60
À propos du sommeil Nus d’encre et cheveux blancs GILDAS CHEVALIER

À propos du sommeil - Gildas Chevalier

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Livre réalisé par la C.C. Moine et Sèvre dans le cadre du projet de prévention santé - "Bien dormir, mieux vivre"

Citation preview

Page 1: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

À propos du sommeil

Nuits d’encre et cheveux blancs

Gildas Chevalier

Page 2: À propos du sommeil - Gildas Chevalier
Page 3: À propos du sommeil - Gildas Chevalier
Page 4: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

2

Ouvrage non disponible à la venteTous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation

réservés pour tous paysJuin 2013

Editions Petit livre entre amis - [email protected]

Page 5: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

3

À proposdu sommeil...

Nuits d’encre et cheveux blancs

Gildas Chevalier 2013Petit livre entre amis

Page 6: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

4

Du sommeil à mon sommeil,Je rêve tout un long jourA la nuit qui me ramène enfin.Enfin, le sommeil,Le rêve et ses merveillesOù de grands oiseaux blancsTournoient lentement.Oh, regardez : il neigeDe grands oiseaux de neigeEt de fatigue en fatigue,Emportée, je navigue.Oh, ne m'éveillez pas.Des milliers d'oiseaux de luneSe posent sur la dune.Ne les effrayez pas.Oh, laissez, laissez-moi dormir,Mes oiseaux pour escorte.Je vais, la fatigue me porte

Page 7: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

5

Plus loin, plus loinVers le silence, silence, silenceDe fleurs géantes,Du sable d'ambre.Il neige des plumesD'oiseaux de lune.Un désert blanc,Un continent,Et puis plus loin,Si loin, la mer.

Du sommeil à mon sommeil.Je guette tout un long jourLe rêve.Je rêve,Je rêve...

Barbara

Page 8: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

6

Préface

« Je n’ai pas dormi de la nuit »« J’ai dormi comme un loir »

Qu’est ce qui fait que nos nuits sont « calmes et réparatrices » ou au contraire « agitées et peu reposantes » ?Quoi qu’il en soit, le sommeil conditionne notre santé.

La commission social de la Communauté de Communes Moine et Sèvre, attentive au bien être des habitants, a choisi d’organiser des rencontres sur le thème du sommeil.Les personnes âgées ont souvent beaucoup de choses à dire sur ce sujet et naturellement nous sommes allés à leur rencontre.Des ateliers d’échanges ont été organisés et les langues se sont déliées.

Page 9: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

7

Chacun a son truc pour dormir, même si çela ne marche pas à tous les coups !

Ce recueil que l’on a intitulé « À propos du sommeil » est aussi et avant tout un témoignage de rencontres bavardes et conviviales où l’on a parlé un peu de tout, de choses sérieuses et d’autres un peu moins, mais qui au détour de quelques réflexions révèlent une philosophie de la vie et une acceptation de son sommeil tel qu’il est.

Alors installez-vous bien, détendez-vous, et bonne lecture.

Michel RousseauPrésident de la Commission social

de la Communauté de Communes Moine et Sèvre

Page 10: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

8

Le sommeil à travers les âges

Depuis longtemps, le sommeil a été au cœur des préoccupations de l’homme. Il fut même, à une époque, comparé à une « petite mort » et le rêve était considéré comme une porte vers le monde invisible des dieux.

Dans la mythologie grecque Thanatos est le dieu de la mort. Son frère jumeau, Hypnos, incarne le dieu du sommeil. Ils sont tous deux les fils de Nyx, la déesse de la nuit. Hypnos est fréquemment représenté sous les traits d’un enfant ou d’un jeune homme tenant un miroir dans une main et des fleurs de pavot dans l’autre avec lesquelles il touchait les mortels pour les endormir.

Page 11: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

9

Il est aussi doté d’une paire d’ailes lui recouvrant les yeux dont le battement pouvait déclencher le sommeil. Hypnos résidait dans une caverne traversée par le fleuve de l’Oubli.

Morphée, l’un des mille fils d’Hypnos, est le dieu des songes. Il avait pour mission de prendre la forme d’êtres humains pendant le repos des mortels. Tout en leur distribuant des rêves agréables, il était le garant d’un sommeil paisible. Muni lui aussi d’ailes légères et silencieuses il enlaçait le dormeur de ses bras pour le transporter au pays des songes. Les bras symbolisaient sans doute la sécurité, la force. Ils représentaient peut-être aussi le berceau dans lequel on s’abandonne. Quoi qu’il en soit, il en reste cette expression connue de tous : « tomber dans les bras de Morphée », que l’on emploie pour désigner une personne qui dort profondément.

Les Romains avaient aussi leur dieu du sommeil, appelé Somnus. Dans l’Egypte antique, le gardien du sommeil était le génie Bès, représenté sous les traits d’un nain difforme… On attribuait alors un rôle prémonitoire aux rêves qui pouvaient être de mauvais augure. Dans ce cas les Egyptiens utilisaient une « clef des songes », en faisant appel à Isis, la déesse magicienne ayant le pouvoir de contrer le mal... Dans la Bible, Dieu s’adresse directement aux hommes par les rêves qui du coup prennent un accent prophétique.

Page 12: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

10

Le sommeil et la science

L’homme a longtemps cru à l’essence divine des rêves. D’une certaine façon, ils étaient un moyen de communiquer inconsciemment avec l’Au-delà, d’où l’importance de les interpréter au mieux. Les chamans et autres guérisseurs s’en sont toujours inquiétés. Même Hippocrate, le Père de la médecine moderne, prenait les rêves en compte dans ses prescriptions…

De ces pratiques est née l’oniromancie qui n’est autre que l’étude des rêves. Cette discipline était très répandue au Moyen-âge, jusqu’au XIIe siècle où l’Eglise catholique condamna la divination par les songes. En l’assimilant

Page 13: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

11

à la sorcellerie et au malin, elle pourchassa ceux qui la pratiquaient. L’inquisition sonna le glas de l’oniromancie qui toutefois ne disparut pas totalement. En effet, jusqu’au début du XXe siècle on continua d’étudier le sommeil et plus particulièrement les rêves de manière discrète et plus ou moins sérieuse.

Freud s’intéressa à l’aspect psychologique des rêves, en les étudiant soigneusement pour leur attribuer une dimension symbolique. Vers la fin des années cinquante, Michel Jouvet, un neurophysiologiste découvrit le sommeil paradoxal, grâce à l’observation de l’activité électrique du cerveau d’un chat pendant son sommeil. Cette découverte est à l’origine d’une meilleure compréhension des phases cycliques du sommeil dont l’approche ne se cantonna

plus à l’étude de sa durée et des rêves. À partir de là, le sommeil devint un phénomène analysable par le corps médical, avec ses normes électriques et ses pathologies.

À noterLa polysomnographie consiste à capter les rythmes électriques qui proviennent de notrecorps pour en déduire les stades de sommeil.

Page 14: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

12

Il est désormais possible de diagnostiquer les troubles du sommeil, en allant par exemple passer une nuit à l’hôpital avec des électrodes sur la tête, les yeux et le menton… Au réveil, le patient pourra suivre les courbes des flux électriques de son cerveau enregistrées durant la nuit et apprendra qu’il fait des apnées plus ou moins longues, par exemple. Il existe des traitements pour ça. Mais la science résout-elle si facilement les problèmes liés au sommeil ? De toute évidence, la réponse est négative si l’on en croit le nombre de gens qui se plaignent d’insomnies ou d’avoir un sommeil de mauvaise qualité.

Si bien dormir est essentiel pour être en bonne santé, ce n’est pas évident pour tout le monde. Chaque individu a plus ou moins besoin de sommeil et ces besoins ne sont pas les mêmes en fonction de l’âge d’un individu.

Page 15: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

13

L’âge et le sommeil

Un nourrisson dort beaucoup, de seize à dix-huit heures par jour. Le nombre d’heures diminue progressivement, pour passer de quatorze à douze chez l’enfant en bas âge. Un adolescent aura besoin de neuf heures par jour ce qui peut être le cas pour l’adulte qui dort entre sept et neuf heures en moyenne.

Avec le vieillissement, non seulement le temps de sommeil se racornit comme peau de chagrin, mais en plus son rythme se modifie et il perd en qualité. Les cycles restent approximativement les mêmes, soit environ quatre-vingt-dix minutes, mais ils comprennent globalement plus de

Page 16: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

14

sommeil léger et moins de sommeil profond. Le sommeil paradoxal a tendance à survenir plus rapidement après l’endormissement. A la fin de chaque cycle, les éveils sont souvent perçus avec la sensation d’un éveil complet, ce qui explique que les personnes âgées se lèvent parfois très tôt. Le sommeil d’un sujet âgé est fréquemment morcelé la nuit et nécessite pour beaucoup une ou plusieurs siestes durant la journée.

Cependant, l’effet du vieillissement n’a pas le même impact en fonction des individus. Si bien dormir est un souci pour une majorité de gens âgés, certains dorment comme des nouveaux nés. Quoi qu’il en soit, chacun compose à sa façon avec un sommeil perdant en qualité avec l’âge.

Les méthodes pour lutter contre les insomnies sont nombreuses et variées et ce recueil en présente quelques-unes. Elles sont le résultat d’une enquête auprès de personnes âgées vivant sur le territoire de la Communauté de Communes Moine et Sèvre. Des rencontres ont été organisées avec la résidence de L’Avresne à Saint-Macaire-en-Mauges. Les résidents du foyer logement du Bosquet de Tillières ont également fourni leurs témoignages, ainsi que ceux du Clair Logis au Longeron. Au-delà des recettes de grand-mère, il en ressort un recueil vivant où se mélangent souvenirs et anecdotes, et quelques petites histoires… à dormir debout.

Page 17: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

15

Recettes de grand-mère ou chimie ?

Aubépine, verveine, basilic, tilleul, camomille, passiflore associée à l’aubépine, romarin, fleur d’oranger, sucrée ou non, lavande, sont autant de plantes et de fleurs qui ont pour réputation de favoriser le sommeil. Jean, un résident du foyer de vie de l’Avresne à Saint-Macaire se rappelle le temps où il récoltait lui-même les fleurs de tilleul… à la Saint-Jean justement, au mois de juin. Elles étaient séchées pendant quelques jours et ramassées dans un sac pour être consommées au cours de l’année. Une femme raconte qu’elle allait cueillir de la camomille près d’un plan d’eau à Cholet. Elle a oublié le nom de l’étang mais se souvient encore de l’odeur des fleurs embaumant la maison.

Page 18: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

16

À noterInfusions ou tisanes. Une cuillière à caféde fleurs séchées dans 20 cl d’eau chaude à laisser infuser pendant10 minutes

Le miel, seul ou avec du lait chaud, a bonne presse chez les personnes âgées, mais aussi probablement chez leurs cadets. Des petites choses simples, comme croquer une pomme le soir ou boire un verre d’eau avant de se coucher, ont pour certains autant d’effet que les incontournables somnifères ou sirops qui pour les autres sont l’assurance de quelques heures au pays des songes.

Enfin, entre les recettes de grand-mère et les molécules chimiques, il y a l’homéopathie. Les fleurs de Bach sont appréciées pour leur diversité. Un ou deux comprimés d’Euphytose sont bienvenus après le dîner ou en cas de réveil nocturne. Une femme vivant à la résidence du Bosquet de Tillières est convaincue des bienfaits du magnésium dont elle fait une cure de quelques mois chaque année.Lorsqu’on demande aux résidents d’un foyer logement, d’une maison de retraite ce qu’ils consomment avant de se coucher, les réponses sont nombreuses et souvent se ressemblent. En effet, il n’y a pas de remède miracle pour

Page 19: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

17

trouver aisément le sommeil, c’est la raison pour laquelle peut-être les infusions d’antan ont toujours la cote. De toute évidence, la médecine moderne n’a pas réglé le problème des insomnies chez les seniors. Si ce n’est pas heureux pour les intéressés, c’est tout de même rassurant de constater que les somnifères n’ont pas détrôné les fameuses recettes à l’ancienne. Nous avons tous un jour dégusté une infusion avec une vieille dame au coin d’un feu de cheminée un soir d’hiver. Nous avons tous entendu frémir l’eau portée à ébullition sur la gazinière et contemplé le liquide se troublant dans la tasse au fil du temps qui s’égrène sur la comtoise. Souvenir heureux d’un moment de partage. Le soir, la porte de l’âme s’entrouvre, c’est l’heure des confidences. Les tisanes de verveine ou de camomille ont encore de beaux jours devant elles et c’est tant mieux !

Page 20: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

18

Quelques rituels

Pour trouver le sommeil, certains lisent quelques pages d’un bon roman ou d’un magazine pendant un quart d’heure ou une demi-heure jusqu’à ce que les paupières deviennent lourdes. Lorsque l’envie de dormir se fait sentir, mieux vaut ne pas résister en voulant à tout prix finir un chapitre. Il est préférable de poser le livre ou la revue et d’éteindre. Une des premières règles en matière de sommeil est de respecter son propre rythme. Il faut être à l’écoute de son corps et savoir repérer les signaux qu’il envoie. Quand les yeux commencent à picoter, quand l’attention se relâche, que les idées deviennent confuses ou qu’on relit la même phrase pour la troisième fois, si la

Page 21: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

19

À noterLa lecture est un moyenpour trouver le sommeil. Quelques pagessuffisent parfois à nous endormir même si le sujet est passionnant !

tête tombe et qu’on se redresse en sursaut, c’est qu’il est temps de s’abandonner au sommeil.

À la résidence du Bosquet, Marie-Louise nous lit un texte tiré de La sérénité de Leight Hunt :

Il n’est pas de sensation plus exquise, peut-être, que de somnoler paisiblement sur l’herbe, ou sur un tas de foin, à l’ombre d’un arbre, conscient qu’une brise légère rafraîchit l’atmosphère de son souffle et que le ciel, à perte de vue, se déploie au-dessus de nos têtes.

Page 22: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

20

Avoir une activité physique dans la journée, comme faire une grande marche par exemple, peut aider à mieux dormir le soir venu. S’isoler dans un endroit calme, le soir avant de se coucher, pour faire des sudokus, des mots croisés par exemple peut préparer une nuit paisible. Toutefois,

en ce qui concerne les mots croisés ou les sudokus, les avis sont partagés. En effet, certains affirment qu’une activité cérébrale le soir met le cerveau en état d’éveil, dans une certaine excitation pouvant empêcher de dormir. En revanche, écouter de la musique douce apaiserait l’esprit et favoriserait les heureuses rêveries.

Oublions les pratiquesintellectuelles pour expérimenter la phyto-thérapie comme le fait

cette femme de Saint-Macaire mettant un sachet delavande sous son oreiller. Les huiles essentielles sont pour d’autres d’un grand secours, la lavande ou le lavandin par exemple. Il suffirait de deux gouttes à l’intérieurdu poignet, qu’il faut ensuite masser longuement pour favoriser l’absorption. On peut faire la même chose sur les pieds, les tempes ou derrière les oreilles. Les

Marie-Jo M., résidente au Bosquet, Tillières

Page 23: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

21

huiles essentielles peuvent également être appliquées directement sur l’oreiller.

Un savon de Marseille dans le lit est censé améliorer la circulation du sang dans les jambes. Une plante Aloé Vera dans la chambre favoriserait le sommeil. Prendre un bon bain tiède avant de se coucher détend le corps et l’esprit. Et, naturellement, si on ajoute des huiles essentielles dans l’eau du bain, l’effet de détente est renforcé.

D’autres facteurs, en fonction des croyances, de la santé ou des habitudes des uns et des autres, contribuent à trouver facilement le sommeil ou à passer une nuit plus ou moins calme. Quelques recommandations d’ordre pratique font appel au bon sens, comme l’acquisition d’un sommier de qualité, d’un bon matelas. La situation de la chambre dans la maison est à prendre en compte. Une pièce exposée côté jardin sera forcément plus calme qu’une autre donnant sur une rue passante. L’hygiène a aussi son importance. On dort mieux dans un endroit

À noterLa diffusion d’huiles essentielles dansla chambre 30 minutes avant le coucherfacilite un sommeil réparateur

Page 24: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

22

propre, aéré chaque jour pendant une dizaine de minutes, que dans un gourbi à l’air vicié ou sentant le moisi et le renfermé. La température de la chambre ne doit être ni trop basse ni trop élevée. Les vêtements que l’on porte pour la nuit peuvent avoir une influence sur la qualité du sommeil.

Les chaussettes favorisent la vasodilatation et sont appréciées en hiver. Certains affirment qu’un lit dont la tête est orientée au nord est préférable à une autre disposition. Surélever le pied du lit améliore la circulation dans les jambes. Un oreiller ou un traversin peuvent ne pas être aussi confortables l’un que l’autre.

En maison de retraite, de vieilles habitudes deviennent des repères incontournables. Prendre

un médicament régulièrement, à une heure bien précise, le rend plus efficace. La moindre modification peut perturber le résident qui du coup s’imagine que le traitement n’aura pas l’effet escompté. On approche la table de nuit du lit avant de se coucher en laissant le

Yvonne D., Paulette N., Marie C., Paulette F.,résidentes à l’Avresne, St Macaire

Page 25: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

23

tiroir ouvert, ce qui permet de déposer facilement les lunettes ou la télécommande de la télévision au passage du marchand de sable. On vérifie plusieurs fois si le mouchoir est bien sous l’oreiller, si les volets sont fermés comme il faut. Pour certains, l’obscurité dans la chambre est indispensable et la moindre lueur peut être une gêne provoquant de fréquents réveils au cours de la nuit. À l’inverse, un volet roulant doit parfois laisser légèrement filtrer la lumière. La commande du lit doit être du bon côté, à la bonne hauteur. Le réveil est placé à tel endroit, une photo encadrée orientée d’une façon bien précise…

Pour les personnes vivant seules chez elles, les habitudes sont semblables. Elles aiment en plus connaître l’heure du passage de l’aide à domicile. Il est bien de vérifier si le linge pour le lendemain est sorti, posé sur la chaise ou sur une table. Les personnes âgées ont souvent besoin de temps pour se mettre au lit et les rituels auxquels elles sacrifient les apaisent. Ils calment les angoisses survenant parfois avec la tombée du jour, ce moment où surgit la nostalgie des heureux souvenirs fuyant avec le temps.

À noterl’auto-suggestion oul’auto-persuasion positivessont d’autres façonsd’atteindre le sommeil. On peut aussi toujours compter les moutons !

Page 26: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

24

Et puis il y a les pratiques personnelles qui varient selon les individus. On ne s’arrêtera pas sur le nombre incalculable de troupeaux de moutons qui ont été comptés par les insomniaques de tout temps. L’auto-persuasion est une technique appréciée. D’aucuns se répètent

inlassablement : je dors, je dors, je dors. Je suis calme et détendu, je dors, je dors…

jusqu’à ce que survienne le sommeil… ou le lever du jour.

D’autres emploient des méthodes s’apparentant à la sophrologie, au yoga

nidra, en visualisant un paysage naturel et tranquille, avec des arbres, des fleurs, en imaginant le murmure d’un ruisseau, en se projetant mentalement des images positives ou en faisant tout simplement le vide, centré sur le va-et-vient du souffle, « comme on fait à la gym avec l’animatrice », affirme une dame de la résidence de L’Avresne.

Marcelle C, Madeleine D, Marcelle C, résidentes à l’Avresne, St Macaire

Page 27: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

25

En matière de lutte contre l’insomnie, chacun innove et les façons de faire sont aussi variées que le sont les personnalités. Ainsi, une résidente du Clair Logis, au Longeron, se repasse mentalement chaque soir son répertoire de chants. Et tout y passe, des chansons anciennes au dernier tube entendu à la radio, en passant par les cantiques répétés à l’office du dimanche. Ce petit exercice, s’il n’a pas toujours l’effet escompté sur l’endormissement immédiat a au moins l’avantage d’entretenir la mémoire. Les prières deviennent soporifiques elles aussi. Le « Je vous salue Marie » se transforme en mantra hypnotique et le chapelet se substitue aux somnifères. Ainsi soit-il. En maison de retraite, malgré une vie en collectivité, la solitude peut être une compagne pesante à l’heure du coucher où chacun s’isole dans sa chambre ou son appartement. La famille manque parfois, les enfants peuvent être éloignés géographiquement, les visites sont rares, voire inexistantes pour certains. L’absence de ceux qui sont partis déjà, d’un conjoint, est lourde certains soirs.

Lorsque la nuit tombe, les ombres du passé chassées par la lumière du jour ressurgissent, sournoises et obsédantes. Plusieurs personnes parlent des souvenirs anciens qu’elles ressassent en boucle. Les choix heureux ou malheureux, les regrets, les remords parfois et puis aussi les jours heureux, les étapes importantes qui jalonnent une vie. Toutes ces

Page 28: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

26

choses auxquelles on n’a pas toujours le temps de penser dans la journée refont surface au crépuscule, lorsqu’on se retrouve seul avec un livre entre les mains ou devant le poste de télévision sur lequel on jette un œil distrait.A cela s’ajoutent les soucis du moment. Une personne âgée et en retraite depuis des années a aussi ses inquiétudes. Les problèmes peuvent être familiaux ou liés à la santé, d’ordre financier ou autre. Comme pour tout un chacun, ils sont aussi source de tracas et d’insomnie.

Pour certains, le noir complet est angoissant. Pour des raisons diverses : peurs inconscientes, souvenirs désagréables exhumés d’une lointaine enfance… l’obscurité fait parfois l’objet d’une véritable phobie. Dans ce cas, il ne faut pas hésiter à laisser une veilleuse allumée, une porte entrouverte ou quelque chose rassurant la personne angoissée. La sécurité et la tranquillité de l’esprit sont essentielles au dormeur.

La venue du sommeil en elle-même peut très bien générer des angoisses. Beaucoup de personnes âgées rêvent de proches, de connaissances qui ne sont plus. Nombreuses sont celles qui font des cauchemars et ils prennent quelquefois une dimension effrayante. La peur de revivre un rêve désagréable peut empêcher de dormir. La nuit représente l’arrêt de toute activité. Il n’est finalement pas si loin le temps où le sommeil était considéré comme une petite mort et les rêves comme une porte s’ouvrant sur l’au-delà. Et puis qui peut être certain, en se couchant le soir, de se réveiller le lendemain matin ? C’est peut-

Page 29: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

27

À noterLa veilleuse de nuit trouve les mots qui apaisent. Elle apporte le réconfort. Il arrive même qu’une discussion s’achève par un geste d’affection.

être à la notion de cette mortalité, occultée dans la journée, que nous ramène la nuit finalement. Si celle-ci est généralement ignorée par un jeune adulte, elle l’est moins sans doute par une personne âgée.

Pour toutes ces raisons, le passage de la veilleuse de nuit ou du personnel assurant la visite du soir est souvent accueilli avec joie. Elle devient la confidente tendant une oreille compatissante, la compagne d’un moment d’intimité où le cœur se livre sans complexe, libérant les angoisses, dénouant les tensions. Parler fait du bien. Raconter sa journée, ses souvenirs permet d’évacuer le stress ou les peurs. Un temps d’écoute, quelques mots chassent momentanément les démons de la solitude, les bras s’ouvrent pour un instant de tendresse partagée. Un câlin vaut sûrement mieux que tous les médicaments du monde.

Page 30: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

28

Les chosesà éviter

Pour bien dormir le soir, il est souhaitable de ne pas faire une sieste trop longue après le repas du midi. En effet, si celle-ci est bénéfique, permettant de récupérer un éventuel déficit nocturne, elle peut contrarier le sommeil la nuit suivante. Une sieste d’un quart d’heure à une demi-heure est raisonnable. Un dîner trop copieux est fortement déconseillé. Il est préférable de manger léger et deux heures au moins avant de se coucher. Le tabac et l’alcool ne favorisent pas non plus le sommeil. Quoiqu’il y aurait une exception au sujet de ce dernier. Lors de la rencontre avec les résidents de l’Avresne, Madeleine a lu un extrait de « Mes Remèdes de grand-mère » par le

Page 31: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

29

À noterTout le monde connaît la réputation de la caféine ou de la théine et nombreux sont ceux qui évitent les boissons en contenant le soir.

docteur Henry Puget et Régine Teyssot, expliquant que le champagne serait propice au sommeil.

Alors, sabrons la bouteille et que le précieux liquide inonde toutes les maisons de retraite du territoire ! Un verre de champagne contient 12 mg de cuivre et 10 mg de fer ionique. Or, ces éléments activent certains enzymes qui régulent des neurotransmetteurs freinant les centres de l’éveil, comme certains alcools contenus dans le champagne (pentanols, hexanols propanols).

Page 32: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

30

La télévision n’est pas toujours bien perçue. Si elle fait office de compagne pour une personne vivant seule, il vaut mieux être prudent quant au choix des programmes. Le catastrophisme nourrissant les médias et des images violentes n’incitent pas à la paix de l’esprit. Ils sont parfois à l’origine de peurs conscientes ou inconscientes et peuvent provoquer des cauchemars. Sans aller jusque-là, il est fréquent, de nos jours, de s’endormir devant l’écran pour se réveiller en pleine nuit, sur le canapé ou un fauteuil, avec la nuque endolorie et une désagréable impression d’hébétude.

Je m’installe le soir pour regarder la télé et une heure après c’est la télé qui me regarde

affirme en riant un résident de l’Avresne.

Pour un individu jeune, il n’est généralement pas trop difficile de se rendormir une fois le lit regagné. C’est une autre histoire pour une personne âgée qui souvent mettra longtemps avant de trouver à nouveau le sommeil.

Il n’y a heureusement pas, parmi les seniors, que des personnes seules ou isolées. Elles sont nombreuses aussi à partager les joies de la vie maritale, pour le meilleur…

Page 33: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

31

et pour le pire. Celle-ci, en effet, comporte quelques inconvénients, comme les ronflements, par exemple, qui sont à l’origine de bien des nuits blanches. Les hommes sont fréquemment accusés par leurs épouses de troubler leur sommeil par des vrombissements dignes d’une ruche en pleine effervescence. Il est alors préférable pour ces dames de se coucher avant leurs époux, afin de dormir au moment du décollage des abeilles tueuses de sommeil. L’ennui, c’est que très souvent, pour des raisons biologiques, l’homme s’endort avant la femme. Si tel n’était pas le cas peut-être les hommes se plaindraient-ils des ronflements de leurs épouses ?

À noterIl est préférable d’allerse coucher lorsque l’on sent le sommeil arriver plutôt que de s’endormir devant l’écran de télévision !

Page 34: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

32

Causes empêchant le

sommeil

L’insomnie peut faire partie des effets secondaires d’un traitement médicamenteux. Il est bien parfois de s’en assurer avant usage. On l’a vu, le stress et les soucis sont facteurs de nuits agitées. On pourrait croire que les seniors vivant en maison de retraite n’ont pas de raison d’être stressés, mais ce n’est pas si sûr. Au cours de l’entretien avec les résidents du Clair Logis, une dame a dit qu’elle ressentait l’agitation constante de l’extérieur. Elle trouve que les gens aujourd’hui sont toujours affairés, énervés. La vie ne s’arrête pas à la porte d’un foyer de vie et si les Inuits ou les Indiens d’Amazonie ne sont plus à l’abri de la frénésie du monde moderne, une maison de

Page 35: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

33

À noterLes bruits nocturnes peuvent être gênants. Privilégier un endroit calme mais ce n’est pas si aisé lorsque la nature s’en mêle

retraite n’est pas forcément un rempart contre les vagues provenant des turbulences extérieures.

Les intempéries sont parfois une gêne au moment de dormir. Le tonnerre, les éclairs sont source d’inquiétude pour certains. Il existe même des gens que cela terrorise. La pluie, le vent hurlant dans les arbres au dehors, un volet qui claque, une branche frottant contre une toiture, mais aussi les moustiques en été, ou des chats feulant et se battant au milieu de la nuit réveillent quelquefois les plus heureux des dormeurs.

Qui n’a pas, au moins une fois dans sa vie, entendu quelqu’un se plaindre de la pleine lune ? En matière de sommeil, elle est redoutée par certains alors que d’autres n’y prêtent guère attention. Les personnes âgées rencontrant des difficultés pour dormir y sont peut-être plus sensibles que les autres. Elles ne semblent pas être les seules car les enfants ont parfois des nuits agitées en période de pleine lune.

Page 36: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

34

Chacun a son opinion sur le sujet, mais on ne peut contester les effets de la reine de la nuit sur l’homme et ses rythmes biologiques. La police constate que les agressions sont plus nombreuses et les maternités enregistrent plus d’accouchements en période de pleine lune. Et que dire de l’énervement des enfants, des menstruations ?

Les jardiniers plantent en fonction des cycles lunaires et le corps médical lui-même ne renie pas les effets de l’astre nocturne sur les hommes.

Pourquoi la lune n’aurait-elle pas une influence sur le sommeil ? Au-delà des légendes, des loups-garous et autres vampires, il n’y a probablement rien d’ésotérique à l’affaire. Une étude scientifique réalisée par un musée zoologique démontre

qu’au cours des millénaires, les animaux ont adapté leur comportement en fonction de la lune et des marées. Les raisons en sont simples. Il est plus facile de trouver de la nourriture à marée basse, il y a davantage de lumière pour chasser, etc. Des crustacés élevés en laboratoire réagissent aux phases lunaires tout comme ceux vivant dans leur milieu naturel.

Hélène G.,retraitée au Longeron

Page 37: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

35

Sans doute sommes-nous, d’une certaine façon, sujets à cette ascendance. Ainsi, la lune ne fait-elle peut-être pas seulement partie de notre imaginaire, son influence est inscrite dans nos cellules et nous ramène inexorablement à notre appartenance à un rythme universel.

Certes, savoir cela ne résout pas les soucis des insomniaques. Parmi les gens interrogés sur le sujet, dans le cadre de la réflexion sur le sommeil chez les personnes âgées, certains ressentent l’effet de la pleine lune, d’autres non. La plupart d’entre eux s’accordent pour reconnaître que l’effet psychosomatique y est sans doute pour beaucoup.

De toute façon, je n’ai jamaisbien dormi de toute ma vie, conclut une dame du foyer logement Le Bosquet, alors pleine lune ou pas, pour moi c’est du pareil au même !

À noterLa lune semble avoirune influence sur l’homme et ses rythmes biologiques.. Sur les naissances par exemple et pourquoi pas sur le sommeil !

Page 38: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

36

Il est souvent difficile de trouver le sommeil avant un événement important. Les étudiants en savent quelque chose, la veille d’un examen par exemple. Les personnes âgées n’échappent pas à la règle. Même si elles ne craignent pas l’épreuve du redoutable baccalauréat, elles sont quelquefois soumises à un autre genre d’examen,

comme les biopsies, scanners ou coloscopies qui sont autant de raisons d’inquiétude. La venue de l’infirmière pour la prise de sang à jeun au réveil peut être très angoissante.

Les événements heureux sont tout aussi perturbants. Une fête de famille, le mariage d’une petite fille, d’un petit fils peuvent mettre une vieille dame en émoi, dans un état d’excitation semblable à celui vécu la veille de ses propres noces.

Au Bosquet, Louis soutient qu’il ne dort JAMAIS la nuit ! Il affirme que c’est comme ça depuis longtemps. Heureusement, les choses étaient différentes lorsqu’il était jeune.

Louis G.,résident au Bosquet, Tillières

Page 39: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

37

Souvent, ma femme se couchait avec un saoul et elle se réveillait avec un Louis dort, dit il avec un air malicieux. Claudie, l’animatrice, rebondit sur le mariage, interrogeant le farceur sur les jours précédant son mariage :

Ce n’était pas comme aujourd’hui !répond l’intéressé. Il n’était pas question de toucher la mariée avantla nuit de noces ! Alors, forcément, j’étais impatient. La veille je n’ai pas bien dormi !

Ainsi, les insomnies ne sont pas forcément synonymes de tracas et de soucis. Elles ne sont pas non plus l’apanage des seniors puisqu’elles affectent aussi les jeunes en mal d’amour.

Heureusement, le bonheur n’a pas d’âge.

Page 40: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

38

Et avant,c’était

comment ?

S’il est avéré que les sujets âgés ont du mal à dormir aujourd’hui, qu’en était-il hier ? Très souvent, lorsqu’on évoque les temps anciens avec des personnes âgées, les yeux s’illuminent, les lèvres esquissent un sourire et les langues se délient. Les résidents des trois lieux de vie interrogés sur la question ne dérogent pas à la règle. D’une façon générale, ils s’accordent sur le fait qu’ils dormaient mieux quand ils étaient plus jeunes. Ils reconnaissent que l’âge est pour beaucoup dans la dégradation du sommeil constatée actuellement, mais est-ce la seule raison ?Beaucoup de seniors parlent du rythme de vie qui n’était pas le même qu’aujourd’hui. De fait, il n’y avait pas

Page 41: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

39

À noterAutrefois, le rythme de vie était en harmonie avec le cycle solaire. On vivait avec le soleil, on se levait tôt et on ne traînait pas le soir avant de se coucher.

d’ordinateurs, de postes de télévision et le travail souvent était épuisant. Pour ceux vivant en ferme, les jours d’été, pour les moissons, les battages, on était debout à quatre heures. On cassait la croûte à sept ou huit heures pour déjeuner vers midi. Mais on savait prendre le temps. Généralement, aux heures les plus chaudes, tout le monde s’arrêtait pour une sieste bien méritée, sous un arbre, sur la paille dans une grange. Le travail ne reprenait pas avant seize heures. On profitait cependant de la longueur du jour, de la clémence du temps pour abattre le plus de labeur possible dans la journée. Aussi, celle-ci ne s’achevait-elle pas avant vingt-deux-heures.

Évidemment, le lit était apprécié et rares étaient les insomnies. Le lever aux aurores, l’activité physique au grand air et la longueur des journées favorisaient une nuit calme et sans réveil.Les saisons donnaient la cadence des rythmes du travail, elles régulaient aussi celui du sommeil. Naturellement, l’hiver, l’heure du réveil était plus tardive qu’en juin pour les foins ou en août pour les battages. Les journées étaient

Page 42: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

40

plus courtes. Le soir, toute la famille dînait dans la pièce de vie, souvent la seule à être chauffée. La cheminée était le cœur de la maison. Elle était le réconfort, lorsque les travailleurs rentraient fourbus des champs. La chaleur du foyer dégourdissait les corps meurtris par les pics du gel. Les vêtements mouillés séchaient devant. Les chaussures, les chaussettes étaient exposées sous la plaque. La cheminée servait pour la cuisine, la cuisson des légumes, chauffer l’eau pour la toilette, la lessive ou la vaisselle. On y mettait les haricots, le ragoût à mijoter dans un pot de terre, ainsi que la bassine d’eau grasse avec du vieux pain, des pommes de terre qui serviraient à nourrir le cochon.

C’est là que se faisait la charcuterie lorsque ce dernier était abattu. Devant l’âtre, on préparait la fressure, synonyme encore d’une longue journée. Ce jour-là, en effet, on se levait à quatre heures pour rallumer le foyer, découper la viande, le pain, ajouter le sang. Les tâches étaient bien réparties. Les hommes se chargeaient du débitage, les

Anne-Marie C., résidente au Clair Logis, Le Longeron

Page 43: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

41

femmes de la préparation. On s’arrêtait rarement avant vingt heures. Souvent, la famille, les voisins étaient présents et la soirée s’achevait par un bon repas durant lequel on buvait, on riait, on chantait. De temps en temps apparaissait un accordéon et on dansait jusque tard dans

la nuit.

La cheminée unissait les gens dans leurs activités quotidiennes. Elle réchauffait les âmes dans les moments difficiles. Durant les longs mois d’hiver, le soir, les hommes fabriquaient des paniers d’osier ou de coutons, (tiges de bois fendues servant d’armature pour les paniers). Ils faisaient aussi des rôtes, des liens en osier, en jeune chêne ou jeune ormeau, des bois résistant à la

torsion. Ces attaches servaient à ligoter le fourrage, le bois de chauffage ou les sarments de vignes. Les hommes faisaient aussi des paillons, objets fabriqués avec de la paille et une armature de bois de ronce : corbeilles à fruit, paniers, ruches... Les femmes, quant à elles, rapiéçaient des chaussettes, cousaient tricotaient ou brodaient. Avec

Marie-Louise B.,résidente au Bosquet, Tillières

Page 44: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

42

les anciens ou l’aide des enfants, elles triaient des haricots secs.

Nombreux sont ceux qui se rappellent les veillées d’antan, où on se réunissait entre voisins devant le foyer. On partageait un repas, souvent copieux, puis les femmes discutaient devant la cheminée pendant que les hommes jouaient aux cartes. On se racontait des histoires vécues par des parents, des grands-parents. On se tenait au courant des derniers potins et les anciens transmettaient leur sagesse aux plus jeunes. La cheminée était un trait d’union entre les générations. Ces soirées étaient un moment de chaleur et de bonne humeur au cœur de l’hiver. Elles étaient aussi souvent bien arrosées. Un résident du Clair logis se souvient :

On ne rentrait pas de bonneheure ! On était à pied et, en ce temps-là, il n’y avait pas les gendarmes pour nous faire souffler dans le ballon, heureusement !

Lors de ces soirées festives, on se couchait plus tard que de coutume, mais cela restait exceptionnel. La plupart du temps, les enfants étaient au lit sitôt après le souper et les adultes ne tardaient pas à les rejoindre. Généralement, les

Page 45: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

43

familles étaient nombreuses. Si les parents avaient parfois leur chambre personnelle, c’était rarement le cas pour leurs chérubins qui devaient fréquemment s’accommoder d’une seule pièce pour quatre ou cinq et même plus. Chacun ne bénéficiait pas non plus de son lit individuel. On dormait souvent avec un frère ou une sœur. Les petits quelquefois étaient même quatre dans le même lit, deux avec la tête au pied du lit et deux à l’inverse.

Vous deviez bien vous amuser ! Ca devait être un sacré bazar !

s’amuse Antony, animateur au Clair Logis.

La réponse de Lucienne est immédiate : Dame ! Sûrement pas ! C’était strict en ce temps là ! On n’avait pas intérêt à faire les malins et on respectait l’autorité des parents.

Idem à l’internat, pour celles qui ont connu les joies de la pension chez les sœurs. Là non plus, il n’était pas question de tenter la moindre pitrerie sous peine de sanction immédiate. Les dortoirs avaient beau accueillir

Page 46: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

44

vingt, trente, parfois jusqu’à soixante lits, il y régnait une discipline militaire. Souvent, la sœur surveillante dormait avec les élèves ou dans un box séparé d’un simple paravent. Avec l’extinction des feux se taisaient les derniers chuchotements et gare aux langues indisciplinées ! Le soir, au dortoir, une seule règle était en vigueur : le silence.

On connaît le vieil adage « le silence est d’or. » Sans doute aussi, dans certaines circonstances, le silence endort-il…

En ville, celui-ci pouvait être troublé par les nuisances sonores. Lucienne, une institutrice retraitée résidant au Clair Logis, se souvient de son enfance à Cholet. Mes parents habitaient un quartier où deux

cafés avaient pignon sur rue, juste à côté de leur maison. Un bec de gaz éclairait le trottoir au-dessous des chambres et les noceurs avaient pour habitude de s’y attarder en sortant

Lucienne G.,résidente au Clair Logis , Le Longeron

Page 47: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

45

des bars, discutant et vociférant sans se soucier de l’heure tardive. Une nuit, excédée par le bruit, la mère de lafillette se fâcha et balança un seau d’eau froide sur les noceurs qui probablement furent brutalement dégrisés !

Comme quoi, le tapage nocturne a de tout temps irrité les dormeurs, même s’il est probable que les nuits d’antan étaient moins bruyantes qu’elles le sont aujourd’hui dans nos villes.

Autrefois, on l’a vu, les maisons étaient souvent chauffées par une cheminée unique, située dans la pièce principale. Quand il n’y en avait pas et avant l’arrivée des poêles à fioul, une cuisinière à bois la remplaçait. Celle-ci trônant de toute façon dans la pièce de vie. A quelques exceptions près, les chambres, les couloirs ne possédaient aucun moyen de chauffage. Il fallait donc composer avec la froidure régnant dans les pièces plusieurs mois durant. Les ouvertures des chambres n’étaient pas toujours pourvues de volets. On imagine sans difficulté ce que pouvait être le réveil par un glacial matin d’hiver, alors que, durant la nuit, un Borée fort inspiré avait sculpté de magnifiques arabesques de givre sur les vitres. On ne s’attardait certainement pas à les contempler au sortir du lit. Quitter la chaleur douillette était un supplice. Le

Page 48: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

46

contact sur la peau des vêtements restés sur une chaise dans ce qui ressemblait à une chambre froide n’était pas non plus agréable. Il fallait s’activer pour se réchauffer.

Le soir, avant de se coucher, on mettait des morceaux de briques sur la cuisinière ou dans la cheminée. Une fois

brûlantes, elles étaient emballées dans du papier journal puis fourrées sous les couvertures où elles restaient un moment pour chauffer le lit. En dépit de la température atteignant parfois zéro degré durant la nuit, les gens ne se plaignaient pas. Ils n’étaient pas pour autant plus malades que nous le sommes aujourd’hui.

Avec des vêtements chauds, des caleçons longs pour les hommes, une chemise de nuit épaisse pour les

femmes et une fois recouvert du fameux édredon en plumes dont les propriétés calorifiques ne sont plus à prouver, le dormeur ne tardait pas à trouver le sommeil. Pour la confection des édredons on utilisait parfois de la plume d’oie, de poule plus souvent. Au foyer du Bosquet, Simone évoque le chacho, un sac de flanelle dans lequel

Simone C. et Marie-Jo. M.,résidentes au Bosquet, Tillières

Page 49: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

47

on enfile les jambes jusqu’aux genoux. Elle fait d’ailleurs une démonstration en se recouvrant le bas du corps avec le fameux sac à pieds. Cet objet n’est sans doute plus utilisé que par des personnes âgées qui se rappellent les chambres glacées d’autrefois et les réveils avec les oreilles et le bout du nez gelés. Mais elles n’ont pas connu le bonnet de nuit qui remonte à une époque plus lointaine encore. On sait qu’il était très répandu au XVIIIe siècle, dans toute l’Europe, car les hommes avaient souvent le crâne rasé pour pouvoir porter des perruques. Le bonnet se portait alors plutôt à l’intérieur que pour dormir. Parmi les personnes interrogées à ce propos, pas une n’en a fait usage. En revanche, beaucoup on vu leurs grands-parents le mettre avant de se coucher.

La bouillotte a connu son heure de gloire, avec ses inconvénients comme les fuites ou le bouchon mal enfoncé pouvant se défaire accidentellement. Les briques pour chauffer le lit étaient surtout utilisées par les couches populaires ou à la campagne, dans les fermes. Dans certaines familles, on avait recours à un simple seau en fer qu’on garnissait de brandons rougeoyants. On le laissait au centre de la chambre et il réchauffait la pièce de manière éphémère. Cela suffisait toutefois pour se déshabiller rapidement en bénéficiant d’une température un peu moins glaciale. Dans les milieux plus aisés, on se servait d’une bassinoire, un bel objet en cuivre, ressemblant à une poêle fermée, dans laquelle on mettait des braises incandescentes. Généralement, la servante passait le soir dans les chambres des maîtres de maison

Page 50: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

48

pour installer la bassinoire sous les draps afin que le lit soit chaud au moment du coucher.À la narration de ces lointaines pratiques, les conteuses et conteurs improvisés sont pleins d’entrain. Ils gardent de leur enfance, leurs jeunes années, un heureux souvenir. Si pour la plupart, trouver le sommeil n’était pas un problème majeur au temps de la verdeur, certains ont malgré tout eu des difficultés pour dormir. Ce fut occasionnel pour cette femme qui a travaillé à l’usine de Tissage de Roussay avant d’être ouvrière dans la chaussure :

Il y avait des cadences à tenir, un rendement à faire. Si on n’y arrivait pas, on n’était pas payé aussi bien. Des fois, ça m’empêchait de dormir.

Une autre avoue ne jamais avoir dormi plus de quelques heures par nuit.

Et c’est pareil aujourd’hui, dit-elle résignée.

En revanche, une résidente du Clair Logis souffrait d’insomnie quand elle était jeune et fait de très bonnes nuits maintenant. Chacun est différent, cette diversité fait la richesse de l’être humain. Rien n’est figé à jamais et ce qui est aujourd’hui ne sera peut-être plus demain. Ce dernier témoignage peut-être résonne-t-il comme une note d’espoir pour les insomniaques de tous poils ?

Page 51: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

49

Vous avez dit insolite ?

Parcourons à présent les nuits blanches hors des sentiers battus. Embarquons sur le bateau ivre voguant sur des mers agitées et traversées de façon hasardeuse par les naufragés du sommeil. On l’a vu au fil des pages de ce recueil, les personnes âgées font preuve d’une grande imagination quand il s’agit de lutter contre l’insomnie. Certaines astuces sont connues de tous et si d’autres se démarquent par leur originalité, elles ont une logique pour celle ou celui qui les pratiquent. Mais il y a des techniques un peu moins conventionnelles et tout autant surprenantes méritant d’être citées.

Page 52: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

50

Ainsi, au Clair Logis, Georgette nous fait part de points de compression situés sur le coté du pied et à la base de l’ongle du second orteil (coté intérieur). Elle stimule ces points avec la pointe d’un stylo lorsqu’elle a du mal à dormir et remarque un effet apaisant survenant après l’opération. Il ne faut pas se tromper d’orteil cependant, car à l’angle de l’ongle du gros doigt de pied se trouve un point agissant sur… la constipation. Cela peut-être s’explique-t-il par un méridien d’acupuncture situé à cet endroit ? Il est en tout cas une thérapie manuelle, la réflexologie plantaire, partant du principe qu’il existe sur les deux pieds des zones réflexes correspondant à des organes ou des parties spécifiques du corps humain. Une pression sur l’un de ces points permet de relancer le courant énergétique, de stimuler ou détendre un organe. La résidente du Clair Logis n’a apparemment aucune notion d’acupuncture ou de réflexologie plantaire. D’où tient-elle son remède miracle ? Mystère….

À noterStimuler les points de compression sur lespieds correspondantau passage de certains méridiens aurait un effet apaisant !

Page 53: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

51

Une autre personne, toujours au Clair Logis a quant à elle une méthode encore plus étonnante pour retrouver le sommeil en cas de réveil nocturne. Elle avoue ne jamais avoir pratiqué elle-même la technique qu’elle détient d’une tierce personne dont elle taira le nom. Là encore, le secret sur l’origine de l’énigmatique traitement est bien gardé. Il n’est cependant pas difficile à appliquer, puisqu’il suffit d’avoir le courage de se lever, de se rendre à la salle de bains et de remplir le lavabo d’eau froide… pour y tremper tout simplement les coudes durant quelques minutes. Prenant connaissance de la chose, une autre résidente se rebelle :

Ah ! S’il faut se déplacer, ce n’est pas pour moi. Quand je me réveille la nuit, je suis trop feignante pour me lever. J’attends et puis c’est tout !

Une dame parle d’un couple d’amis qui, lorsqu’ils étaient plus jeunes, se levaient la nuit quand ils n’arrivaient pas à dormir. Ils épluchaient des pommes de terre, faisaient cuire des œufs et avalaient le tout avant de retourner se coucher. Une résidente du foyer logement de l’Avresne cuisine aussi en nocturne lorsqu’elle se réveille. Elle

Page 54: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

52

prépare son repas pour le lendemain, fait des gâteaux quelquefois qu’elle a même le temps de faire cuire, mais elle ne les mange pas. Une autre lit des livres romantiques et s’endort en pleine intrigue sentimentale. Les rêves prennent de temps à autre une tournure rocambolesque, comme en témoigne Marcelle qui une nuit s’est endormie dans les bras, non pas de Morphée… mais de Nicolas Sarkozy. Rêve ou cauchemar ? L’histoire ne le dit pas…

À noterLa cuisine peut être une occupation nocturne. Certains préparent le repas du lendemain, d’autres font des gâteaux...

Page 55: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

53

Pour conclure

Après de nombreuses circonvolutions, nous n’avons probablement pas trouvé le Graal tant convoité par les personnes âgées pour bien dormir. Encore une fois, il n’existe pas de solution unique pour résoudre ce problème récurrent. Que l’on soit jeune ou vieux, d’ailleurs, n’y change rien. Quand on ne dort pas, on ne dort pas et c’est évidemment désagréable pour celui qui par tous les moyens essaie de trouver le sommeil sans pour autant y parvenir. Il est évident toutefois que quelques règles élémentaires sont à appliquer, que certaines pratiques sont à éviter. Mais comme les méthodes, les astuces énoncées dans ce texte sont nombreuses, autant les personnalités, les tempéraments sont variés. Aussi, ce qui prévaut pour les uns n’est peut-être pas valable pour les autres.

Ce recueil n’a évidemment pas la prétention d’apporter le remède miracle contre l’insomnie. Il n’est que la collecte de souvenirs et de morceaux de vie racontés par des personnes vivant sur la Communauté de Communes Moine et Sèvre. Mis bout à bout, ils forment un témoignage authentique, un arc-en-ciel aux riches couleurs de la diversité. Que cet arc-en-ciel survive aux nuées du temps qui passe et qu’il éclaire vos nuits d’une douce lumière.

Page 56: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

54

Remerciements

Initiée par la Commission Social de la Communauté de Communes Moine et Sèvre cette action de prévention santé auprès des personnes âgées a pu se réaliser grâce au concours actif voire enthousiaste, de nombreux partenaires. Les qualités relationnelles, le respect et l’écoute des personnes ont toujours prévalu. Ce recueil restera la marque d’une aventure humaine tout simplement.

Nos remerciements donc aux personnes qui ont contribué à la réalisation de ce recueil : - Emmanuelle Simon, Anthony Ripoche, résidence Le clair Logis au Longeron- Hélène Landreau, Benoît Fievet, résidence de l’Avresne à Saint Macaire en Mauges - Annie Belbèze, Claudie Bonneau, résidence Le Bosquet à Tillières- Michelle Chapeau, ADMR (Aide à Domicile en Milieu Rural)

Page 57: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

55

- Pauline Durand, centre de soins infirmiers, Saint Macaire en Mauges- Thérèse Grimaud, habitante de Roussay

Aux partenaires :- Jamy Pacaud de l’IREPS (Institut Régional d’Education pour la Santé)- Isabelle Humeau de la MSA (Mutualité Sociale Agricole)

Merci également à : - Gildas Chevalier pour la rédaction de ce recueil- Les membres de la Commission Social et Laurence Gaboriau, chargée de mission- Et tous les résidents qui ont témoigné de leur vécu et ont permis d’agrémenter ce recueil grâce à leurs anecdotes.

Page 58: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

56

Editions Petit livre entre amis, juin 2013

Imprimé par RDS Atlandoc à Nantes, juin 2013

Page 59: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

57

Page 60: À propos du sommeil - Gildas Chevalier

58

À PROPOS DU SOMMEIL"Nuits d’encre et cheveux blancsGildas Chevalier"

Aubépine, verveine, basilic, tilleul, camomille, passiflore, romarin, fleur d’oranger, tisane de lavande… autant de plantes et de fleurs ayant pour réputation de favoriser les nuits paisibles. Parfois quelques pages d’un bon roman, d’un magazine, font office de somnifère. Tout le monde a son remède contre l’insomnie, sujet ô combien sensible pour le quatrième âge particulièrement concerné par les troubles du sommeil.

Des recettes connues de tous aux techniques les plus surprenantes, ce recueil réunit les témoignages de personnes âgées vivant sur la Communauté de Communes Moine et Sèvre. C’est aussi une rencontre avec nos aînés qui ont levé le voile sur des souvenirs anciens, des anecdotes, non dénuées d’humour parfois, mais aussi leur quotidien, leurs inquiétudes…

Sans doute qu’il n’y a pas de recette magique pour bien dormir. Peut-être que ces quelques pages nous incitent tout simplement à accepter les changements liés au grand âge. Dégustons ces tranches de vie, imprégnons-nous de ces témoignages et laissons infuser…

Recueil écrit par Gildas Chevalier sur une initiative de la commission social de la Communauté de Communes Moine et Sèvre dans le cadre du projet prévention santé.