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ECHR
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TROISIEgraveME SECTION
AFFAIRE GSB c SUISSE
(Requecircte no 2860111)
ARREcircT
STRASBOURG
22 deacutecembre 2015
Cet arrecirct deviendra deacutefinitif dans les conditions deacutefinies agrave lrsquoarticle 44 sect 2 de la
Convention Il peut subir des retouches de forme
ARREcircT GSB c SUISSE 1
En lrsquoaffaire GSB c Suisse
La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (troisiegraveme section) sieacutegeant
en une chambre composeacutee de
Luis Loacutepez Guerra preacutesident
George Nicolaou
Helen Keller
Johannes Silvis
Dmitry Dedov
Branko Lubarda
Pere Pastor Vilanova juges
et de Stephen Phillips greffier de section
Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 1er deacutecembre 2015
Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date
PROCEacuteDURE
1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2860111) dirigeacutee
contre la Confeacutedeacuteration suisse et dont un ressortissant saoudien et
ameacutericain M GSB (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 4 mai 2011 en
vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme
et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo) La preacutesidente de la
section a acceacutedeacute agrave la demande de non-divulgation de son identiteacute formuleacutee
par le requeacuterant (article 47 sect 4 du regraveglement)
2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Mes Y Bonnard et G Grisel avocats
agrave Lausanne Le gouvernement suisse (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute
par son agent M Frank Schuumlrmann
3 Le requeacuterant allegravegue en particulier que la transmission de certaines
donneacutees bancaires le concernant dans le cadre de lrsquoentraide administrative
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique a porteacute atteinte agrave ses droits
garantis par les articles 8 et 14
4 Le 18 deacutecembre 2013 les griefs concernant les articles 8 et 14 ont eacuteteacute
communiqueacutes au Gouvernement et la requecircte a eacuteteacute deacuteclareacutee irrecevable pour
le surplus
5 Le 9 juin 2015 la chambre a rejeteacute une demande du requeacuterant tendant
agrave la suspension de lrsquoexamen de lrsquoaffaire
2 ARREcircT GSB c SUISSE
EN FAIT
I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE
A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA
6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami
7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties
peuvent se reacutesumer comme suit
8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine
(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)
deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun
ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de
patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de
contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de
comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants
droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes
Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise
devant le risque drsquoun procegraves peacutenal
9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites
peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre
UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y
reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le
biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et
leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et
conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute
leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en
contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)
de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)
10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une
proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil
soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et
un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires
aupregraves drsquoelle
11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes
ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit
ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut
suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire
12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le
Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis
drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord
concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des
ARREcircT GSB c SUISSE 3
Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit
laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)
Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la
demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients
ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et
conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere
drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)
Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la
demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes
ouverts ou clos raquo
La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle
speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)
suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative
En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte
conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du
John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30
ci-dessous)
13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide
administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables
ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le
31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de
disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une
division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo
14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA
de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998
concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double
imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida
drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de
fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de
lrsquoAccord 09
15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal
administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC
qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation
relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF
consideacutera
ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur
du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96
ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee
en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct
(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc
4 ARREcircT GSB c SUISSE
sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37
ci-dessous)
ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations
qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse
crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais
drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres
ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet
accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le
parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil
feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante
En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions
rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09
16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010
lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause
En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord
environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct
atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse
lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de
nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales
avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les
Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait
srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour
les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal
ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS
les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes
tregraves eacuteleveacutees
Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le
Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements
de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le
19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo
Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles
eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les
parties
17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de
lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de
renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet
accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et
le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10
est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au
paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant
reacutedigeacute en anglais)
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 1
En lrsquoaffaire GSB c Suisse
La Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme (troisiegraveme section) sieacutegeant
en une chambre composeacutee de
Luis Loacutepez Guerra preacutesident
George Nicolaou
Helen Keller
Johannes Silvis
Dmitry Dedov
Branko Lubarda
Pere Pastor Vilanova juges
et de Stephen Phillips greffier de section
Apregraves en avoir deacutelibeacutereacute en chambre du conseil le 1er deacutecembre 2015
Rend lrsquoarrecirct que voici adopteacute agrave cette date
PROCEacuteDURE
1 Agrave lrsquoorigine de lrsquoaffaire se trouve une requecircte (no 2860111) dirigeacutee
contre la Confeacutedeacuteration suisse et dont un ressortissant saoudien et
ameacutericain M GSB (laquo le requeacuterant raquo) a saisi la Cour le 4 mai 2011 en
vertu de lrsquoarticle 34 de la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme
et des liberteacutes fondamentales (laquo la Convention raquo) La preacutesidente de la
section a acceacutedeacute agrave la demande de non-divulgation de son identiteacute formuleacutee
par le requeacuterant (article 47 sect 4 du regraveglement)
2 Le requeacuterant a eacuteteacute repreacutesenteacute par Mes Y Bonnard et G Grisel avocats
agrave Lausanne Le gouvernement suisse (laquo le Gouvernement raquo) a eacuteteacute repreacutesenteacute
par son agent M Frank Schuumlrmann
3 Le requeacuterant allegravegue en particulier que la transmission de certaines
donneacutees bancaires le concernant dans le cadre de lrsquoentraide administrative
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique a porteacute atteinte agrave ses droits
garantis par les articles 8 et 14
4 Le 18 deacutecembre 2013 les griefs concernant les articles 8 et 14 ont eacuteteacute
communiqueacutes au Gouvernement et la requecircte a eacuteteacute deacuteclareacutee irrecevable pour
le surplus
5 Le 9 juin 2015 la chambre a rejeteacute une demande du requeacuterant tendant
agrave la suspension de lrsquoexamen de lrsquoaffaire
2 ARREcircT GSB c SUISSE
EN FAIT
I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE
A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA
6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami
7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties
peuvent se reacutesumer comme suit
8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine
(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)
deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun
ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de
patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de
contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de
comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants
droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes
Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise
devant le risque drsquoun procegraves peacutenal
9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites
peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre
UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y
reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le
biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et
leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et
conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute
leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en
contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)
de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)
10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une
proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil
soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et
un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires
aupregraves drsquoelle
11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes
ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit
ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut
suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire
12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le
Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis
drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord
concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des
ARREcircT GSB c SUISSE 3
Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit
laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)
Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la
demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients
ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et
conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere
drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)
Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la
demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes
ouverts ou clos raquo
La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle
speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)
suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative
En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte
conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du
John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30
ci-dessous)
13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide
administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables
ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le
31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de
disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une
division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo
14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA
de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998
concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double
imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida
drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de
fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de
lrsquoAccord 09
15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal
administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC
qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation
relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF
consideacutera
ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur
du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96
ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee
en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct
(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc
4 ARREcircT GSB c SUISSE
sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37
ci-dessous)
ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations
qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse
crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais
drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres
ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet
accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le
parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil
feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante
En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions
rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09
16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010
lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause
En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord
environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct
atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse
lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de
nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales
avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les
Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait
srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour
les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal
ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS
les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes
tregraves eacuteleveacutees
Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le
Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements
de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le
19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo
Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles
eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les
parties
17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de
lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de
renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet
accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et
le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10
est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au
paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant
reacutedigeacute en anglais)
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
2 ARREcircT GSB c SUISSE
EN FAIT
I LES CIRCONSTANCES DE LrsquoESPEgraveCE
A Lrsquoorigine des plaintes contre UBS SA
6 Le requeacuterant est neacute en 1960 et reacuteside agrave Miami
7 Les faits de la cause tels qursquoils ont eacuteteacute exposeacutes par les parties
peuvent se reacutesumer comme suit
8 Au cours de lrsquoanneacutee 2008 lrsquoadministration fiscale ameacutericaine
(lrsquoInternal Revenue Service [IRS] agrave Washington)
deacutecouvrit ndash essentiellement agrave partir drsquoune deacutenonciation eacutemanant drsquoun
ex-employeacute de la banque UBS SA agrave Genegraveve ancien gestionnaire de
patrimoine pour la clientegravele priveacutee nord-ameacutericaine ndash que des milliers de
contribuables de nationaliteacute ameacutericaine eacutetaient titulaires aupregraves drsquoUBS de
comptes bancaires non deacuteclareacutes agrave leurs autoriteacutes nationales ou bien ayants
droit eacuteconomiques vis-agrave-vis de tels comptes
Du fait du rocircle qursquoelle semblait avoir joueacute agrave cet eacutegard la banque fut mise
devant le risque drsquoun procegraves peacutenal
9 Le 18 feacutevrier 2009 un laquo accord sur la suspension de poursuites
peacutenales raquo (deferred prosecution agreement ou laquo DPA raquo) fut conclu entre
UBS SA et le deacutepartement de la Justice (DOJ) des Eacutetats-Unis La banque y
reconnaissait avoir notamment permis agrave des contribuables ameacutericains par le
biais de comptes extraterritoriaux (off-shore) de dissimuler leur fortune et
leurs revenus aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines et avoir rencontreacute et
conseilleacute sur place aux Eacutetats-Unis des clients qui nrsquoavaient pas deacuteclareacute
leurs comptes au fisc ameacutericain Lrsquoabandon des poursuites eacutetait convenu en
contrepartie du paiement drsquoune somme transactionnelle (settlement amount)
de 780 millions de dollars ameacutericains (USD)
10 Le 19 feacutevrier 2009 lrsquoIRS introduisit devant le mecircme tribunal une
proceacutedure civile (dite John Doe summons ou laquo JDS raquo) tendant agrave ce qursquoil
soit enjoint agrave UBS SA de livrer lrsquoidentiteacute de ses 52 000 clients ameacutericains et
un certain nombre de donneacutees sur les comptes dont ils eacutetaient titulaires
aupregraves drsquoelle
11 La Suisse ayant eacutemis la crainte que le diffeacuterend entre les autoriteacutes
ameacutericaines et UBS nrsquoengendre un conflit entre le droit suisse et le droit
ameacutericain si lrsquoIRS obtenait ces informations la proceacutedure civile fut
suspendue dans la perspective drsquoune conciliation extrajudiciaire
12 Afin de permettre lrsquoidentification des contribuables concerneacutes le
Conseil feacutedeacuteral (gouvernement) de la Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis
drsquoAmeacuterique (laquo les Eacutetats-Unis raquo) conclurent le 19 aoucirct 2009 un laquo Accord
concernant la demande de renseignements de lrsquoInternal Revenue Service des
ARREcircT GSB c SUISSE 3
Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit
laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)
Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la
demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients
ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et
conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere
drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)
Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la
demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes
ouverts ou clos raquo
La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle
speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)
suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative
En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte
conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du
John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30
ci-dessous)
13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide
administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables
ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le
31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de
disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une
division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo
14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA
de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998
concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double
imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida
drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de
fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de
lrsquoAccord 09
15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal
administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC
qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation
relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF
consideacutera
ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur
du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96
ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee
en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct
(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc
4 ARREcircT GSB c SUISSE
sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37
ci-dessous)
ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations
qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse
crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais
drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres
ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet
accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le
parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil
feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante
En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions
rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09
16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010
lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause
En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord
environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct
atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse
lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de
nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales
avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les
Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait
srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour
les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal
ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS
les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes
tregraves eacuteleveacutees
Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le
Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements
de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le
19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo
Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles
eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les
parties
17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de
lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de
renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet
accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et
le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10
est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au
paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant
reacutedigeacute en anglais)
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 3
Eacutetats-Unis relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA raquo (dit
laquo Accord 09 raquo paragraphe 30 ci-dessous)
Selon lrsquoarticle premier de lrsquoAccord 09 la Suisse srsquoengageait agrave traiter la
demande drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis concernant les clients
ameacutericains drsquoUBS SA selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe dudit accord et
conformeacutement par ailleurs agrave la Convention du 2 octobre 1996 entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere
drsquoimpocircts sur le revenu (CDI-US 96 paragraphe 29 ci-dessous)
Sur la base desdits critegraveres les parties agrave lrsquoAccord 09 estimaient que la
demande drsquoentraide administrative portait sur laquo environ 4 450 comptes
ouverts ou clos raquo
La Suisse srsquoengageait en outre agrave creacuteer laquo une uniteacute opeacuterationnelle
speacuteciale raquo permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC)
suisse de rendre dans certains deacutelais ses deacutecisions finales dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative
En contrepartie lrsquoaccord preacutevoyait que les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteraient au tribunal ameacutericain du district sud de Floride une requecircte
conjointe tendant au classement de la demande drsquoexeacutecution du
John Doe summons (voir lrsquoarticle 3 de lrsquoAccord 09 paragraphe 30
ci-dessous)
13 Le 31 aoucirct 2009 lrsquoIRS adressa agrave lrsquoAFC une demande drsquoentraide
administrative en vue drsquoobtenir des informations sur les contribuables
ameacutericains qui dans la peacuteriode comprise entre le 1er janvier 2001 et le
31 deacutecembre 2008 avaient eu laquo le droit de signature ou un autre droit de
disposer raquo des comptes bancaires laquo deacutetenus surveilleacutes ou entretenus par une
division drsquoUBS SA ou une de ses succursales ou filiales en Suisse raquo
14 Le 1er septembre 2009 lrsquoAFC prit une deacutecision imposant agrave UBS SA
de fournir des renseignements au sens de lrsquoordonnance du 15 juin 1998
concernant la convention ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double
imposition (CDI-US 96 voir paragraphe 29 ci-dessous) Elle deacutecida
drsquoouvrir une proceacutedure drsquoentraide administrative et demanda agrave UBS SA de
fournir en particulier les dossiers complets des clients viseacutes par lrsquoannexe de
lrsquoAccord 09
15 Par un arrecirct du 21 janvier 2010 (A-77892009) le Tribunal
administratif feacutedeacuteral (TAF) admit un recours contre une deacutecision de lrsquoAFC
qui concernait dans le cadre de lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09 une contestation
relevant de la cateacutegorie deacutefinie sous le point 2Ab Dans ses motifs le TAF
consideacutera
ndash que lrsquoAccord 09 eacutetait un accord mutuel qui devait rester agrave lrsquointeacuterieur
du cadre fixeacute par la convention dont il deacutependait agrave savoir la CDI-US 96
ndash qursquoaux termes de cette derniegravere lrsquoentraide administrative eacutetait accordeacutee
en cas de fraude fiscale mais pas en cas de soustraction agrave lrsquoimpocirct
(crsquoest-agrave-dire de simple omission de deacuteclarer un compte bancaire au fisc
4 ARREcircT GSB c SUISSE
sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37
ci-dessous)
ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations
qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse
crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais
drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres
ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet
accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le
parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil
feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante
En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions
rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09
16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010
lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause
En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord
environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct
atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse
lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de
nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales
avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les
Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait
srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour
les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal
ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS
les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes
tregraves eacuteleveacutees
Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le
Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements
de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le
19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo
Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles
eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les
parties
17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de
lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de
renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet
accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et
le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10
est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au
paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant
reacutedigeacute en anglais)
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
4 ARREcircT GSB c SUISSE
sur cette distinction en droit fiscal suisse voir paragraphes 36 et 37
ci-dessous)
ndash que partant la CDI-US 96 ne permettait lrsquoeacutechange drsquoinformations
qursquoen cas de laquo fraude ou deacutelit semblable raquo au sens du droit suisse
crsquoest-agrave-dire en cas drsquoescroquerie fiscale (soustraction agrave lrsquoimpocirct par le biais
drsquoun montage astucieux) ou drsquousage de faux dans les titres
ndash qursquoau vu des obligations qursquoil mettait agrave la charge de la Suisse cet
accord aurait ducirc revecirctir la forme drsquoun traiteacute international ratifieacute par le
parlement feacutedeacuteral suisse et ecirctre soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
ndash que partant la forme drsquoun simple accord amiable conclu par le Conseil
feacutedeacuteral seul eacutetait insuffisante
En conseacutequence le Tribunal administratif feacutedeacuteral invalida les deacutecisions
rendues par lrsquoAFC sur la base de lrsquoAccord 09
16 Avec lrsquoentreacutee en force de cet arrecirct du TAF du 21 janvier 2010
lrsquoapplication de lrsquoAccord 09 se trouvait remise en cause
En effet sur les quelque 4 450 cas individuels viseacutes par cet accord
environ 4 200 concernaient des cas de soustraction continue agrave lrsquoimpocirct
atteignant une ampleur importante Or de lrsquoavis du gouvernement suisse
lrsquoimpossibiliteacute de fournir une entraide administrative dans ces cas eacutetait de
nature agrave mettre la Suisse en grande difficulteacute dans ses relations bilateacuterales
avec les Eacutetats-Unis Le Conseil feacutedeacuteral estima qursquoil eacutetait probable que les
Eacutetats-Unis imposeraient des mesures compensatoires et qursquoil fallait
srsquoattendre au minimum agrave ce qursquoils reacuteactivent la proceacutedure drsquoexeacutecution pour
les clients drsquoUBS par la voie de lrsquoentraide administrative Un tribunal
ameacutericain pourrait alors craignait-il condamner UBS SA agrave fournir agrave lrsquoIRS
les donneacutees en question et faire exeacutecuter le jugement au moyen drsquoastreintes
tregraves eacuteleveacutees
Afin drsquoeacuteviter cela apregraves de nouvelles neacutegociations avec les Eacutetats-Unis le
Conseil feacutedeacuteral conclut le 31 mars 2010 un laquo Protocole modifiant lrsquoAccord
entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de renseignements
de lrsquoIRS relative agrave la socieacuteteacute de droit suisse UBS SA signeacute agrave Washington le
19 aoucirct 2009 raquo dit laquo Protocole 10 raquo
Les dispositions de ce protocole venaient srsquointeacutegrer agrave lrsquoAccord 09 Elles
eacutetaient applicables agrave titre provisoire degraves le jour de sa signature par les
parties
17 Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 laquo portant approbation de
lrsquoAccord entre la Suisse et les Eacutetats-Unis concernant la demande de
renseignements relative agrave UBS SA ainsi que du protocole modifiant cet
accord raquo lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale (parlement suisse) approuva lrsquoAccord 09 et
le Protocole 10 et autorisa le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 tel que modifieacute par le Protocole 10
est parfois deacutesigneacutee sous lrsquoappellation de laquo Convention 10 raquo (voir au
paragraphe 30 ci-dessous la traduction franccedilaise du texte lrsquooriginal eacutetant
reacutedigeacute en anglais)
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 5
Lrsquoarrecircteacute feacutedeacuteral susmentionneacute preacutecisait que la possibiliteacute de reacutefeacuterendum
facultatif preacutevue par lrsquoarticle 141 de la Constitution feacutedeacuterale pour certains
traiteacutes internationaux conclus par la Suisse (paragraphe 35 ci-dessous)
nrsquoeacutetait pas ouverte en lrsquoespegravece
18 Le 15 juillet 2010 le Tribunal administratif feacutedeacuteral rendit un arrecirct
dans une affaire pilote (A-40132010) au sujet de la validiteacute de la
Convention 10 Dans cet arrecirct le TAF jugea
ndash que la Convention 10 le liait pleinement au sens de lrsquoarticle 190 de la
Constitution (voir paragraphe 34 ci-dessous)
ndash que le droit international ne connaissait pas de hieacuterarchie mateacuterielle
(hormis la preacuteeacuteminence du ius cogens) et que partant la Convention 10
eacutetait de mecircme rang que la CDI-US 96
ndash que la CDI-US 96 eacutetant tout comme la Convention (de sauvegarde des
droits de lrsquohomme et des liberteacutes fondamentales) et le Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (laquo Pacte ONU II raquo) anteacuterieure agrave la
Convention 10 ses dispositions ne trouvaient application que pour autant
qursquoelles nrsquoeacutetaient pas contredites par les regravegles de cette derniegravere la
Convention 10 primant en vertu de sa posteacuterioriteacute
B La proceacutedure concernant le requeacuterant
1 Lrsquoorigine de lrsquoaffaire
19 Le dossier du requeacuterant fut transmis par UBS agrave lrsquoAFC le
19 janvier 2010
Dans sa deacutecision finale qui fut prise le 7 juin 2010 lrsquoAFC retint que
toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative
agrave lrsquoIRS et ordonner que lui soient fournis les documents eacutediteacutes par UBS SA
20 Le 7 juillet 2010 le requeacuterant introduisit un recours contre cette
deacutecision aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral
Par un arrecirct du 21 septembre 2010 sans entrer dans lrsquoexamen de sa
leacutegaliteacute intrinsegraveque le tribunal annula la deacutecision du 7 juin 2010 en relevant
que le droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu nrsquoavait pas eacuteteacute respecteacute En
conseacutequence il renvoya lrsquoaffaire agrave lrsquoAFC pour qursquoelle donne lrsquooccasion au
requeacuterant de preacutesenter ses observations et rende une nouvelle deacutecision au
sujet de lrsquoentraide administrative agrave accorder ou non aux autoriteacutes
ameacutericaines dans son cas
21 Par une lettre du 28 septembre 2010 lrsquoAFC impartit au requeacuterant un
deacutelai allant jusqursquoau 29 octobre 2010 pour transmettre ses eacuteventuelles
observations avant qursquoune nouvelle deacutecision ne soit rendue
Le 13 octobre 2010 le requeacuterant deacuteposa lrsquoexposeacute de sa position
Dans sa deacutecision finale du 4 novembre 2010 lrsquoAFC consideacutera derechef
que toutes les conditions eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
6 ARREcircT GSB c SUISSE
administrative agrave lrsquoIRS et enjoindre agrave UBS SA de lui communiquer les
documents demandeacutes
22 Le 8 deacutecembre 2010 le requeacuterant forma un recours contre la
deacutecision du 4 novembre 2010 aupregraves du Tribunal administratif feacutedeacuteral Il
deacutenonccedilait en substance lrsquoabsence de base leacutegale des deacutecisions du
1er septembre 2009 et du 4 novembre 2010 ainsi que la violation de la
Convention et drsquoautres traiteacutes internationaux agrave travers notamment le
non-respect selon lui de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois du droit au
respect de sa vie priveacutee de la preacutesomption drsquoinnocence du principe de
lrsquoeacutegaliteacute et de la non-discrimination ou encore de son droit de se taire
2 Lrsquoarrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral (TAF) du 2 mars 2011
23 Statuant en tant que derniegravere instance nationale le Tribunal
administratif feacutedeacuteral rendit son arrecirct le 2 mars 2011
Il jugea tout drsquoabord en substance que la Convention 10 liait les
autoriteacutes suisses consideacuterant que celles-ci nrsquoavaient pas agrave veacuterifier sa
conformiteacute au droit feacutedeacuteral et aux conventions anteacuterieures
Se reacutefeacuterant ensuite agrave lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 (voir
paragraphe 18 ci-dessus) le Tribunal administratif feacutedeacuteral srsquoexprima
comme suit
laquo 32 La deacutecision du 1er septembre 2009 de lrsquoAFC agrave lrsquoeacutegard drsquoUBS SA ne porte
pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative Il srsquoagit simplement drsquoune deacutecision par
laquelle lrsquoautoriteacute infeacuterieure a requis drsquoUBS SA des renseignements au sens de
lrsquoarticle 20c alineacutea 3 CDI-US 96 Degraves lors il y a lieu drsquoadmettre que lrsquoAccord 09 en
relation avec la disposition preacuteciteacutee constituait une base leacutegale suffisante pour
permettre agrave lrsquoAFC de prendre une deacutecision agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA exigeant en
particulier que les dossiers complets des clients tombant sous lrsquoannexe agrave lrsquoAccord 09
lui soient fournis Dans ces conditions le grief du recourant est mal fondeacute
411 Dans lrsquoaffaire pilote A-40132010 du 15 juillet 2010 le Tribunal de ceacuteans
est arriveacute agrave la conclusion que la Convention 10 eacutetait contraignante pour les autoriteacutes
suisses Ni le droit interne ni la pratique interne des autoriteacutes ne permettaient drsquoy
deacuteroger Il a exposeacute que en vertu de lrsquoarticle 190 [de la Constitution] les autoriteacutes
eacutetaient tenues drsquoappliquer le droit international dont fait en particulier partie la
Convention 10 et que ndash en tout eacutetat de cause ndash la conformiteacute du droit international
avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales ne pouvait ecirctre examineacutee lorsque le
droit international eacutetait plus reacutecent Le Tribunal administratif feacutedeacuteral a ainsi admis
que la Convention 10 devait ecirctre appliqueacutee mecircme si elle eacutetait contraire agrave la
constitution feacutedeacuterale ou agrave des lois feacutedeacuterales (cf arrecirct du Tribunal administratif
feacutedeacuteral A-40132010 du 15 juillet 2010 consideacuterant 3 et les reacutefeacuterences citeacutees cf
eacutegalement arrecircts du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-70142010 du 3 feacutevrier 2011
consideacuterant 411 et les reacutefeacuterences citeacutees A-48352010 du 11 janvier 2011
consideacuterant 511 et A-60532010 du 10 janvier 2011 consideacuterant 21)
412 Concernant plus preacuteciseacutement la relation entre les diffeacuterentes conventions (la
Convention 10 la CDI-US 96 [en particulier son article 26] la CEDH [en particulier
son article 8] et le Pacte ONU II [en particulier son article 17]) il a indiqueacute qursquoelle
eacutetait deacutetermineacutee drsquoapregraves les seules regravegles de lrsquoarticle 30 de la convention de Vienne
sur le droit des traiteacutes du 23 mai 1969 (CV) et que le droit international ne
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 7
connaissait pas ndash agrave lrsquoexception de la preacuteeacuteminence du ius cogens ndash de hieacuterarchie
mateacuterielle Le Tribunal de ceacuteans a ainsi consideacutereacute que les regravegles de la Convention 10
primaient sur les autres dispositions de droit international y compris lrsquoarticle 8
CEDH et lrsquoarticle 17 Pacte ONU II ces deux derniegraveres dispositions ne contenant pas
de ius cogens Il a toutefois retenu que mecircme si lrsquoarticle 8 alineacutea 1 CEDH eacutetait
applicable les conditions prescrites agrave lrsquoarticle 8 alineacutea 2 CEDH qui permet de
restreindre le droit au respect de la vie priveacutee et familiale eacutetaient reacutealiseacutees La
Convention 10 eacutetait en effet une base juridique suffisante agrave la lumiegravere de la
jurisprudence de la Cour europeacuteenne des droits de lrsquohomme Les importants inteacuterecircts
eacuteconomiques de la Suisse ainsi que lrsquointeacuterecirct agrave pouvoir respecter les engagements
internationaux pris preacutevalaient en outre sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes
concerneacutees par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale ()
413 Le Tribunal de ceacuteans a eacutegalement exposeacute dans lrsquoarrecirct A-40132010 preacuteciteacute
que lrsquoarticle 7 alineacutea 1 CEDH (pas de peine sans loi) nrsquoeacutetait pas pertinent en matiegravere
de proceacutedure drsquoentraide administrative Cette disposition eacutetait exceptionnellement
applicable dans le cadre de la proceacutedure drsquoentraide suisse si la personne concerneacutee
par lrsquoentraide eacutetait menaceacutee dans lrsquoEacutetat requeacuterant par une proceacutedure violant
lrsquoarticle 7 CEDH () Or tel nrsquoeacutetait pas le cas en lrsquoespegravece ()
415 Le Tribunal de ceacuteans a aussi jugeacute que les parties agrave un accord international
eacutetaient libres de preacutevoir expresseacutement ou de maniegravere implicite son application
reacutetroactive () Des regravegles de proceacutedure pouvaient par ailleurs ecirctre appliqueacutees de
maniegravere reacutetroactive agrave des faits anteacuterieurs car lrsquointerdiction de la non-reacutetroactiviteacute ne
valait que pour le droit peacutenal mateacuteriel et non pas pour le droit de proceacutedure dont les
dispositions en matiegravere drsquoentraide administrative faisaient partie () Par ailleurs
les parties agrave la Convention 10 avaient voulu qualifier diffeacuteremment des faits qui
srsquoeacutetaient deacuterouleacutes anteacuterieurement agrave la signature de lrsquoAccord 09 ce qui eacutetait
communeacutement appeleacute laquo effet reacutetroactif raquo Cette volonteacute drsquoappliquer avec effet
reacutetroactif lrsquoAccord 09 ndash devenu la Convention 10 ndash ressortait clairement des critegraveres
pour accorder lrsquoentraide fixeacutes dans lrsquoannexe agrave la Convention 10 Bien que les parties
eussent preacuteciseacute agrave lrsquoarticle 8 de la Convention 10 que cette derniegravere entrerait en
vigueur au moment de sa signature elles avaient voulu cet effet reacutetroactif ()
417 En lrsquoespegravece il y a lieu de constater agrave la lumiegravere des arrecircts susdits que les
objections suivantes relatives agrave la validiteacute et agrave lrsquoapplicabiliteacute de la Convention 10
peuvent sans autre ecirctre eacutecarteacutees contradiction avec la CEDH et drsquoautres traiteacutes
internationaux violation du principe de lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute des lois
(cf article 7 CEDH et article 15 Pacte ONU II) ainsi que violation du droit au
respect de la sphegravere priveacutee (cf article 8 CEDH) De plus contrairement agrave lrsquoopinion
du recourant la Convention 10 est en lrsquooccurrence une base leacutegale suffisante pour
accorder lrsquoentraide et ce nonobstant la non-soumission au reacutefeacuterendum (facultatif)
Enfin mecircme si la Suisse ne pouvait ndash dans le cas preacutecis ndash obtenir les mecircmes
informations selon son propre droit elle reste lieacutee par ses engagements
internationaux et doit accorder lrsquoentraide lorsque les conditions sont remplies
42 Le recourant considegravere en outre que la Convention 10 violerait le principe de
lrsquoeacutegaliteacute et celui de non-discrimination en peacutenalisant uniquement une certaine
cateacutegorie de personnes crsquoest-agrave-dire les clients drsquoUBS SA La Convention 10 ne
srsquoappliquerait en effet qursquoaux clients drsquoUBS SA et non pas aux clients drsquoautres
banques Le recourant invoque les articles 8 Cst 14 CEDH 2 paragraphe 2 du
Pacte international du 16 deacutecembre 1966 relatif aux droits eacuteconomiques sociaux et
culturels (Pacte ONU I RS 01031) ainsi que 2 paragraphe 1 et 26 Pacte ONU II
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
8 ARREcircT GSB c SUISSE
Comme exposeacute ci-avant le Tribunal de ceacuteans ne peut pas veacuterifier la conformiteacute de
la Convention 10 avec la constitution feacutedeacuterale et les lois feacutedeacuterales Celle-lagrave prime en
outre les accords internationaux anteacuterieurs qui lui seraient contraires (cf consideacuterant
412 ci-avant) La Convention 10 doit degraves lors ecirctre appliqueacutee mecircme si elle instaure
un reacutegime juridique diffeacuterent pour les clients drsquoUBS SA par rapport agrave des clients
drsquoautres banques (cf arrecirct du Tribunal administratif feacutedeacuteral A-71562010 du
17 janvier 2011 consideacuterant 521)
() raquo
24 Par ces motifs le Tribunal administratif feacutedeacuteral rejeta le recours du
requeacuterant
3 Deacuteveloppements ulteacuterieurs
25 Le 24 mars 2011 le requeacuterant forma un recours en matiegravere de droit
public devant le Tribunal feacutedeacuteral au motif que les consideacuterations de lrsquoarrecirct
attaqueacute seraient propres agrave lrsquoentraide peacutenale et non pertinentes en matiegravere
drsquoentraide administrative
Par un arrecirct du 11 avril 2011 celui-ci deacuteclara le recours irrecevable en
renvoyant essentiellement agrave un arrecirct du 20 deacutecembre 2010 (ATF 137 II 128)
selon lequel les recours dirigeacutes contre les deacutecisions de lrsquoAFC rendues en
application de la convention de double imposition et des accords ulteacuterieurs
passeacutes avec les Eacutetats-Unis relevaient bien de lrsquoentraide administrative
26 Le 14 deacutecembre 2012 les donneacutees bancaires concernant le requeacuterant
ont eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
27 Par une lettre du 14 juin 2013 la Cour a demandeacute au requeacuterant de
bien vouloir lui faire connaicirctre les deacuteveloppements ulteacuterieurs de lrsquoaffaire
et en particulier drsquoexposer succinctement en quoi consistaient les
conseacutequences ou sanctions peacutenales qursquoil aurait personnellement et
effectivement subies aux Eacutetats-Unis apregraves la divulgation des donneacutees
bancaires le concernant ordonneacutee par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions
28 Par une lettre du 7 aoucirct 2013 le requeacuterant a indiqueacute ne pas ecirctre alors
en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Par une autre lettre du 30 juin 2014 le requeacuterant preacutecisa que le controcircle
fiscal des autoriteacutes ameacutericaines eacutetait toujours en cours et qursquoil nrsquoavait pas
jusqursquoagrave ce moment-lagrave eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 9
II LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNATIONAUX ET INTERNES
PERTINENTS
A Droit international
1 La Convention du 2 octobre 1996 entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en
vue drsquoeacuteviter les doubles impositions en matiegravere drsquoimpocircts sur le
revenu (laquo CDI-US 96 raquo)
29 Conclue le 2 octobre 1996 et approuveacutee par lrsquoAssembleacutee feacutedeacuterale le
10 octobre 1997 la CDI-US 96 est entreacutee en vigueur le 19 deacutecembre 1997
jour de lrsquoeacutechange des instruments de ratification
Sur la question de lrsquoeacutechange de renseignements pour preacutevenir les fraudes
et deacutelits semblables (laquo tax fraud or the like raquo1) il y est stipuleacute ce qui suit
laquo Article 26 ndash Eacutechange de renseignements
1 Les autoriteacutes compeacutetentes des Eacutetats contractants eacutechangent les renseignements
(que les leacutegislations fiscales des deux Eacutetats contractants permettent drsquoobtenir)
neacutecessaires pour appliquer les dispositions de la preacutesente Convention ou pour
preacutevenir les fraudes et deacutelits semblables portant sur un impocirct viseacute par la preacutesente
Convention Dans les cas de fraude fiscale (a) lrsquoeacutechange de renseignements nrsquoest
pas limiteacute par lrsquoarticle 1 (Personnes viseacutees) et (b) srsquoil est expresseacutement demandeacute par
lrsquoautoriteacute compeacutetente drsquoun Eacutetat contractant lrsquoautoriteacute compeacutetente de lrsquoautre Eacutetat
contractant fournira les renseignements conformeacutement au preacutesent article sous forme
de copie authentique des donneacutees ou documents originaux non modifieacutes Tout
renseignement reccedilu par un Eacutetat contractant doit ecirctre tenu secret de la mecircme maniegravere
que les renseignements obtenus en application de la leacutegislation fiscale de cet Eacutetat et
nrsquoest communiqueacute qursquoaux personnes ou autoriteacutes (y compris les tribunaux et
organes administratifs) concerneacutees par lrsquoeacutetablissement ou le recouvrement des
impocircts viseacutes par la Convention par lrsquoadministration et la mise en exeacutecution de ces
impocircts ou par les deacutecisions sur les recours relatifs agrave ces impocircts Ces personnes ou
autoriteacutes nrsquoutilisent ces renseignements qursquoagrave ces fins Il ne pourra pas ecirctre eacutechangeacute
de renseignements qui deacutevoileraient un secret commercial drsquoaffaires industriel ou
professionnel ou un proceacutedeacute commercial
2 Chaque Eacutetat contractant peut percevoir les impocircts leveacutes par lrsquoautre Eacutetat
contractant comme si ces impocircts eacutetaient les impocircts du premier Eacutetat afin drsquoassurer
que lrsquoexemption ou le taux reacuteduit drsquoimpocirct accordeacute par cet autre Eacutetat aux articles 10
(Dividendes) 11 (Inteacuterecircts) 12 (Redevances) et 18 (Pensions et rentes) de la preacutesente
Convention ne beacuteneacuteficie pas agrave des personnes qui nrsquoont pas droit agrave de tels avantages
3 Les dispositions du preacutesent article ne peuvent en aucun cas ecirctre interpreacuteteacutees
comme imposant agrave lrsquoun des Eacutetats contractants lrsquoobligation de prendre des mesures
administratives deacuterogeant agrave la reacuteglementation propre ou agrave la pratique administrative
de lrsquoun des Eacutetats contractants ou qui sont contraires agrave sa souveraineteacute agrave sa seacutecuriteacute
ou agrave lrsquoordre public ou de transmettre des indications qui ne peuvent ecirctre obtenues ni
sur la base de sa propre leacutegislation ni de celle de lrsquoEacutetat qui les demande
1 La convention est reacutedigeacutee en allemand et en anglais Le texte franccedilais ici reproduit est la
traduction qui en a eacuteteacute publieacutee au Recueil officiel (RO 1999 1460)
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
10 ARREcircT GSB c SUISSE
4 Les autoriteacutes compeacutetentes peuvent mettre agrave disposition de la commission
drsquoarbitrage eacutetablie selon le paragraphe 6 de lrsquoarticle 25 (Proceacutedure amiable) les
renseignements neacutecessaires pour exeacutecuter la proceacutedure drsquoarbitrage Les membres de
cette commission drsquoarbitrage sont astreints aux prescriptions sur le secret deacutecrites
dans le preacutesent article raquo
2 LrsquoAccord sur la demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave
UBS SA dans sa version consolideacutee (dit aussi laquo Convention 10 raquo)
30 La demande de renseignements de lrsquoIRS relative agrave UBS SA a fait
lrsquoobjet drsquoun accord bilateacuteral (laquo Accord entre la Confeacutedeacuteration suisse et les
Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique concernant la demande de renseignements de
lrsquoInternal Revenue Service des Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique relative agrave la socieacuteteacute
de droit suisse UBS SA raquo) dit laquo Accord 09 raquo ulteacuterieurement suivi drsquoun
protocole modificatif (le laquo Protocole 10 raquo)
Par un arrecircteacute feacutedeacuteral du 17 juin 2010 le parlement suisse a approuveacute ces
deux instruments et autoriseacute le Conseil feacutedeacuteral agrave les ratifier
La version consolideacutee de lrsquoAccord 09 inteacutegrant le Protocole 10 est aussi
deacutesigneacutee sous le nom de laquo Convention 10 raquo La langue originale du texte
eacutetant lrsquoanglais la traduction franccedilaise qui en a eacuteteacute publieacutee se lit comme suit
(sans les notes de bas de page)
laquo La Confeacutedeacuteration suisse et les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique
() sont convenus des dispositions suivantes en reacutefeacuterence agrave lrsquoarticle 26 de la
Convention
Article premier ndash Demande drsquoentraide administrative
1 La Confeacutedeacuteration suisse traite la demande drsquoentraide administrative des
Eacutetats-Unis concernant les clients ameacutericains drsquoUBS SA (ci-apregraves laquodemande
drsquoentraide administrativeraquo) selon les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe au preacutesent
Accord Se fondant sur lesdits critegraveres les Parties estiment que la demande
drsquoentraide administrative porte sur environ 4 450 comptes ouverts ou clos
2 La Confeacutedeacuteration suisse met sur pied une uniteacute opeacuterationnelle speacuteciale
permettant agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions (AFC) dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative de rendre ses deacutecisions finales au sens de
lrsquoarticle 20j de lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la Convention de double
imposition ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 selon une proceacutedure acceacuteleacutereacutee Les
deacutelais sont les suivants
ndash les 500 premiegraveres deacutecisions doivent ecirctre rendues dans les 90 jours suivant la
reacuteception de la demande drsquoentraide administrative et
ndash les deacutecisions restantes sont traiteacutees en continu dans les 360 jours suivant la
reacuteception de ladite demande
3 Degraves reacuteception de la demande drsquoentraide administrative lrsquoAFC en informe UBS
SA Elle soutient en toute prioriteacute la proceacutedure preacutevue au preacutesent article en se
fondant sur les critegraveres eacutetablis en annexe Elle srsquoengage agrave traiter toutes les questions
qui pourraient survenir agrave cet eacutegard selon le meacutecanisme deacutefini agrave lrsquoarticle 5 du preacutesent
Accord
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 11
4 En vue drsquoacceacuteleacuterer le traitement de la demande drsquoentraide administrative par
lrsquoAFC lrsquoIRS demandera agrave tous les clients drsquoUBS SA srsquoassociant au programme de
divulgation volontaire agrave compter de la date de signature du preacutesent Accord de
deacuteclarer qursquoils autorisent UBS SA agrave lui fournir des renseignements sur leurs
comptes
5 La Confeacutedeacuteration suisse est precircte agrave traiter des demandes drsquoentraide
administrative compleacutementaires de lrsquoIRS relatives agrave lrsquoaffaire UBS SA en vertu de
lrsquoarticle 26 de la Convention si dans un arrecirct futur le Tribunal administratif feacutedeacuteral
eacutetend les critegraveres eacutetablis dans lrsquoannexe
()
Article 3 ndash Retrait du John Doe Summons
1 Immeacutediatement apregraves la signature du preacutesent Accord les Eacutetats-Unis et UBS SA
preacutesenteront au Tribunal ameacutericain du district du sud de la Floride une requecircte
conjointe de classer la demande drsquoexeacutecution du JDS
2 Sous reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis ne demanderont pas lrsquoexeacutecution du
JDS tant que le preacutesent Accord sera en vigueur
3 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA les
Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard le 31 deacutecembre 2009 pour
les comptes qui ne sont pas concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
4 Les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions le 1er janvier 2010 ou agrave une date
ulteacuterieure pour les comptes concerneacutes par la demande drsquoentraide administrative
lorsqursquoils auront reccedilu tous les renseignements pertinents quelle qursquoen soit la source
fournis le 18 feacutevrier 2009 ou agrave une date ulteacuterieure concernant 10 000 comptes non
deacuteclareacutes ouverts ou clos drsquoUBS SA Les Eacutetats-Unis renseigneront reacuteguliegraverement
lrsquoAFC sur le nombre de cas dans lesquels les renseignements ont eacuteteacute fournis
5 Sous reacuteserve de lrsquoobservation des dispositions de lrsquoarticle 4 par UBS SA et sous
reacuteserve de lrsquoarticle 5 les Eacutetats-Unis retireront le JDS sans conditions au plus tard
370 jours apregraves la signature du preacutesent Accord pour les comptes concerneacutes par la
demande drsquoentraide administrative
Article 4 ndash Obligations drsquoUBS
1 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave se conformer
agrave la demande de lrsquoAFC relative agrave la transmission drsquoinformations dans le cadre de la
demande drsquoentraide administrative en respectant les deacutelais suivants
ndash dans les 60 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les 500 premiers cas
ndash dans les 180 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra les cas restants mentionneacutes
respectivement aux paragraphes 2Ab et 2Bb de lrsquoannexe et
ndash dans les 270 jours apregraves qursquoUBS SA aura eacuteteacute informeacutee par lrsquoAFC que cette
derniegravere a reccedilu ladite demande elle lui soumettra tous les cas restants
2 Dans lrsquoaccord seacutepareacute conclu avec lrsquoIRS UBS SA srsquoest engageacutee agrave continuer
drsquoapporter son soutien au programme de divulgation volontaire
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
12 ARREcircT GSB c SUISSE
3 LrsquoOffice feacutedeacuteral de la justice (OFJ) avec le soutien de lrsquoAutoriteacute feacutedeacuterale de
surveillance des marcheacutes financiers (FINMA) veille agrave la stricte observation par
UBS SA de ses engagements
Article 6 ndash Confidentialiteacute
Les premiegraveres deacuteclarations publiques auront lieu simultaneacutement le 19 aoucirct 2009 agrave
15 h 30 Afin drsquoeacuteviter drsquoentraver lrsquoadministration fiscale tant aux Eacutetats-Unis qursquoen
Suisse les Parties conviennent de ne reacuteveacuteler les clauses de lrsquoannexe au preacutesent
Accord et de ne publier cette derniegravere que 90 jours apregraves la date de signature Rien
nrsquoempecircche cependant lrsquoAFC drsquoexpliquer aux titulaires des comptes concerneacutes les
critegraveres speacutecifiques sur lesquels se fonderont ses deacutecisions finales Lesdits titulaires
de comptes encourront une peine en vertu du droit peacutenal suisse srsquoils reacutevegravelent ces
critegraveres agrave des tiers avant la date de publication de lrsquoannexe
Article 8 ndash Entreacutee en vigueur
Le preacutesent Accord entre en vigueur degraves sa signature
Article 10 ndash Validiteacute et deacutenonciation
Le preacutesent Accord reste en vigueur jusqursquoagrave ce que les Parties aient confirmeacute par
eacutecrit qursquoelles se sont acquitteacutees des obligations qui en deacutecoulent
En foi de quoi les soussigneacutes ducircment autoriseacutes agrave cet effet par leurs
gouvernements respectifs ont signeacute le preacutesent Accord
Fait en deux exemplaires agrave Washington DC le 19 aoucirct 2009 en langue anglaise raquo
3 Lrsquoannexe agrave la Convention 10 (laquo lrsquoAnnexe raquo)
31 La Convention 10 comporte une annexe qui deacutefinit les critegraveres
permettant drsquoaccorder lrsquoentraide administrative dans le cadre drsquoune
demande de renseignements de lrsquoIRS Les conditions geacuteneacuterales y sont
rassembleacutees sous le point 1 les conditions pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits
semblables raquo (tax fraud or the like) se trouvent sous le point 2 ougrave sont
deacutefinies quatre cateacutegories (2Aa 2Ab 2Ba et 2Bb) Cette annexe se lit
ainsi
laquo 1 Une demande drsquoentraide administrative implique en principe lrsquoidentification
claire et preacutecise des personnes concerneacutees Cependant vu (i) le comportement fautif
mis en eacutevidence chez certains contribuables ameacutericains titulaires de comptes non
deacuteclareacutes au moyen du formulaire W-9 (non-W-9) aupregraves drsquoUBS SA Suisse (UBS) agrave
leur nom ou au nom drsquoune socieacuteteacute offshore sans activiteacutes opeacuterationnelles dont ils
eacutetaient ayants droit eacuteconomiques et (ii) la speacutecificiteacute du groupe de personnes
concerneacute deacutecrit au ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du Deferred Prosecution Agreement
(DPA) conclu entre les Eacutetats-Unis drsquoAmeacuterique et UBS le 18 feacutevrier 2009 il nrsquoest
pas neacutecessaire de mentionner les noms des clients ameacutericains drsquoUBS dans la
demande drsquoentraide administrative
Ainsi en conformiteacute avec le ch 4 de lrsquoexposeacute des faits du DPA la condition
geacuteneacuterale relative agrave lrsquoidentification des personnes sur lesquelles porte lrsquoentraide
administrative est consideacutereacutee comme remplie pour les personnes suivantes
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 13
A les clients drsquoUBS domicilieacutes aux Eacutetats-Unis qui pendant une peacuteriode situeacutee
entre 2001 et 2008 eacutetaient les titulaires directs et les ayants droit eacuteconomiques de
comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et de comptes de deacutepocirct drsquoUBS drsquoune valeur
de plus drsquoun million de francs et dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont
commis des laquo fraudes ou deacutelits semblables raquo ou
B les ressortissants ameacutericains (indeacutependamment de leur domicile) ayants droit
eacuteconomiques de comptes de socieacuteteacutes offshore fondeacutees ou exploiteacutees entre 2001 et
2008 dont il y a de seacuterieuses raisons de penser qursquoils ont commis des laquo fraudes ou
deacutelits semblables raquo
2 Les critegraveres convenus pour eacutetablir les laquo fraudes et deacutelits semblables raquo dans le
cadre de la preacutesente demande drsquoentraide administrative en reacutefeacuterence agrave la Convention
sont les suivants
A concernant les comptes-titres non deacuteclareacutes (non-W-9) et les comptes de deacutepocirct
au sens du ch 1A de la preacutesente annexe lrsquoexistence drsquoeacutetats de fait pour lesquels il y
a de seacuterieuses raisons de penser que des contribuables domicilieacutes aux Eacutetats-Unis
srsquoadonnaient aux activiteacutes suivantes
a () ou
b des agissements repreacutesentant des comportements deacutelictueux graves et durables agrave
lrsquoeacutegard desquels la Confeacutedeacuteration suisse peut obtenir des renseignements
conformeacutement agrave sa leacutegislation et agrave sa pratique administrative Selon lrsquointerpreacutetation
des Parties ces agissements incluent eacutegalement les cas ougrave (i) le contribuable
domicilieacute aux Eacutetats-Unis nrsquoa pas fourni de formulaire W-9 pendant au moins
trois ans (dont un an au moins couvert par la demande drsquoentraide administrative) et
(ii) le compte deacutetenu aupregraves drsquoUBS a geacuteneacutereacute des revenus de plus de 100 000 francs
en moyenne par an pour toute peacuteriode de trois ans comprenant un an au moins
couvert par la demande drsquoentraide administrative Lrsquoanalyse prend en compte le
revenu brut (inteacuterecircts et dividendes) et les gains en capital (eacutequivalant dans le cadre
de la demande drsquoentraide administrative agrave 50 du produit brut des ventes reacutealiseacutees
sur le compte durant la peacuteriode consideacutereacutee)
4 Message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et
du Protocole 10
32 La teneur du message du Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de
lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 (Feuille feacutedeacuterale 2010 p 2698 et suiv) est
la suivante dans la partie pertinente
laquo Si UBS SA avait refuseacute de fournir les donneacutees exigeacutees elle nrsquoaurait certes pas
violeacute le secret bancaire suisse ni enfreint des dispositions du code
peacutenal Pour avoir ignoreacute une injonction drsquoun tribunal ameacutericain
elle aurait cependant ducirc compter avec une astreinte tregraves eacuteleveacutee
imposeacutee conformeacutement au droit ameacutericain et compte tenu du lien
avec le JDS eacutetabli dans le DPA avec la reacuteactivation de la
proceacutedure peacutenale
()
Les uniteacutes commerciales ameacutericaines repreacutesentent une part importante des affaires
opeacuterationnelles drsquoUBS au 31 deacutecembre 2008 35 des effectifs
(27 362 personnes) eacutetaient employeacutes aux Eacutetats-Unis et environ 40
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
14 ARREcircT GSB c SUISSE
des capitaux de la gestion de fortune provenaient des Eacutetats-Unis
(onshore) Les retombeacutees neacutegatives de la mise en accusation drsquoUBS
auraient ainsi toucheacute non seulement les uniteacutes commerciales aux
Eacutetats-Unis mais lrsquoensemble du groupe agrave cause de sa forte
preacutesence sur le marcheacute inteacuterieur ameacutericain Lrsquoinsolvabiliteacute drsquoUBS
aux Eacutetats-Unis en raison des engagements financiers internationaux
au sein du groupe UBS et de ses liens financiers avec des tiers et
des clients aurait immanquablement entraicircneacute lrsquoinsolvabiliteacute de la
maison megravere (UBS SA en Suisse)
Compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique drsquoUBS SA sa deacutefaillance
aurait causeacute des dommages consideacuterables au reste du secteur
bancaire en Suisse et agrave lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble Via
le marcheacute interbancaire les autres banques suisses auraient subi
des pertes importantes sur leurs creacuteances sur UBS En cas
drsquoeffondrement drsquoUBS SA de nombreux meacutenages et entreprises dont
les comptes auraient eacuteteacute bloqueacutes et les relations de creacutedit
interrompues nrsquoauraient plus eacuteteacute en mesure de faire face agrave leurs
deacutepenses courantes ni drsquoeffectuer des investissements Dans toute
la Suisse pregraves de 128 000 PME et plus de trois millions de
comptes en incluant les particuliers auraient eacuteteacute toucheacutes La
deacutefaillance drsquoUBS qui aurait ineacuteluctablement suivi sa mise en
accusation aurait ainsi agrave court terme preacutesenteacute une grave menace
pour lrsquoapprovisionnement en liquiditeacutes et dangereusement
deacutestabiliseacute le systegraveme de paiement en Suisse ndash dont un tiers passe
par UBS SA
() raquo
5 La Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes
33 Les dispositions pertinentes de la Convention de Vienne de 1969
(CV) sont libelleacutees comme suit
Article 26 ndash Pacta sunt servanda
laquo Tout traiteacute en vigueur lie les parties et doit ecirctre exeacutecuteacute par elles de bonne foi
Article 27 ndash Droit interne et respect des traiteacutes
Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant
la non-exeacutecution drsquoun traiteacute Cette regravegle est sans preacutejudice de lrsquoarticle 46
Article 28 ndash Non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes
Agrave moins qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie les dispositions drsquoun traiteacute ne lient pas une partie en ce qui concerne un acte
ou fait anteacuterieur agrave la date drsquoentreacutee en vigueur de ce traiteacute au regard de cette partie ou
une situation qui avait cesseacute drsquoexister agrave cette date
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 15
Article 46 ndash Dispositions du droit interne concernant la compeacutetence
pour conclure des traiteacutes
1 Le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par un traiteacute a eacuteteacute exprimeacute en
violation drsquoune disposition de son droit interne concernant la compeacutetence pour
conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par cet Eacutetat comme viciant son
consentement agrave moins que cette violation nrsquoait eacuteteacute manifeste et ne concerne une
regravegle de son droit interne drsquoimportance fondamentale
2 Une violation est manifeste si elle est objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se
comportant en la matiegravere conformeacutement agrave la pratique habituelle et de bonne foi raquo
B Droit interne
1 La Constitution feacutedeacuterale de la Confeacutedeacuteration suisse du 18 avril 1999
34 Lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale est libelleacute comme suit
Article 190 ndash Droit applicable
laquo Le Tribunal feacutedeacuteral et les autres autoriteacutes sont tenus drsquoappliquer les lois feacutedeacuterales
et le droit international raquo
35 Pour lrsquoadoption de certains traiteacutes internationaux est preacutevu de faccedilon
geacuteneacuterale le droit pour une partie de la population ou des cantons de
demander lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum
Article 141 ndash Reacutefeacuterendum facultatif
laquo Si 50 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote ou huit cantons le
demandent dans les 100 jours agrave compter de la publication officielle de lrsquoacte sont
soumis au vote du peuple
a ndash c ()
d les traiteacutes internationaux qui
1 sont drsquoune dureacutee indeacutetermineacutee et ne sont pas deacutenonccedilables
2 preacutevoient lrsquoadheacutesion agrave une organisation internationale
3 () contiennent des dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont
la mise en œuvre exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales raquo
2 La leacutegislation feacutedeacuterale en matiegravere fiscale
36 Pour comprendre lrsquoeacutetendue de la notion de laquo tax fraud or the like raquo
il est opportun de reacuteiteacuterer la distinction opeacutereacutee par la leacutegislation suisse entre
la fraude fiscale et la soustraction fiscale
37 Ainsi selon la loi feacutedeacuterale sur lrsquoimpocirct feacutedeacuteral (laquo LIFD raquo) du
14 deacutecembre 1990 agrave la diffeacuterence de la fraude fiscale qui constitue une
infraction peacutenale (article 186) la soustraction fiscale ne constitue qursquoune
infraction de droit administratif (article 175)
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
16 ARREcircT GSB c SUISSE
3 Lrsquoordonnance du 15 juin 1998 concernant la convention
ameacutericano-suisse du 2 octobre 1996 sur la double imposition
38 La section 4a de ladite ordonnance regravegle de la maniegravere suivante
lrsquoeacutechange de renseignements entre la Suisse et les Eacutetats-Unis en cas de
soupccedilon de fraude fiscale (tax fraud or the like)
laquo Article 20c ndash Examen preacuteliminaire des demandes ameacutericaines
Les demandes drsquoeacutechange de renseignements de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente
en vue de preacutevenir les fraudes viseacutees agrave lrsquoarticle 26 de la convention font lrsquoobjet drsquoun
examen preacuteliminaire par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
Srsquoil ne peut ecirctre donneacute suite agrave une demande drsquoeacutechange de renseignements
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions en fait part agrave lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente Cette derniegravere peut compleacuteter sa demande
Lorsque selon lrsquoexamen preacuteliminaire les conditions de lrsquoarticle 26 de la
convention en relation avec le ch 10 de son protocole sont vraisemblablement
remplies lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe la personne qui deacutetient
en Suisse des renseignements srsquoy rapportant (deacutetenteur de renseignements) de
lrsquoexistence de la demande et des renseignements demandeacutes Le reste du contenu de
la demande ne doit pas ecirctre communiqueacute au deacutetenteur de renseignements (article 26
paragraphe 1 3e phrase de la convention)
LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions demande simultaneacutement au deacutetenteur
de renseignements de lui remettre les renseignements et drsquoinviter la personne
concerneacutee agrave deacutesigner en Suisse un mandataire ayant pouvoir de recevoir des
notifications
Article 20d ndash Obtention des renseignements
1 Si le deacutetenteur de renseignements remet agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions les renseignements demandeacutes cette derniegravere examine les
renseignements et prend une deacutecision finale
2 Si le deacutetenteur de renseignements la personne concerneacutee ou son mandataire
ayant pouvoir de recevoir des notifications ne consent pas agrave la remise des
renseignements demandeacutes dans un deacutelai de quatorze jours lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions prend une deacutecision agrave lrsquoencontre du deacutetenteur de renseignements
par laquelle elle exige la remise des renseignements deacutesigneacutes dans la demande
ameacutericaine
3 Le secret bancaire ou un secret professionnel ne fait pas obstacle agrave lrsquoobtention
des renseignements
Article 20e ndash Droits de la personne concerneacutee
1 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions notifie eacutegalement agrave la personne
concerneacutee qui a deacutesigneacute un mandataire suisse habiliteacute agrave recevoir des notifications la
deacutecision adresseacutee au deacutetenteur de renseignements ainsi qursquoune copie de la demande
de lrsquoautoriteacute ameacutericaine compeacutetente pour autant que la demande nrsquoexige pas
expresseacutement le maintien du secret
2 Si la personne concerneacutee nrsquoa pas deacutesigneacute de mandataire habiliteacute agrave recevoir des
notifications la notification devra ecirctre entreprise par lrsquoautoriteacute ameacutericaine
compeacutetente selon le droit ameacutericain Simultaneacutement lrsquoadministration feacutedeacuterale des
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 17
contributions fixe agrave la personne concerneacutee un deacutelai pour consentir agrave lrsquoeacutechange de
renseignements ou pour deacutesigner un mandataire habiliteacute agrave recevoir des notifications
3 La personne concerneacutee peut prendre part agrave la proceacutedure et consulter le dossier
La consultation du dossier et la participation agrave la proceacutedure ne peuvent ecirctre refuseacutees
que
a pour les piegraveces et les actes de proceacutedure qursquoil y a lieu de garder secrets ou
b lorsque lrsquoarticle 26 de la convention lrsquoexige
4 Les objets documents et piegraveces qui ont eacuteteacute remis agrave lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions ou que cette derniegravere a obtenus ne doivent pas ecirctre utiliseacutes agrave des fins
drsquoapplication du droit fiscal suisse Lrsquoarticle 20j alineacutea 4 est reacuteserveacute
Article 20f ndash Mesures de contrainte
1 Si les renseignements exigeacutes dans la deacutecision ne sont pas remis agrave
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions dans le deacutelai fixeacute des mesures de
contrainte peuvent ecirctre exeacutecuteacutees Des objets et des documents et piegraveces preacutesenteacutes
sous forme eacutecrite ou sur des supports de donneacutees ou drsquoimages peuvent ecirctre saisis et
des perquisitions opeacutereacutees
2 Les mesures de contrainte doivent ecirctre ordonneacutees par le directeur de
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant Elles doivent ecirctre
exeacutecuteacutees par des fonctionnaires formeacutes agrave cet effet et seuls peuvent ecirctre saisis les
objets les documents et les piegraveces qui pourraient ecirctre en relation avec la demande
drsquoeacutechange de renseignements
3 Srsquoil y a peacuteril en la demeure et qursquoune mesure ne puisse pas ecirctre arrecircteacutee agrave temps
le fonctionnaire peut prendre une mesure de contrainte de sa propre initiative La
mesure doit ecirctre approuveacutee dans les trois jours par le Directeur de lrsquoAdministration
feacutedeacuterale des contributions ou par son remplaccedilant
4 La police des cantons et des communes soutient lrsquoAdministration feacutedeacuterale des
contributions dans lrsquoexeacutecution des mesures de contraintes
Article 20l ndash Demande sans indications personnelles
1 Si les personnes concerneacutees ne sont pas identifieacutees par des indications
personnelles dans la demande mais par un modegravele de comportement deacutetermineacute
lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions invite le deacutetenteur de renseignements agrave
identifier ces personnes et agrave faire deacutesigner par celles-ci une personne en Suisse
habiliteacutee agrave recevoir des notifications
2 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions informe en outre les personnes
concerneacutees par une publication dans la Feuille Feacutedeacuterale de lrsquoexistence drsquoune
demande drsquoassistance administrative et de leur devoir de deacutesigner une personne en
Suisse habiliteacutee agrave recevoir des notifications
3 Elle fait reacutefeacuterence dans la publication agrave lrsquoexeacutecution simplifieacutee preacutevue agrave
lrsquoarticle 20i et indique qursquoelle notifiera sa deacutecision finale agrave une personne habiliteacutee agrave
recevoir des notifications qursquoelle aura deacutesigneacutee si la personne concerneacutee nrsquoen
deacutesigne pas une dans le deacutelai prescrit Les personnes concerneacutees doivent eacutegalement
ecirctre informeacutees du fait qursquoelles peuvent obtenir des informations compleacutementaires
sur la proceacutedure aupregraves de la personne habiliteacutee agrave recevoir des notifications deacutesigneacutee
par lrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
18 ARREcircT GSB c SUISSE
4 LrsquoAdministration feacutedeacuterale des contributions annonce la publication dans la
Feuille Feacutedeacuterale dans les meacutedias ameacutericains
5 Les personnes concerneacutees doivent deacutesigner une personne habiliteacutee agrave recevoir des
notifications dans le deacutelai de 20 jours Si lrsquoobligation individuelle mentionneacutee agrave
lrsquoalineacutea 1 ne peut ecirctre notifieacutee le deacutelai commence agrave courir agrave partir du jour de la
publication dans la Feuille Feacutedeacuterale mentionneacutee agrave lrsquoalineacutea 2 raquo
C Pratique interne
39 Dans plusieurs arrecircts le Tribunal feacutedeacuteral a jugeacute que les dispositions
sur lrsquoentraide administrative et peacutenale qui obligent des tiers agrave donner
certains renseignements sont de nature proceacutedurale et que degraves lors elles
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption Il a estimeacute que le droit international ne saurait empecirccher
lrsquoapplication reacutetroactive de telles dispositions dans la mesure ougrave le principe
de non-reacutetroactiviteacute des traiteacutes au sens de lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 nrsquoest pas absolu (voir entre autres
les arrecircts (ATF) 2A55120001 du 12 avril 2002 cons 2 et 2A2502001
du 6 feacutevrier 2002 cons 3)
EN DROIT
I SUR LA DEMANDE DE RADIATION DU ROcircLE
40 Le Gouvernement rappelle que la Cour a demandeacute au requeacuterant des
renseignements concernant les conseacutequences effectives de la divulgation de
ses donneacutees bancaires et que le requeacuterant a reacutepondu le 7 aoucirct 2013 ne pas
ecirctre en mesure de reacutepondre agrave la demande de la Cour
Estimant que le requeacuterant manque ainsi agrave lrsquoobligation de coopeacuterer qui lui
est faite par lrsquoarticle 44A du regraveglement de la Cour le Gouvernement
demande que lrsquoaffaire soit rayeacutee du rocircle en application de lrsquoarticle 37 sect 1
lettre c) de la Convention libelleacute comme suit
laquo 1 Agrave tout moment de la proceacutedure la Cour peut deacutecider de rayer une requecircte du
rocircle lorsque les circonstances permettent de conclure
()
c) que pour tout autre motif dont la Cour constate lrsquoexistence il ne se justifie plus
de poursuivre lrsquoexamen de la requecircte
Toutefois la Cour poursuit lrsquoexamen de la requecircte si le respect des droits de
lrsquohomme garantis par la Convention et ses Protocoles lrsquoexige
() raquo
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 19
41 La Cour rappelle qursquoen vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement de la
Cour il incombe au requeacuterant laquo drsquoinformer la Cour de tout changement
drsquoadresse et de tout fait pertinent pour lrsquoexamen de sa requecircte raquo Une
information incomplegravete et donc trompeuse peut srsquoanalyser en un abus du
droit de recours individuel particuliegraverement lorsqursquoelle concerne le cœur de
lrsquoaffaire et que le requeacuterant nrsquoexplique pas de faccedilon suffisante pourquoi il
nrsquoa pas divulgueacute les informations pertinentes (Gross c Suisse [GC]
no 6781010 sect 28 CEDH 2014 Huumlttner c Allemagne (deacutec) no 2313004
9 juin 2006 Predescu c Roumanie no 2144703 sectsect 25-26 2 deacutecembre
2008 et Kowal c Pologne (deacutec) no 291211 18 septembre 2012) Il en va
de mecircme lorsque des deacuteveloppements nouveaux importants surviennent au
cours de la proceacutedure suivie devant la Cour et que en deacutepit de lrsquoobligation
expresse lui incombant en vertu de lrsquoarticle 47 sect 7 du regraveglement le
requeacuterant nrsquoen informe pas la Cour lrsquoempecircchant ainsi de se prononcer sur
lrsquoaffaire en pleine connaissance de cause (Centro Europa 7 Srl et Di
Stefano c Italie [GC] no 3843309 sect 97 CEDH 2012 et Miroļubovs et
autres c Lettonie no 79805 sect 63 15 septembre 2009)
42 La Cour est drsquoavis que la preacutesente affaire ne se precircte pas agrave une
radiation du rocircle Elle note que le 30 juin 2014 le requeacuterant a informeacute la
Cour qursquoil faisait actuellement lrsquoobjet drsquoun controcircle fiscal aux Eacutetats-Unis
mais qursquoil nrsquoavait pas encore eacuteteacute inculpeacute sur le plan peacutenal Compte tenu des
informations ainsi reccedilues malgreacute leur caractegravere peu abondant la Cour
nrsquoestime pas ecirctre devant le cas preacutevu agrave lrsquoarticle 37 sect 1 lettre c) de la
Convention
43 En conseacutequence la Cour rejette la demande de radiation du
Gouvernement
II SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 8 DE LA
CONVENTION
44 Le requeacuterant deacutenonce la divulgation de ses donneacutees bancaires
comme une violation de son droit au respect de sa vie priveacutee garanti par
lrsquoarticle 8 de la Convention ainsi libelleacute
laquo 1 Toute personne a droit au respect de sa vie priveacutee et familiale de son
domicile et de sa correspondance
2 Il ne peut y avoir ingeacuterence drsquoune autoriteacute publique dans lrsquoexercice de ce droit
que pour autant que cette ingeacuterence est preacutevue par la loi et qursquoelle constitue une
mesure qui dans une socieacuteteacute deacutemocratique est neacutecessaire agrave la seacutecuriteacute nationale agrave
la sucircreteacute publique au bien-ecirctre eacuteconomique du pays agrave la deacutefense de lrsquoordre et agrave la
preacutevention des infractions peacutenales agrave la protection de la santeacute ou de la morale ou agrave la
protection des droits et liberteacutes drsquoautrui raquo
45 Le Gouvernement conteste cette thegravese
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
20 ARREcircT GSB c SUISSE
A Sur la recevabiliteacute
46 La Cour constate agrave titre liminaire que le Gouvernement ne remet pas
en question lrsquoapplicabiliteacute de lrsquoarticle 8 au cas drsquoespegravece
47 Observant que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal fondeacute au
sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par ailleurs
agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute la Cour le deacuteclare recevable
B Sur le fond
1 Existence drsquoune ingeacuterence
48 Le requeacuterant soutient que la deacutecision de lrsquoAdministration feacutedeacuterale
des contributions (AFC) ordonnant agrave UBS SA de lui transmettre tous les
dossiers reacutepondant aux critegraveres de lrsquoAnnexe ainsi que celle de donner suite agrave
la requecircte de lrsquoIRS (Internal Revenue Service) constituent des ingeacuterences
dans sa vie priveacutee et sa correspondance
49 Le Gouvernement ne conteste pas que la mesure incrimineacutee
constitue une ingeacuterence dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie
priveacutee au sens de lrsquoarticle 8
50 La Cour ne voit pas de raison de mettre en doute les opinions
exprimeacutees par les parties Degraves lors il convient drsquoadmettre que le requeacuterant a
eacuteteacute victime drsquoune ingeacuterence dans son droit au respect de sa vie priveacutee au
plus tard le 14 deacutecembre 2012 lorsque ses donneacutees bancaires ont
effectivement eacuteteacute transmises aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
(paragraphe 26 ci-dessus)
51 Il nrsquoest pas douteux non plus que des informations relevant des
comptes bancaires sont agrave consideacuterer des donneacutees personnelles proteacutegeacutees par
lrsquoarticle 8 de la Convention (MN et autres c Saint-Marin no 2800512
sect 51 7 juillet 2015 avec drsquoautres reacutefeacuterences)
2 Justification de lrsquoingeacuterence
52 Pareille ingeacuterence enfreint lrsquoarticle 8 sauf si elle remplit les
exigences du paragraphe 2 de cette disposition Il reste donc agrave deacuteterminer si
lrsquoingeacuterence eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo inspireacutee par un ou plusieurs buts
leacutegitimes au regard de ce paragraphe et laquo neacutecessaire dans une socieacuteteacute
deacutemocratique raquo pour les atteindre
a) laquo Preacutevue par la loi raquo
i Les thegraveses des parties
α) Le requeacuterant
53 Pour ce qui est de la base leacutegale de lrsquoingeacuterence le requeacuterant expose
trois seacuteries drsquoarguments
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 21
Premiegraverement il rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 nrsquoont pas
eacuteteacute soumis agrave laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo comme le preacutevoyait le droit suisse
pour les traiteacutes contenant des dispositions importantes fixant des regravegles de
droit ce qui eacutetait selon lui le cas en lrsquoespegravece
Le requeacuterant ne partage pas lrsquoavis du Tribunal administratif feacutedeacuteral
(TAF) selon lequel du fait que la Suisse est lieacutee sur le plan international par
lrsquoaccord les autoriteacutes suisses sont tenues de lrsquoappliquer en vertu de
lrsquoarticle 190 de la Constitution feacutedeacuterale (voir ci-dessous) indeacutependamment
de toute meacuteconnaissance eacuteventuelle des formaliteacutes applicables agrave son
adoption
54 Deuxiegravemement le requeacuterant estime que la condition de preacutevisibiliteacute
nrsquoeacutetait pas remplie faisant valoir que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 eacutetaient
drsquoapplication reacutetroactive
Pour le requeacuterant lrsquoexigence drsquoune base leacutegale pour toute ingeacuterence dans
la vie priveacutee trouve son fondement dans lrsquoimpeacuteratif de la seacutecuriteacute juridique
qui constitue lrsquoun des eacuteleacutements fondamentaux de lrsquoEacutetat de droit
Or explique-t-il entre 2001 et 2008 lrsquoentraide internationale entre la
Suisse et les Eacutetats-Unis en matiegravere fiscale eacutetait reacutegie par la CDI-US 96 qui
excluait lrsquoeacutechange drsquoinformations en cas de simple laquo soustraction raquo fiscale
Le requeacuterant estime donc qursquoagrave cette eacutepoque les contribuables ameacutericains
qui posseacutedaient un compte non deacuteclareacute chez UBS SA pouvaient escompter
que la Suisse ne donnerait aucune suite agrave une eacuteventuelle demande des Eacutetats-
Unis au titre de lrsquoentraide administrative En lrsquoeacutelargissant aux simples cas de
soustraction fiscale lrsquoAccord 09 tel qursquoamendeacute par le Protocole 10 a
modifieacute radicalement agrave ses yeux les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide
administrative internationale
55 Troisiegravemement le requeacuterant fait valoir qursquoagrave la date de la deacutecision
rendue par lrsquoAFC agrave lrsquoencontre drsquoUBS SA concernant la remise des dossiers
des clients remplissant les critegraveres de lrsquoAccord 09 soit le
1er septembre 2009 cet instrument nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le
parlement feacutedeacuteral
56 De tout ce qui preacutecegravede le requeacuterant conclut que les mesures
incrimineacutees ne reposaient pas sur une base leacutegale suffisante
β) Le Gouvernement
57 Sur le premier point souleveacute par le requeacuterant le Gouvernement
soutient que contrairement agrave ce qursquoaffirme ce dernier lrsquoAccord 09 nrsquoentrait
pas dans le champ drsquoapplication du laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo Aux termes de
lrsquoarticle 141 lettre d) ch 3) de la Constitution feacutedeacuterale (paragraphe 35
ci-dessus) le droit de reacuteclamer lrsquoorganisation drsquoun reacutefeacuterendum agrave propos
drsquoun traiteacute international ne concerne que les traiteacutes qui contiennent des
dispositions importantes fixant des regravegles de droit ou dont la mise en œuvre
exige lrsquoadoption de lois feacutedeacuterales
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
22 ARREcircT GSB c SUISSE
La notion de laquo dispositions importantes fixant des regravegles de droit raquo
nrsquoeacutetant pas deacutefinie le Gouvernement considegravere agrave titre liminaire que le
parlement dispose drsquoune certaine marge drsquoappreacuteciation dans lrsquoapplication de
ladite disposition
58 Au soutien du choix ainsi opeacutereacute le Gouvernement souligne que le
Conseil feacutedeacuteral a exprimeacute lrsquoavis partageacute par le parlement feacutedeacuteral selon
lequel lrsquoensemble formeacute par lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ne contenait pas
de dispositions importantes fixant des regravegles de droit au sens de lrsquoarticle 141
de la Constitution feacutedeacuterale et nrsquoavait donc pas lieu drsquoecirctre exposeacute agrave
lrsquoeacuteventualiteacute drsquoun reacutefeacuterendum sur demande
59 Un argument suppleacutementaire en faveur de lrsquoexistence drsquoune base
leacutegale suffisante peut ecirctre trouveacute selon le Gouvernement dans la
Convention de Vienne sur le droit des traiteacutes de 1969 En effet aux termes
de lrsquoarticle 46 de celle-ci le fait que le consentement drsquoun Eacutetat agrave ecirctre lieacute par
un traiteacute ait eacuteteacute exprimeacute en violation drsquoune disposition de son droit interne
concernant la compeacutetence pour conclure des traiteacutes ne peut ecirctre invoqueacute par
cet Eacutetat comme viciant son consentement agrave moins que cette violation nrsquoait
eacuteteacute laquo manifeste raquo (crsquoest-agrave-dire ndash selon lrsquoalineacutea 2 du mecircme article ndash
objectivement eacutevidente pour tout Eacutetat se comportant en la matiegravere
conformeacutement au principe de la bonne foi) et ne concerne une regravegle de droit
interne drsquoimportance fondamentale
Or en lrsquoespegravece renvoyant agrave ce qui est exposeacute plus haut le
Gouvernement estime que lrsquoon ne saurait preacutetendre que ne pas soumettre
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 au reacutefeacuterendum facultatif constituait une
violation laquo objectivement eacutevidente raquo de lrsquoarticle 141 de la Constitution
feacutedeacuterale
60 Sur le deuxiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir que
lrsquoAccord 09 ne remplirait pas le critegravere de la preacutevisibiliteacute de par son
application reacutetroactive ndash le Gouvernement rappelle (en citant agrave titre
drsquoexemple lrsquoaffaire Brualla Goacutemez de la Torre c Espagne
19 deacutecembre 1997 sect 35 Recueil des arrecircts et deacutecisions 1997-VIII) qursquoil est
communeacutement admis que sauf disposition expresse contraire les lois de
proceacutedure srsquoappliquent immeacutediatement aux proceacutedures en cours
61 Le Gouvernement ajoute que dans lrsquoarticle 28 de la Convention de
Vienne preacuteciteacutee lrsquoeacutenonceacute du principe selon lequel une partie nrsquoest pas lieacutee
par les dispositions drsquoun traiteacute en ce qui concerne un acte ou fait anteacuterieur agrave
sa date drsquoentreacutee en vigueur au regard de cette partie ou une situation qui
avait cesseacute drsquoexister agrave cette date est accompagneacute de la mention laquo agrave moins
qursquoune intention diffeacuterente ne ressorte du traiteacute ou ne soit par ailleurs
eacutetablie raquo (paragraphe 34 ci-dessus) Les parties agrave un traiteacute international sont
donc libres en deacuteduit-il de convenir de lrsquoapplication reacutetroactive de ses
dispositions
62 Le Gouvernement fait eacutegalement valoir que selon une jurisprudence
constante en Suisse les dispositions sur lrsquoentraide administrative et peacutenale
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 23
srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en cours ou agrave venir y
compris lorsque ces proceacutedures portent sur des exercices fiscaux anteacuterieurs
agrave leur adoption (arrecircts du Tribunal feacutedeacuteral (ATF) 2A55120001
12 avril 2002 cons 2 2A2502001 6 feacutevrier 2002 cons 3
paragraphe 39 ci-dessus) Degraves lors il nrsquoy a selon lui rien drsquoanormal agrave ce que
lrsquoAccord 09 conclu le 19 aoucirct 2009 soit venu reacutegler lrsquoentraide
administrative pour le recouvrement drsquoimpocircts se rapportant agrave des avoirs
deacutetenus entre 2001 et 2008 lrsquoentraide administrative relevant du droit
proceacutedural selon la jurisprudence en question lrsquointerdiction de la
reacutetroactiviteacute ne trouvait pas agrave srsquoappliquer
63 Le Gouvernement expose plusieurs raisons justifiant selon lui
lrsquoapplication reacutetroactive du dispositif en question
Tout drsquoabord explique-t-il les conseacutequences juridiques auxquelles le
requeacuterant se trouve exposeacute agrave la suite de la transmission de donneacutees
concernant ses comptes chez UBS SA relegravevent du droit mateacuteriel ameacutericain
tel qursquoil eacutetait en vigueur durant la peacuteriode consideacutereacutee agrave savoir les
anneacutees 2001-2008
Ensuite en se reacutefeacuterant aux affaires Cantoni c France
(15 novembre 1996 sect 35 Recueil 1996-V) et Khodorkovskiy et Lebedev
c Russie (nos 1108206 et 1377205 sect 784 25 juillet 2013) le
Gouvernement estime que comme tout contribuable eacutevoluant de surcroicirct
dans le monde des affaires le requeacuterant devait connaicirctre ses obligations
fiscales et les risques qursquoil encourait en les contournant
64 Pour le Gouvernement le requeacuterant ne pouvait raisonnablement
exclure en srsquoentourant de conseils juridiques que le principe de la
laquo reacutetroactiviteacute raquo des normes de proceacutedure soit un jour appliqueacute aux
dispositions drsquoentraide administrative en matiegravere fiscale entre la Suisse et
les Eacutetats-Unis et cela drsquoautant plus que la pression exerceacutee agrave cette fin par
les Eacutetats-Unis et au sein de lrsquoOrganisation de coopeacuteration et de
deacuteveloppement eacuteconomiques (OCDE) eacutetait connue de longue date
65 Le Gouvernement invite eacutegalement agrave garder en vue lrsquoobjet de
lrsquointerdiction de la reacutetroactiviteacute agrave ses yeux ce principe vise agrave permettre aux
personnes concerneacutees de preacutevoir les conseacutequences de droit mateacuteriel pouvant
reacutesulter drsquoun acte incrimineacute mais pas agrave proteacuteger des comportements qui
visent sciemment agrave contourner le droit mateacuteriel par des astuces fondeacutees sur
le droit proceacutedural applicable
66 Enfin sur le troisiegraveme point souleveacute par le requeacuterant ndash agrave savoir le
fait que lrsquoAccord nrsquoavait pas encore eacuteteacute approuveacute par le parlement au
moment de la deacutecision de lrsquoAFC du 1er septembre 2009 ndash le Gouvernement
objecte que cette deacutecision ne portait pas sur lrsquooctroi de lrsquoentraide
administrative mais faisait suite agrave un examen preacutealable de la demande par
lrsquoAFC et devait permettre agrave cette derniegravere drsquoexaminer si les conditions
requises pour accorder lrsquoentraide eacutetaient remplies
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
24 ARREcircT GSB c SUISSE
En tout eacutetat de cause le Gouvernement fait valoir que lrsquoapplication agrave titre
provisoire de lrsquoAccord avant lrsquoapprobation du parlement a reccedilu lrsquoaval de ce
dernier lors de lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
67 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement est convaincu
que lrsquoAccord 09 en combinaison avec la CDI-US donnait une base leacutegale agrave
la mesure incrimineacutee au regard de lrsquoarticle 8 sect 2
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes pertinents
68 La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les termes
laquo preacutevue par la loi raquo signifient que la mesure litigieuse doit avoir une base
en droit interne et ecirctre compatible avec la preacuteeacuteminence du droit
expresseacutement mentionneacutee dans le preacuteambule de la Convention et inheacuterente agrave
lrsquoobjet et au but de lrsquoarticle 8 La loi doit ainsi ecirctre suffisamment accessible
et preacutevisible crsquoest-agrave-dire eacutenonceacutee avec assez de preacutecision pour permettre agrave
lrsquoindividu ndash en srsquoentourant au besoin de conseils eacuteclaireacutes ndash de reacutegler sa
conduite Pour que lrsquoon puisse la juger conforme agrave ces exigences elle doit
fournir une protection adeacutequate contre lrsquoarbitraire et en conseacutequence
deacutefinir avec une netteteacute suffisante lrsquoeacutetendue et les modaliteacutes drsquoexercice du
pouvoir confeacutereacute aux autoriteacutes compeacutetentes (Malone c Royaume-Uni
2 aoucirct 1984 sectsect 66-68 seacuterie A no 82 Rotaru c Roumanie [GC]
no 2834195 sect 55 CEDH 2000-V et Amann c Suisse [GC] no 2779895
sect 56 CEDH 2000-II)
69 Le niveau de preacutecision requis de la leacutegislation interne ndash laquelle ne
peut naturellement parer agrave toute eacuteventualiteacute ndash deacutepend dans une large
mesure du contenu du texte consideacutereacute du domaine qursquoil est censeacute couvrir et
du nombre et de la qualiteacute de ses destinataires (Hassan et Tchaouch
c Bulgarie [GC] no 3098596 sect 84 CEDH 2000-XI et reacutefeacuterences citeacutees)
70 Par ailleurs il appartient aux autoriteacutes nationales notamment aux
tribunaux drsquointerpreacuteter et drsquoappliquer le droit interne (Kopp c Suisse
25 mars 1998 Recueil 1998-II sect 59 et Kruslin c France 24 avril 1990
sect 29 seacuterie A no 176-A)
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
71 Le requeacuterant se plaint essentiellement de deux aspects drsquoune part
les carences drsquoordre formel qui entacheraient la base leacutegale de la mesure
litigieuse drsquoautre part le deacutefaut de preacutevisibiliteacute de la mesure deacutecoulant
selon lui de lrsquoapplication reacutetroactive des instruments en question
ndash Sur le deacutefaut de laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo et drsquoapprobation parlementaire
preacutealable quant agrave la base leacutegale de la mesure
72 En ce qui concerne le premier aspect la Cour constate que les
opinions des parties diffegraverent consideacuterablement en ce qui concerne la
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 25
question de savoir si drsquoun point de vue constitutionnel ces instruments
auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo
Toutefois la Cour estime qursquoil ne lui appartient pas de trancher cette
question dans la mesure ougrave comme il ressort de sa jurisprudence ci-dessus
rappeleacutee elle se deacutesinteacuteresse largement de la question de la proceacutedure qui a
pu mener agrave lrsquoadoption de telle ou telle loi invoqueacutee agrave lrsquoappui drsquoune
ingeacuterence dans un droit proteacutegeacute par la Convention la seule limite eacutetant
lrsquoarbitraire
73 Agrave cet eacutegard la Cour rappelle que lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 ont
eacuteteacute neacutegocieacutes et conclus par le Conseil feacutedeacuteral approuveacutes par le parlement
feacutedeacuteral puis ratifieacutes par le gouvernement selon la proceacutedure de conclusion
des traiteacutes preacutevue par le droit constitutionnel Mecircme agrave supposer que
lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 auraient ducirc ecirctre soumis agrave la possibiliteacute drsquoun
laquo reacutefeacuterendum facultatif raquo question restant controverseacutee entre les parties les
bases leacutegales de la mesure litigieuse nrsquoen seraient pas pour autant devenues
inexistantes
74 Enfin dans la mesure ougrave le requeacuterant soutient que la deacutecision de
lrsquoAFC du 1er septembre 2009 manquait eacutegalement de base leacutegale agrave cause du
deacutefaut drsquoapprobation de lrsquoAccord 09 par le parlement agrave cette date la Cour
partage lrsquoavis du Gouvernement selon lequel cette deacutecision ne portait pas
sur lrsquooctroi de lrsquoentraide administrative mais devait simplement permettre agrave
lrsquoAFC drsquoexaminer si les conditions drsquooctroi de lrsquoentraide eacutetaient remplies
En tout eacutetat de cause lrsquoapplication immeacutediate de lrsquoAccord 09 agrave titre
provisoire a eacuteteacute confirmeacutee par le gouvernement lors de son approbation et
celle du Protocole 10 lrsquoa eacuteteacute par le parlement feacutedeacuteral le 17 juin 2010
ndash Sur le deacutefaut alleacutegueacute de preacutevisibiliteacute tenant agrave lrsquoapplication reacutetroactive des
traiteacutes litigieux
75 La Cour rappelle que son rocircle est de srsquoassurer de la qualiteacute de la base
leacutegale de lrsquoingeacuterence et en particulier de son accessibiliteacute et de la
preacutevisibiliteacute suffisante de son application En lrsquoespegravece le requeacuterant ne
soutient pas que les deux instruments concerneacutes lui auraient eacuteteacute
inaccessibles Par contre il se plaint du deacutefaut de preacutevisibiliteacute de leur mise
en œuvre
76 Quant agrave la preacutevisibiliteacute de la mesure litigieuse la Cour rappelle que
la Convention ne doit pas ecirctre interpreacuteteacutee isoleacutement mais en harmonie avec
les principes geacuteneacuteraux du droit international Il convient en effet en vertu de
lrsquoarticle 31 sect 3 c) de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des
traiteacutes de tenir compte de laquo toute regravegle pertinente de droit international
applicable dans les relations entre les parties raquo en particulier celles relatives
agrave la protection internationale des droits de lrsquohomme (voir par exemple
Neulinger et Shuruk c Suisse [GC] no 4161507 sect 131 CEDH 2010 avec
les renvois qui y figurent)
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
26 ARREcircT GSB c SUISSE
Dans le cas drsquoespegravece la Cour ne considegravere pas comme deacutepourvu de
pertinence lrsquoargument du Tribunal feacutedeacuteral et du Gouvernement selon lequel
lrsquoarticle 28 de la Convention de Vienne meacutenage lui-mecircme la faculteacute pour les
parties agrave un traiteacute international drsquoaller agrave lrsquoencontre du principe de
non-reacutetroactiviteacute et de preacutevoir qursquoun fait drsquooccurrence anteacuterieure soit pris en
compte
En ce qui concerne toutefois la convention inteacuteressant la Cour au
premier chef ndash la Convention de sauvegarde des droits de lrsquohomme et des
liberteacutes fondamentales instrument deacuteployant des effets juridiques
immeacutediats vis-agrave-vis des individus ndash lrsquoeacuteventuelle application reacutetroactive
drsquoun autre traiteacute international doit srsquoappreacutecier agrave lrsquoaune des exigences de ses
propres dispositions et notamment en lrsquoespegravece de lrsquoarticle 8
77 La Cour rappelle que dans son arrecirct Brualla Goacutemez de la Torre
(preacuteciteacutee sect 35) citeacute par le Gouvernement elle a admis comme un
laquo principe geacuteneacuteralement reconnu raquo celui selon lequel sauf disposition
expresse en sens contraire les lois de proceacutedure srsquoappliquent
immeacutediatement aux proceacutedures en cours (voir eacutegalement Coeumlme et autres
c Belgique nos 3249296 3254796 3254896 3320996 et 3321096
sect 148 CEDH 2000-VII) Or comme le souligne le Gouvernement aucune
exception expresse de cette nature nrsquoexistait en lrsquoespegravece La Cour observe
qursquoil nrsquoest par ailleurs pas contesteacute par le requeacuterant que lrsquoentraide
administrative en matiegravere fiscale relegraveve du droit proceacutedural
78 Dans le preacutesent cas il existait une jurisprudence constante du
Tribunal feacutedeacuteral selon laquelle les dispositions sur lrsquoentraide administrative
et peacutenale obligeant des tiers agrave donner certains renseignements sont de nature
proceacutedurale et partant srsquoappliquent en principe agrave toutes les proceacutedures en
cours ou agrave venir mecircme portant sur des exercices fiscaux anteacuterieurs agrave leur
adoption (paragraphe 39 ci-dessus)
Le requeacuterant ducircment repreacutesenteacute par un avocat devant les instances
internes ne pouvait valablement ignorer cette pratique judiciaire Partant il
ne saurait arguer devant la Cour que lrsquoingeacuterence est intervenue drsquoune
maniegravere impreacutevisible pour lui
79 De surcroicirct on ne saurait preacutetendre que la pratique auparavant
restrictive des autoriteacutes suisses en matiegravere drsquoentraide administrative fiscale
avait pu creacuteer dans le chef du requeacuterant lrsquoattente de pouvoir continuer agrave
placer ses avoirs en Suisse en restant agrave lrsquoabri de tout controcircle de la part des
autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes ou mecircme seulement de lrsquoeacuteventualiteacute de
controcircles reacutetroactifs (voir a contrario Bigaeva c Gregravece no 2671305 sect 32
28 mai 2009)
80 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede il y a lieu de consideacuterer que la
mesure litigieuse eacutetait laquo preacutevue par la loi raquo au sens de lrsquoarticle 8 sect 2 de la
Convention
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 27
b) But leacutegitime
i Les thegraveses des parties
81 Le requeacuterant estime que les mesures incrimineacutees ne visaient aucun
but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
Selon lui le laquo bien-ecirctre eacuteconomique du pays raquo ne peut guegravere ecirctre
invoqueacute lrsquoAccord 09 et le Protocole 10 de mecircme que les deacutecisions prises
sur leur fondement servaient agrave ses yeux uniquement lrsquointeacuterecirct drsquoUBS SA et
non celui de la Suisse
Pour ce qui est de la laquo preacutevention des infractions peacutenales raquo le requeacuterant
estime qursquoelle ne peut pas non plus entrer en ligne de compte la
soustraction fiscale eacutetant en droit suisse une simple contravention et non un
deacutelit
82 De son cocircteacute le Gouvernement fait valoir que la transmission agrave lrsquoIRS
des donneacutees bancaires relatives au requeacuterant est intervenue dans le cadre de
lrsquoentraide administrative fiscale et qursquoelle contribuait agrave cet eacutegard au
maintien de lrsquoordre et agrave la preacutevention de certaines infractions peacutenales
De plus il estime que la preacutesente affaire srsquoinscrit dans un contexte
particulier Selon lui lrsquoenjeu eacutetait de parvenir agrave concilier trois
preacuteoccupations la reacutesolution du conflit qui avait pris naissance avec les
proceacutedures intenteacutees par lrsquoIRS aux Eacutetats-Unis la garantie aux personnes
concerneacutees drsquoune proceacutedure conforme aux exigences de lrsquoEacutetat de droit et la
preacutevention de risques eacuteconomiques importants non seulement pour
UBS SA mais pour la Suisse entiegravere Ces objectifs explique-t-il ne
pouvaient ecirctre atteints par le biais drsquoune mise en œuvre complegravete des
dispositions de lrsquoAccord 09
Par ailleurs ajoute le Gouvernement les mesures contesteacutees servaient
eacutegalement au maintien de la seacutecuriteacute nationale et au bien-ecirctre eacuteconomique
du pays
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
83 Le secteur bancaire repreacutesentant une branche eacuteconomique
importante pour la Suisse la Cour estime que la mesure incrimineacutee qui
participait drsquoune tentative globale du gouvernement suisse de reacutegler le
conflit entre UBS SA et les autoriteacutes fiscales ameacutericaines pouvait
valablement ecirctre consideacutereacutee comme de nature agrave contribuer agrave la protection du
bien-ecirctre eacuteconomique du pays Agrave cet eacutegard elle accepte lrsquoargument du
Gouvernement selon lequel les preacutetentions des autoriteacutes fiscales ameacutericaines
contre les banques suisses pouvaient mettre en danger la survie mecircme
drsquoUBS SA acteur important de lrsquoeacuteconomie suisse et employeur drsquoun
nombre consideacuterable de personnes drsquoougrave lrsquointeacuterecirct pour la Suisse de trouver
un regraveglement juridique efficace avec les Eacutetats-Unis
84 Compte tenu de ce qui preacutecegravede la Cour estime que la mesure
incrimineacutee poursuivait un but leacutegitime au sens de lrsquoarticle 8 sect 2
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
28 ARREcircT GSB c SUISSE
c) laquo Neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique raquo
i Les thegraveses des parties
85 Le requeacuterant ne preacutesente aucun argument agrave cet eacutegard Il estime de
faccedilon geacuteneacuterale que les ideacuteaux et valeurs drsquoune socieacuteteacute deacutemocratique ne sont
pas sauvegardeacutes et promus mais au contraire heurteacutes et malmeneacutes par les
deacutecisions litigieuses et les textes sur lesquels elles srsquoappuient
86 De son cocircteacute le Gouvernement rappelle que lors de la conclusion de
lrsquoAccord 09 la Suisse se trouvait dans une situation deacutelicate face agrave un
conflit de droit et de souveraineteacute avec les Eacutetats-Unis Dans cette situation
particuliegravere explique-t-il si la Suisse nrsquoavait pas mis en œuvre les
dispositions de lrsquoaccord il y avait lieu de srsquoattendre agrave ce que les proceacutedures
intenteacutees aux Eacutetats-Unis soient reacuteactiveacutees avec toutes les conseacutequences que
cela impliquerait Le Gouvernement rappelle agrave cet eacutegard le message du
Conseil feacutedeacuteral relatif agrave lrsquoapprobation de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10
drsquoougrave il ressort que compte tenu de lrsquoimportance systeacutemique
drsquoUBS SA sa deacutefaillance aurait causeacute des dommages
consideacuterables au reste du secteur bancaire en Suisse et agrave
lrsquoeacuteconomie du pays dans son ensemble (paragraphe 32 ci-
dessus)
87 Dans ce contexte le Gouvernement rappelle encore qursquoun objectif
central de lrsquoAccord 09 et des proceacutedures drsquoentraide mises en œuvre eacutetait de
ramener ces proceacutedures dans le cadre leacutegal de la CDI-US 96 Sans quoi
explique-t-il il fallait srsquoattendre agrave ce que les autoriteacutes ameacutericaines fassent
tout ce qui eacutetait en leur pouvoir pour se procurer les donneacutees en question en
agissant directement contre la banque LrsquoAccord 09 a ainsi permis selon lui
de meacutenager aux personnes concerneacutees ndash dont le requeacuterant ndash les garanties
drsquoune proceacutedure ordinaire drsquoentraide administrative avec possibiliteacute de
recours
Au sujet du requeacuterant eacutetant donneacute les pratiques reconnues par UBS dans
le cadre de son accord transactionnel avec les autoriteacutes de poursuite (le
DPA) le Gouvernement estime qursquoil y a tout lieu de croire que celui-ci a
profiteacute de services speacutecifiques de la banque pour dissimuler certains avoirs
aux autoriteacutes fiscales ameacutericaines
Quand bien mecircme ce ne serait pas le cas le Gouvernement note que le
seul inteacuterecirct que le requeacuterant avait agrave faire valoir contre la transmission aux
Eacutetats-Unis des donneacutees le concernant eacutetait celui de ne pas ecirctre exposeacute agrave une
proceacutedure fiscale concernant les avoirs en question soit rien drsquoautre que
drsquoeacutechapper aux obligations fiscales qui sont les siennes en vertu du droit
ameacutericain
88 Compte tenu de tout ce qui preacutecegravede le Gouvernement conclut que la
mesure eacutetait neacutecessaire dans une socieacuteteacute deacutemocratique
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 29
ii Lrsquoappreacuteciation de la Cour
α) Les principes applicables
89 Les organes de la Convention ont eu lrsquooccasion drsquoeacutetablir certains
principes reacutegissant la divulgation de donneacutees de nature sensible en
particulier meacutedicale (Z c Finlande 25 feacutevrier 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-I et MS c Suegravede 27 aoucirct 1997 Recueil des arrecircts et
deacutecisions 1997-IV) concernant la situation financiegravere drsquoun homme politique
(Wypych c Pologne (deacutec) no 242805 25 octobre 2005) ou des donneacutees
fiscales (Lundvall c Suegravede no 1047383 deacutecision de la Commission du
1er deacutecembre 1985 Deacutecisions et rapports (DR) 45 p 121)
90 Il deacutecoule des principes poseacutes par ces affaires que la Cour tient
compte en cette matiegravere du rocircle fondamental que joue la protection des
donneacutees agrave caractegravere personnel pour lrsquoexercice du droit au respect de la vie
priveacutee garantie par lrsquoarticle 8 Ainsi la leacutegislation interne doit meacutenager des
garanties approprieacutees pour empecirccher toute communication ou divulgation
de donneacutees agrave caractegravere personnel qui ne serait pas conforme aux exigences
de lrsquoarticle 8 Par ailleurs la Cour admet que la protection de la
confidentialiteacute de certaines donneacutees personnelles peut parfois srsquoeffacer
devant la neacutecessiteacute drsquoenquecircter sur des infractions peacutenales drsquoen poursuivre
les auteurs et de proteacuteger la publiciteacute des proceacutedures judiciaires lorsqursquoil
srsquoavegravere que ces derniers inteacuterecircts revecirctent une importance encore plus
grande Enfin la Cour reconnaicirct qursquoil convient drsquoaccorder aux autoriteacutes
nationales compeacutetentes une certaine latitude pour eacutetablir un juste eacutequilibre
entre la protection des inteacuterecircts publics poursuivis drsquoune part et celle des
inteacuterecircts drsquoune partie ou drsquoune tierce personne agrave voir de certaines donneacutees
rester confidentielles drsquoautre part (voir notamment Z c Finlande preacuteciteacute
sectsect 94 95 et 97-99)
91 Ces principes concernant la divulgation de certaines informations ont
largement eacuteteacute confirmeacutes et deacuteveloppeacutes par la Cour dans des affaires
relatives agrave la conservation drsquoinformations agrave caractegravere personnel (voir en
particulier les affaires S et Marper c Royaume-Uni [GC] nos 3056204 et
3056604 CEDH 2008 et Khelili c Suisse no 1618807 sectsect 61 et suiv
18 octobre 2011) Crsquoest dans ce cadre que la Cour eacutetudiera lrsquoingeacuterence
litigieuse dans le droit du requeacuterant au respect de sa vie priveacutee
β) Lrsquoapplication des principes susmentionneacutes
92 La Cour constate drsquoabord que le requeacuterant nrsquoavance pas drsquoarguments
tregraves eacutetayeacutes au soutien de lrsquoideacutee drsquoune nature disproportionneacutee de la mesure
litigieuse se contentant de dire que cette mesure ne poursuivait pas un but
leacutegitime
Elle relegraveve par contre que le Tribunal administratif feacutedeacuteral a jugeacute que
les conditions auxquelles lrsquoarticle 8 sect 2 de la Convention soumet toute
ingeacuterence dans la vie priveacutee ou familiale eacutetaient remplies en lrsquoespegravece et ce
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
30 ARREcircT GSB c SUISSE
en estimant que les importants inteacuterecircts eacuteconomiques en jeu pour le pays
ainsi que lrsquointeacuterecirct pour la Suisse agrave pouvoir respecter ses engagements
internationaux preacutevalaient sur lrsquointeacuterecirct individuel des personnes concerneacutees
par lrsquoentraide administrative agrave tenir secregravete leur situation patrimoniale
(cons 412 de lrsquoarrecirct paragraphe 23 ci-dessus) Cette argumentation est
largement reprise par le Gouvernement dans ses observations devant la
Cour
93 En ce qui concerne lrsquointeacuterecirct priveacute du requeacuterant il ressort de la
jurisprudence preacuteciteacutee que la protection accordeacutee aux donneacutees agrave caractegravere
personnel deacutepend drsquoun certain nombre de facteurs dont la nature du droit en
cause garanti par la Convention son importance pour la personne
concerneacutee la nature de lrsquoingeacuterence et la finaliteacute de celle-ci Selon
lrsquoarrecirct S et Marper (preacuteciteacute sect 102) la marge drsquoappreacuteciation drsquoun Eacutetat est
drsquoautant plus restreinte que le droit en cause est important pour garantir agrave
lrsquoindividu la jouissance effective des droits fondamentaux ou drsquoordre
laquo intime raquo qui lui sont reconnus Lorsqursquoun aspect particuliegraverement
important de lrsquoexistence ou de lrsquoidentiteacute drsquoun individu se trouve en jeu la
marge laisseacutee agrave lrsquoEacutetat est restreinte
Srsquoagissant de la situation du requeacuterant il eacutechet drsquoobserver que seules
sont en question ses donneacutees bancaires soit des informations purement
financiegraveres il ne srsquoagissait donc nullement de donneacutees intimes ou lieacutees
eacutetroitement agrave son identiteacute qui auraient meacuteriteacute une protection accrue Il
srsquoensuit que la marge drsquoappreacuteciation de la Suisse eacutetait ample
94 Se reacutefeacuterant agrave ce qursquoelle a observeacute sur la question du but leacutegitime
poursuivi (paragraphes 83 et 84 ci-dessus) la Cour admet que la Suisse
avait un inteacuterecirct important agrave donner une suite favorable agrave la demande
drsquoentraide administrative des Eacutetats-Unis afin de permettre aux autoriteacutes
ameacutericaines de retracer les avoirs qui pouvaient avoir eacuteteacute dissimuleacutes en
Suisse Par la conclusion de lrsquoAccord 09 et du Protocole 10 elle a pu eacuteviter
un conflit majeur avec les Eacutetats-Unis
95 En ce qui concerne lrsquoeffet pour le requeacuterant de la mesure litigieuse
la Cour observe ici encore que celle-ci intervenait dans le cadre drsquoune
proceacutedure drsquoentraide administrative et non drsquoune proceacutedure peacutenale meneacutee
aux Eacutetats-Unis qui restait ndash et reste encore ndash purement eacuteventuelle la
premiegravere ne constituant tout au plus qursquoun stade preacutealable agrave la seconde
En drsquoautres termes les donneacutees bancaires concerneacutees ont eacuteteacute transmises
aux autoriteacutes ameacutericaines compeacutetentes en vue de permettre agrave ces derniegraveres
de veacuterifier dans le cadre des proceacutedures preacutevues que le requeacuterant srsquoeacutetait
bien acquitteacute de ses obligations fiscales et dans lrsquohypothegravese ougrave tel ne serait
pas le cas drsquoen tirer les conseacutequences juridiques
96 La Cour observe eacutegalement que le requeacuterant a beacuteneacuteficieacute de certaines
garanties proceacutedurales contre le transfert de ses donneacutees aux autoriteacutes
fiscales ameacutericaines (voir a contrario MN et autres c Saint-Marin
preacuteciteacute sectsect 82 et suiv) Drsquoabord il a pu introduire un recours aupregraves du
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
ARREcircT GSB c SUISSE 31
Tribunal administratif feacutedeacuteral contre la deacutecision de lrsquoAFC du 7 juin 2010
(paragraphe 20 ci-dessus) Ce tribunal a par la suite annuleacute ladite deacutecision agrave
cause drsquoune violation du droit du requeacuterant drsquoecirctre entendu LrsquoAFC a par
conseacutequent inviteacute le requeacuterant agrave transmettre ses eacuteventuelles observations
dans le deacutelai imparti Le requeacuterant a fait usage de ce droit Le
4 novembre 2010 lrsquoAFC a rendu une nouvelle deacutecision ducircment motiveacutee
dans laquelle elle est parvenue agrave la conclusion que toutes les conditions
eacutetaient reacuteunies pour accorder lrsquoentraide administrative Par la suite le
requeacuterant a pour une deuxiegraveme fois saisi le Tribunal administratif feacutedeacuteral
qui lrsquoa deacutebouteacute par lrsquoarrecirct du 2 mars 2011 (paragraphes 21 et 22 ci-dessus)
Il srsquoensuit que le requeacuterant avait agrave sa disposition plusieurs garanties
effectives et reacuteelles drsquoordre proceacutedural pour contester la remise de ses
donneacutees bancaires et degraves lors de le proteacuteger contre une mise en œuvre
arbitraire des accords conclus entre la Suisse et les Eacutetats-Unis
97 Compte tenu de lrsquoensemble des circonstances de lrsquoespegravece et
notamment au vu de la nature peu personnelle des donneacutees reacuteveacuteleacutees il
nrsquoeacutetait pas deacuteraisonnable pour la Suisse de faire primer lrsquointeacuterecirct geacuteneacuteral
drsquoun regraveglement efficace et satisfaisant avec les Eacutetats-Unis sur lrsquointeacuterecirct priveacute
du requeacuterant Degraves lors la Suisse nrsquoa pas outrepasseacute sa marge drsquoappreacuteciation
98 Il srsquoensuit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
III SUR LA VIOLATION ALLEacuteGUEacuteE DE LrsquoARTICLE 14 COMBINEacute
AVEC LrsquoARTICLE 8 DE LA CONVENTION
99 Le requeacuterant srsquoestime victime drsquoune discrimination en tant que
client drsquoUBS par rapport aux clients drsquoautres banques qui nrsquoeacutetaient pas
concerneacutees agrave lrsquoeacutepoque des faits par lrsquoentraide administrative en matiegravere
fiscale Il invoque agrave cet eacutegard lrsquoarticle 14 ainsi libelleacute
laquo La jouissance des droits et liberteacutes reconnus dans la () Convention doit ecirctre
assureacutee sans distinction aucune fondeacutee notamment sur le sexe la race la couleur
la langue la religion les opinions politiques ou toutes autres opinions lrsquoorigine
nationale ou sociale lrsquoappartenance agrave une minoriteacute nationale la fortune la naissance
ou toute autre situation raquo
100 Plus preacuteciseacutement il expose que lrsquoAccord 09 vise uniquement une
seacuterie deacutefinie de cas particuliers correspondant tous agrave des clients drsquoUBS
ayant la qualiteacute de contribuables ameacutericains et les assujettit agrave un traitement
speacutecial en lieu et place du reacutegime geacuteneacuteral eacutetabli par lrsquoarticle 26 de la
CDI-US 96 Autrement dit selon le requeacuterant non seulement lrsquoAccord 09
ne pose pas une norme geacuteneacuterale et abstraite mais il est aussi agrave ses yeux
discriminatoire un contribuable ameacutericain qui aurait cacheacute au fisc de son
pays un compte ouvert aupregraves du Creacutedit suisse ne pourrait faire lrsquoobjet drsquoun
eacutechange drsquoinformations alors qursquoun client drsquoUBS se voit exposeacute agrave cette
possibiliteacute
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident
32 ARREcircT GSB c SUISSE
101 Le Gouvernement conteste cette thegravese Il estime ce grief mal fondeacute
En effet explique-t-il les clients drsquoUBS se trouvaient dans une situation
particuliegravere en raison de la proceacutedure intenteacutee contre la banque par lrsquoIRS et
dans le cadre de laquelle la banque avait reconnu la mise en place de
certaines pratiques afin de contourner les dispositions fiscales ameacutericaines
Leur situation nrsquoeacutetait donc pas la mecircme que celle des clients drsquoautres
banques ameacutericaines
102 La Cour estime que le preacutesent grief nrsquoest pas manifestement mal
fondeacute au sens de lrsquoarticle 35 sect 3 a) de la Convention et qursquoil ne se heurte par
ailleurs agrave aucun autre motif drsquoirrecevabiliteacute Degraves lors elle le deacuteclare
recevable
103 Cependant agrave supposer mecircme que le requeacuterant se trouvait dans une
situation comparable agrave celle des clients drsquoautres banques qui nrsquoont pas fait
lrsquoobjet drsquoeacutechange drsquoinformations avec les autoriteacutes fiscales ameacutericaines la
Cour parvient agrave la conclusion essentiellement pour les mecircmes raisons que
celles invoqueacutees agrave lrsquoappui de la non-violation de lrsquoarticle 8 que le requeacuterant
nrsquoa pas subi un traitement discriminatoire au sens de lrsquoarticle 14 combineacute
avec lrsquoarticle 8 Il convient drsquoajouter que le requeacuterant nrsquoapporte aucune
preuve qui permette drsquoappreacutecier lrsquoexistence drsquoun traitement diffeacuterent ou plus
beacuteneacutevole dans une autre banque suisse
104 Degraves lors il nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec
lrsquoarticle 8 de la Convention
PAR CES MOTIFS LA COUR Agrave LrsquoUNANIMITEacute
1 Rejette la demande de radiation du rocircle preacutesenteacutee par le Gouvernement
2 Deacuteclare la requecircte recevable
3 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 8 de la Convention
4 Dit qursquoil nrsquoy a pas eu violation de lrsquoarticle 14 combineacute avec lrsquoarticle 8 de
la Convention
Fait en franccedilais puis communiqueacute par eacutecrit le 22 deacutecembre 2015 en
application de lrsquoarticle 77 sectsect 2 et 3 du regraveglement de la Cour
Stephen Phillips Luis Loacutepez Guerra
Greffier Preacutesident