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Série sur l’éducation et l’égalité des genres 9. L’éducation des filles en Asie du Sud Une fille à l’école au Bangladesh En raison d’une disparité entre les genres bien ancrée et d’une importante population, c’est en Asie du Sud qu’on trouve le plus de filles non scolarisées au monde. Ce document met en évidence quelque problèmes auxquels sont confrontés les praticiens, les responsables politiques et les chercheurs en matière d’éducation de filles) en Asie du Sud. Ce document explore également les différentes solutions pour parvenir à une éducation pour tous de bonne qualité et équitable en matière de genre.

9. L’éducation des filles en Asie du Sud · approfondie de ces chiffres, on découvre que le progrès est attribuable aux inscription aux niveaux primaire et secondaire inférieur,

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Série sur l’éducation et l’égalité des genres

9. L’éducation des filles en Asie du Sud

Une fille à l’école au Bangladesh

En raison d’une disparité entre les genres bien ancrée et d’une importante population, c’est en Asie du Sud qu’on trouve le plus de filles non scolarisées au monde. Ce document met en évidence quelque problèmes auxquels sont confrontés les praticiens, les responsables politiques et les chercheurs en matière d’éducation de filles) en Asie du Sud. Ce document explore également les différentes solutions pour parvenir à une éducation pour tous de bonne qualité et équitable en matière de genre.

Ce document est le 9e de la Série sur l'éducation et l’égalité des genres et il devrait être lu en parallèle avec les autres documents de cette série. Ce document se concentre sur l’Asie du Sud et propose un bref aperçu de cette région. Il étudie les éléments communs et les différences à travers cette région, et s’intéresse à la situation des filles dans le système éducatif. De plus, il indique que, même si des progrès et des améliorations ont été réalisés dans la plupart des pays de la région, beaucoup plus d'efforts sont nécessaires pour atteindre les objectifs convenus sur le plan international. La dernière partie donne quelques recommandations positives en matière d’éducation des filles.

L’Asie du Sud en quelques mots L’Asie du Sud représente 10 pour cent du continent asiatique mais sa population correspond à 40 pour cent de la population asiatique totale. L’ASACR, l’Association sud-asiatique de coopération régionale, comprend l’Aghanistan1, le Bangladesh, le Bhoutan, l’Inde, le Népal, les Maldives, le Pakistan et le Sri Lanka. Bien que les pays de l’ASACR aient des liens politiques et économiques, l’Asie du Sud reste une région variée. Les facteurs géographiques et géologiques, tout comme la population et la pauvreté, influencent les systèmes éducatifs en général, et l’éducation des filles en particulier. Même si, en Asie du Sud, la problématique du genre dans l’enseignement a des conséquences négatives sur les garçons plutôt que sur les filles (les garçons sont plus enclins à être soumis à des punissions corporelles ou n’ont pas droit aux avantages conçus spécialement pour stimuler l'accès des filles à l'enseignement), ce document se concentre sur les filles. La raison en est que, là où il y a de la pauvreté, de l’exclusion ou toute autre forme de désavantages, les filles sont plus susceptibles d’en subir les conséquences que les garçons. En terme de développement national, un pays ne peut prospérer si la moitié de la population ne peut prendre part au processus de développement.

Quels progrès pour les filles en Asie du Sud ? Même si tous les membres de l’ASACR ont signé la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, l’Association a mis du temps à s’intéresser aux inégalités liées au genre, pourtant tellement flagrantes dans ses pays membres. Le Groupe indépendant de défense des femmes n’a été créé que lors du onzième sommet, à Katmandou en janvier 2002, avec pour mission de « mettre les questions liées au genre à l’agenda ». La première réunion du groupe a eu lieu à Islamabad en juin 2004, et c’est à partir de là que différentes études ont été commandées, notamment sur l’éducation et l'alphabétisation des femmes. Même si

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cette étude n’est toujours pas disponible, l’engagement pour un intérêt soutenu à la problématique du genre a été réitéré lors du sommet de Dhaka en novembre 20052. Pendant ce temps-là, l’UNESCO estime qu'en Asie du Sud, près de 24 millions de filles en âge d’aller à l’école primaire ne reçoivent pas d’éducation3.

Les signes de progrès Il n’existe pas de lien concret entre le développement humain général, les richesses, le genre ou l’éducation dans les pays de l’ASACR. Dans chacun de ces pays, il y a de nombreux facteurs indissociables qui affectent chaque indicateur, et, même si nous pouvions déterminer des tendances, nous ne pourrions par exemple pas affirmer qu'une richesse croissante signifie qu’une fille sera plus susceptible d’aller à l’école. Le Bhoutan, qui consacre un plus grand pourcentage de son budget à l’éducation que n’importe quel autre pays de l’ASACR, a le taux de scolarisation le plus faible. Néanmoins, dans toute la région, le taux annuel moyen d’accroissement des inscriptions dans l’enseignement primaire était deux fois plus élevé pour les filles que pour les garçons entre 1980 et 2001.

Un indicateur de l’égalité des genres dans l’enseignement, mis au point par le projet « Beyond Access » 4, indique que le fossé entre les genres s’est agrandi au Pakistan, alors que la plupart des pays de cette région ont montré une amélioration ces dix dernières années, les Maldives et le Pakistan largement en tête. La situation en Afghanistan s’est certainement dégradée depuis 1990, mais même en 2005 nous ne disposons pas toujours de données fiables. De même, le Bhoutan figure probablement dans les pays les moins bien placés. Comparé à d’autres pays de l’ASACR, le Bangladesh est le pays qui a réalisé les progrès les plus importants entre 1990 et 2005 ; le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire est passé de 13 à 56 pour cent en 10 ans (un résultat extraordinaire pour un pays aussi pauvre). Néanmoins, si on effectue une analyse plus approfondie de ces chiffres, on découvre que le progrès est attribuable aux inscription aux niveaux primaire et secondaire inférieur, et que la plupart des inégalités perdurent. La parité des genres en matière d'éducation ne permet de tirer de conclusions sur les parités ou disparités dans d'autres domaines de l'éducation.

Des objectifs convenus au niveau international. Certains aspects ambigus des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et des objectifs de l’Education pour tous (EPT) sont perceptibles en Asie du Sud. Si le Sri Lanka, le Bangladesh et, étonnamment, l’Inde ont atteint leur objectif pour 2005 en matière de parité des genres dans :l’enseignement primaire, le Pakistan et l’Afghanistan sont tristement à la traîne. Pourtant, alors que le Bangladesh semble avoir atteint la parité au niveau des inscriptions dans l’enseignement primaire et secondaire inférieur, il n’y a certainement pas d’égalité au niveau de la réalisation. Les résultats de

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2005 du certificat de fin d’études secondaires montrent que les filles sont moins susceptibles que les garçons de se présenter à l’examen final, et de réussir, et montrent également que ces déséquilibres entraînent une différence de 12 pour cent entre les genres en ce qui concerne le taux de réussite. S’intéresser uniquement aux chiffres relatifs aux inscriptions peut mener à des conclusions équivoques. Un regard rapide sur le bilan du fossé entre les genres en matière d'inscriptions au Bangladesh peut mener à des hypothèses trompeuses selon lesquelles les garçons sont désavantagés par rapport aux filles. Dans l’ensemble, ce n’est pas du tout le cas, pas par rapport aux filles du moins.

Récemment, l’Inde a mis au point des stimulants similaires au programme d’allocations secondaires au Bangladesh, grâce auquel chaque famille ayant une fille unique ont droit à l’éducation gratuite à partie de la première année de l'enseignement secondaire. Cette motivation semble être moins une stratégie de l’EPT qu’une tentative de maîtriser la population (en gardant les filles à l’école plus longtemps) et de rétablir le déséquilibre de population alarmant dû à la préférence pour les fils5. Cependant, comme cela a été le cas au Bangladesh, les allocations secondaires auront probablement un effet indirect très positif sur l'inscription des filles à l'école primaire.

Les initiatives communautaires et celles des ONG jouent toujours un rôle important car, à l'heure actuelle, les objectifs convenus ne peuvent être atteints uniquement par le système de l’Etat. Les systèmes d’éducation non formelle doivent travailler en collaboration avec le gouvernement afin d’atteindre les objectifs de l’EPT en ciblant les zones les plus pauvres, les enfants qui travaillent et les enfants qui vivent dans des zones éloignées. Au Bhoutan par exemple, où de nombreux enfants vivent dans des zones éloignées, voire inaccessibles, les communautés essayent d’offrir un accès équitable en construisant leurs propres écoles et en fournissant des logements aux filles et aux garçons qui habitent loin. Nous pouvons citer comme exemple l’école primaire communautaire de Sengdhen, qui a été créée pour les enfants défavorisés de sept villages situés dans une zone éloignée du pays, isolée depuis des siècles. Les enfants les plus défavorisés ont également reçu une bourse d’environ 1.500 Nu (Ngultram) par an, soit plus ou moins 34 dollars6.

Problèmes et défis communs Dans cette partie du document, les problèmes et défis principaux concernant l’éducation des filles en Asie du Sud sont divisés en deux catégories : d’une part, ceux qui concernent les filles et les garçons mais dont l’impact est plus important pour les filles, et d’autre part, ceux qui ne concernent que les filles. Les listes ne sont pas exhaustives.

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Problèmes qui touchent les filles et les garçons mais qui ont des conséquences plus importantes pour les filles Qualité de l’éducation

En 2000, lors du forum sur l’EPT tenu à Recif, au Brésil, le ministre de l’Education du Bangladesh en fonction à l’époque a rendu compte des progrès considérables enregistrés en matière d'inscriptions, mais a tout de même admis : « dans notre empressement pour les chiffres (après les accords de 1990 à Jomtien, Thaïlande), nous en avons oublié la qualité ». Cette situation est également vraie dans de nombreux autres pays, pas uniquement au Bangladesh, et, dans toute la région, l’essor de l’éducation s’est souvent déroulé au dépens de la qualité de l’enseignement, avec des classes de cours surchargées et des enseignants inexpérimentés ou peu formés engagés pour pouvoir faire face au grand nombre d’élèves. Parfois même, de grandes proportions du budget normalement prévues pour l’enseignement ont été investies dans des stimulants financiers afin que les enfants aillent à l’école. Cette lutte pour l’accès universel à l’éducation est fondamentale pour atteindre l’égalité des genres, mais les mesures complémentaires sont également nécessaires pour obtenir un enseignement de qualité : la modification des programmes scolaires, la suppression des hypothèses néfastes que l’on trouve dans les manuels scolaires, une formation des enseignants qui prend en compte les questions liées au genre, et l'amélioration de l'environnement d’apprentissage.

La célèbre ONG bangladeshi, le BRAC (Comité du Bangladesh pour l’avancement rural), aborde de différentes façons la qualité de l’enseignement dans ses programmes. En étroite collaboration avec la population, le BRAC offre une version parallèle et améliorée du programme primaire, et vise les familles pauvres, les parents analphabètes, les régions où le mariage des enfants est la coutume, les zones éloignées et les filles. La plupart des enseignants du BRAC sont des femmes de la région. En plus de l’éducation primaire, le BRAC propose un programme de développement pour les adolescents (grâce à Kishori Kendro), qui a été au départ mis sur pied pour s’assurer que les adolescentes ne perdent pas leurs capacités de lecture et d’écriture lorsqu’elles quittent l’école, mais qui est désormais plus focalisé sur la préparation à la vie quotidienne et à l’apprentissage des moyens de subsistance. L’autonomisation est également abordée de diverses façons : apprendre aux filles à connaître leur corps, leur enseigner les lois qui les concernent directement, mais également, ce qui est impressionnant, leur donner les rênes pour qu’elles dirigent elles-mêmes les centres.

Ressources

Dans cette région, les taux de pauvreté sont élevés et les ressources inadaptées. Aux Maldives, l’enseignement gratuit, constitutionnellement garanti, n’existe pas ; au Bhoutan et au Népal,

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l’école primaire est payante malgré le fait que l’enseignement gratuit soit légalement garanti. Dans d’autres pays d’Asie du Sud, l’enseignement est en théorie gratuit mais les parents sont confrontés à des exigences financières inabordables. Cet appel à des ressources financières limitées peut prendre des dimensions fondées sur le genre si les parents sont plus disposés à investir leurs maigres ressources dans l’éducation des fils plutôt que des filles. Par exemple, dans beaucoup de pays de la région, les cours privés sont nécessaires pour pallier les imperfections du système éducatif, mais un tel enseignement est plus souvent dispensé aux garçons qu’aux filles, ce qui diminuent les chances de réussite scolaire ce celles-ci.

Corruption

Ce problème est lié aux ressources, mais il est suffisamment important pour lui consacrer une attention particulière. Dans le Cadre d’intervention adopté en 2000 lors du Forum mondial sur l’éducation de Dakar, au Sénégal, la corruption dans l’enseignement était considérée comme un obstacle majeur au développement. Une étude récente démontre que les formes de corruption les plus courantes consistent à « recommander » aux parents d’acheter les manuels scolaires écrits par le professeur de l’enfant ; à « conseiller » aux parents de payer pour des leçons privées dispensées par le professeur de l’enfant ; à demander aux parents de faire des dons « de leur plein gré » pour les infrastructures ou les activités parascolaires. 7 A l’instar des ressources en général, de telles demandes ont souvent des conséquences plus négatives pour les filles que pour les garçons.

Travail des enfants

L’Asie du Sud compte le plus grand nombre d’enfants qui travaillent au monde. Les enfants qui travaillent pendant la journée ont des difficultés pour aller à l’école, et les enfants qui doivent travailler avant et/ou après l’école sont souvent bien trop fatigués pour retirer le bénéfice maximum de leur éducation. Les garçons sont plus susceptibles d’être engagés pour un travail rémunéré, mais les filles sont de plus en plus employées car elles peuvent être payées encore moins que les garçons. En Inde, les estimations pour Andhra Pradesh uniquement indiquent que 150.000 enfants entre 7 et 14 ans sont engagés pour le travail agricole saisonnier, dont 90% de filles. Bien qu’elles soient officiellement inscrites à l’école, elles en sont retirées pour six à huit semaines de suite. Les filles portent le lourd fardeau du travail supplémentaire non rémunéré au sein du foyer et sont plus particulièrement chargées de garder leurs jeunes frères et sœurs. Une étude réalisée au Bangladesh et au Népal indique que des filles âgées d'à peine dix ans travaillent en moyenne dix heures par jour. Plus les enfants travaillent, moins ils ont de change d’avoir accès à une éducation de qualité.

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Guerre et conflits

Trois des pays membres de l’ASACR – l’Afghanistan, le Népal et le Sri Lanka - ont connu de longues périodes de conflits, et d’autres pays d’Asie du Sud ont récemment connu des périodes de « troubles ». Les résultats du projet Beyond Access relatif à l’égalité des genres et à l’éducation des filles démontrent clairement les conséquences négatives d’un conflit sur l’éducation en général, et sur l’éducation des filles en particulier. Au Népal, en raison des fréquents rapts et raids, les parents craignent pour la sécurité de leurs filles et par conséquent, les retirent de l’école. Les conflits menacent donc de saper les progrès réalisés en matière d’éducation des filles. Cependant, dans certains pays, l’éducation des filles n’est pas uniquement la victime des conflits, mais une véritable cible. L’Afghanistan est l’exemple le plus parlant : un responsable d’école a été décapité, un enseignant a été tué par balles pour avoir donné cours à des filles, et des parents ont été mis en garde de ne pas envoyer leurs filles à l’école8.

Catastrophes naturelles Les caractéristiques géologiques de la région entraînent des catastrophes naturelles telles que le tsunami du mois de décembre 2004, qui a sévèrement touché le Sri Lanka, l’Inde et les Maldives. Le tremblement de terre qui a eu lieu en Asie du Sud en octobre 2005 a eu des conséquences désastreuses pour le Pakistan et l’Inde. Le Bangladesh est prédisposé à de graves inondations régulières. De telles catastrophes ont également des conséquences en terme de genre. L’une d’entre elle est que les femmes sont plus susceptibles de perdre la vie. Par exemple, leurs vêtements les feront plus probablement couler et elles n’ont certainement pas appris à nager ou à grimper aux arbres. Une réponse d’urgence pour l’enseignement au Sri Lanka Après le passage du tsunami au Sri Lanka, une cellule d’urgence pour l’enseignement a été mise sur pied au Centre des opérations nationales et un groupe de travail spécialisé a été établi afin de soutenir financièrement le retour des enfants à l’école pour la fin janvier 2005. L’UNICEF a fourni un soutien important, non seulement pour la réparation et le nettoyage des bâtiments scolaires endommagés, mais aussi pour la reconstruction de bâtiments adaptés aux enfants, et qui donnent la priorité aux besoins des filles, ceci sur base des critères suivants :

• Les enfants en âge d’aller à l’école primaire devraient avoir une école à une distance de marche.

• Les espaces d’apprentissage devraient comprendre des pièces pour les activités parascolaires, des espaces d’apprentissages axés sur les projets et des espaces d’apprentissage individuels. Les zones d’apprentissages internes et externes devraient être reliées par des vérandas ou des passerelles.

• La population (y compris les enfants) devrait prendre part à la définition du lieu d'installation, à l’aménagement et à la gestion des écoles.

• Les enseignants devraient êtres soutenus afin d’établir des liens entre les communautés et les initiatives de développement communautaire. Les

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enseignants devraient être formés afin de pouvoir offrir un soutien psychologique aux enfants et à leurs familles, et recevoir eux-mêmes un soutien pour pouvoir gérer le traumatisme qu'ils ont subis9.

Autres problèmes Ce document ne prévoit pas d’espace pour traiter toutes les questions relatives au genre; néanmoins, d'autres défis de plus ou moins grande ampleur sont présents en Asie du Sud. Dans cette région, les grandes villes abritent de nombreux enfants des rues, dont la majorité n'a pas accès à l’éducation, et les filles vivant dans les rues sont encore plus vulnérables que les garçons. Le VIH/SIDA est une préoccupation de plus en plus importante, plus particulièrement en Inde, où 38 pour cent des personnes touchés par la maladie sont des femmes. La plupart des systèmes éducatifs doivent encore éduquer les jeunes gens au sujet des risques et des méthodes de prévention et les filles ne sont même pas au courant qu'elles ont par exemple le droit d'exiger que leur mari mette un préservatif.

Problèmes directement liés au genre Certains défis sont directement liés à la simple réalité biologique d’être une femme, avec toutes les valeurs socialement déterminées que cela implique.

Des filles et des femmes manquantes L’Asie du Sud compte 50 millions de femmes en moins que ce que la région devrait compter. Des bébés filles sont tuées avant la naissance par avortement en raison de leur sexe ou meurent prématurément à cause de violences et de négligences. Selon le recensement de 2001, il n’y a que 927 femmes pour 1.000 hommes en Inde. Des états tels que Punjab, Haryana, Delhi et Gujarat comptent entre 79,3 et 87,8 filles pour 100 garçons. 10 Théoriquement, les avortements liés au sexe de l'enfant sont illégaux, mais en pratique, ils sont très largement répandus. Si l’Inde réussit à offrir l'éducation à tous, il sera cependant impossible d'atteindre la parité dans les inscriptions dans un futur proche en raison de ces disparités artificielles du profil démographique. Néanmoins, parvenir à offrir une éducation de qualité pour tous sera déjà en soi un grand pas vers la suppression des préjudices sociétaux envers les femmes.

Mariage Malgré les lois interdisant cette pratique, le mariage des enfants est commun en Asie du Sud, et crée effectivement une barrière aux progrès scolaires de nombreuses filles. Au Népal, environ 40 pour cent des filles se marient avant d’avoir atteint l’âge de 15 ans, être mariée étant considéré comme plus important que d’être éduquée. Donner ou recevoir une dot, une pratique tout aussi illégale, est habituel en Asie du Sud, et en général, les parents offrent des dots

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plus petites lorsque leurs filles sont encore jeunes, ce qui augmente la tentation pour les parents de marier leurs filles lorsqu'elles sont encore jeunes.

Intégrité corporelle Le problème de l’intégrité corporelle et du harcèlement sexuel devient de plus en plus urgent et oppressant au fur et à mesure que les filles grandissent. En Asie du Sud, le harcèlement sexuel reçoit souvent le nom anodin de « soirée taquine », et est fréquent au Bangladesh, en Inde, au Népal, au Pakistan et au Sri Lanka. Sur le chemin de l’école, ou sur le chemin du retour, une fille court le risque d'être harcelée, attaquée, enlevée ou même assassinée; et désormais, les filles ne sont pas même en sécurité lorsqu'elles sont à l’école. C’est pour cette raison que beaucoup de filles sont retirées de l’école lorsqu'elles atteignent l’âge de la puberté. Les filles qui vivent à une certaine distance de l’école sont particulièrement vulnérables : plus elles ont une grande distance à parcourir jusqu'à l'école et plus elles vivent dans des zones éloignées, plus le risque potentiel est élevé. Certains parents transigent en envoyant leur fille dans une école plus proche, même si elle a mauvaise réputation ou ne propose pas toutes les matières. Les frères de ces filles, eux, peuvent se rendrent plus loin afin de bénéficier d'une éducation de meilleure qualité. A Madya Pradesh, en Inde, le Programme de garantie d'éducation a instauré le système des enseignants extra-scolaires, des assistants qui vont chercher les filles chez elles et les déposent à l’école chaque jour afin de garantir leur inscription et leur sécurité. Les écoles sont construites dans un rayon de 1 km des fermes et l'accent est placé sur l'inscription de tous les enfants. En apprendre plus sur les menstruations

En Inde, si les filles et les enseignants sont conscients des tabous et sanctions liées aux menstruations, considérées comme un facteur salissant, ils n'en savent que très peu sur le phénomène lui-même. A Mumbai, le centre des ressources pour les femmes Vacha a développé un module d’enseignement pour les filles en Inde occidentale. Ce module se base sur un schéma du corps humain réalisé à partir d’étoffes représentant les différentes parties du corps, attachées les unes aux autres avec du Velcro, et pouvant être ainsi détachées puis assemblées à nouveau. Grâce à ces aides, et grâce à des débats sur leurs expériences physiques et sociales, les filles apprennent à faire la différence entre les idées socio-religieuses relatives aux menstruations, et le processus biologique. Les filles posent de nombreuses questions et partagent leur savoir avec leurs mères.

Aider les filles et les femmes à changer la vision qu’elles ont de leur corps, considéré comme un agent salissant, nécessitera des stratégies polyvalentes et un engagement à long terme, étant donné que ces croyances sont soutenues par les hommes, les membres de la familles, la caste et les systèmes religieux.11

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Il est essentiel de développer des approches innovatrices afin de s’assurer que les filles ont un accès plus sûr et plus large à l’éducation, tout comme il est crucial d'améliorer les conditions pour que les garçons et les filles participent de façon égale à l’apprentissage. Cela signifie que l’égalité des genres doit être un point central de l’élaboration des programmes scolaires et des méthodes d'enseignement (voir document n° 2 'L'égalité des genre à l'école »).

Alimentation Dans de nombreuses régions de l'Asie du Sud, les femmes et les filles doivent manger moins et en dernier. C'est-à-dire qu'elles ne reçoivent que les restes que l’homme et les frères de la famille ont laissé après leur repas. Par conséquent, leur régime alimentaire est mal équilibré et présente des carences en protéines et en vitamines. Bien entendu, la malnutrition affecte la concentration et les résultats scolaires. De plus, nombreux sont les enfants qui quittent l'école sans avoir appris suffisamment en matière de nutrition. Dès lors, les traditions comme celle selon laquelle les filles ne peuvent pas manger « riche » pendant leurs règles leur vaut une sérieuse anémie. En Inde, on a découvert que les filles vivant dans des villages où les écoles offrent un repas de qualité gratuit ont 30 pour cent de chances en plus de terminer leurs études primaires. Afin de combattre les taux élevés de malnutrition, le gouvernement indien a désormais entamé un programme de distribution universelle de repas à midi.

Les enseignants On assume généralement que les enseignantes offrent une bon exemple de réussite aux filles à l'école. En effet, elles soulagent les craintes des parents quant à la sécurité dans l'enceinte de l'école et leur présence prouve que le métier d'enseignant est une aspiration tout à fait convenable pour les filles étant actuellement à l’école. Pour certains, le pourcentage d'enseignantes dans le système éducatif est un indicateur de progrès, et il y peu d'enseignantes dans les pays où les disparités entre les genres sont importantes. En Inde, presque toutes les écoles ne comptant qu’un enseignant (environ 20 pour cent des écoles) sont dirigées par des hommes, et plus de 70 pour cent des écoles où il y a deux enseignants ne comptent aucune femme. Néanmoins, au Sri Lanka et aux Maldives par exemple, on assiste à une féminisation de la profession, du moins au niveau primaire. Cette situation renforce l’impression que les femmes favorisent le développement des enfants et s'occupent bien d'eux.

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Améliorer la qualité de l’enseignement pour les filles en Asie Ce chapitre donne quelques recommandations positives pour améliorer l’enseignement dispensé aux filles en Asie du Sud, bien qu'il y a une quantité d'autres exemples. Il faut insister sur le fait que, même si chaque exemple peut avoir un impact positif, toutes les interventions sont bien plus efficaces si l’on adopte une approche commune. Si on ne se concentre que sur les inscriptions, on n’atteindra pas l'Objectif du Millénaire pour le Développement qui consiste à offrir un enseignement primaire pour tous d'ici 2015. Il est évident qu’il n'y a pas une seule approche qui convienne à tous les contextes, mais au moins, il est nécessaire d'établir des stratégies afin d’améliorer l’accès général à l’éducation et la qualité du système éducatif pour tous les enfants, et il est également nécessaire d’élaborer des programmes qui ciblent particulièrement les filles. Dès lors, il faut développer et concevoir de multiples interventions dans le cadre d’un plan général pour le secteur de l’éducation, avec des liensclairs entre tous les niveaux et types d’éducation.

Recommandations Les gouvernements devraient: • Développer des cadres politiques cohérents basés sur un

engagement politique solide en faveur de l’égalité des genres et de l’intégration de la dimension genre à tous les niveaux (voir aussi les documents 5 et 6 de cette série)

• Garantir que toutes les données scolaires sont ventilées en fonction du sexe, de façon à ce que les inégalités soient quantifiées et que des stratégies adéquates soient mises en place pour réduire les déséquilibres et obtenir un changement qualitatif.

• Mettre en application une législation qui rend l’enseignement gratuit et obligatoire, et abolit les frais de participation à l’enseignement primaire.

• Introduire des programmes nationaux de soutien supplémentaire, tel que des transferts de fonds, des allocations dépendant de la fréquentation scolaire, des repas gratuits et des bourses.

• Garantir que de tels incitants font partie d'un ensemble complet qui vise à favoriser l'égalité des genres au sein de l'enseignement au moyen de la formation des enseignants, à réformer les programmes scolaires afin d’offrir un enseignement significatif et positif, et à s’assurer que les écoles disposent des ressources adéquates pour faire face à l'augmentation du nombre d'inscriptions en augmentation.

9. L'éducation des filles en Asie du Sud. . Série sur l'éducation et l'égalité des genres, Aperçu de programme, Oxfam GB. février 2006

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La société civile et les ONG doivent : • Maintenir la problématique du genre à l’agenda de tous les

niveaux de pouvoir en menant des campagnes pour un engagement politique fort en faveur de l’égalité des genres.

• Établir des partenariats forts avec le gouvernement afin de soutenir les programmes et les politiques d'enseignement tenant compte du genre.

• Présenter et défendre des méthodes innovatrices et efficaces pour favoriser l’égalité des genres dans l’enseignement et apprendre à tirer des leçons de ce qui ne fonctionne pas très bien.

• Maintenir l'attention sur la dimension genre des objectifs nationaux internationaux.

• Faire pression pour obtenir une organisation flexible de l’enseignement afin de répondre aux besoins particuliers des filles.

Les écoles devraient: • Inclure l'attention pour les questions liées au genre dans tous les

programmes de formation des enseignants. • Se concentrer sur l'amélioration de l’aboutissement scolaire des

filles – fournir ce dont elle ont besoin pour rester à l’école, leur apprendre ce qui est significatif et leur donnera plus d’autonomie, les préparer à un emploi rémunéré, et leur apprendre que l’éducation est une alternative parfaitement adaptée à la dot.

• Garder à l’esprit que le genre ne concerne pas uniquement les filles et les femmes, et s’assurer que les garçons qui sont à l’école aujourd’hui seront demain des maris et des pères sensibles au genre.

• Identifier et supprimer les stéréotypes en matière de genre qui figurent dans les outils pédagogiques des écoles.

• S’attaquer au problème du harcèlement sexuel autour et dans les bâtiments scolaires. (voir également le document n°2 de cette série).

Les communautés et les parents devraient: • Être impliqués dans chaque projet d'organisation de l'éducation.

Des consultations intensives devraient être menées pour identifier les besoins prédominants, les solutions considérées comme adéquates. Toutes ces consultations devraient inclure les femmes et les filles.

• S’assurer que les membres de la communauté sont informés des aspects légaux importants, comme l’enseignement gratuit et obligatoire, l’âge auquel les filles peuvent légalement se marier et l’interdiction de la dot. Il faut également mobiliser les membres de la communauté à soutenir l’application de telles lois.

9. L'éducation des filles en Asie du Sud. . Série sur l'éducation et l'égalité des genres, Aperçu de programme, Oxfam GB. février 2006

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Notes 11 Lors du sommet de Dhaka en novembre 2005, l’Afghanistan a été admis au sein de l’ASACR, et deviendra officiellement membre lors du prochain sommet qui se tiendra en Inde au début 2007. 2 Source : www.saarc-sec.org/main.php?t=2.8.1 3 UNESCO (2005) Rapport mondial de suivi sur l’EPT 2006 l’alphabétisation, un enjeu vital, UNESCO, Paris 4 Pour plus de détails, voir : E. Unterhalter, R. Rajagopalan, and C. Challender, (2004), A scorecard on girls’ education in Asia, 1990 –2000. Bangkok: UNESCO. http://k1.ioe.ac.uk/schools/efps/GenderEducDev/Asia%20Scorecard%20final.pdf. 5 Raynor, J. (2005) ‘Narrowness of reporting on progress towards MDGs’, on Siyanda. www.siyanda.org/forum/xviewthread.cfm?Thread=120050907071224&FullMsg=220051016025429, 21 septembre 2005 6 Powdyel, T. S. (2006), Schoolwise in Sengdhen, on Kuensalonline. www.kuenselonline.com/modules.php?name=News&file=article&sid=6373, 06 January 2006 7 Voir Meier, B. and Griffin, M. (2005), Stealing the future: corruption in the classroom http://www.transparency.org/global_priorities/education.html. Berlin: Transparency International. 8 Voir Walsh, D. (2006, 05.01.06) ‘Headteacher decapitated by Taliban’, London. The Guardian; and Swainson, N. (2005) ‘Attaining Gender Equality in Primary and Secondary Schooling in Asia: progress to date and future priorities’, a background paper for Girls’ Education: Towards a Better Future for All, DFID, London. 9 Adapté d’un article de Chloe Challender in Equals Issue 10, www.ioe.ac.uk/efps/beyondaccess. 10 Oxfam International (2004) ‘En finir avec la Violence. contre les Femmes en Asie du Sud’’, document préparatoire 66 d’Oxfam , Oxford: Oxfam GB. 11 Adapté d’un article de Sonal Shukla in Equals. Issue 15, 2005 (ibid).

Photographie : © Janet Raynor, Institute of Education, University of London.

9. L'éducation des filles en Asie du Sud. . Série sur l'éducation et l'égalité des genres, Aperçu de programme, Oxfam GB. février 2006

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© Oxfam GB, janvier 2006

Ce document a été élaboré par le projet Beyond Access et a été adapté par Nicola Swainson de ‘Attaining Gender Equality in Primary and Secondary Education in Asia: progress to date and future priorities ‘, un document de référence pour Girls’ Education: Towards a Better Future for All, DFID 2005 , et tiré du travail commissionné par Janet Raynor. Il fait partie d'une série de documents visant à contribuer au débat public sur les questions de développement et de politique humanitaire. Le texte peut être utilisé librement à des fins de campagne, d'éducation et de recherche moyennant mention complète de la source. Le détenteur des droits demande que toute utilisation lui soit notifiée à des fins d'évaluation. Pour copie dans toute autre circonstance, réutilisation dans d'autres publications, traduction ou adaptation, une permission doit être accordée et des frais peuvent être demandés. Courriel: [email protected].

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9. L’éducation des filles en Asie du Sud, Série sur l’éducation et l’égalité des genres, Aperçu de programme, Oxfam GB. février 2006

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