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ACADEMIE NATIONALE DE
PHARMACIE/ACADEMIE DU ROYAUME DU
MAROC
LES RENCONTRES GALIEN-IBN SINA
Du 1er au 3 octobre 2015
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Compte-rendu
Personnes rencontrées
- Dr Nicole MOUTIN : Présidente de la Société Internationale des Docteurs en Pharmacie
(SIDP)
- Pr Yahya BENSOUDA : membre correspondant étranger de l'AnP et initiateur des rencontres
- Dr Younes BELAYACHI : membre de la SIDP et initiateur des rencontres
- Pr Albert SASSON, ancien professeur de l’enseignement supérieur à l’université Mohammed
V et Pr Omar FASSI FEHRI : secrétaire perpétuel, Académie Hassan II des Sciences et
Techniques
- Dr Fatima LAHMOUDI : Présidente du Conseil de l'Ordre des Pharmaciens Fabricants et
Répartiteurs
- Dr Omar BOUAZZA : Directeur du Médicament et de la Pharmacie
- Dr Aïcha ZAHI : Pharmacienne membre du CNOP et chargée de la formation continue
- Dr Jamal ZNIBER : Pharmacien membre de la SIDP
- Pr Katim ALAOUI, Directrice générale de la fondation Mohammed VI pour la recherche et la
sauvegarde de l’arganier, responsable de l’équipe de recherche de pharmacodynamie
- Pr Ali BENMAKHLOUF (UPEC), philosophe, professeur des universités
- Dr Hamza GUEDIRA : Président du Conseil National de l’Ordre des pharmaciens du Maroc
- Mme Nouzha SKALLI, ancienne ministre de la santé du Maroc
- Lors de la visite de l’hôpital CHEIKH ZAÏD :
Pr EL HASSANI, Directeur général
Pr BELMEKKI, Directeur du centre de bioéquivalence
Pr CHERRAH, Directeur technique
- Lors de la journée de conférences :
Des pharmaciens industriels : Mohamed BIDRI, Choay SA et Malika SLIMANI, labo du
Gomenol, Maria SEDRATI, Pharmaceutical Institute, E MOULOUDI, Maphar (sanofi)…
Des pharmaciens d’officine : Najia RGUIBI, Jamal ZNIBER, Abdelkrim HAMROUNI,
Souad ZIADY…
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Objectifs
- Développer les relations avec le Maghreb dans les domaines des sciences pharmaceutiques
et médicales
- Partager les expériences dans les domaines de la recherche et de l’innovation en santé
publique entre les deux rives de la Méditerranée
- Promouvoir la francophonie
Tous les objectifs ont été atteints par :
- une parfaite complémentarité des orateurs : deux femmes marocaines, deux femmes
françaises qui ont très bien démontré le rôle de la femme en santé à travers différentes
actions ;
- une complémentarité également des exposés sans redondances ;
- aucune erreur de conception ni d’organisation ;
- une assistance nombreuse qui a confirmé l’intérêt des professionnels pour ces sujets ;
- une réussite pour une première collaboration sur un thème unique.
En outre, des personnalités non marocaines, ayant reçu l’information via l’AnP, se sont déplacées, en
particulier M. Bamba MORIFERE, ancien Ministre de la santé de Côte d’Ivoire et M. Abdelkarim
HAMROUNI, ancien Président du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens de Tunisie.
Programme et résumés des interventions
Jeudi 1er octobre 2015 : 16 h 00 - 18 h 00 :
Conférence organisée par la société internationale des docteurs en pharmacie d’expression
française (SDPF)
« Recherche et Sauvegarde de l’arganier ; Rôle des femmes » Travaux scientifiques sur le fruit
(pharmacognosie), importance sociale, valorisation de la filière, aspects de protection (arganeraies et
femmes arganières). Une remarquable conférence sur la recherche et la sauvegarde de l’Arganier a été
animée par le Professeur Katim ALAOUI, responsable de l’équipe de recherche de pharmacodynamie
ERP à la faculté de médecine et pharmacie de Rabat. K. ALAOUI est responsable de l'Equipe de
Recherche de Pharmacodynamie ERP au Laboratoire de Pharmacologie et Toxicologie -Faculté de
Médecine et de Pharmacie de Rabat. Elle est Directrice générale de la fondation Mohammed VI pour
la Recherche et la Sauvegarde de l'Arganier. Cet arbre ne pousse qu’au Maroc et est source de revenus
pour les familles des villages. Ce sont les femmes qui cassent les noix, avec des méthodes encore
ancestrales, pour obtenir l’huile d’argan utilisée en alimentation, en cosmétique ou encore en médecine
traditionnelle.
Chèvres dans un arganier
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Vendredi 2 octobre 2015
10 h 10 : Pr Omar Fassi Fihri, Secrétaire perpétuel de l’Académie Hassan II des Sciences
et Techniques- Hommage au Pr Abdelhadi Tazi, Académicien du Maroc, historien
Le Professeur Omar Fassi Fihri souligne que c’est la première fois que les deux communautés
scientifiques française et marocaine se rencontrent au Maroc. L’objectif est de multiplier la
concertation et les échanges entre les deux Académies et de concrétiser très vite une coopération entre
les deux institutions. Le Maroc et la France n’ont de cesse d’incarner un modèle de coopération des
communautés scientifiques. Un hommage particulier est rendu au professeur TAZI, ancien directeur
de l’université Quaraouiyine, éminent historien et écrivain, auteur de plusieurs livres dont « Le cheval
arabe ». Décédé en avril 2015, il fut décoré à titre posthume par Mohamed VI.
L’Académie Hassan II des sciences et techniques, créée il y a dix ans, a pour mission de promouvoir et
de développer la recherche scientifique et technique, de contribuer à la définition des orientations
générales fondamentales du développement scientifique et technique et d'émettre des
recommandations sur les priorités en matière de recherche, de financer des programmes de recherche
et d'assurer l'évaluation des activités de recherche dans le pays et de contribuer à l'intégration de la
recherche scientifique et technique marocaine dans l'environnement socio-économique national et
international.
L’Académie est composée de six collèges dont le collège des sciences et techniques du vivant. Elle
compte 60 membres dont trente marocains qualifiés de membres résidents et trente personnalités de
nationalités étrangères ayant la qualité de membres associés. Il n’y a pas de pharmaciens. Elle
comprend également trente membres correspondants de nationalité marocaine ou étrangère, choisis
parmi les personnalités scientifiques et les représentants des secteurs économiques, nommés pour un
mandat de quatre ans renouvelable une fois.
10 h 20 : Jean-Luc Delmas, Président de l’Académie nationale de Pharmacie, Paris
Jean-Luc DELMAS rappelle que l’axe privilégié de l’Académie nationale de Pharmacie est la
francophonie et que des lendemains sont à espérer de cette initiative de rencontre des deux académies.
Qu’est-ce que l’Académie ? L'Académie, créée il y a 212 ans, rassemble tous les modes d’exercice de
la pharmacie dans la transparence et à l’abri des liens d’intérêt. Elle compte 100 membres titulaires,
120 membres correspondants nationaux, 30 membres associés et 80 correspondants européens et à titre
étranger, sans compter un nombre non limité de membres honoraires (âge supérieur à 70 ans). Il ne
faut pas hésiter à postuler !
Le bureau comporte sept membres et le Conseil, qui est l’organe de décisions, 22. L’Académie compte
sept commissions thématiques dont la commission des affaires européennes et internationales et cinq
sections réparties par métiers/savoir-faire/expertises. Le rythme est de deux séances plénières par
mois.
Ses missions consistent en une expertise scientifique au bénéfice de la santé publique. L’Académie
répond par exemple à des demandes du ministère de la santé : missions de service public des
officinaux en 2014, observance en 2015. Elle effectue aussi des rapports ou des communiqués sur
différents thèmes tels que celui de la vaccination. Certains, comme celui de l’antibiorésistance, le
problème des adjuvants dans les vaccins, sont transversaux avec d’autres académies. Une session aura
lieu en juin 2016 avec le patronage du ministère de la santé.
L'Académie informe le public de ses travaux et se fait le relais des progrès des sciences
pharmaceutiques et biologiques par ses publications, en particulier les Annales Pharmaceutiques
Françaises et de nombreuses publications : 10 lettres par an environ, l’Observatoire cinq fois par an
dans lequel chaque section rédige un numéro. Elle tient des documents à disposition comme les outils
de la francophonie, ouverts bien sûr au Maroc.
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L'Académie encourage l’évolution des connaissances par l’attribution de bourses et de prix : par
exemple, le prix de la pharmacie francophone auquel le Maroc peut postuler. En 2014, il a été attribué
à une personnalité du Cambodge et en 2015 à une personnalité de la Guinée. Il y a également un grand
prix littéraire.
En ce qui concerne les axes de collaboration future : pour le thème de la communication, la légitimité
est acquise. Un nouvel axe a pris de l’importance : la santé environnementale
10 h 30 : Dr Nicole MOUTIN, Présidente de la Société Internationale des Docteurs en
Pharmacie d’Expression Française (SFDP)
La présidente se réjouit de l’aboutissement de cette première session interacadémique après 15 ans de
collaboration entre la France et le Maroc, d’autant que la SFDP a toujours eu un lien particulier avec le
Maroc. Elle rend hommage aux personnes qui ont contribué à la réalisation de cette session et, en
particulier, au Professeur TAZI.
Créée voici plus d’un siècle par des Docteurs en pharmacie, la SFDP se veut un lieu d’échanges entre
confrères, quelles que soient leurs activités, autour des thèmes majeurs que sont « science et culture ».
La SFDP a pour spécificité d’être la seule association qui regroupe des docteurs en pharmacie
appartenant à tous les domaines pharmaceutiques. Elle s’est fixée comme objectif de faire la
promotion du titre de Docteur en pharmacie, à travers la valorisation la formation et du
professionnalisme des confrères, Docteurs en pharmacie.
Autour de ces valeurs fortes, en maintenant ses relations privilégiées avec l’Université et le corps
professoral, la SFDP a élaboré un programme où la convivialité contribue à la qualité des échanges et
à la meilleure connaissance du rôle spécifique des docteurs en pharmacie comme acteurs de santé.
En collaboration avec l’Académie nationale de Pharmacie, la SFDP a créé un prix de thèse qui vise à
reconnaitre la qualité du travail de recherche d’un pharmacien.
Missions
1) Affirmer le titre de Docteur en Pharmacie délivré par les Universités Françaises et tout autre titre
pharmaceutique d'une valeur scientifique équivalente,
2) Constituer un lien moral entre le corps pharmaceutique et les professeurs des Universités dont les
Membres de l'Association ont été les élèves directs,
3) Travailler au perfectionnement de l'art pharmaceutique, de s'intéresser au progrès des sciences qui
s'y rapportent, d'encourager, en les publiant, les travaux personnels des Docteurs en Pharmacie,
4) Organiser des sessions de formation et d'information pour ses membres,
5) Maintenir l'honneur de la profession en se préoccupant de tout ce qui touche à sa dignité et à sa
considération, dans le sens de l'intérêt général de la profession,
6) Établir entre les membres la plus grande solidarité confraternelle, d'en resserrer les liens tout en
concourant à l'intérêt général et en conservant à chaque membre son indépendance particulière,
7) Enrichir les connaissances générales des Docteurs en Pharmacie grâce aux échanges culturels.
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Programme scientifique
Session I : Héritage du monde Arabo-Musulman et occidental dans les sciences
10 h 50 : « Galien et son œuvre », Pr Olivier Lafont, membre de l’Académie nationale de
Pharmacie, Président de la Société d’Histoire de la Pharmacie
Galien se prétendait au-dessus de la mêlée, avec les dogmatiques, il cherchait à connaître les causes
des maladies, avec les empiriques, il tenait compte de l’expérience. Galien pratiquait les dissections
d’animaux ; ce qui lui permit de faire progresser l’anatomie. Mais la dissection humaine était interdite
à son époque, contrairement au IIIème siècle av. JC, époque d’Hérophile et d’Erasistrate, à Alexandrie.
Cela le conduisit à commettre des erreurs anatomiques en extrapolant à l’Homme, ce qu’il avait
observé sur l’animal.
Principe de Galien : Contraria contrariis curantur = les contraires se soignent par les contraires,
thérapeutique allopathique.
Hippocrate et Galien sont indissociables. Galien diffuse, développe et commente la théorie
hippocratique : la santé résulte d’un équilibre des quatre humeurs. L’état morbide résulte de la
viciation ou de l’excès d’une de ces humeurs.
Comment lutter contre la maladie ? En rétablissant l’équilibre des humeurs !
Galien reconnaissait une force vitale à l’origine du fonctionnement organique : le souffle (âme,
souffle, pneuma) régit l’organisme et veille à son activité et sa croissance. Les humeurs sont
indissociables des quatre éléments et des tempéraments.
Pour Galien, les humeurs sont des compositions de qualités aristotéliciennes : chaud et humide, chaud
et sec, froid et humide, froid et sec. Ces qualités sont les mêmes que celles des quatre éléments : la
chaleur et l’humidité, pour le sang, comme l’air, le froid et le sec, pour la bile noire, comme la terre,
le froid et l’humide pour le flegme, comme l’eau, le chaud et le sec, pour la bile, comme le feu.
Chaque organisme révèle une dominante de ces qualités qui, intégrées à l’organisme produisent des
humeurs. On le voit, les tissus et les organes ne sont pas premiers comme c’est le cas pour nous, on y
accède via les humeurs et la thérapie qui leur sera ajustée consiste à agir sur les fonctions humorales.
L’autre élément distinctif de cette médecine ancienne et médiévale est de ne pas séparer les affections
du corps des maladies de l’âme. L’excellence de l’âme se comprend pour Galien à partir du
tempérament du corps. Chaque tempérament correspond à une humeur dominante. Pour le
tempérament sanguin, c’est le sang qui prédomine. Pour le tempérament bilieux, c’est la bile, pour le
tempérament flegmatique, le flegme et pour le tempérament mélancolique ou atrabilaire, c’est la bile
noire. Il faut tenir compte de ce tempérament lors du choix des médicaments destinés à soigner les
maladies.
C’est un déséquilibre entre les humeurs, donc entre les qualités, qui engendre les maladies. Toute la
thérapie consiste à ramener à l’équilibre ces qualités. Il convient donc d’apporter à l’organisme des
médicaments ayant les qualités opposées de celles qui sont en excès ou sont dégradées. Pour arriver à
l’état d’équilibre, il convient de purger les humeurs. Le traitement de la maladie devra chasser
l’humeur en excès ou l’humeur viciée, (humeur peccante) ou, au moins en provoquer la coction
(cuisson) qui l’éliminera.
«Clysterium donare, postea saignare, ensuita purgare» (Utiliser le clystère puis saigner et enfin
purger) dans Le malade imaginaire de Molière.
Plusieurs moyens peuvent être employés pour purger les humeurs : la saignée ou la purgation. On
distingue la sudation, les vomissements, la purgation par le bas, qui sont toutes des purgations. Le mot
a un sens plus large qu’actuellement.
Galien distingue trois sortes de souffles, pneuma : le souffle psychique qui est issu du cerveau et
emprunte les vaisseaux nerveux, le pneuma physique, véhiculé par le sang, issu du foie, par le circuit
veineux et le pneuma vital qui est véhiculé par le sang, par le circuit artériel. Il n’y a communication
entre ces deux circuits sanguins que par des pores dans le septum du cœur. Le sang est totalement
consommé au niveau des organes.
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Les idées de Galien vont régner sur le monde médical, pendant plus d’un millénaire et demi. Elles
seront transmises aux savants arabes par les chrétiens nestoriens.
Les textes de Galien et d’Hippocrate seront traduits en syriaque puis en Arabe : c’est ainsi que s’est
faite la transmission des sciences grecques aux Arabes. On a ensuite un retour à l’Occident par l’école
de Salerne avec un mélange des médecines grecque, arabe et juive…Le moine Constantin l’Africain
traduit les textes en latin et la suite sera prise par un groupe de traducteurs de Tolède, Gérard de
Crémone et Marc de Tolède.
Les idées de Galien seront contestées au XVIème siècle par Paracelse (médicaments chimiques) et
Vésale qui va rectifier les erreurs anatomiques.
11 h 20 : « L’œuvre d’Avicenne dans les domaines des sciences médicales et pharmaceu-
tiques », Pr Ali BENMAKHLOUF, Philosophe, Professeur des universités (Universités Paris-Est),
auteur de « Pourquoi lire les philosophes arabes ? », Membre du Comité consultatif national d’éthique
pour les sciences de la vie et de la santé, France :
Présentation de l’œuvre d’Avicenne (Ibn Sina) dans les domaines des sciences médicales et
pharmaceutiques.
Très tôt, au début du IXème siècle, et dès la traduction en arabe des œuvres de Galien, ont fleuri des
travaux pédagogiques sur la médecine. La médecine y est présentée selon deux volets (théorique et
pratique), puis sont analysées la théorie des causes et celle des signes, enfin la théorie des humeurs,
celle des quatre éléments air, eau, terre, feu, et celle des forces : naturelle, vitale, psychique. Râzi,
grand médecin philosophe rationaliste, au début du Xème siècle, reprendra ces distinctions en y
apportant des variantes.
Qu’apporte Le Canon d’Avicenne par rapport à cette médecine galénique arabe ? Le Canon est une
véritable encyclopédie du savoir médical, accumulant le savoir grec de Galien, d’Hippocrate, de Razi
et bien sûr les découvertes d’Avicenne; il est composé de cinq livres. L’apport est essentiellement
méthodologique : Le Canon est divisé en Livres, en parties, en chapitres, en sous chapitres et en
sections. Cette subdivision est majeure : Le texte d’Avicenne présente de grandes vertus
pédagogiques. Les quatre causes et les dix catégories d’Aristote sont mobilisées. Il y a la Cause
efficiente, la cause finale, la cause matérielle, la cause formelle. Les dix catégories sont comme un
territoire de la pensée où les idées prennent place: elles permettent de répondre aux questions. Par
exemple : Quand prendre tel médicament ? Où nous trouvons-nous ? Comment le prendre ? En rapport
avec quoi l’organisme agit-il ? Selon quel tempérament, humeur, une maladie survient-elle ? De qui
s’agit-il ? La catégorie de la quantité essentielle en pharmacopée, elle indique la posologie notamment.
Depuis Aristote, le médecin est tenu non de guérir mais de faire le bon diagnostic et d’utiliser tous les
moyens pour la guérison. De nombreux conseils sur ce qu’il convient de manger, sur la durée et la
position du sommeil… Le second aspect est l’intérêt qu’Avicenne a manifesté pour le rôle du
psychique dans les maladies organiques. Il existe un point de contact entre le corps et de l’âme.
Il faut prendre en compte l’entourage du malade. Mais l’élément le plus novateur et qui sera suivi par
tous les médecins arabes est la collecte des données au lit du malade. « Un manuscrit conservé à
Oxford contient 33 observations cliniques : nom du patient, symptômes du mal, traitement pratiqués,
résultats obtenus ». Cette tradition se perpétue dans le milieu arabo musulman. Les questions de
préservation de la santé et d’hygiène mettent au premier plan la modération et l’équilibre des humeurs
par leur purgation.
Plutôt que d’opposer Aristote et Galien, Avicenne oppose la pratique des médecins qui s’en tiennent
aux apparences et celle du philosophe qui scrute les essences
Contrairement à Galien, Avicenne pense qu’il y a un seul souffle mais pour tout ce qui est nerf, artères
et veines, Avicenne reprend Galien.
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C’est attenant à chaque hôpital que s’établit ce qu’on pourrait appeler une droguerie où se préparent
les drogues prescrites par les médecins. Parmi les préparations les plus nobles, on compte les
électuaires, la thériaque d’Andromaque…Le Livre V (= pharmacopée, formulaire), comporte les
médicaments composés ; 434 formules dans sa première partie et 162 dans sa deuxième partie y
figurent. Ibn Sina y décrit de nombreuses formes galéniques, telles les thériaques, les électuaires, les
sirops, les suppositoires… Tous ces médicaments ont été expérimentés par l'auteur. Il évoque aussi la
date limite d'utilisation et recommande le bon usage du médicament ».
Les poisons (Arsenic, ciguë…) prennent un grande place dans le canon. Les modes de traitement
reposent essentiellement sur le vomissement, l’administration de préparations grasses. On trouve aussi
des stupéfiants, médicaments froids comme l’opium, le pavot et la jusquiame ». On craignait la forte
dose de la Jusquiame en raison du délire qu’elle pouvait provoquer. Le pavot blanc donnait l’opium
officinal que l’on utilisait en application externe (cataplasmes) ou sous forme de sirop ou de poudre
médicinale en usage interne ». Des électuaires digestifs, laxatifs et non laxatifs figurent en grand
nombre dans le formulaire.
Conclusion : Avicenne n’a pas une conception circulatoire du sang dans le cœur. Il y a les artères qui
servent les organes du haut, et celles qui servent les organes du bas : « l’aorte abdominale dessert des
organes plus nombreux et plus volumineux que les artères supérieures qui n’irriguent que la tête »
Les études épistémologiques ne consistent pas à dire ce qui est vrai et ce qui est faux mais à mesurer la
portée explicative des théories. Les théories ne sont que des pis allers, des béquilles dont on se passe
une fois que d’autres moyens sont rendus disponibles, des moyens plus commodes, plus accordés aux
faits.
C’est pourquoi la distinction majeure faite par Avicenne entre le travail du philosophe et celui du
médecin fait justice à des pratiques différentes. Quelles sont-elles ? D’un côté, il y a la volonté
explicative de donner l’essence des choses : c’est le travail du philosophe qui passe par l’analyse des
causes. D’un autre côté, il y la prudence et la modestie de décrire les phénomènes, ce qui apparaît,
sans prétendre donner une explication close : et c’est le travail du médecin. C’est pourquoi, la synthèse
entre Aristote et Galien est possible : elle se rapporte moins aux explications qu’aux descriptions.
La pharmacopée est comme un ensemble détachable du cœur explicatif du canon. Sa force
énumérative et descriptive lui donne une durabilité dont ne peuvent se prévaloir les théories à valeur
explicative.
Session II : Le rôle de la femme dans la santé
13 h 45 : « Femme et santé : un couple gagnant pour le développement », Dr Nouzha
SKALLI, Docteur en pharmacie, Ex-Ministre du Développement social, de la Famille et de
la Solidarité (Maroc)
Dans le couple femme-santé de la société d’aujourd’hui, la femme est à considérer pleinement aussi
bien dans ses droits à la santé que dans son rôle et ses apports d’hier et d’aujourd’hui dans ce domaine.
Le droit à la santé est un droit fondamental consacré par les conventions et chartes internationales
(Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) et Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (1966) et est valable pour tout individu. Quand il est abordé pour les
femmes, les enjeux prennent une nouvelle dimension à caractères socio-économique et socio-sanitaire
plus marqués. Cela englobe entre autres le droit en santé reproductive et la question des violences à
l’égard des femmes. Les répercussions s’élargissent alors aux enfants, leur santé, leur statut social, et
donc à toute la société. Le droit de la femme à la santé s’ouvre ainsi sur de multiples problématiques
relevant souvent du tabou comme le mariage précoce, les mères célibataires, l’avortement clandestin,
les enfants abandonnés etc… et là, d’autres conventions plus spécifiques sont nécessaires pour traiter
de ces aspects relatifs à la santé des femmes et des enfants comme la Convention sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979) et la Convention relative aux droits de
l’enfant (1989) ou, pour faire le lien entre santé des femmes et développement humain, les Objectifs
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du millénaire pour le développement dont les objectifs 4 et 5 sont consacrés à la lutte contre la
mortalité maternelle et infantile, mais aussi la CIPD, Conférence Internationale sur la population et le
développement (Le Caire 1994).
La place des femmes comme prestataires de soins de santé, de nos jours dans les professions
médicales, pharmaceutiques ou paramédicales, est assez simple à décrire et à quantifier. En revanche,
celle occupée par les femmes dans les pratiques traditionnelles des soins aux autres femmes et aux
autres membres de la famille, relève du domaine du non quantifié, parfois du non-dit et du tabou ou
même de l’interdit. Sur le terrain, les femmes prennent en charge dans l’informel des accouchements,
des avortements, des soins aux nouveaux nés, aux nourrissons ou aux enfants, aux handicapés, mais
aussi aux personnes âgées. Ce rôle dans l’ombre joué par la femme dans la santé a existé de tout
temps, mais souvent occulté dans l’histoire. Enfin, sera particulièrement souligné le rôle des
professionnels de santé en général et des pharmaciens en particulier sur la promotion de la santé des
femmes.
Apporter quelques éclairages sur l’état des lieux, les avancées et les défis de ce couple femme-santé
sous ces deux volets contribuera aux partages d’idées sur ce sujet.
14 h 15 : « La prévention des infections materno-fœtales : le rôle du pharmacien »,
Dr Liliane GRANGEOT-KEROS, Secrétaire général adjoint de l’Académie nationale de
Pharmacie, Centre national OMS de référence pour la rubéole (France) Nombre de virus (cytomégalovirus, erythrovirus B19, virus de la rubéole et de la varicelle), bactéries
(listeria, treponema pallidum), parasites (toxoplasma gondii) peuvent être transmis de la mère au
fœtus.
Quelques-unes de ces infections, seulement, sont accessibles au traitement mais, la majorité d’entre
elles peuvent être prévenues soit par la vaccination, soit en appliquant des mesures hygiéno-
diététiques.
En France, ainsi qu’au Maroc, des programmes de vaccination ont été mis en place pour lutter contre
la rubéole et ses conséquences redoutables pour l’enfant. Ces mesures ont permis de diminuer de façon
tout à fait significative le nombre de rubéoles congénitales malformatives dans ces deux pays ;
malheureusement, pour diverses raisons, la couverture vaccinale n’est pas optimale, et il est encore
possible d’observer des cas sporadiques de rubéole chez la femme enceinte et quelques cas de rubéole
congénitale malformative. N’oublions pas que pour nos deux pays l’objectif est d’éliminer la rubéole
en 2015 !
En ce qui concerne l’infection à cytomégalovirus, il a été démontré que des conseils d’hygiène
rigoureusement appliqués permettaient de diminuer de façon très significative le risque d’infection
maternelle. Par ailleurs, des mesures hygiéno-diététiques ont prouvé leur efficacité notamment dans la
survenue de la toxoplasmose chez la femme enceinte.
Le rôle du pharmacien est essentiel : il se doit d’instaurer un dialogue avec les patientes enceintes
(voire en âge de procréer) et leur donner tout conseil utile pour prévenir les infections qui sont
transmissibles à l’enfant pendant la grossesse.
14 h 45 : « La femme et son rôle au sein de la famille : le conseil du pharmacien », Dr
Fabienne BLANCHET, membre de l’Académie nationale de Pharmacie, Directeur du
Comité d’éducation sanitaire et social de la Pharmacie française (CESPHARM). Ordre des
Pharmaciens de France
Depuis toujours, les pharmaciens d’officine contribuent à la prévention et l’éducation pour la santé.
Idéalement placés au contact quotidien des femmes, malades ou en bonne santé, ils sont en première
ligne pour les aider à jouer pleinement leur rôle d’ambassadrices de la prévention au sein de leur foyer.
Dans le domaine de la prévention nutritionnelle tout d’abord. L’allaitement est aujourd’hui considéré
comme l’un des premiers facteurs de protection durable de la santé de l’enfant. En lien avec les
professionnels impliqués en périnatalité, le pharmacien d’officine est en première ligne pour informer,
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conseiller et rassurer les femmes qui allaitent ou qui souhaitent allaiter. Plus largement, il relaie auprès
des femmes les recommandations nutritionnelles adaptées aux différents âges de la vie, contribuant
ainsi à promouvoir l’équilibre nutritionnel des foyers.
En prévention vaccinale également, la femme constitue l’interlocuteur privilégié du pharmacien :
information et conseils pratiques sur les vaccins, suivis du carnet de vaccination de la famille -
notamment des enfants - en fonction des recommandations des autorités de santé. À cet égard, le
Dossier pharmaceutique constitue un outil précieux pour les pharmaciens français.
Enfin, la prévention et la prise en charge des infections et autres affections du jeune enfant (diarrhées,
bronchiolite, allergies,…) sont traditionnellement assurées par les femmes au sein des familles. Autant
de domaines dans lesquels les pharmaciens d’officine sont mobilisés au quotidien pour soutenir et
accompagner les femmes, au bénéfice de la santé des familles.
15 h 15 : « Expériences associatives au Maroc : l’Heure Joyeuse », Dr Leila CHERIF,
Docteur en pharmacie, Présidente de l’Association « Heure Joyeuse (Maroc) a présenté la
multitude d’actions réalisées en faveur de l’éducation, de la scolarité et de la nutrition des enfants
défavorisés.
L’« Heure Joyeuse » a été créée en 1954, elle est une Association reconnue d’utilité publique et ayant
pour vocation de s’occuper des familles déshéritées.
Depuis son centre polyvalent de Casablanca, elle est un soutien à la famille et à l’enfance, et ses
activités sont très variées. Citons notamment :
- le secours populaire ;
- l’assistance humaine en cas de grande détresse médicale ;
- l’opération Ramadan ;
- la formation professionnelle ;
- la réinsertion familiale et professionnelle ;
- la construction d’écoles. Trois écoles ont été construites, avec l’appui de l’Ambassade du
Canada et six avec celui de la Fondation Zakoura ;
- la scolarisation (programme sur quatre ans en cours) et l’alphabétisation (3 000 personnes ont
été formées) ;
- la distribution de cartables : un cartable et les fournitures pour un an coûtent 150 dirham,
100 000 ont été fournis à des enfants de 7 à 12 ans ;
- la circoncision ; médecins et enfants ont collaboré pour 300 enfants.
Session III : Actualités sur les travaux académiques et perspectives d’échanges
16 h 00 : Jean-Luc DELMAS, Docteur Claude MONNERET et Docteur Hamza
GUEDIRA, président récemment élu de l’Ordre des pharmaciens au Maroc
Etaient absents : le Professeur Albert SASSON, directeur du collège des sciences et techniques du
vivant ainsi que le vice-doyen de l’université de médecine et pharmacie, Jamal TAOUFIK.
JL DELMAS a présenté les différentes thématiques de l’AnP et C. MONNERET, futur président, a
évoqué les perspectives de 2016, en particulier les biotechnologies et les perturbateurs endocriniens.
Le nouveau président de l’ordre des pharmaciens a exprimé les attentes du Maroc en matière de
formation continue (FC), d’accompagnement et d’accès des populations aux médicaments innovants.
JL DELMAS a recadré les possibilités de l’AnP autour de l’accompagnement dans la formation et,
plus particulièrement, le DPC (développement professionnel continu).
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Samedi 3 octobre
Une visite du centre de bioéquivalence installé au sein de l’hôpital CHEIKH ZAÏD, hôpital
universitaire international, inauguré en 1998 et de réputation internationale, dirigé par le Professeur
Amine El Hassani, directement issu de l’hôpital Necker a été organisée. Les personnes suivantes ont
été rencontrées : Pr EL HASSANI, Directeur général, Pr CHERRAH, directeur technique et Pr
BELMEKKI, Directeur du centre de bioéquivalence. Ce centre a été installé par choix stratégique au
sein de l’hôpital CHEIKH ZAÏD, mais il est indépendant. L’objectif du projet est d’améliorer la
qualité des génériques dont l’étude de la bioéquivalence est exigée dans le dossier pharmaceutique
depuis fin 2013. Le centre contrôle toutes les matières premières et produits finis avant octroi de
l’AMM et recrute, à cette fin, des volontaires sains.
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Programme culturel
Les séances scientifiques ont été assorties d’un programme culturel très diversifié comptant des visites
de la vieille ville de Rabat le soir et d’un site historique des environs : Chellah, site d'une nécropole
mérinide située sur l'emplacement d'une cité antique, dans l'actuelle à environ 200 m du rempart
almohade. Le déjeuner au Haras SEDRATI qui abrite 250 chevaux pur sang arabes a été très apprécié.
L’accompagnement par un conteur a été une grande valeur ajoutée.
Les poses culturelles ont été l’occasion d’importants échanges dans le domaine de la santé et dans le
domaine médico-pharmaceutique (pharmaciens d’officine, de l’industrie et de la distribution en gros).
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Eléments de pérennisation de l’action entreprise
Au niveau de l’AnP, un rapport va être élaboré. Il sera l’objet d’une discussion au sein de la CAEI
pour suite à donner.
Au niveau marocain, plusieurs personnalités rencontrées ont fait part de leur volonté de poursuivre les
relations avec l’AnP. Elles ont annoncé qu‘elles avaient l’intention de postuler en tant que membres
correspondants étrangers de l’ANP. À noter qu’à ce jour l’AnP ne compte que deux membres
correspondants étrangers du Maroc et qu’un élargissement des disciplines est souhaitable.
Le Président de l’Académie nationale de Pharmacie a insisté lors de la séance de conclusion sur le
succès de cette rencontre et sur l’intérêt de renouveler une telle expérience. Les thèmes de l’Académie
de France de l’année 2015 : prévention, observance, vigilances et sécurité, diffusion électronique des
connaissances via le dictionnaire électronique, ont été déclinés en séances thématiques. Pour l’année
2016, deux séances sont déjà programmées, l’une sur la chimie au service de la santé, l’autre sur les
biotechnologies.
D’autres sujets sont à développer tels que les vaccins contenant des adjuvants aluminiques ;
l’antibiorésistance qui mobilisera les académies vétérinaire, de médecine, de pharmacie et
d’agriculture et de chirurgie dentaire, les problèmes d’environnement tels que celui des perturbateurs
endocriniens à organiser avec l’Académie des Sciences, ou enfin l’obésité, fléau national, objet de la
séance commune 2015 avec l’Académie nationale de médecine.
Au cœur de ces sujets, le rôle du pharmacien d’officine dans la prévention, le traitement et la prise en
charge sera valorisé. Pour 2017, un thème est prévu sur la femme enceinte et les facteurs épigénétiques
en lien avec l’Académie de médecine. Les suggestions du Maroc seront les bienvenues dans le cadre
d’échanges à développer.