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LA MONNAIE: AMBIVALENCE ET CONFIANCE Michel Aglietta Univ. Paris Nanterre, Cepii et France Stratégie

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LA MONNAIE: AMBIVALENCE ET CONFIANCE

Michel Aglietta

Univ. Paris Nanterre, Cepii et France Stratégie

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Les interrogations fondamentales sur la monnaie et la valeur

Aristote: «la monnaie est pure loi. Mais la chrématistique, le désir infini de

richesse monétaire, est une force destructrice de la cité ».

Simmel:« C’est dans la monnaie que l’esprit moderne trouve son expression la plus parfaite. »

Tout le monde est obsédé par la monnaie tout le temps dans une société capitaliste. « L’Economiste » nous dit que c’est une illusion. Lorsqu’il est question de des échanges de marchandises présentes et futures, la monnaie est neutre à l’Equilibre Général..

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La valeur et le désir d’objet

Désir d’objet ou désir d’être?

Il existe deux conceptions antagoniques du désir d’objet, donc irréconciliables de l’économie : /L’hypothèse de la primauté de l’individu générique appelé homo economicus, supposé autosuffisant, parce que son désir s’exprime selon une conception naturaliste de la valeur appelée « utilité ». /L’hypothèse de la primauté du collectif (la société préexiste) dont l’expression économique est la monnaie, posant la question de la nature du désir comme interrelation des membres de la société.

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Le problème du lien social sous l’hypothèse d’une naturalisation de la valeur (1)

La valeur utilité et la question de l’équilibre des échanges

-Hypothèse naturaliste d’objectivation du désir : l’utilité pour chacun est supposée ne pas dépendre de celles des autres. C’est une fonction s’appliquant à données exogènes, les ressources rares. Si les individus ont des ressources qui sont différentes de leurs utilités, cela permet de définir des échanges, les marchés. -Il se pose alors 2 questions sur le collectif formé par les individus : qu’est-ce qui fait tenir ensemble un système de marchés ? En quoi ce système constitue-t-il la meilleure utilité possible pour chaque individu? -La 1° question a été posée en termes normatifs par Walras : comment les individus doivent-ils se comporter pour parvenir à une cohérence appelée équilibre, la seule qui permette d’éviter toute interaction entre individus, donc toute question de pouvoir ? /La réponse (th. De Arrow Debreu) est que l’équilibre général intertemporel existe si tous les individus sont placés dans ces conditions. Mais cet équilibre est séparé de toute observation empirique, car les individus doivent avoir une connaissance parfaite des caractéristiques des biens présents et des biens futurs possibles.

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Le problème du lien social sous l’hypothèse d’une naturalisation de la valeur (2)

La question de l’optimalité des échanges et le problème du choix social

-La 2° question se heurte à l’impossibilité de relier la micro et la macro si les individus sont hétérogènes ((théorème fondamental de Arrow, 1951) : il n’existe aucune procédure décentralisée d’agrégation des préférences individuelles qui soit cohérente et donc puisse guider une logique de choix social. -La tentative de réponse se trouve dans la contre-révolution du fondamentalisme de marché pour contourner le théorème d’impossibilité et extraire l’économie de tout présupposé social : poser que les individus sont tous les mêmes. / S’il n’existe qu’un seul individu (homo economicus), sa préférence est la préférence sociale. Cet individu ayant une connaissance complète en probabilité des biens futurs (anticipations rationnelles), le temps est aboli et le calcul économique unifié.

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Hypothèse alternative: dénaturaliser la valeur et conceptualiser la monnaie

La valeur est la forme d’un lien social exprimé par le paiement: ce par quoi la société rend à chacun ce qu’elle juge que nous lui avons apporté par notre

activité.

-L’échec de la tentative d’absorber la macro dans la microéconomie (fondements micro de la macro) peut être exprimée de 2 manières : /Tous les individus sont dépendants d’un bien public dans la formation de leurs choix, l’information. Elle est coûteuse, asymétrique et engendre donc des relations de pouvoir entre les individus (Stiglitz). /Les désirs sont des relations entre individus (hypothèse de la concurrence mimétique). Ils sont création de l’interaction mimétique. L’utilité est constamment redéfinie par l’interaction sociale pour produire de la différenciation (Veblen). L’avantage de cette hypothèse est qu’elle fait de l’innovation le moteur de l’économie marchande, parce qu’elle endogénéise la rareté pour en faire un instrument de pouvoir. -Mais alors il faut poser la société au point de départ et faire de la relation de l’individu au collectif une question fondamentale. Dans l’ordre économique, la monnaie est le concept qui établit cette relation générique dans le paiement. 6

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Deux conceptions radicalement opposées de la valeur: deux projets théoriques incompatibles (synthèse)

Conception téléologique de l’économie pure: une nature préexistante

• Théorie de la valeur utilité: corps d’hypothèses pour fonder une économie pure totalement séparée de la société

• La coordination marchande se fait dans une économie sans monnaie→ équilibre général de concurrence parfaite comme point fixe des prix.

• Auto-transcendance des prix: tous les acteurs tiennent les prix pour donnés. La découverte des prix d’équilibre (existence d’un point fixe) découle du Marché comme auto-organisation

• Auto-transcendance de la finance= coordination par le futur. L’auto-organisation de la finance énonce le modèle « vrai » de l’économie (« valeur fondamentale » des prix des actifs). Ce modèle est ce qui doit être

• La monnaie est neutre parce qu’elle n’influence en rien les prix d’équilibre. L’économie pure est entièrement a monétaire. La monnaie comme (n+1)° bien ne détermine que son prix.

Conception généalogique de l’économie monétaire: le langage du nombre

• La monnaie est le rapport d’appartenance des acteurs économiques à la société. Le collectif précède l’individuel.

• La valeur est forme pure (le langage comptable) qui donne sens pour autrui par détachement du signifiant (la monnaie) et du signifié (l’objet marchand) associés dans le paiement.

• La coordination des échanges monétaires se fait par le système des paiements. C’est la compensation/règlement de tous les paiements quotidiens (finalité des paiements) qui ratifie qu’un échange a réalisé une valeur.

• Les échanges contemporains et dans le temps (échanges de promesses ou dettes) sont décentralisés et ont une unité par les flux de monnaie qui circulent entre les comptes.

• La forme pure de la valeur qui ouvre l’accès à tous les échanges est la liquidité qui fait l’objet d’un désir unanime et sans limite. 7

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Dans une société marchande, la monnaie est un système de règles

• Première règle: institution de l’espace de mesure de la valeur sur l’unité de

compte commune. La valeur est pure forme exprimée dans une grammaire, la comptabilité.

• Deuxième règle: émissions des dettes liquides (capables d’être acceptées par des tiers).

• Troisième règle: compensation et règlement des dettes réalisant la finalité des paiements ç-à-d réalisation de la valeur postulée dans les biens échangeables.

• L’ensemble des 3 règles constitue le système des paiements, institution qui définit le lien social d’une société marchande: ce par quoi la société rend à chacun d’entre nous ce qu’elle juge que nous lui avons donné.

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Système de paiements: l’organisation hiérarchique des paiements

Achat de titres

Vente de titres

Vente de titres

Achats de titres

Banque centrale

Marché monétaire

Marché monétaire

Chambre de compensation règlement

A B

X Z Y Agents non bancaires

Banques commerciales

Flux de monnaie Transfert de biens ou de titres financiers Compensation des soldes interbancaires

Légende :

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Liquidité, dynamique financière de momentum, cycle financier

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Ambivalence de la monnaie: la liquidité et le désir d’argent

• La liquidité est ce que chacun désire parce qu’il (ou elle) postule que tous les autres la désire dans un même espace monétaire (externalité de demande). La recherche par chacun de ce qui peut être accepté par tous comme la valeur en soi produit une polarisation qui est le point fixe d’un processus endogène. Il est fragile parce que toute croyance collective se forme par un processus autoréférentiel à partir de la multiplicité des croyances individuelles

• En effet, la liquidité a une double caractéristique qui fait l’ambivalence de la monnaie : /La liquidité est une puissance collective de la société parce que son acceptabilité générale dans le système des paiements fait protection à l’égard des échecs de paiements. Il en est ainsi tant que chacun se croit sûr que n’importe qui d’autre va l’accepter.

/La liquidité est un désir illimité d’appropriation : faire de l’argent avec l’argent, parce que l’accumulation d’argent est pouvoir sur autrui et que le désir de pouvoir est sans limite. Le désir d’accumulation d’argent engendre la logique financière du momentum, en opposition avec le postulat de l’efficience de la finance.

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Deux conceptions inconciliables du temps en économie

Temps homogène de l’agent représentatif omniscient

• Hyp. de la finance efficiente: pas de flèche du temps parce que pas d’incertitude de l’avenir: l’agent représentatif à horizon d’anticipation infini a une connaissance probabiliste de l’ensemble des trajectoires économiques possibles: modèle « vrai » de l’économie.

• L’équilibre global de l’épargne et de l’investissement égalise la rentabilité marginale et le coût du capital. La monnaie est neutre.

• Conséquences: /les bilans n’ont aucune importance dans la formation des équilibres macro. Il y a neutralité des structures financières vis-à-vis des choix d’investissement /les prix des actifs à l’équilibre sont égaux à leur « valeur fondamentale » qui résulte de la connaissance parfaite de l’avenir / Toute déviation persistante ne peut provenir que « d’imperfections », donc d’inefficience.

Temps hétérogène sous incertitude irréductible de l’avenir

•Le temps causal a une flèche (causes → conséquences). Le temps des anticipations est celui des croyances subjectives. Son retour sur les décisions présentes est contrefactuel. •Conséquences: /L’hétérogénéité du temps se reflète dans celle des valorisations: comptabilité du capital= ensemble des actifs des entreprises ≠ évaluations subjectives des marchés financiers /les structures de bilan jouent le rôle majeur dans les choix d’investissement /le retour contrefactuel des croyances sur les prix de marché des actifs obéit à la logique de momentum. La monnaie est prépondérante parce que la liquidité est le pivot des tensions inhérentes au momentum. /L’expression macro de l’hétérogénéité du temps est le cycle financier: mode d’interaction entre la finance et les équilibres macro. 12

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Valorisation des actifs, incertitude et diversité

• 3 manières de voir l’évaluation des actifs: Le marché comme révélateur public de la VF Le marché fait émerger une convention par interaction des croyances Le marché fait interagir les interprétations sur des infos externes hétérogènes

• Selon l’épaisseur de l’incertitude, le marché peut osciller entre le 2° et le 3° modèle

• La diversité des participants au marché, donc de leurs motifs d’entrer en transactions conduit à une demande agrégée qui produit des équilibres multiples avec dynamiques d’euphorie et de dépression.

Valeur

fondamentale

Marché

infos objectives

Information

Marché

x x

x

x

Prix = convention

commune

info objectives

Information

Marché x

x

x

x

valeur

spéculative

Offre etdemandede titres

Prix de l’actif

A1

A’1

B

A’2A2

O1 O’1 O2

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Le cycle financier est l’expression macroéconomique de la logique de momentum

• La dynamique financière domine l’économie en créant des cycles financiers de longue durée/ cycles conjoncturels. Leur amplitude est différente selon les pays.

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Le modèle macro qui incorpore le momentum du cycle financier dans l’économie est l’accélérateur financier

L’accélérateur financier en phase d’expansion

-Le moteur du momentum (actions, immobilier, matières premières,…) est la boucle de rétroaction entre l’augmentation du levier de crédit et l’appréciation du prix des actifs. -Cette dynamique n’a pas de point d’équilibre endogène qu’il soit possible d’anticiper→ lorsqu’un agent économique est entré dans la bulle, il a intérêt à y rester.

Prob.

Défaut -

Valeur nette entreprises +

Rende-ment anticipé

Effet de levier +

Crédit + Cours boursiers +

Investisse-ment +

Coût du crédit -

Demande d’actions +

Préf. Pour la liquidité-

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Le marché du crédit pour financer la spéculation sur les prix d’actifs ne s’auto régule pas

• L’offre et la demande de crédit sont fonction ↑de l’anticipation de hausse du prix d’actif et sont donc corrélées +.

• Les deux côtés du marché du crédit progressent de concert, valident la hausse du prix d’actif et neutralisent l’augmentation du coût du crédit (écrasement des spreads dans la phase euphorique). Le risque s’accumule dans les bilans et reste caché aux marchés.

D1

D2 S1

S2

D1

D2

S1 S2

Taux d’intérêt

Trajectoire d’expansion

du crédit

Volume du crédit

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Le modèle de la banque d’investissement liée au shadow banking conduit à une amplification de l’inflation puis de

la déflation des bilans qui accentue la procyclicité • La crise atteint le cœur du processus qui a fait la croissance des 10 années

précédentes: le crédit titrisé par le système bancaire parallèle (banques d’affaire, conduits, SIV, hedge funds) et financé par un levier de marché (repos, papier commercial), bien plus élevé à l’expansion et à la contraction que celui des banques commerciales parce que le portefeuille est en mark-to-market

Ajustement du levier à la hausse

Renforcement bilans

Expansion bilans des banques de marché

Hausse des prix d’actifs

Ajustement du levier à la baisse

Affaiblissement bilans

Contraction bilans des banques de marché

Baisse des prix d’actifs

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L a confiance et la politique de la monnaie

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Le système des formes de la confiance

• Réguler les contradictions des motivations de rechercher la liquidité pour maîtriser l’ambivalence est au principe de la politique de la monnaie. La politique de la monnaie est la mise en œuvre des modes de légitimation qui établissent un système social : les formes de la confiance.

• 3 formes hiérarchisées et articulées au système de paiements : – /Confiance méthodique : horizontale et routinière. Elle s’établit et se reproduit dans

les paiements quotidiens qui rythment la répétition des transactions entre agents. – /Confiance hiérarchique : verticale et polarisée. Elle s’établit entre les usagers de la

monnaie et la puissance publique responsable de l’intégrité du système des paiements (la banque centrale dans les sociétés contemporaines). La puissance souveraine qu’elle exprime est celle du prêteur en dernier ressort dont la finalité est la préservation du système de paiements et, à travers elle, de toute l’économie marchande.

– /Confiance éthique : dans la permanence de l’ordre monétaire en tant qu’ensemble de droits et de devoirs civiques. Elle implique la souveraineté dans un but de légitimation du pouvoir. La banque centrale reçoit délégation de souveraineté dans l’ordre monétaire pour conduire la politique de la monnaie au service du bien-être social. La banque centrale doit préserver la permanence de l’ordre monétaire en tant qu’ensemble de droits et de devoirs civiques.

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Maîtriser l’ambivalence de la monnaie requiert la confiance

• Les formes de la confiance sont duales des règles du système des paiements

• La politique de la monnaie consiste donc à s’assurer du bon usage du système de paiements : – /Conserver l’intégrité de l’unité de compte. C’est la stabilité monétaire. – /Préserver la bonne fin des paiements. C’est la stabilité financière.

• L’existence des crises qui traversent l’histoire monétaire démontre que la préservation du système des formes de la confiance ne va pas de soi. Ce sont des crises de confiance. La nature et l’intensité des crises découlent de la mise en doute du niveau de confiance qui dégrade le respect des règles du système de paiements.

Formes de la confiance Règles du système de paiements

Méthodique Circulation des dettes et transferts des risques

Hiérarchique Compensation et règlement

Éthique Conservation de l’unité de compte

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Confiance dans la monnaie dans les sociétés démocratiques où la souveraineté est une auto-transcendance

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Les doctrines de politique monétaire/ préservation de l’UC

Hypothèse de monnaie externe neutre

-L’hypothèse de stabilité de la demande réelle de monnaie/ richesse des individus et au coût d’opportunité à détenir la monnaie fournit un canal direct de transmission de la monnaie à l’économie.

-Les déséquilibres offre/demande de monnaie sont ajustés par la variation du niveau général des prix sans aucun effet sur l’économie réelle.

-En ce sens l’inflation est un phénomène monétaire→ la doctrine monétaire: il faut contraindre l’offre de monnaie à évoluer comme la demande réelle de monnaie désirée pour garantir la stabilité des prix.

Hypothèse de monnaie interne endogène

-La demande de monnaie est intégrée dans des comportements financiers soumis à l’instabilité intrinsèque de la finance. Elle est donc affectée par l’ambivalence de la liquidité.

-La demande de monnaie doit être à la fois réglée et flexible→ discrétion contrainte. Car la reconnaissance de l’inflation est ambiguë puisque la monnaie influence les prix relatifs.

-Il y a stabilité des prix tant que ne se déclenchent pas des processus d’indexation privée→ recherche d’ancrage sur cible d’inflation à MT. La confiance hiérarchique s’exprime dans une plage de viabilité des taux d’inflation futurs.

-Il en résulte une règle sur le taux d’intérêt directeur englobant l’estimation du taux d’intérêt naturel lié à la croissance potentielle et la cible d’inflation. 22

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Régulation monétaire: les régimes d’ancrage

Types d’ancrage Contrôle de la liquidité ultime

Par le prix Par la quantité

Monnaie externe

Base métal ou devise Convertibilité or (Banque d’Angleterre sous l’étalon or)

Base fiduciaire exogène Règle quantitative moyen terme sur agrégat large (Bundesbank années 1970-90)

Monnaie interne

Base fiduciaire endogène Ciblage souple à moyen terme de l’inflation (Banque d’Angleterre de 1993 jusqu’à 2008) Règle de Taylor + risk management (Fed à partir de 1987 jusqu’à 2008)

Base fiduciaire endogène Encadrement du crédit (France années 1970

-Dans les systèmes nationaux séparés et limités dans leur ouverture de l’après-guerre, la politique économique visait le plein emploi et secondairement l’équilibre de la balance des paiements. La stabilité des prix était considérée de manière relative dans l’arbitrage avec le sous-emploi. -La régulation monétaire se partageait entre 2 régimes: l’un (pays anglo-saxons) agissait sur la structure des taux d’intérêt par le prix de la liquidité mise à disposition de l’économie par la BC; l’autre (Europe continentale) agissait sur la disponibilité du crédit bancaire, soit en encadrant le crédit, soit en contrôlant le montant de leurs ressources liquides.

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Le défi du cycle financier pour la politique monétaire • Les enchaînements qui produisent le momentum viennent des interrelations:

– Le prix du risque p est fonction ↑ des chocs financiers s (tout ce qui augmente la volatilité des prix d’actifs) et d’autant plus convexe que les vulnérabilités V sont élevées.

– Au début d’un cycle d’expansion financière s est bas et p est perçu d’autant + bas que les vulnérabilités V latentes mais cachées (grande modération) sont élevées, soit: p<p’ ↔ V>V’ lorsque s est bas → p ↑ très vite avec s lorsque V est élevé

– Il s’ensuit une probabilité de crise systémique d’autant + grande que le prix du risque était bas au début du cycle. L’enjeu de la stabilité financière est donc de réduire les vulnérabilités→ politique macro prudentielle.

Prix du risque V>V’

V’

Chocs économiques et financiers V est le niveau de vulnérabilité

du risque systémique

p’

p

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Qu’est-ce que la politique macro prudentielle?

• La politique macro prudentielle doit maintenir le prix du risque à un niveau suffisamment élevé dans la phase d’expansion financière pour éviter qu’il ne s’élève de manière destructrice dans les phases de retournement.

• Il s’agit donc d’un arbitrage prix du risque/probabilité de crise systémique qui est inhérent à l’instabilité intrinsèque de la finance. Pour modifier les conditions de cet arbitrage, il faut agir sur les vulnérabilités sous-jacentes par ≠ instruments – Structurelles: réduire les leviers des emprunteurs dans le marché du repo, restreindre

le collatéral à des titres de haute qualité, soumettre les money market funds aux règles prudentielles bancaires ou les traiter comme des fonds d’investissement, standardiser les dérivés et régler centralement les transactions.

– Dynamiques/ banques: les instruments sont les provisions dynamiques et le coussin contra cyclique de capital, les réserves obligatoires et les coefficients de liquidité

– Dynamiques/ emprunteurs: limites de dettes rapportées aux valeurs des biens immobiliers (loan-to-value), aux revenus (loan-to-income) et Δ( service dette/revenu – moyenne de LT)

• Le timing doit être fonction de la variation du prix du risque. Estimation par supervision continue des spreads de marché (anomalies spreads écrasés) et confirmation par tests de stress réguliers.

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