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Lieux de légende (1/4) Amityville La maison Le 13 novembre 1974, dans cette bourgade de la côte est des États- Unis, Ronald DeFeo a tué les six personnes de sa famille. Sous l’emprise du Malin. L’affaire a inspiré un film. Nous sommes retournés sur les lieux du drame. PAR MAXIME ROBIN. PHOTOS : DOULIERY/ABACA du diable L’été VSD Reportage 112 Ocean Avenue C’est au premier étage de cette maison du quartier chic d’Amity- ville qu’a eu lieu le drame. Le couple qui a racheté la demeure, en 1975, a affirmé que des phénomènes paranormaux s’y déroulaient.

Amityville

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La maisn du Diable

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Page 1: Amityville

Lieux de légende (1/4)

AmityvilleLa maison

Le 13 novembre 1974, dans cette bourgade de la côte est des États-

Unis, Ronald DeFeo a tué les six personnes de sa famille. Sous l’emprise

du Malin. L’affaire a inspiré un film. Nous sommes retournés

sur les lieux du drame.

Par maxime robin. Photos : douliery/abaca

du diable

L’été VSD Reportage

112 Ocean Avenue C’est au premier étage

de cette maison du quartier chic d’Amity-

ville qu’a eu lieu le drame. Le couple qui a

racheté la demeure, en 1975, a affirmé que

des phénomènes paranormaux s’y

déroulaient.

Page 2: Amityville

Une lumière rougeoie au premier étage du 112, Ocean Avenue. Les propriétaires de cette demeure maudite dorment-ils sur leurs deux oreilles ? C’est ici que Ronald DeFeo, 23 ans, a exécuté sa famille au calibre 35, la nuit

du 13 novem bre 1974. « Poussé par le diable », confes-sera-t-il, le jeune homme a tué d’une balle son père, sa mère, ses quatre frères et sœurs dans leur lit. Sa sœur aînée Dawn, 18 ans, a reçu un traitement spécial : une balle à bout touchant dans la tête. Tous dormaient. Le premier coup de feu aurait dû réveiller toute la maison, et même le voisinage : or la police n’a reçu aucun appel. C’est DeFeo qui a donné l’alerte le lendemain. Des médiums affirment qu’un « magnétisme » encer-clant la maison aurait étouffé les détonations.

Un an plus tard, en 1975, la famille Lutz rachète la demeure. Elle décampe au bout d’un mois, persuadée d’avoir été victimes d’« esprits ». Des voix. Des yeux rouges fixant les enfants par les fenêtres. Des formes lugubres dans les miroirs. Des meubles qui bougent et blessent les petits… Dépêchés sur place, journalistes et experts en sciences occultes concluent que la maison est bel et bien « habitée ». Un best- seller paraît en 1977, suivi d’un film en 1979. Amityville devient syno nyme de gore et de para normal dans le monde entier. Pour égarer les curieux, la bâtisse a changé de numéro : c’est aujourd’hui le 108. Les actuels propriétaires l’ont rachetée en 2010 pour 1 million de dollars. Ils parlent peu à la presse et gardent l’anonymat. Des clôtures isolent la maison côté ouest. Côté est, un canal file vers l’océan.

Hantée ou non, cette maison est un bunker. Au- dessus de l’entrée, une caméra scrute l’allée. Nous tentons notre chance et sonnons. Une petite blonde, Caroline D., nous ouvre. Se sent-elle chez elle dans une maison maudite ? « Je n’étais pas chaude pour habiter les lieux d’un sextuple meurtre. Mais mon mari s’en fichait. L’accès au canal nous a décidés. » Caroline n’a « jamais lu une ligne » sur sa maison, mais se révèle bien informée sur le cas DeFeo : « Un petit con qui carburait au LSD, avec un casier long comme le bras. Il tirait sur les moteurs des bateaux pour s’amuser ». Elle est lapidaire sur les Lutz : « Des opportu-nistes ! George Lutz était ruiné. Il a monté un coup édito-rial avec l’avocat de DeFeo pour faire du fric. En dix ans, les propriétaires suivants n’ont rien vu de paranormal. Nous non plus. Les Lutz, eux, sont restés vingt-huit jours, et vous iriez les croire ? » Pour Caroline, la vraie malédic-tion, « ce sont les curieux : les gens prennent des photos à travers nos vitres. Depuis qu’une équipe de CBS a repêché un fusil dans le canal, des hommes plongent derrière chez nous pour chercher des armes ».

Pas facile d’avoir élu domicile dans la mecque du para normal : « On aurait dû acheter celle d’à côté », sou-pire Caroline. Quoique… La plus proche voisine des

DeFeo, Diana Ireland, a revendu sa maison en 1986 « après que des bonnes sœurs d’Irlande sont arrivées en car pour bénir la rue. C’était le pompon ! ». Diana Ire-land habite aujourd’hui sur une île du canal, isolée du monde. L’octo génaire dormait avec son mari le soir des meurtres. « Les coups de feu m’ont réveillée, mais Rufus m’a dit “rendors-toi, c’est rien.” Dieu merci. Si j’étais entrée voir, Ronnie m’aurait tuée ! » Les Lutz, victimes de poltergeists, les esprits frappeurs ? Diana pouffe : « Les yeux rouges, c’était mon chat siamois, Evinrude. Il ado-rait se poster sur l’arbre en face du deuxième étage ! »

Le menuisier Gordon Haight, 58 ans, fréquentait De-Feo, au bar dont il est demeuré un fidèle. « Il passait tou-jours la même chanson au juke-box : I  Shot The Sheriff. Alors, quand il arrivait, on débranchait la machine ! Ensemble on prenait de l’héroïne, de la coke et du speed. Il avait toujours les poches pleines de fric. D’où ça sortait ? Oh, sa mère était une Genovese [l’une des familles ma-

fieuses de New York]. Ça explique bien des choses. » DeFeo avait aussi la gâchette facile : « Il m’a logé une balle dans le mollet droit, un soir de brin-gue. Je l’ai retirée moi-même », dit-il en montrant la cicatrice. Gordon sor-tait avec Grace, la meilleure amie de Dawn DeFeo. Il pense que Dawn a au moins tué son petit frère, Little John, avant d’être abattue à son tour par Ronald. « Un carnage pareil, ça ne peut pas se faire tout seul. Ronnie aimait trop Little John. Il n’aurait jamais levé la main sur lui. » Cette ver-sion correspond à la dernière donnée par DeFeo du fond de sa prison, où il purge une peine de cent cinquante ans. Bref, Dawn serait ce mystérieux « être malé fique, ganté de noir », qui

aurait « confié le fusil » à DeFeo avant de lui « ordonner de tuer », selon ses aveux de l’époque.

Gordon l’a revu au tribunal, il y a huit ans, pour une demande de remise de peine : « Il ressemblait à Charles Manson. Des yeux de fou ! À l’audience, il n’a pas raconté des conneries de possession par le diable, il a juste dit qu’il était désolé pour sa famille, qu’il voulait sortir de prison… Mais il ne reverra jamais la lumière du jour. C’est parfait pour lui : aux États-Unis, c’est plus facile de se droguer en prison qu’en dehors. » La maison ? Gordon y dormait parfois, quand Grace gardait Little John. Pour lui, la demeure n’est pas hantée : « Bullshit ! » Avant de se contre-dire. « Trois ans avant les meurtres, j’ai bien vu un fan-tôme dans la salle de bains. Avec Grace. On a vu une forme dans le miroir, prétend-il, un peu agité. Je le jure. » L’autre fait étrange s’est déroulé quelques années après les meurtres. « J’entre dans une épicerie de Massapequa. Une inconnue me fixe. Elle se met à trembler et lâche son sac de courses. Je lui dis : “C’est quoi le problème ? – Vous habitez Amityville. Vous étiez un ami de Ronnie DeFeo” Et elle est partie. Voilà… », conclut-il en vidant sa pinte. Le vrai responsable du carnage d’Amityville, pour Gor-don, « Ça reste les drogues. Elles te rendent stupide et te mettent des démons dans la tête. » J

La semaine prochaine : la forêt de Brocéliande

Une voisine a revendu sa maison, “après que des bonnes sœurs d’Irlande sont arrivées en

car pour bénir la rue. C’était le pompon !”

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Selon Gordon, Ronald a été aidé par

sa sœur Dawn

La cité maudite En 1974, la presse (1) tente, tant bien

que mal, d’expliquer les meurtres commis par Ronald

DeFoe (3), âgé de 23 ans. Peter Berketis, patron du Peter’s Diner (2), se souvient

du jeune homme qui venait manger des oeufs brouillés :

«Il sentait l’herbe à des kilomètres. Selon les flics, il l’a fait

pour l’argent des assurances et s’acheter plus de dope. »

Gordon Haight (5), qui fréquentait Ronnie, met, lui aussi, la

drogue en cause. La cité (4) se passerait bien de cette triste renommée… et des touristes

attirés par le morbide.

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D. R

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