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1 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE Michèle BIRAUD 5. Syntaxe de la phrase complexe : des fonctions aux formes Ce chapitre présente une étude de la phrase complexe à partir des fonctions, c’est -à- dire des rôles syntaxiques des propositions subordonnées dans la phrase complexe, autrement dit de leur point d'ancrage dans la principale (une relative peut être aussi bien épithète de son antécédent que complément d'objet d'un verbe) et, en corollaire lorsqu’il s’agit de circonstancielles, des apports sémantiques que celles-ci constituent. Le chapitre suivant propose une approche à partir des formes observées dans la phrase grecque (termes introducteurs des subordonnées, modes de leurs verbes). Les deux approches sont complémentaires, et le lecteur d’un texte en langue étrangère s’appuie sur les deux pour interpréter le texte. La première approche correspond à la démarche progressive de construction du sens lors de la compréhension d’un texte : ainsi, dans un texte narratif, on s'attend à trouver des informations sur les circonstances temporelles du procès, et l’on essaye de repérer les subordonnées circonstancielles de temps ; en réponse à un « pourquoi? », la réplique ne peut guère prendre la forme que d'une expression de cause ou de but ; à la suite d'un verbe signifiant « s'interroger » on guette l'apparition d'une subordonnée interrogative indirecte ... La compréhension d'un texte progresse autant par la recherche active de réponses à ces attentes relevant du sens que par une analyse syntaxique impeccable. Mais elle ne peut pas aboutir non plus sans cette analyse, qui passe par un repérage des marques tangibles de la subordination que sont les termes introducteurs de proposition et les modes verbaux. 5.1. Les propositions subordonnées substituts de groupes nominaux Les unes, dites complétives, sont compléments ou sujets du verbe principal ; soit elles sont introduites par une conjonction et ont alors leur verbe à un mode personnel, soit ce sont des propositions infinitives. D’autres, les propositions relatives sans antécédent, peuvent tenir lieu de n’importe quel groupe nominal de la phrase. 5.1.1. Les propositions subordonnées complétives introduites par une conjonction La forme de la proposition subordonnée (son terme introducteur, le mode de son verbe…) dépend du sens du verbe introducteur. Voici un résumé des principaux cas qu’il faut distinguer. verbe principal proposition complétive je pense opinion prop. infinitive valeur temporelle des thèmes verbaux négation οὐ conjonctions ὅτι ou ὡς les mêmes modes et temps qu’une indépendante négation οὐ je dis affirmation je vois perception participe attribut du sujet ou du complément du verbe principal négation οὐ je sais connaissance je me réjouis sentiment εἰ les mêmes

5. Syntaxe de la phrase complexe : des fonctions aux formes2 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD modes et temps qu‘une

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    5. Syntaxe de la phrase complexe : des fonctions aux formes

    Ce chapitre présente une étude de la phrase complexe à partir des fonctions, c’est-à-

    dire des rôles syntaxiques des propositions subordonnées dans la phrase complexe, autrement

    dit de leur point d'ancrage dans la principale (une relative peut être aussi bien épithète de son

    antécédent que complément d'objet d'un verbe) et, en corollaire lorsqu’il s’agit de

    circonstancielles, des apports sémantiques que celles-ci constituent. Le chapitre suivant

    propose une approche à partir des formes observées dans la phrase grecque (termes

    introducteurs des subordonnées, modes de leurs verbes). Les deux approches sont

    complémentaires, et le lecteur d’un texte en langue étrangère s’appuie sur les deux pour

    interpréter le texte.

    La première approche correspond à la démarche progressive de construction du sens

    lors de la compréhension d’un texte : ainsi, dans un texte narratif, on s'attend à trouver des

    informations sur les circonstances temporelles du procès, et l’on essaye de repérer les

    subordonnées circonstancielles de temps ; en réponse à un « pourquoi? », la réplique ne peut

    guère prendre la forme que d'une expression de cause ou de but ; à la suite d'un verbe

    signifiant « s'interroger » on guette l'apparition d'une subordonnée interrogative indirecte ...

    La compréhension d'un texte progresse autant par la recherche active de réponses à ces

    attentes relevant du sens que par une analyse syntaxique impeccable. Mais elle ne peut pas

    aboutir non plus sans cette analyse, qui passe par un repérage des marques tangibles de la

    subordination que sont les termes introducteurs de proposition et les modes verbaux.

    5.1. Les propositions subordonnées substituts de groupes nominaux

    Les unes, dites complétives, sont compléments ou sujets du verbe principal ; soit elles sont

    introduites par une conjonction et ont alors leur verbe à un mode personnel, soit ce sont des

    propositions infinitives. D’autres, les propositions relatives sans antécédent, peuvent tenir lieu

    de n’importe quel groupe nominal de la phrase.

    5.1.1. Les propositions subordonnées complétives introduites par une conjonction

    La forme de la proposition subordonnée (son terme introducteur, le mode de son verbe…)

    dépend du sens du verbe introducteur. Voici un résumé des principaux cas qu’il faut

    distinguer.

    verbe principal proposition complétive

    je pense

    opinion prop. infinitive

    valeur temporelle

    des thèmes verbaux

    négation οὐ

    conjonctions

    ὅτι ou ὡς

    les mêmes modes

    et temps

    qu’une

    indépendante

    négation οὐ

    je dis affirmation

    je vois

    perception participe attribut du

    sujet

    ou du complément

    du verbe principal

    négation οὐ

    je sais

    connaissance

    je me réjouis sentiment εἰ

    les mêmes

  • 2 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    modes

    et temps qu’une

    indépendante

    négation μὴ

    je veux

    il faut

    il convient

    il est possible

    volonté

    obligation

    convenance

    possibilité

    prop. infinitive

    valeur aspectuelle

    des thèmes verbaux

    négation μὴ

    je m’efforce

    de

    effort ὅπως

    et l’indicatif futur

    (ou le subjonctif

    éventuel)

    j’ai peur crainte μὴ + subj.

    négation οὐ

    Examinons plus en détail chaque construction.

    5.1.1.1. Les subordonnées compléments d’un verbe déclaratif

    Après un verbe signifiant « dire que », le grec emploie fréquemment une proposition

    infinitive, assez souvent une proposition introduite par ὅτι dont le mode et le temps sont ceux

    avec lesquels les paroles ont été énoncées [cf. ENONC § 9.2], parfois une proposition

    introduite par ὡς (alors la proposition subordonnée transcrit la manière dont l'énonciateur s'est

    exprimé).

    … ὁμολογεῖται κρεῖττον εἶναι θαρρεῖν ἢ ϕοβεῖσθαι καὶ ἐλεύθερον εἶναι μᾶλλον ἢ

    δουλεύειν (Xénophon, Banquet 4, 29)

    … on s’accorde à dire qu’il vaut mieux être audacieux que craintif et être libre

    plutôt qu’esclave.

    ...ἔλεξεν ὅτι οὗτος οὐ φαίη εἰδέναι (Xénophon, Anabase, IV, 1, 24)

    ... Ιl a dit que celui-ci prétendait ne rien savoir.

    Λέγει δ' ὡς ὑβριστής εἰμι καὶ βίαιος (Lysias, XXIV, 15)

    prétend que je suis emporté et violent.

    5.1.1.2. Les subordonnées compléments d’un verbe d’effort

    Ὅπως (ou ὡς) peut introduire les propositions complétives dépendant des verbes d'effort

    ... ἐπεμελήθη ὡς τύχοιεν πάντων τῶν καλῶν· (Xénophon, Cyropédie, VII, 3, 16) …il prit garde à la façon dont ils obtiendraient tous les honneurs (il prit soin de

    leur faire obtenir...).

    5.1.1.3. Les subordonnées compléments d’un verbe de crainte

  • 3 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Elles sont introduites par μή (fonctionnant ici comme une conjonction) et leur verbe est au subjonctif lorsqu’on craint que quelque chose arrive (ou qu’on redoute que quelque chose

    n’arrive pas) :

    Δέδοικα μὴ παντάπασιν ἠλίθιος γένωμαι (Xénophon, Cyropédie, 1, 4, 12)

    Je crains de devenir tout à fait fou.

    Δέδοικα μὴ οὐκ ἔχω τοσαύτην σοφίαν (Xénophon, Mémorables, 2, 3, 10)

    Je crains de ne pas avoir tant de sagesse.

    Le subjonctif peut être remplacé par l’optatif si le verbe de crainte est à un temps du passé :

    ἔδεισαν μὴ λύττα τις, ὥσπερ κυσὶν, ἡμῖν ἐμπεπτώκοι (Xénophon, Anabase, 5, 7, 26)

    Ils craignirent que, comme les chiens, nous ne fussions atteints d’une espèce de rage.

    Si on craint qu’une chose désirée n’arrive pas, cette subordonnée est introduite par μή et elle a

    pour négation οὐ :

    Oὐ δέδοικα μὴ οὐκ ἔχω ὅ τι δῶ ἑκάστῳ τῶν ϕίλων ἀλλὰ μὴ οὐκ ἔχω ἱκανοὺς οἷς

    δῶ.

    (Xénophon, Anabase 1, 7, 7)

    Je ne crains pas de ne pas avoir de quoi donner à chacun de mes amis, mais de ne

    pas avoir assez d’amis à qui donner.

    On emploie le mode indicatif si la crainte concerne un fait révolu :

    Νῦν δὲ φοβούμεθα μὴ ἀμφοτέρων ἅμα ἡμαρτήκαμεν (Thucydide, 3, 53)

    Maintenant nous avons bien peur de nous être doublement trompés.

    5.1.1.4. Les subordonnées interrogatives indirectes

    Elles sont complément de verbes siginifiant « demander » (ἐρωτάω-ῶ), « savoir » (οἶδα),

    « examiner » (ἐπισκοπέω-ῶ, σκέπτομαι).

    La question peut concerner la totalité du procès (« il se demande si P », « si » est alors traduit

    par εἰ) ou porter sur l’un des constitunts de la subordonnée (« je me demande qui / que /

    comment / quand … », pour l’inventaire des termes introducteurs, voir ENONC 9.2.2.2).

    ἤρετο εἴ τις ἐμοῦ εἴη σοϕώτερος (Platon, Apologie 21a)

    demanda s’il y avait quelqu’un de plus savant que moi.

    Βουλεύομαί γε ὅπως σε ἀποδρῶ· (Xénophon, Cyropédie I, 4, 13)

    Je me demande comment t'échapper

    5.1.2. Les propositions subordonnées infinitives

    5.1.2.1. Ce qu’est une proposition infinitive

    Dans la phrase le/gei tou_j a)ne/mouj ei]nai qeou_j « il dit que les vents sont des dieux », le verbe qui correspond à « sont », ei]nai, est à l’infinitif ; son sujet, tou_j a)ne/mouj, est à l’accusatif. Ces deux caractéristiques définissent une proposition infinitive.

  • 4 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Les verbes qui signifient dire, penser, ordonner, pouvoir ou vouloir peuvent avoir pour

    complément un infinitif (phrases 1 et 2) ou une proposition à l’infinitif (le verbe à l’infinitif

    ayant son propre sujet, à l’accusatif, voir phrase 3 et suivantes) :

    ... e0qe/lei katelqei=n ei0j th\n patri/da. … il désire marcher sur (contre) sa patrie.

    … a)gagei=n ta\ te/kna ei0j fili/an οὐ du/natai. … elle ne peut pas conduire ses enfants vers l’amitié (elle ne peut pas réconcilier

    ses enfants).

    …νομίζεις τοῦτον ἐλεύθερον εἶναι (Xénophon, 4, 5, 3) …tu penses que cet homme est libre.

    ….ἐκεῖνον μὲν οὖν ἐκέλευον βαδίζειν, ἐμὲ δὲ μεθ' αὑτῶν ἀκολουθεῖν εἰς Δαμνίππου (Lysias, 12, 13)

    …ils lui ordonnaient donc d’avancer, et à moi de suivre avec eux chez Damnippos.

    Λέγεις ... ὥσπερ γεωργοῦ ἀργοῦ οὐδὲν ὄϕελος, οὕτως οὐδὲ στρατηγοῦ ἀργοῦντος οὐδὲν ὄϕελος εἶναι. (Xénophon, Cyropédie, 1, 6, 18)

    Tu dis … que, de même qu’on ne tire aucune utilité d’un cultivateur paresseux, de

    même on n’en tire aucune non plus d’un général paresseux.

    Ἀνεῖλεν οὖν ἡ Πυθία μηδένα σοϕώτερον εἶναι. (Platon, Apοlogie, 21a) La Pythie lui répondit que nul n'était plus savant.

    Πιστεύω γὰρ δίκαια εἶναι ἃ λέγω (Platon, Apοlogie, 17c)

    Je suis sûr que ce j'ai à vous dire est juste.

    5.1.2.2. Quelques verbes usuels dont le complément est une proposition infinitive

    Dire : le&gw, fhmi& Reconnaître : o(mologw= Penser : nomi&zw, oi!omai, h(gou=mai Ordonner : keleu&w Interdire : kwlu&w Contraindre : a)nagka&zw Conseiller : sumbouleu&w Pouvoir : du&namai Vouloir : bou&lomai, e)qe&lw Il semble bon : dokei= Il faut : dei=, xrh& 5.1.2.3. Valeur du temps du verbe à l’infinitif et forme de la négation

    Après les verbes signifiant dire ou penser (ou des notions semblables), la proposition à

    l’infinitif exprime une assertion, une opinion. Le choix de la forme d’infinitif obéit à des

    considérations temporelles (présent / passé / futur) et, s’il y a une négation, c’est ou).

  • 5 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Après les autres verbes, notamment ceux qui signifient pouvoir, vouloir ou falloir (ou des

    notions semblables), la proposition à l’infinitif exprime une possibilité, une intention. Le

    choix de la forme d’infinitif obéit alors à des considérations aspectuelles (voir MORPHO§8.5)

    et, s’il y a une négation, c’est mh&.

    Il arrive qu’un verbe signifie « dire de » et non « dire que » ; dans ce cas, l’infinitif qu’il

    introduit est de ce second type :

    Κλέαρχος·πέμπει αὐτῷ ἄγγελον ἔλεγε θαρρεῖν (Xénophon, Anabase, I, 3, 8) Cléarque... envoie un messager lui dire d'avoir confiance.

    5.1.3. Les propositions subordonnées relatives sans antécédent

    En tant que pronom, le rôle fondamental du relatif est de représenter un groupe nominal de la

    proposition qu'il introduit et de marquer par sa forme (ou sa finale casuelle dans les langues à

    déclinaisons) la fonction de ce groupe nominal dans cette proposition qu'il introduit. D'autre

    part, le relatif est un anaphorique : le groupe nominal de la subordonnée qu'il représente est

    coréférent à un groupe nominal de la principale, qu'il soit exprimé (c'est son antécédent, cf

    phrase a) ou non (la subordonnée relative occupe alors la place fonctionnelle de ce groupe

    nominal, cf. phrases b et c).

    (a) Καί τινα ϕωνὴν ἔδοξα αὐτόθεν ἀκοῦσαι, ἥ με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι (Platon, Phèdre,

    242c)

    Et il m’a semblé entendre une voix qui ne me laisse pas partir [la proposition

    subordonnée relative détermine le nom φωνὴν].

    (b) ...εἰ μὴ ποιήσεθ' ἃ Θηραμένης κελεύει … (Lysias, 12, 75) …si vous ne faites pas ce que Théramène ordonne, …

    (c) Ὅστις ...πιστεύει τοῖς παροῦσι, λίαν ἀνόητός ἐστιν. (Isocrate, Aréopagitique, 8) …quiconque ... se fie au présent est bien insensé [la proposition subordonnée

    relative est sujet de λίαν ἀνόητός ἐστιν].

    Quand la subordonnée relative occupe à elle seule la place fonctionnelle d’un des groupes

    nominaux de la principale, il peut se produite le phénomène appelé "attraction du relatif" : le

    cas du pronom relatif ne marque alors plus la fonction, dans la subordonnée relative, du

    groupe nominal qu'il représente, mais la fonction de la proposition relative dans la

    proposition principale. Ce phénomène, qui ne s'observe pas chez Homère, se rencontre le plus

    souvent dans les relatives sans antécédent :

    ... ὧν ἐποίησαν ὀργίζεσθε (Lysias 12, 80)

    ....vous vous irritez des choses qu’ils faisaient [la proposition subordonnée relative

    est complément du verbe ὀργίζεσθε, qui doit prendre le cas génitif ; si le relatif avait le cas de la fonction du groupe nominal qu'il représente dans la subordonnée,

    le complément de ἐποίησαν, on aurait ἅ]

    ... ὁ δὲ ὧν μὲν ὑπέσχετο οὐδὲν ἔπραξεν (Lysias, XII, 70)

    ...Celui-ci ne fit rien de ce qu'il avait promis

  • 6 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    [la proposition subordonnée relative est complément du pronom οὐδὲν, d’où le

    génitif ; si le relatif avait le cas de la fonction du groupe nominal qu'il représente

    dans la subordonnée, on aurait ἅ].

    ... ἐξ ὦν ἄρτι μεμαρτύρηται μεμαθήκατε (Démosthène, LVII, 46) … vous l'avez appris grâce aux témoignages que vous venez d'entendre.

    [[la proposition subordonnée relative dépend de la préposition ἐξ, d’où le génitif ; si le relatif avait le cas de la fonction du groupe nominal qu'il représente dans la

    subordonnée, on aurait ἅ].

    et aussi parfois dans des relatives déterminatives :

    Λυσίμαχος ... ᾤκει πλησίον τῆς οἰκίας ἧς οὗτος ἐμεμίσθωτο (Lysias, III, 11) Lysimaque habitait près de la maison que celui-ci avait louée

    [si le relatif avait le cas de la fonction du groupe nominal qu'il représente dans la

    subordonnée, on aurait ἥν, ἧς résulte de l’accord avec l’antécédent]

    … βοηθήσατε ... τοῖς ὅρκοις οἷς ὀμωμόκατε (Lysias, X, 32) … donnez pleine force ... aux serments que vous avez prêtés

    [si le relatif avait le cas de la fonction du groupe nominal qu'il représente dans la

    subordonnée, on aurait οὕς].

    Dans les cas où la subordonnée relative occupe la place d’un des constituants nominaux de la

    phrase principale, le pronom relatif ὅς s’emploie lorsque le groupe nominal que désigne la

    subordonnée est défini, de par sa coréférence avec une occurrence antérieure du même groupe

    nominal (cf. phrases b et c). Lorsque le groupe nominal que désigne la subordonnée est

    indéfini, on emploie le pronom relatif ὅστις (cf. phrase c).

    En revanche, la subordonnée relative dans son ensemble est définissante, d'où la possibilité

    parfois attestée de la reprendre, dans la principale, par un démonstratif :

    (c') Ὅστις ...πιστεύει τοῖς παροῦσι, οὗτος λίαν ἀνόητός ἐστιν. qui se fie au présent, celui-ci est bien insensé.

    5.2. Les propositions subordonnées substituts de groupes nominaux

    compléments circonstanciels

    5.2.1. Les propositions subordonnées introduites par une conjonction

    Presque toutes les circonstances se prêtent à être exprimées par une subordonnée introduite

    par une conjonction. Nous allons décrire successivement l’expression des circonstances

    temporelles, de la localisation, des rapports de cause et de but.

    5.2.1.1. L’expression des rapports temporels

    5.2.1.1.1. Antériorité / postériorité / concomitance

    Les notions essentielles sont celles d'antériorité, de postériorité et de concomitance.

  • 7 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    En cas de concomitance, il y a une relation sémantique de coréférence entre chacun des deux

    moments. L'exemple Il est arrivé quand je partais repose sur l'association des deux

    propositions :

    Il est arrivé à un certain moment.

    Je partais à ce même moment.

    Cette coréférence des compléments de temps pourrait s'exprimer avec un complément

    nominal de temps dans la principale et un pronom relatif dans la subordonnée. Or on peut

    trouver un nom indiquant une période temporelle comme antécédent de ὅτε, par exemple dans la formule initiale des contes (Platon, Protagoras, 320c) :

    ἦν ποτε χρόνος ὅτε ... Il fut un temps où ... Et c'est pour cette raison que les locutions conjonctives de temps sont formées d'une

    préposition et d'une forme du pronom relatif. Et que la plupart des conjonctions de temps

    exprimant la concomitance des procès commencent par un esprit rude (elles comportent

    étymologiquement un morphème relatif). A l'inverse, il n'y a pas de morphème relatif dans

    l'expression de la non concomitance des procès : πρίν, ἐπεί, ἐπειδή.

    5.2.1.1.2. Organisation du système dans la prose attique classique

    A- Le moment du procès exprimé par le verbe principal et le moment du procès exprimé par

    le verbe de la subordonnée sont concomitants en au moins un point

    a tous deux sont ponctuels (à l'instant où) ὅτε, ἡνίκα

    b tous deux sont duratifs (aussi longtemps que, tant que) ἕως, ἡνίκα

    c le procès de la principale est ponctuel,

    celui de la subordonnée duratif (pendant que)

    ἐν ᾧ ἕως, ὡς

    d le procès de la subordonnée est instantané,

    et se situe au terme de l'espace temporel

    exprimé par le procès principal (jusqu'à ce que)

    ἕως, μέχρι οὗ

    e le procès de la subordonnée est instantané,

    et se situe au début de l'espace temporel

    exprimé par le procès principal (à partir du moment où)

    parfois avec nuance ingressive (dès que)

    ἐξ οὗ ὅτε, ἐπειδή, ὡς suivis de τάχιστα

    B- Le moment du procès exprimé par le verbe principal et le moment du procès exprimé par

    le verbe de la subordonnée ne sont pas concomitants.

    f le procès de la principale est postérieur à celui de

    la subordonnée (après que)

    ἐπεί, ἐπειδή

    g le procès de la principale est antérieur à celui de

    la subordonnée (avant que)

    πρίν

    C- La répétition des procès est ordinairement marquée au niveau des modes verbaux.

  • 8 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    - Lorsque le procès principal est actuel ou futur, le verbe de la principale est à l'indicatif

    présent ou futur, et celui de la subordonnée au subjonctif, la particule ἄν se plaçant immédiatement après la conjonction de subordination et fusionnant avec elle (ὅταν, ὁπόταν, ἡνίκα ἄν, ἐν ᾧ ἄν, ἕως ἄν, ἐπειδάν, πρὶν ἄν).

    - Lorsque le procès principal est passé, le verbe de la principale est à l'indicatif imparfait ou

    aoriste, et celui de la subordonnée à l'optatif (emploi dit de répétition).

    5.2.1.1.3. Chaque conjonction ou locution conjonctive a une configuration d'emplois qui lui

    est propre

    La plupart des conjonctions aptes à exprimer une circonstance temporelle ont aussi d'autres

    valeurs circonstancielles. La plus fréquente est l'expression causale. Celle-ci résulte d'une

    extension de la valeur temporelle : quand deux procès sont consécutifs, il arrive souvent que

    l'un puisse paraître la cause (implicite) de l'autre. Les dictionnaires relèvent cet emploi pour

    ὅτε, ὁπότε, ὁπηνίκα, ὡς, ἐπεί et ἐπειδή.

    • Ὅτε exprimait chez Homère toutes les valeurs où les deux procès sont concomitants au moins de façon momentanée. En prose attique, il en reste occasionnellement capable, mais ses

    emplois usuels se sont limités :

    … οὓς ἔχουσα ἐτύγχανεν ὅτε τὸ πρῶτον ἦλθεν εἰς τὴν οἰκίαν (Lysias, XII, 19) … qu'elle possédait au moment où elle entra pour la première fois dans notre

    maison.

    ... ὅτε περ πρῶτον αἱ ἀστικαὶ δίκαι ἐδικάζοντο (Lysias, XVII, 3)

    ... dès qu' on se mit à juger les actions civiles.

    • Ἕως :

    La distinction de trois valeurs est liée au caractère momentané ou duratif des procès de la

    subordonnée et de la principale :

    - les deux procès sont duratifs :

    Ἕως γὰρ ἂν τὰ ὑμέτερα ἔχοντες σφίσιν αὐτοῖς συνειδῶσιν, οὐδέποτε ὑμῖν παύσονται κακονοοῦντες (Lysias, XXIX, 10) Αussi longtemps qu'ils auront conscience d'être détenteurs de vos biens, ils ne

    cesseront pas de vous être hostiles.

    - le procès de la principale se situe à un moment de la durée du procès de la

    subordonnée :

    Ἀλλ’ ἄγετ’ ... ἕως ἔτ’ ἐστὶν ἄστρα κατὰ τόν οὐρανόν (Aristophane, Assemblée des

    femmes, 83)

    Μais allons, décidons ... pendant qu'il y a encore des étoiles au ciel.

    - le procès de la subordonnée est instantané, et se situe au terme de l'espace temporel

    exprimé par le procès principal :

  • 9 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ... ἐφύλαττεν ἕως ἐξηῦρεν ὅ τι εἴη τὸ αἴτιον (Lysias, I, 15)

    ... elle l'avait fait surveiller jusqu'au moment où elle avait découvert ce qui en était la

    cause.

    • Ἡνίκα concurrence (très faiblement) ὅτε pour la concomitance des procès momentanés :

    ... πλεῖστα τήνδε τὴν πόλιν ὠφέλησαν ἐν μάχαισιν, ἡνίκ’ ἦλθ’ ὁ βάρβαρος… (Aristophane, Guêpes, 1078) ... ils rendirent tant de services à cette ville dans les combats, lorsque vint le

    barbare…

    Ἡμάρτανον τόθ’ ἡνίκ’ ἐξελίμπανον δόμους πατρῴους (Euripide, Médée, 800) J'ai eu tort le jour où je délaissai la demeure paternelle.

    ... νῦν δὲ ἡνίκα αὐτὸς ἑαυτῷ εὐνούστατός ἐστιν ὁ δῆμος (Lysias, XX, 17)

    ... maintenant que le peuple assume au mieux ses propres intérêts.

    Il concurrence parfois ἕως dans l'expression de procès contemporains et égaux en durée (aussi longtemps que, tant que) :

    … ὃς πρῶτα μέν, ἡνίκ’ ἐβούλευον, σοὶ χρήματα πλεῖστ’ ἀπέδειξα (Aristophane, Cavaliers, 774)

    … moi qui, tout d'abord, aussi longtemps que j'étais conseiller, t'ai procuré de

    grosses sommes d'argent.

    • Dans l'expression de la limite ultérieure d'une durée, ἕως est concurrencé par μέχρι οὗ :

    Οἱ πολέμιοι ... ἐδίωκον μέχρι οὗ εἶδον τοὺς Ἕλληνας βοηθοῦντας (Xénophon, Anabase, V, 4, 16)

    Les ennemis les poursuivirent jusqu'au moment où ils virent les Grecs qui venaient à

    la rescousse.

    • Dans l'expression d'une concomitance non équative (un des deux procès est d'une durée

    moindre que l'autre), ἕως est concurrencé par ἐν ᾧ (ou ἐν ὅσῳ) :

    Τότε τὰς μορίας ἐξέκοπτον, ἐν ᾧ οὐδὲ τὰ ἡμέτερ' αὐτῶν ϕυλάττειν ἐδυνάμεθα. (Lysias, VII, 7)

    Ils ont déraciné des oliviers dans un moment où nous ne pouvions même pas

    protéger nos propres biens.

    … ἐν ὅσῳ δὲ καταβαίνεις, ἐγὼ ἐπᾴσομαι μέλος τι μελλοδειπνικόν (Aristophane, Assemblée, 1152) … pendant que tu descends, moi je vais entonner un chant de prélude au festin.

    •L'expression de la limite antérieure du procès principal est le domaine de ἐξ οὗ (ou ἐξ ὅτου, ἀφ’ οὗ) :

  • 10 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ... οὐκ ἐλούσατ' ἐξ ὅτουπερ ἐγένετο. (Aristophane, Ploutos, 85) … il ne s'est pas lavé depuis le jour où il est né.

    ’Αϕ' οὗ γὰρ ἤρξατ' ἐξ ἀρχῆς βλέπειν

    ὁ Πλοῦτος, οὐδεὶς ... ἔτι θύει τοῖς θεοῖς (Aristophane, Ploutos, 1113)

    Depuis que Ploutos a commencé de voir, personne n'offre plus de sacrifices.

    • Avec ὡς, la circonstance temporelle a dû être envisagée au départ comme le moyen de la réalisation du procès de la principale. Mais à l'époque classique, ὡς est devenu une conjonction temporelle concurrente de ὅτε ou ἐπείδη, avec certaines spécialisations d'emplois. Dans l'emploi le plus fréquent, « le procès subordonné est instantané, et signale le moment où

    se déclenche le procès principal » (P. Monteil, La phrase relative, p. 362). La subordonnée

    précède en général la principale et son verbe est toujours à l'aoriste. Le caractère immédiat de

    l'enchaînement des deux procès est souvent signalé par un adverbe (εὐθύς ou τάχιστα), dont la présence offre en outre l'avantage de permettre d'identifier l'emploi comme temporel :

    ... ὡς δὲ ἀφίκετο τάχιστα ὁ Κύρος ... (Xénophon, Cyropédie, I, 3, 2)

    ... dès que Cyrus fut arrivé ...

    ... ὡς γὰρ τάχιστα ἀφικόμεθα πρὸ τὸν θεὸν ... (Aristophane, Ploutos, 653)

    ... aussitôt que nous fûmes arrivés près du dieu...

    … εὐθὺς γὰρ ὡς ἐνέπλητο πολλῶν κἀγαθῶν, ἀνήλατ' (Aristophane, Guêpes, 1304) ... car dès qu'il se fut gorgé d'une foule de bonnes choses, il dansa.

    Remarque : Dans l'emploi temporel, τάχιστα ne suit jamais immédiatement la conjonction ὡς ; cela le distingue de l'emploi où ὡς est un adverbe modificateur d'intensité du superlatif (ὡς τάχιστα le plus vite possible).

    De l'idée d'un enchaînement immédiat on peut passer à celle d'une succession immédiate des

    deux procès : le procès principal est rendu possible par l'accomplissement du procès

    subordonné ; cette interprétation, souvent possible lorsque le verbe de la subordonnée est à

    l'aoriste, s'impose lorsqu'il est à l'aspect parfait :

    οἱ δὲ ξύμμαχοι, ὡς ᾔσθηνται ...

    σὲ μὲν ἡγοῦνται (Aristophane, Guêpes, 673) Les alliés, une fois qu'ils ont eu compris..., ils t'estiment ...

    L'emploi duratif (pendant que) est plus rare ; cette interprétation résulte de la présence de

    l'indicatif imparfait dans la subordonnée :

    ... ὡς δ' ἐθάλπετο, / ῥεῖ πᾶν ἄδηλον (Sophocle, Trachiniennes, 697) … tandis que (le flocon de laine) s'échauffait, il se fondit tout entier invisible.

  • 11 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    • Ἐπεί et ἐπειδή neutralisent l'opposition entre simultanéité et postériorité. Comme on l'a

    déjà vu pour ὡς, deux actions qui s'enchaînent sont à la fois concomitantes en un point et successives ; on est même souvent en droit d'hésiter pour un même énoncé :

    Ἐπεὶ δὲ κατεπέμϕθη ὑπὸ τοῦ πατρὸς σατράπης Λυδίας ... πρῶτον μὲν ἐπέδειξεν αὑτόν (Xénophon, Anabase, I, 9, 7) Après que (lorsqu') il eut été envoyé par son père comme satrape de Lydie, ... il se

    montra d'abord...

    Un emploi fréquent met en valeur cette fonction d'enchaînement ; la conjonction y est suivie

    de τάχιστα :

    Ἐπεὶ δὲ ᾑρέθη τάχιστα, ἤρχετο πρῶτον... (Xénophon, Cyropédie, I, 5, 6) Dès qu'il eut été désigné, il commença ...

    ou des adverbes θᾶττον, πρῶτον. Ces adverbes la spécialisent dans l'acception temporelle.

    Remarque : D'autres adverbes ou particules orientent vers l'acception causale : καί, γε, οὖν

    (Thucydide, III, 60, IV, 18; Platon, Banquet, 199e, République, 350e).

    • Après la conjonction πρίν « avant de », l'infinitif (en grec comme en français) marque que le procès de la subordonnée n'a pas encore commencé de se réaliser :

    Κατηγορεῖς γὰρ πρὶν μαθεῖν τὸ πρᾶγμά μου. (Aristophane, Ploutos, 376)

    Tu m'accuses avant de prendre connaissance de mon affaire.

    Quand la principale est négative, il n'y a pas, pragmatiquement, de disjonction temporelle

    entre les moments des deux procès, la fin de l'un est le début de l'autre, et avant que peut être

    remplacé par jusqu'à ce que :

    Οὐ Κύρῳ ἰέναι ἤθελε πρὶν ἡ γυνὴ αὐτὸν ἔπεισε (Xénophon, Anabase, I, 2, 26) Il ne voulut pas se rendre auprès de Cyrus jusqu'au moment où sa femme le

    persuada.

    Dans ces conditions, rien d'étonnant à ce que la proposition introduite par πρίν, après une principale de sens négatif, ait les mêmes emplois modaux et temporels que les propositions

    introduites par ἕως : indicatif pour un fait déterminé, subjonctif avec ἄν pour un fait éventuel.

    5.2.1.2. L’expression de la localisation

    Dans les phrases complexes du type j’irai où tu seras, au subordonnant où correspond en grec

    soit la conjonction ἵνα (ici elle est suivie de l’indicatif, alors que lorsqu’elle exprime le but, elle est suivie du subjonctif ou de l’optatif) soit l’adverbe οὗ dérivé de la base du relatif ὅς (ou l’adverbe οἷ s’il y a déplacement).

    ...ἐπὶ τῶν τραπεζῶν, ἵνα ὑμῶν πολλοὶ ἀκηκόασι. (Platon, Apologie, 17c) ... auprès des comptoirs des marchands, où beaucoup d'entre vous m'ont entendu.

    Εἶτ' ἐνταῦθα μὲν

  • 12 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ἵν' ἦσαν αὐτοὶ τὸν Πόλεμον κατῴκισαν (Aristophane, Paix, 205) Là où ils étaient eux-mêmes ils ont installé Polémos.

    ‘Ορᾷς ἵν' ἥκεις (Sophocle, Œdipe-Roi, 687) Tu vois où tu en es arrivé.

    … μικρὸν προϊόντες ἀπὸ τῆς ϕάλαγγος, οὗ ἡ μάχη ἐγένετο, ... (Xénophon, Anabase, 2, 1, 6)

    … s’avançant un peu hors de la troupe jusqu’au point où avait eu lieu le combat…

    … ἀπιὼν ὁ ’Ασσύριος ἐκ τῆς ἑαυτοῦ πόλεως, οἷ κατέϕυγε ... (Xénophon, Cyropédie 5, 4, 15)

    … l’Assyrien, sortant de sa propre cité, où il s’était réfugié, …

    Comme pour tous les compléments de lieu, la forme varie selon l’orientation spatiale :

    Lieu où l’on est οὗ, ἵνα Lieu où l’on va οἷ, parfois ἵνα et οὗ Lieu d’où l’on vient ἐξ οὗ

    5.2.1.3. L’expression de la cause

    Les principales conjonctions introductrices sont ὅτι et ὡς ; comme ὡς est polyvalent et que ὅτι introduit aussi les subordonnées complétives, on peut marquer plus clairement le rapport causal grâce à διότι.

    Διὰ τί αὕτη ἡ φήμη κατασκέδασται; - Διότι οἱ ποιηταὶ μέγα δύνανται εἰς δόξαν (Platon, Lois, 639a)

    - Pourquoi ce bruit s’est-il répondu ? - Parce que les poètes ont un grand pouvoir

    pour établir une réputation.

    Un certain nombre de conjonctions temporelles ont aussi un sens causal, la consécution de

    deux événements pouvant souvent s’interpréter comme un rapport de cause à effet ; c’est un

    emploi fréquent de ἐπεί et ἐπειδή, et qui n’est pas rare non plus pour ὅτε :

    Ἐπεὶ ὑμεῖς οὐ βούλεσθε συμπορεύεσθαι, ἀνάγκη μοι μεθ’ ὑμῶν ἰέναι. (Xénophon, Anabase, 1, 3, 5)

    Puisque vous ne voulez pas marcher avec moi, il est nécessaire que ce soit moi qui

    aille avec vous. Ὅτε τοῦθ’ οὕτως ἔχει, προσήκει προθύμως ἀκούειν. (Démosthène, 1, 1) Puisqu’il en est ainsi, il convient d’écouter avec attention.

    Une subordonnée relative dont le pronom introducteur est suivi de γε est souvent de sens

    causal :

    Κλέαρχον δὲ καὶ εἴσω παρεκάλεσε σύμβουλον, ὅς γε αὐτῷ ἐδόκει προτιμηθῆναι μάλιστα τῶν Ἑλλήνων (Xénophon, Anabase, 1, 6, 5)

  • 13 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Il fit entrer aussi Cléarque comme conseiller, parce que celui-ci lui paraissait être le

    plus considéré des Grecs.

    5.2.1.4. L’expression du but

    Le but n’étant pas un événement déjà réalisé, mais un objectif qu’on se propose, les

    propositions subordonnées de but n’ont pas pour mode l’indicatif, mais le subjonctif (et dans

    certaines conditions l’optatif), à moins qu’il ne s’agisse d’un indicatif futur (avec la

    conjonction o#pwj).

    - i#na, o#pwj, w(j (pour que, afin que) + subjonctif

    Des propositions introduites par i#na, o#pwj, plus rarement w(j, ayant leur prédicat au subjonctif, fonctionnent comme compléments de verbes d'activité. Ces constructions sont

    proches des propositions à l'indicatif futur (voir 2.3). Elles sont parfois annoncées dans la

    principale par un pronom neutre, qu'elles développent. #Opwj est souvent accompagné de a!n, w(j rarement, i#na jamais, a!n exprimant une modalité « éventuelle ». Négation mh/.

    i#na + subjonctif : Τοὺς νέους εἰς παιδοτρίβου πέμπουσιν, ἵνα τὰ σώματα βελτίω ἔχωσιν (Platon, Protagoras, 326) On envoie les jeunes gens chez le pédotribe, afin qu’ils aient des corps plus solides.

    Attention : i#na + indicatif signifie « là où » (cf. § 5.2.1.2).

    o#pwj + subjonctif : Παρήλθομεν ... ὅπως μὴ ῥᾳδίως περὶ μεγάλων πραγμάτων ... χεῖρον βουλεύσησθε (Thucydide, 1, 73, 1)

    Nous nous sommes présentés devant vous, afin que vous ne preniez pas à la légère

    dans une affaire importante une mauvaise décision.

    o#pwj (a!n) + subjonctif : Διὰ τῆς σῆς χώρας ἄξεις ἡμᾶς, ὅπως ἂν εἰδῶμεν ἅ τε δεῖ ϕίλια καὶ πολέμια ἡμᾶς νομίζειν. (Xénophon, Cyropédie, 5, 2, 21) Tu nous conduiras à travers ton pays afin que nous sachions ce que nous devons

    considérer comme ami ou comme ennemi.

    w(j + subjonctif : Διανοεῖται τὴν γέφυραν λῦσαι Τισσαϕέρνης τῆς νυκτός, ὡς μὴ διαβῆτε (Xénophon, Anabase, 2, 4, 17)

    Tissapherne médite de couper le pont cette nuit, afin que vous ne traversiez pas.

    w(j ( a!n) + subjonctif : ὡς δ' ἂν μάθῃς ὅτι ..., ἀντάκουσον (Xénophon, Anabase, 2, 5, 16)

    Pour que, éventuellement, tu apprennes..., écoute à ton tour.

    - i#na, o#pwj, et w(j + optatif

    Si le verbe principal est à un temps secondaire, on a d’ordinaire, après i#na, o#pwj, et w(j, l’optatif oblique au lieu du subjonctif :

  • 14 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Μένων δῆλος ἦν ... ἐπιθυμῶν ἄρχειν, ὅπως πλείω λαμβάνοι, ἐπιθυμῶν δὲ τιμᾶσθαι, ἵνα πλείω κερδαίνοι· (Xénophon, Anabase, 2, 6, 21) Ménon ne dissimulait pas son désir de commander pour recevoir plus d’argent, son

    désir d’obtenir des honneurs pour faire plus de profit.

    - o#pwj (afin que) + indicatif futur

    Des propositions ayant leur prédicat à l'indicatif, surtout futur, (négation mh/), et introduites par les conjonctions o#pwj, fonctionnent comme compléments de verbes pour exprimer un but, une fin à atteindre.

    Οἱ σύμμαχοι οὐ δι' ἓν ἄλλο τρέϕονται ἢ ὅπως μαχοῦνται ὑπὲρ τῶν τρεϕόντων. (Xénophon, Cyropédie, 2, 1, 21)

    Les alliés ne sont nourris qu’afin de combattre pour ceux qui les nourrissent. - (/Wste ou w(j + infinitif

    (/Wste ou w(j + infinitif, marquant normalement la conséquence (de façon à…) prend souvent une nuance finale. Négation mh/.

    Φέρονται ... κώθωνα, ὡς ἀπὸ τοῦ ποταμοῦ ἀρύσασθαι (Xénophon, Cyropédie, 1, 2, 8)

    Ils apportent ... une coupe, de façon à /pour prendre de l’eau du fleuve.

    5.2.2. Les propositions participiales

    Ce sont des propositions subordonnées complètes dont le verbe est au mode participe. Si ce

    verbe est impersonnel, sa forme de participe est à l’accusatif ; sinon, le verbe au participe et

    son sujet sont tous les deux au génitif.

    Ἡμῖν δὲ ἐξὸν ζῆν μὴ καλῶς, καλῶς αἱρούμεθα μᾶλλον τελευτᾶν (Platon, Ménexène, 246d)

    Alors qu'il nous est possible d'avoir une vie sans beauté, nous préférons une belle

    mort.

    Καὶ ἀϕικομένης ’Αττικῆς νεὼς ἐψηϕίσαντο ’Αθηναίοις ξύμμαχοι εἶναι (Thucydide, III, 70, 2)

    Lorsqu'un navire d'Attique arriva, ils votèrent d'être alliés aux Athéniens.

    5.2.2.1. Génitif absolu (ou autonome)

    C’est une proposition autonome : son verbe est au mode participe, au génitif, son sujet est

    aussi au génitif :

    ... ἅτε θεωμένων τῶν ἑταίρων, πολλὴ ϕιλονικία ἐγίγνετο. (Xénophon, Anabase, IV, 8, 27)

    ...du fait que leurs camarades les regardaient, il y avait une grande émulation.

  • 15 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Deux cas particuliers :

    - Le sujet du génitif absolu peut ne pas être exprimé, et l'on restitue alors un nom abstrait

    animé ou neutre, de sens indéterminé :

    ... κατακειμένων γὰρ ἀλεεινὸν ἦν ἡ χιὼν (Xénophon, Anabase, IV, 4, 11)

    ... quand on était couché, la neige réchauffait.

    - Un participe au génitif a parfois pour sujet non pas un substantif, mais une proposition

    subordonnée introduite par ὅτι ou une proposition subordonnée infinitive : Καὶ σαϕῶς δηλωθέντος ὅτι ἐν ταῖς ναυσὶ τῶν ‘Ελλήνων τὰ πράγματα ἐγένετο (Thucydide, I, 74, 1)

    Et quand il fut démontré que le salut des Grecs était dans leurs navires...

    5.2.2.2. Accusatif absolu

    L'accusatif absolu (qui n'apparaît qu'au Ve siècle, en attique et chez Hérodote) est surtout

    fréquent au neutre singulier dans des formules figées telles que δέον, χρεών « alors qu'il

    faut », ἀναγκαῖον ὄν, « alors qu'il est nécessaire », πρέπον, προσῆκον « alors qu'il convient »,

    ἐξόν, δυνατὸν ὄν « alors qu'il est possible » (ou « s'il est possible », « bien qu'il soit possible » ou toute autre valeur circonstancielle)...

    On l'observe parfois aux autres genres, cette fois en accord avec un sujet propre, mais

    nécessairement alors précédé de ὡς ou ὥσπερ signifiant « dans la pensée que » :

    ... μισθὸν αἰτοῦσιν, ὡς οὐχὶ αὐτοῖσιν ὠϕελίαν ἐσομένην ἐκ τοῦ ἄρχειν ἀλλὰ τοῖς ἀρχομένοις (Platon, République, I, 345e) ... ils réclament un salaire, dans la pensée que ce n'est pas pour eux mais pour les

    gouvernés qu'un avantage résultera du gouvernement.

    Φήσει ... ὥσπερ ὑμᾶς ἀγνοοῦντας ὅτι ... (Eschine, Contre Ctésiphon, 189) Il va dire ..., dans la pensée que vous ignorez que...

    5.3. Les propositions subordonnées substituts d’adjectifs

    5.3.1. Les propositions relatives

    Observons les phrases suivantes :

    Καί τινα ϕωνὴν ἔδοξα αὐτόθεν ἀκοῦσαι, ἥ με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι (Platon, Phèdre, 242c)

    Et j'ai cru entendre une voix qui me défend de partir. Οἱ δ' ἡγεμόνες οὓς ἔχομεν οὔ ϕασιν εἶναι ἄλλην ὁδόν. (Xénophon, Anabase, IV, 1,

  • 16 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    22)

    Or les guides que nous avons affirment qu'il n'y a pas d'autre route.

    Ἐξῆν αὐτῷ κατὰ τοὺς νόμους, οἳ κεῖνται περὶ τῶν ὀρϕανῶν καὶ ...τῶν ἐπιτρόπων, μισθῶσαι τὸν οἶκον (Lysias, XXXII, 23) Il lui était possible, selon les lois qui sont établies au sujet des orphelins et des

    tuteurs..., d'affermer le patrimoine.

    ... ὑπὸ γυναικὸς ὑποπεμϕθεῖσα ἣν ἐκεῖνος ἐμοίχευεν (Lysias, I, 15)

    ... envoyée par une femme dont celui-là était l'amant.

    Le pronom relatif est un subordonnant qui introduit une proposition de type assertif, et c’est

    un pronom, qui représente un groupe nominal de la proposition qu'il introduit et marque par

    sa forme (ou sa finale casuelle dans les langues à déclinaisons) la fonction de ce groupe

    nominal dans cette proposition (en français, qui pour la fonction sujet, que pour la fonction

    complément d’objet, dont pour les compléments introduits par la préposition de...). D'autre

    part, c’est un anaphorique : le GN de la subordonnée qu'il représente est coréférent à un GN

    de la principale, c'est son antécédent (en italiques grasses dans les exemples précédents).

    Ainsi, l’énoncé suivant se laisse analyser en deux phrases simples à groupes nominaux

    coréférents :

    Καί τινα ϕωνὴν ἔδοξα αὐτόθεν ἀκοῦσαι, ἥ με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι (Platon, Phèdre, 242c) ... j'ai cru entendre une voix qui me défend de partir.

    P = j'ai cru entendre [Det]* voix [Det] ϕωνὴν ἔδοξα ἀκοῦσαι p = [Det] voix me défend de partir [Det] ϕωνή με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι

    * [Det] symbolise l'ensemble des déterminants qui s'appliquent au nom pour constituer le GN actualisé (articles

    défini et indéfini, éventuel adjectif épithète, proposition relative elle aussi épithète...). Les groupes soulignés sont

    ceux entre lesquels s'établit la relation de coréférence.

    La proposition subordonnée relative tient donc ici le rôle d’un adjectif caractérisant :

    ἔδοξα ἀκοῦσαι ϕωνὴν ἥ με οὐκ ἐᾷ ἀπιέναι ἔδοξα ἀκοῦσαι ϕωνὴν μεγάλην. J'ai cru entendre une grande voix.

    5.3.2. Les participes apposés

    Un participe étant la forme adjectivale du verbe, il peut se rattacher à n’importe quel groupe

    nominal ou pronominal de la proposition dominante. Il s’accorde avec lui en genre et en

    nombre. Il indique que le référent de ce groupe nominal ou pronominal réalise une action tout

    en étant impliqué (comme sujet ou complément) dans l’action de la proposition dominante.

    Πλαγγόνα προσμεῖναι κελεύσασα τοὺς λοιποὺς προέπεμψεν (Chariton, 3, 8, 7) Ayant ordonné à Plangon de rester, elle renvoya les autres. μέλλουσα ἀπαλλάσσεσθαι τῶν ἀγρῶν, ἡ Καλλιρόη τῇ ’Αϕροδίτῃ ἐπηύξατο (Chariton, 3, 2, 12)

    …allant quitter (alors qu'elle allait quitter) la campagne, Callirhoé pria Aphrodite.

  • 17 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    … σύ με οὖσαν παρθένον ἔζευξας Χαιρέᾳ (Chariton, 3, 2, 12) …toi, lorsque j'étais jeune fille (moi étant…), tu m'as unie à Chairéas. ... καὶ μεγάλην τὴν πόλιν ποιοῦντες ἐν τῷ πολέμῳ τεθνᾶσιν (Lysias, XVIII, 24) ...ils sont morts au combat en assurant la grandeur de la cité.

    ... καταλαμβάνουσιν ... Βρασίδαν ... ξύμβουλον ’Αλκίδᾳ ἐπεληλυθότα (Thucydide, III, 69, 1)

    ... ils rencontrent Brasidas, venu comme conseiller pour Alcidas...

    5.4. Les propositions hypothétiques

    5.4.1. Le système hypothétique

    Il s'agit d'un système logico-sémantique plutôt que d'une subordination syntaxique. Les deux

    propositions de la phrase sont inter-dépendantes. L’énoncé a la forme :

    Si p, P (protase, apodose)

    p décrit la situation non avérée qui est la condition de l'énonciation de P (supposons p, alors

    on peut dire P).

    La proposition supposée peut correspondre à une réalité ; elle peut être probable ; elle peut

    être possible, maintenant ou plus tard ; ou impossible, actuellement ou dans le passé.

    Remarque : c'est le locuteur qui décide de présenter une proposition p comme imaginable

    (probable, possible) ou comme contraire à la réalité ; peu importe ce qu'il en est par rapport

    aux savoirs communs (droit au rêve, au mensonge, à l'humour…).

    5.4.2. Les systèmes hypothétiques du grec ancien

    5.4.2.1. Présentation synthétique

    C’est une des langues qui en comporte le plus grand nombre : elle distingue cinq degrés de

    rapport à la réalité :

    le système

    hypothétique

    de …

    εἰ « si » se

    glose par

    Exemple

    l'objectivité s’il est vrai que Εἰ θεοῦ ἦν, οὐκ ἦν αἰσχροκερδής (Platon, République 468c)

    S'il était fils d'un dieu, il n'était pas cupide

    l'éventualité s’il arrive que,

    au cas où Ἄν (= ἐὰν) τις ἀναιρῇ τοὺς θεσμοὺς, οὐκ ἐπιτρέψω ... (Lycurgue, Contre Léocrate 76)

    Si quelqu’un renverse les lois, je ne le laisserai pas faire.

    la fiction

    potentielle

    si jamais Εἰ οὖν τις ἡμᾶς ἔροιτο, τί ἂν αὐτῷ ἀποκριναίμεθα; (Platon, Protagoras 311d)

    Si on nous posait la question, que répondrions-nous?

  • 18 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    la fiction

    irréelle

    dans un

    contexte

    de présent

    en supposant

    que

    Εἰ μὲν γὰρ εἷς ἦν ὁ ῎Ερως, καλῶς ἂν εἶχε, νῦν δὲ οὐ γάρ ἐστιν εἷς (Platon, Banquet 180c) Si l'Amour était unique, ce serait bien, mais en réalité il

    n’est pas un …

    la fiction

    irréelle

    dans un

    contexte

    de passé

    en supposant

    que

    Εἰ τοίνυν ὁ Φίλιππος τότε ταύτην ἔσχε τὴν γνώμην, ... οὐδὲν ἂν ὧν νυνὶ πεποίηκεν ἔπραξεν (Démosthène IV, 5)

    Si donc Philippe avait eu alors cette opinion, il n'aurait

    rien fait de ce qu'il a fait.

    En résumé, voici les associations les plus fréquentes :

    énonciation

    d’une

    forme de la protase forme de l’apodose (négation, mode)

    constatation εἰ (μὴ) + indicatif (οὐ) indicatif …

    éventualité ἐάν (μὴ) + subjonctif (οὐ) indicatif présent ou futur, ou

    formule impérative

    possibilité εἰ (μὴ) + optatif (οὐ) optatif

    fiction irréelle εἰ (μὴ) + temps passés de

    l’indicatif

    (οὐ) temps passés de l’indicatif

    5.4.2.2. Plus de détails sur les systèmes hypothétiques

    Pour plus de détails, et comprendre comment fonctionne cet ensemble, voici des explications

    complémentaires :

    I- Le système hypothétique de l'objectivité

    Le locuteur ne qualifie pas son engagement dans la vérité du contenu propositionnel de la

    protase, c’est-à-dire que p n'est pas donnée comme effectivement réalisée, mais comme

    également possible ou impossible ; on peut dire « si p, alors P1, mais si non-p, alors P2 ».

    La protase est à l'indicatif, aux temps du présent, du passé ou de l’avenir.

    L'apodose peut être une assertion (à l'indicatif ou au conditionnel), un ordre, une question.

    Εἰ μὲν οὖν νῦν οὕτω διάκεισθε, οὐκ ἔχω τί λέγω· (Démosthène, Philippique 3, 4) Si vous êtes maintenant dans ces dispositions, je n'ai rien à vous dire. Εἰ ῞Εκτορα ἀποκτενεῖς, αὐτὸς ἀποθανεῖ (Platon, Apologie 28c) Si tu tues Hector, tu mourras toi-même. ... εἰ πολέμιός γε ὢν σϕόδρα ἔβλαπτον, κἂν (= καὶ ἂν) ϕίλος ὢν ἱκανῶς ὠϕελοίην (Thucydide VI, 92)

    … s'il est vrai que je vous ai fait du mal quand j'étais votre ennemi, en étant votre

    ami je pourrais aussi vous être grandement utile.

  • 19 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    II- Le système hypothétique de l'éventualité

    Le contenu propositionnel de la protase est

    soit un fait général, dont la réalisation permanente est l'objet d'une attente

    soit un fait particulier, lui aussi objet d'une attente nuancée d'incertitude

    Usages : Annonce anticipée d'un événement probable dans le futur, énonciation d'un fait

    itératif, exposé de conditions de lois (législation, constitution, médecine, astronomie).

    • En discours, la protase a ἐάν + subjonctif et l'apodose est soit assertive (indicatif

    présent ou futur) soit jussive (impératif à la 3° personne ou équivalent).

    Il n'y a pas d'« éventualité dans le présent » ! Quand le verbe de l'apodose est au présent, il

    exprime la généralité, l'habitude, la répétition (un procès qui était déjà un fait habituel dans le

    passé et dont on peut supposer qu'il se poursuivra dans le futur).

    Ἂν (= ἐὰν) δὲ μηδὲν ἀναγκαῖον ᾖ κατὰ πόλιν, τὸν μὲν ἵππον ὁ παῖς προάγει εἰς ἀγρόν (Xénophon, Economique 11, 14) Si je n'ai aucune obligation à la ville, mon esclave conduit mon cheval à la

    campagne.

    Τὸν δοῦλον ἐὰν μὴ παραδιδῷ, αὐτὸς τὴν βλάβην ἐξιάσθω. (Platon, Lois 879) S'il ne livre pas son esclave, qu'il répare lui-même le dommage.

    • En récit d'événements passés, la protase a εἰ + optatif et l'apodose est à un temps

    passé de l'indicatif :

    Ποτὸν δὲ πᾶν ἡδὺ ἦν αὐτῷ διὰ τὸ μὴ πίνειν, εἰ μὴ διψῴη. (Xénophon, Mémorables, I, 3, 5)

    Toute boisson était agréable à Socrate, parce qu'il ne buvait pas s'il n'avait pas soif.

    III- Le système hypothétique de la subjectivité

    Le locuteur propose dans la protase une fiction.

    Ou bien il la présente comme un univers de croyances (sans se soucier de valeur de vérité) ; il

    s’agit d’un potentiel ou d’un hypothétique dans le passé.

    Ou bien il la présente comme démentie par ce qu'il sait du monde réel ; ce sont les irréels.

    Puisqu’il n’y a aucun ancrage dans le monde actuel, il n’y a aucune valeur temporelle des

    verbes.

    a/ Fiction ouverte : « potentiel » en contexte de présent / futur (par ex. en discours)

    p : εἰ + indicatif, P : ἄν + indicatif

    - l'hypothèse peut être une pure possibilité (parfaitement invraisemblable)

    Φαίη δ' ἂν ἡ θανοῦσά γ', εἰ ϕωνὴν λάβοι. (Sophocle, Electre, 548) La morte dirait, si elle prenait la parole.

    - l'hypothèse peut être présentée comme possible dans le monde actuel ou à venir

    Εἰ οὖν τις ἡμᾶς ἔροιτο, τί ἂν αὐτῷ ἀποκριναίμεθα; (Platon, Protagoras, 311d)

  • 20 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Si on nous posait la question, que répondrions-nous ?

    b/ Fiction non-démentie, en contexte de passé (par ex. dans un récit)

    Cette hypothétique dans le passé (ou « potentiel du passé ») correspond à une possibilité

    virtuelle, que le locuteur ne se soucie pas de confronter à la réalité ; il reste dans un univers

    fait de croyances sans se référer à celui de ses savoirs.

    p : εἰ + indicatif imparfait, P : ἄν + indicatif imparfait

    Οὐκ ἂν οὖν νήσων ... ἐκράτει, εἰ μή τι καὶ ναυτικὸν εἶχεν. (Thucydide, I, 9) Il ne pouvait pas régner sur des îles s'il n'avait pas également une flotte (simple

    supposition – invérifiable – sur ce que pouvait être la nature du pouvoir

    d'Agamemnon).

    c/ Fiction démentie, en contexte de présent / futur (par ex. en discours) : « irréel du présent »

    p : εἰ + imparfait (ou pqpft), P : ἄν + imparfait

    Εἰ πάνθ' οὕτως εἶχεν, οὐδ' ἂν ἐλπὶς ἦν (Démosthène, IV, 2) Si tout en allait ainsi, il n'y aurait pas même d'espoir.

    d/ Fiction démentie, en contexte de passé (par ex. dans un récit) : « irréel du passé »

    p : εἰ + aoriste (ou imparfait), P : ἄν + aoriste

    Καὶ ἴσως ἂν διὰ ταῦτα ἀπέθανον, εἰ μὴ ἡ ἀρχὴ διὰ ταχέων κατελύθη. (Platon, Apologie 32d)

    Peut-être aurais-je été mis à mort pour cette raison, si le régime n'avait pas tardé à

    tomber.

    Τὸν Φίλιππον ἐν ‘Ελλησπόντῳ κατελάβομεν ἄν, εἴ τις ἐπείθετό μοι (Démosthène, Ambassade, 163)

    On aurait surpris Philippe dans l'Hellespont, si l'on m'écoutait (si c'était une habitude

    de m'écouter).

    Remarque : Souvent si p, P1, est suivie de νῦν δέ P2 : (mais en réalité). Alors la P2 amène

    l'attention sur une réalité qui dément explicitement la fiction déjà elle-même évoquée comme

    contre-factuelle.

    Εἰ μὲν γὰρ εἷς ἦν ὁ ῎Ερως, καλῶς ἂν εἶχε, νῦν δὲ οὐ γάρ ἐστιν εἷς (Platon, Banquet, 180c)

    Si l'Amour était unique, ce serait bien, mais en réalité il n’est pas un.

    5.5. Les phrases corrélatives

    5.5.1. La corrélation de comparaison

    Ιl s’agit de la mise en rapport de deux propositions soit par deux corrélateurs exprimant la

    manière, l’un dans la proposition principale, οὕτως, l’autre dans la proposition subordonnée,

  • 21 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ὥσπερ, soit par le seul corrélateur qui introduit la proposition subordonnée (ὡς ou ὥσπερ).

    Les procès des deux propositions se correspondent par la manière dont ils se déroulent :

    Οὕτω τυγχάνω βεβιωκὼς ὥσπερ προςήκει τοὺς εὐσεβεῖς (Isocrate, Echange, 322) Je me trouve avoir vécu comme il convient aux hommes pieux. Τὸ πέρας ὡς ἂν ὁ δαίμων βουληθῇ πάντων γίγνεται (Démosthène, Couronne, 192) La fin de toute chose arrive comme la divinité le veut.

    Si la proposition subordonnée est négative, dans la mesure où son contenu est donné comme

    réel, la négation est οὐ.

    5.5.2. La corrélation de conséquence

    5.5.2.1. Conséquence objective ou conséquence logique : des modes et des négations

    différents.

    La phrase suivante oppose les deux types :

    Κραυγὴν πολλὴν ἐποίουν, ὥστε καὶ τοὺς πολεμίους ἀκούειν, ὥστε οἱ ἐγγύτατα τῶν πολεμιῶν καὶ ἔφυγον ἐκ τῶν σκηνομάτων (Xénophon, Anabase, 2, 179) Ils poussaient de grands cris, de façon à se faire entendre aussi des ennemis, en sorte

    que les plus proches parmi les ennemis s’enfuyaient même des tentes.

    La première proposition a son verbe à l’infinitif, c’est une conséquence logique ; la seconde a

    son verbe à l’indicatif aoriste, cette conséquence est un fait constaté.

    Le français et le grec marquent la même opposition par la même différence de modes (infinitif

    vs indicatif).

    En grec, la négation est οὐ pour la subordonnée consécutive qui exprime un fait réellement

    constaté, et la négation est μή pour la subordonnée consécutive exprimant la conséquence

    logique ou possible.

    Attention : une subordonnée consécutive à l’infinitif qui est dans un discours indirect peut

    représenter une proposition qui serait à un mode personnel au discours direct (et dans ce cas,

    sa négation reste οὐ) :

    ἔφασαν τοὺς στρατιώτας εἰς τοῦτο τρυφῆς ἐλθεῖν ὥστε οὐκ ἐθέλειν πίνειν εἰ μὴ ἀνθοσμίαι εἴη (Xénophon, Helléniques, 6, 2,6) On disait que les soldats en étaient venus à ce point d’amollissement qu’ils ne

    voulaient pas boire si ce n’était des vins parfumés.

    5.5.2.2. Les systèmes consécutifs

    La subordonnée exprimant la conséquence est souvent annoncée dès la proposition principale

    par un élément corrélatif qui indique que la relation de conséquence est liée à la manière dont

    se réalise au procès principal (type 2 du tableau) ou bien dépend d'une intensité concernant le

    groupe verbal (type 3 du tableau) ou un de ses composants (types 4 à 7 du tableau).

  • 22 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Soit A. le fait énoncé dans la principale et B. le fait énoncé dans la subordonnée ; on observe

    des situations différentes de mise en rapport de l'implication des deux faits, auxquelles

    correspondent des corrélatifs différents selon ce qui, dans le fait A, implique le fait B.

    Voici la liste de ces différentes situations d’implication, puis une série d’exemples les

    illustrant.

    Elément de A qui implique B Forme du

    corrélatif

    dans A

    Traduction du corrélatif

    1 A implique B. pas de

    corrélatif

    2 la manière dont se réalise A implique B οὕτως « de telle manière (façon,

    sorte) [que] », « tellement

    [+Adj] [que] »

    3 l'intensité de la réalisation de A implique

    B

    τοσοῦτον

    (adverbe)

    « tant GV [que] »

    4 un substantif de A a une caractérisation

    quantitative ou intensive qui implique B.

    τοσοῦτος « tant de N [que] »,

    « un N si grand [que] »

    5 un substantif de A a une caractérisation

    qualitative (épithète ou attribut) qui

    implique B.

    τοιοῦτος « tel [que] »

    6 Le groupe verbal de A a pour sens « en

    venir à ce point de N »

    εἰς τοῦτο + N

    au génitif

    « à ce point de N [que] »

    7 Le groupe verbal de A a pour sens « en

    venir à un tel point de N »

    εἰς τοσοῦτο+ N

    au génitif

    « à un tel point de N [que] »

    1- Ἐνετύγχανον τάφροις ... ὕδατος πλήρεσιν ὡς μὴ δύνασθαι διαβαίνειν ἄνευ γεφυρῶν (Xénophon, Anabase, 2, 3, 1) Ils rencontrèrent des fossés pleins d’eau, de sorte qu’il n’était pas possible de

    traverser sans ponts.

    Ὥστε se traduit ici par « si bien que », si l'on conserve le rapport de subordination entre les

    deux propositions, par « donc », « aussi » si l'on y voit un connecteur entre deux propositions

    autonomes.

    2- Οὕτως ᾠκοῦμεν δημοκρατούμενοι ὥστε μὴ εἰς τοὺς ἄλλους ἐξαμαρτάνειν (Lysias, 12, 4)

    Nous vivions sous la démocratie de manière à ne pas commettre de fautes envers les

    autres.

    Dans la situation (2), le groupe verbal peut comporter un verbe seul, ou accompagné de ses

    compléments, ou accompagné de ses modificateurs, ou il peut être formé du verbe être et d'un

    adjectif attribut. Dans ce cas, il est probable que l'adverbe de manière complète l'ensemble du

    groupe verbal.

  • 23 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    3-Τοσοῦτον δ’ ἐφρόνουν ἀμφότεροι ὥσθ’ οἱ μὲν μετ’ Εὐρυσθέως οὐδὲν παρ’ ἑκόντων ἐζήτουν εὑρίσκεσθαι, Ἀθηναῖοι δὲ οὐδ’ ἂν ἠξίουν Εὐρυσθέα αὐτὸν ἱκετεύοντα τοὺς ἱκέτας αὐτῶν ἐξελεῖν. (Lysias, 2, 15) Telle était la fière résolution des deux adversaires qu’Eurysthée ne voulait rien

    devoir à la bonne volonté des Athéniens, et que les Athéniens auraient refusé leurs

    suppliants aux supplications mêmes d’Eurysthée.

    4- ... καὶ τὴν αὐτῶν δύναμιν τοσαύτην ἐπιδείξαντες ὥσθ’ὁ μέγας βασιλεὺς οὐκέτι τῶν ἀλλοτρίων ἐπεθύμει, ἀλλ’ ἐδίδου τῶν ἑαυτοῦ. (Lysias, 2, 56) … et montrant que leur puissance était telle que le Grand Roi ne convoitait plus les

    possessions d’autrui mais abandonnait une partie des siennes.

    En (3) et (4), la caractérisation est quantitative ou intensive selon que le substantif est ou non

    dénombrable ; l'adjectif tosou=toj est épithète ou attribut.

    5- Εὖ ἂν ἔχοι, εἰ τοιοῦτον εἴη ἡ σοφία ὥστ’ἐκ τοῦ πληρεστέρου εἰς τὸ κενώτερον ῥεῖν. (Platon, Banquet, 175d)

    Ce serait beau, si le savoir était d’une nature telle qu’il pût couler du vase plein vers

    le vase vide.

    En (5), la caractérisation est qualitative.

    6- Εἰς τοῦτο δ’ ἥκει τόλμης ὥστε οὐκ ἐξαρκεῖ περὶ τούτου μόνον αὐτῶ ψεύδεσθαι. (Lysias, 3, 25)

    Il en vient à ce point d’audace qu’il ne lui suffit pas de mentir seulement sur ce sujet.

    7- Εἰς τοσοῦτον ἀμαθίας ἥκω ὥστε καὶ τοῦτ’ ἀγνοῶ. (Platon, Apologie, 25e) J’en suis venu à ce point d’ignorance que je ne sais même pas cela.

    En (6) et (7), il y a un haut degré de réalisation, dans le procès B, de la notion abstraite

    exprimée par le substantif.

    6. Syntaxe de la phrase complexe : des formes aux fonctions

    Les marques formelles de la subordination sont les conjonctions de subordination et, dans

    certains cas, le mode du verbe de la subordonnée. L’une ou l’autre de ces marques est liée,

    dans certains cas, à l’emploi spécifique d’une négation.

    L’approche syntaxique de la phrase complexe se fait dans ce chapitre par un inventaire des

    éléments formels permettant de repérer à quel type de subordonnée on a affaire : mode du

    verbe et élément introducteur de la proposition (conjonctions de subordination ou pronoms

    relatifs).

    6.1. Emplois des modes dans les subordonnées

  • 24 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    6.1.1. Emplois du mode infinitif

    Le mode infinitif peut apparaître dans deux types de propositions :

    - dans une proposition sans subordonnant introducteur (= une proposition infinitive)

    Si cette proposition dépend d’un verbe d’opinion ou d’affirmation, les temps de l’infinitif sont

    employés selon leur valeur temporelle (le présent pour les actions contemporaines de

    l’énonciation de l’opinion, l’aoriste pour les actions passées par rapport à ce moment, le futur

    pour les actions ultérieures) ; et la négation est οὐ. Si cette proposition dépend d’un autre type de verbe (volonté, convenance, obligation,

    possibilité), les temps de l’infinitif sont employés selon leur valeur aspectuelle et la négation

    est μή. Si l’infinitif est accompagné de ἄν, on est dans un discours rapporté et la modalité de la proposition est potentielle ou irréelle.

    - dans une proposition circonstancielle dont le subordonnant introducteur est ὥστε (« de façon à » : conséquence logique, cf. 5.5.2.2) ou πρίν (« avant de », cf. § 5.2.1.1.3 et 6.2.2.7).

    6.1.2. Emplois du mode participe

    Soit le procès au participe peut exprimer une circonstance de la réalisation du procès exprimé

    par le verbe principal ; soit il peut être un complément essentiel du verbe principal (ce dernier

    "régit" alors le participe, et l'absence de celui-ci rendrait la phrase grammaticalement

    incomplète).

    Πλαγγόνα προσμεῖναι κελεύσασα τοὺς λοιποὺς προέπεμψεν (Chariton, 3, 8, 7) Ayant ordonné à Plangon de rester, elle renvoya les autres.

    … σύ με οὖσαν παρθένον ἔζευξας Χαιρέᾳ (Chariton, 3, 2, 12) …toi, lorsque j'étais jeune fille (moi étant…), tu m'as unie à Chairéas.

    ...ἀσμένη ἦν με ἑωρακυῖα ἥκοντα διὰ χρόνου (Lysias, I, 12)

    ... elle était heureuse de me voir revenir après ce temps" (ἑωρακυῖα s'accorde avec le sujet de ἀσμένη ἦν).

    ...τοῦτό γε πάντες ἐπίστασθε Κόνωνα μὲν ἄρχοντα... (Lysias, XIX, 35) Vous savez tous que Conon était le chef.

    Pour les emplois de sens circonstanciel, le tableau suivant met en évidence l'opposition entre

    participe autonome (au génitif absolu) et participe apposé à un groupe nominal de la

    proposition principale tout en indiquant que la plupart des nuances circonstancielles peuvent

    être explicitées à l'aide de particules qui se juxtaposent aussi bien au participe absolu qu'au

    participe apposé.

    Circonstance particule participe appposé génitif absolu

    Manière Ζῶ ἐργαζόμενος

    Je vis en travaillant.

    Ταῦτ’ εἶπε τῶν πολιτῶν παρόντων

    Il dit cela en présence des

  • 25 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    citoyens.

    Temps ἅμα

    εὐθύς

    (ἅμα) εἰσελθόντα ἠσπασάμην

    αὐτόν

    Je le saluai à son entrée (au

    moment de son entrée).

    (εὐθύς) τῶν πρυτανῶν κελεύοντων

    εἰσῆλθον

    J’entrai dès que les prytanes

    l’ordonnèrent.

    Cause ἅτε,

    οἷον

    Πίνει ἅτε διψῶν

    Il boit parce qu’il a soif.

    Ἅτε τῶν συνδείπνων διψώντων,

    οἶνον φέρει

    Comme les convives ont soif, il

    apporte du vin.

    Concession καί,

    καίπερ

    Πίνει καίπερ οὐ διψῶν

    Il boit bien qu’il n’ait pas soif.

    Καὶ τῶν συνδείπνων οὐ διψώντων,

    οἶνον φέρει

    Bien que les convives n’aient pas

    soif, il apporte du vin.

    Condition Οὐκ ἂν ἔπινε μὴ διψῶν

    Il ne boirait pas s’il n’avait

    pas soif.

    Οὐκ ἂν οἶνον ἔφερε τῶν

    συνδείπνων μὴ διψώντων

    Il n’apporterait pas de vin si les

    convives n’avaient pas soif.

    Le tableau suivant résume les oppositions essentielles au sein des emplois complétifs du

    participe en distinguant les principales catégories de verbes accompagnés d'un participe

    complétif selon leur sémantisme et selon que le participe peut être apposé seulement à leur

    sujet ou aussi bien à leur sujet qu'à leur complément :

    Après un verbe…

    Participe attribut

    du sujet

    Participe attribut

    du complément d’objet

    indiquant où en est

    l’action :

    ἄρχομαι je commence à

    διατελῶ je continue à

    παύομαι je cesse de

    ἄρχομαι λέγων

    je commence à parler

    παύονται λέγοντες

    ils cessent de parler

    indiquant la manière

    d’être de l’action :

    τυγχάνω il se trouve

    par hasard que je

    φαίνομαι j’apparais

    τυγχάνει ταῦτα πράττων

    il se trouve qu’il a fait cela

    de perception

    ou de connaissance :

    ὁρῶ je vois

    ἀκούω j’entends

    οἶδα je sais

    ὁρώμεθα τρέχοντες

    on nous voit (nous sommes vus) en train

    de courir

    οἶδε οὐδὲν εἰδώς

    il sait qu’il ne sait rien

    ὁρῶ αὐτοὺς τρέχοντας

    je les vois courir

    οἶδα αὐτὸν οὐδὲν

    εἰδότα

    je sais qu’il ne sait rien

    de sentiment :

    χαίρω je me réjouis

    χαίρω νοστήσας

    je me réjouis d’être de retour

    χαίρω σοι νοστήσαντι

    je me réjouis de ton

    retour

    6.1.3. Emplois du mode subjonctif

  • 26 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Si le subjonctif est accompagné d’une négation, celle-ci est toujours μή (sauf dans les subordonnées introduites par un verbe exprimant la crainte).

    Distinguons deux cas :

    De rares types de subordonnées ont leur verbe le plus souvent au subjonctif. Il s’agit des subordonnées de but et de crainte.

    La subordonnée circonstancielle de but, introduite par les conjonctions ἵνα, ὅπως, ou ὡς, a un verbe au subjonctif (à moins qu’il ne soit remplacé par l’optatif si le verbe de la proposition

    principale est à un temps du passé). Voir § 5.2.1.4.

    La subordonnée complétive dépendant d’un verbe de crainte est introduite par μή et son verbe est au subjonctif lorsqu’on craint que quelque chose arrive ; si on craint qu’une chose désirée

    n’arrive pas, cette subordonnée est introduite par μή et elle a pour négation οὐ. Voir § 5.1.1.3.

    Ce subjonctif marque l’éventuel.

    Un événement qualifié d'éventuel est présenté par le locuteur comme ayant une certaine

    probabilité de se produire.

    On peut distinguer des éventualités valables dans le monde actuel et des éventualités valables

    dans un monde à venir. Les éventualités valables dans le monde actuel se trouvent dans des

    énoncés de valeur générale : lois scientifiques, morales ou juridiques (si / quand il se passe tel

    événement, il advient tel événement) ; elles ont un caractère habituel et répétitif. Les

    éventualités valables dans un monde à venir s'observent quand un locuteur envisage diverses

    perspectives probables pour l'avenir et énonce ce qui s'ensuivra de chacune.

    S'il arrive (= toutes les fois qu'il arrive) que événement1, il se passe événement2.

    S'il arrive que événement1, il se passera événement2.

    S'il arrive que événement1, il faut / faudra réaliser événement2.

    L'accomplissement de l'événement présenté dans la principale est entièrement dépendant de la

    réalisation de l'événement énoncé dans la subordonnée. Subordonnée et principale forment ce

    que l'on appelle un système.

    La proposition principale peut être de modalité assertive ou déontique.

    - Les formulations d'une généralisation de l'expérience (lois naturelles ou morales) ont une

    principale de modalité assertive : S'il arrive (= toutes les fois qu'il arrive) que événement1, il

    se passe / passera événement2.

    - Lorsqu'il s'agit de prescrire ce que l'on doit faire à la suite de tel ou tel événement probable,

    la modalité de la principale est déontique, c'est-à-dire qu'elle contient un impératif ou un

    verbe d'obligation, verbe impersonnel (dei=, xrh& « il faut ») ou adjectif verbal d’obligation : S'il arrive que événement1, il faut / faudra réaliser événement2.

    L'événement éventuel peut s'exprimer en grec dans les catégories suivantes de propositions

    subordonnées :

    - les subordonnées qui expriment une circonstance temporelle (quand, lorsque, dès que)

    - les subordonnées qui expriment une hypothèse (si)

    - les subordonnées qui expriment une hypothèse concédée (même si)

    - les subordonnées relatives de sens temporel ou hypothétique (quelqu'un qui fera =

    quand quelqu'un fait ou si quelqu'un fait).

  • 27 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    En grec, dans ces subordonnées, le mot subordonnant est immédiatement suivi de la particule

    a!n. Les subordonnants qui se terminent par une voyelle élident cette voyelle, et subordonnant et particule ne forment plus qu'un seul mot.

    subordonnants temporels quand o#te o#tan lorsque e)peidh& e)peida&n dès que, tant que e#wj e#wj a!n jusqu'à ce que

    subordonnants d' hypothèse si ei) e)a&n, a!n subordonnants d'hypothèse concédée même si kai_ ei) kai_ e)a&n, ka!n subordonnants relatifs (celui) qui o#stij o#stij a!n

    ’Αλλ' ἐὰν ζητῇς καλῶς, εὑρήσεις. (Platon, Gorgias, 503d) [SBJ PR, IND FUT] Eh bien! Si tu cherches bien, tu trouveras.

    Καὶ ἕωσπερ ἂν ἐμπνέω καὶ οἷός τε ὦ, οὐ παύσομαι ϕιλοσοϕῶν (Platon, Apologie, 29d) [SBJ PR, IND FUT] Tant que je respire et que j'en suis capable, je ne cesserai pas de philosopher. ... ὅ τι ἂν ἐθέλῃ ποιεῖ (Lysias, I, 6) [Sbj Pr, Ind Pr] Il fait ce qu'il veut.

    Τὸν δοῦλον ἐὰν μὴ παραδιδῷ, αὐτὸς τὴν βλάβην ἐξιάσθω. (Platon, Lois 879) [SBJ PR, IMPERATIF] S'il ne livre pas son esclave, qu'il répare lui-même le dommage.

    6.1.4. Emplois du mode optatif

    L’optatif a plusieurs conditions d’emploi dans les propositions subordonnées.

    6.1.4.1. Optatif de possibilité

    Parfois, il peut exprimer la possibilité (comme dans une proposition indépendante ou

    principale) ; il est alors accompagné de ἄν :

    (c'est Zeus qui parle) ἔχω μηχανήν, ὡς ἂν εἶέν τε ἅνθρωποι καὶ παύσαιντο τῆς ἀκολασίας (Platon, Banquet 190c) J'ai un moyen par lequel les hommes pourraient continuer d'exister et cesseraient

    leur indiscipline.

    6.1.4.2. En subordonnée conditionnelle

    Son emploi est nécessaire dans la subordonnée conditionnelle qui est la protase d'un système

    potentiel :

    Σὺ δ' οὐκ ἂν οἷός τ' εἴης λέγειν, εἰ μή τίς σοι (Platon, Gorgias 519d) Tu ne serais pas capable de parler si quelqu'un ne te répondait pas.

    6.1.4.3. Optatif de répétition dans le passé

  • 28 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Il permet d’exprimer la répétition dans le passé dans une subordonnée conditionnelle,

    temporelle ou relative (et parfois dans les propositions qui en dépendent) : c'est un emploi

    analogue à celui du subjonctif éventuel dans les mêmes propositions subordonnées (mais en

    ce cas la principale est au présent ou au futur).

    ... ἐζήτουν δὴ ἁθροίζεσθαι καὶ σῴζεσθαι κτίζοντες πόλεις· ὅτ'οὖν ἁθροισθεῖεν [optatif aoriste passif 3°Pl], ἠδίκουν ἀλλήλους ἅτε οὐκ ἔχοντες τὴν πολιτικὴν τέχνην (Platon, Protagoras, 322b) ... ils cherchaient à se rassembler et à se sauver en fondant des cités; or toutes les

    fois qu'ils s'étaient rassemblés, ils se nuisaient les uns les autres par ce qu'ils ne

    possédaient pas l'art politique.

    ...ὅσοι με ϕάσκοιεν δεινὸν εἶναι ... , ἠγανάκτουν ἄν (Lysias, 7, 12) [ἄν avec l'imparfait dans la principale souligne l'idée répétitive]

    Contre tous ceux qui prétendaient que j'étais habile..., je me fâchais à chaque fois.

    (à chaque fois qu'il part à la chasse ou en manœuvres, Cyrus est prévenant avec ses

    serviteurs) καὶ ὁπότε δὲ ὥρα εἴη [optatif présent 3°PSg] ἀρίστου, ἀνέμενεν αὐτοὺς

    ἔστ' ἐμϕάγοιέν [optatif aoriste actif 3°Pl] τι, ὡς μὴ βουλιμιῷεν· ὥστε καὶ οὗτοι

    αὐτὸν ... πατέρα ἐκάλουν. (Xénophon, Cyropédie, VIII 1, 44)

    Quand c'était l'heure de déjeuner, il attendait jusqu'à ce qu'ils aient pris quelque

    nourriture, pour qu'ils ne souffrent pas de la faim; en conséquence ceux-là aussi

    l'appelaient père.

    A comparer avec la même phrase en contexte non de passé mais de présent :

    ὁπότε δὲ ὥρα ᾖ [subjonctif présent 3°PSg] ἀρίστου, ἀναμένει ἔστ' ἐμϕάγωσι

    [subjonctif aoriste actif 3°Pl] τι

    Quand c'est l'heure de déjeuner, il attend jusqu'à ce qu'ils aient pris quelque

    nourriture.

    6.1.4.4. Optatif oblique

    En cas de discours rapporté tenu dans le passé, on trouve l'optatif dans une subordonnée

    complétive, interrogative ou finale dont le verbe pourrait aussi bien être à l'indicatif ou au

    subjonctif ; cet optatif (appelé oblique) souligne que ces propos sont rapportés en discours

    indirect ; à l'inverse, le maintien du mode du discours direct donnerait l'impression d'entendre

    directement ce qui a été dit autrefois.

    Dans une complétive à l'indicatif, le choix du thème de présent / d'aoriste / de futur se fait en

    fonction des rapports temporels entre les événements; la négation est οὐ. Dans une complétive

    au subjonctif, le thème de présent ou d'aoriste est choisi pour des raisons aspectuelles ; la

    négation est μή.

    ἔλεγεν ὅτι σοφὸς εἴη (ἐστι) il disait qu'il était savant

    ἔλεγεν ὅτι σοφὸς ἕσοιτο (ἔσται) il disait qu'il serait savant

    ἔλεγεν ὅτι σοφὸς γένοιτο (ἐγένετο) il disait qu'il avait été savant

    ἠρώτων τίς ἐλεύθερος εἴη (ἐστι) je demandais qui était libre

    ἠρώτων τίς ἐλεύθερος ἕσοιτο (ἔσται) je demandais qui serait libre

    ἠρώτων τίς ἐλεύθερος γένοιτο (ἐγένετο) je demandais qui avait été libre

  • 29 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ἑφοβεῖτο μὴ ἐλεύθερος γένοιτο (γένηται) il craignait de ne pas devenir libre

    6.1.5. Emplois du mode indicatif à valeur modale

    Il s’emploie dans les systèmes hypothétiques présentant des fictions démenties par la réalité,

    les « irréels » du présent et du passé (cf. § 5.4.2.2., alinéa IIIc).

    Εἰ μὲν γὰρ εἷς ἦν ὁ ῎Ερως, καλῶς ἂν εἶχε, νῦν δὲ οὐ γάρ ἐστιν εἷς (Platon, Banquet

    180c)

    Si l'Amour était unique, ce serait bien, mais en réalité il n’est pas un.

    Εἰ πάνθ' οὕτως εἶχεν, οὐδ' ἂν ἐλπὶς ἦν (Démosthène, IV, 2) Si tout en allait ainsi, il n'y aurait pas même d'espoir.

    Καὶ ἴσως ἂν διὰ ταῦτα ἀπέθανον, εἰ μὴ ἡ ἀρχὴ διὰ ταχέων κατελύθη. (Platon, Apologie 32d)

    Peut-être aurais-je été mis à mort pour cette raison, si le régime n'avait pas tardé à

    tomber.

    6.2. Emplois des conjonctions de subordination (classées par ordre

    alphabétique)

    6.2.1. Tableau synthétique

    ἀφ’ οὗ « depuis que ». Cf. § 5.2.1.2.3.

    ἄχρι, ἄχρι οὗ

    « jusqu’à ce que »

    διότι « parce que »

    ἐάν « si ». Cf. § 6.1.3.

    ἐξ οὗ « depuis que ». Cf. § 5.2.1.2.3.

    ἐπεί, ἐπειδή

    « quand », « après que », « puisque ». Cf. § 5.2.1.2.3.

    ἔστε « jusqu’à ce que », « tant que »

    ἕως « aussi longtemps que », « pendant que », « jusqu’au moment où ». Cf. § 6.2.2.

    ἡνίκα « lorsque », « tant que ». cf. § 5.2.1.3.3.

    ἵνα « là où », « pour que ». Cf. 6.2.2.

    μέχρι « jusqu’à ce que »

    ὁπότε « quand »

  • 30 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    ὅπου « où », « quand »

    ὅπως Multiples emplois dont : « comme », « de même que », « de façon que ». Cf. § 6.2.2.

    ὅτε « quand ». Cf. § 6.2.2.

    ὅτι « le fait que », « que » (complétif), « parce que ». Cf. § 6.2.2.

    πρίν « avant que ». Cf. § 6.2.2.

    ὡς Multiples emplois dont : « que » (complétif), « de telle sorte que », « parce que », « afin que ». Cf. § 6.2.2.

    ὥσπερ « comme », « de la même façon que ». Cf. § 5.5.1 (comparaison)

    ὥστε « de telle sorte que ». Cf. § 5.5.2. (conséquence)

    6.2.2. Plus de détails sur les principales conjonctions polysémiques

    6.2.2.1. ἐπεί, ἐπειδή

    Ces deux conjonctions s’emploient dans les cas suivants :

    - le procès exprimé dans la proposition principale suit (temporellement) celui qui est

    exposé dans la subordonnée :

    En emploi temporel, ἐπεί et ἐπειδή neutralisent souvent l'opposition entre simultanéité et

    postériorité ; deux actions qui s'enchaînent sont à la fois concomitantes en un point et

    successives ; on est même souvent en droit d'hésiter pour un même énoncé :

    Ἐπεὶ δὲ κατεπέμϕθη ὑπὸ τοῦ πατρὸς σατράπης Λυδίας ... πρῶτον μὲν ἐπέδειξεν

    αὑτόν (Xénophon, Anabase, I, 9, 7)

    Αprès que (lorsqu') il eut été envoyé par son père comme satrape de Lydie..., il

    montra d'abord...

    Un emploi fréquent, où la conjonction est suivie de τάχιστα, met en valeur cette fonction d'enchaînement :

    Ἐπεὶ δὲ ᾑρέθη τάχιστα, ἤρχετο πρῶτον ... (Xénophon, Cyropédie, I, 5, 6) Dès qu 'il eut été désigné, il commença ...

    La subordonnée introduite par ἐπεί précède la principale. Cette subordonnée admet le plus souvent le circonstant adverbial ἔπειτα pour substitut.

    Ailleurs, la période de temps décrite par la subordonnée s'étend à partir d'une origine passée

    jusqu'au moment de l'énonciation (depuis que) :

    Δἐκατον μὲν ἔτος τόδ’ ἐπεὶ ... Μενέλαος ἄναξ ἠδ’ Ἀγαμέμνων ... στόλον ἦραν (Eschyle, Agamemnon, 40-46)

  • 31 Initiation à la lecture des textes pour débutant en grec classique - SYNTAXE – Michèle BIRAUD

    Voici la dixième année depuis que ... le roi Ménélas et Agamemnon ... ont emmené

    une flotte...

    Οὐ πολὺς χρόνος ἐπειδὴ χιτῶνας λινοῦς ἐπαύσαντο ϕοροῦντες (Thucydide, I, 6, 3) Il ne s'est pas écoulé beaucoup de temps depuis qu'ils ont cessé de porter des

    vêtements de lin.

    Tous ces emplois temporels s'observent dans des récits de faits passés.

    - le procès exprimé dans la proposition principale s'ensuit (logiquement) de celui qui est

    exposé dans la subordonnée :

    On trouve ἐπεί aussi en cas de suite non plus temporelle mais logique, en général avec

    interprétation causale, ou plus exactement, « inférentielle », car il ne s'agit pas dans la

    subordonnée d'indiquer la cause du fait exposé dans la