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____________________________________________________________________________________________________________ © Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative > www.education.gouv.fr Page 1 sur 26 26 mars 2012 Agrégation interne – CAERPA Section économie et gestion Exemples de sujets Première épreuve d’admission Exposé à partir d’un dossier documentaire fourni aux candidat, portant au choix du candidat formulé lors de l'inscription, indépendamment de l'option A, B, C, D ou E choisie, sur une analyse économique appliquée aux organisations ou une analyse juridique appliquée aux organisations. Premier exemple de sujet Exposé portant sur une analyse économique appliquée aux organisations Le « sujet zéro » proposé ci-après est un document de travail fourni à titre indicatif aux candidats du concours. Destiné à les aider dans leur préparation, il ne se substitue pas à l’arrêté du 17 mars 2011 paru au JO du 2 avril 2011 fixant les modalités d’organisation du concours. Pour la session 2012 les programmes en vigueur sont ceux publiés au BO n°19 du 12 mai 2011 . SUJET En vous appuyant sur le dossier documentaire joint et de vos connaissances, vous préparerez un exposé structuré portant sur le thème : « Économie de la connaissance et productivité ».

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Agrégation interne – CAERPA Section économie et gestion

Exemples de sujets

Première épreuve d’admission

Exposé à partir d’un dossier documentaire fourni aux candidat, portant au choix du candidat formulé lors de l'inscription, indépendamment de l'option A, B, C, D ou E choisie, sur une analyse économique appliquée

aux organisations ou une analyse juridique appliquée aux organisations.

Premier exemple de sujet

Exposé portant sur une analyse économique appliquée aux organisations

Le « sujet zéro » proposé ci-après est un document de travail fourni à titre indicatif aux candidats du concours. Destiné à les aider dans leur préparation, il ne se substitue pas à l’arrêté du 17 mars 2011 paru au JO du 2 avril 2011 fixant les modalités d’organisation du concours. Pour la session 2012 les programmes en vigueur sont ceux publiés au BO n°19 du 12 mai 2011.

SUJET

En vous appuyant sur le dossier documentaire joint et de vos connaissances,

vous préparerez un exposé structuré portant sur le thème :

« Économie de la connaissance et productivité ».

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Document 1 : distingue-t-on connaissance et information ? Kenneth Arrow, prix Nobel d’économie en 1972, est à l’origine d’une première conception économique de la connaissance, qui conduit à l’assimiler à la notion d’information. Les savoirs sont produits par un secteur d’activité spécialisé, à partir d’une fonction de production qui combine du travail qualifié et du capital. L’output de ce secteur consiste en information échangée sur un marché. Cette conception insiste sur trois propriétés qui font de la connaissance un bien économique particulier, tant dans l’usage que dans la production, en comparaison des biens tangibles. Tout d’abord, la connaissance est difficilement contrôlable ; elle tend à se diffuser et à être utilisée par d’autres agents que celui qui en a assuré la production, sans que ce dernier en soit rétribué. Le savoir est donc à l’origine d’externalités positives puisque sa production a un impact positif sur des tiers, sans compensation de leur part. Tout se passe comme dans le cas d’un apiculteur qui profite, sans le rétribuer, du travail de celui qui entretient le verger voisin, dans lequel ses abeilles vont butiner. Ensuite, la connaissance est un bien non rival au sens où elle ne se détruit pas dans l’usage ; le théorème de Pythagore peut être utilisé à l’infini sans perdre ses qualités. Par conséquent, le prix d’une connaissance ne peut pas être fixé comme celui de la plupart des biens. Enfin, la connaissance est cumulative ; la production de savoirs nouveaux repose largement sur les savoirs existants si bien que les progrès de la connaissance sont d’autant plus rapides que celle-ci est largement diffusée. Ces trois propriétés, qui donnent au savoir les caractéristiques d’un bien public, sont à l’origine de ce que l’on appelle le dilemme de la connaissance. D’un côté, comme les nouvelles théories de la croissance l’ont souligné, les activités de production de connaissance ont un rendement social particulièrement élevé et sont un fondement déterminant de la croissance économique. De ce point de vue, il faut encourager la diffusion des savoirs de manière à garantir leur exploitation optimale, il est donc préférable d’attribuer au savoir un prix nul. D’un autre côté, le rendement privé est plus faible que le rendement social. Les agents privés ne seront incités à prendre en charge la production de connaissances nouvelles que s’ils peuvent exclure les autres agents de l’usage ou bien vendre les savoirs dont ils sont à l’origine à un prix qui couvre au moins les coûts de production. Ce dilemme, « entre l’objectif d’assurer à l’échelle de la société un usage efficient de la connaissance, une fois celle-ci produite, et l’objectif de fournir une motivation idéale au producteur privé », justifie l’intervention publique dans le financement de l’éducation et de la recherche et, dans la conception d’un système de protection de la propriété intellectuelle, notamment par le biais du système de brevet. […] Par information, il faut entendre des flux de messages, alors que la connaissance implique une activité cognitive de la part de l’agent ; celle-là consiste à sélectionner, traiter et interpréter des messages pour en produire de nouveaux. Ainsi, contrairement à l’information, qui existe indépendamment des individus, la connaissance est « attachée » aux individus puisqu’elle repose sur leurs facultés subjectives, ce qui en fait un bien plus facilement contrôlable. Pour illustrer cette idée, on peut songer à la différence évidente qui existe entre l’information contenue dans une recette de cuisine et le savoir mobilisé par le cuisinier pour la réaliser. La distinction entre connaissance et information renvoie à une seconde distinction : entre connaissance codifiée et connaissance tacite. Une partie de la connaissance peut, en effet, être « objectivée », c’est-à-dire convertie, au travers d’un processus de codification, en messages qui peuvent être manipulés comme de l’information, et pour lesquels le problème de bien public se pose effectivement de façon aiguë. Toutefois, une partie des savoirs demeure tacite, soit parce que l’arbitrage avantage/coût n’est pas favorable à la codification, soit parce qu’ils ne sont pas codifiables étant donné l’état des techniques de codification. Les connaissances tacites renvoient au fait que « nous savons toujours plus que nous en pouvons dire ». […] Le raisonnement qui consiste à assimiler connaissance et information revient en fait à confondre deux types de diffusion des savoirs. Le premier concerne l’information sur les résultats des activités de R & D ou de conception ou encore sur une expérience en matière d’organisation du travail, dont la diffusion se fait effectivement à un faible coût. Cependant, le deuxième type de diffusion, qui consiste en la transformation de cette information en connaissances opérationnelles, est beaucoup plus difficile. Il nécessite la mise en place, par chaque firme, d’une capacité d’absorption, c’est-à-dire d’une capacité d’apprentissage suffisante pour mobiliser en interne les savoirs créés ailleurs. La distinction entre connaissance et information permet de préciser les problèmes économiques relatifs à ces deux notions. La reproduction de l’information se faisant à un coût quasi nul, le problème économique qui lui est associé est celui de sa révélation et de sa production ; c’est un problème de bien public. En revanche, le principal problème économique associé à la connaissance est celui de sa reproduction, qui passe, même quand elle est sous forme codifiée, par un processus d’apprentissage. Source : Commissariat Général du Plan, « La France dans l’économie du savoir : pour une dynamique collective », La documentation française, 2002.

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Document 2 : typologie des investissements et des actifs immatériels des entreprises

M. Lévy, J-P. Jouyet, L’économie de l’immatériel : la croissance de demain, Rapport de la Commission sur l’économie de l’immatériel, 2006

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Document 3 : l’économie de la production de savoir et de technologie Le changement structurel en cours dans les économies développées depuis le début des années 1970 s’est traduit vers une réorientation des structures productives vers des activités reposant plus sur la création, l’utilisation et la diffusion de nouvelles connaissances. C’est ainsi que les activités dites « intensives en technologie » comme l’électronique, l’informatique, les télécommunications ou les biotechnologies ont connu une croissance beaucoup plus rapide que la moyenne des autres secteurs au cours des années 1980-1990 (OCDE, 2000). L’augmentation de l’intensité en connaissances se traduit aussi par une diffusion croissante des technologies associées à la transmission de l’information et la communication (les TIC) : matériel informatique, software, internet, télécommunications etc. Ces activités sont considérées comme le support d’une phase ascendante d’un cycle long. Les branches produisant les TIC prennent une importance croissante dans les structures productives des économies, aussi bien au nord qu’au sud ─comme l’illustre le développement du software en Inde, voir Amable et al. (2003)─ ; l’investissement des entreprises inclus une part croissante de TIC de telle sorte que la production devient de plus en plus intensive en technologies de l’information ; le changement technique et les progrès de productivité sont particulièrement rapide dans les secteurs des TIC, ce qui fait que ces technologies, se diffusant rapidement, constituent un moteur de croissance pour l’ensemble de l’économie. Par ailleurs, les autres secteurs en pointe dans ce nouveau cycle long, comme les biotechnologies, ont aussi une relation étroite avec la recherche, la science et l’avancement des connaissances. Mais l’importance de la connaissance ne se limite pas aux secteurs high-tech (Smith, 2002), et les modes d’organisation, méthodes de productions et les outputs de secteurs apparemment low tech ont aussi été transformés, avec un rôle accru pour les « bases de connaissance ». Un des aspects les plus importants de l’économie de la connaissance est précisément, grâce aux progrès accomplis sur les TIC mais aussi grâce aux progrès de la connaissance, un accroissement considérables des possibilités de codification de l’information (Foray, 2000 ; David et Foray, 2002), qui rendent son stockage et sa manipulation beaucoup plus faciles. Mais la connaissance peut aussi s’incarner dans des pratiques plus ou moins codifiables : savoir faire, mode d’organisation, etc. L’économie de la connaissance recouvre donc des aspects divers : apprentissage, acquisition de compétences, de capacités cognitives. Un aspect important de l’économie de la connaissance est que ces diverses dimensions sont complémentaires : il est nécessaire que les agents disposent de compétences particulières pour pouvoir bénéficier des avancées de la connaissance, pour pouvoir utiliser l’information qui est stockée et circule de façon de plus en plus efficace ; les possibilités de stockage et circulation de l’information dépendent des progrès de la codification ; les connaissances se diffusent alors d’autant plus rapidement que les progrès dans le TIC sont rapides et que les individus sont éduqués et compétents. Ceci repose sur les efforts en R&D et en éducation et formation. Comme la connaissance se produit principalement à partir d’autres connaissances, il y a dans cette dynamique un fort aspect de cercle vertueux ou vicieux. En effet, l’économie fondée sur la connaissance implique un dépassement de la séparation entre les organisations qui découvrent les connaissances, les universités ou les centres de recherche spécialisés, et celles qui les appliquent, les organisations publiques et surtout les firmes (Soete, 2002). La période contemporaine est caractérisée à la fois par une plus grande importance stratégique de la connaissance, comme source de compétitivité pour les firmes, et par de plus grandes possibilités de combiner les connaissances pour produire de nouveaux savoirs. Les firmes ont alors un besoin accru d’avoir accès aux nouvelles connaissances et d’être capables de les mettre à profit pour leurs propres objectifs. Cela demande qu’elles investissent elles-mêmes dans la connaissance dans un double but : élargir leur propre base de connaissance pour augmenter leur compétitivité (effet direct), et accroître leurs capacités à aller chercher dans les connaissances produites en dehors d’elles les savoirs potentiellement utiles (effet indirect). On retrouve alors une autre caractéristique importante de l’économie de la connaissance : il est au moins aussi important d’apprendre à apprendre que d’apprendre. Source : Bruno Amable (2005), Introduction à l’économie de la connaissance, contribution pour le rapport UNESCO, Construire des sociétés du savoir

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Document 4 : l’investissement dans le savoir

Source : OCDE Investissement dans le savoir : est la somme des dépenses consacrées à la R&D, à l’ensemble du secteur de l’enseignement supérieur (secteurs public et privé) et aux logiciels. Cette somme est ensuite divisée par le PIB de chaque pays pour obtenir un indicateur comparable au plan international. En additionnant simplement les trois éléments, on s’exposerait à surestimer l’investissement dans le savoir en raison des chevauchements qui existent entre eux (R&D et logiciels, R&D et éducation, logiciels et éducation).

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Document 5

Document 6 : le paradoxe de Solow : l’importance de réorganiser le travail pour bénéficier des TIC Certains économistes se sont interrogés sur l’impact réel des TIC sur les entreprises et l’économie : c’est le « paradoxe de la productivité », formulé en 1987 par l’économiste américain Robert Solow, prix Nobel d’économie : « On voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques ». Cette absence de corrélation, du moins jusqu’à la fin des années 1990, entre le degré d’informatisation et les gains de productivité trouve essentiellement trois sources d’explication : des problèmes de mesure de la productivité (surtout dans les services), une lenteur dans la diffusion et l’application efficace des TIC (en particulier, mais pas seulement, pour des questions de formation à leur usage) et surtout la nécessaire réorganisation des entreprises pour que celles-ci puissent bénéficier de ses investissements en TIC. Cette dernière explication, proposée par Philippe Askenazy, est particulièrement intéressante pour comprendre le lien entre le développement des TIC et les stratégies d’entreprise. Que nous dit cette thèse ? D’abord, il apparaît que de grands changements organisationnels se sont opérés dans l’industrie manufacturière au milieu des années 1980. Si ces changements sont protéiformes, une tendance se dessine néanmoins en faveur des modèles de production « au plus juste » qui présentent les caractéristiques suivantes : à l’opposé de la standardisation des produits, des tâches et des compétences ainsi que de l’exploitation des économies d’échelle (qui caractérisaient le fordisme), le modèle « au plus juste » se caractérise par une personnalisation des produits et la recherche de flexibilité, de rapidité et une valorisation des compétences individuelles. Le modèle « au plus juste » encourage également une démarche de qualité totale, réduit les échelons hiérarchiques, favorise un travail flexible, en équipes autonomes et en réseau (y compris avec les fournisseurs), la rotation des postes et la formation continue. Il réduit les stocks et recentre l’entreprise sur son cœur de métier plutôt que de chercher une intégration verticale systématique. Ce type d’organisation caractérise assez bien le secteur des TIC (qui, contrairement au reste de l’économie, jusqu’à la fin des années 1990 connaît d’importants gains de productivité), mais pas nécessairement les autres secteurs. Il apparaît également que dans les secteurs qui ont mené ces transformations, le degré d’informatisation s’accompagne de gains de productivité significatifs alors que cette corrélation n’apparaît pas dans les autres secteurs. Pire, dans les entreprises qui se sont informatisées sans se réorganiser ou qui se sont réorganisées sans réel recours aux TIC, la productivité des facteurs a significativement baissé. Le développement des TIC apparaît donc source de gains de productivité si et seulement si une réorganisation adéquate des processus de production est mise en œuvre par l’entreprise. David Flacher et Dominique Plihon (2009), « Économie de la connaissance et de l’immatériel », dans Alain Burlaud (sous la direction de), DSCG 6, Ed. Foucher, p. 150.

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Document 7 : une tendance longue à l’accroissement du rôle économique du savoir Avec la notion d’économie fondée sur la connaissance, les économistes suggèrent l’idée d’une rupture en cours dans les modes d’organisation de l’économie. Cette idée peut rencontrer un certain scepticisme. En effet, la connaissance a toujours été au cœur du développement économique. Des abbayes cisterciennes, dont l’ensemble constitue un puissant réseau de transmission des savoirs techniques, aux grandes entreprises du début du XXe siècle qui reconnaissent et valorisent les apprentissages technologique, chaque époque possède ses organisations et ses institutions fondées sur la connaissance. La révolution de la connaissance dont certains parlent ne serait-elle donc pas plutôt la révolution des technologies de l’information que l’on ne devrait pas traiter différemment de celles du textile ou de l’agriculture [Howitt, 1996] ? Dans ces conditions, il convient d’exprimer ce qui distingue nettement la phase actuelle des phases précédentes. Nous suggérons que l’économie fondée sur la connaissance résulte d’un choc entre, d’une part, une tendance séculaire relative à l’accroissement de la part du capital intangible (éducation, formation, etc.) et, d’autre part, l’irruption et la diffusion spectaculaires des technologies de l’information et de la communication. C’est donc la rencontre entre une tendance longue, qui se traduit par l’expansion des investissements et des activités de « connaissance » et une révolution technologique unique qui change radicalement les conditions de reproduction et de transmission du savoir et de l’information. […] Portant leur attention sur la croissance économique américaine, Abramovitz et David [1996] ont bien montré que si le progrès technique a été très important au cours des deux derniers siècles, il a toujours été biaisé. Or, la nature des biais a changé ; et ceci peut constituer un premier indice de l’accroissement du rôle économique de la connaissance. Tout au long du XIXe siècle, le biais a été en faveur du capital tangible et la tendance générale du progrès technique a joué en faveur de l’économie du facteur travail. Or on constate qu’à partir des années vingt le progrès technique a joué en faveur de l’économie du facteur travail. Or on constate qu’à partir des années vingt le progrès technique accroît la part de capital intangible parmi les facteurs. En d’autres termes, tandis que la croissance du capital tangible par heure de travail constitue les deux tiers de la croissance de la productivité du travail au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, elle ne contribue plus qu’entre un quart et un cinquième de la croissance de la productivité du travail au XXe siècle. Le nouveau type de changement technique, ainsi repéré, accroît la productivité marginale relative du capital constitué sous la forme de l’éducation et de la formation, des connaissances pratiques acquises grâce à la R&D et des structures organisationnelles […]. Abramovitz et David relèvent en particulier le persistance de hauts taux de rendement des investissements éducatifs en dépit de la croissance relative rapide de la part du stock de capital représenté par l’éducation et la formation. […] Cette stylisation particulière de l’histoire du progrès technique est cohérente avec l’histoire institutionnelle du capitalisme, celle qui porte sur la façon dont les problèmes croissants de coordination industrielle au début du XXe siècle appellent de nouvelles méthodes de management et de nouvelles structures organisationnelles [Chandler, 1992]. Source : Dominique Foray, L’économie de la connaissance, La découverte, coll . Repères n° 302, 2000.

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Document 8 : une division cognitive du travail plus sélective La logique de division taylorienne du travail reculerait au profit d’une division dite cognitive du travail. La division « taylorienne » du travail, dominante dans la période de croissance fordienne (1950-1970), revient à fragmenter les processus de production autour d’opérations homogènes, dont le rendement augmente avec la spécialisation du travail formé et du capital conçu à cet effet. La montée de l’économie fondée sur le savoir s’accompagne d’une division cognitive du travail basée sur un découpage des processus de production, non plus en opérations bien définies, mais en blocs de savoirs homogènes et dont l’unité repose sur les principes scientifiques et techniques autour desquels se forgent l’interprétation des informations, la création des connaissances nouvelles et les apprentissages. Dans cette configuration, le travail n’est pas spécialisé sur une tâche mais plutôt sur un « champ de compétences ». Les économies réalisées dans cette forme de division du travail tiennent à la nature cumulative des savoirs, dont le développement est d’autant plus important et les coûts d’acquisition d’autant plus faibles que la base de connaissances acquises dans un bloc de savoirs est élevée. Les entreprises redéfinissent le contenu de leur activité basée sur des compétences, et adoptent alors des modes d’organisation orientés vers la maximisation de la capacité d’apprentissage et d’innovation. Elles cherchent à réaliser des économies sur la part importante de capital immatériel investi en démultipliant les applications productives potentielles des quelques blocs de savoirs qu’elles parviennent à intégrer. Dans cette logique de spécialisation cognitive, les activités se répartissent entre les territoires en fonction des compétences spécifiques qui y sont maîtrisées. La localisation des activités est d’abord déterminée par la recherche d’éléments favorables au développement des compétences des firmes. Celles-ci recherchent moins des conditions de coût qu’un environnement stimulant leur capacité d’apprentissage. Ce critère de localisation est favorable à la concentration des activités « intensives en connaissance » dans les pays industrialisés, et plus particulièrement au sein des territoires riches en ressources cognitives spécifiques (qui sont souvent de grandes métropoles). Dans le domaine des activités de R&D, on trouve bien ces deux types de logique cognitive et taylorienne d’organisation à l’échelle mondiale : une partie des délocalisations visant les pays émergents concerne uniquement les segments de développement (cas de la Chine), tandis que les fusions et acquisitions entre firmes des pays de la Triade se fondent sur la base d’éléments d’excellence complémentaires. Source : El Mouhoub Mouhoud, « Mondialisation et localisation des activités R&D », Cahier français, La Documentation française, n° 323, nov/déc. 2004.

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Deuxième exemple de sujet

Exposé portant sur une analyse juridique appliquée aux organisations

Le « sujet zéro » proposé ci-après est un document de travail fourni à titre indicatif aux candidats du concours. Destiné à les aider dans leur préparation, il ne se substitue pas à l’arrêté du 17 mars 2011 paru au JO du 2 avril 2011 fixant les modalités d’organisation du concours. Pour la session 2012 les programmes en vigueur sont ceux publiés au BO n°19 du 12 mai 2011.

SUJET

A partir de la situation juridique proposée, en utilisant vos connaissances et

les documents en annexe, vous exposerez les solutions possibles à la

problématique que vous aurez préalablement identifiée.

Durée de la préparation : quatre heures ; Durée totale de l'épreuve : une heure (exposé : quarante minutes maximum ; entretien : vingt minutes maximum) ; Coefficient 1

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Éléments de contexte

La société « Duchesse de Côte d’or » est fabricante du célèbre pain d’épices de Dijon. C’est une société familiale, héritière d’une longue tradition artisanale, créée en 1885 par l’arrière grand-père du dirigeant actuel ; elle compte aujourd’hui 45 salariés.

1° Le dirigeant, Monsieur Martin, est tout d’abord confronté à la gestion de la rupture du contrat de

travail de Mademoiselle Dupont qui était vendeuse dans un des magasins de la société situé au cœur historique de la ville. Il a découvert, grâce aux caméras de surveillance, qu’elle volait de l’argent dans la caisse. Il l’a donc convoquée à un entretien préalable. Trois jours plus tard, il a reçu un document de la Préfecture l’informant que Mademoiselle Dupont était désormais conseiller du salarié ; il a classé ledit document sans vraiment s’interroger sur sa portée. Au cours de l’entretien, Mademoiselle Dupont a contesté, non pas le vol, mais la vidéo apportant la preuve de la réalité de l’infraction ; néanmoins, Monsieur Martin lui a notifié deux jours après son licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité. Quinze jours après, il a reçu un courrier de l’avocat de Mademoiselle Dupont l’informant de la volonté de sa cliente de demander la nullité du licenciement d’un salarié protégé. Monsieur Martin est révolté : il ne comprend pas pourquoi ce licenciement serait nul alors que cette salariée est une voleuse.

2° Monsieur Martin a commandé il y a 9 mois deux nouvelles machines pour moderniser et améliorer

la productivité de l’atelier d’emballage. La première machine, fabriquée par la Société Cartomaxi doit permettre de préparer 500 cartons à

l’heure (contre 300 actuellement) avec 2 fois moins de personnel. La société fabricante ne l’a néanmoins pas informé, au moment de la commande, de la nécessité de faire des travaux d’aménagement des locaux pour accueillir ladite machine. La machine a été livrée il y a 1 mois, mais elle n’offre pas le rendement espéré malgré les deux interventions de réglage assurées par le fabricant (seulement 350 cartons à l’heure). Monsieur Martin a donc refusé de payer le solde du prix (100 000 euros) réclamé par le fabricant tant que la machine ne serait pas totalement opérationnelle. De son côté, la société fabricante considère avoir rempli ses obligations, estimant que si les performances ne sont pas optimales, c’est que le client n’a pas fait tous les travaux d’aménagement nécessaires ; elle exige le paiement immédiat des 100 000 euros, car un tel impayé risquerait d’entraîner très rapidement un dépôt de bilan. Monsieur Martin se plaint du défaut d’information et de l’absence de conformité de la machine ; il considère que c’est au contractant d’assumer les travaux nécessaires pour que la machine fonctionne correctement. Il ne versera donc pas l’argent tant que la machine ne sera pas performante ; mais il aimerait une solution pour dénouer le litige sans devoir supporter une longue procédure judiciaire, car en attendant il a dû mal à faire face à l’accroissement de commandes. La seconde machine, fabriquée par la Société Embalplus, doit permettre de conditionner le pain d’épices dans différents emballages (sachets ou boîtes) selon le programme choisi instantanément, sans devoir modifier la chaîne de production, ce qui, pour l’instant nécessite trente minutes. La société n’a pas livré la machine. Monsieur Martin l’a d’abord mise en demeure d’exécuter le contrat, puis, en l’absence de réaction de la société, l’a assignée au tribunal en résolution du contrat et en responsabilité. La société invoque, pour se défendre, la maladie de son dirigeant (un cancer de la prostate) l’ayant empêché d’exécuter son engagement.

3° Monsieur Martin avait par ailleurs un projet de partenariat avec un des fabricants du deuxième produit local de Dijon : le cassis. L’idée était de concevoir et de commercialiser un nouveau produit à base de pain d’épices et de cassis. Pour ce faire, il s’est rapproché depuis 6 mois du dirigeant de la Société Cassior pour exposer le projet. Il a demandé à son avocat d’étudier le dossier, de l’assister dans les négociations avec le futur contractant et de préparer les documents nécessaires. Parallèlement, Monsieur Martin a demandé à son laboratoire de travailler sur l’élaboration d’une recette et de faire les tests de dégustation. Après plusieurs rencontres avec le dirigeant de la Société Cassior, les négociations avançaient et devaient aboutir à la signature d’un contrat définitif. Mais la veille du rendez-vous, le dirigeant de la Société Cassior a fait savoir, par avocats interposés, qu’il renonçait au contrat. Or Monsieur Martin vient d’apprendre que la Société Cassior lance, avec son concurrent principal, une nonette au cassis. La Société Cassior menait en fait depuis 5 mois des négociations parallèles avec la concurrence, tout en laissant Monsieur Martin croire que le projet se finalisait et le laisser investir plus de 30 000 euros.

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4° Tous ces litiges rendent Monsieur Martin plus attentif aux autres contrats qu’il a passés. Il vient de

souscrire pour les besoins de son entreprise un contrat de fourniture, auprès de la Société @venir, d’un logiciel B38 couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; à cet effet, un contrat de licence, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus. Après négociations, il a obtenu une réduction de la facture de 30 % et le titre de client prioritaire qui lui garantit une intervention dans les 2 heures. Il découvre néanmoins dans le contrat une clause pour laquelle il a des doutes ; selon ladite clause : « dans le cas où la société ne serait pas en mesure de respecter ses engagements, le montant de l’indemnisation serait limité au coût de l’abonnement ».

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ANNEXES

Document n° 1 : articles du code civil Article 1131 L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. Article 1147 Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. Article 1148 Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. Article 1382 Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Article 1383 Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence Document n° 2 : articles du code du travail Article L1232-1 Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. Article L1232-7 Le conseiller du salarié est chargé d'assister le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement dans les entreprises dépourvues d'institutions représentatives du personnel. Article L1232-14 L'exercice de la mission de conseiller du salarié ne peut être une cause de rupture du contrat de travail. Le licenciement du conseiller du salarié est soumis à la procédure d'autorisation administrative prévue par le livre IV de la deuxième partie. Document n° 3 : annonce de l’Ordonnance du 17 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale

La médiation, définie comme toute procédure par laquelle deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends avec l'aide d'un tiers, inclut des formes très variées de règlement amiable des différends jusqu'alors régies par des textes épars : médiation judiciaire ou conventionnelle, médiation familiale ou intervention d'un conciliateur de justice.

Pour assurer l'efficacité de ces dispositifs, l'ordonnance du 16 novembre 2011, prise en application

de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, instaure un certain nombre de règles communes parmi lesquelles les exigences d'impartialité, de compétence et de diligence du médiateur, la confidentialité de la médiation ou encore la possibilité pour les juridictions de rendre exécutoires les accords qui en sont issus.

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Document n° 4 : Cass. Com., 26 novembre 2003 (arrêt Manoukian)

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 1999), que la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X... et Y... (les consorts X...),, actionnaires de la société Stuck, des négociations en vue de la cession des actions composant le capital de cette société ; que les pourparlers entrepris au printemps de l'année 1997 ont, à l'issue de plusieurs rencontres et de divers échanges de courriers, conduit à l'établissement, le 24 septembre 1997, d'un projet d'accord stipulant notamment plusieurs conditions suspensives qui devaient être réalisées avant le 10 octobre de la même année, date ultérieurement reportée au 31 octobre ; qu'après de nouvelles discussions, la société Alain Manoukian a, le 16 octobre 1997, accepté les demandes de modification formulées par les cédants et proposé de reporter la date limite de réalisation des conditions au 15 novembre 1997 ; que les consorts X... n'ayant formulé aucune observation, un nouveau projet de cession leur a été adressé le 13 novembre 1997 ; que le 24 novembre, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X... avaient, le 10 novembre, consenti à la société Les complices une promesse de cession des actions de la société Stuck ; que la société Alain Manoukian a demandé que les consorts X... et la société Les complices soient condamnés à réparer le préjudice résultant de la rupture fautive des pourparlers ; Sur le moyen unique du pourvoi formé par les consorts X..., pris en ses deux branches (…) Sur le premier moyen du pourvoi formé par la société Alain Manoukian :

Attendu que la société Alain Manoukian fait grief à l'arrêt d'avoir limité à 400 000 francs la condamnation à dommages-intérêts prononcée à l'encontre des consorts X... alors, selon le moyen, que celui qui rompt brutalement des pourparlers relatifs à la cession des actions d'une société exploitant un fonds de commerce doit indemniser la victime de cette rupture de la perte de la chance qu'avait cette dernière d'obtenir les gains espérés tirés de l'exploitation dudit fonds de commerce en cas de conclusion du contrat ; qu'il importe peu que les parties ne soient parvenues à aucun accord ferme et définitif ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les consorts X... avaient engagé leur responsabilité délictuelle envers la société Alain Manoukian en rompant unilatéralement, brutalement et avec mauvaise foi les pourparlers qui avaient eu lieu entre eux au sujet de la cession des actions de la société Stuck exploitant un fonds de commerce dans le centre commercial Belle Epine ; qu'en estimant néanmoins que le préjudice subi par la société Alain Manoukian ne pouvait correspondre, du seul fait de l'absence d'accord ferme et définitif, à la perte de la chance qu'avait cette société d'obtenir les gains qu'elle pouvait espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce et en limitant la réparation du préjudice subi par la société Alain Manoukian aux frais occasionnés par la négociation et aux études préalables qu'elle avait engagées, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que les circonstances constitutives d'une faute commise dans l'exercice du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels ne sont pas la cause du préjudice consistant dans la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat ;

Attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit qu'en l'absence d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Alain Manoukian n'incluait que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu'elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de l'exploitation du fonds de commerce ni même la perte d'une chance d'obtenir ces gains ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Alain Manoukian fait encore grief à l'arrêt d'avoir mis hors de cause la société Les Complices alors, selon le moyen, que le seul fait pour l'acquéreur de garantir par avance le vendeur de toute indemnité en cas de rupture des pourparlers auxquels Des pourparlers dès lors qu'une telle garantie constitue pour le vendeur, et pour le profit de l'acquéreur, une incitation à rompre brutalement des pourparlers, fussent-ils sur le point d'aboutir, sans risque pour lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'aux termes de la convention de cession liant les consorts X... à la société Les complices, celle-ci s'était engagée à garantir les vendeurs de toute indemnité que ceux-ci seraient éventuellement amenés à verser à un tiers pour rupture abusive des pourparlers ; qu'en considérant néanmoins que la société Les complices, dont les juges du fond ont constaté qu'elle avait profité des manœuvres déloyales commises par les consorts X... à l'encontre de la société Alain Manoukian, n'avait commis aucune faute envers la société Alain Manoukian, victime de la rupture brutale des pourparlers qu'elle avait engagés avec les consorts X..., peu important qu'il n'ait pas été démontré que la société Les complices avait eu connaissance de l'état d'avancement de ces pourparlers, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

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Mais attendu que le simple fait de contracter, même en connaissance de cause, avec une personne

ayant engagé des pourparlers avec un tiers ne constitue pas, en lui-même et sauf s'il est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manœuvres frauduleuses, une faute de nature à engager la responsabilité de son auteur ;

Attendu qu'ayant relevé que la clause de garantie insérée dans la promesse de cession ne suffisait pas à établir que la société Les Complices avait usé de procédés déloyaux pour obtenir la cession des actions ,composant le capital de la société Stuck, ni même qu'elle avait une connaissance exacte de l'état d'avancement des négociations poursuivies entre la société Alain Manoukian et les cédants et du manque de ,loyauté de ceux-ci à l'égard de celle-là, la cour d'appel a exactement décidé que cette société n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la société Alain Manoukian, peu important qu'elle ait en définitive profité des manœuvres déloyales des consorts X... ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois

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Document n° 5 : Cass. Com. 29/6/2010, n° 09-11.841 PBRI

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges

d'automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu'elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu'un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu'un contrat de mise en œuvre du "programme Oracle applications" a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu'en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d'un changement de logiciel pour passer l'an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu'aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu'assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l'ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d'appel a, par application d'une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l'article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Faurecia fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que l'inexécution, par le débiteur, de l'obligation essentielle à laquelle il s'est contractuellement engagé emporte l'inapplication de la clause limitative d'indemnisation ; qu'en faisant application de la clause limitative de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l'obligation essentielle tenant à la livraison de la version V 12 en 1999, laquelle n'avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l'aurait empêchée d'accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ; 2°/ qu'en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu'elle aurait été librement négociée et acceptée et qu'elle n'aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ; 3°/ qu'en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d'indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences n'était pas dérisoire et n'avait pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l'arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l'indemnisation négocié aux termes d'une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n'était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d'un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d'Oracle pour la version V 12 d'Oracles applications ; que la cour d'appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'après

avoir constaté que la société Oracle n'avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en œuvre du programme Oracle applications, qu'elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait

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aucune faute imputable à la société Faurecia qui l'aurait empêchée d'accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d'appel a jugé que n'était pas rapportée la preuve d'une faute d'une gravité telle qu'elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi Document n° 6 : Extraits du Rapport de M. Petit , Conseiller rapporteur auprès de la cour de cassation à propos de l’arrêt AP 14/4/2006 1 – 2 (…) 3 - Identification du ou des points de droit faisant difficulté à juger - Le premier moyen pose la question des conditions de l’exonération du débiteur qui n’a pas procuré à son cocontractant le résultat auquel il s’était engagé. Plus précisément, la question est celle de savoir si la maladie du débiteur peut constituer un cas de force majeure exonératoire et, dans l’affirmative, à quelles conditions. Plus généralement, le problème est celui de la définition de la force majeure exonératoire. - Le second moyen ne pose pas de question de principe. 4 - Discussion citant les références de jurisprudence et de doctrine Les pourvois n° F 02-11.168 et D 04-18.902 posent fondamentalement la même question : celle de la définition de la force majeure exonératoire de responsabilité civile, contractuelle ou délictuelle. Cette question fera par conséquent l’objet de l’essentiel des développements, sur ce point identiques dans les rapports consacrés à ces deux affaires. Et c’est seulement après avoir présenté ces éléments communs aux deux pourvois (I) que seront plus brièvement évoqués les éléments propres au pourvoi n° F 02-11.168 (II). I) Les éléments communs aux deux pourvois Il paraît nécessaire de replacer la question dans son contexte en rappelant les solutions acquises concernant les conditions générales de l’exonération (A) avant de présenter les caractères de la force majeure (B) et de s’interroger plus spécialement sur les rôles respectifs de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité (C). (…) B) Les caractères de la force majeure La force majeure est une notion de droit dont l’appréciation relève à ce titre du contrôle de la Cour de cassation. La solution n’est pas discutée, même si les auteurs regrettent parfois que celle-ci soit ainsi conduite à “jouer en la matière le rôle d’un troisième degré de juridiction”. Sans doute faut-il ajouter que si ce contrôle s’exerce dans le respect des constatations souveraines des juges du fond, il n’en doit pas moins porter sur les différents éléments reconnus pertinents pour caractériser la force majeure. L’événement de force majeure est classiquement défini comme un événement imprévisible, irrésistible et externe. Trois caractères sont donc exigés, dont il n’est pas inutile de tenter de préciser les fondements (1°) avant de présenter les incertitudes tenant à la concurrence d’autres notions ou caractères (2°). (…) C) Les rôles respectifs de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité Classiquement, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité constituent deux conditions cumulatives. La question, cependant, est celle de savoir si cette exigence d’un cumul des deux caractères reste actuelle ou si la force majeure peut résulter d’un événement prévisible, voire prévu, dès lors que cet événement est par ailleurs irrésistible. Cette question de l’exigence de l’imprévisibilité (2°), qui semble diviser aujourd’hui les chambres de la Cour de cassation, ne peut cependant se comprendre que si l’on donne au préalable des précisions relatives à l’appréciation des caractères de la force majeure (1°).

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1°) L’appréciation des caractères de la force majeure a) La première question est celle du moment auquel s’apprécie la force majeure. L’irrésistibilité s’apprécie toujours, que ce soit en matière contractuelle ou en matière délictuelle, au moment de la survenance du fait dommageable. S’agissant de l’imprévisibilité, en revanche, il faut distinguer : en matière délictuelle, la prévisibilité de l’empêchement s’apprécie lors de la survenance de celui-ci ; en matière contractuelle, l’appréciation se fait, en principe, lors de la conclusion du contrat. Par suite, dès lors que l’empêchement était imprévisible lors de la conclusion du contrat, le débiteur peut se libérer en établissant seulement son caractère irrésistible, “sans que l’on puisse lui opposer que l’événement qu’il invoque était devenu prévisible après la conclusion du contrat ». Certains auteurs observent cependant qu’il est discutable que l’imprévisibilité appréciée (et constatée) au jour du contrat puisse dispenser le débiteur de précautions propres à combattre un événement devenu prévisible en cours d’exécution, “car le débiteur est tenu de tout mettre en œuvre pour exécuter son obligation”. b) La seconde question est celle du mode d’appréciation des caractères de la force majeure. Les auteurs exposent généralement que le principe est celui de l’appréciation in abstracto, par référence à ce qui est normalement imprévisible et irrésistible pour le standard de référence, bon père de famille ou bon professionnel placé dans les mêmes circonstances. Il en résulte notamment que les deux notions ne doivent pas s’entendre en un sens absolu et que, notamment, il ne suffit pas qu’un événement soit abstraitement possible pour qu’il devienne ipso facto prévisible. Ces enseignements doctrinaux, cependant, ne semblent pas rendre compte exactement des solutions actuelles de la jurisprudence. D’une part, en matière délictuelle et s’agissant de la responsabilité du gardien, l’expression “normalement imprévisible”, introduite dans les arrêts à partir de 1955 et abandonnée par l’arrêt Desmares en même temps que la faculté d’exonération partielle du gardien, n’a pas été reprise par les arrêts postérieurs au revirement intervenu en 1987. Certains des auteurs qui relèvent cette évolution estiment néanmoins que la solution antérieure doit être considérée comme rétablie. D’autres considèrent au contraire que cet abandon doit être tenu pour définitif, tandis que d’autres encore pensent que la question reste ouverte. D’autre part, en matière contractuelle, il est possible de relever un certain nombre d’arrêts se référant à la prévisibilité générale d’une catégorie d’événements et non à la prévisibilité spéciale de l’empêchement effectivement survenu. Cette appréciation, cependant, conduit à des solutions qui semblent elles-mêmes avoir évolué. Alors que, pour certains arrêts, la prévisibilité générale de l’événement s’oppose à l’existence de la force majeure exonératoire44, d’autres décisions, aujourd’hui majoritaires, jugent que la prévisibilité générique de l’empêchement oblige seulement le débiteur à prendre les précautions nécessaires pour en éviter la réalisation ou en conjurer les effets. Ce qui revient à remettre en cause l’exigence même de l’imprévisibilité. 2°) La question de l’exigence de l’imprévisibilité La question doit être principalement examinée au regard des solutions de la jurisprudence (a) et des opinions de la doctrine (b). Cependant, il doit également être tenu compte de certains éléments de droit comparé, communautaire et international (c), ainsi que des tendances qui inspirent certaines perspectives de réforme (d). a) La jurisprudence - Jurisprudence classique. L’idée que l’irrésistibilité peut suffire à l’exonération inspire depuis longtemps certaines décisions rendues par les différentes chambres de la Cour de cassation. C’est ainsi que la première chambre civile énonçait déjà, en 1966 (en matière contractuelle et à propos d’une grève du personnel d’EDF), que “l’irrésistibilité de l’événement est à elle seule constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets”. La prévisibilité, cependant, n’était pas oubliée puisque le même arrêt précisait qu’“il n’en est plus ainsi lorsque le débiteur pouvait normalement prévoir cet événement au moment de la conclusion du contrat” . De même, la deuxième chambre civile a eu parfois l’occasion d’admettre (en matière délictuelle et s’agissant de la responsabilité du fait des choses) que le caractère insurmontable d’un phénomène naturel suffisait à l’exonération du gardien. De même encore, à la même époque (et en matière contractuelle), la troisième chambre civile a pu retenir la même solution à propos de l’exonération des constructeurs ou du bailleur. - Jurisprudence actuelle. Ces solutions, cependant, restaient exceptionnelles et elles n’ont été systématisées qu’à compter de 1994.

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Cette évolution est principalement le fait de la première chambre civile statuant en matière contractuelle. Par un arrêt 9 mars 1994, cette chambre a en effet repris et élargi l’idée qui inspirait l’arrêt de 1966 en énonçant (à propos de la responsabilité de l’hôtelier en cas de vol) que “si l’irrésistibilité de l’événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, encore faut-il que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de cet événement”. Avec cette décision et à la différence de la solution retenue en 1966, la prévisibilité cesse de faire par elle-même obstacle à l’exonération. Elle reste cependant présente puisque l’arrêt retient, en conclusion de son raisonnement, que “la cour d’appel a pu estimer que ce vol à main armée ne constituait pas un cas de force majeure, dès lors que n’avaient pas été prises toutes les précautions possibles que sa prévisibilité rendait nécessaire.” Surtout, la première chambre civile a plus récemment réaffirmé le même principe, mais cette fois sans faire allusion à la prévisibilité, en retenant, toujours en matière contractuelle (à propos de la responsabilité de l’organisateur d’une croisière) que “la seule irrésistibilité de l’événement caractérise la force majeure” Et il est possible, dans l’intervalle, de relever d’autres arrêts faisant application de la même idée -mais aussi quelques décisions persistant à se référer à l’imprévisibilité. - La chambre commerciale, statuant également en matière contractuelle, s’est ralliée à cette tendance jurisprudentielle dès 1997 en énonçant (à propos de la responsabilité du transporteur de marchandises et d’un vol à main armée) que “l’irrésistibilité de l’événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure, lorsque sa prévision ne saurait permettre d’en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l’événement”. Et la même chambre a ultérieurement rendu plusieurs décisions reposant sur la même solution. - De même, la chambre sociale a plus récemment retenu, s’agissant des obligations contractuelles de l’employeur, une définition de la force majeure n’incluant pas la condition d’imprévisibilité : “la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur irrésistible ayant pour effet de rendre impossible la poursuite dudit contrat”. - En matière délictuelle, en revanche, la deuxième chambre civile persiste à exiger cumulativement l’irrésistibilité et l’imprévisibilité, posant en principe que “l’imprévisibilité de l’événement invoqué comme cause exonératoire de la présomption de responsabilité est exigée au titre des éléments constitutifs de la force majeure”. Cette solution trouve notamment à s’appliquer, s’agissant de la responsabilité de la SNCF, au fait d’un tiers ou de la victime d’un accident de gare ou de passage à niveau. Il s’agit cependant d’une solution générale qui vaut dans toutes les hypothèses où est engagée une responsabilité du fait des choses, que ce soit sur le fondement de l’article 1384, alinéa 1er, ou sur celui de l’article1385 et quelle que soit la nature de l’événement invoqué pour l’exonération : fait de la victime6 mais aussi fait d’un tiers ou fait de la nature. b) La doctrine De manière générale, la plupart des auteurs ou bien se montrent favorables à la solution qui a actuellement les faveurs de la première chambre civile et de la chambre commerciale ou bien, pour le moins, en prennent acte sans réserves. (…) D’autres auteurs, en revanche, suivent un raisonnement tout différent qui les conduit au contraire à considérer que l’imprévisibilité, appréciée lors de la conclusion du contrat, n’est pas nécessaire à l’exonération -qu’elle n’en est pas, en tout cas, une condition générale et décisive. Cette opinion repose sur cette observation que la force majeure n’est rien d’autre que la traduction de l’absence d’obligation : la force majeure exprime “le fait que l’on ne pouvait raisonnablement attendre du débiteur qu’il assume le risque qui s’est réalisé”. Dans cette analyse, la qualification de force majeure ne dépend donc que de la volonté des parties et, dans le silence de la convention, des attentes légitimes du créancier : il s’agit de savoir où se situe le seuil de l’impossible auquel le débiteur n’est pas tenu et, si ce seuil est atteint ou dépassé, de déterminer si le débiteur en a assumé le risque. Or, dans cette recherche, la prévisibilité ou l’imprévisibilité de l’événement n’est nullement déterminante. M. Stoffel-Munck écrit ainsi : “L’événement peut alors bien avoir été génériquement prévisible, voire même prévu : la question est de savoir si le débiteur devait en répondre et, le cas échéant, jusqu’où” (…).

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Troisième exemple de sujet

Exposé portant sur une analyse juridique appliquée aux organisations

Le « sujet zéro » proposé ci-après est un document de travail fourni à titre indicatif aux candidats du concours. Destiné à les aider dans leur préparation, il ne se substitue pas à l’arrêté du 17 mars 2011 paru au JO du 2 avril 2011 fixant les modalités d’organisation du concours. Pour la session 2012 les programmes en vigueur sont ceux publiés au BO n°19 du 12 mai 2011.

SUJET

En vous appuyant sur le dossier documentaire joint et vos connaissances,

vous préparerez un exposé structuré portant sur le thème :

« L’équilibre contractuel » Durée de la préparation : quatre heures ; Durée totale de l'épreuve : une heure (exposé : quarante minutes maximum ; entretien : vingt minutes maximum) ; Coefficient 1

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Document n° 1 : Article 1134 code civil Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. Document n° 2 : Article L132-1 code consommation Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Un décret en Conseil d'État, pris après avis de la commission instituée à l'article L. 132-2, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse. Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa. Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies. Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre. Les clauses abusives sont réputées non écrites. L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. Les dispositions du présent article sont d'ordre public. Document n°3 : Civ. 6/3/1876, Canal de Craponne, D., 1876, I, p. 193 Sur le premier moyen du pourvoi : Vu l'article 1134 du Code civil ; Attendu que la disposition de cet article n'étant que la reproduction des anciens principes constamment suivis en matière d'obligations conventionnelles, la circonstance que les contrats dont l'exécution donne lieu au litige sont antérieurs à la promulgation du Code civil ne saurait être, dans l'espèce, un obstacle à l'application dudit article ; Attendu que la règle qu'il consacre est générale, absolue et régit les contrats dont l'exécution s'étend à des époques successives de même qu'à ceux de toute autre nature ; Que, dans aucun cas, il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse apparaître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ;

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Qu'en décidant le contraire et en élevant à 30 centimes de 1834 à 1874, puis à 60 centimes à partir de 1874, la redevance d'arrosage, fixée à 3 sols par les conventions de 1560 et 1567, sous prétexte que cette redevance n'était plus en rapport avec les frais d'entretien du canal de Craponne, l'arrêt attaqué a formellement violé l'article 1134 ci-dessus visé ; Par ces motifs, casse, dans la disposition relative à l'augmentation du prix de la redevance d'arrosage, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel d'Aix le 31 décembre. Document n° 4 : Com. 29/6/2010, inédit, D. 2010, note Mazeaud Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société d'Exploitation de chauffage (société SEC) a fait assigner en référé la société Soffimat, avec laquelle elle avait conclu le 24 décembre 1998 un contrat d'une durée de 12 ans ou 43 488 heures portant sur la maintenance de deux moteurs d'une centrale de production de co-génération moyennant une redevance forfaitaire annuelle, aux fins qu'il lui soit ordonné, sous astreinte, de réaliser, à compter du 2 octobre 2008, les travaux de maintenance prévus contractuellement et notamment, la visite des 30 000 heures des moteurs ; Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu les articles 1131 du code civil et 873, alinéa 2 du code de procédure civile ; Attendu que pour retenir que l'obligation de la société Soffimat de satisfaire à l'obligation de révision des moteurs n'était pas sérieusement contestable et confirmer la décision ayant ordonné à la société Soffimat de réaliser à compter du 2 octobre 2008, les travaux de maintenance prévus et, notamment, la visite des 30 000 heures des moteurs et d'en justifier par l'envoi journalier d'un rapport d'intervention, le tout sous astreinte de 20 000 euros par jour de retard, et ce pendant 30 jours à compter du 6 octobre 2008, l'arrêt relève qu'il n'est pas allégué que le contrat était dépourvu de cause à la date de sa signature, que l'article 12 du contrat invoqué par la société Soffimat au soutien de sa prétention fondée sur la caducité du contrat est relatif aux conditions de reconduction de ce dernier au-delà de son terme et non pendant les douze années de son exécution et que la force majeure ne saurait résulter de la rupture d'équilibre entre les obligations des parties tenant au prétendu refus de la société SEC de renégocier les modalités du contrat ; Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'évolution des circonstances économiques et notamment l'augmentation du coût des matières premières et des métaux depuis 2006 et leur incidence sur celui des pièces de rechange, n'avait pas eu pour effet, compte tenu du montant de la redevance payée par la société SEC, de déséquilibrer l'économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa signature en décembre 1998 et de priver de toute contrepartie réelle l'engagement souscrit par la société Soffimat, ce qui était de nature à rendre sérieusement contestable l'obligation dont la société SEC sollicitait l'exécution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; Et sur le second moyen : (…) PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 mars 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

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Document n° 5 : Cass. Com. 29/6/2010, n° 09-11.841 PBRI Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges d'automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu'elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu'un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu'un contrat de mise en œuvre du "programme Oracle applications" a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu'en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d'un changement de logiciel pour passer l'an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu'aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu'assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l'ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d'appel a, par application d'une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l'article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Faurecia fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1°/ que l'inexécution, par le débiteur, de l'obligation essentielle à laquelle il s'est contractuellement engagé emporte l'inapplication de la clause limitative d'indemnisation ; qu'en faisant application de la clause limitative de responsabilité après avoir jugé que la société Oracle avait manqué à l'obligation essentielle tenant à la livraison de la version V 12 en 1999, laquelle n'avait pas été livrée à la date convenue, ni plus tard et que la société Oracle ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l'aurait empêchée d'accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi les articles 1131, 1134 et 1147 du code civil ; 2°/ qu'en jugeant que la clause limitative de responsabilité aurait été prétendument valable en ce qu'elle aurait été librement négociée et acceptée et qu'elle n'aurait pas été imposée à Faurecia, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, violant ainsi les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ; 3°/ qu'en jugeant que la clause, qui fixait un plafond d'indemnisation égal au montant du prix payé par Faurecia au titre du contrat des licences n'était pas dérisoire et n'avait pas pour effet de décharger par avance la société Oracle du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, la cour d'appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 du code civil ;

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l'arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l'indemnisation négocié aux termes d'une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n'était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d'un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d'Oracle pour la version V 12 d'Oracles applications ; que la cour d'appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l'obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'après

avoir constaté que la société Oracle n'avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en œuvre du programme Oracle applications, qu'elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l'aurait empêchée d'accomplir ses obligations, ni aucun cas

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de force majeure, la cour d'appel a jugé que n'était pas rapportée la preuve d'une faute d'une gravité telle qu'elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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Document n° 6 :

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Document n° 7 : Vers un renouvellement du droit des contrats ?, in Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 8ème éd., n° 45, pp. 49 et 50

C'est dire qu'un équilibre est à trouver entre les excès d'un dirigisme constructeur et ceux d'un laisser faire sauvage. Une société ne saurait vivre sans un certain nombre de valeurs et c'est à l'État de poser et de faire respecter les interdits qui les soustraient à la loi du marché. En revanche, s'agissant de réguler les rapports économiques, la solution ne saurait être recherchée dans un interventionnisme tatillon. C'est là, en effet, mettre le doigt dans « un engrenage qu'il est bien difficile d'arrêter et qui achemine vers des solutions de plus en plus fragmentaires » 2. C'est se lancer dans une course poursuite sans fin, entre les excès de la liberté et ceux de l'interventionnisme. Pour rompre avec celle-ci, nombre d'auteurs appellent aujourd'hui de leurs vœux un approfondissement et un renouvellement de la théorie générale du contrat, laquelle s'enrichirait des principes nouveaux déjà en germe dans certaines dispositions spéciales 3.

Le renouvellement du droit des contrats s'opérerait ainsi non par voie d'exception aux principes traditionnels mais par « l'adjonction de principes nouveaux, latents dans le droit positif et complémentaires des anciens », leur combinaison dialectique permettant de donner à chacun sa juste place 4. Dans cette ligne, plusieurs voies sont concevables. Pour certains, il conviendrait conformément à une analyse néo-libérale du contrat de placer les parties dans un environnement qui leur permette d'user au mieux de leur liberté et de leur responsabilité. Afin de promouvoir la liberté des parties, la prise en compte de la bonne foi n'autoriserait qu'un contrôle judiciaire à la marge. Pour d'autres, partisans d'un« solidarisme contractuel », il conviendrait d'aller plus loin et de dépasser une conception individualiste et antagoniste du contrat où chacun veille à la défense de ses seuls intérêts.

1. M.-A. FRISON-ROCHE, Le modèle du marché, Archives de philosophie du droit, t. 40, 1996, p. 287 s. 2. M. CABRILLAC, Remarques sur la théorie générale du contrat et les créations récentes de la pratique commerciale, Melanges Marty, 1978, p. 235 s" SP, p. 245. 3.M. CABRILLAC, art. prée. ; Ph. JESTAZ, l'évolution du droit des contrats spéciaux dans la loi depuis 1945, in L'évolution contemporaine du droit des contrats, Journées Savatier 1985, p, 117 s. , sp,

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Bien que cultivant des visions assez différentes du contrat, ces deux analyses emportent des conséquences qui se recoupent partiellement. L'une comme l'autre conduisent, en effet, à mettre en avant une sorte de « principe d'égalité contractuelle» 1. Par là on veut marquer que le consentement des deux parties doit être pareillement libre et éclairé, lors de la conclusion du contrat, de telle sorte que chacune ait la pleine maîtrise des éléments qui sont susceptibles d'influer sur sa décision. Il s'agit de restaurer une véritable liberté contractuelle afin de remédier à l'inégalité de fait existant entre certains contractants. Mais alors même que le consentement des parties a été éclairé et libre, il arrive que l'une ou l'autre des parties soit assujettie à des obligations disproportionnées au regard de l'économie d'ensemble du contrat. Jouerait alors un « principe d'équilibre contractuel» 2, que certains préfèrent dénommer « principe de proportionnalité» 3 ou encore « principe général sanctionnant l'excès» 4, qui se propose non d'assurer une équivalence entre les obligations des parties mais de remédier à un déséquilibre excessif de celles-ci, fut-il survenu postérieurement à la conclusion du contrat 5. À cet effet, les mécanismes correcteurs présents dans le code civil verraient leur rôle renforcé et de nouveaux mécanismes s'y adjoindraient. C'est ici que néolibéralisme et solidarisme contractuel divergent. Alors que, dans cette tension dialectique entre la force obligatoire du contrat et son équilibre, le solidarisme se montre plus attentif au deuxième impératif et souligne que l'adaptabilité du contrat serait un gage de sa pérennité, le néo-libéralisme insiste sur ce que la recherche de l'équilibre contractuel relève d'abord de la responsabilité de ceux qui l'ont conclu. Sous couvert de justice contractuelle, le contrat ne doit pas devenir un « ménage à trois» au sein duquel l'intervention du juge ruinerait la sécurité juridique sans laquelle le contrat, instrument de maîtrise du futur, risque de perdre une bonne part de son efficacité. « Il ne faut pas substituer le mal de l'insécurité au mal de l'abus 6 ». La variété des dénominations employées -équilibre, proportionnalité, excès -témoigne, au reste, de la difficulté de l'exercice. À partir de quel seuil, convient-il de réagir? p. 13 5 ; Ph. RÉMY, Droit des contrats: questions, positions, propositions, in Le droit contemporain des contrats, 1987, p. 271 s. A. BELLOIR, Théorie générale des contrats spéciaux, thèse Paris Il, 2002. 4. C. THIBIERGE-GUELFUCCI, art. prée., RTD civ, 1997, p, 377, 1. C. THIBIERGE-GUELFucCI, RTD civ. 1997, p. 378; D. BERTHlAU, Le principe d'égalité et le droit civil des contrats"thèse Paris II, éd, 1999, 2. L FIN-LANGER, L'équilibre contractuel, thèse Orléans, éd, 2002, 3. Existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé? Les petites affiches, 30 septembre 1998; 5, PECH-LE GAC, La proportionnalité en droit privé, thèse Paris XI, éd, 2000, 4. D, BAKOUCHE, L'excès en droit civil, thèse Paris II, 2001, nO 419 et s" p, 319 et s, 5. C. THIBIERGE-GUELFUCCI, art. prée, RTD civ, 1997.379; C. JAMIN, art, prée, Droit et patrimoine, mars 1998, p, 55, 6. J,-M, MOUSSERON, in Les principales clauses des contrats conclus entre les professionnels, p, 232, 7, C. THIBIERGE-GUELFUCCI, art, prée, RTD civ, 1997, p, 382 ; D, MAZEAUD" art, prée, Me1anges F. Terré, p, 603; A. 5ÉRJAUX, op, cit., n° 55,