Actes Des Rencontres 2013

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economie mondialerencontre 2013

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  • Rencontres conomiques dAix-en-Provence2013

    Le Choc des tempsLconomie mondiale

    entre urgences et long terme

    The Clash of TimesThe Global Economy

    between Emergencies and the Long Term

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  • Le Cercle des conomistes remercie pour leur collaboration et leur soutien aux Rencontres conomiques dAix-en-Provence 2013 :

    Sciences Po Aix,

    LUniversit Aix-Marseille,

    La Mairie dAix-en-Provence,

    La Communaut du Pays dAix et Pays dAix Dveloppement,

    Le Festival dAix-en-Provence.

    Aroports de Paris ; Alstom ; Amundi ; AREVA ; BNP Paribas Cardif ; Caisse des Dpts ; CIC Lyonnaise de Banque ; CM-CIC Securities ; CNP Assurances ; EADS-Airbus ; EDF ; Fdration SYNTEC ; GDF SUEZ ; GE ; Groupe RATP ; HSBC ; Ingenico ; Kepler Cheuvreux ; Klpierre ; Lafarge ; LE GROUPE LA POSTE ; Le Leem ; Malakoff Mdric ; McKinsey & Company ; Michelin ; NYSE Euronext ; Orange ; PwC ; Renault ; RTE ; Saint-Gobain ; Solvay ; Standard & Poors ; STMicroelectronics ; SUEZ ENVIRONNEMENT ; Total.

    Ainsi que :

    BRED ; Burson-Marsteller i&e ; Carrefour ; CLIFFORD CHANCE ; Davis Polk ; DS Avocats ; EXANE ; Gide Loyrette Nouel ; Groupama ; JeantetAssocis ; La Franaise des Jeux ; Linedata ; Orrick Rambaud Martel ; Pitch Promotion ; Ricol Lasteyrie ; Rise Conseil ; SNCF ; SCUTUM ; Turenne Capital ; Unibail-Rodamco ; Vae Solis.

    Et :Bruna Basini (Le Journal du Dimanche) ; Nicolas Beytout (LOpinion) ; Hedwige Chevrillon (BFM Business) ; Guillaume Duval (Alternatives Economiques) ; Philippe Escande (Le Monde) ; Henri Gibier (Les Echos) ; Christophe Giltay (RTL Belgique) ; Vincent Giret (Le Monde) ; Emmanuel Kessler (TF1/LCI) ; ric Le Boucher (Les Echos/Slate.fr) ; Emmanuel Lechypre (BFM Business) ; Gilles Leclerc (Public Snat) ; Philippe Lefbure (France Inter) ; Patrick Lelong (France Info) ; Vincent Lemerre (France Culture) ; Franois Lenglet (France 2) ; Philippe Mabille (La Tribune) ; Christian Menanteau (RTL) ; Philippe Mudry (LAgefi) ; Jean-Francis Pcresse (Radio Classique) ; Sophie Pedder (The Economist) ; Nicolas Pierron (Radio Classique) ; Franois-Xavier Pietri (TF1/LCI) ; Jean-Pierre Robin (Le Figaro) ; Dominique Rousset (France Culture) ; Dominique Seux (Les Echos) ; Riccardo Sorrentino (Il Sole 24 Ore) ; Jean-Marc Sylvestre (i>TL).

    Et enfin :

    Les Amis du Cercle des conomistes, Marie Castaing, lisabeth Gourdon et leur quipe ;

    Hlne Clment et Clara Pisani-Ferry pour le suivi ditorial ;Anne Raffaelli pour la relecture des preuves ;Didier Guilland, Boral pour les enregistrements audio et vido ;Ubiqus pour les transcriptions ;

    Studio Wagram pour la mise en page.

    Remerciements

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  • loccasion des Rencontres conomiques dAix-en-Provence 2013, le Cercle des conomistes a cr un concours national intitul la parole aux tudiants lintention des 18-28 ans de toutes les disciplines. Les 100 tudiants slectionns ont t invits participer aux Rencontres conomiques et assister aux concerts et opras offerts par le Festival dAix.

    Nous tenons remercier tous ceux qui ont accompagn ces tudiants :

    Le jury du concours prsid par Erik Orsenna (de lAcadmie franaise) ; Monique Canto Sperber (Prsidente de la Fondation Paris Sciences et Lettres) ; Andr Cartapanis (Cercle des conomistes) ; Bernard Foccroulle (Directeur du Festival dAix) ; Sylvie Kauffmann (Le Monde) ; Vincent Lemerre (France Culture) ; Guillaume Pepy (Prsident de la SNCF) ; Bruno Raffaelli (Socitaire de la Comdie Franaise) ; Akiko Suwa-Eisenmann (Cercle des conomistes) ; Rmy Weber (Prsident de CIC Lyonnaise de Banque) et Tidjane Thiam (Prsident de Prudential) qui a remis le prix Inventez 2020 aux cinq laurats du concours.

    Ainsi que :

    France Culture pour sa coproduction, le Festival dAix-en-Provence pour le parcours musical offert aux tudiants, le Ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche pour son soutien actif, ainsi que nos partenaires : la SNCF et CIC Lyonnaise de Banque ;

    Ainsi que les journalistes qui ont anim les sessions tudiantes :

    Didier Ads ; Dominique Dambert ; Sylvie Kauffmann (Le Monde) ; Vincent Lemerre (France Culture).

    Et lquipe du concours :

    Batrice Fages ; Martine Moran ; Anas Paccard ; Marie Vialard.

    Le Cercle des conomistes, 2013104 rue du Faubourg Saint-Honor, 75008 PARIS

    www.lecercledeseconomistes.asso.frEn application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intgralement ou partiellement

    le prsent ouvrage sans autorisation du Centre franais dexploitation du droit de copie (CFC), 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

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  • Avant-propos ............................................................................ J.-H. Lorenzi 10

    Session inaugurale. Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    Essai sur le march, la dynamique conomique et le temps ..... J. Mistral 14Le futur existe-t-il dj dans lavenir ? ............................................ . Klein 20Three Long-Term Shifts in Global Politics ............................ F. Fukuyama 24Gouverner la croissance africaine ............................................... L. Zinsou 27changes ........................................................................................................ 31

    1. Cultures et rapport au tempsTemps et cultures ................................................................. Fr. Benhamou 34The Flaws of Uniform Rethoric ..................................................... R. Flores 37Produire de la dure dans le temps acclr du capitalisme .. A. Mbemb 40Systmes de valeurs : la diffrence chinoise .............................. J.-L. Beffa 43Monochronic vs Polychronic Cultures ...................... J.-Ch. I. von Pfetten 46Temps rapide et temps lent dans le monde moderne ...... G. Finchelstein 48Le temps chinois ........................................................................... H. Bazin 51

    2. Crises et sorties de crises, entre urgences et long termeSommes-nous rellement dans laprs crise ? ....................... A. Cartapanis 56Are we Going Through an Income-Distribution Crisis ? .......... P. Bofinger 64Pour une vision de long terme des crises .................................... O. Klein 69Trois horizons daction pour sortir de la crise ............................ . Labaye 74Construire une communaut europenne de lnergie ........ G. Mestrallet 77Dbloquer le secteur du service public ..................................... P. Mongin 81Globalization and Institutions for Long-Term Growth ............ V. Songwe 84

    3. Les temps du dveloppementTime Dimensions of Development ............................................... P. Jacquet 90Le temps de lAfrique est-il venu ? .......................................... I. A. Mayaki 95The Conundrum of Inequality and Growth .............................. N. Lustig 104Dveloppement ou progrs .......................... Ph. de Fontaine Vive-Curtaz 106On the Razors Edge ............................................................... J. C. Ferraz 109Le dveloppement, une question de synchronisation ................. M. Nabli 112Ncessit des politiques de court terme ....................................... E. Duflo 115changes ........................................................................................................ 117

    4. Le prix du tempsLindtermination du prix du temps ................................. C. Lubochinsky 124Temporal Illusions and Minskys Financial Instability Hypothesis ............................................... H. Shefrin 129On ne rgule pas le temps ........................................................ Ph. Camus 132Grer le temps de laction publique ........................................... L. Gallois 136Les fonds dinvestissement et le prix du temps ........................ J.-P. Villain 139Le prix du temps et le prix du temps perdu ........................... . Lombard 142Le prix du temps pour les banques .................................... Ch. de Backer 149Balancing the Long-Term Catch-up and Short-Run Stability in China ............................................ FAN Gang 153

    Dbat. Y a-t-il une spcificit franaise ? ....... B. Jacquillat, L. Berger, Ch. de Margerie, G. Plassat, A. de Romanet 158

    Sommaire

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  • 55. La fin de la dictature de la finance ?Repenser la place de la finance ................................................. J.-P. Pollin 176Y a-t-il une dictature de la finance ? ............................................. Ch. Noyer 183Is there a Right Size of Finance? ................................................ H.-H. Kotz 187La finance virtuelle est morte, vive la finance relle ..................... M. Cicurel 192loge de la banque schumptrienne ............................................ Ph. Wahl 195Finance is a Tiger in a Cave ........................................................ HU Yifan 197Il ny a pas de dictature des marchs ....................................... . Le Boulch 199Enjeux moyen terme des agences de notation .............................. C. Sirou 203The Financial Crisis as Wake-up Call for Regulators ..................................... S. Wolburgh Jenah 206changes ........................................................................................................ 209

    6. La revanche de la natureAgir maintenant ................................................................... J.-M. Chevalier 214Making the Case for Carbon Literacy .......................................... A. Turner 218Un constat sans appel ................................................................ Ph. Germa 221 Retrouver laspiration multimillnaire de lhumanit lharmonie ......................................................................... P. Gadonneix 224Vxj, Sweden The success story ................................................. B. Frank 228 la veille dune nouvelle rvolution verte ................................ X. Beulin 231Leau, principal enjeu du XXIe sicle ................................ J.-L. Chaussade 233Les entreprises de lnergie face au rchauffement climatique ................................................ L. Oursel 236changes ........................................................................................................ 239

    7. Innovation et obsolescence programmeLe paradoxe de linnovation et de lobsolescence programme ............................................ M. Guillaume 244Innovation and the Tin-Toy Maker ................................................. A. Ross 248Encourager linnovation par lobsolescence programme ? ............................................ D. Maillard 251Des objectifs dinnovation tous les quatre ans .......................... Ph. Lazare 254Fiction et ralit de lobsolescence programme ............... Ch. Beigbeder 257Obsolescence programme : le point de vue dune avocate ................. L. Donnedieu de Vabres-Trani 260Autopoiesis Model of Innovation .................................................. A. Gupta 263Innovation is a Driving Force ....................................... B. Tilahun Alemu 267

    8. Entreprises : tre socialement responsables ou mourirResponsabilit sociale, pourquoi ? ......................................... J.-P. Betbze 270Social Responsibilities: Looking after both Sides of the Fence ........................................ T. Mboweni 273La Poste, acteur du dveloppement responsable ...................... J.-P. Bailly 275Conjuguer dveloppement et responsabilit ......... Ch. Blanchard-Dignac 278Contraintes de lautorgulation ................................................. J.-P. Martel 282Making Money is a Technique, Spending it is an Art ....... RYU Jin Roy 285Libert, galit, responsabilit ................................................... G. Sarkozy 288Performances et responsabilit ............................................... J.-D. Senard 290Crer des emplois, premire responsabilit sociale ............... S. Villepelet 293changes ....................................................................................................... 296

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  • 69. Comptitivit : une question dhorizonLost in Competitiveness................................................... A. Bnassy-Qur 304External Competitiveness and the Role of the Financial System ............................................ Cl. Buch 309Les marges de manuvre de la comptitivit .......................... J.-L. Placet 315How to Make a Bankrupt Department Store into a Winner ..... M. Borletti 318Making Changes Permanent ................................... J. Garca-Legaz Ponce 321Le combat de la diffrenciation .................................................... N. Tissot 325Do not Let the American Corporate System Win ...................... Sh. Burrow 328changes ....................................................................................................... 332

    10. La lutte contre les ingalits au bnfice de la croissanceUrgence de la lutte contre les ingalits .................... A. Suwa-Eisenmann 338Declining Inequality and Social Discontent in Latin America ... N. Lustig 341Fighting Inequalities for the Sake of Growth ............................... J. Naidoo 344Croissance et ingalits, une relation complexe ............. Fr. Bourguignon 347Pour une ingalit juste et efficace ............................................ Th. Martel 350Faire confiance, donner confiance : les deux cls de la croissance ................................................... Fr. Lavenir 352

    11. Les rythmes du quotidienEntre dsir et possibilit ................................................................ D. Roux 356ITC: Pros and Cons ................................................................ H. Watanabe 358Le service public aujourdhui ...................................................... . Molini 362Un pari russi ........................................................................... M. Chibout 366Une transformation historique du commerce ............................... L. Morel 368TIC et vie quotidienne ............................................................... Ph. Sajhau 371

    12. Quel futur pour le capitalisme ? Vers un capitalisme coopratif ? .................................................... Y. Algan 376How to Understand the Future of Capitalism ........................... Y. Benkler 380Remettre les outils au service du modle ................................... D. Cerutti 384Pour une vision de lentreprise 360 degrs .................... J.-P. Clamadieu 387Fair Competition Needed ........................................................... H. Ibrahim 390Beyond Capitalism .......................................................................... H. Rosa 392

    Dbat. Repenser lindustrie, le cas de lautomobile ................................. L. Fontagn, J. Attali, C. Ghosn, J. M. Soria Lpez 398

    13. Financer lconomieLe financement de lconomie .................................................. A. Brender 414Changements de paradigme dans lindustrie financire ................ B. Prot 417tre une puissance financire pour rester une puissance conomique ................................... J.-P. Jouyet 422The German Mittelstadt, an Economic Driving Force ................... D. Bahr 425Attention aux excs de rgles ...................................................... R. Weber 428Pas de lgitimit conomique sans lgalit juridique ................ G. Terrier 432

    14. Apprhender la transition dmographiqueEn Europe, aprs le vieillissement, le basculement des annes 2030 ........................................... J.-M. Charpin 440Labour and Pension Reforms in Italy ....................................... E. Fornero 442

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  • 7La Sude et la rforme du systme des retraites .......................... G. Lund 446Le vieillissement de la population en Afrique subsaharienne : un autre regard ......................................................................... D. Ouissika 449Les trois paradigmes du social ................................................... A. Masson 455La fcondit en Europe : diffrences ou convergences ? ........ H. Le Bras 460Choc des temps et transitions dmographiques en Europe ......... P. Bers 465changes ........................................................................................................ 468

    15. Relancer la gouvernance conomique mondialeLa gouvernance mondiale en panne................................. Ch. de Boissieu 474Are we in the Doldrums? ................................................................ J. Frazer 478A Tectonic Shift of Economic Power .............................................. K. Iwata 481Dcider et imposer : deux impratifs pour une bonne gouvernance ............................. P. Sellal 483For a Proper Regional Integration ............................................ T. Valovaya 486La gouvernance mondiale, une question de convergences...... L. Cannon 488A Machiavellian Approach to Global Governance .................. S. Clemons 490Why are Bilateral Agreements Taking Over? ........................ LEE Hye Min 492

    16. Plus ou moins dtat ? Rformer ltat ........................................................................... Ph. Aghion 496From Innovation to Growth ........................................................... L. Tyson 502Pour un espace politique international ....................................... K. Dervis 506The Appropriate State ............................................................... P. Molander 509Le retour de la politique industrielle ............................................ . Cohen 514Ltat de demain : point de vue dun juriste .............................. P. Hubert 518Quel tat au Moyen-Orient ? ....................................................... A. Caruso 522Pour une Tunisie prospre et solidaire ......................... J. Belhaj Abdallah 525changes ........................................................................................................ 533

    17. Rindustrialisez ! Il est tempsLa troisime rvolution industrielle et ses consquences ........................................................ Ch. Saint-tienne 538Un diagnostic juste pour une politique industrielle efficace ................................ R. Fernandez 544La rindustrialisation espagnole ................... C. Espinosa de los Monteros 548Cultivez ses avantages comparatifs ................................. Th. de Montbrial 550Comment rindustrialiser ? ........................................................... B. Lafont 552Petits et grands pour un tissu industriel rentable ................... D. Lombard 554Retrouver le got de lpargne risque ....................................... Y. Perrier 556Permettre lavenir .................................................................... Cl. Gaymard 559Pour un pacte rpublicain .............................................................. R. Ricol 562

    18. Prendre le temps de formerPourquoi faudrait-il prendre le temps de former ?................... Ph. Trainar 566Cinq ingrdients pour une formation performante ..................... C. Villani 573Ce que lcole doit devenir ........................................... J.-P. de Gaudemar 580Quelle formation pour le troisime millnaire ?....................... N. Lahrichi 583What Legacy for the Young? ................................................... K. McDowell 586changes ........................................................................................................ 588

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  • 819. quilibrer le budgetFinances publiques : synchroniser temps conomique et temps politique ..................................................................... A. Trannoy 598Growth and Sound Public Finance Go Hand in Hand ............................................................ A. Kinberg Batra 601Une valse sept temps ............................................................. V. Pcresse 604The Importance of being a Cyclical Dove and a Structural Hawk ............................................................. J. Bernstein 608Tax-based vs Spending-based Consolidation ........................ Fr. Giavazzi 612Lerreur de laustrit .............................................................. Ch. Wyplosz 615Sommes-nous victimes dune idologie du dficit ? .......... J. Beunardeau 618

    20. quoi servent les conomistes ? quoi servent les conomistes ? ........................................... Cl. Waysand 624Petit monde et grand monde .................................................... N. N. Taleb 627Les conomistes, lthique et la justice sociale ......................... M. Aglietta 631Economists as Priests? ............................................................. T. Sedlcek 637Impasse, pair et manque ? ......................................................... J. Cordoba 640Lillusion de la matrise ................................................................. Ch. Potts 642What are economists good for? ................................................... M. Jadot 644The Time when Economists Should Have Spoken Louder .... L. Heikensten 647Japanese Economists and Deflation.......................................... R. Tamaki 649changes ........................................................................................................ 651

    Dbat. Introduction sur le temps du politique ................................................................... Ch. de Boissieu, Olli Rehn 656

    21. Rendre la politique conomique des perspectives de long terme

    Politiques conomiques : arbitrage entre court terme et long terme ..................................... P. Artus 668Le FMI et le long terme ........................................................... Ch. Lagarde 672Were in a mess ........................................................................ A. Turner 679Lentreprise et le long terme ......................................... P.-A. de Chalendar 683About Abenomics ......................................................................... M. Itoh 686

    Dbat. Les socits europennes lpreuve de lEurope ................................................. E. Fornero, P. Moscovici, J.-Cl. Trichet 6902025 : LEurope nouveau le centre du monde ......................... O. Pastr 698

    22. Le temps des crises : une dynamique de la construction europenne

    For a more integrated Europe ................................................... L. Boone 704How to Unleash the Potential of the Common Currency ...... J. Weidmann 709Euro Zone: Breakdown or Recovery ................................ Y. Papantoniou 713Instaurer le dialogue entre solidarit et responsabilit ......... D. Reynders 717Une Europe puissance serait utile au monde ........................... H. Vdrine 720Lindustrie au cur du projet europen ................................... M. Lahoud 723changes ........................................................................................................ 725

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  • 923. Le monde face au choc des tempsLes politiques publiques face la barrire des temps ........ J. Pisani-Ferry 730Comment agrger les prfrences temporelles ? ........................... P. Lamy 737Pourquoi le compromis franco-allemand est-il si important ? .................................................................... G. Cromme 740Monetary Policy in a Fragmented World .................................. B. Cur 742LAfrique, une solution pour le monde nouveau ...................... Y. NDour 752Crise ou mtamorphose ? ......................................................... E. Orsenna 754Advising Abenomics ............................................................... K. Hamada 756changes ........................................................................................................ 759

    Dclaration Finale ...................................................................................... 767

    Final Statement ............................................................................................ 773

    Index des auteurs ...................................................................................... 775

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  • 10

    Le temps est une pierre angulaire de lconomie. Mais cest une variable dont limportance a t longtemps sous-estime. Chacun comprend que pays, cultures, domaines sont rgis par des temps diffrents : le temps de la finance nest pas celui de lducation et celui du politique nest pas celui de lindustriel. Pour les uns les urgences saccumulent, pour dautres il sagit de retrouver un horizon long, dautres enfin, sont coincs entre le trs court terme et le long terme

    lheure o lconomie mondiale se fait de plus en plus interdpendante, ces diffrents temps ne peuvent signorer. Au contraire, souvent concurrents ou antagonistes, ils saffrontent et leur choc dclenche des paralysies. Ainsi, lobjectif de ces 13e Rencontres conomiques dAix-en-Provence tait-il de rflchir la manire dont lconomie mondiale peut retrouver un quilibre entre les urgences et la ncessaire construction du monde de demain.

    Pendant trois jours, venant de plus de 30 pays, des universitaires, des chefs dentreprises, des reprsentants dinstitutions internationales de premier plan ont dbattu de ce Choc des temps. Pour soutenir et encadrer leur rflexion, des personnalits clatantes dautres disciplines, mathmatiques, physique, sociologie, dmographie, ont t sollicites.

    La rflexion sest construite selon quatre grands axes : La dfinition des diffrents temps et des clivages quils peuvent engendrer. Le temps des mutations et les urgences quelles suscitent. Une rflexion sur le monde de demain et les ncessaires politiques de long

    terme. Le dbat sur le temps du politique, son heure, ses retards et sur la

    gouvernance de ces diffrents fuseaux horaires.

    Comme dhabitude, mais peut-tre de plus en plus, les intervenants 220 cette anne nous permettent par la diversit de leur exprience et la profondeur de leur rflexion daccder une vritable intelligibilit dune situation plantaire infiniment complexe et de dessiner les contours dun avenir collectif.

    Le Choc des temps tait loccasion ne pas manquer pour donner corps un souci constant du Cercle des conomistes, celui de mettre la jeunesse au cur de sa rflexion. Il sest agi cette anne de lui donner la parole. Cest ainsi que nous avons lanc un grand concours national auprs de tous les tudiants, toutes disciplines et tous niveaux confondus autour du sujet Inventez 2020 .

    Avant-propos

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  • 11

    Le concours a t un vrai succs : les travaux des tudiants ont fait surgir des ides fortes et ont permis de cerner les attentes dune gnration qui attend beaucoup de son avenir et compte contribuer le faonner.

    Les Rencontres ont ainsi augment leur clat et leur influence en incluant dans leur cercle ces nouveaux protagonistes.

    Les Rencontres conomiques dAix-en-Provence ont t conclues, comme toujours, par une dclaration du Cercle des conomistes qui comporte douze mesures concrtes pour la France et lEurope.

    Jean-Herv LorenziPrsident du Cercle des conomistes

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  • 13

    Session inaugurale

    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    Lconomie mondiale a t frappe il y a cinq ans par la crise financire la plus dvastatrice depuis les annes 30. Nanmoins lconomie mondiale a, jusquici, mieux rsist que par le pass : lindustrie financire amricaine ne sest pas effondre, la crise de la dette europenne na pas fait disparatre leuro, les relations commerciales internationales nont pas t interrompues. Cela suffit-il pour dclarer que le pire est derrire nous ? Au cours de lHistoire, de nombreux espoirs ont t dtruits par une opacit indchiffrable dcourageant les prvisions et dcisions de long terme. Aujourdhui, o allons-nous ? Depuis 2008, avons-nous tout bonnement cherch retarder le pire ? Sommes-nous laube dun rquilibrage historique marqu par des ajustements difficiles lOuest et un dynamisme continu pour le Reste ? Allons-nous enfin sortir du premier grand cycle de lconomie mondiale et entrer dans une nouvelle phase dajustements structurels (probablement douloureux) menant un nouveau potentiel de croissance ? Autant de questions aborder dans une perspective de long terme et dans le but de dterminer les sujets sur lesquels nous devons nous concentrer aujourdhui pour atteindre demain la troisime option : renforcer la discipline financire, stimuler linnovation, augmenter la flexibilit sociale tout en rendant la solidarit plus efficace, dvelopper la coopration internationale.

    Contribution du Cercle des conomistesJacques Mistral

    TmoignagesFrancis Fukuyama tienne Klein Lionel Zinsou

    ModrateurNicolas Pierron

  • 14

    Essai sur le march, la dynamique conomique et le temps1

    Jacques Mistral

    Un rcent sondage de linstitut Pew a donn une vision particulirement sombre de ltat desprit des Europens (en dehors de lAllemagne) : moins de 15 % de la population considre la situation conomique comme bonne ; dans la gnration montante, plus de 75 % sont inquiets. LEurope est-elle le continent qui a peur de lavenir ? La crise semble en effet nous envelopper de toutes parts, cest devenu un mot valise, on lemploie tout propos, au sujet des banlieues, de lducation, de lautorit, de lhpital, sans parler de la famille ! En tant quconomistes, nous travaillons la saisir sous forme de concept. Mme sans tre spcialiste, on sait quil existe des explications concurrentes, ou complmentaires, mettant en jeu les excs de la finance, la sous-consommation, les dlocalisations, lpuisement du progrs technologique, le dsordre des finances publiques. Autant dexplications a posteriori ; mais ce qui est troublant, cest que, ex ante, la crise tait imprvisible. Quant aux remdes, on ne sait trop qui se fier : certains recommandent de poursuivre dans la voie de laustrit ; mais, quand on est au fond du trou, le bon sens suggre plutt que lon arrte de creuser. Pour dautres, la rgle dor, en matire de politique macroconomique, serait dsormais dtre non conventionnel ; autant recommander dacclrer par temps de brouillard. Le savoir des conomistes nest plus ce quil tait, un savoir respect parce quoprationnel, mieux, dcisionnel. Oui, la crise rsiste au savoir des conomistes.

    1. La prparation de ce texte doit beaucoup aux changes que jai eus depuis 3 ans au sein de lAssociation Paul Ricur ; je remercie en particulier Olivier Abel et Myriam Revault dAllonnes dont le livre, La Crise sans fin, ma beaucoup apport. Je reste naturellement seul responsable de la prsente rdaction.

  • 15

    Essai sur le march, la dynamique conomique et le temps

    Sous langle conomique, social et politique, la crise a une quadruple dtermination. Il y a dabord une ralit objective, trs ingalement ressentie, celle des emplois dtruits, des restos du cur, du chmage de longue dure. Il y a en second lieu lanalyse que nous pouvons en faire, avec un succs ingal, aprs la mise en cause des paradigmes anciens, la nouvelle macroconomie classique qui na jamais rien eu dire et le modle de marchs efficients qui a conduit au dsastre. Il y a ensuite le vcu subjectif, le parcours du combattant que reprsente pour tant de jeunes lentre sur le march du travail, le chmage de masse ou, au mieux, les mobilits alatoires en cours de carrire, les entrepreneurs abordant les fermetures de sites avec prudence et les dcisions dinvestissement avec perplexit, les futurs pensionns considrant avec inquitude leurs retraites amputes. Il y a enfin des doutes envahissants sur la capacit des institutions et des autorits politiques dfinir et mettre en uvre les mesures pour faire face ces dfis. La crise, on le voit, on le sait, cest une srie de discontinuits ; quelle est leur nature ?

    Il faut, comme pour toute chose, se rfrer aux donnes de lespace et du temps. Lconomie a un lien troit avec lespace : la tragdie du Rana Plaza2 au Bangladesh a rcemment rappel quel point nos conditions de vie taient dsormais le reflet dune gographie mondiale. Depuis deux dcennies, il nest en effet question que de mondialisation . La diffusion aux pays mergents dun modle de croissance que lon avait cru rserv aux pays avancs est certainement le phnomne le plus frappant au tournant du XXe et du XXIe sicle. Les restructurations industrielles psent en effet lourdement sur les territoires ; mais la crise, ce jour, nest pas une crise de la mondialisation : nous ne sommes pas, comme dans les annes trente, dans la spirale dpressive du protectionnisme et des dvaluations comptitives. En fait, si lconomie a bien un lien troit avec lespace, elle a un lien encore plus intime avec le temps. La quintessence de lconomie, cest la croissance, cest--dire la dynamique ; ce sont les anticipations, cest--dire la projection dans le futur. Dans les pays dits avancs, cest bien l quest la rupture. Mais do lconomie tire-t-elle un rapport si intime au temps ?

    m Y a-t-il une acclration du temps conomique ?

    On parle souvent de lacclration du temps conomique. En fait, comme le montrent lanthropologie, lhistoire de lAntiquit ou celle du Moyen-ge, la vie dite conomique est reste pendant la plus grande partie de lhistoire de lhumanit, soigneusement insre au sein des autres activits sociales : Polanyi3 en a donn une dmonstration ingale. Le don, le coquillage, le port, la foire,

    2. Le 24 avril 2013, le Rana Plaza, immeuble qui abritait des usines de textiles, seffondrait sur les quelque 3 000 travailleur, faisant des centaines de victimes.3. Karl Polanyi (1886-1964), historien de lconomie et conomistes hongrois.

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    le bazar nont pas cr lconomie de march telle que nous la connaissons. Lconomie est reste fonde pendant de trs longues priodes sur la rptition de gestes pratiquement immuables, sur la perptuation dun circuit, par exemple celui formalis par les physiocrates, dont la dilatation ou la contraction taient le produit de chocs exognes, rcoltes, guerres, pidmies ou afflux dor : le temps de lconomie navait rien voir avec celui que nous connaissons aujourdhui. Accompagnant les Lumires et le progrs technologique, lirruption du march gnralis est depuis la fin du XVIIIe sicle le grand moteur de la modernit. Le march a depuis eu ses prophtes ; il est pour Marx une force mancipatrice, il a pour Schumpeter un potentiel illimit, il vhicule selon Robbins4 le triomphe dune rationalit instrumentale. Et surtout, il se faufile constamment entre les limites quon entend lui imposer, il se dmne pour chapper lemprise de la socit, il prtend ne se mouvoir que par lui-mme. Le march est, comme la montr Dumont, une force auto-institue ; serait-ce l que le bt blesse ?

    Le march bouscule en permanence les cadres sociaux qui entravent son dveloppement. En labsence dobstacle, il aurait pour terme naturel non seulement la gnralisation la plante entire de lconomie de march mais galement la cration dune vritable socit de march dont serait exclu tout ce qui pourrait entraver son panouissement ; traditions, valeurs, comportements, tout doit lui tre subordonn, mme la personne, lindividu transform en entrepreneur de lui-mme . Tony Judt a dress avant sa disparition le rquisitoire mouvant de ce que nous avons perdu en adhrant navement, depuis un quart de sicle, au mythe du march auto-rgulateur. Autant dire, comme lavait affirm Margaret Thatcher sans ambages, quarriv ce stade il ny a rien qui mrite le nom de socit . Ce ntait pas lnonc dune thorie mais laffichage dun programme et cest l quil faut y regarder deux fois ; car il ny a plus rien, non plus, qui structure alors lcoulement du temps, la matrice dans laquelle les agents conomiques forment leurs projets et prennent leurs dcisions. Dun cot, le pass est rvolu, il na pas de valeur intrinsque et ne fournit aucun guide pour laction ; quant lavenir, nous le connaissons mal, comme le reconnat le bon sens populaire qui a conclu de longue date que lart de la prvision tait plus qualatoire. Entre les deux, il y a le prsent, moment essentiellement schumpetrien, crateur et destructeur, crateur ou destructeur : en lui se cristallise, ou non, la promesse dun avenir suprieur qui justifie les sacrifices quil faut bien consentir. Mais comment traverse-t-on le prsent ?

    On en arrive ainsi la croissance et la crise. Conformment une mtaphore utilise avec bonheur par exemple par Michel Aglietta, la croissance, cest la flche oriente du temps . La croissance est le fruit des sacrifices consentis dans

    4. Lionel Robbins (1898-1984) est un professeur duniversit anglais qui joua un rle cl au dpartement dconomie de la London School of Economics de 1929 1961, date laquelle il devient directeur du Financial Times.

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    Essai sur le march, la dynamique conomique et le temps

    le pass, dont on mesure ainsi le sens, et elle fait vivre dans lattente de progrs venir, le fameux partage de (ses) fruits ; entre les deux, le prsent est pour chacun, tudiant, salari, chef dentreprise, investisseur ou ministre, le moment dune action claire, posant en termes de choix rationnel les arbitrages que commande lensemble des opportunits, des risques et des signaux de prix ; bref, des choix directement en prise avec les ralits de lheure, des choix qui assurent la matrise du temps, ou au moins en donnent limpression. La croissance, cest la narration communment accepte dun progrs en cours, cest le cadre qui faonne les anticipations et les dcisions dcentralises, cest le ciment de ce que serait une socit de march do lon aurait fait disparatre tout autre repre.

    m Mais soudain vient la crise

    quoi la reconnat-on ? Les choses semblent suivre leur cours : la rationalisation toujours plus pousse des mthodes de production et de distribution, la diffusion des produits une chelle toujours plus large, lacquisition de comptences plus pointues, lapplication de recherches plus prometteuses les unes que les autres, tout cela continue et pourtant la reprise se drobe ; tous ces projets dsormais se juxtaposent sans que se dgage une vision de lavenir ; le prsent est plong dans lopacit ; lavenir fait peur. Les sacrifices passs, ceux qui sont demands aujourdhui, perdent leur sens ; les acquis de lexprience deviennent inoprants et les risques associs au futur qui sannonce paraissent incommensurables ; le futur est indtermin, pire, indterminable (cest la situation dincertitude radicale que dcrit Keynes) ; les anticipations rationnelles supposes toujours ramener lconomie son optimum sont rduites une fantaisie littraire. Le march , incapable de trouver en lui-mme les ressorts qui lui permettraient daller au-del de lquilibre statique de loffre et de la demande, pour lequel il reste imbattable, nous aurait tout simplement trahis. La crise, cest une situation o lconomie de march pousse son terme rendrait la socit incapable de se projeter dans lavenir.

    Incapable dtablir un pont entre lexprience du pass et lanticipation de lavenir, lconomie de march arrive son apoge semble ainsi ne plus savoir quoi faire du prsent. Pour rendre compte de cet tat, il est utile de recourir une autre mtaphore introduite par Hannah Arendt, celle de la brche du temps . Le plus frappant dans cette mtaphore, cest la dualit dinterprtations quelle suggre. Dun ct, elle exprime bien la discontinuit, la rupture ; cest un peu comme la fuse explosant en vol, la flche du temps a quitt sa trajectoire notionnelle, tout semble perdu. Mais il y a aussi une toute autre interprtation, celle que suggre Arendt. Car la brche , ce sont aussi des murailles qui tombent, une colonne qui perce lencerclement, la libert retrouve. Voil ce que nous devons surtout en retenir : le monde ancien tant

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    arriv ses limites, le moment tait venu de briser les contraintes de toutes natures quil avait tisses, financires, sociales, politiques, idologiques ; mais lorsque la brche est ouverte, le temps est venu de lvasion, laction dcisive est dans les mains des vads.

    Tchons de reprendre ce qui prcde et qui a t trop brivement nonc. Nous nous interrogeons sur le temps de lconomie, quest ce qui en assure la continuit ? Que faire lorsque le fil semble rompu ? Hommes et femmes dexprience runis ici, nous savons que la mondialisation, et lconomie de march gnralise qui la sous-tend, ont toutes les apparences dune ralit substantielle : cest mme, comme on le rsume souvent, la ralit de notre temps. Le commerce mondial, les flux de capitaux, la croissance du PNB, cest du solide est-on tent de dire. Assurment ; et pourtant, la premire mondialisation, la fin du XIXe sicle, aussi brillante que celle que nous avons traverse, a comme on le sait connu une fin tragique en dbouchant sur la Premire Guerre mondiale ; et la prosprit des annes 20 sur la Grande Dpression. Ces comparaisons, videmment, ne disent rien sur notre avenir, mais elles jettent le trouble. Elles invitent en tout cas svader du discours strictement conomique, reconnatre que les flux et les chiffres, aussi impressionnants soient-ils, dcrivent la surface de lconomie, non ses fondements. La crise actuelle nous oblige nous rinterroger sur cette fragilit du temps conomique. Une autre philosophe, aprs Hannah Arendt, peut nous y aider. En commentant la brche du temps , Myriam Revault dAllones explique brillamment que la prennit du monde nest pas de nature substantielle mais gnrative , rflexion quil est tentant de transposer ici : ce qui assure la prennit de lactivit conomique, ce nest pas la matrialit de laction, la division du travail, la circulation des biens et laccumulation des richesses ; cest la composante gnrative dune histoire qui organise la gographie et le temps en rendant possible et cohrent lenchanement des dcisions humaines.

    O en est-on, finalement, aujourdhui ? Le fil spatial, celui qui organise les approvisionnements, la rpartition des productions, les restructurations, est plus fragile quon ne le croit souvent, mais il nest ce jour pas bris ; heureusement car sa rupture nous plongerait pour sr dans une nouvelle Grande Dpression. Le fil inter-temporel, celui qui valide les actions passes, porte les attentes et permet le projet est, dans les pays dits avancs , srieusement endommag. Nous sommes dans une brche du temps . Cette brche, on peut penser instinctivement quil faut la refermer, ramener le fleuve dans son lit, replacer la flche du temps sur sa trajectoire, revenir la croissance potentielle ; mais, et ctait notre point de dpart, la crise rsiste ces formules rassurantes. Les annes passent et lhorizon semble sloigner, lavenir ne sera pas lextrapolation de la croissance que nous avons connue. Cest pourquoi il faut plutt tcher de dceler les perspectives nouvelles qui se profilent lorsque les vieilles murailles tombent, il faut exploiter les chances dvasion que cela nous offre. Dans les

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    Essai sur le march, la dynamique conomique et le temps

    dernires phrases de La Dmocratie en Amrique, Tocqueville crivait : Je vois de grands prils quil est possible de conjurer et je maffermis de plus en plus dans cette croyance que, pour tre honntes et prospres, il suffit encore aux nations dmocratiques de le vouloir. Il est aussi tentant dvoquer lappel bien connu de Roosevelt : La seule chose dont nous devions avoir peur, cest de la peur elle-mme. Voil des paroles qui peuvent clairer notre prsent et poussent lvasion. En temps de crise, cest vrai, le futur fait peur, il parat temporairement confisqu ; mais, comme le dmontre lhistoire, lavenir reste disponible, il faut le vouloir. Comment redonner forme notre avenir collectif, comment retrouver la matrise du temps ? Bien prtentieux celui qui imaginerait dtenir les rponses ; il faut sy mettre, tous ensemble, et cest ce but que nous avons voulu poursuivre en choisissant le Temps comme thme de ces Rencontres dAix-en-Provence.

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    Le futur existe-t-il dj dans lavenir ?

    tienne KleinCommissariat lnergie atomique et aux nergies alternatives

    Aujourdhui, constatant que leurs vies sacclrent, que leurs agendas sont saturs, quils sont devenus des Cyber-Gdon ou des Turbo-Bcassine, certains sexclament : le temps passe de plus en plus vite ! Comme si la dynamique du temps pousait celle de leur emploi du temps, et surtout comme si le temps pouvait se voir doter dune vitesse et mme dune acclration. Une vitesse exprime la faon dont une certaine grandeur varie au cours du temps. Par exemple, la vitesse dune voiture est gale son dplacement dans lespace rapport la dure de ce dplacement. Mais alors, la vitesse du temps, comment pourrait-on la dfi nir ? Il faudrait pouvoir exprimer comment le rythme du temps varie par rapport au rythme du temps. Cela nous conduirait dire que le temps a une vitesse telle quil avance de vingt-quatre heures toutes les vingt-quatre heures. Et nous serions bien avancs !

    Le succs croissant de cette expression le temps sacclre me semble tre le meilleur marqueur, non pas de notre poque, mais du rapport que nous avons avec notre poque. Proclamer, simplement parce que le rythme des vnements saccrot, que cest la vitesse mme du temps qui augmente, cest fabriquer un raccourci trompeur, un raccourci qui est mme trs effi cacement trompeur puisquil dforme le rapport psychique que nous avons avec le monde et avec les autres.

    Des prsents multiples et htrognes

    En ralit, nous sommes moins les victimes dune prtendue acclration du temps que de la superposition de prsents multiples et htrognes qui sont souvent en confl it mutuel : en mme temps que nous travaillons, nous regardons les crans de nos tlphones portables, coutons la radio

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    et pensons autre chose encore Il sagit sans doute dune mutation anthropologique, qui tantt nous excite (elle cre une sensation de tourbillon existentiel), tantt nous stresse (elle nous dpasse, et mme nous ensevelit, voire nous brle). Cette mutation est advenue si rapidement que notre cerveau, qui sest construit trs lentement, na pas encore pu sadapter une telle juxtaposition permanente de stimuli. Mais il ne faut pas oublier que dans notre socit, beaucoup de gens sennuient mourir. Dautres souvent les mmes trouvent le temps de regarder la tlvision cinq heures par jour. Tout le monde ne trpide pas.

    Ce qui se passe, cest que les temps propres des individus se dsynchronisent. En relativit, la dsynchronisation des horloges vient de leur mouvement relatif dans lespace. Mais l, ce nest pas le mouvement qui dcale nos horloges individuelles. Nous sommes tous au mme endroit, peu prs immobiles les uns par rapport aux autres, mais nous nhabitons pas le mme prsent, nous ne sommes pas vraiment ensemble, nous navons pas le mme rapport ce qui se passe. Notre socit me semble tre submerge par une entropie chrono-dispersive qui produit des effets sur lintensit et la qualit du lien social.

    Il est banal de dire que notre rapport au progrs a chang. Or, lide de progrs faisait aimer le temps historique, car elle tait doublement consolante . Elle ltait dabord parce quen fondant lespoir dune amlioration future des conditions de vie, elle rendait lhistoire humainement supportable (lide de progrs a dailleurs pour anagramme le degr despoir). En faisant miroiter loin sur la ligne du temps une utopie crdible et attractive, elle faisait retrousser les manches et surtout elle donnait lenvie davancer ensemble. Elle tait galement consolante par le fait quelle donnait un sens aux sacrifi ces quelle imposait : au nom dune certaine ide de lavenir, le genre humain tait somm de travailler un progrs dont lindividu ne ferait pas lui-mme lexprience puisquil ntait quun infi me maillon de linterminable ligne des gnrations. Croire au progrs, ctait en somme accepter de fabriquer du futur collectif en sacrifi ant du prsent personnel.

    O en sommes-nous ?

    Pour accepter de sacrifi er du prsent personnel, il faut un rattachement symbolique au monde et son histoire. Ce rattachement fut longtemps perspectiviste. Il ne lest plus. Nous avons perdu en profondeur temporelle. Nos rattachements sont plus horizontaux, plus fl uides, plus rversibles. Cest dailleurs le rseau des tlcommunications qui incarne le mieux ce nouveau rapport au temps : il est temporaire, individualis, sans frontire a priori. Les nuds qui le constituent ne sont que des nuds de passage qui ne ncessitent aucune direction ni aucune fi nalit. Se trouvent ainsi abolies toute ide de rcit et toute ide de fi liation qui, jusqu prsent,

    Le futur existe-t-il dj dans lavenir ?

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    taient seules capables de donner du sens au collectif et au politique. En fait, le rcit parvenait vaincre laporie du temps en inventant une histoire . Le temps mondial, lui, veut la vaincre en dtruisant carrment le temps historique.

    Permettez-moi maintenant de conclure en physicien.

    Imaginez que vous regardez par la fentre dun train. Vous voyez le paysage qui dfi le. En ralit, le paysage ne dfi le pas : cest votre mouvement plus exactement celui du train qui cre limpression que vous avez que le paysage dfi le. Des physiciens imaginent que lespace-temps est comme le paysage travers par le train : il serait l, statique, sans temporalit propre. Il ne dfi lerait pas et cest notre mouvement au sein de lespace-temps qui crerait en nous limpression que le temps passe.

    Cette conception, dite de l univers-bloc , considre que tous les vnements, quils soient passs, prsents et futurs, coexistent dans lespace-temps en ayant tous la mme ralit, de la mme faon que les diffrentes villes coexistent en mme temps dans lespace : tandis que je suis Aix-en-Provence, Paris et Brest existent tout autant, la seule diffrence entre ces trois villes tant que Aix-en-Provence accueille prsentement ma prsence, alors que ce nest le cas ni de Paris ni de Brest. Dans ce cadre, tout ce qui a exist existe encore dans lespace-temps et tout ce qui va exister dans le futur y existe dj. Lespace-temps contient en somme lintgralit de lhistoire de la ralit, que nous ne dcouvrons que pas pas. Cest un peu comme pour une partition. Une partition contient lintgralit dune uvre musicale : elle existe sous forme statique, mais ds que le morceau quelle contient est jou par un orchestre, elle se dploie temporellement au rythme des notes dfi lant lune aprs lautre.

    Contre le prsentisme

    Mais dautres physiciens sopposent cette conception en dfendant lide que seuls les vnements prsents sont rels. Cette faon de voir sappelle, on sen doute, le prsentisme .

    Le futur existe-t-il dj dans lavenir ? Telle est en dfi nitive la question cruciale. Demain est-il dj quelque part attendre quon fi nisse par le rejoindre ? Ou nexiste-t-il pas du tout, du moins tant que la succession des instants prsents ne sera pas parvenue jusquau point do il surgira hors du nant pour ensuite y retomber ?

    En attendant de pouvoir trancher ces questions, il faut bien vivre. Or, vivre implique daccorder lavenir un certain statut. Mais lorsquon lit les journaux ou quon regarde la tlvision, on a le sentiment que le prsentisme a tout envahi : le futur sest absent, comme si lurgence et la Crise avaient partout rpudi lavenir comme promesse.

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    Or il ny a pas quaujourdhui dans la vie Alors, sans attendre que les physiciens accordent leurs violons, il faudrait concevoir une habile synthse entre le prsentisme et l univers-bloc , les mlanger pour donner corps lide que lavenir constitue une authentique ralit mais quil nest pas compltement confi gur, pas intgralement dtermin, quil y a encore place pour du jeu, des espaces pour la volont, le dsir, linvention. Jobserve que certains attendent Godot (le retour de la croissance pour les uns, leffondrement pour les autres), que dautres font joujou avec le spectre de la fi n du monde, que dautres encore se disloquent en une sorte dimmobilit trpidante. Je pense quil serait plus fcond de redynamiser le temps en force historique. Par exemple en faisant le pari que lan 2050 fi nira bien par atterrir dans le prsent et en tentant de construire, entre nous et lui, une sorte de fi liation intellectuelle et affective. Cela pourrait donner un peu plus de sens nos actions prsentes, et rinjecterait un peu de nguentropie (entropie ngative) aux vertus calmantes dans notre rapport collectif au prsent.

    Le futur existe-t-il dj dans lavenir ?

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    Three Long-Term Shifts in Global Politics

    Francis Fukuyama5 Stanford University

    Once we get past the immediate consequences of the fi nancial turbulence that began in the US with the bursting of the subprime bubble in 2007-8 and continued through the crisis of the euro up to the present, there will be at least three important long-term shifts in global politics.

    The Redistribution of Power

    The fi rst has to do with the redistribution of power on an international level. Economists of course think about this in terms of growth in the BRICS countries, all of which at the moment seem to be shifting to a lower-growth trajectory. But there is also an important strategic-political dimension to this, which centers around the rise of China as a geopolitical great power. International systems are often destabilized by the need to accommodate a new, rising power. The rise of China has justly been compared to the rise of Germany in the period from 1871 up to the outbreak of the First World War, whose anniversary we will celebrate next year. China does not have overtly expansionist aims but wants recognition as the dominant power in Asia, and is asserting these claims through fi ghts it has picked in the years since the fi nancial crisis with neighbors over the Nine-Dashed Line in the South China Sea and over the Senkaku/Diaouyutai islands. We should remember that in 1914, war resulted from miscalculations by all of the players involved. Back then, observers like Norman Angell believed that war had become impossible because the interdependence of European economies made it an irrational choice. There is a real possibility of similar kinds of confl icts in East Asia today. A slowdown in Chinas growth rate may well enhance rather than mitigate nationalism and international assertiveness.

    5. Francis Fukuyama is a Senior Fellow at the Freeman Spogli Institute for International Studies, Stanford University.

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    Three Long-Term Shifts in Global Politics

    Even if the rise of China does not lead to overt confl ict, the prestige of the American and European models of democracy and economic policy has suffered huge declines over the past decade. The China model is not one that can be replicated in many societies outside of East Asia, but it does give comfort to many would-be authoritarians in developing countries who see it as a justifi cation for policies they would be pursuing in any case.

    The Rise of the Middle-Class in Developing Countries

    The second big change has to do with the rise of a middle-class in many countries that have seen economic growth over the past generation. The middle class, defi ned more in occupational and educational terms than by income alone, is far more politically engaged than are the poor. This is because their expectations, organizational ability, and connections with the outside world are much higher. The Arab Spring was triggered by unhappiness on the part of educated, middle-class citizens in Tunisia, Egypt, and other Arab countries, even if this social class does not look like it will inherit political power in the near term future. This year has already seen Turkey and Brazil shaken by protests on the part of middle class young people, who have objected to the corruption and unresponsiveness on the part of their democratically elected leaders. China today has perhaps 300-400 million citizens who could be considered middle class. These are the ones who are connected on Sina Weibo, who exchange information, and who are eager to complain about their governments failings. Chinese economic growth will inevitably slow over the coming decades, which will have big political implications for the middle class. It is already the case that China is producing many more university graduates some 6-7 million a year than its labor market can accommodate. All of this will have potentially destabilizing political effects in the coming decades.

    Part of the reason why democracy, despite its diffi culties, has spread in many parts of the world since the 1980s has to do with the rise of a global middle class. But the impact of this rise on democracies and non-democracies alike will not be necessarily benign.

    The Decline of the Middle-Class in Developed Countries

    The third large change points in the opposite direction: the decline of the middle-class in many developed countries. Virtually all the rich countries have experienced signifi cant increases in their Gini indices over the past two decades. In the United States, median wages have increased very slowly over the past generation, and a large share of the growth that has occurred has gone to people at the very top of the income distribution. But virtually all the Scandinavian countries with signifi cantly larger welfare States have also seen their Ginis go up. The rate of increase and absolute levels of

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    inequality differ across OECD countries as a result of government policies, but the generality of this phenomenon is striking. There are two broad forces producing this result, globalization and technological change. The two are related, since it is decreasing transport and communications costs that have made globalization possible.

    The political consequences of these changes have actually been much smaller than one would expect. Given that the fi nancial crises in both the US and Europe were brought on by economic elites, many of whom profi ted from the turbulence, one would expect a broad mobilization of left-wing populism. Instead, much of the populism has been on the right, in the form of the Tea Party in the US, and various right-wing anti-immigrant or anti-EU groups in Europe. Part of the reason for this outcome has to do with the striking lack of a coherent left-wing program to deal with the problem. Part of the Left would like to go back to the old formulas of increased redistribution and protection of trade union interests. But there is also recognition that these sorts of policies are not sustainable in todays globally competitive world, and in any case do not address the underlying problem of technological change. This produces wavering policies most perfectly exemplifi ed by Franois Hollande; but it is not clear who else has articulated a more coherent agenda. Solving the problem of a declining rich-world middle-class will be one of the central political challenges facing modern democracies in the future.

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    Gouverner la croissance africaine

    Lionel Zinsou PAI Partners

    En gnral, lorsque je monte dans le TGV ou lavion en partant de Paris, je suis un nancier franais. Quand jarrive Aix, je suis lAfricain de service. Je vais donc faire lAfricain : cest bien de le faire une fois par an !

    LAfrique est en train de vivre quelque chose que les Rencontres dAix-en-Provence ont prophtis pendant des annes, un peu dans le dsert : la croissance. Quelque chose qui ressemble mme un vrai dveloppement et un dveloppement soutenable.

    Le rythme autonome de la croissance africaine

    LAfrique et lEurope ont des prsents trs diffrents. Le prsent de lEurope ressemble ce quen disait Paul Valry en 1931 dans la prface de Regards sur le monde actuel : Le temps du monde ni commence. LAfrique vit quelque chose de tout fait diffrent : maintenant que notre croissance est dbloque et soutenue, nous avons limpression trange dun monde in ni. Le gouverner et le rguler ne va pas tre simple. Entre 1931 et nos jours, la rgulation du monde ni a tout de mme ncessit une Guerre mondiale, un peu de Guerre froide, quelques crises, la chute du communisme. Pour un monde in ni, on a pas mal de travail donner aux jeunes gens africains.

    LAfrique a dbloqu sa croissance tardivement. Au fond, lAfrique a besoin que lEurope la drange le moins possible. Lors des Rencontres dAix de 2007, on mavait pos une question mouvante : Que pourrait-on faire pour vous autres, pays pauvres ? Javais rpondu : Vous pourriez ne pas nous dranger. Car en fait, on sait faire plus de croissance que vous. On ne va donc pas vous demander de modles. Mais vous tes capables de nous faire une crise nancire assez srieuse. 1987, 1997 : chaque fois que

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    vous entrez en crise fi nancire, cest la mme chose : il faut toujours quune banque fasse faillite. Cette fois-ci, essayez de faire en sorte que Lehman ne fasse pas faillite. Quinze mois plus tard Lehman a fait faillite et vous nous avez srieusement drangs : lAfrique na fait, en 2009, que 2,8 % de croissance.

    Mais le monde tait en rcession, et ce quil y a de bien avec la chute rcente de la croissance en zone euro (ngative au deuxime semestre 2011) est que la croissance en Afrique sen est trouve acclre. Depuis que la croissance en Europe a dclr, le prsent de lAfrique sest acclr. Le Fonds Montaire International suggre que lon va passer de 5 6 % de croissance en 2013. Il nous arrive quelque chose dabsolument formidable : notre prsent est dcorrl du vtre et cest un mrite, car lEurope reprsente encore 45 % des changes de lAfrique.

    Vous nous regardez encore comme si vous aviez la possibilit dembarrasser notre prsent. Mais cette possibilit est perdue. Songez la richesse qui sest cre en Afrique en dix ans. Demandez-vous si lEurope, dont les exportations vers lAfrique stagnent (en France, elles rgressent lgrement), a pris part cette croissance africaine. Bref : depuis quinze ans, la croissance africaine est dbloque.

    LAfrique, terre dopportunits

    On ny a pas cru dabord ; puis on a cru que a ne serait pas durable ; puis quon se trompait dans les chiffres. On nous a dit quils taient sous-estims, que la comptabilit nationale narrivait pas suivre la mesure de la croissance.

    Tout ce qui tait goulot dtranglement dans mon enfance et mon adolescence est devenu opportunit dinvestissement. Cest un retournement incroyable. Cest une des raisons pour lesquelles, dans tous les sondages, lAfrique est invariablement (avec le Moyen-Orient) le continent le plus optimiste. Nous sommes optimistes parce que nous ne pouvons pas aller plus mal. Nous partons de loin.

    Tous les goulots dtranglement sont devenus, en une gnration, des secteurs porteurs. Par exemple, il est commun de dire que lAfrique na pas dinfrastructures et que cest l un goulot dtranglement son dveloppement. Oui, cest vrai ; mais il est vrai aussi que cest une opportunit considrable davoir les crer. Et pour les fi nancer, alors quil nexistait il y a vingt ans que cinq marchs fi nanciers en Afrique, on en a cr vingt-deux. On a cr un march obligataire. Tout dun coup, on a bancaris lAfrique. Aucun autre continent na fait lexprience dune telle vitesse de bancarisation, cest sans prcdent dans lhistoire.

    Ds lors, nous allons pouvoir fi nancer les infrastructures. Au sein dun

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    Gouverner la croissance africaine

    groupe de travail du G20, jai t charg, avec Tidjane Thiam, de trouver des moyens innovants pour fi nancer les infrastructures dans les pays en dveloppement. Je ne crois pas quon les ait trouvs, mais ce nest pas grave car les pays africains vont autofi nancer leurs infrastructures. Nous avions des problmes de sous-nutrition ; nous avons des gains de progrs, en matire agricole, qui l aussi nont pas de prcdent historique.

    Que nous arrive-t-il ? Tous les stocks dinnovation, dvelopps pendant des millnaires, sont maintenant mobiliss et utiliss par la gnration qui est en ce moment aux affaires en Afrique. Cela veut dire des taux de croissance levs et soutenables de faon tout fait exceptionnelle. Cela veut dire Trente Glorieuses. On commence en avoir conscience.

    Le problme des jeunes gnrations

    Nous avons quelques limites. Gouverner une croissance potentielle infi nie est compliqu, parce quil y a des temporalits diffrentes. Par exemple, nous avons un problme avec les jeunes. Tout ce que nous sommes en train de faire, tous ces goulots dtranglement que nous sommes en train de lever notamment la construction des infrastructures et le dveloppement de lagriculture afi n de nourrir la population africaine qui va doubler dans les annes venir tout cela est trs intensif en capital mais malheureusement trs peu en emplois. Nous navons pas de place pour nos jeunes. Or, la transition dmographique ne se fait pas partout. Elle se fait un peu en Afrique du Nord ; mais au Bnin, o la croissance est de 5 % par an depuis quinze ans, le taux de fcondit est encore de cinq enfants par femme. vue humaine, ce taux ne va pas baisser. Notre transition dmographique va tre beaucoup plus lente que linclusion de toutes nos innovations. Nous ne savons pas quoi faire de nos jeunes. Cotonou, un tudiant diplm dune matrise de physique devient chauffeur de mobylette-taxi. Cest son avenir. Il entre dans le secteur informel car, du nord au sud, de lest louest, lAfrique ne sait pas lui offrir un emploi salari.

    LAfrique a donc un enjeu dmographique. Nous sommes en surchauffe dmographique et notre dmographie ne va pas voluer la mme vitesse quen Europe. Nous allons donc avoir un problme de jeunes de mieux en mieux forms... et sans dbouchs.

    Les classes moyennes sont heureuses en Afrique. Un praticien hospitalier, par exemple, gagne dix fois moins Cotonou qu Aix-en-Provence ; mais sa servante gagne dix fois moins que lui, tandis que le praticien hospitalier dAix-en-Provence peut tout au plus se payer quelques heures de femme de mnage. Le problme des classes moyennes franaises est que lgalisation a fait quil faut remonter 1870 pour trouver le moment o un mdecin gagnait dix fois plus que sa servante. Aujourdhui, il gagne 20 % de plus que

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    Le temps de lconomie et des socits : acclrations, transitions, ruptures

    sa femme de mnage. En Afrique, nous sommes donc dans une situation o les classes moyennes vivent des ingalits. Elles se trouvent heureuses dtre un peu plus riches dans un pays pauvre : cest plus facile. Elles sont les acteurs de lhistoire.

    Le problme est que nous ne savons pas insrer nos jeunes et que ces jeunes vieillissent. Notre temporalit dmographique est compltement dconnecte. tre un jeune sans emploi la sortie de sa matrise de physique Cotonou, cest une chose. Trente ans plus tard, ntre toujours pas insr provoque des situations compltement nouvelles politiquement.

    Les socits africaines ne sont pas inclusives et nous allons devoir passer toute une gnration dterminer comment inclure une temporalit sociale dans une vitesse conomique qui va aller sacclrant.

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    changes

    Hugo de Gentile, laurat du concours Inventez 2020 Il me semble que lon passe dune organisation pyramidale de notre socit

    une organisation plus crbrale, notamment grce aux nouvelles technologies et Internet. Considrer notre organisation comme crbrale, comme une conscience en elle-mme, ne serait-il pas le moyen de retrouver une visibilit sur le futur et de comprendre les volutions par lesquelles passent nos socits ?

    tienne KleinJe ne suis dj pas comptent en conomie et voil quon minterroge sur

    les neurosciences !

    Y a-t-il une conscience plantaire, cest--dire le sentiment de participer, sur la terre, quelles que soient les socits ou les cultures, la mme aventure ? Jen doute. Je pense que nous sommes psychiquement dcorrls, cest--dire que notre rapport au futur est trs diffrent dune socit lautre, mme si un peu partout on prend conscience quil ny a quune seule plante, que nous narriverons pas la quitter et quil faut changer nos relations avec lenvironnement.

    Je voyage beaucoup et suis frapp par la diffrence que lon observe entre les socits, y compris post-modernes, dans le rapport lavenir. La France, par exemple, est une singularit en Europe. Il y a un phnomne de dpression nerveuse chez nous qui ne se voit pas en Allemagne, en tout cas pas encore. Est-ce parce que nous sommes plus lucides ? Ou bien sommes-nous plus dpressifs par essence ?

    Voil de quoi ractiver le lien franco-allemand !

    Francis FukuyamaOne thing that is clearly happening around the world, which I do think is

    related to the rise of this global middle-class, is that all the pyramidal authority structures that were centralized and top down are turning into networks in which there is no clearly defined centre of authority. That is a good result in

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    changes

    many ways because centralized authority is the source of tyranny and lack of individual freedom, etc. However, the question is whether we can actually survive the loss of the ability that pyramidal authority structures have of actually coming to decisions.

    A colleague of mine in the United States, Moises Naim, recently wrote a book entitled The End of Power. It is an interesting idea that power requires a certain degree of centralization and hierarchy and if you live in a world that simply consists of networks and amorphous network structures, the question is whether you can actually achieve consensus, make decisions and work together as societies in the way that the old structures did. That is a question I do not have an answer to.

    Jacques MistralJe voudrais revenir sur un point mentionn la fois par tienne Klein et

    Francis Fukuyama et do se dgage un certain scepticisme : lavenir de la plante. Conscience plantaire ? Je ne la vois pas a dit tienne et cest assez exact. Rfrence temporelle ? 1914 a dit Francis Fukuyama. La conjugaison de ces deux lments est un peu inquitante. Je pense quils ne dcrivent pas la ralit.

    Il y a davantage dlments positifs dans le fonctionnement actuel de lconomie internationale quil ny en a eu dans le pass en tout cas par rapport la fin du XIXe sicle et aux annes terribles qui ont prpar 1914. Il nest pas besoin dune conscience plantaire pour dcouvrir quil y a des intrts communs, partags. Il faut l aussi chercher dceler ce qui est plutt positif et qui carte la vision dune Chine menaante dans les mers du Sud parce quelle veut retrouver sa grandeur passe.

    Il est possible, y compris lchelle plantaire, de trouver des raisons desprer et de construire un horizon jusquen 2020 dans lequel lavenir des jeunes trouve sa place.

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    1.

    Cultures et rapport au temps

    Le mal, crivait Henri Michaux, cest le rythme des autres . Chaque culture a un rapport propre au temps. Faut-il considrer que la coordination, dont lconomie est la science, requiert aujourdhui une harmonisation des rythmes et du rapport que les agents conomiques entretiennent avec le temps ? Quil sagisse du monde de lindustrie ou de celui de la finance, les mentalits et les langages, dans leur rapport trs variable aux temps longs comme aux temps de plus en plus courts de la dcision, doivent ncessairement sajuster. On pourra opposer aux temps longs de la nature lacclration toujours plus forte caractristique de nos temps modernes. Cette session sinterrogera notamment sur les caractristiques des volutions culturelles du capitalisme dans ses diffrentes phases et des mentalits qui lui sont les plus propices ou qui en modifient les contours.

    Contribution du Cercle des conomistesFranoise Benhamou

    TmoignagesHubert Bazin Jean-Louis Beffa Gilles Finchelstein Renato Flores

    Achille Mbemb Jean-Christophe Iseux von Pfetten

    ModrateurVincent Lemerre

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    Temps et cultures

    Franoise Benhamou

    voquer les rapports entre temps et culture est une gageure, surtout si lon saccorde penser la culture sous ses deux registres : en son sens troit (activits culturelles) et en son sens anthropologique (modes de vie et de pense, langues, structures de la parent, urbanit ou ruralit, etc.). Quatre remarques mritent dtre formules.

    1. Avant et aprs limprimerie

    Si lon sen tient au sens troit de la culture, cest sans doute le domaine du livre qui peut le mieux nous clairer. Avant limprimerie, au milieu de la dcennie 1450, seule la copie la main permettait la reproduction dun livre. Limprimerie induit le raccourcissement du temps de reproduction du texte et la baisse des cots. Lhistoire du livre peut ainsi tre lue sous langle de ses innovations technologiques successives, jusquau livre numrique, et se traduit par la multiplication du nombre des titres et lacclration des changes, mme si des barrires culturelles et linguistiques sinterposent dans ce mouvement pour en limiter le caractre inluctable.

    Pourtant certains pans des activits culturelles, tel le spectacle vivant, sont rtifs au raccourcissement des processus de production. William Baumol1

    montre qu la diffrence des biens industriels ordinaires, le spectacle vivant doit assumer des cots du travail quil est impossible de comprimer : le service achet est celui de lartiste sur la scne, quaucune machine ne saurait remplacer. Tandis que dans la plupart des activits conomiques, il est possible

    1. Baumol W. et Bowen W. Performing Arts. The Economic Dilemma, Cambridge, Mass., MIT Press, 1966.

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    Temps et cultures

    de rduire les cots par la substitution progressive de la machine lhomme, nul ne peut raisonnablement envisager de remplacer un musicien par de la musique enregistre2...

    Dun ct, la technologie et les pratiques induites transforment le livre au fil du temps, tandis que de lautre ct le caractre incompressible du travail confre une forme de permanence au spectacle vivant. Mais dans les deux cas, le temps de la consommation nest pas fondamentalement transform. Le raccourcissement des processus de cration et de production naffecte que dans une faible mesure lamont (lcriture) et laval (la lecture, le spectacle). En revanche, toutes les pratiques culturelles sont sujettes des effets de fragmentation.

    2. Il faut relever dautres sources de permanence

    Le droit dauteur, au sens du droit patrimonial, cest--dire du monopole de commercialisation de luvre confr lauteur et ses ayants droit, est born dans le temps. Mais lautre volet du droit dauteur, le droit moral, est imprescriptible. Avec le droit moral, on dnie le rle du temps, qui, en scoulant, permettrait que luvre se dtache de lemprise des hritiers de lauteur.

    3. Un rapport culturel avec le temps

    Si lon entend le terme culture en son sens anthropologique : modes de vie et de pense, langues, structures de la parent, culture urbaine ou rurale, etc., le rapport quune culture entretient avec le temps est tributaire des lieux o elle sinscrit : ville ou campagne, contexte industriel ou artisanal, etc. Il se traduit dans les relations contractuelles et de coordination : le temps de la ngociation en Inde ou en Chine peut apparatre lent et fait de dtours aux yeux dagents conomiques occidentaux.

    Plus gnralement, la perception du temps et les horizons temporels dpendent de la culture. On est pass de socits simples o la conscience du temps demeure occasionnelle , des socits complexes o la perception du temps et lurgence deviennent prgnantes3. Les horizons temporels peuvent alors se superposer : le temps de la vie quotidienne, celui du cycle de vie, celui de lpoque.4

    2. Si les rmunrations tendent en moyenne saligner sur celles du reste de lconomie, sensuit une crise structurelle du spectacle vivant. La croissance des prix dentre doit compenser le niveau relativement lev des cots de production. Et la demande, bien que peu sensible la croissance des prix, finit par sessouffler. Baumol conclut au besoin de financements externes, mcnat, fonds publics, prlevs auprs des secteurs modernes [Baumol W. et Bowen W. Performing Arts. The Economic Dilemma, Cambridge, Mass., MIT Press, 1966].3. Hartmut Rosa, Acclration. Une critique sociale du temps, Paris, La Dcouverte, 2010 [2005, Suhrkamp Verlag].4. Source id.

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  • 36

    1. Cultures et rapport au temps

    Le temps est une donne objective et une catgorie culturelle. Les squences de la vie sont dtermines de faon exogne par les exigences de la socit (horaires douverture, temps des repas, dure de la journe de travail) et par des habitudes sociales (temps pass devant un cran, temps dit de loisir) ; le rapport au temps varie avec lvolution des savoirs et des modes de vie. Il faut relire les pages que lhistorien Jacques Le Goff5 a consacres au rythme des jours au Moyen ge, calqu sur celui du soleil, avec une sparation trs nette des activits en fonction du moment. La priode contemporaine est marque par lacclration6 des activits, leur ventuelle superposition (hybridation entre temps de travail et temps de loisir). Par son effet globalisant, Internet pousse la synchronisation gnralise ; mais dans le mme temps se produit une dsynchronisation, travers notamment laccentuation des ingalits lintrieur des socits7, y compris sur le terrain culturel.

    4. Acclration, changes culturels et mondialisation

    Lacclration contemporaine est ainsi celle des changes culturels affects par la mondialisation. La rduction des diffrences culturelles en procde, elle donne naissance un got mondialis ; mais se recrent de nouvelles diffrences8. Chez Fernand Braudel les crises constituent le moment de la disparition dune conomie-monde et de la naissance dune autre9.

    Les crises peuvent conduire leffondrement des socits, dont mme le langage condens de normes et de valeurs est susceptible de disparatre. Le pass est pour nous une riche banque de donnes dans laquelle nous pouvons puiser pour nous instruire, si nous voulons aller de lavant , crit Jared Diamond dans son livre Effondrement10. Lauteur met en vidence la destruction des habitats naturels et la dmographie comme facteurs majeurs (avec dautres) de cet effondrement. Or dmographie et culture ont partie lie. La fcondit des femmes est corrle leur niveau dinstruction. Elle varie entre villes et campagnes, selon la tolrance culturelle et religieuse vis--vis de la contraception. Les temps de la vie diffrent selon les cultures : ge de la jeunesse, notion denfance et dadolescence, solidarits familiales se dfinissent diffremment dans le temps et dans lespace, contribuant dessiner des modles socio-conomiques contrasts. Un des enjeux de la crise contemporaine rside dans la perception sociale de ces diffrents ges et des responsabilits collectives qui sy attachent.

    5. Le Goff J., Pour un autre Moyen ge : Temps, travail et culture en Occident : 18 essais, Paris, Gallimard, 1991.6. Gilles Finchelstein, La Dictature de lurgence, Paris, Fayard, 2011.7. Bourguignon F., La Mondialisation de lingalit, Paris, Le Seuil, 2012.8. Cowen T., Creative Destruction. How Globalization is Changing the Worlds Cultures, Princeton University Press, 2002.9. Braudel F., La Dynamique du capitalisme, Paris, Flammarion (Champs), 2008.10. Diamond J., Collapse. How Societies Chose to Fail or Succeed, Viking Penguin, 2005 [trad. Gallimard, 2006, p. 15].

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    The Flaws of Uniform Rethoric

    Renato FloresGetulio Vargas Foundation

    I consider the UNESCO Convention on the Diversity of Cultural Expressions a major international treaty and I want to explore a broader view of it, in which culture and diversity are, if not the only one, a major solution for many problems we face in our times. I will give three examples and end with a challenge. The common theme among all the examples is that only culture can be the counterweight to silly and blind unifying trends imposed by the globalized times we are living in.

    The environmental debate

    My fi rst example has to do with environmental debate. Climate change is a common world problem, and so we must have a common policy to address it using a set of common targets and indicators. This is a false conclusion, a non sequitur. Without engaging in a fi nger-pointing discussion to try to uncover past mistakes, the situation is that countries such as the fuel-consuming US society cannot have the same targets as imposed on Brazil or other countries. Global scientifi c conclusions and objectives must be adapted to different regional cultures and needs.

    This debate luckily is already taking place in preparation for the new Millennium Development Goals to be set forward in 2015. The emerging economies fi rst proposal, coordinated by the Honorable President of Indonesia, is trying to add differentiated objectives within a common goal.

    Development and growth paths

    My second example has to do with development and growth paths. Nowadays, quite a few European economies, and perhaps others may join

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    them, face the rigors and suffering of adjustment programs under the promise of maintaining membership of an ill-conceived monetary union. The culture of economic policy uniformity as practiced in adjustment programs and as has been applied for several decades on the whole business of development aid is sold as a scientifi c truth above political and cultural considerations.

    This does not take into account the diversity of community arrangements and tensions and imposes patterns that have resulted in sheer failure for more than half of the time. Nowadays, many African countries are trying to apply policies that do not take cultural realities into account. For instance, the Honorable President of Bolivia Evo Morales is achieving harmony amongst dozens of different tribes, something that had never been attempted before. One cannot impose a blunt economic solution. This is diffi cult and not without error, but it must be followed. Considering this issue would be of value to several EU countries.

    What about democracy?

    My third example, which is perhaps the most provocative, has to do with democracy. We want uniform rhetoric on democracy and democratic values. This approach, despite its importance and interest, has serious fl aws. First of all, it does not take into account several existing forms of democracy, ranging from the Greek model, in which women were excluded and it was restricted to an elite of citizens, to the French revolution models, perhaps better framed by Robespierre, and both US models from the founding fathers and the modern US model. I have not mentioned other options like the German model with social market Wissenschaft and many others. These are forms inherent to specifi c evolutions and cultures. To impose one of these models on modern day China for instance, reveals a brutal lack of sensibility. I wonder in whose interest would be a fast adoption of, let us say, a US democracy format in China? The result would probably be chaos and cause great damage to nationals and foreign nations. Without denying the intellectual interest in trying to extract common features from the experiences of most Western democracies, I would ask for a very moderate application of this exercise, always tempered by cultural and historical evidence. The goal, I am afraid, is not exactly democracy, but a better life coupled with freedom of expression.

    Challenge and reward

    I conclude with a challenge. This challenge becomes more relevant if I myself address a criticism that may be raised against my previous examples. It may be said that they lead to a state of general or too much relativity that would impair effective progress in the attainment of major goals. To a certain extent, yes, that is true. The introduction of the cultural dimension

    1. Cultures et rapport au temps

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    The Flaws of Uniform Rethoric

    makes things more complex and may create other kinds of stalemates, but this is the price to be paid for becoming more realistic and attentive to the different and relevant characteristics of the stakeholders.

    The reward is that compromises will be more robust, sustainable and easier to enforce. My answer also bears the challenge: in these times, are we able to incorporate cultural reasoning in our international negotiations and public policy decisions taken oftentimes in a state of dire urgency? As I ended my presentation here in Aix-en-Provence two years ago, this change of attitude will only be possible if we open ourselves to serious consideration of innovation everywhere.

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    Produire de la duredans le temps acclr du capitalisme

    Achille MbembUniversit de Witwatersrand, Johannesbourg

    Je vis entre plusieurs mondes. Je passe une partie de ma vie aux tats-Unis et lautre en Afrique du Sud, o depuis plusieurs semaines, nous faisons lexprience du temps au ralenti , suspendus au bulletin de sant de Nelson Mandela. Dans un tel contexte, le temps a manifestement un nom, un visage, un corps qui bientt reviendra la poussire. Tel est peut-tre, au fond, le problme du temps qui arrive sa fi n, lorsque lun de ses supports premiers, le corps humain, cesse den tre la signature. Je crois que cette exprience vcue autorise de parler de lacclration ou du ralentissement du temps. Il y a des moments de la vie dun pays ou dun corps politique donn au cours desquels on vit le temps en acclr, en suspension. On a alors limpression que quelque chose est arriv son terme ; ou alors quelque chose de nouveau est en germe, qui va natre, mme si, par la suite, les choses en vont autrement.

    Capitalisme et chronophagie

    Lune des caractristiques des socits contemporaines, quil sagisse des socits du nord ou du sud, est quelles sont plus ou moins rgules. Lon a beau parler de lge de la drgulation, celle-ci a besoin de rgulation pour exister et pour tre opratoire. Rgulation et drgulation indiquent une chose : nos socits sont domines par une multiplicit de rgimes-temps qui gouvernent secrtement nos vies.

    Ces rgimes-temps ne sont pas les mmes partout ni ne produisent

    11. Ce texte a t prononc en juillet 2013 alors que Nelson Mandela tait hospitalis.

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    Produire de la dure dans le temps acclr du capitalisme

    partout les mmes effets. Ils ont, cependant, deux choses en commun : ils sont producteurs de normes, de contraintes mais aussi daffect et de

    sensibilit ; ils sont rgis par les impratifs systmiques dun mta rgime-temps,

    celui du capitalisme auquel nchappe plus aucune culture, aucune socit, aucune rgion du monde.

    Ce mta rgime-temps quest le capitalisme tient sa force et son pouvoir dau moins deux facteurs :

    il na pas de dehors, puisque plus rien ni personne ne lui chappe ; cest un rgime dont le propre est de disperser, voire de dvorer le

    temps. Cest ce que certains ont appel la logique de lacclration sociale , que je qualifi erais plutt de chronophagie .

    Quand on parle de lacclration du rythme et de la vitesse de la vie sociale, cest cette consommation du temps quon a lesprit, en tant que la consommation illimite du temps nous oblige poser nouveau la question de la culture, de la mmoire et du travail, voire de la dmocratie.

    La culture dans le temps acclr

    La consommation illimite du temps nous oblige poser nouveau la question de la culture parce que, de mme que le temps nexiste que parce que vcu et racont, il ny a pas de culture sans rcit et donc qui naspirent point sinscrire dans la dure. Ce qui diffrencie les cultures humaines, ce ne sont pas tant les coutumes, les langues, les religions ou les formes du droit propres chacune delles que leur manire de fabriquer du rcit et, ce faisant, de mettre en sens ce quelles font et de sinscrire dans la dure.

    Il nous faut donc revenir cette question de la mise en rcit et en sens si nous voulons comprendre les volutions culturelles du capitalisme dans le monde contemporain. Car lorsque nous disons que nous traversons une crise, quaffecte