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i t Année 1 9 4 6 . — N° 82. Le Numéro ' / X i x fi , , I ij fr. Samedi 24 Août 1946. ^ JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE COMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS Abonnements à l'Édition des DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE : FRANCE, COLONIES ET PAYS DE PROTECTORAT FRANÇAIS: 2 1 5 fl% ÉTRANGER Î 3 8 0 fkv (pour les pays accordant une réduction de 50 °lo sur ies tarifs pmtaux) ET £ 3 5 f r . (pour les autres pu/s), {Compte chèque postal : 100.97, Paris.) JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE aux renouvellements et réclamations DIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION ^ QUAI VOLTAIRE, N» 31, PARIS-7* POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE AJOUTER G FRANCS SESSION DE L'ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE ÉLUE LE 2 JUIN 1946 Séance du Vendredi 23 Août 1946. SOMMAIRE T — Procès-verbal. 2. — Politique générale du Gouvernement en Algérie. — Suite de la discussion d'une inter- pellation. . Discussion générale (suite) : Mme Spor- tisse, MM. Rorra, Demusois, Fayet, Le Tro- quer, Viard, Abbas, Quilici, le général Giraud, *r Edouard Depreux, ministre de l'intérieur. Clôture. Ordre du jour de M. Viard et plusieurs de ses collègues. Demande de suspension de séance : MM., Lecourt, Le Troquer. —• Adoption. Suspension et reprise de la séance. Ordre du jour de M. Viard et plusieurs de ses collègues ; M. Viard. Retrait. Ordre du jour de M. Viollette et plusieurs de ses collègues: MM. Viollette, Bardoux, Roclore, Quilici, René Mayer, Ramarony, Viard, Sator, Le Troquer, Demusois, Eugène Petit, Georges Bidault, président du Gouver- nement provisoire, < ministre des- affaires étrangères. Adoption, au scrutin. 3. — Règlement de l'ordre du jour. PRESIDENCE DE M. FERNAND BOUXOM Vice-président. La séance est ouverte à neuf heures et demie. 1 1 — PROCES-VERBAL M, Se président. Le iprocès-verbal de la troisième séance du jeudi 22 août a été affiché et distribué. Il n'y a pas d'observations?... Le procès-yerbal est adoptée 2 — POLITIQUE GENERALE DU GOUVERNEMENT EN ALGERIE Suite de la discussion d'une interpellation, M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de Ja discussion de l'interpellation de M. Quilici sur la ,p(îlitique générale du Gouvernement en Algérie. Je me permets d'attirer l'attention de l'Assemblée sur le fait qu'il y a encore, six orateurs inscrits dans la discussion géné- rale, ou'tre M. le ministre de l'intérieur, et que M. Viollette et M. Bardoux sont ins- crits pour prendre la parole sur les ordres du jour. Comme l'Assemblée avait témoigné fer- mement sa. volonté de terminer le débat ce matin, j'espère que les orateurs vaudront bien faciliter la réalisation de cet ordre du jour. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sportisse. Mme Sportisse. Mesdames, messieurs, ce n'est pas à la faveur d'une interpellation que l'on peut espérer résoudre les (pro- blèmes qui se posent en Algérie. Nous souhaiterions vivement que la présente Assemblée, en dépit de son programme chargé, consacrât une partie de son temps à l'étude de ces problèmes et les traitât au fond, non seulement à cause de lëur importance extrême, mais surtout parce que chaque jour, chaque semaine qui passe, les aggrave, en rend la solution plus difficile. Néanmoins, il nous faut saisir toutes les occasions qui s'offrent elles sont déjà * (2 M si rares pour faire entendre la voix de l'Algérie qui souffre et se refuse pourtant à désespérer. Le premier trait qui se dégage du débat d'hier établit nettement la prise de posi- tion d'un bloc dont nous comprenons la manoeuvre. Il nous faut constater que toutes les flèches ont été lancées non pas particulièrement contre le groupe de l'Union démocratique du manifeste algé- rien, mais contre M. Ferhat Abbas, au point que l'on se demande si c'est le mi- nistre de l'intérieur qui est interpellé ou bien notre collègue Ferhat Abbas. (Très bien! très bien! à Vextrême gauche.) Il semble qu'à travers la personne de celui-ci, on vise les victimes du complot fasciste du Constantinois et qu'à la fa- veur d'une campagne de panique menée par la presse en France comme celle du journal L'Epoque aussi bien qu'en Algérie, on veuille recréer un climat ipro- pice aux aventures que nous avons con- nues en 1945. Nous ne nous méprenons t pas sur la tactique, et je voudrais dire à l'Assemblée toute la rancoeur que j'ai éprouvée hier soir devant son attitude. Il est certain qu'une séance comme celle d'hier soir ne sert pas les intérêts de la France. (Applau- dissements à Vextrême gauche.) . Elle donne l'impression à nos (popula- tions ; musulmanes que cette Assemblée n'essaie pas même de les comprendre -et qu'elle est Composée en majorité d'hom- mes qui servent le colonialisme. (Excla- mations au centre.) Nous sommes placés pour voir qu'il s'agit de la politique traditionnelle des deux blocs : Européens contre musulmans. U s'agit de frapper à la tête, de maintenir îao

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i t A n n é e 1 9 4 6 . — N° 82. Le N u m é r o

' / X ix fi , , I

i j fr. Samedi 24 Août 1946. ^

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE COMPTE RENDU IN EXTENSO DES SÉANCES DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE

QUESTIONS ÉCRITES ET RÉPONSES DES MINISTRES A CES QUESTIONS

Abonnements à l'Édition des DÉBATS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUANTE : F R A N C E , COLONIES ET P A Y S DE P R O T E C T O R A T F R A N Ç A I S : 2 1 5 fl%

ÉTRANGER Î 3 8 0 fkv (pour les pays accordant une réduction de 50 °lo sur ies tarifs pmtaux) ET £ 3 5 f r . (pour les autres pu/s),

{Compte chèque postal : 1 0 0 . 9 7 , Paris.)

JOINDRE LA DERNIÈRE BANDE

aux renouvellements et réclamations DIRECTION, RÉDACTION ET ADMINISTRATION

^ QUAI VOLTAIRE, N» 31, PARIS-7* POUR LES CHANGEMENTS D'ADRESSE

AJOUTER G FRANCS

S E S S I O N D E L ' A S S E M B L E E N A T I O N A L E C O N S T I T U A N T E

É L U E LE 2 JUIN 1 9 4 6

Séance du Vendredi 23 Août 1946.

SOMMAIRE

T — Procès-verbal. 2. — Politique générale du Gouvernement en

Algérie. — Suite de la discussion d'une inter-pellation. .

Discussion générale (suite) : Mme Spor-tisse, MM. Rorra, Demusois, Fayet, Le Tro-quer, Viard, Abbas, Quilici, le général Giraud,

*r Edouard Depreux, ministre de l'intérieur. — Clôture.

Ordre du jour de M. Viard et plusieurs de ses collègues.

Demande de suspension de séance : MM., Lecourt, Le Troquer. —• Adoption.

Suspension et reprise de la séance. Ordre du jour de M. Viard et plusieurs de

ses collègues ; M. Viard. — Retrait. Ordre du jour de M. Viollette et plusieurs

de ses collègues: MM. Viollette, Bardoux, Roclore, Quilici, René Mayer, Ramarony, Viard, Sator, Le Troquer, Demusois, Eugène Petit, Georges Bidault, président du Gouver-nement provisoire, < ministre des- affaires étrangères. — Adoption, au scrutin.

3. — Règlement de l'ordre du jour.

PRESIDENCE DE M. FERNAND BOUXOM

Vice-président.

La séance est ouverte à neuf heures et demie. 1

1 —

PROCES-VERBAL

M, Se président. Le iprocès-verbal de la troisième séance du jeudi 22 août a été affiché et distribué.

Il n 'y a pas d'observations?... Le procès-yerbal est adoptée

— 2 —

POLITIQUE GENERALE DU GOUVERNEMENT EN ALGERIE

Suite de la discussion d'une interpellation,

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de Ja discussion de l'interpellation de M. Quilici sur la ,p(îlitique générale du Gouvernement en Algérie.

Je me permets d'attirer l 'attention de l'Assemblée sur le fait qu'il y a encore, six orateurs inscrits dans la discussion géné-rale, ou'tre M. le ministre de l'intérieur, et que M. Viollette et M. Bardoux sont ins-crits pour prendre la parole sur les ordres du jour.

Comme l'Assemblée avait témoigné fer-mement sa. volonté de terminer le débat ce matin, j'espère que les orateurs vaudront bien faciliter la réalisation de cet ordre du jour.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Sportisse.

Mme Sportisse. Mesdames, messieurs, ce n'est pas à la faveur d'une interpellation que l 'on peut espérer résoudre les (pro-blèmes qui se posent en Algérie. Nous souhaiterions vivement que la présente Assemblée, en dépit de son programme chargé, consacrât une partie de son temps à l'étude de ces problèmes et les traitât au fond, non seulement à cause de lëur importance extrême, mais surtout parce que chaque jour, chaque semaine qui passe, les aggrave, en rend la solution plus difficile.

Néanmoins, il nous faut saisir toutes les occasions qui s'offrent — elles sont déjà

* (2 M

si rares — pour faire entendre la voix d e l'Algérie qui souffre et se refuse pourtant à désespérer.

Le premier trait qui se dégage du débat d'hier établit nettement la prise de posi-tion d 'un bloc dont nous comprenons la manœuvre. Il nous faut constater que toutes les flèches ont été lancées non pas particulièrement contre le groupe de l'Union démocratique du manifeste algé-rien, mais contre M. Ferhat Abbas, au point que l'on se demande si c'est le mi-nistre de l'intérieur qui est interpellé ou bien notre collègue Ferhat Abbas. (Très bien! très bien! à Vextrême gauche.)

Il semble qu'à travers la personne de celui-ci, on vise les victimes du complot fasciste du Constantinois et qu'à la fa-veur d'une campagne de panique menée par la presse en France — comme celle d u journal L'Epoque — aussi bien qu'en Algérie, on veuille recréer u n climat ipro-pice aux aventures que nous avons con-nues en 1945.

Nous ne nous méprenons tpas sur la tactique, et je voudrais dire à l'Assemblée toute la rancœur que j 'ai éprouvée hier soir devant son attitude. Il est certain qu'une séance comme celle d'hier soir ne sert pas les intérêts de la France. (Applau-dissements à Vextrême gauche.) . Elle donne l'impression à nos (popula-

tions ; musulmanes que cette Assemblée n'essaie pas même de les comprendre -et qu'elle est Composée en majorité d'hom-mes qui servent le colonialisme. (Excla-mations au centre.)

Nous sommes placés pour voir qu'il s'agit de la politique traditionnelle des deux blocs : Européens contre musulmans. U s'agit de frapper à la tête, de maintenir

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3272 ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE — l r e SEANCE DU

la division entre ces Européens et ces musulmans et même de provoquer la divi-sion entre ceux-ci.

11 me semble qu'on a déplacé le pro-blème, faute de pouvoir expliquer et dé-fendre une position- bien difficile, il est vrai, à soutenir. C'est déplacer aussi le problème que de parler de « vague d'isla-misme ». S'il y a une question musulmane en Algérie, elle ne doit son existence qu'à la situation bien particulière faite aux mu-sulmans d'Algérie.

Notre collègue M. Fayet a souligné, au cours de ce débat, deux aspects du pro-blème algérien qui constituent le fond de la question. C'est, d 'une part, l'incom-préhension des pouvoirs publics, la poli-tique maladroite, hésitante, rétrograde, des gouvernements successifs, politique dominée par celle des gros possédants européens* ceux qui détiennent des pro-priétés immenses, ceux qui < détiennent r exploitation du sol et du sous-sol algé-riens, ceux qui sont les maîtres des ban-ques et, d'autre part, l'espoir déçu d'une masse de 8 millions d'hommes mainte-nus, pour l'immense majorité, dans une misère difficile à imaginer, dans l'igno-rance, ne jouissant que de droits limités et précaires, subissant l ' injustice et l 'ar-bitraire.

C'est pourtant cette masse d'hommes qui fournit les bras nécessaires au travail de la terre, à l ' a c t i v i t é de nos ports, à l ' e x p l o i t a t i o n de nos mines, à tout ce qui produit la richesse de l ' A l g é r i e et dont elle ne. profite pas. - Nous avons entendu, dans les deux

séances précédentes, au cours de diffé-rentes interventions, une série d'affirma-tions dont le manque d'objectivité ne nous surprend pas.

Il serait trop long de les reprendre et de les critiquer une à une. Cependant, per-mettez-moi de m'étonner et de trouver pa-radoxal qu'on ose ici traiter de paresseux des gens que les « seigneurs aux mains blanches » — c'est ainsi que nous appe-lons les grands propriétaires fonciers — ont l 'habitude de regarder travailler et qu'ils nourrissent ou paient à peine, dont ris se préoccupent peu, sinon comme d'une partie de leur cheptel, corvéables à merci.

Nous avons entendu, au cours des séances d'hier, le langage des conqué-rants, langage que les hommes libres n'emploient plus depuis le milieu du siècle dernier, langage qui n 'est pas celui de la France et qui n'intervient d'ailleurs pas pour l a France mais pour des % intérêts dont on connaît depuis bien longtemps la nature.

La France, elle, sait bien qu'elle n'est pas déçue par ces populations. Ne les a-t-elle pas trouvées lorsqu'elle a fait appel à leur esprit de sacrifice ?

Après avoir pris part à la lutte gigan-tesque contre les armées fascistes et hitlé-riennes, xaprès avoir aidé à la victoire des démocraties, elles osent faire entendre leur voix, elles demandent une part de cette liberté qu'elles ont aidé à conquérir. C'est alors que s'élève un triste concert et ceux-là mêmes qui disaient en 1944 : « Alger n'est pas Paris », au moment o ù le -peuple de France avait besoin de toute i'aide nécessaire pour se libérer du joug d e l ' o c c u p a n t , s'écrient aujourd'hui : « La France d abord i » On les voit se dresser en chevaliers offensés, ces messieurs qui vendaient à Rommel ies lièges algériens sans lesquels les tanks allemands étaient intenables dans le désert ( A p p l a u d i s s e -ments à Vextrême gauche), qui vendaient notre vin et notre Blé à Hitler.

Ils veulent faire croire qu'il s'agit de déposséder la France parce qu'on lui de-mande d'étendre à l'Algérie le rayonne-ment des libertés et de la justice dont elle a sti, tout au long d 'un siècle et demi d'histoire, faire naître l 'amour au cœur de tous les hommes.

Nous ne confondons pas, quant à nous, le peuple de France avec les louches inté-rêts de colonialistes soucieux unique-ment de conserver leurs privilèges et leurs monstrueux profits. Nous ne pensons pas que ces privilèges et ces profits se con-fondent avec l 'intérêt de la France.

Et, lorqu'on parle de chantage, alors qu'il s'agit de demander le droit à la vie, je veux livrer à l'appréciation de l'Assem-blée l'extrait d 'un article paru, le 8 juin 1946, dans une feuille qui s'appelle Unir, qui ne mérite pas le nom de journal : sous la signature d 'un certain Pierre Yattier:

« Il ne faut -jamais oublier que près de 100.000 hommes de troupes britanniques, attachés aux bases navales et à tous les aérodromes, continuent à séjourner en Afrique du Nord... Et les Anglais savent se faire respecter outre-mèr. Le gouverne-

' ment de Sa Majesté e s t socialiste en ce qui concerne l'Angleterre, mais n'envisage même pas de faire de la démagogie aux Indes. »

Après avoir analysé quelques réformes accordées aux Algériens d'origine musul-mane, ce journaliste poursuit : ^

« Aussi, les « non-musulmans » envisa-gent de plus en plus de quitter un pays que Paris veut arabiser de fo rce . . . Ceux qui veulent rester attendent sur place le protecteur européen ou américain qui leur rendra la fierté de leur civilisation. » (Exclamations à Vexrême gauche.)

M. André Marty. Ce sont les patrons de M. Quilici!

Mme Sportisse. En vérité, le problème de l'Algérie se place dans le cadre du pro-blème colonial.

Les événements de ces dernières années sont suffisamment significatifs pour faire comprendre qu'il ne peut plus être ques-tion de maintenir en état d'infériorité quelque population que ce soit, sur quel-que territoire que ce soit.

La France n'est pas seule à être placée devant cette vérité. Un élan général anime tous les peuples; un courant impétueux les a saisis qui veut atteindre à cette li-berté d'autant plus désirée que les peu-plés ou populations sont plus malheureux.

L'Algérie n'est pas hors de ce courant. Vouloir ignorer cette vérité, c'est s'expo-ser encore une fois à passer à côté de la vraie solution; c'est s'exposer donc à com-mettre des erreurs dont les conséquences, cette fois, pourraient être graves.

Une revue coloniale, voici quelques mois, écrivait : « Il nous faut repenser no-tre politique coloniale ». On ne peut pour-tant soupçonner cette revue d'être anti-colonialiste, puisqu'il s'agit de Marchés co-loniaux.

Il semble d'ailleurs que notre Assem-blée ait compris aussi que des rapports nouveaux, des liens différents doivent unir la France et les territoires d'outre-mer, la France et l'Algérie.

Nous trouvons dans le projet de Consti-tution soumis à l'Assemblée des textes qui ouvrent des perspectives dans un sens re-lativement large et l'article 63 en particu-lier nous laisse espérer gue quelque chose peut changer, à la condition toutefois que ces textes ne restent pas lettre morte.

Les populations d'Algérie prennent très au- sérieux de telles dispositions. Cela ne

fait d'ailleurs que répondre en partie à leurs aspirations. Il faut en effet, des main-tenant, sortir de l'ornière du colonialisme brutal et périmé. Il faut dès maintenant s'orienter délibérément vers une nouvelle politique basée sur l'égalité des hommes entre eux, sur la liberté de « chaque peu-ple de se gouverner lui-même et de gérer démocratiquement ses propres affaires ».

Ce sont là les termes mêmes que nous relevons dans le rapport précédant le! texte de la loi constitutionnelle.

Nous avons déjà entendu des objections en ce qui concerne l'application ae cette loi à l'Algérie. Nous entendons dire que l'Algérie constitue trois départements fran-çais et que, par conséquent, la question ne se pose pas pour elle de gérer ses pro-pres affaires.

A cela nous répondons: non seulement cette affirmation que l'Algérie constitue trois départements français n'est pas juste, ou plutôt n 'est juste qu'en ce qui concerne les devoirs des Algériens à l'égard de la France, mais non pas en ce qui concerne leurs droits, ni même l'organisation admi-nistrative de l'Algérie — mais il faut en-core avoir la franchise de reconnaître que, lorsqu'il s'est agi de préserver certains intérêts, on a fait admettre une certaine originalité de l'Algérie.

C'est pourquoi nous avons connu les dé-légations financières et les campagnes fort poussées des colonialistes exigeant l'auto-nomie financière/ qui existe depuis 1900.

Il serait bien difficile de prouver que l'Algérie n'est pas actuellement considérée et traitée comme une colonie. A ce titre, son sort aujourd'hui doit suivre celui de tous les autres pays et territoires colo-niaux.

Je veux dire que l'Algérie doit être con-sidérée comme un pays \différent de la France, ayant son caractère propre.

C'e-* pourquoi nous pensons que ce pays, grand comme trente-cinq départe-ments français, où vivent côte à côte des populations de vingt origines ou races dif-férentes, ce pays qui déjà donne naissance à une culture nouvelle formée des apports des civilisations d'Orient et d'Occident, ce paysj dis-je, doit avoir une vie nationale propre.

C'est là la vérité historique vers laquelle il s'achemine, qu'on le veuille ou non. Essayer de contrarier une telle évolution la retardera peut-être, mais ne l'empêchera pas de s'accomplir et nous, communistes algériens, ne sommes pas de ceux qui disent: « Après nous, le déluge! ».

Nous voulons, au contraire, faciliter cette . évolution, débarrasser la voie de cet avenir de tous les obstacles qui s 'y dressent.

Nous pensons que rien ne sert de tergi-verser. ou de ruser avec les aspirations légitimes à la vie nationale des masses algériennes.

Soyez bien persuadés qu'elles savent ce qu'elles veulent et pas plus la politiqu.e de la force brutale que celle de l 'autruche ne les détourneront de leur objectif.

Il s'agit donc de trouver une solution, et la bonne. ^ i

Il n 'y en a qu'une. Elle doit permettre aux populations algériennes de ae pronon-cer librement, démocratiquement, sur les institutions qu'elles entendent se donner dans le cadre de l'Union française.

Seule la suppression de l'édifice admi-nistratif actuel de l'Algérie, ayant à#aa tote* le gouvernement général, et son rempla-*

^ cernent par une assemblée élue au suffrage^ universel pourraient constituer la première» mesure véritablement démocratique atten-due par. l 'ensemble de nos populations.

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Cette assemblée-élirait son gouvernement qui devrait s'occuper de toutes les affaires intérieures de l'Algérie. Elle serait donc la première étape sur la voie qui doit con-duire, selon la loi constitutionnelle, l'Algé-rie à la libre disposition d'elle-même.

La France serait représentée en Algérie par un commissaire de la République de-vant s'occuper^ de toutes les questions extérieures: armée, traités de commerce ; etc.

D'autres mesures urgentes s'imposent, qui ne nécessitent qu 'un effort de compré-hension de la part du Gouvernement.

D'abord, l'abrogation de toutes les me-sures d'interdiction frappant groupements ou partis musulmans algériens — le parti du Peuple algérien, qu' i l 'ne faut pas pren-dre pour l'équivalent du parti populaire français; l 'union démocratique du mani-feste algérien — et la parution légale de toute la presse de ces partis.

Ensuite, l'application effective en Algé-rie du décret du 27 septembre 1907 sur ia séparation du culte et de l'Etat, avec le retour aux communautés culturelles des foiehs habous — ce sont des biens qui sont passés sous le contrôle du Gouvernement général — la réouverture des médersas, notamment à Constantine où elles ont été fermées à la suite des événements du 8 mai 1945. Une des revendications les plus chères aux masses musulmanes d'Algérie est la reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle, à côté du français.

La langue arabe, parlée par la grande majorité de nos ^populations, est considé-rée là-bas comme langue étrangère; sa re-connaissance' comme lafrgue officielle ne nuirait d'ailleurs en rien au rayonnement de la langue française daps not re pays.

Enfin, en Algérie, nous avons 600.000 agriculteurs musulmans dépourvus de terres, cependant que de nombreux gros propriétaires terriens ont collaboré avec l 'ennemi, cependant que la colonie et cer-taines communes disposent de grands do-maines.

Pourquoi reculer devant la répartition de ces terres entre ces paysans, qui seraient enthousiastes à les travailler?

Nous demandons la distribution, à ceux qùi sont dépourvus de terre, des terres à confisquer à ceux qui ont collaboré avec l 'ennemi fasciste; de celles des grands do-maines appartenant à la colonie et à cer-taines^ communes ; des propriétés de plus de cent hectares achetées depuis 1940 par des nôn-agriculteurs. -

En passant, je voudrais signaler que Flandin, récemment acquitté par la Haute Cour, a acquis en Algérie, alors qu'il ne connaissait même pas notre pays, d'im-menses étendues de terres. Ces terres ne seraient-elles pas mieux travaillées par nos paysans algériens?

Enfin, nous demandons la répartition des domaines des grandes sociétés anonymes, Compagnie algérienne, Société genevoise, etc., etc., et celle des terres améliorées par l'irrigation, à récupérer selon la loi Martin.

Parallèlement, se pose le problème de l 'eau. Il est inadmissible que l 'eau appar-tienne aux riches, à ceux qui peuvent la payer, et peuvent arroser leurs terres, déjà plus riches que celles des fellahs re jetés dans les régions arides.

Au point de vue social, tout est à> faire. Il convient de mettre rapidement en appli-cation un $lan de sécurité sociale garantis-sant la santé, la vieillesse de tous les tra-vailleurs, protégeant leur travail, proté-geant l 'enfance.

Dans le domaine cle l'instruction, il faut construire des écoles, créer des classes, en un mot instruire les enfants d'Algérie qui, tous,' ont droit à l 'instruction.

Lorsque le comité central de notre parti communiste algérien a publié son dernier manifeste,' dont je viens de vous soumettre quelques-unes des revendications, toute la presse d'Algérie s'est écriée que notre parti avait changé de position.

La position des communistes algériens n'a jamais varié. Les communistes ont tou-jours dénoncé les méfaits du colonialisme et affirmé le droit pour nos populations de vivre en égales sur la terre algérienne.

C'est le privilège et l 'honneur de notre parti communiste algérien de défendre réellement les intérêts de toutes les caté-gories ethniques de nos populations et de travailler à leur union sans cesse plus étroite. [Applaudissements à Vextrême gau-che.)

Les attaques dont nous sommes l 'objet prouvent précisément l'efficacité de notre rôle, parce qu'en effet nous sommes- le seul parti politique dont la composition ethnique est à l'image de celle de l'Al-gérie et, par cela même, nous sommes les ennemis les plus redoutables des colonia-listes qui veulent, à la faveur de la divi-sion; conserver leurs privilèges, maintenir l'Algérie dans la misère et l'ignorance.

On pense nous atteindre ou, plus préci-sément, on pense empêcher cette union de se réaliser en nous rappelant nos écrits ou nos paroles d'hier.

Chacun sait bien — on nous recônnaîtra ce mérite — que nous avons eu suffisam-ment de courage physique et politique pour appeler nos populations à aider le peuple de France, dans sa lutte contre les fascistes hitlériens, pour la libération de la France.

Nous avons eu assez de courage, au temps de Vichy et de la pénétration des commissions d'armistice en Algérie, en 1941, pour appeler les populations algé-riennes à la constitution d'un front démo-cratique algérien contre la pénétration hit-lérienne.

C'était autant l 'intérêt des populations algériennes que celui de la France elle* même, de lutter pour la démocrate, seule voie susceptible de leur faire gagner les libertés auxquelles elles aspirent.

Dans cette- lutte, nos meilleurs militants sont tombés, martyrisés, torturés dans les bagnes du Sud et les prisons de Barbe-rousse et de Maison-Carrée.

Il y en avait de toutes les origines : mu-sulmane, Kaddour Bel Kaïm; espagnole, Serrano, Torrecillas; française, Crouaille. Oserai-je ajouter à cette liste le nom d'un Israélite tombé, pour la cause de la France, sur le sol de la France: je veux parler de Lucien Sportisse.

Il y a e>u des procès politique en Algérie, de grands procès. C'était toujours des o m -niums tes qui comparaissaient devant les tribunaux de Vichy et étaient condamnée à mort ou à dies peines maxima.

C'est pourquoi aujourd'hui nous n'avons aucune crainte d'affirmer du haut de cette tribune que nous croyons en l'avenir de l'Algérie. Nous croyons à la volonté de tou-tes ses populations de fane front à toutes les provocations et de s 'unir encore davan* tage pour en faire un ,pays prospère, li-béré des chaînes du colonialisme.

Nous appelons aujourd'hui tous îes Algé-riens et toutes les organisations algérien-nes, aussi bien celles de composition euro-péenne que celles de composition musul-mane: parti dm peuple algérien, Union du manifeste, Oulémas, parti socialiste, tous

les démocrates, à constituer ce Front natio-nal démocratique algérien* parce que nous sommes conscients de la nécessité impé-rieuse d'éviter à l'Algérie le drame de nou-velles provocations sanglantes.

Unis contre l 'arbitraire et l 'injustice, contre le colonialisme, les Algériens sau-ront défendre leur patrimoine commun et y faire progresser le bien-être dans le tra-vail, la cjMÏOance et la prospérité.

Nous sommes- certains d'être approuvés et aidés par le peuple, français qui, lui, a tant fait pour faire rayonner la liberté dans le monde, lui, qui, aujourd'hui, entend mener une lutte sans merci contre tous ceux qui voudraient lui voler sa victoire. (Vifs applaudissements à Vextrême gau-che.)

M» le président. La parole est à M. Borra. (Applaudissements à gauche.)

M. Borra. Mesdames, messieurs, le ipro-blème algérien — notre ami M. Achour le soulignait à juste titre — est trop important pour être traité en quelque sorte par la bande, à l'occasion d'une interpellation. Nous lui donnerons toute l 'ampleur qu'il mérite lorsque, dans quelques jours, nous aurons à nous prononcer sur un ensemble de réformes qui marqueront <tme étape im-posante dans l'évolution de l'Algérie. Car

J e parti socialiste ne se paye pas de mots, il leur préfère les réalisations. Il prend ses responsabilités et œuvre chaque jour pour supprimer les servitudes politiques, écono-miques et sociales qui pèsent encore trop souvent sur les institutions de la métropole et de la France d'outre-mer.

Il y a un malaise algérien; il,est essen-tiellement le reliquat de la guerre. Coupée de la métropole durant quatre années, l'Al-gérie, pays relativement pauvre, sans in-dustrie, a cruellement souffert. Les Fran-çais musulmans dans leur immense majo-rité, les travailleurs en général, ont connu le froid, la faim, l'impossibilité de renou-veler leur garde-robe, leur matériel. On ipeut dire qu'ils ont touché le fond de la dé-tresse.

C'est pendant cette période que Vichy a ajouté son action dissolvante aux souf-frances de la ipopulation. Parmi les hom-mes que les simples considéraient comme les porte-parole traditionnels de la France, préfets, administrateurs, riches proprié-taires, grands industriels, combien se vau-traient dans la défaite, faisaient l'éloge de l 'ennemi, annonçaient la grande péniiertee de la France!

Nos malheurs, c'était, avant tout, pour ces mauvais Français, la fin de « la Gueuse », de cette République qu'ils haïs-sent parce q-u'elle est coupable de vouloir émanciper ie peuple. L'ordre nouveau, c'était, dans leur aberration, ie régime qui devait perpétuer leurs privilèges. Ces mal-faiteurs publics n'ont que trop persuadé les esprits simplistes que cela en était fini de la grandeur de la France. Le débarque-ment libérateur de novembre 1942, lui-même, ne devait pas laver cette souillure.

En dépit de l'héroïsme de nos soldats, de notre admirable effort de guerre, nous apparaissions comme un peuple mineur, sauvé par nos grands alliés.

Avçe les soldats, débarquaient souvent les diplomates, les hommes d'affaires et l 'on ne saurait dire que leur action fut toujours désintéressée. Le panarabisme enfin, dont on connaît les attaches avec certain impérialisme, devait séduire les mystiques qui confondent trop souvent la politique avec la religion.

Toutes ces raisons se sont conjuguées pour faire naître en Algérie un nationa-

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î i sme qui n 'ose pas tou jours dire son n o m , mais qui constitue u n e force avec laquelle il faut compter. Ses meil leurs propagan-distes sont les mauvais Français que j'evo^-quais tout à l ' heure .

Les zélateurs de Pétain, gu i ne devraient avoir que le droit de se faire oublier, sont p lus remuants , p lus outrecuidants que jamais . Ces collaborateurs sont le plus souvent de gros possédants. Ils disposent de moyens puissants. Ils paient largement les campagnes de l e u r ^ i o m m e s de main, véri tables flibustiers, sans foi n i loi, dont les provocations sèment la colère, la ran-cœur et la désunion. Ils disposent toujours — et c 'est u n intolérable scandale — des feuilles de trahison qui, après avoir chanté les louanges d'Hitler, r ivalisent avec le Gringoire d 'avant-guerre, la feuille in-fâme , pour salir les patriotes coupables de dénoncer au grand jour leurs turpi-tudes et leurs machinat ions.

Il est grand temps de porter le fer rouge dans cette pourriture. Il est grand temps de persuader les Français musulmans que, n o n seulement ces gens là ne représentent pas la France, mais qu ' i ls sont e n vérité l 'anti-France. (Applaudissements à gau-che.)

Nous y, parviendrons par u n e politique constructive qui est déjà largement amor-cée. Il faut instruire les Algériens. Un effort louable est fai t pour mult ipl ier les écoles. Nous sommes en avance sur le plan de scolarisation.

Mais 900.000 enfants n e connaissent pas encore l 'école, sont l ivrés à toutes les ten-tations, à tous les dangers de la rue .

On n o u s promet la scolarisation ^totale dans vingt ans . C ' e s t dans u n laps de t emps beaucoup plus rapproché qu 'el le devra être réalisée ! Nous nous heur tons , certes, tant pour le recru tement et la for-mat ion des maîtres que pour l 'édification des locaux scolaires, à d ' immenses diffi-cultés. Mais la France a . f a i t d 'autres mi-racles. Elle sait qu' i l n ' y aura plus de malaise algérien le jour ou tous les petits, enfants d'Algérie, assis sur les bancs des mêmes écoles, s ' ins t ruiront ensemble, ac-céderont ensemble à toutes les sources du savoir.

Disons, en passant , que pour que ces en-fan ts se comprennent parfai tement , nous voulons qu' i ls apprennent , en même temps , l ' a rabe, langue des autochtones, et le français, langue de la commune patrie.

On a fort per t inemment rappelé à cette t r ibune que l 'Algérie est u n pays relati-vement pauvre. Elle n ' e n a pas moins des possibilités magnif iques : l ' é tonnante vita-lité de sa population, d'abord, qui croît chaque année de 120.000 à 130.000 âmes, sa puissance d'assimilation et de travail ensuite .

Personne ne songe à n ier le rôle éman-cipateur de la France. Elle a été le levain qui a st imulé les bonnes volontés, le guide iqui a conduit ' des populations ignorantes et malheureuses vers la civilisation.

Les tares du capitalisme, l 'exploitation des hommes qui le caractérise partout où il sévit, les exactions des grandes compa-gnies financières, agricoles, industrielles, n e sauraient nous faire oublier la gran-deur d'une œuvre que la guerre a inter-rompue , sans doute, mais que nous rvons reprise avec la volonté de la m e n e r à bien.

Pour la juger objectivement, i l suffirait de comparer l'Algérie de 1946 à l ' A l g é r i e de 1830.

L ' œ u v r e accomplie répond de celle qui nous at tend. Les Algériens ont été de ma-gnifiques soldats qui se sont battus avec un courage, avec des sacrifices inégalés,

pour la délivrance de la France ; 18,6 p. 100 d 'entre eux ont été mobilisés ; c 'est de loin, la plus for te proport ion de soldats parmi les nations en guerre . Hs ont été, ils seront p lus que jamais , des bât isseurs dans la paix. Il faut leur en donner les moyens , adaptés au r y t h m e des temps nouveaux.

En ce qui concerne l ' a g r i c u l t u r e , il ne faut plus que d ' innombrables fellahs, trop de fils de colons, soient les serfs de véri-tables grands seigneurs. Les immenses do-maines de la Compagnie algérienne, de la Compagnie génevoise,. des Fermes fran-çaises, de toutes les sociétés anonymes, des (( mille hectares » en général , doivent être expropriés et distribués à d ' a u t h e n t i -ques travail leurs de la terre. La politique des grands barrages a fertilisé des régions ent ières ; il faut persévérer dans cette voie, de même qu' i l faut multiplier les secteurs d 'amélioration rura le o u don-ner aux agriculteurs musulmans, avec la propriété de leurs terres, les connaissan-ces qui la font fructifier au maximum.

U va sans dire que pour former des agri-culteurs éclairés, nous devrons, non seu-lement créer de nouvelles écoles d'agri-culture, mais donner u n enseignement agricole prat ique dans toutes les écoles rurales.

Nous avons enregistré comme u n signe des temps le départ dé 100.000 travail leurs algériens pour la métropole. Mais nou's voudrions que, l ibres de circuler à leur gré sur tout le territoire de l 'Union f ran-çaise, les Algériens, assurés de bien vivre dans leur petite patr ie, selon leurs goûts et leurs capacités, ne t iennent pas à la quit ter.

L'Algérie a cruellement souffert durant la guerre de l 'absence à peu près totale d ' industr ie qui la caractérise. Il faut l ' in-dustrialiser. Il fau t t rai ter sur place le fer, le phosphate et ses mines , l 'alfa de ses hau t s plateaux. Il f au t qu'elle fabri-que son ciment, ses étoffes, ses chaussu-res. Il faut qu 'el le crée un prolétariat mu-sulman qu'elle formera dans ses écoles professionnelles et ses collèges techniques.

Quand le petit pays agricole d 'aujour-d 'hui sera équipé industr iel lement , quand il aura un prolétariat industr iel à côté de ses fel lahs et de ses colons, il y aura du travail pour tout le monde en Algérie et, selon la parole du poète « du pain et des roses pour t o u t le monde ».

Mon éminent ami le professeur Dalloni mettai t récemment , en s 'entretenant ami-calement avec une délégation de nos col-lègues des Amis du Manifeste, l 'accent su r ce que j 'appellerai le drame algér ien: « Hier, disait-il, vous borniez votre ambi-tion à devenir des Français tout court. Aujourd 'hui , comme hier , nous vous ouvrons nos bras. Mais alors que nous avons gagné à nos conceptions l ' immense major i té du peuple français, vous repous-sez cette assimilation qui était l 'essentiel de vos aspirations.. . »

M. André Le Troquer. M. Dalloni avait grandement raison.

M. Borra. « ...Alors que tout semble possible, que les cœurs {pourraient enfin battre à l 'unisson des deux côtés de la Méditerranée, d 'aucuns semblent s 'achar-ner à semer l ' incompréhension. »

| l . André Le Troquer. Très b i e n !

M. Borra. Je crois b ien que l 'é loquent leader des Amis du Manifeste répondait que, de par le vaste monde, des voix s 'élè-vent qui fo rmènt u n concert impression-

nan t . que les foules candides font des rê-ves a leur image et qu 'on ne saurai t les décevoir.

Eh bien ! les hommes politiques doivent savoir crier casse-cou ! quand le peuple s 'égare . Le parti socialiste, en tout cas, n 'a jamais soutenu l ' e r reur , même quand elle semblait séduisante.

M. André Le Troquer. Très bien !

M. Borra. Il a tou jours dit la vérité aux travail leurs, sans distinction de race n i de religion, lui qui les confond tous dans u n même amour . H entend, non pas ies flat-ter, mais les guider vers leur émancipa-tion. {Très bien, très bien ! et applaudis-sements à gauche.)

M. Saadane. Voulez-vous m e permet t re de vous interrompre ?

M. Borra. Bien volontiers.

M. Saadane. Vous avez rappelé l ' in ter-vention de M. Dalloni, mais vous avez-rap-porté d 'une manière incomplète la réponse qui y a été faite par M. Ferhat Abbas. Le groupe des amis du manifeste voudrai t que, lorsque vous citez une conversation, vous la rapportiez entière.

M. André Le Troquer, H faut a jouter , en effet, ce qu 'a répondu M. Ferhat Abbas et cela ne manquera pas de piquant !

M. Borra. Je crois, m o n cher collègue, avoir rapporté f idèlement ce qu 'a dit îe professeur Dalloni, 1a, réponse de* M. Fer-hat Abbas et je l 'ai fai t en toute amitié.

M, André Le Troquer. Vous avez été t rès discret, dans l ' in térê t même de M. Ferhat Abbas et des Amis du Manifeste.

M. Borra. Il n ' y a pas de nat ion algé-r ienne. Nul ne l 'a démontré avec plus d'é-loquence que M. Ferhat Abbas lui-même. Cette nat ion serait en formation. C'est bien possible et le socialisme se renierai t , en tous cas, s ' i l gênait sa formation. . .

A Vextrême gauche. Et vivent les deux blocs !

M. André Le troquer. Cïest possible, mais la vérité est au-dessus de tout , m ê m e à l 'égard de M. Marty.

M. Borra. Mais l 'histoire nous enseigne que l 'avenir n ' e s t pas aux peti tes na t ions , t rop faibles économiquement pour se suf-fire à elles-mêmes. Notre congrès d'Alger proclamait que « l ' indépendance politique ne signifie pas nécessairement la l iberté économique et la justice sociale ».

Le socialisme, organe politique de dé-fense du prolétariat contre les féodalités économiques et financières appuyées sur des gouvernements à leur service, ne sau-rait admettre, que la libération des peuples coloniaux ait pour conséquence ,de les pla-cer sous la domination des trusts interna-t ionaux ou de les priver de garanties so-ciales que la démocratie française leur a déjà accordées.

Une nation en formation, où les anal-phabètes sont, hélas ! l ' immense major i té — et ce n 'es t certes pas de leur faute ! —, où manquent les cadres politiques et éco-nomiques , aurait son Par lement , son gou-vernement , ferait ses lois en toute indé-pendance. Elle n 'aura i t pas pour autant les moyens de vivre, mais se tournerai t , tout naturel lement , vers la métropole, qui n e saurait les lui refuser . . .

C'est une gageure ! Disciples de Jaurès, qui demandait aux

socialistes « d'aller à l ' idéal en comprenant le réel », nous allons marquer une étape

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Importante dans révolution de l'Algérie. Sous la doterons des plus larges franchises. Elle aura son Assemblée délibérante, élue au suffrage universel, à parité é^ale, par les deux éléments ethniques de l a popu-lation,

Ce mode d'élection ne constituera qu'une étape vers le collège unique que nous avons défendu seuls hier et qui seul cor-respond à nos vœux. L'Assemblée algé-rienne votera le budget, appliquera à l'Al-gérie toutes les lois françaises, contrô-lera l'administration préalablement épurée, je veux le croire, de tous les éléments vi-chyssois qui la sabotent. —

Sous nos yeux s'édifie une œuvre qui honore ceux qui l 'ont conçue: les Adrien Tixier, dont je veux ici saluer pieusement la mémoire (Applaudissements), les André Le Troquer, les Gaston Depreux, auxquels je m'en voudrais de ne pas associer le grand gouverneur M. Yves Chataigneau, qui n 'a jamais séparé l 'amour de la patrie de l 'amour du progrès social.

Un plan quinquennal audacieux et réa-liste est en chantier. Municipalités, techni-ciens, collectivités de tous ordres sont à l 'œuvre, tant pour Son élaboration que pour sa réalisation progressive. Il doit transformer le pays. Dans le même temps, hommes politiques et techniciens mettent la dernière mam au plan de sécurité so-ciale qui va entrer en application. Assu-rances sociales, retraite des vieux travail-leurs, qui étaient hier autant de rêves dé-cevants, seront demain de radieuses réa-lités.

Il nous plait de marquer la part prise par les travailleurs dans ces conquêtes so-ciales. Organisés dans leurs partis politi-ques, dans la C.G.T., musulmans et Euro-

Î)éens savent bien qu'ils appartiennent à a même classe et luttent coude à coude,

d ' un même cœur, pour leur émancipation. C'est sur cet exemple que je veux termi-

ner. Il inspirera les travailleurs de la terre qui, échappant à la tutelle des hobereaux, sauront organiser démocratiquement la C.G.A. Il inspirera tous les fils de la terre algérienne. Ce n'est pas une tutelle impé-rialiste qui pèse désormais sur eux. Ce sont des servitudes économiques. Ils en triompheront ensemble, en mettant à la raison les puissances d'argent. C'est à cette libération que les convie le parti socialiste ! (Applaudissements à gauche.)

M. le ^président. La parole est à M. De-musois. (Applaudissements à Vextrême gauche.)

M. Demusois. Mesdames, messieurs, -en mars 1946, avec mes collègues et amis, Amar Ouzegane, Alice Sportisse, Pierre Fayet, nous retenions l'attention de l'As-semblée nationale constituante et du Gou-vernement sur la misère des populations algériennes, et tout particulièrement sur la grande misère des populations musul-manes.

Nous vous indiquions que, du fait d'une politique arbitraire, on voyait, dans les villes comme à l 'intérieur aes terres, sur les routes^ dans les souks, dans les chan-tiers, dans les fermes, des musulmans en loques, pieds nus et des enfants quasiment nus.

Nous marquions également notre répro-bation de l'existence de ces « bidons-villes » au cœur même des grandes agglo-mérations, comme celle d'Alger.

En dénonçant les responsables de cette situation, conséquence de l'exploitation coloniale de ce pays, nous vous suggérions u n certain nombre de solutions à ce triste et pénible état de choses. Nous vous de-

mandions d'aborder résolument les réfor-mes politiques et administratives et de faire disparaître définitivement ces entités politiques et géographiques que sont les territoires du Sua, les communes mixtes (Très bien ! très bien ! à Vextrême gauche), d'abolir en Algérie toute législation d'ex-ception pour n'importe quel groupe racial ou religieux. En insistant pour doter l'Algérie d 'un plus grand nombre d'écoles pour la scolarisation du plus grand nom-bre des enfants algériens, nous réclamions aussi la reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle à côté du français (Applaudissemenls à Vextrême gauche), ce qui impliquait l 'enseignement obligatoire de l 'arabe dans tous les établissements scolaires et la création d'universités à Alger.

Sur le plan économique, nous deman-dions l'industrialisation de l'Algérie et une réforme agraire réelle et hardiment pous-sée comportant le recasement des fellahs et des khamès ruinés par l'expropriation ou les manœuvres d'encerclement prati-quées par les gros propriétaires fonciers.

Tenant compte du climat politique, et dans un esprit d'élémentaire justice, nous demandions la libération de tous les em-prisonnés politiques, y compris celle de Messali Hadj. (Applaudissements à Vex-trême gauche.)

M. Fayet. Voulez-vous me permettre de yous interrompre ?

M. Demusois. Volontiers !

Ml. le président. La parole est à M. Fayet avec l'autorisation de l 'orateur.

M. Fayet. Hier soir, au moment de l'in-tervention de M. Saadane, M. André Le Troquer a indiqué que les communistes s'étaient opposés en la personne de M. Tou-jas à la libération de M. Ferhat Abbas, à la libération de Messali ; je veux ici ...

M. André Le Troquer. Je demande la parole.

M. Fayet. ...rétablir les faits.-Aussitôt que nous sommes arrivés à Paris pour la première Constituante, au cours d'une réunion de la commission de l 'intérieur, nous avons demandé à M. le ministre de l 'intérieur, qui était M. Adrien Tixier, de bien vouloir accepter le projet d'amnistie que déposait le parti communiste. M. Tixier nous a répondu qu'il n'était pas possible d'entrevoir, une amnistie, le Gou-vernement pouvant préparer un projet de

. loi sur les grâces amnistiantes. Nous avons déposé un projet de loi d'am-

nistie En efïet, un grand courant d'opinion pour la libération des musulmans en Al-gérie se dessinait. Des comités d'amnistie se créaient un peu partout, si bien què le^ Gouvernement, en la personne du ministre de l ' intérieur, a fini par accepter la discussion d'un projet d'amnistie.

Au cours des différentes'réunions de la commission cle l 'intérieur, comme nous savions que le ministre de l 'intérieur et le ministre de la justice étaient opposés

, à ce que fussent incluses dans le projet de ' loi portant amnistie la reconstitution des

ligues dissoutes et l 'atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, j 'ai moi-même déposé deux amendements à ce sujet.

A la commission de l 'intérieur, il nous a été indiqué que celle-ci ne pouvait pas prendre en considération nos amende-ments, car, le miriistre de l 'intérieur et le ministre de la justice s 'y opposant, la prise en considération aurait pour effet de retarder le vote de la loi sur l'amnistie*

Nos amendements n 'ayant pas été rete-nus par h commission de l'intérieur, nous avons repris la question devant l'Assem-blée elle-même.

On peut consulter l 'ensemble des procès-verbaux de la commission de l 'intérieur et l 'on verra parfaitement que je dis l 'exacte vérité» (Applaudissements à Vextrême gau-che.)

M. André Le Troquer. Je pense que l'ora* teur me permettra de répondre immédia- • tement.

M. Demusois. H serait préférable que je continue mon discours, car il est fort pos-sible que vous ayez encore quelques ob-servations à faire à son sujet.

M. André Le Troquer. Alors? je demande la iparole pour un fait personnel.

M. le président. M. Le Troquér aura la parole pour un fait personnel à la fin de la séance.

. M. André Le Troquer. C'est plus facile comme cela évidemment.

M. André Marty. Ce n'est pas le moment des explications.

M. André Le Troquer. Je ne .redoute pas du tout le moment des explications, ni avec vous, ni avec M. Fayet, ni avec l 'en-semble du groupe communiste.

M. Demusois. Je précise que nous avions demandé la libération de tous les prisonniers politiques, et mon collègue M. Fayet vient de le souligner, ce dont je le remercie.

M. André Le Troquer. Dans un incident spontané. (Rires à gauche et sur divers bancs.)

M. Demusois. Vous avez l 'art .des inter-ventions spontanées.

Sans reprendre et développer tous les arguments du mois de mars 1946, on nous concédera que rien, ou presque, n'a été fait et qu'en réalité la situation en Algérie n'a guère changé.

J 'entends bien que, le 28 mai dernier, dans une conférence de presse, le gouver-neur général de l'Algérie a exposé un plan d'ensemble. Mais nous aimerions con-naître à ce sujet les vues du pouvoir cen-tral, c'est-à-dire du Gouvernement.

Les réformes municipales, dont on nous a parlé, sont, pour certaines d'entre elles, assez originales et, d'apparence, assez hardies.

Mais il est ' des créations nouvelles sur lesquelles nous aimerions avoir plus de précisions. Et c'est surtout sur ce que nous ne trouvons pas dans les réformes et dans le plan quinquennal prévu que nous désirerions connaître l'opinion du Gouvernement.

Est-ce pour résoudre élégamment la ré-forme agraire ou pour aider à l'industria-lisation de l'Algérie qu'on parle d'envoyer en France des centaines de. milliers de fellahs sans terre, expropriés ou deshérités, qu'on expatrierait amsi au seul avantage de la colonisation ?

Comment le Gouvernement entend-il réagir contre les provocations qui, après avoir entraîné les tragiques événements du 8 mai 1945 dans le Constantinois, ont déterminé des incidents du même ordre en Tunisie, dans la région de Sousse, à Zéramdine où, vous le savez, les gen-darmes se sont livrés à une véritable raz-zia, saccageant les maisons* et où des

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femmes ont été odieusement brutal isées et violées ?

M. Colonna. C'est faux !

M. Demusois. Me permetira-t-on de rap-peler, comme l 'a fait le journal Le Monde, dans son numéro du 23 août, que la ré-pression s 'est • laisse aller à de terribles excès ?

Qu'entend faire îe Gouvernement pour les orphelins de Chevreul, de Périgotville, d 'Amouchas ? Oublie-t-on que ces enfants abandonnés sont aussi des victimes des événements diu 8 mai 1945 ?

Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas encore rendu la vie légale à l 'organisation des Amis du Manifeste et au P. P. A. ?

Qu'attend-il pour leur donner l 'autorisa-t ion de publier leurs journaux ?

Que pense-t-on faire main tenant en ce qui concerne les revendications légitimes, clairement posées par les partis et organi-sations algériennes, traduisant les aspira-t ions de l ' immense major i té des popula-t ions d'Algérie ?

Veut-on réaliser ces inst i tut ions démo-cratiques pour lesquelles, le 2 ju in dernier, les populations algériennes se sont pro-noncées sans équivoque et que, dans sa récente session des 20 et 21 juillet, le co-mité central du part i communiste algérien vient de réclamer avec force, comme gage d 'une union sincère et durable entre la France républicaine et l 'Algérie démocra-tique ?

Veut-on insti tuer cette Assemblée algé-r ienne élue au suffrage universel et direct, ayant pour pouvoir de gérer les affaires in-térieures du pays et dont la première con-séquence directe et logique serait la sup-pression du gouvernement général ?

N'est-il pas regrettable que votre com-mission de l ' intér ieur ait exprimé un avis contraire à la reconnaissance de la langue arabe comme langue officielle à côté du français , alors que c'est la langue mater-nelle de l 'écrasante major i té des popula-tions d'Afrique du Nord ?

Les élections du 2 ju in démontrent la volonté des populations algériennes, et part iculièrement des populations musulma-nes, de libérer leur pays du joug du colo-nialisme. Tout comme le général Catroux, en novembre 1943, l 'ensemble de ces po-pulat ions considère que l 'ère des domina-t ions coloniales est close et les temps ré-volus où l 'on tenait certaines races pour incompétentes et certaines populations pour éternellement mineures . (Applaudis-sements à Vextrême gauche.)

Il est temps, à notre avis, de t raduire Ces déclarations dans la vie même. Pour nous, p renant acte de la volonté des populations algériennes, qui s 'est dégagée le 2 ju in , nous sommes décidés à œuvrer pour faire droit à leurs légitimes aspirations, gages du renforcement de l 'union fraternelle des populat ions d'Algérie et du peuple de France.

C'est pourquoi nous affirmons approuver îe récent n k n i f e s t e du part i communiste algérien, (fui entend conduire l 'Algérie à cette liberté pour laquelle les populations algériennes ont tant souffert et tant com-ba t tu , vers cette liberté qui leur a été t a n t x

de fois promise par les gouvernements successifs.

Nous, considérons que l 'Algérie doit "prendre sa place dans l 'évolution générale vers la l iberté et le progrès qui soulève les peuples du monde entier.

Nos amis d'Algérie, avec raison, veulent que leur pays vive sa vie nationale pro-

pre, édifiée sur l 'uti l isation de ses riches-ses dans le seul intérêt du peuple.

Déjà — et nul ne peut le contester les Algériens de toutes origines forment sur leur sol commun une communauté stable. Ils sont liés par des intérêts généraux com-m u n s et par la lutte contre les mêmes ennemis. Cette communauté constitue la base de la nat ion algérienne en formation qu'évoquait déjà notre ami Maurice Tho-rez en février 1939; elle est riche des ap-ports de fous ses enfants clans la diversité de leurs origines et le mélange heureux des civilisations orientale et occidentale.

Les Algériens veulent une Algérie nou-vel le; nous considérons qu' i l faut dès au-jourd 'hu i les aider à l 'édifier par l 'épa-nouissement des l ibertés démocratiques en leur assurant du travail et une vie d^gne.

Cela n 'es t possible que par la suppres-sion, nous le répétons, du gouvernement général et de son administrat ion colonia-liste et désuète et leur remplacement par une assemblée algérienne élue au suffrage universel et direct et par u n gouverne-ment élu par cette assemblée et responsa-ble devant elle. (Applaudissements a Vex-trême gauche.)

Cette assemblée et- ce gouvernement al-gériens auraient la charge de toutes les affaires algériennes. Ils collaboreraient avec les représentants de la République française pour le règlement des- questions intéressant les relations extérieures et des questions militaires.

Ce n 'est que dans la mesure où de telles réformes seront appliquées que la Républi-que française conservera l 'amitié confiante des populations d'Algérie.

Certains déclarent que nous r isquons ainsi de livrer l 'Algérie à d 'autres puis-sances. C'est exactement l ' inverse.

A notre dixième congrès du part i com-munis te français, parlant de la démocratie notre secrétaire général Maurice Thorez disai t : « Nous ne saurions oublier que l ' une des exigences de la démocratie, c 'est une att i tude plus compréhensive et plus juste envers les peuples coloniaux ». Et il a joutai t : « La France démocratique doit aider au développement de la nat ion algé-r ienne en formation ».

Enfin, pour nous prévenir aussi contre ies conséquences d 'une mauvaise politi-que, notre secrétaire général nous rappe-lait ce qui venait de se passer en Syrie et au Liban, mont ran t ainsi que notre part i communiste avait doublement raison en condamnant l 'a t t i tude brutale des élé-ments vichyssois et colonialistes qui n 'avaient pas su ménager le sent iment na-tional des Syriens et des Libanais. (Ap-plaudissements à Vextrême gauche.)

Je veux d'ail leurs prendre un autre exemple: que, dans u n esprit de com-préhension et d 'amitié, u n accord soit si-gné à égalité de droits avec le gouverne-ment de la République du Viet-Nam et la France conservera en Indochine ses posi-tions industrielles et commerciales. Au contraire, si l 'on refuse de reconnaître l 'Etat libre du Viet-Nam, 'si la politique actuelle de violence continue, alors, comme ce fu t le cas en Syrie et au Liban, nous perdrons non seulement une situa-tion privilégiée mais, ce qui est infiniment plus grave, l 'amit ié du peuple du Viet-Nam pour la nation française. (Applaudis-sements à Vextrême gauche.)

C'est en ayant à l 'esprit toutes ces con-sidérations que nous devons comprendre la question algérienne et nous orienter, au cours des t ravaux qui vont suivre sur la consti tution, vers l 'Union française.

Telle est notre position et, dans ce do-maine, comme dans tous les autres , c 'es t en recherchant l 'amit ié confiante de tous les Algériens que les communistes f rançais ont conscience d'agir en vrais défenseurs des intérêts de la France. (Applaudisse-ments à Vextrême gauche.)

M. André Le Troquer. Je demande la parole. ( '

M. le président. Je vous la donnerai, s i v o u s , n ' y voyez pas d ' inconvénient , à la fin du débat.

m. André Le Troquer. Je crois qu ' i l y aurait intérêt pour la clarté du débat à régler l ' incident tout de suite et je de-mande à l 'Assemblée la permission de le faire immédiatement . (Approbations à gauche et sur divers bancs\

M. le président. La parole est à M. L e Troquer.

M. André Le Troquer. Je n'ai pas à re-mercier M. Demusois de sa courtoisie, puisqu' i l ne m 'a pas autorisé à l ' in ter rom-pre, mais, avec l 'autorisat ion de l 'Assem-blée, je vais met t re rapidement l ' incident au poinf.

Hier soir, M. le docteur Saadane, par lant au nom du groupe des Amis du manifes te , affirmait que les faits qui lui étaient re-prochés, ainsi qu 'à M. Ferhat Abbas et à ses amis, avaient été si peu établis qu ' i l s avaient bénéficié d 'une ordonnance de non-lieu.

J 'ai , à ce moment- là , in te r rompu M. Saadane pour signaler qu' i l disait des choses inexactes et que les Amis du mani-feste avaient bénéficié de la loi d 'amnis-tie.

Je l 'affirme d 'autant plus çpie j 'a i entre les mains u n document q u e je veux l ivrer à la connaissance de l 'Assemblée et qui est d 'une précision qui arrête et clot l ' in-cident.

Le voici : ' « Nous, juge d ' instruction militaire atl

t r ibunal militaire de Constantine, « Vu la procédure instruite contre les

nommés Ferhat Abbas, Saadane Ahmed, Taleb Bachirfcdit Cheikh Brahimi, inculpés :

« Les-deux premiers — c'est-à-dire Fer-hat Abbas et Saadane — de provocations et crimes et délits, atteinte à la sûreté ex-térieure de l 'Etat, crimes contre la sûre té intérieure de l 'E ta t ;

« Le troisième — c'est-à-dire Taleb Ba-chir — du chef d 'entreprise, par quelques moyens que ce soit, de soustraire à l ' au-torité de la France une partie des territoi-res sur lesquels cette autorité s 'exerce, crimes contre la sûreté intér ieure de l 'Eta t ;

« Vu les réquisi t ion^ de M. le commis-saire du Gouvernement près le t r ibunal militaire, tendant au non- l ieu;

« Vu la loi du 9 mars 1946, loi d 'amnis-t ie ;

« Attendu que l 'article 2 de ladite loi stipule que seront amnistiées toutes les infractions commises en Algérie à l 'occa-sion des événements des 1er et 8 mai 1945, sauf exceptions i imitat ivement p révues ; que les infractions reprochées aux incul-pés, à les supposer établies, l 'ônt été à, l 'occasion des événements des 1er et 8 mai 1945, et ne r en t ren t pas dans les exceptions prévues par l 'article 2 de la loi du 9 mar s 1946;

« Vu l 'article 86 du code de jus t ice mi-litaire, déclarant qu 'en l 'état il n ' y a pas lieu à poursuivie , les faits étant amnis-tiés... »

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Tout à l 'heure, dans un incident spon-ftâné, ainsi qu' i l peut s 'en produire dans une Assemblée — il est ainsi possible de .régler certaines contestations; je rie m ' y oppose pas, mais je le marque au pas-sage — . . .

Au centre. Comme Mer*

M. André Le Troquer. *..M. Fayet a dit que j 'avais mis en cause injustement les communistes. J 'a i souligné hier, en inter-rompant M. Saadane quand il disait avoir bénéficié d'une ordonnance de non-lieu, qu'il se trompait. Et il le savait.

i p l ' a i souligné hier, comme je l e sou-ligne aujourd'hui, la commission de la jus-tice avait un rapporteur communiste, M- Toujas, et le président de la commis-sion de la justice de ^ancienne Assemblée Constituante est devenu ministre de Tinté-. r ieur ; il pourrait confirmer mes paroles s'il en était besoin.

J'ai souligné que la commission de la justice avait rapporté un projet insuffi-sant, que ,ce projet était rapporté par M. Toujas, communiste, et qu'il excluait de l 'amnistie M. le docteur Saadane, M. Ferhat Abbas et ses amis.

Je n 'ai pas dit autre chose. Et quand, tout à l 'heure, M. Fayet par-

lait de « l 'exacte vérité », ce qui me sem-ble au moins u n pléonasme, je rétablis la vérité tout court.

C'est sur l'initiative du Gouvernement c'est sur mon initiative personnelle que le Gouvernement a décidé et que l'Assemblée a accepté, sur la proposition que je lui ai soumise à cette tribune, d'étendre l 'amnis-tie aux Amis du manifeste.

Il s 'est agi non pas d'une initiative com-muniste mais d'une initiative gouverne-mentale et d'origine socialiste. Je tenais à le marquer. (Applaudissements à gauche et sur divers bancs au centre.) '

M. Fayet. Contre vous, nous avons pré-senté et fait adopter deux amendements qui ont fait libérer les Amis d u manifeste et Messali.

M. te président. La parole est à M. Viard. (Applaudissements au centre.)

il. Viard. Mesdames, messieurs, depuis hier nous discutons, paraît-il, une inter-pellation, adressée à M. le ministre de l'In-térieur, sur la politique qu'il compte sui-vre en Algérie.

Or, il faut bien reconnaître que, si la règle du jeu parlementaire normal était respectée, seuls, à l 'heure actuelle, ceux qui font partie de l'opposition seraient ve-nus à cette tribune se plaindre auprès de M. le ministre de l 'interieur de sa politi-que et, au contraire, tous ceux qui font partie des groupes politiques soutenant le Gouvernement se trouveraient serrés au côté de M. le ministre de l ' intérieur, le défendraient par leur présence et le sou-tiendraient a i M ; mais ils ne le défen-draient pas de leur voix, car c'est lui qui répondrait au nom de tous ceux qui parti-cipent au Gouvernement.

Voilà comment l 'on agirait si l 'on res-pectait complètement les règles normales au jeu parlementaire; mais il se trouve que le jeu n 'a pas fonctionné et qu'en réa-lité beaucoup d'entre nous et moi-même avons éprouvé le besoin de monter à cette tribune pour parler de l'Algérie.

Cela prouve, il faut bien en convenir, monsieur le ministre, qu'il y a une ques-tion algérienne sur laquelle les positions ne semblent pas toujours très nettes puis-que, précisément, ce sont des. interpella-

tions disséminées devant lesquelles vous vous trouvez.

Cela montre également qu'à l 'heure ac-tuelle, nous sommes en train de faire des échanges de vues politiques, plutôt qu 'une procédure parlementaire proprement dite, que nous sommes devenus, dans une cer-taine mesure — personnellement je ne m'en plaindrai pas — une sorte d'acadé-mie politique, plus our%moins passionnée, suivant les cas, où nous échangeons des considérations sur la situation, politique de l'Algérie, sur son histoire, sur sa sociolo-gie, sur sa richesse plus ou moins grande, sur son économie, sur sa climatologie.

Mais, tout cela, il faut bien le reconnaî-tre, est tout de même assez loin d'une vé-ritable épreuve politique.

Je compte, quant à moi, rester dans ies limites du jeu parlementaire normal, ne serait-ce que, parce qu'il n ' y a pas encore longtemps, il n 'y a guère qu 'une année, c'était pendant quatre-vingt-dix heures par an que je parlais de l'Algérie.

Ce n'est donc pas, monsieur le ministre, à proprement parler une interpellation que ie vous ferai, puisque je n'ouolie pas que le groupe du mouvement républicain popu-laire se trouve derrière vous. Je veux sim-plement vous poser quelques questions, non pas à titre personnel mais en votre qualité de ministre de l 'intérieur.

Au cours de ces trois séances, remar-quons-le, le jeu normal parlementaire n 'a pas Jou t à fait bien fonctionné. J'ai l'im-pression que si, depuis hier matin, nous avons entendu beaucoup- d'interpellations, très peu s'adressaient à M. le ministre de l 'intérieur lui-même. C'étaient des inter-pellations entrecroisées, de personne à per-sonne ou de groupe à groupe, i n t e r p e l -lions auxquelles, jusqu'à présent, M. le ministre de l 'intérieur ne serait pas très gêné pour répondre.

Me prêtant tout de même quelque (peu à ce jeu anormal dont je parle, je me permettrai de poser également quelques questions à certaines personnes ou à cer-tains groupes, plutôt qu'à M. le ministre l e l 'intérieur, c'est-à-dire au Gouverne-ment.

M. André Le Troquer. M. le ministre de l 'intérieur est personne interposée.

M. Viard. Oui.

M. Demusois. Et vous allez faire comme les .autres interpellateurs I

• M. Viard. Pas tout à fait î Je parlerai d'abord de la situation stric-

tement juridique de l'Algérie. Le problème politique et juridique de

l'Algérie a bien été posé, mais — et je vise en particulier certaines affirmations de notre collègue M. Saadane — il ne l 'a pas été d'une façon correcte.

Que l 'on discuté de la situation future de l'Algérie, soit ! Mais que l 'on déclare qu'actuellement sa situation politique et juridique n'est pas fixée, c'est commettre une erreur. 11 suffit de reprendre à très larges traits l 'histoire de notre Algérie pour s'apercevoir que sa position politique a été fixée.

Si, de 1830 à 1834, nous nous sommes trouvés juridiquement devant un territoire occupé militairement, dès le 22 juillet 1834, la position juridique, a été prise, le territoire algérien était territoire fran-çais et la population algérienne, dans tous ses éléments, population française. Cela n'a été contredit à aucun moment de nojre

. histoire,!

Qu'on se rappelle ensuite les événements de 1848 et l'emploi, dans les textes, c*es mots « départements français » et « repré-sentation de l'Algérie au sein des assem-blées de 1848 » ; ^puis, sous un autre ré-gime, le sénatus-consulte de 1865 qui a proclamé, plus solennellement encore, que tous les habitants de l'Algérie étaient fran-çais et qui a établi, pour la première fois, une procédure leur permettant d'accéder au caractère de citoyens français. Les évé-nements de 1871 n'ont fait que confirmer ceux de 1848 et les lois de 1919 ont encore accentué le caractère de 1865. L'on peut donc affirmer, ce. qui n'a jamais fait l 'om-bre d un doute, qu'eu égard à la position politique et juridique de nos trois départe-ments, 1 Algérie est, depuis 1834, terre française et ses habitants des Français.

Mais alors se pose ici ce qu'on appelle parfois d 'un mot qui n 'est pas toujours très nuancé, j 'en conviens, la question du séparatisme.

Je^n'interpellerai pas mes collègues du Manifeste sur ce sujet ; il l 'ont été suffi-samment. D'ailleurs, sur des points im-portants, sauf sur quelques mots capitaux, us en conviendront, nous avons quelque-fois des solutions pratiques très voisines. C est plutôt un groupe, qui devrait se trou-ver lui aussi derrière M. le ministre de l 'intérieur, que je mfe permettrai d ' inter-peller, le groupe du parti communiste.

H. Fayet. Nous continuerons à Alger.

M. Viard. Et nous continuerons à Alger, Je demande à ce groupe quelle est exac-

tement sa position politique. Malgré les affirmations qui viennent d'être apportées à cette tribune, sa position politique me paraît avoir singulièrement varié. S'il a « flirté » autrefois, j 'en conviens, avec des organisations de sinistre mémoire qui avaient une tendance séparatiste, je crois me rappeler qu'en 1944, le parti commu-niste avait pris une position sensiblement différente qui était p resque . . .

M. Alclde Benoit. Presque, seulement !

M. Viard. . . . d e l'assimilation complète. Depuis quelques semaines, le parti com-muniste fait de nouveau du séparatisme essayant peut-être, je ne veux pas être méchant, de réparer ce que les élections dernières lui ont coûté.

Kl. Fayet. Pas à vous, monsieur Viard ?

M. Viard. Il essaye de réparer et de ras-sembler dans un seul mouvement toute une série de groupements plus ou moins séparatistes. Je dirai presque même qu'à côté de nos collègues du Manifeste, il semble mettre le pied sur l'accélérateur.,

M. Fayet. N'oubliez pas qup vous êtes descendu de 41.000 à 18.000 voix aux élec-tions dernières ! (Rires à Vextrême gau-che.)

M. le président. Messieurs, restons dans le débat, je vous en prie.

M. Viard. Je suis, en effet, descendu de 41.000 à 18.000 voix aux dernières élec-tions. Nous verrons, aux élections pro-chaines, ce qui se passera. Le suffrage universel est ma seule règle.

M. le président. Je demande à l 'orateur de s'adresser à l'Assemblée, et non à 'un, de ses collègues.

M. Jacques Duclos. Les interpellations de, collègue à collègue sont interdites. (So^r rires.y

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M. le président. Oui, monsieur Duclos, et je vous demande de montrer l 'exemple. {Sourires.)

M. Jacques Duclos. Je n ' in terpel le per-sonne.

M. Viard. Je me demande ce qu ' i l faut penser de cette at t i tude politique, d 'au-tant plus que j ' y relève des aff irmations vraiment contradictoires.

Quelques jours après le congrès du part i communiste t enu à Alger, au cours des débats qui se sont instaurés ici même sur les augmentat ions de salaires et de traite-ments et en réponse à une question posée par M. René Mayer, un des membres com-munis tes du Gouvernement, M. Croizat, à plusieurs reprises, a parlé des « trois dé-par tements algériens ». J 'a i presque eu l ' impression que c 'était intentionnel.

M. Fayet. C'était seulement ' i ronique ! (Exclamations au centre et à droite.)

M. Viard. Quand u n ministre parle ainsi, ie n ' a i pas l ' impression qu ' i l fasse de l ' i ronie.

Je me demande donc quelle est la si-tuat ion exacte. Vous comprendrez que c'est là , pour nous, une question importante .

Je viens d 'écouter avec beaucoup d'at-tent ion notre collègue, M. Demusois, qui me paraît mélanger les deux conceptions pour en t irer peut-être le max imum d'effet . Lorsqu'il dit vouloir la suppression de toutes les lois d 'exception en Algérie par rapport à la métropole, j 'appelle cela de l 'assimilation. Mais lorsqu' i l demande que l 'arabe soit langue officielle et qu ' i l iy ait u n e universi té a r a b e / j ' a p p e l l e cela du séparatisme.

Il faut choisir, car les effets ne peuvent pas être pris à droite et à gauche.

Tel est le problème qui se pose, pro-b lème politique qui dépasse même le ca-dre strictement algérien. Je le soulève, n o n pas pour que les membres du par t i communis te s ' en tendent entre eux — cela ne me regarde pas — mais pour qu ' i ls s ' en tendent au moins avec ceux qui les représentent au Gouvernement.

Concernant la situation politique en Algérie, il n ' e s t pas dans nos intent ions de revenir sur deux grands problèmes qui ont été traités ici plusieurs fois depuis hier mat in .

Il y a d 'abord la loi électorale. C'est là un problème qui fera l 'obje t d 'une discus-sion particulière. Il y aura aussi à prévoir une loi organisant l 'Algérie, qu ' on pour-rait appeler une loi _ organique. Sur ce point , nous ne laisserons pas dire que nous sommes en re jard , car tout le monde sait que ces p ioblèmes m 'on t intéressé de-puis longtemps et que je n ' a i pas été le dernier à poser des règles t rès libérales pour l 'organisation de ces trois départe-men t s d'outre-Méditerranée.

En réalité, c 'est à u n grand nombre de minis t res qu 'un député algérien aurait à s 'adresser directement afin de leur signa-ler qu 'à peu près dans tous les domaines il y a beaucoup d ' imperfections. Je ne veux pas en faire l ' énuméra t ion . A vous, monsieur le ministre de l ' in tér ieur , je de-mande seulement de vouloir bien préciser votre doctrine sur Inorganisation adminis-trat ive de l'Algérie afin que nous sachions si les Algériens peuvent tou jours s 'adres-ser au ministre de l ' in tér ieur , qui est leur minis t re , s ' i l y a liaison entre les services du ministère de l ' in tér ieur avec les autres minis tères , ou si vous entendez revenir , comme il le paraît quelquefois, à la vieille formule de 1880 qui n 'avai t pas donné de résul ta ts b ien remarquables et d 'après la-

quelle chaque Algérien devait s 'adresser au ministère compétent. Je mets à part , b ien entendu, les services que l 'on appelle tradit ionnellement « rat tachés ».

Il y a là u n problème important à résou-dre qui dépasse même l ' idée de facilités que l 'on doit donner à chaque Algérien pour ses démarches. Cette confusion de pouvoirs, en effet, est en même temps la cause de difficultés sur le plan local. Il existe à Alger ce qu 'on pourrait appeler •les séquelles des différents ministères, qui vivent en dehors de l 'autori té du gouver-nement général et de celle du ministère de l ' intér ieur . Il faudrai t savoir si c 'est la rè-gle ou si cette dualité doit cesser.

Pour le reste, je vous demande, mon-sieur le ministre , de donner à la popula-tion algérienne l 'assurance que sa sécurité èst complète — vous savez à quels événe-ments je fais allusion, sur lesquels, avec beaucoup de décence, personne n ' a d'ail-leurs voulu revenir — et de tenir compte de l 'é tat «d'esprit de cette population à cet égard. ^

Je vous demande également d 'assurer le respect intégral des lois républicaines en Algérie quelles que soient les difficultés politiques que cela puisse entraîner le cas échéant, car la loi doit être appliquée tant qu 'une autre loi ne l 'a pas modifiée, et un régime républicain ne peut se concevoir qu 'avec le respect absolu des lois et spé-cialement du code pénal. (Applaudisse-ments au centre.)

Je vous demande encore, monsieur le minis t re , de nous assurer que les fonction-naires algériens seront fe rmement soute-nus . par l 'adminis trat ion centrale. Ils ont u n rôle difficile. Si, éventuel lement — ce ne peut être 'qu 'exceptionnel — il est quelques hommes qu' i l faut condamner , c 'est à l 'adminis trat ion elle-même de le faire. Nous demandons, en tout cas, qu ' i l ne soit plus possible que des organes rele-van t de groupes polit iques agissant der-rière le Gouvernement in jur ien t ou mal-mènen t des fonctionnaires, comme c'est trop souvent le cas. (Applaudissements au centre.)

En réalité, mons ieur le ministre , nous vous demandons tout s implement de faire acte de gouvernement .

Vous avez la responsabili té de l 'Algérie j c 'est donc vous qui devez avoir la volonté de la gouverner .

L'Algérie at tend. Elle a t tend dans u n è certaine incert i tude de son sort. Elle at-tend aussi dans le sent iment qu ' i l y a incompréhension entre la métropole . et elle.

Pour notre par t , nous re fusons d'ad-met t re toute politique qui consisterait à jouer d 'un des éléments qui vivent sur le sol algérien a u . détr iment de l 'autre .

Ceux qui siègent sur ces bancs — cer-tains ont été de mes étudiants — savent que depuis longtemps nous avons cherché à accueillir le plus l ibéralement ces élé-men t s français qui démarrent dans la vie politique.

Depuis de longues années nous avons fait des propositions à cet efïet. Elles se sont heur tées à d 'aut res qui, sur le plan sent imental , par la ient du même prin-cipe.

Je me permets ici de rappeler à M. le ministre Viollette que nous n ' avons pas toujours été d'accord sur les modalités, mais que nous l 'é t ions sur les points de départ .

Mais, accueil l ibéral des uns ne veut absolument pas dire condamnation des au-tres, condamnat ion de leurs efforts consi-

dérables. Un seul mot suffirait pour mon-trer quelle en serait l ' absurd i té : si cer-tains, que l 'on dénonce parfois du n o m bien arbitraire de colons, n étaient pas allés en Algérie il n ' y aurait au jou rd ' hu i [per-sonne ici pour demander , au n o m de la population autochtone, des droits que n o u s avons tou jours été prêts à lui reconnaî-t re . (Applaudissements au centre.)

C'est dans c,et esprit que nous at tendons, monsieur le minis t re , les déclarations du Gouvernement, persuadés que vous saurez apporter à l ' une et à l ' au t re des popula-tions qui vivent en Algérie les affirma-tions sollennelles qu'elles at tendent à pro-pas des liens avec la mère patrie, de la sécurité qu'elles en at tendent , du respect de la loi et des liber-tés et de l 'affect ion qu'elle porte à tous ceux de ses enfants qui travail lent pour la plus grande France. (Applaudissements ait centre et sur divers bancs à droite.)

M. le président. La parole est à M. Ferha t Abbas. (Applaudissements sur quelques bancs à Vextrême gauche.)

M. Ferhat Abbas. Mesdames, messieurs , le 22 mars 1935, devant le Sénat, notre ami M. le sénateur Maurice Viollette di-sait, s 'adressant à ses collègues:

« Ces indigènes, quand ils protes tent contre les abus qu' i ls constatent, vous vous indignez; quand ils applaudissent , vous soupçonnez; et quand il se taisent , vous redoutez. »

Je me suis interrogé. Je me suis-, de-mandé s ' i l fallait protester contre ce qui a été dit hier et au jou rd 'hu i par certains orateurs, ou s 'il fallait applaudir, ou tou t s implement se taire.

J ' imagine que, pour beaucoup d 'entre eux, le résultat serait exactement le même quelle que fû t m o n atti tude et, dès lors, je préfère vous dire m o n sent iment .

Nous ne pouvons pas , d 'au t res orateurs l ' on t dit, épuiser le suje t qui nous inté-resse au cours d 'une simple interpellat ion, si importante soit elle. Le problème est beaucoup plus grave.

Au demeurant , j ' ignorais que M. Quilici allait exercer son éloquence et son ta lent contre notre parti et que j 'al lais personnel-lement être interpellé.

Je dis à ceux qui ont rappelé ici m o n . action dans le passé et dans le p r é sen t : Qu'est-ce à dire ? Est-ce une question de personne ? Le problème consisterait-il sim-plement à écarter mes amis et moi-même ae l 'arène politique pour assurer la paix sociale en Algérie ?

S'il en était ainsi, je crois qu ' i ls com-met t r a i en t une erreur considérable, car les hommes passent, les difficultés restent et s 'aggravent de jour en jour . Et c'est vrai-ment desservir l 'Algérie et la France que de regarder pér iodiquement , par interval-les, ce grave problème à travers des hom-mes.

En 1922, c'était l ' émir Khaled, mor t , hé -las I en exil, malgré ses bri l lants états de service au titre de capitaine français et d 'ancien combattant de 1914-1918.

En 1930, c 'étaient les agents de Moscou qui étaient les auteurs du mécontentement populaire et vous vous souvenez peut-être tous de la phrase fameuse lancée par M. le ministre de l ' in tér ieur à Constantine : « Le communisme, voilà l ' e n n e m i ! »

En 1933 c'était le docteur Bendjelloul, votre ami d 'hier , qui était l ' ennemi public n° 1; c 'était le regret té Cheikh Ben Badis, ce Saint-Augustin de l 'Islam des temps modernes .

En 1936 c'étaient Messali et ses amis .

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Et nous voilà nous, les élus du Mani-feste, à notre tour chargés -de tous les péchés du monde.

Je me tourne vers lés représentants de l'Algérie et, mes collègues- de la métropole m'en excuseront, vers tous sans exception, ceux de la droite, ceux de la gauche, et je leur dis: est-ce que ce jeu va continuer ? Est-ce sérieux ? Est-ce profitable ? Où vou-lez-vous en venir ?

Je n'ai pas l'impression, quant à moi, que nos luttes intestines rehaussent notre pays et réjouissent la France. La France serait infiniment plus heureuse et plus fière de nous si, assis à la môme tanle, nous nous mettions d'accord sur quelque chose d'acceptable, de sincère et de du-rable.

Causons, je le disais en 1944, en 1945; je le redis aujourd'hui, sincèrement. Mais; au lieu de répondre à nos appels, au lieu de Venir au rendez-vous que l'Algérie mu-sulmane entière n 'a cessé de leur donner, les représentants de la grosse colonisation se drapent solidement dans leurs privi-lèges et viennent ici, par la presse et par la parole, exciter le peuple français-

fui, malheureusement, n 'est pas toujours

ien renseigné, contre notre petit peuple algérien qui ne demande, en somme, que sa place au soleil.

J 'ai écouté et je pose simplement cette question : Qu'avez-vous apporté de neuf dans ce débat ? qu'avez-vous dit qui n'ait déjà été ressassé par vos prédécesseurs, par les Morinaud, les Roux-Freyssineng, les Duroux, les Mallarmé, durant le demi-siècle dernier ? Quelles sont les leçons que nous tirons, les uns et les autres, du grand bouleversement mondial et des mal-heurs mêmes du peuple français ? (Applau-dissements à Vextrême gauche.)

J 'ai retrouvé, hélas î chez M. Quilici, chez M. Reneurel, chez le docteur Panta-loni et chez le général Giraud tous les lieux communs d'avànt-guerre, auxquels sont venus s'ajouter des détails qui respi-rent la police et les renseignemnts géné-raux,, (Applaudissements à Vextrême gau-che.) * " ,

M. Quilici. Qu'avez-vous publié ? Ce n'est pas la police qui vous a fait écrire! (Exclamations à Vextrême gauche.)

M. Ferhat Abbas. Je vous réponds d'abord, monsieur Quilici,^ qu'en 1945, je lisais dans La Marseillaise...

M. Quilici. Non, c'était La Bataille, à ce moment-là.,

M. Ferhat Abbas. Peut-être. ...un de vos articles ou il était dit que

vous aviez servi dans un régiment destiné à être de la « chair à canon ».

Vous aviez nommé les tirailleurs algé-riens. ,

M. Quilici. Et je le pense profondément, hélas !

M. Ferhat Abbas. J 'aurais voulu -alors que vous soyez beaucoup plus tendre pour de jeunes élus qui représentent ici l'im-mense majorité des combattants musul-mans d'Algérie. (Applaudissements à Vex-trême gauche.)

M. Quilici, Monsieur Ferhat Abbas, vou-lez-vous me permettre de vous intarrom-pre ?

!

M. Ferhat Abbas. Volontiers. r ^

M. le président. La parole est à M. Qui-lici, avec l'autorisation de l 'orateur.

? M. Quilici. C'est uniquement à propos des tirailleurs algériens et marocains, parmi' lesquels j 'ai servi, que je désire

! vous interrompre. Non seulement j 'ai j servi parmi eux, mais j 'ai été élevé parmi

vos coreligionnaires, dans le Sud-Oranais. I Je vous l'affirme. J'ai même suivi les 1 cours dans la toute petite école d'un ins-

tituteur musulman où nous recevions l 'en-seignement sur la terre battue.

C'est vous dire que je connais aussi la : misère des Musulmans, des masses musul-

manes; mais quand vous parlez de jeunes élus, je vous réponds gue vous n 'ê tes pas un je.une élu; depuis dix ans, vous êtes un agitateur! (Exclamations à VeoCtrême gau-che.) -

M. Demusois. Qui êtes-vous donc, vous.?

M. Ferhat Abbas. Vous me permettrez, monsieur Quilici, de ne pas vous contes-ter l 'honneur de connaître l'Algérie. Mais moi, j 'ai dans les cimetières de mon pays dix ascendants qui y sont enterrés. Cela fait cinq siècles d'existence en Algérie. J 'ai derrière moi une famille qui a honora-blement servi le pays et lorsque vous me traitez, d'agitateur, je vous dis que vous êtes mal venu à le faire, parce que ce pays m'est beaucoup plus cher qu'il ne l'est à vous. (Applaudissements à Vex-trême gaucho)

Le Manifeste, avez-vous dit en pas san t / a été fait au gouvernement général. Vous êtes mal renseigné. Le Manifeste n 'a pas été fait au gouvernement général, il a été fait par la population musulmane et il en exprime les aspirations légitimes et réel-les. (Applaudissements à Vextrême gau-che.)

Le Manifeste a été, en efïet, accepté par les autorités françaises, en 1943, à la seule condition que l 'autonomie de l'Algérie, demandée, soit réalisée dans le cadre fran-çais et la réponse des élus qui l 'ont pré-senté a été sans équivoque : c est, en efïet, dans le cadre d'une fédération française que s'est inscrite la politique du Mani-feste.

Vous m'avez également reproché d'avoir adressé un rapport au maréchal Pétain. C'est exact. Je l 'ai adressé le 10 février 1941. Je n 'en rougis pas et je vais le pu-blier. Je n 'ai pas à changer une virgule à

' ce que j 'ai écrit alors. Pourquoi l'ai-je écrit ? Je vais vous le dire en toute simplicité.

Je l 'ai fait parce qu'en 1941 j'étais u n su jet français et qu'en cette qualité je n'a-vais, en aucune manière, exercé la moin dre parcelle de la souveraineté française Dans ces conditions, je pouvais faire le raisonnement suivant: je devais respecter le gouvernement que les Français se don-naient... (Protestai lions sur un grand nom' bre de bancs.)

M. André Le Troquer., Non. Subissaient.

M. Ferhat Abbas. ...Subissaient, et je de-vais, quel que fût le gouvernement, m'a-dresser à lui pour lui exposer le problème algérien.

Ce problème, je ne l 'ai pas exposé en adhérant, comme certains de vos amis qui figuraient sur vos listes en Algérie, à la Révolution nationale et au régime instauré par Vichy. Dans ce rapport, j 'ai défendu des idées républicaines et démocratiques et j 'ai eu le courage de le faire sous" le régime de Vichy. Vous pouvez lire mon texte. . . • • ,

. M. Quifici; Je le connais. Nous en- parle-rons tout à l'heure.

M. Ferhat Abbas. En ce qui concerne l'exposé de M. le général Giraud, je suis contraint de redresser au moins deux er-reurs.

La première erreur a consisté à dire qu'en 1830 il y avait, en Algérie, un mil-lion et demi d'haibïtants. Ce chiffre me pa-raît sans fondement. En effet, la première statistique établie par des militaires fran-çais consciencieux remonte à 1853; elle donne le chiffre de 2.238.000 habitants. Or, de 1830 à 1853, le chiffre de la population, celle-ci ayant subi vingt-six années d'une guerre particulièrement meurtrière, n 'a pu que diminuer. D'autre part, la conquête de la Kabylie et du %Sud n'était pas encore faite et cette statistique n 'a donc pu coin prendre ces deux régions importantes et peuplées.

La deuxième erreur a consisté à dire qu'en 1830 l'Algérie était une brousse pour les chacals. Il ne faut rien exagérer. Il y avait alors des richesses. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire la correspondance des officiers français qui ont fait la conquête. N'oublions pas non plus que c'est une af-faire de blé livré par l'Algérie à la France qui a été à la base du conflit. Soyons donc équitables pour l'Algérie de 1830.. Quand on recueille dans son héritage la cathédrale et l 'archevêché d'Alger, ces deux monu-ments magnifiques, la cathédrale de Cons-tantine, la Villa du traité de paix, on n 'a pas le droit de dire qu'il n ' y avait rien en Algérie en 1830.

H. le général Giraud. Me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Ferhat Abbas. Volontiers.

M. le général Giraud. Je vous ai dit hier qu'en 18.30 il n 'y avait en Algérie ni rouie, ni hygiène. Je pourrais invoquer moi aussi les comptes rendus des officiers et des sol-dats qui se trouvaient en 1830 en Algérie. Vous pouvez retrouver toùs ces textes aux archives historiques.

Je vous.ai dit ensuite qu'il y avait dans ce pays 1.500.000 habitants. Il y en avait peut-être deux millions. Je m'excuse du chiffre, je l'ai pris parmi des renseigne-ments géographiques que je croyais exacts. N'empêche, vous l'avouerez comme moi, que la population algérienne a quel-q u e peu progressé sous l'égide de la France* de 1830 à 1946, puisque nous en sommes,, maintenant au chiffre de 8 millions d'au-tochtones, si"je ne m'abuse, sans compter 800.000 Français.

Je vous ai dit ensuite — je reprends, je crois, les paroles que je prononçais hier ~ que la Mitidja était un marécage. Est-ce exact, monsieur Ferhat Abbas ?

M. Ferhat Abbas. C'est exact.

M. le général Giraud. Bien. J'ai dit aussi que les plateaux du Tell étaient un par-cours pour moutons. Vous connaissez la province de Constantine, vous connaissez Sétif beaucoup mieux que moi, vous con-naissez certainement les archives de Sétif, vous savez à quel moment les plateaux du Tell ont été transformés en terres à blé. N'est-ce pas ?

J 'ai ajouté que les coteaux de Mascara étaient de la brousse accueillante aux cha-cals. Si j ' en crois les renseignements don-nés par ceux qui sont allés voir l 'émir Abd el Kader à Mascara en 1835, il n ' y avait pas beaucoup de vignes ni d'autres cultures sur les coteaux de Mascara.

Voilà ce que j 'ai dit hier, monsieur Ferhat Abbas.

M. Ferhat Abbas. Je vous remercie. J 'ajoute que si on n 'a peut-être pas trouvé

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en Algérie beaucoup de blé, on a au moins trouvé beaucoup de chevaux excellents avec des selles - d'or alors qu'aujourd'hui, monsieur Giraud, on ne trouve que des bourricots. (Exclamations au centre et à droite.)

Vous nous donnez un double témoignage lorsque vous dites: « Malgré les différen-ces entre ces régions, la Tunisie, l'Algérie, le Maroc forment une unité géographique, spirituelle et religieuse », et lorsque vous ajoutez: « politique d'association et non politique d'assimilation ». Là nous sommes d'accord.

fi. le général Giraud. Très bien, monsieur^ Ferhat Abbas.

M. Ferhat Abbas. J'en arrive aux criti-ques de M. Reneurel. Je n'accepte pas le mot « séparatisme ». Nous sommes, mon-sieur Reneurel, des fédéralistes, nous ne sommes pas des séparatistes. L'Algérie dans le cadre ,de l'Union française, et le peuple algérien uni au peuple français, marchant avec lui la main dans la main, voilà nos formules. Elles ne vous suffisent pas. Pourquoi nous en prêter d 'autres?

M. Reneurel. Voulez-vous me permettre de vous poser une question ?

M. Ferhat Abbas. Je vous en prie.

M. Reneurel. Pourquoi voulez-vous donc donner à l'Algérie un drapeau nouveau ?

M. Ferhat Abbas. Ce drapeau n'est pas nouveau, moii cher collègue. Il a été con-sacré par le traité de la Tafna, signé entre le maréchal Bugeaud et l 'émir Abd el Ka-der.

Si vous aviez lu notre projet, vous vous seriez aperçu qu'il forme un tout. Nous entendons constituer un état fédéral, avec tous ses attributs. Mais nous n'entendons pas du tout que le drapeau français soit retiré de l'Algérie.

M. Reneurel souligne et me reproche ce qu'il dit être mes variations.

Monsieur Reneurel, permettez-moi de vous poser. une question. En 1936, que pe.nsiez-vous du projet Blum-Viollette et qu'en pensaient, vos amis radicaux ? Qu'écriviez-vous à cette époque ? Voulez-vous que nous ouvrions ce dossier? Vous* semblez aujourd'hui être pour l'ordon-nance du 7 mars. Vous avez donc varié, vous aussi ? (Rires à Vextrême gauche.) Ou bien, est-ce une position d'attente ?

En réalité, la personnalité algérienne, la patrie algérienne, que je n 'ai pas dé-couverte en 1936 dans les masses musul-manes, je la découvre aujourd'hui. La niar, c'est tourner le dos à la vérité.

Au demeurant, je pense que, sur ce su- . jet, vous êtes pour le moins aussi ibien renseigné que moi. Le changement sur-venu en Algérie, est visible à l'œil nu et ni vous ni moi ne pouvons et n'avons le droit de l'ignorer.

Vous avez insisté sur le pays malsain qu'était la Mitidja et sur les premiers co-lons. « morts sans avoir touché leur ré-compense », je* reprends vos propres termes.

C'est vrai, je n'ai pas à le nier. Mais vous n'avez pas parlé du fellahrsoldat, qui, depuis 1830, est allé mourir des fièvres à Madagascar, au Tonkin, à Sébastopol; vous n'avez pas parlé des soldats musul-mans qui laissèrent leurs os à Charleroi, à la Marne, pour que la France soit plus belle et plus grande.

M. Reneurel. J'ai eu l'honneur de les conduire, au feu et d'avoir été cinq fois

blessé à leur tête. (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs, à gauche.)

M. Ferhat Abbas. Je vous en félicite, mais dans votre exposé vous les avez ou-bliés.

Vous nous donnez enfin l'impression de n'avoir pas de solution à nous proposer. M. Reneurel est pour l'assimilation sans l'être, puisqu'il préconise une large dé-centralisation et le maintien des commu-nes mixtes. Il est aussi pour la politique de l'association, seulement il oublie d'en dé terminer les conditions, ce qui me laisse craindre que cette association ne ressem-ble à celle du cheval et du cavalier.

Enfin, M. Reneurel s'en prend au Coran et l l'Islam. C'est une faute. Mon cher collègue, l'Islam est une religion respec-table et qui doit être respectée. Le mal ne vient pas de ce que la société musul-mane — pour employer vos propres ter-mes — « reste figée dans le statut cora-nique avec son privilège de masculinité ». Le mal vient de ce que cette société mu-sulmane algérienne ignore sa propre reli-

fion et n 'a pas les moyens de 1 appren-re, puisque aussi bien vous faites fermer

les médersas et les établissements de langue arabe.

Un mot maintenant à l 'adresse, de M. Pantaloni, qui conteste l'existence d 'un peuple algérien. Mon cher collègue, ce peuple existe, et depuis toujours, au même titre que le peuple tunisien et le peuple marocain. Mais en Algérie il s'est enrichi d'un élément nouveau: l 'élément chrétien et européen. Le brassage n'est pas encore fait, mais au fur et à mesure que la démocratie gagnera du terrain l 'unité se réalisera et l 'âme commune ap-paraîtra, j ' en suis certain.

Un orateur, devant les revendications du Manifeste, a parlé de chantage.

M. Reneurel, lui, a souligné que la France n'acceptera pas de délibérer sous la contrainte. J'avoue ne pas comprendre.

La contrainte ? Elle suppose la force. Or de quelle force s'agit-il ? De huit millions de malheureux, contre la nation française riche de quarante millions, d'hommes avec sa défense nationale ? Ce n'est pas sérieux, mon cher collègue. (Rires à Vextrême gauche.)

Au demeurant, la force n 'a jamais été de notre côté en Algérie. Quant au chan-tage, nous l'avons toujours igrnoré. Il a été et reste souvent la grande arme de la grosse colonisation contre la métropole, précisément. Je puis vous en donner au moins quelques échantillons.

Le 27 mars 1934, au moment de la crise des vins, dams un meeting tenu au stade d'Oran pour protester contre la décision d'une commission interministérielle en fa-veur du contingentement, un député co-lon, M. Brière, précise que l'indépendance américaine est née des exigences de l'An-gleterre à l'égard de ses colonies, et M. Si-car d, à l'assemblée générale de la confé-dération générale des vignerons d'Algérie, disait quelques jours plus tard : « De telles prétentions menacent l 'unité nationale ».

Un peu plus tard, le 19 octobre 1934, au congrès d'Alger, les colons, par l a voix de leurs députés, de leurs sénateurs, de leurs représentants municipaux, préconi-sent îa rupture avec les autorités, la dé-mission des maires ' et autres élus et le (boycottage des marchandises venues de France, tant que les vins d'Algérie ne se-ront pas traites sur un pied d'égalité avec les vins de France..

L'ordre du jour de ce congrès se ter-mine ainsi:

« Les élus français rejettent sur le gou-vernement la responsabilté des troubles sociaux et des graves événements qui pourraient résulter du maintien des me-sures prises dans le but évident de sou-mettre l'Algérie à un traitement qui la plape dans une situation humiliante et en-traîne sa ruine ».

Les maires, de leur côté, se réunissent à l'hôtel de ville d'Alger et prennent l 'en-gagement suivant: u Je m'engage à rom-pre, à partir de lundi 22 octobre 1934, les relations de la mairie avec l'administra-tion préfectorale et gouvernementale, et ce jusqu'à complète satisfaction ».

Enfin il est décidé que si ces mesures ne sont pas suffisantes pour obtenir satisfac-tion, les colons renverraient leur fascicule de mobilisation. (Mouvements à Vextrême gauche.) (

A Vextrême gauche. Voilà les patriotes I

« M. Ferhat Abbas. Voilà, en toute objec-tivité, ce que je pourrais appeler du chan-tage.

Et il n'est question que de vin, c'est-à-dire de gros sous. Quant à nous, il s'agit de notre dignité, de notre liberté et nous n'avons jamais adopté cette attitude. (Ap-plaudissements à Vextrême gauche.)

Nous assistons aujourd'hui encore, mes chers collègues, au même chantage.

Je lisais l 'autre iour une petite brochure due à vos amis MM. Morara, Gustave 'Mer-cier et Berthault, exposant leur point de vue sur l'avenir de l'Algérie. Voilà ce qu'ils écrivent en substance : *

« Nous ne capitulerons pas. Nous, ferons en sorte de rejeter les arabo-berbères dans le Sud. Tel sera l'apanage des Européens. Nous morcellerons 1 Algérie, s'il le faut ».

Vous n'avez pas le droit de jeter le dis-crédit sur nos revendications quand, de votre côté, lorsque de simples intérêts ma-tériels sont en jeu, vous employez de tels procédés et surtout de telles menaces.

Les musulmans, il est vrai, se sont sou-vent adressés à la métropole parce que leur position est une position amoindrie.

Vous êtes tout en Algérie. Vous êtes la classe dirigeante, vous êtes la banque, vous êtes le gouvernement général, vous êtes la majorité dans les assemblées. Si bien que l'indigène, trop brimé ou humi-lié, se tournait tout naturellement vers la métropole, vers le Parlement français, et c'était tout à fait naturel.

Aujourd'hui, nous sommes venus ici pour nous adresser à ce même Parlement et nous avons confiance dans la légitimité de notre cause.

Je crois avoir répondu aux questions es-sentielles sotftevées par les différents ora-. teurs.

Pourrais-je dire, maintenant, mon senti-ment ?

L'Algérie est presque un pays moderne. Il n'est pas trop riche, mais il est magni-fique. Beaucoup de choses ont été réali-sées, beaucoup de choses restent à faire. Il faut tout de suite et sans perdre de temps nous y employer.

Il j a un problème politique, un pro-blème économique et un problème sociaL

La longue pratique démontre que le pro-blème politique doit d'abord recevoir une solution. En effet, quelles que soient les réformes économiques et sociales que* nous voudrions réaliser en Algérie au prol fit de l'immense prolétariat et du paysan-}

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nat , ces ré formes r isquent de rester let-t re morte si, d 'abord, nous n ' avons porté remède à la structure ipolitique de l'Al-gérie .

Il faut réformer le gouvernement géné-ral. Il fau t ré former les assemblées algé-r iennes. Il faut faire participer les 8 mil-lions de musu lmans à la direction de leiff pays et cela ne peut être fait que par le vote d 'une nouvelle constitution pour l'Al-gérie. (Applaudissements sur quelques bancs à l'extrême gauche.)

Nous avons pris nos responsabili tés et nous avons déposé devant votre Assem-blée une proposition de loi. Nous avons in-diqué dans quel sens il fallait au jourd 'hu i donner des réformes à l'Algérie. Ce sens nous l 'avons défini. Il s 'agit de faire en-t rer l 'Algérie dans le cadre de l'Union française sous la forme d 'un état fédéré et de renoncer une fois pour toutes à l 'équivoque qui a fait tant de mal à vous eomme à nous et qui consiste à considérer l 'Algérie comme trois dépar tements f ran-çais.

Nous n 'avons ipas inventé cette solution. En 1936, à l 'époque où nous venions ici défendre le projet Blum-Viollette, j ' a i eu l 'honneur d 'être reçu par M. Albert Le-b run , président de la République, chef de l 'Etat, cosignataire du projet Blum-Viol-lette et, cependant, voilà le langage qu' i l m 'a t e n u : « Je suis contre toute politique d 'assimilat ion; j e su i s . con t r e toute poli-t ique d ' intégration. Nous ne voulons pas, nous, métropoli tains, que l ' homme des co-lonies vienne ici, dans notre Par lement , nous faire la loi. Je représente — m'a-t-il dit — une vieille province française, la Lorraine, et il est tout à fait naturel que le député de la Lorraine n.e soit pas noyé dans le p a r l e m e n t français et qu ' i l ne subisse pas la loi du nombre , la loi die tous les députés d 'outre-mer qu ' on y aurait

• introduits . « Car — à-t-iT a jouté — si au jou rd 'hu i

l 'Algérie s ' intégrai t dans la métropole, ce .serait un exemple e t toutes les autres co-lonies suivraient . Il arriverait u n jour où les députés coloniaux seraient plus nom-breux que les députés métropolitains.

« Je vois la question au t rement , a-t-il * précisé. Au f u r et à mesure du déve-

loppement de nos colonies, nous leur con-céderions une part de notre souveraineté. Ils l 'exerceraient dans des par lements lo> eaux; ils auraient des gouvernements lo-fc eaux. Je vois très b ien des par lements à Alger, au Maroc, à Tunis, à Madagascar, en

' Indochine, et tous ces pays, recevant ainsi leur autonomie, viendraient coordonner leur action par le hau t , à Paris, dans un conseil fédéral d 'empire ».

M. Sissoko. Cette solution n 'es t pas lo-gique !

M. Ferhat Abbas. Voilà exactement la so-lut ion préconisée en 1936 par u n Français authent ique , u h homme qui n 'é ta i t ni u n Américain, n i u n Vichyssois.

C'est cette solution qui s 'est imposée à notre esprit en 1943, lorsque nous avons voulu repenser le problème algérien.

Mes che r s collègues," il ne faut pas trop Jeter l ' ana thème sur ceux que M. Quilici appelle « les agitateurs ». La politique

^ d 'assimilation a été tuée par les repré-sentants de la colonisation eux-mêmes.

On ,a insti tué la natural isat ion indivi-duelle pour les Algériens musu lmans . Si j 'ouvrais ici le dossier de cette question, nous ^trouverions que, chaque fois qu 'un intellectuel m u s u l m a n — s u r t o u t - s ' i l s 'agit d ' u n inst i tuteur — a voulu accé-der à la qualité de citoyen français , il a

rencontré les piges difficultés, les pires entraves. Je pourrais a jouter que, même après sa natural isat ion, i ' indigène s 'est heur té à des lois d'exception, alors que l 'Espagnol ou l 'Italien natural isé devenait automat iquement Français, dans la pleine acception du terme.

Vous vous rappelez, monsieur Maurice Viollette, la promesse que M. Régnier, mi-nistre de l ' intér ieur , vous avait faite sur ce point. En 19*36, il vous avait dit : « Ces lois spéciales qui f rappent les citoyens français musu lmans vont être suppri-mées, je vous en fait la promesse. » (M. Viollette fait un signe d'assentiment.) Or elles ne l 'ont pas été. Nous sommes au jourd 'hu i en 1946 et nous vivons tou-jours sous le régime des promesses qu 'on ne t ient pas.

Je pourrais a jouter que des indigènes qui ont obtenu leur natural isat ion ne jouissent pas des droits des citoyens comme l 'on t démontré , vous vous en sou-venez également , monsieur le gouverneur

férréral, les incidents d 'une pe t i t e mairie

e Kabytlie, la mairie de Mekla. Sous le prétexte que la major i té du collège élec-toral était composée de Kabyles natura-lisés, on a juge qu'ill fallait soustraire la mairie au régime des mair ies de plein exercice pour lui donner le régime des communes mixtes. Car il fallait qiie le maire ne fû t pas Kabyle d'origine. Est-ce exadt?

M. Maurice Viollette. C'est exact. Il y a eu à ce sujet u n arrêt du conseil de préfecture.

M. Fehrat Abbaa. Alors, de qui ee mo-qué-t-on? Aujourd'hui, on paraît nous re-

proclier d'avoir rejeté l 'ordonnance du 7 -mars , alors que depuis le senatus-con-sulte de 1865 on n ' a jamais cessé de re-fouler l ' indigène vers sa qualité d'indi-gène d 'où il ne devait jaiiiais sort ir .

Je rappelle un autre détail. En 1914, en 1915 et en 1916, un grand Français, Geor-ges Clemenceau, devant la vaillance de nos tirailleurs algériens, a voulu nous donner la qualité de citoyens français dans le s tatut musu lman , et ce sont vos col-lègues, c'est-à-dire la représentat ion al-gérienne dans ce Parlement , qui l ' en ont empêché. Et la réforme, qui était une ré-forme majeure , qui aurai t peut-être bien changé le cours des événements en Al-gérie s 'est concrétisée par la loi de 1919 qui a permis aux indigènes, au t i t re d'in-digènes, d 'ê tre représentés dans les as-semblées locales. Mais le compart imen-

t a g e était ma in tenu entre le citoyen et l 'assujet t i .

M. le président. Mon cher collègue, je vous invite à conclure.

M. Ferhat Abbas. Je termine, monsieur le président .

Je dis donc: réforme politique. Prenez vos responsabilités comme nous avons pris les nôtres. La situation est particulière-ment grave, vous devez le savoir et nous sommes venus ici pour l.e dire.

EUmaintenant , je me tourne vers M. le ministre de l ' intér ieur .

Monsieur le ministre , en at tendant que cette Assemblée étudie les projets de ré-forme qui lui sont soumis, ie' vous de-mande de créer un climat favorable à l 'union des populations en Algérie. Vous venez, par un geste courageux, de libérer un homme qui était proscri t ; je veux par-ler de Iladj Messali.

Je vous en félicite. Continuez, monsieur le ministre, à appliquer cette politique li-bérale. Envoyez Messali à Alger, au mi-lieu de

sa famille et de ses enfants . Je

suis absolument certain que cette politi-* quô portera tous ses f ru i t s et que l ' un ion des populations se fera.

J 'a i là, sous les yeux, le texte des pa-roles qu 'a prononcées cet homme devant le t r ibunal qui, en 1941 le condamnait à seize ans de travaux forcés. 11 disa i t : « Messieurs, j ' a ime nia famille, j ' a ime ten-drement ma fille, qui m 'a v u pour la première fois en costume de forçat à tra-vers des bar reaux de prison. Moi aussi , j ' a ime le soleil, la lumière, la liberté. »

Répondez comme doit répondre la France libérale, forte surtout de sa posi-tion morale, et faites confiance aux Algé-riens musu lmans î (Applaudissements à U extrême gauche.)

Il me revient , monsieur le minis t re , qu 'à l 'heure actuelle on essaye de créer un climat de panique. On me signale des mouvements ae troupes en Algérie, des manœuvres nocturnes dans certaines vil-les, par exemple à Tlemcen, entre u n e heure et quatre heures du mat in , c'est-à-dire à l 'heure du deuxième rçpas des mu-sulmans pendant le Ramadan ; patrouil les en ville, déplacements de forces dans les marchés hebdomadaires , opérations mili-taires, construction de casernements à Djidjelli par des prisonniers de guerre al-lemands, renforcement des brigades de gendarmerie et création de nouvelles bri-gades à Arago et à Mlila.

Je vous demande, monsieur le minis t re , d ' intercéder auprès de votre collègue pour que la défense nationale en Algérie soit assurée, mais d 'une maniè re , discrète et surtout pour qu'elle le soit, n o n pas con-tre les populations musulmanes, mais contre un ennemi extérieur.

On m'a dit, monsieur le ministre de l'in-tér ieur , qu ' un homme qui a été compro-mis dans les événements du 8 mai , j ' a i nommé Achiari, allait recevoir u n poste de premier plan à la direction économique d 'Alger

C'est une mauvaise polit ique, monsieur le ministre. On ne confie pas une direc-tion si importante à Im h o m m e qui a au moins avoué hui t crimes commis à Guelma contre des musulmans ,

, M. André Marty. C'est u n cr iminel !

M. Ferhat Abbas. Je voudrai? aussi , monsieur le minis tre vous renseigner et renseigner en même temps cette Assem-blée.

Il y a une certaine politique qu' i l ne faut plus faire. Notre collègue M. René Mayer a fait ici l 'éloge des adminis t ra teurs de communes mixtes. Il y en a d'excel-lents et j 'a i parmi eux de nombreux amis qui ont notre confiance, mais, il y a les autres.

Permettez-moi de vous rappeler un peti t fait qui est déjà assez ancien. Dans la commune mixte de La Fayette, u n indigène nommé Rabia est soupçonné à tort d 'avoir dérobé un peu de blé à la société indigène de prévoyance. Il est arrêté. Sur la place du marché, le caïd lui lie les pieds, en pré-sence de l ' adminis t ra teur de la commune mixte. On apporte le kanoun , c'est-à-dire u n brasier , et on lui brûle la plante des pieds. Il est estropié pour le reste de ses jours et il meur t quelques années p lus tard.

L 'adminis t ra teur a été révoqué, le caïd également ; mais, u n an après, ils étaient réintégrés, sur l ' intervent ion de députés colons.

Je voudrais, monsieur le ministre, que de tels agissements ne soient plus possi-bles en Algérie.

M. Maurice Viollette. Très bien !

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3282 ASSEMBLEE N4TI0NALE CONSTITUANTE — 1™ SEANCE DU 23 AOUT 1946

M, Ferhat Abbas. Je voudrais vous citer un. autre fait.

Toujours en 1942, un maire colon, le maire de Zéralda, sous prétexte que des indigènes s'étaient permis de se rendre à la plage communale, les fait arrêter par le garde-champêtre et enfermer dans la geôle.

Ils sont trente-huit. La geôle est petite. Au bout d 'une heure, l'air commence à manquer. Ils appellent au secours. On alerte le garde-champêtre. Il vient, mais il leur dit: « Vous ne sortirez pas. Vous resterez là jusqu'à demain matin ».

Le lendemain matin, ils ne sont pas sortis, du moins pas tous ! On a trouvé vingt-sept cadavres.

Le maire et le garde-champêtre sont traduits en justice. Ils ont été condamnés à deux ans de prison avec sursis. [Excla-mations à Vextrême gauche et sur quel-ques bancs à gauche.)

M. Edouard Depreux, ministre de l'inté-rieur. C'était en 19421

ft. André Marty. Ce sont toujours les mêmes administrateurs, monsieur le mi-nistre.

M. Ferhat Abbas. Je voudrais que de tels faits ne puissent plus se reproduire.

A présent, je m'adresse à M. le prési-dent du Gouvernement.

En ce moment, se trouvént à Paris les représentants d 'un autre peuple colonisé : je veux dire le Viet-Nam.

Faites que la conférence de Fontaine-bleau aboutisse, faites que la France s'en-tende avec les représentants du peuple viet-namien. Il ne faudrait pas sacrifier les intérêts de vingt-cinq millions d'hommes aux intérêts de quelques planteurs seule-ment. [Applaudissements à Vextreme gau-che.)

M. Jacques Duclos. De quelques bandits !

M. Ferhat Abbas. Dans le même esprit, monsieur le ministre, je voudrais voir le Gouvernement entrer en relations avec les

' représentants du Maroc et les représentants de la Tunisie; je voudrais voir les repré-sentants qualifiés de ces deux pays arriver à Paris pour signer des accords avec vous «t entrer dans l'Union française.

Nous faisons le même souhait pour Ma-dagascar et le peuple malgache.

Dans l'Union française, nous voudrions voir tous les peuples d'outre-mer unis autour de ce grand peuple démocratique et libéral, qui s'appelle le peuple fran-çais. (Applaudissements à l'extrême gau-che.)

Faites, monsieur le ministre, que l'Union française soit le rendez-vous des peuples i ibres ; faites qu'on puisse dire de la li-berté, ce bien inestimable, au sein de l'Union française, ce que le poète disait de l 'amour maternel:

Chaeua eu a sa part et tous l ' o n t tout entier.

Quand vous aurez fait cela, monsieur le ministre, l 'œuvre économique et sociale sera rendue facile ; nous nous entendrons.

11 n 'y a pas un fossé infranchissable entre les colons et nous. C'est une erreur de croire le contraire. Il suffit de vouloir nous unir, et nous nous unirons, j 'en suis sûr.

Pour terminer, je m'adresse à mes col-lègues de droite, à ceux qu'on appelle gé-néralement Jes « dépositaires de 1 épargne française. » (Exclamations et rires à droite.)

M. Ramarony. Dit es: « les défenseurs », tee n'est pas la même chosei

M. Patrice Bougrain. Pour ce qu'il en reste, de l 'épargne!

M. Ferhat Abbas. Je leur dis qu'il y a une oeuvre magnifique à réaliser en Algé-rie.

Nous avons besoin d'équiper l'Algérie, et quand notre collègue M. René Mayer disait que l'Algérie ne pouvait pas vivre économiquement seule, il disait la vérité. Je suis tout à fait d'accord avec lui sur ce point.

Vous avez, depuis des années, été sou-vent à la tête de l'équipement des pays étrangers. Je me souviens que vous avez donné de l'argent à la Russie tsariste, vous avez donné de l'argent à la Tchécoslova-quie, à la Pologne.

Eh bien! faites-nous confiance, venez construire des barrages, des routes, des maisons pour les fellahs, dès écoles. Vous verrez que le peuple musulman saura être reconnaissant et vous créerez ainsi un lien entre l'Algérie et la France. (Exclamations à droite.)

Je me tourne vers les représentants de la classe ouvrière, vers le parti socialiste et le parti communiste et je leur dis: il y a une œuvre magnifique d'union à réali-ser. Vous avez ici des Nord-Africains ; ce sont dts- déracinés. Prenez-les dans vos syndicats, dans vos organisations ou-vrières, éduquez-les, faites qu'ils soient chez eux en étant chez vous. (Applaudisse-ments à Vextrême gauche et à gauche.)

Poursuivez cette politique d'union du piolétariat ; et si l'élite bourgeoise faillis-sait à sa tâche, il y aurait au moins l'élite prolétarienne pour la remplacer. (Nou-veaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Puis je me tourne vers mes collègues du centre (Exclamations), vers ce grand parti qui s'appelle le mouvement républi-cain populaire et avec qui nous avons au moins des liens sur le plan religieux.

Comme vous, mes chers collègues, nous aimons notre religion. Comme vous, nous respectons le prêtre et l'église. J'ai sous les yeux un article de M. Massignon, pro-fesseur au Collège de France, paru dans le Témoignage chrétien du vendredi 12 juil-let 1946. Lisez-le et répondez à son appel. Je voudrais pouvoir le lire à cette tribune et vous faire connaître ce que dit cette personnalité autorisée.

M. le président. Mon cher collègue, ie vous demande de ne pas lire cet article, car vous avez déjà excédé votre temps de parole. (Exclamations à Vextrême gauche.)

M. Ferhat Abbas. Monsieur le président, ayant été mis en cause, je devais pouvoir répondre.

M. le président. Je tiens à souligner que, le débat ayant été organisé selon la vo-lonté de l'Assemblée, M. Ferhat Abbas dis-posait de vingt minutes pour son interven-tion.

Notre collègue parle depuis cinquante minutes et, par conséquent, nous*avons été tolérants.

Je lui demande donc de bien vouloir conclure.

M. Ferhat Abbas. Je conclus e n vous ap-pelant à l 'union.

Cessons de nous chicaner ; élevons le débat. Nous sommes appelés, Algériens musulmans et Algériens français, Algérie et métropole,. à vivre ensemble. Appre-nons à nous respecter mutuellement, à JÎOUS supporter et à nous aimer.

Ainsi nous aurons réalisé le grand idéal de la France démocratique. (Vifs applau-dissements à Vextrême gauche et sur di-vers bancs à gauche et au centre.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur. (Applaudissements à gauche.)

M. Edouard Depreux, ministre de l'inté-rieur. Mesdames, messieurs, je viens, au nom du Gouvernement, répondre à une interpellation de M. Quilici car — on l'a peut-être un peu oublié — il s'agit de cela.

A vrai dire, M. Quilici n 'a pas prononcé une interpellation, mais des interpella-lions et je me suis demandé si je n'étais pas un peu oublié dans tout cela (Souri-res), si je n'étais pas simplement pour or-dre au banc du Gouvernement.

Notre collègue s'est d'abord adressé à mes prédécesseurs. Je tiens à dire que je suW pleinement, fièrement, affectueuse-ment solidaire des deux ministres de l'in-térieur qui m'ont précédé depuis la libé-bération. (Applaudissements à gauche.)

L'un d'eux est mort : il s'agit d'Adrien Tixier, (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.) Je suis certain que l'histoire impartiale lui donnera sa part légitime, une très grande part, dans la renaissance de la démocratie française. (Nouveaux applaudissements sur les mê-mes bancs.) *

Tixier, formé à la rude école d'Albert Thomas, nourri d'une grande tradition hu-maine et sociale, fut . comme ministre de l'intérieur, ce qu'il avait été dans toute sa vie, un républicain ardent. Lorsqu'il se penchait sur les problèmes algériens, il v apportait cette sollicitude éclairée pour les masses laborieuses que tous, amis ou adversaires de Tixier, inscriront, n'est-ce pas, à son actif. (Nouveaux applaudisse-ments sur les mêmes bancs.)

Ljautre de mes prédécesseurs est vivant, et bien vivant, (tares.)*Nous nous en som-mes ^aperçu hier ; nous nous en sommes aperçu ce matin.

M. André Le Troquer. Et l 'on s'en aper-cevra encore! (Sotirires.)

M. le ministre de l'intérieur. Il n 'a pas toesoin de mandataire pour se défendre. S'il avait été interpellé directement, croyez-bien qu'il aurait su répondre à tou-tes ies attaques, d'où qu'elles viennent. 11 n'a pas été attaqué; il a simplement pro-cédé à quelques mises au point.

Mais je tiens à dire que, sur le problème algérien, il n ' y a pas eu de solution de continuité depuis que , les circonstances m'ont amené place Bauveau, pas plus d'ailleurs qu'il n ' y en a eu sur aucun au-tre point.

Ensuite, M. Quilici s'est quelque peu adressé à de hauts fonctionnaires, à de très hauts fonctionnaires. Au nom du Gouvernement solidaire, je prends toutes les responsabilités. Il n 'y a pas une poli-tique du gouvernement général, il y a une politique du Gouvernement. (Applau-dissements à gauche.)

I». Quilici. C'est votre devoir de les prendre.

M. le ministre de l'intérieur. S'il fallait parler de M. le gouverneur général Cha-taigneau, je pense qu'il y aurait dans cette enceinte unanimité pour. dire la reconnaissance du peuiple français pour ce

frand commis de la République qui, iplomate ou administrateur, a toujours,

et dans toutes les circonstances, bien

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mérité de la France républicaine. (Applm-dissements à gauche.)

Quant à mes collaborateurs directs, M. Quilici me permettra de 'lui dire avec une aimable fermeté que je les choisis comme bon me semblé, que je suis d'ail-leurs particulièrement satisfait des servi-ces qu'ils me rendent et qu'ils rendent en même temps à la République et à l'ad-ministration.

Avec raison, M. René Mayer et M. "Viard ont dit que les fonctionnaires devraient être protégés et défendus. C'est vrai, n'est-ce pas, pour les hauts fonctionnaires comme pour îes autres. Je tiens à affirmer que le Gouvernement, qui est leur chef et qui est responsable d'eux, ne permettra pas plus dans la métropole qu'en Algérie qu'on puisse impunément se livrer à des campagnes — ce n'est pas ce que vous faites — d'outrages et de diffamation. Ou bien certains fonctionnaires ont failli et ils doivent être châtiés, ou ils doivent être pleinement couverts par le Gouverne-ment; sinon, c'est le Gouvernement lui-même qui est fautif. (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.)

Ensuite — c'était au fond sa préoccupa-tion essentielle — M. QuiMcI a interpellé M. Ferhat Abbas ; tout le monde ici l 'a rémarqué.

Il a parlé — j'ai relevé l'expression — de « l'histoire des variations et des contra-dictions de M. Ferhat Abbas ». Rien entendu, je ne suis nullement mandaté, ni qualifié pour lui répondre.

M. Ferhat Abbas a répondu en interpel-l a n t à s o n t o u r M. Qui l i c i . V o u s p e r m e t t r e z

au Gouvernement d'être totalement absent de ces discussions et de ces querelles.

Ce qui nous importe, c'est de connaître les positions politiques exactes des uns et des autres. ^

M. Reneurel a dit: « M. Ferhat Abbas pose nettement la question de la séces-sion ». Ici, se p&se un problème qui inté-resse passionnément" et l'Assemblée et le Gouvernement responsable de l'ordre républicain et de l'ordre français.

Je note qu'à cette tribune M. Hadj Saïd a catégoriquement et formellement re-poussé toute idée de révolte violente. (Applaudissements surn quelques bancs à Vextrême gauche.) Il m'est agréable de lui en donner acte, et je suis certain, n'est-ce pas ? que je ne déforme pas sa pensée. j

J'ai fait personnellement la connais-sance de M. Ferhat Abbas à un moment où je n'étais pas ministre. J'étais prési-dent du groupe parlementaire socialiste. !

Nous avons reçu une délégation des Amis du Manifeste. J'ai dit à M. Ferhat Abbas: i « Ce qui ipeut provoquer des nuages, Taire naître des malentendus entre vous et nous, c'est que, à tort ou à raison — vous allez me répondre — on prétend que vous voulez jeter les Français à la mer et prati-quer une politique d'autonomie. »

, M. Ferhat Abbas m'a répondu avec la Plus grande énergie qu'il considérait que > ce serait une faute, non pas seulement contre la France entière, mais contre ses amis musulmans de pratiquer une telle politique et qu'il réprouvait avec la der-nière énergie le séparatisme. Je lui ai dit: « M'autorisez-vous à le répéter et à donner une publicité à vos déclarations ? » M. Ferhat Abbas m'a répondu: « Non seu-lement je vous y autorise, mais je vous y invite, même. »

Tout à l 'heure, à cette tribune, M. Ferhat Abbas a dit: « Nous ne sommes pas des séparatistes ». J'aurais préféré -d'ailleurs,

sur le drapeau, il ait déclaré avec la même netteté et avec la même énergie que la République française des deux côtés des mers n'avait qu'un drapeau, le drapeau tricolore bleu, blapc, rouge, le drapeau qui réunissais Français et Mù sulmans sur les champs de bataille gîo rieux de la Marne, de Verdun et aussi de la guerre de 1933-1940. {Vifs applaudisse ments à gauche et sur quelques bancs Vextrême gauche.)

Mais je reviens à la question de l'auto-nomie et du séparatisme.

Succédant à M. Quilici, M. le général Gi raud, qui a bien connu les conditions his-toriques dans lesquelles est né le Manifeste et qui ne nous a fait à ce sujet aucune confidence, m'a mis en garde avec une courtoisie infiniment parlementaire contre ce qu'il appelle la faiblesse toujours cou pafole même comme don de joyeux avè nement. . M. Ferhat Abbas m'a dit que la libéra tion de Messali Hadj était un acte de cou-rage qu'il ' inscrivait à son actif. Voyez comme le même fait, suivant I'ppti-que, peut être apprécié différemment: faiblesse, courage, je n'ai mérité ni cet excès d'honneur, ni cette indignité

Dans l'affaire Messali, comme dans tou tes les autres, nous avons appliqué la toi républicaine, rien que la loi, toute la loi, car nous répudions, bien entendu, l'arbi-traire. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs à Vextrême gauche.)

I Messali Hadj — je voudrais définir, pour éviter toute équivoque, sa situation juri-dique — a été condamné par le tribunal militaire d'Alger, le 17 i^ars 1941, à 16 ans de travaux forcés et 20 ans d'interdiction de séjour pour atteinte à la sûreté de

, l'Etat. Le 11 avril 1943, c'est-à-dire à une époque que le général Giraud connaît bien et où il n'y avait certes pas de fai-blesse, il a été fait remise à Messali du montant d3 sa jjeine en ce qui concerne îes travaux forcés. Il oe reste donc plus, depuis cette date, qu'une condamnation à l'interdiction de séjour qui, elle, n'est pas arrivée à expiration.

Messali a, alors, été astreint à résider en Afrique équatoriale française, dans une localité laissée au choix du gouverneur général de cette colonie, par arrêté du gou-verneur général de l'Algérie en date du 30 avril 1945.

1 Cette décision est devenue automatique-ment caduque par suite de la promulga-tion de la loi du 10 mai 1916, fixant la date de cessation des hostilités au l w

juin de cette année. Cela n'a donc aucun rapport avec la loi d'amnistie.

Une loi d'amnistie, c'est un choix poli-tique' qui comporte des avantages et des inconvénients. Il n 'y aurait pas de pire solution, lorsqu'on a choisi l'amnistie, lorsque le législateur,- dans son immense majorité, a cru qu'elle était bonne, que d'essayer de ruser, de tricher avec cette loi, car on cumulerait les inconvénients des deux systèmes.

Maïs l'affaire Messali n'a rien à voir avec l'amnistie, ni avec la grâce amnis-tiante. Il était astreint à une mesure de résidence surveillée, justifiée par l'état de guerre.

La cessation des hostilités est aujour-d'hui un fait accompli et -Messali a été, pour cela, libéré.

Et le général Giraud, dans sa pérorai-son, de nous dire, prenant flerement à son compte la belle formule du maréchal Lyautey: il faut savoir parfois montrer la X • - ~ xr ~ UJIUUH/J . n i a u i oavuat ytpxJLUJtZ» I21UJL1U

que lorsqu une question lui a été posée i force pour ne pas avoir à s 'en servir-

Je lui répondra! que, s! j'accepte la for-mule, je pense que la force de l à Républi-que française ne consiste pas seulement dans son armée, mais qu'elle consiste, aussi — et je dirai surtout — dans la fidé-lité de la Fraace à ses grandes traditions d'honnêteté politique, de respect de la légalité républicaine, de respect des droits de l'homme et du citoyen.-.A partir du moment où Messali devait

être libéré, un Gouvernement français di-gne de ce nom devait îe libérer, parce que la loi républicaine, plus forte que la vo-

, lonté des hommes, l'imposait de toute manière. (Applaudissements à gauche et sur divers bancs à Vextrême gauche et au centre.)

Mais le problème est singulièrement plus vaste. Il a d'ailleurs été élargi automati-quement par les uns et par les autres. M. René Mayer, dans un discours à la fois plein de talent et d'humanité, nous a dit : « Il y a un problème du malaise algérien; il y a les incertitudes algériennes qui sont d'ailleurs tout à la fois — je ne déforme pas votre pensée, monsieur René Mayer ? — les incertitudes européennes et les in-certitudes musulmanes ». (M. René Mayer fait un signe d'as s sentiment.)

Les incertitudes dégénèrent facilement en inquiétudes, surtout si l'on organise ou si on laisse se développer une espèce de campagne de panique

On a dit et parfois écrit des choses vrai-ment stupides à propos de cercueils ou de valises. Comme M. Fayet le disait Mer, ce sont de véritables provocateurs qui se sont livrés à des agissements de ce genre. Je n e c r o i s p a s d é f o r m e r v o t r e p e n s é e ,

.monsieur Fayet, en traduisant, pour vous comme pour nous, qu'une telle propagande est absolument intolérable et qu'un Gou-vernement serait indigne de siéger en France s'il n'était pas capable ae dire à la foi$ aux Mus.ulmans et aux Européens: « Non! vous n'aurez pas ce choix atroce entre la valise et le cercueil! Vous reste-rez, vous Français, parce que vous avez le droit de rester, parce que vous êtes utiles aux Musulmans en même temps qu'à vous-mêmes, et vous resterez dans une atmo-sphère confiante et purifiée, car Français et Musulmans ont très exactement les mê-mes intérêts ». (Applaudissements à gau-che.)

M. Ferfiat Abbas. Très bien !

il» le ministre de l'intérieur. Il n'est pas possible que l'on confonde avec une poi-gnée de trafiquants ou de mercantis, qui méritent tous les châtiments et qui ne sont dignes que d'être cloués au pilori, tons ces colons dont parlait avec une émotion sincère M. Reneurel, ces fonction-naires, ces honnêtes gens, ces travail-leurs...

M. Ferhat Abbas. Très bien t

M. le ministre de l'intérieur. ... qui ne sont peut-être pas les fils authentiques lé-gitimas ou naturels de pionniers, màis~ oui ont bien gardé cet état d'esprit des pion-niers et qui ne vont pas là-bas pour oppri-mer les Musulmans, mais pour gagner honnêtement leur vie, en aiipant les Mu-sulmans comme ils méritent d'être aimés par eux. (Applaudissements gauche et au centre.)

Oui, ces gens ont le droit de savoir qu'ils oe seront pas abandonnés, qu'ils ne seront pas oubliés, qu'ils méritent notre sollicitude, notre gratitude ei qu'ils sont un des éléments importants de la solution du problème algérien.

Mais je ne serai démenti par personne si je dis qu'il faut aussi en finir défîniti-

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veinent avec l 'exploitation des indigènes. Les temps de certaines méthodes de colo-nisation sont révolus. Qu'on s 'en réjouisse — et quant à moi je m ' e n ré jouis — ou qu 'on le déplore, on doit, lorsqu 'on a u n peu de sens politique, le constater. (Ap-plaudissements à gauche et sur quelques bancs à Vextrême gauche.)

M. de Mcro-Giafferri. Très b ien ! La présence française en Algérie, pré-

sence, qui ibien entendu, ' sera maintenue , est d 'autant plus indispensable . que la France apportera là-bas, avec la l iberté, la justice sociale. (Nouveaux, applaudisse-ments sur les mêmes bancs.)

C'est dans le domaine économique, d'ail-leurs , que les réformes les plus profondes peuvent être accomplies le plus rapide-men t , et ce n 'est tout de même pas une petite chose que l ' introduction de la sécu-rité sociale dans les trois départements d ' A C r i q u e d u Nord.

M. le ministre du travail et moi nous avons réuni une commission qui a mis au point un projet de sécurité sociale. Intro-duction des assurances sociales, introduc-tion des lois protégeant les vieux travail-leurs en Algérie...

M . André Le Troquer. Voulez-vous me {permettre de vous interrompre?

M, Se ministre de l'intérieur. Volontiers!

M. André Le Troquer. Cela met fin, d'ail-leurs-* à une légende calomnieuse selon laquelle votre prédécesseur empêchait l 'application de la sécurité sociale en Algérie.

M. Ramarony. Qui la répandai t ?

1H. André Le Troquer. Cherchez, vous [trouverez sans difficulté.

m. Ramarony. C'est ce que je voudrais que vous disiez.

M. Le Troquer. Tout le monde a com-pris. (Rires.)

M. le ministre de l'intérieur. En tout cas, l 'essentiel c'est qu ' i l soit bien iétabli, par la volonté conforme des mi-ni s 1res de l ' in tér ieur et des minis tres d u travail, que la sécurité sociale en Afrique du Nord est au jourd 'hu i u n fait accompli, avec l 'approbat ion du Gouver-nemen t tout entier.

Elle ne s 'applique pas seulement , d'ail-leurs , à l ' industr ie , elle s 'applique à l 'agri-culture. Cela posait un certain nombre de problèmes budgétai res et c 'est la métro-pole et le budget métropoli tain q u i ont consenti les sacrifices profondément légi-t imes , quelles que soient, d 'ail leurs, nos difficultés intérieures. (Applaudissements à gauche et au centre.)

M. Fayet disait, hier, que, en ce qui concerne ^industr ial isat ion, on n 'avai t pas fait jusqu' ici des efforts suffisants. Je de-mande à M. Fayet de ne pas tout de même sous-estimer les premiers efforts.

Vous nous avez» d i t : « Oh! on craint la g rande industr ie , on craint le groupement du prolétariat dans les syndicats et les revendicat ions qui pourraient se faire jour . Mais qui craint* cela ? Précisément les per-sonnes qui pourraient le craindre sont celles dont nous chercherons les uns et les autres à éliminer l ' influence.

M. Fayeî. D'accord !

M. ie ministre de l'intérieur. Nous pen-sons que le développement d'une certaine industr ie en Algérie est nécessaire dans l ' in térê t des populat ions algériennes, et

même nous avons commencé de travail-ler dans ce sens et nous continuerons.

Je voudrais vous dire, et vous ne me démentirez pas, monsieur Fayet , que l ' in-dustrialisation de l'Algérie comporte jus-qu'ici le développement des industr ies connexes à l ' agr icul ture : industrie du froid, confitureries, semouleries, fabr iques d£ pâtes al imentaires, ainsi que l 'exten-sion des industries qui conditionnent la production agricole: ateliers d'outillage mécanique, fabrications d 'emballages, d 'engrais , de*produits anticryp»ogamiques, développement des réseaux ferroviaires et routiers, agrandissement de l 'outillage des ports, développement de l 'équipement électrique gui dépend des collectivités pu-bliques, développement des exportations par l ' industr ie privée qui doit être stimu-lée, et réduction au m i n i m u m des impor-tations d 'objets finis.

Tout cela, malgré tout, c'est beaucoup mieux que rien. Ce n'est qu'un début, mais c'est un début, déjà prometteur, et on reconnaîtra que, la présence française étant maintenue en Algérie, celle-ci aug-mentera son développement industriel dans l'intérêt de la population musulmane elle-même.

C'est ce que je voulais marquer . Je vois que M. Ferhat Abbas m'approuve de la tête, je lui en donne acte b ien volontiers. (Applaudissements.)

Enfin, le problème de l'Algérie restera d 'abord un problème agricole, comme tout le monde l 'a souligné, et un programme démographique. On a un peu chicané sur le ry thme du développement de la popula-tion. C'est un fait que cette population s'accroît d 'environ 120.000 personnes par an. Il faut donc développer l 'agriculture et assurer un travail et un min imum d'exis-tence décente à la grande major i té de la population algérienne.

Aujourd 'hu i encore, il est exact que près d 'un million de familles ne possèdent pas de terre et gagnent leur vie comme mé~ tayers , comme fermiers ou comme salariés agricoles.

La réparti t ion actuelle des terres aboutit à la création d 'un immense prolétariat agricole. Pour résorber ce prolétariat améliorer son n iveau de vie, trois solu-tions doivent, et par conséquent peuvent etre appliquées concur remment : attribu-tion aux fellahs de terres provenant des terres domaniales, et à la suite d 'exoro-priations et d'acquisitions à titre onéreux amélioration du rendement des terres des" petits fel lahs propriétaires, conquête de nouvelles terres pa r l ' i rr igation.

C'est très exactement le programme qui sera suivi et qui sera développé.

Vous savez ensuite que, pour maintenir à un niveau relat ivement modéré le prix du pain en Algérie, le Gouvernement fran-çais unanime a décidé de prat iquer la meme politique de subvent ion maintenue pour la France, et les ressources de cette subvention ne sont pas demandées au bud-get a lgér ien; elles sont demandées au bud-get métropolitain. (Applaudissements à gauche et au centre.)

Enfin, nous devrons contribuer et nous contribuerons largement , car c'est le pro-blème essentiel, à financer le progrès so-cial en Algérie.

J 'a i sous les yeux des documents concer-nant le budget ordinaire de 1947. Il se montera , selon toute vraisemblance-, pour l 'Algérie, à 11.300 millions de dépenses, alors que les recettes normales sont de 10.400 millions.

Quant au budget extraordinaire, il sera de 8 milliards et demi, si l 'on veut main-tenir à un ry thme raisonnable la cadence d 'exécution du plan d ' invest issement éco-nomique et social de l 'Algérie.

Dans ce total, ce plan économique et im-mobilier intervient pour près de 7 mil-liards, 2 milliards et demi devant être con-sacrés, en 1947, à la troisième tranche du programme quinquennal arrêté en 1944 par la commission des réformes. Qui ai-dera à financer ce plan ? C'est toujours îe budget de la métropole. Mon collègue, M. le ministre des finances, saisi de cette question, a donné son accord.

Enfin, un certain nombre d 'orateurs , et notamment mon ami M. Borra, dans un discours extrêmement émouvant , ont si-gnalé le drame persistant d 'une grande partie de la jeunesse algérienne à laquelle on refusai t les possibilités de s ' ins t ruire , de connaître les bienfaits d 'une culture et même d 'une culture élémentaire.

La France se doit d 'être une grande bâtisseuse d'écoles. (Applaudissements à gauche et au centre.)

Il y a là des efforts considérables à faire. ' Le 11 décembre 1943, le comité français de libération nationale, siégeant à Alger, sou-lignait la nécessité de tracer et de réaliser un programme complet d'ascension sociale et de progrès économique, au profit des populations françaises et musulmanes . La commission instituée dans ce but , dès le début de 1944, a mis sur pied un plan de scolarisation totale, ratifié par décret du 27 décembre 1944. Il va permet t re l 'aména-gement de 20.000 classes et la scolarisation de plus d 'un million d 'enfants .

Oh! je sais, monsieur Borra, vous avez raison, c'est bien long. Il faudra tâcher d aller plus vite. Maïs vous connaissez comme nous, nos difficultés. Vous savez quelle situation financière nous avons hé-r i tée! Je pense que l 'on ne fera jamais de trop grands sacrifices pour l 'école aussi bien en Algérie qu 'en France. (Applaudis-sements à gauche et au centre.)

M. Devinât. Il faut également le temps de former des maî t res !

M. le ministre de l'intérieur. Bien en-t endu!

Je me rends parfai tement compte des difficultés de réalisation. Nous devrons multiplier nos efforts. Mais on peut comp-ter sur moi pour que le ry thme des cons-tructions scolaires soit accru clans toute la mesure compatible avec nos possibilités budgétaires. (Nouveaux applaudissements a gauche et au centre.)

Enfin, nous avons mis sur pied un pian d action communale méthodique, qui cor-respond d'ailleurs, dans une large mesure à l 'accumulat ion des inquiétudes qui sont les vôtres, monsieur Ferhat Abbas.1

Il s 'agi t d'associer, d 'abord sur le plan communal et le plus complètement possi-ble, les musu lmans à l 'administrat ion.

Il s 'agit de leur faire pleine confiance: bien entendu, il s 'agit là aussi d 'une œu-vre progressive. Nous ne ferons pas de miracle, nous né réaliserons pas cette œuvre en un jour , mais vous savez t rès bien que des progrès et des progrès im-portants ont déjà été accomplis.

Vous me, direz peut -ê t re : les réformes sociales, les réformes économiques, les ré-formes à réaliser sur le plan municipal , tout cela c'est très b i en ! mais ce n 'es t pas suffisant, il faut aussi accomplir un cer-tain nombre de réformes politiques. C'e^t ici que vient se placer le grand débat.

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"t. i n i l .1 i • il ,1111. n n' jiiii.ii , .i .i. ... .m

Politique d'assimilation, disent les uns, rpolitique de fédéralisme, disent les autres. [Peut-être cédons-nous tous un peu trop [à ce:besoin cartésien qui est au fond de bous-mêûjygs, d ' i d é e s claires et de classifi-cation.

La doctrine, c'est surtout l'expérience condensée. Tâchons donc, tous ensemble, d'enrichir d'abord notre expérience, allons de l 'avant, disons que nous voulons pra-tiquer une politique compréhensive, hu-maine, conforme au génie séculaire de la France des droits de l 'homme. Ensuite, lorsque cette politique aura porté ses fruits, nous chercherons à les définir très exactement et à les cataloguer dans telle ou telle catégorie.

On aurait peut-être qualifié plus exac-tement la politique dite d ' a s s i m i l a t i o n de politique d identité. Tant qu'on a voulu la pratiquer, elle a été comprise trop étroi-tement, elle n ' a pas tenu compte suffisam-ment dfu facteur islamique; et on peut lui reprocher ausssi d'avoir été plutôt procla-mée qu'appliquée à fond* Elle éveille au-jourd'hui certaines méfiances et non pas seulement chez les musulmans.

J ' a i perçu d^s échos d'inquiétude symé-trique chez les Européens, lorsque M. Qui-lici parlait d ' un million de Français qui ne voulaient pas être assimilés par M. Fe-rhat Abbas.

M. Quilici. Pardon, monsieur le minis-tre, il s'agit de la nationalité algérienne, c'est tout à fait différent.

•t. la ministre de Pintérteur. J ' e n t e n d s bien, mais cela prouve, monsieur Quilici, que le mot lui-même d'assimilation est un mot qui évoque chez vous les inquiétudes çue j 'avais qualifiées de symétriques, —

i'e ne dis pas identiques — à celles de L Ferhat Abbas.

Les adversaires de la politique d'assi-milation lui opposent une politique dite d'autonomie. Peut-être la frontière entre l 'autonomie et le séparatisme n'est-çlle pas toujours définie avec une netteté suffi-sante.

On m'a dit que, dans la langue arabe, l e même mot pouvait signifier autonomie et indépendance. Je n'ai pas vérifié, mais si le fait est exact, vous conviendrez qu'il ne facilite pas la tâcher. Or ici, j e dois rendre hommage à . l 'effort valable que l ' I s l a m a fait, dans de nombreuses pério-des de son histoire, périodes glorieuses,

?ui ont enrichi le patrimoine commun de

humanité. Je demande qu'où tienne compte aussi

de la présence de un millidn de Français en Algérie et des formes de vie, de pen-sée que, par la France, l'Occident a intro-duites là-bas, non moins valablement, non moins glorieusement.' (Ajyplaudissements à gauche, au centre et sur divers bancs.)

Voyez-vous,, je reprends, pour ma part, pleinement et sans réserve, la belle con-damnation du séparatisme que prononçait, le 23 septembre 1944, à la conférence cen-trale du parti communiste algérien son secrétaire, notre ancien collègue M. Amar Ouzegane. « Il est 'clair que l 'intérêt de

* l'Algerie n'est pas de. demander le divorce avec la France nouvelle, dans la lutte con-tre Hitler et contre les trusts sans pa-trie... »

Ce n'est pas une vérité provisoire, c'est une vérité fondamentale, eu je pense que l'Assemblée unanime dira que, ce jour-là, M. Amar Ouzegane avait pleinement rai-son, (Applaudissements à gauche et sur divers bancs à Vextrême gauche et au cen-tre.)

Entre ces deux doctrines qu'on voudrait irréductibles, comme si, à travers Je

monde, dans les formes des Etats et des régimes politiques, la vie, plus forte que tous ies rêves et qui se rit de tous les dogmatismes imposés, ne comportait pas u n e extrême diversité, comme si une so-lution originale n'était pas possible et hautement désirable, ménageant à la fois la nécessaire unité franco-algérienne sur le plan politique et donnant satisfaction sur le plan administratif, social, économi-que et même culturel à de très légitimes revendications, l'Algérie française peut et doit être dotée d'un statut tout particu-lier, permettant aux populations algé-riennes, quelles que soient leurs origines, de participer directement à la gestion de leurs affaires publiques et de supprimer ainsi les vestiges de l'ancienne et néfaste politique de colonisation.

Seulement, disons les uns et les autres que le racisme est toujours condamnable, qu'il l'est dans tous les cas, et qu'il ne s'agit pas d'une condamnation du racisme à sens unique. (Applaudissements.)

t a civilisation française, pour être di-gne d'elle-même, pour être digne de sa mission, doit faire reculer tous les fana-tismes, renverser toutes les barrières ac-cumulées par les préjugés et par les hai-nes. Nous nous devons de renoncer défini-tivement, et nous le ferons, aux procédés, hélas, trop classiques, du colonialisme traditionnel, et pas seulement en France !

Diviser pour régner, fomenter partout des querelles pour asseoir ou maintenir une domination impérialiste, tout cela est révolu, périmé, c'est un chapitre d'his-toire dont nous ne voulons plus tourner les pages.

Mais il ne faudrait pas davantage que des nationalismes imprudents cherchent à accumuler, à utiliser les divisions des différents partis politiques français pour réaliser à leur tour des desseins anti-français, donc nuisibles aux. travailleurs musulmans. (Applaudissements à gau-che9 au centre et sur divers bancs.)

Le développement de l'Algérie exige une entente fraternelle, confiante, affectueuse des uns et des autres, sans distinction, n'est-ce pas, d'origine, de race ou de re-ligion. (Applaudissements à gauche et au centre.)

Et M. René Mayer avait raison quant il donnait, et avec la même force, ces deux avis : pas de duperie vis-à-vis des Musul-mans, mais pas de menaces vis-à-vis des Eur op é ens ; (Nouv eaux applau dis s ements sur les mêmes bancs.),

te l le est bien la politique française qui, en aucun cas, monsieur René Mayer, ne doit être une politique partisane. Ni en Algérie, ni ailleurs, il ne serait tolérable que l'administration française — vous aviez raison de le dire — fût au service d 'un parti quel qu'il soit et — je le dis de-vant mes amis — pas plus du mien que d 'un autre. (Vifs applaudissements prolon-gés à gauche, au centre et à droite.)

Tant que je serai ministre de l'inté-rieur, i e donnerai des instructions formel-les à tous les repré^ntentants du Gouver-nement en leur disant .•*« A partir du mo-ment où vous avez des fonctions d'auto-rité, vous n'êtes pas au service d'un parti, vous êtes au service de la patrie républi-caine elle-même ». (Nouveaux applaudis-sements sur les mêmes bancs.)

M. Devinât. Cette affirmation méritait d'être dite d'une façon formelle.

M. ie ministre de l'intérieur. Si j 'étais machiavélique — mais je ne le suis point —: j ' a j o u t e r a i s , d'ailleurs, que si l 'on sait

que ces représentants du Gouvernement appartiennent à telle ou telle formation politique, c'est la manière la plus habile de la servir, car l'honnêteté, l'impartiaiité et le désintéressement, s'ils ne rapportent pas à brève échéance, rapportent toujours à long terme. (Applaudissements à gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

Aussi, vous pouvez être tranquilles; vous pouvez rassurer les uns et les autres; rassurer tous ceux qui méritent de l 'être, c'est-à-dire tout à la fois les Européens et les Musulmans. Tous ont droit à la même compréhension, tous ont droit à la même sollicitude.

Lar France a encore en Algérie un rôle glorieux à jouer. Elle le jouera parce qu'elle est îa France et parce que nous savons très bien que si, par malheur, elle partait, une relève serait vite assurée (Très bien l très bien !) et ce ne serait pas dans l'intérêt des populations musulmanes. (Ap-plaudissements au centre, à droite et sur certains bancs à Vextrême gauche.)

M. de Moro Giafferri. J 'espère que les ap-plaudissements de nos collègues du groupe du Manifeste algérien seront mentionnés au procès-verbal.

A gauche. Sans aucun doute.

M. le ministre de l'intérieur. La France doit reprendre là-bas comme partout, son grand rôle d'émancipatrice. Et je dis à M. Ferhat Abbas: je ne suis pas sourd, croyez-le bien, à votre appel; le Gouver-nement non plus; chaque fois qu'il s'agira d'obtenir un mieux-être pour les indigè-nes, dans quelque domaine que ce soit, étant biefr entendu qu'il ne sera pas porté atteinte à la légitime souveraineté fran-çaise, nous serons avec vous et irons de l'avant. t

La France restera en Algérie, parce qu'elle est la France et parce qu'elle est humaine. (Vifs applaudissements prolon-gés à gauche et sur certains bancs à Vex-trême gauche, au centre et à droite.)

M. de Moro Giafferri. Après cette dernière phrase aussi seront mentionnés, je l'es-ipère, les applaudissements de nos collè-gues du groupe du Manifeste algérien.

M. le président. La discussion générale est close.

Je suis saisi d 'un ordre du jour déposé par M. Viard et les membres du groupe du mouvement républicain populaire et qui est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale constituante, « Saluant l'effort accompli par tous les

Français pour l 'épanouissement matériel et moral de l'Algérie ;

« Saluant les héroïques combattants de l'armée française d'Âffique? étroitement unis, quelle que fût leur origine, dans leur ardent amour de la mère patrie en dan-ger;

« Demande au Gouvernement de réaliser au plus tôt, par une loi organique, la réforme- administrative des trois départe-ments français d'Algérie;

« De veiller à la sécurité de tous l e s Algériens, de leur assurer, par la stricte application des loijs de la République, la justice et la liberté;

« De poursuivre son effort vers des réformes économiques et-sociales hardies ;

« Lui fait confiance, « Et passe à l'ordre du jour. »

M. Robert Lecourt. Je demande à l ' A s -semblée de bien vouloir accepter de sus-pendre la séance quelques minutes pour

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la mise au point de l 'ordre du jour que nous avons déposé. ÇMouvements.)

M. André Le Troquer. Il y a intérêt à avoir un ordre du jour unanime.

M. le président. L'Assemblée voudra sans doute se rallier à la proposition de M. Lecourt et suspendre la séance pour quelques minutes ?...

Il n ' y a pas d'opposition ?...

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq minutes, est reprise à douze heures cinquante-cinq minutes.)

M. le président. La séance est reprise. Je crois comprendre que l 'ordre du jour

déposé par M.. Viard, est retiré ?

M. Viard. Oui, monsieur le président.

M. le président. L'ordre du jour est

retiré. L'Assemblée se trouve saisie d'un nou-

vel ordre du jour déposé par MM. Viol-lette, Achour, Borra, Demusois, Fayet, Ferhat Abbas, Lecourt et Viard.

J 'en donne lecture: a L'Assemblée nationale constituante, « Saluant l ' e f f o r t accompli par tous les

Français musulmans et européens pour l 'épanouissement matériel et moral de l'Algérie ;

« Saluant les héroïques combattants de l 'armée française d'Afrique, étroitement unis, quelle que fû t leur origine, dans leur ardent amour de la France ; '

« Unissant dans un même souci le sort matériel et moral des populations euro-péennes et musulmanes d'Algérie;

« Et prenant acte des déclarations de M. le ministre de^ l ' intérieur ;

« Fait confiance au Gouvernement pour déposer dans le plus bref délai un projet de loi organisant le statut de l'Algérie, qui (permettra à tous de réaliser d 'un même cœur le destin de la communauté française,

« Et passe à l 'ordre du jour. » La parole est à M. Viollette.

M. Viollette. Mesdames, messieurs, à l 'heure à laquelle je prends la parole, j e n'ajouterai que quelques mots aux dis-cours qui ont précisé la position de chacun dans le grave débat qui vient de s'ins-taurer.

Au demeurant , après les explications de M. le ministre de l ' intérieur, il semble qu' i l n ' y ait plus de grands commentaires à apporter. Je souhaiterais cependant que l'Assemblée voulût bien, adopter l 'ordre du jour que nous avons présenté.

Je le souhaiterais parce que c'est u n ordre du jour d 'union qui maintient pour l'Algérie des lendemains de fraternité et d'équité. Je le souhaiterais parce qu 'au-dessus des paroles échangées dans ce dé-bat, il me semble que nous devqns nou£ pencher vers cette grande terre algérienne qui a tant souffert et qui a tant besoin du renouveau que le Parlement doit lui ap-porte^. .

Au cours de ce débat, diverses solutions ont été proposées. Il y a eu peut-être, dans les observations de quelques-uns^ je ne sais quel regret de ce colonialisme dé-testable et périmé qui maint int si long-temps des sujets aux ordres des citoyens.

Il y . a désormais ce qu 'on appelle la po-litique de l 'association, politique qui, à la vérité, se définit assez mal . L'association, si l 'on veut aller au fond des choses, est

convention par laquelle deux ou plu-

sieurs personnes met tent en commun un patrimoine afin, pa r une exploitation com-mune, d 'en tirer un profit commun, ce qui. en droit privé peut être de l 'ordre de la société et qui, en droit international, ne peut être que de l 'ordre du protectorat.

Pour mon compte, ancien gouverneur général de l'Algérie, je suis de ceux qui ont essayé' de faire dans ce pays la poli tique de l 'assimilation. C'est à celle-là que je reste fidèle, même au moment où je suis à cette t r ibune.

J ' imaginais que, par grandes éclusées -successives, il serait possible d ' intégrer l 'unité française la totalité de ces popula tions que je voyais si souffrantes, si dé s espérées parfois autour de moi, qu'ainsi la France deviendrait dans le monde la grande puissance musulmane.

C'était un grand rêve que je caressais et il me semblait qu' i l n 'étai t pas indigne de mon pays : souhaiter que, de la mer du Nord au Congo, il n ' y eût qu 'un seul cœur qui battît pour la France, c'était une politique qui nrentraînait.

Romantisme, dira-t-on ? Je n 'a i pas abandonné ce romantisme.

En tout cas, ménageant toutes les positions pour demain, entendant seulement les ap-pels de M. le ministre de l ' intérieur, cons-tatant qu'i l vient de procéder à une ré-forme considérable contre laquelle les dé-légations financières s 'étaient, pendant si longtemps, farouchement dressées c'est-à-dire l 'extension de la sécurité so-ciale à toute l'Algérie, je pense d'abord à cette effroyable misère des fellahs^ qui va

•un peu se dissiper. Par ailleurs, M. le ministre s 'engage

nous apporter u n projet organisant selon la justice la condition matérielle et morale des musulmans. Nous avons donc le devoir de faire — j ' y insiste — le geste attendu d 'union et d 'unanimité en votant l 'ordre du jour de confiance au Gouvernement. (Applaudissements sur divers bancs à gau che.)

M. le président. La parole est à M. Bar-doux.

M. Jacques Bardoux. Mesdames, mes-sieurs, j 'ai deux objections à présenter contre l 'ordre du jour qui nous est pro-posé.

D'abord, il y manque quelques signa-tures pour qu'i l soit vraiment u n ordrè du jour d 'unanimité. (Très ' bien ! très bien ! à droite.)

Ma seconde objection concerne l 'emploi du mot statut.

Ce* mot peut , en effet, s 'appliquer au projet , dont nous sommes saisis, de créer un Etat algérien. Nous serions, mes amis et moi, beaucoup plus, à l 'aise pour voter cet ordre du jour si l 'Assemblée consen-tait à employer un autre mot, par exemple celui de « régime » ou, simplement, l'ex-pression de « réformes administratives », car ces réformes administratives sont in-indispensables pour résoudre le malaise algérien. g

Un débat a u s s i ^ r a v e doit aboutir à des formules précises: le mot « statut » est trop obscur. 11 est utilisé, à la fois dans l 'ordre international et sur le plan pro-fessionnel.

ïï est indispensable, selon nous, que l'Algérie garde sa forme administrative actuelle et reste divisée en déparlements français. 11 est indispensable que l'Algérie, qui est à la base de notre 'empire et la clé de voûte de toute notre Afrique, con-tinue d'être une prolongation de la France métropolitaine. (Applaudissements sur cer-tains bancs à droite.)

M. Ramadier. Le •'statut du « bleu d'Au-vergne » n 'a jamais créé d'Etat auvergnat l (Hilarité.)

M. 1e président. La parole e3H>à M. Ro-clore.

M. Roclore. Mesdames, messieurs, les ex-plications de M. le ministre de l 'intérieur, auraient dû pleinement nous rassurer . Tel n 'es t pas le cas pour moi-même et pour u n certain nombre de mes amis.

Nous ne pouvons oublier que le Gouver-nement comprend u n certain nombre , voire u n nombre important de ministres appartenant à u n parti qui a délégué à cette tr ibune des orateurs qui ont exposé non pas la même thèse que celle de nos collègues du parti du manifeste algérien, mais une thèse plus- outrancière encore.

M. le ministre de l ' intérieur a déclaré qu 'en faisant l ibérer M. Messali il n 'avai t lait qu'appliquer la loi républicaine. Je suis heoireux des explications qu'il nous a fournies à ce sujet . Pourtant nous regret-tons que le journal du parti communiste du 2 août dernier se soit fait gloire et honneur d'exiger de M. le ministre de l ' intérieur la mise en liberté de M. Mes-sali.

Pourquoi les orateurs de ce parti ont-ils .tendance à soutenir ceux qui, en Algérie et en Afrique du Nord, critiquent sans cesse les intérêts de la France, ne trouvent qua des mots pour réclamer leurs droits mais oublient toujours de parler des de-voirs qu'ils ont contractés envers la mère patrie ?

Mme Sportisse. Parce qu'ils les accom-plissent, mons ieur ! (Très bien! très bienf à Vextrême gauche.)

M. Roclore. Enfin, mes chers collègues, nous regrettons que M. le ministre de l ' in-térieur ne nous ait r ien dit, pas même quelques mots, au sujet de la proposition de loi^n0 358.

Nous aimerions savoir, avant de voter, quelle est l 'opinion du Gouvernement sur ce texte.

Nous voudrions savoir si le Gouverne* ment entend accepter même la discussion de cette proposition de loi dont les arti-cles contiennent des dispositions absolu-ment inadmissibles pour tout esprit fran-çais.

Monsieur le ministre de l ' intérieur, vous avez parlé des trois couleurs françaises. Or, l 'article 1er de-cette proposition de loi comporte la négation même de la recon-naissance de nos trois couleurs, puisqu'on demande la reconnaissance des couleurs algériennes.

M. Ferhat Abbas. Pas du tout! Je pro-teste.

Mi. Marty. Ce texte sera soumis à la com-mission compétente qui l 'examinera.

M. Roclore. Nous regrettons que le Gou- ^ vernement n 'ai t pas pris position sur ce point. Nous ne pouvons donner notre con-fiance, comme fious le désirerions, au Gou-vernement tant que celui-ci n 'aura pas * pris une position extrêmement nette do nature à calmer nos justes appréhensions. (Applaudissements sur divers bancs à droite.)

M. le président. La parole est à M. Qui-lici. ;

M. Quilici. Mesdames, messieurs, je vo-terai contre le Gouvernement, et voici mes raisons :

J 'étais près d'être rassuré en entendant la dernière phrase de M. le ministre de " l ' intérieur, sur le maintien de la souve-

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E3 ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE

raineté française. Mais l 'ordre du jour qui nous est proposé m'inquiète, ainsi qu'une lacune dans le discours de M. le ministre de rintérieu'r où ne figurent pas les mots «c trois départements français ».

Par contre, il, y a le mot de « statut » dans la motion qu'on nous présente.

Or, les départements algériens ont déjà un statut; ce sont trois départements fran-çais.

M, Ferhat Abbas. Avec huit millions de sujets !

M. Quilici. Il ne dépendait que de vous d'être citoyen français. Vous l'avez refusé. C'est vous qui avez télégraphié à la Dépê-che de Constantine qu 'un Arabe n 'a pas de patrie et quHl n'ést pas Français.

M. Ferhat Abbas. Si vous m'aviez donné (a vôtre...

M. ïe président. Veuillez ne pas. inter-t rompre,

M. Quilici. A l 'instant, M. Roclore souli-gnait la gravité du texte qui a été déposé sur le bureau de l'Assemblée. Que signifie-, t-il ? Que les Français d'Algérie seront laissés sans protection de la métropole sur une terre qu'ils ont fécondée, sans au-cune garantie, car le nombre l'emporterait sur eux.

Nous sommes méfiants. Je me souviens que M. Ferbat Abbas a refusé, dans les années de malheur, d'être président d'hon-neur flu comité d'entr 'aide musulmane pour îe relèvement de la France, à Sétif. Il ne s'agissait pourtant que d'un geste de solidarité à l 'égard des villes françaises en ruines. ^

Il faut bien constater que nous ne som-mes pas d'accord. L'unanimité que vous recherchez est une unanimité d'équivoque. J'entendais parler à l 'instant de l'équivo-que des trois départements français. Il y en aurait une plus grave, ce serait que cette Assemblée pût se prononcer sur le mot de « statut », sans que les partisans d 'un état algérien se soient expliqués.

A dire vrai, que nous demande-t-on ? Quand on considère la proposition des

amis du manifeste, on s'aperçoit qu'elle tend à créer un Etat algérien qui, par sa politique générale, pourrait s'éloigner de la France; par contre, mesdames, mes-sieurs, vous prendriez à votre charge outre les dépenses sociales, comme vous le fai-tes déjà — et je vous en félicite — les dépenses militaires, les dépenses de sou-veraineté.

RI. le ministre~tfe l'intérieur. Mais non 1

M. Quittai. Autrement dit, on demande à l'Assemblée de payer pour que M. Ferhat Abbas ait la joie de ne j>lus se dire Fran-çais mais Algérien.

Eh! bien, nous entendons, nous, res-ter Français et que l'Algérie demeure fran-çaise. (Applaudissements à droite.)

M. le président. La parole est à M. René Mayer.

M. René Mayer. Mesdames, messieurs, le groupe radical a écouté avec la plus grande attention les déclarations de M. le ministre de l ' intérieur et il se rend compte de l'in-térêt qu'il y aurait à ce que, dans cette Assemblée, à l'issue de ce débat pût inter-venir un vote d'unanimité.

Délégué par mon groupe à la tribune, j 'ai dit — et M. le ministre de l 'intérieur a bien voulu le reprendre ce matin — que les projets de réforme de l'Algérie doivent

• l^SEANÇE DIT 23 -+Ù

OUI 1946 3287 être caractérisés par " rabsence ^ de' diïpérie envers les musulmans et l 'absenc^tte-me-naces envers les européens.

Mais il ne faudrait pas qu'au moment de clore ce débat on ajoute à ce qu'on* appe-lait hier « les incertitudes algériennes », une nouvelle incertitude née d'une équi-voque.

Or, qu'on le veuille ou non, le mot « sta-tut » a été employé depuis des semaines et des mois, dans la polémique quoti-dienne et en Algérie, dans le sens de « franche autonomie », c'est-à-dire dans un sens qui correspond surtout à la proposi-tion qui a été déposée sur le bureau de d'Assemblée et dont on vient de parler.

J 'entends bien que l 'ordre du jour qui nous est présenté demande au Gouverne-ment de déposer lui-même un projet de « statut de l'Algérie ». Nous aurions pré-féré qu'il fût dit: « projet organisant le régime de l'Algérie ».

En tout cas. en acceptant cet ordre du jour, nous n'entendons marquer autre chose que notre volonté de voir maintenir, selon le système qui sera institué par le projet de loi gouvernemental, un régime français qui ne soit pas un régime d'auto-nomie et qui, par conséquent, n'ait rien de commun avec celui qui a été proposé d'autre part.

C'est dans ce sens que nous voterons l 'ordre du jour qui nous est présenté. (Ap-plaudissements sur divers bancs à gauche et au centre.)

M. le président. La parole est à M. Rama-rony.

M. Ramarony. Mesdames, messieurs, je ne voudrais pas prolonger ce débat. Qu'il me soit cependant permis de critiquer les méthodes de travail de l'Assemblée.

Il est une heure un quart. Nous discutons une interpellation depuis deux jours. Celle-ci avait un immense intérêt. 11 convient de trouver une solution à un problème grave, à un problème qui inquiète l'Algérie et les musulman^ d'Algérie, qui inquiète aussi tous les Français de la métropole et tous les Algériens.

Or, nous sommes appelés à présenter nos explications de vote et à prendre nos res-ponsabilités dans des conditions qui pa-raissent difficiles.

>1 Vextrême gauche. Il ne faut pas laisser dire cela!

M. Ramarony.,Nous avons entendu M. le ministre de l ' in tér ieur , -nous avons en-tendu M. Fehrat Abbas, et dans leurs inter-ventions nous avons trouvé l'expression de sentiments qui, indiscutablement, avaient leur valeur.

En somme, si l 'on entend dire qu'il doit y avoir pour l'Algérie et pour l 'ensemble des territoires d'outre-mer des méthodes permettant de réaliser, non pas une politi-que d'assimilation, mais une politique d'épanouissement de la civilisation fran-çaise, j 'estime que l 'unanimité doit se ma-nifester. Seulement, nous avons quelque inquiétude. Lorsque vous signaliez certains faits, monsieur Ferhat Abbas, nous pen-sions qu'il y avait eu peut-être des erreurs commises et qu'il appartenait à M. le mi-nistre do l 'intérieur de prendre, sur ce point, ses responsabilités. Mais lorsque,, dans une proposition de loi qui a été dé-posée nous lisons à l'article 1er r « La Répu-blique française reconnaît à l'Algérie son entière autonomie. Elle reconnaît en même temps la République algérienne, le gouver-nement algérien et les couleurs algérien-nes » — lorsque nous lisorts à l'article 3 « La République algérienne possède sur

toufe l 'étendue de son territoire pleine et entière souveraineté pour toutes les ques-

t ions d'ordre intérieur y compris la po-lice » — nous voyons là une position qui.-je crois, sera combattue, sinon par l 'una-nimité, tout au moins par la grande ma-jorité de cette Assemblée. Alors nous avons demandé qu'on prenne acte des dé-clarations de M. le ministre de l ' intérieur, qui a précisé que le drapeau français de-vait flotter...

M. le ministre de l'intérieur. Seul*

M, Ramarony. . . . pour longtemps, . .*

MM. Henri Teitgen et Maurice Schumann, Pour toujours' 1

M. Râmarony. . . . nous l'espérons, sur" 1 Algcne, pour lui apporter encore un peu plus de civilisation française, pour lui ap-porter des améliorations économiques et sociales dont bénéficieront l 'ensemble des. Algériens.

Précisant notre point de vue,. nous dU sons: nous pourrions nous rallier à un ordre du jour d'unanimité, à condition, comme le signalait M. René Mayer,< qu'il n 'y ait point d'équivoque et que l 'on n'in-terprète pas le mot « statut » dans le sens que certains voudraient lui donner, en rapprochant ce mot de la proposition de loi déposée par M. Ferhat Abbas. Que l 'on prenne des initiatives pour régler le' ré-gime de l'Algérie, que l 'on apporte à ce régime les modifications qui peuvent être nécessaires, nous en sommes d'accord.-Mais notre vote ne peut pas. être inter^ prété comme un renoncement à la souve* raineté française en Algérie, à la politique traditionnelle française en Algérie, poli-e tique qui, je le répète, doit permettre d'apporter encore plus d'améliorations dans les territoires algériens qui sont et resteront des territoires français. (Applau-. dissements à droite.)

M. le président. La parole est à M. yiard. : s

M. Viard. Je ne vous cache pas que je suis extrêmement étonné de la tournure^ qu'a prise la discussion sur l 'ordre du jour.

D'abord, c'est cet ordre du jour qui est discuté, et non pas telle proposition de loi déposée par l 'un ou l 'autre de nos collè-gues. (Applaudissements au centre et à> gauche*)

M. Roclore. n est signé par l ' auteut même de la proposition de loi en question..

M. Viard. Ensuite, cet ordre du jour n'a pas du tout le sens machiavélique que cer-tains veulent lui donner

Pour notre part, si nous n'avons pas insisté sur les^ mots « souveraineté fran^ çaise », que d'ailleurs nous n'avions même £as insérés dans notre premier or^ dre du jour, c'est 41 —f

choses qu'on ne sont évidentes.

dre du jour, c'est qu'à nos yeux il est des ait pas tellement elles

M. Pierre Chevallier. Cela va mieux en lé disant.

M. Viard. Non. Car, en le disant, on finit par en discuter, et nous, nous n 'en dis-cutons pas. (Applaudissements au centre.)]

Enfin, je me suis suffisamment expliqué à la tribune au nom de mon groupe sur le fait qu'à l 'heure actuelle la situation juri-dique de l'Algérie est celle de trois dépar-tements français, un peu spécialisés s\ vous voulez.

Et surtout je considère — et ici je me tourne en particulier vers mon collègue M. Bardoux — qu'il est vain d'examineu

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cet ordre du jour en se figurant qu il pousse l 'Algérie vers «une notion d'Etat. J 'hés i te for tement à exprimer ma pensée var, si j 'al lais u n peu trop loin — et c 'est év idemment u n peu le danger de tout or-dre du jour d 'équil ibre — ce serait peut-être d 'un au t re côté de l 'Assemblée que des objections viendraient .

M, ÇisiHci. Toujours l 'équivoque !

m. Viard. Il n ' y a aucune équivoque du moment que nous avons inscrit dans cet ordre du jour deux mots qui, pour moi, sont essentiels et suffisants : première-ment , les habi tants de l 'Algérie sont Fran çais ; deuxièmement , c'est la loi qui dé-cide et reste souveraine. {Applaudisse-nt e ni s au centre )

M. !© président. La parole est à M. Sator.

M. Sator. Nous avions pensé, dès le dé-bu t , que l ' interpellation de M. Quilici ^t v débat qui s 'est instauré autour de cette intcipelJation avaient pour bu t , dans i es-pri t ae cerlains, d 'éviter u n second d é j à t , essentiel celui-là, sur le régime Je* /"Al-gérie..Nous voyons la confirmation de celte pensée dans les déclarations de certains orateurs , qui voudraient que l 'ordre du jour clôturant le débat sur une interpella-tion relative à la politique du Gouverne-men t résolve la question algérienne avant q i rc l ie ne soit discutée.

Nous déclarons qu 'on ne peut pas esca-moter le débat au fond qui devra de toute façon avoir l ieu. Et si nous faisons con-fiance au Gouvernement pour qu ' i l dépose u n projet de s tatut , c 'est dans le bu t d'a-mene r u n débat au fond sur la charte de l 'Algérie. Evidemment , ceci n ' impl ique pas et ne saurait impliquer en aucun cas de not re part que nous adhérons au projet du Gouvernement , car nons sommes décidés n soutenir devant l 'Assemblée notre propo-si tion de loi qui, au jourd 'hu i , n ' es t pas en discussion.

M. Quilici. Vous confirmez donc l 'équivo-que 1

M» le président . La parole est à M. Le Troquer.

M. André Le Troquer. L'ordre du jour qui a été lu par M. le président est s igné par deux m e m b r e s du groupe socialiste. Je dé-clare très ne t tement que nous sommes en plein accord avec l ' in terpréta t ion donnée tout^ à l 'heure au mot « statut » par M. René Mayer, au nom du groupe radi-cal. (Très bien ! à gauche.)

J e m 'é tonne u n peu qu 'on soit épou-vanté , dans u n e assemblée, par une pro-posit ion déposée par des collègues. L e droit de proposer tout est absolu dans l 'assem-blée que nous sommes et je ne m e sens nu l l emen t gêné par la proposi t ion de t f . Ferhat Abbas et des Amis du Manifeste. Ils ont le droit de tou t proposer. J ' i m a g i n e que les commissions compétentes et que l 'Assemblée elle-même feront u n sort à cet te proposition. (Applaudissements au centre et à gauche.)

M. Ferhat Abbas. Le bon sort, j ' imagine.

M. André Le Troquer. Peut-être conjure-rez-vous le mauva i s ; à coup sû r , nous, no,us le conjurerons .

3i. Saadane. C'est une autre affaire !

M. André Le Troquer. Une déclaration qui figure dans l 'ordre du jour doit apai-ser toutes les inquiétudes. Par ailleurs, il y a autre chose, si vous me permettez de le dire : le président du Gouvernement est & son banc, ce qui donne un sens complé-

mentai re et renforcé aux déclarations qu 'a faites tout à l 'heure M. le minis tre de l ' in tér ieur . M. le minis tre de l ' in tér ieur parlait , non pas en son nom, en sa qua-lité de minis t re , mais au nom du Gouver-nemen t tout entier. (Applaudissements au centre et à gauche). Parlant au n o m du Gouvernement tout entier, il a exprimé très for tement la pensée quasi unan ime, sinon unan ime, de l 'Assemblée: l 'Algérie restera française. (Applaudissements à gau-che ? au centre et sur quelques bancs à droite.)

M. le président. La parole est à M. De-musois.

M. Demusois. Le groupe communiste vo-tera l 'ordre du jour qui nous est présenté parce qu' i l pose une question essentielle à notre avis. Il fai t , en effet, confiance au Gouvernement pour qu' i l dépose, dans le plus bref délai, un proje t de loi organisant le s tatut de l 'Algérie.

Nous considérons . que c'est seulement ainsi., par une transformation radicale et par le vole d'un s tatut nouveau, sur le-quel d 'ai l leurs nous «ferons foutes propo-sitions utiles, que sera réglée la question algérienne.

M. le président . La parole est à M. Petit. !

M. Çugène Petit, dît Claudius. Mes cama-rades du groupe de la résistance démocra-t ique et socialiste et moi-même voterons l 'ordre du jour qui clôt cette interpella-tion. Nous le voterons parce que le pro-blème dépasse largement les questions ha-bituelles d'opposition ou de major i té et qu ' i l s 'agit de l 'avenir de la France tout entière, car aucune parcelle de la France ne peut être séparée de la communauté française, sans r isque grave pour l 'ensem-ble de cette communauté.*

Nous le voterons aussi parce que nous avons reçu des assurances de M. le minis-tre de l ' in tér ieur , par lant au nom du Gou-ve rnemen t tout entier, assurances qui dé-passent cer tainement l 'ordre du jour , qui n ' es t pas très clair, na ture l lement , étant le résul tat d ' un compromis. (Applaudisse-ments sur quelques bancs à gauche.)

M. le président. La parole est à M. le pré-sident du Gouvernement. (Applaudisse-ments au centre.)

M. Georges Bidault, président du Gou-vernement provisoire de la République, ministre des a]faire s étrangères. Le Gou-vernement demande à l 'Assemblée d'adop-ter . à la plus large major i té possible — ia limite étant l 'unanimi té , qui n ' e s t point impossible à a t te indre — l 'ordre du jour ,

ui n ' es t pas u n compromis, si ce n 'es t ans le sens de la raison. (Applaudisse-

ments au centre et à gauche.) La raison est u n compromis entre deux

tentat ions extrêmes. Nous sommes arrivés à un compromis raisonnable et clair.

Je me permets de rappeler qu 'après le salut adressé à toute notre longue histoire en terre algérienne, .unissant les uns et les autres dans notre reconnaissance et dans notre fierté, l 'ordre du jour .prend acte des déclarations de M. le ministre de l ' inté-r ieur , que vous avez entendues -et applau-dies, et qu ' i l se termine en demandant au Gouvernement , je dis bien au Gouver-nemen t et à personne d 'autre , de déposer u n projet de loi. Ce proje t de loi, c 'est M. le minis t re de l ' in tér ieur qui vous le présentera . Je n ' imagine pas qu'i l soit dif-férent des déclarations que vous avez ap-plaudies. (Vifs applaudissements au centre et à gauche.)

Cela étant , j ' a i su qu ' i l y avai t e u , et j ' a i en tendu de m e s oreilles quelques-unes d 'entre elles, pas mal de crit iques et même d'accusations, adressées au Gouvernement au suje t des affaires d'Algérie. La preuve que nous ne les mér i tons pas toutes , c 'est qu 'el les ont pu se formuler ici, dans cette' Assemblée française, et avec la plus en-tière l iberté. (Applaudissements au centre)

Je demande où, en quel pays , en quelle capitale du monde u n débat comme celui d 'h ier et d ' au jourd 'hu i aurai t p u avoir lieu. (Vifs applaudissements à gauche, au centre et sur quelques bancs à droite.) C'est la preuve, u n e preuve entre beau-coup d 'autres , que la France n ' a . r i en perdu de son esprit d 'entreprise et d 'au-dace, qu'el le n ' a r ien perdu non p lus de sa volonté de rester présente dans l 'histoire et de tenir son rang pour îe bien de tous. (.Applaudissements au centre.)

Qu'on me laisse le droit de rappeler que dans la déclaration ministérielle, qui f u t accueillie par u n e major i té considérable au premier jour de la comparution de ce Gouvernement devant votre Assemblée, il y avait deux lignes que je demande la per-mission de vous relire et que voici : « Nous maint iendrons la présence française dans tous les territoires qu'elle rassemble en sa f ra terni té . »

Le Gouvernement, et, j ' en suis sûr , l'As-semblée, resteront fidèles à l ' engagement pris en commun. (Vifs applaudissements au centre, à gauche et à droite.) ^

Je m'excuse de n 'avoi r pu , pour des motifs qui ne sont point ent ièrement igno-rés cle vous , assister à l ' ensemble du débat. J ' y ai perdu d 'entendre des paroles utiles et même instructives. J ' y ai gagné peut-être aussi, je crois, de ne pas avoir entendu d 'autres paroles qu ' i l me sera ainsi, dans l ' intérêt commun, plus aisé d 'oublier . (Ap plaudis seme n t s au centre > à droite et à gauche.)

Sans doute y a-t-il eu des, erreurs , des fautes , des entê tements coupables dans certains aveuglements . Aucune histoire ne compte seulement des pages de gloire. Mais qu 'on se rappelle qu' i l y a eu aussi des malheurs et qu' i ls ne sont pas le triste privilège de la seule Algérie.

Après 115 ans de présence française, il semble que, par moments , il ne soit p lus question que d'accusations. N'oublions pas ce qu ' i l y avait avant cette présence et ce que cette présence a apporté. Aujourd 'hu i encore la na ture elle-même dément le réquisitoire, la na ture qui s ' inscrit dans la courbe, démographique, la na ture et aussi l 'évolution sociale et culturelle dont, sur ces bancs mêmes , se t rouvent des preuves évidentes. (Applaudissements au centre, à gauche et à droite.)

Je sais, le Gouvernement sait , que nous sommes dans iun moment du monde où le bouleversement général se t raduit par u n grand élan vers l 'émancipat ion. Ici et là, dans le monde , n o n sans tourment , non sans difficultés, non sans convulsions — nous n ' e n avons pas le monopole — des adaptations s 'opèrent dans le sens de cet élan.

Mais comment imaginer quoi que ce eoit qui signifierait coupure, renoncement , sé-cession ? Quelle erreur que de rechercher plus de liberté à l 'écart , dans une solitude impossible, parce qu 'aussi tôt peuplée par ia misère, la querelle, ou de nouvelles présences ? (Vifs applaudissements au cen-tre, à gauche et à droite.)

Plus que jamais, à l 'heure où nous sommes, la na ture a horreur du vide. (Ap-plaudissements.)

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, Le mouvement du monde exige des adap-tat ions. Le Gouvernement est disposé à en présenter le plan à cette Assemblée.

En quoi consistent les plaintes ? On t rouve que cela ne va pas assez vite ?

Il y a deux ans que Paris est l ibéré. De-puis deux ans la France se relève, se re-fai t courageusement mais péniblement . Elle a besoin de l 'effor t et de la confiance mutue l s . Serait-ce ce moment , qui serait choisi par des hommes, qui ont une vieille t radit ion de chevalerie, pour s 'en a l l e r ? En dépit de certains qui voudraient le faire croire, je dis de cette t r ibune et à la face

( d u m o n d e : « Non! la France est unie , so-lide, résolue à l 'audace dans le progrès, f e rmemen t at tachée à conserver u n e iorce s ans laquelle il n ' y a plus pour personne, sur aucun des terri toires qu 'ombrage son drapeau, n i l iberté, n i justice, n i paix, n i b o n h e u r possibles. (Vifs applaudissements au centre, à gauche et à droite.) '

C'est pourquoi l 'Algérie sera fféfendue. Elle le sera contre les abus qui peuven t subsis ter — et qui subsis tent — d 'un co-lonialisme attardé. Mais tous ceux qui , fi-dèles au çénie f rançais , sont allés défri-che r et feconder l 'Algérie, contr ibuer à lune prospérité dont tous profitent, seront aussi défendus dans leur sécurité et dans leur travail. * L'Algérie sera défendue dans la voie du progrès . Elle le sera aussi contre tous les ^perturbateurs, dans le maint ien de la paix sociale et dans les progrès de la justice. '{Applaudissements au centre, à gauche et à droite.)'

Là comme ailleurs, où s 'exercent la pré-sence et l 'autori té de la France, il faut que •la confiance réciproque soit la règle entre Jes divers éléments de la communauté .

Il s 'agit de rétablir l a confiance récipro-q u e des populat ions musu lmanes et des Européens d'Algérie. Il n ' y a pour cela rqu'un moyen , u n s eu l : faire que les u n s e t les autres aient également confiance en l ' équi té , la fermeté , l 'autori té de l 'Etat ifrançais.

** C'est ce que le Gouvernement est résolu •à obtenir , en sorte que les u n s et les au-t res , de toute origine, de toute race, de tou te confession, puissent vivre avec fierté [dans l ' amour commun d 'une juste et l ibre (patrie. ( V i f s applaudissements prolongés au centre, à gauche et, à droite.)

M. le président. Je vais consulter l'As-semblée sur l 'ordre du jour déposé par MM. Viollette, Achour, Borra, Demusois, ï^ayet, Ferhat Abbas, Lecourt et Viard, ac-cepté par le Gouvernement.:

J ' e n rappelle les t e r m e s :

L'Assemblée nat ionale consti tuante, ra Saluant l 'effort accompli par tous les

•Français, musu lmans et européens pour l ' épanouissement matériel et moral de l'Al-gérie,

} « Saluant les héroïques combattants de 'l 'armée française d 'Afrique étroitement unis , quelle que f û t leur origine, dans leur amour ardent de la France, v

« Unissant dans u n même souci le sort matér ie l et moral des populat ions euro-péennes et musq lmanes d'Algérie.

« Et prenant ^cte des déclarations de M. le minis t re de l ' intér ieur ,-

« Fait confiance au Gouvernement pour déposer dans l e ' p l u s bref délai u n projet de loi organisant le s tatut de l 'Algérie, qui permet t ra à tous de réal iser d ' u n

m ê m e r cœur le dçstin de la communauté Êangafse* passe à l 'o rdre du jour* a ,

Je vais met t re aux voix cet ordre du jour .

M. Robert Lecourt. Je dépose une de-mande de scrutin an n o m Au mouvement républicain populaire.

M. le président. Une demande de scrutin a déjà été' déposée par le groupe des répu-blicains indépendants .

Le scrut in est ouvert .

(Les votes sont recueillis. — MM. les secrétaires en font le dépouillement.)

M. le président. Voici le résul tat du dé-pouil lement du sc ru t in :

Nombre de votants 558 Majorité absolue 280

Pour l 'adoption . . . . 525 Contre 33

L'Assemblée nationale consti tuante a adopté.

— 3 —

REGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. Aujourd 'hu i , à seize heures , 2e séance publ ique avec l 'ordre du jour su ivan t :

Suite de la vérification des pouvoirs :

Territpire de la Guyane française (M. Cha-tagner, rappor teur ) .

I. — Affaire sous réserve qu'il n'y ait pas débat.

(Application de l'article 3i du règlement.)

Vote sans délai de la proposition de ré-solution de M. Viatte et plusieurs dé ses collègues tendant à inviter le Gouverne-men t à rembourser les frais engagés pour les élections du 10 mars 1946 aux chambres de mét iers (nOB 11-352. — M. Courtois, rappor teur) . v

II. — Affaire avec débat.

Suite de la discussion des propositions de loi : 1° de M. André Philip et plusieurs de ses collègues tendant à établir la Cons-t i tut ion de la République f rançaise ; 2° de M. Jacques Bardoux ayant pour objet réta-blissement de la loi const i tut ionnelle; 3° de M. Jacques Bardoux tendant à la créa-t ion d ' un conseil fédéral de l 'Union f ran-çaise; 4° de M. Jacques Bardoux relative à là création d 'une « cour suprême de la République »; 5° de M. Coste-Floret et plu-sieurs de ses collègues tendant à établir la Constitution de la République f rança ise ; 6^ de M. Bétolaud et plusieurs de ses col-lègues tendant à établir la Constitution de la République française (no s 11-23, 35, 42, 46, 68, 166, 350. — M. Coste-Floret, rappor-teur général).

Il n ' y a pas d 'observation ?...

L 'ordre du jour est ainsi réglé.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures quarante-cinq minutes.)

Le Chef du service de la sténographie de VAssemblée nationale constituante,

CH. DE LA MORANDIÈRE. — — + • »

ANNEXE AU PROCES=VERBAL

DE LA

1r3 séance du vendredi 23 août 1G46.

SCRUTIN (N° 15)

Sur l'ordre du joiir de MM. Maurice VioU letlè, Achour, Borra, Demusois, Fayet, Ferhat Abbas, Lecourt et Viard, déposé en conclusion de l'interpellation de M. Quilici sur la situation en Algérie.

Nombre des votants Majorité absolue . . . .

Pour l'adoption Contre

557 279

527 29

L'Assemblée nationale Cou saluante 9 adopté.

Ont voté pour:

MM. Abbas. Abelin. Achour. Airoldi. Alloneau., Angeletti. An lier. Apithy. Aragon (d').^ Arbeltier. Archidice. Arnal.. Arthaud. Asseray. As lier de la Vigerie

<d'). Aubry. Autieguil. Augarde. Aujouiat. Babet. Bacon. Badie. Badiou. Ballanger (Robert),

Seine-et-Oise. Barangé (Charles),

Maine-et-Loire. Bardoux (Jacques). Barel. Barré. Barrot. Barthélémy. Bartolini. Bas. Paul Bastid. Mme Bastide (Denise).

Loire. Baumel. Baurens. Baylet. Beauquier. Bêche. Béné (Maurice). ' Benoist (Charles),

Seine-et-Oise. Benoit (Aicide),

Marne. Bcnkeddache. Benkhelil. Ben Tounes. ' Béranger (André). Berger et. Berlioz. Bernard. Bernard-Cothier* Bertho. Bes.sac. Besset. Betolaud.-Beusniez. Bey ^Lagoun. Bichet. Bidault ^Georges). Billères. Billoux. Binot. Biondi,

Biseariet. BissoL Boccaimy. Bo:quet. Boisdon. Boissouciy, (de). Bonté (Florimond). Borra. Mlle Bosquier. Bouhev (Jean). Boulet' (Paul). Bouloux. Bour. Bourbon. ^ Bourdan (Pierre). Bouret ub-nri). BourgOs-Maunoury. lioutarène. Boysson (de). Brault. Mme Braun (Made-

leine). Mme Brioii? Mme Brossolette. Brousse. Bruguier. Bruyneel. Burlot. Buron. Busnel; Câchin (Marcel). Caillavet. Calas. Calonne. Camphin. Cance. Capde ville. Caron. Cartier. Casanova. Caspary. Casîellani. Casîera. Catoire. Catrice (atroux. Cayeux (Jean). Cayol. Cerclier. Cermolacce Cerny. Césairê. Chambe'r^n. Chambrun (de). Champeix. Mme Cbarbonnel. Chariot. Charpentier. Charpin. Chassaing. Chatagner. Chausson. Chautard. C)H«*e. Cherrier. Chevallier LouisJ,

Indre. Chevallier (Pierre),

LoireL

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Chovigné (de). Citerne. Claireîond. Clostermanii. Coffin. Cogniot. Colin. Copeau. Cordonnier. Cornut. Coste-Floret. .Costes (Alfred),

Seine. Cot (Pierre)* Coudray.

_ Courtois. N Couston.;

Coûtant. Cristofol. Croizat. Cudenet. Dagain. Daladier (Edouard). Dalloni. Daniel. Darou. Dassonville. David. Debidour. Defferre. Dëfos du Rau. Mme Degrond.. Deixonne. Delahoutre. Delbos (Yvon). Delcos. Delemotte. Beiorme. Demusois. Deniau. Denis (Alphonse),

Haute-Vienne. Denis (André), Dor-

dogne. -Depreux., Deshors. Detraves, Devemy. Devèze. Devinât. Dezarnaulds. Dhers. Dialto (Yacine), Mlle Dienesch. Dominjon. Douala. Doyen. Draveny. Duclos (Jacques),

Seine. Duclos (Jean), Seine-

et-Oise. Duforest» Dufour. Dumas. Dupraz. Dupuy. Duquesne. Durroux. Dusseaulx. Dutard. Mme Eboué. Ehm. Engel. Errecart. Evrard. Fagon (Yves). Fajon (Etienne). Faraud. Farinez. Fauvel. Fayet. Félix-Tchicaya. Ferracci. Figuères. Finet. Fizaine. Fonlupt-Esperaber. Forcinal. Foussat. Fouyet. Francis. Mme François. Froment. Furaud. Gabelle. Mme Galicier. Gallet. Galy-Gasparrou. faraud y.

Garcia. Garet. Gatuing. Gau. Gautier. Gavini. Gay (Francisque). Gazier. Genest. Gernez. . Gervolino. Getten. Giacobbi. Mme Ginollin. Giovoni. Girardot.. Godin. Gorse. Gosnat. Gosset. Goudoux. Gouce. Gouin (Félix). Greffier. Grenier (Fernand). Gresa. Grimaud. Gros. Mme Guérin (Lucie],

Seine-Inférieure. Guérin (Maurice),

Rhône. Mme Guérin (Rose),

Seine. Guesdon. Guiguen. Guilbert. Guillant (André). Guille. Guillet. Guillon (Jean)s Guitton. Guyomard. Guyon (Jean-

Raymond). Guyot (Raymond). Iladj Saïd. Halbout. Hamon. Helleu. Henneguelle. Henry. Herriot (Edouard). Hertel. Hervé (Pierre). Houphouet-Boigny. Hugues. Hulin. Hussel. Hutin-Desgirèes. Ihuel. Jacquinot. Jaquet. Joinville (général)

(Alfred Malleret). Jugias/ Jules-Julien, Rhône. Julian (Gaston),

Hautes-Alpes. Juvenal. Kriegel-Valrimont. Krieger (Alfred), Labrosse. Lacaze. Lacoste. Lamarque-Cando. Lambert. Lamine-Guèye. Lamps. Landry. Lareppe. Lattes. Laurens (Camille),

Cantal. Laurent (Augustin).

Nord. Lavergne. Le Bail. Lecœur. Lecourt. Le Cou [aller. Lécrivain-Servoz. Ledru. Le Duc. Leenhardt. Mme Lefebvre. Legry. Lejeune. Lemarchand. Mme Lempereur»

Lenormand. Léon e t ti. Le Sassier-Boiseauné. Le Sciellour. Lescorat. Lespès. Letourneau. Le Troquer (André). Levindrey. Lhuissier. Liquard. Loustau. Louvel. Lozeray. Lucas. Lussy. M a bru t. Mahdad. Maiîlocheau. Malbrant. Manceau, Marc-Sangnier. Marie (André). Maroselli. Martel (Henri), Nord. Martel (Louis),

Haute-Savoie. Martineau. Marty (André). Masson. Maudet. Maurellet. Maurice-Petsche. Mauroux. Mayer (Daniel),

Seine-René Mayer,

Constantine. Mazel. Mazier. Mazuez. Meck. Médecin. Mehaienerie. Menthon (de). André Mercier, Oise-Mercier (André-Fran-

çois (Deux-Sèvres). Mercier (François),

Saône-et-Loire. Métayer. Mme Mety. Jean Meunier. Meyniel. Michard. Ml chaud (Louis),

Vendé e-Michaut '(Victor),

Seine-Inférieure. Michel. Miehelet. Midol. Minjoz. Moch (Jules). Moisan. Mollet (Guy). Monnerville. Mont. Montagner. Monteil (André),

Finistère. Moque u Mora. Morand. Morice. Moro-Giafferi (de), Mostefaï. Mouche U Mouron. Moussu. • Moutet (Marius). Mouton. Mudry. Muller. Musmeaux. Naegelen (Marcel),

Bas-Rhin. Naegelen (René).

Territoire de BelforL Mme Nedelec. -Nicod. Noël. Noguères. Novat. Orvoen. Ouradou. Paîewski. parpais. Patinaud. Paul (Gabiiel).

Finistère. Paul (Marcel),

Haute-Vienne. Paumier. Peeters. Penoy. Mme Péri. Pécon. Petit (Albert), Seine. Petit (Eugène), dit

Claudius. Peyrat. Mme Peyroles. pflimlin. Philip (André). Pierre-Grouès. Pinçon. Pineau. Poimbœuf. Mme Poinso-Chapuis. Poirot, Poulain. Poumadère. Pour taie t. Fouyet. Mlle Preve-rt. Prigent (Robert),

Nord. Prigent (Tanguy),

Finistère. Pronteau. Prot. Quenard. Rabier. Ramadier. Ramarony. Ramette. Ramonet. Raseta. Ravoahangy. Raymond-Laurent. Reille-Soult. Renard. Reneurel. Tony Révillon. Reymond. Ribeyre (Paul),

Ardèche. Ribière (Henri),

Ailier. Richard. Rigal (Albert), Loiret. Rigal (Eugène), Seine. Rincent. Rivet. Mme Roca. Rochet (Waldeck). Rolland. Rophé. Rosenblatt. Roubert. Roucaute (Gabriel),

Gard. Roucaute (Roger),

Ardèche. ' Rulïe. Saadane. Saïd Mohamed

Cheikh. Saravane-Lambeït. Sator. Schafî. Scherer. Schmidt (Robert),

(Haute-Vienne). Schmitt (Albert),

Bas-Rhin. Schmitt (René),

Manche. S chu ci ter.

i Schuman (Robert), Moselle.

Schumann (Maurice), Nord.

Segelle. Seignon.

i Senghor. Siefridt. Sigrist. Simonne t.

1 Sion. Sissoko (Fily-Dabo). Solinhac. Mme Solomon-

Langevin. Sourbet. Mme Sportîsse. Taillade. Teitgen (Henri),

Gironde,

Teitgen (Pierre), Ille-et-Vilaine.

Terpend. Terrenoire. Mme Texier-La-IIoulle. Thamier. Thibault. Thkiet. Thomas. Thorez (Maurice). Thuillier. . Tiilon (Charles). Tinguy (de). Toujas. Tourtaud. Truffaut. Mme Vaillant-

Couturier. Valay. Valentino.

Varenne (Alexandre1

Vauthier. Vedrines. Vée. Vendroux. Verdier. Mme Vermeersch. Viard. Viatte. Vieljeux. Mme Viénot. Villard. Pierre Villon. Viollette (Mauffice). Vivier. Vuillaume. Wagner. Wasmer. Mile Weber. Yvon. Zunino.

Ont voté contre:

MM. André. Barrachin. Baudry d'Asson (de). Baumann. Bonnefous. Bougrain. Brun et. Brunhes. Chastellain. Chevalier (Fernand),

Alger. Chris tiaens. Clemenceau (Michel). Colonna. Coty (René). Deiachenal.

Giraud (Général); Jean-Moreau. Laniel (Joseph).; Marin (Louis). 'Mignot. Montel (Pierre). Mous lier (de). Petit (Guy), Basses-

Pvrénées. Pinay. Quilici. Reynaud (Paul). Roclore. Roulon. Schauffler. S chic ver.

l ' on t pas pris part au vote :

MM. Ahnne. Bergasse. Bouvier-O'Cottereau. Courant. Denais (Joseph). Des jardins. Dixmier. Dubois. Félix (colonel). Frédéric-Dupont. Jullien (Jean), Maroc. Julv.

Kir. Lalle. Lecacheux. Legendire. Macouin. Montiilot. Mutter. Nïsse. Rollin (Louis), Rossignol. Schock. Sesmaisons (de).

Excusés ou afesents ,par congé:

i Rousseau. MM. Mendès-France.

N'a pas pris part tu vc-ie :

M. Pantaloni, dont l'élection est soumise \ l'enquête.

N'ont pas pris part an vo te :

M. Vincent Auriol, président de l'Assemblée nationale Continuante et M. Bouxom qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de:

Pour l'adoption . 558 Majorité absolue 280

Pour l'adoption 525 Contre 33

Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste de scru-tin ci-dessus.

— »

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2* séance <§*i vendredi 23 août 1948.

SOMMAIRE

1. — Procèe-verbal. 2. — Contrôle des inscriptions sur îes listes

électorales. — Demande de discussion im-médiate d 'un projet de loi.

3. — Commission des pensions civiles et mi-litaires. — Demande de pouvoirs d'enquête.

4. — Vérification des pouvoirs {suite). Territoire de la Guyane française. Adoption des conclusions du 4® bureau.

5. — Retrait de l'ordre du jour d'une propo-sition de résolution.

6. — Constitution de la République française. — Suite de la discussion de propositions de loi.

Discussion générale {suite) : MM. Baumel, Courant, Lecourt, Coty, Bruyneel, de Tinguy.

Renvoi de la mite -de la discussion à une prochaine séance.

7. — Contrôle des inscriptions sur îes listes électorales. — Discussion immédiate d'un

, projet de M . Discussion^immédiate ordonnée. Passage à la discussion des articles. Ar t l«r 4 18: adoption. Adoption de l'ensemble du projet de loi.

8. — Demande d'interpellation. 9. —* Renvoi pour avis. 10. — Règlement de l'ordre du jour : MM. * Bouxom, ie président. 11.— Dépôt de propositions de loi. 12. —Dépôt de propositions de résolution. 13. — Dépôt de rapports.

PRESIDENCE DE M. VINCENT AURIOL

La séance est ouverte à seize heures .

—.1 —

PROCES-VERBAL

M. le président. Le procès-verbal de la première séance de ce jour a été affiché et distribué. - •

II n ' y a pa s d 'observation ?..-« Le procès-verbal est adopté.

—2 —

CONTROLE DES INSCRIPTIONS S U R LES L I S T E S ELECTORALES

Demande de discussion immédiate d'un projet de loi.

M. le président. M. le ministre de l ' inté-r ieur demandera , au cours die la présente séance, la discussion immédiate du projet de loi n° 398 relatif au contrôle des ins-criptions sur les listes électorales et à la procédure des inscriptions d 'urgence.

Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l 'article 54 du règle-ment , il va être procédé à l 'affichage de cette demande de discussion immédiate et le débat ne pourra commencer que dans une heure .

— 3 —

COMMISSION DES PENSIONS CIVILES ET MILITAIRES

Demande de pouvoirs d'enquête.

M. le président. J 'a i reçu de M. le prési-den t de la commission des pensions civiles

et militaires et des victimes de la guerre et de la répression, la let tre suivante :

« Paris, le 23 août 1916.

« Monsieur le Président, « J 'ai l 'honneur de vous informer qu 'au

cours de sa réunion du 21 août, la com-mission des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la ré-

EresSion a décidé de demander à l 'Assem-lée nationale constituante les pouvoirs

d 'enquête en vue d'établir les circonstan-ces dans lesquelles se sont produites à maintes reprises les évasions scandaleuses' de prisonniers allemands sur le territoire national et, d 'une manière plus générale, pour déterminer les conditions de leur in-ternement .

« Je vous serais reconnaissant de bien vouloir soumettre cette demande à l'As-semblée.

« Veuillez agréer, Monsieur le Président, l 'assurance de ma très haute considération.

« Vincent BADIE. »

Conformément à l 'usage, cette affaire sera inscrite à l 'ordre du jour de l 'Assem-blée, après expiration d ' un délai de trois jours francs..

_ 4 —

VERIFICATION DES POUVOIRS (Suite.) *

TERRITOIRE DE LA GUYANE FRANÇAISE

M. le président. L'osdre du jour appelle l ' examen des conclusions du rapport du 4e

bureau sur les opérations électorales du territoire de la Guyane française.

Le rapport a été inséré à la suite du compte rendu in extenso de la 3e séance d u 22 août 1946.

Votre 4° bureau conclut à la validation. Personne ne demande la parole ?... Je mets aux voix les conclusions du 4®

bureau . (Les conclusions du 4« bureau sont adop-

tées.)

M. le président. En conséquence M. Mon-nerville est admis.

5

RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR D ' U N E PROPOSITION D E RESOLUTION

M. le président. L'ordre du jour appelle-rai t le vote sans débat de la proposition de résolution de M. Viatte et plusieurs dè ses collègues tendant à inviter le Gouverne-ment à rembourser les frais engages pour les élections du 10 mars 1946 aux Cham-b r e s de métiers.

Mais le Gouvernement demande que cette affaire soit retirée da Tordre du jour.

Le retrait est ordonné.

— s —»

CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE FRANÇAISE

Suite de ia discussion de proposition de loi.

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des propositions de loi : 1° de M. André Philip et plusieurs de ses collègues tendant à établir la Cons-t i tut ion de la République française j 2° cle

M. Jacques Bardoux ayant pour objet l 'é-tablissement de la loi constitutionnelle ; 3° de M. Jacques Bardoux tendant à la création d ' u n conseil fédéral de LUnion française ; 4° de M. Jacques Bardoux rela-tive à la création d 'une « Cour suprême de la République » ; 5°, de M. Coste-Floret et

lusieurs de ses collègues tendant à éta-l i r la Constitution de la République f ran-

çaise ; 6° de M. Bétolaud et plusieurs de ses collègues tendant à établir la Consti-tution de la République française.

Dans la suite de la discussion générale, la parole es t à M. Baumel . .

M. Baumel. Mesdames, messieurs, nous voici donc au troisième jour de îa discus-sion générale sur le projet constitution-nel.

Ce débat nous ra jeuni t s ingul ièrement de cinq mois >et, au début de notre dis-cours, nous devons regretter que certaines concessions qu 'on aurait pu faire avant l e re fe rendum n 'a ient pas r endu possible l 'adoption du premier projet constitution-nel. et que nous soyons obligés au jour -d 'hui de remet t re en question le problème des institutions définitives de ce pays.

Mais puisqu 'on l 'a voulu, il nous fau t donc partir du referendum. du 5 mai. Il nous faut part ir de là pour ne pas ruse r ivec la volonté nationale:

C'est la raison pour laquelle nous nous félicitons que la commission et son rappor-teur général aient cru devoir présenter , n o n pas quelques corrections au texte condamné, mais un projet nouveau qui est soumis au jourd 'hu i à notre discussion et que nous examinerons la semaine pro-chaine, article par article.

Si récemment le peuple français a con-damné le premier projet, on.peut a t t r ibuer à ce re fus de l 'accepter de nombreuses raisons et h ier certains orateurs en ont défini quelques-unes.

Mais nous pensons que les principales raisons du re fus du projet consti tutionnel de la première Constituante t iennent d 'abord à la crainte de la majori té de ce pays vis-à-vis d 'une assemblée u n i q u e ; ces raisons t iennent également au fait que l'exécutif était placé sous la coupe d ' une assemblée un ique ; elles t iennent .au carac-tère des pouvoirs donnés, par le premier projet , à la présidence de la Républ ique; elles t iennent à la définition qui était don-née de l 'Union française; elles t iennent à la crainte qu'éprouvaient de nombreux Français de voir compromettre l ' indépen-dance de la magis t ra ture ; enfin, elles t iennent au danger que pouvaient courir nos libertés essentielles.

A la lecture du nouveau projet consti-tut ionnel nous sommes les premiers 4 re-connaître que de grands progrès ont éto faits. Ces progrès sont-ils de nature à mo-difier totalement l 'esprit du projet de loi ? Sommes-nous sûrs qu'il ne reste pas que!* qués traces de l 'esprit du premier projet ?.

Sur le premier point, par exemple, le problème de l 'Assemblée nationale, nous constatons que cette Assemblée est élue au suffrage universel par l 'ensemble des citoyens et des citoyennes français, et nous devons saluer la reconnaissance du suffrage féminin qui est une conquête de la Résistance française, comme nous sa-luons l 'entrée dans le corps électoral des jeunes Français qui, t rès jeunes et t rès tôt, sont entrés dans la Résistance de ce pays.

Nous devons constater que. le peuple, re-fusan t en grande partie le premier projet , avait exprimé.. .

M. Pierre Hervé. G p. 100 de différence 1

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ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE — 2e SEANCE DU 23 AOUT 1946 3292

M. le président. Déjà ! ' j e vous demande 'de ne pas interrompre, monsieur Hervé.

M. Baumel. Si l 'écart de -6 p. 100 avait été en votre faveur , vous en tiendrez compte beaucoup plus que nous, certai-nement !

-- Au centre. Les 6 p. 100 ont déterminé le résultat l

M. Jacques Duclos. Oui, mais avec la 'dévaluation, 6 p. 100, cela ne représente que peu de chose. (Sourires.)

M. le président. La conversation est ter-minée. (Sourires.)

La parole est à M. Baumel. Veuillez ne plus l ' interrompre.

M. Baumel. La majori té de ce pays- s 'est tout de même prononcée pour le système des deux assemblées /

M. Jacques Duclos. Le pays a condamne le Sénat le 21 octobre l

M. Baumel. Pour citer un bon auteur, monsieur Duclos, je prendrai l 'article de M. Léon Blum, paru ce matin, qui indique que le peuple français demandait, dans sa réponse au referendum, que l 'Assemblée fû t protégée contre elle-même, contre ses propres passions, contre sa propre précipi-tation, contre ses propres caprices par un système convenable de précautions et de garanties.

C'est donc la volonté de dresser des bar-rières de protection que Je pays a expri-mée au dernier referendum.

Or, si îe Conseil de la République dis-pose cette fois-ci de pouvoirs plus grands que le Conseil de l 'Union française précé-demment prévu, nous devons constater qu' i l reste une chambre 3e réflexion, selon 1 expression maintenant consacrée.

On lui a accordé l ' immunité parlemen-taire, on lui a accordé la publicité des dé-bats, on Fa inclus dans le Parlement un peu comme un parent pauvre et, s'il bé-néficie de l 'initiative législative, elle n'ex-cède pas le pouvoir de pétition de .n ' im-porte quel citoyen français.

Il reste une chambre de réflexion! J 'avoue ne pas très bien comprendre com-ment une assemblée peut ne pas être poli-t ique lorsque les élections qui sont à l'ori-gine de sa désignation sont des élections

' politiques, surtout avec le svstème électo-ral actuel!

Le système d'assemblées non politiques, c 'est toujours u n peu une de ees « grues métaphysiques » dont parlait hier M. Ra-madier.

Nous sommes tous d'accord pour laisser à l 'Assemblée nationale le dernier mot. Personne ici n ' a défendu le Sénat tel qu'il était désigné, tel qu'i l avait fonct ionné; mais nous pensons que le pays aimerait avoir auprès de son Assemblée nationale, dont nu l ne conteste la souveraineté, une deuxième assemblée qui joue le rôle de barrière de protection.

C'est la raison pour laquelle,- d'ailleurs, sur un point, nous demandons que les pouvoirs du Conseil de la République soient étendus, renforcés.

En effet, le projet prévoit, en cas de conflit* extérieur l 'assentiment de l'Assem-blée nationale et seulement l 'avis préalable du Conseil .de l a République. Or, quelque Conception que l ' o n puisse avoir du Conseil de la République, nous estimons que, dans une période aussi grave pour l ' e x i s t e n c e de la nation, il serait souhaitable que les deux Chambres, aussi bien le Conseil de

l a République crue l ' A s s e m b l é e nationale,

puissent exprimer pleinement leur senti-ment, pour ou contre le conflit.

De même, il me semble nécessaire que le texte constitutionnel précise que le pré-sident de la République doive être élu par les deux Chambres réunies en congrès. Je crois qu'à cet égard une précision a été apportée à la commission de la Constitu-tion.

Face à cette assemblée de conseillers de la République aux pouvoirs assez faibles, l 'Assemblée nationale garde les pouvoirs les plus étendus et contrôle étroitement l 'exécutif.

Un de ces pouvoirs, notamment nous parait assez grave, car nous avons le sou-venir des luttes passées et des enseigne-ments du parlementarisme d'hier. Il s 'agit de l 'initiative dès dépenses.

La commission de la Constitution a re-poussé différents amendements tendant à priver le Parlement de l ' initiative des dé-penses dans les mêmes conditions, par exemple, que le Parlement britannique.

Il me semble pourtant qu 'une telle dis-position serait nécessaire et je me borne-rai à citer u n certain article paru récem-ment , qui traite de ce problème de l 'ini-tiative des dépenses:

« Dans les débuts de la troisième Répu-blique les députés ont si largement abusé de l 'initiative financière que, fait peu connu, Gambetta en 1881 essaya d'y mettre un terme.

« Pour enrayer le flot des dépenses, il proposa de demander à la Chambre de re-noncer à son droit d ' init iative; mais sa proposition fu t rejetéc en conseil des mi-nistres et ne fut pas êiscutée.

« L'abus constant que firent les députés de leur droit d'initiative conduisit plus tard la Chambre à en limiter l 'exercice. L'accroissement des dépenses provoqué par l ' initiative parlementaire à la veille des élections générales de 1898... » — car c'est toujours à la veille des élections générales que sont faites de telles propositions de dépenses — « ... souleva un mouvement énergique de protestation.

« Ce mouvement , qui fu t animé par des . républicains authentiques, et notamment par Deschanel, Léon Say, Poinearé, se pro-posait de restaurer le principe fondamental selon lçquel les ministres demandent et dépensent les fonds, tandis que le Parle-ment les accorde et en contrôle l 'emploi. )>

Si, dans le jeû cle la fu ture Ccnstitution, le Parlement souverain, suivant l 'exemple de la Chambre des communes, a la sagesse de déléguer au Gouvernement la respon-sabilité de l 'établissement du budget, sous réserve d'exercer u n contrôle sévère #et rapide des comptes publics, il contribuera par là même à assurer l 'autorité et i'efii-cacité du Gouvernement responsable de-vant lui. En agissant ainsi il ne compro-mettrait en r ien son pouvoir souverain.

Nous pensons, cependant, que l 'on pour-rait faire une exception, et c'est dans ce but que notre groupe de l'Union démocra-tique et socialiste de la résistance a pré-senté un amendement tendant à laisser au Parlement l ' initiative des dépenses, uni-quement en ce qui concerne les budgets de défense nationale.

Mais, étant donné la situation financière et économique de ce pays, situation qui pèsera encore longtemps sur notre avenir, nous estimons qu'il serait sage d'accorder au Gouvernement seul l 'usage des fonds publics pour tous les autres chapitres.

Après les questions relatives au Parle-ment et la souveraineté nationale, abor-dons le titre qui a trait à la présidence de la République.

Certes, le projet actuel tend à restituer ; au présidenr de la République certains de

ses pouvoirs traditionnels, Certes, .on a essayé de dégager la fonction du président de la République de la tutelle de l'Assem-blée nationale, puisqu'il doit être désor-mais l 'élu des deux Chambres.

Mais il nous apparaît qu' i l n 'es t peut-être pas très sage de procéder à l 'élection du président de la République au scrutin public à la tribune. Quant à nous, nous préférons la soumettre au jeu des bulle-tins secrets, comme l'exige le droit répu-blicain élémentaire.

Car l 'élection au scrutin public engen-drera fa ta lement 'des compétitions specta-culaires entre les grands partis, et fera dé-pendre la présidence de la République du jeu de ces partis. (Applaudissements sur, quelques bancs à gauche.)

D'autre part, en ce qui concerne la dé-signation du président du conseil, nous pensons que l ' investi ture préalable de l 'Assemblée, avant la présentation du mi-nistère, peut être parfois rendue difficile par le jeu des circonstances.

Nous ne. croyons pas qu'il soit utile de renforcer l 'autorité naturelle du candidat à îa présidence du conseil par un vote préalable cle l 'Assemblée, car il aura été désigné par le président de, la République et c'est ensuite, quand il présentera sa for-mule et son programme, que l 'Assemblée dira si elle veut de lui ou si elle lui re-fuse sa confiance.

D'autre part, nous pensons que cette modalité risquerait de provoquer des dif-ficultés d'application qui entraîneraient une sorte de « grippage » de la constitu-tion, si l 'Assemblée entérinait la désigna-tion du président du conseil et lui refusait ensuite sa confiance. Je crains qu'il n ' y ait là une difficulté, surtout en cas d'événe-ments graves.

Voici enfin 1a troisième raison cle notre défiance vis-à-vis du texte de la commis-sion au sujet de la présidence de la Ré^ publique. Nous ne croyons pas qu'il soit juste que le président cle la République ne puisse lancer des messages au pays qu'avec l 'autorisation du président du conseil et du président de l 'Assemblée.

Evidemment, le président de la Républi-que n 'est plus au jourd 'hui un simple huis-sier ou un simple facteur, comme on l 'a dit hier, mais je crains fort qu'il ne soit que le chef d 'une figuration nationale. Et si nous voulons tous éviter qu'il soit un César, je crains quen voulant en faire un arbitre au pouvoir limité, on ne lui permette pas de défendre véritablement la règle du jeu parlementaire et constitution-nel.

Le fonctionnement de l 'exécutif, tel que le définit le projet cle la commission, com-porte une amélioration. Tout d 'abord, il prévoit une présidence du conseil, ce qui est u n fait nouveau, car la Constitution de 1875 ne l 'avait nul lement prévue.

M. André Philip, président de la com* mission. C'est très consciemment que nous l 'avons fait.

M. Baumel. Nous croyons qu'il est sage de confier à un homme les fonctions de premier minis t re ; nous croyons qu'il est normal qu 'un membre du Gouvernement soit u n peu le primus inter pares.

Par ailleurs, nous croyons aussi que cette correction à l ' instabilité, à l ' impuis-sance ministérielle qu 'on a si souvent con-damnée, par la question de confiance, par le dépôt des motions de censure, ne per-mettra pas d 'en finir avec ces atteintes à la fragilité et à la solidarité ministérielle

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ui est aujourd'hui compromise par le jeu es partis dont chacun fait siennes les dé-

cisions du Gouvernement quand elles lui sont favorables et les rejette sur ses alliés jquand elles sont impopulaires. ! Nous croyons qu'un Gouvernement véri-table n'est pas une délégation des partis au Gouvernement, Un Gouvernement véri-table est celui qui est lié par une solida-trité élémentaire. Et d'ailleurs, en cas de ^dissolution, nous constatons qu'on en re-t i e n t indirectement au régime d'un gou-vernement d'Assemblée puisque c'est alors

a i e président de l'Assemblée qui constitue le Gouvernement en tenant compte de l'im-jportance des différents groupes de l'As-semblée. Et il nous paraît inquiétant de Représenter dans un gouvernement tous les {partie de l'Assemblée au moment même o'ù dans le pays ils se livreront à une cam-pagne électorale effrénée. Ainsi, clans une période grave pour la démocratie fran-çaise, nous aurons un gouvernement d'as-semblée dont les membres ne seront pra-tiquement responsables que devant leur part i .

Sur le dernier point qui nous inquiète 'et qui concerne l'Union française, nous sa-vons qu'un débat spécial aura lieu, et no-tre groupe de l'U.D.S.R. y mandatera un orateur pour traiter de ce sujet. Mais je ne voudrais pas intervenir dans cette discus-sion générale sans attirer l 'attention de l 'Assemblée sur ce problème si grave pour l 'avenir du pays. / -

Après nos honorables collègues MM. Teit-gen et Bastid, je voudrais également dire que si hier l'ancien projet n'était pas suf-fisamment clair, avait énoncé des proposi-tions ou des principes généraux d'applica-tion souvent difficile, le titre X du projet actuel nous » paraît extrêmement dange-reux, car il ne suffît pas de dénoncer le colonialisme, gue tout le monde, je pense, condamne aujourd 'hui dans cette Assam-blée, il faut permettre l'organisation véri-table d'une fédération de l 'union française. '(Applaudissements sur quelques bancs à gauche.) C'est le problème essentiel du jXXe siècle.

Ou nous saurons nous élever à cette conception d'une France présente sur tous les continents, ou nous serons demain uni-quement le petit pré carré d'une Europe comme. pourra l 'être le Portugal ou la. Hongrie.

Or, sur ce point nous n'avons pas de doctrine véritable. Ce projet ne. présente pas de réalisations précises. II est le fruit d'hésitations, de reculades, de contradic-tions. Il faut savoir envisager la fédération française dans les perspectives du XXe siè-cle, clans un monde de grands empires, car nous sommes dans un monde de grands empires, dans un monde où des peuples rassemblent leurs forces. Si, demain, nous me savons pas bâtir cette communauté française, notre pays connaîtra des lende-mains tragiques, je l e crains fort.

Au l 'eu d'agglomérer îa plupart des uni-tés françaises, ee projet ne prévoit rien de précis puisque, selon les propres mots du rapporteur général, il laisse à la coutume constitutionnelle le soin de faire le reste. Et, ajoute-t-il, en votant les dispositions sur l'Union française, l'Assemblée fera un grand acte de foi dans lès destinées de la France et des peuples qui lui sont, associé^.

Il y a peut-être un grand acte de foi dans cela, mais aussi une source de danger pour l 'avenir. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche.)

M. Coste-Fïoret, rapporteur général. '-Alors, ce n'est plus un acte de foi.

M. Baumel. En effet, cette partie du pro-jet permet toutes les sécessions unilatéra-les, elle n'affirme aucun des liens indis-pensables entre la France métropolitaine et la France d'outre-mer. Je regrette qu'on ait rejeté les propositions du comité intermi-nistériel, car ces propositions tendaient à l'installation de pouvoirs véritables en donnant au président de la République la présidence de l'Union française et en cons-tituant un haut conseil des états.

Ainsi, on aurait pu fixer ce qui est du ressort de l 'ensemble de l'Union française, c'est -a-dire essentiellement la défense na-tionale, la diplomatie, les transports et le plan économique et ce qui relève cle cha-cun des territoires ou des peuples fédérés.

Or,, ce projet, sans le vouloir certaine-ment, permet tout ce gui peut disloquer l'empire et-ne retient rien de ce qui peut le cimenter. (Applaudissements sur quel-ques bancs à gauche.) Après l 'œuvre civi-lisatrice de la France à travers toute son histoire, après le magnifique travail de la IIIe République, après l'effort de guerre de la France extérieure et la part prise par l'Union de toutes nos terres pour la re-conquête de la métropole envahie, nous oublions trop que les premières victoires françaises de cette guerre s'appellent tout de même Bir Hakeim et Tunisie. (Applau-dissements sur les mêmes bancs.) Avant Paris et Strasbourg, c'est sur ces terres-là que s'est ressoudée l 'unité nationale.

Sait-on jamais ce qui peut se passer demain dans un monde dur et décevant 4 'une après-guerre déjà inquiétante !

C'est ce titre du projet constitutionnel qui • nous paraît le plus dangereux et le plus critiquable, surtout lorsque c'est l 'an-nonce d'une politique du clocher, laquelle fut malheureusement presque toujours la loi de ce pays.

Qu'on écoute l 'enseignement de nos pionniers, Savorgnan de Brazza, Pâul Bert, et qu'on prête l'oreille aux craquements sourds qui se font entendre de Madagas-car à l'Annam !

Vous parlez des grands ancêtres que vous ne voulez pas parodier dans votre préambule. Vous invoquez les grands ré-publicains.

Permettez-moi d'évoquer un grand ré-publicain dont on a parlé hier et qui s'appelle Jules Ferry, Jules Ferry le ton-kinois. S'il pouvait sortir de son tombeau, je ne suis pas sûr du tout qu'il approuve-rait ce titre de 1' « Union française ».

A l'aurore de ce monde nouveau, il faut condamner l'exploitation colonialiste ; mais il faut construire une Union française à l'image du monde. Mais, ne nous frappons {pas la poitrine en reniant notre œuvre, car, nous n 'en avons p§s le droit.

C'est d'ailleurs ce -même esprit de disso-ciation qui se manifeste dans le titre des collectivités départementales et locales. On dit que le moment est venu d'émanciper les départements. Mais cela est contraire à tout ce qui a contribué à former l 'unité nationale, cela est contraire à la doctrine

""jacobine, car c'est ouvrir la porte à un nouveau girondinisme français.

C'est contre cette conception, qui don-nerait à notre pays l'aspect d 'un manteau d'Arlequin, c'est contre ce polymorphisme politique des départements qui, selon les régions, seraient socialistes, communistes, ou républicains populaires, que nous de-vons nous élever.

Certes, la France a fait une expérience au lendenlain de sa Libération, celle des (pouvoirs locaux. Ceux qui' ont parcouru notre pays quelques jours ou quelques se-

maines à peine après le débarquement ont pu en voir les résultats. Sous Faction des comités départementaux de libération, des départements adoptèrent des législations ou prirent des décrets différents d 'un ter-ritoire à l 'autre. Les mesures . concernant le ravitaillement, les finances ou l'adminis-tration locale étaient parfois contradictoi-res. C'est contre cette tendance, qu'il faut essayer d'enrayer, c'est contre cette poli-tique que nous nous prononçons, nous, pour l 'unité véritable dans la tradition ré-publicaine.

Sur les autres points du projet, ie serai plus bref.

En ce qui concerne la magistrature., i l est certain qu'une amélioration profonde a été opérée, amélioration qui est le frui t d un compromis, car je ne sais sur quels fonts baptismaux reposera cette constitua t ion, . . .

M. le rapporteur général. Sur ceux de 1 Assemblée !

M. Baumef. ...mais elle est fille de contradictions, et elle en portera la lourde hérédité.

Il est certain qu'une grande majorité de Français, à tort ou à . raison, ar considéré que l'adoption du premier projet compor-tait un certain danger pour les libertés.

C'est la raison pour laquelle nous re-grettons, par exemple, que le préambule n ait pas reproduit in extenso le texte de la Déclaration des droits de l 'homme et du citoyen de 1789 (Applaudissements sur quelques bancs à gauche), car cela aurait permis de rassurer et d'apaiser une très large fraction de l'opinion française, no-tamment en ce qui concerne les droits es^ sentiels et le droit de propriété.

Enfin, ce qui nous paraît inquiétant dans ce texte, en dehors de ce qu'il contient, c est ce qu'il suppose et ce qu'il sous-en-tend; car il s'inspire de conceptions poli-tiques contraires aux aspirations de notre peuple. >

Nous regrettons que, dans l'article 12 de ce texte, par exemple, on ait consti-tutionnalisé la représentation proportion-nelle. C'est bien un système de grands partis qui est sous-jacent à cette consti-tution et nous regrettons, tout en n 'ayant pas à discuter actuellement de ce problème* de la loi électorale, d'avôir appris, dans le cours même de la discussion de ce pro-jet de Constitution, la décision de la com- f mission de l 'intérieur qui nous paraît très grave, car elle propose de revenir pure-ment et simplement à une loi électorale que 1 on croyait définitivement condamnée par le peuple. (Applaudissements sur queU ques bancs à gauche.)

M. le rapporteur général. C'est un airtre sujet I

M. Baumel. Je le reconnais et je ferme la parenthèse.

Nous pensons, cependant, que le peuplé a le droit, non seulement de dire s'il ap-prouve ou non cette constitution, mais aussi de se prononcer sur le mode .d'élec-tion des députés qui la -mettront en œuvre. C est sur ce point que nous avons réclamé ~7 nous regrettons de n'avoir pas été sui-vis par l'Assemblée — l'inscription dans le referendum de la loi électorale.

Or, ce pays qui ne sort souvent de s a tendance excessive aux emportements, a u x divisions, aux éparpillements que pour ~ tomber dans un centralisme trop étouffant, a une longue et lourde histoire constitu-tionnelle puisque, je erpis, p'sst la fto*

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zième Constitution depuis 1791 qui est pré-sentée au peuple.

Au lendemain des terribles événements d 'hier et de l 'effondrement de nos institu-t ions, après quatre ans de régime provi-soire, devant u n horizon qui se charge déjà de sombree nuages, cette Assemblée consti-tuante a une des plus lourdes responsabi-li tés de notre Histoire : donner à ce pays, qui l ' a t tend, une Constitution qui garan-tisse nos droits et qui en finisse avec l'ins-tabilité et la confusion des pouvoirs. Il fau t , pour cela, comme tant de Français Font affirmé depuis les jours sombres de 1940, organiser le législatif, renforcer l 'exécutif, l ibérer le judiciaire de toute in-fluence. C'est à la lumière de ces nécessi-tés que, dans là discussion des différents titres de ce projet, nous nous détermine-rons ; c'est dans la mesure où certaines améliorations seront obtenues, ee que nous souhaitons ardemment , que notre groppe orientera son vote final.

Mais, le vote d'une constitution n 'es t pas tout . Une constitution n e vaut q u e c e q u e valent les mœurs et l a volonté d ' u n peu-ple. Les populations françaises de l 'Union at tendent que nous leur donnions cette a rmure à l 'abri de laquelle, dans un monde toujours incertain et mouvent , elles pourront défendre leur patrimoine de li-ber té et de justice. Alors, notre nation, qui pourra tourner enfin la page du provisoire et s ' a t t e l e r aux problèmes vitaux pour notre avenir, pourra marcher , demain comme hier , à l 'avant-garde des peuples libres. (Applaudissements sur quelques bancs à gauche,)

M. Se président. La parole est à M. Cou-rant .

M. Gourant. Mesdames, messieurs, il est trop tôt pour faire une synthèse et déjà beaucoup de choses ont été dites. Parlant au nom d ' u n groupe de vingt-cinq mem-bres, qui a laissé à chacun son indépen-dance de vote, je ne pourrai que vous apporter quelques remarques et la somme des pensées des divers membres du groupe.

Je vous dois aussi l 'explication d 'un vote qui, d'accord avec la plupart des membres du groupe, m 'a amené à rejoin-dre, dans l 'adhésion à la Constitution, les voix socialistes et républicaines popu-laires, lorsqu'elles ont, lors du vote sur l 'ensemble, accepté, devant la commis-sion!, le projet qui devait être présenté à l 'Assemblée.

A «dire vrai, ce n'est pas que ce pro-jet satisfasse les différents membres de mon groupe. Nous allons avoir des criti-ques importantes à présenter . Mais lors du premier débat, j avais indiqué com-bien j 'avais conscience de l a nécessité d 'aboutir enfin à autre chose qu 'à cette « vie en meublé », dont parlait M. Rama-dier, h ier , avec éloquence, de la nécessité d 'aboutir à des insti tutions stables et aussi définitives que peuvent l ' ê t r e les insti tutions humaines , de façon à fournir aux plus malheureux, aux sinistrés, a u x vieillards qui meurent de faim l 'âppui que le pays leur doit.

Ce sont ces raisons d'opportunité poli-tique qui nous ont amenés à rejoindre la majori té dans ce dernier vote, et il est nécessaire qu ' au jourd 'hu i j ' indique les critiques sérieuses qui nous poussent à n 'admettre cette consti tution qu 'en mau-gréant, pour ainsi dire et en la considé-rant — j 'en demande pardon au rappor-teur général qui l ' a admirablement pré-sentée hier , — comme une œuvre mé-diocre, parce qu'elle est précisément un travail composite, formé d'assemblages

d ' u n certain nombre de pensées oppo-sées.

Qu'il se rassure, d'ailleurs ! Le 17 août 1789, à la barre de l 'Assemblée nationale, u n illustre prédécesseur de notre rappor-teur général a prononcé les paroles que voici : « Nous ne vous offrons qu 'un très faible essai, que vous améliorerez sans doute, mais sans oublier que le véritable courage de la sagesse consiste à garder, dans le bien même, u n juste milieu. »

Le texte en question est cependant ce-lui de la Déclaration des droits de l 'homme et ce rapporteur était Mirabeau. Par conséquent, il y a des textes légis-latifs qui semblent , A l 'origine, très mé-diocres et qui, dans la suite des temps, apparaissent un peu meilleurs et même attirent l 'adhésion de l 'univers.

M. le rapporteur général. Très b ien!

M. le président de ta commission. Merci de l 'espérance que vous nous donnez!

M. Courant. Je ne voudrais cependant pas, monsieur le président de la commis-sion, vous donner une espérance, trop forte. D'ailleurs, ' les paroles que jé vais prononcer démentiront u n peu cette espé-rance. Elles vous donneront moins forte-ment l 'espoir que la situation qui s 'est pré-sentée, suivant ces propos de Mirabeau, lors de l 'élaboration de la Déclaration des droits de l 'homme, se reproduira pour la Constitution en discussion.

J 'ai suivi les débats de la seconde com-mission de la Constitution. Ils ont été accé-lérés, comme nous le devions au pays. Nous sommes maintenant à même d'exa-miner cette Constitution et de voir ce qu'elle peut apporter à la France. -

Je le répète, cette Constitution nous pa-raît médiocre et c'est, avant tout, parce qu'elle est un compromis entre des ten-dances opposées. Mais je ne voudrais pas

' d o n n e r mon adhésion aux considérations qui ont été présentées hier quant au refe-rendum, et il est nécessaire, je crois, de ce point de vue, d'apporter au débat un certain nombre de rectifications.

On a dit, à maintes reprises, que le refe-rendum avait repoussé la Constitution par 53 p. 100 des voix contre 47 p. 100 et l 'on a voulu souligner que les 47 p. 100 repré-sentaient u n bloc homogène de personnes d'accord sur les principes, alors que les 53 p. 100 représentaient un ensemble dis-parate.

Sans vouloir faire de polémique et sans oublier, c' est un fait certain, que le mau-vais ravitail lement a pu amener certains électeurs à voter contre la Constitution, je dois cependant noter que, dans nos régions sinistrées, toute la .campagne pour l 'adop-tion était basée sur l 'obligation de sortir vite du provisoire, sur l ' impossibilité de maintenir les institutions, faute de quoi on ne pourrait pas rebâtir les maisons, et je me souviens d'avoir lu sur un m u r cette inscription : « Voter « n o n » , c'est la réduc-tion de la ration de pain le mois pro-chain ».

Je demande si les gens qui se sont laissé influencer par cette argumentat ion repré-sentaient bien une partie de ce bloc, sans fissure monolithique des « oui » 'dont on parlait hier. Je ne suis, je l 'avoue, pas convaincu, et je crois qu'i l y avait tout de même là u n ensemble.. . met tons simple-ment , aussi bigarré, aussi composite que l 'était le bloc des 53 p. 100 qui a repoussé la Constitution. (Très bien! très bien! à droite.)

Disons seulement, comme M. Pierre Cot le faisait lui-même lors des derniers dé-

bats , répondant à u n amendement que j 'avais présenté, que la loi démocratique est celle de la major i té , et la major i té s 'é tant prononcée, il faut par conséquent reconstruire sur d 'autres bases, essayer de faire autre chose et répondre aux aspira-tions du peuple français telles qu'elles se sont manifestées, telles qu'i l les a for-mulées lorsqu'il a repoussé cette Consti-tution.

M. le rapporteur général. C'est ce que fait le projet .

M. Courant. C'est ce que M. le rappor-teur pense, tout en formulant dans son rapport général des critiques extrêmement vives, mais en conservant l 'espérance que ces critiques n 'auront pas plus d 'effet que

.celles que pouvait formuler Mirabeau. Je voudrais aborder d'abord la question

du pouvoir législatif. De la première Assemblée je ne parlerai

pour ainsi dire pas, sinon pour rappeler que le droit d'initiative des dépenses est laissé entièrement aux membres de l'As-semblée.

Je voudrais demander — et j 'a i déposé une proposition à cet effet — qu 'une atté-nuation soit apportée à ce plein droi t d'initiative des dépenses qui, étant ainsi constitutionnalisé, ne pourra plus, à notre avis, recevoir aucune atteinte, par voie réglementaire ou législative.

Je voudrais, notamment , que, lors du vote du budget , nous fussent épargnés cette situation assez lamentable que nous avons connue dans les assemblées précé-dentes et les épreuves que nous avons subies, ces amendements créant des dé-penses examinées rapidement et pour ainsi dire sans discussion, ce budget sans cesse remis en question et sans cesse ruiné par des propositions nouvelles.

Je proposerai donc à l 'Assemblée que le droit d'initiative soit seulement suspendu pendant le cours des débats budgétaires — suspendu, ce qui ne veut pas dire sup-primé — car les suggestions qui auraient pu être faites à ce moment le seront aussi bien par des propositions spéciales que les députés pourront présenter plus tard, mais qui auront l 'avantage de ne pas être discutées dans l 'a tmosphère de fièvre qui caractérise les débats budgétaires.

Ce matin, la commission de la Constitu-tion, saisie du problème, s'est séparée en deux parties égales: 21 « oui » et 21 « non ». Nos collègues qui se sont pronon-cés pour la négative ont bien voulu nous assurer qu'ils étaient de cœur avec nous, que cette mesure leur paraissait excel-lente et qu ' i ls étaient disposés à en voter i insertion dans le prochain règlement.

.Je leur demanderai, lorsque la question viendra en discussion, de faire un pas de plus et, puisqu' i ls sont si convaincus de 1 excellence de la mesure, de nous faire 1 amitié de le "déclarer publiquement par leur vote lorsque la prochaine Assemblée sera appelée à faire son règlement. Une telle atti tude ne leur coûtera pas beau-coup, me seipble-t-il, puisqu'i ls se sont déclares # persuadés que nous avions rai-son. J 'a joute que ce sera un apaisement pour le pays qui désire voir apporter un terme aux prodigalités.

, Quant à la seconde Assemblée — c'est évidemment la grosse question — je note une transformation dans le nom. La Chambre de l'Union française est devenue le Conseil de la République. Toutefois, on continue de la nommer « Chambre • de réflexion ».

Avouerai-je, malgré l 'enthousiasme ma-nifesté nar les différents orateurs, nue.

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• l ' e x p r e s s i o n « chambre de réflexion » ne m e satisfait g u è r e ? (Très bien! très bien! à droite.) Cela implique, en somme, si je comprends bien, que la première Assem-blée agira et que la seconde, ensuite, Réflé-chira. C'est une singulière manière d 'en-visager les choses. Mes chers collègues, elle me paraît u n peu humil iante pour la première Assemblée, qu 'on pourra alors supposer être composée de gens qui n 'ont pas pour mission de réfléchir. ' (Sourires.)

M. Boisdon. Elles réfléchiront toutes les d e u x ; une seule décidera. -

M. Courant. J 'a imerais mieux que- ions essayions de concevoir aut rement l ' insti-tu t ion, et peut-être cela nous amênera-t-il à un ensemble de solutions prat iques plus cohérentes .

Cette seconde assemblée, je la vois sous d ' au t res traits et sous une autre forme. Issue du suffrage universel , comme la pre-mière , elle devrait avoir une mission par-ticulière et tout à fai t distincte. Elle de-vrai t consti tuer, auprès de la première, u n de ces contre-poids dont il a été si souvent par lé au cours des débats du mois d 'avri l e t que nous avons si peu aperçus, hé las ! dans le premier projet de Constitution, u n de ces ohecks and balances dont on a (beaucoup parlé également.

Je vois dans cette seconde assemblée, issue du suffrage universel , une assemblée chargée d 'avert ir la première lorsqu'elle s ' écar tera de la volonté populaire.

Dans la première chambre réside la sou-vera ineté du peuple . Auprès d'elle, une seconde assemblée, issue du suffrage uni-versel , est là pour lui d i re : « Il nous paraît q u e . v o u s vous écartez de la volonté du peuple »,

M. le rapporteur général. Par quelle ins-pirat ion cette déviation apparaîtra-t-elle ?

M. Courant. Si cette seconde assemblée fai t obseryer à la première qu'elle s 'écar te de l 'expression de la volonté du peuple, il e n pou r ra ' r é su l t e r de nombreuses consé-quences prat iques, en tenant compte des-quel les nous pourrons , semble-t-il, aména-g e r les institutions, d ' une façon cohérente. . Tout d 'abord, la première assemblée conserve le droit de passer outre aux avis •de la seconde. Nous sommes tous d'accord teur ce point. Il ne s 'agit donc pas de res-susc i te r une séconde chambre qui serait susceptible d ' imposer une opinion person-nelle. Cette seconde chambre aura seule-m e n t pour mission — comme c'est actuel-l e m e n t , je crois, ce qui se produit pour ce ;qui reste de la Chambre des Lords — d 'examiner si la volonté manifestée par la p remiè re assemblée est conforme à l 'opi-n ion et à Ta volonté du peuple. * Et si la seconde chambre, qui sera issue

rdu suffrage universel , manifes te à la pre-mière qu'elle lui paraî t enfreindre ou înal in te rpré te r la volonté populaire, je pense .qu'il sera alors possible d 'obtenir que la souveraineté nationale soit exprimée par l 'Assemblée nationale d 'une manière en-t iè rement débarrassée d 'équivoque.

J 'avais proposé, lors des précédents dé-ba ts sur la Constitution que, dans le cas que je viens d 'envisager, on s 'assurât de la fidélité à la volonté populaire en de-m a n d a n t à la première Assemblée de se prononcer à une major i té renforcée. L'idée a été admise, mais, seulement partielle-men t , puisque, seule, la major i té absolue des m e m b r e s composant l 'Assemblée est requise. Je crois q u ' u n e telle major i té de-m e u r e insuffisante encore, car j 'envisage

avec quelque inquiétude, mes chers col-lègues, ce qui se produira si la seconde Assemblée, d ' aventure , à une forte majo-ri té , refuse d 'admet t re u n projet voté par la première et si, ensuite, à la major i té d 'une voix, par exemple, la principale as-semblée reprend son texte et vote la loi.

Je me demande si un tel texte, admis à une si faible itiajorité malgré l 'avertisse-ment solennel de la seconde assemblée, aura dans le pays tout le crédit, tout l 'as-cendant qui sont nécessaires à la loi dans une grande nation. Et c'est pourquoi je pense que, sur ce point , nous agirions sa-gement en corrigeant ^quelque peu le, pro-jet qui nous est soumis.

D'ailleurs, je ne crains pas des major i tés u n peu renforcées. Nous avons tous lu , il y a une quinzaine de jours , que lors des débats qui se déroulent actuellement à Paris, la voix d ' un grand personnage di-plomatique d 'un pays allié s 'étai t fait en-tendre, vantan t ces major i tés renforcées

.et déclarant qu'elles étaient indispensables dans l ' in térêt même et pour la dignité de l 'Assemblée réunie à Paris Après cela, je ne vois pas quelle opposition de doctrine.. .

M. le rapporteur général. Très b ien I

U. Courant. ...on pourrai t formuler contre une pareille thèse.

Je crois, au contraire, que, pour la di-gnité même du conseil de la République et des inst i tut ions françaises, on pourrai t parfai tement admet t re cette major i té ren-forcée.

Quel sera l ' avenir de ce conseil de la République ? Je pense qu' i l ne reçoit pas beaucoup de pouvoirs et qu'il prendra sim-plement l 'autori té qu 'auront les hommes qui le composeront, car il n 'obt iendra pas grand 'chose, à cet égard ni par lui-même, n i par les insti tutions.

Si cette Assemblée et le pays ratifient la Constitution, j 'espère que le conseil de la République aura u n rôle efficace. J 'avoue que, sur ce point , les inst i tut ions que l ' on nous propose de créer me paraissent assez faibles pour que nous ayons quelque in-quiétude et , fais surtout des réserves s u r ce point si le pays est destiné à se maintenir sous le régime des part is tels qu' i ls sont organisés.

En effet, de deux choses l ' une : ou b ien nous nous t rouverons en présence de deux assemblées qui auront la même compo-sition, et par conséquent la seconde As-semblée ne pourra que ratifier ce que les m ê m e s éléments auront fait dans la pre-miè re ; ou bien on arrivera au contraire, en présence de trois part is importants qui disposeront de la major i té , à des décom-positions un peu différentes, et je crains qu 'alors il ne résul te de cette si tuation des convulsions et des difficultés particu-l ièrement graves pour la bonne- entente m ê m e des partis au pouvoir.

Je passe à l 'exécutif . J 'a i entendu dès voix éloquentes et au-

torisées parler hier du président cle la Ré-publ ique; L 'un de nos collègues le dépei-gnait déjà comme u n dangereux despote. Un a u t o voyait en lui une sorte de per-sonnage dérisoire sans aucune espèce de pouvoir véritable. Les opinions sont par conséquent séparées par u n large fossé,

Voyons de façon concrète ce que, posi-t ivement , le président de la République nouveau a gagné et ce qu ' i l a perdu.

Il a gagné, en définitive, bien peu de chose.

Dans la procédure de dissolution, dé-clare-t-on, il aura u n rôle écrasant et il pourra dissoudre la Chambre. En réalité,

il se borne à siéger au conseil des mU nistres où la tradition veut, paraît-il,, qu ' i l ne vote jamais, . .

M. le président de la commission. Per-sonne n ' y vote jamais.

M. Courant. ...et c 'est seulement par son influence personnelle qu' i l pourra exercer une action sur le conseil des minis t res . Mais je ne vois pas qu ' i l y ait là la moin* dre trace de pouvoir personnel .

Dans- le domaine judiciaire, il est vra i , le président de la République prend u n pouvoir u n • peu étendu, devenant , e n somme, le chef de ce pouvoir judiciaire. Mais où y a-t-il là une amorce de dicta-ture ? Ce n ' e s t pas par une intrusion dans le pouvoir judiciaire qu 'on peut faire la dictature.

Par conséquent, je ne vois vraiment pas en quoi le président de la République deviendrait un personnage dangereux. - Je sais qu' i l a gardé le droit de mes-

sage, mais ce droit il l 'a tou jours eu et je ne sache pas que cela ait provoqué d 'énormes remous dans le pays. Dii res te , si on lui supprimait le droit de message, il m'apparaî t bien q u ' u n discours ou u n e simple interview à un journaliste pourrai t lui permet t re de faire entendre son- avis devant le pays , et qu ' i l n ' en résul terai t aucun changement profond.

Le président de la République est pré-sident du conseil . supérieur de la gue r re qui, nous 'd i t -on , se réuni t très rarement*

M. le président de la commission. Du comité de ia défense nationale qui, lui f se r éun i t !

M. Courant. Il préside le comité de là défense nationale. Il ne semble pas qu ' i l puisse y jouer un rôle capital,- dangereux pour le pays.

Il conserve les procès-verbaux des réu-nions du conseil des ministres . C'est une chose nouvelle, qui . est importante. Mais' nous sommes tous d'accord pour dire que cela ne peut pas avoir de danger, ni. lui permettre d 'usurper des pouvoirs que nous ne voulons pas lui donner .

M. Betolaud. C'est un rôle de gardien d3 musée !

M. le président. Eh! bien, gardez le silence! (Rires.)

M. Courant. Je ne veux pas r e v e n i r sur, les polémiques anciennes ; je constate sim«. plement qu ' i l n 'apparaî t pas que cela puisse lui donner un rôle dangereux.

Je passe au pouvoir judiciaire, au su j e t duquel un gros débat s'est ouvert dans le pays.

La question de l ' indépendance du pou-vçir judiciaire a grandement ému l'opi* nion. Le pays tout entier désire re t rouve^ des insti tutions judiciaires dignes de lu i , de son passé et de ses grandes traditions.; Nous avons cherché une solution transac* tionnellë de nature à être acceptée pa£ tous.

Nous étions en présence d 'une volonté, ne t tement affirmée dans la première Cons* ti tution, de donner à u n pouvoir uniques ment politique le contrôle de la justice t de même s 'était affirmée la déterminat ion de réserver ce contrôle de la justice à un, corps str ictement judiciaire.

Pour arriver à réun i r ces différents élé-ments , v il n ' y a qu'Un moyen , non util isé d 'ai l leurs par la première Constitutionf c'est de désigner en nombre égal, deâ représentants du pouvoir politique et du pouvoir judiciaire et de ,les faire départa-ger par. que lqu 'un .

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La première Constitution avait prévu un ûomtea inégal de représentants des deux p e t i t s . Bans l e nouveau projet, nous avons prévu que feraient partie du conseil de la magistrature quatre membres du {pouvoir politique et quatre membres de la justice,, choisis dans les différentes caté-gories de magistrats. Nous avons, cherché à les départager par quelqu'un qui soit au-dessus des partis et du débat' et qui puisse agir dans l 'intérêt national. Nous avons pensé que cela pouvait être le pré-sident de' la République.

Sur ee point, je crois que le texte cons-titutionnel sera admis par l'Assemblée, sauf peut-être, à aménager ce- pouvoir d'ar-bitrage, car, bien entendu, je pense que personne d'entre nous n'imagine qu'il soit tout à, fai t immuable.

Nous avons proposé que le prétsident de la République,, le garde des sceaux et deux membres désignés, par le président de la République constituent cet arbi-trage.

IL est possible de retrancher vrn membre i e ce conseil1 ou de: lui en.-ajouter un..

Un amendement qui a été déposé en-tend limiter le pouvoir du précisent de l'a République dans ce choix en liai im-posant de' ne choisir les deux, membres qu'il aura à désigner que dans certaines catégories.

Je ,erons que, sur ce point, l'essentiel du projet constitutionnel sera actois et que,, par conséquent,, nous, arriverons à un rapprochement souhaitable.

Je n ' a i pas le même espoir à propos du (chapitre concernant les collectivités locales. Je salue cependant dans ce -cha-pi tre une. partie qui me' paraît extrême-ment utile : c'est l 'affirmation du retour aux libertés municipales telles qu 'on les envisageait autrefois.

De ee point de vue une œuvre a été* ac-complie' qui est néfaste. Elle ret ire aux municipailités un» grand nombre de. leurs attributions. Je crois nécessaire de les leur rendre'. Hais certaines dispositions de ce chapitre donneront certainement lieu à un examen attentif et à un débat.

Il m'apparaît, par exemple, dangereux d'affirmer dans ce chapitre qu'en atten-

Gommeneer tou t au moins, i l pourrait être envisagé de confier aux: présidents de conseils généraux: et aux conseils géné-raux la tâche de préparer et de voter le budget départemental,. les préfets gardant la plupart des attributions qui étaient (pré-cédemment les leurs.

Je n 'a i pas l 'intention de commenter longuement les dispositions relatives au. contrôle de la constitutionnalité des lois.

La commission de la constitution, pré-voit, à cet égard, la désignation d'un co-mité de trente membres nommés chaque a n n é ^ p a r l'Assemblée. Qu'il me soit per-mis de penser que ces trente membres,, nommés chaque année par chaque assem-blée, auront vis-à-vis d'eMe bien peu d'in-dépendance.

J'entendais dire hier que l'existence d'e ce mécanisme d.e contrôle de constitution-nalité est susceptible d'entraver les pou-voirs de l'Assamblée. Je n e crois pas que les craintes formulées, soient exactes. Tout au contraire, ee comité d*e contrôle de constitutionnalité est beaucoup trop près de l'Assemblée et trop constamment re-nouvelé pour avoir vis-à-vis d'elle une in-dépendance réelle et, en définitive, il aura beaucoup de peine à donner un avis con-traire à celui de l'Assemblée. 1 agira peut-être par la crainte qu'il inspirera. Peut-être ce mécanisme de contrôle évitera-t-il le vote i e lois- inconstitutionnelles. Je sup-pose qu'il incitera à attacher plus d'atten-tion au caractère constitutionnel des lois. C'est le souhait que je forme et c'est peut-être le meilleur efïet qu'aura cette institu-tion.

J e ne dirai rien i e l'Union française si ce n 'est pour exprimer le regret que. j 'ai de trouver dans le texte certaines for-mules qui semblent difficiles à accepter. Un débat sur l'Union française viendra ul-térieurement et sera,, j ' en suis certain, traité à fond. Ce n 'est pas: le moment de parler de cette question,

Il reste ce qui sera la préambule mais ce que .nous avons examiné en dernier l ieu: la Déclaration des droits.

La Déclaration ancienne contenait un grand nombre de dispositions critiquées, mais elle était une. Déclaration, On fera

ldant le vote des institutions définitives | ^ f ^ l ^ k À à l ^ ^ ^ ^ concernant les collectivités locales, on re- | b.iale. n i une ' Déclaration ?

viendra à la législation de 1939, bien que certaines lois ultérieures aient été; vali-dées expressément et qu 'on ait reconnu leur utilité en l'état, actuel des choses.

Je crains que, dans les administrations municipctle^ souvent si difficiles & mener et dont'le personnel réduit est obsédé par une foule de fonctions, l 'on ne- procède ainsi à. iexiix bouleversements successifs à pen de, distance, que l'on ne rétablisse un. régime ancien -et dé jà peut-être oublié ê'es fonetuonnadres. et que, dans six mois, m ne trouve .un régime meilleur.

Un tel processus serait évidemment de nature à créer l 'insécurité, à donner m e impression de décousu dane la pensée et e'est pourquoi, selon moi, il y aura lieu fie réfléchir.

dispositions présentées* concernant î es collectivités départementales méritent,, elles , aœsi,. d 'ê tre examinées attentive-ment. H y a 1 également une. œuvre: à aecomplk,, mais il paraît dangereux d'ins-taller auprès «Ta préfet qui^ selon le sys-tème prévm par la commission, conservera un rôle important,, un attire personnage qui disposera, d 'un pouvoir important lui aussi et avec lequel il pourra éventmdile-meat entrer en conflit. J restime qu'il j a lieu de délimiter avec précision les attri-butions de l 'un et de l 'autre et que, pour

u n préarn-— Elle contient

d excellentes dispositions;, elle contient un certain nombre de principes.. J 'ai peur que les électeurs auxquels a. été soumis le texte du 5 mai n ' y cherchent les points auxquels,. pour des raisons personnelles, ils avaient attribué l'e plus d'Importance et qu'ils regrettent de ne pas-, y retrouver un certain nombre de dispositions qu'ils jngaient particulièrement propices ou in-téressantes pour eux.

Ce matin, il est vraî r la? commission a bien voulu ajouter quelques principes nouveaux à ceux qui sont insérés dans le texte écrit, notamment la reconnaissance d e l à solidarité nationale» à l'égard-des vic-times de la guerre-, par conséquent,, des anciens combattants et i e s sinistrés. Cette mention était indispensable. Peut-être d'autres additions se révéleront-elles né-cessaires.

Il reste que Te nouveau texte de la Dé-claration sera, je ïe crois, l 'objet de nom-breuses critiques.

Mais- nous ne devons pas; oublier qu'avant même les précédents débats, dans la commission qui a préparé la cons-titution repoussée par le pays, il avait é té décidé de retirer toute: portée pratique à t a Déclaration des droits-; Avant que le contrôle de la constitutionnalité fût enlevé: de cette constitution, il avait «été décidé

qu'il n e s'appliquerait pas à la. Déclaration des droite..

Ce jour-là, la Déclaration des droits a perdu beaucoup de sa portée. Par consé-

. quent, comme elle ne s'mtegrera plus parmi les textes qui s'imposent, il sera difficile de refuser de voter les: textes lé-gaux sous prétexte que la Déclaration contiendrait' des dispositions qui n& plai-sent pas "ou, surtout, parce qu'elle n 'en

•contiendrait pas qui paraîtraient essen-tielles.

Le texte nouveau reproduit cette disposi-tion, puisqu'il a prévu que le contrôle de la constiiutionnalité ne s'appliquera qu 'aux titres I à XI de la Constitution et que le préambule de la Déclaration n'aura pas le même efïet légal. Si res-pectable et important qu'il soit, ce texte n 'a pas pour le pays la même importance capitale que la Constitution.

Pour me résumer, ce texte se présente comme un compromis,, peut-être un mau-vais, compromis. Cependant, je suis dis-posé — et je crois que les membres de mon groupe le sont, également — à le vo-ter §'il n 'est point aggravé, si une disposi-tion contraire: à nos sentiments n ' y est pas ajoutée, en nous: inspirant uniquement de cette idée qu'il faut apaiser les souffrances du présent et garder à la France ses pos-sibilités* d'action qu'elle ne doit pas épui-ser en des discussions incessamment re-nouvelées et stériles.

Au-dessus de nous planent de nouveaux dangers, graves-, obsédants, tellement gra-ves que n o m pouvons;,, hélas î: n o œ de-mander si l 'humanité est guérie de ces horribles spectacles, qu'elle a donnés au cours des années passées. Peut-être som-mes-nous à la veille d'événements telle-ment graves que nos débats philosophi-ques, si beaux soient-ils,, ont un caractère quelque peu anachronique. Peut-être les événements nous pressent-ils encore phïs que nous ne l e supposons.

C'est pourquoi il; faut aboutir, e'est pour-quoi il est nécessaire que chacun fasse un effort pour corriger cette Constitution, c'est pourquoi nous demanderons, mes amis et moi,, qu 'on Famende dans le: sens que j 'a i proposé.

Nous espérons qu'il se. manifestera dans cette Assemblée tune bonne volonté com-mune et réaliste qui permettra de donner au peuple français u n texte acceptable pour tous, que chacun envisagera non pas comme la réalisation de ses désirs et de son programme, mais comme une conces-sion faite dans l'Intérêt du? pays afin <$ue celui-ci «e développe normalement et puisse se: remettre au travail'.

Je me demande certaines, fofe,. lorsque: nous nous livrons ainsi à des débats philo-sophiques, de belle allure,, certes, mais de caractère* un peu: stérile, si nous gom-mes bien au rythme du temps. Je me souviens d'une civilisation qui, autrefois, s'écroulait, pendant que les notables de la ville échangeaient des eonsidéralîcms

lorsqu'on pariera de noms, nous soyons : ceux qui philosophaient alors que les évé-* nements étalent si graves et si obsédants* alors que les besoins étaient si pressants,-que le pays était encore sous u n véritable choc opératoire, dans u n état terrible, dont nous sommes tons les témoins.

C'est dans cet esprit, uniquement dans cet esprit, pour i e s raisons de fait et de sentiment^ serais-je tenté de dire — si les sentiments peuvent étire pour quelque chose dans u n débat contitutionnel — que j 'ai apporté mon adhésion au projet de la

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commission dont je ne me dissimule nul-lement les graves défauts.

Mais il faut u n e Constitution à la France et je voudrais que, plus tard, on ne dise pas trop de nous que, comme le s Byzan-t ins , nous avons, au moment le plus cri-t ique pour le pays, discuté sur le sexe des anges. (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs à gauche.)

m . la présidant. La parole es t à M. Le-court . (Applaudissements au centre.)

M. Robert Lecourt* ^ Mesdames, mes-sieurs. Dans ce débat, il est passible de ti-rer un certain nombre de conclusions.

Pour moi trois impressions essentielles se dégagent de ces deux jours de discus-sion.

D'abord, à entendre les divers orateurs qui sont in tervenus à cette t r ibune, il ap-paraît q u ' u n accord presque tota l .es t réa-lisé au moins sur u n point : il fau t rapi-dement à la France u n e Constitution qu i n e soit pas celle d ' u n part i mais qui soit capable de réunir sur ces bancs une très large majori té et d 'ê tre très largement ac-ceptée par le pays.

Il n ' es t pas possible d'envisager une Constitution de parti, une Constitution de bataille. Les su je t s de querelle et de di-vision ne sont-ils pas suff isamment nom-breux pour que les Français veuillent en-core a jouter celui-ci ? Il semblé donc, après avoir en tendu les divers orateurs, qu 'on soit prêt , dè tous côtés, à faire u n effort pour accepter une Constitution qui re-çoise l 'appui d 'une très large majori té .

Une seconde observation se dégage éga-lement de ces débats : si tout le monde

Eense qu ' i l faut réaliser dans cette Assem-

lée une large majori té en faveur de la Constitution, chacun voudrait que l 'on se mî t d'accord sur ses propres* conceptions constitutionnelles. Entre ces deux obser-vations réside vraiment la difficulté.

Puis vient une troisième observation qu' i l vaut la peine de souligner, c 'est que tout le monde actuellement se réclame du régime républicain. Il n ' y à plus personne pour contester la République, la forme républicaine du Gouvernement ; il n ' y a plus personne pour contester le droit de cité en France à * l a l iber té ; il n ' y a plus personne qui se réclame de la dictature d ' u n homme, d 'une classe ou d ' u n parti . (Murmures à droite et sur quelques bancs à gauche,)

Il semblerait donc qu 'un accord puisse être rapidement réalisé.

Cependant il apparaît qu'i l a été plus facile dans le passé à une Assemblée de major i té monarchiste de faire u n e consti-tut ion républicaine qu ' i l "ne l 'es t aujour-d ' hu i à une Assemblée composée unique-ment de républicains. (Applaudissements au centre.)

H nous faut , les orateurs l 'ont encore dit, respecter la volonté» exprimée par la nation le 5 mai . Tout le monde est bien d'accord. Mais l 'entendais h ier M. Pierre Cot, au talent auquel je veux rendre u n réel et t rès sincère hommage (Très bien l très bien!) déclarer qu ' i l fallait interpréter le re ferendum, ce re fe rendum qui est ap-paru aux yeux du Français moyen que je suis comme u n e victoire, faible, c 'est en-tendu, mais net te , de ceux qui repous-saient le projet de Constitution,

M. Pierre Cot a fait une démonstrat ion intéressante. Je disais tout à l 'heure qu ' i l avait du talent, beaucoup de t a l e n t II me permet t ra de lui dire qu ' i l en a peut-être eu trop en la circonstance, puisqu ' i l est arrivé à cette démonstration prestigieuse, par tant des chiffres connus, que ce sont

les protagonistes du « non » qui devraient au jourd 'hu i sacrifier sur l 'autel de la Cons-titution les points su r lesquels ils ont t r iomphé le 5 mai.

M. Pierre Cot. Si vous voulez bien relire mon discours au Journal officiel, vous ver-rez que je n ' a i pas dit cela. J ' a i simple-ment demandé qu 'on t ienne compte des 47 et quelques dixièmes p. 100 de suffrages recueillis par la minorité.?

M. Robert Lecourt. Nous allons repren-dre votre démonstration, elle est extrême-ment simple e t comporte trois étapes :

Première étape. Vous avez di t : « Cons-tatez que la major i té est faible : 47 p. 100 d 'un côté, 52 p. 100 de l 'autre . 5 p. 100 de différence, c 'est vraiment maigre 1 »

Deuxième étape. Vous a joutez : « La mi-norité est considérable : 47 et quelques dixièmes p. 100. »

Troisième étape. « Quant à la majori té , dites-vous — ces misérables 52 p. 100 —, elle est parfai tement désunie. Elle est composée de ceux* qui ont repoussé la Constitution pour les raisons les plus di-verses, de ceux qui l 'ont repoussée pour la Déclaration des droits, de certains au-tres qui l 'ont re jetée à cause du ravitail-lement, d 'aut res encore qui l 'ont repous-sée à cause de la loi électorale. Consé-quence : il est donc nécessaire que vgjis fassiez, des efforts et que vous consen-tiez u n certain nombre de sacrifices. »

Je ne reviendrai pas sur tout cela. D'au-tres orateurs se sont expliqués à ce propos. Il est deux points que je veux cependant relever, afin de permettre à l 'Assemblée de mieux considérer le problème.

D'abord, le projet actuel n 'es t pas le pro-jet des protagonistes du « non ». Ce projet est soutenu par le mouvement républicain populaire, certes, mais les autres partis ou groupes qui demandèrent au pays, le 5 mai dernier, de répondre non-, n e l e soutiennent pas jusqu 'à présent .

D'autre par t , une partie non négligea-ble, vous me l 'accorderez, des représen-tants des « oui », soutient le projet de la commission.

Voilà la première erreur que vous avez commise. (Applaudissements au centre et à droite.)

Il y en a une deuxième et, si je l ' indi-que, c'est pour vous rendre u n hommage. Je crois que l 'on vous a calomnié quand, au cours de la campagne électorale précé-dant le referendum, on a déclaré que vous contestiez le droit de propriété. Il me pa-raît , au contraire, que vous avez u n sens très vif du droit de propriété, car vous avez pris pour vous ces 47 p. 100, vous vous en êtes fait le chef ; en leur nom, vous avez demandé qu 'on veuille bien vous consentir ces concessions, ces sacri-fices.

Or, en ce moment , êtes-vous sûr que ces 47 p. 100 soient derrière vous ? (Applaudis-sements an centre et à droite.)

M. Pierre Cot. Quoi qu ' i l en soit, tout est bien puisque vous conservez votre ma-jorité. (Rires à Vextrême gauche.)

M. Pierre Hervé. Non, car si l 'on retire tous les Vichystes, il ne reste pas 52 p. 100 de l ' au t re côté non plus ! {Applaudis-sements à Vextrême gauche.)

19. Robert Lecourt. Que fallait-il faire? Permettez-moi, en. un très bref raccourci

d 'histoire, de remonter aux 18 et 19 avril . Que s'est-il passé lorsque nous nous

sommes trouvés en présence d 'un projet consti tutionnel que le groupe du mouve-

ment républicain populaire ne pouvait pas accepter î Ce groupe a énoncé u n certain nombre de conditions. Il a indiqué qu ' i l lui serait • impossible de donner son ac-cord au texte du projet s i l 'on ne com* geait pas de façon ma jeure les disposi-tions prises à l 'égard de la deuxième chambre, du président da la République, du droit d é dissolution, de 1 indépen-dance de la magis t ra ture .

Ces conditions ont été refusées, et la campagne du referendum s 'est développée sur ce thème.

Je rappelle que non seulement le groupe que je représente, mais encore u n certain nombre d 'autres partis, ont, en fait, con-centré leurs critiques à l 'égard du projet constitutionnel sur ces quatre points es-sentiels.

Le pays', après avoir entendu ces criti-ques, les a jugées. Il l 'a lai t le 5 mai . à une majori té certes de 5 p. 100, mais les républicains, conséquents que nous som-mes, et que vous êtes-, acceptent q u ' u n e seule voix de majori té les départage. Là, plus d 'un million de voix nous ont dépar-tagés.

Ainsi, il s 'agit tout s implement d'ap-pliquer, au jourd 'hui , ce que la nat ion a voulu le 5 mai. Un point, c 'est tout .

Si vous faites le total des amendements déposés par vos amis, vous vous aperce-vrez que Pensemble du projet de la com-mission parviendrait à ressembler comme u n frère à celui du 19 avril et qu' i l n ' y aurait pas de différence essentielle, si ces amendements étaient acceptés, entre le projet d ' au jourd 'hu i et le projet de na-guère.

On nous a d i t : « Ah î s i vous étiez moins gourmands ; si, au moins, vous vous borniez à l 'essentiel ».

Mais, cet essentiel, on ne nous raccorde même pas ; il nous est au jourd 'hu i refusé sur les points les plus litigieux les 18 et 19 avril, et admis par la nation le 5 mai .

Dès lors ,•aurions-nous fait u n referen-dum pour r ien ? Tiendrions-nous pour nul et non avenu ce million de voix qui a dé-passé les neuf millions environ que le pro-jet ancien a recueillies ?

J 'entends bien : vous faites des critiques au texte de la commission, et vous avez le droit d 'en faire, et nous en faisons nous-mêmes de sérieuses, de sévères. Vos objec-tions ont été réfutées à cette t r ibune. M. le président de la commission, M. le rappor-teur général n ' y manqueront pas après moi. Je n ' y reviendrai pas.

Je constate seulement que l 'on critique essentiellement et le président de la Répu-blique et la deuxième assemblée, le prési-dent de la République, ce fameux « grand méchant loup », dangereux par ici, insi-gnifiant par là, la deuxième Assemblée qui, f>our les uns , est « le Sénat » et <c l 'Assemblée fantôme » pour M. BastiM.

Parlant de cette deuxième assemblée, vous craignez qu'elle provoque une oppo-sition systématique, qu'elle permette u n e obstruction aux réformes voulues par la première.

Cependant, monsieur Pierre Cot, si vous avez rapproché le texte de votre ancien rapport de celui qui nous est au jou rd 'hu i soumis, vous vous êtes certainement rendu compte qu ' eux aussi ils se ressemà 'en t comme deux frères, quan t A la procédure législative prévue pour la seconde assem-blée. La seule différence t ient en ce que b délai de délibération accordé à celle-ci n 'es t plus d ' u n mois mais de deux mois.

Où est donc l 'obstruction que peut faire la deuxième assemblée ? Vous le voyez, cela n 'es t pas sérieux.

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Enfin, nous a dit M. Fajon, le projet de la commission s'écarte « violemment » de l'ancien texte. En quoi donc ?

Je ne répondrai, pas à cette objection. M. Ramadier l'a fait hier. Ce que je repro-cherais, pour ma part, au texte de la com-mission, c'est au contraire d'être parfois trop voisin du texte ancien. Les critiques que nous pouvons lui adresser sont, diamé-tralement opposées aux vôtres. C'est pré-cisément ce qui a motivé les réserves que mon ami M. Henri Teitgen est venu hier présenter à cette tribune.

Ilier, vous nous avez mis en demeure d'indiquer les efforts que nous aurions laits pour aboutir à une conciliation. Il suffit de reprendre l'histoire de la commis-sion de la Constitution, depuis le premier jour, pour constater que ces efforts appa-raissent dès le dépôt de notre projet *-ur ie bureau de l'Assemblée.

Ce projet se présentait, au départ, comme le résultat d'un effort transaction-nel, si on le compare avec les thèses ,que nous soutenions au cours de la précédente Assemblée. Voyez, par exemple, 1e te:*te iTeilatif à la seconde assemblée.

Puis, notre effort s 'est porté au sein même de la commission sur le projet qui devait servir de base à ses travaux. Nous avons accepté de prendre comme, base de discussion le texte même du 19 avril 1916. ITrcs bien ! très bien ! an centre.)

M. Dotrtinjon. C'est très important.

H. Robert Lecourt. Vous disiez hier : « C'est entendu, vous avez pris notre an-cien texte, mais vous y avez apporté de telles modifications qu'il n 'en reste plus rien. » /

Je n'ai plus le souvenir de votre dé-monstration chiffrée, mais, autant qu'il m'en souvienne, je crois que vous recon-naissiez que deux tiers des articles avaient été modifiés et qu 'un tiers ne l'avait pas été. Mais, j 'y insiste, un tiers des arti-cles n 'a ipas été modifié et se trouve lit-téralement reproduit dans le projet de la commission.

M. le président de ia commission. Dans la déclaration des droits.

M. Robert Lecourt. Quant aux autres ar-ticles, les modifications qui ont été appor-tées à la plupart d'entre eux sont telles que leur structure ou leur nature n 'en est pas toujours changée. Voyez, par exem-ple, l'article qui a trait à la procédure de-vant la deuxième assemblée, dans lequel n 'a été modifié que le délai, porté de un à deux mois.

Donc, dans l'ensemble, la base des tra-vaux de la commission a été votre texte dont un certain nombre de dispositions ont été conservées et se retrouvent inté-gralement dans le projet aujourd'hui sour mis à l'Assemblée.

Allons au delà. J'ai parlé de la deuxième assemblée. Voulez-vous que nous parlions du président du Conseil ?

Vous connaissiez notre position initiale. Vous saviez pourquoi nous voulions que le (président du conseil fût désigné par le président de la République. Lorsque, de-vant la commission, après des discussions avec le parti socialiste et avec vous-mê-mes. nous avons accepté à titre purement transactionnel que le choix du président du Conseil, désigné d'abord par le prési-dent de la République, fût soumis à un «vote de confiance de l'Assemblée, ce fu t un nouvel effort, et qui n'est (pas mince île notre par t i

J 'en dirai autant de la procédure de dis-solution, nous avons fait un nouvel effort pour nous rencontrer avec vous et avec le parti socialiste, un effort semblable ayant été fait ipar ce dernier.

Voilà donc un certain nombre d'exem-ples de nôtre volonté de conciliation et dont le moindre n'est ipas la décision que nous avons prise de présenter peu d'a-mendements.

Ainsi donc, nous avons tout fait pour que le projet de constitution qui nous est aujourd'hui présenté soit accepté par l ' i m -mense majorité de l'Assemblée et, *par conséquent', par l 'immense majorité du paps. Et voilà qu'à nouveau on fait appel, à des concessions supplémentaires!

11 faut être sérieux. L'ensemble de ces concessions, l'ensemble de ces efforts n'est-il pas important ?

M. Jacques Duclos. Insuffisant!

M. Robert Lecourt. Est-ce que, par ail-leurs, on ne se fait pas certaines illusions sur un éventuel abandon par notre mou-vement des thèses que le pays nous a de-mandé, le 5 mai de défendre"?

M. Pierre Hervé. La liberté de l'ensei-gnement !

M. Robert Lecourt. Désirez-vous que nous revenions au texte ancien, ou à peu près, en adoptant les amendements que vous avez déposés ?

Nous faisons aujourd'hui, comme nous l'avons toujours fait,, appel au plus grand nombre, je peux même dire appel à tous pour que cette constitution, soit votée.

Mais nous entendons être" des « républi-cains conséquents. »

M. Jacques Duclos. Faites des conces-sions !

M. Robert Lecourt. Etre républicain, ce n'est pas toujours facile, je vous l'accorde. Il est sans doute facile d'être républicain quand le peuple vous a donné raison ; il est peut-être plus courageux de le demeu-rer quand le peuple vous a donné tort, (Applaudissements au centre et à droite.)

Le 5 mai, la nation s'est prononcée avec netteté. Il ne s'agit pas maintenant de ruser avec son verdict. Les républicains conséquents sont ceux qui respectent jus-qu'au bout sa volonté. (Applaudissements au centre.)

M. le président. La parole est à M. René Coty.

M. René Coty. Mes chers collègues, dans un exposé que je voudrais très objectif et aussi bref que possible, je ne parlerai du referendum que pour constater que ce troisième referendum constitutionnel coïn-cidera, à peu de jours près, avec l'anni-versaire du premier.

Que dans cette France d'après deux guerres — où il y a tant à faire, où pres-que tout est à refaire — nous nous soyons ainsi attardés dans une controverse aussi longue et, parfois, aussi passionnée, sur le ' pacte fondamental de l'Etat, cela ne doit pas faire oublier en France, ni à l'étrangler, que dès l'abord nous sommes tous tombés d'accord sur le principe mê-me de la République, tel qu'il est formulé dans l'article 1er du projet de la commis-sion. Cette unanimité, dans une nation qui, en un siècle et demi, a connu une bonne douzaine de régimes constitution-nels, est un fait, un fait historique, dont nous serions injustes et ingrats de ne pas faire honneur à la IIIe République, qui, quelques erreurs et quelques fautes qu'élis

ait pu commettre, a eu du moins ce mé-rite, dans un pays qu'elle a trouvé en:

majorité royaliste et qui, la veille, étail| en grande majorité bonapartiste, de s'ac-climater, de s'enraciner si fortement!

•qu'elle ^paraissait être devenue le régime.1

incontesté du pays. . - ^ Et pourtant, avant même de sombrer,-

la 111° République, après sa période mili-tante et sa période triomphante, qui plu$ tard, avec le recul du temps, apparaîtront^ comme une des plus belles époques de notre histoire ,de France, la IIIe Républi^ que, après les cruels sacrifices de la pre^; mière guerre mondiale, a connu sa pé-j riode souffrante qui a été, hélas, une pé-riode de décadence indiscutable. Pour nous en tenir à ce débat constitutionnel, en quoi nos institutions y ont-elles contri-bué ? Voilà, à mon sens, la première ques-; tion que la commission de la constitution aurait dû se poser, si elle avait eu davan-tage recours à cette méthode moderne qu'est la méthode éxpérimentale. En cej qui me concerne, mes modestes observa-tions et réflexions m'ont conduit à la eon«* clusion que ce déclin de la IIP République; était dû à ce qu'elle était trop conserva-trice.

M. le président de la commission. Très bien !

M. René Coty. Je le dis aujourd'hui à! cette Assemblée, comme il y a une quin-i zaine d'années je l'ai dit à la Chambre,' dans trois positions dont la dernière al abouti à la nomination d'une commissionJ de la réforme de l'Etat, qui a été suippri-» mée-au lendemain des élections de 1936. «

Oui, la IIP République a été trop conser-! vatrice, et pas seulement dans le domaine^ constitutionnel. Nous avons presque tou-; jours été les plus avancés en. idées.i (Rires à Vextrême gauche.)

M. Jacques Duclos. Avec Doumergue I

M. René Coty. ...mais, en fait de réalisa* tions, constatons, à quelque parti que nous:" appartenions et quels que soient les gou-vernements qui se sont succédé, que nôu$ étions presque toujours fort en retard pari rapport aux autres grands pays pleine-ment civilisés.

Nous conservions avec un soin trog jaloux notre Constitution, mais nous con-» servions aussi avec excès nos vieilles ad-: ministrations routinières.

M. Jacques Duclos. Très bien ! Faire dit neuf !

M. René Coty. Nous conservions les tau^ dis...

M. Jacques Duclos. C'est vrai.

M. René Coty. ...de nos villes, de nos banlieues et de nos campagnes, nous con^ servions une fiscalité désuète, nous conser-i1

vions et nous laissions s'aggraver la déna-^ talité et l'alcoolisme... et j 'espère que nous, sommes toujours d'accord ? (Très bien 1 très bien! à droite.) En matière sociale..V

M. Jacques Duclos. .Nous conservions les deux cents familles.

M. René Cotyi ...c'est encore un fait que, sans même que les deux cents famiires; eussent besoin d'intervenir, nous nous; laissions distancer largement par l'Allema-! gne de Bismarck et du kaiser.

Il n 'y a qu'une chose que nous ne con* servions pas, c'étaient nos ministères (Sou rires.) et ceci explique cela.

M. Pierre Hervé. Mais les ministres étaient toujours les mêmes»

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M. René Coty. Oh ! ils changeaient I

M. Pierre Hervé. Pas souvent!

f M. Ramette. On a eu cinq ans et demi le îmôme ministre de la guerre, cela ne nous ô pas porté honheur.

M. René Co-ty. Je ne veux pas me laisser entraîner dans des polémiques qui sont itout à fait éloignées, j 'espère vous le lais-ser paraître, de l'état d'esprit dans lequel j 'aborde ce débat.

M. Jacques Duclos. C'est cela.

M. René Coty. Je dis donc qu'un pays ne peut se réformer, que s'il sait se. gouver-ner. Pas de réformes d'envergure 'saîis, pour la» promouvoir, un gouvernement ca-pable de longs espoirs et de vastes pen-sers.

Ce n'est pas une opinion que j 'émets, c'est un fait, un fait d'expérience, que je constate.

Cette instabilité ministérielle qui, dans la belle période, avait rendu notre IIIe Bé-publioue trop stagnante, combien a-t-elle •été plus néfaste encore après 1918, lors-qu'i l a fallu faire face au désarroi de notre économie et à la déconfiture de nos finances.

Sauf quelques haltes trop brèves, ç'a été, vingt années durant, la crise, la crise éco-nomique et financière, la crise qui provo-quait des crises ministérielles, et les crises ministérielles qui prolongeaient et aggra-vaient la crise. Si bien que, de dévaluation en dévaluation, nous étions loin de l'avoir liquidée en 1939.,

Voilà, en peu de mots, ce qui me paraît résumer l'histoire parlementaire de l'en-tre-deux-guerres.

Ei maintenant ? Maintenant; nous nous retrouvons en face du même problème fi-nancier et économique, mais devenu plus gravejibeaucbup plus grave, beaucoup plus ardu, plus complexe et plus redoutable.

Allez au fond de tous les maux dont souffre ce pa,ys, vous trouverez toujours, à la racine, l'inflation, c'est-à-dire le défi-cit. Sans finances saines, pas de monnaie saine, et sans monnaie saine pas de santé pour un pays, pas .de santé économique, ni da santé sociale et pas de santé morale non plus.

Ne nous le dissimulons donc pas, ce pro-blème économique et financier va mainte-nant , pour de longues années, en même temps que le problème international, do-miner toute la politique française.

Voilà ce* que nous ne devons Jamais per-dre de vue quand nous sommes appelés à bâtir ja constitution de notre pays et de notre temps. La nation et encore moins la représentation nationale n e doivent jamais perdre de vue le langage que nous ont tenu successivement deux ministres des finan-ces courageux, dont l 'un est d'ailleurs le président de la commission de la constitu-tion, pas plus* qu'il ne faut oublier le* lan-gage que nous tenait il y a quelques jours M. le ministre de la reconstruction lorsqu'il prévoyait, je l'espère avec quelque pessi-misme, que la reconstruction de nos villes et de nos villages sinistrés devrait s'éche-lonner sur deux on trois générations..

Cette œuvre immense que nous avons à accomplir, que le ministre de la recons-truction chiffrait à plus de 5.000 milliards, comprenons bien les uns et les autres, quelles que soient nos doctrines en ma-tière financière, qu'elle ne pourra être réa-lisée qu'au prix de sacrifices, dont beau-coup, seront forcément impopulaires. Bra-ver l 'impopularité, cçla n ' a jamais été ^

je parle au passé — la vertu cardinale des assemblées. Il faut qu'elles y soient inci-tées, entraînées et presque moralement obligées par un gouvernement qui y en-gage à fond toute son autorité gouverne-mentale. .Quand cette autorité gouverne-mentale a fléchi et s'est montrée impuis-sante, dans les années qui ont précédé la dernière guerre, force a été de recourir à cet expédient des pleins pouvoirs que tous les partis ont honni, que tous ]es partis au pouvoir ont réclamé et que tous -les partis, aujourd'hui, condamnent. Et moi aussi. Ecartons, par conséquent, ce fantôme des pleins pouvoirs et voyons quelle est la conclusion qui se dégage aes quelques observations que je viens de présenter.

Cette conclusion est simple: d'une part, l 'autorité gouvernementale s'est montrée défieiènte dans la dernière période de la III0 République; d'autre part, l 'autorité gouvernementale, dans l 'état de nos finan-ces et de notre économie, est line néces-sité de salut public.

Comment revigorer l'autorité gouverne-mentale ? Voilà, à mon sens, la question essentielle qui se pose devant nous et qui se posait devant la commission.

Ne parlons ]5as du régime présidentiel sinon pour constater que personne, dans cette Assemblée, ne s'est levé pour pren-dre sa défense. Il n'est peut-être pas sans intérêt de souligner cette unanimité. . Le régime présidentiel écarté, est-ce que vraiment le régime parlementaire serait incompatible avec un gouvernement fort ? Non, n'est-ce pas ? u'autres démocraties l 'ont prouvé. Mais encore faut-il trouver le moyen de donner plus de force à un gou-vernement qui. ,dans le passé, s'est montré trop débile. Notre rétablissement financier est à ce prix. ,

Que nous apporte à cet égard le projet de la commission ? Quatre innovations.

D'abord, il supprime le frein que consti-tuait la deuxième assemblée.

Ensuite, il supprime le droit exclusif pour le gouvernement de proposer des dé-penses.

En troisième lieu, il restreint l 'usage de la question de confiance.

.Enfin, il réduit pratiquement à rien le droit de dissolution.

De la seconde assemblée, je ne dirai rien. J 'ai dit ma façon de penser dans ce qui peut apparaître comme la première lecture de ce projet, celle d'avant le se-cond referendum.

En ce qui concerne les dépenses, j 'avais pris l'initiative d'un amendement dans la précédente Assemblée. Celle-ci lui a fait un sort tel que je n'ose pas insister, d'autant plus que mes collègues MM. Baumel et Courant ont dit excellemment à cet égard des choses tout à fait pertinentes. En don-nant à chaque député l'initiative des dé-penses nous allons ouvrir de nouveau la voie aux offensives dépensières.

Va-t-on au jnoins renforcer la défensive gouvernementale ? Bien loin de là. Dans ^a question de confiance, qui est le moyen naturel de défense du gouvernement con-tre certaines prodigalités que je ne veux pas appeler électorales, la commission ne me paraît avoir eu qu'un souci: obvier à l 'abus qui aurait été fait dans le passé de la question de confiance. Comme si c'était pour son plaisir qu 'un gouvernement ve-nait risquer ainsi sa pauvre existence mi-nistérielle. Si un gouvernement *pose la question de confiance, c'est qu'il y est contraint par le sentiment de ses respon-sabilités, et aussi parce qu'il n 'a pas d'au-tre^ moyen de discipline^ la majorité gou-vernementa le

Le président Léon Blum, dans de remar-quables articles publiés dans Le Populaire, a insisté sur cette idée que, dans un ré-gime parlementaire normal, le Gouverne* ment doit être le leader de sa majorité.

Eh bien ! ce leading à la mode britanni-que, qui est, en effet, l'articulation essen* tielle de l'exécutif sur le législatif, i l im-plique à tel point la question de confiance, que celle-ci, en Grande-Bretagne, n'est ja-mais expressément posée par le Gouver-nement, pour cette bonne raison qu'elle la demeure en permanence. Quand un Gou-vernement est battu, il s'en va.

Voilà la pratique anglaise. Voyons main-tenant qu'elle va être, avec le système def la commission, la pratique française.

Nous sommes, je le suppose, dans une discussion budgétaire. Surgit, comme nous, l 'avons vu dans le passé, toute une kyrielle d'amendements onéreux pour les finances

(publiques. Défense est faite au ministre; des finances de poser la question de con-fiance, même — vous entendez bien — s'il y est autorisé par le président du con-> seil.

Il faudra que le chef du gouvernement se transporte de sa personne devant l'As-semblée. Même s'il est retenu par des obligations internationales, par exemple, i l faudra qu'il vienne lui-même poser la, question de confiance. Même cette pré-sence réelle ne. suffira pas. Il faudra que ce chef du Gouvernement ait été expres-sément autorisé à poser la question de ; confiance en vertu d'une délibération expresse du conseil des ministres, réuni à - cet effet sous la présidence du prési-dent de la République.

n faudra tout ce formalisme; mais celai ne suffira pas encore : il faudra, lorsque 1$ président du conseil, dûment accrédité! dans les conditions que je viens de vous indiquer, (posera la question de confiance,-que le débat soit de plein droit, constitu-tionnellement, suspendu pendant vingt* quatre heures.

Ainsi, dans un de ces débats d'urgencë ou d'exceptionnelle urgence dont on nous saisit le samedi et qui se prolongent par-fois jusqu'au' lundi, voyez comment le; Gouvernement, à moins de se faire do l'obstruction à lui-même, pourrait user de! la question de confiance. Par la disposé tion que vous avez introduite dans vôtres texte, la question de confiance disparaîtra; de notre pratique parlementaire.

On me dira qu'ainsi nous allons assurer, la stabilité ministérièlïe. Je réponds: stabilité matérielle ? oui! Mais pas à ce-prix, pas au prix de l'autorité gouverne-mentale.

Permettez-moi de rappeler ici un verâ latin, souvent cité, de Juvénal:

Et propter vitam, vivendi perdere eau* sas.

Ii ne faut pas, monsieur le rapporteur* que ce vers devienne la lamentable devise' le* nos futurs gouvernements. Il ne faut paà maintenir quand même au pouvoir uiï gouvernement qui aura moissonné une; sérié d'échecs. Ce nl3 serait plus alors uni Gouvernement, ce ne serait plus qu'und collection de ministres traînant une mou-rante vie-.

Nous voulons tous un gouvernement fort. Ce n'est pas ainsi que vous ferez un, gouvernement fort.

Que proposez-vous donc pour renforcer l'autorité gouvernementale et pour conso-lider la stabilité des ministères ? Vou^ re* prenez une disposition sur la motion d£ censure qui figure dans la Constitution provisoire du 2 novembre dernier, où ellet; a été introduite par quelqu'un qui n'étaiS

% i

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certainement pas un vieux routier du Par-lement .

Vous vous rappelez en quoi consiste cette disposition. La motion de censure, après avoir été déposée, ne peut être dis-cutée qu 'après u n délai de quarante-hui t heures . Je crois que la commission a ré-duit ce délai à vingt-quatre heures . Ce système n 'es t pas neuf ! Il est en vigueur depuis u n an* A-t-il été mis en prat ique une seule fois ? Nous avons cependant connu ou failli connaître quelques crises ministérielles. Nous en aurions connu davantage, je crois, si nous n 'avions pas été, depuis u n an , de période électorale en période pré-électorale.

La motion de censure est un mythe . Il y -a bien longtemps que, pour renverser le gouvernement , on a inventé cent et u n autres movens dont le plus actuel et le plus redoutable est la désintégration, in-terne ou externe.

Supposons tout de même qu ' i l se t rouve encore dans l'avenir un député pour re-courir à ce moyen désuet c run ordre du jour de défiance que vous baptisez au-jourd 'hui , pour en faire* une nouveauté , la motion de censure. Croyez-vous que vous allez consolider ie gouvernement en exigeant que cette motion de censure, pour être valable, soit adoptée à la ma-jorité absolue ?

Je discute le moins possible et à vos idées j 'oppose le plus possible de faits. Je vais en prendre un , mais pas au hasard : la dernière crise ministérielle du dernier par lement de la II!r République. Voilà u n gouvernement qui a pour lui l 'unanimité des votants, mais il y a une major i té d 'abstentionnistes. Il est part i . Est-ce que votpe système l 'aurai t condamné à rester au pouvoir ?

Voulez-vous u n exemple plus récent? Ce ' m a t i n noùs avons voté sur u n ordre du jour. Supposons qu ' i l y ait eu encore une majori té d 'abstentionnistes , ou même sup-posons que cet ordre du jour ait été re-poussé. Il n 'é ta i t nul besoin de votre mo-tion de censure ni de tout le cérémonial que vous avez imaginé pour renverser le gouvernement .

Tout cela, voyez-vous, c 'est irréel et si j 'ose dire lunaire . Ces fortifications desti-nées à assurer la tranquilli té des gouver-nements et la sagesse des par lements .

M. Dupuy. Des garde-fous*

M. René Coty. ...ce sont tout s implement des fortifications en papier.

J e me hâte d ' e n tirer l a conséquence, et elle est grave.

Dans votre proje t , monsieur le rappor-teur , le droit de dissolution n 'exis te — n'est-ce pas ? que dans u n seul cas : celui où, a u -cours d ' une période de deux ans, le gouvernement a été renversé deux fois, mais renversé selon ce r i tuel dont je montra is tout à l ' heure qu ' i l n 'é ta i t jamais appliqué.

En conclusion, votre droit de dissolution existe verbalement dans votre proje t — on y trouve malheureusement beaucoup de verbal isme — mais il est pra t iquement inexistant .

Je sais b ien qu' i l n ' es t pas dans vos in-tent ions n i même dans les intent ions d ' au-cune des f ract ions de l 'Assemblée, de sup-pr imer le droit de dissolution. M. le rap-porteur , dans son exposé r emarquable — j e le dis sans flatterie, parce que c 'es t le sent iment de tous nos collègues — a cité cette phrase de Duguit:

« Le régime parlementaire repose essen-t iellement sur l'égalité des deux organes

de l 'Etat, le Par lement et le Gouverne-men t ».

Eh b i e n ! non. Us ne sont pas égaux. Le Par lement a la pr imauté . Mais le Gouver-nemen t ne doit pas être purement et sim-plement à la merci du Parlement .

Pour que les minis tres .ne soient pas de simples commis révocables ad nuium, il faut , en France comme dans les autres dé-mocraties — dans celle, no tamment , qui est la mère du par lementar isme, la démo-cratie anglaise <— qu'i ls puissent dire au Par lement : « C'est entendu, vous êtes au-dessus du Gouvernement ; mais, au-dessus de vous, Par lement , il y a le peuple, îe peuple qui, dans une démocratie, est le seul souverain ».

Du point de vue doctrinal, c'est bien cela la démocratie. C'est également, au point de vue prat ique, la stabilité et l 'autori té gou-vernementales .

A quoi (bon insister là-dessus ? Qu'ajou-terais-je à la démonstrat ion décisive qu 'a apportée à cet égard M. le rappor teur dans son exposé, démonstra t ion à l ' appui de laquelle il a d 'ai l leurs cité cette opinion du président Léon Blum qui, le 3 février 1931, écrivait dans Le Populaire :

a Si la cohérence et la stabilité n'exis-tent pas dans la Chambre, il faut les cher-cher dans le pays, il faut dissoudre ».

Voilà l 'opinion de M. Léon Blum. Vous ayez cité également beaucoup d 'aut res opinions éminentes à l ' appui de votre thèse, thèse que vous résumez d 'une fa-çon part icul ièrement f rappante dans les termes que voici et que je veux citer tex-tuel lement :

« Le droit de dissolution constitue, dans le régime par lementaire , l ' une des clés de voûte principales de tout l 'édifice. »

Je crois vous avoir démontré que cette clé de voûte n 'exis te pas, en fait . Voilà qui n 'es t guère rassurant pour la solidité de l 'édifice.

Certes, il y a une partie de l 'édifice — je l ' entends b ien — qui est solide, c 'est celle qui insti tue une assemblée qui, dans la réalité des choses, sera omnipotente et à laquelle manquera , dans la réalité des choses, cette direction stable, ferme, vi-goureuse, qui seule peut mener une as-semblée, pa r des chemins montueux et s ingul ièrement malaisés, à la res taurat ion de nos finances et à' la renaissance de notre pays.

Je ne partage pas, quant à moi, l 'opi-nion de ceux qui demandent systématique-men t ie développement des at t r ibut ions de l 'Etat. Mais, quoi qu ' i l advienne à cet égard, nous savons tous que l 'Etat d ' au jou rd ' hu i doit faire face à des tâches ter r ib lement lourdes, lourdes de difficultés, lourdes de conséquences. Nous avons u n Etat qui est faible et nous voulons tous u n Etat forte-men t charpenté .

Telle est la préoccupation q u r m ' a amené à cette t r ibune. Je vous ai apporté fort peu d' idées personnelles. J ' a i tâché de vous apporter des faits, de simples faits d 'expérience qui , à m o n sens, valent plus que tous les ra isonnements .

Je les soumets à cette Assemblée et en {particulier, dans u n dernier espoir, à la commission, au labeur de laquelle je r ends à mon tour , comme tous ici, un hommage bien méri té . J 'espère ne pas l 'avoir offen-sée par mes critiques.

J 'a i parlé sans arrière-pensée part isane ; m o i , m e m b r e d 'une petite minori té qui n ' e s t pas représentée a u Gouvernement et q u i n e s 'exagère pas s e s chances prochai-nes de prendre le pouvoir, je suis venu,

parce que j ' a i cru que c'était mon devoir, défendre devant vous tous, spécialement devant vous, messieurs de la commission, ce que je crois être les prérogatives néces-saires du gouvernement de mon pays.

La Constitution de la République, pour moi, ce n 'es t pas u n terrain pour opéra-tions politiques ou pour manœuvres élec-torales. (Très bien ! très bien ! à droite.)

Puisque nous sommes d'accord sur les principes essentiels de la République, tâchons de faire les uns et les autres cet effort de bonne volonté qui est nécessaire pour bât i r une républ ique plus robuste, plus dynamique, capable d 'assurer à notre pays l 'avenir meil leur que méri tent bien — n'est-ce pas ? — tant d 'héroïsme et tant de douloureux sacrifices. (Applaudisse-ments à droite.)

M. le président. La parole est à M. Bruy-neel.

M. Bruyneel. Mesdames, messieurs, nous venons de terminer la discussion générale de l 'organisation des pouvoirs publics et j ' aborde main tenant , comme premier ora-

. teur inscrit , la critique du préambule . Je voudrais d 'abord faire quelques re-

marques générales. Le projet de constitution qui nous est

actuellement soumis et celui qui a été rejeté par le pays le 5 mai ont des simi-li tudes étranges. En fait , on a apporté à

* l 'œuvre de notre précédente Assemblée •constituante certaines retouches et nous sommes bien obligés de constater que, si l 'on avait écoulé nos objurgations, dans un esprit cle conciliation, on aurai t pu éviter au pays une perte de temps et une regret table prolongation du provi-soire. Cela méri ta i t , je pense, d 'ê t re sou-ligné (Afpplaudisseménls à droite.)

Le projet actuel de constitution appa-raît comme une synthèse de la doctrine des « oui » et des « non », sur tout sur les articles les plus a rdemments discu-tés.

Les vaincus du 5 mai ne pourront pas se plaindre : nous leur avons fait de lar-ges concessions, contrairement à cé que prétendait M. Pierre Cot, et la concession capitale ce fu t d 'accepter de prendre comme base de discussion le proje t de consti tution qui a été re je té le 5 mai par le pays.

Ces concessions constituent évidemment des faiblesses pour notre m o n u m e n t consti tutionnel, au point de vue jur idique. Pouvait-on les éviter?

Il y a quelques mois, le parti socialiste et le par t i communiste avaient la hanttee d ' une consti tution qui ne serait accejptée que par une faible major i té du p a y s ; heu-reusement ils se sont t rompés.

Mais, en re je tant par plus d ' u n million de suffrages le projet du 19 avril , le pays a b ien dit, avec une certaine v igueur et une certaine net te té , ce qu ' i l ne voulait pas, mais il n ' a pas expressément défini ce. qu ' i l désirait.

En effet, la volonté populaire aurai t pu difficilement se t raduire par la voie du re-fe rendum. Il nous appartenait donc de l ' in terpréter .

Mais la seconde Assemblée nationale consti tuante n ' a pas, pâr suite d ' u n mode de scru t in ex t rêmement regrettable, donné aux part isans du « non » la très nette major i té que le vote du 5 mai leur per-met ta i t d 'espérer .

Il en est résul té une situation étrange et paradoxale : notre commission de la constitution a été exactement partagée entre 21 par t isans du « oui » et 21 par-tisans du « non »,

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De plus, le poste de président, qui per-met, sinon d'arbitrer, tout au moins d'orienter les débats, a été dévolu à un e&àmpion du « oui ». Je dois dire d'ail-leurs qu'il a présidé nos travaux avec beaucoup d'intelligence et de brio et je me plais à rendre hommage à M. André Philip. (Applaudis s e ment s.)

Mais cette composition risquait de frap-per de paralysie notre commission. Alors, par un système de concessions habile-ment balancées, là commission, avec une rapidité d'exécution qu'il convient de sou-ligner, a réussi à élaborer le texte qui est aujourd'hui soumis à nos suffrages, à nos critiques et aussi à nos amendements.

La plupart des commissaires ont estimé qu'il ne fallait pas courir le risque de voir k Constitution que nous faisons adoptée par le pays à une légère majorité etK dans ce tout, il ont accepté un modus vivendi qui ne donne pleine et entière satisfaction à personne et qui déséquilibre souvent, d 'une façon fâcheuse, notre monument.

Ce risque de rejet par îe pays était, à mon avis, assez mince. II était beaucoup plus léger que celui de la désintégration de la coalition gouvernementale; car je pense que le peuple de France approuvera nos travaux s'il a nettement l'impression que toutes ses libertés lui seront rendues et que nos institutions républicaines, ne contiendront pas un germe de dictature, soit en faveur d'un homme, soit en faveur d 'un parti. (Applaudissements à droite.)

, Il convenait donc de souligner que les triomphateurs du « non » n ont pas lar-gement exploité leur succès et que nous n'avons pas essayé de faire passer les par-tisans du « oui » sous les fourches cau-âmes.

Est-ce sagesse, est-ce pusillanimité ? L'avenir le dira.

Constatons simplement que nous som-mes en présence d'une Constitution qui s 'est quelque peu améliorée en seconde lecture. Nous avons ici joué le rôle d 'une chambre de réflexion par rapport à . * pré-cédente assemblée, ee qui donne raison aux partisans du (bicaméralisme. {Très bien! très bien! ù droite.)

M. te rapporteur général. Espérons qu'il n ' y aura pas une troisième lecture î (Sou-rires.)

Il» Bruyneel. Mais venons? si vous le voulez bien, au préambule lui-même.

Sa première qualité, k mon humble avis, •est sa brièveté. Sa deuxième qualité, et sans dotrte la plus, importante, c'est l'évo-cation solennelle de l 'immortelle Déclara-tion des droits de l 'homme et du citoyen de 1789.

Intervenant à cette même tribune, dans la précédente Assemblée nationale consti-tuante, j 'avais demandé que l 'on reprît cette Déclaration des droits de 4789, car j 'estimais qu'elle était la plus claire et la plus pure ae toutes.

Mes amis et moi, avions proposé un amendement, qui a été, hélas ï repoussé, e t qui tendait à rappeler en tête de notre Constitution les immortels principes ae 4789. Laissez-moi aujourd'hui me réjouir pleinement de cette volonté de aous re-porter à l 'œuvre inaltérable de 17S9.

Nous avons fait preuve de sagesse et d'humilité en abandonnant la pâle ré-plique édifiée par la précédente Assem-blée. En agissant ainsi, nous proclamons qm les grands principes de 1789 ne sont pas périmés et qu'ils seront sauvegardés ; nous mettons fin, également, à de fâcheu-ses, polémiques relatives à quelques liber-

i tés essentielles, à des droits auxquels nous sommes attachés, et, plus particu-lièrement, au droit de propriété.

Vous n'ignorez pas que l'article 35 de la Constitution votée îe 19 avril 1946 par la précédente Assemblée, a été un des mo-tifs du rejet prononcé par la majorité du pays.

En revenant implicitement à des prin-cipes auxquels la quasi-unanimité des Françai3 sont attachés, nous effaçons une erreur grave, et ceux qui l 'ont commise administreront la preuve de leur soumis-sion en n 'y persistant point.

Nous approuvons donc sans réserve ce premier alinéa du préambule, car les prin-cipes "essentiels auxquels souscrivait tout un peuple en 1789 étaient de ceux qui

j nous paraissent aujourd'hui devoir être • rappelés comme les fondements d'une so-

ciété libre. 1 Mais je dois dire que la suite du préambule nous enthousiasme un peu moins. Pourquoi, après un excellent début qui donn~ une impression d'énergie, de vigueur et de simplicité, énumérer des formules qui manquent de plan et de mé-thode ?

Chacune des phrases qui suit a l 'air d'une orpheline égarée. Dans ce texte qui devrait servir d'exemple aux autres peu-ples, qui devrait être appris et médité par les enfants des écoles, on trouve des pen-sées mutilées, des lambeaux de législation de notre époque qui trouveraient-mieux leur place dans des lois,organiques.'Nous aurions dû rêver d'éternité et nous nous sommes laissés dominer paï les circons-tances. (Très bien ! très bien l a droite.)

Je ne veux pas examiner un à un tous les alinéas de ce préambule. Je tiens seu-lement à mettre en valeur ceux qui, à mon avis, ne sont pas d'une utilité ab-solue.

Ainsi, le quatrième alinéa du préambule est ainsi conçu : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ».

C'est un acte de générosité, mais il frise la naïveté. La France doit être hospita-lière. Le principe est juste et c'est une vertu que nous avons beaucoup pratiquée sans en être toujours récompensés. Mais est-il nécessaire d'inscrire ce droit d'asile dans notre avant-propos ?

Il y a le fait, il y a le droit. Nous ne pouvons pas, en fait, formuler tout ce qui est juste, tout ce qui est souhaitable. Inviter solennellement tous les persécutés à venir en France est un peu puéril. Il est nécessaire de sauver ces malheureux, mais il ne serait pas vexant de constater qu'ils trouvent également asile dans d'au-tres pays, qui peuvent et doivent se mon-trer tout aussi généreux que le nôtre. Comme les autres monopoles, celui de la générosité est critiquable. Accueillons les réfugiés, pansons leurs blessures, mais ne les trustons pas. (Rires à droite.)

M, le président de la commission. Vûuîez-vous me permettre une observation î

M. Bruyneel. Je vous en prie-

M. le président de la commission. Vous avez dit qu'il était nécessaire? non de répondre simplement à des.besoins immé-diats, mais de légiférer sous le signe de l 'éternité.

M. Bruyneel. Nous sommes d'accord. V

M. le président de la commission. Je voudrais vous rappeler que le droit d'asile remonte aux plus vieilles traditions de

notre civilisation. Si vous relisez les clas-siques grecs, vous verrez que la plus an-cienne tradition hellénique voit dans celui qui refuse le droit d'asile un homme honni des dieux et méprisé de ses prochains. (Applaudissements à gauche et au centre.)

M. Bruyneel. Monsieur le président de la commission, il n 'est nullement question de refuser le droit d'asile, et nous ne l 'avons d'ailleurs jamais refusé. Vous avez dit vous-même que c'est une tradition anti-que ; elle est tellement vieille qu'il ne me paraît pas nécessaire de l'inscrire dans notre préambule. Je pense que nous serons d'accord à ce sujet.

M. le président de la commission. Vous venez de dire qu'il fallait rêver d 'éternités

M. ie rapporteur général. Redescendons sur terre. (Sourires.)

M. Bruyneel. Si vous m'aviez interrompu une seconde plus tard, monsieur le prési-dent de la commission, vous m'auriez en-tendu dire qu'une invitation aussi formelle est inutile et qu'elle n 'ajoute rien aux mérites de la France.

U est un autre alinéa ainsi conçu : « Tout bien, toute entreprise dont l'ex-

ploitation a, ou acquiert les caractères a 'un service public national ou d'un mo-nopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ».

'Je n'ai pas l 'intention de ressusciter au-jourd'hui la vieille querelle des nationa-lisations, qui ne semblent pas d'ailleurs avoir produit les effets que leurs promo-teurs en escomptaient. Mais j 'ai le devoir d'indiquer que toutes sortes d'abus et de conflits doivent résulter d 'un texte aussi ambigu.

Au surplus, l 'intérêt général déjà assuré par la loi organique ne me semble pas exiger la proclamation de principes qui, s'ils ne restent pas inefficaces, risquent de faire peser une inutile et paralysante me-nace sur toute une série d'entreprises dont la recrudescence d'activité est absolu-ment nécessaire à ia renaissance française.. (Très bien! très bien! à jdroite.)

Enfin, le dernier paragraphe du préam-bule — et ceci m'apparaît' un peu plus grave — contient une formule qui peut nous causer plus de souci que de satisfac-tion. S'il est opportun de rappeler la mis-sion civilisatrice traditionnelle de la France, est-il habile de dénoncer les sys-tèmes de colonisation fondés sur l'oppres-sion ? La rédaction de cette phrase a d'ail-leurs été atténuée en commission, et c'est sur mon intervention personnelle que le mot « oppression » a été substitué au mot « domination » oui figurait dans la première formule.

Mais j 'y ai encore beaucoup réfléchi et je crois qu'il est vraiment inutile de maintenir ce membre de phrase. Nous forgeons une Constitution française ; il ne nous appartient pas, à cette occasion, de critiquer les méthodes étrangères. Ce geste serait d'ailleurs sans portée pratique si notre formule s'adressait à l 'étranger, où elle serait accueillie sans grande bien-veillance. Si, au contraire, il s'agit de qualifier notre propre action colonisatrice, il serait regrettable de laisser supposer que l 'œuvre des Gailieni et des Lyautey est critiquable et que nous avons fondé-un Empire sur une action purement oppressive. (Très bien! très bien! à droite.)

La France a apporté dans ses. territoires d'outre-mer autant et peut-être plus de bienfaits moraux et matériels qu'elle n'en a recueillis. Il serait dangereux, avec les meilleures intentions du monde, de don-

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ner à certaines forces qui nous sont hosti-les des arguments supplémentaires pour nous combattre à une époque, hélas! où nos efforts de pacification et de progrès sont contrecarrés par l 'assassinat prémé-dité de nos nationaux.

Ainsi, le texte qui nous est soumis est alourdi par des formules plus ou moins utiles, imprécises et quelquefois nuisibles : elles sont, avec évidence, le frui t de com-promis laborieusement élabQrés entre les (partisans de doctrines assez différentes. 13 y a même des formules qui sont tout à fait belles, mais qui n 'on t malheureuse-ment aucun rapport avec la réalité :

« La nation assure à l ' individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement; elle garantit à tous, notamment à l 'enfant , à la mère et au yieux travailleur, la protection de la santé , la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge et de son état (physique ou menta l ou de la situation -économique, se trouve dans l 'incapacité de travailler a le droit d 'obtenir de la collectivité' des moyens convenables d'existence. »

Nous sommes tout à fait d'accord, mais cette déclaration n 'a malheureusement aucun rapport avec la réalité. J 'ai inter-pellé récemment le Gouvernement sur la situation tragique de ceux qu'on a appelés: « les catégories sociales économiq-

uement faibles ». Le Gouvernement vient ..e déposer un projet de loi relatif à l 'aide de l 'Etat à ces catégories. J 'ai eu" le temps de l 'étudier rapidement avant de monter à la tr ibune, et je suis obligé de constater que les espoirs magnifiques que la lecture de notre préambule va faire naître chez ces catégories sociales ne seront pas réa-lisés rapidement.

• Toute une catégorie de petits rentiers, de petits retraités, de vieux travailleurs, de rentiers viagers, qui se trouvent actuel-lement dans la misère, verront que les promesses que nous faisons dans ce préambule ne sont pas tenues. Nous aime-rions mieux moins de promesses et un p e u plus d'actes. (Très bien! très bien à droite.) ' Le préambule de 1916 n 'a ni l 'élan, ni la vigueur de la Déclaration des droits de 1789. Son début seul est prometteur. Le reste est assez décevant en raison de son manque de netteté, de cohésion et d'éner-gie. Si cet avant-propos peut être et doit être allégé, par contre, il y a lieu égale-ment de le compléter.

En effet, aucune allusion n 'est faite à la liberté de la presse, à cette liberté à laquelle nous tenons d 'autant plus que nous en sommes toujours privés. {Applau-dissements à droipe.)

L'article 14 • du projet de Constitution rejeté le 5 mai précisait que « tout homme est libre de parler , d'écrire, d ' imprimer, de publier. Il peut, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, expri-mer , diffuser et défendre toute opinion ».

r Je ipense que les constituants du 2 juin 1916 seront au moins aussi l ibéraux que ceux du 21 octobre et qu'on pourrait ajou-ter quelques lignes pour cette liberté de la presse qui n 'est pas suffisamment évo-quée par la Déclaration des droits de 1789, car vous savez qu 'à cette époque la presse en était" tout de même à ses premiers balbutiements.

D'autre part, il manquai t dans ce préam-bule un alinéa concernant les droits des victimes de la guerre. Heureusement, nos amis MM. Laniel et Lecacheux ont déposé an amendement que la commission a adopté ce matin, au moins en (partie. Cet

amendement est ainsi conçu: « La Nation proclame la solidarité et l 'égalité de tous les Français devant les charges qui résul-tent des calamités nationales, protège tou-tes les victimes de la guerre et garantit la réparation intégrale des dommages . de guerre. »

Il était nécessaire, dans notre préam-bule, de faire une allusion à .ces droits

"des victimes de la guerre et à la solidarité française devant le malheur d 'un certain nombre de ses enfants. (.Applaudissements à droite.)

M. Robert Lecourt. Tout le monde l 'a demandé.

M. Bruyneel. J 'aborde . maintenant un sujet infiniment plus délicat, celui* de la liberté de l 'enseignement.

Dans la précédente r a s s e m b l é e , cette question a été vivement débat tue: par-tisans et adversaires de la liberté de r en -seignement. ou plutôt de son inscription dans la Déclaration des droits, se sont af-frontés tant à la commission qu'en séance publique. Nous avions finalement

• abouti à un texte qui ne donnait' satis-faction à personne et qui a subi do la part de l 'opinion publique d'assez vives criti-ques. 11 n 'est pas douteux que, le 5 mai, un assez grand nombre d'électeurs ont voté « non » parce qu' i ls n 'ont eu à ce sujet aucun apa isement

L'article 25 prévoyait, en effet : « La culture la plus' large doit être offerte à tous sans autre limitation que les apti-tudes de chacun. Tout enfant a droit à l ' instruction et à l 'éducation dans le res-pect* cle la liberté. »

Cette formule prêtait évidemment à équivoque et l 'on pouvait légitimement escompter que la victoire des « non » permettrait de îa préciser en un langage plus clair. Or, tous -ceux qui sont atta-chés à la liberté de rense ignement ont pu constater avec s tupeur que cette ques-tion avait été complètement -escamotée dans, le nouveau texte. Nous comprenons, certes, les concessions et les transactions que les partis appartenant à une majori té hétérogène sont obligés d'accepter, mais on ne transige pas sur les principes essen-tiels. La liberté ne se débite pas ën tran-ches: elle existe ou elle n'existe pas. (Applaudissements à droite.)

C'est une lourde erreur de croire qu'on a résolu le problème en évitant de ie poser.

Il n 'en est devenu que plus irritant II importe plus que jamais de moins user de faux-fuyants pour se débarrasser d 'un principe qui trouble, évidemment, l 'har-monieuse entente de la majorité gouver-nementale. (Très bien! à droite.)

Ne pas mentionner cette liberté, c'est vouloir l 'étouffer. Nous avons heureuse-ment déposé un 'amendement qui a été discuté ee matin, à la-commission de la Constitution, mais qui a été repoussé à une faible majorité. Nous 1e reprendrons évidemment, devant l 'Assemblée et non* espérons, cette fois, qu'il sera adopté.

On veut nous- faire croire qu'il existé un compromis, à la faveur duquel deux écoles — r école publique et l 'école pri-vée — coexistent, et qu'il importe d'éviter de rompre- ce compromis par des propo-sitions imprudentes.

Eh bien, n o n ! Rien ne permet d'accep-ter une telle thèse. L'article 4 de la Dé-claration des droits de 1789 précise en effet, que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui .

Personne ne peut raisonnablement pré-tendre que le libre choix de l'école soit

i nuisible à qui que ce soit. (Applaudisse-i ments à droite.)

Si nous insistons pour faire figurer • dans ce préambule la liberté de l 'cnsei-1 gnement , c'est que nous avons cru dis-* cerner — non sans raison — une menace

dirigée contre cette liberté. L'Etat moderne a, de plus en plus, ten-

^ dancq — et avec plus ou moins de bon-! heur — à monopoliser certaines activi-| tés. : Nous lui dénions le droit cle nationaliser

les consciences. (Applaudissements à droite.)

Aucun d'entre nous ne songe à apporter la moindre entrave au fonctionnement de l'école laïque et publique dont nous pro-clamons les avantages, les mérites et les bienfaits, mais nous ne saurions approuver un texte qui permettrait , dans un avenir plus ou moins proche, de supprimer des écoles qui ont la faveur de milliers de fa-milles et dont les mérites ne sont pas moins incontestables.

Ces écoles ont, d'ailleurs, fourni quan-tité d'excellents citoyens et de parfaits rè~ publicains. De même que nos grands an-cêtres ont estimé nécessaire d'énoncer cer-tainse droits, par suite de la présence ou du souvenir récent du despotisme, de même, nous esiimons indispensable d'af-firmer la liberté de l 'enseignement pour prévenir toute atteinte" à ce droit fonda-mental.

Certains partis n 'ont pas caché qu'ils désiraient instituer le monopole de l 'ensei-gnement, qui doit devenir, selon eux, un service public entre îes mains de l 'Etat. Il serait ainsi plus facile d 'uniformiser les pensées et les opinions de tous les ci-toyens, mais on veut, naturellement, évi-ter cle faire une réforme brutale, qui ferait jaillir un certain nombre de conflits assez violents.

On veut procéder par étapes et, pour cela, il est évident qu'il faut éviter cle met-tre dans ie préambule des formules sus-ceptibles d 'empêcher ou de gêner cette manœuvre. S'il n ' en était pas ainsi, pour-quoi proscrire le principe de la liberté de rense ignement du préambule

. M. Pierre Hervé. On dit : « Certains par-t i s . . . de qui, précisément, s'agit-il.?.

M. Bruyneel. De vous, par exemple!

M. André Le Troquer. M. Pierre Hervé ne veut pas être soupçonné.

M. Bruyneel. Les communistes particu-lièrement.

M. Pierre Hervé. Selon vous, ce sont l^s communistes qui veulent le monopole de 1 enseignement, et eux seuls.

M. Bruyneel. Vous n 'êtes pas les seuls, j ai dit certains partis. Vous savez très /bien desquels il s 'agit. Si vous voulez des précisions, je vous les donnerai.

M. Ramarony. Voulez-vous le monopole ou ne le voulez-vous pas ?

M. Bruyneel. Si vous ne voulez pas du monopole de l 'enseignement, dites-le f ran-chement, et nous serons d'accord.

M. Pierre Hervé. Il s'agit d 'une question cle principe.

M. Bruyneel. C'est une déclaration de principe. Nous demandons qu' i l n ' y ait pas de monopole de l 'enseignement. Si vous êtes' d'accord avec nous, vous vote-rez notre amendement .

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M. Pierre Hervé. Non, nous ne sommes pas d'accord.

m. Fajon. Tout .cela a déjà, été longue-ment exposé lors des débats de la prc-, mière Assemblée constituante.

li. Bruyneel. Nous n'oublions pas que ia liberté de l 'enseignement va de pair avec la liberté de pensée et avec la liberté d'opinion et que s rnous en laissions violer une seule, c'est toutes nos libertés qui seraient supprimées.

Les parents doivent pouvoir envoyer leurs enfants dans les établissements de culture conformes à leurs goûts et à leurs croyances. Sur le plan juridique ils -Sont responsables des actes de leurs enfants mineurs. Peut-on admettre qu'ils ne soient plus libres de veiller à leur éduca-tion en choisissant ceux qui formeront leur esprit ?

On nous rendra cette justice qtie, en ce qui nous concerne, nous n'avons pas mêlé la religion à nos querelles politiques. Nous ne voulons pas voir renaître les luttes religieuses absolument stériles qui ont fait tant de mal à la France. La seule fa-çon d'apaiser les esprits, de ne pas per-mettre de diviser la nation en deux blocs, c'est de décréter de' façon nette, précise et claire que le libre choix de l'école est et demeure un droit sacré de la famille.

Ce que nous demandons, c'est la renon-ciation formelle au monopole de l'ensei-

fnement. Tout républicain sincère peut et

oit le consentir, car ce monopole a tou> Jours été une des premières institutions des états totalitaires. Au contraire, les dé-mocraties ont toujours permis, avec le contrôle de l'Etat, l'édification d'un statut scolaire qui tienne compte des idées et des conditions de chacun.

Ne "donnons pas l'impression — et ce sera ma conclusion — de contestations graves jusque dans l'affirmation des prin-cipes les plus naturels. Nous nous sommes -mis d'accord pour ne pas élaborer à nou-veau un médiocre pastiché de la Déclara-tion de nos grands'ancêtres révolutionnai-res: Nous avons décidé de consacrer solen-nellement les droits et libertés énoncés dans îa Déclaration de 1789. Nous avons proclamé l'égalité, devant la loi, de l 'homme et de la femme. Il ne manque à notre préambule, pour être .complet, qu'une énonciation plus claire, plus nettej plus cohérente de quelques grands princi-pes de la vie humaine dans une société moderne et fraternelle.

J'espère que les observations que je viens de formuler à cette tribune permet-, tront à une "large majorité républicaine de corriger îes défauts ae ce préambule pour qu'il soit, après les années d'odieuse op-pression et de sanglante tyrannie que nous avons vécues, une magnifique affir-mation de nos libertés reconquises et de notre volonté de progrès social.- (Applau-dissements à droite.)

Tinguy. président. La parole est à M. de

M. de Tinguy. Mesdames, messieurs, j 'ai mission de vous présenter les observations du groupe du mouvement républicain po-pulaire en ce qui concerne îe préambule de déclaration des droits.

Je tâcherai d'être bref, puisque les prin-cipales observations sur ce préambule ont déjà été apportéès au cours du débat qui s'est déroulé dans la première Assemblée constituante et puisque nombre des dispo-sitions qui figurent dans notre préambule sont reprises de la Déclaration des droits .de la Constitution rejetée le 5 mai.

Je me limiterai à examiner les points sur lesquels des modifications ont été appor-tées.

Première et essentielle modification: substitution d'un préambule à une déclara-t ion des droits. 9

Deuxième modification : un remaniement de la conception d'ensemble; au lieu d'une déclaration exposant tous les principes, le préambule se borne à rappeler la Déclara-tion de 1789 et à ajouter quelques règles seulement.

Troisième modification, ou plutôt troi-sième série de modifications qui, elles, por-tent sur le détail : remaniement des textes.

Si vous le voulez, n o n exposé portera successivement sur ces trois aspects des modifications aux textes anciens, et d'abord sur la i destitution d'un préambule à une déclaration des droits. C'est une concession que le groupe du mouvement républicain populaire a faite, à la demande de M. Ramadier, parce qu'aussi bien elle découlait d'une autre concession qu'il avait consentie auparavant, à savoir qu'au lieu d'une déclaration des droits ayant force obligatoire, d'une déclaration des droits enserrant l'activité du législateur sous le contrôle du peuple...

M. Pierre Hervé. Facultatif!

M, de Tinguy. ...Il y aurait simplement une sorte de chapeau rappelant les règles générales de notre cité.

Le point de vue du mouvement républi-cain populaire était que les déclarations des droits ne doivent pas servir seulerqent à orner les mairies, mais qu'elles doivent aussi servir de règles juridiques sanction-nées et obligatoires.

M/ Betolaud. Très bien !

M. de Tinguy. Il a abandonné ce point de vue par esprit de conciliation ; on lui a laissé en échange le contrôle de la régula-rité des lois, ce qui est bien un minimum, mais ce qui, vous* l'avouerez, n 'a pas la même portée. Ainsi donc, entraînés par l 'abandon du contrôle de la constitutionna-lité des lois, nous avons accepté le prin-cipe du préambule.

Je reconnais que cette substitution pré-sente un certain nombre d'avantages acces-soires et que, en particulier, plus de préci-sion,' plus de brièveté dans le texte est possible. On peut condenser sa pensée, on peut chercher une expression plus serrée, puisqu'-il ne* s'agit pas d'une expression juridique en forme, qu'un juge serait un jour en mesure d'appliquer. Cela a permis aussi à la commission d éviter les réformes tentées à la hâte, à la faveur de la Décla-ration des droits, et d'écarter un certain nombre de dispositions accessoires ou de dispositions qui tendaient à transformer la Déclaration en une encyclopédie politique de notre temps.

Il en résulte une clarification certaine et cette situation nous fait accepter la substi-tution du préambule à la Déclaration des droits.

Ce n'est nullement, comme on l'a dit à tort, un moyen d'escamoter les difficultés. Elles sont la et nous les aborderons fran-chement. Je le dirai dans la suite de cet exposé. Seulement, nous essayons de les prendre de plus haut, voilà tout!

La deuxième modification, vous-ai-je dit, après la substitution du préambule à la Déclaration des droits, est un remaniement de la conception d'ensemble de cette Décla-ration. Aujourd'hui, on vous propose de repartir simplement de la Déclaration de 1789, sans tenir expressément compte des

autres déclarations des droits, de celle de 1793, de celle de 1795, de celle de 1818, et en oubliant un peu toutes les étapes que îa liberté a connues dans le pays.

C'est, sur ce point, je crois bien, un recul par rapport à la première déclaration des droits.

Le premier préambule, celui du 5 mai dernier, rappelait ces déclarations. Et M. Zaksas, dans le rapport qui les tradui-sait, avait eu, à ce propos, quelques for-mules heureuses. Il parlait de « la marche vers la liberté, marche sans fin, comme la marche du progrès lui-même » et nous voyions ainsi s'insérer la Déclaration de 1946 après les autres déclarations, des droits. il est regrettable que la commission de la Constitution n'ait pas cru devoir suivre nos propositions qui tendaient à réaffirmer cette continuité démocratique française.

En effet, la commission a estimé qu'il y avait dans ces déclarations des prin-cipes dont on ne voulait plus. M. Fajon a dit l 'autre jour que la question de la liberté de l'enseignement n'avait pas été soumise à la commission. C'est inexact. (Interruptions à droite.) Elle a été soumise à la commission, et par moi-même....

Fajon. Par la bande !

. M. de Tinguy. ...en même temps que je proposais de rappeler la déclaration die 1848.

Vous vous souvenez certainement des arguments qui m'ont été opposés par M. Pierre Cot quand je lui ai dit : « 1848 c'est la fraternité alors que 1789, 1793 et même 1795, ce n'était encore que- la liberté et l'égalité. »

M. Pierre Cot m'a répondu: « La frater-nité, soit, mais pas le reste. » Le reste, c'était la liberté de l'enseignement.

M. Pierre Hervé. Et la loi Falloux !

M. de Tinguy. Je crois qu'en creusant la notion de fraternité vous trouveriez, mesdames, messieurs, la notion de liberté de l 'enseignement iparce que d a n r l a fra-ternité il y a le respect profond des cons-ciences et, par conséquent, le respect de cette liberté du père de famille et die ce droH de, l 'homme qu'est le droit d'ensei-gner. (Applaudissements au centre.)

J'espérais qu'en me bornant à deman-der le rappel de la constitution de 1848 nous résoudrions cette irritante question de la liberté de l'enseignement par un simple rappel de nos traditions.

M. Ramette. Insidieusement !

M. de Tinguy. J 'aurais souhaité qu'il en fût ainsi; la liberté de l'enseignement, voyez-vous, jpeut se justifier aux yeux des démocrates de deux façons: d'une part, par une référence à la tradition démocra-tique constante; d'autre part, par un ap-pel aux principes.

A cette tribune, le mouvement républi-cain populaire a montré les deux aspects de la question dans la première Assem-blée. M. Teitgen a rappelé les principes et M. Schumann la tradition démocratique.

Nous avons tenté, a»u sein de la com-mission, de nous référer à cette tradition démocratique. Nous n'avons pas abouti-

.force nous est donc, maintenant, de poser clairement le problème des principes et je dois dire que le mouvement républicain populaire déposera un amendement pour que 1 Assemblée puisse se prononcer en toute clarté sur cette question.

Mr Betolaud. Il y en a déjà d'autres, ce n est pas la pçine J

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M, Ramarony. Il yous suffit de vous ral-lier à ceux qui ont été déposés par nous .

M. de Tinguy. Il y a peut-être une façon d ' en tendre la l ibèrté de l ' enseignement , jfjui n 'es t pas exactement la nôtre .

M. Ramarony. Laquel le?

HL Frédéric-Dupont. Où est la différence ?

m. de Tinguy. La différence, c'est que , parfois, on fait de la liberté de l 'ensei-gnement un ins t rument de politique, alors que nous voudrions banni r la politique de cette mat ière . . (Murmures à droite. — Ap-plaudissements au centre.)

Mais, alors même que cet amendement s u r la l iberté de l 'enseignement serait ac-cepté, je ne crois pas que le problème de fond que je signalais tout à l 'heure serait jrésolu.

Oh î je sais, on voit tout de suite les questions irr i tantes, mais les pro-b lèmes essentiels — ceux qui dominent — échappent , dans le feu de la discussion.

Le problème qui domine ici, pour nous, c 'est le rappel de cette grande tradit ion démocratique. Car tout ne finit pas en 17891 II fallait beaucoup de jeunesse d 'âme aux premiers consti tuants pour le penser . La l iberté est une conquête constante et jl s 'est passé bien des choses depuis 1789.

M. Fajon. Des bonnes et des mauvaises !

M. de Tinguy. Oui, il s 'est passé bien des choses depuis 1789, et on a acquis un sens de la l iberté qu 'on n 'avai t pas encore à ce moment là, vous en serez certaine-m e n t d'accord avec moi. En part iculier , on ignorait cette révolution sociale que vous souhaitez tout comme moi.

M. Fajon. Elle n 'es t pas encore fa i te !

M. de Tinguy. II y a, disais-je, dans ces doctrines de 1789, u n certain nombie de principes qui sont usés pour avoir trop servi .

M. Fajon disait l ' au t re jour à cette tri-b u n e : « On n ' a pas déposé d ' amendements ï>our défendre le droit de propriété ». Je yais vous dire très s implement pourquoi .

Je considère que les formules de 1789, en cette matière , sont exagérées. Nous parler d ' u n droit sacré de la propriété, sur tout dans une République laïque, c'est aller t rop loin!. . .

M. le président de la commission. Très b i e n !

M. de Tinguy. D'une façon générale, on pense que la formule est u n peu désuète, dépassée. Ce qui est sacré, ce n ' es t pas le droi t sur les choses, ce n ' es t pas ce prin-cipe du libéralisme contenu en germe clans la Déclaration de 1789. Si nous tenons à la [propriété, c 'est dans la mesure où elle permet la pleine expansion des facultés de la personne humaine . Ce qui nous inté-resse, ce n ' es t pas le droit sur les choses; c 'est le droit des hommes . (Applaudisse-ments au centre.)

Ce que nous voyons dans la propiiété , ce n ' es t pas ce qu 'on a, c 'est ce qu 'on est. t(Applaudissements au centre.)

Oui, il y a eu des t ransformat ions ,pro-fondes depuis 1789, et nous aurions aimé qu ' on les rappelât expressément. Nous avons déposé un amendement en ce sens, qu i fait appel aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et qu i insérera toute cette tradition à laquelle ije fais allusion dans le préambule de notre Constitution : l iberté d'association — le texte qui nous est soumis n ' e n fait pas

ment ion, il n ' y fait même pas allusion — j nbeTtés munic ipales ; l iberté de la mutua-lité ; l iberté de la coop ération ; organisation de l 'assistance ; solidarité devant les char-ges publ iques , dont on a parlé tout à l ' h eu re ; progressivité de l ' impôt — qui était inconnue en 1789.

Tout cela, ce sont des conquêtes des lois de la République et ; plutôt que de les énu-mérer toutes, nous préférerions que, dans une formule synthét ique adjointe au texte du préambule,^ l 'on en fit le rappel néces-saire.

Yoilà les observations que je voulais pré-senter sur la s tructure d 'ensemble du texte.

Il me reste main tenant à t rai ter de la troisième série de modifications a p o j . u e s au texte du 5 mai . Je serai fort bref .

Je soulignerai tout d 'abord un premiei point. La commission s 'est efforcée de re-prendre toutes les conquêtes sociales qui étaient affirmées dans la Déclaration des droits du 5 mai . Si donc, sur u n point quelconque, u n recul apparaissait , je puis diré, au nom du groupe du mouvement républicain populaire, que nous sommes prêts à accepter tous les amendements qui tendraient à corriger ce recul.

Le texte de la commission, tel qu'il se présente, fait d 'abord allusion aux droits de la famille et aux droits de la f emme.

Je n ' insis terai pas sur ce point puisque Mme Germaine Peyroles prendra la parole, au nom du mouvement républicain popu-laire, à ce suje t .

Le préambule parle ensuite des droits sociaux. La t ransformat ion économique qu» s 'amorce est l 'obje t de toutes les préoccu-pations d u ' m o u v e m e n t républicain popu-laire : participation du personnel à la ges-tion des entreprises et même des profes-s ions; suppression des monopoles cle fait par re tour à la collectivité, ou toute âu t i e voie; droit de grève rég lementé ; l iberté syndicale à laquelle nous tenons et qui ap-paraît là comme le premier élément ue cette liberté des groupements dont je par-lais tout à l 'heure , comme u n espoir de eette républ ique pluraliste à laquelle ,?ous j aspirons.

Le devoir de travailler est ment ionné ensuite. C'est peut-être u n rappel oppor-tun, surtout pour les consti tuants à la fin d 'une journée où la tâche a été n idc ; en tout cas, cette mention est assez cuiieuse-ment insérée dans le texte comme le seul-devoir dont se souviennent les consti tuants d ' au jourd 'hu i .

Nous ne tenons pas essentiellement à ce que les devoirs soient rappelés dans le texte de la Constitution. Pour nous , les principes de îa morale sont placés au-des-sus des principes du droit et n 'on t pas be-soin d 'être expressément formulés , pour s ' imposer aux consciences.

M. Pierre Hervé. Ils sont sous-entendus !

M. de Tinguy. Nous n ' insis terons pas pour leur rétablissement formel.

Le texte clu préambule fait ensuite allu-sion au droit à l ' instruct ion et à la culture. C'est le mouvement républicain populaire qui a fait introduire cette notion cle culture à côté de celle d ' instruct ion, estimant qu'il faut compléter ce qui n ' a pas pu être acquis dans le jeune âge par ce qui sera obtenu dans l 'âge mûr .

Le mouvement républicain populaire a fait aussi a jouter la formation profession-nelle à côté de l ' instruction et de la cul-ture , comme- un troisième élémcfit de ta formation générale de la nation, indispen-sable au jourd 'hu i . i

Je n ' ins i s te ra i pas sur la quest ion de l 'Union française puisque aussi bien M. Teitgen, à cette t r ibune, a fait connaître hier notre sent iment . Je souligne simple-ment qu ' en cette mat ière les commissaires du mouvement républicain populaire ont fait preuve d 'un esprit de conciliation poussé très loin et accepté toutes les for-mules dès lors qu'elles ne condamnaient pas l 'œuvre française.

Je veux en terminant dresser le bilan, juger la façon dont se présente pour nous le texte de la Déclaration des droits et vous faire mesurer les concessions que nous avons consenties.

Nous voulions une Déclaration des droits obligatoire et complète; nous avons u n préambule sommaire et sans force.- N jus voulions la condamnation du libéralisme et de l ' individualisme de 1789; on nous assure que le texte de 1789 se suffit à Oui-même et entraîne cette condamnation sans qu 'on ait besoin d ' invoquer les lois successives de la République, qui lui ont donné sa résonance actuelle. Nous espé-rons que l 'Assemblée reviendra, sur ce point, à une manière de voir plus sage.

Enfin, nous souhait ions l 'aff irmation de la cité pluraliste que nous voulons ; nous voulions que .toutes les l ibertés des grou-pements, la l iberté personnelle et celle de la famille, la liberté du père en particulier, quand il s 'agit de l 'éducation de ses en-fants , fussent formellement affirmées. An lieu de cela, on ne nous offre que quel-ques principes qui ' laissent s implement en-trevoir des lueurs d'espoir.

Cependant, nous ne.proposons que quel-ques modifications de détail, quelques cor* rections secondaires. Nous nous l imitons ainsi pour maintenir la cohésion nécessaire devant le peuple français quand l'Assem-blée consti tuante lui soumettra le projet qu'elle aura élaboré. On pourrai t nous re-procher d'aller trop loin clans l ' abandon des idées. Je répondrais que c'est exacte-» ment l ' inverse, et que c'est parce que nous croyons aux idées que nous est imons

j qu ' i l n 'es t pas indispensable d 'en aonner une formulat ion complète.

Quand la démocratie aura fonct ionné quelque temps — c'est là-dessus que nous portons notre effort -— les idées se dé-gageront d 'elles-mêmes, et nous sommes convaincus, précisément parce que nous croyons aux idées qui nous inspirent , que la IVe République, si elle fonctionne dans le calme pendant assez longtemps sous u n régime vra iment démocratique, deviendra d'elle-même la république pluraliste que nous vouions. (Applaudissements au centre.)

M. le président. L'Assemblée voudra sans cloute renvoyer la suite du débat à une prochaine séance. (Assentiment.)

— 7 —

CONTROLE DES INSCRIPTIONS SUR LES LISTES ELECTORALES

Adoption après demande cle discussion imnîédïale d'un projet fie Soi.

M. le président. En ver tu de l 'article 54 du règlement , le Gouvernement demande la discussion immédiate du projet de loi relatif au contrôle des inscriptions sur les listes électorales et à la procédure des ins-criptions d 'urgence,

La commission a déposé un rapport con-J cluant, sous reserve cle quelques légères i modifications cle forme, à l 'adoption du f projet de loi

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il n ' y a pas d'opposition à la discussion immédiate ?...

La. discussion immédiate est ordonnée.

Avant d 'ouvrir la discussion, je dois faire connaître que j ' a i reçu un arrêté dé-signant , en qualité de commissaires du Gouvernement, pour assister M. le minis-tre de l ' Intérieur :

M. Thomas, chef de bureau au bureau des élections ;

M. Haas Picard, directeur des affaires générales.

Acte est donné de cette communication.

Personne n e demande la parole dans la discussion générale ?...

Je consulte l 'Assemblée sur le passage â la discussion des articles.

(L'Assemblée, consultée, décide de pas-ser à la discussion des articles.)

M. le président. Je donne lecture de l 'ar-ticle premier :

T I T R E IE R .

Contrôle dès inscriptions sur les listes électorales.

« Art. 1er. -— L'insti tut national de la statistique et des études économiques est chargé die tenir u n fichier général de» électeurs et électrices en vue du contrôle des inscriptions sur. les listes électorales. »

Personne ne demande la parole sur l 'ar-. ticle 1er

Je le mets aux voix.

(L'arlkle 1er, mis aux voix, est adopté.)

M. le président. « Art. 2. — Les maires envoient à la direction compétente de l ' Inst i tut national de la statistique u n avis de. toute, inscription ou radiation effectuée su r la liste électorale de leur commune,

« L'expédition dé cet avis doit avoir lieu dans le délai d 'un mois après la clôture de la liste f>our Içs inscriptions ou radiations faites au cours de la période de revision et dans le délai de hui t jours pour toute ins-cription ou radiation effectuée en dehors de cette p i rode. ».— (Adopté.)

« Art. 3. — Les alinéas 2 et 3 de l 'art i-cle 593 du code d ' instruction criminelle, modifié par l 'ordonnance n ° 45-1791 du 13 août 1945 concernant le casier judiciaire sont abrogés» et remplacés par là disposi-t ion suivante :

1< Un duplicata de chaque bulletin n° 1 constatant unè décision entraînant la pri-vation des droits électoraux est adressé par le greffe compétent à la direction régionale de l ' inst i tut national de la statistique et des études économiques de sa région. » — (Adopté.)

« Art.- 4. — En cas de changement de commune d' inscription l ' Insti tut national de la statistique, avisé de la nouvelle ins-cription, en informe le maire de la com-m u n e ou l 'électeur était précédemment inscrit , qui vérifie ou assure la radiation de cet électeur.

« Il procède de même lorsqu' i l est avisé du décès d ' un électeur survenu hors de sa commune d'inscription, d 'une condamna-t ion comportant privation des droits élec-toraux ou de toute autre "cause devant en-traîner radiation d'office des listes électo-rales.

« L'avis envoyé au maire mentionne que îe cas échéant il sera procédé conformé-men t à l 'article. 5 ci-après. » JiAdopté,)

<< Art. 5. — Lorsqu'il constate une mé-gularité renouvelée ou prolongée dans les inscriptions et notamment en cas d'inscrip-tion 4 sous un faux état-civil, de maint ien d' inscription sur une liste électorale d ' un électeur décédé ou privé de ses droits élec-toraux, l ' insti tut national de la statistique en avise la préfecture compétente. » — (Adopté.)

« Art. 6. —- Le préfet fait , par toutes Voies de droit, procéder aux rectifications nécessaires sur les listes électorales.

« En outre, s ' i l a relevé une infrac-tion aux lois pénales, il saisit le Parquet aux lins de poursuites judiciaires. » (Adopté.)

« Art. 7. — En cas d'inscription d 'un électeur sur deux ou plusieurs listes, le préfet intervient auprès du maire de la commune du dernier lieu d'inscription. , « Celui-ci doit aussitôt et nonobstant la clôture de la période de revision, notifier à l 'électeur, par lettre recommandée avec accusé de réception, que, sauf opposition de sa part , il sera main tenu sur la liste de la commune où il s 'est fait inscrire en dernier lieu et rayé d'office des autres listes.

« Dès que l 'électeur a répondu et, à dé-faut , hui t iours après l 'envoi de la lettre recommandée, le maire procède à la ra-diation ou avise la mairie intéressée de la radiation à effectuer. » — (Adopté.)

« Art. 8. — Les rectifications aux listes électorales prévues par les articles précé-dents sont effectuées sans délai, nonobs-tant la clôture de la période de ' revis ion, par la commission municipale prévue par tes alinéas 2 et 3 de l 'article 2 de la loi du 7 juillet 1874 sur l 'électorat municipal. L'appel des décisions de cette commission est porté devant le juge de paix qui s ta tue conformément aux dispositions de l 'article 22 du décret organique d u 2 février 1852, relatif aux élections législatives. » — (Adopté.)

« Art. 9. — La date et le lieu de nais-sance de chaque électeur doivent obliga-toirement être portés sur les listes élec-torales dressées eii application des dis-positions du décret organique du 2 février 1852 et de la loi du 7 juillet 1874 sur l 'é-lectorat municipal.

« Mention'de ces renseignements figure également sur les avis d'inscription ou de radiation prévus à l 'article 2 de la pré-sente loi. » — (Adopté.)

« Art.-10. — La disposition du troisième alinéa de l 'article premier de la loi du 29 juillet 1913 est abrogée et*remplacée par Ja disposition suivante :

« A défaut de son option dans les hui t jours de la notification de la mise en de-meure par lettre recommandée, il reste inscrit sur la liste dressée dans la com-mune ou section de commune où il a été inscrit en dernier lieu et il sera rayé des autres listes, » — (Adopté.)

« Art. 11. — Le casier administratif des sous-préfectures institué par l 'article 5 de la loi du 5 août 1899 modifié par la loi du 11 juillet 1900 ne sera plus tenu à dater de la publication de la présente loi. » —, (Adopté.)

TITRE I I

Inscriptions en dehors des périodes de revision.

« Art. 12. — Sans préjudice des disposi-tions de l 'article 18a ci-après* peuvent êtr<§

inscrits sur les listes électorales en dehors des périodes de revis ion:

« 1° Les fonctionnaires et agents des administrations publiques mutés ou admis à faire valoir leurs droits à la retraite après la clôture des délais d' inscription ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec eux à la date de la mutat ion ou de la mise à la re t ra i te ;

« 2° Les militaires démobilisés après la clôture des délais d'inscription ou ayant changé de domicile à la suite de leur dé-mobilisation. » — (Adopté.)

« Art. 13. — Les demandes d' inscription visées à l 'article précédent sont, accom-pagnées des justifications nécessaires, dé-posées à la mairie.

« Elles ne sont, recevables que jusqu 'au dixième jour précédant celui du scrutin. » — (Adopté.)

« Art. 14. — Les demandes sont exami-nées par le juge de paix qui s latue dans un délai de quinze jours et au plus tard quatre jours avant le jour du scrutin. » — (Adopté.)

« Art. 15. — Les décisions du juge de paix sont notifiées dans les deux jours de leur date par lettre recommandée avec accusé de réception à l ' intéressé et s ' il y

^ lieu, au maire de îa commune d'inscrip-tion.

« Celui-ci inscrit l 'électeur sur les listes électorales ainsi que sur le tableau de rec-tification publié cinq j o u r s avant ia réu-nion des électeurs; si le tableau de recti-fication est déjà publié, le maire procède à un affichage spécial. » — (Adopte.)

« Art. 16. — Lçs juges de paix, directe-ment saisis, ont compétence pour s tatuer jusqu 'au jour du scrutin sur les réclama-tions des personnes qui prétendent avoir été omises sur les listes électorales par suite d 'une erreur purement matérielle ou avoir été radiées de ces listes sans obser-vation des formalités prescrites par l 'ar-ticle 4 de la loi susvisee du 7 juillet 1874 sur l 'électorat municipal. » — (Adopté.)

« Art. 17. — Les décisions des juges de paix peuvent faire l 'objet d 'un recours en cassation dans les dix jours de leur noti-fication. » — (Adopté.)

« Art. 18. — Toutes demandes d'inscrip-tion d 'urgence sur les listes 'électorales formées en ver tu des textes actuellement en vigueur et notamment de l 'ordonnance du 26 décembre 1944 modifiée par ordon-nance du 9 février 1945 portant modifica-tion et codification des textes relatifs à" l ' indignité nationale, de la loi du .16 avril 1946 portant amnistie et, en ce qui con-cerne les opérations électorales de 1946, de la loi du 2 mai 1946 tendant à complé-ter l 'article Ie* de la loi du 13 avril 1946 sont soumises à l 'observation des règles de procédure fixées aux articles 13. à 15 let 17* ci-dessus.

« Sont abrogés l 'article 2 de l 'ordon-nance n° 45-1223 du 7 juin 1945 inst i tuant une nouvelle révision" des listes 'électo-rales et organisant une procédure spéciale d'inscription de certaines catégories d'élec-teurs, ainsi que l 'ordonnance n° 45-2398 du 18 octobre 1945 permettant l ' inscription sur les listes électorales des fonctionnaires mutés après clôture de celles-ci et la loi n" 46-881 du 2 mai 1946 prorogeant e t . complétant ladite ordonnance. » (Adopté.)

Je mets aux voix l 'ensemble du projet de loi.

(L'ensemble du projet de loi, mis aux. 'voix, est adopté,\

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ASSEMBLEE NATIONALE; CONSTITUANTE — 2® SEANCE' DU 22 AOUT 1946

— 8 —

DEMANDE D'INTERPELLATION

M. le président. J'ai reçu de M. le colonel Félix une demande d'interpellation sur les troubles extrêmement graves qui se sont

{produits à Nantes le 21 août au soir et sur es mesures que le Gouvernement compte

prendre. La date du débat sera fixée ultérieure

ment

— 9 —

RENVOI FOUR AVIS

M. le président. Conformément aux arti-cles 26 et 28 du règlement l'Assemblée voudra sans doute renvoyer pour avis à la commission du ravitaillement la propo-sition de résolution de M. Ramarony et plusieurs de ses collègues tendant à in-viter le Gouvernement à pratiquer une politique d'encouragement à la production et à la livraison du blé et du lait (n° 246), dont la commission de l'agriculture est saisie au fond. {Assentiment.)

Conformément aux articles 26 et 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute renvoyer ipour avis à la commission du •ravitaillement la proposition de résolution de M. Charpentier et plusieurs de ses col-lègues tendant à inviter le Gouvernement à établir au plus tôt un plan de production laitière après fixation préalable du prix d'achat du lait à 10 irancs le litre au mi-nimum (n° 199), dont la commission de l'agriculture est saisie au fond. (Assenti-ment.)

Conformément aux articles 26 çt 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute renvoyer pour avis h la commission du ra-vitaillement la proposition de loi de M. Foussat est (plusieurs de ses collègues tendant à l'institution d'un office national de la pomme de terre (n° 369), dont la commission de l'agriculture est saisie au fond. (Assentiment.)

Conformément aux articles 26 et 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute renvoyer pour avis à la commission du ra-vitaillement la proposition de résolution de II. Baurens et plusieurs de ses collè-gues tendant à inviter le Gouvernement à assurer aux producteurs de blé la consom-mation familiale (n° 403), dont la com-mission de l'agriculture est saisie au fond {Assentiment.)

Conformément aux articles 26 et 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute renvoyer pour avis à la commission du ravitaillement la proposition de résolution de M. Gros et plusieurs de ses collègues tendant à inviter le Gouvernement à ac-corder à chaque viticulteur une part ' de vin réservatoire correspondant aux besoins réels de son exploitation. (n° 451), dont la commission de l'agriculture est saisie au fond. (Assentiment.)

Conformément aux articles 26 ht 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute renvoyer pour avis à la commission de la famille, de la population et de la santé publique la proposition de loi de Mme Nedelec et plusieurs de ses collègues ten-dant à faciliter et à étendre la légitima-tion des enfants adultérins (n° 320)» dont la commission de la justice et de législa-tion générale est saisie au fond. (Assenti-ment)

Conformément aux articles 26 et 28 du règlement, l'Assemblée voudra sans doute jrenYoyer pour avis à la commission de l a ,

famille, de la population et de la santé pu-blique la proposition de loi de Mme Vail-lant-Couturier et plusieurs de ses . collè-gues tendant à faciliter et à étendre l'adop-tion et la légitimation adoptive (n° 241), dont la commission de la justice et de législation générale est saisie au fond. (Assentiment.)

— 10 —

REGLEMENT DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président." L'Assemblée reprendra mardi, à quinze heures, la discussion de ia loi constitutionnelle ; elle entendra les derniers orateurs inscrits dans la discus-sion générale: M. Giovoni, Mme Germaine. Peyroles, M. Le Bail, Mme Gilberte Roca, ainsi que M. le président de la commission.

D'après les indications que m 'ont don-nées ces orateurs, la discussion générale pourrait être close au moment de la sus-pension de séance. A la reprise, l'Assem-blée aborderait la discussion des articles en commençant par le préambule.

Sommes-nous d'accord, monsieur le pré-sident de la commission ?

M. André Philip, président de la com-mission de la Constitution.. Oui, monsieur le président.

M. le président. Il n 'y a pas d'opposi-tion ?

Il en est ainsi ordonné. D'autre part, l'Assemblée a décidé de

tenir mardi matin, à neuf heures et demie, une séance consacrée à la discussion du rapport relatif aux élections de la Réunion.

M. Bouxom. Je demande la parole.

M, le président. La parole est à M. Bou-xom.

M. Bouxom. Certains de nos collègues de province ne peuvent que difficilement être présents à neuf heures trente, le mardi matin. La séance ne pourrait-elle être fixée à dix heures ?

M. le président. Je dois vous faire con-' naître, mon cher collègue, que, d'après les indications que j'ai reçues, le débat sur les élections de la Réunion risque d'être fort long. Il est même possible que la séance de mardi matin ne suffise pas.

Comme, d ' a u t r e part, i l importe mainte-nant de ne pas abandonner le débat sur la Constitution et de le poursuivre sans dé-semparer, nous devrions, pour aboutir, avec une séance du matin commençant à dix heures, tenir une s&nce le soir à vingt et une heures pour terminer' l e débat. (Protestations.)

M. Bouxom. Je me rends, monsieur le président, à vos raisons, et je retire ma proposition.

M, le président. En conséquence, voici 1 ordre du jour des séances qui auront lieu mardi prochain 27 août. ^

A neuf heures et demie, (première séance publique :

Suite de la vérification des pouvoirs : Discussion des conclusions du rapport

du 7e bureau sur les opérations électorales, du département de la Réunion (1™ cir-conscription) (M. Barangé, rapporteur).

Discussion des conclusions du rapport du 7e bureau sur les opérations électorales du département de la Réunion (2e circons-cription) (M. Maroselli, rapporteur) „

• A quinze heures, deuxième séance pu-blique :

Suite de la vérification des pouvoirs: Territoire du Cameroun français (col-

lège des non-citoyens) (M. Labrosse, rap-porteur) .

Territoire de la Martinique (2e circons-cription) (M. Nicod, rapporteur).

Examen d'une demande de pouvoirs d'enquête présentée par la commission des ipensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la répression.

Suite de la discussion des propositions de loi: 1° de M. André Philip et plusieurs de ses collègues tendant à établir la Cons-titution de la République française; 2° de M. Jacques Bardoux ayant pour objet l'éta-blissement de la loi constitutionnelle; 3° de M. Jacques Bardoux tendant à la création d 'un conseil fédéral de l'Union française; 4° de M. Jacques Bardoux rela-tive à la création d 'une « cour suprême de la République »; 5° de M. Coste-Floret et plusieurs de ses collègues tendant à établir la Constitution de la République française ; 6° de M. Bétolaud et plusieurs de ses col-lègues tendant à établir la Constitution de la République française (nos II. — 23-̂ 5T42-46-68-166-350-509. — M. Coste-Floret, rap-porteur général.

Il n 'y a pas d'opposition ?... L'ordre du jour est ainsi réglé.

— i l —

DEPOT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu" de M. René Mayer une proposition de loi tendant à compléter les ordonnances des 6 avril et 13 septembre 1945 et à mettre fin aux opé-rations du jury d'honneur.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 527, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de 1 intérieur, de l'Algérie et de l'ad-ministration générale, départementale et communale. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Gabriel Cudenet et plu-sieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à l'annulation de certaines dis-positions de la législation spéciale sur la consommation des boissons alcoolisées.

La proposition de loi sera imprimée sous le n<**628, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de la famille, de la population et de la santé publique. (Assentiment.)

J ' a i reçu de M. Hugues et plusieurs de ses collègues une proposition de loi ten-dant à l'abrogation du décret du 1er juil-let 1940 relatif à' la revision des pensions militaires.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 532, distribuée et,, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion des pensions civiles et militaires et des victimes de la guerre et de la répres-sion. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Fizaine et plusieurs de ses collègues une proposition de loi ten-dant à accorder aux salariées, mères de famille, un supplément à leur congé an-nuel.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 536, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion du travail et de la sécurité sociale. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. André Le Troquer et plu-sieurs de ses collègues une proposition de loi relative à l'inéiigi!bi]ité1

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La proposition de loi sera imprimée sous le n° 537, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de 1 intérieur, de l'Algérie et de l'ad-ministration générale, départementale et communale. (Assentiment.)

3'ai reçu de M. Joseph Wasmer une pro-position de loi tendant à assurer la pro-tection des animaux.

La proposition de loi sera imprimée sous le 538, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de ia justice et de législation géné-rale. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Raymond Laurent et plusieurs de ses collègues une proposi-tion de loi tendant à mettre en vigueur les articles 115, 115 a) 116 et 116 a) du Livre II,. du code du travail, relatifs à l'institution et au fonctionnement des commissions départementales du travail.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 539x distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion du travail et de la sécurité sociale. (Assentiment)

J'ai reçu de M, Louis Michaud et plu-sieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à réglementer l'exercice du droit da reprise des propriétaires, bail-leurs d'exploitations agricoles.

La proposition de loi sera * imprimée sous le n° 541,, distribuée et> s'il n ' y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de l 'agriculture. (Assentiment.)

J ' a i reçu de M. Jean Cayeux et plusieurs de ses collègues, une proposition de loi tendant à modifier, en faveur des Jeunes ménages n'ayartt pu cohabiter, du fait de la guerre, les modalités de la procédure de logement d'office.

La 'proposition de loi sera, imprimée sous ïe n° 542, distribuée et, s'il n ' y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de fa justice et de législation géné-rale. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. André Mercier (Oise) et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à l'établissement d'un pla-fond des loyers en matière de baux à loyer d'immeuble ou de locaux à usage commercial ou industriel (modification de l'article 23 de la loi du 30 juin 1936 modi-fiée» concernant la propriété commer-ciale).

La proposition de loi sera imprimee sous le n° 5'43, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de la justice et de législation géné-rale. (Assentiment.)

J'ai rèçu de M. Jean Minjoz' et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à modifier l'article 35 de la loi du 5 avril 1884 sur l'incompatibilité résul-tant de la parenté ou de l'allianee en ma-tière d'élections municipales, ,

La proposition de loi sera imprimée SOUS le n° 516, d i s t r i b u é e e t , s ' i l n ' y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de l'intérieur de l'Algérie et de l'ad-ministration générale, départementale et communale. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Jean Minjoz et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à modifier la procédure relative aux changements de nom.

La proposition .de loi sera imprimée sous îe n° 547, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de la justice et de législation géné-rale. (Assentiment.)

J'ai reçu de*M. Jean Minjoz et plusieurs de ses collègues une proposition de loi

tendant à modifier l'article 164 du code civil (empêchements au mariage).

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 548, distribuée- et, s'il n ' y a pas d'opposition, renvoyée à la commission de la justice et de législation générale (Assentiment.)

J'ai reçu .de M. Jean Minjoz et plusieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à permettre l 'annulation de cer-taines décisions ayant prononcé pendant l'çccupation le divorce.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 549, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commission de la justice et de législation générale. (Assentiment')

J'ai reçu de M. Eugène Thomas et plu-sieurs de ses collègues une proposition de loi tendant à modifier et compléter la loi du 7 mai 1946 portant codification et mo-dification de la législation sur les jardins ouvriers.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 552, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commission du travail et de.la sécurité sociale. (As-sentiment.)

J'ai reçu de M. Detraves et plusieurs de ses collègues une proposition de loi ten-dant à l'expropriation d'entreprises aban-. données par leurs propriétaires à la libé-ration et de reprises par le personnel lui-même.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 553, distribuée et, s'il n ' y a pas d'opposition, renvoyée à la commission de la justice et de législation générale. (Assentiment.)

— n —

DEPOT OE PROPOSITIONS OE RESOLUTION

M. le président. J 'ai reçu de M. Lamar-que-Cando et plusieurs de ses collègues une proposition de résolution tendant à inviter le Gouvernement à prendre des mesures contre les incendies de forêts en Gascogne et à préparer ia reconstruction agricole et sylvicole de la zone forestière de Gascogne.

La proposition de résolution sera im-primée sous le n° 529, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la etmmission de l'agriculture. (Assenti-ment.)

J'ai 'reçu de M. Jean-Moreau et plusieurs de ses collègues une proposition de réso-lution tendant à inviter le Gouvernement à rendre aux pâtissiers l'exercice normal de leur profession.

La proposition de résolution sera im-primée sous le n° 531, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commission du ravitaillement. (Assenti-ment.)

J'ai reçu de M. Juglas et plusieurs de ses collègues une proposition de résolu-tion tendant à inviter le Gouvernement à préparer la commémoration du centenaire de la Révolution de 1848, de l'établisse-ment du suffrage universel et de la se-conde République.

La proposition de résolution sera impri-mée sous le n° 5-14, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-sion de l'éducation nationale, des beaux arts, de la jeunesse, des sports et des loi-sirs. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Jacques Gresa et plu-sieurs de ses collègues une proposition de

résolution tendant à inviter le Gouverne-ment à ouvrir dans le collectif d'août 1946 les crédits permettant l'indemnisation des; agriculteurs victimes des récentes calami-s tés agricoles et en particulier des violents orages du début d'août qui ont dévasté la région du sud-ouest et endommagé dans une proportion de 80 à 100 p. 100 les vi-gnobles, céréales et cultures diverses d 'une partie du département de la Haute:Ga-ronne.

La proposition de résolution sera impri-mée sous le n° 545, distribuée et, s'il n 'y a pas d'opçosition, renvoyée à la commis-sion des finances et du contrôle budgé-« taire. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Guille et plusieurs de ses collègues une proposition de résolution: tendant à inviter le Gouvernement à faire ouvrir dans le collectif de crédits de l'exer-cice 1946 un crédit de 10 milliards au titre « secours aux agriculteurs victimes de ca-lamités agricoles et destiné à indemniser les agriculteurs dont les récoltes ont été endommagées par les calamités agrico-» les ».

La proposition de résolution sera impri-m é e sous le n° 550, distribuée et, s'il n'y,

a ipas d'opposition, renvoyée à la commis-sion des finances et du contrôle - budgé-* taire. (Assentiment.)

J'ai reçu de M. Jean Minjoz et plusieurs de ses collègues une proposition de réso- -lution tendant à inviter le Gouvernement à modifier le décret n° 45-0179 du 29 dé« cembre 1945 relatif aux assurances socia-les en ce qui concerne la longue maladie*

La proposition de résolution sera impri-mée sous le n° 551, distribuée et, s'il n*y a pas d'opposition, renvoyée à la commis-* sion du travail et de la sécurité sociale* (Assentiment.)

— Î3 —

DEPOT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jeaiî Vuillaume. un rapport fait au nom de la commission de l'agriculture sur la propo-sition de résolution de M. Villard et plu-sieurs de ses collègues tendant à inviter le Gouvernement à prendre d'extrême ur-gence les mesures nécessaires pour que les agriculteurs-perçoivent les rations de vin de la catégorie T 3 (n° 209).

Le rapport sera imprimé sous le n° 523 et distribué.

J'ai reçu de M. Alfred « Costes un rap« port fait au 'nom de la commission du tra-vail et de la sécurité sociale sur la propo^ sition de loi de M. Gabelle et plusieurs dé ses collègues relative à l'ordonnance du 2 février 1945 organisant sur de nouvelles bases les allocations aux vieux t rava i l leur salariés (n? 287).

Le rapport sera imprimé sous le n° 52$ et distribué.

J'ai reçu de M. Pierre Beauquier un rap-port fait au nom de la commission de Tin-» térieur, de l'Algérie et de l'administration! générale, départementale et communale sur le projet de loi relatif au contrôle des inscriptions sur ies listes électorales et à 1a procédure des inscriptions d'urgence (n° 398).

Le rapport sera imprimé sous le n° 5301 et distribué.

J'ai reçu de M. Guy Petit un rapport fait au nom de la commission de la justice et de législation générale, sur la proposition de loi de M. René Coty et plusieurs de ses.

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3308 ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE — 2e SEANCE DU 23 AOUT 1946

collègues, tendant à modifier la législation relative aux propriétaires de valeurs mo-

b i l i è res dépossédés par faits de guerre (n° 11-118).

Le rapport sera imprimé sous le n° «533 et ' distribué.

J'ai reçu de M. Jean Toujas un rapport fait au nom de la commission de la justice et de législation générale, sur la proposi-tion de loi de M. André Marie et plusieurs de ses collègues, tendant à modifier, en faveur des réfractaires et des maquisards, les dispositions de l 'article 9 du décret du

,26 septembre 1939 réglant les rapports entre bailleurs et locataires en temps de guerre (n° 11-120).

Le rapport sera imprimé sous le n° 531 e t distribué.

J 'ai reçu de M. Defos du 'Rau un rapport fait au nom de la commission de la justice, et de législation générale, s u r l a proposi-tion de loi da M. Eugène Petit (dit Clau-dius) et plusieurs de ses collègues portant dérogation à l'acte dit loi du 23 décembre 1941 relative à la publication des annonces légales et judiciaires (n° 11-131).

Le rapport sera imprimé sous le n° 535 et distribué.

J 'ai reçu de M. Vincent Badie un rapport fait au nom de la commission de la justice et de législation générale sur le projet de loi tendant à la désaffectation des îles Royales et Saint-Joseph du groupe des îles du Salut de la Guyane française comme lieu d'exécution de la peine de la réléga-tion et à la désignation d 'un nouveau lieu de séjour, des rélégués (n° 11-218).

Le rapport sera imprimé sous le n° 540 et distribué.

Personne ne demande la parole ?.., La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures 'quinze minutes.)

Le Chef du service de la sténographie de VAssemblée nationale constituante,

CH. DE LA MORANDIÈRE.

EXAMEN DES POUVOIRS

Rapports d'élection remis à la présidence en application de l'article 5 du règle-ment.

2° BUREAU. — M. Labrosse, rapporteur.

TERRITOIRE DU CAMEROUN FRANÇAIS

(Collège des non-citoyens.)

Les élections du 2 ju in 1946 ont donné les résultats suivants :

Electeur: inscrits, 16.146, dont 1e quart est 4.036.

Nombre de votants, 9.988. Bulletins blancs ou nuls à déduire, 43. Suffrages exprimés, 9.945, dont la majo-

rité absolue est de 4.973.

Ont obtenu : %

MM. Douala Manga Bell.. .-x-.as 5.296 voix. Ninine 3.526 — Assale 490 — Moumettia 166 — Ndonokon Ï35 — Kemajou — Njome 85 — Nkoulou 77 — Epoupa Emoch. 24 —

M. Douala Manga Bell a été proclamé élu comme ayant réuni un nombre de voix au moins égal à la majori té absolue des suffrages exprimés et supérieur au quart des électeurs inscrits.

Les opérations se sont faites régulière-ment.

Nulle protestation n'était jointe au dos-sier.

M. Douala Manga Bell, justifiant des conditions d'éligibilité requises par la loi, votre 23 bureau vous propose de valider son élection,

5S BUREAU. — M. Nicod, rapporteur.

TERRITOIRE DE LA MARTINIQUE

(2e circonscription.)

Les élections du 2 juin ont donné les résul fats suivants :

Electeurs inscrits, 48.085, dont le quart est 12.021.

Nombre de votants, 15.334. Bulletin; blancs ou nuls à déduire, 225. Suffrages exprimés, 15.109, dont la ma-

jorité est de 7.555.

Ont obtenu: MM Bissoi (Léopold) 9.387 voix.

- Joseph-Henri (Edme) . .* 5.046 — Boisson (Albert) 697 —»

Divers 2 — Aucun candidat n ' ayan t réuni les con-

ditions exigées pour être élu au premier tour, il a été procédé, le 16 juin 1946, à un secônd tour de scrutin qui a donné îes résultats su ivan ts :

Nombre de votants, 17.295. Bulletins blancs ou nuls à déduire, 277. Suffrages exprimés-^ 17.018.

Ont ob tenu: KM. Bissoi (Léopold) 9.100 voix.

Joseph-Henri ( E d m e ) . w 7.918 ~ M. Bissoi (Léopol) ayant obtenu le plus

grand n o m b u de suffrages a été pro-clame. ~ Les opérations se sont faites régulière-

ment. Nulle protestation n 'étai t jointe au dos-

sier, M. Bissoi (Léopold), justifiant des conn-

ditions d'éligibilité requises par la loi, votre 5e bureau vous propose de valider son élection.

Q U E S T I O N S É C R I T E S REMISES A LA PRESIDENCE

DE L'ASSEMBLEE NATIONALE CONSTITUANTE LE 23 AOUT 1 m

Application des articles 78 et 81 du règle-ment, ainsi conçus:

« Art. 78. — Tout député qui désire poser au Gouvernement des questions orales ou écrites doit les remettre au \président de l'Assemblée, qui les communique au Gou-vernement.

« Les questions doivent être très sommai-rement rédigées et ne contenir aucune im-putation d'ordre personnel à Végard de tiers nommément désignés. »

« Art. 81. — Les questions écrites son publiées à la. suite du compte rendu in ex-tenso; dans le mois qui suit cette publication, les réponses des ministres doivent également y être publiées.

« Les ministres ont toutefois la faculté de déclarer par écrit que Vintérêt public leur interdit de répondre ou, à titre exceptionnel, qu'ils réclament un délai supplémentaire pour rassemblez les éléments de leur réponse:

ce délai supplémentaire ne peut excéder un mois.

« Chaque semaine, le Journal officiel publie la liste, par ministère, des questions auxquelles il n'a pas été répondu dans le délai réglementaire. »

PRESIDENCE DU GOUVERNEMENT PROVISOIRE

818. — 23 août 1916. — M. Gabriel Cudenet expose à M. le président du Gouvernement provisoire (information) que, depuis le cou-rant du mois de juillet 1946, une station de radiodiffusion privée, appartenant à. un res-sortissant d'une puissance étrangère, effectue des. émissions à Tanger; qu'il y a là une violation de la réglementation internationale et locale; et demande quelles mesures il compte prendre pour mettre fin à cette si-tuation illégale et permettre à notre pays, qui dispose^juridiquement et matériellement de tous les rmoyens d'action utiles, d'y faire entendre lui-méine, sans relard, la voix de la France. \

AFFAIRES ETRANGERES

820. — 23 août 1916. — M. Gabriel Cudenet expose à M. le ministre des affaires étran-gères que, depuis plusieurs mois, divers res-sortissants étrangers procèdent à Tanger à l'installation de statiQns de radio; que, se-lon toute apparence, les services locaux ou chérifiens n'ont pris à ce jour aucune me-sure pour sanctionner ces infractions aux conventions internationales, notamment aux articles 105 et suivants de l'acte d'Algésiras, ou à la législation locale comme au monopole des communications de l'office chérifien des postes, télégraphes et téléphones; et demande quelles mesures il compte prendre pour assu-rer effectivement l'intégrité des droits du sultan, que notre pàys, comme puissance protectrice, a l'obligation et le devoir de, faire respecter; pour mettre fin, d'autre part, k l'anarchie actuelle, qui pourrait donner à croire que Tanger est désormais devenu le champ clos où s'affrontent librement toutes les tentatives de domination de l'esprit et du moral des populations nord-africaines, et pour permettre enfin à la France, qui seule en détient légalement le droit, d'y faire en« tendre sa voix et d'y exercer son influence.

AGRICULTURE i

821. — 23 août 1946. — M. Gabriel Cudenet demande à M. le ministre de l'agriculture, à quelle date sont fixées, pour le départe-ment de l'Aude, les élections d'assesseurs des tribunaux paritaires de canton et d'arrondis-? sement statuant sur les questions agricoles,! en application de la loi du 13 avril J946 suri îe statut du fermage; et ajoute que ces élections ont été ajournées alors qu'elles de-vaient avoir lieu le 9 juin 1946.

822. — 23 août 1946. — M. Gabriel Cudenet demande à M. le ministre de l'agriculture quel sera le taux moyen, par hectare d'exploi-tation, de la cotisation mensuelle envisagée (ou calculée) par les services de son minis-tère pour couvrir les trois risques assurés par les caisses de sécurité sociale, lorsque cette législation sera applicable aux agriculteurs.

823. — 23 aoûl 1946. — M. Jean Sourbet demande à M. le ministre de l'agriculture les mesures qu'il compte prendre en faveur des .agriculteurs qui se servent (Je tracteurs auto-mobiles à essence pour éviter que Paugmen-tation du prix de vente de ce carburant n'en-traîne pour eux un surcroît très élevé de dépenses non récupérables, et s'il n'y aurait pas lieu, notamment, de leur délivrer, comme cela se fait pour les marins-pêcheurs, des bons spéciaux leur permettant de se procurer k l'ancien prix l'essence nécessaire à leurs travaux. . * - - -

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ARMEES 824. — 23 août 1946. — M. Joseph Le Sciel-

lour signale à M. le ministre des armées que la circulaire ministérielle il0 ' 091/P. C. 4 du 2 mai 1946, dans un but de décentralisation, autorise les chefs de service à accorder des avancements au personnel ouvrier, et lui demande, si îes chefs de laboratoire peuvent en bénéficier, auquel cas dés instructions devront être données aux régions.

825. — 23 août 1946. M. Auguste Reneurel demande à M. le ministre des armées si un officier réunissant au 30 décembre 1946 25 ans et 9 mois de services (dont 5 ans et 8 mois hors d'Europe, plus un an à la I*® armée pen-dant les opérations d'Italie, de France et d'Al-lemagne), peut demander son dégagement des cadres par application des dispositions de l'ar-ticle 5 de la loi du 5 avril 1946.

ECONOMIE NATIONALE

826. — 23 août 1956. — M. Pierre Chevalier rappelle à M. le ministre de l'économie natio-nale la situation des propriétaires de camion-nettes et de conduites intérieures dites com-merciales qui, n'ayant jamais eu d'attributions jrégulières d'essence, se voient, à l'iheure actuelle, privés des 20 litres d'essence men-suellement accordés aux propriétaires de voi-tures touristes, et demande s'il compte réparer cette injustice dans le plus court délai.

827. — 23 août 1946. x— M. Yves Helleu signale à M. le ministre de l'économie natio-nal e l'omission regrettable, dans la liste des opérations prévues par l'aceord franco-italien du 5 mars dernier, du règlement des droits et redevances des brevets d'invention, .sa con-séquence étant l'impossibilité pour îes inven-teurs français de se protéger en Italie et la spoliation légale de nos inventions par l'indus-trie italienne; attire son attention sur cette négligence qui lèse les intérêts de la France, puisque les redevances payées par ies Italiens pour l'utilisation de ces brevets auraient con-tribué à améliorer la balance commerciale, et lui demande quelles mesures il compte pren-dre pour remédier à cet état de choses.

F I N A N C E S

828. — 23 août 1946. — M. Armand de Bau-dry^ d'Asson demande h M. I© ministre des finances si* dans une déclaration de succes-sion le forfait de 60' p. 4D0 de l'estimation contenue dans une police d'assurances contre

.l'incendie souscrite depuis plus de dix ans par le défunt, son conjoint ou ses auteurs à uno société'd'assurances mutuelles (et non à une compagnie d'assurances à prime fixe) en cours au décès constitue la base légale d'évaluation des biens meubles, observations faites qu'une telle police peut être considérée comme pro-

, togée par tacite reconduction.

829. — 23 août 1946. — M. Jean-Marie Bou-vfer-O'Cottereau expose à M. le ministre des finances que la presse parisienne du 20 août 4946 (notamment Le Figaro) annonçait « de source diplomatique française » que la France avait dépensé ou passé en commandes les trois quarts des crédits accordés depuis sep-tembre 1945 par les Etats-Unis, et lui demande quelle est la ventilation de l'utilisation de ces

. crédits (en dehors des crédits ouverts pour régularisation prêt-bail).

830. — 23 août 1946. — M. Pierre Chevallier demande à M. le ministre des finances si un surveillant d'école normale, en fonction de novembre 1941 à février 1946-, rétribué sur la base d'une indemnité quotidienne de 43 fr. 50 par journée effective de surveillance (taux porté à 62 fr. par arrêté du 26 dévem-bre 1945, paru au J. O. du 11 janvier 1946, avec effet du 1er février 1945), aurait droit à percevoir l'indemnité- de résidence au taux fixé pour la ville dans laquelle il exerce ses fonctions.

83t. — 23 août 1946. — M. Gabriel Cudenet expose à M. le ministre des finances que nos rapatriés sont dans une situation extrême-ment difficile en raison de l'application de l'ordonnance n° 45-255 du 5 octobre 1945; que cette ordonnance et son décret d'application du 17 novembre 1945 prévoient l'attribution des prêts aux anciens prisonniers de guerre, déportés et réfugiés en vue de la remise en activité ou de l'installation d'une -entreprise industrielle, ocmmerciale ou artisanale; que îe titre 1er de cette ordonnance a pour but d'accorder avec un minimum de délai et de formalités à ceux d'entre eux dont la solva-bilité antérieure aura été constatée, une somme qui leur permet de faire face aux pre-miers frais de réouverture de leur entreprise, ie montant maximum de 500 mllions de francs ayant -été mis à la disposition de ce •titre à partir du 5 octobre 1945 jusqu'au 5 avril 1946; que le titre II intéresse les nom-breux . déportés et réfugiés ayant obtenus I autorisation 4e créer un fonds ou se ren-dant acquéreurs d'un fonds déjà existant-qu'une tranche de 500 millions de francs fraction de îa somme d'un milliard do francs mise à la disposition de la chambre syndicale •des banques populaires, est affectée à ce ti-tre, mais que de nombreuses difficultés ont surgi pour l'application de- cette ordonnance, en particulier les garanties; qu'enfin, le mil-liard .attribué aux prêts venant d'être épuisé, les directeurs des banques populaires ont sus' pendu tout payement pour manque de 'fonds (crédits d'un milliard épuisé), les prêts cbn-scentis ne peuvent être, honorés, le matériel et louullage prêts h êîre livrés aux deman-deurs ne peuvent être effectués-, et demande miellés mesures il compte prendre pour remé-dier à cette situation.

832. — 23 août 1946. — M, Joseph Denais demande à M. ie ministre des finances: 1<> pourquoi les porteurs français des emprunts egyptiens remboursés depuis janvier 1944 nont pu, jusqu'à ce jour, entrer en posses-sion ni de leur capital ni des coupons arrié-rés de mai 1940 à janvier 1944; 2° dans quel-les conditions l'office des changes a reçu — ou s est vu refuser par le gouvernement' égvp-tien —' les sommes dont il s'agit.

.833. — 23 août 1946. — M. Charles Viatte signale à M. le ministre des finances que de nombreux propriétaires de voitures automo-biles ou motocyclettes se sont vu offrir de,s indemnités très faibles à la suite de la réqui-sition de ces véhiculles qui, très souvent après utilisation par l'armée et réforme, sont revendus par l'administration des domaines à des jprix très supérieurs aux prix offerts aux propriétaires; et lui demande: 1<> quelles me-sures il compte prendre pour faire cesser cette anomalie; 2° s'il n'est pas possible en cas de réforme d'un véhicule, d'en offrir d'abord la restitution au propriétaire.

FRANCE D'OUTRE-MER

834. — 23 août 1946. — M. Maurice Viollette demande à M. le ministre de la France d'ou-tre-mer si la France peut continuer à se montrer si débile au point de permettre à •Madagascar la profanation d'une -mosquée et le meurtre d'une trentaine de Comoriens par des Hovas catholiques ou protestants.

INTERIEUR

835. — 23 août 1946. — M. Jean Cayeux demande à M. le ministre de l'intérieur s'il n'y aurait pas intérêt à faire inscrire sur le livret de famille les enfants dans les mêmes condtions que s'ils étaient nés des parents adoptifs; et ajoute qu'une telle mesure au-rait pour effet de supprimer les doutes sur l'ascendance légitime de l'enfant adopté et de ne pas défavoriser les 'enfants adoptés dans l'utilisation de plus en plus courante du livre! de famille comme pièce d'identité.

PRODUCTION INDUSTRIELLE

836. — 23 août 1940. — M. Gabriel Cudenet demande à M. le ministre de la production industrielle s'il compte prendre en considéra-tion les demandes du corps médical en ce qui concerne les voitures automobiles; et lui si-gnale l'urgence de ce problème qui met en cause la santé publique.

RECONSTRUCTION ET URBANISME

837. — 23 août 1946. — M. Jacques Chaste!» lain expose à M. le ministre de la reconstruc-tion et de l'urbanisme que les sinistrés relogés •dans des 'baraquements provisoires, soucieux de se couvrir contre les risques d'incendie et les agents d'assurances auxquels'ils s'adres-sent pour souscrire une police, n'obtiennent auprès des agents du ministère de la recons-truction et de l'urbanisme que des rensei-gnements très imprécis sur leurs obligations et qu'il semble particulièrement nécessaire quuû règlement de la question soit élaboré; ajoute qu'en règle générale, l'Etat est son propre assureur; et demande, lorsqu'un sinis-tre éclate dans un baraquement et est im-putable à l'Etat (vice die construction, instal-lation électrique défectueuse, etc.) quel est, dans ce cas, le recours du sinistré s'il occupe: i* un logement d'habitation; 2<> un logement commercial; 3° des bureaux (application de 1 ordonnance Dauiry); 4° un bâtiment indus-triel; 50 une salie de spectacles.

$38. — 23 août 1946. — M. Jacques Chas-teilain expose à M. le ministre de la recons-truction et de l'urbanisme que l'occupant d'un baraquement provisoire quelconque, mis à sa disposition par l'Etat, est tenu, en tout état de cause, de couvrir contre les risques d'incendie son mobilier, objets mobiliers de toute nature, ses marchandises, son matériel, etc., suivant qu'il occupe un local à usage •d habitation ou à usage professionnel, indus-triel ou commercial; et demande: 1° s'il est tenu de se couvrir contre les risques locatifs pour le cas où un sinistre lui serait imputa-ble (négligence, défaut de ramonage ou tout autre cause de son fait) ; 2<> si l'Etat pourra exercer son droit de recours; 3° si, dans le cas où un sinistre' imputable à l'occupant du baraquement provisoire s'étend aux baraque-ments limitrophes, le responsable du sinistre doit répondre aux demandes die recours des voisins sinistrés de son fait.

m . — 23 août 1946. — M. Jacques Chaste!, lain expose à M. le ministre de la reconstruc-tion et de l'urbanisme que, des renseigne-ments puisés près des compagnies d'assuran-ces, les primes, pour des assurances dans les baraquements provisoires eh bois, sont d'un taux élevé (quatre francs pour mille) ; qu'il est avère que, devant le montant de la prime annuelle, les occupants se restreignent et sont, pour la plupart, non assurés ou insuffb samment assurés; et demande si l'Etat ne pourrait, pour cette catégorie d'assurés, con-sentir un taux réduit et abordable suivant les catégories de sinistrés relogés, leur permet-tant de pouvoir se couvrir de la valeur totale dje remplacement des pertes qu'ils sont suscep-tibles d'éprouver en cas de sinistre.

840. — 23 août » — M. Joseph Schaff demande a M. le ministre de la reconstruc-tion ©t die l'urbanismè quelle solution U. entend donner au problème -de l'insuffisance de l'allocation d'attente, actuellement fixée à 1.800 francs, cette mesure ne permettant ma-nifestement pas de respecter la dignité du sinistré. - . « -

SANTE PUBLIQUE

841. T 23 août 1946. — M„ Gabriel Oudenet expose à M. le ministre de la santé juabMque que, deux ans après la libération, le corps médical est encore régi par le.s lois de Pé-tain; que. le décret du 17 avril 1943 sur le fonctionnement des hôpitaux petite vill^

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exige qu'ils soient confiés «à un seul médecin par service sous prétexte de responsabilité, créant ainsi un monopole de fait pour quel-ques privilégiés au détriment des autres médecins qui, autrefois, -pouvaient assurer les services, selon leur spécialité, par roulement; qu'il y aurait intérêt et qu'il serait beaucoup plus juste que (en dehors des centres de faculté où certains établissements hospitaliers •servent à l'enseignement' et dans lesquels les chefs de service sont des professeurs" oii des chargés de cours) tous les hôpitaux soient ouverts à tous les médecins qui pourraient être classés selon spécialité dans leur service respectif et entreraient en fonction, soit à tour de rôle, soit au libre choix du malade; qu'en dehors de ce libre choix dont pour-raient bénéficier tous les malades, cela per-mettrait d'améliorer la sécurité sociale en créant des services de garde par roulement et surtout l'ensemble du corps médical pour-rait bénéficier en toute équité des honoraires versés pour les malades hospitalisés par les un tiers payants que sont: les assurances sociales, les mutualités, les accidents de tra-vail, etc.; que les assurances sociales versent actuellement au chef de service un forfait de 10 francs par lit occupé, ce qui permet h cer-tains d'encaisser des sommes énormes sans aucun frais; que ces décrets ont transformé les médecins d'hygiène de la santé publique en véritables gauleiter de la médecine, régen-tant à plaisir tous-les actes professionnels; et lui demandes, en conséquence, s'il envisage l'abolition du décret du 1? avril 1943 sur le fonctionnement des hôpitaux.

842. — 23 août 1946. — M. Jean-Moreau ex-posa à M. le ministre de la santé publique que le parc d.3s véhicules automobiles dont dispose le corps médical de l'Yonne est tout à fait insuffisant pour permettre aux méde-cins d'accomplir leur tâche; que ces véhi-culas sont, pour la plupart, en très mauvais état et n-3 peuvent être réparés qu'avec des

moyens de fortune, étant donné le manque de pièces, de rechange; qu'en outra, quinzè médecins sont actuellement privés d3 véhi-cules et que ce nombre sera vraisemblabl3-ment triplé avant la fin de l'année, en raison de l'usure d3s voitures en service; «3t demande s'il' ne serait pas possible d'augmenter ie contingent des licences attribuées au corps médical, car la situation d3 l'Yonne semble identique à celle des autres départements et il est inadmissible que les médecins ne puis-sent se procurer par priorité des véhicules neufs alors qu'il s'agit, en l'occurrence, de sauvegarder la santé publique.

843. — 23 août 1940. — M. Jean Sourbet demande à M. le ministre de la santé publique pourquoi un commis aux écritures à. l'hôpital public psychiatrique de Château-Picon, nommé au titre des emplois réservés (loi du 17 avril 1916) ancien combattant de la guerre 1914-1918, ayant accompli 21 ans, 4 mois et 12 jours de service, admis h faire valoir ses droits à la retraite par la • commission de réforme prévue par l'article 20 de la loi du l i avril 1924, n 'a obtenu qu'une pension proportion-n e l alors que l'article 79, paragraphe 2, de la loi du l i avril 1924 prévoit que. dans le cas d'aggravation de l'infirmité de guerre dont est atteint l'intéressé, sa pension doit être une pension d'invalidité liquidée confor-mément aux dispositions de l'article. 21 de ladite loi.

TRAVAIL ET SECURITE SOCIALE

841. — 23 août 1946. — M. Vincent Badie appelant l'attention de M. le ministre du tra-vail et de la sécurité sociale sur l'arrêté du 14 février 1946, lui demande: 1° dans quelles conditions doivent être réglées les fournitures pharmaceutiques délivrées régulièrement aux accidentés du travail; 2° si, comme cela avait été logiquement décidé, l'ouvrier accidenté

doit, sur présentation de la facture des médi-caments délivrés au tarif national, être rem-boursé sans retard par son employeur, des dépenses avancées.

845. — 23 aoû: 1946. — M. Emile Halbout demande à M. le ministre du travail et de la sécurité sociale si la retenue pour les assu-rances sociales doit être effectuée sur le sa-laire d'un ancien artisan, âgé de plus d® soixante-cinq ans, embauché par une entre-prise travaillant pour la reconstruction, etf dans l'affirmative, à quelle date cet artisaa pourra bénéficier de la retraite des vieux.

846. — 23 août 1946. — M. Maurice Schu-mann signale à M. le ministre du travail et de la sécurité sociale l'intérêt qu'il y au-rait à prendre en considération, lors de "l'éla-boration des décrets pris en application de l'article 33, alinéa'2, de la loi du 22 mai 1946, la situation des mères de famille de moins de cinq enfants ayant, en fait, en raisoa de la mort prématurée d'un ou plusieurs de leurs descendants directs au premier degré, élevé jusqu'à l'âge de seize ans des descen-dants directs au second degré; et lui demande s'il compte inclure ces « ^ères-grands'mè-res » dans les bénéficiaires de l'allocation.

TRAVAUX PUBLICS ET TRANSPORTS

847. — 23 août 1946'. — M. Robert Lecourt demande à M. le ministre des travaux pu-blics et des transports s'il ne serait pas pos-sible d'obtenir pour les familles des gen-darmes et gardes républicains deux permis annuels de circulation leur donnant droit à une réduction de 50 p. 100, les gendarmes et gardes républicains apportant très souvent aux contrôleurs de réseau leur aide bénévole lorsque celle-ci. est nécessaire au bon fonc-tionnement des transports.

Paris. — Imprimerie des Journaux officiels, 31, quai Voltaire*