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NUMÉRO 58 SAVOIR ALLEZ Le magazine de l’UNIL | Septembre 2014 | Gratuit ! FANTASY FASCINENT LE XXI E SIÈCLE LES DRAGONS MÉDECINE L’immunothérapie bouleverse la lutte contre le cancer 16-20 ANIMAUX Y aura-t-il bientôt des piranhas dans nos rivières ? 34-39 HISTOIRE DES RELIGIONS Zut, on a encore oublié Madame Dieu ! 40-44

Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

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Le magazine de l'Université de Lausanne (UNIL).

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NUMÉRO

58

SAVOIR ALLEZLe magazine de l’UNIL | Septembre 2014 | Gratuit!

FANTASY

FASCINENT LE XXIE SIÈCLE LES DRAGONS

MÉDECINEL’immunothérapie bouleverse la luttecontre le cancer16-20

ANIMAUXY aura-t-il bientôt des piranhas dans nos rivières ? 34-39

HISTOIRE DES RELIGIONSZut, on a encore oublié Madame Dieu !40-44

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 3

ÉDITOIS

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IMPRESSUM

Magazine de l’Université de LausanneNo 58, septembre 2014www.unil.ch/allezsavoir

Editeur responsableUniversité de LausanneUne publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuelQuartier UNIL-SorgeBâtiment Amphimax1015 LausanneTél. 021 692 22 [email protected]

Rédaction en chefJocelyn Rochat, David Spring (UNICOM)

Création de la maquetteEdy Ceppi (UNICOM)

RédacteursSonia ArnalElisabeth GordonCynthia KhattarVirginie JobéAlberto MontesissaNadine RichonMuriel Sudano-Ramoni

CorrecteursAlbert GrunFabienne Trivier

Direction artistiqueSecteur B Sàrlwww.secteurb.ch

PhotographieNicole Chuard

IllustrationEric Pitteloud (pp. 3, 57)

Couverture© Thinkstock

ImpressionIRL plus SA

Traitement de la couvertureKMC, Le Mont-sur-Lausanne

Tirage17 000 exemplaires

ParutionTrois fois par an, en janvier,mai et septembre

[email protected] (p. 4)021 692 22 80

DIEU NE LE VEUT PAS,ENFIN, JE CROIS

Jamais, dans l’histoire récente, l’in-tolérance religieuse n’avait cau-sé de telles fuites de populations désespérées. Un peu partout sur la planète, on voit désormais des

millions de chrétiens, de musulmans et d’hindous forcés de quitter des territoires qu’ils ont toujours habités. «Dans les zones de conflits, ces déplacements de grande ampleur sont devenus, de manière perni-cieuse, un phénomène normal», estime le Département d’Etat américain, qui s’en est ému dans un rapport publié à la fin juillet.

En Orient, avec les images des chrétiens fuyant les djihadistes de l’Etat islamique en Irak et au Levant, mais encore au Mali et en République centrafricaine, où les militaires français sont intervenus récemment, mais encore au Proche et Moyen-Orient, où l’on découvre l’ampleur du conflit entre sun-nites et chiites, sans oublier la Syrie, Is-raël et Gaza, l’actualité de l’été n’a cessé de confirmer les conclusions alarmantes de ce rapport.

Et quand on s’interroge sur les raisons de ce retour des guerres de religion, diffi-cile de ne pas être frappé par l’inculture religieuse crasse affichée par certains des combattants parmi les plus fanatiques. Comme Boko Haram, devenu mondiale-ment célèbre en organisant le rapt et la conversion de 276 jeunes filles de 12 à 17 ans au Nigeria, avant d’inonder Internet avec les fariboles que lui inspire sa lecture très personnelle du Coran.

Les délires de ce criminel suggèrent ce-pendant une piste susceptible de pacifier ces débats: l’étude approfondie des grands textes sacrés. Cette parade paradoxale a no-

tamment été utilisée pour ramener à la rai-son des combattants d’Al-Qaida qui, après avoir lu le Coran de long en large, ont décou-vert à quel point leur lecture était sectaire.

Dans la plupart des conflits où les bel-ligérants invoquent un texte sacré, les his-toriens des religions ont des révélations à nous faire, qui sont susceptibles d’apaiser les esprits. Vous le vérifierez encore dans ce numéro d’Allez savoir! à propos d’un su-jet bien connu et à peine moins polémique: la place des femmes dans les grandes reli-gions monothéistes.

En retrouvant dans la Bible les nom-breuses traces d’une Madame Dieu qui a trôné à côté de Yahvé, jusque dans le temple de Jérusalem, le professeur de l’UNIL Tho-mas Römer nous permet de mieux com-prendre pourquoi, depuis 2700 ans envi-ron, les grandes religions monothéistes ont d’énormes difficultés à laisser une place aux femmes.

Cet éclairage, très inattendu dans une religion et des textes que nous croyons bien connaître, montre le potentiel de l’histoire des religions, dès qu’il s’agit de pacifier les débats, fussent-ils les plus sensibles.

«QUAND ON S'INTERROGESUR LES RAISONS DE CE RETOUR DES GUERRES DE RELIGION, DIFFICILE DE NE PAS ÊTRE FRAPPÉ PAR L'INCULTURE RELIGIEUSE CRASSE AFFICHÉE PAR CERTAINSDES COMBATTANTS PARMILES PLUS FANATIQUES.»

Quelques mots encore pour signaler qu’Allez savoir ! célèbre cet été son 20e anniversaire. C’est en effet en juin 1994 qu’est paru le premier opus de cette revue, qui portait alors le numéro zéro, puisque son avenir était loin d’être assuré. Un millénaire et 58 numé-ros plus tard, nous devons remercier nos lecteurs qui, par leur fidélité, ont permis à cette aventure de continuer.

JOCELYN ROCHAT Rédaction en chef

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JE M'ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! » Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université  de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par fax au 021 692 22 05. Ou par courrier électronique à [email protected]

Allez savoir ! et l'uniscope (le magazine du campus) peuvent être consultés partout, grâce à leurs versions pour tablettes et smartphones. Leur contenu est enrichi de vidéos, de sons, de galeries photographiques et de liens.

Disponible via Google Playet App Store.

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 5

SOMMAIRE

SAVOIR ALLEZLe magazine de l’UNIL | Septembre 2014 | Gratuit

BRÈVESL’actualité du campus:

distinctions, formation,international, publications.

PORTFOLIOVoile,

Expo 64, Archéologie.

C’ÉTAIT DANS « ALLEZ SAVOIR ! »Le charme vénéneux

des champignons.Article paru en 1997.

POP CULTURELes dragons fascinent le XXIe siècle.

Qui étaient vraimentles Vikings ?

UNIVERSITÉPourquoi l’UNIL

investit dans l’innovationpédagogique.

ANIMAUXY aura-t-il bientôt des piranhas

dans nos rivières ?Des perruches dans nos villes.

HISTOIREDES RELIGIONS

Zut, on a encoreoublié Madame Dieu !

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

Max Lobe, la réjouissancecontagieuse.

INTERNETPour échapper

à l’hégémonie américaine,faudra-t-il balkaniser le web ?

MOT COMPTE TRIPLEOpen Access, avec Jean-ClaudeAlbertin, Marc Robinson-Rechaviet Frédéric Schütz.

TOP LEADERSQui sont les grandsdirigeantsdu sport ?

RÉFLEXIONVérité scientifique et opinion.Par Dominique Bourget Alain Kaufmann.

RENCONTREArnaud Tripet,professeurbuissonnier.

LIVRESLittérature, Lausanne, football,santé, Sciences criminelleset Michel Foucault.

FORMATION CONTINUEExecutive EducationHEC Lausanne. Dramaturgieet performance du texte.

MÉMENTOEvènements,conférences, sortieset expositions.

CAFÉ GOURMANDUn regard affûtésur la diversité.Avec Monika Salzbrunn.

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MÉDECINE L'immunothérapie

bouleverse la lutteanticancéreuse.

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L’UNIL PRENDLE LARGEMercredi 11 juin, en fin d’après-midi. Dans le cadre d’un cours d’initiation, un catamaran du centre nautique de l’UNIL vogue sur le Léman, non loin de Dorigny. Un moniteur professionnel suit de près les manœuvres depuis un canot à moteur.La voile figure parmi les très nombreuses activités proposées à la communauté universitaire par le Service des sports UNIL/EPFL. Ainsi, des dériveurs Laser, des planches à voile, des kayaks et autres paddles sont mis à disposition. «En majorité, nous accueillons des étudiants, dont une bonne partie est en mobilité, explique Franck Virey, chef du centre nautique. Mais nous comptons également des employés parmi nos habitués.» La saison s’étend de fin mars à début novembre. Pendant les beaux jours, des cours sont organisés quotidiennement, week-end compris. Une formation destinée aux juniors de 12 à 17 ans se déroule le mercredi. Au total, près de 6000 sorties, toutes embarcations confondues, ont lieu chaque année. DS

Reportage photo sur

www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO NICOLE CHUARD © UNIL

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S’IL TE PLAÎT, DESSINE-MOIUNE EXPOCette photographie a été prise dans le secteur Communications et Transports de l’Expo 64. Sur la droite circule le monorail qui permettait aux visiteurs de découvrir le site d’en haut. A l’époque, l’évènement a attiré 12 millions de personnes à Vidy. Il a agi à la fois comme machine à transformer l’image que les Suisses avaient de leur pays, comme catalyseur des tensions politiques et sociales du momentet comme laboratoire des nouvelles techniques de communication. Sous la plume des professeurs Olivier Lugon et François Vallotton, Revisiter l’Expo 64, Acteurs, discours, controverses (à paraître cet automne aux Presses polytechniques et universitaires romandes), rassemble de nombreuses informations et analyses.Et que peut-on dire de l’Expo.02, qui fut l’objet d’intenses débats? De quoi Expo2027 Bodensee Ostschweiz devra-t-elle parler? Et au fond, à quoi servent ces expositions nationales et quel sens ont-elles? Ces questions seront abordées à l’occasion d’un cours public organisé le 26 novembre prochain. DS

UNIL-Sorge. Amphimax. 18h. Détails sous

www.unil.ch/autrementdit.

PHOTO © TOMAMICHEL

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THÉTIS ET LE MONSTRE MARINNous sommes à Erétrie (Eubée, Grèce). Réalisée probablement au milieu du IVe siècle av. J.-C., cette œuvre orne l’une des salles de la Maison aux mosaïques. Elle représente Thétis chevauchant un monstre marin. La Néréide apporte de nouvelles armes à son fils Achille. Cette scène est devenue l’un des symboles des découvertes de l'Ecole suisse d'archéologie en Grèce (ESAG). Depuis 1964, en effet, des archéologues suisses dégagent les vestiges de la ville antique, afin d’étudier et defaire connaître les 3000 ans deson histoire.Depuis 1982, l’Université de Lausanne abrite le siège de l’Ecole suisse d’archéologie en Grèce. Le 21 novembre prochain, un évènement officiel marquera le 50e anniversaire du début des fouilles suisses à Erétrie. L’occasion d’entendre des chercheurs parler de leur travail (lire en p. 65). (Réd.)

Secrétaire scientifique en Suisse de l’ESAG,

Thierry Theurillat commente plusieurs objets

significatifs de l’histoire d’Erétrie sur

www.unil.ch/allezsavoir

PHOTO ANDREAS VOEGELIN

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La transition énergétique consiste à consom-mer moins de ressources fossiles, à miser sur le renouvelable et à utiliser moins d’énergie, tout en maintenant une bonne qualité de vie. Cette idée raisonnable ne se concrétise pourtant pas dans le réel, loin de là. Pourquoi? Dans le but de trouver des réponses, l’UNIL et Romande Ener-gie viennent de lancer «Volteface». «Nous allons nous concentrer sur les aspects sociaux, légaux, économiques et culturels de cette question, en-core peu explorés. Contrairement au volet tech-nologique, déjà bien traité», explique Nelly Niwa,

cheffe de projet. Cette démarche implique les chercheurs et les citoyens. Ces derniers sont en effet dès maintenant invités à indiquer sur www.volteface.ch, via des post-it numériques, ce qui les motive dans la transition énergétique… Et ce qui les freine! Ces préoccupations, exprimées par la population, seront regroupées par thèmes puis proposées comme sujets de recherche aux scientifiques et aux étudiants intéressés, dès novembre. Une soirée publique de présentation de Volteface aura lieu le 2 février 2015 (détails en p. 65). DS

VOLTEFACE, EN PRISE AVEC LE RÉEL

16903 Le nombre de tweets échan-gés par près

de 2000 personnes au sujet de la conférence internationale Digi-tal Humanities 2014, qui a eu lieu du 7 au 12 juillet dernier. Plus de 750 chercheurs du monde en-tier étaient rassemblés pour l’oc-casion sur le campus lausannois. Une analyse de ces interac-tions numériques est proposée – en anglais – par deux cher-cheurs de l’UNIL et de l’EPFL sur www.martingrandjean.ch. (RÉD.)

LE CHIFFRE

RECHERCHE ET SOCIÉTÉ

BRÈVES

FORMATION CONTINUE

600 FONCTIONNAIRES CHINOIS À DORIGNYL’Université de Lausanne a été mandatée par la Direction du développement et de la coopération de la Confédération (DDC) pour organiser le seul programme international destiné aux hauts dignitaires du secteur public chinois. Au programme de ce «Sino-Swiss Management Training Program for Sustainable Development»? Une approche multidisciplinaire de la durabilité, qui va impliquer la Faculté des hautes études commerciales, celle des Géosciences et de l’environnement, l’Institut des hautes études en administration publique (IDHEAP) et l’Institut des hautes études internationales et du développement de Genève. Dès cet automne, et sur quatre ans, plus de 600 fonctionnaires – représentatifs de la prochaine génération de cadres dirigeants du pays – seront formés à Lausanne. (RÉD.)

PORTES OUVERTES

LES MYSTÈRES DE L’UNIL ATTIRENT LE PUBLICNeuf mille personnes, dont 1500 écoliers, ont foulé le campus de Dorigny entre le 22 et le 25 mai dernier, à l’occasion des Portes Ouvertes de l’UNIL. Intitulée «TKITOI?», cette neuvième édi-tion des Mystères invitait les éco-liers vaudois et le grand public à

explorer les questions relatives à l’identité et l’altérité, en entrant dans les dédales de l’anatomie et de la pensée humaine.Trois cents chercheurs ont mis sur pied une trentaine d’ateliers et des animations qui ont ravi pe-tits et grands.

Parmi les innovations de cette an-née, l’exploration d’une galerie souterraine traversant le campus sur toute sa longueur a particu-lièrement été prisée. Rendez-vous du 28 au 31 mai 2015, pour la 10e édition. (RÉD.)

www.unil.ch/mysteresC

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 13

A quelques minutes en bateau de la place Saint-Marc, l’île de San Servolo héberge depuis 1995 la Venice International Uni-versity (VIU), un campus où se réunissent chaque année des professeurs et étudiants venus de diverses universités de par le monde. L’UNIL vient de se joindre au pro-jet, les intéressés sont donc invités à postu-ler pour prendre part aux cours dès le prin-temps 2015. Les enseignements de la VIU,

tous donnés en anglais, sont orientés autour de questions environnementales, avec la mon-dialisation comme thème pour ce semestre d’automne. L’idée: permettre de se retrou-ver dans une ambiance académique favo-risant des échanges totalement multicultu-rels. Treize universités ont déjà rejoint le programme, parmi lesquelles Duke et Boston College pour les Etats-Unis, Waseda (Tokyo), Tsinghua en Chine ou Tel Aviv. CK

UNIL VÉNITIENNEFORMATION INTERNATIONAL

NOUVEAU GROUPEALUMNIL À SHANGHAIUne cinquantaine de diplômés et étudiants chinois venus étudier à l’UNIL vivent aujourd’hui dans la région de Shanghai. Pour leur permettre de construire un réseau utile, un groupe SHANGHAI ALUMNIL a été créé le 8 avril dernier, sous l’égide du Swissnex China. Lucie Barone (HEC, bachelor 2012), Chen Chen (Lettres, échange mobilité 2007) et Caroline Tran (HEC, master 2012) – ont accepté d’animer ce groupe et de renseigner tout membre du réseau prévoyant de s’installer à Shanghai. Prochaines rencontres sur place: Swissalumni Event le 30 octobre et Rencontre ALUMNIL le 4 décembre. SW

Plus d’infos sur www.unil.ch/alumnil/agenda.Contact: [email protected].

Photos: Caroline Tran (à g.) et Lucie Barone (à dr.) encadrent Elsa Bouzaglo, ambassadrice du réseau ALUMNIL et stagiaire HEC auprès du Swissnex Shanghai.

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L'équipe menée par Norman Schürhoff, professeur au Département de finance à la Faculté des hautes études commerciales, Harald Hau (UNIGE), Loria-no Mancini (EPFL), Angelo Ranaldo et Jan Wram-pelmeyer (Université de Saint-Gall), a décroché le Sinergia 2014 Grant mis au concours par le Fonds national de la recherche scientifique. Un finance-ment de 2,1 millions leur a été accordé pour leur projet Empirics of Financial Stability. Il s’agit de

mieux comprendre quelles ont été les sources, vec-teurs et conséquences des frictions dans le sec-teur financier, durant la récente crise mondiale. Parmi les thèmes étudiés: les incitations sa-lariales bancaires et les prises de risques des banques, le marché monétaire et les prêts inter-bancaires, les frictions de l'intermédiation finan-cière et la valorisation des actifs, les risques sys-témiques et l'économie réelle. (RÉD.)

DES RECHERCHES POUR MIEUX COMPRENDRE LA CRISEFINANCE

2,1 MILLIONS POUR ÉTUDIER LES SOURCES, VECTEURS ET CONSÉQUENCES DES FRICTIONS DANS LE SECTEUR FINANCIER

RENCONTRER TOUTES CES PERSONNES, ÉCHANGER, AVOIR PU IMPOSER NOTRESTYLE FACE AUX PARISIENS QUI ONT POURTANT LE SENS DE LA RHÉTORIQUESONT MES MEILLEURS SOUVENIRS.Aline Fuchs, dans La Côte du 24 juillet 2014. Brian Favre et elle, étudiants à l’UNIL, ont remporté le Championnat du monde de débat francophone

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703Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques en 2014 (d’après Serval,

au 4 septembre 2014).Sous la direction de Céline Weyermann, professeure assis-tante FNS à l’Institut de police scientifique de l’Ecole des sciences criminelles, plusieurs jeunes chercheurs se sont intéressés à la datation de traces matérielles. Une question importante, car un suspect peut en effet avoir laissé des marques sur le lieu d’un délit avant ou après l’évènement et pour une bonne raison. Les résultats de ces travaux ont été publiés dans plusieurs titres spécialisés cette année.Aline Girod s’est penchée sur le vieillissement des em-preintes digitales. Non seulement il n’existe aucun consensus dans la communauté forensique sur la ma-nière d’aborder cette question, mais les méthodes actuelle-ment utilisées manquent de bases scientifiques, surtout au niveau chimique. La doctorante propose d’utiliser la composi-tion en lipides des traces pour déterminer leur âge.Matteo Gallidabino cherche à répondre à une autre question: à quel moment une arme de petit calibre a-t-elle été utili-sée? Comment dater les résidus de tir – très volatils – re-trouvés dans le canon et/ou sur les douilles? Le doctorant a développé une nouvelle méthode et a dû surmonter de nombreux obstacles techniques, notamment parce que les quantités déposées sont très faibles. Même si l’application pratique n’est pas toute proche, ses recherches ouvrent de nouvelles pistes.Il arrive souvent, dans des affaires traitées au civil, que la datation des encres de stylos à bille déposées sur des documents soit nécessaire. Par exemple, si une personne admet avoir signé un contrat, mais estime qu’il a été mo-difié après coup! Plusieurs méthodes sont appliquées aujourd’hui, mais que valent-elles scientifiquement? La question est controversée. Doctorante, Agnès Koenig a comparé de manière critique les techniques utilisées par deux laboratoires.Ces travaux s’inscrivent dans une démarche plus large. «Nous cherchons à développer une approche commune pour la datation des traces, qui soit valable aussi bien pour les empreintes physiques que numériques, ainsi que pour les témoignages», explique Céline Weyermann. DS

Références des articles sur www.unil.ch/allezsavoir

4171 Le nombre de références faites à l’Uni-versité de Lausanne et au CHUV dans les médias suisses en 2014, selon la revue de

presse Argus, au 4 septembre 2014. La couverture médiatique de la Coupe du monde de foot-ball a mis à contribution les chercheurs de l’UNIL, et no-tamment ceux de l’Institut des sciences du sport. Comme par exemple Stanislas Frenkiel, auteur d’un récent ou-vrage sur les agents (lire en p. 61), interrogé par So Foot. L’article sur l’aspect multiculturel de l’équipe suisse, paru dans Allez savoir ! de mai dernier, a été relevé par Le Monde. Le 6 juin, Wired citait un article scientifique coécrit par Judith Aldridge de l’Université de Manchester et David Décary-Hétu, maître d’enseignement et de recherche à l’Institut de police scientifique de l’UNIL. Ces chercheurs se sont intéressés au marché noir en ligne Silk Road, où l’on trouve de nombreux produits illicites. Il s’avère que ce dernier, où commercent en ligne grossistes et dealers de drogue, pourrait contribuer à réduire les problèmes de violence et de territorialité du trafic de rue. Le 12 juin, Nova Next présentait en détail les travaux de Ian Sanders, professeur associé au Département d’écolo-gie et évolution. Ce dernier s’intéresse à la symbiose my-corhizienne, soit entre les champignons et les racines des plantes. Une relation essentielle à comprendre si l’on sou-haite développer une agriculture plus efficace, notamment dans les pays en développement. Le CHUV et l’UNIL ont créé une chaire de soins palliatifs spécialisée dans l’âge avancé. Un évènement largement relayé. A l’origine de ce projet, le professeur Gian Dome-nico Borasio a également publié Mourir - Ce que l'on sait, ce que l'on peut faire, comment s'y préparer au printemps. Cet ouvrage, paru dans la collection Le savoir suisse aux Presses polytechniques et universitaires romandes, a été l’objet de nombreux articles et entretiens. DS

AVANCÉES DANS LA DATATION DES TRACES

FOOT, DROGUEET CHAMPIGNONS

HISTOIRE

BRÈVES

L’UNIL DANS LES MÉDIAS PASSAGE EN REVUE

ÂMES VOYAGEUSESL’Association culturelle pour le voyage en Suisse publie chaque année un bulletin qui contient un dossier thématique. Le dernier en date porte sur les «Voyages au fé-minin», du XVIIIe au XXe siècle. Un champ encore peu exploré, comme l’écrit Claude Reichler, professeur honoraire et président de l’ACVS, dans son avant–propos. En courts articles rédi-gés par des chercheurs, cette édition présente de nombreux documents originaux, comme par exemple des carnets ma-nuscrits conservés à la British Library ou le ré-cit des pérégrinations de la poétesse Friede-rike Brun. Ces textes permettent de poser de nombreuses questions: en quoi l’expérience du voyage, c’est-à-dire de

la sortie hors du cadre quotidien, permet-elle de parvenir – ou non – à une certaine émancipa-tion des femmes? Com-ment les hommes consi-déraient-ils la place de ces dernières dans le cadre grandiose et sau-vage des Alpes: créa-tures fragiles ou hé-roïques casse-cou?Basée à l’Université de Lausanne, l’association propose à ses membres une excursion annuelle, ainsi que des visites culturelles. DS

www.levoyageensuisse.ch

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 15

MÉDIAS, RECHERCHE ET SPORTÀ L'HONNEUR

Cet été, l’aviron lausannois a brillé aux Championnats d’Eu-rope universitaires 2014 (EU Games) à Rotterdam. Etudiantes en Faculté des géos-ciences et de l’environnement à l’UNIL, Juliette Jeannet et Adeline Seydoux ont remporté l’or en double poids lourds. Chez les hommes, le duo Vincent Gior-gis et Romain Loup a également terminé à la première place. Ces quatre sportifs appar-tiennent au Lausanne-Sports Avi-ron. L’Université de Zurich a ra-mené trois médailles d’or, ce qui a permis à la Suisse, qui ali-gnait une trentaine de rameurs, de décrocher la place de meil-leure équipe universitaire. (RÉD.)

Directeur de l’Ecole des sciences criminelles (ESC), le professeur Pierre Margot a obtenu le John A. Dondero Memorial Award le 15 août 2014. Cette distinc-tion est attribuée par l’Interna-tional Association for Identifica-tion (IAI), qui compte plus de 7000 membres. Fondée en 1915, édi-trice du Journal of Forensic Identi-fication, l’IAI est davantage tour-née vers les questions pratiques que scientifiques. «Ce prix impor-tant constitue une reconnais-sance de la part des profession-nels de la police scientifique qui mettent en œuvre et utilisent, par-tout dans le monde, ce qui a été découvert par les chercheurs», explique Pierre Margot. (RÉD.)

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VALAIS-VAUD-GENÈVEEUROPE

JEAN-CLAUDE TRICHET À DORIGNYPrésident du Groupe des Trente, ancien président de la Banque centrale euro-péenne et gouverneur honoraire de la Banque de France, Jean-Claude Trichet a donné une conférence devant plus de 300 personnes, le 11 juin dernier. Un évè-nement organisé par la Fondation Jean Monnet pour l’Europe. L’orateur a notam-ment décrit les mesures prises depuis la crise pour renforcer la gouvernance de la zone euro, comme le pacte de stabilité et de croissance ou l’union bancaire (sur-veillance prudentielle). Selon lui, aller aussi loin dans la surveillance des politiques économiques, budgétaires et financières a renforcé de facto l’union politique. (RÉD.)

Pour revivre la conférence en vidéo: http://jean-monnet.ch

Dès le 1er janvier 2015, les activités d’enseignement, de recherche et d’expertise de l’Institut universitaire Kurt Bösch (IUKB) seront reprises, sur le site de Sion, par les Universités de Genève et de Lausanne. Grâce à une conven-tion cadre, qui s’étend sur une durée de huit ans, la res-ponsabilité académique et financière de l’Unité d’enseigne-ment et de recherche en droits de l’enfant, ainsi que de la cellule inter- et transdisciplinarité de l’IUKB, sera assu-mée par l’UNIGE. L’Unité d’enseignement et de recherche en tourisme sera placée sous la responsabilité de l’UNIL. Ainsi, les deux Hautes Ecoles lémaniques possèderont une antenne sédunoise et élargissent leur offre de formation. La Fondation de l’IUKB mettra les infrastructures néces-saires à disposition, tandis que l’Etat du Valais et la Com-mune de Sion resteront impliqués financièrement. (RÉD.)

www.iukb.ch

LES ACTIVITÉS DE L’INSTITUT KURT BÖSCH SONT PÉRENNISÉES©

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Gian-Paolo Dotto, professeur or-dinaire au Département de biochi-mie de la Faculté de biologie et de médecine, a été élu membre de l'Académie nationale des sciences Leopoldina. Fondée en 1652 en Allemagne, l'Académie nationale des sciences Leopoldina (Leopol-dina Nationale Akademie der Wis-senschaften) est la société sa-vante la plus ancienne d'Europe. Elle est consacrée à l'avancement de la science au bénéfice de l'hu-manité et à la formation d'un ave-nir meilleur. Avec quelque 1500 membres, la Leopoldina ras-semble des scientifiques de haute renommée provenant d'Alle-magne, d'Autriche, de Suisse et de nombreux autres pays. (RÉD.)

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Maître assistante à l’Institut de géographie et durabilité, Joëlle Salomon Cavin alimente un blog personnel proche de ses re-cherches, mais destiné au grand public: La ville, je t’aime moi non plus. Il se trouve sur le site de L'Hebdo. Plusieurs autres ensei-gnants et scientifiques de l’UNIL possèdent également un blog à l’enseigne du magazine. Comme Nelly Niwa (En transition, autour de la transition énergétique, lire égale-ment en p. 12), Olivier Guéniat (Po-lisse), Marc Atallah (Les Miroirs de l’Ailleurs), Martin Grandjean (DATA, autour de la visualisation de don-nées) et Samuel Bendahan (L'éco-nomie pour tout le monde). (RÉD.)

www.hebdo.ch/les-blogs

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SANTÉ Le Département d’oncologie UNIL-CHUVwww.chuv.ch/oncologie/onc_home.htm

16 Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne

LYMPHOCYTEPilier de notre système immunitaire, cette cellule (en bleu, entourée de globules rouges) peut être mobilisée pour lutter contre les tumeurs.© Keystone/Science Photo

Library/Steve Gschmeissner

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Mobiliser le système immunitaire pour l’aider à lutter contre les cellules tumorales: tel est l’objectif de l’immu-nothérapie qui fait depuis quelques années l’objet d’avancées fulgurantes. Grâce à son Centre Suisse du cancer actuellement en cours d’installation, Lausanne disposera des compétences et des infrastructures nécessaires pour devenir un pôle d’excellence dans ce domaine TEXTE ÉLISABETH GORDON

L’IMMUNOTHÉRAPIE

ANTICANCÉREUSE

BOULEVERSELA LUTTE

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Déjà qualifiée de « percée de l’année 2013 » par la re-vue Science, elle a tenu la vedette au congrès de l’Association américaine d’oncologie clinique qui s’est tenu à Chicago fin mai-début juin de cette an-née. C’est dire que l’immunothérapie a le vent en

poupe. Et pour cause. Cette technique, qui consiste à mo-biliser le système immunitaire du patient pour qu’il lutte efficacement contre la tumeur, a déjà remporté quelques succès impressionnants, notamment dans le cas de can-cers difficilement traitables, comme des mélanomes mé-

tastasiques ou le cancer de l’ovaire. « L’immunothérapie est actuellement l’un des domaines les plus dynamiques de la cancérologie, en termes de connaissances scientifiques et de développements thérapeutiques », constate Eric Ray-mond, chef du service d’oncologie médicale du CHUV. « C’est le futur », ajoute avec enthousiasme Lana Kanda-laft, directrice du Centre de thérapie expérimentale (CTE) du CHUV. Combinées à d’autres types de traitements, ces nouvelles thérapies devraient bouleverser la lutte antican-céreuse qui deviendra de plus en plus personnalisée.

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Les anticorps monoclonaux empêchent les cellules immunitaires de passer à l’ennemi« La tumeur est préparée et elle attend la police, souligne le chef du Service d’oncologie médicale. On trouve en ef-fet de nombreuses cellules immunitaires – notamment des lymphocytes T – dans la tumeur. Mais la plupart du temps, elles sont désactivées et parfois même, elles se transforment et deviennent une aide redoutable pour la tu-meur. » Les cellules immunitaires passent alors à l’ennemi et l’aident à produire des facteurs qu’il ne peut pas fabri-quer lui-même. Pour les empêcher de se conduire ainsi, on utilise des anticorps, ces défenseurs naturels qui repèrent les intrus ou les cellules anormales, dont on fabrique des milliers d’exemplaires à partir d’une seule cellule, clonée. D’où leur nom d’anticorps monoclonaux.

« C’est dans ce domaine que l’on observe actuellement les plus grand progrès, car ces anticorps monoclonaux ont une activité antitumorale remarquable », précise Eric Ray-mond. Certains d’entre eux, destinés à lutter contre le mé-lanome métastasique, ont déjà reçu une autorisation de mise sur le marché. D’autres, visant le cancer du poumon, pourraient être commercialisés prochainement.

Vaccin thérapeutique: une approche encore très expérimentaleLa lutte anticancéreuse passe aussi par la mise au point de vaccins thérapeutiques qui sont donc destinés à traiter la maladie. Toutefois, la tâche n’est pas simple. Le système immunitaire a en effet du mal à reconnaître les cellules tu-morales qui ne se distinguent des cellules saines que par « quelques anomalies », précise l’oncologue du CHUV. Il faut donc « identifier et isoler leurs parties immunogènes – c’est-à-dire susceptibles d’être reconnues par le système immunitaire – et les utiliser pour produire des vaccins. Cette approche reste encore très expérimentale, même si l’on fait des progrès. »

Produire plusieurs milliards de cellules TUne autre piste consiste à exploiter les lymphocytes T ex-traits de la tumeur. Ces cellules T, comme on les nomme aussi (car elles se forment dans le thymus), «circulent dans notre corps et leur présence dans la tumeur montre qu’elles sont capables de reconnaître les cellules cancé-reuses», explique Lana Kandalaft. La méthode consiste à extraire des cellules T de la tumeur du patient puis, en la-boratoire, à les stimuler et les multiplier pour en obtenir plusieurs milliards que l’on réinjecte au patient. Mais cela nécessite d’avoir, près du lit du patient, une plateforme de production de cellules comme celle dont disposera bientôt le CHUV (lire encadré en p. 20).

Combiner la thérapie cellulaire et la vaccinationCombinée à la vaccination, cette thérapie cellulaire a déjà donné quelques résultats prometteurs. Alors qu’ils tra-

La police de notre organismeVéritable armée de notre organisme, le système immuni-taire nous défend contre les agents pathogènes étrangers (virus, bactéries, parasites) qui pénètrent dans notre corps. Mais il a aussi une mission de police : il doit nous débarras-ser des agresseurs internes et, en premier lieu, des cellules cancéreuses, qui menacent notre santé. Ce deuxième rôle est toutefois plus complexe que le premier. D’abord parce que les cellules tumorales d’un individu ne sont pas très différentes de ses cellules saines, mais aussi parce que les bien nommées cellules malignes développent diverses stratégies pour repousser les forces de l’ordre. L’immuno-thérapie vise donc à mobiliser et à réarmer les policiers, afin qu’ils puissent accomplir au mieux leur tâche.

Débloquer les freins du système immunitaireLes chercheurs ont d’abord tenté de booster le système de défense, en utilisant notamment des interleukines et des interférons (naturellement produits par les cellules im-munitaires). Mais cette approche n’a pas donné les résul-tats escomptés, car ils se sont aperçu que le plus important n’était pas d’appuyer sur l’accélérateur du système immu-nitaire mais, explique Eric Raymond, « de débloquer les freins » qui entravent son fonctionnement et de l’aider « à reconnaître les cellules tumorales », afin de mieux les atta-quer et de les détruire. Cette stratégie passe par plusieurs approches : les anticorps monoclonaux, la vaccination, la thérapie cellulaire et les interventions sur les cellules saines qui entourent la tumeur et l’aident à se développer.

ÉRIC RAYMONDChef du service d’oncologie médicale du CHUV.Nicole Chuard © UNIL

«L’IMMUNO-THÉRAPIE EST L’UN DES DOMAINES LES PLUS DYNAMIQUES DE LA CANCÉROLOGIE»ÉRIC RAYMOND

SANTÉ

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LANA KANDALAFTDirectrice du Centre de thérapie expérimentale (CTE) du CHUV.Nicole Chuard © UNIL

vaillaient à l’Université de Pennsylvanie aux Etats-Unis, George Coukos, l’actuel chef du Département d’oncologie du CHUV, et Lana Kandalaft ont élaboré une stratégie en deux étapes pour lutter contre le cancer de l’ovaire, l’un des plus mortels.

Ils ont d’abord prélevé les cellules dendritiques des tu-meurs de patientes. « Ces cellules sont des espionnes, ex-plique Lana Kandalaft. Elles patrouillent dans notre corps et, lorsqu’elles repèrent des cellules tumorales, elles vont dans les nodules lymphatiques recruter des cellules T. Elles éduquent alors ces soldats et leur intiment l’ordre d’aller au front et de tuer la tumeur. » Au laboratoire, ces cellules dendritiques ont été exposées aux antigènes de la tumeur, puis réinjectées dans les nodules lymphatiques des patientes, en combinaison avec un médicament utili-sé en chimiothérapie.

Rémission dans le cancer de l’ovaireCe vaccin, bien toléré, a provoqué la réaction des cellules T qui se sont mobilisées pour lutter contre la tumeur. «Nous avons obtenu ainsi, explique Lana Kandalaft, un grand nombre de soldats», auxquels les chercheurs ont fourni de nouvelles armes pour les rendre plus performants. Ils ont donc extrait ces cellules T des patientes, puis ils les ont stimulées et multipliées de manière à en réinjecter de grandes quantités – « jusqu’à 30 milliards » – à leurs hôtes.

Parmi les 31 femmes qui ont participé à un essai cli-nique, le vaccin seul a permis d’arrêter, ou du moins de freiner la progression de la maladie chez 65% d’entre elles. Quant aux 11 patientes qui ont bénéficié de la deuxième étape du traitement, 73% ont vu leur tumeur réduite ou stabilisée. Lana Kandalaft cite aussi le cas d’une femme « qui a été opérée à deux reprises et dont le cancer de l’ovaire a récidivé à chaque fois ». Son cas semblant déses-péré, une immunothérapie a été tentée. «Aujourd’hui, cinq ans plus tard, son cancer paraît résorbé.»

Les cellules T transformées en tueuses en sérieUne fois les cellules T prélevées des tumeurs, il est aus-si possible de les modifier génétiquement pour en faire de véritables « tueuses en série », selon la spécialiste de thérapie cellulaire. L’expérience a été tentée aux Etats-Unis sur des adultes et des enfants dont certains – notam-ment une fillette de 9 ans qui a fait la «une» du New York Times – sont en complète rémission. Toutefois, cette thé-rapie de choc «entraîne de nombreux effets secondaires et la prudence s’impose. Nous n’allons l’offrir aux pa-tients du CHUV que lorsque nous serons capables de faire les essais cliniques dans les conditions les plus sûres possibles .»

S’attaquer à l’écosystème de la tumeurComplémentaire aux approches précédentes, une autre tactique consiste à intervenir sur le « stroma, c’est-à-dire,

explique Eric Raymond, sur l’écosystème dans lequel pro-lifère la tumeur». Celle-ci est en effet entourée de cellules, tissus et vaisseaux sans lesquels elle ne pourrait pas vivre ni se développer.

Des médicaments dits « anti-angiogéniques » ont déjà été élaborés pour détruire les vaisseaux sanguins que la tumeur détourne à son profit pour se nourrir. Ils sont «maintenant entrés dans la routine clinique», commente le médecin.

Actuellement, de nombreuses équipes, et notamment celle d’Eric Raymond, cherchent aussi à brouiller les com-munications entre la tumeur et son micro-environne-ment. «Le stroma sécrète des signaux, comme le facteur de croissance TGF-ß, qui augmentent l’agressivité de la tumeur envers le système immunitaire.» En bloquant ces signaux à l’aide de médicaments, on peut espérer nuire aux cellules tumorales.

Des thérapies combinéesLes approches sont donc multiples. Certaines techniques d’immunothérapie donnent déjà de bons résultats lors des premiers tests cliniques, mais l’objectif, souligne Lana Kandalaft, est de «les mettre à disposition d’un grand nombre de patients». Aucune d’entre elles ne constitue-ra, seule, le traitement miracle. Toutefois, combinées les unes avec les autres ou avec des chimiothérapies, elles devraient permettre de traiter chaque patient en fonction de la nature de sa tumeur. De quoi bouleverser la lutte anticancéreuse.

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SANTÉ

L’une des clés du succès de la lutte contre le cancer réside dans la « recherche translation-

nelle », qui vise à faire bénéficier au plus vite les patients des dernières avancées de la science. Encore faut-il que soient rassemblés, en un seul lieu, les chercheurs, les équipes mé-dicales et les malades.

C’est cet objectif que le CHUV et l’UNIL se sont fixé en lançant la construction de deux nouveaux bâti-ments sur le site de l’hôpital vaudois.

Le premier abritera très prochai-nement le Centre coordonné d’onco-logie (CCO) qui réunira les praticiens cliniques et les patients atteints du cancer. Non loin de là, l’Agora, dont la construction devrait commencer l’an prochain, abritera le Centre suisse du cancer – Lausanne (SCCL, Swiss Can-

cer Center Lausanne) dévolu à la re-cherche. Issu du partenariat entre le CHUV, l’UNIL, l’EPFL et la Fondation ISREC, le SCCL pourrait à l’avenir ac-cueillir aussi des entreprises de bio-technologies de medtech. Ce centre ne sera certes « jamais le plus grand d’Europe, selon Eric Raymond, chef du Service d’oncologie médicale du CHUV, mais il peut devenir le meil-leur. D’autant qu’il pourra s’appuyer sur un pôle de recherche fondamen-tale d’excellence ».

Quant au chef du Département d’oncologie du CHUV et directeur du Centre Ludwig de l’UNIL, George Coukos, il ne cache pas son enthou-siasme pour ce projet. « Réunir des médecins, chercheurs et bioingé-nieurs sous un même toit va stimu-ler les efforts de collaboration qui

conduiront à des percées majeures dans les stratégies thérapeutiques destinées aux malades atteints du cancer. » (Lire en page 65).

Tous réunis sous un même toitLe CHUV disposera ainsi de toutes les compétences nécessaires pour déve-lopper la recherche translationnelle. Dans son département d’oncologie, il a en effet recruté des spécialistes réputés. Notamment les Américains George Coukos et Lana Kandalaft, di-rectrice du Centre de thérapie expé-rimentale, qui travaillaient ensemble à l’Université de Pennsylvanie et le Français Eric Raymond.

Les infrastructures seront aussi à la hauteur des ambitions. Les cher-cheurs disposeront de toutes les fa-cilités nécessaires « sous un même toit », comme le précise Lana Kanda-laft. Ils auront notamment une plate-forme destinée à la fabrication de vac-cins thérapeutiques et à la production des cellules T utilisés en immunothé-rapie. Mais aussi des chambres réser-vées aux patients intégrés dans les essais cliniques des nouveaux traite-ments élaborés dans les laboratoires. Actuellement, précise la chercheuse, « nous en avons un peu plus de 220 et nous pensons pouvoir en accueil-lir 600 l’année prochaine ». De quoi offrir aux patients « une meilleure qualité de soins et un accès rapide à l’innovation dans tous ses aspects », conclut Eric Raymond.EG

LAUSANNE SE DOTE D’UN CENTRE DU CANCER UNIQUE EN SON GENRENon loin du CHUV, les patients, les médecins, les chercheurs et les bioingénieurs seront bientôt réunis sous un même toit.

AGORAInstallé près du CHUV,ce nouveau bâtiment abritera le Centre suisse du cancer – Lausanne. © Incito

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 21Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 21

1997alors le lien avec le repas”, souligne Heinz Clémençon, professeur de my-cologie à l'Université de Lausanne» (et aujourd’hui professeur honoraire).

«Mais les empoisonnements mor-tels suite à l'ingestion de champi-gnons sont aujourd'hui très rares. Fi-nies les hécatombes fongiques qui ébranlaient la France à la fin du siècle dernier: on recensait alors quelque 300 décès annuels dus aux seules amanites.»

Dans un registre moins grave, la journaliste poursuivait avec l’idée que la notion de toxicité varie d’un pays à l’autre. «Le lactaire poivré au goût piquant, que les manuels d'ici ont proscrit, fait les riches heures des tables russes et finlandaises. C'est qu'ils savent l'apprêter, ce charnu à chair blanche. Ils le laissent fermen-ter dans de l'eau salée, comme l'on ferait d'une choucroute. La fermen-tation modifie les substances agres-sives et le goût âcre si caractéristique. De même pour les champignons phy-toparasites: qui aurait l'idée de gri-gnoter le charbon du maïs, cette espèce de “tumeur” noire qui bour-soufle les épis? Considéré ici comme toxique, ce parasite est découpé, frit et mangé, sans autre forme d'apprêt, par les Indiens du Mexique.»

Allez savoir! s’était intéressé à d’autres aspects. «On retrouve en effet l'utilisation sacramentelle de plantes et de champignons halluci-

nogènes dans la plupart des popula-tions amérindiennes, mais aussi en Sibérie. Si les Nordiques avaient re-cours jusqu'à la fin du siècle passé à l'amanite tue-mouches – dont on vante les propriétés aphrodisiaques – pour leurs rituels religieux, les In-diens du Mexique utilisaient prin-cipalement les psilocybes, appelés justement champignons halluci-nogènes du Mexique. Rien de gra-tuit là derrière, aucune recherche du plaisir facile: les champignons étaient considérés comme la “chair de Dieu” ou les “enfants sacrés”, une manière de voir, à travers la transe, la voie de la guérison. Véritable mé-diation entre Dieu et les hommes, ces champignons font partie de tout un cérémonial minutieux pratiqué avec parcimonie.»

«Le psilocybe existe aussi sous nos latitudes. Mais ce petit champi-gnon au chapeau parabolique, qui verdit au toucher et squatte les pâ-turages, n'est utilisé ici qu'à des fins de pur divertissement. De même le teonanacatl, que l'on trouve dans les prés du Jura, n'a jamais servi à de vé-ritables rituels religieux. Il a tout au plus inquiété la police cantonale de Neuchâtel, il y a vingt ans, lorsque des hordes de champignonneurs occasionnels se sont mis à battre la campagne pour le trouver. C'est que dans nos contrées, le plaisir a depuis longtemps pris le pas sur le sacré.»

«Sûr que les champignons comestibles, chante-relles, cèpes charnus, coulemelles et coprins intéressent l'estomac

des gastronomes. Mais il en est d'autres, certes moins nombreux, qui nous fascinent, qui excitent notre cu-riosité à défaut de nous faire saliver: les champignons vénéneux», pouvait-on lire en préambule. «Pour preuve, la littérature policière en est truffée: de H. G. Wells à Arthur Conan Doyle, le mobile varie, mais l'arme du crime a souvent des lamelles. Sans parler des ouvrages pour enfants qui re-gorgent de l'archétypal champignon rouge à pois blancs. C'est que le poi-son, caché sous ce chapeau immobile et moussu, captive et intrigue. Que la mort, soudain familière au point de pousser ainsi sous les arbres, donne le vertige.»

L’auteure rappelait que les cham-pignons hautement toxiques sont rares. Mais leurs effets sont impres-sionnants: «Tandis que les amanites bourrées d'amanitine et de phalloï-dine s'attaquent au foie (50 grammes de champignon suffisent pour être mortels), les cortinaires détruisent les reins. Un poison d'autant plus per-nicieux qu'il agit telle une bombe à retardement: “Les symptômes de l'in-toxication n'apparaissent souvent qu'une à deux semaines après l'ab-sorption. D'où la difficulté de faire

LE CHARME VÉNÉNEUXDES CHAMPIGNONSSous la plume de Patricia Brambilla, Allez savoir! a consacré un dossier à l’un des symboles de l’automne. Qu’ils soient dangereux, plus ou moins comestibles selon les cultures, voire carrément hallucinogènes, les champignons nous captivent toujours.

C’ÉTAIT DANS ALLEZ SAVOIR !

Texte paru dans Allez savoir ! No 9, juin 1997. Archives du magazine : http ://scriptorium.bcu-lausanne.ch

La Maison de la Rivière propose une «Sortie champignons» le 5 octobre (lire en p. 64).

LES CHAMPIGNONS HAUTEMENT TOXIQUES SONT RARES. MAIS LEURS EFFETS SONT IMPRESSIONNANTS.

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La section de Français de la Faculté des lettreswww.unil.ch/fra

POP CULTURE

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FASCINENT LE XXIe SIÈCLELES DRAGONS

Le Moyen Age teinté de surnaturel n’a jamais été aussi présent. Le troisième volet de The Hobbit sort au cinéma avant Noël. Le Trône de fer et Vikings cartonnent. De nombreuses bandes dessinées et jeux vidéo exploitent le genre. Pourquoi cette passion pour les cottes de mailles et les épées à l’heure des smartphones ? TEXTE DAVID SPRING

«LE TRÔNE DE FER»Chaque épisode dela 4e saison de cette sériea rassemblé 18,6 millions de fans. © HBO - Keystone/Everett Collection

Difficile de dire que notre époque manque de fan-tasy. Ce mélange de Moyen Age et de merveilleux touche un large public. Ainsi, chaque épisode de la quatrième saison de la série Le Trône de fer a ras-semblé 18,6 millions de fans, sans compter les mil-

lions de téléchargements illégaux. Dans un registre plus historique, la RTS a prévu de diffuser la deuxième saison de Vikings. L’été dernier, le film d’animation Dragons 2 a plutôt bien marché. Le 10 décembre prochain, le dernier volet de Le Hobbit sort au cinéma. D’ici là, la cinquième ex-tension de l’increvable jeu vidéo World of Warcraft devrait être disponible. La 5e édition de Donjons & Dragons, l’an-cêtre du jeu de rôle, est parue. Enfin, les rayons BD et jeu-nesse des librairies proposent de nombreux ouvrages qui relèvent du genre.

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ALAIN CORBELLARIProfesseur associéen section de Français.Nicole Chuard © UNIL

«L’édition vit un âge d’or de la fantasy, en termes de pro-ductions, de traductions et de republications», confirme Marc Atallah, directeur et curateur à la Maison d'Ailleurs et maître d'enseignement et de recherche en section de Fran-çais moderne. Par contre, le chercheur est plus sceptique en ce qui concerne la qualité: «Comme le marché existe, et notamment du côté du jeune public, de nombreux titres sont lancés pour en profiter. Mais l’originalité n’est que ra-rement au rendez-vous.»

La passion s’étend hors du domaine culturel pour enva-hir le réel. Ainsi, plusieurs fêtes médiévales ont rythmé l’été dans le canton de Vaud. Mi-juillet, 24 heures a rele-vé le succès grandissant des jeux de rôle grandeur nature sous nos latitudes. L’un de ces évènements, Brumes, a en effet rassemblé pendant trois jours plus de 300 personnes en costume dans les hauts de Rolle.

D’où nous vient cette passion pour une période dont le dragon constitue l’une des figures récurrentes? Le Centre d’études médiévales et post-médiévales de l’UNIL a ré-cemment consacré des ateliers au «Moyen Age dans la culture populaire d’aujourd’hui». L’occasion de débusquer les causes multiples de cet engouement.

Première explication à notre intérêt pour le Moyen Age: entre lui et nous, c’est une longue histoire d’amour – et de haine. «Dans notre imaginaire alternent un Moyen Age rose et un Moyen Age noir», soutient Alain Corbellari, profes-seur associé en section de Français. De manière générale, cette époque considérée comme obscure a connu la disgrâce entre le XVIe et le XVIIIe siècle. Mais à la fin de ce dernier, «quelques auteurs tentent de réhabiliter le monde médié-val, poursuit le chercheur. Des fabliaux sont réédités et le “style troubadour” naît.» Au XIXe siècle, en Angleterre, les Préraphaélites et l’artiste William Morris – l’un des inspi-rateurs de Tolkien – souhaitent retrouver l’esprit qui pré-valait aux XIIIe et XIVe siècles. A contrario, les romantiques et les écrivains «gothiques» mettent alors l’accent, de ma-nière ambiguë, sur les aspects les plus sombres du passé.

C’est à ce moment que naît la fantasy, qui reste assez confidentielle au début du XXe siècle. En parallèle, «entre deux guerres, une vision idéalisée du Moyen Age, poussée par une idéologie réactionnaire, triomphe dans la littéra-ture française. Mais comme ce courant a mené à Vichy, le médiévalisme va être déconsidéré après 1945, sauf dans la littérature populaire et la bande dessinée, des genres alors méprisés», relève Alain Corbellari, codirecteur de l’ou-vrage récent Le Moyen Age en bulles (références ci-contre).

Moyen Age roseDe l’américain Prince Valiant (1937) jusqu’à Johan et Pir-louit et Les Schtroumpfs dans les années 60, c’est donc un Moyen Age rose, peuplé de chevaliers, de dames en dé-tresse et de vilains traîtres qui va être offert au public. Des productions parfois didactiques et moralisantes des-tinées aux enfants, dans une époque qui croit davantage au progrès et à la technologie. «Dès la décennie suivante, cette chape de plomb se soulève et la BD entre dans l’âge adulte», explique le chercheur, fin connaisseur de la bande dessinée médiévalisante: son bureau en abrite une impres-sionnante collection. Cela se caractérise par davantage de cruauté, moins de bons sentiments et des albums mieux renseignés au niveau historique. En vogue dans les années 70, «la Nouvelle Histoire a poussé les auteurs à s’intéresser aux héros issus de la paysannerie et à montrer la féodali-té sous un jour moins attrayant», ajoute Alain Corbellari.

Petit retour en arrière. Parti d’Angleterre, un phénomène littéraire va jouer un rôle d’accélérateur. Si Le Seigneur des anneaux a été écrit en 1954-55, c’est dès le milieu des an-nées 60 que son succès commence réellement. Ensuite, le cinéma, via ses blockbusters, «répand l’esthétique de la fan-tasy», un phénomène qui persiste encore, note Marc Atal-lah. En 1977, Star Wars, qui se déroule dans un passé indé-fini peuplé de chevaliers, d’épées et de quêtes initiatiques, «permet le déferlement de l’heroic-fantasy», note Alain Cor-bellari. Et depuis? C’est un doux mélange! L’idéalisme et les récits historisants se sont essoufflés malgré un récent retour de ces derniers, et le noir se mêle au rose.

Le Centre d'études médiévales et post-médiévaleswww.unil.ch/cem@cemep_lausanne

LE MOYEN ÂGE EN BULLES Sous la direction de Aurélie Reusser-Elzingre et Alain Corbellari.Infolio (2014), 247 p.

POP CULTURE

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MARC ATALLAHMaître d'enseignement et de recherche en section de Français.Nicole Chuard © UNIL

Un phénomène durablePourquoi la fantasy perdure-t-elle de nos jours, alors que les histoires de cow-boys ou la science-fiction pâlissent? «Le western est lié à un pays, une époque et une idéolo-gie: la marge de manœuvre est étroite, constate Alain Cor-bellari. Le Moyen Age, vaste dans ces trois dimensions, évite ces limites grâce à la variété de thèmes et de lieux qu’il propose.»

De son côté, la science-fiction d’aujourd’hui met souvent en scène «des personnages en prise avec un monde tech-nologique qui les aliène et auquel ils tentent de résister. L’aventure est essentiellement intérieure», remarque Marc Atallah. La fantasy et son cousin le space opera à la Star Wars ouvrent sur de grands espaces, des quêtes épiques et des batailles: vers l’extérieur.

De l’émotion, morbleu!Notre siècle de familiarité avec le, ou plutôt les différents Moyens Ages présentés dans la fiction, explique en partie notre intérêt. Mais le phénomène possède des causes plus intimes. Contrairement à une idée répandue, Marc Atallah ne croit pas que la «fantasy représente une fuite face au réel ou à une technologie jugée envahissante». Mais dans notre quotidien en 2014, «les émotions épiques se vivent peu. Dans quel autre univers culturel pourrions-nous trouver le souffle dont nous avons besoin?» Les blockbusters tirés de la Bible ou de l’Antiquité, lardés par ailleurs de surna-turel, jouent un peu ce rôle. La science-fiction, portée sur l’introspection, ne nous vient guère en aide.

Or, «le monde contemporain ne propose plus de quêtes ou de conquêtes d’espaces symboliques, poursuit le directeur de la Maison d’Ailleurs. A part créer sa propre entreprise, je ne vois rien qui ressemble à cela dans le réel. A l’exception peut-être des amours adolescentes!» Pris dans la routine, l’homo occidentalis avance peut-être, mais vers pas grand-chose, comme le décrit avec acuité Michel Houellebecq.

Puissant antidote, la fantasy nous offre de côtoyer l’épique grâce à un schéma usé jusqu’à la trame mais tou-jours efficace. Un personnage démarre de presque rien, connaît une initiation auprès d’un maître dont il se détache, se lance dans une mission qui semble impossible, subit des épreuves en cascade et finit par devenir meilleur. «Ce sché-ma répond au concept de monomythe, développé par le psy-chologue Joseph Campbell dans les années 40, explique Alain Corbellari. Son idée, très générale, consiste à dire que toutes les histoires héroïques du monde sont les mêmes.»

En quête de quêtesDans ce contexte universel, la fiction nous livre un mes-sage ancien et très simple: il n’est pas sain de ne pas vivre de quête. Loin d’être une évasion, la fantasy nous propose donc une invasion du réel. Elle nous pousse à nous lancer sur les routes, comme Bilbo le Hobbit. Les super-héros, les mangas ou la science-fiction de type space opera, très pré-

sente au cinéma, disent la même chose. Il est d’ailleurs ex-trêmement frappant de constater que le mot «quête» est utilisé dans les jeux vidéo pour qualifier les missions que doivent réaliser les joueurs. Objection! Tout cela n’a qu’un rapport ténu avec nos vies quotidiennes métro-boulot-do-do. Mais «depuis quand la fiction a-t-elle des comptes à rendre au réel?», s’exclame Marc Atallah. «Plus elle nous offre des modèles et des archétypes différents de ce que nous connaissons, mieux nous nous portons. L’humain ne se nourrit pas tellement de réalisme. C’est même quand nous échouons que nous devenons réalistes!»

Des héros, sinon rienLa présence de héros est l’un des ingrédients du succès de la fantasy. Un composant indispensable depuis toujours. «Dans la littérature anglaise médiévale, son rôle consistait à mener un groupe d’hommes au combat, tout en leur don-nant des idéaux à suivre: rester courageux, ne pas tenter d’échapper à son destin et mourir à la guerre s’il le fallait», note Sarah Baccianti, première assistante en section d’an-glais et notamment spécialiste des Vikings (lire en p. 28).Un poncif régulièrement répété voudrait que notre

«LE MONDE CONTEMPORAIN NE PROPOSE PLUS DE QUÊTES OU DE CONQUÊTES D’ESPACES SYMBOLIQUES.»MARC ATALLAH, DIRECTEURDE LA MAISON D'AILLEURS

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époque jugée sombre et confuse ait produit l’archétype du «héros qui doute». Or, les récits du Moyen Age grouillent d’exemples de personnages qui se trompent. «Beowulf n’est pas parfait. Après avoir vaincu Grendel et la mère de ce dernier, il affronte un dragon malgré son âge avancé. Ce qui entraîne sa mort», rappelle la chercheuse. Lancelot et Arthur ne sont pas exempts de défauts, au contraire. La Grettis Saga islandaise, qui date de la fin du XIIIe ou du dé-but du XIVe siècle, met en scène un héros hors-la-loi, Gret-tir Ásmundarson. La valeur d’exemple de ces meneurs ad-mirables, mais faillibles, fonctionne donc depuis des éons.Alain Corbellari a découvert un autre lien entre le pu-blic du Moyen Age et nous. «A ses lecteurs du XIIe siècle, Chrétien de Troyes propose un modèle de société. Grâce à la chevalerie, la civilisation progresse. Mais à ses fron-tières rôde la menace de la barbarie. Cette tension se re-trouve au centre du Trône de fer. Des royaumes tentent de survivre, pendant qu’au Nord et à l’Est, des hordes sau-vages préparent leur anéantissement.»

Univers étendusIl faut observer un autre parallèle intéressant entre la pro-duction médiévalisante contemporaine et des textes comme les sagas islandaises ou le Beowulf: ils ne sont pas rédigés dans le présent de leurs audiences et traitent d’un passé lointain, peuplé de géants ou de monstres, rappelle Sarah Baccianti. Ainsi, l’Anglo-Saxon Chronicle, dont le plus an-cien manuscrit date du IXe siècle, raconte l’arrivée des Vi-kings à Lindisfarne en 793 en mentionnant que des «dra-gons féroces ont été vus volants dans les airs». L’Homme médiéval ne croyait pas plus que nous à l’existence de ces créatures, mais leur puissance en tant que symboles d’une catastrophe imminente demeure entière jusqu’à au-

jourd’hui. La recette mijote donc depuis des siècles. Toute-fois, et c’est une nouveauté, le XXIe siècle offre mieux que la contemplation de Moyens Ages imaginaires: nous pou-vons y vivre – un peu. «Le problème des romans et des films, c’est que l’émotion ne subsiste que le temps de l’im-mersion. Ni le spectateur ni le lecteur n’ont de prise sur l’histoire», note Marc Atallah. Comment prolonger l’expé-rience, une fois le livre refermé et les lumières rallumées?

Grâce aux jeux vidéo ou aux jeux de rôle grandeur na-ture, qui rassemblent des participants costumés, il est pos-sible de s’immerger en Moyen Age. D’autres fans achètent les figurines, les jeux de plateau, les Lego et autres pro-duits dérivés des objets culturels qu’ils aiment. Ces en-sembles, formés des œuvres et de leur progéniture, sont baptisés «univers étendus» et constituent un phénomène propre à notre époque. Qu’ils tournent autour de Star Wars, de Tolkien ou de Lovecraft, ils vont faire l’objet de la pro-chaine exposition de la Maison d’Ailleurs, Alphabrick, qui démarre le 16 novembre 2014 (lire en page 65).

Vivons-nous au temps des cathédrales ?Tenant d’un «Moyen Age long», Alain Corbellari propose une hypothèse culturelle originale pour expliquer notre passion pour les épées et les châteaux. Si les invasions bar-bares nous ont séparés de l’Antiquité, il ne s’est pas pro-duit de rupture aussi nette entre l’époque médiévale et la nôtre. Le chercheur souhaite toutefois mettre l’accent sur un élément important qui a régné du XVe au XXe siècle: l’imprimerie. Depuis quelques années, cette dernière est bousculée, voire menacée dans son essence même, par l’in-formatique. «En réinterprétant Marshall McLuhan, nous pourrions affirmer que la confiance placée dans le livre – c’est-à-dire le support de la pensée occidentale – en tant

«BRUMES»Jeu de rôle grandeur nature organisé en juillet dernier par L’Hydre, une association de Morges.© Marius Affolter/24 Heures

«BILBO»La fantasy nous pousse à nous lancer sur les routes pour vivre une quête, tout comme le héros créé par Tolkien. Ici, une image tirée de Le Hobbit: La Bataille des Cinq Armées, qui sort le 10 décembre 2014. © Warner Bros. Ent. All Rights Reserved

«WORLD OF WARCRAFT»Ce jeu vidéo, lancé en 2004, permet de s’im-merger dans un Moyen Age alternatif. Une cin-quième extension, Warlords of Draenor, sort cet automne. @ Blizzard / Judgehype

«KAAMELOTT»Auteur de la série, Alexandre Astier ne mal-traite pas davantagele mythe arthurien que ne le faisaient les auteurs médiévaux.© Pascal Chantier/Rue des Archives

POP CULTURE

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qu’objet fini, stable et délimité, a éclaté à l’heure de l’or-dinateur.» Dans l’histoire, l’ère de l’imprimé serait donc une parenthèse qui s’efface petit à petit, une opération qui recrée une forme de continuité avec le monde d’avant.

Le professeur avance un autre élément. Notre temps se nourrit de séries interminables, d’œuvres collectives, de works in progress. Or, la perception de l’art au Moyen Age ressemblait un peu à cela. «Les cathédrales étaient les lieux d’éternels happenings. On changeait de style, on détruisait, on reconstruisait.» Cet état d’esprit s’étend dans d’autres domaines: entre l’essor de la littérature ar-thurienne au XIIe siècle et ses derniers échos au XVIe, les textes ont été réécrits sans vergogne. Une démarche qui existe encore. «Alexandre Astier, l’auteur de Kaamelott, n’est pas plus irrespectueux du mythe que les auteurs mé-diévaux, soutient Alain Corbellari. Les modifications qu’il apporte aux liens de parenté et aux rôles des chevaliers de la Table ronde constituent une manière très médiévale de considérer la littérature.» Imaginez seulement changer une seule lettre à un roman de Proust…

De manière plus large, et même s’il se méfie de la no-tion d’histoire des mentalités, le chercheur estime que nous sommes bien plus loin du XVIIe classique, «obsédé par la perfection» que des temps médiévaux, où l’on pense que «l’Age d’or est fini depuis des lustres et que l’avenir est incertain».

Et si, finalement, le Moyen Age dont nous rêvons était plus un lieu qu’une époque? Un décor familier mais dé-paysant. Une contrée dont les paysages sont si variés que chacun y trouve un lopin qui lui convienne. Un archipel qui abrite sans problème des conservatoires d’idées réac-tionnaires et des bazars libertaires. Soit largement de quoi dénicher un coin à soi.

La production médiévalisante est pléthorique. Com-ment dénicher les œuvres de qualité? Les conseils des chercheurs de l’UNIL.Pour remonter à la source, lire une traduction du Beowulf en anglais s’impose. Sarah Baccianti recommande soit la version poétique mais assez difficile de Seamus Hea-ney (W. W. Norton & Company), soit la version de réfé-rence par Roy Liuzza (Broadview Press) ou enfin celle de J. R. R. Tolkien (Houghton Mifflin Harcourt). The Poetic Edda (traduction de Carolyne Larrington, Ox-ford University Press) et The Prose Edda (traduction de Jesse L. Byock, Penguin Classics) raviront les amateurs de mythologie nordique.Pour vivre des quêtes épiques, Marc Atallah conseille Le cycle des épées (par Fritz Leiber, Presses Pocket ou Bragelonne. En bibliothèque). L’intégrale de Conan (par Robert E. Howard, Bragelonne).Et pour découvrir ce que donne un mélange de fan-tasy et de science-fiction: Nicolas Eymerich (par Vale-rio Evangelisti, La Volte).En bande dessinée, Alain Corbellari recommande chau-dement Les compagnons du crépuscule (par François Bourgeon, Delcourt), des albums qui naviguent entre historique et fantastique. Les Tours de Bois Maury (par Hermann, Glénat), «sensible et bien documenté».Il apprécie également Isabelle (par Jean-Claude Servais, Dupuis). «Pour se marrer», l’inclassable série Bec-en-fer (par Jean-Louis Pesch). Enfin, le chercheur aime tou-jours Johan et Pirlouit (par Peyo, Dupuis), qui dose hu-mour et féérie dans un Moyen Age idéalisé.

À LIRE

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Dans notre imaginaire, le mot «Viking» évoque des brutes blondes munies de haches, qui bondissent

d’un drakkar sur une plage avant d’al-ler piller un village. De nombreux films et bandes dessinées les ont présentés ainsi. Toutefois, la série canado-irlan-daise Vikings, dont la deuxième saison va être diffusée sur la RTS, en présente une image plus nuancée. Cette civili-sation nordique est bien plus riche que l’on pense.

Première assistante en section d’anglais, Sarah Baccianti a lancé cet automne un séminaire sur la culture des Vikings, avec un accent particulier porté sur l’Islande. La chercheuse consi-

Irlande où les Vikings fondent Dublin et Cork, ainsi qu’en Normandie. Au fil des siècles, ils se mêlent aux les popu-lations locales, ce qui a provoqué leur effacement du paysage. Leur civilisa-tion a toutefois subsisté aux Iles Féroé jusqu’au XVe siècle.

Les Vikings formaient une popula-tion unifiéeFAUX Ce terme générique regroupe des populations scandinaves différentes venues de Norvège, du Danemark et partiellement de Suède, puis d’Islande. A l’époque, ils étaient parfois appelés «Normands» (pour «hommes du Nord») ou païens par les populations qui subis-saient leur présence.

Ils attaquaient les monastères par haine du christianismeFAUX Ils savaient simplement que les bâtiments religieux contenaient des objets de valeur et de l’or. Ces poly-théistes n’avaient aucune dent contre les chrétiens ni contre les musulmans, avec qui ils ont eu des contacts autour de la Méditerranée. Nombre de ces Scandinaves se sont même convertis.

Les Vikings étaient autant commer-çants et voyageurs que guerriersVRAI Sarah Baccianti utilise même le terme businessmen pour parler d’eux, car ils cherchaient toujours à faire des affaires. Le mot générique «Viking» est une description de leur activité esti-vale, le pillage. Cela est assez bien mon-tré dans les premiers épisodes de la série Vikings. C’étaient de grands voya-geurs: deux sagas racontent l’expédi-

QUI ÉTAIENT VRAIMENT LES VIKINGS?Figures importantes du Moyen Age européen, les Vikings font aussi partie de la culture populaire, de Astérix à Kaamelott. Une série télévisée, diffusée sur la RTS, leur est consacrée. Pourtant, de nombreuses idées fausses circulent à leur sujet. Une chercheuse de l’UNIL rétablit quelques faits.

dère leurs nombreuses sagas (récits en prose) comme des «joyaux de la littéra-ture médiévale». Pour Allez savoir!, elle répond à quelques idées reçues.

L’âge d’or des Vikings a duré du VIIIe au XIe siècleVRAI, MAIS Pour être précis, deux âges se sont succédé. De la fin du VIIIe au milieu du IXe, les Scandinaves explorent et pillent un peu partout en Europe, mais ils ne restent pas sur les lieux. Cette période agitée sub-siste dans notre imaginaire. Mais par la suite, ils établissent des colo-nies. Notamment dans l’est de l’An-gleterre où ils créent le Danelaw, en

La section d’Anglais de la Faculté des lettreswww.unil.ch/angl

POP CULTURE

SARAH BACCIANTIPremière assistante en section d’Anglais, spécialiste des Vikings.Nicole Chuard © UNIL

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tion d’Erik le Rouge et de son fils au Groenland et en Terre-Neuve, autour de l’an 1000. Certains conquièrent Kiev et se font appeler «Rus» par les Arabes, les Byzantins et les Slaves. Au début du XIIe siècle, une expédition du roi Sigurd 1er

a visité la Sicile, Byzance et Jérusalem avant de rentrer en Norvège.

Ces voyageurs n’ont amené que des problèmes en EuropeFAUX Ils ont apporté leur culture judi-ciaire (le mot law vient du vieux nor-rois) et leur vision plutôt démocra-tique des affaires publiques. Sous leur influence, le commerce s’est dévelop-pé dans leurs colonies.

Certes, mais c’étaient des brutes illettréesFAUX Sarah Baccianti estime que les sagas islandaises, écrites en vieux nor-rois, figurent parmi les joyaux de la lit-térature médiévale. Des récits où l’on parle de Thor, Odin et Loki, de héros et d’héroïnes, de dragons et de monstres, de querelles familiales, de morts qui parlent et d’exploits des aïeux. Des textes tour à tour sérieux et irrévé-rencieux, transmis de manière orale jusque vers l’an 1000, puis transcrits dans l’alphabet latin (additionné de quelques signes particuliers pour les

sonorités inexistantes dans nos lan-gues), plus pratique que les runes tra-cées sur le bois ou la pierre. Des cen-taines de manuscrits ont été conservés. Signalons que des poètes avaient pour mission de participer aux batailles, afin de raconter les hauts faits des guerriers.

Ils ont laissé des traces dans la langue anglaiseVRAI L’ancien norrois a influencé l’an-cien anglais. De nombreux mots qui commencent par sk- comme sky, skin, skirt, l’attestent. Mais également egg, dirt, skittle (quille) et les verbes to glit-ter, to kindle, to ransack. Le mot law des-cend de lög. Plus curieux, les pronoms their (þeirra) et they (þeir) trouvent leur origine du côté du Nord.

Le vieux norrois peut être étudié, parlé et écritVRAI Sarah Baccianti traduit en ce moment une saga du vieux norrois vers l’anglais. Cette langue, pas trop éloi-gnée de l’islandais moderne, peut être lue à haute voix et possède une gram-maire. Mais l’exercice reste difficile!

La société viking était démocratiqueASSEZ VRAI Au Xe siècle, les Islandais ont créé l’Althing, une sorte de parle-ment, afin d’y régler les conflits et d’y

discuter des lois. Même si, dans certains cas, les débats s’enflammaient au point de provoquer quelques morts. Un sys-tème judiciaire a été mis en place: par exemple, si quelqu’un tuait un membre d’une autre famille, cette dernière pou-vait exiger un dédommagement.

Les femmes étaient bien considéréesVRAI Par exemple, les épouses pou-vaient demander le divorce par oral. Sans prendre de part directe aux assem-blées comme l’Althing, elles donnaient des conseils et jouaient un rôle diploma-tique lors des conflits entre familles (ou au contraire en déclenchaient !). Elles régnaient sur les fermes. Si les femmes ne prenaient pas part aux combats ou aux pillages, elles voyageaient vers les colonies. Enfin, les sagas comptent quelques héroïnes. Tout cela change lorsque le christianisme s’impose.

La série Vikings est un bon moyen de s’informerASSEZ VRAI Sarah Baccianti note que les Vikings présentés dans cette fiction ne sont «pas trop loin» de la réalité. Par rapport aux films plus anciens ou aux bandes dessinées, – où l’on voit des casques à cornes qui n’ont jamais existé – c’est un progrès considérable! DS

«VIKINGS»Malgré quelques erreurs, cette série est biendocumentée sur le plan historique. SarahBaccianti va l’utiliser dans le cadre du séminaire qu’elle lanceà l’automne. © Irish Film Board/Take 5Productions/World 200Entertainment/The Kobal Collection

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Le Fonds d’innovation pédagogiquewww.unil.ch/fip

ENSEIGNEMENT

MOTIVATIONL’innovation pédagogique rend les études plus intéressantes. © TFPrince/Photocase.com

INVESTIT DANS L’INNOVATION

Le Fonds d’innovation pédagogique fête son 100e projet. L’occasion de revenir sur l’importance que l’UNIL accorde à la qualité de l’enseignement dispensé entre ses murs. TEXTE MURIEL SUDANO-RAMONI

Améliorer la qualité de l’enseignement et par là même la qualité de l’apprentissage, c’est l’objectif du Fonds d’innovation pédagogique (FIP). Par son truchement, l’UNIL investit chaque année depuis sept ans quelque 600 000 francs pour soutenir les

projets de ses enseignants. La Journée de l’innovation pé-dagogique, le 27 novembre prochain (voir encadré p. 33), et l’acceptation cet automne du 100e projet FIP témoignent du succès de ce programme mis en œuvre en 2007-2008. La direction de l’UNIL entendait alors – et entend toujours – valoriser l’enseignement, parent pauvre de la recherche

universitaire, et développer des processus de qualité. La création du Centre de soutien à l’enseignement (CSE) en 1999 et sa promotion en tant que service à part entière en 2006 constituent les premières démarches de cette partie du plan stratégique de l’UNIL, portée par le vice-recteur Jacques Lanarès; le FIP en est la suite logique.

La fin du «Moyen Age»Valoriser l’enseignement, certes. Mais pourquoi l’innova-tion pédagogique est-elle si importante ? Parce que le rôle de l’enseignant a changé.

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SHANGHAI 2014L’été dernier, une équipe d’étudiants en Faculté des hautes études commerciales a découvert l’économie chinoise à l’occasion d’un voyage d’études Ici, dans les locaux de Huawei.© laura_bnfs/instagram

ENSEIGNEMENT

«L’université est longtemps restée dans un modèle que je qualifie – quand je veux être méchant avec mes collègues – de moyenâgeux, explique Jacques Lanarès. Un modèle où c’est le maître qui sait et transmet, et où les plus adap-tés survivent, réussissent et formeront l’élite. Mais cela n’a plus beaucoup de sens aujourd’hui, car moins de 3% des étu-diants poursuivent une carrière académique. On doit donc tenir compte des 97% restants, s’occuper de leur apprentis-sage et leur permettre d’être le mieux formés possible pour qu’ils puissent s’insérer sur le marché du travail et y trans-férer leurs compétences.»

Les réformes de Bologne ne sont pas étrangères à cette évolution. Ces dernières ont conduit à un important change-ment de paradigme: «Nous sommes passés d’un enseigne-ment centré sur les contenus et l’enseignant à un enseigne-ment centré sur l’apprentissage et les étudiants», souligne le vice-recteur de l’UNIL. Ce qui est important, ce n’est donc plus seulement ce que le prof raconte, mais ce que les étu-diants apprennent et ce que l’enseignant met en œuvre pour faciliter l’apprentissage.

L’accès à la production scientifique de base, grâce aux nou-velles technologies (par exemple l’accès aux revues scien-tifiques et aux périodiques grâce à PérUnil), a également contribué à modifier le rôle des enseignants qui ne doivent plus se contenter de raconter des choses que les étudiants peuvent trouver seuls. «Ce contexte nous amène à dire qu’il est important de se préoccuper de l’enseignement. Experts du contenu, les professeurs doivent aussi devenir des ex-perts du processus d’apprentissage, insiste Jacques Lana-rès. Le Fonds d’innovation pédagogique est un outil parmi d’autres pour soutenir cette évolution. Il s’agit à la fois d’ac-compagner les enseignants et les enseignantes dans leur motivation et leur intérêt à développer leurs compétences pédagogiques, et à la fois de faire évoluer l’enseignement pour permettre l’amélioration de l’apprentissage des étu-diants et des étudiantes.»

L’UNIL à la pointe de l’innovationLe principe du Fonds d’innovation pédagogique n’est pas une spécificité lausannoise. Mais si l’UNIL n’en est pas l’in-venteur, en Suisse romande elle est la seule université à me-ner ce type d’initiative. Il y a quelques années, l’EPFL a fait une tentative du genre avec des budgets plus importants et donc des attentes très sélectives, mais, au dire de Jacques Lanarès, elle y a rapidement renoncé car de nombreux pro-jets étaient refusés, décourageant les postulants.

Si certaines universités suisses alémaniques ont des fonds similaires, le vice-recteur n’hésite pas à le dire: «L’UNIL est à la pointe dans ce domaine». L’acceptation du 100e projet soutenu par le FIP et le nombre croissant de dossiers remis chaque année rendent compte du succès de l’entreprise.

Avec un montant alloué de 30 000 francs maximum par projet, on mise sur le foisonnement des idées et sur des pro-

jets à moindres risques, qui permettent de tester de nou-velles méthodes. De son expérience en dehors de l’UNIL, Emmanuel Sylvestre, aujourd’hui directeur du CSE, té-moigne de l’efficacité de ce principe. «Ce ne sont pas for-cément les projets pédagogiques les plus ambitieux et les plus coûteux qui ont le plus grand impact, souligne-t-il. Et surtout ici, il n’est pas question que le fonds soit détourné pour l’achat de matériel, comme cela a pu être observé ail-leurs; les projets doivent apporter une réelle innovation.» Le Fonds finance en particulier les ressources humaines qui permettront de mettre en place les nouveaux dispositifs pédagogiques. A l’initiateur du projet de garantir sa péren-nité, le cas échéant en trouvant une source de financement extérieure pour poursuivre sa mise en application les an-nées suivantes ou effectuer des mises à jour.

Techno or not technoMicroscopie interactive grâce à l'usage d'ordinateurs, ta-blettes et téléphones cellulaires ou plate-forme d’apprentis-sage en ligne pour s’initier à l’épigraphie grecque et s’auto-corriger, les projets pédagogiques soutenus à l’UNIL sont à la fois simples et variés. Mais qui dit innovation ne dit pas forcément technologie. Un tiers des dispositifs pédagogiques soutenus par le FIP n’y ont pas du tout recours.

A titre d’exemple, Emmanuel Sylvestre évoque le voyage en Chine d’une vingtaine d’étudiants de la Faculté des HEC. Le projet Shanghai, initié en 2012 et réitéré trois ans de suite, s’est fixé comme objectif d’envoyer des étudiants dans un marché émergent pour dix jours d’étude visant à acqué-rir une meilleure compréhension de l’économie chinoise.«Le Fonds d’innovation pédagogique a soutenu la mise en place des jours de préparation nécessaires à un tel voyage

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(jeux de rôle pour se préparer à interviewer en anglais des chefs d’entreprise chinois, initiation à la culture chinoise, etc.), commente le responsable du CSE. Le projet a égale-ment prévu l’élaboration de critères de sélection pour choi-sir les étudiants qui ont la chance de faire ce voyage limité à vingt personnes.»

Le point commun des cent projets soutenus à ce jour par le Fonds d’innovation pédagogique est qu’ils font plus ou moins tous appel à une plus grande participation des étu-diants pendant ou en dehors des cours. «L’évolution de notre compréhension du processus d’apprentissage nous conduit aujourd’hui à penser que les étudiants apprennent mieux, s’ils sont plus actifs et s’ils peuvent établir des liens entre les éléments qu’on leur enseigne», commente Jacques Lanarès.

Ces deux dimensions sont essentielles à l’apprentissage se-lon les recherches en neuropsychologie et psychologie de l’apprentissage. Et il faut l’admettre, les nouveaux disposi-tifs pédagogiques ont montré leur efficacité: dans certains cas, les étudiants obtiennent d’ailleurs de meilleurs résul-tats aux examens.

Plus d’interactivité… et de travailParadoxalement, ces méthodes ne font pas toujours l’una-nimité auprès des bénéficiaires. «Les étudiants ne sont pas forcément sensibles à ces innovations, relève en effet Emmanuel Sylvestre. Ils font parfois preuve de résistance face aux changements mis en place dans les enseigne-ments. Comme c’est nouveau, ils ne savent pas comment les choses vont se passer, notamment à l’examen, et ont donc certaines appréhensions.»

Les étudiants ne sont pas non plus tous friands d’inte-ractivité pendant les cours; certains préfèrent la situation plus passive d’un cours en auditoire où le prof déverse son savoir. Car les dispositifs interactifs rendent le «métier» d’étudiant plus exigeant et ce n’est pas au goût de tous. Un exemple: «Un enseignant a mis en place une sorte de contrôle continu, raconte Emmanuel Sylvestre, avec des rendus intermédiaires à différentes étapes et une prise en compte du progrès de l’étudiant pour la notation. Il a remar-qué que les travaux rendus durant le séminaire étaient de meilleure qualité, mais les étudiants, eux, se sont plaints que cela leur demandait trop de travail.» Un constat com-menté par Jacques Lanarès: «Les innovations pédagogiques facilitent l’apprentissage, pas les études. Par contre, je pense qu’elles rendent ces dernières plus intéressantes.»

Encourager la créativitéDe même, l’innovation rend le métier d’enseignant plus motivant, et les profs de l’UNIL sont de plus en plus nom-breux à se montrer créatifs dans l’élaboration de projets pédagogiques. Emmanuel Sylvestre et Jacques Lanarès s’en réjouissent et relèvent également la qualité croissante des dossiers déposés au FIP. Pourtant, les critères de sé-lection ont été renforcés: les nouveaux dispositifs doivent être durables et si possible transférables à un autre en-seignement, voire une autre faculté. «82% des projets ont été pérennisés, note à ce propos le vice-recteur, déçu en bien. C’est un taux élevé pour de l’innovation; on n’aurait pas été surpris qu’un seul projet sur deux fonctionne!»

Les deux hommes s’enthousiasment également de l’émulation provoquée par le FIP et la Journée de l’inno-vation pédagogique. Ils relèvent un véritable effet de conta-mination et, selon Jacques Lanarès, qui a évalué l’impact du FIP, 35% des projets ont suscité d’autres initiatives. «Cette évaluation montre que 23% des enseignants affir-ment que le FIP leur a permis d’augmenter leur réflexi-vité sur leur enseignement. Et ça, ça me réjouit vraiment!», conclut le vice-recteur.

2e JOURNÉE DE L’INNOVATION PÉDAGOGIQUECet évènement est ouvert au public intéressé par la créativité pédagogique dans le domaine de la formation universitaire. La deuxième édition met un accent particu-lier sur le «transfert des apprentissages», c’est-à-dire la manière dont les étudiants appliquent les compétences acquises dans un cours à d’autres disciplines, ou dans le monde professionnel. Une quinzaine de projets innovants, regroupés dans un «Village pédagogique», seront présentés aux visiteurs par les enseignants passion-nés qui en sont responsables. Deux ateliers pratiques, ainsi qu’une conférence de François Lambotte, professeur à l’Ecole de Communication de l’Université catho-lique de Louvain et Jacques Robert, professeur au Service de l’enseignement des technologies de l’information de HEC Montréal, ponctueront cette journée. Les in-génieurs pédagogiques et les conseillers pédagogiques du Centre de soutien à l'en-seignement seront également sur place. DS

UNIL-Sorge. Amphipôle. 27 novembre. Dès 9 h 30.Infos et inscriptions: www.unil.ch/fip. Sur Twitter #jip2014

JACQUES LANARÈS ET EMMANUEL SYLVESTREVice-recteur de l’UNIL et Directeur du Centre de soutien à l’enseignement.Nicole Chuard © UNIL

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Des poissons d’Amazonie retournés à la vie sauvage nagent dans des rivières de France et d’Allemagne voisines, jusque dans la Seine à Paris. Avec les changements climatiques, faut-il s’attendre à barboter au milieu d’espèces carnivores et d’énormes tortues alligators, tout en observant des perruches dans le ciel helvétique ? Des biologistes de l’UNIL répondent. TEXTE VIRGINIE JOBÉ

PIRANHASY AURA-T-IL BIENTÔT DES

DANS NOS RIVIERES ?

PIRANHARelâché par des aquariophiles peu scrupuleux, le Pygocentrus nattereri peut survivre dans les rivières européennes.© Mark Newman / Superstock

C’était en mai dernier, dans les Vosges. Un pê-cheur français a sorti un piranha de la rivière et s’est fait mordiller en manipulant le poisson vorace. Durant l’été 2013, un pacu, cousin végé-tarien du poisson carnassier, a été pêché dans

la Seine à Paris. La même année, on a sorti des filets un piranha rouge dans les Flandres belges. Panique à bord! Même si, pour l’instant, aucun amazonien écaillé aux dents redoutables n’a nagé dans un lac en Suisse...

Mais jusqu’à quand? «Il est imaginable de retrouver ce genre de poissons un jour ou l’autre dans les cours d’eau helvétiques, affirme Jean-François Rubin, privat-docent au Département d’écologie et évolution de l’UNIL

(DEE), professeur HES à hepia et président de la Fonda-tion La Maison de la Rivière à Tolochenaz (VD). Je sais que des aquariophiles ont abandonné des piranhas en Ca-margue. Et il y a un certain nombre de zones dans le sud de l’Europe où ils peuvent se développer aujourd’hui, parce que les hivers y sont plus cléments. A terme, il est probable-ment possible que les piranhas puissent s’acclimater ici.»

Acheter un piranha ? Facile !La présence du poisson d’eau douce sud-américain en Europe s’explique par la bêtise de propriétaires indé-licats, totalement irresponsables, qui relâchent des in-dividus devenus soudain trop encombrants. Selon

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l’ichtyologue de l’UNIL, qui a écrit sa thèse sur l’omble chevalier, c’est dû au fait que n’importe qui peut acqué-rir des piranhas dans le commerce, car ils sont considé-rés comme de bêtes poissons d’aquarium. Ils ne font donc pas l’objet de réglementations particulières sur la faune sauvage.

«On peut encore les acheter au nom de la liberté de com-merce en Suisse. Pour certaines espèces de reptiles ve-nimeux en revanche, il faut avoir une autorisation de dé-tention délivrée par le vétérinaire cantonal, ce qui limite les problèmes. Mais ce cas de figure n’existe pas pour les poissons. Officiellement, il est interdit de les relâcher dans un milieu naturel. Néanmoins, une fois qu’ils sont vendus, les gens en font ce qu’ils veulent. Ceux qui les re-lâchent peuvent recevoir une grosse amende parce qu’ils perturbent la faune locale, potentiellement de façon im-portante. Le souci, c’est qu’on attrape rarement les res-ponsables de ces lâchers.»

Un poisson ennuyeuxLa détention en captivité du Pygocentrus nattereri (piranha rouge) nécessite l’achat d’un grand aquarium (500 litres) avec, au minimum, cinq individus qui atteindront 30 centi-mètres à l’âge adulte et se nourriront de poissons, de moules ou de vers de terre. Comme ils mangent beaucoup, ils sa-lissent beaucoup, ce qui implique un nettoyage fréquent

de leur bac. De plus, ils sont peu actifs – en journée ils sta-tionnent des heures en attendant qu’une proie se montre – et très craintifs – ils s’affoleraient quand quelqu’un passe devant l’aquarium ou lorsqu’une porte claque. En bref, les piranhas n’ont rien à voir avec le mythe qu’on a forgé.

Chers et ennuyeux, ils conviennent à des aquariophiles expérimentés. Mais peuvent se retrouver dans le bassin de quidams décontenancés qui tenteront de s’en débarras-ser dans un lac ou une rivière. «Pendant longtemps, ces animaux ne posaient pas de problème sous nos latitudes, car l’eau était trop froide pour eux, et ils mouraient quand on les relâchait. Alors que maintenant, il n’est pas impos-sible qu’ils puissent survivre durant un hiver relativement doux dû aux changements climatiques.»

Dangereux pour les amphibiensToutefois, le biologiste de l’UNIL ne s’inquiète pas pour l’Homme. «D’ici à ce que la moitié de la population suisse se fasse dévorer par les piranhas, il y a encore du temps, rigole Jean-François Rubin. Une de mes anciennes étu-diantes travaille aujourd’hui sur un barrage en Amé-rique du Sud où on en trouve des dizaines d’espèces, dont des herbivores, des agressifs et des dociles. Elle s’est fait mordre plusieurs fois, ce qui semble être extrêmement dé-sagréable. Mais elle n’a pas été déchiquetée pour autant.»Et qu’en est-il pour la faune indigène? L’arrivée de monstres

La Maison de la Rivière à Tolochenazwww.maisondelariviere.ch

AMOUR BLANCOriginaire de Chine, cette carpe a été pêchée dans le Léman. Aujourd’hui,elle nage dans un aquarium au Musée du Léman, à Nyon. © Adrien Roulet, Nyon

TORTUE ALLIGATORQuelques individus de cette espèce américaine, agressive et menacée, ont été relâchés en Europe. © Ryan M. Bolton / Shutterstock

GECKO LÉOPARDEn avril dernier, desinconscients ont abandonné trois de ces insectivores au Papilioramade Chiètres (FR). © Thomas Zobl / Thinkstock

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JEAN-FRANÇOIS RUBINPrivat-docent au Département d’écologie et évolution, professeur HES à hepia et président de la Fondation La Maison de la Rivière.Nicole Chuard © UNIL

aux dents acérées a de quoi effrayer... «A l’échelle d’un lac comme le Léman, il faudrait des milliers d’individus pour faire disparaître une espèce. Et relâcher plus d’un couple de piranhas pour que cela se produise éventuellement. En Suisse, on n’a pas d’exemples d’espèces de poissons qui auraient été complètement éradiquées par l’introduc-tion d’autres espèces de poissons. Mais cela ne veut pas dire que cela n’arrivera jamais. J’imagine que des piran-has carnivores dans un étang pourraient provoquer de re-doutables dégâts. Les amphibiens, dont toutes les espèces sont actuellement menacées chez nous, risqueraient d’en faire les frais. Ils souffrent déjà de la qualité médiocre de l’eau et de la raréfaction de leur habitat. Alors, si vous ajoutez des superprédateurs dans leur milieu, cela ne va pas les aider.»

Du coup, le moindre piranha retrouvé dans la na-ture doit impérativement être anéanti sur-le-champ. Car, comme le souligne Jean-François Rubin, même si l’on ré-alise de nombreuses études de biologie, on ne sait jamais quelles seront les conséquences d’une introduction sur le long terme d’une espèce envahissante. Si l’on attend et qu’une population s’installe, il sera trop tard pour agir.

Tous les moyens sont bons pour détruire l’envahisseur. En Chine par exemple, après que deux autochtones ont été mordus par des piranhas en 2012, cinq bateaux et plus de quarante pêcheurs se sont lancés sur les traces des car-nassiers dans une rivière, en utilisant des morceaux de porc pour les appâter. Il y avait à la clé la promesse de 1000 yuans (un peu plus de 140 francs suisses actuelle-ment, une somme importante pour le pays) pour la cap-ture de chaque individu venu d’Amérique du Sud. On ne badine pas avec les intrus.

«Les espèces locales ont des prédateurs, des maladies qui régulent naturellement leurs effectifs. Tandis qu’un nouveau venu, soit disparaît parce qu’il ne s’adapte pas, soit commence à pulluler parce qu’il n’a personne pour le manger, ni de maladies pour limiter sa population.»

Des menaces venues des Etats-Unis et de la ChineEn Suisse, si rien n’a encore été décidé quant à l’avenir d’éventuels piranhas dans les cours d’eau, différentes me-sures de protection des espèces ont été introduites dans la législation fédérale au fil des ans. Elles visent notamment la prolifération du poisson-chat, une espèce nord-américaine introduite dans les années 20 à Genève, et qui pullule au-jourd’hui, au détriment de la progéniture d’autres poissons autochtones, surtout des truites. «On n’a toujours pas réussi à les éradiquer. C’est pourquoi il s’agit de la seule espèce qu’on interdit de remettre à l’eau, quelle que soit sa taille, le moment ou l’endroit où on l’a pêchée.»

Ce printemps, un pêcheur a capturé un animal inat-tendu dans le Léman: un Amour blanc. Un bien joli nom pour un terrible envahisseur qui peut mesurer 1 m 20 et profiter de l’existence durant trente ans. Ce poisson vé-

gétarien reste d’ailleurs sur une liste noire en Suisse et il est interdit à l’importation. Originaire du Yang-Tsé-Kiang, la carpe chinoise herbivore affectionne les étangs où elle broute tout jusqu’à ne plus laisser la moindre algue aux gre-nouilles et aux crapauds indigènes.

«Elle a été importée en Europe par des personnes qui souhaitaient limiter la prolifération des végétaux dans les petits plans d’eau, notamment sur les terrains de golf, explique le biologiste de l’UNIL. On veut que les greens soient verts et les étangs bleus. Donc on déverse de grandes quantités d’engrais sur l’herbe qui dégage du phosphore. Ce phosphore pénètre dans les plans d’eau et favorise la pousse d’algues. On y place donc un Amour blanc pour qu’il fasse le ménage et permette à l’eau de rester claire.» La Suisse refuse son importation, mais pas la France voisine, d’où vient vraisemblablement l’individu déniché dans le lac et récupéré par le Musée du Léman à des fins didactiques.

Sus aux serpents et reptiles exotiquesLes poissons ne sont pas les seuls concernés: il arrive en-core que des reptiles exotiques soient relâchés dans la na-ture. En mars dernier, un chien est tombé sur une femelle boa constrictor, morte, dans une forêt bâloise. Un autre spécimen a fait du foin chez un agriculteur de Belmont (VD) pendant qu’il fauchait son champ il y a deux ans. Sa machine a tué sur le coup l’animal qui mesurait 1 m 50.

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En août de cette année encore, des promeneurs ont failli glisser sur un python royal de 1 m 20 aux abords d'une chappelle à Farvagny (FR). Au Papiliorama à Chiètres (FR), des inconscients ont abandonné trois geckos léopards en avril. Ce qui pourrait devenir une catastrophe, si une fe-melle a pondu, car ces mignons lézards raffolent des pa-pillons et ont un appétit féroce. «Malheureusement, des particuliers lâchent ce genre d’animaux exotiques à tout moment, s’énerve Jean-François Rubin. Cela peut être très dommageable, mais à ma connaissance, il n’y a pas eu de populations allochtones de lézards qui se soient installées chez nous. En ce qui concerne les serpents, la plupart né-cessitent des permis spécifiques.»

Le cas des tortues invasives est intéressant. Ainsi, il y a vingt ans, tout le monde achetait les ravissantes tor-tues de Floride pour quelques francs dans les vivariums. Selon Jean-François Rubin, la plupart mouraient rapide-ment faute de soins adéquats. Seules quelques-unes gran-dissaient, mais devenaient énormes, voire agressives. «L’Union européenne a fini par interdire la vente de ces tortues à la fin des années 90. La Suisse s’est alignée sur cette décision. Aujourd’hui, il en va de même pour toutes les tortues non indigènes.»

Pourtant, trois tortues hargneuses ont été repêchées dans un étang de Renens (VD) en 2011. Si leur obtention nécessite un permis spécial parce que, pour le détail, elles sont capables de trancher un doigt, il demeure difficile de retrouver les coupables du lâcher clandestin. Ainsi, le pauvre pêcheur de Caucalières, petit village français d’à peine plus de 300 habitants, qui s’est battu en mai der-nier avec un spécimen de 4 kg 500 perdu dans ses filets, ne pourra jamais exprimer son mécontentement à l’incons-cient qui a délaissé cet animal dans la rivière Thoré.

Mangeuses d’hommesOpportunistes, ces vilaines carnivores sans dents avalent n’importe quoi, y compris les bébés de leur propre espèce. Voire pire. «La Communauté internationale a proposé de les réintroduire dans le Gange en Inde. En effet, lorsqu’un Hin-dou meurt, soit on brûle son corps sur un bûcher, ce qui oc-casionne des frais, soit on l’offre au Gange, raconte le cher-cheur de l’UNIL. La pauvreté oblige souvent les familles à choisir la seconde solution. On estime que les tortues har-gneuses, qui mangent aussi les cadavres, feraient d’effi-caces éboueurs. C’est assez glauque.»

Ces chélidés serpentines (Chelydra serpentina), les plus agressives des tortues, viennent des Etats-Unis et pos-sèdent une mâchoire très puissante. Tout comme leur cou-sine dite alligator (Macrochelys temminckii), terrorisante avec sa carapace aux écailles en pointe. Relâchée dans la nature, l’une d’entre elles a sectionné le talon d’Achille d’un bambin de 8 ans l’an dernier en Allemagne. Elle avait élu domicile dans un lac bavarois. Le maire de la ville d’Ir-see, où s’est déroulé l’accident, a promis 1000 euros de ré-

compense à quiconque attraperait Lotti, une femelle de 14 kilos et 40 centimètres de long selon les estimations. Sa présence aurait nécessité la délocalisation de 500 autres es-pèces dans un étang voisin. Toutefois, on se demande tou-jours par quoi a été mordu l’enfant. Car, on n’a pas réussi à la capturer. Tel Nessie, l’animal reste donc un mythe…

Faut-il vivre dans la paranoïa?Les lâchers épars de quelques spécimens n’alarment pas Jean-François Rubin, «bien qu’il faille les éviter à tout prix». Cela même si l’on ne détient pas de preuves qu’ils se sont acclimatés et qu’ils vont se transformer en espèce invasive, c’est-à-dire en espèce non indigène (allochtone) capable de survivre dans nos cours d’eau et de s’y reproduire de ma-nière exponentielle. «En revanche, avec les changements climatiques, qu’on le veuille ou non, de nouvelles espèces vont arriver et s’installer», déclare le biologiste.

«Les insectes venus du Sud provoquent des problèmes dans l’agriculture, car ils réussissent à se maintenir ici. De la même façon, on trouve des moustiques Chikungunya à Genève, des animaux porteurs de maladies dangereuses pour l’Homme. C’est eux qui sont les plus préoccupants.» La Confédération a dégagé des fonds pour un programme de recherches sur les espèces invasives. «Il faudra gérer au cas par cas les invasions naturelles. A partir du moment où le climat change, les espèces vont changer aussi.»

PHILIPPE CHRISTEMaître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution (DEE).Nicole Chuard © UNIL

3LE NOMBRE DE TORTUES HARGNEUSES RETROUVÉES EN 2011 DANS UN ÉTANG DE RENENS

ANIMAUX Le Département d’écologie et évolution de l’UNILwww.unil.ch/dee

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La superbe perruche à collier, ca-pable de vivre sur les contreforts de l’Himalaya jusqu’à 1300 m

comme dans les plaines subsaha-riennes, est retournée à la vie sau-vage et a élu domicile dans les grandes villes ensoleillées du pourtour médi-terranéen (Espagne, Italie). Mais aussi aux alentours de Londres (50 000 indi-vidus), en Belgique (10 000 individus), en région parisienne (environ 1000 individus), en Hollande ou encore en Allemagne.

«En Angleterre, elles se sont échap-pées de captivité à répétition. A force, il y en a eu assez pour qu’elles se repro-duisent. Maintenant, on observe des grands vols de perruches à collier au-dessus de Londres, explique Philippe Christe, maître d’enseignement et de recherche au Département d’écologie et évolution (DEE) de l’UNIL et spécia-

«Ces espèces d’oiseaux en captivité retrouvent rapidement leur instinct de survie dans la nature. De plus, elles rencontrent moins de prédation que dans leur milieu d’origine et ne sont pas en contact avec leurs parasites habituels. Ce qui favorise leur déve-loppement», explique le spécialiste de l’UNIL.

Leur prolifération inquiète les agri-culteurs d’Europe qui les voient déjà se jeter sur les champs de céréales, de maïs ou dans les vergers. En outre, les perruches à collier, qui nichent dans des cavités, pourraient convoiter l’ha-bitat des oiseaux indigènes. «Le site de reproduction est souvent un facteur limitant pour les espèces cavernicoles comme les mésanges ou les huppes fas-ciées. On peut envisager que les per-ruches affectent les populations locales par le biais de cette compétition. Mais, pour ma part, je ne suis pas soucieux pour l’instant.»

En Suisse, sur les 157 espèces d’oi-seaux exotiques «échappés de cap-tivité», la Station ornithologique de Sempach ne recense qu’un seul couple de perruches à collier qui a niché à Monthey (VS) entre 1991 et 1994. «Leur probabilité de pouvoir s’instal-ler est corrélée au nombre de jours de gel, indique Philippe Christe. Elles sup-portent mal les froids trop intenses de longue durée. On pourrait les voir s’im-planter au Tessin ou dans la région de Montreux par exemple. Mais pour qu’elles se maintiennent, il faudrait de nombreux relâchés artificiels et plus d’un couple nicheur.» Pas encore de quoi fantasmer sur «Les oiseaux» hitch-cockiens, version exotique, donc. VJ

DES PERRUCHES DANS NOS VILLESQuand il a chanté Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux, Pierre Perret n’imaginait sûrement pas qu’il serait entendu, et que ces lâchers permettraient un jour à des milliers de volatiles vert pétant d’envahir le ciel européen.

liste des oiseaux. En France, leur grand nombre s’explique par une introduc-tion massive accidentelle. Un convoi s’est évadé d’un container à l’aéroport d’Orly.»

La perruche moine d’Amérique du Sud, très légèrement plus petite que sa cousine afro-asiatique, s’est aussi implantée dans différentes cités du Vieux-Continent (Barcelone, Bruxelles, Montpellier). Parce qu’il faut bien le dire, nos villes européennes offrent tout le confort nécessaire au bonheur des joyeuses granivores volontiers fru-givores: des bâtiments chauffés contre lesquels dormir, une nourriture abon-dante fournie par les parcs où poussent des arbres exotiques, ainsi que par de gentils humains bien intentionnés, une protection certaine contre d’éventuels prédateurs (faucons pèlerins, éper-viers ou fouines).

PERRUCHEMOINECette espèce sud-américaine s’est implantée dans plusieurs villes européennes. © Fritz Pölking /Mauritius / Superstock

PERRUCHEÀ COLLIERAu-dessus de Londres,il est possible d’observer de grands vols deces oiseaux, échappésde captivité. © NaturePL / Superstock

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Notre Père est-il vraiment célibataire ? Aujourd’hui, la réponse semble évidente. Le dieu des juifs, des chrétiens et des musulmans est forcément seul, là-haut dans les cieux, puisqu’il est à l’origine du monothéisme. Pourtant, divers indices montrent

que Yahvé a vécu une jeunesse moins solitaire qu’on l’imagine, même si les rédacteurs de la Bible ont tout fait pour minimiser l’importance des déesses qui ont compté dans sa vie. Comme cette épouse qui a été vénérée à ses côtés durant plusieurs siècles.

Une déesse nommée AshérahC’est, du moins, l’histoire que racontent désormais de nombreux historiens des religions et des archéologues. « Pour moi, il ne fait aucun doute que Yahvé n’était pas un dieu célibataire dès l’origine », explique Thomas Römer. Le professeur de l’UNIL et du Collège de France rappelle que la déesse Ashérah a joué un rôle suffisamment im-portant dans les environs de Jérusalem, pour être citée à quarante reprises dans l’Ancien Testament.

Bien sûr, la plupart des textes bibliques sont très virulents quand ils évoquent Ashérah. Mais ces écrits montrent que «le culte jouait un rôle important dans la région, au moins jusqu’à la fin du VIIe siècle», estime Thomas Rö-mer. Et plusieurs trouvailles archéologiques permettent de comprendre les critiques des rédacteurs du Deutéro-nome: cette déesse a probablement été l’épouse de Yahvé avant qu’il ne devienne le dieu unique!

Des graffitis énigmatiquesDes fouilles menées en 1975-76, à Kuntillet Ajrud, dans le désert du Sinaï, ont permis de découvrir les vestiges d’un caravansérail, qui peut être daté du VIIIe siècle avant notre ère. Parmi les inscriptions retrouvées sur ce site, il y avait plusieurs bénédictions au nom de «Yahvé et son Ashérah». Yahvé lui-même apparaît tantôt comme «Yahvé de Sama-rie» ou «Yahvé de Téman» (une région située en-dehors du territoire judéen). Si Yahvé possédait «son» Ashérah, cela signifie que, comme les autres divinités de l’époque, il vivait en couple.

HISTOIRE DES RELIGIONS

MADAME DIEU!ZUT, ON A ENCORE OUBLIÉ

Quand on lit attentivement la Bible, on découvre que le dieu Yahvé n’a pas toujours été seul au Ciel. Il a parfois des ministres, des armées, et même une épouse, comme l’explique Thomas Römer, qui est remonté aux origines du Dieu de la Bible pour découvrir une déesse. TEXTE JOCELYN ROCHAT

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MADAME DIEU!ASHÉRAHCette déesse citée quarante fois dans l’Ancien Testament montre que Yahvé n’était pas un dieu célibataire dès l’origine. Figurine à la polychromie presque entièrement conservée. Judée; Age du fer IIB-C, env. 750-620 av. J.-C. Hauteur 15,5 cm.© Fondation BIBLE+ORIENT, Fribourg Suisse.

Collection privée, Suisse.

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L’Institut romand des sciences bibliqueswww.unil.ch/irsb

C’est, en tout cas, ce que croyaient les voyageurs antiques qui ont laissé des graffitis à Kuntillet Ajrud.

«Dans l’organigramme religieux de l’Orient ancien, les dieux ne règnent jamais seul: ils sont au minimum en couple, et parfois en triade, explique Thomas Römer. Il n’y a aucune raison de penser que le dieu d’Israël a échappé à cette règle. Ce que confirme une inscription assyrienne de 722 av. J.-C., où le roi Sargon se vante d’avoir déporté le peuple d’Is-raël et «les dieux dans lesquels ils se fiaient».

La grande déesse du Proche-OrientTombée dans l’oubli au XXIe siècle, Ashérah était une célé-brité dans le Proche-Orient antique. «Il faut aller en Méso-potamie pour trouver la première attestation de ce culte, à l’époque d’Hammourabi, au XVIIIe siècle avant notre ère, explique Thomas Römer. Ensuite, on retrouve cette divinité un peu partout, mais surtout à Ougarit, en Syrie actuelle. Dans le cycle du dieu Baal, elle est la grande déesse, l’épouse du dieu El, et la mère de ses 70 enfants.» Une légende lo-cale présente un héritier du trône nommé Keret ou Kirta comme «celui qui sucera le lait d’Ashérah», «ce qui donne à penser que la déesse était associée à la fertilité», ajoute le professeur de l’UNIL.

La déesse Ashérah était encore vénérée dans les environs de Jérusalem, où elle était également considérée comme la compagne du dieu El, qui a donné son nom au peuple d’Isra-

El. C’est lui qui est présenté dans la Genèse comme le créa-teur des cieux et de la terre, avant que Yahvé ne fasse son ap-parition et qu’il ne remplace El dans le temple de Jérusalem.

Lors de son enquête sur les origines du dieu de la Bible (lire Allez savoir ! No 56), le professeur Römer a montré com-ment Yahvé – cette divinité venue de loin – s’est progres-sivement imposée dans la région. Il aurait même, si l’on en croit les graffitis de Kuntillet Ajrud, «récupéré» l’épouse de El après avoir pris la place du dieu original à Jérusalem. Un vaudeville céleste qui «n’a rien d’invraisemblable, assure Thomas Römer. C’est ce qui arrive dans la Bible, quand un roi fait un putsch, comme dans l’histoire d’Absalon. Le nou-veau chef prend le pouvoir et s’octroie les concubines du roi David, pour montrer qui commande désormais.»

La Bible critique AshérahLes vestiges archéologiques ne sont pas les seuls à témoi-gner de l’importance du culte d’Ashérah. La Bible en donne de nombreux exemples, notamment quand les rédacteurs des livres des Rois critiquent les «mauvais rois» qui ont fa-vorisé cette divinité. On apprend par exemple que, dans le royaume de Juda, le roi Asa (vers 910-869 av. J.-C.) «a re-tiré le titre de reine-mère à Maaka, sa grand-mère, parce qu’elle avait fait une horreur (une statue, ndlr) pour Ashé-rah. Asa abattit l’horreur... et la brûla au bord du torrent du Cédron (1 Rois 15:13)».

HISTOIRE DES RELIGIONS

POLÉMIQUETranspositions de graffitis réalisés sur une cruche retrouvée à Kuntillet Ajrud (Sinaï).Le phallus sur le personnage de droite (N), muni de seins, a-t-il été voulu par le sculpteur antique ou s’agit-il d’une griffure d’usure ? Dans ce cas, il pourrait s’agir d’une représentation d’Ashérah aux côtés de Yahvé, d’autant que le lion représenté sur le même objet lui est souvent associé. © (A g.) Tiré de: Dieux, déesses et

figures divines. Par Othmar Keel et

Christoph Uehlinger, Editions Cerf.

(A dr.) Tiré de: L’invention de Dieu.

Par Thomas Römer. Seuil.

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Quelques années plus tard, le roi Akhab érige une Ashé-rah, probablement dans le temple de Samarie (qui était alors la capitale du royaume). Cette statue était encore en place sous le roi Yoakhaz (environ 814-798), assure l’auteur de 2 Rois 13:6. Quant au roi Manassé régnant dans le royaume de Juda (vers 687-642), on lui reproche d’avoir remplacé la sta-tue d’Ashérah que son prédécesseur Ezékias aurait détruite (2 Rois 21:7). Autant d’épisodes polémiques qui convainquent Thomas Römer que la déesse «a probablement été associée à Yahvé dans le temple de Jérusalem où une statue était pla-cée, peut-être à côté de la sienne».

Où sont les statues de la déesse ?S’il y a eu une «Madame Dieu» avant que Yahvé ne devienne le dieu unique, les archéologues devraient, logiquement, re-trouver des traces de cette déesse. Mais, le sujet étant sen-sible, chaque preuve éventuelle de l’union entre Yahvé et son Ashérah fait l’objet de vives polémiques. Comme c’est le cas de la cruche à graffitis, retrouvée à Kuntillet Ajrud. Car cette poterie ne se contente pas d’évoquer «Yahvé et son Ashérah», elle est encore richement illustrée.» (voir ci-contre).

Sur la cruche, on distingue deux bovins, une musicienne assise et deux figures humanoïdes, l’une dotée d’un phal-lus, et l’autre de seins. On trouve encore plusieurs dessins d’animaux de l’autre côté de la cruche, notamment des lions,qui sont souvent associés à Ashérah, qui entourent un arbre stylisé.

Le vestige a suscité une discussion nourrie. La déesse est-elle représentée sur cette cruche ? Si oui, qui est-ce ? L’un des bovins ? La musicienne ou la figure humanoïde avec des seins ? Ou est-ce l’arbre stylisé ?

Comme il est impossible de conclure, les archéologues ont cherché d’autres vestiges plus faciles à identifier. Et ils se sont tournés vers les statuettes de femmes-piliers. Ces céramiques d’une trentaine de centimètres ont été fabri-quées de manière quasi industrielle. Elles représentent le haut du corps d’une femme nue, dotée d’une poitrine im-posante. Le bas du corps n’est pas façonné, pour laisser la place à un poteau, un pilier ou un tronc d’arbre qui sert de socle à la figurine (voir en page 41).

Un poteau pour soutenir Ashérah«On a retrouvé des centaines de statuettes de ce genre dans la plupart des villes de Judée qui étaient importantes aux VIIIe-VIIe siècle avant notre ère. Elles ont été découvertes dans les maisons privées comme dans les tombes, explique Thomas Römer. Mais elles deviennent beaucoup plus rares dès qu’on sort du territoire de Juda. Elles devaient donc jouer un rôle important dans les pratiques religieuses du peuple d’Israël de l’époque.»

S’agit-il d’Ashérah ? «C’est, en tout cas, une candidate intéressante, répond le professeur de l’UNIL, même si tout cela reste un peu spéculatif, puisqu’on n’a retrouvé aucune inscription qui permettrait d’identifier ces figurines avec

certitude.» Reste que ce pilier qui supporte la statuette fait penser à Ashérah, dont le nom a été souvent traduit par «po-teau sacré» dans certaines traductions de la Bible en fran-çais. Et les liens entre Ashérah et le bois sont nombreux. Outre l’arbre stylisé retrouvé sur la cruche graffitée, il y a plusieurs textes de l’Ancien Testament qui rapportent que de «bons» rois ont «brûlé» les icônes «impies» de la déesse, ce qui fait penser à des statues en bois.

De son côté, Thomas Römer imagine que la déesse était représentée de deux manières au moins. Sous la forme d’une femme dévêtue, ou symbolisée par un poteau ou un arbre sacré, et parfois avec une combinaison des deux, comme sur les statuettes de femmes-piliers.

Le Reine du cielProblème: ni la cruche à graffitis ni les femmes-piliers ne prouvent de manière définitive l’union de Yahvé et son Ashérah. Mais ces incertitudes ne suffisent pas à décou-rager les experts qui sont persuadés que le dieu biblique a eu une compagne à ses débuts. Si ce n’est Ashérah, c’est la Reine du ciel qui a été associée au culte de Yahvé, elle qui est notamment mentionnée dans le Livre de Jérémie, au chapitre 44.

«Cette déesse était très populaire, notamment auprès des femmes qui lui préparaient des gâteaux et lui tis-saient des vêtements, parce qu’elle était probablement

THOMAS RÖMERProfesseur à l’Institut romand des sciences bibliques et au Collège de France.Nicole Chuard © UNIL

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représentée nue. On le sait, parce qu’on a retrouvé des moules à gâteaux représentant des femmes dévêtues», ex-plique Thomas Römer.

Les historiens des religions ont évidemment constaté des ressemblances troublantes entre le culte de la Reine du ciel et la vénération d’Ashérah. Dans les deux cas, ces déesses ont été associées à Yahvé. Et dans les deux cas, ces cultes étaient majoritairement pratiqués par des femmes, et ils ont été interdits à la même époque. «Là encore, c’est un peu spéculatif, mais on peut imaginer que la Reine du ciel est un nom utilisé pour Ashérah», analyse Thomas Römer.

Avec une Ashérah à ses côtés, et peut-être une Reine du ciel, voilà notre «dieu unique» bien accompagné dans les cieux où on l’imaginait plus solitaire. A tort, puisque les Anciens voyaient les choses très différemment. «Si on plonge un regard d’historien dans la Bible, on découvre que Yahvé n’a pas toujours été seul, poursuit Thomas Römer. Le Psaume 82, par exemple, raconte que «Dieu règne sur l’as-semblée des dieux». Dans la mesure où les psaumes étaient des prières récitées dans le cadre du culte officiel, cette évo-cation d’une assemblée de dieux montre qu’un ciel habité par de nombreuses divinités n’avait rien de choquant...»

Au ciel, Yahvé était très entouréD’ailleurs, Yahvé n’avait pas seulement une épouse à ses cô-tés. «A l’époque, les croyants n’imaginaient pas un ciel vide. Ce dieu était très entouré, comme on le voit encore dans le Prologue du Livre de Job, où Yahvé préside à une sorte de réunion avec des ministres, avant qu’apparaisse Satan, qui, dans cette constellation, n’est pas «l’adversaire», mais joue plutôt le rôle de l’agent secret de Dieu, chargé de parcourir la Terre pour lui rapporter ce qu’il a vu.»

Les Anciens «voyaient leur dieu comme une sorte de sou-verain au ciel. Dans l’Ancien Testament, Yahvé ressemble à un roi, avec sa cour, son général, l’ange Michel, et ses sol-dats, comme on le voit de manière plus détaillée dans le Nouveau Testament, dans l’Apocalypse de Jean avec l’ar-mée céleste qui va combattre celle du diable.»

L’idée moderne du monothéisme n’apparaît donc pas d’un coup dans la Bible. Elle s’est imposée progressive-ment, au terme de plusieurs réformes qui ont mis du temps à convaincre les populations. «Quand les Anciens parlent du dieu unique, ils en ont une vision assez différente de notre conception du monothéisme, qui signifie qu’il n’exis-terait qu’un seul dieu, et qui a surtout été développée par les Lumières au XVIIIe siècle. Les auteurs du Deutéronome ne nient absolument pas l’existence des autres dieux; ils ne cherchent pas à démontrer qu’ils n’existent pas. Ils pensent que, si Yahvé a choisi Israël pour être son peuple, alors celui-ci ne doit pas courir après les autres dieux des nations avoi-sinantes. Ce que la loi du Deutéronome exige, c’est d’adorer une seule divinité, Yahvé, en un seul endroit, Jérusalem.»

«D’ailleurs, la Bible ne parle pas du dieu “unique”, elle dit le “dieu 1”, précise Thomas Römer. Pour comprendre cette

manière de parler, il faut expliquer qu’à l’époque, les deux royaumes cousins de Juda (au sud) et d’Israël (au nord) vé-néraient le même dieu, mais pas de la même manière. On a retrouvé des inscriptions rédigées en l’honneur du “Yahvé de Samarie” et d’autres remerciant le “Yahvé de Téman”. Donc, quand les rédacteurs du Deutéronome écrivent qu’il y a “1” Yahvé, ils veulent dire que le seul, le vrai Yahvé est celui de Jérusalem. Et que tous les autres Yahvé, de Sama-rie, de Téman, de Dan, de Béthel, etc, sont déclarés illégaux.»

Non content d’exclure les autres Yahvé, le roi Josias (il vit entre 640 et 609 av. J.-C.) et ses fonctionnaires qui ont concocté cette réforme religieuse ont encore décidé d’inter-dire le culte d’Ashérah. Les auteurs du deuxième livre des Rois racontent dans le détail comment le souverain Josias «sortit de la maison de Yahvé l’Ashérah qu’il emporta hors de Jérusalem, vers l’oued du Cédron. Il la brûla… et la ré-duisit en poussière. Et il en jeta la poussière dans une fosse commune» (2 Rois 23:6).

Une réforme de machos ?Bien sûr, cette interdiction du culte de la déesse n’a pas été suivie du jour au lendemain. Et la Bible témoigne de résis-tances. Mais à la longue, cette vision plus radicale du mo-nothéisme a fini par s’imposer, et l’on a oublié les débuts polythéistes de Yahvé. Comme cette Ashérah qui a été chassée du temple.

Vue avec des yeux du XXIe siècle, cette éviction de la déesse donne enfin l’impression que les décideurs de l’époque du roi Josias ont interdit la religion que prati-quaient les femmes pour imposer leur credo. «Il y a clai-rement eu une prise de pouvoir d’un clergé masculin, confirme Thomas Römer. Et cette réforme religieuse a eu des conséquences importantes et durables, puisque, s’il y a aussi peu de place pour les femmes dans les trois grandes religions monothéistes, encore aujourd’hui, c’est parce qu’on s’est débarrassé de la déesse à un moment donné.»

Chassée du temple au VIIe siècle av. J.-C., cette com-pagne de Yahvé a cependant réussi un retour en grâce inattendu, grâce à Marie, la mère de l’Enfant Jésus. «C’est juste, sourit Thomas Römer. Au Moyen Age, Marie a été appelée la Reine du ciel. C’est amusant de voir qu’un nom qui a été utilisé dans la Bible pour une déesse païenne a pu réapparaître mille ans plus tard. C’est un peu le retour du refoulé. Plaisanterie mise à part, ce retour d’un élé-ment féminin dans les religions est très intéressant. Parce que, dans la piété populaire, la Marie des catholiques res-semble beaucoup à une déesse. On la prie, elle fait des mi-racles, elle intervient, pour la fertilité, elle a une grande autonomie… En revanche, l’héritage du féminin reste un problème pour le protestantisme. Au point que l’on trouve désormais des théologiens qui suggèrent de redécouvrir Marie, pour atténuer les côtés machistes du christianisme. On a essayé d’évacuer le féminin de la religion, et il revient sans cesse.»

HISTOIRE DES RELIGIONS

LA BIBLE, QUELLES HISTOIRES! Un livre d'entretiens avec Thomas Römer.Ed. Bayard-Labor et Fides (2014), 287 p.

L'INVENTION DE DIEU Par Thomas Römer.Ed. du Seuil (2014), 331 p.

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 45

Son dernier mail envoyé avant de se rencontrer, il l’a signé «Maxouille». On sentait qu’on allait bien l’aimer. Lorsqu’il a débarqué sur la terrasse du

Bistrot du Flon, petit short, T-shirt turquoise, une fleur nouée à son sac à dos, s’excusant mille fois de son retard à cause d’un train raté, l’im-pression était confirmée. Max Lobe est Camerounais et homosexuel, oui. L’emballage. Un créneau peu occupé dans lequel on va pouvoir le classer. Peu importe. Max Lobe est avant tout écrivain. De la race des conteurs qui parviennent à vous tenir en haleine quatre heures d’affilée en interview, captant même l’attention des tables voisines. «On a écouté, on approuve!», dira une femme à côté, commentant notre discussion sur la liberté dans le couple.

Finalement, on ne lui aura pas posé trop de questions à Max. Parti comme il l’était, lui demander un sou-venir de son cours préféré à l’uni sem-blait un peu benêt. L’UNIL a pourtant occupé une place de choix dans la vie du jeune homme de 28 ans, puisque c’est sa participation au Prix de la Sorge, remporté en 2009, qui lui a permis de faire son entrée en littérature. Il étu-die alors en master à l’IDHEAP. L’anecdote mérite d’être partagée, même si Max Lobe la raconte mieux. Son ordi-nateur empli de textes écrits sans s’imaginer les publier un jour, il tombe sur l’affiche du Prix de la Sorge et se dit pourquoi pas. Le soir de la remise du prix, il préfère ren-trer tranquillement chez lui après ses cours, mais dans le bus tombe sur un ami, par ailleurs membre des Belles-Lettres de l’uni. «Viens, il y aura à boire!» Max accepte de l’accompagner, mais sans avouer avoir pris part au concours. Et il ne dira rien jusqu’au moment où son texte

est lu et qu’il constate que le public apprécie beaucoup. «Là, j’ai réalisé que mes mots pouvaient toucher et j’ai pris confiance en moi.» S’ensui-vra la parution d’un premier livre, L’en fant du miracle. Puis l’an passé 39 rue du Berne chez Zoé, qui vient tout juste de publier son dernier ouvrage: La Trinité bantoue.

A l’heure où nous rencontrions Max Lobe, il était au chômage depuis une semaine. Un écrivain en recherche d’emploi. «J’ai eu bien des expériences professionnelles dans ma vie, dont entre autres: représen-ter la Suisse en République Démo-cratique du Congo pour le DFAE. Je n’imaginais pas ne pas trouver de tra-vail après tout ça. Mais si, c’est pos-sible!» Il évoque le jeu subtil de la dis-crimination – «J’en suis convaincu, mais en suis-je directement victime?» – le réseautage en défaveur des immi-grés mais nécessaire pour évoluer, le sacrifice de ses parents aussi, pour lui permettre de venir étudier en Suisse

à 18 ans, d’abord au Tessin puis à Lausanne. Des thèmes mélangés allègrement en discutant et mis en scène dans La Trinité bantoue, qui prend pour point de départ la mala-die de sa mère.On ne s’attardera pas, elle va mieux. Avec Max Lobe, les sujets sérieux s’évoquent en pirouettes. A l’image d’une plaisanterie qui court dans les rues came-rounaises: trois années de suite, le Cameroun a été classé pays le plus corrompu au monde, «mais au moins nous sommes champions en quelque chose!». Un humour acide qui lui parle... Ses origines «bantoues avant tout», il ne les oublie pas, mais elles ne l’empêchent pas de se sentir «culturellement Cenovis» par ailleurs. Les traits d’esprit de Max Lobe n’en finissent pas de réjouir. Même s’ils laissent un petit goût amer, comme le Cenovis. CYNTHIA KHATTAR

MAX LOBEMaster en politique et administration publique de l’IDHEAP en 2011. Ecrivain© Pierre-Antoine Grisoni - Strates

La communauté des alumnide l’UNIL en ligne : www.unil.ch/alumnil

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL

MAX LOBE, LA RÉJOUISSANCE CONTAGIEUSE

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INTERNET

Les Etats-Unis règnent sur le monde numérique, qu’ils utilisent même pour surveiller leurs amis, comme la chance-lière allemande Angela Merkel. Cette mainmise a notamment poussé les Chinois à créer un réseau parallèle. Une idée à suivre ? PROPOS RECUEILLIS PAR SONIA ARNAL

POUR ÉCHAPPER À

AMÉRICAINE, FAUDRA-T-ILBALKANISER LE WEB?

L’HEGEMONIE46 Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne

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Le Web a 25 ans. L’âge de raison? Pas vraiment. Après de longues années d’euphorie, de plus en plus de questions dérangeantes émergent: que payons-nous vraiment en échange de tous ces services «gratuits»? Avons-nous vraiment envie que les espions améri-

cains de la NSA lisent tous nos mails et tous ceux de nos Autorités? Qu’advient-il des données sensibles de nos entreprises quand elles délèguent leur traitement et leur stockage à des compagnies étrangères et qu’elles se pro-mènent quelque part dans le Cloud? L’une des solutions, choisie notamment par la Chine, consiste à créer un réseau parallèle pour un Etat et ses citoyens.Spécialiste d’Internet et de cybersécurité, Solange Gher-naouti, professeure ordinaire à la Faculté des hautes études commerciales de l’Université de Lausanne, évoque ces options et répond à nos interrogations d’utilisateurs.

On fête cette année les 25 ans du Web. Qu’est-ce que cette technologie a changé dans nos vies? Le numérique est l’invention technologique peut-être la plus importante depuis que l’homme a appris à faire et à

garder le feu. Internet n’est que l’un des aspects de cette révolution. A son origine, on trouve la numérisation des données qui a complètement modifié notre rapport à l’in-formation. A partir du moment où n’importe quel signal (son, image, texte) peut se traduire en binaire, suite de symboles de 1 et de 0, il peut être traité par n’importe quel ordinateur, être copié, transformé, mis en réseau, transféré et partagé dans le monde entier. Mais là où l’analogie avec le feu est la plus importante, c’est dans la question du rapport au pouvoir. Car maîtriser le trai-tement de l’information, son stockage et sa diffusion, c’est avoir le pouvoir! Cela introduit un rapport de force dissymétrique entre ceux qui l’ont et ceux qui ne l’ont pas et qui dépendent des premiers pour y avoir accès.

Comment intervient le web dans cette révolution?Le monde de l’informatique et des télécommunications a longtemps été réservé à des spécialistes. Le Web est le fruit d’une évolution qui a finalement rendu Internet accessible au commun des mortels. Le Web, créé au CERN à Genève, a ainsi démocratisé l’Internet en facilitant

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«MAÎTRISER LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION, SON STOCKAGE ET SA DIFFUSION, C’EST AVOIR LE POUVOIR!»SOLANGE GHERNAOUTI

FRAGMENTATIONMorceler internet à l’échelle continentale permettrait de ne plus dépendre des géants américains © Fishbones / iStock

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l’accès à des documents multimédia répartis sur des machines reliées entre elles par le réseau. Tout le monde peut accéder, n’importe quand, à partir de n’importe où, à n’importe quelle information – ou presque.

Mais les origines du réseau Internet à proprement parler sont liées au Département de la défense américaine. Durant la guerre froide, vers la fin des années 60, l’enjeu technolo-gique était de concevoir un réseau informatique permettant d’acheminer des données même si des systèmes ou des liai-sons du réseau étaient en panne ou détruits.

Internet a ensuite accompagné le phénomène de mon-dialisation et a contribué à créer le «village global». Comme un verre à moitié plein ou à moitié vide, cela peut être vu comme un bienfait ou comme dangereux.

Pourquoi dangereux?Parce que désormais, toutes nos activités, notamment notre développement économique ou personnel, dépendent d’un Internet que nous ne maîtrisons pas parce qu’il ne nous appartient pas. C’est le cas de l’infrastructure réseau, des composants électroniques, de la majorité des services utili-sés, des logiciels, des moteurs de recherche et des services du Cloud. Tous sont du ressort de multinationales d’origine étrangère, comme par exemple Google, Facebook, Apple, Amazon, Microsoft, tous américains. Ces acteurs sont sou-vent en position hégémonique, ce qui leur confère un pouvoir

sans précédent. On en a eu un exemple avec les écoutes de la NSA. Ces organisations possèdent le savoir-faire, et main-tenant une assise économique, qui leur permettent d’édicter leurs règles et d’imposer leurs conditions d’utilisation et leurs modèles économiques. Prenez une fois le temps de lire les conditions générales que vous acceptez quand vous cliquez pour télécharger et utiliser une application. Vous constate-rez que vos données personnelles appartiennent au fournis-seur de service. Lorsque des mises à jour vous sont propo-sées automatiquement sur votre ordinateur, téléphone ou tablette, il y a prise de contrôle à distance de votre système…

Mais la plupart des gens donnent spontanément bien plus d’infos sur eux, leur famille, leurs vacances, leur bulletin de santé et leur animal domestique sur Face-book. N’est-ce pas un peu de la parano d’accuser les Etats-Unis de nous espionner quand au fond nous livrons tout spontanément?Non, de par leur position dominante, les géants du Net sont vraiment tout-puissants. Par ailleurs, ce qui est certain, c’est que nous avons oublié ce que signifie la vie privée, qui en principe devrait rester privée! Avec les réseaux sociaux, les vidéos, les photos et certaines applications, nous avons auto-matisé la mise en scène de soi. Nous sommes incités à être connectés en permanence, à tout montrer, et à tout dire…

Le citoyen n’est peut-être pas assez informé et éduqué à la notion de protection de la vie privée et de l’intimité numé-rique. Il faudrait que l’école joue un rôle plus actif dans ce domaine, ne serait-ce que pour expliquer aux élèves à quoi ils consentent quand ils acceptent les conditions d’utilisa-tion de Facebook ou le prix qu’ils paient vraiment quand ils font une recherche sur Google.

Vous parliez d’aspects positifs. Ils existent tout de même, non?Bien sûr, sinon le succès d’Internet ne serait pas ce qu’il est. Il suffit de se rappeler tout ce qu’Internet permet de faire… Il modifie notre façon de communiquer, de créer, de com-mercer, de travailler, d’apprendre, de nous divertir, de nous soigner ou encore de réaliser des activités délictueuses. La valeur d’une société réside dans l’information, de sa maî-trise dépend notre performance, y compris économique. La dématérialisation des services et la désintermédiation entre les différents acteurs, qui permettent par exemple d’acheter un billet de transport électronique ou de faire de la banque en ligne, sont une nouvelle facilité offerte à l’internaute. L’entreprise qui le propose fait des économies (pas de gui-chet, pas de personnel), mais en contrepartie du «c’est génial je peux le faire n’importe où, n’importe quand, je peux trou-ver la meilleure offre», c’est vous qui faites le travail. C’est aussi généralement une place de travail «locale» qui disparaît. Ce faisant, vous laissez des traces électroniques qui seront utilisées pour générer des revenus publicitaires, constituer des profils d’utilisateurs et optimiser de nouveaux services.

INTERNET

SOLANGE GHERNAOUTIProfesseure ordinaire à la Faculté des hautes études commerciales.Félix Imhof © UNIL

La Faculté des hautes études commercialeswww.unil.ch/hec

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 49

Cette transformation des métiers, des places de travail, des activités économiques a un coût caché qu’une société peut payer cher, à long terme, si elle ne sait pas suffisamment anticiper ces bouleversements et évoluer au même rythme que ces évolutions technologiques.

Vous comparez Internet à une drogue. Est-ce vraiment la même chose?Par certains aspects, oui. Vous êtes appâté avec un produit bon marché voire gratuit. C’est ludique, le plaisir est immé-diat, vous pouvez sortir de la banalité de votre quotidien, et à bien des égards, c’est très addictif. Et ce n’est que quand vous êtes bien «accro» que vous vous rendez compte du prix à payer et que vous ne pouvez plus vous en passer. Qui arrive encore à vivre quelques jours sans consulter Internet, ses mails et son profil Facebook? Quand vous vous déplacez, la question devenue la plus importante est généralement «est-ce que le wifi est disponible?».

Concrètement, que peut-on faire comme individu pour échapper à cette hégémonie?C’est presque impossible dans la mesure où toutes les alter-natives qui remportent du succès auprès du public se font rapidement racheter par l’un ou l’autre des géants du Net, qui sont prêts à payer très cher pour leur position dominante sur ce marché. C’est ce qui s’est passé par exemple avec You-

Tube (racheté par Google) ou WhatsApp (racheté par Face-book). Ces acteurs sont très performants et offrent de vrais services aux usagers. Il reste peut-être à renoncer à la gra-tuité de certains services. Préférer utiliser par exemple des services de messagerie électroniques proposés locale-ment par Swisscom plutôt que livrer ses courriels à Gmail (Google) dont on sait que les contenus sont scannés et ana-lysés (ils l’annoncent dans leurs conditions générales). Cette gratuité est un leurre.

Pourquoi un leurre? On ne paie rien…L’internaute paie «en nature», avec ses données, ses contacts, ses relations, ses goûts, ses préférences, son comportement en ligne. Toute information a une valeur marchande. La gratuité n’existe pas: les géants du Net sont avant tout des entreprises commerciales à but lucratif. Leurs bénéfices ne tombent pas du ciel, ils proviennent de nos données, donc de nos poches, mais le lien est moins direct qu’avec un abonne-ment Bluewin dont nous devons nous acquitter.

Et pour une entreprise? Cette mainmise est-elle dangereuse?Comme nous, les entreprises sont devenues dépendantes de l’Internet et de leur système d’information. Leur compétiti-vité est directement liée à leur capacité à traiter l’informa-tion, et bien sûr à en maîtriser la sécurité. Pour les petites

CONTRÔLELa Chine a compris le danger qu’il y avait à laisser des compagnies étrangères se charger du Web. Ici, de la publicité pour weibo, l’équivalent de Twitter, dans le métro de Pékin. © China Daily/Reuters

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et moyennes entreprises, c’est plus difficile que pour les grandes. Ne serait-ce que parce qu’elles sont plus amenées à externaliser leur informatique et à confier leur sécurité à des acteurs tiers, souvent d’origine étrangère. Je regrette d’ail-leurs qu’il n’existe pas plus de solutions suisses ou d’alter-natives intéressantes, en termes de coût et de sécurité. Repo-ser sur des fournisseurs étrangers est un risque majeur, et c’est aussi vrai pour le reste de l’Europe, dont on peut déplo-rer le manque d’initiative. Nous commençons à mesurer le retard pris dans l’industrie de l’informatique, mais aussi dans la lutte contre la cybercriminalité. Il devient de plus en plus difficile de challenger les géants du Net et d’empê-cher la cybercriminalité. Il est temps d’agir.

Est-ce à dire que les Etats n’ont pas joué leur rôle et devraient reconquérir leur souveraineté sur le Net?Je crois que certains gouvernements n’ont pas tout de suite pris la mesure de ce qui se jouait avec les technologies du numérique et l’Internet, que la guerre et la criminalité éco-nomique, comme leur souveraineté, étaient désormais liées à l’Internet. Maintenant, c’est certes le Gouvernement amé-ricain qui est à l’origine d’Internet, mais il n’a pas eu besoin d’expliquer à des Steve Jobs (Apple), Bill Gates (Microsoft) ou Mark Zuckerberg (Facebook) qu’il y avait là un potentiel éco-nomique important et qu’il fallait qu’ils occupent le terrain avant que d’autres ne le fassent. Mais un Etat se doit d’assu-rer sa sécurité publique et sa sûreté nationale. Il se doit de protéger ses ressortissants y compris dans le cyberespace, de protéger ses intérêts, ses infrastructures, son économie. Le Gouvernement américain l’a bien compris. C’est avec les acteurs publics et privés que des solutions sont à trou-ver pour une société de l’information fiable et de confiance.

Est-ce qu’il reste encore quelque chose à grignoter pour les autres pays, bref des solutions alternatives?La Chine suit une voie intéressante. C’est un des rares pays qui a compris précocement le danger qu’il y avait à laisser des compagnies étrangères se charger de tout. Il faut dire que c’est culturel, que le pays a une taille critique, les moyens de s’approprier une infrastructure Internet, la volonté poli-tique de contrôler toute la chaîne de valeur. Les Chinois pos-sèdent les terres rares et les usines permettant de construire des composants électroniques, ils développent des solutions pour avoir leurs propres infrastructures réseau, leurs navi-gateurs, moteurs de recherche, réseaux sociaux.

Mais on ne peut pas espérer que la Suisse et ses 8 mil-lions d’habitants fassent pareil…Non, il faut une taille critique, c’est pourquoi je pense que c’est à l’échelle d’un continent qu’il faut agir – on peut mor-celer le réseau, mais pas à une échelle trop petite. On court sinon le risque de balkanisation de l’Internet, qui fait débat aujourd’hui. Cela dit, la Suisse a une carte à jouer: elle a les cerveaux, des infrastructures et déjà une certaine expertise

dans les data-centers sécurisés. Elle pourrait s’appuyer sur sa neutralité, sa stabilité, sa qualité liée au «made in Switzer-land» pour offrir des services de stockage et de traitement de données ainsi que des services informatiques de proxi-mité. Il s'agit de développer un projet politique qui pour-rait, tout en renforçant son économie, assurer sa souverai-neté numérique et offrir de nouvelles opportunités business.

Est-ce que cette balkanisation du Web n’est pas contraire à son esprit? Il s’agit tout de même qu’il soit «world wide» pour garder son sens…Attention: ce n’est pas parce que mon fournisseur de mes-sagerie est basé en Suisse que je ne peux pas envoyer des e-mails dans le monde entier. Le Gouvernement chinois contrôle l’usage que sa population fait du Net et verrouille les échanges avec l’extérieur, mais c’est une volonté poli-tique, pas une limite technologique ou commerciale, et ce n’est pas ce que je prône pour la Suisse. Je constate juste que le pays de Confucius et de Mao a réfléchi à la question de savoir «qui possède et contrôle l’outil de communication du XXIe siècle?» et que ses dirigeants sont bien conscients du pouvoir que cela confère d’en maîtriser tous les éléments.

Vous militez pour que tous les Etats s’accordent sur un droit international de l’Internet. En quoi cela consiste-t-il?Internet a permis l’émergence d’un nouveau territoire numé-rique partagé au niveau mondial, et si on le considère comme un espace commun à tous les pays, de manière analogue à la mer et à l’espace, il faut le régir comme un bien universel. De plus, si l’on considère qu’accéder à Internet ou s’y dépla-cer librement devraient être, comme l’accès à l’éducation ou aux soins, des droits humains fondamentaux, il est néces-saire de mettre en place des instruments internationaux sur lesquels s’appuyer pour les faire respecter. Enfin, un traité international du cyberespace peut aussi contribuer à pour-suivre les auteurs de cyberattaques, indépendamment de leur pays d’origine ou de l’existence de lois nationales. Je travaille sur ces sujets, depuis 2008, auprès notamment de certaines instances onusiennes. Je suis convaincue qu’un tel traité va exister, même si son efficacité peut être questionnable et que l’on sait d’avance qu’il ne sera pas respecté. Il aura le mérite de définir des valeurs communes, des droits fondamentaux et de servir de référentiel pour dénoncer les abus.

Et comme simple utilisateur, que peut-on faire ?Les entreprises ne prennent à leurs clients que le maxi-mum de ce qu’ils sont d’accord de donner, pas plus. Elles ont tout intérêt à respecter leur seuil de survie. C’est donc à nous de fixer des limites, à nous d’accepter ou non cer-tains procédés. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est fai-sable comme le montre l’affaire du droit à l’oubli et Google. A terme, ça porte des fruits et force certains acteurs à modi-fier leur stratégie.

INTERNET Par Solange Ghernaoutiet Arnaud Dufour.PUF, Que sais-je (2012), 128 p.

LA CYBERCRIMINALITÉ -LE VISIBLE ET L’INVISIBLE Par Solange Ghernaouti.Presses polytechniques et universitaires romandes, Le savoir suisse (2009), 128 p.

INTERNET

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Dans de nombreux domaines, les scientifiques diffusent les résultats de leurs tra-vaux dans des revues spé-cialisées. Une démarche

motivée par l’envie de faire avan-cer la recherche en «permettant aux autres chercheurs de bâtir de nou-

se trouvent souvent dans les mains d’acteurs privés, en situation quasi monopolistique. Les abonnements, déjà coûteux, renchérissent réguliè-rement. Une situation en lien avec les marges confortables dégagées par les grandes maisons. Cette situation, dans laquelle le lecteur paie, agace

et Frédéric Schütz ne voient «que des avantages» à l’open access, et en listent les publics bénéficiaires. Les petites entreprises qui développent de nouveaux produits se tiennent au courant des avancées de la re-cherche sans devoir dépenser des fortunes. Les enseignants du se-condaire peuvent en faire bénéfi-cier leurs élèves, puisque les conte-nus peuvent être utilisés dans les supports de cours et mis en ligne. Les associations de patients concer-nés par des maladies chroniques ou rares suivent les découvertes qui les concernent. Wikipédia, qui n’utilise que des contenus, des graphiques et des images libres, est friande de publications open access pour enri-chir ses entrées. Les passionnés de science en amateur y trouvent leur compte. Enfin, les « papiers » dispo-nibles librement contribuent aux dé-bats de société qui touchent des su-jets scientifiques.

Pourquoi le modèle tradition-nel subsiste-t-il? Les scientifiques cherchent à être publiés dans les re-vues les plus prestigieuses, qui uti-lisent le modèle traditionnel. Les abonnements sont payés par les bi-bliothèques ou les universités, alors que le modèle de l’open access fait passer les groupes de recherche à la caisse. Enfin, en Suisse, le débat n’a pas encore été vraiment pris en charge ni par les organes de pilotage de la recherche, ni par le monde po-litique, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Europe. DS

Entretiens complets avec Jean-ClaudeAlbertin, Marc Robinson-Rechavi etFrédéric Schütz sur www.unil.ch/allezsavoir

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velles connaissances à propos de ce qui a été publié, explique Frédéric Schütz, bioinformaticien à l’Institut suisse de bioinformatique et maître d'enseignement et de recherche au Centre intégratif de génomique. Chacun souhaite être lu, cité et dé-battu.» Mais la publication sert aussi à asseoir une réputation et progres-ser dans la carrière académique. Un «papier» sorti dans un titre presti-gieux est valorisé par les universités.

Avant de paraître, un article doit passer par une peer review, c’est-à-dire être critiqué par des spécialistes du domaine. «Avec le temps, l’édi-tion scientifique a construit un mé-canisme de qualité basé sur l’éva-luation des articles par les pairs et la construction de ces marques que sont les titres de revues, gages de confiance et de crédibilité dans la communauté. Ce système fonctionne plutôt bien», explique Jean-Claude Al-bertin, directeur adjoint de la Biblio-thèque cantonale et universitaire de Lausanne. Ainsi, tout le monde a en-tendu parler des célèbres Nature ou Science. Le hic, c’est que ces revues

d’autant plus que les chercheurs font les peer reviews à titre gracieux. Un modèle alternatif, l’open access, a émergé dans les années 90. Il se base sur l’idée de l’auteur-payeur. Aujourd’hui, il existe près de 10 000 titres de ce type.

Professeur au Département d'éco-logie et évolution, Marc Robinson-Rechavi est l’un des éditeurs scien-tifiques bénévoles de PLoS One, une revue open access quotidienne en ligne, qui compte plus de 100 000 articles à ce jour. Un article accepté y est facturé 1350 dollars aux au-teurs, alors que les prix du marché varient entre 1000 et 3000 dollars. Une fois le texte passé au crible par les pairs, corrigé et accepté, il est mis à disposition sur le Net. Tout le monde peut donc le lire, le partager et utiliser les graphiques à sa guise. Dans le modèle traditionnel, il fau-drait soit se trouver physiquement sur le site d’une université, soit pos-séder les accès à la base de données des articles ou acheter les «papiers» à la pièce pour quelques dizaines de dollars. Marc Robinson-Rechavi

Traditionnellement, les résultats de la recherche scientifique paraissent dans des revues spécialisées, disponibles au travers d’abonnements coûteux pour les bibliothèques universitaires. En plein développement depuis une décennie, le modèle de l’Open Access vise à rendre les articles accessibles à tous gratui-tement... en faisant payer les auteurs.

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TOP LEADERS

SEPP BLATTERLe Valaisan est à la tête de la prestigieuse et influente Fédération internationale de foot- ball association (FIFA). Ici, pendant la demi- finale Brésil-Allemagne, le 8 juillet 2014. © Chen Jianli/Xinhua/Keystone

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Ils sont puissants et méconnus. Dans l’ombre des athlètes qui occupent les podiums et les médias, les grands patrons du sport bénéficient néanmoins d’un pouvoir considérable, comme l’explique un professeur de l’UNIL, qui publie l’une des très rares études sur ces leaders particuliers. TEXTE ALBERTO MONTESISSA

GRANDSQUI SONT LES

DIRIGEANTS DU SPORT?

«Ancien athlète de préférence. Ni jeune, ni Suisse, ni femme. Amoureux du sport, passionné de politique, d’économie et de management. Démocratique sur la forme. Bénévole, mais avec des privilèges garantis. Résidant dans

l’arc lémanique.» Tel est le pedigree «classique» du grand patron d’une organisation sportive internationale.C’est, en tout cas, le profil que dessine Emmanuel Bayle, profes-seur en gestion du sport à l’Institut des sciences du sport de l’UNIL (ISSUL), qui est le maître d’œuvre d’un des pre-

miers ouvrages à s’intéresser aux grands dirigeants qui façonnent le sport.

Autant de personnalités souvent méconnues, peu étu-diées, voire pas du tout, car difficiles d'accès et qui, malgré leur pouvoir et leur influence considérables, évoluent dans l’ombre des grands athlètes. Et souvent dans nos contrées, puisque la plupart des fédérations des sports olympiques possèdent leur siège en Suisse (20 sur 35) et plus particu-lièrement à Lausanne, où trônent le Comité international olympique (CIO) et le Tribunal arbitral du sport (TAS).

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INFLUENCEAngela Merkel, Sepp Blatter et Michel Platini (président de l’UEFA), à l’occasion du match Allemagne- Portugal, le 16 juin 2014. © Fabrizio Bensch / Reuters

Si la Suisse est le centre névralgique, le cœur des ins-titutions sportives, olympiques et mondiales, elle fournit beaucoup moins de patrons. Aujourd’hui, il n’y a que trois présidents suisses en poste: le Valaisan Joseph S. Blatter à la tête de la Fédération internationale de football associa-tion (FIFA), la plus influente et plus prestigieuse; le Fribour-geois René Fasel, à la Fédération internationale de hockey sur glace (IIHF) et le Grison Gian-Franco Kasper, à la Fédé-ration internationale de ski (FIS).

1. QUI SONT LES «GRANDS» DIRIGEANTS DU SPORT?

«Grand» dirigeant, l’originalité réside dans le titre. Habi-tuellement, quand on parle de sport, on évoque l'athlète ou la performance. Et on oublie souvent de mentionner ceux qui décident, dirigent ou gouvernent. «Le terme de diri-geant, précise le professeur Emmanuel Bayle, doit se com-prendre comme une personne élue et bénévole, dans la très grande majorité des cas, au sein d'un conseil d’administra-tion d'une institution sportive au statut associatif, comme les fédérations nationales et internationales, ainsi que les comités olympiques et le CIO. Il s'agit également du pro-priétaire ou du dirigeant à la tête d'un club professionnel ou d'un grand événement sportif.»

Selon le professeur de l’UNIL, un «grand» dirigeant doit se comprendre dans les deux sens du terme: d'une part, les personnes à la tête des plus grandes organisations ou insti-

tutions du sport. D'autre part, les personnes qui sont à la tête de ces structures privées et qui, par leurs parcours, leurs décisions, le développement de leur organisation, marquent de leur empreinte le monde du sport, voire au-delà.

Les grands débutsIl n'existe pas un grand dirigeant type, mais des dirigeants aux parcours divers, variés et qui ont dû se positionner face aux dichotomies: sport/argent et sport/politique. «Dans un premier temps, entre la fin du XIXe siècle et 1950,il y a eu l’institutionnalisation du mouvement sportif international. Pierre de Coubertin pose ses valises à Lausanne pour fonder le CIO. Jules Rimet, président de la FIFA durant trente-trois ans, crée la Coupe du monde de football. Et, en Suisse, Fran-cis Messerli (le fondateur du Comité olympique suisse en 1912, ndlr) fait la promotion de l’olympisme, de l’activité phy-sique et sportive, et défend l’apolitisme et l’amateurisme.»

Les pionniers du sport-businessEntre 1960 et 1980, les pionniers du sport-business changent les codes de commercialisation du sport. On assiste alors au «développement du sponsoring, du merchandising, du travail de la marque et à l'organisation de nouvelles com-pétitions. A cette époque, des dirigeants comme Thierry Sabine créent le Paris-Dakar, et Bernie Ecclestone imagine un nouveau marketing pour la Formule 1. Durant cette période, apparaissent les premiers experts en marketing du sport. Le meilleur exemple parmi les grands dirigeants, c'est Philippe Chatrier. Il est président de la Fédération fran-çaise de tennis, de la Fédération internationale de tennis ainsi que propriétaire et gestionnaire de Roland-Garros. Il a su créer les conditions pour que le tennis se développe en réinjectant l’argent récolté dans la fédération. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui le modèle Chatrier.»

Il faut ajouter à cette liste les deux derniers présidents de la FIFA (João Havelange et Joseph S. Blatter) qui ont radicale-ment modifié le visage du football, «par des transformations politiques, managériales, économiques et identitaires». Le football se développe sur l’ensemble de la planète grâce à la télévision et à de nombreux sponsors. Le chiffre d’affaires de la fédération fait un bond énorme, passant de 5,6 millions de dollars US en 1974 à 3800 millions aujourd'hui, selon le rapport de gestion de la FIFA 2012. Et le nombre de colla-borateurs travaillant dans son administration passe de 70 en 1998 à plus de 400 à la fin 2013!

L’avènement du sport-spectacleFinalement, «les années 2000 marquent l’avènement du sport-spectacle dans un contexte de globalisation et de mon-dialisation. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) accueillent ou vont accueillir les plus grands évé-nements, sans oublier le Qatar avec sa stratégie de “sport-power” menée par la famille régnante Al-Thani. C'est un changement radical pour l'avenir du sport.»

L’Institut des sciences du sport de la Faculté des sciences sociales et politiqueswww.unil.ch/issul

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Sport, argent et politique, l’essentiel est de réussir. Alors, forcément, beaucoup de ces dirigeants ont été, ou sont cri-tiqués, comme les anciens présidents Rubén Acosta (volley-ball), Primo Nebiolo (athlétisme), João Havelange et Joseph Blatter (football). «Même s’ils ont été contestés, à tort ou à rai-son, ils ont été de grands dirigeants du sport. Un grand diri-geant construit, développe et agrandit sa fédération, soit avec des événements, soit avec des projets. Le Mexicain Acosta a développé le volley-ball, on ne peut pas le nier. Même s'il régnait peut-être en maître sur son sport, avec un pouvoir autocratique, il a fait du volley-ball et du “beach” un beau produit commercial.»

2. IL Y A PEU DE SUISSES AU POUVOIR

Si la Suisse est liée à l’histoire du sport moderne, elle n’a fourni – paradoxalement – que peu de dirigeants capables de marquer leur fédération comme le fait J.S. Blatter actuel-lement. Il y a bien eu Hans Baumann, Léon Bouffard, Denis Oswald, Eugène Empeyta, Charles Thoeni, Arthur Gander, Max Sillig, Fritz Kratz, Max Burgi, Kurt Hasler ou encore James Koch, qui ont tous en commun d'être Suisses et d'avoir été présidents de fédérations internationales, mais jamais avec l'aura d'un Juan Antonio Samaranch (CIO), d’un Ber-nie Ecclestone (F1) ou d’un Philippe Chatrier (tennis). «En Suisse, il y a eu de grands dirigeants nationaux et de comi-tés olympiques, comme Messerli, par exemple, l'a été au début du XXe siècle», résume le professeur Bayle.

Maigre compensation, il y a beaucoup d’Helvètes membres du CIO, mais avec moins de pouvoir. «Oswald a eu de l’influence, mais le dirigeant majeur, aux côtés de Samaranch, c’était Richard Pound. Ce Canadien moins connu a été le grand argentier du CIO et le premier président de l’Agence mondiale antidopage. Il a traité tous les gros dos-siers économiques (droits de télévision et marketing) en véritable lieutenant de Samaranch.»

Le Suisse? Un homme de l’ombreDans les arcanes du sport, le Suisse est plutôt un homme de l’ombre, discret, efficace et de dossiers. «François Carrard, en tant que directeur général, a eu une importance majeure au CIO. Il a eu beaucoup d'influence comme de nombreux autres Suisses secrétaires généraux ou directeurs de fédé-rations internationales ou au CIO. Ce sont de grands mana-gers, mais pas de grands dirigeants à mon sens.»

Même constat pour les clubs professionnels. Difficile de citer un président emblématique qui aurait vraiment déve-loppé son club et qui aurait laissé une trace majeure sur le plan européen ou international, comme ont pu le faire San-tiago Bernabéu (Real Madrid), ou, à un degré moindre, un Jean-Michel Aulas à Lyon. Au FC Bâle, Gisela «Gigi» Oeri a surtout officié comme mécène.

Pourtant, indiscutablement, la Suisse joue un rôle cen-tral dans le management du sport depuis des années, et

notamment Lausanne en tant que capitale mondiale de l’administration du sport. «Les institutions ont tendance à engager des directeurs ou des cadres qui vivent en Suisse ou qui ont été formés ici.» Les formations de management sont nombreuses, telles que le Centre international d’étude du sport (CIES), l’Académie internationale des sciences et techniques du sport (AISTS), l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP), et plus récemment le master en gestion du sport proposé au sein de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL. Elles per-mettent de former des étudiants au plus près des grandes institutions sportives.

3. UN ANCIEN ATHLÈTE FAIT-IL UN GRAND DIRIGEANT?

«Quand on veut diriger une fédération, il est préférable de posséder un parcours sportif: avoir participé aux Jeux ou encore mieux, avoir été médaillé.» C’est le cas de l’ancien président du CIO Jacques Rogge (skipper lors des JO de 1968, 1972 et 1976) et de l’actuel patron Thomas Bach (qui a rem-porté la médaille d’or au fleuret par équipe aux JO de 1976). «La légitimité est encore plus forte lorsque l'on a été un spor-tif emblématique comme Michel Platini, l'actuel président de l'UEFA. Il a occupé de nombreux postes: joueur (trois fois Ballon d’or), sélectionneur de l'équipe de France, orga-nisateur de la Coupe du monde en 1998 et vice-président de la fédération française», poursuit Emmanuel Bayle.

EMMANUEL BAYLE Professeur associé à l’Institut des sciences du sport.Nicole Chuard © UNIL

LES GRANDSDIRIGEANTS DU SPORT23 portraits et stratégiesde management.Sous la directiond’Emmanuel Bayle.De Boeck (2014), 448 p.

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RENÉ FASELCe Fribourgeois préside la Fédération internatio-nale de hockey sur glace. Ici, avec Vladimir Poutine, en 2009 à Moscou. Aleksey Nikolskyi/Ria Novosti/ Keystone

BERNIE ECCLESTONEConsidéré comme le patron de la Formule 1, cet homme d’affaires a imaginé un nouveau marketing pour ce sport. Ici, le 19 septembre 2013 à Singapour. © John Eng/EPA/Keystone

D'autres ont souvent un passé d'arbitre, comme René Fasel ou Yvan Mainini, qui préside la Fédération interna-tionale de basket depuis 2010.

Les antécédents sportifs dans les institutions sont sans doute plus importants que la capacité managériale. «C’est une certitude! Avec cette légitimité, si on est un peu un ani-mal politique, on peut arriver à ses fins... Encore faut-il pas-ser le plus souvent par le niveau national avant de pouvoir parvenir à l'international. C'est, en quelque sorte, un par-cours initiatique à l’intérieur du système. De plus, au-delà du titre et de la fonction officielle, les dirigeants peuvent se positionner très différemment. Il y a des présidents de fédérations internationales qui sont juste des présidents de “représentation”, des hommes de communication; d’autres sont des présidents plus stratèges et d’autres encore sont de véritables PDG qui ont besoin de diriger l’administration, de maîtriser, de contrôler...»

4. QUELS SPORTS CRÉENT LE PLUS DE DIRIGEANTS?

Les domaines plus traditionnels, moins professionnels, moins médiatiques, où l’argent se fait plus rare – comme l’escrime ou l’aviron – ont tendance à produire davantage de dirigeants et de managers. «Les anciens sportifs de ce type de sport non professionnel montrent peut-être plus d’engagement dans leur sport, avant et après leur carrière sportive. L’origine des formations des dirigeants des fédé-rations est très hétérogène: ils viennent du droit, du mana-gement, de la médecine, ou du monde politique. Ce ne sont pas des capitaines d’industrie. Au contraire des clubs pro-fessionnels où c’est très clair. Ce sont toujours des chefs d’entreprise, car prendre le pouvoir dans un club profes-

sionnel de football ou de hockey, que ce soit en Suisse ou ailleurs, c’est prendre la tête d’une quasi-chambre de com-merce locale, et être en lien direct avec les politiques, avec la population. C'est posséder un outil de communication et de relations publiques assez unique.»

5. ET LES GRANDES DIRIGEANTES DU SPORT?

Même si les pratiques féminines se généralisent, dans de nombreux pays et de nombreuses épreuves, le sport insti-tutionnel reste conservateur et très masculin. Pour Emma-nuel Bayle, le bilan est alarmant: «Il y a trop peu de femmes qui, sur le plan international, occupent des postes de pré-sidentes de fédérations. C’est un univers peut-être un peu machiste, bien plus fermé que la politique ou le monde éco-nomique. Lorsque les femmes ont des postes, ils ne sont ni majeurs, ni déterminants. On note cependant quelques évo-lutions... A la FIFA, il y a désormais trois femmes dans le conseil d’administration.»

L’explication est simple: «Le stock de dirigeants est à 98% masculin, et l’on élit des personnes qui sont dans ce stock». Difficile de trouver des femmes. Pionnière en la matière, la Fédération internationale de curling a choisi l'Ecossaise Kate Caithness comme présidente depuis 2010. Mais cette nomi-nation n’en annonce pas des dizaines d’autres. Car même si la pratique féminine a gagné ses lettres de noblesse, avec le tennis par exemple, où il y a désormais parité dans les reve-nus gagnés par les athlètes, et même si le football féminin va poursuivre son développement mondial, «il y aura tou-jours très peu de femmes au pouvoir dans les fédérations. Car contrairement à la politique ou l’économie où les choses évoluent progressivement, le sport est très en retard.»

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RÉFLEXION

COMMENT DIS-TINGUER LES FAITS DE LA CROYANCE, DE LA MANIPULATION?COMMENTDIFFÉRENCIERLA VÉRITÉ SCIEN-TIFIQUEMENT CONSTRUITE – CERTES TOU-JOURS SUS-CEPTIBLE DE RESTRICTION – DE L’OPINION?

En mai 2014, Marco Rubio, sé-nateur de Floride et probable candidat républicain à la pré-sidentielle de 2016, déclarait sur la chaîne ABC: «Notre cli-

mat change toujours. Mais je ne crois pas que l’activité humaine cause des changements climatiques aussi dra-matiques que ce que nous dépeignent les scientifiques.» Comment distin-guer les faits de la croyance, de la ma-nipulation ? Comment différencier la vérité scientifiquement construite – certes toujours susceptible de restric-tion – de l’opinion ? Ces questions ne sont pas neuves mais elles se posent dans un contexte inédit, caracté-risé par l’Internet, le maillage entre sciences et industrie, et la stratégie de puissants lobbys visant à déstabiliser des données solidement fondées, mais économiquement gênantes.

Dans un ouvrage collectif récent qu’il a dirigé, l’historien des sciences Robert Proctor a forgé un concept qui désigne l’étude des mécanismes res-ponsables de la production et de la réduction de l’ignorance: «l’agnoto-logie».1 Il distingue trois processus. Le premier renvoie à la conquête pro-gressive de la lumière sur les ténèbres de l’ignorance. La révolution scienti-fique des XVIe et XVIIe siècles ou les Lumières au XVIIIe incarnent cette marche inexorable vers un univers qui serait débarrassé de ses mystères et ses dieux.

Le second relève de la sélectivité inhérente à la finitude de notre en-

VÉRITÉ SCIENTIFIQUE ET OPINIONtendement. Nous effectuons en effet sans cesse des choix entre les aspects du monde que nous désirons étudier.

Enfin, un troisième processus consiste à produire délibérément de l’ignorance en semant le doute quant à certains faits scientifiques ou la cré-dibilité de ceux qui les ont produits.2 On a pu observer cette tendance no-tamment en ce qui concerne la toxi-cité du tabac, les effets des CFC sur la couche d’ozone ou, plus récem-ment, l’influence humaine sur le ré-chauffement climatique. Certains scientifiques, alliés à des intérêts in-dustriels puissants, ont cherché à se-mer le doute sur des données scien-tifiques établies, afin de retarder des décisions visant à protéger la santé hu-maine et l’environnement. Des think tanks, instituts et fondations conser-vateurs américains, financés par l’in-dustrie, et avec la complicité de gou-vernements, se sont attachés à semer le doute sur des faits scientifiques par toutes sortes de moyens allant de la calomnie à la falsification, en passant par l’exploitation d’incertitudes mar-ginales qui caractérisent toute activité scientifique. Des postures analogues, mais beaucoup moins organisées et ef-ficaces, sont observables en Europe.

La production de connaissances scientifiques est indissociable d’insti-tutions et de procédures spécifiques; elle en passe le plus souvent par de saines controverses. La stratégie des «marchands de doute» consiste à feindre l’existence de controverses

en contournant les canaux du débat scientifique, à hypertrophier les in-certitudes et à plaider l’immobilisme dans l’attente d’une prétendue certi-tude. Au-delà de la presse grand pu-blic, Internet joue désormais un rôle central dans ce phénomène en per-mettant la diffusion de milliers de do-cuments plaidant par exemple l’ab-sence d’influence humaine sur le climat.

Après avoir trop souvent disqua-lifié l’opinion publique comme irra-tionnelle, les scientifiques se trouvent confrontés à un nouveau phénomène: dans l’espace public, des faits scien-tifiques «dérangeants» pour les «fon-damentalistes du marché» et les chantres du progrès technologique sont présentés comme de simples opi-nions ! Face à cette situation inédite, il est essentiel que les institutions scien-tifiques trouvent de nouvelles straté-gies et de nouveaux alliés au sein de la société. Ayant déjà perdu le mono-pole de l’expertise, ce qui est plutôt une bonne chose pour la démocratie, il leur faut affronter sans attendre ce défi inédit, ce qui requiert une nou-veau contrat social entre sciences, po-litique et société civile.

1 Agnotology. The Making and Unmakingof Ignorance. Par R. N. Proctor,L. Schiebinger, Stanford University Press (2008), 312 p.2 Les marchands de doute. Par N. Oreskes, E.M. Conway. Le Pommier (2012), 524 p.

ALAIN KAUFMANNDirecteur de l’Interfacesciences-société

DOMINIQUE BOURGProfesseur à la Faculté des géosciences et de l’environnement de l'UNIL

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DécembreJeudi 4 Shanghai Rencontre annuelle SHANGHAI ALUMNIL

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 59

Des professeurs de Lettres, on a toujours une image un peu impressionnante. Eru-dit sur un piédestal impo-sant une distance respec-tueuse. Alors quand l’un

d’entre eux publie un recueil de pen-sées dans un style plus personnel, cela ne peut qu’attirer l’attention. Enseignant de Littérature française à l’Université de Lausanne jusqu’en 1998 et désormais à la retraite, Arnaud Tripet dit s’être inspiré des Carnets de Paul Valéry pour écrire sa Petite philosophie buissonnière. Après plusieurs ouvrages critiques parmi lesquels Ecrivez-moi de Rome. Le mythe romain au fil du temps (Prix Mottart de l’Académie française) et des recueils de nouvelles, l’auteur propose cette fois une sorte de jour-nal intime de ses réflexions sur des sujets variés où il souhaite «conju-guer narcissisme (dans un sens pas trop péjoratif) et sagesse (dans un sens pas trop prétentieux)».

Nul besoin d’être un connais-seur de Valéry ni même de philo-sophie pour se plonger dans l’ou-vrage d’Arnaud Tripet. Quand nous le rencontrons d’ailleurs dans un café genevois où il a ses habitudes, c’est d’un match de foot qu’il com-mence par parler. Puis, sautant du coq à l’âne, il évoque la notion de sublime, le conflit israélo-palesti-nien, sa thèse de doctorat consa-crée à Pétrarque et la connaissance de soi («On m’a reproché d’y avoir davantage parlé de moi»), ses années

passées à enseigner à Chicago («Je n’ai pas aimé la vie américaine»), une histoire d’amour ou encore sa mère! Des thèmes pour la plupart évoqués dans sa Petite philosophie buissonnière, un peu à la manière «A sauts et à gambades» de Montaigne. Connaissances diverses qui ne font que refléter son intérêt pour les rela-tions humaines en général. Même lorsque Arnaud Tripet mentionne des professeurs qu’il a côtoyés, c’est toujours par le prisme des liens noués ou non avec eux, semblant attacher une égale importance aussi bien à la somme de leurs savoirs qu’à leur personnalité.

Et c’est probablement ce qui rend sa Petite philosophie buisson-nière intéressante. L’auteur se réfère aux figures de la littérature, de la musique, de la philosophie qui l’ont marqué et laisse aller ses pensées certes «zigzagantes à la manière de la littérature du mélange comme on aimait la pratiquer à la Renaissance». De l’érudition, indéniable, mais jamais dogmatique. Car Arnaud Tri-pet y met de sa personne, des instants de sa vie. Même s’ils ne sont évoqués que de manière fugace, ils suffisent à rendre l’ensemble plus abordable et plus touchant qu’un simple recueil de pensées. En bref, il y met du sen-timent. Ainsi: «Dans la demi-heure qui termine Salomé, Strauss n’a rien à envier au plus grand Wagner (Tristan, Parsifal). Quand elle dit au décapité: “Tu ne m’as pas regardée, si tu m’avais regardée, tu m’aurais

aimée”, je pense à la phrase quasi identique que je t’ai dite, te parlant de moi pour la première fois dans le hall de l’hôtel de Varsovie.»

A d’autres moments, l’auteur partage même d’anciennes ten-tatives poétiques auxquelles il s’était adonné pendant ses années à Chicago. Ou, sur une note plus légère, une série d’aphorismes et de citations plaisantes. Le parcours inclut également plusieurs pages consacrées à Rousseau, plutôt d’un point de vue sentimental.

Les lecteurs avertis trouveront sans doute dans cette Petite philoso-phie buissonnière «sérieuse ma non troppo» matière à débat, et les moins avertis y piocheront à leur gré des considérations pouvant servir de point de départ à leur propre chemi-nement personnel ou intel-lectuel. CYNTHIA KHATTAR

« «

ARNAUD TRIPET Professeur honoraire de Littérature française à l’UNIL jusqu’en 1998, Arnaud Tripet vient de publier une Petite philosophie buissonnière. Il prépare actuellement un nouveau recueil de nouvelles et un essai sur le doute. Nicole Chuard © UNIL

UNE PETITE PHILOSOPHIEBUISSONNIÈRE. Par Arnaud Tripet.Infolio (2014), 216 p.

PROFESSEURBUISSONNIERDans la lignée des Carnets de Paul Valéry, La petite philosophie buissonnière d’Arnaud Tripet convie à une promenade de réflexions intimes entre littérature, philosophie et spiritualité.

LIVRES

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LIVRES

Entre le 1er août 1914 et le 31 décembre 1919, Guy de Pourtalès a tenu, au quotidien ou presque, un journal de la Grande Guerre. Dans de petits carnets, il a consi-

gné sa vie militaire de manière fac-tuelle et directe. Le cœur de l’écrivain genevois battait pour la France, qui est devenue sa patrie d’adoption en 1912. Mobilisé à 33 ans, il a traversé le conflit sous différentes affectations: automobi-liste, interprète pour les Britanniques et les Américains, chargé de la propa-gande en Suisse par le Ministère des affaires étrangères et officier informa-teur dans l’Alsace libérée.

Additionné d’une intéressante ico-nographie, doté de notes, d’un index et d’un répertoire précieux, ce témoi-gnage vient d’être publié chez Zoé. Le texte propose le regard sur la Grande Guerre d’un intellectuel au riche

réseau personnel, bien informé des évènements grâce à ses lectures et à ses relations. Il éclaire également une déchirure plus intime, qui se joue parmi les proches de l’auteur. «Hugue-note d’origine française, installée à Neuchâtel, la famille de Guy de Pour-talès a compté de nombreux officiers au service de la Prusse, ainsi son oncle Max, son père Hermann et ses deux frères, Raymond et Horace», explique Stéphane Pétermann, éditeur de l’ou-vrage et responsable de recherche au Centre de recherches sur les lettres romandes (où sont conservées les archives de l’écrivain). Une photogra-phie émouvante prise le 17 juillet 1914 à Yvoire rassemble des membres fran-çais et allemands de la famille, très peu de temps avant les premiers combats.Même si ce grand libéral a évolué très loin de la témérité d’Ernst Jünger ou de

l’engagement d’Henri Barbusse, Guy de Pourtalès a vu des bombardements de près et a côtoyé la mort et la mala-die. Bien décidé à accomplir son devoir, il n’a mené son existence sous les dra-peaux ni à l’arrière, ni au fond d’une tranchée, mais dans une sorte «d’entre-deux», en intermédiaire. Ironiquement, la proximité de sa famille avec l’Al-lemagne lui valut, malgré son patrio-tisme, sa disgrâce auprès des Autori-tés françaises fin 1917. Un parcours passionnant. DS

Journée d’étude le 11 novembre 2014.Détails sous www.unil.ch/crlr.

Aristocrate francophile issu d’une famille cosmopolite, l’écri-vain genevois a consigné quatre ans et demi de sa vie quoti-dienne lors de la Première Guerre mondiale. Un Journal éton-nant, publié pour la première fois dans son intégralité.

« LA FAMILLE DE GUY DE POURTALÈS A COMPTÉ DE NOMBREUX OFFICIERS AU SERVICE DE LA PRUSSE. »STÉPHANE PÉTERMANN

Guy de Pourtalès portant l’uniforme kaki qu’il s’est fait faire en vue de sonaffectation auprès de l’armée britannique. Le port de la moustache est alors de rigueur dans les troupes anglaises.

GUY DE POURTALÈS, AU MILIEU DELA GUERRE

GUY DE POURTALÈS: JOURNAL DE LAGUERRE: 1914-1919 Edition établie, annotéeet présentée par Stéphane Pétermann.Zoé (2014), 1003 p.

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PROLONGERFOUCAULT

La capitale vaudoise est riche en parcs et jardins publics. Com-ment sont nés ces lieux très appréciés des habitants? Quelle est leur histoire? Que signifient-ils? Fruit des recherches menées par des étudiants de master, un ouvrage de poche dirigé par Dave Lü-thi répond à ces questions. Une iconographie abondante, ainsi que les belles photographies de Jeremy Bierer permettent de tout apprendre des espaces verts. Cinq itinéraires, soit autant d’idées de balades, sont proposés. DS

LAUSANNE - PARCS ET JARDINS PUBLICS. Dirigé par Dave Lüthi. Société d’histoire de l’art en Suisse, coll. Architecture de poche (2014), 223 p.

Même s’il vise plutôt les étudiants en Sciences criminelles et les spécialistes, l’ouvrage d’Olivier Ribaux, professeur à l’Institut de police scientifique, s’avère passionnant pour toute personne intéressée par le domaine. Enrichi de nombreux exemples, il détaille la crise que traverse la police scientifique et propose des idées pour sa reconstruction, notamment en mettant l’accent sur l’importance des «généralistes» de la trace, dans un milieu peuplé de spécialistes. DS

POLICE SCIENTIFIQUE. LE RENSEIGNEMENT PAR LA TRACE. Par Olivier Ribaux. Presses polytechniques et universitaires romandes (2014), 479 p.

Intermédiaires entre les joueurs et les clubs de football, les agents exercent une profession méconnue et entourée d’un nuage de fantasmes. Chercheur à l’Institut des sciences du sport, Stanis-las Frenkiel s’est livré à une longue enquête pour lever le voile sur un milieu secret, très difficile d’accès et qui brasse des sommes importantes. La majorité des agents en France connaît pourtant la précarité, ainsi qu’une vie infernale passée au téléphone et en innombrables déplacements. DS

UNE HISTOIRE DES AGENTS SPORTIFS EN FRANCE. LES IMPRÉSARIOSDU FOOTBALL (1979-2014). Par Stanislas Frenkiel.Editions CIES (2014), 186 p.

Vice-président du Conseil national et diplômé de l’UNIL, Sté-phane Rossini (PS/VS) a mené des travaux sur les politiques de santé dans les cantons latins et Berne. Un accent particulier a été porté sur la cohérence et les dimensions éthiques du sujet, dans un contexte fédéral. Avec une équipe de chercheurs, il s’est in-téressé à l’allocation des ressources dans cinq domaines: la pla-nification hospitalière, la réduction des primes d’assurance ma-ladie, la clause du besoin en matière de démographie médicale ambulatoire, le financement des soins et les médicaments. DS

LA GOUVERNANCE DES POLITIQUES SUISSES DE SANTÉ.Par Stéphane Rossini. Réalités sociales (2014), 224 p.

Au début des années 2000, Marie-Claude Hofner, médecin au CHUV, et l’infirmière Nataly Viens Python initiaient «C’est assez», un programme de détection et de prévention liées aux violences domestiques dans le canton de Vaud. Les deux spécialistes de la santé font le bilan du projet dans un ouvrage consacré plus géné-ralement à un thème longtemps peu rendu public. Le livre dresse ainsi un large panorama d’une problématique en cause pour près de 17 000 infractions recensées en Suisse en 2013. CK

VIOLENCES DOMESTIQUES, PRISE EN CHARGE ET PRÉVENTION.Par Marie-Claude Hofner et Nataly Viens Python. Presses polytechniques et universitaires romandes (2014), 144 p.

Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 61

Cet ouvrage exige une certaine connaissance de la pen-sée protéiforme de Michel Foucault (1926-1984), mais peut apporter aussi son lot de découvertes aux débutants

désireux de comprendre l’importance du philosophe et les prolongements actuels de son œuvre dans les sciences hu-maines et sociales. Coordonné par Jean-François Bert, en-seignant à l’UNIL, et Jérôme Lamy, chercheur à l’Université

de Versailles Saint-Quentin-en-Yve-lines, ce livre prône sous son intitulé Michel Foucault, un héritage critique la nécessité de répertorier les mul-tiples usages des concepts foucal-diens de biopolitique, par exemple, de gouvernementalité ou encore d’infamie, tout en les explicitant sous la plume de différents connais-seurs et usagers de cette pensée.

Dans ses rapports complexes avec la philosophie, la psy-chologie, l’ethnologie, l’histoire, Foucault n’a cessé de dépla-cer les lignes. Ainsi, l’histoire doit interroger les agencements contemporains qui nous paraissent si évidents, nécessaires, voire immuables. Comme la réalité de la prison ou celle de l’hô-pital psychiatrique. Son histoire des fous, des prisonniers ou de la sexualité questionne les moments de bascule – entre le Moyen Age et le XVIIe siècle, qui annonce les techniques pour «conduire la conduite» des hommes, le XIXe siècle humaniste et le XXe qui voit émerger le structuralisme – et explore ainsi la manière dont se sont constitués les savoirs d’une époque. Les archives auxquelles il s’intéresse témoignent alors de la rencontre entre des vies obscures et le pouvoir qui sur-veille, interdit, punit mais aussi suscite la parole. L’histoire dès lors ne va pas sans la littérature, capable précisément de raconter «la vie des hommes infâmes» pour reprendre le titre d’un célèbre article de Michel Foucault. En 1981, il pro-jetait de poursuivre son exploration des corps livrés au pou-voir dans une autre occurrence qui se répète au fil de l’his-toire, la guerre ou «ce qui fait qu’une Nation peut demander à quelqu’un de mourir pour elle» (propos tiré d’un complé-ment au DVD Foucault contre lui-même).

Questionner l’ordre établi, intervenir dans l’espace social, capter le surgissement de forces inédites, des «pratiques de liberté» plus ou moins réussies… Cité dans l’ouvrage foison-nant dont il est question ici, Michel de Certeau résume bien le nomadisme de Foucault, pour qui penser «c’est passer; c’est interroger cet ordre, s’étonner qu’il soit là, se demander ce qui l’a rendu possible». NR

MICHEL FOUCAULT – UN HÉRITAGE CRITIQUE. Sous la direction de Jean-François Bert et Jérôme Lamy. CNRS Editions (2014), 373 p.

Page 62: Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

62 Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne

FORMATION CONTINUE Executive Education HEC Lausannewww.hec.unil.ch/execed/fr021 692 33 97

«Nous souhaitons avoir un impact réel, concret et positif sur notre environnement en développant et renforçant le champ des activités de la Facul-té et en offrant de nouvelles formations de qua-lité en management aux cadres et cadres supé-

rieurs.» C’est ainsi qu’Isabelle Chappuis, Executive Director de l’Executive Education HEC Lausanne, résume la démarche entreprise par la Faculté des hautes études commerciales.Concrètement, l’ensemble de la formation continue en ma-nagement destinée à des cadres ou cadres supérieurs vient d’être regroupée sur une plate-forme unique, présentée sur www.hec.unil.ch/execed/fr. Il s’agit dans les faits d’une spin-off de la Formation continue UNIL-EPFL. «Ainsi, nous allons mieux exploiter les connaissances et compétences de nos chercheurs et professeurs. Ils pourront apporter leur exper-tise et les résultats de leurs recherches à un public plus large que les étudiants “classiques” - bachelor et master. Notre mandat consiste donc aussi à permettre la rencontre entre les experts académiques et les acteurs du monde du travail; ceci afin d’échanger sur leurs problématiques», note Lionel Stoudmann, Strategic Developments & Marketing Manager.

Que trouve-t-on sur la plate-forme ? Tout d’abord, la loco-motive que représente l’Executive MBA et ses trois spécia-

lisations, Healthcare Management, Management & Corpo-rate Finance et Management of Technology (en partenariat avec l’EPFL). Ce cursus intensif, d’une durée de 15 mois, intéresse les professionnels ayant déjà une expérience en management et qui souhaitent faire progresser leur car-rière. Il couvre tous les aspects de la vie de l’entreprise, «mais ne fait pas de vous un spécialiste en finance ou res-sources humaines. Par contre, il vous donne tous les ou-tils nécessaires pour converser, travailler avec et surtout mener les experts de ces différents domaines», explique Lionel Stoudmann (lire Allez savoir ! 52, septembre 2012).

Finance et comptabilitéUn autre cursus long, plus pointu, figure dans l’offre de-puis un an. Il s’agit de l’Executive Master in International Taxation (MASIT), qui se penche de manière approfondie sur les rouages de la fiscalité, notamment des multinatio-nales, dans un monde où individus et sociétés sont de plus en plus mobiles (détails dans Allez savoir ! 54, mai 2013).

Une formation en Marketing Management, qui se dé-cline en Certificate ou Diploma of Advanced Studies (CAS ou DAS) selon le choix des participants, vise à fournir aux cadres des compétences solides en marketing, dans tous

Les premiers cours placés sous l’égide de l’«Executive Education HEC Lausanne» ont débuté cet automne. Le but: rassembler et développer l’offre de formation continue destinée au management. Explications.

HEC ÉLARGIT SON OFFRE ET BÂTIT UNE PLATE-FORME DE FORMATION CONTINUE POUR LES CADRES

LIONEL STOUDMANNET ISABELLE CHAPPUISStrategic Developments & Marketing Manager; Executive Director de l’Executive Education HEC Lausanne.Photo Nicole Chuard © UNIL

Félix Imhof © UNIL

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Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 63

HEC ÉLARGIT SON OFFRE ET BÂTIT UNE PLATE-FORME DE FORMATION CONTINUE POUR LES CADRES

ET ENCORE…

Cette formation, dont la onzième édition démarre en no-vembre prochain, invite à une réflexion large sur l’art théâ-tral et sur ses ouvertures vers les univers proches de la danse, de la performance, de la vidéo, du cinéma, de l’ins-tallation ou encore de l’opéra. Bâtie sur quatre modules thématiques (le temps, l’espace, le personnage et la voix), ce Certificate of Advanced Studies (CAS) est consacré à de nombreuses questions, comme l’analyse du passage du texte à la scène, les enjeux des débats contemporains sur la dramaturgie, la manière de justifier les choix esthé-tiques d’une mise en scène ou de défendre un dossier pour une demande de subventions, parmi tant d’autres as-pects. Les considérations historiques figurent également au programme.

Placé sous la responsabilité de Danielle Chaperon, pro-fesseure de Littérature française à l’UNIL, le cursus vise à donner à la fois un bagage théorique solide et des outils concrets de mise en œuvre. Organisée conjointement par l’Université de Lausanne et La Manufacture – Haute Ecole de théâtre de Suisse romande, la formation propose, en plus des cours théoriques, des ateliers et des laboratoires pratiques. Ils sont construits autour d’éléments comme la scénographie, les différents systèmes de jeu, la poésie so-nore, l’adaptation de contes de fées ou... l’art lyrique. Cette manière de décadrer le regard «enrichit les participants, qui en tirent ensuite des idées à appliquer dans leur pratique», explique Florence Ineichen, coordinatrice du CAS.

Le public se compose le plus souvent de professionnels du théâtre ou d’enseignants de littérature, mais des profils différents, comme des danseurs, des performers ou encore des réalisateurs, y trouvent également leur compte. Les vo-lées, qui comptent au maximum 25 personnes, sont hété-rogènes: le mélange des expériences est important et utile. Pour Florence Ineichen, «les participants qui ont exercé pendant quelques années, et qui cherchent une nouvelle énergie pour mener à bien un projet artistique, tirent un bénéfice particulier de cette formation». Au-delà, cette dernière permet de prendre de la hauteur par rapport à sa propre pratique. Très loin d’être scolaire, elle suscite éga-lement «une réflexion sur soi-même. Le théâtre, c’est aussi la connaissance de l’humain!»

Accessible sur dossier, la formation compte 20 jours de cours répartis normalement sur un an, même si une certaine souplesse est proposée pour répondre aux engagements des professionnels du théâtre. Il se termine par une journée de conclusion, ainsi que par la défense d’un Mémoire lié à un projet personnel, donc directement utile. DS

www.formation-continue-unil-epfl.ch/dramaturgie-performance-texte-cas

DRAMATURGIE ET PERFORMANCE DU TEXTE

les domaines et d’un bout à l’autre de la chaîne (davantage d’informations dans Allez savoir ! 53, janvier 2013).

Une nouveauté se profile pour le début 2015: afin de ré-pondre à un besoin fréquemment exprimé par les équipes dirigeantes et les employés ayant une formation et de l’ex-périence dans un domaine technique, un certificat (CAS) en Finance et Comptabilité va être lancé. En effet, les cadres et dirigeants «non-financiers» sont souvent amenés à prendre des décisions financières dans le cadre de leurs fonctions. Il est dès lors primordial pour eux de maîtriser les concepts fondamentaux de finance, de comptabilité et de fiscalité, afin de pouvoir appliquer correctement l'analyse des coûts dans la planification et la prise de décision.

Formations courtesL’Executive Education HEC Lausanne offre aussi aux pro-fessionnels en quête de compétences particulières - et ce de manière ponctuelle - diverses formations courtes (d’une durée de 2 à 5 jours). Parmi elles figurent des cours tels que «Communiquer pour convaincre», «Le Leader Coach», «Corporate Intelligence», ou encore «Business Model Inno-vation & Design», parmi d’autres.

Autre avantage: ces cursus «profitent par exemple aux personnes qui se sont formées elles-mêmes à l’encadrement ou qui sont passées par la filière de l’apprentissage et non par l’université, note Isabelle Chappuis. Nous rendons ain-si les connaissances et les outils issus de la recherche ac-cessibles au plus grand nombre. C’est aussi une manière de restituer le savoir à la population vaudoise, qui finance l’Université.» Dans ce but, la majorité de ces formations sont données en français, même si certaines, dont le pu-blic-cible est international, seront dispensées en anglais.

Programmes sur mesureL’équipe de l’Executive Education HEC Lausanne offre aussi aux entreprises la possibilité de créer des cours sur mesure, afin de répondre aux besoins de formation interne de leur personnel dans un domaine ou une thématique particulière. Par exemple, un programme de management du développe-ment durable, conçu pour de hauts fonctionnaires du gou-vernement chinois et financé par la Confédération, vient d’être lancé en collaboration avec l’IDHEAP et la Faculté des géosciences et de l’environnement (lire également en p. 12 de cette édition). Cet exemple montre la volonté de l’Executive Education HEC Lausanne de développer une offre variée mais aussi interfacultaire voire interinstitu-tionnelle pour donner aux participants les outils et connais-sances nécessaires à la réflexion et implémentation de nou-velles solutions.

Ainsi, la Faculté des hautes études commerciales com-plète son portefeuille de formations classiques (bachelor, master, doctorat) par une gamme de formations continues à l’intention des cadres, utiles à tous les moments de la carrière. (RÉD.)

«NOTRE MANDAT CONSISTE AUSSI À PERMETTRE LA RENCONTRE ENTRE LES EXPERTS ACADÉMIQUES ET LES ACTEURS DU MONDE DU TRAVAIL.»LIONEL STOUDMANN

Page 64: Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

Dès le ma 14 octobre 

ESCALE DURABLECet automne, venez découvrir l’agri-culture alternative en compagnie de chercheurs et de spécialistes, à l’UNIL. Carrot City: le ma 14, me 15 et je 16 octobre. Ecotonte des moutons: ma 28 octobre. Bourse aux fruits: me 12 et je 13 novembre. Marché: je 27 novembre. UNIL. Sur le campus. Détails et lieux exacts: www.unil.ch/durable. 021 692 23 11

Je 16 et ve 17 octobre 

DESCRIPTION D’UNE PRISONOuvert au public, un atelier scien-tifique de deux jours consacré aux modèles d’inventaire des prisons ainsi qu’aux modèles descriptifs de ces établissements. UNIL-Sorge. Bâtiment Amphipôle. Je 13h30 à 18h, ve 9h à 16h. Inscription avant le 6 octobre à [email protected] pour la communauté UNIL, 115 fr. pour les autres.

Ve 17 octobre  

MÉDAILLES D’ORHerman Van Rompuy, président du Conseil européen, Martin Schulz, président du Parlement européen, et José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, recevront la Médaille d’or de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe. UNIL-Sorge. Amphimax. 18h30. Sur inscription, jusqu’au 7 octobre. 021 692 20 90 ou [email protected]

RENDEZ-VOUS Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Ve 23 mai

DIES ACADEMICUSCette cérémonie annuelle ouverte au public mêle allocutions officielles, re-mise de prix et de doctorats hono-ris causa à des personnalités (lire en p. 15) et intermèdes musicaux pro-posés par le Chœur universitaire de Lausanne. L’occasion de partager un moment important dans la vie de l’ins-titution. UNIL-Amphimax. Auditoire Erna Hamburger, 10h. www.unil.ch

Jusqu'au 29 mars 2015

DE A À SEXE(S)L’exposition aborde l’un des sujets les plus étudiés en biologie, l’impor-tance du sexe et de la reproduction dans le monde animal. Ateliers, vi-sites commentées et films qui pré-sentent les travaux de neuf cher-cheurs de l’UNIL. Lausanne. Musée de zoologie. Ma-je 11h-18h, ve-di 11h-17h. www.musees.vd.ch/musee-de-zoologie. 021 316 34 60

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Octobre à janvier

CONNAISSANCE 3Rencontres avec les chercheurs de l’UNIL et du CHUV. Toutes les conférences ont lieu à 14h30. Entrée libre pour la communauté universitaire (prix public 15 fr.; prix adhérent 10 fr.). www.unil.ch/connaissance3. 021 311 46 87

Ve 24 octobre, Nyon Donner plus de vie aux années - Comment vieillir en bonne santé ? Par Roger Darioli, prof. hon.de médecine.

Lu 27 octobre, Lausanne Irons-nous tous au paradis ?Par Daniel Marguerat, prof. hon. de théologie.

Lu 27 octobre, YverdonEntre innovation et utopie... l’avenir a-t-il besoin de nous ? Par Marc Atal-lah, maître d’enseignement et de recherche en section de français.

Ve 31 octobre, AigleRamuz, l’homme derrière l’œuvre. Par Stéphane Pétermann, respon-sable de recherche au Centre de recherches sur les lettres romandes.

Lu 10 novembre, LausanneRamuz revisité. Par Stéphane Pétermann.

Lu 10 novembre, Le SentierLes plantes anti-âge. Par Kurt Hos-tettmann, prof. hon. de pharmaco-gnosie et de phytochimie.

Ve 21 novembre, MorgesQuel rôle pour le patient dans la relation de soin? Par Francesco Panese, prof. études sociales des sciences et de la médecine.

Me 26 novembre, PayernePompéi, ville d’histoire, d’archi-tecture et de peinture. Par Michel Fuchs, prof. d’archéologie.

Lu 1er décembre, La Tour-de-PeilzDonner de la vie aux années: com-ment s’y prendre? Par Roger Darioli, prof. hon. de médecine.

Ve 12 décembre, AigleLes enseignements du jubilé de Saint-Maurice d’Agaune (515-2015). Par Bernard Andenmatten,prof. d’histoire médiévale.

Ve 16 janvier 2015, YverdonVisite guidée de la Maison d’ailleurs par son directeur Marc Atallah.De 14h30 à 16h. Prix: 25 fr.(30 fr. non-adhérent) y comprisle billet d’entrée.

Lu 19 janvier 2015, La Tour-de-PeilzUne brève histoire de la fabrique du cerveau. Par Francesco Panese, prof. études sociales des sciences de la médecine.

Jusqu’au di 22 février 2015

LAB/LIFEDeux expositions sur la vie de labo-ratoire, la recherche en biologie et médecine ainsi que sur les cellules souches. Nombreux évènements, comme des soirées scientifiques, avec bar et DJ ou des rencontres avec des chercheurs. Lausanne. Musée de la main UNIL-CHUV. Ma-ve 12h-18h, sa-di 11h-18h. www.museedelamain.ch. 021 314 49 55

Di 5 octobre

SORTIE CHAMPIGNONSUne belle occasion d’apprendre à reconnaître certaines espèces et même d’en manger en fin de sor-tie, si la cueillette a été fructueuse! Guide: Olivier Jean-Petit-Matile(lire également en p. 21). Tolochenaz. Maison de la rivière. De 10h à 13h. Sur inscription. www.maisondela-riviere.ch. 021 802 20 75ou 078 802 01 62

Sa 11 octobre

AUX RACINES DE L'ÉCRITUREComment s'est construite notre écriture? Quelles sont les origines de notre alphabet? Des spécialistes des Universités de Lausanne, Genève et Bâle nous plongent dans l'histoire de notre écriture (lire également en p. 10). Pully. Villa Romaine. De 9h à 17h. www.patrimoine.vd.ch/archeolo-gie/villa-romaine-de-pully.021 721 38 00

64 Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne

Page 65: Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

Sa 8 novembre  

VENEZ PLANTER!La Maison de la Rivière développe ses aménagements extérieurs et vous propose d’y contribuer en plan-tant une haie vive, faite d’arbres indi-gènes et favorisant la biodiversité. Apprendre et se dépenser en plein air, quoi de plus stimulant! Collation offerte. Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 10h à 16h. www.maison-delariviere.ch. 021 802 20 75

Toute l’actualité des événements, conférences, colloques, soutenances de thèses ou congrès organisés à l’Université de Lausanne se trouve sur www.unil.ch, rubrique mémento.

Ve 21 novembre 

ERETRIA 1964-2014Journée de célébration des 50 ans de l’Ecole d’archéologie en Grèce, ou-verte au public. Allocutions de nom-breuses personnalités, informa-tions sur les fouilles et prospections suisses en Grèce réalisées en 2014, puis exposés de chercheurs sur des thèmes érétriens. UNIL-Mouline. IDHEAP. De 11h à 19h.www.unil.ch/esag. 021 692 38 81

Je 11 décembre 

GEORGE COUKOSLeçon inaugurale publique de George Coukos, chef du Départe-ment d’oncologie UNIL-CHUV et di-recteur du Centre Ludwig de l'UNIL pour la recherche sur le cancer. L’oc-casion de s’informer sur les déve-loppements de la recherche menée contre cette maladie (lire également en p. 16). CHUV. Auditoire César Roux. 17h15.

Lu 2 février 2015 

FORUM PUBLIC VOLTEFACEUne soirée ouverte au public, pour échanger et pour rencontrer les chercheurs autour du projet Volte-face, consacré aux modes de vie et à la transition énergétique (lire éga-lement en p. 12).UNIL-Sorge. Amphimax. 17h. Davan-tage d’informations et programme complet sur www.volteface.ch ou au 021 692 23 14.

En permanence

MARCHÉPain, légumes, fruits, fromages: des produits frais proposés sur le cam-pus de Dorigny, par des marchands de la région. Nouvel emplacement, juste à côté du bâtiment Géopolis. UNIL-Mouline. Devant le bâtiment Géopolis. Le jeudi de 9h30 à 14h30. www.unil.ch/marche. 

Ma 11 novembre

GUY DE POURTALÈSAutour de la publication du Jour-nal de la Guerre (lire en p. 61), l'Uni-versité de Lausanne et la Fonda-tion Guy de Pourtalès organisent une journée d'étude consacrée à la Suisse romande pendant la Première Guerre mondiale. Pro-gramme détaillé sur le site du Centre de recherche sur les Lettres romandes: www.unil.ch/crlr.

Dès le di 16 novembre

ALPHABRICKPrésentation de la construction de trois univers fictionnels (autour de H. P. Lovecraft et J. R. R. Tolkien, ainsi que de Star Wars) par le biais d'ar-tistes (Benjamin Carré, John Howe) et de dioramas LEGO (lire également en p. 22). Jusqu’au 31 mai 2015. Yverdon-les-Bains. Maison d’Ailleurs. Ma-ve 14h-18h, sa-di 11h-18h.www.ailleurs.ch. 021 425 64 38.©

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Jusqu’au di 1er février 2015

CRIMES ET CHÂTIMENTSViolation, crime, infraction... autant de mots qui ramènent à une même mani-festation, propre aux sociétés humaines: la transgression. Ce phénomène peut cependant prendre des formes très différentes.Ainsi, des comportements autrefois répréhensibles sont aujourd’hui entrés dans les mœurs. Et tel acte admis dans une société peut valoir une condam-nation à mort dans une autre. C’est ce caractère relatif de la notion de délit que met en lumière l’exposition. Lausanne. Musée historique. Ma-je 11h-18h, ve-di 11h-17h. www.lausanne.ch/mhl. 021 315 41 01

Paul Merçay, assassin de l’épicier Bado, près du Pont Bessières, 16 juillet 1924.

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Je 30 octobre

SOIRÉE DES ALUMNIRéunion des diplômés et des ensei-gnants de toutes les facultés. Elle permet de nouer des contacts utiles, au niveau personnel et profession-nel. L’édition 2014 est consacrée aux 10 ans de la FBM. Mehdi Tafti présentera ses dernières recherches sur les troubles du sommeil. Ins-cription sur le portail jusqu’au 22 octobre. www.unil.ch/alumnil

Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne 65

Di 7 décembre 

SORTIE TRUITE & CASTORCette sortie prévue le long de l’Au-bonne vous permettra de découvrir les mœurs des truites et des castors, ainsi que de les voir de près. Guide: Jean-François Rubin, président de La Maison de la Rivière (lire également en p. 34). Tolochenaz. Maison de la Rivière. De 9h à 12h. Sur inscription. www.maisondelariviere.ch.021 802 20 75 ou 078 802 01 62.

Me 26 novembre 

EXPO 64, EXPO.02,ET APRÈS?A quoi servent les expositions natio-nales? Que disent-elles de la Suisse, de ses préoccupations, de sa vi-sion de l’avenir? Un cours public est consacré à ces questions. Avec Oli-vier Lugon et François Vallotton (lire en p. 8). UNIL-Sorge. Amphimax. 18h. www.unil.ch/autrementdit.

Page 66: Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

66 Allez savoir ! N° 58 Septembre 2014 UNIL | Université de Lausanne

Spécialiste des migrations, Monika Salzbrunn incarne elle-même l’hyper-mobilité. Allemande parfaitement fran-cophone, sans cesse entre la

Suisse – où elle dirige à l’UNIL l’Ins-titut de sciences sociales des reli-gions contemporaines et l’Obser-vatoire des religions en Suisse – et le Japon, la Finlande, le Sénégal ou encore New York, Istanbul et Paris, où elle entraîne dans son sillage sa fillette de bientôt 3 ans, l’anthro-pologue cumule vingt ans d’expé-riences internationales sur le terrain et dans les universités.

«Istanbul était plus cosmopolite au XIXe siècle. La mobilité est un phé-nomène aussi vieux que l’humanité, mais on invente un passé national pour justifier la fermeture ou le repli sur soi, et construire la soi-disant homogénéité d’un peuple. C’est le cas en Turquie aujourd’hui mais la tendance concerne aussi d’autres pays comme la France ou la Suisse. Or, dans les faits, nous vivons à l’ère de la super-diversité», soutient-elle. Dans une récente étude comparant la région de la Ruhr et Istanbul, The Economies of Urban Diversity (Pal-grave), elle explore avec deux col-lègues l’espace urbain sous ses formes multiples et constate que les Turcs quittent l’Allemagne davan-tage qu’ils n’y viennent. Monika Salzbrunn bouscule les clichés. «Le solde migratoire des Suisses est négatif, dû à la forte émigration. En même temps, les nouveaux venus des quatre coins du monde rendent le pays de plus en plus cosmopolite.»

Selon elle, on assiste à une «diver-sification de la diversité» avec des

immigrés – des femmes pour moi-tié – offrant des profils profession-nels, générationnels, juridiques très variés. Dirigeant deux projets FNS sur les ressources digitales et cultu-relles des Tunisiens après le Prin-temps arabe – en Suisse et en Tuni-sie – et sur l’islam (in)visible en Suisse romande et France voisine, Monika Salzbrunn s’intéresse aux pratiques témoignant d’une diver-sité historique, culturelle et socio-logique bien plus grande qu’on ne l’imagine si l’on se penche sur le seul discours de l’islam visible et organisé au sein des mosquées (lui-même complexe, mais pas for-cément représentatif).

Au plus près des événements biographique, artistique, carnava-lesque, politique qui font sens pour les acteurs sociaux, la socio-anthro-

A table avec Monika Salzbrunn, anthropologue et sociologue, professeure ordinaire à la Faculté de théologie et de sciences des religions.

pologue vient de publier un livre intitulé Vielfalt/Diversität (trans-cript) pour introduire à ce concept et à son application. Elle prépare en outre les actes d’un colloque inter-facultaire sur «L’événement en reli-gion» (Presses universitaires de Rennes). Selon cette perspective, les événements permettent d’obser-ver et d’analyser les liens commu-nautaires. Pour le printemps 2015, elle envisage un cours de master sur la «transnationalisation» cultu-relle et religieuse à travers l’art et la musique. Il s’agit des «pratiques mouvantes qui s’alimentent des expériences de circulation».

Monika Salzbrunn tisse des liens entre les cultures, un art bien utile pour contrecarrer les réactions de fermeture et de peur. NADINE RICHON

UN REGARD AFFÛTÉ SUR LA DIVERSITÉ

CAFÉ GOURMAND

UN GOÛT DE L’ENFANCELes petits gâteaux  de Noël de ma mère, chefs-d’œuvre esthé-tiques et gustatifs.

UNE VILLE DE GOÛT ?Istanbul pour la magie du lieu, mais aussi Kyoto et le Lyonnais, autant de voyages pour le palais et les yeux...

QUI INVITEZ-VOUS ?Les voisins, pour que l’étranger cesse d’être cet inconnu qui arrive aujourd’hui et qui reste demain (clin d’œil à Georg Simmel).

MONIKA SALZBRUNN Au restaurant de l’HôtelMirabeau à Lausanne.© Nicole Chuard

Page 67: Allez savoir ! 58 - Septembre 2014

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