive faire face à leurs obligations de gestion. Le logement et l'environnementsont à protéger en priorité pour éviter les placements abusifs.Les régimes applicables sont les mêmes (sauvegarde de justice, curatelle simple ouaggravée, tutelle) qu'à l'âge adulte et la procédure identique.• La mise sous sauvegarde permet l'annulation d'actes portant préjudice à la personneâgée protégée.• La curatelle procure une assistance dans les actes de disposition (vente, achat).• La tutelle implique la représentation légale totale du bénéficiaire dans tous les actesde la vie civile.

L'INSTITUTIONNALISATION

À côté des unités de soins prolongés précédemment évoquées, l'institutionnalisationpeut être réalisée dans d'autres structures d'hébergement.• Elle concerne environ 4 % des personnes de plus de 60 ans et presque 20 % despersonnes de plus de 80 ans.• Elle se fait dans des conditions extrêmement hétérogènes pour ce qui concerne lescapacités d'accueil, les modes de gestion mais aussi les effets sur le sujet âgé et sonmilieu, du fait d'énormes disparités régionales. Ces établissements peuvent avoir unstatut public, privé, non lucratif ou lucratif.Jusqu'en 2002, cette institutionnalisation se faisait :—dans les établissements autonomes d'hébergement pour personnes âgées où ondistinguait :—les hospices qui accueillent non seulement des personnes âgées valides ou invalides,mais aussi des personnes handicapées ;— les maisons de retraite (qui représentaient les deux-tiers de l'ensemble des capacitésd'accueil) ;—les foyers - logements qui regroupaient des logements autonomes autour de servicescollectifs (plutôt destinés aux personnes isolées sans incapacité importante) ;— /es structures dites nouvelles, comme les centres d'animation naturelle tiréed'occupations utiles (CANTOU) et les maisons d'accueil pour personnes âgéesdépendantes (MAPAD), plus particulièrement adaptées à la prise en charge desdéficiences intellectuelles graves ;—les petites unités de vie et les appartements d'accueil.

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Guide pratique de psychogériatrie

— il existait aussi quelques sections hospices-maisons de retraite des hôpitaux publicsqui offrent les mêmes prestations.Depuis le 1er janvier 2002 et parallèlement à la mise en place de l'Allocationpersonnalisée d'autonomie (APA), les établissements accueillant les personnes âgéesfont l'objet d'une réforme de la tarification. Maintenant, au lieu du seul prix de journéehébergement, les usagers de ces établissements doivent s'acquitter à la fois d'un tarifhébergement et d'un tarif dépendance. La dépendance est évaluée à partir de la grilleAggir.La réforme de la tarification s'accompagne d'une nouvelle classification des établisse-ments, selon leur capacité et le niveau moyen de dépendance de leurs résidents. Ainsion distingue actuellement deux types de structure :-les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) quirassemblent les établissements auparavant dénommés unités de soins de longue duréeou long séjour et les maisons de retraite médicalisées. Les EHPAD doivent, pouraccueillir des personnes âgées dépendantes, avoir signé une convention tripartite avecl'État et le Conseil Général. Ils doivent posséder des locaux adaptés et être dotés depersonnels médicaux qualifiés et suffisants. Les conditions d'admission peuvent êtredifférentes selon les établissements. Les résidents qui le souhaitent bénéficient de l'APAen établissement.-les établissements hébergeant des personnes âgées (EHPA) qui sont des établisse-ments jusqu'alors dénommés maisons de retraite non médicalisées, foyers-logements,unités de vie et qui accueillent des résidents valides ou peu dépendants ; les soins ysont assurés par des intervenants libéraux.Pour des raisons affectives, mais aussi financières, l'institutionnalisation est habituelle-ment réalisée le plus tard possible. En réalité, la décision est envisagée lorsque lefardeau pour l'aidant familial commence à excéder le bénéfice du maintien à domicilepour le malade.Elle doit être préparée par un dialogue entre médecin traitant, famille et patient.

LES THÉRAPEUTIQUES COGNITIVES ET DE RÉENTRAÎNEMENT

La stimulation cognitive est particulièrement indiquée dans les modalités de prise encharge des personnes démentes, mais elle est aussi parfois utilisée chez la personneâgée dont l'état psychologique et l'isolement social le justifient.Elle est articulée autour de programmes d'activation cognitive qui reposent sur la notionde plasticité cérébrale.Elle peut s'appliquer sous la forme de groupes de six à huit patients de niveau dedétérioration homogène. Les séances sont dirigées par un psychologue ou un infirmierqui propose aux patients des exercices sollicitant une ou plusieurs fonctions cognitivescomme l'attention/concentration, la perception, la mémoire, le langage...Lors de ces séances, les objectifs sont de deux ordres : psychotechnique etpsychothérapeutique.L'objectif psychotechnique vise à développer les capacités mentales des participantsou à entretenir les facultés restantes afin de réduire les troubles ou de ralentir leuraggravation.L'objectif psychothérapique est centré sur une remise en confiance et une remotivationà l'effort intellectuel dans le but d'une revalorisation narcissique.Les ateliers de stimulation ont pour objectif de freiner le déclin des fonctions cognitiveset de consolider les relations entre les patients, les soignants et l'entourage dans le butd'améliorer la qualité de vie du patient.

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Thérapeutiques psychosociales

Reposant sur des entraînements mentaux semi-structurés, qui sont axés sur lescapacités résiduelles des patients, ils introduisent une activité programmée dans letemps, l'espace, mais surtout un cadre de rencontre avec l'autre ayant les mêmesdifficultés afin de se familiariser et de dédramatiser la situation de chacun.Cette prise en charge vise donc également la diminution des symptômes dépressifs etanxieux, l'amélioration de l'image de soi et de la confiance en soi.

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27 I Troubles de la personnalité

• Il est très important de prendre en considération les traits de per-sonnalité de la personne âgée dans toute prise en charge psycholo-gique et médicale.

• Avec le vieillissement, la personnalité évolue, soit vers l'atténuation,soit vers l'aggravation des traits.

• Beaucoup de personnalités pathologiques sont proches de troublespsychiatriques curables et décompensent facilement.

• Il existe des traitements à la souffrance de certains troubles de lapersonnalité.

CAS CLINIQUEMme Lucie J, 78 ans présente depuis deux mois des troubles du caractère ; elle estfacilement irritable, de plus en plus susceptible et se replie sur elle-même. Elle penseque les voisins disent du mal d'elle lorsqu'elle les croise dans la rue, et que la voisined'en face l'épie ; elle n'ouvre plus ses rideaux pour se protéger d'elle. Cette situationsurvient un mois après que sa proposition d'acheter des places de théâtre avec les gainsde la dernière tombola ait été rejetée par le président de l'association des retraités dubourg où elle vit. Ce dernier avait préféré l'idée d'une subvention au service de pédiatriede l'hôpital départemental suggérée par Huguette, une simple amicaliste. Cette décisionl'a vexée et elle s'est sentie humiliée en tant que secrétaire de l'association. D'autant plusqu'elle « a travaillé sans relâche et donné sans compter à ce président qu'elle avaitcontribué à faire élire... Elle l'a déçue, elle n'a pas été assez intelligente ». Depuis ellerefuse de se rendre aux réunions et soupçonne une liaison entre Huguette et le président.

Questions d'auto-évaluation1 — Quel trouble de la personnalité peut-on évoquer chez Mme Lucie J ?2 — Existe-t-il un autre trouble de la personnalité qui ressemble au premier ?

Voir réponses en fin de chapitre.

DÉFINITIONS

• Le caractère est le résultat des apprentissages et de l'histoire relationnelle du sujet ;il est l'émanation de la personnalité.• Le tempérament est l'expression des facteurs biologiques (physiologiques et généti-ques) qui participent à la constitution de la personnalité.

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Guide pratique de psychogériatrie

• La personnalité est le témoin et l'actrice de l'interaction entre l'inné et l'acquis.Par personnalité, on entend une modalité structurée de pensée, sentiment oucomportement, qui caractérise le type d'adaptation et le style de vie d'un sujet et quirésulte de facteurs constitutionnels, de son développement et de son expérience sociale.La notion de structure de la personnalité se réfère à l'organisation psychique, profondeet stable du sujet.• Les troubles de la personnalité se définissent comme une modalité durable del'expérience vécue et des conduites qui dévient notablement de ce qui est attendu dansla culture de l'individu et qui se manifestent dans au moins deux domaines (cognitif,affectif, fonctionnement interpersonnel ou contrôle des impulsions).On les considère comme pathologiques lorsqu'ils génèrent une souffrance de l'individuou de l'environnement.• On décrit trois groupes de personnalité pathologique :— le groupe A regroupe les individus paraissant étranges ou excentriques et comprendles personnalités paranoïaques, schizoïdes et schizotypiques ;—le groupe B regroupe les individus paraissant théâtraux, émotifs ou imprévisibles etcomprend les personnalités antisociales, border-lines, histrioniques et narcissiques ;—le groupe C regroupe les individus paraissant anxieux ou craintifs et comprend lespersonnalités évitantes, dépendantes et obsessionnelles-compulsives.Cette classification n'est cependant pas consensuelle et la présence d'un trouble uniquen'est pas la règle. Au contraire, certains troubles de la personnalité sont souventassociés.• Un diagnostic de trouble de la personnalité ne peut être affirmé qu'en dehors d'unépisode psychopathologique avéré.• Le traitement des troubles de la personnalité repose classiquement sur la psychothé-rapie (sauf pour la personnalité antisociale).• La chimiothérapie a souvent pour objectif de traiter ponctuellement des symptômes-cibles (crise d'angoisse, réaction dépressive, émergence délirante, impulsivité, agressi-vité, labilité émotionnelle, etc.). Plus rarement, elle est utilisée dans le but d'améliorerla qualité du fonctionnement et elle est alors donnée en continu.Les troubles de la personnalité sont cependant souvent moins nets chez le sujet âgé etles demandes thérapeutiques donc moins fréquentes.

TYPES DE PERSONNALITÉ : PRÉSENTATION CLINIQUEET TRAITEMENTS

PERSONNALITÉS PARANOÏAQUE ET SENSITIVE

CLINIQUE

• Personnalité paranoïaqueElle se caractérise par une tendance générale et mal justifiée à interpréter les actionsd'autrui comme délibérément humiliantes ou menaçantes. Cette personnalité n'est pasconvaincue par d'éventuelles preuves qu'on lui apporte. Elle est toujours sur ses gardes.Elle a une surestimation d'elle-même qui se manifeste par la suffisance et l'orgueil. Ellen'a jamais tort et juge sévèrement les autres, peut être méprisante. Elle est toujours sûrede son bon droit. Elle ne se remet pas en question et elle se trouve incomprise et maljugée. Cette surestimation de soi est parfois masquée par une modestie feinte et une

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Troubles de la personnalité

obséquiosité excessive. Elle a aussi une fausseté du jugement et une absenced'autocritique qui se traduit par de la psychorigidité, de l'autoritarisme et del'intolérance envers les autres. Elle est habituellement dénuée d'humour.La méfiance et la susceptibilité dans les relations avec autrui se traduisent par unetendance à tout interpréter : des faits anodins prennent une signification personnelle etintentionnelle ; la loyauté des autres est mise en doute ; confrontée à une situationnouvelle, la personnalité paranoïaque discerne des significations cachées, humiliantesou menaçantes ; elle fait preuve d'une jalousie pathologique ; elle se confie peu,craignant que ses propos soient utilisés contre elle.Elle réagit facilement par la colère qui est favorisée par une propension à être rancunieret à ne pas pardonner. La méfiance vis-à-vis de situations banales, ressenties commeune persécution, peut entraîner des réactions de revendication sthénique et agressiveavec parfois plainte et procédure en justice.Elle est toujours sur la défensive et est hypervigilante, sur ses gardes, sans cesse à larecherche de preuves d'éventuels complots.L'incapacité à accéder au doute signe le mieux la paranoïa.L'adaptation sociale et professionnelle peut être satisfaisante, mais c'est alorsl'entourage qui subit les conséquences. Elle est souvent difficile, émaillée de conflits,les autres étant tenus pour responsables.L'évolution de cette personnalité au cours de l'existence peut être émaillée de réactionsdépressives, de décompensations délirantes à thématique persécutoire, hypocondria-que ou passionnelle.Le vieillissement atténue la sthénicité, mais celle-ci peut encore se manifester sousforme orageuse.Chez le sujet âgé avec une personnalité paranoïaque, on a décrit le syndrome deDiogène : il devient alors très négligé dans son lieu de vie, accumulant tout, s'isolantdes autres. Le domicile devient alors une vaste poubelle.• Personnalité sensitiveLa personnalité sensitive est assimilée à la précédente, mais la combativité et laquérulence font place à une hyperesthésie aux contacts sociaux et à une contention desaffects marqués par une introspection douloureuse permanente, des ruminations surdes humiliations vécues ou imaginaires.Elle a les mêmes complications évolutives que la précédente, notamment le délire derelation des sensitifs qui peut survenir tardivement chez le sujet vieillissant.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

Contrairement à une idée trop répandue, ces deux personnalités sont accessibles à untraitement psychologique et médicamenteux, même s'il s'agit toujours d'une entreprisedifficile car ils ne sont que très rarement demandeurs.• Un antidépresseur à dose modérée (Anafranil, 50 mg ou Floxyfral, 50 mg) associéà un neuroleptique (Orap, 2 mg) ou à un antipsychotique (Zyprexa, 5 mg ou Risperdal,2 mg) est le traitement adéquat pour apaiser le douloureux bouleversement émotionnelsous-jacent à ce type de fonctionnement.Mais l'observance est souvent mauvaise.Bien accepté et efficace, il pourra être gardé sur plusieurs mois, voire plusieurs années.

Ces personnalités peuvent bénéficier d'une psychothérapie de soutien auprès d'unpraticien expérimenté qui appliquera un contrat relationnel. La psychothérapie degroupe est à éviter.La personnalité sensitive est plus accessible à une prise en charge psychothérapiqueque la personnalité paranoïaque.

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Guide pratique de psychogériatrie

PERSONNALITÉS SCHIZOÏDE ET SCHIZOTYPIQUE

CLINIQUE

• Personnalité schizoïdeElle se caractérise par une tendance au repli social. Cette personnalité fuit les relationsinterpersonnelles et préfère les activités solitaires. Elle est indifférente aux éloges ou auxcritiques d'autrui. Elle se présente avec une grande froideur et un importantdétachement. Le contact est bizarre. Elle a un intérêt réduit pour les relations sexuelles.Elle adhère facilement à des croyances mystiques, métaphysiques ou philosophiques.L'adaptation sociale est difficile.Cette personnalité ferait souvent le lit du délire d'apparition tardive chez le sujet âgé.• Personnalité schizotypiqueElle se caractérise aussi par une limitation des relations interpersonnelles. Cettepersonnalité présente en outre des distorsions cognitives (idées de référence, penséemagique excessive...) ou perceptuelles et des bizarreries comportementales (excentri-cité) ou du langage et une inadéquation des affects. Elle a aussi une propension àdévelopper des idées de persécution.Avec le vieillissement, cette personnalité se rencontre souvent chez des sujets qui sontrestés célibataires. Elle pourrait évoluer tardivement vers la schizophrénie.

RI ICIPES THÉRAPEUTIQUES

• Pour certains sujets schizoïdes, une faible posologie de neuroleptique atypique(Risperdal, 1 à 2 mg/j, Zyprexa, 5 mg/j, Abilify, 5 mg/j) est indiquée lorsqu'ils sont tropmarginalisés et angoissés.Cette prescription est plus évidente chez les sujets schizotypiques surtout lorsquesurviennent des idées de référence ou de persécution.• Une psychothérapie de soutien ou en groupe est parfois indiquée. Pour certains, uneapproche plus analytique peut être bénéfique si elle est assurée par un thérapeuterompu à ce type de personnalité.

PERSONNALITÉ ANTISOCIALE

CLINIQUE

Elle se caractérise par une incapacité à se conformer aux normes sociales. Il en résulteun mépris des notions de sécurité, de respect et de responsabilité et une tendance à latromperie et aux mensonges.Cette personnalité qualifiée de « psychopathe » est impulsive, irritable, intolérante à lafrustration et parfois agressive (hétéro-agressivité mais aussi auto-agressivité sousforme de tentatives de suicide et d'automutilations). Elle s'expose très facilement à dessituations violentes (bagarres, conduites à risque...) ou les recherche (recherche desensations) pour tromper l'ennui. Elle ne ressent généralement aucune culpabilité etreste indifférente par rapport aux conséquences de ses actes sur autrui.Cette personnalité qui se révèle précocement (vers 15 ans, et même parfois dèsl'enfance par des manifestations caractérielles, des difficultés scolaires avec écolebuissonnière, fugues) a une insertion sociale précaire.

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Troubles de la personnalité

Elle a une propension aux conduites addictives (alcool, tabac, toxicomanie), auxaccidents. On retrouve aussi des tendances dysphoriques (ennui, malaise mal défini...)et des traits hystériques (séduction, revendication affective, mythomanie) et paranoïa-ques (méfiance, persécution, sthénicité).Les complications en sont principalement les conduites addictives, les décompensa-tions dépressives suicidaires et les crises d'agitation souvent clastiques et potentielle-ment dangereuses.Après la quarantaine, si le psychopathe a trouvé un milieu de survie (compagneprotectrice, institution sociale, employeur...), il pourra atteindre le grand âge de plus enplus assagi. On peut néanmoins observer cette personnalité chez certains sujets âgés,assez souvent combinée à la maladie alcoolique.Certains psychopathes, qui ont donc survécu aux morts brutales et aux complicationsde leurs conduites addictives, peuvent se retrouver personnes âgées dans un état dedésocialisation progressive et de clochardisation.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• La chimiothérapie ne guérit pas la psychopathie, mais permet parfois de contrôlerl'impulsivité et les passages à l'acte.Les thymorégulateurs (Tégrétol, Dépamide) atténuent l'agressivité, l'impulsivité, l'ins-tabilité et la dysthymie, mais leur efficacité dépend de l'observance.Les neuroleptiques, plutôt dans leurs formes retard, se justifient en cas de dangerosité.Les antidépresseurs sérotoninergiques par leur effet anti-impulsif peuvent aussi êtreproposés.• De brèves hospitalisations sont parfois nécessaires dans un cadre strict.• La psychothérapie se construit plus autour d'une alliance avec un thérapeute ou uneinstitution rompus à ce type de personnalité (règles, contrôle rigoureux des transgres-sions...), qu'autour d'un travail analytique qui ne sera pas supporté.

PERSONNALITÉ BORDER-LINE

CLINIQUE

Elle se caractérise par une instabilité affective dans ses relations interpersonnelles quipeuvent être chaotiques, tumultueuses et conflictuelles, marquées par une alternanced'idéalisation et de dévalorisation, de dépendance et d'hostilité.Elle présente aussi une impulsivité marquée, un sentiment chronique de vide et d'ennuiet surtout une perception perturbée de son identité (identité sexuelle, aptitude àdistinguer ses pensées et ses sentiments de ceux des autres, image de soi et de soncorps).Cette personnalité a une crainte angoissante d'être abandonnée, la conduisant à unerecherche frénétique de relations.C'est la personnalité qui a le plus de complications évolutives : épisodes dépressifs avecpassages à l'acte suicidaires répétés, abus de substances psychoactives (surtoutalcoolisme), troubles des conduites alimentaires (boulimie), troubles des conduitessexuelles (prise de risque, promiscuité...), épisodes psychotiques aigus avec déperson-nalisation et déréalisation.Avec le vieillissement, cette personnalité a tendance à s'atténuer dans ses expressionsdélétères, surtout si elle a été bien prise en charge.

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Guide pratique de psychogériatrie

Elle reste cependant très vulnérable aux pertes et serait plus encline à des décompen-sations organiques.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• Une prescription médicamenteuse ne doit s'envisager que dans une prise en chargeglobale, notamment psychologique bien établie.Les cibles médicamenteuses sont les troubles de l'humeur (antidépresseurs, thymoré-gulateurs), les comportements impulsifs et violents (Tégrétol, Dépamide, Dépakote),les symptômes psychotiques (antipsychotiques) et les troubles anxieux.• L'approche psychothérapique vise à soutenir, à aider à verbaliser les angoisses, lessentiments d'abandon, à mieux gérer l'impulsivité et les pulsions. La relaxation est aussiindiquée.

PERSONNALITÉ HISTRIONIQUE

CLINIQUE

Elle se caractérise par un grand théâtralisme (attitude et présentation), le désir deparaître et d'être le point de mire des regards d'autrui.Cette personnalité hystérique s'attribue des rôles changeants selon ce qui estsusceptible de plaire à autrui ou pour capter son attention. Elle « joue ». Elle présenteaussi une facticité des affects qui se traduit par une outrance ou une dramatisation dansl'expression des émotions qui apparaissent souvent inappropriées ou incongrues. Elleérotise ses rapports sociaux en adoptant facilement des comportements de séduction.Elle affiche une grande labilité émotionnelle et une hyperémotivité parfois spectaculaire(défaut de contrôle). L'alternance des états émotionnels est caractéristique avec sautesd'humeur, bouderies, élans chaleureux. Cette personnalité est à la recherche constanted'hommages et d'attention et elle est aussi sensible aux frustrations et aux déceptions.Elle peut avoir une grande dépendance affective parfois inquiétante allant jusqu'à uneperte d'autonomie matérielle et psychique. Ses intérêts et ses investissements sontpauvres.Elle a tendance à manipuler son entourage et à s'appuyer sur un fort égocentrisme oùl'autre paraît ne pas avoir de place possible.Cette personnalité a de fréquents troubles de la sexualité : frigidité, impuissance,répugnance, dégoût affirmé, évitement ou indifférence.Elle a enfin tendance à la mythomanie, à adopter des conduites d'évitement, à êtreaussi impulsive sous forme de colères faciles. Elle est cependant grandementsuggestible et immature.Le diagnostic de personnalité hystérique est plus souvent porté chez la femme que chezl'homme.La personnalité hystérique peut se rencontrer dans divers contextes cliniques : bien sûrles troubles conversifs, mais aussi les troubles des conduites alimentaires, les troublesdépressifs (caractérisés ou dysthymiques), l'alcoolisme, les abus de substances(benzodiazépines), les troubles de l'adaptation, les somatisations...Les plaintes dépressives sont devenues un langage plus fréquent chez la personnalitéhystérique que les conversions somatiques. Cette dépression de conversion est difficileà distinguer de la complication dépressive authentique.Globalement, chez ce type de personnalité, tout est fait pour effacer le vieillissement.Cela peut influencer les relations avec les générations suivantes (enfants, petits-enfants).

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Troubles de la personnalité

Avec le vieillissement :Ce peut être l'occasion d'une réorganisation positive à condition que l'environnementsoit suffisamment présent et valorisant (et qu'il tienne le coup...). On parle alors« d'hystérie réussie ». Mais il faut aussi une atténuation de l'érotisation du corps ainsiqu'une relance des investissements narcissiques et auto-érotiques vers l'extérieur(activités, voire hôpital de jour !).Dans d'autres cas, le vieillissement ajoute une note hypocondriaque et dépressived'évolution chronique (dysthymie).

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• La psychothérapie de soutien a son utilité pour atténuer la dépendance et lesmanipulations de l'entourage. La relaxation est aussi indiquée pour diminuer l'hyper-réactivité émotionnelle.• La prescription intempestive de psychotropes doit être extrêmement prudente, carelle expose aux effets indésirables et paradoxaux les plus inattendus qui peuventfacilement mettre en échec la « relation médecin-malade ».Il faut aussi se méfier d'une pharmacodépendance iatrogène.Les psychotropes ne doivent être réservés qu'aux décompensations anxieuses oudépressives voire à des troubles du comportement comme l'agitation. Il faut toujourstenir compte de la suggestibilité de tels patients afin de ne pas provoquer ou renforcerdes symptômes.Une bonne attitude médicale est d'être ferme et chaleureux en dévalorisant le troubleprésenté au profit d'une guérison qui est à valoriser. Le médecin peut essayer d'aider lapersonne à mieux comprendre les comportements présentés, travail qui s'intègre déjàdans une approche psychothérapique.

PERSONNALITÉ NARCISSIQUE

CLINIQUE

Elle se caractérise par un besoin constant d'être admiré avec un manque d'empathiepour les autres. Elle a une sensibilité exagérée au jugement des autres mais un sensélevé de sa propre importance et en est arrogante et hautaine.Elle exige affection et admiration, mais refuse la critique. Cette personnalité utilisegénéralement les autres pour arriver à ses fins. Leur estime de soi est cependant trèsvacillante, en dépit des apparences.Les complications évolutives peuvent être un épisode dépressif, un trouble psychotiquetransitoire, un abus de substances psycho-actives ou une somatisation.Avec le vieillissement, la personnalité narcissique peut devenir encore plus autoritaireet méprisante. Elle supporte encore moins les frustrations relationnelles et peutgravement vaciller dans une dépression profonde, voire peut-être la démence si elle esten situation de rupture, de séparation ou de perte.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• Les psychothérapies de soutien et d'inspiration analytique sont indiquées.• Antidépresseurs, anxiolytiques et neuroleptiques peuvent être utilisés en fonction destableaux symptomatiques rencontrés au cours de l'évolution.

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Guide pratique de psychogériatrie

PERSONNALITÉ ÉVITANTE

CLINIQUE

Elle se caractérise par une fuite des contacts sociaux et une réticence à l'idée de seconfier, à s'investir dans une relation. Elle craint le jugement critique d'autrui et atoujours peur de ne pas être « à la hauteur », d'être rejetée. Elle a une extrêmesensibilité au refus, une timidité exacerbée.Cette personnalité peut évoluer vers la phobie sociale, des troubles anxieux etdépressifs et parfois vers un abus de substances psychoactives.Avec le vieillissement, et en l'absence de prise en charge antérieure, elle risque des'aggraver dans ses traits. Il n'est pas rare que le sujet âgé évitant se confine chez lui,avec comme arguments, la peur de tomber, la peur de ne pas se retrouver...

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• La psychothérapie de soutien est toujours indiquée, mais les techniques cognitivo-comportementales trouvent ici leur meilleure indication.• Les antidépresseurs sérotoninergiques et surtout les RIMA (moclobémide) sont lespsychotropes de choix pour cette personnalité ou son évolution phobique.

PERSONNALITÉ DÉPENDANTE

CLINIQUE

Elle se caractérise par un important besoin d'être pris en charge, rassurée, conseillée etelle appréhende les séparations. Cette personnalité est en général soumise, voire un peu• collante » et elle évite de prendre des responsabilités. Elle peut tolérer des situationsextrêmement difficiles ou dégradantes afin d'éviter l'autonomie.C'est par exemple un sujet qui supporte les violences de son conjoint pour éviter de leperdre.La principale complication est la dépression, et surtout lors d'une séparation ou dudécès du conjoint...La vieillesse est donc la période la plus à risque de faire décompenser cette personnalitéqui serait même vulnérable à développer une démence.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

• Les techniques psychothérapiques d'affirmation de soi sont pour cette personnalitéles plus pertinentes.• Mais le traitement chimiothérapique de la dépression est toujours justifié.

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Troubles de la personnalité

PERSONNALITÉS OBSESSIONNELLE ET PSYCHASTHÉNIQUE

CLINIQUE

• Personnalité obsessionnelleElle se caractérise par un souci constant d'ordre et de propreté (autant dans le domainematériel que moral). Elle est donc méticuleuse, ponctuelle et perfectionniste.Cette personnalité est parcimonieuse, souvent avare, refusant de partager. Elle atendance à accumuler et à collectionner. Elle est volontiers entêtée, obstinée, maisaussi persévérante, tenace, autoritaire. Elle aspire à la maîtrise de soi et d'autrui. Toutacte entraînant des doutes pénibles doit être contrôlé et vérifié. Cette personnalitéremplit son monde d'habitudes et de rituels dont le sens conjuratoire évoque unfonctionnement magique de la pensée. Elle soupèse indéfiniment le pour et le contre dechaque chose.La personnalité obsessionnelle se distingue parfois difficilement de la névrose plusinvalidante.Elle a tendance avec le vieillissement à devenir plus rigide, plus obsédée par des idéesfixes, plus ritualisée, plus angoissée, justifiant une prise en charge thérapeutique.• Personnalité psychasthéniqueElle est assez proche de la précédente et se traduit cliniquement par une impuissanceà agir, une difficulté à prendre des décisions, une tendance à la rêverie et un sentimentsubjectif d'incomplétude, d'imperfection, d'inachèvement.Elle développe aussi des idées obsédantes et des ruminations, une tendance au douteet à l'introspection. Cette personnalité se plaint très souvent de fatigue.Elle évolue facilement vers des épisodes dépressifs mélancoliformes et des somatisa-tions et ce, surtout durant le grand âge.

PRINCIPES THÉRAPEUTIQUES

La chimiothérapie est indiquée lorsque les symptômes deviennent invalidants (mais onpeut considérer qu'on est alors dans le cadre de la maladie) : antidépresseur à posologieélevée, parfois combiné à un anxiolytique benzodiazépinique, voire à un antipsychoti-que.La psychothérapie cognitivo-comportementale et la relaxation sont aussi indiquées.• Personnalité psychasthéniqueLes thérapies comportementales sont utiles. La tendance excessive à l'auto-analysecontre-indique la psychothérapie d'inspiration analytique.Les moyens médicamenteux s'orientent vers une action stimulante : antidépresseurs(Prozac, Ludiomil, Moclamine...), désinhibiteurs (Prazinil), neuroleptiques à actiondésinhibitrice (Dogmatil et Solian à faible posologie).

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Guide pratique de psychogériatrie

Correction du cas clinique

1 — On peut évoquer une personnalité sensitive en présence des éléments suivants :• une hyperesthésie aux contacts sociaux ;• une introspection douloureuse permanente ;• des ruminations sur des humiliations vécues ou imaginaires ;• une tendance générale et mal justifiée à interpréter les actions d'autrui ;• une surestimation d'elle-même ;• un jugement sévère des autres ;• une fausseté du jugement et une absence d'autocritique ;• une méfiance et une susceptibilité dans les relations avec autrui ;• on peut craindre un début de délire de relation des sensitifs.

2 — Oui, la personnalité paranoïaque ressemble à la personnalité sensitive :La personnalité sensitive est assimilée à la personnalité paranoïaque, mais la combativitéet la quérulence du paranoïaque font place à une hyperesthésie aux contacts sociaux età une contention des affects marquée par une introspection douloureuse permanente,des ruminations sur des humiliations vécues ou imaginaires chez le sensitif.Les complications évolutives sont identiques, notamment le délire de relation dessensitifs qui peut survenir tardivement chez le sujet vieillissant et les épisodes dépressifs.Le paranoïaque est toujours sur la défensive et est hypervigilant, sur ses gardes, sanscesse à la recherche de preuves d'éventuels complots. On peut aussi observer desdécompensations délirantes à thématique persécutoire, hypocondriaque ou passionnelle.Le paranoïaque doute peu ou pas.

Ces deux personnalités sont accessibles à un traitement psychologique et médicamen-teux mais, étant très rarement demandeurs, le succès est souvent mitigé.

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28 1 Troubles névrotiquesdes personnes âgées

• Dans le grand âge, la névrose est souvent à l'origine de troubles ducomportement et du caractère.

• Elle peut également faire le lit de la dépression.• Elle relève généralement d'une approche psychothérapique.• Néanmoins, la prescription de psychotropes est souvent très utile.

CAS CLINIQUEMadame Yvette E., 70 ans est vue en consultation parce qu'elle présente des troublescognitifs plutôt atypiques : elle met ses chaussures dans le lave-vaisselle, perd savoiture, ne reconnaît pas toujours son deuxième mari. Elle est à la retraite depuis 5 anset n'a jamais accepté le départ de son fils unique (du premier mariage).

Questions d'auto-évaluation1 – Quel diagnostic évoquez-vous chez Mme C et sur quels arguments ?2 – Quelle en est l'évolution prévisible et quel est le traitement à préconiser chez cettepatiente ?

Voir réponses en fin de chapitre.

GÉNÉRALITÉS

Les troubles névrotiques sont caractérisés par des spécificités épidémiologiques et unecomorbidité très particulière avec la dépression, mais aussi avec la démence.La présentation clinique oppose la forme ayant débuté à l'âge adulte et celle survenueaprès 65 ans.Les troubles névrotiques ont en commun plusieurs caractéristiques : une inhibition desconduites sociales, une anxiété immotivée ou disproportionnée par rapport au dangerredouté, une bonne adaptation à la réalité, une conscience du trouble que le sujetn'arrive pas à maîtriser.lls ont une plasticité évolutive étonnante, marquée par l'association à un état dépressifet un risque élevé de suicide.Le projet thérapeutique doit ici tenir compte de nombreuses variables liées à l'âge(enfants devenus parents de leur parent, vie en maison de retraite, proximité de lamort).Selon la théorie psychanalytique, l'organisation névrotique est due à un conflitintrapsychique entre des revendications pulsionnelles et l'interdiction opposée par lesurmoi. Les symptômes résultent d'un compromis entre les pulsions et les défenses.

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Guide pratique de psychogériatrie

L'étiologie des névroses est liée au développement de la personnalité. Elle est due à uneperturbation du développement libidinal. Le développement normal est perturbé par untraumatisme externe ou interne qui entraîne une fixation au stade où se trouve ledéveloppement de l'enfant. Ainsi, la névrose est due à une fixation infantile qui pourrase manifester plus tard dans la vie.Pour maintenir une bonne adaptation, l'individu se trouve face à des conflitsgénérateurs de tension qui se manifestent par de l'anxiété. Pour lutter contre cettedernière, des mécanismes de défense se mettent en place pour soulager l'individu decette tension au prix de l'apparition d'un symptôme qui peut être une conversion, unephobie, une idée obsédante, un rituel.

ÉPIDÉMIOLOGIE, VIEILLISSEMENT ET NÉVROSE

Avec l'avancée en âge, le soulagement de ces tensions et de ces souffrances sembleévoluer différemment. Beaucoup de troubles névrotiques chez la personne âgéeapparaissent actuellement masqués par des modifications des conduites comme lerecours à l'alcool ou à des traitements psychotropes.La nosographie moderne ne s'intéresse malheureusement pas à la psychogenèse destroubles, ce qui semble expliquer que les troubles névrotiques soient relativement peuétudiés chez la personne âgée. Néanmoins, des études mettent en évidence uneprévalence de la dépression névrotique après 65 ans estimée à 10 %. Les organisationsnévrotiques semblent donc être sous-estimées même si des auteurs pensent qu'ellessont moins fréquentes que chez les adultes jeunes.Il y a plusieurs raisons à cela :• un état anxieux sera plus facilement lié à la présence d'une pathologie médicale ou

chirurgicale ;

• les symptômes sont moins bien verbalisés et moins bien confiés par la personneâgée ;

• les troubles dépressifs ou anxieux peuvent également masquer les troubles névroti-ques.

Le diagnostic de trouble névrotique chez la personne âgée doit être porté à partird'arguments cliniques étayés par l'histoire du sujet et après avoir éliminé différentesautres causes.Dans le cas de manifestations anxieuses, il faudra rechercher une étiologie iatrogène etéliminer les médicaments augmentant l'anxiété, rechercher des alcoolisations asso-ciées, éliminer une pathologie somatique sous-jacente et un autre trouble psychiatriquecomme une démence ou un trouble dépressif.De manière générale, l'apparition de symptômes s'intégrant dans un registre névroti-que ne peut se faire sans tenir compte des éléments de l'évolution biographique. Leclinicien doit se poser différentes questions face à une personne âgée qui développe unesymptomatologie psychogène. Comment vit-elle sa vieillesse ? Comment réagit-elle faceà ses déficiences physiques et psychiques ? Quelle est sa capacité d'adaptation ? Cequestionnement du médecin repose sur une analyse multifactorielle qui doit permettrede comprendre l'apparition d'états psychologiques anormaux.Il est classique de distinguer deux types de troubles névrotiques chez la personne âgée :l'adulte qui souffre d'une névrose et qui vieillit avec, et l'apparition tardive d'un teltrouble.

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Troubles névrotiques des personnes âgées

PERSISTANCE DES TROUBLES NÉVROTIQUES ET LEUR TRAITEMENT

LA NÉVROSE D'ANGOISSE

CLINIQUE

• Elle associe un fond anxieux chronique intercritique, des crises d'angoisse paroxysti-ques (survenant sans facteurs déclenchants spécifiques) et l'absence de symptômesphobiques, hystériques ou obsessionnels prévalents.Chez l'adulte, elle atteint plus fréquemment les femmes, débute dès l'adolescence etévolue le plus souvent vers d'autres névroses plus structurées. Freud voyait dans lanévrose d'angoisse « un désordre de la vie sexuelle actuelle ». L'école américaine aremis en cause la névrose d'angoisse et l'a séparée en trouble anxieux généralisé et entrouble panique avec ou sans agoraphobie.• Le trouble panique correspond à des crises d'angoisse avec un début brutalsecondaire ou non à un événement spécifique. La période d'état associe unesymptomatologie somatique devant faire éliminer une urgence médicale (dyspnée), unesymptomatologie psychique (la peur d'un danger imaginaire) et psycho-sensorielle avecla possibilité d'un syndrome de dépersonnalisation et de déréalisation.Les conséquences de ce trouble sont l'inhibition ou la fuite anticipatoire. L'accès durede quelques minutes à quelques heures. L'anxiété intercritique peut se caractériser parune attente anxieuse d'une crise d'angoisse, un état d'hypervigilance, des troubles dusommeil, des troubles neurovégétatifs, une hyperesthésie.• L'état anxieux généralisé se caractérise par une insomnie, un sentiment de tensionintérieure, une irritabilité, des manifestations somatiques (vertiges, céphalées, rachial-gies, douleurs thoraciques, palpitations...), des ruminations anxieuses.Chez la personne âgée, l'isolement, la solitude, la perte d'autonomie progressive, laproximité de la mort sont générateurs d'angoisse. Les formes cliniques y sont plusreprésentées par des équivalents anxieux : équivalent somatique (douleur thoracique,angoisse constrictive, palpitations, dyspnée, tremblements...) ou plus rarement équiva-lent psychosensoriel (distorsion des perceptions sensorielles).Les attaques de panique seraient moins fréquentes que chez l'adulte jeune.Néanmoins, de nombreuses modifications comportementales semblent être plus liées àune attaque de panique qu'à des épisodes d'agitation.L'évolution se fait vers des moments de rémission et d'exacerbation des crises d'angoisse.Les risques évolutifs sont ceux d'une polymédication, d'abus d'alcool, de décompensa-tion dépressive, suicidaire, d'un passage à une névrose plus structurée (hystérique,hypocondrie, obsessionnelle, phobique) et d'une désinsertion sociale.

TRAITEMENT

• Pour le trouble paniqueIl consiste en une chimiothérapie en ambulatoire pendant une durée d'au moins sixmois en augmentant progressivement la posologie :• par antidépresseur de type clomipramine (Anafranil de 25 à 150 mg/j en plusieurs

prises) à réserver à des formes résistantes ; par d'autres antidépresseurs mieuxtolérés : les inhibiteurs de recapture de la sérotonine (ISRS) de type fluoxétine(Prozac de 10 à 40 mg/j), paroxétine (Déroxat de 10 à 40 mg/j) ;

• ou par une benzodiazépine type alprazolam (Xanax de 0,25 à 1 mg/j).

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Guide pratique de psychogériatrie

• Le trouble anxieux généralisé doit être traité par :— psychotropes :• benzodiazépine à demi-vie courte type alprazolam (Xanax) ; la bonne prescriptiond'une benzodiazépine chez le sujet âgé nécessite de rechercher la plus petite doseactive ; généralement, la posologie est divisée par deux par rapport à l'adulte jeune pourune durée la plus courte possible de 1 à 2 mois ;• la buspirone (Buspar) qui est un anxiolytique non benzodiazépinique dénué d'effetssédatif et relaxant est une alternative intéressante aux benzodiazépines ;• la prescription d'un antidépresseur type ISRS ou apparenté est souvent justifiée ;—des conseils d'hygiène et de diététique doivent être donnés comme l'arrêt desexcitants (alcool, tabac, thé et café) ;— le médecin généraliste peut aussi orienter son patient vers une prise en chargepsychothérapique dans le but d'améliorer la situation psychologique :• une thérapie analytique ou cognitivo-comportementale ;• ou la relaxation psychothérapique, qui est également une très bonne indication.

NÉVROSE PHOBIQUE

CLINIQUE

• L'anxiété dans la phobie est déclenchée par une situation spécifique. Pour lesanalystes, dans la phobie il y a substitution par un objet ou une scène d'un dangerpulsionnel intérieur. L'école américaine, dans le DSM, a reclassé la névrose phobiquesous l'entité des attaques de panique.• Les phobies (agoraphobie, phobie sociale et simple) regroupent des caractéristiquescommunes : crises d'angoisses lors de la présence réelle d'un objet ou d'une situationsans caractères dangereux, conscience par le sujet du caractère morbide et mise enplace de conduites d'évitement, de réassurance ou de fuite :—l'agoraphobie se produit dans des situations précises : rue, lieux publics, transportsen commun par exemple ;—la phobie sociale correspond à la peur de se trouver dans une situation où le sujet setrouve exposé à autrui ;— la phobie simple est la peur isolée d'une seule situation ou d'un objet très spécifique.Les évolutions possibles sont le risque d'alcoolisation, de polymédication et dedécompensations dépressives.Avec l'avancée en âge, cette névrose peut se stabiliser avec des symptômes résiduelsou s'aggraver.L'agoraphobie peut aboutir à un confinement au domicile et à une désocialisationprogressive. Elle peut compliquer le trouble panique.

TRAITEMENT

• Prise en charge psychothérapiqueLa psychothérapie cognitive et comportementale est indiquée pour l'agoraphobie, laphobie sociale ou la phobie simple. Différentes techniques sont utilisées comme ladésensibilisation qui consiste pour le patient à imaginer des situations phobogènes et àles contrôler avec son thérapeute et le flooding ou immersion où le patient apprend avecson thérapeute à surmonter la situation phobogène.

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Troubles névrotiques des personnes âgées

• Traitement médicamenteuxCe dernier est à prescrire lorsque l'angoisse est importante. Le choix ira vers unantidépresseur ou un anxiolytique :— l'utilisation de benzodiazépines doit se faire en préférant des médicaments à demi-vie courte et en débutant à des doses qui doivent correspondre à la moitié de laposologie prescrite chez l'adulte jeune ;— dans le cas de manifestations cliniques invalidantes, le médecin va pouvoir avoirrecours à un traitement antidépresseur en débutant de préférence par un ISRS ou parun inhibiteur de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. La posologie est engénéral doublée par rapport aux troubles dépressifs isolés.

NÉVROSE HYSTÉRIQUE

CLINIQUE

C'est Freud qui parle le premier de l'origine inconsciente de l'hystérie après d'autres quiont échoué dans l'explication anatomo-clinique des différentes modalités d'expressionde cette névrose. Étant donné l'hétérogénéité de ce trouble névrotique, le DSM n'isolepas l'hystérie comme une entité, mais isole des troubles comme les troubles de lapersonnalité, les manifestations dissociatives ou les troubles somatoformes.L'hystérie se caractérise par un mode de relation particulier (dépendance ou revendica-tion), des manifestations conversives ou dépressives, des bénéfices secondaires et dessymptômes de dissociation hystérique comme l'amnésie, la fugue ou la dépersonnali-sation.Les modalités évolutives de l'hystérie peuvent se faire vers la chronicité de laconversion, vers des difficultés affectives, familiales et sociales, des conduitesaddictives, suicidaires ou vers un trouble dépressif.Chez le sujet âgé, la majoration et la dramatisation des affects, l'avidité affectivepeuvent rendre ces personnes difficilement tolérables à leur domicile ou en institution.La décompensation dépressive est relativement fréquente. Des manifestations conver-sives sont également possibles et en particulier, comme il s'agit d'une pathologiepathoplastique qui évolue en fonction des connaissances de la société, de typeneurologique « subtil », sous forme par exemple de dysmnésies hautement surprenan-tes.

TRAITEMENT

• La relation avec le patient doit valoriser la guérison.• La nécessité d'hospitalisation sera à évaluer par le médecin de famille et sera surtoutindiquée pour rompre un état de crise familiale ou lors de décompensations dépressiveou anxieuse. La prise en charge essentielle est celle d'une grande complémentaritéentre le médecin généraliste et le psychiatre.• Les manifestations conversives vont pouvoir être traitées par la suggestion au moyend'une psychothérapie de soutien ferme et chaleureuse ou par l'hypnose.• Le traitement psychotrope doit être réservé aux décompensations dépressive etanxieuse.

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Guide pratique de psychogériatrie

NÉVROSE OBSESSIONNELLE

CLINIQUE

L'obsessionnel est une personne assiégée par des idées qui va essayer de se défendrepar des rituels. On l'a nommée la « folie du doute ». Freud a montré que ces sujetsinvestissent la pensée en termes de plaisir, de souffrance et de conflits. La classificationaméricaine des troubles mentaux parle de trouble obsessionnel-compulsif et depersonnalité obsessionnelle-compulsive à la place de la névrose obsessionnelle.L'âge de début de ce trouble est en général précoce vers 20 ans ou plus jeune.La névrose obsessionnelle se définit par l'association d'une personnalité obsessionnelleet de symptômes obsessionnels comme les obsessions et les rituels. Les rituels et lescompulsions appartiennent à un registre comportemental que le sujet se doitd'accomplir en reconnaissant leur caractère absurde. Les obsessions appartiennent audomaine de la pensée et correspondent à des idées entraînant une rumination(obsessions idéatives), à la peur d'une maladie (obsessions phobiques) ou à la peur decommettre un acte répréhensible (obsessions impulsives).L'évolution de cette névrose est sévère entraînant des conséquences négatives dans lavie familiale, sociale et professionnelle.De nombreux obsessionnels ne vont être retrouvés qu'au décours de décompensationsdépressives ou d'hospitalisations lors de la sénescence. Ces personnes ont avancé enâge sans jamais avoir consulté en raison de la crainte du ridicule. L'évolution spontanéede cette névrose peut se faire vers une stabilisation ou vers l'accentuation d'angoissesde plus en plus importantes. Il est classique de retrouver chez le sujet âgé une cliniquemoins riche que chez l'adulte. Les idées obsédantes, les compulsions prennent uneteinte de monotonie.

TRAITEMENT

• L'orientation médicale doit se faire vers une prise en charge psychothérapique le plustôt possible :—la psychanalyse est indiquée, mais se heurte souvent aux résistances du sujet âgé ;—une écoute chaleureuse s'intégrant dans une psychothérapie de soutien est pluspertinente et doit permettre d'éviter une ritualisation de toute la vie ;—la psychothérapie cognitive et comportementale se base sur une diminution del'anxiété par des expositions répétées aux pensées obsédantes et aux rituels ; destechniques d'immersion, de désensibilisation progressive ou d'affirmation de soi vontpouvoir être proposées.• Le traitement médicamenteux repose sur la prescription d'antidépresseur, même enl'absence de dépression :— /es tricycliques ne sont pas prescrits en première intention chez le sujet âgé ;—une prescription de benzodiazépine ou de neuroleptique sédatif peut se faire en casde manifestations anxieuses.• L'hospitalisation en milieu spécialisé est indiquée dans le cas d'angoisses massives,de décompensations dépressives ou de manifestations cliniques invalidantes.

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Troubles névrotiques des personnes âgées

NÉVROSE DE CARACTÈRE

CLINIQUE

L'intérêt d'isoler une telle organisation est de permettre de comprendre certainespersonnes se caractérisant dans leur relation avec les autres par des traits de caractèremarqués par l'agir et par une faible capacité de mentalisation sans prise de consciencedu caractère pathologique de ces traits. Ils empruntent à un registre comportementalressenti par l'environnement comme hostile.Les patients souffrant de ce type d'organisation sont instables et ont des conduitesmarquées par l'impulsivité et l'agressivité.Chez la personne âgée, la vie quotidienne se caractérise par des difficultés relationnel-les aussi bien familiales qu'avec le personnel soignant sans qu'il puisse y avoir unequelconque remise en question.

TRAITEMENT

Le travail psychothérapique consiste en un soutien et doit permettre l'expression et lacompréhension de ce mode de fonctionnement.

NÉVROSE D'ÉCHEC

CLINIQUE

Elle est marquée par l'incapacité et l'indécision à s'engager dans tous les domaines quientraînent des échecs professionnels, affectifs, familiaux et sociaux. Chez la personneâgée, incapable d'obtenir une satisfaction, cette organisation aboutit à un isolementsocial.

TRAITEMENT

Le travail psychothérapique consiste, comme dans le cas précédent, en un soutien etdoit permettre l'expression et la compréhension de ce mode de fonctionnement.

TROUBLES RÉACTIONNELS NÉVROTIQUES

Ils correspondent à des troubles névrotiques qui apparaissent après un ou desévénements objectivement difficiles à supporter comme un deuil, une séparation, unincendie ou toute autre catastrophe.Sous cette appellation sont regroupés la névrose traumatique (ou état de stress post-traumatique) et également des états liés à des difficultés de la vie quotidienne (conflits,disputes, mariage ou naissance d'un petit-enfant).

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Guide pratique de psychogériatrie

ÉTATS NÉVROTIQUES D'APPARITION TARDIVE OU D'INVOLUTION

Il s'agit d'états restés latents à l'âge adulte qui ne se révéleraient qu'après 65 ans. Ilexisterait une vulnérabilité révélée par la sénescence chez une personne âgée quin'arriverait plus à compenser ni à faire face à de nouveaux stress.La nosographie actuelle ne reconnaît pas ces états d'apparition tardive. Pourtant, uneconversion hystérique peut survenir pour la première fois chez le sujet âgé.• La névrose phobique d'involution peut être individualisée par l'apparition deconduites d'évitement liées à des situations nouvelles que le sujet âgé peut chercher àéviter.• La névrose d'angoisse d'involution se caractérise par des préoccupations excessivescentrées sur le corps sans que le sujet âgé ait eu antérieurement un fonctionnementhypochondriaque.• La névrose de caractère d'involution va pouvoir être évoquée devant l'apparitionrelativement brutale de comportements plus difficiles, comme par exemple l'accentua-tion de comportements autoritaires et cruels, une intolérance aux critiques et desmodifications des conduites.• Des états de stress post-traumatique d'involution sont également individualisés chezla personne âgée, après exposition à des événements de vie difficiles ou à de lourdsproblèmes somatiques.• Le syndrome de glissement de pronostic très sombre répond à cet état de stress post-traumatique. Il apparaît après une maladie somatique grave, la personne âgée ne selève plus, ne se nourrit plus, refuse l'aide proposée. Certains le considèrent comme uneforme de dépression majeure.

MODALITÉS ÉVOLUTIVES DE CES TROUBLES TARDIFS

Il existe différentes modalités évolutives spontanées de tels troubles.La personne âgée peut passer d'une névrose à une autre.Il peut également exister un risque de décompensation dépressive ou d'apparition d'undélire tardif. Ce délire tardif pourrait être amélioré par un traitement antidépresseur.La personne âgée peut également développer des conduites addictives à l'alcool pourlutter contre l'anxiété. Il existe également un grand risque d'addictions et dedépendance aux benzodiazépines exposant comme pour l'alcool à un risque desédation, de confusion et de chute.La personne âgée névrotique peut également devenir dépendante d'une personne oud'un groupe, on parle alors de syndrome de captation affective.

TRAITEMENT

• Le traitement de tels troubles nécessite une prise en charge globale de l'individus'articulant autour d'une prise en charge psychothérapique et éventuellement chimio-thérapique. Autour de la thérapie doit s'organiser une relation d'aide et d'étayagepermettant au sujet de reprendre confiance.Le traitement des facteurs qui ont pu aggraver ou favoriser la décompensation estégalement à prendre en compte.• Le traitement médicamenteux peut comporter :— des anxiolytiques qui doivent cependant être utilisés à des doses faibles et pendantune durée très courte ;

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Troubles névrotiques des personnes âgées

— les antidépresseurs sont parfois indiqués comme traitement de fond dans lesdécompensations dépressives, dans les attaques de panique et pour le troubleobsessionnel.

Correction du cas clinique

1 — Chez Mme C le diagnostic probable à évoquer est celui de névrose hystérique devantl'existence de :• traits de personnalité hystérique : dépendance affective, théâtralisme, immaturitéaffective avec tendance inconsciente à la manipulation et revendications ;• antécédents d'accident conversif ;• un épisode actuel qui ressemble à une fugue dissociative avec amnésie secondaire.

2 — L'évolution de l'hystérie peut se faire vers la chronicité de la conversion, vers desdifficultés affectives, familiales et sociales, des conduites addictives, suicidaires ou versun trouble dépressif. Chez le sujet âgé, la décompensation dépressive est relativementfréquente.Le traitement passe dans le cas Mme C, par :• une hospitalisation qui est surtout indiquée pour rompre cet état de crise familiale età cause de la décompensation anxieuse probable ;• une psychothérapie de soutien au cours de laquelle la relation avec le patient doitvaloriser la guérison.L'hypnose pourra être utilisée en cas de nouvelle conversion et le traitement psychotropedoit être réservé si s'installe une réelle décompensation dépressive et anxieuse.

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Index

AAbréactive (technique) 105Acamprosate (Aotal) 21Accompagnement psychologique 21Acépromazine (Mépronizine, Noctran) 69,193Achat compulsif 26Acide valproïque (Dépakine) 195Activité fantasmatique 28, 166Addiction 13, 15-17, 25, 28, 36, 190,214- sexuelle 26Administration légale 153Adrafinil (Olmifon) 137Affectivité, affectif 34, 61-63, 66, 79,92, 94, 125, 136, 165, 170, 195Agenda de sommeil 213Agitation 1, 4, 6, 9, 46, 82- anxieuse 3, 5, 103- maniaque 5Agnosie 48, 82Agoraphobie 35, 249-250Agraphie 72Agressivité, agressif 7-8, 11, 53, 71, 73,85, 223, 241- majeure 6Aidant 48Aide-ménagère 230Alcool, alcoolisme 9, 13, 114, 173, 205,249, 254Alexithymie 27-28Alimémazine (Théralène) 6Alimentation 44, 47Allocation personnalisée d'autonomie 231Alprazolam (Xanax) 110, 191, 197, 250Altération cognitive 12, 74Amisulpride 186Amisulpride (Solian) 55, 186-187, 197Amitriptyline (Laroxyl) 97Amphétamines 96Androgènes 202, 207Anhédonie 90, 94

Anorexie (mentale) 43, 45, 48Anosognosie 8, 79Anticholinergique 9, 39, 52, 137, 182-183, 186, 194, 197Anticholinestérasiques 68Anticonvulsivants 85Antidépresseur 40, 66, 96, 105, 181,185, 197, 243-244, 249, 255Antihistaminiques 191-192, 194, 197Antiparkinsoniens 9, 56Antipsychotique 5, 47, 66, 85Anxiété (généralisée), angoisse 2, 5, 10,17, 21, 34, 36-37, 40, 45, 49, 55, 61-62, 74, 83, 85, 93, 109, 123, 134,174, 183, 189-190, 193, 196, 214,249-250, 252, 254- de performance 203, 205Anxiolytiques 39, 110, 183, 186, 189,196, 254Apathie 83, 85, 87, 188Aphasie 53, 78, 120Apraxie 46, 73Assistante sociale 230Asthénie 17, 37, 131Asthme 29, 37, 167, 213Ateliers mémoire 138Atrophie cérébrale 18, 77Attaque de panique 2, 10, 34, 38, 112,196, 249Attention 141Automatisme mental 60, 93Automédication 24Autoquestionnaire de Mac Nair 135Autotopoagnosie 73Azapirones 39

BBarbituriques 23, 131Benzamide(s) 5, 55, 132, 186-187Benzodiazépines 5, 9, 21, 23, 36, 38-39, 55, 85, 105, 179, 190, 193, 197,217, 220, 251, 254

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Guide pratique de psychogériatrie

Bêtabloquants 39, 91, 137, 213Bouffée délirante aiguë 61, 112Boulimie 26, 47, 241Bromazépam (Lexomil) 191Bromocriptine (Parlodel) 97, 114Buproprion (Zyban) 25, 96Buspar 10 mg 191Buspirone (Buspar) 39, 191, 250

CCaféine 9, 37Cannabis 25, 114Caractère 71, 73, 87, 104, 108, 210,226, 237Carbamates 5, 21, 39, 84, 191Carbamazépine (Tégrétol) 130-131, 194-196, 198CATTP 118Center for Epidemiological Studies-Depression Sca/e 98Certificats 156Chlorazépate dipotassique (Tranxène)191Chutes 14, 78Cimétidine (Tagomet) 4, 9, 39, 52, 91Citalopram (Séropram) 38, 97, 185Clomipramine (Anafranil) 38, 132, 183,185, 197, 249Clonazépam (Rivotril) 110, 218Club 22Cocaïne 25Cognition, cognitif 7, 19, 25, 29, 36, 39,52, 60, 73, 78, 84-85, 105, 128, 136Colère 4, 128Colique néphrétique 9Coma 53Compagnon tardif (délire) 66Compliance thérapeutique 180Conatif 94Conduites addictives 38, 40, 172, 226,254Conflit 46Confusion, confusionnel 2, 4, 18, 21, 36,51, 71, 78, 102, 104, 112, 128, 131,186, 190, 194-196, 214, 218, 254Confuso-onirique 18Contention (physique) 55, 159Conversion (hystérique) 47, 175, 254Coprophagie 48Correcteur 5Corticoïde(s) 3-4, 213

Couple 176, 199, 209Cris 10, 51, 159, 197Crise comitiale 18, 55, 74Critères cliniques de démence fronto-temporale 79Critères diagnostiques de la démence àcorps de Lewy 78Curatelle 83, 149, 151-152, 154Cure de sevrage 13, 20Cyamémazine (Tercian) 187, 194Cytochrome P450 42, 182

DDéambulations 10, 36, 79, 83, 197,214, 216, 228DECO 136, 143Défense 29, 62, 102, 248Déficit- cognitif léger 110, 134, 148- mnésique lié à l'âge 134Délire(s), délirant 6, 64- chronique systématisé 24, 63- d'infestation (syndrome d'Ekbom) 62-

63- hypocondriaque 46, 62, 123- paranoïaque 123- tardif 3, 10-11, 47, 53, 59-65, 79, 82,

90, 111, 113-114, 123, 181, 186,226, 239, 254

Démence, dément 3, 5, 30, 37, 43, 45,47-49, 52, 64-67, 70, 76, 82, 119-120, 133, 148, 168, 175-176, 189,196-197, 209, 222, 225, 227, 234,243-244, 247-248- à corps de Lewy 67, 76, 80, 84- associée au VIH 81- fronto-temporale 3, 76, 83Démotivation 94Déni 14, 19, 62Dépendance 14, 17, 19-20, 23, 25, 28,33, 39, 52, 94, 118, 171, 190, 193,196, 230-232, 234, 242- médicamenteuse 13, 24Dépersonnalisation 35, 112, 241, 249Dépression 3, 11, 15, 17, 23-24, 29-30,36-37, 45, 52, 55, 62, 75, 77, 83, 86,89-92, 95-96, 99, 109, 127, 129, 172,183, 194, 197, 200, 205, 209, 214,220, 223, 242, 244, 247-248, 254- hostile 9, 46, 93, 96- masquée 9, 89, 109

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Index

- pseudo-démentielle 73, 77, 94, 96,210

- résistante 94- vasculaire 91, 96Déréalisation 35, 241, 249Désafférentation (sensorielle) 9, 52, 60-61Désinhibiteurs 123Désipramine (Pertofran) 97Désir sexuel 201-202Désordre psychotraumatique 181, 221Désorientation temporo-spatiale 2, 51,126Deuil 4, 47, 91, 99, 102, 114, 124, 221Diazépam (Valium) 191Dipropylacétamide (Dépamide) 196Disulfiram (Espérai) 21Diurétiques 4, 21, 56, 195, 213Divalproate de sodium (Dépakote) 131,196Divorce 154, 200, 221Douleur 107, 175- de désafférentation 109- par nociception 109- psychogène 66, 109-110Dyspareunie 200, 205-206Dysphorie 17, 125Dyssomnie 42, 213Dysthymique 63Dysthyroïdie 81, 91

EÉchelle- d'Hamilton 98- française d'évaluation de l'alexithymie

(EFEA) 30-31- MADRS 98Écholalie 79Effets indésirables 182Éidolie hallucinosique 112-113, 115Électroconvulsivothérapie 95-97Électroencéphalogramme 23, 54Émotion 27-28, 34, 83Encéphalopathie de Gayet-Wernicke-Korsakoff 18Entourage 1, 3-4, 6, 8, 10, 13, 38, 40,46, 54, 59-60, 67, 75, 85-86, 93, 96,104, 123, 136, 195, 214, 234, 239,242Épidémiologie 14, 35, 52, 59, 70, 90,107, 126, 133, 212, 219, 248

Épilepsie 37, 74, 114Ergothérapie 11, 174Érotomanie 62, 197État- confuso-onirique 18- de stress post-traumatique 101, 253- mixte 10, 26, 55, 127, 129Événement de vie 136Examen polysomnographique 215Exécutives (fonctions) 73, 87, 95Extrait thyroïdien 4, 9Extraits de gingko biloba (Tanakan) 137Extraverti 8

FFacteurs psychosociaux 134Famille 8, 13, 22, 40, 118, 136, 153,156, 175Fécalome 4, 54Fluoxétine (Prozac) 39, 66, 97, 182,185, 197, 249Fluphénazine (Moditen) 186Fluvoxamine (Floxyfral) 11, 42, 66, 85,97, 182, 185, 197Folates 18, 49Folie à deux 64Fonctionnement- familial 11, 32- institutionnel 11Fonctions- exécutives 73- instrumentales 72Frigidité 202, 206, 242Frustration 170, 172, 200, 206, 240,243Fugue 61, 73, 198, 251

GGalanthamine (Reminyl) 85Garde à domicile 230Génétique 29, 165Geriatric Depression Scale (GDS) 98Gestalt-Thérapie 38, 172Gloutonnerie 48, 73Groupe de parole 11, 119

HHallucination, hallucinatoire 3, 18, 53,64-65, 67, 78, 82, 98, 111, 113- hypnagogique 113

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Guide pratique de psychogériatrie

- hypnopompique 113Hallucinose pédonculaire 114Halopéridol (Haldol) 55, 132, 187Hédonisme 44Hématome sous-dura) 9, 18, 76, 81Héroïne 25Hôpital de jour 22, 86, 117-118, 120,173Hospitalisation 1, 6, 19, 37-38, 51, 53,55, 63-64, 67, 95, 130, 155, 200, 225- à la demande d'un tiers 156- court séjour 226- d'office 156-157- de nuit 227- en psychiatrie 229- libre 156- sans consentement (sous contrainte)

156Hostile 181Hostilité 3, 95Humeur (triste) 3, 122, 125Hydroxyzine (Atarax) 6, 39, 191-192,197Hygiène du sommeil 216Hypercorticisme 36Hyperdopaminergie 66Hyperoralité 48, 79Hyperphagie 47, 49Hypersomnie 127, 213-214Hyperthyroïdie 4, 36, 56Hypnose 47, 106, 110, 175Hypnotiques 19, 23, 52, 192, 197Hypocondrie, hypocondriaque 46, 60,79, 93, 121-122, 197, 249Hypoglycémie 4, 9, 16, 36, 56Hypomanie 3, 127Hyponatrémie 130, 182

IADL 74, 148latrogénie 37, 123, 198Idée- d'influence 60- de persécution 128, 186, 240- de préjudice 3, 62, 93, 186- fixe post-onirique 54-55Identification projective 65Imagerie- cérébrale morphologique 76- fonctionnelle par SPECT 76Imaginaire 28, 65, 67

IMAO 96, 127, 130, 182, 184Imipramine (Tofranil) 183Imipraminiques (tricycliques) 48Impuissance 200, 203, 205, 208Impulsivité 8, 79, 83, 181Incontinence 18, 53, 79Infidélité 65, 82Infirmier de secteur 228Inhibiteurs de recapture de la sérotonineet de la noradrénaline 183Inhibiteurs spécifiques de la recapture dela sérotonine (ISRS) 182Inhibition 32, 93, 103, 190, 201, 249Injures 10Insomnie 212-214Institution 8, 14-15, 22-23, 39, 43, 49,86, 94, 98-99, 107, 117, 120, 174,216, 221, 225, 227-228, 241, 251Instrumentale (fonction) 72, 87, 135Introverti 8Inventaire de dépression de Beck 98Involution 65, 254Isolement 45, 60, 62, 91, 113, 221Ivresse aiguë 16

JJalousie 62, 65, 93, 113, 197, 210, 239

KKinésithérapie 226Kleptomanie 26Korsakoff 18

LLévomépromazine 21, 186, 191, 194Libido 204, 208Limbique 29, 81Lithiémie 56, 131Lithium (Teralithe) 130, 194, 196Lorazépam (Témesta) 190-191Loscapine (Loxapac) 188

MMaintien à domicile 117, 229Maison de retraite 22, 37, 202Maladie- d'Alzheimer 45, 76, 80, 82, 84, 114,

189, 196, 202, 214, 232- de Creutzfeldt-Jakob 77, 81

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Index

- maniaco-dépressive 3, 92, 96, 125,128, 132, 220

Manie 26, 55, 126, 128, 132- malheureuse 129Maniérisme 63Maprotiline (Ludiomil) 97, 185Massage 227Mélancoliforme 46Mélancolique 63, 92, 96, 132Mémoire 71-72, 79, 84, 86, 92, 133Ménopause 201, 203, 206Mentalisation 164Méprobamate (Equanil) 33, 39, 191,197Mesure de protection des biens 154, 159Miansérine 185, 191, 194Migraine 114, 175Minalcipran (Ixel) 183, 185Mini-GDS 37, 98, 135Mirtazapine (Norset) 99MMS 23, 74, 135, 147Moclobémide (Moclamine) 96, 183-185,244Morphiniques 52Mouvements périodiques des membresinférieurs 218Myorelaxants 24

NNaltrexone (Revia) 21Narcissisme 61-62, 64, 86, 96, 134,170, 173, 176, 204, 234, 238, 243Narcolepsie 215, 218Néocortex 29Neurobiologie 29Neuroleptiques 5, 21, 39, 55, 78, 82,91, 114, 127, 131-132, 179, 184-189,192, 194-195, 197-198, 241, 243,245Névrite 18Névrose, névrotique 24, 122, 245, 247-248- d'angoisse 249- d'échec 253- d'involution 254- de caractère 253- hystérique 251- obsessionnelle 252- phobique 250Nosophobie 122Nursing 11

oObsession, obsessionnel 34Olanzapine (Zyprexa) 57, 131, 196Onirisme 2, 51, 53-54, 61, 78, 128Orgasme 203-204Oubli- bénin 77, 134- malin 134Oxazépam (Séresta) 23, 197

PParanoïa, paranoïaque 95, 238-239Parasomnies 215Parkinson 36, 114, 187Paroxétine (Déroxat) 38, 40, 85, 97,185, 197, 249Pathologie- post-traumatique 214- vasculaire cérébrale 91, 113Pensée opératoire 28, 32Perplexité anxieuse 2, 53Persécution 60, 71, 93Persévération 72, 79Personnalité 7-8, 12, 15, 29, 32, 39-40,61, 86, 95, 102-103, 114, 134, 171,175, 200, 214-215, 226, 237- antisociale (psychopathique) 238, 240- anxieuse 47- border-line 241- dépendante 244- évitante 244- histrionique 242- hystérique 242- narcissique 243- obsessionnelle 124, 245, 252- paranoïaque 238-239- psychasthénique 245- schizoïde 240- schizotypique 240- sensitive 239Perte 4, 92- d'appétit 45Phénothiazines 132, 187, 191, 194Phobie, phobique 17, 33-34, 36, 40, 96,101, 104, 122, 181, 214, 244, 248-250, 254Pica 48Pimozide (Orap) 66Piracétam (Nootropyl, Gabacet) 137Plainte mnésique 75, 133-134, 148

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Guide pratique de psychogériatrie

Polynévrites 18Précautions d'emploi des psychotropes182, 189Préjudice 6, 10, 60, 62, 71, 197Projection 65Propériciagine (Neuleptil) 217Prosopagnosie 65, 73Psychanalyse, psychanalyste 29, 252Psychodrame analytique 173Psychodynamique 2, 112, 114, 221Psychopathiques 8Psychose hallucinatoire chronique 47,112Psychose, psychotique 64, 76, 93Psychosomatique 19, 28, 163, 165-167Psychothérapie 21, 67, 95, 106, 132,166, 169-170, 175-176, 240, 250- brève 172- cognitivo-comportementale 38, 245- de groupe 239- de soutien 21, 38, 40, 119, 172, 243,

252- psychanalytique 171Psychotropes 9, 21, 24, 26, 37, 175,179, 190, 205, 217, 227, 243-244,247, 250

RRééducation 11Refus- alimentaire 46, 49- de soins 6, 226Régression 47, 62, 94Relaxation 11, 21, 31, 38, 40, 166,174, 227, 245Religion 91Repas à domicile 22Réseau gérontologique 232Rétention urinaire 4, 9Retraite 91, 200, 221Rispéridone (Risperdal) 6, 55, 67, 115,132, 187, 197, 218, 240Risque suicidaire 3, 5, 17, 38, 92, 104,129, 180, 197, 222, 224Rivastigmine (Exelon) 84

Sauvegarde de justice 150

Schizophrénie 60,_63, 131, 186, 188,196, 240- paranoïde 64, 112Score de Hachinski 75Sédatif, sédation 6, 9-10, 24, 39, 55Self Rating Scale 98Sénescence 15Sertraline (Zoloft) 39, 66, 85, 97, 182,185Sevrage 20, 24Sexualité, sexuel 16, 62, 200Sieste 211, 214, 216Signes et symptômes psychologiques etcomportementaux des démences 82Sildénalil (Viagra) 208-209Sinistrose 104Sismothérapie 97, 132, 181Situation de crise 3Sociothérapie 11Solitude 221, 249Somatisation 32, 63, 90Sommeil 113, 211Souffrance 1, 8Stéréotypies 48, 63, 79Stimulations mnésiques 86, 119, 234Stress, stressant 37, 52, 134, 189Stupeur 53, 63Suggestion, suggestibilité 47Suicidalité 223Suicide, suicidaire 46, 49, 90, 92, 95,101, 219Sulpiride (Dogmatil) 44, 55, 186Sundowning syndrome 54Sympathomimétique 37Syndrome- cérébral organique 61- d'apnées du sommeil 215- d'Ekbom 62-63, 114- de Capgras 65- de Charles Bonnet 64, 113- de Cotard 46, 112, 123- de glissement 53, 167- de répétition 103- de sevrage 18- des jambes sans repos 192, 216- dissociatif 93- du bandeau 64- hyperkinétique 188Syphilis 81Système cholinergique 84, 183

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Index

TTabagisme 25Tacrine (Cognex) 84Tempérament 10, 237- cyclothymique 127- hyperthymique 127Tentative de suicide 219, 223Test- de fluence verbale 148- de Grober et Buschke 78, 148- de rétention visuelle 76Testostérone 203, 207Thérapie cognitive et comportementale38Thérapie de couple 176, 209Thymorégulateurs 26, 105, 130, 194,196, 198, 241Thyroïde 84, 130, 183Tianeptine (Stablon) 197Tiapride (Tiapridal) 5-6, 197Tolérance 6Toxicomanies 25Toxiques 28Trait making test 76Training autogène 166Tranquillisants 17, 23, 90Tranxène 191Traumatisme 29, 101-104Tricycliques imipraminiques 183Trimipramine (Surmontil) 183, 185Tropatépine (Lepticur) 186Trouble- anxieux généralisé 33-34, 36, 39, 250- bipolaire 127, 194- cognitif 135- de l'adaptation 104- de l'humeur 132- de la personnalité 4, 104, 238- du comportement 1, 6, 43, 75- - alimentaire 28, 43-45, 47, 49, 73- du jugement 65, 72, 123- du raisonnement 72, 87

- du sommeil 212- gnosique 3, 73- mnésique 77- névrotique 171, 173, 247- obsessionnel-compulsif 252- panique 34-36, 38, 122, 181, 214,

249- phasique 72, 148- praxique 3, 73- réactionnel névrotique 253- sexuel 205, 207Tumeur cérébrale 3, 81Tutelle 83, 149, 151-154

uUnités de soins prolongés 233Urination 53

VVaginisme 205Valium 191Valpromide (Dépamide) 130, 196Venlafaxine (Effexor) 183Veuvage 221Vieillissement 16, 44, 63, 77, 89, 92,102,176,221,

105,202,239,

108,204,241,

112,208,243,

129,211,245,

133-134,213, 216,248

Vigilance 51Vitamines Bl, B6, B12 18Vol 60, 82

W/XWAIS 76

zZolpidem (Stilnox) 193, 197, 217Zopiclone (Imovane) 193, 197, 217Zuclopentixol (Clopixol) 187

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406243 — (I) — (1,5) — OSB A-80°

r Elsevier Masson S.A.S.62, rue Camille-Desmoulins

92442 Issy-les-Moulineaux CedexDépôt Légal : novembre 2006

PhotocompositionEXEGRAPH — 31100 Toulouse

Achevé d'imprimer sur les presses deSNEL Grafics sa

Z.I. des Hauts-Sarts - Zone 3Rue Fond des Fourches 21 — B-401 Vottem (Herstal)Tél +32(0)4 344 65 60 - fax +32(0)4 289 99 61

octobre 2006 — 40216

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MEDIGUIDES

de psychogériatrieL'allongement de la durée de vie et l'augmentation du nombre de personnes âgées font que le

médecin est de plus en plus confronté aux troubles psychiques de ces patients particuliers.

Ainsi, cette deuxième édition enrichie et mise à jour permettra au généraliste de faire le point

sur les différentes affections qu'il est amené à rencontrer, de définir le diagnostic et la conduite à

tenir pour chacune d'elles dans sa pratique quotidienne, de mieux suivre son patient et de mieux

conseiller son entourage.

Descriptif et pratique, ce guide décrit les pathologies par ordre alphabétique à travers leurs

manifestations cliniques, leurs principales étiologies et leur prise en charge. L'ensemble

est souvent illustré par une vignette clinique conçue sur un modèle didactique de formation

continue.

Cet outil est destiné plus largement à tous les professionnels de santé exerçant auprès des

personnes âgées.

LES AUTEURS

Jean-Pierre Clément est psychiatre, professeur des universités, praticien hospitalier.

Nicolas Darthout est psychiatre, ancien chef de clinique-assistant.

Philippe Nubukpo est psychiatre, praticien hospitalier.

Ils exercent leur activité dans le service de psychiatrie adultes et de psychologie médicale du centre

hospitalier Esquirol à Limoges.

SBN 2-294-06243-4

Retrouveztous les ouvrages Masson surwww.masson.fr

9 18R I11062438