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Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 22 ARTICLE oRIGINAL Améliorations des résultats en réadaptation C Résumé Cet article traite de la question de la mesure d’un programme de réadaptation gériatrique. On a constaté que le programme de réadaptation gériatrique du Service de santé des Sœurs de la Charité d’Ottawa présentait des séjours plus longs comparativement à d’autres programmes analogues. Un certain nombre de processus ont donc été adoptés sur une période de 15 mois afin d’améliorer les résultats obtenus. Ces interventions ont généré une nette amélioration au plan des résultats pour les patients, y compris une amélioration par un facteur de trois du taux d’amélioration des patients et une augmentation correspondante du rapport coût-efficacité. L e rôle précis de la mesure en soins de la santé continue d’évoluer. Même si d’une part, on pouvait dire que des groupes comme la Commission de restructuration des services de santé de l’Ontario réduisent tous les services de santé à des taux et des valeurs de référence, certains auteurs comme Mintzberg 1, p.79 servent une mise en garde contre la surutili- sation de la mesure dans le secteur public : Songez au mythe de la mesure, une idéologie accueillie avec une ferveur presque religieuse par le mouvement de la gestion... Assurément, les choses doivent être mesurées, surtout les coûts. Mais combien des bienfaits véritables... des «organisations du secteur public» se prêtent à un tel processus de mesure?... Plusieurs activités se retrouvent dans le secteur public justement à cause de difficultés de mesure : si tout était clair comme de l’eau de roche et que chaque bienfait pouvait être attribué si facilement, ces activités se seraient retrouvées dans le secteur privé il y a longtemps déjà. Le présent article examine comment la mesure a été utilisée afin d’améliorer les résultats d’un programme de réadaptation gériatrique. Contexte Le service de santé des Sœurs de la Charité d’Ottawa (SCO) est l’un des plus grands centres du genre au Canada. Le SCO fournit des soins de longue durée, des soins continus complexes, des soins palliatifs et de la réadaptation dans ses trois principaux établissements d’Ottawa : le Centre de santé Élisabeth-Bruyère, l’Hôpital Saint-Vincent et la Résidence Saint- Louis. On offre également des program- mes ambulatoires afin d’aider les aînés à demeurer dans la collectivité. Au moment de rédiger le présent article, l’Hôpital Saint-Vincent (HSV), le plus grand des établissements d’hospitalisation, avait 416 lits, dont 330 consacrés aux soins continus complexes (anciennement appelés soins chroniques) et 86 lits attribués à la réadaptation. De toutes ces places, il y a 36 lits de réadaptation gériatrique qui sont affiliés à la fois au Programme gériatrique régional d’Ottawa-Carleton et au Réseau de réadaptation d’Ottawa- Carleton. La réadaptation gériatrique est un processus progressif, dynamique, visant l’atteinte d’objectifs afin d’aider des personnes âgées souffrant de limites fonctionnelles, habituellement dans un état de fragilité prémorbide, à améliorer leur fonctionnement physique, cognitif, émotionnel et social dans une période de temps définie indiquée en fonction du diagnostique posé et des circonstances sociales caractérisant le cas. On y parvient par des soins et des traitements directs au patient, par l’éducation du patient et des membres de la famille et par la réintégration sociale. Les personnes âgées fragiles à qui le programme convient le mieux incluent les personnes qui manifestent un déclin prononcé ou chronique des activités du quotidien et de mobilité, de même que ceux dont la multiplicité des problèmes médicaux affecte leur tolérance. par Frank D. Knoefel

Améliorations des résultats en réadaptation

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Healthcare Management Forum Gestion des soins de santé 22

ARTICLE oRIGINAL

Améliorations des résultats en réadaptation

CRésumé

Cet article traite de la question de la

mesure d’un programme de réadaptation

gériatrique. On a constaté que le

programme de réadaptation gériatrique

du Service de santé des Sœurs de la

Charité d’Ottawa présentait des séjours

plus longs comparativement à d’autres

programmes analogues. Un certain

nombre de processus ont donc été

adoptés sur une période de 15 mois

afin d’améliorer les résultats obtenus.

Ces interventions ont généré une nette

amélioration au plan des résultats pour

les patients, y compris une amélioration

par un facteur de trois du taux

d’amélioration des patients et une

augmentation correspondante du

rapport coût-efficacité.

L e rôle précis de la mesure en soinsde la santé continue d’évoluer.Même si d’une part, on pouvait

dire que des groupes comme laCommission de restructuration desservices de santé de l’Ontario réduisenttous les services de santé à des tauxet des valeurs de référence, certainsauteurs comme Mintzberg1, p.79 serventune mise en garde contre la surutili-sation de la mesure dans le secteurpublic :

Songez au mythe de la mesure,une idéologie accueillie avec uneferveur presque religieuse par lemouvement de la gestion...Assurément, les choses doiventêtre mesurées, surtout les coûts.Mais combien des bienfaitsvéritables... des «organisations dusecteur public» se prêtent à un telprocessus de mesure?... Plusieursactivités se retrouvent dans lesecteur public justement à causede difficultés de mesure : si toutétait clair comme de l’eau de rocheet que chaque bienfait pouvait êtreattribué si facilement, ces activitésse seraient retrouvées dans le secteurprivé il y a longtemps déjà.

Le présent article examine commentla mesure a été utilisée afin d’améliorerles résultats d’un programme deréadaptation gériatrique.

Contexte

Le service de santé des Sœurs de laCharité d’Ottawa (SCO) est l’un desplus grands centres du genre auCanada. Le SCO fournit des soins de longue durée, des soins continuscomplexes, des soins palliatifs et de la

réadaptation dans ses trois principauxétablissements d’Ottawa : le Centrede santé Élisabeth-Bruyère, l’HôpitalSaint-Vincent et la Résidence Saint-Louis. On offre également des program-mes ambulatoires afin d’aider lesaînés à demeurer dans la collectivité.

Au moment de rédiger le présentarticle, l’Hôpital Saint-Vincent (HSV),le plus grand des établissementsd’hospitalisation, avait 416 lits, dont330 consacrés aux soins continuscomplexes (anciennement appeléssoins chroniques) et 86 lits attribués àla réadaptation. De toutes ces places,il y a 36 lits de réadaptation gériatriquequi sont affiliés à la fois au Programmegériatrique régional d’Ottawa-Carletonet au Réseau de réadaptation d’Ottawa-Carleton. La réadaptation gériatriqueest un processus progressif, dynamique,visant l’atteinte d’objectifs afin d’aiderdes personnes âgées souffrant delimites fonctionnelles, habituellementdans un état de fragilité prémorbide,à améliorer leur fonctionnementphysique, cognitif, émotionnel etsocial dans une période de tempsdéfinie indiquée en fonction dudiagnostique posé et des circonstancessociales caractérisant le cas. On yparvient par des soins et des traitementsdirects au patient, par l’éducation dupatient et des membres de la familleet par la réintégration sociale. Lespersonnes âgées fragiles à qui leprogramme convient le mieux incluentles personnes qui manifestent undéclin prononcé ou chronique desactivités du quotidien et de mobilité,de même que ceux dont la multiplicitédes problèmes médicaux affecte leur tolérance.

par Frank D. Knoefel

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Personnel

L’unité de réadaptation gériatrique del’Hôpital Saint-Vincent est répartieen trois équipes de 12 lits. Chaqueéquipe compte un médecin, uneinfirmière autorisée de jour, deuxinfirmières auxiliaires autorisées dejour, un physiothérapeute et unergothérapeute et des équivalents àtemps partiel d’un travailleur social,un pharmacien et un diététiste.Chaque équipe a également accès àdes psychologues, un orthophonisteet un agent de pastorale sur consul-tation. Les équipes interdisciplinairesse réunissent chaque semaine afind’examiner les changements médicauxdes patients, les améliorationsfonctionnelles et les progrès réalisésen vue de la planification des congés.Il y a habituellement un conseil defamille avant d’accorder son congé àun patient.

Mesure des résultats

La mesure d’indépendance fonction-nelle2 (voir le tableau 1) est l’outil demesure du résultat de réadaptation le plus utilisé. On mesure ainsil’indépendance du patient à partir de 18 éléments qui sont notés de 1 (totalement dépendant) à 7(totalement indépendant). Tous lespatients de l’unité de réadaptationgériatrique subissent une évaluationd’admission dans les 72 heures deleur arrivée et une autre à la fin duséjour. On calcule alors la différenceentre la mesure d’indépendancefonctionnelle à l’admission, puis aucongé. Habituellement, les patientsadmis à l’unité ont un score de 70 àleur arrivée et atteignent 90 lorsqu’ilsobtiennent leur congé. Plus ladifférence entre les scores est grande,plus le patient a réalisé des progrès.L’efficacité de la durée de séjourreprésente une mesure du taux dechangement; elle se calcule endivisant le changement de la mesured’indépendance fonctionnelle par la

durée de séjour. Par exemple, dans lecas d’un patient dont le score estpassé de 70 à 90 après un séjour de60 jours, l’efficacité de la durée deséjour se calculerait en divisant les20 points de progrès par 60 jours,soit une progression de 0,33 pointpar jour.

Pour procéder à des comparaisons au sein d’un programme, la mesured’indépendance fonctionnelle (MIF)est suffisante, puisque l’allocationjournalière est la même. Mais pourfaire des comparaisons d’unprogramme à l’autre, qui pourraientimpliquer des différences quant aurapport personnel/patients, il estalors préférable d’utiliser le coûtcomme facteur de comparaison. Le rapport coût-efficacité peut êtredéfini comme étant le coût pour lasociété de hausser l’indépendanced’un patient par un point MIF. Si lecoût direct d’une journée passée àl’unité de réadaptation gériatriqueest de 360 $, le coût du séjour denotre patient type aurait été de21 600 $ et le rapport coût-efficacitéaurait été de 21 600 $/20 points MIFou 1 080 $ par point MIF gagné.

D’autres variables utilisées pour décrireles programmes de réadaptation

incluent la répartition des diagnostics,la comorbidité, la moyenne d’âge, lanote MIF moyenne à l’admission etla provenance des cas. On pourraitavancer que l’autre mesure desrésultats la plus importante, surtouten réadaptation gériatrique, serait lepourcentage de patients qui sontretournés dans la collectivité aprèsleur séjour.

Résultats de référence

En 1998, l’unité de réadaptationgériatrique de l’Hôpital Saint-Vincenta admis 171 patients. Ces patients ontobtenu une amélioration moyennede 17 points sur un séjour de 71 jours.L’efficacité de séjour était de 0,12,c’est-à-dire que les patients gagnaienten moyenne un point tous les neufjours. Le coût total direct de réadapta-tion du patient moyen (si un tel patientexistait) aurait été de 25 600 $ et lerapport coût-efficacité aurait été de1 500 $ par point MIF gagné. Durantla même période de temps, d’autresunités ontariennes de réadaptationgériatriques affichaient une duréemoyenne de séjour de 49 jours pourun gain identique de 17 points MIF.

Interventions

Vers la fin de 1998, l’Administrationdu service de santé des Sœurs de laCharité d’Ottawa a demandé à ceque la durée de séjour soit réduite enpriorité, avec un objectif fixé enfonction des moyennes observéesdans les autres programmes, sansavoir à accroître les services; la duréede séjour était plus longue que celleobservée dans d’autres programmesde réadaptation gériatrique et notreobjectif consistait à se rapprocher decette moyenne. Cependant, préoccupésd’abord et avant tout par le bien-êtredes patients, la majorité des cliniciensdu programme de réadaptationgériatrique ont rejeté cet objectif. Ils ont affirmé avoir pratiqué la

Tableau 1 : Éléments de mesure de l’indépendance fonctionnelle

Entretien personnelManger, se préparer, se laver, s’habiller – haut,s’habiller – bas, faire sa toilette

Maîtrise des sphinctersVessie, intestins

MobilitéTransfert au lit/fauteuil/fauteuil roulant; transfertà la toilette; transfert à la baignoire/douche

Aptitudes locomotricesMarche/fauteuil roulant; escaliers

CommunicationCompréhension, expression

Cognition socialeInteraction sociale, résolution de problèmes,mémoire

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réadaptation gériatrique depuis desannées et qu’ils ne voyaient pas enquoi un séjour plus court pourraitêtre bénéfique pour les patients.Plusieurs des cliniciens se méfiaientdes mesures et des calculs de résultats.Ils auraient probablement convenuavec Mintzberg1 qu’ils avaient choiside travailler dans le secteur publicjustement parce qu’il n’était pas«dirigé comme une entreprise».

C’est à ce moment que je suis arrivéau programme. Le directeur médicaldu Programme de réadaptationgériatrique est responsable de veillerà l’amélioration de la qualité; or,comme la qualité des soins avait étéune priorité depuis plusieurs annéeset était déjà très élevée, la questionde l’efficacité est devenue un pointde mire. Pour l’équipe, qui n’avaitpas considéré le temps commeconstituant un élément de son travail,cela représentait un changementconsidérable. L’approche de gestiondu changement que j’ai adoptée, qui était appuyée par la direction,comportait plusieurs facettes et suivaitles huit étapes pour transformer votreorganisation suggérées par Kotter3 :

♦ instaurer un sentiment d’urgence;

♦ former une puissante coalitiondirectrice;

♦ créer une vision;

♦ communiquer la vision;

♦ responsabiliser les autres afinqu’ils appliquent la vision;

♦ planifier et générer des victoires à court terme;

♦ consolider les améliorationsobservées et générer davantage de changements; et

♦ institutionnaliser de nouvellesapproches.

Fixer l’ordre du jour

Le directeur médical préside égalementle conseil clinique de l’unité deréadaptation gériatrique et fixe doncl’ordre du jour. La mesure des résultatsest rapidement devenue un point dediscussion permanent à l’ordre dujour des réunions mensuelles. Étantdonné que plusieurs membres duconseil ne comprenaient pas ce qu’étaitl’étalonnage, ni les points de repèrequ’on pourrait utiliser en réadaptation,il était important de commencer parparler du concept et de recenser desprogrammes analogues. Comme onpouvait s’y attendre, lorsque lepersonnel clinique a été confronté àla question de la durée de séjour, lapremière réaction a été d’invoquer lefait que «nos patients sont différents».Heureusement, cette réaction initiales’est rapidement transformée end’autres questions qui pouvaienttrouver réponse dans des mesures : le pourcentage de patients ayant undiagnostic précis (par ex., ACV); lepourcentage de patients ayant plusieursproblèmes médicaux, une diminutiondes fonctions cognitives ou unedépression; le score MIF à l’admission;et ainsi de suite.

Sortir l’artillerie lourde etconvaincre les meneurs

Il est impossible pour une seulepersonne de partir en croisade etmodifier un programme. Poursouligner l’urgence du problème, levice-président du programme et lechef médical de la division ont étéinvité à une réunion d’équipe. On a mis l’accent sur la tendance versl’instauration de mesures dans lessoins de santé, la possibilité d’unéventuel système de paiement etl’implication que des programmes àfaible rendement pourraient êtrepénalisés au plan financier. Il est vitedevenu évident aux yeux du personnelqu’une réduction du financement duprogramme pourrait se traduire pardes pertes d’emplois.

Même si le risque de pertes d’emploisétait sérieux, il n’a pas suffi pourénergiser l’équipe d’une façon positive.Il a fallu recruter des meneurs d’opinionde l’intérieur. De plus, il a fallu donnerau message un tour axé sur les patients.L’équipe éprouvait une grande fiertépour le travail accompli et leur travailétait très efficace. Toutefois, la listed’attente était trop longue et plusieurspatients voyaient leur état se détérioreravant leur admission à l’unité. L’idéede pouvoir fournir d’excellents servicesà davantage de patients dans le mêmelaps de temps était acceptable auxyeux de la plupart des membres del’équipe. En d’autres mots, on a putabler sur la fierté du personnel et ona élargi l’accent du patient individuelvers la collectivité de patients.

Élaborer une vision et la communiquer

Une fois les meneurs convaincus, ilfallait retourner au conseil cliniqueet modifier la vision afin de refléterla nouvelle attitude. La visionoriginale, fondée sur quatre valeursfondamentales de l’organisation — lerespect, la compassion, la justice etl’esprit communautaire — ne procuraitpas un véhicule permettant d’envisagerl’efficacité et présumait que tous lespatients devaient être amenés à unniveau maximal d’indépendance. Lanouvelle vision a maintenu les valeursfondamentales défendues, mais on ya greffé les éléments suivants surl’évolution, l’établissement d’objectifs etl’établissement d’un échéancier :4

Évolution : Nous croyons que leprogramme doit être souple etpouvoir s’adapter en fonction del’évolution constante du mondede la santé, en harmonie avec lesressources disponibles. Nous croyonsque la poursuite de l’excellence semanifeste par l’améliorationconstante de la qualité.

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Établissement d’objectifs : Établirdes objectifs de réadaptationgériatrique est un processusauquel doivent participer lespatients, leur famille et l’équipeinterdisciplinaire. Pour commencer,le patient et sa famille doiventfixer leurs objectifs d’ensemble.L’équipe peut alors les convertiren objectifs plus spécifiques et, depréférence, mesurables.

Échéancier : Fixer la durée de séjouret la date prévue de congé a traitaux objectifs spécifiques fixés parle patient, sa famille et l’équipe. Ilest entendu que les patients et leurfamille peuvent ne pas toujoursavoir des attentes réalistes quant àla durée de séjour.

Des tentatives ont été faites à chaqueétape du processus pour impliquer lepersonnel le plus possible. Tout lepersonnel a eu la chance de formulerleurs commentaires à leur chef desecteur ou à leur représentant du conseilclinique. L’ensemble du processuss’est étendu sur plusieurs mois.

Maintenir le rythme : traiter les cas particuliers†

Jusqu’à maintenant, seuls les intan-gibles avaient été abordés. Il étaitimportant qu’à titre de clinicien etd’équipier, le directeur médical prêchepar l’exemple et convertisse la visionen action pratique. Il est relativementd’obtenir de petites victoires ens’occupant des cas particuliers.† (Parexemple, un patient ayant obtenuson congé en 1998 avait séjournédans l’unité pendant plus d’un an,même si tous s’entendaient pour direqu’il y avait très peu de chancesd’amélioration de l’état du patient

depuis quelques temps déjà.) Chaqueéquipier a participé à la discussionportant sur la façon de traiter les casparticuliers donnant lieu à des séjoursprolongés. On a convenu que laplanification des congés devrait êtreplus vigoureuse et devrait commencerdès l’admission. Par ailleurs, au lieude reléguer le recours au score MIFau simple rang d’outil de mesure desrésultats à n’utiliser qu’à l’admissionet au congé, l’équipe a commencé àconvertir plusieurs des objectifs despatients en chiffres MIF. Ces objectifspourraient être suivis chaque semaineet les ne manifestant pas de progrèspourraient être décelés plus facilementet beaucoup plus tôt. Repérer les casparticuliers potentiels plus rapidementdevrait, en principe, permettre deraccourcir la durée de séjour moyennedes patients. Les leçons apprisesgrâce aux cas particuliers pourraientêtre appliquées à d’autres patients.

Responsabiliser l’équipe afin de modifier le processus

Si tous les équipiers prennent en chargela vision et les nouveaux processus, il est important qu’ils participent auprocessus le plus possible. Cela s’estavéré délicat. Au moment où ondemandait aux équipiers d’accomplirplus de travail clinique en moins detemps, on leur demandait égalementd’en faire davantage au plan admi-nistratif. Néanmoins, une fois que leséquipiers ont pu poser des questionscomme «pourquoi faisons-nous cela»et «en quoi cela nous aide-t-il à réalisernotre vision», il est devenu évidentque plusieurs processus pouvaientêtre modifiés. Le personnel s’est misà se faire un point d’honneur àrelever les occasions de plus grandeefficacité. L’amélioration desprotocoles «traditionnels» estdevenue une source de défi.

Générer de la concurrenceinterne

Étant donné que le programme deréadaptation gériatrique est répartisur trois équipes similaires, on aassisté à la naissance de rivalitésinternes amicales. Lors d’un conseilclinique, le directeur médical aprésenté les résultats de 10 admissionsconsécutives à chaque équipe. Leséquipes n’étaient pas identifiées dansle document, mais il y avait suffisam-ment d’information pour que lepersonnel de chaque équipe sereconnaisse. Les trois équipes avaienteu des patients similaires, mais leurefficacité MIF variaient beaucoup :0,49, 0,36 et 0,23. Même si on pouvaitconstater une grande améliorationcomparativement aux patients de1998, il y avait tout de même unedifférence du simple au double entrel’équipe la plus performante et l’équipela moins performante.

Résultats

Mesure des résultats : En l’espace d’àpeine cinq trimestres fiscaux (annéecivile 1998 jusqu’à l’exercice 1999-2000), la durée de séjour pour unbassin d’un an de patients a chuté de20 %, passant de 71 jours à 57 jours(voir le Tableau 2). Cette réductionnous a permis de traiter 47 patientsde plus en un an. Mais ce qui est leplus remarquable, c’est que les patientsont manifesté une plus grandeamélioration de leur indépendancefonctionnelle malgré un séjour pluscourt (moyenne de 21,9 points MIFcomparativement à 17,1), améliorantainsi l’efficacité MIF par un facteurde trois. En d’autres termes, les 218derniers patients admis au programmeont progressé, en moyenne, de deuxpoints tous les cinq jours, comparati-vement à un point tous les neuf joursen 1998. Étant donné que lesressources n’ont pas été augmentéeset que les coûts quotidiens n’ont pas

† un cas particulier est un cas qui s’éloigne beaucoup dela norme, c’est-à-dire que si la moyenne de séjour variede 30 à 70 ans, un cas particulier pourrait être unséjour de 200 jours.

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bougé durant les 15 mois, le coûtque représente l’augmentationmoyenne d’un point MIF auraitbaissé de 1 500 $ à 940 $.

Personnel : Puisque la quantité detravail à faire dans une période detemps donnée augmentait à mesureque le roulement de patient s’accélérait,plusieurs processus de travail ont dûêtre modifiés. Il faudra d’ailleurspoursuivre dans la même veine àl’avenir (c.-à-d. poursuivre l’améliora-tion continue de la qualité). Leschangements apportés ont étéconsidérables et certains ont mêmeété quelque peu difficiles. Dansl’ensemble, mesurée rétrospectivement,la satisfaction du personnel a baisséau fil des dernières années, mais lepersonnel se sent responsabilisé enraison de son rôle de premier plandans les changements apportés. Uneseule employée a quitté le programmeparce qu’elle jugeait les changementstrop difficiles.

Équipes : La fierté des équipes a étéstimulée par la rivalité interne. Lorsd’une récente comparaison de 10admissions consécutives des troiséquipes, l’efficacité MIF se situait à0,76, 0,66 et 0,65. Cela démontrenon seulement que les équipesaffichent un rendement comparableentre elles, mais aussi que latendance à l’amélioration del’efficacité se poursuit.

Autres variables : Les gens quitravaillent en réadaptation ne sontpas tous d’accord sur la valeur duscore MIF comme outil de mesuredes résultats. Il est possible que lescore MIF moyen ne représente pasquelque chose de tangible pour lespatients. Bien que la documentationpubliée démontre qu’il y a corrélationentre un score MIF plus élevé aucongé et une plus grande probabilitéde retour à la communauté, nousavons comparé le taux de retour à lacommunauté pour les deux périodesen question. Dans les deux groupes,trois patients sur quatre sont retournésvivre dans la communauté. Unenouvelle étude que nous avonsentreprise nous permettra de vérifiersi le dernier groupe de patientsréussit à préserver les acquis aussibien que le groupe précédent.

Avant d’accepter la conclusion quel’efficacité de l’unité de réadaptationgériatrique s’est vraiment améliorée,il importe de vérifier qu’il n’y a euaucune irrégularit醆. Par exemple, ilse pourrait que seuls des cas deréadaptation plus «légers» aient étéadmis, c’est-à-dire des cas moinsdifficiles ayant un score MIF d’admis-sion plus élevé, ou encore des patientsplus jeunes, ou peut-être un moinsgrand nombre de patients ayant subiun ACV (la réadaptation de patientsayant subi un ACV est habituellementplus difficile). Le Tableau 2 indiqueun pourcentage similaire de patientsayant subi un ACV et une moyenned’âge comparable entre les deuxgroupes. De plus, les patients dudeuxième groupe manifestaient uneplus grande invalidité initiale. Ontravaille également à l’heure actuelleà définir «complexité médicale» et àévaluer son effet sur l’efficacité de laréadaptation. Même si ces faitspermettent d’éliminer toute possibilitéd’irrégularités, il ne fait aucun douteque la sélection des patients est unélément fondamental qui touche letaux d’efficacité de réadaptation. Enfin,la satisfaction des patients constitueune dernière mesure des résultats.Une analyse préliminaire révèle quele niveau de satisfaction des patientset de leur famille n’a pas changédurant la période de changement.

Conclusion

Dans le présent article, j’ai tenté dedémontrer que les projets d’amélio-ration de la qualité fondés sur desmesures numériques peuvent êtreinstaurés dans le domaine de laréadaptation. Comme pour toutchangement, il peut y avoir de larésistance a priori. Le recours à destechniques de gestion du changementpeut faciliter le processus et les cadresintermédiaires qui sont toujours actifsau plan clinique sont particulièrementbien placés pour promouvoir

†† utiliser sa connaissance d’un processus pour en tirerun résultat artificiellement élevé (par exemple,donner leur congé à tous vos patients après 50 jours,sans égard aux résultats de leur réadaptation, afin deréduire la moyenne des séjours.)

Tableau 2 : Comparaison des résultats avant et après la mise les interventions d’amélioration de la qualité

Année 1998 Exrcice 1999-2000

Efficacité MIF 0,12 0,39

MIF à l’admission 73,6 67,2

MIF au congé 90,7 89,1

Changement de MIF 17,1 21,9

Durée de séjour 71 57

Nombre d’admissions 171 218

Coût du séjour moyen 25,600 $ 20,600 $

Coût/gain de MIF (moyenne) 1,500 $ 940 $

% de retour à la communauté 75 75

Âge moyen 80 81

% d’ACV 27 24

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l’amélioration de la qualité. Dans lecas qui nous occupe, un programmeayant 12 ans d’histoire a vu sonefficacité tripler en quinze mois touten améliorant l’efficacité des inter-ventions sur les patients individuels.En d’autres termes, le patient moyena obtenu un meilleur résultat et aréalisé cet état amélioré plus rapide-ment, sans avoir bénéficié de plus de ressources.

Mon expérience confirme les dires de Kurt Lewin : «Si vous voulezvéritablement comprendre quelquechose, essayez de le changer.»5

RemerciementsL’auteur désire remercier Michel Bilodeau, Président et chef de la direction,Service de santé SCO, et Barbara Schulman, Vice-présidente, Soins auxpersonnes âgées et réadaptation, Service de santé SCO, pour leurs remarquesutiles aux différents stades de rédaction de cet article. L’auteur souhaiteégalement reconnaître le travail exceptionnel de tout le personnel duProgramme de réadaptation gériatrique du Service de santé SCO.

Références et notes

1. Mintzberg H. Managing government — governingmanagement. Harvard Business Review Mai-Juin1996:75–83.

2. Granger CV, Hamilton BB, Keith RA, Zielezny M, etcoll. Advances in functional assessment for medicalrehabilitation. Topics in Geriatric Rehabilitation1986;1(3):59–74.

3. Kotter JP. Leading change: why transformationefforts fail. Harvard Business Review Mar-Avr1995:59–67.

4. Service de santé des Sœurs de la Charité d’Ottawa.Énoncé de valeur du programme de réadaptationgériatrique, Hôpital Saint-Vincent, le 11 nov. 1999.

5. Lewin K. In: Bennis W, editor. On becoming a leader.Addison-Wesley, Reading (MA). 1997:p. 143.

Frank D. Knoefel, BSc, MD, CCMF (CoE),MPA, est directeur médical, Réadaptationgériatrique, Hôpital Saint-Vincent, Service desanté des Sœurs de la Charité d’Ottawa.