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État des lieux et recommendations À travers les yeux des albinos Le sort tragique des albinos dans la région des Grands Lacs en Afrique et la réponse de la Croix-Rouge

À travers les yeux des albinos

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Les meurtres d’albinos au Burundi et en Tanzanie, dictés par des pratiques occultes, ont provoqué une crise qui affecte la quasi totalité des populations albinos des deux pays. La réponse humanitaire locale à la crise des albinos de l’année dernière a été largement coordonnée par les sections des Sociétés de la Croix-Rouge des deux pays affectés, mais, souligne le rapport de la FICR, un soutien extérieur s’impose de toute urgence.

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État des lieux et recommendations

À travers les yeux des albinos Le sort tragique des albinos dans la région des Grands Lacs en Afrique et la réponse de la Croix-Rouge

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© Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

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2009 – Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

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Photo de couverture : Tahia, 11 ans, a entendu parler du meurtre d’albinos à la radio, et ne sort plus de son pensionnat en Tanzanie. Elle dit qu’elle demande à ses amis non-albinos de jouer à l’ombre afin qu’elle puisse se joindre à eux. (Photo: Dieter Telemans/Panos)

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Le sort des albinos dans la région des Grands Lacs renvoie aux pages les plus sombres de l’his-

toire de l’Afrique, sans parler des sté-réotypes parfois colportés en dehors du continent.

Pourtant, ce rapport fondé sur une recherche détaillée au Burundi et en Tanzanie montre que beaucoup de villa-geois ordinaires des régions reculées ont fait de leur mieux pour protéger ceux parmi eux qui vivent avec l’albi-nisme, et qui sont aussi leurs maris, leurs femmes, leurs parents ou, très souvent, leurs enfants.

Le monde n’aurait peut-être jamais entendu parler de cette histoire sans le courage extraordinaire d’une journaliste tanzanienne, Vicky Ntetema, désormais responsable du bureau de la BBC à Dar es Salaam, qui l’a révélée au péril de sa vie.

Et les volontaires de la Croix-Rouge qui, en 2008, après les premiers meurtres perpétrés près de Kigoma, dans le nord-ouest de la Tanzanie, ont payé de leur poche des articles de première nécessité destinés aux enfants albinos réfugiés dans une école locale pour handicapés, nous ont probablement donné à tous un exemple.

Les meurtres ont jeté une lumière crue sur une crise qui, compte tenu du nombre de vies humaines perdues, est

probablement encore pire : le cancer de la peau qui tue de nombreux jeunes albinos en Afrique tropicale. Personne ne sait exactement quelle est l’inci-dence du cancer de la peau chez les albinos des zones rurales, mais il est certain qu’elle est supérieure à la normale, en raison de l’absence de mesures de protection, simples et bon marché, et d’une éducation sanitaire.

C’est à ce niveau que les Sociétés de la Croix-Rouge et d’autres groupes communautaires continueront de jouer un rôle primordial. Nous espérons que le rôle essentiel qu’ils jouent en s’atta-chant à promouvoir une culture de non-violence et à combattre la discri-mination sera mieux reconnu et soutenu par leurs partenaires et par les pouvoirs publics.

Nous espérons qu’en publiant ce rapport à Nairobi, à l’occasion de l’Assemblée générale de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui se tient pour la première fois en Afrique, nous réussirons à contribuer à ce que les feux de l’actualité restent braqués sur cette « urgence silencieuse ».

L’essentiel reste à faire.

Bekele Geleta Salif Keita

Note des auteurs Les auteurs de ce rapport tiennent à remercier tous ceux, et notamment les Sociétés nationales de la Croix-Rouge du Burundi et de Tanzanie, qui n’ont ménagé ni leur temps ni leurs efforts pour que ce rapport voie le jour. Il vise à relater la situation tragique dans laquelle se trouvent les personnes vivant avec l’albinisme dans la région des Grands Lacs et à sonder les possibilités d’une intervention humanitaire élargie. Il ne s’agissait pas d’enquêter sur les meurtres récents ni d’évaluer la réaction des gouvernements. Le rapport est dédié aux volontaires de la Croix-Rouge et aux journalistes africains qui ont attiré l’attention du monde sur ce phénomène.

Andrei Engstrand-Neacsu et Alex Wynter

Avant-propos

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L’albinisme dans la région des Grands Lacs Eléments essentiels d’une campagne de sensibilisation

La Fédération internationale est déterminée à dialoguer avec ses Sociétés nationales dans le monde entier afin de promouvoir une culture de la non-violence et de lutter contre la discrimination en tous lieux. La Fédération internationale estime que les priorités immédiates des activités de sensibilisation humanitaire sont les suivantes dans la région des Grands lacs en Afrique :

Les gouvernements doivent…• assurer une protection juridique efficace aux personnes

atteintes d’albinisme ;• utiliser les structures administratives pour localiser et pour pro-

téger les personnes atteintes d’albinisme qui se cachent ;• mener des campagnes publiques de lutte contre la discrimina-

tion et assurer un suivi médical aux albinos qui le souhaitent.

Les Sociétés de la Croix-Rouge/du Croissant-Rouge ont besoin d’un soutien pour… • nouer des partenariats avec des organismes publics afin

d’éliminer la discrimination à l’égard des personnes atteintes d’albinisme ;

• assurer une éducation sanitaire pour prévenir les cancers de la peau ;

• fournir une assistance psychosociale et une formation profes-sionnelle.

La Fédération internationale va…• apporter un appui technique aux Sociétés nationales travaillant

déjà avec des albinos en détresse ou qui se cachent ;• contribuer à la réintégration en toute sécurité des albinos dans

la société ;• mobiliser un soutien international en vue d’améliorer à terme les

conditions dramatiques dans lesquelles vivent les albinos de la région des Grands Lacs en Afrique.

Un volontaire de la Croix-Rouge emmène un enfant albinos à un pique-nique à l’école

de Kabanga. (Fédération internationale)

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Les meurtres rituels d’albinos dans l’est du Burundi et dans plusieurs régions du nord-ouest de la Tanzanie (en gros, la région entre les lacs Tanganyika et Victoria) ont été révélés au monde d’abord par des journalistes africains, puis par les grands medias du monde. En octobre 2009, lors d’une cérémonie à Stockholm, le journaliste tanzanien Richard Mgamba recevait le prix du jour-nalisme Lorenzo Natali pour l’Afrique pour ses articles consacrés à la situation d’urgence dans laquelle se trouvaient les albinos des Grands Lacs.

Les reportages réalisés clandestinement par la responsable du bureau de la BBC à Dar es Salaam, Vicky Ntetema, elle-même tanzanienne, sont peut-être l’épisode le plus célèbre de ce qui a été fait pour attirer l’attention du monde extérieur sur la situation dramatique que vivent les albinos (voir encadré : Récit de la journaliste). Plus récemment, au moment même où ce rapport était rédi-gé, le magazine 20/20 de la chaîne de télévision américaine ABC consacrait un reportage à cette histoire.

Au moment où ce rapport était rédigé, une trêve de trois mois dans les meurtres d’albinos prenait fin en Tanzanie, après l’attaque brutale d’une fa-mille dans le district de Geita de la région de Mwanza. Un garçon albinos, Gasper Elikana, 10 ans, a été tué le 21 octobre par des chasseurs qui se sont enfuis en emportant sa jambe qu’ils avaient sectionnée devant sa famille, après l’avoir décapité pour l’empêcher de crier. Ses voisins et son père noir, qui s’est retrouvé entre la vie et la mort à l’hôpital, ont essayé courageusement de le protéger, mais en vain.

Le dernier meurtre connu d’un albinos remontait au 18 juillet et toute la Tanzanie avait espéré que les mesures sévères qui avaient été adoptées, y com-pris les peines prononcées contre trois chasseurs d’albinos de la région de Shinyanga, reconnus coupables du meurtre d’un écolier albinos de 13 ans, Matatizo Dunia, avaient finalement mis un terme aux meurtres. Le meurtre de Gasper a plongé le pays entier dans la stupeur.

Le nombre officiel de victimes s’élève désormais à 44 albinos tués en Tan-

zanie et 12 dans les provinces de Cankuzo, Kirundo, Muyinga et Ruyigi du Burundi, à la frontière ou à proximité de la frontière de la Tanzanie. Le chiffre

pour la Tanzanie est celui que la police a communiqué à la commission parle-mentaire spéciale chargée d’enquêter sur les meurtres. Des organisations pri-vées et certains médias tanzaniens parlent de plus de 50 victimes.

Au Burundi, la population, aussi choquée par ces meurtres que ses voisins tanzaniens, pense que le marché des organes d’albinos existe surtout, voire exclusivement, en Tanzanie, où ils sont prisés par de riches acheteurs qui les utilisent comme porte-bonheur censé leur apporter la chance et surtout la for-

Des milliers d’albinos ne peuvent plus se déplacer de peur de tomber

sur des chasseurs.

Introduction

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tune. Des responsables de la police de Dar es Salaam ont déclaré que la panoplie complète des organes d’un albinos, y compris les quatre membres, les organes génitaux, les oreilles, la langue et le nez, coûtait l’équivalent de 75 000 dollars US.

Après le début des meurtres en

2007, la situation dans les deux pays a rapidement dégénéré en crise hu-manitaire à petite échelle, pas moins de 300 jeunes albinos ayant été aban-donnés à leur sort dans des écoles tanzaniennes pour handicapés, telles que l’école de Kabanga (49 albinos) à Kasulu, dans la région de Kigoma, et

l’école de Mitindo (103 albinos) à Misungwi, dans la région de Mwanza (l’un des centres où les meurtres ont été commis et où l’on rencontre les pratiques de sorcellerie qui les motivent), et dans des centres de secours au Burundi, où beaucoup sont toujours hébergés alors que le dernier meurtre perpétré dans ce pays remonte au 14 mars1.

Au Burundi, un tout petit pays par rap-port à la Tanzanie – dont la superficie équi-vaut pratiquement à celle de la France et de l’Allemagne réunies – la police a réussi à re-grouper des albinos dans des lieux sécurisés en ville et à leur assurer une protection 24 heures sur 24. Cette protection continue d’être assu-rée.

Un nombre indéterminé d’albinos tanza-

niens se seraient regroupés à proximité de commissariats ou d’églises ou, selon les dires d’un membre de la Croix-Rouge, « se cachent simplement dans leur arrière-cour ». Il est impossible d’estimer le nombre d’albinos déplacés. Mais il est certain que des milliers d’albinos, voire la très grande majorité d’entre eux, ne peuvent plus se déplacer librement pour aller travailler, étudier ou cultiver leurs jardins potagers par crainte des chasseurs.

En fait, leurs vies sont en suspens.

À la mi-septembre 2009, des enfants albi-nos terrifiés continuaient d’arriver à l’école de Kabanga. Le dernier arrivé, Enus Abel, 7 ans, a passé deux semaines caché dans les buissons avec sa mère à peau noire après l’arrivée de chasseurs dans son village. Enus et sa mère ont finalement réussi à rejoindre Kabanga et à se mettre en sécurité le 13 septembre.

Jane Chagie de la Société nationale de Tanzanie est l’un des fers de lance des efforts déployés pour sauver les albinos. (Fédération internationale)

Mwanza

Kigoma

Butare

Ruyigi

Républiquedémocratique

du Congo

Ouganda

Kenya

Tanzanie

Burundi

RwandaKagera

Shinyanga

Kigoma

Mwanza

LacVictoria

Bujumbura

Lac Albert

LacTanganyika

Kigali

Kampala

1. Les dernières informations en date contenues dans ce rapport datent de fin octobre 2009.

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Récit du patient cancéreux

EVODE MAPUNDADar es Salaam

Happy vivait avec son mari albinos, Evode, 34 ans, dans la petite ville de Songea, à l’extrême sud de la Tanzanie. Evode travaillait comme instituteur dans une école primaire, un métier commun à de nombreux albinos qui arrivent, malgré tout, à acquérir une éducation.

Happy, 30 ans, qui est noire de peau, dit que son mari était un bel homme. Ils ont eu cinq enfants, dont deux couples de jumeaux, tous noirs.

Aujourd’hui il est alité à l’Hôpital national pour cancéreux de Dar es Salaam, où il est arrivé dans un état critique après un voyage en ambulance de 12 heures.

Au bord des larmes, mais déterminée à rendre hommage à son mari qu’elle aime profondément, Happy explique qu’il a suivi huit séances de radiothérapie sur les dix prévues, mais qu’il n’est pas sûr de pouvoir arriver au bout.

« Cela fait trois jours qu’il ne peut ni parler ni manger », dit-elle. La nourriture et les fluides s’écoulent simplement du trou que le cancer de la peau a fait dans son cou.

Bien que sa fin soit proche, Evode ne s’est pas départi de son air raffiné de maître d’école. « Il a pris congé de tout le monde », dit Happy. « Il a simplement dit « Adieu, adieu. Occupe-toi bien des enfants, dit adieu à mes parents et au prêtre ».

« Je ne sais pas comment je vais m’en sortir avec nos enfants. Les parents d’Evode sont très âgés. »

Happy, qui cultive un petit lopin de terre près de chez elle, se souvient que lorsque des histoires de meurtres d’albinos dans la région des Grands Lacs avaient commencé à circuler dans les journaux, Evode s’était senti menacé et se demandait si la vague de meurtres allait se propager dans le sud. Mais il n’y a pas eu de meurtres d’albinos à Songea.

Evode faisait partie des albinos qui ont eu de la chance, car il travaillait à l’intérieur, à l’abri du soleil. Cela n’a pas suffit.

P.S : Evode Mapunda a suivi sa radiothérapie jusqu’au bout mais il a quitté l’hôpital d’Ocean Road le 12 octobre 2009 pour recevoir des soins palliatifs à Songea.

« Il a pris congé de tout le monde. »

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L’albinisme est une maladie génétique. Les albinos africains ne sont pas diffé-rents des autres albinos, mais ils sont plus « visibles ». Ils sont aussi particuliè-rement vulnérables au soleil brûlant des tropiques en raison de l’absence, sou-vent totale, de mélanine dans la peau. La présence insuffisante de mélanine dans l’œil est la cause d’une vision déficiente, parfois proche de la cécité, et exacerbe plus encore la vulnérabilité des albinos.

À première vue, il semble difficile de présenter l’histoire des meurtres d’al-binos des Grands Lacs autrement que de manière négative. Ces meurtres peu-vent faire l’objet de récits sensationnalistes dans les médias occidentaux, ce qui a effectivement été le cas. Les albinos africains ont été présentés à tort dans les manchettes de la presse occidentale comme étant « blancs » et une « tribu », même si les articles qui suivaient leur étaient sympathiques.

Cependant, ce sont des journalistes africains qui, les premiers, ont révélé cette histoire et l’ont suivie mois après mois. Ce sont des spécialistes africains, comme le docteur Jeff Luande, oncologue, qui s’attaquent maintenant de front

aux graves problèmes de santé dont souffrent les albinos et dont l’issue est sou-vent fatale (voir encadré : Récit du médecin). Et ce sont les Sociétés nationales africaines du Burundi et de Tanzanie qui, mues par le sentiment qu’elles en avaient l’obligation morale, ont coordonné les interventions humanitaires spontanées pour venir en aide aux albinos en utilisant leurs propres ressources et expériences et en mettant parfois la main à la poche. La communauté huma-nitaire et les médias internationaux leur ont emboîté le pas.

« L’albinisme et les problèmes qui y sont liés rendent ce groupe très vulné-rable, et la Croix-Rouge s’attaque à toutes les vulnérabilités », déclare Peter Mlebusi, Secrétaire général adjoint de la Croix-Rouge de Tanzanie. « Par conséquent, les albinos sont des «clients » et nous considérons que l’albinisme est un domaine dans lequel nous devrions élargir nos activités à l’avenir ».

Même avant le début des meurtres, les albinos constituaient une popula-tion dissimulée et marginalisée, victime de l’ignorance et de la discrimination. Leur nombre précis et les lieux où ils se trouvaient étaient (et demeurent) un mystère.

Au Burundi, plus encore qu’en Tanzanie, on manque cruellement de don-nées sur la population albinos. Les statistiques des recensements sont pratique-ment inexistantes : « Nous avons très peu d’informations », déclare Kazungu Kassim, directeur d’Albinos Sans Frontières Burundi (ASF), lui-même albinos. Selon les estimations les plus précises, celles que la Croix-Rouge du Burundi utilise dans ses opérations, le pays compterait au moins 1 000 albinos.

Le nombre d’albinos officiellement recensés en Tanzanie est de 6 977, selon Al-Shaymaa Kwegyir, première députée albinos du pays, désignée par le Prési-dent Jakaya Mrisho Kikwete pour (selon les dires de la députée elle-même) « exprimer sa solidarité avec la communauté albinos ». Encore une fois, certains groupes et médias font état d’un chiffre beaucoup plus élevé, et il ne faut pas

‘Noirs à la peau blanche’2

« Les albinos veulent rester au soleil comme les autres ».

2. « En Afrique, il existe une sorte d’apartheid à rebours, larvée mais pernicieuse, dont sont victimes les

albinos, ces « Noirs à la peau blanche ». » (J. D. Mihamile et H. Yonkey)

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oublier que ce total n’inclut que les personnes qui se font enregistrer volontaire-ment. Aujourd’hui, après la série de meurtres, ces personnes extrêmement vi-sibles font l’impossible pour devenir invisibles.

Le docteur Luande est heureux de tordre le coup à l’idée qui veut que la Tanzanie compte un nombre disproportionné d’albinos en raison d’une anoma-lie environnementale ou génétique. « C’est un mythe », dit-il.

L’écrasante majorité des albinos occupant un emploi salarié (un petit pour-centage du total) trouve du travail à l’extérieur, au soleil – auquel ils ne devraient jamais s’exposer. Il s’agit d’activités telles que le petit commerce au bord des routes, les étals des marchés, les travaux journaliers dans l’agriculture, etc. Ceux qui n’ont pas d’emploi salarié survivent en cultivant de petits lopins de terre, toujours à l’extérieur, au soleil.

Les meurtres n’ont fait qu’aggraver ce dilemme.

Yusuf Elias, un albinos de 26 ans, dit que c’est vraiment très simple : « si vous ne sortez pas au soleil, vous ne mangez pas ». Il ajoute que, pour des raisons de sécurité, ses parents lui interdisent désormais de cultiver son lopin de terre à la lisière du village, près de Mwanza, un endroit qui doit sa notoriété au meurtre et au démembrement d’une jeune fille par des chasseurs d’albinos. Yusuf vit de la charité de ses voisins noirs (voir encadré : Récit du villageois).

Les parents de nombreux albinos sont eux-mêmes noirs, ce qui augmente fa-talement la probabilité qu’ils ne se rendront pas compte de la sensibilité extrême de leur enfant au soleil équatorial. Les enfants albinos grandissent dans des zones rurales reculées et développent généralement à un très jeune âge des mélanomes faciaux noirs, précurseurs du cancer de la peau qui décime tant de jeunes adultes albinos.

Si la bataille pour ce que l’on appelle « profiter du soleil en toute sécurité» n’a été gagnée que récemment dans le Nord, en Afrique subsaharienne ce concept n’existe pas, comme en témoigne Alfrede Kapole, président de la section de Mwan-za de l’Association des albinos de Tanzanie : « nous avons essayé d’inciter les gens à cultiver tôt le matin et à rentrer avant que le soleil ne soit trop haut dans le ciel ».

« Mais ils [les albinos] veulent rester au soleil comme les gens ordinaires, qui travaillent sous le soleil de midi. C’est ignorance que les gens attrapent des coups de soleil. Et les parents laissent faire. »

Une adolescente albinos s’entraîne à taper à la machine à l’école de Mitindo. (Fédération internationale)

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Récit de la mère

MARIE NIYUKURIRuyigi, Burundi

Le chasseur d’albinos présumé, qui avait lancé sa bicyclette sur le fils albinos de Marie Niyukuri, Ephreim, 8 ans, s’en est bien tiré : la police l’a protégé en empêchant les voisins de Marie de le lyncher. Ils étaient à cran depuis qu’un petit enfant albinos avait été enlevé et tué dans la colline (unité administrative) voisine.

Il semblerait que l’homme ait maladroitement essayé de simuler un accident de la route pour s’emparer d’Ephreim, mais l’enfant a été a été protégé par ses camarades non albinos. Avant d’emmener l’agresseur en prison, la police l’a forcé à payer les soins médicaux pour Ephreim.

Marie semble avoir de plus en plus confiance en ses voisins depuis que les meurtres d’albinos ont commencé en août 2008. Avec son mari Protais, Faustine, 14 ans, la sœur albinos d’Ephreim, et ses huit autres enfants à peau noire, elle vit de la culture, à proximité de la ville de Ruyigi, dans l’est du pays.

Les enfants font chaque jour trois kilomètres à pied, sans escorte, pour aller à l’école.

La famille s’était brièvement réfugiée dans un abri en ville avec d’autres albinos, mais elle est maintenant rentrée chez elle car, comme l’explique Marie, « les habitants des environs sont à présent sensibilisés ».

Une fois passée la menace directe contre la vie d’Ephreim (aucun albinos n’a été tué par des chasseurs au Burundi depuis le 14 mars), Marie a rapidement été gagnée par les autres inquiétudes qu’elle nourrit pour son fils.

« Il a du mal à suivre à l’école, dit-elle. Il a dû refaire trois fois sa première année. »

« Quand nous étions à l’abri et lui à l’école en ville, les instituteurs le mettaient au premier rang pour qu’il puisse voir, mais pas ici. » C’est un problème que rencontrent de nombreux enfants albinos et qui est facile à régler.

Marie et Protais disent aussi que leurs deux enfants albinos sont difficiles avec la nourriture, ce qu’ils attribuent à leur maladie, mais le régime alimentaire de la famille est monotone, même s’il est suffisant.

Plus grave encore sans doute, ni Ephreim ni sa sœur Faustine, qui parle dans un murmure, la tête baissée, n’ont bénéficié du moindre suivi médical pour les mélanomes qui parsèment leurs bras et leur visage. Et aucun des deux ne porte de chapeau à larges bords qui pourrait potentiellement leur sauver la vie.

« Nous nous sommes mariés très jeunes, raconte Marie. Quand j’ai eu mon premier bébé albinos [leur premier enfant albinos est mort en bas âge], j’étais sous le choc et j’ai cherché une explication. Ensuite, j’ai renoncé à comprendre et je les ai acceptés et élevés comme les autres. »

« Les habitants des environs à présent sont sensibilisés »

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« Quand nous nous plaignons, on nous répond simplement qu’il « faut s’y faire. »

Même dans les écoles pour handicapés où les enfants sont pris en charge en fonction des ressources humaines et matérielles disponibles, certains ont de tels coups de soleil qu’on dirait qu’ils ont ébouillantés.

Al-Shaymaa fait remarquer qu’autrefois, la principale menace contre les al-binos des Grands Lacs était, outre le cancer de la peau, l’infanticide, souvent le résultat d’une conspiration entre le père et la sage-femme. « Parfois, dit-elle, les maris divorçaient de femmes qui avaient donné naissance à des enfants albi-nos. » D’après Al-Shaymaa, il existait beaucoup d’autres superstitions : « on disait que la mère avait été mise enceinte par un blanc ou qu’un albinos s’était moquée d’elle pendant sa grossesse, ou que les albinos étaient les fantômes de colons européens. »

Mais tous les intéressés au Burundi et en Tanzanie s’accordent sur une chose : l’utilisation comme porte-bonheur des organes d’albinos assassinés est apparue soudainement, et semble résulter d’une sorte d’exercice de marketing inventé par des sorciers qui souffrent de la crise économique comme tout le monde.

La crise humanitaire des noirs à la peau blanche de la région des Grands Lacs a pour l’essentiel quatre facettes, affirme Peter Mlebusi. « Premièrement, c’est un problème de santé en raison des maladies de la peau associées à l’albi-nisme. Deuxièmement, c’est un problème de stigmatisation et de discrimina-tion au sein de la communauté. Troisièmement, c’est un problème d’insécurité, liée au mythe qui veut que la vente des membres et des organes d’albinos peut rapporter gros. »

Et quatrièmement, ajoute-t-il, « c’est un problème juridique en raison de la lenteur de la justice à traiter les cas des meurtres. »

Un jeune albinos soigne ses mains et ses pieds brûlés par le soleil.

(Fédération internationale)

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L’intervention de la Croix-Rouge et l’avenir

En 2008, moins de trois mois après le meurtre et le démembrement de Mariam Emanuel, une fillette de 7 ans, plus de 60 enfants albinos avaient été laissés par leurs parents à l’école de Mitindo, où vit le frère de la petite victime. L’affaire avait fait grand bruit. Mais l’école, qui accueille en théorie des enfants de 5 à 14 ans, n’avait pas d’autre choix que de refuser les bébés albinos que les parents n’avaient simplement pas les moyens de prendre en charge.

Des volontaires aguerris de la Croix-Rouge, qui ont passé des années à tra-vailler dans des camps de réfugiés, ont reconnu avoir pleuré quand ils ont vu l’état physique des enfants albinos qui venaient d’arriver à l’école pour s’y réfu-gier. Au regard de ce qui est la norme localement, et malgré tous les efforts déployés, les conditions à l’école restent inacceptables.

Comme tous les parents le savent, les enfants sont tout à fait capables de se faire une peur bleue rien qu’en imaginant des choses. On ne peut que deviner l’état mental dans lequel se trouvent les enfants albinos suffisamment âgés pour comprendre les vraies raisons pour lesquelles ils ont été déplacés.

Les deux Sociétés nationales sont intervenues sans aucune aide extérieure. Leurs employés et leurs volontaires ont agi par esprit humanitaire.

Des deux sections de la Croix-Rouge de Tanzanie les plus concernées par la crise – Kigoma et Mwanza –, c’est la première qui, pour des raisons fortuites, a pu intervenir le plus rapidement pour venir en aide aux albinos déplacés et pétrifiés de peur. Kigoma a été pendant dix ans au cœur d’une opération inter-nationale de grande ampleur menée par la Croix-Rouge, soutenue initialement

par la Fédération internationale et aujourd’hui par les Sociétés nationales amé-ricaine, japonaise et espagnole, pour gérer des camps de réfugiés en provenance du Burundi, du Congo et du Rwanda. L’opération touche maintenant à sa fin, et le gouvernement de la Tanzanie espère pouvoir bientôt fermer les deux der-niers camps. La section dispose donc de capacités inutilisées.

Le siège de la section régionale à Kigoma a annoncé qu’il avait pu fournir à Kabanga des dizaines de lits et de matelas qui restaient du programme de ges-tion des camps, ainsi que des ustensiles de cuisine, d’une valeur de 13 millions de shillings tanzaniens (10 000 dollars US). Auparavant, les enfants albinos qui venaient d’arriver dormaient sur des chiffons posés à même le sol en béton, sans moustiquaires, sans produits de toilette ou protection contre le soleil, et l’école avait du mal à les nourrir et à les mettre en condition de suivre les cours3.

Il faut d’abord trouver les bénéficiaires de cette « urgence silencieuse ».

3. Ni l’école de Kabanga ni celle de Mitindo n’a de véritable cuisine. Toute la nourriture

du personnel et des enfants doit être cuite au feu de bois à l’extérieur, dans la cour.

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Récit du médecin

JEFF LUANDE Dar es Salaam

Le docteur Jeff Luande a l’érudition modeste. Son bureau, dont les murs sont tapissés de livres, à l’Hôpital national du cancer de Dar es Salaam – connu de tous par son adresse optimiste d’Ocean Road –, est jonché de piles de documents scientifiques, qui lui arrivent à la taille. L’homme est affable et accueillant, tout en étant extrêmement compétent et confiant.

Le docteur Luande, oncologue, est la plus haute autorité de Tanzanie en matière de cancer de la peau, problème humanitaire auquel succombent de nombreux albinos du pays.

Depuis les années 70, il consacre l’essentiel de sa carrière à l’étude des problèmes sanitaires dont souffrent les albinos. Nul n’a été plus choqué que lui lorsque les meurtres ont commencé dans le nord-ouest de la Tanzanie, et que des organes et des membres d’albinos ont commencé à être vendus comme gri-gri.

« Ce fut un choc immense, dit-il. Cela fait 30 ans que nous essayons d’améliorer le sort des albinos pour qu’ils puissent profiter de la vie comme le reste de la population en général … ». La stupeur rend sa voix inaudible. Comme beaucoup de Tanzaniens qui ont suivi l’histoire, il admet que les meurtres rituels semblent être « sortis de nulle part ».

En 1978, au début de ce qui devait être un des programmes du genre les plus longs jamais lancés en Afrique, le docteur Luande

examinait les résultats du recensement organisé cette année-là et concluait que seuls 2 % des albinos de la région de Dar dépassaient les 40 ans, contre près de 15 % de la population en général.

Le premier objectif du programme qui a suivi était « d’aider les albinos à se mobiliser eux-mêmes, de les aider à parler d’une seule voix et de dialoguer avec le reste de la communauté », déclare le docteur Luande.

« Le deuxième objectif était de les sensibiliser aux problèmes cutanés liés à l’albinisme, de leur dire comment les traiter et, au cas où ils contractaient un cancer de la peau, de leur indiquer quels étaient les services à leur disposition. »

« Troisièmement, nous nous sommes adressés à la communauté dans son ensemble pour lui expliquer qui sont les albinos, pourquoi ils sont nés albinos, quels sont leurs problèmes et ce que la communauté peut faire pour eux. »

Dans les années 90, du moins à Dar es Salaam où un traitement médical peut être assuré, la situation des albinos s’est améliorée grâce au programme du docteur Luande. Il n’existe pas de données épidémiologiques nationales, mais tous les faits empiriques montrent que la prévalence du cancer de la peau des albinos reste très élevée dans les zones rurales.

« Le but était d’aider les albinos à se mobiliser. »

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Gilbert Nshimirimana de la Croix-Rouge du Burundi parle à

des albinos déplacés, qui sont protégés 24 heures sur 24 par la police.

(Fédération internationale)

En 2008, et c’est le plus remarquable, la section de Kigoma a persuadé en-viron 250 donateurs locaux, notamment des fonctionnaires, des commerçants, des volontaires de la Croix-Rouge vivant de leurs indemnités de terrain, des délégués expatriés et des personnes travaillant pour des organisations des Na-tions Unies, de mettre leur main à la poche et de faire un don. En fait, elle a lancé un appel local et l’argent recueilli a servi à acheter de la crème solaire, des couvertures, des vêtements d’occasion et d’autres articles pour un montant total de 5 millions de shillings tanzaniens (4 000 dollars US).

La Croix-Rouge du Burundi a également participé à la coordination d’une opération humanitaire spontanée à laquelle ont pris part des ONG locales, du personnel des Nations Unies, des églises et des écoles. La section de la Croix-Rouge de la province de Ruyigi, par exemple, là où ont eu lieu les premiers meurtres d’albinos au Burundi en août 2008, a collecté des produits alimen-taires, des vêtements et de l’argent que les gens avaient donné personnellement.

La section de Ruyigi essaye maintenant de mettre sur pied une intervention humanitaire de grande ampleur pour faire face à la crise des albinos. L’objectif est de promouvoir leur réintégration à long terme dans la société, et d’atténuer l’atmosphère de vulnérabilité qui les entoure. « Nous avons constitué un parte-nariat de donateurs avec la Fédération luthérienne mondiale », explique Jean-Pierre Sinzumunsi, coordonnateur régional à la Croix-Rouge du Burundi pour les provinces de Ruyigi et de Cankuzo. « Nous nous efforçons d’aider nos vo-lontaires à mieux comprendre le problème de l’albinisme et à promouvoir l’in-tégration et la protection des personnes touchées par ce phénomène. »

« Nous nous appliquons aussi à sensibiliser les autorités locales, la police, les militaires, l’église, les ONG locales et les chefs de village. »

Pour Jane Chagie, responsable de l’Opération de secours aux réfugiés de la Tanzanie occidentale et fer de lance des efforts déployés par la Croix-Rouge de Tanzanie pour sauver les albinos, l’effort humanitaire est sans doute arrivé au bout de ses ressources purement locales. « Nous avons des excédents de capa-cité ici, des volontaires et de l’expérience en matière d’organisation. Nous avons des véhicules et des bureaux. Mais nous avons besoin d’un soutien externe pour tout gérer et entretenir. »

« La Croix-Rouge pourra alors vraiment « s’approprier » cet immense pro-blème humanitaire », ajoute Jane.

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À travers les yeux des albinos / Le sort tragique des albinos dans la région des Grands Lacs en Afrique et la réponse de la Croix-Rouge 15

Récit du villageois

YUSUF ELIAS Mwanza, Tanzanie

Yusuf Elias revit encore et encore ce jour de mai 2008 où Vumilia Makoye a été assassinée, ce qui a réduit la population albinos de ce village situé au bord du Lac Victoria de quatre à trois.

Vumilia, 21 ans, était la trésorière de la section locale de l’Association des albinos de Tanzanie, dont Yusuf est encore secrétaire. Vumilia et sa famille avaient commencé à dîner vers 20 heures lorsque la mère de Vumilia a aperçu la lumière d’une lampe de poche à l’extérieur. « La mère a crié pour demander qui était là, dit Yusuf, 26 ans. Plusieurs hommes ont répondu vous verrez bien ». Apparemment l’un des tueurs s’était lié d’amitié avec Vumilia avant qu’elle ne quitte son travail de vendeuse de cacahuètes au marché.

« La mère est donc allée ouvrir la porte que les hommes ont poussée en rentrant. Toute la famille a résisté, mais les deux hommes étaient costauds, et il n’y avait que des femmes à l’intérieur. « Ils ont poussé la mère et la porte a cédé. Pendant que l’un des hommes la maintenait sous la porte, l’autre s’est précipité sur Vumilia, lui a tranché la gorge et sectionné le pied droit.

« Ils l’ont tuée sous les yeux de ses sœurs et de sa mère. Celui qui a tué Vumilia a dit C’est bon, j’ai fini, on y va. « La mère s’est mise à hurler et les voisins sont accourus, mais il était trop tard. Ils étaient partis en emportant le pied droit. »

Les suites de ce terrible incident ont rendu la vie des albinos du village encore plus difficile qu’elle ne l’était déjà. Le petit groupe dépendait d’un potager dans la brousse, à proximité des rives du lac. Mais les chefs du village leur ont dit de l’abandonner, car ils risquaient d’être pris par les chasseurs. « Le président dit qu’ils pourraient même s’en prendre à nous pendant la journée », dit Yusuf.

« Je ne m’occupe plus que du jardin à proximité de la maison. Je commence le matin à l’aube et je m’arrête avant la tombée de la nuit pour me mettre en sécurité chez moi. »

Quant à l’autre grand tueur d’albinos, le soleil, il ne semble pas trop inquiéter Yusuf, qui ne porte jamais qu’une casquette de baseball. Yusuf a appris à vivre, depuis l’enfance, avec le kidonda (un terme swahili que l’on peut traduire par « lésion ouverte ») non diagnostiqué autour de ses oreilles. Ce kidonda pourrait devenir cancéreux, ou pas.

« Nous savons que nous sommes vulnérables, mais on n’y peut rien. Nous mettons notre sort entre les mains de Dieu. Si vous ne sortez pas au soleil, vous ne mangez pas. »

« Nous nous encourageons mutuellement à tenir le coup et à continuer. »

« Si vous ne sortez pas au soleil, vous ne mangez pas. »

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge16

La première phase de l’intervention menée après les meurtres consiste, comme dans toute intervention humanitaire, à enregistrer les bénéficiaires. Mais, dans cette « urgence silencieuse », il faut d’abord les trouver. Vu l’atmos-phère délétère qui règne actuellement, les albinos des zones rurales reculées (la grande majorité) risquent de ne se signaler qu’aux volontaires communautaires de la Croix-Rouge.

Un enfant albinos dont les cheveux ont été teints en noir se repose dans les bras

de sa sœur. (Fédération internationale)

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À travers les yeux des albinos / Le sort tragique des albinos dans la région des Grands Lacs en Afrique et la réponse de la Croix-Rouge 17

En gros, les besoins des albinos des Grands Lacs sont les suivants :• la sécurité4 ;• une éducation sanitaire pour la prévention du cancer de la peau ;• des vêtements protecteurs ;• une aide pour suivre une éducation primaire et secondaire avec les autres

enfants ;• une formation professionnelle afin d’avoir davantage de possibilités de

travailler à l’intérieur, à l’abri du soleil ;• une aide pour se réintégrer dans la société après avoir été déplacé ou

avoir passé du temps à se cacher.

Le docteur Luande, la plus grande autorité de Tanzanie en matière du can-cer de la peau dont souffrent les albinos, fait valoir à juste titre que les crèmes solaires à écran total, importées et coûteuses ne sont pas une solution viable pour l’Afrique. Il fait un parallèle avec les médicaments antipaludiques (encore plus coûteux) que prennent les personnes des pays développés avant de se rendre dans des régions tropicales. Pour le paludisme, dit-il, la solution africaine ce sont les moustiquaires. Et pour le cancer de la peau, ce sont des vêtements qui protègent bien.

Pour le docteur Luande, le simple fait de fournir aux albinos des chapeaux à larges bords et des vêtements à manches longues pourrait considérablement réduire le risque de contracter un cancer.

L’éducation sanitaire traditionnellement assurée par la Croix-Rouge, à la fois peu coûteuse et probablement très efficace, aurait aussi sa place. Les albi-

nos adultes peuvent être encouragés à cultiver leurs lopins de terre (lorsqu’ils se sentiront en sécurité pour le faire) tôt le matin et en fin d’après-midi. Les pa-rents non albinos, qui ne se rendent peut-être pas compte que, pour des raisons médicales, la peau des albinos ne peut pas bronzer, pourraient être encouragés à ne pas exposer leurs enfants directement au soleil en espérant qu’ils s’habi-tueront ».

Le docteur Luande souligne également que les enseignants ignorent sou-vent qu’en installant les enfants albinos, souvent considérés comme stupides, dans les premières rangées, ils leur donneront la possibilité de voir au tableau, ce qui améliorera considérablement leurs chances de réussite scolaire.

Cependant, les écoles de Mitindo et Kabanga manquent de presque tout ce dont une école à besoin pour héberger et éduquer des enfants, sans parler d’en-fants handicapés. Actuellement, Kabanga est parfaitement incapable de pro-poser une formation professionnelle, quelle qu’elle soit, aux écoliers les plus âgés. L’école de Mitindo, créée spécialement en 1956 pour venir en aide aux enfants non voyants, a commencé à se spécialiser pour répondre aux problèmes de l’albinisme en 2006. Elle dispose de quelques machines à écrire manuelles et de quelques machines Braille fournies par l’ONG albinos canadienne Under the Same Sun (Sous le même soleil). Les ressources humaines et financières des deux écoles sont mises à rude épreuve parce qu’il est impossible de fermer pen-dant les vacances, les enfants albinos n’ayant nulle part où aller.

Beaucoup d’enfants albinos – la moitié – voient tellement mal qu’ils apprennent le Braille.

4. Elle est du ressort exclusif de la police, sauf peut-être dans les régions rurales d’Afrique

où des comités de surveillance du voisinage sont officiellement chargés de veiller sur les albinos.

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La Société nationale de la Croix-Rouge de Tanzanie a lancé un appel à l’assistance internationale pour fournir une éducation sanitaire, des chapeaux à larges bords et des vêtements à manches longues dans les zones rurales et pour fournir des équipements de formation professionnelle pour les enfants albinos et non albinos dans les écoles. À Kabanga, par exemple, le personnel déclare que beaucoup d’enfants albinos – près de la moitié – voient tellement mal qu’ils ont commencé à apprendre le Braille.

Fournir une assistance dans les lieux fixes vers lesquels de jeunes albinos ont fui place les Sociétés nationales devant un dilemme humanitaire classique : personne ne pense que la solution consiste à mettre les albinos dans des camps et à les entourer de barbelés. Le directeur de l’école de Mitindo, Juma Senge Abdallah, a déclaré à la Fédération internationale qu’il pensait que son école risquait de finir par devenir un mini camp de réfugiés, même en l’absence d’une intervention humanitaire internationale.

Mais il existe aussi un consensus en Tanzanie, confirmé par tous les profes-sionnels consultés pour ce rapport : la meilleure solution pour scolariser les enfants albinos consiste à créer des internats sécurisés et intégrés, qui leur évi-tent le risque de devoir se déplacer tous les jours entre leur domicile et l’école en traversant des zones isolées. « Ainsi, dit Vicky Ntetema, on donnera aux enfants le sentiment que la société les veut, qu’ils ne sont pas isolés, qu’il n’y a pas de discrimination, pas de stigmatisation. Et les autres enfants compren-dront que les gens souffrant d’albinisme sont des personnes comme les autres. » (Voir encadré : Récit de la journaliste.)

C’est Ntetema qui a fait découvrir au monde entier ce drame humain poi-gnant. Elle veut que l’histoire ait une fin heureuse.

Récit de la journaliste

VICKY NTETEMA Dar es Salaam

Comme beaucoup de jeunes africains ayant terminé leurs études universitaires dans l’ancien bloc de l’Est, Vicky Ntetema, qui parle toujours couramment le russe, s’est entendue dire dans les années 80 qu’elle était surdiplômée pour le genre d’emploi auquel elle postulait.

Mais elle est quand même rentrée. « J’avais l’impression que je devais rendre quelque chose en échange des possibilités que les contribuables tanzaniens m’avaient offertes », dit-elle.

Vicky, qui avait étudié les médias électroniques au Belarus, était optimiste lorsqu’elle s’est présentée pour un emploi au service swahili de la BBC. Par la suite, elle est devenue responsable du bureau de la BBC en Tanzanie.

La chaîne d’événements qui l’a amenée à enquêter sur la sorcellerie a commencé par une rencontre fortuite avec un policier chauve. Il lui a parlé de pratiques de sorcellerie bizarres mais meurtrières consistant à utiliser le cerveau d’hommes chauves décapités pour attirer le poisson.

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Récit de la journaliste

VICKY NTETEMA Dar es Salaam Lorsqu’il y a deux ans sont arrivées les premières rumeurs puis les

informations crédibles sur le meurtre d’albinos dont on prélevait les organes, Vicky a estimé qu’il était de son devoir de journaliste de mener une enquête.

« C’est en décembre 2007 que je me suis rendue compte pour la première fois qu’il s’agissait d’un commerce organisé » déclare-t-elle. Le reportage que Vicky a tourné clandestinement, et dans lequel un sorcier, pensant avoir affaire à une cliente, lui propose des parties de corps d’albinos, a été diffusé en juillet 2008.

Mais Vicky Ntetema a pris un risque en parlant de ce commerce. La BBC a d’ailleurs diffusé un reportage sur cette journaliste qui doit se cacher à la suite des menaces de mort proférées contre elle.

Vicky a pris à cœur la cause des populations albinos de Tanzanie et

consacre une partie de son temps à travailler comme conseillère bénévole de l’ONG Under the Same Sun, qui mène des campagnes pour améliorer le sort des albinos partout dans le monde.

Elle pense que le meilleur moyen de protéger les enfants albinos vivant dans la brousse tanzanienne est de les placer en internat, dans des dortoirs intégrés avec des enfants non albinos. « De cette façon, on donnera aux enfants le sentiment que la société les veut, qu’ils ne sont pas isolés, qu’il n’y a pas de discrimination, pas de stigmatisation. Et les autres enfants comprendront que les gens souffrant d’albinisme sont des personnes comme les autres. »

Les acheteurs se trouvaient en République démocratique du Congo ; les sorciers étaient, disait-on, en Tanzanie.

« Les gens souffrant d’albinisme sont des personnes comme les autres.

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Alors que la crise économique frappe le monde entier, les populations albinos de cette région de l’Afrique sont, pour malheur, devenues la proie de tueurs à gages (qui travaillent pour le compte de sorciers dont les clients sont, pour le moins, riches).

Le fait que cette violence soit exercée contre des enfants qui sont à la fois extrêmement vulnérables et extrêmement visibles, n’a fait que démultiplier le choc dans les pays concernés et au-delà.

« L’albinisme, déclare le Secrétaire général de la Fédération internationale, Bekele Geleta, est une des vulnérabilités les plus tragiques et il faut s’en occu-per immédiatement à l’échelon international.

« Nos Sociétés nationales les plus proches des lieux où se sont déroulés ces terribles événements ont réagi comme il le fallait, et elles continueront de concentrer leurs efforts sur les deux ou trois domaines où elles peuvent vrai-ment apporter un plus, tels que la promotion des soins de la peau en tant qu’urgence de santé publique et la lutte contre la discrimination. Quant à nous, nous devons maintenant réfléchir à la meilleure manière de les aider.

La Fédération internationale s’est engagée, officiellement et publiquement, à travailler auprès de toutes celles et de tous ceux qui sont exposés à la violence, quelle qu’elle soit, et à la discrimination, mais plus particulièrement auprès des enfants et des jeunes. Bien que tout le monde salue les efforts récemment dé-ployés par les pouvoirs publics au Burundi et en Tanzanie pour traduire les

assassins d’albinos en justice, il faut redoubler d’efforts pour sécuriser les com-munautés où les albinos vivent désormais dans la terreur. Étant donné que ce que le docteur Luande appelle la « phase d’urgence » (c’est-à-dire que les meurtres se poursuivent) n’a pas pris fin, la première priorité de la Fédération est de lancer un appel urgent pour :

• Une meilleure protection des albinos par les forces de police

La situation dramatique des albinos, avant même le début des meurtres ri-tuels, relevait de nombreux domaines ou mandats professionnels sans coïnci-der avec aucun. La tragédie des albinos et les efforts déployés pour leur venir en aide concernent la police, la médecine (de l’optométrie à l’oncologie), l’édu-cation en santé publique, la lutte contre la discrimination, le travail social, l’aide aux moyens d’existence, les droits fondamentaux, le handicap, les com-pétences parentales, et beaucoup d’autres. Les Sociétés nationales, en tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, et la Fédéra-tion internationale demandent :

Que faire ? La Fédération internationale lance un appel à l’action

« L’albinisme est une des vulnérabilités les plus tragiques. »

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• Une intervention pleinement intégrée face à la crise des albinos, aussi

peu entravée que possible par les délimitations professionnelles et les mandats des organisations.

Étant donné que de nombreux albinos, peut-être plus de 10 000 selon les estimations les plus prudentes, sont déplacés ou se cachent, la Fédération inter-nationale insiste sur l’importance qu’il y a à :

• améliorer d’urgence les conditions de vie dans les lieux sécurisés tels que Kabanga et Mitindo, où les albinos sont protégés par les pouvoirs pu-blics et assistés par la Croix-Rouge.

Outre le travail effectué par les pouvoirs publics pour renforcer la sécurité, il faut parallèlement mener une action – dans laquelle les volontaires de la Croix-Rouge peuvent jouer un rôle primordial – pour fournir une éducation sanitaire vitale sur :

• la prévention du cancer de la peau et la protection contre cette forme de cancer, accompagnées (si les médecins locaux le jugent nécessaire) de la fourniture de crèmes solaires à écran total.

La Fédération internationale lance aujourd’hui un appel afin que des me-sures soient prises pour appuyer le travail des Sociétés nationales les plus impli-quées dans les efforts déployés pour venir en aide aux albinos des Grands Lacs, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge du Burundi et de Tanzanie. Il faut continuer à soutenir l’action que mènent les volontaires de la Croix-Rouge pour réduire la discrimination à l’échelle communautaire. Pour terminer, la Fédération internationale ne peut s’abstenir et s’abstiendra pas de :

• hausser la voix afin de promouvoir l’éducation visant à éliminer la vio-lence et la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes d’al-binisme.

Il ne saurait y avoir qu’une seule « stratégie de sortie » pour une action hu-manitaire encore embryonnaire, surtout au niveau le plus local : que les albinos d’Afrique vivent des vies pleines, normales et heureuses.

Angelina Ghuma, de la section de Mwanza de l’Association des albinos

de Tanzanie se rend dans un village qui doit sa notoriété au meurtre et au

démembrement d’une jeune fille albinos. (Fédération internationale)

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge22

Articles :Région des Grands Lacs : la Croix-Rouge se mobilise pour aider la population albinos, 6 novembre 2009Alex Wynter, Dar es Salaam et Stella Marealla Masonu, Kasulu, Tanzanie

http://www.ifrc.org/fr/docs/news/09/09110601/

Les albinos sous protection de la police du Burundi fêtent la naissance de Napoleon, 28 octobre 2009Alexis Manirakiza, Ruyigi, Burundii

http://www.ifrc.org/fr/docs/news/09/09102801/

Protéger la vie et la dignité des albinos, 8 juin 2009Andrei Engstrand-Neacsu, Nairobi

http://www.ifrc.org/fr/docs/news/09/09060801/

Galerie de photos :http://www.ifrc.org/photo/Albinos0609/index.asp.

Récits de la Fédération internationale disponibles sur Internet

La Croix-Rouge du Burundi (CRB) a joué un rôle clé dans la coordination de la réaction humanitaire spontanée aux meurtres rituels d’albinos qui ont commencé en août 2008 dans la province de Ruyigi, à proximité de la frontière avec la Tanzanie. L’opération réunissait des ONG locales, du personnel d’organisations des Nations Unies, des églises et des écoles. La CRB a collecté des aliments, des vêtements et – comme dans la région de Kigoma en Tanzanie – de l’argent, que les volontaires ont donné de leur propre poche. La CRB, fortement implantée dans presque toutes les communautés de ce petit pays de la région des Grands Lacs, est à la recherche de soutiens externes pour élargir son opération et aider les albinos à se réintégrer dans la société. Il faut réduire l’extrême vulnérabilité des albinos aux chasseurs, au cancer de la peau et à la marginalisation dans les écoles et la société. On estime que le Burundi compte au moins 1000 albinos. La photo montre des volontaires de la CRB à Butaganzwa, près de la ville de Ruyigi, se reposant sur le chantier du nouveau siège construit avec des briques, du chaume et du bois produits sur place.(Photo : Alex Wynter/Fédération internationale)

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Les Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

HumanitéNé du souci de porter secours sans discrimination aux blessés des champs de bataille, le Mouvement interna-tional de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect international et national, s’efforce de prévenir et d’alléger en toutes circonstances les souffrances des hommes. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne humaine. Il favorise la com-préhension mutuelle, l’amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples.

ImpartialitéIl ne fait aucune distinction de nationalité, de race, de re-ligion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seulement à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes.

Neutralité In order to enjoy the confidence of all, the Movement may not take sides in hostilities or engage at any time in controversies of a political, racial, religious or ideological nature.

IndépendanceLe Mouvement est indépendant. Auxiliaires des pouvoirs publics dans leurs activités humanitaires et soumises aux lois qui régissent leur pays respectif, les Sociétés natio-nales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette d’agir toujours selon les principes du Mouve-ment.

VolontariatIl est un mouvement de secours volontaire et désinté-ressé.

UnitéIl ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge dans un même pays. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier.

UniversalitéLe Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les Sociétés ont des droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.

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La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge soutient les activités humanitaires des Sociétés nationales parmi les populations vulnérables.

En coordonnant les secours internationaux en cas de catastrophe et en encourageant l’aide au développement, elle vise à prévenir et à atténuer les souffrances humaines.

La Fédération internationale, les Sociétés nationales et le Comité international de la Croix-Rouge constituent le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Notre monde ne tourne pas rond. Il est temps d’agir. ourworld-yourmove.org

Through albino eyes The plight of albino people in Africa’s Great Lakes region and a Red Cross response

Une publication de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FIRC)

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Genè[email protected] Tél. : +41 79 416 38 81

NairobiAndrei Engstrand-Neacsu Communications [email protected] Tél. : +254 733 632 946