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Analyse des opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
sur lâimplantation de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats dans les Ă©tablissements scolaires quĂ©bĂ©cois
ThĂšse
Pascal Waly Faye
Doctorat en administration et Ă©valuation en Ă©ducation
Philosophiae doctor (Ph. D.)
Québec, Canada
© Pascal Waly Faye, 2017
Analyse des opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
sur lâimplantation de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats dans les Ă©tablissements scolaires quĂ©bĂ©cois
ThĂšse
Pascal Waly Faye
Sous la direction de :
Denis Savard, directeur de recherche
iii
Résumé
Les reprĂ©sentations des acteurs de premiĂšre ligne sur lâimplantation de la gestion
axée sur les résultats (GAR) dans les établissements sont encore peu
documentĂ©es au QuĂ©bec. Pourtant, lâenjeu de la cohĂ©rence hiĂ©rarchique dans
lâimplantation (Lessard et al., 2008, 2009; Maroy et al., 2013; Martin et
Jobin, 2004; Muller, 2000; Ozga, 2009) est fondamental, pour la GAR qui vise la
rĂ©ussite du plus grand nombre (Gosselin et Lessard, 2007). Ainsi, lâopinion des
acteurs de premiĂšre ligne doit aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans lâimplantation
(Bourgault, 2004; Carpentier, 2012; Emery et al., 2008) et lâĂ©valuation
(Emery, 2005; Martin et Jobin, 2004), dâautant plus que, les enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sont appelĂ©s Ă sâapproprier les outils et la culture de la
GAR pour son application (Annan, 2011; Robinson, 2011).
LâĂ©tude des opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement contribue Ă documenter les reprĂ©sentations et vĂ©cus des acteurs
de premiĂšre ligne sur lâimplantation de la GAR en Ă©ducation au QuĂ©bec. Il ressort
de lâanalyse que les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation en éducation ne sont ni totalement positives ni totalement négatives
(Meuret, 2012). Les résultats montrent que les enseignants ont des opinions et
des perceptions globalement négatives de la GAR et de ses effets contrairement
aux directeurs dâĂ©tablissement qui en ont des opinions et des perceptions
globalement positives. Les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs sont donc de maniÚre générale divergentes (Lessard et al., 2008).
Cependant, de nombreuses zones de convergences existent. La pertinence du
plan de rĂ©ussite (PR), de la convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative (CGRĂ)
et leurs effets positifs sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des
finalitĂ©s de lâĂ©cole quĂ©bĂ©coise instruire, socialiser et qualifier en sont des
exemples.
iv
Les liens significatifs et les forces identifiés entre les opinions de la GAR et les
perceptions des effets de son implantation sont Ă©galement divergents entre les
enseignants et les directions. Ces liens significatifs montrent que les perceptions
des effets de son implantation sur les conditions de travail, les rĂŽles et
responsabilitĂ©s et la vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements par les enseignants
et des directeurs influencent leurs opinions de la GAR. Cependant, les variables
qui influencent les opinions sont majoritairement différentes chez les enseignants
et les directeurs en ce sens que les variables des perceptions qui présentent un
lien significatif avec les opinions sont diffĂ©rentes chez les deux types dâacteurs.
Par ailleurs, la recherche a permis de voir que les variables relations de travail,
développement professionnel et fonction influencent autant les opinions des
enseignants que celles des directeurs dâĂ©tablissement.
Ces résultats confirment nos deux hypothÚses de recherche. Pour la premiÚre
hypothÚse, il a été démontré avec le test du Khi deux que les variables des effets
perçus sur le travail (intĂ©rĂȘts socioprofessionnels), les rĂŽles et responsabilitĂ©s
(coĂ»ts dâadaptation aux changements) et lâefficacitĂ© des Ă©tablissements (vision de
lâĂ©cole) avaient un lien avec les opinions sur la GAR. Autant pour les enseignants
que les directeurs dâĂ©tablissement, le Khi deux a dĂ©montrĂ© des liens significatifs
entre les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son implantation.
La deuxiÚme hypothÚse est également confirmée par les résultats. Les
divergences dâopinions et de perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement par rapport Ă lâimplantation de la GAR sur leurs conditions de
travail et leurs rĂŽles et responsabilitĂ©, sâexpliquent par leur idĂ©ologie
professionnelle différente selon leur fonction (Lessard et al., 2008). Cette idéologie
professionnelle qui « a une dimension normative, véhiculant une vision idéale du
travail qui sert de justification aux revendications du groupe ou de fondement Ă la
rĂ©sistance Ă des Ă©volutions perçues comme contraires aux valeurs et aux intĂ©rĂȘts
du groupe » (Lessard et al., 2008, p.96) influence les représentations des acteurs
sur lâimplantation de la GAR dans les Ă©tablissements au QuĂ©bec.
v
Les rĂ©sultats confirment par ailleurs la pertinence de lâapproche des « Trois I » de
Palier et Surel (2005) qui a permis de conduire cette recherche. Les trois Ă©tapes
préconisées se sont avérées pertinentes et opérationnelles pour identifier les
variables, formuler les hypothĂšses de recherche, construire le questionnaire et
analyser les données.
vi
Table des matiĂšres
RĂSUMĂ ..................................................................................................................... III
TABLE DES MATIĂRES ........................................................................................................... VI
LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................................. X
LISTE DES FIGURES ............................................................................................................... XI
LISTE DES SIGLES ................................................................................................................. XII
DĂDICACES ................................................................................................................... XIII
REMERCIEMENTS ............................................................................................................... XIV
INTRODUCTION .....................................................................................................................1
CHAPITRE 1. LES REPRĂSENTATIONS ET VĂCUS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS
DâĂTABLISSEMENTS SUR LâIMPLANTATION DE LA GAR DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF DU
QUĂBEC .......................................................................................................................5
1.1. LA RĂFORME DU SYSTĂME ĂDUCATIF DES ANNĂES 90 : LA DĂMOCRATISATION DE LA RĂUSSITE .............5
1.2. LâIMPLANTATION DE LA GAR DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF QUĂBĂCOIS ...........................................8
1.2.1. ĂMERGENCE DE LA GAR DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF QUĂBĂCOIS .................................................... 9
1.2.2. LA FORMULATION DE LA POLITIQUE DE GAR EN ĂDUCATION ......................................................... 10
1.2.2.1. La Projet de loi 124 (2002) ou lâautonomie dans la planification stratĂ©gique .............. 11
1.2.2.2. Le Projet de loi 88 (2008) ou la contractualisation et lâalignement stratĂ©gique comme
outil de régulation ......................................................................................................................... 12
1.2.2.3. Le projet de loi 105 (2016) ou la simplification de la mise en Ćuvre de la GAR .......... 15
1.3. LES EFFETS DE LâIMPLANTATION DE LA GAR ........................................................................... 17
1.3.1. LES CHANGEMENTS PORTANT SUR LE PILOTAGE DU SYSTĂME ĂDUCATIF .......................................... 17
1.3.2. LES CHANGEMENTS IMPACTĂS SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS
DâĂTABLISSEMENT .............................................................................................................................. 19
1.4. LES RĂLES DES ACTEURS DANS LâIMPLANTATION DE LA GAR EN ĂDUCATION .................................. 22
1.5. LES PERCEPTIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS DâĂTABLISSEMENTS SUR LA GAR ................. 24
1.6. LA QUESTION DE RECHERCHE ............................................................................................. 28
1.7. LES OBJECTIFS DE RECHERCHE ............................................................................................. 28
1.8. LA PERTINENCE DE LA RECHERCHE ....................................................................................... 29
1.8.1. PERTINENCE SCIENTIFIQUE ...................................................................................................... 29
1.8.2. PERTINENCE SOCIALE ............................................................................................................. 31
vii
PREMIĂRE PARTIE. LA RECENSION DES ĂCRITS .................................................................... 33
CHAPITRE 2. LâANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES NĂO-INSTITUTIONNALISMES .. 34
2.1. MĂTHODOLOGIE DE REVUE DOCUMENTAIRE .......................................................................... 35
2.2. LâANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES OU UNE APPROCHE SĂQUENTIELLE ..................................... 36
2.2.1. LE COURANT CENTRĂ SUR LES THĂORIES DE LâĂTAT ...................................................................... 37
2.2.2. LE COURANT SUR LâEXPLICATION DU FONCTIONNEMENT DE LâACTION PUBLIQUE .............................. 38
2.2.3. LE COURANT SUR LâĂVALUATION DES EFFETS DE LâACTION PUBLIQUE .............................................. 39
2.3. LES APPROCHES DâANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES EN ĂDUCATION ....................................... 40
2.3.1. LâAPPROCHE ADMINISTRATIVE OU FONCTIONNALISME PRAGMATIQUE ............................................ 40
2.3.2. LES APPROCHES CRITIQUES ..................................................................................................... 43
2.3.3. LâAPPROCHE CENTRĂE SUR LES ACTEURS .................................................................................... 44
2.3.4. LâAPPROCHE PAR LâHISTOIRE ET LES INSTITUTIONS ....................................................................... 47
2.3.5. LâAPPROCHE COMPARATIVE .................................................................................................... 50
2.4. LES NĂO-INSTITUTIONNALISMES ......................................................................................... 51
2.4.1. LES NĂO-INSTITUTIONNALISMES OU TROIS THĂORIES DU CHANGEMENT .......................................... 51
2.4.2. LE NĂO-INSTITUTIONNALISME DU CHOIX RATIONNEL ................................................................... 53
2.4.3. LE NĂO-INSTITUTIONNALISME SOCIOLOGIQUE ............................................................................ 57
2.4.4. LE NĂO-INSTITUTIONNALISME HISTORIQUE ................................................................................ 61
CHAPITRE 3. LES QUATRE ANGLES DâANALYSE DES POLITIQUES ĂDUCATIVES ...................... 66
3.1. LA GOUVERNANCE ET LA RĂGULATION DES POLITIQUES ĂDUCATIVES Ă LâĂRE DE LA PERFORMANCE ET DU
NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC ................................................................................................. 67
3.1.1. LâINFLUENCE DU NOUVEAU MANAGEMENT PUBLIC SUR LâACTION PUBLIQUE .................................... 67
3.1.2. LA RĂGULATION TRANSNATIONALE DES POLITIQUES ĂDUCATIVES ................................................... 69
3.1.3. LA DĂMOCRATIE ET LA PARTICIPATION SCOLAIRES ....................................................................... 71
3.1.4. LA RĂGULATION ET LâĂVALUATION PAR LES RĂSULTATS ................................................................. 75
3.2. LA RĂFORME ET LE PILOTAGE DU CHANGEMENT ...................................................................... 79
3.2.1. LES APPROCHES DU CHANGEMENT EN ĂDUCATION ...................................................................... 79
3.2.2. LES PRATIQUES DE RĂFORMES ................................................................................................. 83
3.2.3. LES ACTEURS ET LES RĂSISTANCES AUX CHANGEMENTS ................................................................. 86
3.2.4. LES DĂFIS ET LâĂVALUATION DES RĂFORMES ACTUELLES ................................................................ 87
3.3. LâIDĂOLOGIE ET LE RAPPORT DE POUVOIR .............................................................................. 91
3.3.1. LES DĂBATS IDĂOLOGIQUES AUTOUR DES FINALITĂS DE LâĂDUCATION ............................................. 91
3.3.2. LâĂVOLUTION DES PRATIQUES DES PERSONNELS SCOLAIRES ........................................................... 92
3.3.3. LE POINT DE VUE DES GESTIONNAIRES ET ENSEIGNANTS SUR LA GAR ............................................. 95
3.4. LâĂVALUATION DES POLITIQUES ĂDUCATIVES .......................................................................... 99
3.4.1. LES ENJEUX ET LES FINALITĂS DE LâĂVALUATION DES POLITIQUES ĂDUCATIVES ................................... 99
3.4.2. LES APPROCHES, LES OBJETS ET LES PROCESSUS DE LâĂVALUATION................................................ 101
3.4.3. LâĂVALUATION DES POLITIQUES DE GAR AU QUĂBEC ................................................................ 105
viii
DEUXIĂME PARTIE. LE CADRE DâANALYSE ET LA PRĂSENTATION DES DONNĂES ................. 111
CHAPITRE 4. LE CADRE CONCEPTUEL ET MĂTHODOLOGIQUE ............................................ 112
4.1. LA DESCRIPTION DU MODĂLE DâANALYSE ............................................................................. 112
4.1.1. LA DĂFINITION DES CONCEPTS ............................................................................................... 113
4.1.1.1. La performance ........................................................................................................... 113
4.1.1.2. Lâacteur ........................................................................................................................ 114
4.1.1.3. La gestion axée sur les résultats .................................................................................. 115
4.1.1.4. Lâopinion ...................................................................................................................... 117
4.1.1.5. La perception ............................................................................................................... 117
4.1.2. LâAPPROCHE DES « TROIS I » ................................................................................................ 118
4.1.2.1. LâĂ©tape 1 : identification des variables pertinentes de lâanalyse ................................ 119
4.1.2.2. LâĂ©tape 2 : formuler un faisceau dâhypothĂšses concurrentes ou complĂ©mentaires .. 121
4.1.2.3. LâĂ©tape 3 : hiĂ©rarchiser le poids des variables ou le retour des sĂ©quences ................ 123
4.1.3. LA JUSTIFICATION DU CHOIX DES « TROIS I » ........................................................................... 125
4.1.4. LES LIMITES DU MODĂLE DES « TROIS I » ................................................................................ 125
4.2. LâOPĂRATIONNALISATION DES CONCEPTS : LE CADRE OPĂRATOIRE DE LA GAR DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF
DU QUĂBEC .......................................................................................................................... 126
4.2.1. LA GAR UN CADRE DE GESTION DE LâACTION PUBLIQUE ............................................................. 126
4.2.2. LES PRINCIPES DE LA GAR ..................................................................................................... 126
4.2.3. LE PROCESSUS DE LA GAR .................................................................................................... 127
4.2.4. LES OUTILS DE LA GAR ......................................................................................................... 128
4.2.5. LES CONDITIONS DE RĂALISATION DE LA GAR ........................................................................... 128
4.2.6. LE CADRE DE GESTION DE LA GAR EN ĂDUCATION ..................................................................... 130
4.2.6.1. Le cycle de gestion de la GAR ...................................................................................... 130
4.2.6.2. La cohĂ©rence, lâinterdĂ©pendance hiĂ©rarchique et la collaboration ............................ 132
4.3. LA MĂTHODOLOGIE ....................................................................................................... 134
4.3.1. LâAPPROCHE MĂTHODOLOGIQUE ........................................................................................... 134
4.3.2. LA COLLECTE DES DONNĂES ................................................................................................... 137
4.3.2.1. La population cible ...................................................................................................... 137
4.3.2.2. LâĂ©chantillonnage ........................................................................................................ 137
4.3.2.3. Le plan et la construction de lâoutil de collecte des donnĂ©es ..................................... 140
4.3.2.4. La validitĂ© de lâoutil de collecte de donnĂ©es ............................................................... 141
4.3.2.5. LâĂ©thique de la recherche ............................................................................................ 143
5.2.3. LâANALYSE DES DONNĂES ...................................................................................................... 146
5.2.3.1. Le traitement et lâanalyse statistique des donnĂ©es .................................................... 146
5.2.3.2. Lâanalyse et lâinterprĂ©tation des donnĂ©es ................................................................... 147
ix
CHAPITRE 5. LA PRĂSENTATION ET LâINTERPRĂTATION DES RĂSULTATS ............................ 150
5.1. LES OPINIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS DâĂTABLISSEMENT SUR LA GAR ..................... 150
5.1.1. LES OPINIONS SUR LES PRINCIPES DE LA GAR ........................................................................... 150
5.1.2. LES OPINIONS SUR LES OUTILS DE LA GAR ............................................................................... 154
5.1.3. LES OPINIONS SUR LES STRATĂGIES DâIMPLANTATION DE LA GAR ................................................ 155
5.1.4. LES OPINIONS SUR LES PERSPECTIVES Ă DONNER Ă LA GAR ......................................................... 156
5.2. LES PERCEPTIONS DES EFFETS DE LâIMPLANTATION DE LA GAR.................................................. 166
5.2.1. SUR LE TRAVAIL DES ACTEURS SCOLAIRES ................................................................................. 166
5.2.2. SUR LES RĂLES ET LES RESPONSABILITĂS DES ACTEURS ................................................................ 170
5.2.3. SUR LâEFFICACITĂ DES ĂTABLISSEMENTS DANS LA POURSUITE DES FINALITĂS DU SYSTĂME ĂDUCATIF ... 175
5.3. LES LIENS ENTRE LES OPINIONS ET LES PERCEPTIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS
DâĂTABLISSEMENT SUR LâIMPLANTATION DE LA GAR ....................................................................... 185
5.3.1. LES INTĂRĂTS SOCIOPROFESSIONNELS DE LâIMPLANTATION DE LA GAR ......................................... 191
5.3.2. LES COĂTS DâADAPTATION AUX CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS DES ACTEURS SCOLAIRES ............. 196
5.3.3. LA VISION DE LâEFFICACITĂ DES ĂTABLISSEMENTS ...................................................................... 199
5.3.4. LES AUTRES DĂTERMINANTS (CARACTĂRISTIQUES SOCIOPROFESSIONNELLES) ................................. 202
5.4. CONCLUSION ............................................................................................................... 208
CHAPITRE 6. DISCUSSION DES RĂSULTATS ........................................................................ 213
6.1. DISCUSSION DES RĂSULTATS ............................................................................................ 213
6.2. PISTES DE RECHERCHE .................................................................................................... 222
6.3. LES LIMITES DE LA RECHERCHE .......................................................................................... 223
CONCLUSION GĂNĂRALE .................................................................................................... 225
RĂFĂRENCES ................................................................................................................... 232
ANNEXES ................................................................................................................... 249
ANNEXES 1 : LâANNONCE DE RECRUTEMENT ................................................................................. 249
ANNEXES 2 : LE FEUILLET DâINFORMATION POUR UN CONSENTEMENT IMPLICITE ET CONFIDENTIEL .............. 251
ANNEXES 3 : LE QUESTIONNAIRE ................................................................................................ 254
x
Liste des tableaux
TABLEAU 1. LE PLAN STRATĂGIQUE DES CS ET LE PLAN DE RĂUSSITE DES ĂTABLISSEMENTS SELON LA LIP DU QUĂBEC (ADAPTĂ
DE BRASSARD ET AL., 2013) ...................................................................................................................... 12
TABLEAU 2. LA CONVENTION DE PARTENARIAT ET LA CONVENTION DE GESTION ET DE RĂUSSITE ĂDUCATIVE SELON LA LIP DU
QUĂBEC (ADAPTĂ DE BRASSARD ET AL., 2013) ............................................................................................... 14
TABLEAU 3. LE PLAN DâENGAGEMENT VERS LA RĂUSSITE ET LE PROJET ĂDUCATIF SELON LA LIP DU QUĂBEC ...................... 16
TABLEAU 4. LES FACTEURS FAVORABLES Ă LâIMPLANTATION RĂUSSIE DE LA GAR ...................................................... 129
TABLEAU 5. LE DĂPLOIEMENT DU CYCLE DE GESTION DE LA GAR DU GOUVERNEMENT DU QUĂBEC EN ĂDUCATION .......... 131
TABLEAU 6. LES CARACTĂRISTIQUES SOCIODĂMOGRAPHIQUES DE LâĂCHANTILLON ..................................................... 138
TABLEAU 7. LA PERTINENCE DES PRINCIPES DE LA GAR POUR LâACCROISSEMENT DE LA RĂUSSITE DES ĂLĂVES ................. 152
TABLEAU 8. LA PERTINENCE DES OUTILS DE MISE EN ĆUVRE DE LA GAR DANS LES ĂTABLISSEMENTS POUR LA RĂUSSITE DU
PLUS GRAND NOMBRE .............................................................................................................................. 154
TABLEAU 9. LA PERTINENCE DES STRATĂGIES DE MISE EN ĆUVRE DE LA GAR DANS LES ĂTABLISSEMENTS POUR LA RĂUSSITE DU
PLUS GRAND NOMBRE .............................................................................................................................. 155
TABLEAU 10. LES PERSPECTIVES Ă DONNER Ă LA GAR EN ĂDUCATION SELON LES ACTEURS DE LâĂTABLISSEMENT ............. 156
TABLEAU 11. LES COMMENTAIRES SUR LA PERTINENCE ET LâEFFICACITĂ DE LA GAR EN ĂDUCATION .............................. 158
TABLEAU 12. LES EFFETS PERĂUS DE LâIMPLANTATION DE LA GAR SUR LE TRAVAIL DES ACTEURS SCOLAIRES ................... 167
TABLEAU 13. LES EFFETS PERĂUS DE LA GAR SUR LES RĂLES ET LES RESPONSABILITĂS DES ACTEURS SCOLAIRES ............... 171
TABLEAU 14. LES CONTEXTES DANS LESQUELS LES ACTEURS SCOLAIRES ONT LâOCCASION DE DISCUTER DE LA GAR .......... 173
TABLEAU 15. LES PERCEPTIONS SUR LES EFFETS DE LâIMPLANTATION DE LA GAR SUR LâEFFICACITĂ DES ĂTABLISSEMENTS DANS
LA POURSUITE DES FINALITĂS DU SYSTĂME ĂDUCATIF ...................................................................................... 176
TABLEAU 16. LâIMPORTANCE QUE LES ENSEIGNANTS ET DIRECTEURS AFFIRMENT ACCORDER AUX FACTEURS DâAMĂLIORATION
DE LA RĂUSSITE DANS LâĂTABLISSEMENT ....................................................................................................... 177
TABLEAU 17. LES PERCEPTIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS SUR LES BUTS DOMINANTS DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF
............................................................................................................................................. 178
TABLEAU 18. LES PERCEPTIONS SUR LE TYPE DâENSEIGNEMENT DOMINANT DANS LE SYSTĂME ĂDUCATIF ........................ 179
TABLEAU 19. LA SYNTHĂSE DES CONCLUSIONS SUR LES OPINIONS ET LES PERCEPTIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS
DâĂTABLISSEMENT ................................................................................................................................... 182
TABLEAU 20. GRILLE DâINTERPRĂTATION DE LA VALEUR DU TEST DE PHI .................................................................. 186
TABLEAU 21. LES LIENS ENTRE LES PERSPECTIVES Ă DONNER Ă LA GAR ET LES AUTRES VARIABLES DâOPINIONS DE LA GAR 188
TABLEAU 22. LES RĂSULTATS DU TEST KHI DEUX DE PEARSON ET DU PHI DES LIENS ENTRE LES OPINIONS ET LES EFFETS PERĂUS
SUR LE TRAVAIL ....................................................................................................................................... 192
TABLEAU 23. LES RĂSULTATS DU TEST KHI DEUX DE PEARSON ET DU PHI DES LIENS ENTRE LES OPINIONS ET LES EFFETS PERĂUS
SUR LES RĂLES ET RESPONSABILITĂS ............................................................................................................ 197
TABLEAU 24. LES RĂSULTATS DU TEST KHI DEUX DE PEARSON ET DU PHI DES LIENS ENTRE LES OPINIONS ET LES EFFETS PERĂUS
DE LA GAR SUR LâEFFICACITĂ DES ĂTABLISSEMENTS DANS LA POURSUITE DES FINALITĂS ......................................... 200
TABLEAU 25. LES RĂSULTATS DU TEST KHI DEUX DE PEARSON ET DU PHI DES LIENS ENTRE LES OPINIONS ET LES
CARACTĂRISTIQUES SOCIOPROFESSIONNELLES DES ACTEURS ............................................................................. 203
TABLEAU 26. LES LIENS STATISTIQUEMENT SIGNIFICATIFS ENTRE LES OPINIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS
DâĂTABLISSEMENT SUR LA GAR ET SES EFFETS PERĂUS .................................................................................... 205
TABLEAU 27. LES DĂTERMINANTS DES OPINIONS DES ENSEIGNANTS ET DES DIRECTEURS SUR LA GAR ........................... 208
TABLEAU 28. LA SYNTHĂSE DES RĂSULTATS ....................................................................................................... 211
xi
Liste des figures
FIGURE 1. LE CADRE DâANALYSE DES « TROIS I » ADAPTĂ DE PALIER ET SUREL (2005) .............................................. 124
FIGURE 2. LE SCHĂMA SYNTHĂSE DE LA MĂTHODOLOGIE ...................................................................................... 136
FIGURE 3. LE PLAN GĂNĂRAL DE COLLECTE ET DâANALYSE DES DONNĂES .................................................................. 145
FIGURE 4. LES GRILLES DE TRAITEMENT DES DONNĂES (TEST DU KHI DEUX DE PEARSON ET DU PHI) .............................. 147
FIGURE 5. LA GRILLE DâANALYSE DES DONNĂES (IDENTIFICATION DES LIENS ENTRE OPINIONS ET PERCEPTIONS)................ 148
xii
Liste des sigles
CS : commission scolaire
CCB : calcul coûts-bénéfices
CGRà : convention de gestion et de réussite éducative
CP : convention de partenariat
CSQ : Central des syndicats du Québec
ĂGĂ : Ătats gĂ©nĂ©raux de lâĂ©ducation
FNEEQ : Fédération des enseignantes et enseignants du Québec
GAR : gestion axée sur les résultats
ICR : institutionnalisme des choix rationnels
IH : institutionnalisme historique
IS : institutionnalisme sociologique
LAP : Loi sur lâadministration publique
LIP : Loi de lâinstruction publique
MELS : MinistĂšre de lâĂducation du Loisir et du Sport
MEQ : MinistĂšre de lâĂducation du QuĂ©bec
NMP : nouveau management public
NSP : ne sais pas
OCDE : Organisation de CoopĂ©ration et de DĂ©veloppement Ăconomiques
PISA : Programme internationale de suivi des apprentissages
PL : projet de loi
PR : plan de réussite
PS : plan stratégique
TCR : théorie des choix rationnels
TIMMS : Third International Mathematics and Science Study
UNESCO : Organisation des Nations unies pour lâĂ©ducation, la science et la culture
xiii
DĂ©dicaces
Je dédie ce travail à la trÚs Sainte Trinité :
Le PĂšre, Ăternel des ArmĂ©es;
Le Fils JĂ©sus, RĂ©dempteur du monde; et
LâEsprit-Saint, consolateur et merveilleux conseiller.
Ăgalement Ă mon pĂšre feu Ămile Latyr Faye;
Ma mĂšre Catherine Mossane Diouf;
Mes frĂšres et sĆurs Joseph, Marie-Noel, Suzanne, Alphonse, Albert,
Marie-Yandé, Paul, Guillaume et Angeline;
et Ă mon Ă©pouse Henriette Ndour.
xiv
Remerciements
Je remercie toutes les personnes qui mâont aidĂ© et soutenu dans la rĂ©alisation de
mes Ă©tudes doctorales.
Ma reconnaissance va particuliĂšrement Ă Babacar Diouf (Ngaska) et Abdou
Lahate CissĂ©, qui mâont encouragĂ© Ă entreprendre des Ă©tudes graduĂ©es. Je
remercie aussi mes collĂšgues Ă©tudiants pour les Ă©changes enrichissants tout au
long des cinq derniÚres années. Mention spéciale aux membres de la
CommunautĂ© de recherche et dâentraide en Ă©ducation avec qui jâai partagĂ© des
moments inoubliables.
Je remercie mon directeur de recherche, Denis Savard, pour son encadrement de
mes recherches et sa contribution Ă ma formation de chercheur. Je remercie
également les membres de mon jury de thÚse et le prélecteur de ma thÚse pour
leurs apports dans la réalisation de mes recherches et la qualité du présent travail.
Je remercie enfin les amis qui mâont encouragĂ© et aidĂ© de diverses maniĂšres,
Patrice, Arnaud, Sémou, Ndeye, Lamine, Tidiane. Mention spéciale à Jean Marie
SÚne qui a réalisé les traitements statistiques de mes données et à Brigitte,
Pauline et Michel Antoine Faye pour la révision linguistique.
1
Introduction
La période qui a succédé à la Seconde Guerre mondiale est marquée dans les
pays de lâOCDE par un dĂ©veloppement Ă©conomique et social important et un
développement substantiel des services publics dont la mise en place a nécessité
la massification de lâadministration publique. Dans le contexte de crise et de
ralentissement économique des années 80 caractérisés par la rareté des
ressources des Ătats, les thĂ©ories nĂ©olibĂ©rales qui prĂŽnaient moins dâĂtat et le
transfert des modes de gestion du privĂ© dans lâadministration publique vont se
rĂ©pandre (Charest, 2012). Ainsi, lâidĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale sâimpose Ă travers les
concepts de bonne gouvernance et de nouveau management public qui sont vus
comme des solutions Ă la faiblesse des performances de lâadministration publique
(Mazouz et Leclerc, 2008).
Lâinfluence du nouveau management public (NMP) dans lâadministration publique
constitue une tendance internationale majeure dans les années 80 et 90
(Hood, 1991). En effet, de fortes pressions pour le changement dans l'organisation
et la performance des systĂšmes d'Ă©ducation (Boyd, 1999) ont abouti Ă
lâimplantation de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats (GAR) comme politique de
rĂ©gulation. Ă partir de ce moment, trois impĂ©ratifs sâimposaient aux administrateurs
de lâĂ©ducation : « a productivity imperative, an accountability imperative, and a
community imperative » (Boyd, 1999, p. 283).
Les rĂ©formes de nature structurelle qui ont permis de mettre en Ćuvre la GAR en
Ă©ducation se sont gĂ©nĂ©ralisĂ©es sous lâimpulsion des organisations internationales
(Hernes, 2005). Le QuĂ©bec subit lâinfluence des organisations internationales qui
sont devenues, à la faveur de la globalisation, les principaux moteurs des réformes
des politiques Ă©ducatives (Perrenoud, 1999). En effet, la convergence des
politiques (Knill, 2005) est notée par de nombreux auteurs qui reconnaissent que
la performance est devenue un enjeu majeur et un objectif central dans les
politiques éducatives contemporaines. Cependant, ces réformes ont été menées
avec des approches du changement qui ne sont pas toujours adaptées, ce qui a
2
entraßné des résistances de la part des acteurs, notamment les enseignants dont
les conditions de travail ont considérablement changé. La démocratie scolaire et
la participation ont connu des avancĂ©es sans pour autant que lâobjectif dâĂ©quitĂ© ne
soit mieux pris en charge par les nouvelles politiques (Novoa, 1994). DâoĂč une
remise en cause de ces politiques porteuses dâune idĂ©ologie jugĂ©e incompatible
avec la grammaire de lâĂ©cole. Le dĂ©veloppement de lâĂ©valuation et du
gouvernement par les nombres est notamment critiqué par de nombreux
chercheurs qui y voient un assujettissement de lâĂ©cole Ă lâĂ©conomie.
Dans ce contexte de tensions, les théories néo-institutionnelles et néo-marxistes
dominent lâanalyse des politiques Ă©ducatives (Resnik, 2013). Les approches
dâanalyse des politiques publiques en Ă©ducation sâinscrivent dans des recherches
de types descriptives, analytiques et interprĂ©tatives, et sâorientent sur la dimension
organisationnelle, sur les acteurs, sur lâĂ©volution historique, sur les institutions, sur
la comparaison dâune ou plusieurs de ces dimensions (Lessard, Desjardins,
Schwimmer et Anne, 2008).
Au Québec, le rapport de la Commission Bisaillon, en 1981, marque le point de
départ des réformes administratives qui ont abouti à la LAP de 2000 (Mazouz et
Leclerc, 2008). Bourgault (2004) résume ces principales réformes en 5 points :
1. En 1993, lâapparition des premiers plans stratĂ©giques et opĂ©rationnels;
2. Lâadoption par le Gouvernement du QuĂ©bec de la Loi sur lâimputabilitĂ© des
sous-ministres et dirigeants dâorganismes publics qui « contraint les
gestionnaires de lâadministration publique Ă rendre compte de leur gestion
devant lâAssemblĂ©e nationale pour toutes les questions relevant de leur
autorité signalées dans un rapport du vérificateur général ou du Protecteur
du citoyen » (Bourgault, 2004, p. 111);
3. à partir de 1994, la création des unités de services autonomes marque le
dĂ©but de lâinstauration formelle du modĂšle de GAR;
4. La mise en place du palmarĂšs des Ă©tablissements primaires et secondaires
au milieu des annĂ©es 90 par lâInstitut Ă©conomique de MontrĂ©al, « un
3
organisme porteur dâun agenda nĂ©olibĂ©ral » dont « plusieurs, dĂ©plorent les
effets pervers sur les organisations évaluées : de la satisfaction replÚte à la
démobilisation » (Ibid., p. 112);
5. La crĂ©ation de la Commission sur lâadministration publique de lâAssemblĂ©e
nationale en 1997 qui confirme lâimputabilitĂ© et lâorientation dans la reddition
des comptes de lâadministration publique devant lâAssemblĂ©e nationale
(Ibid.).
Selon Bourgault (2004, p. 112), lâobjectif visĂ© par ces rĂ©formes Ă©tait « dâĂ©tablir un
cadre de gestion tournée vers la prestation de services de qualité aux citoyens
plutĂŽt quâun cadre de gestion axĂ©e sur les procĂ©dures internes. »
Le systĂšme Ă©ducatif nâĂ©chappera pas Ă la mise en place des politiques de gestion
axĂ©e sur les rĂ©sultats qui se dissĂ©minent dans les pays de lâOCDE
(Robinson, 2011; Shipps et White, 2009; Wiseman, 2010) et dans lâadministration
publique québécoise (Bourgault, 2004; Fortier, 2010). Avec les projets de loi 88
et 124, le secteur de lâĂ©ducation travaille depuis une dĂ©cennie Ă lâimplantation de
la GAR. Dans la recherche de la performance, les acteurs individuels et
institutionnels du systÚme éducatif sont interpellés à tous les niveaux du processus
(cycle de GAR) de production et de fourniture des services Ă©ducatifs.
Dix ans aprĂšs le dĂ©but de son implantation, lâadoption de la GAR par les
gestionnaires et les enseignants peut ĂȘtre questionnĂ©e. Cela est dâautant plus
pertinent que les performances de lâĂ©cole ne semblent pas avoir atteint les niveaux
attendus, si on se rĂ©fĂšre au discours de nombreux acteurs qui parlent dâĂ©chec des
rĂ©formes pĂ©dagogiques et administratives issues des Ătats gĂ©nĂ©raux et mises en
place depuis les annĂ©es 2000 (FNEEQ, 2012). La cohĂ©rence hiĂ©rarchique sâavĂšre
un enjeu majeur pour lâefficacitĂ© du systĂšme Ă©ducatif (Maroy, Mathou, Vaillancourt,
et Voisin, 2013) et la collaboration entre les différents acteurs individuels qui
interviennent dans lâaction Ă©ducative sâavĂšre fondamentale pour la fourniture de
services de qualité et la réussite de tous les apprenants.
4
La diversitĂ© des organisations en termes de mission et de taille dâeffectif justifie la
pertinence de recueillir les points de vue des acteurs opérationnels chargés de
mettre en Ćuvre les plans stratĂ©giques (Bourgault, 2004). En effet, les
changements quâimplique la GAR dans les pratiques des personnels du systĂšme
Ă©ducatif (enseignants et gestionnaires) sont multiformes et ils sont ressentis
différemment. DÚs lors, il se pose la question des opinions et des perceptions des
acteurs sur la GAR instituée par la réforme administrative des années 2000. La
comprĂ©hension de la perception des acteurs opĂ©rationnels est dâautant plus
importante que les Ă©tablissements dâenseignement constituent le lieu de
production et de livraison des services Ă©ducatifs. La recherche de la performance
ne saurait alors se faire sans lâadhĂ©sion et lâengagement de ces acteurs
(Gow, 1984). Dans la recherche envisagĂ©e, il sâagit dâanalyser la politique de GAR
Ă travers lâinvestigation des opinions et des perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR.
La thÚse est structurée en six chapitres. Le premier chapitre présente le contexte
de lâĂ©mergence de la GAR et la problĂ©matique de la reprĂ©sentation et du vĂ©cu que
les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement se font de son implantation dans
le systÚme éducatif, ainsi que les questions qui orientent la présente recherche.
Le deuxiĂšme chapitre expose le cadre thĂ©orique de lâanalyse des politiques
publiques effectuĂ©es Ă lâaide des thĂ©ories nĂ©o-institutionnalistes. Le troisiĂšme
chapitre est consacrĂ© Ă la recension des Ă©crits sur lâanalyse des politiques
Ă©ducatives Ă partir de quatre angles. Le quatriĂšme chapitre traite du cadre
dâanalyse et mĂ©thodologique de lâĂ©tude. Le cinquiĂšme chapitre prĂ©sente les
résultats obtenus et leur interprétation. Enfin, au sixiÚme chapitre, se retrouvent la
discussion des résultats et la conclusion générale de la thÚse.
5
Chapitre 1. Les représentations et vécus des
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements
sur lâimplantation de la GAR dans le systĂšme
éducatif du Québec
Le premier chapitre porte sur la problĂ©matique de lâimplantation des rĂ©formes en
Ă©ducation en gĂ©nĂ©ral et les reprĂ©sentations et vĂ©cus des acteurs de lâimplantation
de la GAR dans les écoles primaires et secondaires du Québec en particulier. Les
opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur
la pertinence de la GAR et la nature de ses effets sur la réussite des élÚves sont
regardées plus spécifiquement. Ce chapitre reprend les principales connaissances
issues de la littérature scientifique et officielle dans le but de mieux cerner la
question de la place des acteurs scolaires dans la réforme ayant permis
lâimplantation de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif. Pour les besoins de lâanalyse,
les Ă©tapes prĂ©cĂ©dant lâimplantation de la GAR ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©es de mĂȘme que les
changements sur le pilotage et les conditions de travail des acteurs. Les
perceptions connues des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sâouvrent
sur les questions que suscite la faible connaissance des représentations et du
vécu des acteurs opérationnels sur la GAR et ses effets. Les objectifs de
recherche en lien avec ces questions ainsi que la pertinence de la recherche
envisagée vont clore cette partie.
1.1. La réforme du systÚme éducatif des années 90 : la démocratisation
de la réussite
Avec lâatteinte des objectifs dâaccessibilitĂ© de lâĂ©ducation pour tous du Rapport
Parent dĂšs 1988 (Rocher, 2004), dâautres problĂ©matiques Ă©mergentes vont
prendre place dans le dĂ©bat sur lâĂ©cole. En effet, la rĂ©forme des annĂ©es 90, issue
des Ătats gĂ©nĂ©raux sur lâĂ©ducation (ĂGĂ), Ă©mane de la faiblesse des
performances de lâĂ©cole, notamment lâĂ©chec et le dĂ©crochage scolaire
(Deniger, 2012; Doray et al., 2011) dans un contexte international oĂč lâaccent Ă©tait
6
mis sur la qualitĂ© de lâĂ©ducation (Teodoro, 2007). Durant cette pĂ©riode oĂč le
systĂšme Ă©ducatif fait lâobjet de nombreuses critiques, des Ă©tudes montrent que le
taux de dĂ©crochage est en croissance depuis 1983 et quâil atteint 36% en 1991
(Tondreau et Robert, 2011).
Le concept dâĂ©chec scolaire est intimement liĂ© Ă celui de rĂ©ussite scolaire. En effet,
la réussite scolaire détermine ou permet la progression des apprenants et
lâacquisition des avantages sociaux et professionnels donnĂ©s par le diplĂŽme. La
rĂ©ussite scolaire est ainsi une prĂ©occupation importante dans la sociĂ©tĂ© dâautant
plus que la demande de justice sociale est forte dans lâopinion publique. Au mĂȘme
moment, les outils statistiques se développent et sont utilisés pour mesurer les
performances des politiques publiques. Le ralentissement et la crise Ă©conomique
des annĂ©es 80 avec leurs consĂ©quences sur lâemploi redonnent de lâimportance
au capital social (diplĂŽme) dans lâinsertion professionnelle des jeunes. DĂšs lors,
les taux élevés de décrochage scolaire sont dénoncés unanimement par les
acteurs de la société. La décision du MEQ de relever le niveau de passage au
secondaire de 50 Ă 60% sera Ă lâorigine dâune controverse qui attribuera
lâaccroissement du dĂ©crochage Ă cette mesure, qui rĂ©pond pourtant Ă un objectif
de qualité (Maroy et al., 2013).
Les enseignants prendront mĂȘme des initiatives pour lutter contre lâĂ©chec scolaire.
Ce fut le cas de la Centrale de lâEnseignement du QuĂ©bec (CEQ)1, qui mĂšne une
vaste campagne de sensibilisation dans toutes les régions du Québec (publiée
sous le titre « RĂ©ussir lâĂ©cole, rĂ©ussir Ă lâĂ©cole » CEQ, 1991) dans lâoptique de faire
des propositions pour lutter contre le décrochage (Tondreau et Robert, 2011,
p. 104).
Deniger Ă©voque pour sa part lâimportance donnĂ©e au problĂšme du dĂ©crochage
scolaire qui oblige la sociĂ©tĂ© civile et lâĂtat Ă agir (Deniger, 2012, p. 71). Le
dĂ©crochage scolaire est ainsi devenu un Ă©lĂ©ment majeur orientant lâaction du MEQ
(Doray et al., 2011, p. 207). Le plan dâaction ministĂ©rielle « Chacun ses devoirs »
1 Regroupant lâessentiel des enseignants du niveau primaire et secondaire Ă lâĂ©poque
7
de 1992 est orienté vers la lutte contre le décrochage scolaire dans la continuité
des objectifs de diplomation de 80 % des jeunes du secondaire. Lâauteur Ă©voque
les besoins de qualification pour lâĂ©conomie comme un des moteurs de ces
initiatives politiques.
Pour Bernatchez (2011), la seconde rĂ©forme majeure, « consĂ©cutive aux Ătats
gĂ©nĂ©raux sur lâĂ©ducation (1995-1996), vise la rĂ©ussite Ă©ducative du plus grand
nombre. » Le rapport des ĂGĂ recommandait dâagir sur les leviers pĂ©dagogiques
et organisationnels pour implanter les changements qui permettraient au systĂšme
Ă©ducatif quĂ©bĂ©cois dâatteindre les finalitĂ©s (instruire, qualifier et socialiser) qui lui
sont fixĂ©es (ĂGĂ, 1997). Pour lâatteinte de ces finalitĂ©s, le rapport identifiait dix
chantiers prioritaires dont deux concernaient directement les acteurs du systĂšme
Ă©ducatif. Il sâagit de « soutenir les principaux acteurs en vue de la rĂ©ussite
éducative » et de « redistribuer les pouvoirs pour renforcer le pÎle local et
l'ouverture Ă la communautĂ© » (Ibid.). Sur la base du rapport des ĂGĂ, le
Gouvernement mettra en place un plan dâaction ministĂ©riel intitulĂ© « Prendre le
virage du succĂšs » (MEQ, 1997). Ce dernier comportait sept lignes dâaction qui
reprenaient selon Marois (2007, cité par Maroy et al., 2013) essentiellement les
propositions du rapport final des Ă©tats gĂ©nĂ©raux de lâĂ©ducation qui Ă©taient tous liĂ©s
à la finalité de la « réussite », une question centrale des états généraux. Le rapport
des ĂGĂ (1997) met aussi de lâavant « que le fait de fixer des objectifs clairs Ă
chaque ordre dâenseignement en matiĂšre dâaccĂšs et de diplomation est une
avenue intéressante ». Pour Doray et al. (2011, p. 211), la statistique devient un
« outil de suivi de lâaction publique°». Le renouveau pĂ©dagogique et la GAR seront
les politiques éducatives mises en place par le MEQ pour réformer le systÚme
Ă©ducatif dans lâoptique de le rendre plus performant et plus compĂ©titif.
La rĂ©forme pĂ©dagogique issue des ĂGĂ sera lancĂ©e en 1997 par la ministre
Pauline Marois, Ă travers le programme intitulĂ© « LâĂcole, tout un programme :
énoncé de politique éducative (1997) ». Avec cette réforme, «°le paradigme de
lâapprentissage tend Ă surclasser le paradigme de lâenseignement, afin que le
savoir « construit » par les Ă©lĂšves puisse leur ĂȘtre utile pour agir sur le monde »
8
(Bernatchez, 2011). Cette réforme aussi appelée « Renouveau pédagogique » est
ainsi Ă la fois une rĂ©forme curriculaire et une rĂ©forme de lâapproche pĂ©dagogique
dorénavant orientée vers une « approche par compétence », avec une visée de
réussite pour tous (Kamanzi, Riopel et Lessard, 2007). Pour Bernatchez,
lâapproche par compĂ©tence concerne aussi bien les apprentissages des Ă©lĂšves
que les activités des personnels scolaires (Bernatchez, 2011). Pour ces derniers,
le gouvernement quĂ©bĂ©cois propose deux rĂ©fĂ©rentiels de compĂ©tences, lâun pour
baliser la profession enseignante (MEQ, 2001) et lâautre pour la profession des
directeurs dâĂ©tablissement (Bernatchez, 2011; MELS, 2008).
Lâobligation de rĂ©sultat renvoie au choix organisationnel jugĂ© pertinent pour
atteindre les finalitĂ©s proposĂ©es par les Ătats gĂ©nĂ©raux. Dans le souci de
poursuivre ses visées sur l'efficacité et l'amélioration des services qu'il offre à la
population, le secteur Ă©ducatif va l'adopter comme tout autre secteur de
l'administration publique. C'est dans ce contexte d'ailleurs que Lessard (2004),
dira que lâobligation de rĂ©sultat est associĂ©e Ă une logique de planification
«°quantitative°» et à une demande de transparence, « suite logique » de la
montĂ©e de la logique dâĂ©valuation institutionnelle apparue dans les annĂ©es 90.
Lâobligation de rĂ©sultat est ainsi associĂ©e Ă une logique dâorganisation plutĂŽt que
dâinstitution, Ă une logique dâefficacitĂ© instrumentale qui « charrie un cortĂšge de
"concepts" et dâoutils plus frĂ©quemment utilisĂ©s en management quâen Ă©ducation
[âŠ] Il y a toute une rhĂ©torique managĂ©riale Ă lâĆuvre ici, de mĂȘme quâun langage
de performance et de contrainte de rendement » (Lessard, 2004, p. 23). Pour
Maroy et al. (2013), « la GAR est une politique qui vise à infléchir de maniÚre
substantielle les modes de régulation institutionnels au sein du systÚme éducatif ».
La section suivante présentera les différentes phases de la mise en place de la
politique de GAR qui est lâobjet de la prĂ©sente recherche.
1.2. LâImplantation de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif quĂ©bĂ©cois
Lâimplantation de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif quĂ©bĂ©cois sera abordĂ©e Ă
travers quatre questions classiques dans lâanalyse des politiques publiques
9
(Bardach, 2009; Muller, 1990; Pal, 1992; Bernier, 2010; Lemieux, 2009). Dâabord,
quelles sont les principales rĂ©formes qui ont contribuĂ© Ă lâĂ©mergence de la
politique de GAR dans le systÚme éducatif québécois? Ensuite, comment la
politique de GAR pour lâenseignement primaire et secondaire a Ă©tĂ© formulĂ©e?
Ăgalement, quels changements lâimplantation de la politique de GAR a-t-elle
entraßnés dans le pilotage du systÚme éducatif et les conditions de travail des
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement? Enfin, quelles participations,
reprĂ©sentations ou vĂ©cus les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement ont-ils
fait ou doivent-ils avoir des changements implantés?
1.2.1. Ămergence de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif quĂ©bĂ©cois
Comme vu précédemment, de nombreux changements dans la gestion du
systÚme éducatif québécois ont eu lieu entre 1980 et 2000 pour répondre aux
enjeux de qualitĂ© et de rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Ces changements, mĂȘme sâils ne
peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des causes ou des composantes directes de la
politique de GAR, restent néanmoins incontournables pour comprendre ses
mĂ©canismes dâimplantation et son contenu formel. Pour Maroy et al. (2013), ces
changements peuvent se résumer dans quatre processus :
« Un changement normatif de la conception de la justice scolaire, sous-
tendant les finalitĂ©s des politiques scolaires : on passe dâune âĂ©galitĂ© des
chances dâaccĂšsâ [âŠ] Ă une visĂ©e de ârĂ©ussite de tousâ, en fin de scolaritĂ©
secondaire » (p. 33);
«°Montée de logiques de concurrence et de choix scolaire dans le systÚme,
couplĂ©e Ă une diversification de lâoffre Ă©ducative, logique qui se justifie au
nom dâune recherche de la âqualitĂ©â du systĂšme Ă©ducatif et de la rĂ©ponse
aux besoins de ses usagers et de la société » (p. 33);
« La recherche dâun Ă©quilibrage entre âcentralisation et dĂ©centralisationâ
dans les structures de pouvoir, la répartition des compétences et
ressources au sein du systÚme québécois » (p. 33) et
10
« La montĂ©e dâun outillage statistique de plus en plus dense qui prend place
dÚs les années 90 et qui accompagne une planification stratégique ciblée
et chiffrĂ©e. Ce processus participe de la montĂ©e dâun âgouvernement par
les nombresâ (Rose, 1991; Ozga, 2009; Felouzis et Hanhart, 2011), qui
préfigure et va se renforcer avec la mise en place ultérieure de la GAR »
(Maroy et al., 2013, p. 33).
Maroy et al., Ă©voquent Ă©galement des formes de couplage entre ces quatre
processus. Ils affirment que « le dĂ©veloppement de la GAR sâest appuyĂ© et a
couplé ces changements relativement autonomes, de maniÚre singuliÚre » (Maroy
et al., 2013, p. 34). LâĂ©mergence de la GAR en Ă©ducation nâest donc pas le seul
fait de la Loi 82 qui institue la GAR dans lâadministration publique. Elle est aussi le
produit de plusieurs changements dans la conception de la justice scolaire
(réussite pour tous), le développement de la concurrence entre les écoles dû à la
libertĂ© de choix accordĂ©e aux parents, Ă la recherche dâun Ă©quilibre entre
centralisation et décentralisation (développement parallÚle autonomie et
évaluation) et la montée du gouvernement par les nombres. La section suivante
présente le processus de formulation de la GAR à travers les PL 124, 88 et 105.
1.2.2. La formulation de la politique de GAR en Ă©ducation
Ă la suite de lâadoption de la Loi 82 (2000) qui met en place la GAR dans
lâadministration publique quĂ©bĂ©coise, le MELS va, Ă lâimage des autres ministĂšres
et organismes se doter dâun plan stratĂ©gique (2000-2003). Il sâagit dâ« une volontĂ©
gouvernementale dâamĂ©lioration des services publics par des mesures de plus
grande efficience et efficacité, de meilleurs contrÎles des dépenses, un plus grand
engagement et une plus grande responsabilisation des employés de
lâadministration publique » (Lusignan et Pelletier, 2009, p. 28). Le MELS travaillera
sur les PL 124, 88 et 105 qui vont préciser les mécanismes et les moyens de
lâimplantation de la GAR dans le rĂ©seau des commissions scolaires (CS) et des
Ă©tablissements.
11
1.2.2.1. La Projet de loi 124 (2002) ou lâautonomie dans la planification
stratégique
La GAR en éducation connaßtra sa premiÚre formalisation législative avec le
PL 124 voté en 2002. De nombreux chercheurs comme Bernatchez (2011) y
voient lâinfluence du nouveau management public. En effet, le PL 124 a introduit
la planification stratĂ©gique et lâimputabilitĂ© sur la mise en Ćuvre des projets pour
les CS et les Ă©coles. Ainsi, chaque CS devait se doter dâun plan stratĂ©gique dans
lequel elle décline les orientations qui lui permettent de prendre en charge la
rĂ©ussite du plus grand nombre et rendre compte de sa mise en Ćuvre. Chaque
Ă©cole devait Ă©galement se doter dâun plan de rĂ©ussite dans lequel sont identifiĂ©s
les voies et les moyens pour mettre en Ćuvre leur projet Ă©ducatif. Câest le PL 124
qui a rendu « obligatoire lâapplication de la GAR aux ordres dâenseignement
primaire et secondaire » (Dembélé et al., 2013, p. 97). Maroy et al. (2013) font
remarquer quâĂ la suite des positions des acteurs de la sociĂ©tĂ© civile et des
professionnels lors des dĂ©bats prĂ©cĂ©dant lâadoption du PL 124, ces documents de
planification ne seront pas arrimĂ©s Ă celui du ministĂšre pour prĂ©server lâautonomie
des échelons intermédiaires et inférieurs. Pour Maroy et al. (2013),
Dans le projet sanctionnĂ©, lâaccent est mis sur les " moyens " qui passent Ă lâavant-plan, alors que la notion dâ" objectifs Ă atteindre " disparaĂźt â par exemple le plan de rĂ©ussite comporte les moyens Ă prendre en fonction des orientations et des objectifs du projet Ă©ducatif (LIP, art. 37.1). La reddition de comptes ne porte plus sur les rĂ©sultats obtenus en regard des objectifs fixĂ©s, mais sur la rĂ©alisation du plan de rĂ©ussite (p.°50).
Maroy et al. (2013) font aussi remarquer que les positions des acteurs Ă©taient
relativement homogÚnes dans les forums et les débats entourant le PL 124, du
moins sur la question de la dĂ©mocratie scolaire qui sâexprimait par lâintermĂ©diaire
de lâautonomie des Ă©chelons infĂ©rieurs par rapport au MELS.
12
Tableau 1. Le plan stratégique des CS et le plan de réussite des établissements selon la LIP du Québec (adapté de Brassard et al., 2013)
Plan stratĂ©gique (CS) Projet Ă©ducatif et plan de rĂ©ussite (Ătablissement)
Le plan stratégique quinquennal de la CS découle des orientations et objectifs prescrits par le MELS dans sa propre planification
La Loi prescrit les Ă©lĂ©ments quâil doit comporter (LIP, art. 209.1) et qui sont, Ă peu de choses prĂšs, ceux prescrits par la Loi de lâadministration publique (LAP) :
1) le contexte de la CS, notamment les besoins des établissements, ainsi que les caractéristiques et les attentes du milieu
2) les principaux enjeux auxquels elle fait face, entre autres en matiĂšre de rĂ©ussite, qui tiennent compte des indicateurs nationaux Ă©tablis par le ministre en vertu de lâarticle 459.1
3) les orientations stratĂ©giques et les objectifs qui tiennent compte de ceux Ă©tablis dans le plan du MĂLS ainsi que des autres orientations ministĂ©rielles, des buts et des objectifs mesurables dĂ©terminĂ©s par le ministre en fonction de la situation de chaque CS
4) les axes dâintervention retenus pour parvenir Ă lâatteinte des objectifs
5) les résultats visés au terme de la période couverte
6) les modes dâĂ©valuation de lâatteinte des objectifs
Le projet Ă©ducatif est gĂ©nĂ©ralement dĂ©ployĂ© sur une pĂ©riode de cinq ans. Chaque annĂ©e, un plan de rĂ©ussite reprendra un ou plusieurs objectifs pour lesquels sont Ă©numĂ©rĂ©s les moyens de rĂ©alisation, les ressources ainsi que les outils dâĂ©valuation. Le plan de rĂ©ussite de lâĂ©cole est Ă©tabli en tenant compte du plan stratĂ©gique de la commission scolaire et comporte (LIP, art. 37.1) :
1) les moyens Ă prendre en fonction des orientations et des objectifs du projet Ă©ducatif notamment les modalitĂ©s relatives Ă lâencadrement des Ă©lĂšves
2) les modes dâĂ©valuation de la rĂ©alisation du plan de rĂ©ussite
Projet éducatif et plan de réussite constituent les deux
volets dâun mĂȘme ensemble qui, Ă lâĂ©chelon de
lâĂ©tablissement, correspond au plan stratĂ©gique de la
CS dont il doit tenir compte.
En termes de reddition de comptes, la CS informe la population de son territoire des services quâelle offre et lui rend compte de leur qualitĂ©.
La CS prépare un rapport annuel qui rend compte à la
population de son territoire de la réalisation de son plan
stratégique. Ce rapport rend compte également au
ministre des résultats obtenus en fonction des
orientations et des objectifs du plan stratégique établi
par le ministĂšre de lâĂducation (LIP, art. 220).
Le conseil dâĂ©tablissement informe annuellement les parents ainsi que la communautĂ© que dessert lâĂ©cole des services quâelle offre et leur rend compte de leur qualitĂ©.
Il rend public le projet Ă©ducatif et le plan de rĂ©ussite de lâĂ©cole.
Il rend compte annuellement de lâĂ©valuation de la
réalisation du plan de réussite (LIP, art. 83).
1.2.2.2. Le Projet de loi 88 (2008) ou la contractualisation et lâalignement
stratégique comme outil de régulation
Le deuxiÚme moment fort de la formulation de la GAR en éducation a été le PL 88,
votĂ© en 2008. Ce projet de loi vient renforcer lâimplantation de la GAR en
13
introduisant la contractualisation, lâimputabilitĂ© sur les rĂ©sultats et lâalignement
stratégique. En effet, il oblige les CS à parapher des conventions de partenariat
(CP) avec le MELS et les Ă©tablissements scolaires Ă signer des conventions de
gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative (CGRĂ) avec les CS. Ces conventions prĂ©cisent
les orientations et les moyens choisis par ces institutions pour atteindre la visée
de la réussite du plus grand nombre (Brassard et al., 2013) retenue comme enjeu
majeur dans les ĂGĂ.
Le PL 88 reviendra sur lâautonomie accordĂ©e aux paliers infĂ©rieurs par le PL 124.
Ainsi, les plans stratégiques des CS et les CGRà des écoles seront désormais
arrimés au plan stratégique du MELS. Ce dernier peut en plus définir des
orientations nationales et des prioritĂ©s spĂ©cifiques pour nâimporte quelle CS. Aussi,
les Ă©coles qui avaient obtenu avec le PL 124 que le projet Ă©ducatif ne soit pas
arrimĂ© au plan stratĂ©gique de la CS se voient obligĂ©es de sây conformer dĂ©sormais.
Câest ce qui fait dire Ă Maroy et al. (2013) quâavec le PL 88, lâautonomie au profit
des CS est accrue alors que la centralisation sur les Ă©coles est accentuĂ©e. Lâune
des hypothÚses explicatives évoquées par ces auteurs est la plus grande
divergence des acteurs dans les débats autour du PL 88. En effet, le consensus
sur lâimportance majeure de la dĂ©mocratie scolaire ne prĂ©vaudra pas pour le lieu
oĂč elle devait se matĂ©rialiser. Contrairement Ă 2002, les acteurs choisiront la
commission scolaire comme lieu de réaffirmation de la démocratie scolaire. La
confirmation de lâĂ©lection du prĂ©sident de la CS, lâaugmentation du nombre de
commissaires parents et la possibilité de coopter des commissaires issus de la
société civile sont des exemples (Maroy et al., 2013) qui illustrent ce choix.
Enfin, le PL 88 va concrĂ©tiser lâorientation et la responsabilitĂ© des rĂ©sultats. Ainsi,
contrairement au PL 124 qui faisait porter la reddition des comptes sur la mise en
Ćuvre des projets, le PL 88 impose aux commissions scolaires et aux Ă©coles de
rendre compte des résultats obtenus par rapport aux objectifs mesurables définis
dans les conventions. Cette reddition de comptes se fait aussi bien Ă un niveau
vertical (MELS et CS) quâĂ un niveau horizontal (parents et communautĂ©
éducative). Cette derniÚre disposition répond à une volonté de trouver un équilibre
14
entre la centralisation et la dĂ©centralisation. Elle est aussi un signe de lâhybridation
engendrée par la superposition des rÚgles bureaucratiques et des mécanismes de
GAR (Maroy, 2008).
Tableau 2. La convention de partenariat et la convention de gestion et de réussite éducative selon la LIP du Québec (adapté de Brassard et al., 2013)
La convention de partenariat (Ministre â CS) La CGRĂ (CS â directeur dâĂ©tablissement)
Vise Ă assurer la mise en Ćuvre du plan stratĂ©gique de la CS (LIP, art. 459.3, 1er alinĂ©a)
Vise Ă assurer lâatteinte des buts fixĂ©s et objectifs mesurables prĂ©vus Ă la convention de partenariat conclue entre la commission scolaire et le ministre (LIP, art. 209.2, 1er alin.)
Est établie en tenant compte du plan de réussite de
lâĂ©tablissement et de sa situation particuliĂšre (LIP, art.
209.2, 3e alin.)
Porte notamment sur :
les modalitĂ©s de la contribution de la CS Ă lâatteinte des prioritĂ©s Ă©tablies (orientations ministĂ©rielles, buts fixĂ©s et des objectifs mesurables) par le ministre en fonction de la situation de chaque CS
les moyens que la CS entend prendre pour assurer lâatteinte des objectifs spĂ©cifiques de son plan stratĂ©gique
les mécanismes de suivi et de reddition de comptes que la CS met en place (LIP, art. 459)
Porte notamment sur :
les modalitĂ©s de la contribution de lâĂ©tablissement
les ressources que la CS alloue spĂ©cifiquement Ă lâĂ©tablissement pour lui permettre dâatteindre les buts fixĂ©s et objectifs mesurables prĂ©vus
les mesures de soutien et dâaccompagnement mises Ă la disposition de lâĂ©tablissement
les mesures de suivi et de reddition de comptes mises en place par lâĂ©tablissement (LIP, art.209.2, 3e alin.)
Le ministre Ă©value les rĂ©sultats de la mise en Ćuvre du plan stratĂ©gique de la CS selon la pĂ©riodicitĂ© quâil dĂ©termine.
Si les rĂ©sultats visĂ©s tels que contenus dans la convention ne sont pas atteints, le ministre et la CS conviennent des correctifs Ă apporter pour lâatteinte de ces rĂ©sultats.
Si, malgrĂ© tout, le ministre estime peu probable lâatteinte des rĂ©sultats attendus, il peut prescrire toutes mesures additionnelles Ă mettre en place dans les dĂ©lais que le ministre dĂ©termine. (LIP, art. 459.4)
Est convenue annuellement par la commission scolaire et le directeur de chacun de ses Ă©tablissements (LIP, art. 209.2, 1er alin.)
15
1.2.2.3. Le projet de loi 105 (2016) ou la simplification de la mise en Ćuvre
de la GAR
Le troisiĂšme temps fort de la formulation de la GAR en Ă©ducation est le projet de
loi 105 (2016) qui dâune part, simplifie les conditions dâimplantation de la GAR, et
dâautre part, renforce la centralisation et le contrĂŽle des paliers supĂ©rieurs sur les
paliers inférieurs (CS et établissements). On note dans le préambule que les
principaux aspects de cette loi sont :
Lâaccroissement de la participation des directeurs dâĂ©coles dans la
répartition des ressources de la commission scolaire (comité de répartition
des ressources);
Le principe de subsidiarité envers les établissements scolaires que doit
appliquer la commission scolaire dans la mise en Ćuvre de sa mission;
La simplification du processus de planification et de reddition des comptes
dans les Ă©tablissements et la CS dont chacun dispose maintenant dâun seul
document de planification : le plan dâengagement vers la rĂ©ussite pour la
CS et le projet Ă©ducatif pour lâĂ©tablissement scolaire;
Le renforcement du contrĂŽle et de lâĂ©valuation des CS et des
Ă©tablissements consĂ©quences de lâaccroissement du pouvoir du ministre
qui peut Ă©mettre des directives Ă lâĂ©gard des CS;
La consolidation de lâalignement stratĂ©gique avec lâharmonisation
descendante des pĂ©riodes de planification qui sâajoute Ă lâarrimage au
document de planification de lâĂ©chelon supĂ©rieur (MELS-CS-
Ă©tablissements).
16
Tableau 3. Le plan dâengagement vers la rĂ©ussite et le projet Ă©ducatif selon la LIP du QuĂ©bec
Le plan dâengagement vers la rĂ©ussite (CS) Le projet Ă©ducatif (Ă©tablissement scolaire)
Remplace le PS et la convention de partenariat et contient des indicateurs et une déclaration de qualité de service (LIP, art. 74.1). Est établie en cohérence avec les orientations
stratégiques et les objectifs et la période de validité du
plan stratégique du ministÚre et répondre aux attentes
signifiées par le ministre (LIP, art. 209.1).
Vise Ă assurer la mise en Ćuvre des orientations propres Ă lâĂ©tablissement et lâatteinte des objectifs pour amĂ©liorer la rĂ©ussite scolaire (LIP, art. 37). Est Ă©tablie en cohĂ©rence avec les objectifs et les
orientations du plan dâengagement vers la rĂ©ussite de la
CS (LIP, art. 37) dont il épouse la période de validité
(LIP, art. 37.1)
Porte notamment sur :
le contexte dans lequel elle Ă©volue, notamment les
besoins de ses Ă©coles et de ses centres, les
principaux enjeux auxquels elle est confrontée
ainsi que les caractéristiques et les attentes du
milieu quâelle dessert
les orientations et les objectifs retenus
les cibles visées au terme de la période couverte
par le plan
les indicateurs, notamment nationaux, utilisés
pour mesurer lâatteinte des objectifs et cibles visĂ©s
une déclaration contenant ses objectifs quant au
niveau des services offerts et quant à leur qualité
tout autre élément déterminé par le ministre
(LIP, art. 209.1)
Porte notamment sur :
le contexte dans lequel il [lâĂ©tablissement] Ă©volue
et les principaux enjeux auxquels il
[lâĂ©tablissement] est confrontĂ©, notamment en
matiÚre de réussite scolaire
les orientations propres Ă lâĂ©cole et les objectifs
retenus pour améliorer la réussite des élÚves
les cibles visées au terme de la période couverte
par le projet Ă©ducatif
les indicateurs utilisĂ©s pour mesurer lâatteinte des
objectifs et des cibles visés
la pĂ©riodicitĂ© de lâĂ©valuation du projet Ă©ducatif
déterminée en collaboration avec la commission
scolaire (LIP, art. 37)
La commission scolaire doit sâassurer de la cohĂ©rence
des orientations et des objectifs retenus dans les projets
Ă©ducatifs de ses Ă©tablissements avec son plan
dâengagement vers la rĂ©ussite et du respect, le cas
échéant, des modalités prescrites par le ministre en
application du premier alinĂ©a de lâarticle 459.3
(LIP, art. 209.2)
LâĂ©tablissement rend public et communique aux parents
et aux membres du personnel le projet Ă©ducatif et son
évaluation dont la périodicité est convenue avec la CS
(LIP, art. 75)
La GAR en éducation, préparée et orientée par les réformes des années 1980
et 1990, a été formulée de maniÚre progressive dans les années 2000 avec des
outils législatifs. En effet, les PL 124, 88 et 105 ont permis la mise en place des
« outils de gestion (plans stratégiques) ou de régulation (outils de
contractualisation, dâalignement stratĂ©gique et de reddition de comptes,
indicateurs de suivi) » qui doivent contribuer à aligner les objectifs et le
fonctionnement des différents paliers du systÚme éducatif avec une focalisation
sur les rĂ©sultats « Ă viser aux diffĂ©rents niveaux dâaction du systĂšme » (Maroy et
17
al., 2013, p. 1). Pour Maroy, « il sâagit lĂ dâune version quĂ©bĂ©coise dâune obligation
de rĂ©sultat (Lessard et Meirieu, 2004) oĂč de nouveaux modes de rĂ©gulation se
superposent à des régulations existantes de nature bureaucratique ou
professionnelle » (Maroy, 2008, cité par Maroy et al., 2013, p. 33). Le jeu de
pouvoir entre les acteurs lors de la formulation du projet de loi 124 a été favorable
aux acteurs autres que lâĂtat qui ont ainsi pu faire modifier le projet de loi dĂ©posĂ©
par le MEQ. Leur union faisant défaut lors du processus de formulation du PL 88,
câest lâĂtat qui arrivera Ă imposer la contractualisation et lâalignement stratĂ©gique
(Maroy et al., 2013). La recentralisation réussie avec le PL 88 sera consolidée
avec le PL 105. La section suivante prĂ©sente la phase de la mise en Ćuvre de la
GAR dans les Ă©tablissements.
1.3. Les effets de lâimplantation de la GAR
La mise en Ćuvre de la GAR entraĂźne des changements majeurs concernant le
pilotage et la rĂ©gulation, mais Ă©galement dâautres portant sur la responsabilitĂ© et
les pratiques des acteurs du systÚme éducatif. Les sections suivantes présentent
les changements induits, les reprĂ©sentations et le vĂ©cu quâen ont les enseignants
et les directeurs dâĂ©tablissement.
1.3.1. Les changements portant sur le pilotage du systĂšme Ă©ducatif
Les orientations et les outils mis en place avec les PL 124 et 88 ont permis de
reconfigurer le pilotage du systÚme éducatif autour de la planification stratégique
(centralisation) et de la contractualisation (lâimputabilitĂ©, la reddition des comptes).
Selon Brassard (2013, p. 144), « la GAR repose sur deux mécanismes, la
planification stratĂ©gique et la contractualisation, le second venant contribuer Ă
cibler plus prĂ©cisĂ©ment les rĂ©sultats recherchĂ©s et mettant lâaccent sur leur
atteinte. » Le projet de loi 88 consacre le retour à un contrÎle fort des institutions
du réseau scolaire à travers la planification descendante et la contractualisation. Il
s'agit alors pour certains auteurs d'un « dispositif d'alignement stratégique, une
approche âtop-downâ qui suppose un ordre chronologique d'entrĂ©e en scĂšne des
18
différents acteurs impliqués : le MELS, la commission scolaire et l'établissement »
(Brassard et al., 2013). Cette normalisation permet au MELS d'orienter et de
contrÎler davantage les priorités des CS et des établissements aux dépens de la
dĂ©centralisation et de lâautonomie. De nombreux auteurs n'approuvent pas ce
contrĂŽle. C'est le cas, par exemple, de Collerette (2010) pour qui le maintien dâune
mentalitĂ© de contrĂŽle sur les moyens et les processus, ou lâuniformisation des
moyens et des processus constituent des freins Ă lâimplantation effective de la
GAR.
Cette approche dâalignement stratĂ©gique pose Ă©galement la question de la
cohĂ©rence des rĂ©formes si lâon considĂšre que le PL 88 consacre une
recentralisation des pouvoirs (Maroy et al., 2013) alors que dans les années 90
les rĂ©formes Ă©taient orientĂ©es vers la dĂ©centralisation des pouvoirs et lâautonomie
des Ă©tablissements scolaires et des acteurs (Levasseur, 2006). Ă ce propos,
lâarticle 74 de la Loi sur lâinstruction publique (LIP) donne au conseil
dâĂ©tablissement la responsabilitĂ© de dĂ©terminer les orientations et les objectifs de
lâĂ©cole. Cette orientation avait Ă©tĂ© confirmĂ©e par le PL 124 qui donnait aux
commissions scolaires et aux Ă©coles lâindĂ©pendance dans leur planification
stratĂ©gique. Le dispositif dâalignement stratĂ©gique se matĂ©rialise dans la mise en
Ćuvre Ă travers la contractualisation.
La contractualisation permet de formaliser la responsabilité administrative des CS
et des Ă©coles envers lâĂ©chelon supĂ©rieur. En effet, lâĂ©valuation de la performance
des acteurs passe par la dĂ©finition dâobjectifs mesurables et lâidentification
dâindicateurs de performance et de cibles qui feront lâobjet de mesures obtenues
Ă lâaide des outils dâĂ©valuation ministĂ©rielle. Lessard, Kamanzi et Larochelle (2008,
p. 94) notent que « ces politiques se sont matérialisées par des indicateurs de
performance, dâefficacitĂ© et de rĂ©ussite ». Ainsi, les CP et les CGRĂ permettent
de dĂ©finir explicitement les rĂ©sultats sur lesquels les acteurs sâengagent. Ă ce
propos, Tavenas (2003) pose le problÚme de la sélection des indicateurs qui
souvent seraient plutÎt choisis davantage pour leur disponibilité que pour leur
pertinence. Pour Larouche (2011), la contractualisation pose de nombreuses
19
questions dont celles de la responsabilitĂ© du suivi, de la rĂ©gulation, de lâarbitrage
des diffĂ©rends, de lâautonomie des Ă©tablissements et des acteurs, dans le cadre
de la mise en Ćuvre des conventions. Ces documents contractuels servent
Ă©galement de support Ă lâĂ©valuation et Ă la reddition de comptes.
Le pilotage du systĂšme Ă©ducatif a donc connu un changement important aussi bien
dans ses orientations que dans ses mécanismes et ses outils de gestion et de
rĂ©gulation. On se situe dans une forme dâhybridation entre une rĂ©gulation
« horizontale » et une régulation « verticale » (Lessard, 2006). Cependant, la
politique de la GAR semble faire primer la « logique de régulation et de reddition
de comptes verticale » sur la logique « horizontale » (Maroy et al., 2013). Le
PL 105 (2016) confirme cette orientation en renforçant le pouvoir du ministre et
des CS et en consolidant lâalignement stratĂ©gique. En revanche, il simplifie les
modalitĂ©s de mise en Ćuvre avec le document unique (Plan dâengagement vers
la réussite pour le CS et le projet éducatif pour les établissements) qui fusionne
les contenus des nombreux documents en vigueur précédemment. Ces
changements dans la gestion et le pilotage ne sont pas sans effets sur les
conditions de travail et les pratiques des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement qui sont appelĂ©s Ă sâapproprier les outils et la culture de la GAR
pour son application (Annan, 2011; Robinson, 2011).
1.3.2. Les changements impactés sur les conditions de travail des
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
Les changements évoqués précédemment concernant le pilotage et la régulation
du systĂšme Ă©ducatif entraĂźnent des modifications dans les conditions de travail
des enseignants et des gestionnaires. Dâabord, lâintensification du travail des
enseignants et des gestionnaires notĂ©e, dĂ©coulerait de lâobjectif dâatteindre
lâefficience prĂ©sent dans les politiques de GAR. Lessard, et al., 2008, p. 94)
relĂšvent quâ« en resserrant le financement de lâĂ©ducation Ă des fins dâefficience et
non dâĂ©quitĂ©, elles ont propagĂ© le discours du âfaire plus avec moinsâ et valorisĂ©
une approche de lâadministration inspirĂ©e du secteur privĂ© (âNew Public
20
Managementâ). » Cette intensification du travail scolaire varie par rapport Ă la
fonction, aux types de tùches réalisées et au vécu des différents acteurs. Ainsi, les
directeurs ressentent plus fortement que les enseignants lâintensification de leur
tĂąche (Lessard, et al., 2008, p. 103). En effet, les directeurs (gestionnaires) se
trouvent mieux valorisés et adhÚrent donc davantage aux nouvelles pratiques
prescrites alors que les enseignants perçoivent plutÎt une dévalorisation (plus de
travail et dâĂ©valuation) et seraient donc plutĂŽt rĂ©ticents face aux politiques de GAR.
MalgrĂ© ces vĂ©cus diffĂ©rents de lâintensification du travail, aussi bien les
enseignants que les gestionnaires ont modifié leurs pratiques (Lessard, et
al., 2008).
Par ailleurs, il se développe de nouvelles formes de relations de travail comme
lâimputabilitĂ© et la collaboration (Lessard et al., 2009). Pour les enseignants, la
reddition de comptes accrue serait porteuse de plus dâautonomie, mais Ă©galement
de plus de contrÎle (Veltz, 1999, cité par Lessard, et al., 2008).
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es Baluteau (2009/2, p. 172) affirme que le travail des
directeurs dâĂ©tablissement repose sur une variabilitĂ© des rĂ©gimes dâaction, mĂȘme
sâils sont censĂ©s sâinscrire dans le management participatif. Baluteau (2009/2,
p. 172) identifie ainsi trois rĂ©gimes dâaction qui sont :
Lâincitation quand il faut convaincre (faire adhĂ©rer, problĂ©matiser, informer
et évaluer, décider collectivement, etc.);
Lâimposition quand il faut commander (commander, sâopposer, agir seul,
négocier, etc.); et
Lâaccompagnement quand il faut soutenir (stimuler, encourager, faciliter,
etc.).
Pour Spillane et Anderson (2013) « les relations entre les orientations
gouvernementales et les pratiques pédagogiques » ont connu un changement
dans la mesure oĂč « enseignants et dirigeants scolaires se rĂ©fĂšrent Ă la politique
21
lors de prises de dĂ©cisions sur lâenseignement », cependant les effets des
politiques sur les pratiques restent encore faibles dans les Ă©coles aux Ătats-Unis.
Aux Ătats-Unis la loi No Child Left Behind prĂ©sente lâavantage de mettre en avant
les questions de justice sociale et dâĂ©quitĂ©, cependant elle vient avec des
méthodes qui favorisent le stress et les risques de réponses rigides au niveau des
acteurs (Daly, 2009). Pour ce dernier, les menaces et les réponses rigides tendent
à contraindre la prise de décisions accroissant ainsi le stress et limitant les options
et le flot des informations (Daly, 2009). Pour « atténuer les effets organisationnels
de la menace perçue », Daly (2009) propose la confiance et le leadership
participatif et inclusif qui prédisent selon les résultats de son étude de moindres
niveaux de réponses rigides aux menaces chez les administrateurs et les
enseignants. Pour lui, la confiance peut favoriser des initiatives des acteurs allant
dans le sens de la « construction de la capacité organisationnelle » (Daly, 2009).
Dans le mĂȘme sens, Allodi et Fishbein reconnaissent que le travail enseignant a
connu une plus grande bureaucratisation avec les politiques de GAR : « A core
element of NPM is the assessment of individual and organisational performance
through standards, indicators, measurement and control systems. These
tendencies affect the work of teachers, with increased formalisation and more
bureaucratic routines » (Allodi, Fishbein, 2009, p. 377).
Il ressort que les changements introduits par la mise en Ćuvre de la politique de
GAR en Ă©ducation sur le pilotage du systĂšme et les conditions de travail des
acteurs sont de nature contraignante (Allodi, Fishbein, 2009; Daly, 2009; Lessard,
et al., 2008, 2009) et nécessitent une réelle adaptation et une appropriation de la
part des acteurs individuels. Le passage de lâĂ©valuation des moyens Ă celui des
résultats, la recentralisation aprÚs le mouvement de décentralisation, la
contractualisation et le dĂ©veloppement de lâĂ©valuation externe sont des
changements majeurs qui appellent un changement de culture. Pourtant, cette
dimension semble avoir Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©e dans lâimplantation de la GAR (Emery, 2005).
La légitimité et la pertinence des changements sont également remises en
question par de nombreux acteurs qui peinent encore Ă sâadapter Ă leur
22
responsabilisation. Dans ces conditions, on peut se demander si les acteurs se
sont réellement approprié la GAR et si les changements prescrits
sâopĂ©rationnalisent dans le travail quotidien des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement. Lâampleur de la nature et des contenus de la rĂ©forme,
comparativement Ă lâabsence de mesures importantes qui auraient pu ĂȘtre
accordĂ©es Ă la formation prĂ©alable des acteurs, permet de sâinterroger Ă propos
de la place donnĂ©e aux acteurs et Ă leurs opinions lors de lâimplantation de la GAR.
Dans la section suivante, les opinions et les perceptions des acteurs et la
nĂ©cessitĂ© de leur adhĂ©sion pour la mise en Ćuvre de la GAR seront prĂ©sentĂ©es.
1.4. Les rĂŽles des acteurs dans lâimplantation de la GAR en Ă©ducation
Les opinions et les perceptions des acteurs du systĂšme Ă©ducatif sur la GAR ont
fait lâobjet de peu dâinvestigations alors que de nombreux auteurs sâaccordent sur
la nĂ©cessitĂ© de la cohĂ©rence hiĂ©rarchique pour une mise en Ćuvre efficace de ce
mode de gestion (Lessard et al., 2008, 2009; Maroy et al., 2013; Martin et
Jobin, 2004; Muller, 2000; Ozga, 2009). LâeffectivitĂ© des changements prescrits
passe aussi par lâappropriation des principes et des outils mis en place dans les
PL 124, 88 et 105 par les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement (acteurs
opérationnels). Pour Lessard, et al., (2008, p. 97), les « croyances peuvent
anticiper le succĂšs si elles se dĂ©clarent sous forme dâaspirations, dâespoir, de
rĂȘves et de vision positive de lâavenir. Ă lâopposĂ©, elles peuvent prĂ©sager de
lâĂ©chec si elles rĂ©vĂšlent pessimisme, doute et mĂ©fiance par rapport aux rĂ©sultats
attendus. »
Turcotte et Bastien (s.d.) préconisent un soutien « formatif » et « informatif » aux
acteurs pour lâappropriation des « modĂšles dâaction planifiĂ©s » instituĂ©s par la
GAR. Ils affirment quâ« au-delĂ dâune rĂ©gulation organisationnelle qui appelle Ă la
planification pour soutenir et orienter la participation instituée », le soutien « offert
aux diffĂ©rents acteurs des milieux dans le but de faciliter lâappropriation de ces
modĂšles dâactions planifiĂ©es » participe Ă la rĂ©gulation (p. 9). Lâopinion des acteurs
de premiĂšre ligne doit aussi ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans la dĂ©finition des objectifs et des
23
cibles de performances (Bourgault, 2004; Emery et al., 2008) de mĂȘme que dans
la mesure et lâĂ©valuation des politiques publiques.
Martin et Jobin (2004) considÚrent que la légitimité perçue autant par les employés
que par les gestionnaires, la fonctionnalité, la stabilité ou la continuité à travers le
temps, lâuniformitĂ©, la parcimonie, ainsi que lâinsertion dans un cadre gĂ©nĂ©ral de
gestion sont autant de caractéristiques importantes des mesures de résultats.
Martin et Jobin incluent la perception des acteurs dans la synthĂšse des
caractéristiques idéales des mesures de résultats dans la fonction publique
quâelles proposent Ă partir des travaux de nombreux autres auteurs. Elles
dĂ©clarent aussi que « les mesures doivent ĂȘtre transparentes, peu coĂ»teuses et
ne pas trop alourdir la tùche des gestionnaires lors de leur élaboration » (Martin et
Jobin, 2004, p. 321).
Pour Emery (2005), le modĂšle europĂ©en dâĂ©valuation de lâaction publique
[Common Assessment Framework (CAF)] propose de « mesurer la satisfaction du
personnel Ă travers des enquĂȘtes ad hoc (perception) concernant lâorganisation,
le management, les conditions de travail, la motivation et le développement »; et
dâanalyser les « indicateurs objectifs de satisfaction du personnel (absentĂ©isme,
turnover), productivité, développement réel des compétences, implication
objective du personnel » (Emery, 2005, p. 5). Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Gow
estime que lâadhĂ©sion et la collaboration des fonctionnaires constituent lâune des
conditions essentielles pour la rĂ©ussite dâune rĂ©forme. Il affirme quâune rĂ©forme
inspirée par la volonté de changement et impulsée par un catalyseur « doit obtenir
la collaboration d'une bonne partie sinon de tous les fonctionnaires et elle doit ou
bien avoir des appuis dans les milieux environnants ou bien apporter une
adaptation aux conditions qui prévalent dans ce milieu » (Gow, 1984, p. 56).
24
1.5. Les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements
sur la GAR
Les textes relatifs aux opinions et aux perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement restent rares. NĂ©anmoins, quelques documents
identifiĂ©s prĂ©sentent des Ă©lĂ©ments pertinents qui font lâobjet dâune synthĂšse
thématique dans cette section. Les points de vue seront présentés en termes de
pertinence de la GAR, de sa mise en Ćuvre, de son appropriation par les acteurs
et des perspectives Ă lui tracer. Les gestionnaires sont favorables Ă lâimplantation
de la GAR en Ă©ducation : ils ont participĂ© Ă lâimplantation de la GAR dans les
Ă©tablissements scolaires. Selon Lessard, et al. (2008), les directeurs
dâĂ©tablissement perçoivent majoritairement des effets positifs des nouvelles
politiques sur le fonctionnement et la mission de lâĂ©cole du fait de lâidĂ©ologie
professionnelle qui renvoie Ă
Un ensemble complexe dâidĂ©es et de croyances Ă propos du travail effectuĂ© par un groupe et de la situation de ce dernier au sein du monde du travail et de la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral. Elle est partagĂ©e par le groupe professionnel; elle constitue un Ă©lĂ©ment identitaire significatif ; elle est construite par le groupe dans ses rapports avec dâautres groupes et est transmise aux membres par un processus de socialisation ; elle a une dimension normative, vĂ©hiculant une vision idĂ©ale du travail qui sert de justification aux revendications du groupe ou de fondement Ă la rĂ©sistance Ă des Ă©volutions perçues comme contraires aux valeurs et aux intĂ©rĂȘts du groupe. En ce sens, lâidĂ©ologie professionnelle est une rĂ©fĂ©rence, un outil symbolique que les acteurs peuvent utiliser en fonction de lâĂ©volution de la situation afin dây maintenir ou dây amĂ©liorer leur position (Lessard et al., 2008, p. 96).
Cette idéologie professionnelle favoriserait cette perception positive sur les
politiques Ă©ducatives. Les directeurs dâĂ©cole se voient comme des relais de ces
politiques et acceptent mieux les changements quâils induisent dans leur vie
professionnelle, notamment le surplus de travail engendré (Ibid.). Par contre, de
nombreux enseignants remettent en cause la pertinence des politiques de GAR
en Ă©ducation. Pour eux, la GAR demeure une approche Ă©conomique qui est
incompatible avec la nature sociale de lâĂ©ducation (CSQ, 2008). Les syndicats
dâenseignants lâont affirmĂ© dans les dĂ©bats qui ont prĂ©cĂ©dĂ© le vote des projets de
loi 124 et 88. Ils proposent une « thĂ©orie de lâaction » diffĂ©rente, essentiellement
orientĂ©e vers la promotion des valeurs centrales Ă lâĂ©ducation comme bien public
25
et vers la mobilisation des personnels éducatifs, facteurs clés de la réussite (Maroy
et al., 2013).
Du point de vue de la mise en Ćuvre et de lâappropriation du changement, les
directeurs dâĂ©tablissement reconnaissent avoir changĂ© leurs pratiques pour
sâadapter aux changements imposĂ©s par la GAR (Ibid.). Les gestionnaires
opérationnels seraient « les porte-étendards des politiques éducatives, premiers
responsables de la mise en Ćuvre et de la gestion du changement quâelles
entraĂźnent » (Ibid., p. 102). Lâimplantation de la politique de GAR Ă travers les
PL 124 et 88 correspond pour les enseignants Ă la mise en place des
« instruments qui dĂ©naturent les finalitĂ©s de lâĂ©ducation et contredisent les valeurs
au cĆur de lâinstitution scolaire » (Maroy et al., 2013, p. 86). En consĂ©quence, les
enseignants proposent la rĂ©affirmation de lâĂ©ducation comme prioritĂ© nationale Ă
travers lâintervention de lâĂtat et le « raffermissement » du palier intermĂ©diaire
(commission scolaire, institution garante du bien public), un meilleur contrĂŽle des
moyens publics, le rejet de toute obligation de rĂ©sultat au niveau de lâĂ©tablissement
au profit de la fourniture de moyens et de soutien au personnel de « premiÚre
ligne », la légitimation des instances de démocratie scolaire et, enfin, la création
dâun ombudsman pour amĂ©liorer la transparence des CS (Maroy et al., 2013). Par
ailleurs, les enseignants dĂ©noncent lâintensification de leur charge de travail
engendrĂ©e par la mise en place de la GAR qui ne leur permettrait mĂȘme pas de
trouver le temps de faire le perfectionnement professionnel pour la mise en Ćuvre
des nouvelles pratiques prescrites (Lessard, al., 2008).
Enfin, en termes de perspectives, les directeurs sont plus nombreux que les
enseignants Ă affirmer que les nouvelles politiques auront des effets positifs sur
divers aspects du systĂšme Ă©ducatif (Ibid.). En somme, lâidĂ©ologie professionnelle
prĂ©dispose les directeurs dâĂ©cole Ă avoir une perception positive des politiques
éducatives, y compris la GAR. Les enseignants, de leur cÎté, adhÚrent à la visée
de réussite du plus grand nombre, mais pas aux stratégies et aux moyens mis en
place par la GAR. En effet, « le personnel de lâĂ©ducation est dĂ©jĂ disposĂ© Ă
consacrer ses compĂ©tences et ses efforts Ă lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite »
26
(CSQ, 2002 citĂ© par Maroy et al., 2013, p. 181). Par contre, lâappropriation des
changements sâavĂšre plus difficile, car la professionnalisation tournĂ©e vers
l'intensification du travail enseignant est vécue comme une ambiguïté entre
lâautonomie et le contrĂŽle accru (Lessard, al., 2008). Cela se comprend dâautant
plus que les enseignants anticipent un Ă©chec des politiques de GAR. Pour eux,
« les actions proposĂ©es par le gouvernement risqueraient ainsi dâavoir un effet
contraire Ă lâamĂ©lioration recherchĂ©e » (Maroy et al., 2013, p. 86). La majoritĂ© des
enseignants affirment que les nouvelles politiques Ă©ducatives auront des effets
négatifs sur divers aspects du systÚme éducatif (Lessard et al., 2008).
Les opinions et les perceptions des enseignants sur la GAR sont plutÎt négatives
et vont dans le sens dâune remise en cause de la pertinence, des modalitĂ©s de
mise en Ćuvre et des effets positifs de la GAR sur le systĂšme Ă©ducatif. Cette
opposition Ă la GAR est dâautant plus forte que les enseignants reprochent aux
administrations scolaires de ne retenir du secteur privé que les contrats de
prestation, alors quâils sont combinĂ©s Ă des stratĂ©gies dâinnovation participative
dans les organisations innovantes.
Il apparaĂźt dĂšs lors que la perception des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement concernant la GAR est diffĂ©rente. Les perceptions des acteurs
semblent pouvoir se rĂ©sumer Ă deux tendances nettes, ceux qui sont favorables Ă
la GAR en éducation et ceux qui y sont opposés. Cette opposition est qualifiée de
choc des valeurs par Meirieu (2004). Pour ce dernier, lâopposition entre une
approche de gestion axée sur les résultats, perçue comme étant à connotation
Ă©conomique et visant lâefficacitĂ© de production et une vision plus Ă©cologique de
lâĂ©cole, considĂ©rĂ©e comme un milieu de vie destinĂ© Ă lâĂ©panouissement des
individus et des collectivitĂ©s sâavĂšre une source de tensions (Meirieu, 2004). De
Landsheere (1994) abonde dans le mĂȘme sens en relevant quâil existe une tension
idĂ©ologique forte entre ceux qui estiment que lâĂ©cole est une institution chargĂ©e de
fournir Ă la sociĂ©tĂ© ce dont elle a besoin, et sâil le faut en faisant violence Ă ses
usagers, et ceux qui considĂšrent quâelle doit rĂ©pondre aux besoins des Ă©lĂšves.
27
Pour le mĂȘme auteur, cette tension est due aux divergences des valeurs et des
intĂ©rĂȘts des acteurs.
Lâimportance accordĂ©e aux opinions, aux perceptions et au rĂŽle des acteurs dans
lâimplantation des politiques publiques et dans la mise en Ćuvre du changement
est largement affirmĂ©e par certains auteurs comme il vient d'ĂȘtre dĂ©montrĂ©
précédemment. Il apparaßt également que les évaluations de la GAR en éducation
ne sont pas encore trĂšs nombreuses et quâelles sâadressent essentiellement aux
acteurs stratégiques ou aux entrepreneurs des politiques. Par ailleurs, les
analyses des politiques de GAR se font sous lâangle de lâĂtat qui a tendance Ă
mettre de lâavant les impĂ©ratifs de rĂ©duction des dĂ©penses publiques
(Fortier, 2010).
Il vient dâĂȘtre montrĂ© que la politique de GAR a Ă©tĂ© implantĂ©e en Ă©ducation avec
les PL 124, 88 et 105 qui ont apporté des ruptures dans le pilotage du systÚme
scolaire et les conditions de travail des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement. En effet, la planification stratĂ©gique, la contractualisation,
lâalignement stratĂ©gique, la reddition de comptes sont constitutifs dâune nouvelle
culture dont lâappropriation par les acteurs est loin dâĂȘtre Ă©vidente; cela dâautant
plus que le processus de mise en Ćuvre du changement ne prĂ©voit pas dâactions
importantes dans ce sens. Il apparaĂźt pourtant que la logique Ă©conomique qui
sous-tend la GAR est Ă©trangĂšre Ă la culture de lâĂ©cole qui a Ă©tĂ© surtout marquĂ©e
par une orientation humaniste ou Ă©cologique dans ses orientations et politiques
précédentes. Ce qui entraßne un choc des valeurs (Meirieu, 2004, Tochon, 2010).
DÚs lors, le contenu de la politique de GAR et la pertinence des stratégies de mise
en Ćuvre du changement adoptĂ© peuvent ĂȘtre questionnĂ©s au mĂȘme titre que
lâappropriation des changements par les acteurs. Le problĂšme qui motive cette
recherche concerne les représentations et le vécu des enseignants et des
gestionnaires opĂ©rationnels dans lâimplantation des politiques Ă©ducatives. Cela
dâautant plus que lâobjectif de la rĂ©forme est la rĂ©ussite de tous Ă la fin du
secondaire et que la rĂ©ussite de toute action publique passe par la mise Ćuvre
effective des prescriptions sur le terrain par les acteurs de premiĂšre ligne. Cette
28
Ă©tude analyse la GAR en Ă©ducation Ă travers les opinions sur la GAR et les
perceptions de ses effets sur les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement.
1.6. La question de recherche
La problématique de la représentation et du vécu des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur lâimplantation de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif
du QuĂ©bec dĂ©veloppĂ©e ci-devant justifie lâanalyse des opinions et des perceptions
de ces acteurs de la pertinence et des effets de la politique sur les Ă©tablissements.
Dans ce sens, la question suivante mériterait une ou des réponses :
Quelles sont les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement du QuĂ©bec sur lâimplantation de la gestion
axée sur les résultats dans le systÚme éducatif?
Cette question générale peut se décliner en différentes questions spécifiques :
1) Quelles sont les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation au regard de la réussite des élÚves des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement?
2) Quels sont les déterminants des opinions de la GAR des enseignants
et des directeurs dâĂ©tablissement?
3) Quelles sont les divergences et les convergences dans les opinions de la
GAR et les perceptions des effets de son implantation entre les enseignants
et les directeurs dâĂ©tablissement?
1.7. Les objectifs de recherche
Lâobjectif gĂ©nĂ©ral de la recherche consiste Ă analyser les opinions de la GAR et
les perceptions des effets de son implantation dans le systÚme éducatif du Québec
des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement.
29
Les objectifs spĂ©cifiques de lâĂ©tude sont les suivants :
1) DĂ©crire les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation dans le systÚme éducatif au regard de la réussite du plus
grand nombre dâĂ©lĂšves des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement.
2) Identifier les liens et leur force entre les opinions de la GAR et les
perceptions des effets de son implantation des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement.
3) Comparer les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement et leurs
liens.
1.8. La pertinence de la recherche
Cette Ă©tude vise Ă analyser la GAR et ses effets en Ă©ducation sous lâangle des
opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement. Il
ne sera pas question dâĂ©valuer la politique de GAR, mĂȘme si certains points de
vue pourraient aller dans le sens de faire son procĂšs ou son Ă©loge. Lâanalyse
permettra de préciser les représentations et le vécu des enseignants et des
gestionnaires de lâimplantation de la GAR dans leur Ă©tablissement. Les opinions
recueillies auprĂšs des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement porteront sur
la pertinence des principes, des outils, des stratĂ©gies dâimplantation et des
perspectives Ă donner de la GAR au regard de lâobjectif de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
Les effets perçus par ces acteurs sur leur travail, leurs rÎles et responsabilités
ainsi que lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement seront Ă©galement abordĂ©s. Ces opinions
et perceptions permettront dâanalyser la cohĂ©rence hiĂ©rarchique et lâefficacitĂ© de
la GAR dans les Ă©tablissements dâenseignement.
1.8.1. Pertinence scientifique
LâĂ©tude trouve sa pertinence scientifique Ă deux niveaux. Dâabord, elle permettra
de connaĂźtre les opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs
30
dâĂ©tablissement sur la GAR ainsi que ses effets en Ă©ducation. Comme lâa montrĂ©
Emery (2005), les points de vue et les perceptions des acteurs de premiĂšre ligne
restent jusque-lĂ trĂšs peu connus, dâautant plus que mĂȘme lors des Ă©valuations
des politiques de GAR, ce sont les acteurs politiques et les cadres administratifs
qui ont été interrogés. La connaissance des points de vue des acteurs au niveau
opĂ©rationnel permettra de voir sâil y a convergence ou divergence Ă trois niveaux,
soit la pertinence de la GAR (principes, outils et stratĂ©gies), lâefficacitĂ© de sa mise
en Ćuvre (effets) et ses perspectives (avenir). Toutes choses qui permettront de
mieux comprendre lâimplantation de la GAR en Ă©ducation, notamment dans la
dimension des enjeux, des tensions gĂ©nĂ©rĂ©es et des zones dâaction potentielles
dans les réformes des politiques. Cette explication ira aussi dans le sens
dâidentifier des liens entre les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement. Ainsi, les liens entre les perceptions liĂ©es aux idĂ©es,
aux intĂ©rĂȘts et aux institutions et les opinions des acteurs individuels de la GAR
seraient mieux documentés.
Une telle contribution Ă lâaccroissement des connaissances sur lâaction publique
en éducation est sollicitée ou suggérée par de nombreux chercheurs qui ont
identifié des problématiques se rapportant à la place des acteurs dans les
réformes des politiques publiques et à la conduite du changement en éducation.
Pour Stone (1992), les questions de la maniĂšre de rendre compte du changement
institutionnel et la maniÚre de réintroduire la société tout en conservant une
approche néo-institutionnaliste devraient se trouver au centre de l'agenda de
recherche néo-institutionnaliste. « Pour saisir les conséquences effectives des
réformes sur le travail des professionnels, il faut multiplier les investigations
empiriques approfondies, afin de prendre en compte la variété des situations »
(DemaziĂšre, Lessard et Morissette, 2013, p. 9). LâĂ©tude permettra de confirmer,
dâinfirmer ou de nuancer les rĂ©sultats des Ă©tudes antĂ©rieures Ă©voquĂ©es dans le
texte et portant sur lâidĂ©ologie professionnelle, le choc des valeurs, les effets des
politiques issues du NMP sur les acteurs et la gestion publique et le rĂŽle des
acteurs.
31
1.8.2. Pertinence sociale
Au plan social, les rĂ©sultats de lâĂ©tude contribueront Ă amĂ©liorer les dĂ©marches et
les approches dâimplantation des rĂ©formes des politiques publiques en Ă©ducation
et dans lâadministration publique en gĂ©nĂ©ral. Les enjeux comme la cohĂ©rence
hiĂ©rarchique et la collaboration, lâapprentissage organisationnel, entre autres sont
des impĂ©ratifs pour atteindre lâefficacitĂ© et lâefficience recherchĂ©es dans les
politiques Ă©ducatives actuelles. DĂšs lors, lâadhĂ©sion et lâengagement des acteurs
pourraient ĂȘtre mieux pris en charge si leurs reprĂ©sentations et vĂ©cus sont connus
et expliquĂ©s. De tels progrĂšs seraient un pas de plus pour lâatteinte des objectifs
de démocratisation qualitative qui a motivé les réformes des années 2000 dans le
systÚme éducatif. La connaissance réciproque des opinions et des perceptions
des acteurs opérationnels pourrait également favoriser la bonne entente et
lâĂ©panouissement professionnel dans le cadre scolaire. Ces choses sont utiles
dans le développement de systÚmes éducatifs de qualité dans un contexte de
démocratisation de la réussite et de concurrence internationale. Pour Knopfel et
Varonne (1999) « l'Ătat se doit d'anticiper les rĂ©actions possibles des groupes
cibles visées s'il souhaite modifier leur comportement avec une certaine
prévisibilité ».
Dans ce chapitre, le processus de mise en place de la rĂ©forme qui a conduit Ă
lâimplantation de la GAR dans les Ă©coles primaires et secondaires comme les
modalités de cette mise en place ont été présentés. Les changements induits par
les projets de loi 124, 88 et 105 qui ont organisĂ© la mise en Ćuvre de la GAR et
induit les changements sur la gestion du systĂšme et sur les acteurs ont Ă©galement
été évoqués. Enfin, la place, le rÎle et les perceptions des enseignants et des
directeurs au sujet des nouvelles politiques éducatives en général et de la GAR
en particulier ont été présentés à partir des études qui évoquent ces aspects. Le
chapitre se termine sur lâesquisse de la recherche envisagĂ©e qui apportera une
réponse à la problématique de la documentation de la représentation et vécu des
acteurs des Ă©tablissements scolaires sur la pertinence et lâefficacitĂ© de la GAR sur
32
la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Le chapitre suivant prĂ©sente le domaine de lâanalyse des
politiques éducatives dans une perspective théorique puis empirique.
33
PremiĂšre partie. La recension des Ă©crits
34
Chapitre 2. Lâanalyse des politiques publiques et
les néo-institutionnalismes
La premiĂšre partie de la thĂšse traite de lâanalyse des politiques publiques dans
une perspective autant thĂ©orique quâempirique. La prĂ©sente recherche consiste en
une analyse des reprĂ©sentations et vĂ©cus de lâimplantation de la politique de
gestion axée sur les résultats dans les écoles primaires et secondaires du Québec
Ă partir des thĂ©ories nĂ©o-institutionnalistes. Lâanalyse portera sur lâimplantation de
la GAR en éducation et sur son potentiel dans la réussite des élÚves. Pour se faire,
les principales problématiques, théories et approches de recherche dans le champ
de lâanalyse des politiques Ă©ducatives sont prĂ©sentĂ©es en deux chapitres.
Le Chapitre deux prĂ©sente dâune part, lâanalyse des politiques publiques dans son
approche séquentielle et ses approches empiriques. Il contribue à situer le type
dâanalyse qui sera effectuĂ©. La premiĂšre section dĂ©crit la mĂ©thodologie de revue
documentaire qui a été utilisée. La section deux évoque les courants (centrés sur
les thĂ©ories de lâĂtat; lâexplication du fonctionnement de lâaction publique et
lâĂ©valuation des effets de lâaction publique) dans lâapproche sĂ©quentielle dâanalyse
des politiques publiques. La derniĂšre section prĂ©sente les approches dâanalyse
des politiques publiques en Ă©ducation (lâapproche administrative ou
fonctionnalisme pragmatique; les approches critiques; lâapproche centrĂ©e sur les
acteurs; lâapproche par lâhistoire et les institutions; et lâapproche comparative).
Dâautre part, les thĂ©ories nĂ©o-institutionnalistes qui orienteront la prĂ©sente analyse
de lâimplantation de la GAR par rapport Ă la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Cette partie
comporte quatre sections qui traitent des caractéristiques générales des théories
néo-institutionnalistes et des variantes de néo-institutionnalismes. Ces derniÚres
aident à définir les variables qui seront étudiées. Pour chaque type de néo-
institutionnalisme, est présentée une théorie spécifique jugée pertinente pour
lâĂ©tude de la problĂ©matique prĂ©sentĂ©e au premier chapitre.
35
2.1. MĂ©thodologie de revue documentaire
La recherche bibliographique a Ă©tĂ© effectuĂ©e essentiellement sur le web Ă lâaide
de trois types dâoutils. Dâabord, les moteurs de recherche grand public (Google) et
spĂ©cialisĂ©s (Google Scholar, Copernic) ont permis dâexplorer les Ă©crits dans le
domaine des politiques publiques. Ensuite les outils de recherche de la
bibliothĂšque de lâUniversitĂ© Laval et les bases de donnĂ©es spĂ©cialisĂ©es (ERIC,
Education full text, Ărudit, PersĂ©e) ont Ă©tĂ© consultĂ©s pour trouver des Ă©crits
spĂ©cifiques Ă lâanalyse des politiques Ă©ducatives. Enfin, les sites web des revues
scientifiques (SAGE, Cairn.info, Taylor et Francis, etc.) ont permis dâaller chercher
les textes complémentaires.
Les mots et combinaisons de mots clĂ©s ont servi Ă rĂ©aliser plusieurs requĂȘtes. Ă
chaque fois les résultats pertinents étaient ajoutés sur Zotero. Ci-aprÚs, quelques
exemples de combinaisons mots clé utilisés.
Analyse de politiques publiques (policy analysis)
Analyse de politiques Ă©ducatives (educational policy)
Gestion axée sur les résultats (result based management)
Accountability policy
Point de vue des enseignants sur la GAR (teachers perceptions
Accountability policy)
Point de vue des directeurs dâĂ©coles sur la GAR (principals perceptions
Accountability policy)
En plus des mots clĂ©s, dâautres dĂ©terminants comme lâordre dâenseignement
(primaire et secondaire), le type dâacteurs (enseignants et directeurs), lâanciennetĂ©
des textes (Ă partir de 2000), lâobjet des recherches (opinions, perceptions, point
de vue), et la localisation de la recherche (QuĂ©bec, Canada, Ătats-Unis, Nouvelle-
ZĂ©lande, Australie, Royaume-Uni) et la nature des documents (articles de journaux
et rapport de recherche). Les recherches provenant des pays plus avancés dans
lâimplantation de la GAR ont Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©es. Par ailleurs, les textes datant des 20
36
derniÚres années ont été privilégiés. Cependant, des textes fondateurs plus
anciens ont été gardés pour leur grande pertinence pour la recherche dans
certains cas.
Les documents Ă©taient collectĂ©s et classĂ©s Ă lâaide du gestionnaire de
bibliographie ZOTERO.
Le protocole de recherche comprenait trois phases :
Dâabord, une requĂȘte avec un ou une combinaison de mots clĂ©s Ă©tait
effectuée sur un outil de recherche;
Ensuite, les résultats étaient systématiquement analysés avec la lecture du
titre, du résumé ou des premiÚres lignes;
Aussi, chaque document pertinent était ajouté dans le répertoire de Zotero
dans le dossier qui porte le nom du mot clé principal;
Enfin, pendant la lecture des documents stockés dans Zotero les textes
dont le contenu ne servait pas le propos étaient supprimés.
La recherche était effectuée en français et en Anglais (traduction libre des mots
clés). La procédure restait similaire dans les deux langues.
2.2. Lâanalyse des politiques publiques ou une approche sĂ©quentielle
Lâanalyse des politiques publiques est une discipline qui prend racine et se
dĂ©veloppe avec la crise de lâĂtat-providence des annĂ©es 1960 et 1970
(Duran, 1996, 2004). Elle a vu le jour aux Ătats-Unis sous le concept de « policy
analysis » de Charles E. Lindblom. Câest ainsi que Duran la considĂšre Ă ses
origines comme « une pensĂ©e de crise » (Draelants et Maroy, 2007). Lâanalyse
des politiques publiques aspire aujourdâhui Ă apporter des rĂ©ponses aux
problĂšmes de lâaction publique en posant les questions sur lâefficacitĂ©, la
dĂ©mocratie et la participation, la constitution de lâespace public, ainsi que les
questions jadis secondaires de légalité et de légitimité dans la conception et la
mise en Ćuvre des politiques publiques (Ibid.). La nouvelle discipline apporte alors
37
des ruptures et des avancées par rapport à la science politique et à sa
traditionnelle analyse juridique. En effet, pour Muller, lâanalyse de lâĂtat Ă partir de
son action constitue une rupture dans la mesure oĂč ce sont les outputs et les
outcomes qui sont analysĂ©s, contrairement Ă lâapproche classique qui prend
comme objet les inputs pour analyser lâaction politique de lâĂtat (Muller et
Surel, 1998, citĂ©s par Draelants et Maroy, 2007). Câest ce qui fait dire Ă Draelants
et Maroy (2007, p.°5) que « lâanalyse des politiques publiques permet ainsi de
sociologiser notre regard sur lâĂtat et de dĂ©passer les approches traditionnelles
davantage juridiques. » La deuxiÚme rupture identifiée par Muller est relative au
doute que lâĂ©tude des politiques publiques jette sur la rationalitĂ© de lâaction
publique (Muller, 2000).
Lâanalyse des politiques publiques est constituĂ©e de trois courants et approches
qui Ă©tudient chacun lâaction des pouvoirs publics sous un angle diffĂ©rent. Selon la
typologie proposée par Knoepfel, Larrue et Varone (2001, cités par Draelants et
Maroy, 2007), le premier courant est centrĂ© sur les thĂ©ories de lâĂtat, le deuxiĂšme
courant sur lâexplication du fonctionnement de lâaction publique et le troisiĂšme
courant sur lâĂ©valuation des effets de lâaction publique.
2.2.1. Le courant centrĂ© sur les thĂ©ories de lâĂtat
Dans le premier courant, les auteurs recherchent lâessence de lâaction publique en
Ă©tudiant les politiques publiques comme des rĂ©vĂ©lateurs de cette essence Ă
travers lâinterrogation et lâinterprĂ©tation du rĂŽle de lâĂtat dans la sociĂ©tĂ©. Lâorigine
de ce courant est européenne (France) et on y retrouve des auteurs comme Jober
et Muller (1987), Meny et Thoening (1989). Ces derniers distinguent trois
« modÚles théoriques » (Meny et Thoening, 1989) :
Le modĂšle de lâĂtat au guichet : la perspective adoptĂ©e est celle de
lâoptimisation des choix collectifs et des bureaucrates. LâĂ©cole du « Public
choice », avec la thĂ©orie de la rationalitĂ© limitĂ©e, sâinscrit dans ce modĂšle;
38
Le modĂšle de lâĂtat en tant quâinstrument au service soit dâune classe
sociale (approche néo-marxiste) soit de groupes spécifiques (approche
néo-managériale) inspirés de la sociologie des organisations : la
perspective adoptĂ©e est celle de lâĂ©tude des intĂ©rĂȘts particuliers (classes
sociales ou autres groupes) et de leurs rapports avec lâaction/lâautonomie
de lâĂtat; et
Le modĂšle de la distribution des pouvoirs et des interactions entre acteurs :
lâanalyse porte sur la reprĂ©sentation et lâorganisation des diffĂ©rents intĂ©rĂȘts
sectoriels ou catégoriels (approche néo-corporatiste), ou sur les
organisations et les rĂšgles institutionnelles qui encadrent ces interactions
(néo-institutionnalisme).
Ce dernier modĂšle dans lequel nous nous inscrivons dans cette recherche se
focalise pour Knoepfel et al., (2001, p. 6, cités par Draelants et Maroy, 2007, p.°7),
« sur les politiques publiques [âŠ] comme un moyen de comprendre la place du
secteur public au sein de la société et son évolution dans le temps°».
2.2.2. Le courant sur lâexplication du fonctionnement de lâaction publique
Le deuxiĂšme courant sâintĂ©resse Ă lâexplication du fonctionnement de lâaction
publique. Le fonctionnement de lâaction publique est Ă©tudiĂ© en vue dâen
comprendre les modes opératoires ou la logique, en identifiant des permanences
et des rĂšgles gĂ©nĂ©rales de lâintervention publique. Ce courant prend racine dans
les réflexions des politologues américains qui cherchaient dans les années 1950
et 1960 comment accroĂźtre lâefficacitĂ© de lâaction publique par la rationalisation de
la décision. Laswell (1951), Simon (1957), Lindblom (1959) et Eastom (1965) sont
des auteurs phare de ce courant. Ce dernier comporte deux écoles de pensée
dont lâune sâintĂ©resse « Ă dĂ©velopper une meilleure connaissance des processus
de formulation et de mise en Ćuvre des politiques publiques » dans une visĂ©e
thĂ©orique (scientifique) et lâautre recherche un savoir mobilisable pour et dans les
processus de formation et de mise en Ćuvre des politiques publiques dans une
visée opératoire (action). Pour Knoepfel et al.°(2001, cités par Draelants et
39
Maroy, 2007, p.°8), «°ce courant centrĂ© sur lâexplication du fonctionnement de
lâaction publique est caractĂ©risĂ© par une volontĂ© de comprendre la complexitĂ© des
processus de décision publique, par un découpage en différentes variables de
lâobjet dâanalyse.°»
2.2.3. Le courant sur lâĂ©valuation des effets de lâaction publique
Le troisiĂšme courant, celui de lâĂ©valuation des effets de lâaction publique, cherche
Ă expliquer les rĂ©sultats et les effets de lâaction publique sur la sociĂ©tĂ© en rĂ©fĂ©rence
aux buts poursuivis, mais également des effets indirects ou indésirables. Pour les
auteurs de ce courant, lâĂ©valuation a une mission de contrĂŽle et dâaide Ă la dĂ©cision
qui doit permettre en tant quâoutil de gestion dâamorcer lâapprentissage
organisationnel. Pour Jacob (2004, cité par Draelants et Maroy, 2007, p. 9),
« lâĂ©valuation cherche Ă identifier dâĂ©ventuels dĂ©calages entre la programmation
lĂ©gislative et la rĂ©alitĂ© de lâexĂ©cution, Ă les expliquer et Ă proposer des mesures
pour pallier les dĂ©ficits de mise en Ćuvre ou les lacunes dans la conception mĂȘme
de la politique publique. »
Les avantages des approches séquentielles résident dans la simplicité du cadre
dâanalyse de lâaction publique avec un minimum dâordre dans la complexitĂ© des
actions et dĂ©cisions quâelle propose et la rupture apportĂ©e avec la substitution des
reprĂ©sentations juridiques de lâaction publique construites par les Ă©lites dirigeantes
par une approche sociologique (Draelants et Maroy, 2007). Cependant, les
approches sĂ©quentielles font lâobjet de nombreuses critiques que Draelants et
Maroy (2007) rĂ©sument en trois points essentiels. Il sâagit :
Du risque de donner une cohérence artificielle à la politique publique du fait
de la vision trop linĂ©aire quâelle offre de lâaction publique;
De la posture thĂ©orique implicitement prĂ©sente dans ce type dâanalyse qui
consiste Ă aborder les politiques sous lâangle de la rĂ©solution de problĂšme;
40
De la minimisation du rĂŽle des acteurs sociaux et de leur contexte puisque
lâinterprĂ©tation se centre sur lâaction de lâĂtat (approche top-down)
(Knoepfel et al., 2001, cités par Draelants et Maroy, 2007, p. 11).
à propos de la posture théorique implicite, Muller et Surel, affirment que les
politiques publiques ne servent pas uniquement à « résoudre » les problÚmes,
« ceux-ci sont ârĂ©solusâ par les acteurs sociaux eux-mĂȘmes Ă travers la mise en
Ćuvre de leurs stratĂ©gies, la gestion de leurs conflits et surtout, Ă travers les
processus dâapprentissage qui marquent tout processus dâaction publique »
(Muller et Surel, 1998, p. 31, cités par Draelants et Maroy, 2007, p. 11).
Dans lâĂ©tude envisagĂ©e, lâapproche visant Ă analyser parallĂšlement les idĂ©es, les
intĂ©rĂȘts et les logiques institutionnelles semble pertinente. Ainsi, la section
suivante prĂ©sente les thĂ©ories nĂ©o-institutionnelles qui permettent dâanalyser la
GAR à travers les opinions et les perceptions des acteurs opérationnels, leurs
intĂ©rĂȘts, leurs institutions, ainsi que leurs idĂ©es.
2.3. Les approches dâanalyse des politiques publiques en Ă©ducation
Ă cĂŽtĂ© des thĂ©ories, diffĂ©rentes approches dâanalyse des politiques Ă©ducatives
existent et peuvent ĂȘtre classĂ©es dans cinq groupes principaux qui se diffĂ©rencient
par « le sens donnĂ© aux politiques Ă©ducatives, la conception de lâarticulation des
politiques et des pratiques et la vision de la nature du travail enseignant » (Lessard
et al., 2008, p. 181).
2.3.1. Lâapproche administrative ou fonctionnalisme pragmatique
Les fonctionnalistes pragmatiques cherchent à définir les principes et les rÚgles
dâune implantation rĂ©ussie des politiques Ă©ducatives Ă travers lâidentification des
mécanismes et les dispositifs qui permettraient la cohérence hiérarchique,
lâunivocitĂ© ainsi que la clartĂ© des politiques et des rĂ©formes au niveau des acteurs.
Leur objectif est « de construire une ingĂ©nierie efficace de lâimplantation des
politiques » (Lessard et al., 2008). Les recherches du courant de lâĂ©cole efficace
41
sâinscrivent dans cette approche et visent Ă identifier « ce quâest une bonne Ă©cole
et un enseignement efficace. » Tous les acteurs et tous les paliers de lâĂ©cole
doivent sâaligner sur les evidence-based politiques et pratiques reconnues comme
exemplaires. Cette forte articulation devrait permettre selon lâapproche du
fonctionnalisme pragmatique de rĂ©duire le « Loose-coupling » et ainsi dâaccroĂźtre
lâefficacitĂ© de lâorganisation. Lâalignement stratĂ©gique et la cohĂ©rence hiĂ©rarchique
revĂȘtent donc une importance majeure : les leaders locaux et les instances
intermédiaires ont un rÎle central à jouer dans ce sens. La réussite des réformes
est influencée par trois facteurs à savoir (Leithwood, Jantz, et Mascall, 1999) :
Les incitatifs et le perfectionnement professionnel;
La perception de la compatibilité des buts personnels et des objectifs de
rĂ©forme (sentiment dâefficacitĂ© personnel); et
La situation de lâenvironnement.
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Huberman et Miles (1992, citĂ©s par Lessard et
al.,°2008), considÚrent que les représentations des enseignants jouent un rÎle
crucial dans les changements de leurs pratiques. Il en dĂ©coule quâil faut que les
réformes soient participatives et dynamiques, mais également que les
rĂ©formateurs soient au fait des processus dâapprentissage des diffĂ©rentes unitĂ©s
organisationnelles (individuel, petit groupe et Ă©cole entiĂšre) (Leithwood et
al., 1999). Les rĂ©seaux dâapprentissages peuvent jouer un rĂŽle important dans
lâimplantation des politiques. Pour Huberman (1995, p. 202), il importe que ces
rĂ©seaux dĂ©bordent une Ă©cole particuliĂšre, quâils regroupent des enseignants
partageant en commun un degrĂ© scolaire ou une matiĂšre et quâils fonctionnent
comme des cycles ouverts et collectifs dâexpĂ©rimentation.
Pour Desimone (2002), la rĂ©ussite dâune rĂ©forme dĂ©pend aussi des attributs de la
politique. Sâinspirant de la thĂ©orie des attributs dâune politique dĂ©veloppĂ©e par
Porter, elle reprend les cinq attributs suivants :
42
La spĂ©cificitĂ© (ou la « prescriptivitĂ© ») : cet attribut rĂ©fĂšre Ă lâextension et Ă
la précision de la politique.
La consistance : cet attribut concerne la cohérence entre les politiques, le
degré de leur renforcement mutuel ou au contraire de leur opposition.
LâautoritĂ© : une politique a du poids, est crĂ©dible et lĂ©gitime lorsquâelle
sâappuie sur une lĂ©gislation, est cohĂ©rente avec des normes sociales,
repose sur le savoir et le soutien dâexperts reconnus et lorsquâelle profite de
la mobilisation engagée de leaders charismatiques.
Le pouvoir : cela renvoie aux incitatifs et aux sanctions associées à la
politique. Il ne suffit pas de convaincre, il faut récompenser la conformité et
sanctionner ce que plusieurs appellent « lâinattention » aux politiques.
La stabilitĂ© : cet attribut rĂ©fĂšre Ă la durĂ©e et attire lâattention sur le degrĂ© de
constance dans le temps des acteurs, des circonstances et des politiques.
(Lessard et al., 2008, p. 162)
Pour Anderson (2005, cité par Lessard et al., 2008), les instances intermédiaires
jouent un rĂŽle central dans la rĂ©ussite dâune rĂ©forme Ă travers leur rĂŽle dans la
construction du sens de la rĂ©forme, dans la conciliation de ses prioritĂ©s Ă lâhistoire
et au contexte du district et dans le «°délicat équilibre entre le soutien et la pression
ou le contrĂŽle des Ă©tablissements°». Lâimportance du capacity-building, la
centration sur lâaccroissement de la rĂ©ussite scolaire, lâĂ©noncĂ© clair et cohĂ©rent
des objectifs, la mise en place des systĂšmes de reddition de comptes et de
dĂ©veloppement professionnel efficaces, lâencouragement dâun leadership partagĂ©
et la collaboration, lâĂ©quilibre viable entre le soutien et le contrĂŽle, etc. sont pour
Anderson (2005, cité par Lessard et al., 2008) des éléments qui contribuent à la
rĂ©ussite de lâimplantation du changement. Le mouvement de lâĂcole efficace
(« school effectiveness ») renvoie à la conviction que la vision de ce qui fait une
bonne Ă©cole commence Ă ĂȘtre claire et que lâamĂ©lioration de lâĂ©cole (« school
improvement ») renvoie aux stratégies pour faire advenir et pérenniser de telles
Ă©coles. Pour Lessard et al. (2008, p. 164), les politiques sont, pour les
43
fonctionnalistes pragmatiques, la capacitĂ© dâaction quâon dĂ©veloppe quand on sait
comment amĂ©liorer lâĂ©cole.
Les principales critiques qui sont adressées aux fonctionnalistes pragmatiques se
résument pour Thrupp (2001, cité par Lessard et al., 2008) à la trop grande
prétention de ce courant de recherche (« over claiming »), à la sous-théorisation
des recherches, et Ă lâincapacitĂ© du mouvement Ă contrĂŽler les usages politiques
« nĂ©o-libĂ©raux » de leurs recherches. Lâoptimisme dont ce courant fait preuve peut
paraĂźtre, Ă certains Ă©gards, naĂŻf dans la mesure oĂč il sâagit dâune approche qui
accepte la forme scolaire prescrite de maniÚre non problématique. Cette vision
positive ne se préoccupe pas du sens profond des changements pour le travail,
lâidentitĂ© et la rĂ©alitĂ© de lâenseignant, ou des implications pour la dĂ©finition et les
visĂ©es du systĂšme dâĂ©ducation privilĂ©giĂ©es. Le changement prescrit est perçu
comme un objectif nécessairement souhaitable et bien pensé. Or, « ce point de
vue est grandement contestĂ©, notamment par les chercheurs dâorientation critique
qui voient dans ces transformations des menaces importantes pour lâavenir du
systÚme éducatif et de la société dans son ensemble » (Lessard et al., 2008).
2.3.2. Les approches critiques
Les auteurs de lâapproche critique appartiennent essentiellement Ă la mouvance
post-marxiste ou post-structuraliste (Lessard et al., 2008). Les auteurs post-
marxistes sont influencés par le « labor process theory » ou « théorie marxiste de
lâĂ©volution du capitalisme en termes de polarisation du monde du travail entre les
mondes de la conception et de lâexĂ©cution, de prolĂ©tarisation, dâintensification et
dâaliĂ©nation du travail » (Reid, 2003). Ces auteurs attirent lâattention sur les
phĂ©nomĂšnes de transformation rĂ©cente du monde du travail sous lâimpulsion de la
mondialisation de lâĂ©conomie quâils jugent inquiĂ©tant. Pour les poststructuralistes,
lâanalyse doit aller au-delĂ de lâĂtat en incluant lâĂ©tude des rĂ©seaux de pouvoir, des
discours et des technologies présents dans systÚme éducatif et ses différents
paliers (Ball, 1994; Popkewitz, 1997) : « lâaccent est mis sur les discours et les
textes qui constituent les institutions et les produits culturels et la référence au
44
travail de Foucault et de Bernstein est explicite » (Lessard et al., 2008, pp. 165-
166).
Les auteurs des approches critiques affirment lâunivocitĂ© des politiques et des
changements dans le sens des Ă©volutions sociales extĂ©rieures Ă lâĂ©cole
(mondialisation, néo-libéralisme, montée du marché et égoïsme des classes
moyennes) qui orientent les réformes actuelles. Pour eux, il importe que les
chercheurs soient engagés et dénoncent les facteurs ou les éléments extérieurs
qui influencent les transformations de lâĂ©cole face auxquelles les acteurs doivent
rĂ©sister. Les approches critiques condamnent lâalignement stratĂ©gique qui, de leur
point de vue, renforce le pouvoir des paliers supĂ©rieurs et les forces extĂ©rieures Ă
lâĂ©cole. Pour eux, la
RĂ©duction du loose coupling est en effet la visĂ©e des politiques actuelles, mais que celle-ci est le propre dâun pouvoir managĂ©rial renforcĂ© pour qui la contrainte imposĂ©e aux enseignants, le faux discours sur le professionnalisme et lâencadrement serrĂ© du travail enseignant ainsi dĂ©professionnalisĂ© correspondent Ă une modification des rapports de force entre les acteurs internes et les acteurs externes de lâinstitution scolaire, ces derniers Ă©tant imbriquĂ©s dans les rapports sociaux dominants (Ătat, marchĂ©, sociĂ©tĂ© civile) (Lessard et al., 2008, p. 182).
Les tenants des approches critiques craignent les dérives réductrices de la vision
fonctionnaliste pragmatique, quâils qualifient de techniciste, dâapolitique, dâanti-
humaniste et de contraire Ă la vocation historique de lâenseignement. Les
approches critiques ont le mérite de mettre en garde contre les dérives potentielles
et les dangers des nouveaux modes de régulation marchande ou trop centrée sur
lâefficacitĂ© administrative. Cependant, il leur est reprochĂ© de ne pas proposer de
solutions de rechange alors que les Ă©volutions actuelles (la mondialisation, la
montĂ©e de lâĂ©conomie du savoir, les aspects de la modernitĂ© avancĂ©e) sont
incontournables pour les Ă©tats dans la mesure oĂč elles sont enracinĂ©es dans des
mouvements sociaux plus vastes (Lessard et al., 2008).
2.3.3. Lâapproche centrĂ©e sur les acteurs
Contrairement aux approches fonctionnalistes pragmatiques et critiques, le sens
des politiques nâest pas univoque pour les approches centrĂ©es sur les acteurs. Les
45
auteurs de ces approches adoptent une perspective qualifiée de « Par le bas »,
socioconstructiviste, symbolique interactionniste, voire sociocognitive. Ils
sâintĂ©ressent Ă lâactivitĂ© de « sensemaking » (Spillane, 1998, 2000) ou la
construction de sens des politiques et des réformes par les acteurs en contexte et
sur leur travail quotidien. Il sâagit alors dâ«°introduire dans lâanalyse la pluralitĂ© du
sens et la prise en compte de ses sources individuelles (les trajectoires et les
identités personnelles et professionnelles), socialement construites (par exemple,
les disciplines, les communautés de pratiques) et incorporées ou pas dans les
stratĂ©gies dâimplantation°» (Lessard et al., 2008, p. 169). Le sens des politiques
est pluriel et il est le fruit de lâappropriation que les acteurs sâen font dans la mise
en Ćuvre sous lâinfluence de leur conception personnelle (Laguardia, Brink et
Wheeler, 2002), des degrés variables du travail collectif de «°sensemaking°»
(Seashore, Febey et Shroeder, 2005), mais aussi de leurs croyances et de leurs
pratiques Ă©tablies (Daniels, 1997). Ainsi, il est, selon cette approche, fondamental
de travailler le sens dâune rĂ©forme avant les outils et les techniques.
Les auteurs prennent aussi en compte une dimension sociocognitive dans leur
analyse. Pour Supovitz et MacGgowan (1996), il est important de prévoir des
stratĂ©gies de retour rĂ©flexif sur lâinterrelation entre les composantes de la rĂ©forme.
Pour DeBray (2005), les perceptions des élÚves, la capacité et la motivation des
enseignants liĂ©es Ă lâenvironnement social influencent la capacitĂ© des enseignants
Ă construire un systĂšme dâaction cohĂ©rent par rapport Ă la politique. Les auteurs
de ces approches tout en Ă©tant soucieux du loose coupling, voient la meilleure
articulation entre les politiques et les pratiques Ă partir du point de vue des acteurs,
des contextes locaux et des communautés de pratiques existantes et à renforcer.
Ils prĂŽnent une plus forte capacitĂ© Ă la base et plus dâempowerment pour une
professionnalisation plus forte des enseignants. Aussi, préconisent-ils un loose
coupling dans le sens bottom-up et non top-down comme les fonctionnalistes
pragmatiques. NĂ©anmoins lâ« empowerment » valorisĂ© et la « capacity building »
développée doivent rester circonscrits par les politiques.
46
Spillane, Reiser et Reimer (2002) ont dĂ©veloppĂ© un cadre thĂ©orique pour lâanalyse
des processus complexes de faire-sens Ă partir dâune revue de la documentation
sur lâimplantation des politiques Ă©ducatives. Les trois auteurs identifient les
structures cognitives des acteurs, leur situation, et les signaux politiques comme
les trois dimensions déterminantes en constante interaction pour le processus de
faire-sens. Ils identifient aussi trois stades :
La cognition individuelle renvoie Ă lâinterprĂ©tation individuelle des acteurs
dâune nouvelle politique, influencĂ©e par leurs connaissances antĂ©rieures,
leurs croyances, et expériences personnelles. Les acteurs possÚdent donc
tous des cadres de référence ou structures cognitives qui délimitent leurs
possibilités interprétatives dont la modification est trÚs difficile. Aussi, les
dimensions affectives liées aux valeurs et aux émotions entrent en compte
dans lâappropriation ou lâadoption dâun changement et occasionneraient un
coĂ»t affectif dans la mesure oĂč il Ă©quivaut Ă une remise en question de
valeurs ou de pratiques existantes.
La cognition situĂ©e renvoie Ă lâinfluence du contexte spĂ©cifique qui en plus
de le complexifier est aussi constitutif du processus de faire-sens. Les
acteurs co-construisent ainsi le sens des politiques Ă travers des
communications formelles ou informelles grĂące Ă lâexistence dâun
processus social ou collectif de « sensemaking » : « Le sens dâune politique
est ainsi appréhendé au travers des visions du monde ou de savoirs tacites
partagés, ou négociés dans un groupe ou une organisation. Les auteurs
ajoutent que les enseignants ont tendance Ă Ă©viter les conflits, ce qui
contribue à renforcer le statu quo. »
Le rĂŽle des reprĂ©sentations renvoie Ă lâinfluence du message ou du design
politique (représentations extérieures) sur le faire-sens des acteurs par
rapport aux initiatives politiques. La difficultĂ© dâimplanter les changements
importants viendrait en grande partie de la difficile restructuration des
systĂšmes de croyances des acteurs qui en est une condition. Concilier le
47
besoin de spĂ©cificitĂ© et le besoin de gĂ©nĂ©ralitĂ© dâune politique est Ă©galement
difficile dâautant plus quâelle affecte le systĂšme global des pratiques.
Pour Spillane, Reiset et Reimer (2002), lâintĂ©rĂȘt principal de lâapproche est
dâinsister sur lâincontournable besoin des acteurs de faire sens des politiques qui
leur sont présentées. Les instances et les leaders intermédiaires peuvent aussi
jouer un rĂŽle important dans le processus de faire-sens. Pour Spillane (2000), une
réforme devrait commencer par un processus de faire-sens des leaders locaux qui
pourront alors produire une « accessibilité cognitive » pour les autres acteurs et
favoriser une application plus souple et flexible, mais Ă©galement plus riche de sens
et plus ouverte au dĂ©veloppement autonome dâactivitĂ©s pertinentes. Cela permet
dâĂ©viter que ces leaders ne rĂ©duisent les rĂ©formes curriculaires dâenvergure Ă des
outils aux dépens de son sens et de sa portée culturelle (Spillane, 1998). Le
directeur dâĂ©cole peut aider les enseignants Ă faire le lien entre les demandes
politiques externes et les besoins internes ou locaux (Spillane et al., 2002). La
combinaison du capital humain (lâengagement, la connaissance, la prĂ©disposition)
et du capital social (le réseautage, par exemple, avec les universités, la
collaboration, le dialogue, la confiance) permet une synergie qui est déterminante
dans la poursuite et la rĂ©ussite dâune rĂ©forme (Spillane et Thompson, 1997, p. 198-
199). Le sensmaking prĂ©sente lâinconvĂ©nient dâĂȘtre trop centrĂ© sur la dimension
cognitive des politiques.
2.3.4. Lâapproche par lâhistoire et les institutions
Les historiens et les néo-institutionnalistes affirment que les réformes ont échoué
du fait de la sous-estimation de lâapproche dialectique (hybridation) dans leur
implantation. Pour eux, enseigner sâavĂšre un mĂ©tier artisanal ou une vocation Ă
faible composante technique ou technologique : il est organisé autour des
conceptions culturelles fortes sur la sociĂ©tĂ©, le savoir et lâautoritĂ© ainsi que sur une
vision de la contribution de lâĂ©cole au progrĂšs des individus comme de la
collectivitĂ©. Les tours de main du mĂ©tier sont de type artisanal et le fruit dâune
socialisation forte des recrues par les anciens au début de la carriÚre, sans oublier
48
la longue observance Ă titre dâĂ©lĂšves dâun professeur (Lortie, 1975 citĂ© par Lessard
et al., 2008). Les historiens pensent que la grammaire de lâĂ©cole est immuable et
que les réformes successives ont échoué à la changer. Seules les innovations
compatibles avec la forme scolaire ont pu ĂȘtre installĂ©es durablement. Les
historiens (Tyack, Cuban, Ravitch) adhĂšrent Ă ce loose coupling par bottom-up en
allant plus loin pour une mĂ©diation crĂ©atrice plus favorable Ă lâĂ©mergence
dâhybrides (Lessard et al., 2008).
Les néo-institutionnalistes sont proches des historiens et donnent des explications
sur les raisons de la persistance de la forme scolaire (dépendance au sentier). En
effet, tout comme les historiens, les néo-institutionnalistes accordent beaucoup
dâimportance au cadre institutionnel et organisationnel de lâaction et aux Ă©lĂ©ments
culturels sur lesquels ce cadre repose. Ces éléments mis en scÚne et en acte
contribuent à la reproduction des cadres. Les néo-institutionnalistes signalent que
plusieurs traits des politiques éducatives contemporaines sont inspirés de
modĂšles de la culture mondiale (Meyer et al., 1997). Les modĂšles Ă©ducatifs
seraient diffusés à travers deux mécanismes : le premier, les organisations
intergouvernementales, telles que les Nations unies et leurs agences; le
deuxiĂšme, les sciences sociales qui traitent de la rationalisation de la conduite
humaine (Meyer 1994). Pour McNeelyâs (1995), les prescriptions des
organisations internationales influencent les politiques Ă©ducatives des pays. Les
Ă©valuations internationales (TIMMS, PISAâŠ) favorisent la mondialisation des
pratiques Ă©ducatives et la culture mondiale de la scolaritĂ© qui sâest dĂ©veloppĂ©e
mĂšne Ă lâhomogĂ©nĂ©itĂ© des systĂšmes Ă©ducatifs (Baker et Le Tendre, 2005).
Certains chercheurs comme Ball (1998) ont incorporé les forces locales dans
lâanalyse de lâhomogĂ©nĂ©isation des systĂšmes Ă©ducatifs. Ball (1998) essaie de
prĂ©senter une vision dâensemble des politiques Ă©ducatives et des interprĂ©tations
de la convergence des systĂšmes Ă©ducatifs dans le monde sans perdre de vue la
traduction locale des politiques « génériques ». Anderson-Levitt (2004) remet en
cause la convergence vers un modÚle unique de scolarité et propose une
perspective multi-niveaux (« une vision double ») permettant dâapprĂ©hender les
49
interactions entre le transnational et le national/local. Dans la mĂȘme perspective,
Robertson (2006) voit, dâune part, lâaction aux Ă©chelles locale, rĂ©gionale, globale
et, dâautre part, lâĂ©mergence de nouveaux acteurs tels que lâorganisation mondiale
du commerce (OMC) qui change les structures de gouvernances Ă partir des
anciennes structures de lâĂ©ducation.
Dans une autre perspective, lâadoption de nouveaux outils conceptuels pour la
recherche en éducation, comme le réseau ou le discours, est proposée pour saisir
la complexité du champ. Dans ce sens, Steiner- Khamsi (2004, p. 212) propose
lâanalyse des rĂ©seaux sociaux pour comprendre le rĂŽle des institutions dans la
dissĂ©mination des politiques Ă©ducatives. Lâanalyse de lâinfluence des forces
globales sur les contextes globaux en signalant leurs relations est réclamée par
Monkman et Baird (2002). Rizvi et Lingard (2009, cités par Resnik, 2013, p. 56)
considĂšrent que pour apprĂ©hender lâĂ©mergence de lâimaginaire social nĂ©olibĂ©ral, il
faudrait prendre en compte des processus globaux complexes qui comprennent
de nouveaux rĂ©seaux ainsi que la communication et lâinteraction transnationale qui
façonnent les stratégies de politiques publiques.
Les historiens qui ont montré la résilience de la forme scolaire tout au long du XXe
siĂšcle sont assez proches dâune vision institutionnaliste des choses qui, par
exemple, estime que le type de gouvernance traditionnelle du systĂšme Ă©ducatif
amĂ©ricain et le niveau de dĂ©centralisation de lâorganisation scolaire obligent les
écoles et leurs agents à constamment se soucier de maintenir leur légitimité dans
leur environnement local, et Ă travailler sans relĂąche Ă conserver la confiance du
public. Cet impératif et ce besoin de légitimité, constitutif de la dimension
institutionnelle des organisations, contribueraient Ă les rendre conformistes sur le
plan des valeurs et des normes, et conservatrices dans leurs façons de faire.
50
2.3.5. Lâapproche comparative
La conception de lâĂ©ducation comparĂ©e est centrĂ©e sur quatre aspects essentiels
(NĂłvoa, 1995) :
LâidĂ©ologie du progrĂšs est reprĂ©sentĂ©e par la formule Ă©ducation =
dĂ©veloppement, câest-Ă -dire par la conviction que lâexpansion et
lâamĂ©lioration des systĂšmes Ă©ducatifs garantissent inĂ©luctablement le
développement socioéconomique;
Le concept de science sâappuie sur le paradigme positiviste des sciences
sociales formées à partir de la deuxiÚme moitié du XIXe siÚcle. Ce
paradigme attribue Ă la science, dans ce cas Ă lâĂ©ducation comparĂ©e, le rĂŽle
dâĂ©tablir des lois gĂ©nĂ©rales concernant le fonctionnement des systĂšmes
éducatifs, tout en légitimant la rhétorique de la rationalisation de
lâenseignement et de lâefficacitĂ© des politiques Ă©ducatives, indiquĂ©e comme
le cĆur de toute lâaction rĂ©formatrice;
LâidĂ©e de lâĂtat-nation qui dĂ©coule de la promotion de la nation comme une
communautĂ© privilĂ©giĂ©e dâanalyse, ce qui implique, en gĂ©nĂ©ral, des Ă©tudes
oĂč lâon cherche Ă souligner surtout les diffĂ©rences et les similitudes entre
deux ou plusieurs pays; et
La définition de la méthode comparative a pour dimension principale la
rhĂ©torique de lâobjectivitĂ© et des mĂ©thodes quantitatives.
Les connaissances produites par lâĂ©ducation comparĂ©e telle quâelle est vulgarisĂ©e
par la plupart des organisations internationales profiteraient surtout aux autorités
nationales, soucieuses de légitimer leurs politiques désignées par le concept de
« positivisme instrumental » qui conduit selon Popkewitz et Pereyra (1994, cités
par Nóvoa, 1994) à des « épistémologies fallacieuses de la recherche
comparative ». Dans cette perspective, lâhypothĂšse dĂ©fendue veut que les
dirigeants nationaux utilisent les expĂ©riences de « lâĂ©tranger » pour lĂ©gitimer les
options adoptĂ©es au plan national, mais sans faire lâeffort dâadaptation au contexte
local. Aussi, « les initiatives constantes, les études et les publications des
51
organisations internationales et des pays qui ont un leadership fort au niveau
mondial jouent un rÎle décisif de normalisation des politiques éducatives
nationales, mettant au point un agenda qui puisse fixer non seulement les priorités,
mais aussi les formes pour poser et évaluer les problÚmes » (Teodoro, 2007,
p. 204).
2.4. Les néo-institutionnalismes
La premiĂšre section porte sur lâhistorique du concept de nĂ©o-institutionnalisme et
la classification de ses courants. La section deux discute du néo-institutionnalisme
du choix rationnel et de la thĂ©orie de lâindividualisme mĂ©thodologique de Boudon.
La section trois présente le néo-institutionnalisme sociologique et les types de
changements institutionnels de Streeck et Thelen, (2005). Enfin la section quatre
parle de lâinstitutionnalisme historique et du rĂ©fĂ©rentiel de Muller
(1995, 2000, 2005).
2.4.1. Les néo-institutionnalismes ou trois théories du changement
Dans lâanalyse des politiques publiques, les courants nĂ©o-institutionnalistes
insistent sur les dimensions dâintĂ©rĂȘts, dâidĂ©es et dâinstitution. Ces trois types de
variables aussi appelés « Trois I » sont mobilisés pour étudier les phénomÚnes
observĂ©s dans lâaction publique (Palier et Surel, 2005). La paternitĂ© du « modĂšle
des trois I » nâest pas connue, mais les rĂ©fĂ©rences aux travaux de Peter Hall sont
fréquentes. Pour Smyrl (2002, p. 42), «°Le passage du modÚle " stato-centré "
(state centered) Ă lâapproche institutionnelle nâa pas ses origines dans la science
politique. Il est plutĂŽt le rĂ©sultat dâemprunts stratĂ©giques auprĂšs de disciplines
voisines, lâĂ©conomie et la sociologie ». Abondant dans le mĂȘme sens, Palier et
Surel (2005) considĂšrent que dans sa recherche dâautonomie, lâanalyse des
politiques publiques sâest rapprochĂ©e dâautres courants des sciences politiques
comme la sociologie de lâaction collective ou les relations internationales. Ainsi,
cette analyse a subi des influences, dont celle des néo-institutionnalismes selon
la classification de Hall et Taylor (1997). Ces nĂ©o-institutionnalismes seraient Ă
52
lâorigine de nouvelles problĂ©matiques dans la mesure oĂč les difficultĂ©s Ă les
intĂ©grer avec lâanalyse sĂ©quentielle sont avĂ©rĂ©es, de mĂȘme que les interrogations
sur leurs différences ou incompatibilités.
La paternité du terme de néo-institutionnalisme est attribuée à March et Olsen qui
lâont utilisĂ© dans leur article en 1984, pour dĂ©signer le mouvement du retour de la
notion dâĂtat dans lâanalyse politique aux Ătats-Unis dans les annĂ©es 1980 et 1990
(Smyrl, 2002; Stone, 1992) : «°Les néo-institutionnalistes définissent
habituellement les institutions de façon large, essentiellement comme des
répertoires de pensée ou de comportements cohérents et de long terme qui
déterminent des résultats politiques°» (Stone, 1992, p. 163).
Pour Hall et Taylor, le nĂ©o-institutionnalisme nâest pas un courant unifiĂ©, mais il est
composé de trois écoles de pensée qui sont l'institutionnalisme historique (IH),
l'institutionnalisme des choix rationnels (ICR) et l'institutionnalisme sociologique
(IS) (Hall et Taylor, 1997). Les approches néo-institutionnelles ont été choisies du
fait de lâimportance croissante de lâinstitution par rapport Ă lâindividu qui est
considĂ©rĂ© comme un simple moyen dâatteindre les rĂ©sultats dans la GAR. Selon
Di Magio et Powell (1997, p. 113), lâ« analyse des institutions connaĂźt un
renouveau dans toutes les sciences sociales ». Dans un tel contexte, les
institutions peuvent ĂȘtre des sources intĂ©ressantes de changement et dâexplication
du changement, dans le cadre de la mise en Ćuvre des politiques publiques :
« Une grande partie de ce qui fait l'originalité du néo-institutionnalisme résulte de
ses représentations implicites des motivations des acteurs, de leurs orientations
face Ă l'action et des contextes dans lesquels ils agissent; images qui constituent
en définitive les rudiments d'une " théorie de l'action " au sens de Parsons » (Di
Magio et Powell, 1997, p. 132). « Le néo-institutionnalisme se fonde, au niveau
micro-analytique, sur ce que nous avons appelé une théorie de l'action pratique°»
(Di Magio et Powell, 1997, p. 141).
53
2.4.2. Le néo-institutionnalisme du choix rationnel
Lâinstitutionnalisme des choix rationnels (ICR) est nĂ© aux Ătats-Unis avec lâĂ©tude
des choix au CongrĂšs. Devant lâincapacitĂ© des postulats classiques de lâĂ©cole des
choix rationnels dâexpliquer la stabilitĂ© dans les dĂ©cisions de cette assemblĂ©e, les
thĂ©oriciens de lâĂ©cole des choix rationnels trouveront lâexplication du cĂŽtĂ© des
institutions (Hall et Taylor, 1997). En effet, «°on expliqua que les institutions du
CongrÚs abaissaient les coûts de transaction liés à la conclusion d'accords de
façon à permettre aux parlementaires de tirer des bénéfices de l'échange, ce qui
rendait possible l'adoption de lois stables°» (Ibid., p. 477). Les outils théoriques
empruntés à la « nouvelle économie de l'organisation » ont été appliqués à la
science politique avec succÚs par les théoriciens de l'école des choix rationnels
« qui insiste sur l'importance des droits de propriété, des rentes et des coûts de
transaction pour le développement et le fonctionnement des institutions » (Ibid.,
p. 477). Aussi, les thĂ©ories de lâaction ont Ă©tĂ© utilisĂ©es pour « comprendre
comment le CongrĂšs peut structurer ses commissions ou ses relations avec les
autorités administratives indépendantes qu'il supervise » (Ibid., p. 478). Les
thĂ©oriciens de l'Ă©cole des choix rationnels sâintĂ©ressent Ă©galement Ă l'explication
d'un certain nombre d'autres phénomÚnes politiques parmi lesquels se trouvent le
comportement des coalitions selon les pays, le développement historique des
institutions politiques, l'intensité des conflits ethniques, l'ascension ou la chute des
rĂ©gimes internationaux, le type de responsabilitĂ©s que les Ătats dĂ©lĂšguent aux
organisations internationales et la forme de ces organisations (Ibid., pp. 478-479).
Les analyses du néo-institutionnalisme du choix rationnel présentent quatre
propriĂ©tĂ©s gĂ©nĂ©rales et distinctives. Il sâagit :
De lâemploi dâ« une sĂ©rie caractĂ©ristique de prĂ©supposĂ©s
comportementaux »;
De « considérer la vie politique comme une série de dilemmes d'action
collective, dĂ©finis comme des situations oĂč des individus qui agissent de
façon à maximiser la satisfaction de leurs propres préférences risquent de
54
produire un rĂ©sultat sous-optimal pour la collectivitĂ© (au sens oĂč il serait
possible de trouver un autre résultat qui satisferait davantage au moins un
des intéressés sans qu'aucun des autres n'en soit lésé) »;
Du « rÎle de l'interaction stratégique dans la détermination des situations
politiques »; et
Dâ«une dĂ©marche qui leur est propre concernant l'explication de l'origine
des institutions » (Ibid., pp. 479-480).
Le néo-institutionnalisme du choix rationnel repose fondamentalement sur les
thĂ©ories classiques de lâacteur individuel rationnel, dont les motivations sont
fondĂ©es sur une fonction de prĂ©fĂ©rence et sur la volontĂ© de maximiser son intĂ©rĂȘt
dans une situation de choix et/ou dâinteraction (Hall et Taylor, 1997). Les
institutions sont vues, dans cette perspective utilitariste, comme la conséquence
des choix effectués par les acteurs et comme un moyen de rendre leurs opérations
et leurs relations plus efficaces en diminuant les coûts de transaction. Les
institutions seraient aussi «°des variables qui peuvent ralentir le changement°»
mĂȘme si pour lâinstitutionnalisme des choix rationnels, le changement nâest pas, a
priori, problĂ©matique (Smyrl, 2002, p. 43) : « Lâusage du terme « institutions »
dans ces modÚles, est limité aux rÚgles explicites qui ordonnent la vie politique »
et permettent « aux acteurs de rĂ©soudre les problĂšmes dâaction collective et
dâapprocher (sinon dâatteindre) une situation dâĂ©quilibre » (Smyrl, 2002, p. 45). La
présence de rÚglements structurants permet de traduire ses propres préférences
en stratĂ©gie dâaction adaptĂ©e Ă la situation. LâinconvĂ©nient de lâinstitutionnalisme
des choix rationnels réside dans la notion de « rationalité » dont la définition
implicite employée (dérivée des théories de Pareto), « veut dire avoir des
préférences stables et agir selon une stratégie cohérente et efficace visant à les
maximiser. Pour juger de la rationalitĂ© dâun acteur, il est donc essentiel dâavoir une
connaissance prĂ©alable de ses prĂ©fĂ©rences, de savoir ce quâil cherche Ă
maximiser » (p. 45). Ainsi, « la question la plus intĂ©ressante â comment se forment
les prĂ©fĂ©rences face Ă une nouvelle situation ? â se retrouve exclue thĂ©oriquement
de lâapproche rationaliste » (Smyrl, 2002, p. 47).
55
SpĂ©cifiquement la ThĂ©orie des choix rationnels sera utilisĂ©e pour lâanalyse
stratégique dans cette étude. La TCR, variante de l⫠individualisme
méthodologique », est un paradigme, qui se définit par six postulats
(Boudon, 2004, p.p. 281-283) :
Postulat de lâindividualisme : tout phĂ©nomĂšne social rĂ©sulte de la
combinaison dâactions, de croyances ou dâattitudes individuelles;
Postulat de la compréhension : « comprendre » les actions, croyances et
attitudes de lâacteur individuel, câest en reconstruire le sens quâelles ont pour
lui;
Postulat de la rationalité : la cause principale des actions, croyances, etc.,
de lâacteur rĂ©side dans le sens quâil leur donne, plus prĂ©cisĂ©ment dans les
raisons quâil a de les adopter;
Postulat consĂ©quentialiste : la restriction que le sens de lâaction a pour
lâacteur rĂ©side toujours pour lui dans les consĂ©quences de ses actions;
Postulat de lâĂ©goĂŻsme : parmi les consĂ©quences de son action, les seules
qui intĂ©ressent lâacteur sont celles qui le concernent personnellement;
Postulat du Calcul coût-bénéfice (CCB) : Plus restrictivement encore, on
peut admettre que toute action comporte un coût et un bénéfice et que
lâacteur se dĂ©cide toujours pour la ligne dâaction qui maximise la diffĂ©rence
entre les deux.
Boudon (2004) prĂ©cise que le contenu des intĂ©rĂȘts et des prĂ©fĂ©rences du sujet
nâest pas prĂ©cisĂ© par le modĂšle de la TCR. Becker (1996, citĂ© par Boudon, 2004)
quant Ă lui affirme que la TCR est la seule thĂ©orie capable dâunifier les sciences
sociales. Pour Coleman (1986, citĂ© par Boudon, 2004), lâattrait de la TCR rĂ©side
dans le fait quâen tant que base thĂ©orique, elle constitue une conception de lâaction
dans laquelle il nâest pas utile de poser des questions supplĂ©mentaires.
Hollis (1977, citĂ© par Boudon, 2004) abonde dans le mĂȘme sens en affirmant que
lâaction rationnelle (action guidĂ©e par le CCB) constitue sa propre explication
(traduction libre). Lâun des principaux avantages de la TCR est donc quâelle fournit
des explications ne débouchant pas sur des questions additionnelles (dépourvues
56
de boĂźtes noires) (Boudon, 2004, p. 285). Lâautre avantage Ă©voquĂ© par
Coleman (1990, cité par Boudon, 2004, p. 284) est que la TCR empruntée de
lâĂ©conomie permet dâapporter des explications en sociologie. Pour Weber (citĂ© par
Boudon, 2004, p. 285), les phénomÚnes sociaux, étant causés par des acteurs
individuels (actions, choix, décisions, motivations, attitudes et croyances), doivent
ĂȘtre expliquĂ©s Ă partir de leurs causes individuelles. Un autre avantage de la TCR
réside dans le fait que le postulat du CCB la rend accessible au formalisme
mathĂ©matique, mĂȘme sâil faut reconnaĂźtre que des modĂšles Ă©chappant Ă la TCR
peuvent aussi ĂȘtre exprimĂ©s mathĂ©matiquement (Boudon, 2004, p. 284).
Dans la pratique, de nombreux auteurs classiques (Marx, Sombart et Simmel,
Durkheim, Tocqueville) et modernes [Oberschall (1973), Coleman (1990),
Kuran (1995), Hardin (1995)] ont utilisé la TCR pour analyser ou expliquer des
phénomÚnes sociaux. Selon Boudon (2004, p. 288), «°tous ces auteurs ont, en
utilisant la TCR, expliqué avec succÚs des phénomÚnes énigmatiques relevant de
la sociologie des mouvements sociaux, de la criminalitĂ©, de lâopinion publique ou
de lâĂtat°».
à cÎté de ces avantages et succÚs, la TCR présente aussi des limites notamment
lâincapacitĂ© dâexpliquer certains phĂ©nomĂšnes sociaux importants. Cette incapacitĂ©
limite la portée générale de la TCR et est désignée par le concept de paradoxe
dans la mesure oĂč les actions individuelles sont contraires aux principes du CCB.
Ces paradoxes prĂ©senteraient de nombreux traits communs et peuvent ĂȘtre
regroupés en trois classes de phénomÚnes (Boudon, 2004, p.p. 292-294) :
La premiÚre inclut les phénomÚnes caractérisés par le fait que le
comportement des acteurs sâappuie sur des croyances non
triviales. (p. 292)
La deuxiÚme inclut les phénomÚnes qui se caractérisent par le fait que le
comportement des acteurs sâappuie sur des croyances prescriptives non
conséquentialistes. (p. 293)
57
La troisiÚme renvoie à des phénomÚnes qui mettent en jeu des
comportements individuels dont il est contraire au bon sens de supposer
quâils puissent ĂȘtre dictĂ©s par une attitude Ă©goĂŻste. (p. 294)
Ainsi Boudon (2004, p. 295) note que « les postulats conséquentialistes, de
lâĂ©goĂŻsme et calcul coĂ»t-bĂ©nĂ©fice, par lesquels la TCR se distingue de
lâindividualisme mĂ©thodologique, ont pour effet de lui rendre impossible
lâexplication dâune multitude de phĂ©nomĂšnes ».
Aux dires de Di Maggio et Powell (1997), les spécialistes du choix rationnel
considÚrent l'interdépendance technique et les coûts d'amortissement physiques
partiellement responsables de l'inertie institutionnelle : « Pour eux, les dispositifs
institutionnels sont reproduits parce que les individus ne peuvent souvent mĂȘme
pas concevoir d'alternatives appropriées (ou parce qu'ils considÚrent comme
irréalistes les alternatives qu'ils peuvent imaginer) » (p. 125).
2.4.3. Le néo-institutionnalisme sociologique
Lâinstitutionnalisme sociologique (IS) trouve ses racines dans la thĂ©orie des
organisations. Ce courant est apparu dans les annĂ©es 1970 dans le contexte « oĂč
certains sociologues se mirent Ă contester la distinction traditionnelle entre la
sphĂšre du monde social rĂ©putĂ©e ĂȘtre le reflet d'une rationalitĂ© abstraite des fins et
des moyens (de type bureaucratique), et les sphÚres influencées par un ensemble
varié de pratiques associées à la culture » (Hall et Taylor, 1997, p. 481). Soutenant
que la « rationalitĂ© » transcendante nâexplique pas de nombreuses formes et
procédures institutionnelles des organisations modernes, les néo-
institutionnalistes considÚrent ces formes et ces procédures comme « des
pratiques culturelles, comparables aux mythes et aux cérémonies élaborés par de
nombreuses sociétés ». DÚs lors, « elles étaient incorporées aux organisations,
non pas nécessairement parce qu'elles en accroissent l'efficacité abstraite (en
termes de fins et de moyens), mais en raison du mĂȘme type de processus de
transmission qui donne naissance aux pratiques culturelles en général » (Ibid.,
58
p. 480). Les problématiques abordées par cette école sont généralement tournées
vers lâexplication des motivations des choix de « formes, procĂ©dures ou symboles
institutionnels, en insistant sur la diffusion de ces pratiques » (Ibid., p. 482).
Trois caractĂ©ristiques singularisent lâIS des autres courants nĂ©o-institutionnalistes.
Les théoriciens de cette école ont tendance à définir les institutions de façon
beaucoup plus globale que les chercheurs en science politique, de façon à inclure
non seulement les rÚgles, procédures ou normes formelles, mais les systÚmes de
symboles, les schémas cognitifs et les modÚles moraux qui fournissent les
« cadres de signification » guidant l'action humaine (Ibid. p. 482). Ainsi, les notions
dâ« institutions » et de « culture », s'interpĂ©nĂštrent pour dĂ©passer la dichotomie
conceptuelle qui les opposait jusque-là . Dans cette logique, la « culture » serait
synonyme dâ« institutions » et reflĂ©terait un « tournant cognitiviste » « consistant Ă
s'Ă©carter de conceptions qui associent la culture aux normes, aux attitudes
affectives et aux valeurs, pour se rapprocher d'une conception qui considĂšre la
culture comme un réseau d'habitudes, de symboles et de scénarios qui fournissent
des modÚles de comportement » (Ibid., p. 483).
De nombreux théoriciens insistent actuellement sur la « dimension cognitive » de
l'impact des institutions dans leur façon « dâenvisager les relations entre les
institutions et l'action individuelle, qui est une consĂ©quence de la âdĂ©marche
culturalisteâ [âŠ], mais qui dĂ©veloppe certaines nuances particuliĂšres » (Ibid.,
p. 483). Ainsi, les institutions influencent le comportement en fournissant des
schĂ©mas et des modĂšles cognitifs dâaction servant Ă interprĂ©ter le monde et le
comportement des autres acteurs (Ibid., p. 483) : « Les institutions influencent le
comportement non pas simplement en précisant ce qu'il faut faire, mais aussi ce
qu'on peut imaginer faire dans un contexte donné. Ici, on peut constater l'influence
du constructivisme social sur le néo-institutionnalisme en sociologie. » Enfin, la
troisiÚme singularité des néo-institutionnalistes en sociologie réside dans la
« façon d'aborder le problÚme de l'explication de la naissance et de la modification
des pratiques institutionnelles » (Ibid., p. 484). En effet, lĂ oĂč les thĂ©oriciens de
l'institutionnalisme des choix rationnels Ă©voquent l'efficacitĂ© dans lâexplication du
59
développement d'une institution, les institutionnalistes en sociologie expliquent les
nouvelles pratiques des organisations par leur volonté de renforcer leur légitimité
sociale ou celle de leurs adhérents (Ibid., pp. 484-485).
Symétriquement, le néo-institutionnalisme sociologique se trouve fondé, en partie,
sur le poids accordé aux éléments structurels sur les dynamiques sociales et
débouche sur une vision plus extensive et moins fonctionnaliste des institutions,
qui intÚgre notamment les éléments normatifs et culturels dans les facteurs
explicatifs pertinents. Pour les « institutionnalistes » sociologiques, le terme
« institution » peut ĂȘtre dĂ©fini de maniĂšre large comme une « organisation » ou de
maniÚre restrictive comme des comportements sociaux réguliers et reproductibles
(Smyrl, 2002). Le néo-institutionnalisme sociologique serait adapté pour analyser
les politiques publiques, mais pas le changement dans la mesure oĂč il permet
dâexpliquer plutĂŽt les continuitĂ©s (Smyrl, 2002). La mĂ©thode sociologique serait
donc dâune « utilitĂ© limitĂ©e pour lâanalyse concrĂšte des politiques publiques » ce
qui amĂšne à « chercher ailleurs un modĂšle qui permette lâanalyse du changement
et de lâinnovation » (Smyrl, 2002, p. 45).
Spécifiquement, le modÚle du changement institutionnel de Streek et
Thelen (2005) sera utilisĂ© pour lâanalyse sociologique dans cette Ă©tude. Ces
derniers «°ont mis en place une analyse systématique des changements
institutionnels, qui permettent dâidentifier cinq grands types de changements
institutionnels» (Maroy et al., 2013). Ces changements institutionnels sâinscrivent
dans un processus de changement graduel/incrĂ©mental et peuvent ĂȘtre porteurs
au final soit dâune « transformation graduelle », soit dâune « reproduction par
adaptation » de lâinstitution existante (Streeck et Thelen, 2005, p. 9), il sâagit des
changements suivants (ibid.) :
DĂ©placement (displacement) : le changement procĂšde de la coexistence de
plusieurs types dâinstitutions et dispositifs rĂ©glementaires et de la
compétition entre anciennes et nouvelles rÚgles;
60
Empilement (layering) : il y a adjonction de nouveaux dispositifs Ă des
dispositifs existants dont lâimportance dĂ©croĂźt graduellement. Le
mécanisme de changement est ici la croissance différentielle des
arrangements institutionnels;
DĂ©rive (drift) : il y a non adaptation dâinstitutions Ă un nouveau contexte, ce
qui entraĂźne lâaffaiblissement de la prĂ©gnance pratique de ces institutions.
Cette non-adaptation peut ĂȘtre voulue politiquement. Le changement
procÚde ici par « une négligence délibérée » (deliberate neglect) qui
conduit Ă ne pas changer un dispositif institutionnel alors que les effets des
anciens dispositifs institutionnels sont perçus comme de plus en plus
problématiques; ou lorsque la « mis en acte » des dispositifs institutionnels
change de facto, car les rĂšgles nâont pas Ă©tĂ© adaptĂ©es alors que les
conditions externes de fonctionnement se sont fortement transformées;
Conversion (conversion) : il y a rĂ©orientation progressive dâinstitutions
existantes vers de nouveaux objectifs et fonctions. De telles réorientations
rĂ©sultent soit de nouveaux dĂ©fis et demandes de lâenvironnement
auxquelles les dĂ©cideurs rĂ©pondent par le redĂ©ploiement dâinstitutions
existantes vers de nouveaux buts, soit de changement de rapports de
pouvoir qui amĂšnent des acteurs, qui nâavaient pas pu influencer le design
institutionnel initial, Ă le remodeler quand lâĂ©quilibre du pouvoir a Ă©voluĂ©. Le
changement procĂšde donc dâune rĂ©interprĂ©tation et rĂ©orientation des
finalitĂ©s de lâinstitution;
Ăpuisement (exhaustion) : ce dernier processus de changement, Ă la
différence des quatre précédents, conduit à une rupture institutionnelle
plutĂŽt quâĂ un changement graduel, dans la mesure oĂč le dispositif
institutionnel disparaĂźt. Il sâagit en fait dâun processus qui est gĂ©nĂ©rateur de
lâauto-disparition de lâinstitution.
Le type de changement institutionnel vécu par les acteurs sera interprété sous
lâangle de lâidĂ©ologie professionnelle qui explique la diffĂ©rence de perception des
61
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement par la fonction (Lessard et al.,
2008).
2.4.4. Le néo-institutionnalisme historique
Lâinstitutionnalisme historique (IH) est nĂ© des tentatives de dĂ©passer « l'analyse
de la vie politique en termes de groupes en politique et le structuro-
fonctionnalisme » dominant la science politique dans les années 1960 et 1970
(Hall et Taylor, 1997). Les thĂ©oriciens de lâIH «°recherchaient de meilleures
explications permettant de rendre compte des situations politiques nationales et,
en particulier, de la distribution inégale du pouvoir et des ressources°» (Ibid.,
p. 470) étant donné que le conflit pour les ressources rares est central à la vie
politique dans lâapproche par les groupes. Ils trouvent ses explications dans « la
façon dont l'organisation institutionnelle de la communauté politique et les
structures Ă©conomiques entrent en conflit de telle sorte que certains intĂ©rĂȘts sont
privilĂ©giĂ©s au dĂ©triment dâautres intĂ©rĂȘts » (Ibid., p. 470). Ils emprunteront aux
structuro-fonctionnalistes la conception de la « communauté politique comme
systÚme global composé de parties qui interagissent » (ibid., p. 470). Cependant,
contrairement à eux, « ils considéraient que l'organisation institutionnelle de la
communautĂ© politique ou lâĂ©conomie politique Ă©tait le principal facteur structurant
le comportement collectif et engendrant des résultats distincts » (Ibid., p. 470),
préférant ainsi le structuralisme des institutions au « fonctionnalisme des théories
antérieures qui considéraient les situations politiques comme la réponse aux
exigences fonctionnelles du systÚme » (Ibid., p. 470).
Lâinfluence des structuro-fonctionnalistes apparaĂźt aussi dans le fait de prendre
l'Ătat non comme un « agent neutre arbitrant entre des intĂ©rĂȘts concurrents »,
mais comme un « complexe d'institutions capable de structurer la nature et les
résultats des conflits entre les groupes » (Ibid., p. 471). Cette approche, trÚs
utilisĂ©e dans les comparaisons transnationales ou lâĂ©tude comparĂ©e des politiques
publiques, permet dâĂ©tudier « lâimpact des institutions politiques nationales, y
62
compris celles qui structurent les relations entre les lĂ©gislateurs, les intĂ©rĂȘts
organisĂ©s, lâĂ©lectorat et le pouvoir judiciaire » (Ibid., p. 471).
Les thĂ©oriciens de lâIH dĂ©finissent lâinstitution « comme les procĂ©dures, protocoles,
normes et conventions officiels et officieux inhérents à la structure
organisationnelle de la communauté politique ou de l'économie politique » (Ibid.,
p. 471). Pour aborder la relation entre lâinstitution et lâaction, les tenants de lâIH
adoptent soit une perspective calculatrice, soit une perspective culturaliste (Ibid.,
p. 474). Dans la perspective calculatrice, « les aspects du comportement humain
qui sont instrumentaux et orientés dans le sens d'un calcul stratégique » sont mis
en avant et les individus chercheraient à maximiser leur réussite en faisant les
choix qui procurent un bénéfice maximal. Ici, « les objectifs ou préférences de
l'acteur sont définis de maniÚre exogÚne par rapport à l'analyse institutionnelle »
(Ibid., p. 472). Dans un autre sens, la perspective culturelle, souligne « à quel point
le comportement nâest jamais entiĂšrement stratĂ©gique, mais limitĂ© par la vision du
monde propre Ă lâindividu » qui recourt souvent malgrĂ© sa rationalitĂ© «°à des
protocoles Ă©tablis ou Ă des modĂšles de comportement familiers pour atteindre
leurs objectifs » (Ibid., p. 473).
Hall et Taylor identifient quatre caractéristiques qui distinguent cette école des
autres Ă©coles nĂ©o-institutionnalistes. Il sâagit de la conceptualisation de « la
relation entre les institutions et le comportement individuel en des termes assez
gĂ©nĂ©raux », de lâĂ©vocation des « asymĂ©tries du pouvoir associĂ©es au
fonctionnement et au développement des institutions », de la « tendance à former
une conception du développement institutionnel qui privilégie les trajectoires, les
situations critiques et les conséquences imprévues » et enfin, du souci de
combiner des explications de la contribution des institutions à la détermination de
situations politiques et une estimation de la contribution d'autres types de facteurs,
tels que les idĂ©es, Ă ces mĂȘmes processus (ibid., p. 472).
Le nĂ©o-institutionnalisme historique postule que câest lâeffet de sĂ©dimentation de
rĂšgles et de pratiques qui apparaĂźt, dans le long terme, comme lâĂ©lĂ©ment le plus
63
explicatif et, souvent, le plus méconnu des comportements individuels et collectifs.
Ainsi, pour Tilly, la notion de rĂ©pertoire dâaction collective recouvre-t-elle lâidĂ©e que
des pratiques de mobilisation rĂ©pĂ©tĂ©es et couronnĂ©es dâun certain succĂšs vont
constituer, par agrégations successives, une forme de stock au sein duquel les
acteurs concernĂ©s vont puiser leurs registres dâaction : « en sâappuyant sur de
multiples exemples, Skocpol démontre que les atouts, aussi bien politiques (lobby,
rĂ©seaux dâalliances) quâidĂ©ologiques Ă une pĂ©riode donnĂ©e, peuvent devenir des
handicaps majeurs dans la pĂ©riode suivante. LâenchaĂźnement des effets de path
dependence peut mener Ă la faillite aussi bien quâau succĂšs » (Smyrl, 2002).
Spécifiquement, le référentiel de Muller (1995, 2000, 2005) sera utilisé pour
lâanalyse cognitive dans cette Ă©tude. Dans cette approche, les politiques publiques
ne sont pas seulement un espace oĂč sâaffrontent des acteurs en fonction de leur
intĂ©rĂȘt, elles sont aussi le lieu oĂč une sociĂ©tĂ© donnĂ©e construit son rapport au
monde et donc les reprĂ©sentations quâelle se donne pour comprendre et agir sur
le rĂ©el tel quâil est perçu (Muller, 2010). Ainsi, le rĂ©fĂ©rentiel serait la reprĂ©sentation
sur laquelle est basée la définition de la politique publique et intégrerait une
certaine conception de la société et du rÎle du secteur en question (éducation)
dans la société (Muller, 2010). Sabatier et Schlager (2000, cités par Draelants et
Maroy, 2007) considÚrent que la notion de référentiel comprend aussi :
Les cadres cognitifs des sociĂ©tĂ©s modernes et industrielles oĂč compte tenu de la forte division du travail entre secteurs, il existe un besoin de dĂ©velopper des systĂšmes dâidĂ©es qui donneront un sens et serviront de guides Ă lâaction publique au sein des divers secteurs de politiques publiques comme dans les relations entre le secteur et la sociĂ©tĂ© entiĂšre.
Selon Simoulin (2000), il existe un référentiel global et un référentiel sectoriel. Le
premier donne une image de toute la société alors que le second concerne un
secteur et contient des valeurs fondamentales, des perceptions des problĂšmes les
plus sérieux en rapport avec ces valeurs, des relations causales pertinentes qui
correspondent Ă lâimage dominante du secteur, de la discipline, de la profession.
Muller affirme que le référentiel articule quatre niveaux de perception du monde,
soit les valeurs, les normes, les algorithmes et les images (Muller, 2010). Les
64
valeurs sont les représentations les plus fondamentales sur ce qui est bien ou mal,
dĂ©sirable ou Ă rejeter, qui dĂ©finissent un cadre global de lâaction publique. Les
normes soulignent les écarts entre le réel perçu et le réel souhaité, définissant des
principes dâaction plus que des valeurs. Les algorithmes sont des relations
causales qui expriment une thĂ©orie de lâaction qui peuvent ĂȘtre exprimĂ©s sous la
forme siâŠ, alors. Enfin, les images sont des vecteurs implicites de valeurs, de
normes ou dâalgorithmes.
La notion de mĂ©diateur est aussi incluse dans le rĂ©fĂ©rentiel et permet dâexpliciter
comment émerge concrÚtement un référentiel. Les médiateurs sont ces acteurs
fondamentaux qui percevront ou construiront un problĂšme (fonction cognitive), tout
en dĂ©finissant et proposant des solutions (fonction normative). Il sâagit en gĂ©nĂ©ral
de personnes appartenant Ă un petit groupe dâĂ©lite politique ou des professionnels
(ou encore dâexperts) qui travaillent au sein dâagences administratives, de groupes
dâintĂ©rĂȘts et/ou de corporations professionnelles.
*
* *
Ce chapitre fait ressortir, dâune part, le fait que lâanalyse des politiques publiques
sâeffectue Ă travers de nombreuses approches thĂ©oriques dont les plus
reprĂ©sentatives dans lâanalyse des rĂ©formes Ă©ducatives ont Ă©tĂ© la perspective nĂ©o-
marxiste et la perspective néo-institutionnelle depuis les années 80 (Resnik, 2013,
p. 56) et, dâautre part, que les approches empiriques sâinscrivent dans trois types
de recherches :
Un premier type de recherches « décrit le contexte, le contenu des
politiques et des réformes et les conséquences voulues ou anticipées des
réformes;
Un deuxiÚme type analyse les conditions, des processus, des stratégies et
des rĂ©sultats de lâaction rĂ©formatrice;
65
Enfin, un troisiÚme type interprétatif, vise la compréhension du sens des
transformations induites par les politiques et les réformes, en lien avec des
évolutions globales de la société, tout en prenant en compte la production
de sens par les acteurs impliqués » (Lessard et al., 2008, p. 159).
Le chapitre présente également les théories néo-institutionnalismes retenues pour
cette recherche. Il ressort que les trois écoles proposent chacune une méthode
dâanalyse diffĂ©rente, mais elles revendiquent toutes le titre de nĂ©o-
institutionnalisme (Hall et Taylor, 1997). Le point commun de ces méthodes serait
de sâopposer aux thĂ©ories behavioristes tout en cherchant Ă mettre en Ă©vidence le
rÎle des institutions dans la détermination des résultats sociaux et politiques (Ibid.).
Smyrl (2002) considĂšre que la politique est absente des approches aussi bien de
lâĂ©cole des choix rationnels que de lâinstitutionnalisme « sociologique », oĂč une
« tendance excessive au structuralisme » est notĂ©e. Lâinstitutionnalisme
« historique » de son cÎté ne semble pas avoir apporté jusque-là une correction
significative Ă cette tendance. Dans une autre perspective, Hall et Taylor, (1997)
analysent les forces et les faiblesses des trois mĂ©thodes dâanalyse par rapport Ă
deux questions fondamentales de lâanalyse institutionnelle qui sont : « 1. comment
construire la relation entre institution et comportement?; et 2. comment expliquer
le processus par lequel les institutions naissent ou se modifient? » (Ibid. p. 469).
La section mĂ©thodologie prĂ©sente le cadre dâanalyse des « Trois I » qui est une
approche opĂ©ratoire de recherche qui permet dâintĂ©grer les trois nĂ©o-
institutionnalismes dans une analyse tridimensionnelle. Le chapitre suivant
prĂ©sente des recherches dans le champ de lâanalyse des politiques Ă©ducatives.
66
Chapitre 3. Les quatre angles dâanalyse des
politiques Ă©ducatives
Le chapitre trois présente les problématiques auxquelles les politiques sont les
plus couramment analysées dans la recherche en éducation. Les problématiques
sont exposées en quatre grandes catégories qui permettent de classer les
rĂ©sultats de notre revue de littĂ©rature dans la perspective de lâanalyse des
politiques Ă©ducatives et Ă identifier de nombreux Ă©lĂ©ments qui pourraient servir Ă
la discussion des rĂ©sultats de la prĂ©sente recherche. Ces angles dâanalyse sont
représentatifs des tendances et des enjeux auxquels sont confrontés les systÚmes
éducatifs de nombreux pays, dont le Québec.
1) Dans la section gouvernance et rĂ©gulation des politiques Ă©ducatives Ă lâĂšre
de la performance, il est Ă©voquĂ© lâinfluence du nouveau management public
sur lâaction publique; la rĂ©gulation transnationale des politiques Ă©ducatives;
la dĂ©mocratie et la participation scolaires; et la rĂ©gulation et lâĂ©valuation par
les résultats dans les politiques actuelles.
2) La section réforme et pilotage du changement discute des points suivants :
les approches du changement en éducation; les pratiques de réformes; les
résistances des acteurs aux changements amenés par les réformes et les
dĂ©fis et de lâĂ©valuation des rĂ©formes actuelles.
3) Dans la section idéologie et rapports de pouvoir sont présentés les débats
idĂ©ologiques autour des finalitĂ©s de lâĂ©ducation et des orientations des
systĂšmes; lâĂ©volution des pratiques des personnels scolaires chargĂ©s de la
mise Ćuvre qui doivent se conformer aux nouvelles prescriptions; et les
points de vue dâacteurs sur les politiques Ă©ducatives.
4) La section évaluation des politiques revisite les enjeux et les finalités de
lâĂ©valuation des politiques Ă©ducatives, les approches, les objets et les
processus de lâĂ©valuation qui sont mobilisĂ©s, ainsi que les conclusions de
quelques exemples dâĂ©valuations de politiques de GAR.
67
3.1. La gouvernance et la rĂ©gulation des politiques Ă©ducatives Ă lâĂšre de
la performance et du nouveau management public
La gouvernance et la régulation des politiques éducatives sont influencées par les
nouvelles formes de gestion issue du secteur privé et qui cherchent à accroßtre les
rĂ©sultats de la mise en Ćuvre des politiques publiques. Le nouveau management
public, lâinfluence des organisations internationales sur les politiques des pays, les
prĂ©occupations de dĂ©mocratie et de participation scolaire et lâimportance
croissante de lâĂ©valuation sont prĂ©sentĂ©s dans les sections suivantes comme Ă©tant
des manifestations de la managérialisation dans le pilotage des systÚmes
Ă©ducatifs.
3.1.1. Lâinfluence du nouveau management public sur lâaction publique
Le managĂ©rialisme se rĂ©pand dans la gestion publique Ă partir des annĂ©es 80, Ă
la suite de la crise économique qui a entraßné une rareté des ressources
(Hood, 1991; Neaves 1988). La redĂ©finition du rĂŽle de lâĂtat dans la gouvernance
avec le dĂ©veloppement de lâautonomie et de la responsabilitĂ© des acteurs ainsi
que la centration sur lâefficience vont orienter les rĂ©formes vers lâimplantation de
modes de pilotage tournés vers la performance et les résultats (Bradfoot, 2000;
Malet, 2009; Mazouz et Leclerc, 2011; Hernes, 2005; Hood, 1991; OECD, 2005;
Pollitt et Bouckaert, 2004). Ainsi, les restrictions budgétaires et les pressions pour
plus dâefficacitĂ©, dâĂ©conomie et de productivitĂ© dans les politiques publiques vont
devenir un Ă©lĂ©ment incontournable dans lâaction publique (Boyd, 1999). Ces
nouvelles pratiques inspirées des théories et des pratiques de gestion du secteur
privé sont désignées sous le concept de nouveau management public
(Hood, 1991).
Il existe plusieurs définitions du NMP, nous présentons celles qui nous sont les
plus appropriĂ©es au dĂ©veloppement de notre propos. Dâabord le NMP est un
concept vague, mais qui permet de résumer et de labéliser les doctrines qui ont
dominĂ© les rĂ©formes de la gestion bureaucratique dans les pays de lâOCDE depuis
68
les années 70 (Hood, 1991). Hood discerne quatre grandes tendances
administratives en lien avec le NMP :
Les tentatives pour ralentir ou inverser la croissance des dépenses
publiques et de la dotation ouverte;
L'Ă©volution vers la privatisation et la quasi-privatisation loin du cĆur des
institutions gouvernementales, avec davantage l'accent sur la
« subsidiarité » dans la fourniture de services;
Le développement de l'automatisation, en particulier dans les technologies
dâinformation, dans la production et la distribution des services publics; et
L'élaboration d'un ordre du jour plus international, de plus en plus axée sur
les questions générales de la gestion publique, qui transcende les traditions
politiques des pays.
Hood identifie sept caractéristiques au NMP qui sont :
« 'Hands-on professional management' in the public sector;
Explicit standards and measures of performance;
Greater emphasis on output controls;
Shift to disaggregation of units in the public sector;
Shift to greater competition in public sector;
Stress on private sector styles of management practice;
Stress on greater discipline and parsimony in resource use » (Hood, 1991,
p. 4-5).
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Ferlie (1996) classe le NMP selon quatre modĂšles,
Ă savoir :
La forte préoccupation pour l'efficience de l'administration publique;
Lâassouplissement des structures organisationnelles;
L'innovation et la culture de l'excellence; et
Un plus grand rÎle donné aux usagers dans les décisions.
69
Quant à Emery (2005), il résume la littérature sur le NMP à trois modÚles :
Le modĂšle de lâefficience ou modĂšle du marchĂ©;
Le modÚle du downsizing, de la décentralisation et de la flexibilité; et
Le modĂšle de la qualitĂ© ou de la recherche de lâexcellence.
Maroy et al., (2013) différencient le NMP néolibéral et le NMP néostatiste. Dans le
premier cas, les instruments et les mécanismes de marché comme la dérégulation
et la concurrence sont utilisĂ©s pour rĂ©guler lâaction publique. Dans le second cas,
câest une responsabilitĂ© administrative avec des contrats de performances qui
permet de faire la régulation. Les enjeux (conséquences) sont forts dans le NMP
nĂ©olibĂ©ral alors quâils sont faibles dans le NMP nĂ©ostatiste. Les principales
critiques du NMP portent sur la contradiction entre les valeurs dâĂ©quitĂ© et celles
dâefficience (Hood, 1991).
3.1.2. La régulation transnationale des politiques éducatives
Le systĂšme des organisations internationales et intergouvernementales a
beaucoup contribuĂ© Ă la convergence des rĂ©formes visant lâimplantation des
politiques inspirĂ©es par le NMP (DâArisso et Lessard, 2009; Hernes, 2005; Lessard
et al., 2008; Malet, 2010; Maroy, 2013; Mok, 2005; Perrenoud, 1999). En
Ă©ducation, les organisations internationales comme lâOrganisation pour la
coopĂ©ration et le dĂ©veloppement Ă©conomique (OCDE) et lâOrganisation des
Nations unies pour lâĂ©ducation, la science et la culture (UNESCO) ont favorisĂ©
lâinternationalisation des problĂ©matiques relevant de ce domaine (Malet, 2010;
Novoa, 1994; Theodoro, 2007). Aussi, ces organisations sont porteuses
dâexigences dâefficacitĂ© qui soutiennent la promotion des nouvelles approches
managĂ©riales dans les systĂšmes Ă©ducatifs. On assiste ainsi Ă lâĂ©mergence de
référentiels transnationaux dominants influençant la convergence des politiques
éducatives et des modalités de formation des enseignants (Lessard et al., 2008;
Malet, 2010; Maroy, 2013). LâOCDE a mis en place « un ensemble de nouveaux
70
indicateurs qui entraßne de profondes conséquences en amont de la formulation
des politiques de lâĂ©ducation sur le plan national » (Teodoro, 2007, p. 208).
La rĂ©gulation « transnationale » renvoie Ă lâ« ensemble des normes, discours et
instruments [âŠ] produits et circulant dans les forums internationaux de dĂ©cision et
de consultation en matiĂšre dâĂ©ducation, et que les hommes [sic] politiques, les
fonctionnaires ou spécialistes nationaux invoquent comme une "obligation" ou une
"légitimation" pour proposer des décisions au niveau du fonctionnement du
systĂšme Ă©ducatif » (Barroso, 2005, p. 153). Lâinfluence des organisations
internationales associée à la multiplication des politiques au niveau local et
intermédiaire entraßne un « double mouvement de globalisation et de
décentralisation dans les politiques récentes » (Sassen, 2010).
Certains auteurs conceptualisent ce mouvement dâuniformisation des politiques
publiques à travers le concept de « convergence ». Selon Knill (2005), la
convergence est favorisée par les similarités (institutionnelles, culturelles et
socioĂ©conomiques) des pays et les caractĂ©ristiques des politiques elles-mĂȘmes.
Selon Holzinger et Knill (2005), la convergence se fait à travers cinq mécanismes
qui sont :
Lâimposition;
Lâharmonisation internationale;
La compétition régulatrice;
Les communications transnationales [qui regroupent un ensemble de sous-
mécanismes (prise de leçons, résolution transnationale de problÚmes,
Ă©mulation, promotion internationale de politiques)]; et
La résolution indépendante de problÚmes.
Ces mécanismes de convergence reposent essentiellement sur des processus de
lĂ©gitimation et dâapprentissage organisationnel, ce qui fait des indicateurs de
systĂšme et de performance, les âbest practiceâ et les outils de diffusion âdes
71
Ă©lĂ©ments indispensables de cette convergenceâ (DâArrisso et Lessard, 2009,
p. 26).
Les politiques Ă©ducatives des Ă©tats dâEurope se structurent autour de « la logique
économique, le discours de la qualité, la rhétorique de la citoyenneté »
(Novoa, 1994, p. 24) sous lâinfluence des politiques de la CommunautĂ©
européenne. En effet, les orientations seraient justifiées par les théories du capital
humain, ce qui amenait Crozier (1995, cité par Novoa, 1994, p. 24) à mettre en
garde contre « une politique éducative basée sur l'insertion dans le monde du
travail, qu'il tient pour responsable d'une grande partie des difficultés actuelles des
systÚmes d'enseignement. »
3.1.3. La démocratie et la participation scolaires
Face à la régulation transnationale des politiques éducatives, la question de la
participation locale dans lâĂ©laboration et lâimplantation de ces politiques se pose
avec acuitĂ©. La dĂ©mocratie et la participation scolaires peuvent ĂȘtre apprĂ©hendĂ©es
à travers la place qui est accordée aux citoyens, aux parents, aux personnels
scolaires et aux institutions locales dans les systĂšmes Ă©ducatifs (Ă©laboration et
implantation de politiques et régulation) (Bamberg, 2002). Les réformes des
annĂ©es 80 portant sur la modification des rapports de pouvoirs entre lâĂtat, la
société civile et les communautés professionnelles et scientifiques dans les
systĂšmes Ă©ducatifs aboutissent Ă de nouvelles formes de gouvernement en
éducation (Novoa, 1994, p. 11) : « Les pratiques discursives autour de la
dĂ©centralisation en constituent le meilleur exemple, dans la mesure oĂč elles crĂ©ent
des mécanismes de régulation sociale et professionnelle articulés sur plusieurs
niveaux de décision. »
Ă lâintĂ©rieur du dĂ©veloppement des mĂ©canismes de marchĂ©s qui favorisent le choix
des parents avec des dispositifs comme lâabolition de la carte scolaire, ou les bons
dâĂ©ducation (Vouchers), les Ă©coles Ă chartes sont vues comme porteuses de
dĂ©mocratie et de participation dans lâĂ©cole (Hannaway et Woodroffe, 2003). En
72
permettant au parent, considĂ©rĂ© comme un client, de changer ses enfants dâĂ©cole
si la qualitĂ© du service ne lui convient pas, on lui donne lâoccasion dâinfluencer
indirectement les orientations et les politiques scolaires au niveau des
établissements et des institutions de régulation intermédiaire, voire nationale.
Néanmoins, il peut y avoir au niveau opérationnel plusieurs facteurs dont les
parents doivent tenir compte et qui peuvent les empĂȘcher de profiter de la libertĂ©
de choix de lâĂ©cole. Dans les cas oĂč les meilleurs Ă©lĂšves quittent les Ă©coles Ă
faibles résultats, les élÚves qui restent se retrouvent dans une situation plus
catastrophique (Hannaway et Woodroffe, 2003).
La mise en place de cadres de gestion dans les Ă©coles (conseil dâĂ©tablissement,
conseil dâadministration) sâavĂšre aussi ĂȘtre un moyen devant favoriser la
participation des enseignants, des parents et des autres acteurs communautaires
dans la gestion de lâĂ©ducation. Ainsi, lâautonomie accordĂ©e aux Ă©coles se trouve
mise en Ćuvre dans des projets scolaires portĂ©s par toute la communautĂ©
Ă©ducative. NĂ©anmoins, les politiques actuelles de GAR, comme au Royaume-Uni
et au QuĂ©bec, tendent Ă rĂ©duire le pouvoir des instances locales par le biais dâun
contrĂŽle accru du niveau central Ă travers lâalignement stratĂ©gique (Brassard et
al., 2013; Hannaway et Woodroffe, 2003; Maroy et al., 2013; Ozga, 2009). Ces
instances sont aussi souvent le lieu de luttes de pouvoir entre les différentes
composantes de la communauté éducative (Deniger, Brouillette et
Berthelot, 2002).
Les concepts de démocratisation quantitative et de démocratie qualitative sont
aussi reprĂ©sentatifs de la dĂ©mocratie scolaire. En effet, lâaccĂšs de tous Ă
lâĂ©ducation de qualitĂ© reste une prioritĂ© dans les politiques Ă©ducatives actuelles de
nombreux pays. Au-delĂ dâaccueillir tous les enfants Ă lâĂ©cole, il sâagit de crĂ©er les
conditions de leur réussite. Cependant, les orientations des politiques de GAR en
éducation peuvent favoriser une certaine sélection scolaire qui ne permet pas de
faire bĂ©nĂ©ficier Ă tous les citoyens dâune Ă©ducation de qualitĂ© (Hannaway et
Woodroffe, 2003). Ainsi, lâĂ©quitĂ© serait-elle plus reprĂ©sentative de cette volontĂ© de
rendre lâĂ©ducation de qualitĂ© accessible Ă tous. Pour Novoa « il faut maintenir une
73
tension entre la qualitĂ© et l'Ă©quitĂ©, surtout dans une pĂ©riode oĂč la situation
économique tend à valoriser la "qualité totale" et à oublier la « qualité pour tous »
(Novoa, 1994, p. 26). NĂ©anmoins, « lâamĂ©lioration gĂ©nĂ©rale de la qualitĂ© de
lâenseignement » peut coexister avec lâintĂ©gration des populations dĂ©favorisĂ©es
(Annan, 2011, p. 21).
Les réformes éducatives vues comme « des discours autorisés (et des discours
d'autorités) introduisent de nouvelles formes de régulation sociale dans le cadre
d'une rĂ©organisation de lâĂtat et d'une reconfiguration des pouvoirs entre les
diffĂ©rents niveaux de dĂ©cision » (Novoa, 1994, p. 12). Lâinfluence des
organisations internationales dans les politiques nationales alors que lâĂ©ducation
est considĂ©rĂ©e comme un domaine de compĂ©tence et dâaffirmation nationale peut
sâeffectuer de maniĂšre indirecte et se rĂ©vĂ©ler porteuse de perversions, comme
dans le cas de la politique communautaire dâĂ©ducation de lâUnion europĂ©enne
(Ibid.). En effet, la « premiÚre perversion tient à une définition de l'éducation par le
biais de l'Ă©largissement du concept de formation professionnelle. [âŠ] La deuxiĂšme
perversion tient à la mise sur pied par l'Union européenne, dans les faits, d'une
politique Ă©ducative sauvage, qui cherche Ă se rendre invisible, qui ne se donne
pas les moyens d'une régulation et d'un contrÎle démocratiques » (Novoa, 1994,
pp. 16-17). La premiÚre perversion favoriserait, selon Novoa, le développement
des approches Ă©conomiques dans les politiques Ă©ducatives alors que la deuxiĂšme
perversion favoriserait lâabsence de participation et de dĂ©mocratie dans la
définition des orientations politiques qui déterminent pourtant pour une grande part
les politiques éducatives des différents pays. Leur nature implicite rendrait aussi
impossible leur évaluation formelle par les acteurs nationaux concernés
(Novoa, 1994).
74
Boyd (1999, p. 292) constate quâil existe des pressions et des demandes pour de
nouvelles relations entre les écoles et leurs communautés et il distingue cinq
modĂšles de relations :
Le modĂšle bureaucratique (bureaucratic model) renvoie au mode de
gestion publique traditionnel oĂč lâĂ©cole fournit des services normĂ©s de
maniĂšre bureaucratique. Ce modĂšle, rigide et fermĂ©, ne rĂ©pond mĂȘme pas
à ses employés.
Le modĂšle professionnel (professional model) met l'accent sur les
responsabilités professionnelles, les droits et les besoins du personnel de
l'Ă©cole et sur leur relation avec leurs clients dont les souhaits sont
considérés. Les éléments du modÚle bureaucratique cohabitent avec les
Ă©lĂ©ments du modĂšle professionnel dans beaucoup dâĂ©coles dans un climat
de tension, car les rĂšgles empiĂštent les unes sur les autres.
Le modĂšle dĂ©mocratique (Democratic model) vise lâĂ©quilibre entre les
modĂšles bureaucratique et professionnel en mettant en place une
gouvernance dĂ©mocratique. Ainsi, dans le modĂšle de lâĂ©cole
«°autogestionnaire°», le personnel, les élÚves, les parents et membres de
la communauté participent à la gouvernance dans des instances comme
les conseils dâĂ©tablissement. Cependant, dans la pratique, les
gestionnaires et les enseignants ont tendance Ă minimiser la participation
des groupes dâacteurs externes ou des Ă©lĂšves.
Le modÚle de marché (Advocates of a market-driven) reproche aux autres
modĂšles dâĂȘtre source de monopole et dâinefficacitĂ©. Dans ce modĂšle,
l'efficacitĂ© et l'excellence peuvent ĂȘtre mieux rĂ©alisĂ©es en permettant aux
consommateurs de choisir, dans un marché de fournisseurs de services
d'éducation dont la survie dépend de leurs capacités à attirer et à fidéliser
les clients.
Le modÚle de services coordonnés ou concertés (Coordinated or
collaborative services model) combine des éléments bureaucratiques et
professionnels, avec un accent central sur la mise en place de services
75
coopératifs avec une gestion et une coordination globale pour différentes
Ă©coles qui se rĂ©unissent. Cette approche sâavĂšre trĂšs utile pour prendre en
charge les besoins des enfants Ă risque notamment en facilitant une
réponse cohérente avec des organismes de services spécialisés.
Boyd affirme au final quâil est possible de mettre en place des Ă©coles plus
performantes Ă travers diverses stratĂ©gies, mais au mĂȘme moment il est
nécessaire de répondre aux besoins des différents acteurs de la communauté
Ă©ducative. Ainsi, «°the goal must be to createâ and dynamically balanceâ a
caring community, a professional community, and a learning community with high
expectations for all students » (Boyd, 1999, p. 293).
Ozga (2009) note que le gouvernement par les nombres domine la reconfiguration
central-local : le niveau local nâest pas partenaire dans la gouvernance, mais plutĂŽt
dans la fourniture de données. Les réformes de marché auraient ainsi érodé le
rÎle démocratique du niveau local. Ozga suggÚre de reconnaßtre la nécessité en
Ă©ducation de ramener le local comme partenaire en gouvernance dans un modĂšle
de partenariat avec un caractĂšre technologique :
Intelligent accountability may be viewed within political analysis of the English education system as a significant step in the governance of education, but it is neither a shift away from central control nor an entirely successful strategy for concealing continued strong steering of the system (Ozga, 2009, p. 159).
3.1.4. La rĂ©gulation et lâĂ©valuation par les rĂ©sultats
Le NMP est porteur dâune culture de la performance qui « sâest imposĂ©e Ă lâunivers
scolaire qui doit sâadapter aux exigences dâefficacitĂ©, de rentabilitĂ© et de
compétitivité internationale » (Malet, 2009, p. 105). De nombreux pays vont alors
implanter des politiques dâ« accountability » ou de gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats
(Boyd, 1999; Hernes, 2005; Ozga, 2009, 2013; Wiseman, 2010). LâĂ©conomie de
la connaissance va aussi se dĂ©velopper comme outil dâopĂ©rationnalisation du
NMP. Pour lâOCDE, lâĂ©conomie de la connaissance renvoie Ă la production, Ă la
distribution et Ă lâutilisation de la connaissance et de lâinformation dans lâĂ©conomie
76
(OCDE, 1996a). Ce concept traduit la place centrale de la connaissance et de
lâinnovation dans lâĂ©conomie moderne. En effet, le dĂ©veloppement de nouvelles
connaissances et la capacité à former ses ressources humaines sont devenus des
facteurs importants de compĂ©titivitĂ© pour les Ătats et un enjeu majeur dans la
concurrence internationale engendrée par la mondialisation. Ainsi, il apparaßt que
« les effets les plus clairs de la globalisation au sein des politiques éducatives
soient une consĂ©quence de la rĂ©organisation des prioritĂ©s des Ătats de maniĂšre Ă
devenir plus compĂ©titifs, de telle forme notamment quâils puissent attirer les
investissements des corporations transnationales dans leurs territoires »
(Dale, 1998, cité par Teodoro, 2007).
Maroy et al. (2013) identifient quatre caractéristiques/dimensions communes des
politiques éducatives orientées vers la régulation par les résultats :
Ces politiques participent à matérialiser et à renforcer le paradigme qui veut
que lâĂ©cole soit/devienne un systĂšme de production capable dâamĂ©liorer ses
rĂ©sultats Ă travers lâaccroissement de ses performances en termes
dâefficacitĂ©, dâĂ©quitĂ© ou dâefficience (p. 23).
La gouvernance par les « nombres », les indicateurs, les mesures chiffrées
font que les objectifs opérationnels des politiques sont exprimés en
données quantifiées (data), auxquelles les résultats effectifs sont
confrontĂ©s. DâoĂč la question de « la possibilitĂ© dâun dĂ©bat critique et
proprement politique sur les politiques scolaires qui ne soit pas approprié
par les seuls experts » (p. 24).
LâĂ©valuation des rĂ©sultats des acquis des Ă©lĂšves (testing) est centrale et se
fait Ă travers une diversitĂ© dâinstruments, « mĂȘme si les modalitĂ©s de mise
en Ćuvre et dâusage de ces outils dâĂ©valuation vont constituer des variantes
extrĂȘmement importantes. »
Les divers outils dâaction publique (contractuels, financiers, rĂ©glementaires)
qui organisent les « conséquences » des évaluations des performances et
de la reddition de comptes peuvent contribuer Ă construire une forme
dâaccountability « dure » vs « douce » (ou « rĂ©flexive ») qui engage des
77
conceptions de lâacteur enseignant et de lâacte dâenseigner qui peuvent ĂȘtre
extrĂȘmement opposĂ©es.
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Novoa affirme que les « systĂšmes Ă©ducatifs
européens subissent, aujourd'hui, une série d'influences qui les poussent vers des
Ă©volutions semblables [âŠ] en ce qui concerne leurs configurations
institutionnelles, leurs modalités organisationnelles et leurs stratégies de
développement » (Novoa, 1994, p. 14). Les politiques éducatives sont confrontées
à trois impératifs interconnectés en lien avec les pressions exercées par les
communautĂ©s qui voient dans lâĂ©cole le moyen de rĂ©soudre ou dâamoindrir les
problĂšmes sociaux (Boyd, 1999). Ainsi,
The productivity imperative demands more efficient use of resources and more effective performance;
The accountability imperative supports the productivity imperative by introducing measurement of results and consequences for performance;
The community imperative arises from increasing recognition that better results are only likely when both the internal and external communities of schools are
engaged and aligned to foster educational achievement (Boyd, 1999, p. 286).
Ces trois impératifs renvoient respectivement à la présence grandissante des
objectifs de productivité dans les politiques éducatives sous la pression des
citoyens, la nécessité de trouver des solutions adaptées pour améliorer les
performances de lâĂ©cole en Ă©vitant dâapporter des solutions simplistes Ă des
problĂšmes complexes de mĂȘme que la revitalisation et la rĂ©invention des relations
entre les communautĂ©s internes et externes de lâĂ©cole pour la reconnaissance de
lâenseignement et de lâapprentissage efficace.
Hannaway et Woodroffe (2003) identifient deux types dâinstruments principaux
dans les politiques dâaccountability aux Ătats-Unis. Les premiers sont ceux qui
tentent d'exploiter les avantages des mécanismes de marché, en particulier les
incitations découlant de la pression concurrentielle, pour orienter le comportement
à l'école. Les « Vouchers » et les « Tuition Tax Credits » sont des outils par la
demande qui donnent les moyens aux parents de faire les choix et les « Charters
schools » sont basés sur la demande et l'offre en fournissant aux parents plus
78
d'options. Cependant, le choix des Ă©coles nâest pas Ă©vident pour toutes les classes
sociales. Ainsi, les familles défavorisées ne peuvent choisir que les écoles de
proximité, le choix des écoles éloignées générant des dépenses supplémentaires
comme les frais de transport dans des rĂ©gions oĂč le choix est inexistant en raison
du manque dâune masse critique.
Les seconds instruments sont ceux qui tentent de construire des incitations dans
le systÚme par les régimes de responsabilité administrative qui intÚgrent
récompenses et sanctions fondées sur le rendement (School-Based
Accountability, Teacher Pay for Performance). LâhypothĂšse implicite dans les
instruments incitatifs est que le savoir-faire existe et lâincitation vise Ă induire des
efforts qui autrement nâauraient pas Ă©tĂ© investis. Il existerait une alternative soit un
troisiĂšme groupe dâinstruments (class size, teacher quality) fondĂ©s sur le principe
que le systĂšme scolaire nâa pas besoin dâincitatifs, mais plutĂŽt de ressources pour
accroßtre ses capacités. Hanaway et Woodroffe (2003) reconnaissent des effets
bénéfiques à la régulation basée sur la performance en mettant en garde contre
les risques si les instruments ne sont pas conçus avec soin.
La mise en Ćuvre des politiques dâ« accountability » en Ă©ducation vise
lâamĂ©lioration des performances des Ă©coles (Maroy, 2013), mais ne se fait pas
sans difficultĂ© et peut entraĂźner des consĂ©quences nĂ©gatives sur lâefficacitĂ© du
systĂšme (Hannaway et Woodroffe, 2003; Malet, 2009). Pour Malet, la qualitĂ© nâest
pas toujours aisĂ©e Ă Ă©tablir et Ă exiger, par exemple aux Ătats-Unis, la dĂ©rĂ©gulation
déployée pénaliserait les écoles ou districts scolaires les moins performants,
« entraĂźnant des fermetures dâĂ©tablissements et crĂ©ant les conditions dâune
privatisation de lâoffre scolaire (facilitĂ©es par les vouchers, lâessor de la
scolarisation à la maison, etc.) » (Malet, 2009, p. 102). Aussi, la dérégulation de la
formation des enseignants est porteuse dâune disparitĂ© grandissante entre les
Ătats avec la diffĂ©renciation quâelle engendre sur le plan des compĂ©tences
exigibles, de la formation et mĂȘme sur le recrutement social : « Certains Ătats -
plutĂŽt centre-est et nord-est - protĂšgent jalousement une formation universitaire de
haut niveau, quand dans dâautres - comme la Californie - les enseignants sont en
79
voie de paupérisation, les nouveaux étant projetés devant les classes les plus
difficiles sans prĂ©paration ni soutien, ce qui pĂ©rennise un taux dâabandon
endémique » (Malet, 2009, p. 107).
3.2. La réforme et le pilotage du changement
Les rĂ©formes dans lâadministration publique en gĂ©nĂ©ral et en Ă©ducation en
particulier sont marquĂ©es ces vingt derniĂšres annĂ©es par lâimplantation de modes
de gestion basĂ©es sur les rĂ©sultats. Pour Malet, mĂȘme si elle « ne concerne pas
dâabord le secteur scolaire, elle (la GAR) sây est imposĂ©e au point de devenir une
approche courante des réformes éducatives contemporaines du monde anglo-
saxon et au-delà » (Malet, 2009, p. 96). Ainsi, les réformes généralisées avec la
décentralisation et le contrÎle à distance des performances et des acteurs sont
devenues courantes (Maroy, 2013).
3.2.1. Les approches du changement en Ă©ducation
Selon Deniger (2012), la problĂ©matique du changement en Ă©ducation revĂȘt un
caractÚre historique. Les visées et les objets de ce changement dans les politiques
éducatives ont évolué en quatre périodes :
Au cours des années 50 et 60, le modÚle rationaliste du changement
oriente les rĂ©formes sur les contenus et non sur le processus dâimplantation;
la rationalitĂ© technocratique et lâapproche descendante (« top down »)
dominent.
Dans les années 70, la prise de conscience de la complexité du processus
du changement entraĂźne un virage conceptuel qui amĂšne Ă prendre en
compte lâenvironnement de lâĂ©cole ainsi que les reprĂ©sentations et les
actions de ses artisans (qualitĂ© de lâinnovation) et sur le soutien des acteurs
du monde scolaire (leadership, school improvement, school effectiveness).
Les annĂ©es 1990 seront celles de lâĂšre de lâimplantation des politiques avec
le retour de projets de réformes ambitieuses et un questionnement sur le
rĂŽle des divers niveaux du systĂšme dâaction sous-jacent au changement
80
(gouvernement, autoritĂ©s intermĂ©diaires, Ă©coles, salle de classe). Lâaccent
est mis sur les diverses facettes du processus dâimplantation, sur les
pratiques Ă©prouvĂ©es pouvant en garantir le succĂšs et sur lâĂ©valuation du
processus de mise en Ćuvre.
Enfin, les annĂ©es 2000 voient un intĂ©rĂȘt pour le processus dâappropriation,
mais aussi certaines récurrences étonnantes (leadership, développement
professionnel, soutien, etc.). Lâaccent est mis sur la comprĂ©hension du
processus dâappropriation et la qualitĂ© de la gestion des changements en
Ă©ducation.
Dans une autre perspective, quatre facteurs dâanalyse Ă©troitement liĂ©s sont utilisĂ©s
pour expliquer la gestion du changement dans lâadministration : la vision
idéologique, la conduite du changement, la politique institutionnelle, et la capacité
de mise en Ćuvre (Huerta Melchor, 2008). Deniger (2012) identifie quatre grands
modÚles théoriques de gestion du changement (ModÚle de Morgan, ModÚle de
Lewin, ModĂšle de Kanter et ModĂšle de Kotter), quatre styles de management du
changement (imposition contrÎlée; structuration contractualisée; co-construction
responsabilisée; et burning platform) et quatre dispositifs pour déployer des
changements (construire un programme; déployer des projets; former les
managers, acteurs du changement quotidien; et développer une culture du
changement).
Aussi les nombreuses limites dans les connaissances actuelles sur le changement
en Ă©ducation seraient selon Deniger (2012) :
Le manque de synthĂšse sur lâĂ©volution historique de la problĂ©matique;
Une faible intégration conceptuelle des aspects sociaux, organisationnels
et individuels dans les analyses;
La raretĂ© des analyses intĂ©grant les divers niveaux de lâaction (la classe,
lâĂ©cole, la commission scolaire, le systĂšme scolaire), pour comprendre la
dynamique du changement et rĂ©soudre les problĂšmes complexes quâelle
comporte;
81
Lâabsence dâĂ©tudes, en contexte scolaire, qui permettraient dâapprĂ©hender
le changement selon les diverses dimensions de sa gestion : planification;
information et formation; communication; leadership; allocation et contrĂŽle
des ressources; soutien et pilotage; reddition de comptes; Ă©valuation des
résultats;
Le besoin dâune meilleure connaissance des pratiques de gestion pour en
distinguer les avantages et les inconvénients et dégager les plus efficaces;
Une connaissance limitĂ©e des divers facteurs susceptibles dâinfluencer
lâappropriation du changement (comprĂ©hension, adhĂ©sion, engagement)
par les acteurs du systĂšme scolaire et des Ă©coles; et
La grande rareté des études portant sur les effets des politiques éducatives
(et des changements que celles-ci induisent) sur lâorganisation scolaire, les
pratiques pédagogiques et les apprentissages et les compétences des
Ă©lĂšves.
Les principales dimensions du changement soulevées par Gather-Thurler (2002)
sont le mode dâorganisation du travail plus ou moins bureaucratique; le degrĂ© de
coopĂ©ration professionnelle; lâidentitĂ© collective et lâĂ©tendue de la culture
commune; les modalitĂ©s dâexercice du pouvoir et du leadership; et la capacitĂ© de
se mobiliser autour dâun projet. Pour Gather-Thurler (2002, p. 3) trois conditions
peuvent favoriser la transformation des professionnels en acteurs principaux et
responsables des changements :
Que le systÚme éducatif se borne à définir les finalités communes et un
« plan-cadre », en laissant une large marge de manĆuvre aux
Ă©tablissements, en matiĂšre de fonctionnement, de ressources humaines,
mais aussi dâorientations curriculaires ;
Que les acteurs de chaque Ă©tablissement sâapproprient le plan-cadre dĂ©fini
par les autorités, en négociant éventuellement des ressources, voire des
marges supplĂ©mentaires de libertĂ©, en fonction de leurs besoins et de lâĂ©tat
de leurs pratiques.
82
Quâils dĂ©cident dans ce cadre de leurs prioritĂ©s dâaction dans le cadre dâun
projet dâĂ©tablissement explicite et constamment remis Ă jour.
Le dĂ©placement, lâempilement, la dĂ©rive, la conversion et lâĂ©puisement constituent
les cinq types de changements institutionnels distingués par Streeck et
Thelen (2005, p. 9)2. Ces types de changement sâinscriraient dans un processus
de changement graduel/incrĂ©mental et peuvent ĂȘtre porteurs Ă lâarrivĂ©e soit dâune
« transformation graduelle », soit dâune « reproduction par adaptation » de
lâinstitution existante (Streeck et Thelen, 2005).
Pour McNaughton, Langlay et Sauni (2007) qui tirent des leçons des réformes
effectuĂ©es en Nouvelle-ZĂ©lande, les changements dans lâenseignement
secondaire ont eu des effets aussi bien sur les Ă©coles que sur les enseignants.
Pour les enseignants (Ibid. pp. 42-43) :
Le systĂšme Ă©ducatif est plus fragmentĂ© quâavant avec lâautonomie des
nombreuses écoles qui ont chacune une variété de politiques, de pratiques
et de stratégies.
Les rapports de type industriel sont dominants par rapport aux rapports
professionnels. La performance est maintenant liée à des normes
professionnelles qui ont été introduites dans le cadre d'une négociation
industrielle, plutÎt que comme un résultat de la consultation et de
l'engagement professionnel. Une Ă©tude de McKay (1999) montre que plus
de 50 % des enseignants trouvaient que le systĂšme ne favorise pas
lâamĂ©lioration des performances.
Lâessentiel des rĂ©formes ont Ă©tĂ© menĂ©es avec une approche top-down
pilotĂ©e par des agences externes qui nâont pas impliquĂ© les enseignants.
Ainsi les changements ont été vus comme une imposition qui entraßne un
surplus de travail pour de faibles bénéfices plutÎt que comme un
renforcement des capacités des enseignants pour de meilleurs
2 Les cinq types de changements institutionnels distingués par Streeck et Thelen (2005) sont présentés plus haut dans la section 3.3.
83
programmes aux apprenants (Langley, 2002). La dimension « micro » de la
relation enseignement-apprentissage a été largement ignorée, avec
lâhypothĂšse qu'un programme clair, une gestion saine et flexible, la
participation communautaire et une plus grande responsabilisation des
enseignants conduiraient Ă un meilleur apprentissage.
Pour les écoles, on note un accroissement des inégalités de progression,
qui font que « pendant que certaines Ă©coles manquent de matĂ©riel dâautres
en sont suréquipées. »
3.2.2. Les pratiques de réformes
McNaughton et al. (2007) définissent la réforme éducative comme étant une
« Ă©limination des dĂ©fauts et la conduite de lâĂ©ducation vers de meilleurs rĂ©sultats
(removal of faults and the drive for education outcomes to be better, p. 32) » avec
« lâintention de crĂ©er de meilleures opportunitĂ©s pour les apprenants et un
avancement local global pour la communauté. » Les réformes des politiques
Ă©ducatives depuis les annĂ©es 80 sont tournĂ©es vers des objectifs dâamĂ©lioration
de la qualité et des performances des écoles (Ozga, 2009). Dans la majorité des
pays, les réformes se caractérisent par une focalisation accrue sur les dimensions
de lâĂ©conomie et de lâefficience dans la mesure de la performance scolaire
(Annan, 2011; Hannaway et Woodroffe, 2003; Malet, 2009; Maroy, 2013;
Ozga, 2009, 2013). Dans les modes de régulation mis en place dans les
annĂ©es 2000, lâĂtat central tend Ă renforcer son contrĂŽle stratĂ©gique sur les
orientations générales du systÚme éducatif en définissant les missions, les
objectifs et les modalitĂ©s dâopĂ©rationnalisation des rĂ©sultats (Maroy et
Dupriez, 2000). Il sâagirait dâun « Ătat Ă©valuateur » (Neaves, 1988) qui utilise
lâĂ©valuation comme un moyen de contrĂŽle du systĂšme Ă©ducatif (Bradfoot, 2000).
Dans les faits, câest « le pouvoir de dĂ©terminer des critĂšres dâĂ©valuation qui
façonnent le contenu et le style du discours Ă©ducatif et la capacitĂ© dâimposer ce
contenu et ce style comme base dâaccountability, qui constitue " la clĂ© dâun
contrĂŽle efficace des institutions et des enseignants " dans les politiques
dâaccountability » (Bradfoot, 2000, p. 45).
84
Avec lâĂ©valuation comme outil politique, lâenjeu du contrĂŽle du systĂšme Ă©ducatif
devient la capacité pour les gouvernements à déterminer les indicateurs de
performance pertinents pour soutenir les dispositifs bureaucratiques
(Bradfoot, 2000). Ainsi, en Angleterre par exemple, lâĂ©valuation exerce un contrĂŽle
externe pendant que le pouvoir central contrĂŽle les institutions de lâintĂ©rieur en leur
imposant de se fixer des objectifs. Il faut cependant distinguer les systĂšmes qui
ont implanté une accountability à « faibles enjeux » de ceux qui sont à « forts
enjeux » (Ibid.). Dans des politiques à faibles enjeux (France, Québec, Belgique,
etc.), les conséquences ne sont pas significatives pour un établissement qui
nâatteint pas les performances requises. Dans le cas des politiques Ă forts enjeux
(Ătats-Unis, Royaume-Uni, Nouvelle-ZĂ©lande), les consĂ©quences sont
importantes pour les individus et les institutions (congédiements, fermetures
dâĂ©coles, etc.).
Une autre tendance des réformes actuelles réside dans la place des statistiques
et des Ă©valuations internationales sur les orientations politiques (Wiseman, 2010).
Ozga (2009), note que lâobjectif consiste Ă amĂ©liorer et Ă rĂ©former lâĂ©ducation Ă
travers la dĂ©personnalisation du jugement et lâusage de donnĂ©es objectives. Les
réformes de nature systémique sont aussi trÚs répandues dans les derniÚres
dĂ©cennies. En Europe par exemple, les systĂšmes Ă©ducatifs seraient confrontĂ©s Ă
des dĂ©fis dont lâampleur exige de rĂ©pondre par des rĂ©formes ou des adaptations
globales (Novoa, 1994). Huberman et Miles (1992, cités par Lessard et al., 2008)
considĂšrent que la rĂ©forme systĂ©mique mobilise lâensemble des niveaux, paliers
et acteurs du systÚme éducatif. Cependant une réforme systémique ne va pas de
soi et la formulation et lâadoption de la politique ne garantissent pas son
implantation réussie dans les milieux de pratique (Howlet et Ramesh, 2003).
Lâimplantation des politiques Ă©ducatives a longtemps abouti Ă des Ă©checs du fait
de stratégies gouvernementales inadaptées (Carpentier, 2012). Ainsi, ce serait les
stratégies gouvernementales « hybrides », c'est-à -dire faisant appel à la fois aux
approches descendantes (top-down) et ascendantes (bottom-up) qui seraient
85
considérées comme étant les plus efficaces. Les approches hybrides présentent
quatre caractéristiques ou dimensions principales (Carpentier, 2012, pp. 22-27) :
La bidirectionnalité renvoie à la présence de deux pÎles de pouvoir, dont le
premier, le « pÎle gouvernement » développe une vision, établit des buts
centraux et des standards, crée des incitations, évalue réguliÚrement et met
en place un processus dâimputabilitĂ© alors que le « pĂŽle terrain » possĂšde
lâautonomie pour adapter les politiques Ă son contexte spĂ©cifique en
dĂ©veloppant une capacitĂ© Ă construire, grĂące Ă lâautonomie et Ă la flexibilitĂ©
que lui accorde le pĂŽle central pour adapter et enrichir les politiques.
La zone de pouvoir et de marchandage est le lieu pour les deux pĂŽles
dâinteragir Ă travers des Ă©changes mutuels dâinformations et la collaboration
qui se décline en débats/négociations/apprentissages, mobilisation,
participation, et consensus/compromis/ accommodation réciproques.
LâĂ©volution traduit les changements et les transformations de la politique,
notamment du fait de lâĂ©change et de la collaboration dans les interactions
entre les deux pĂŽles et lâinfluence du contexte qui est Ă©volutif.
La prise en compte du contexte Ă travers les facteurs qui peuvent influencer
lâimplantation se fait en termes de besoins (changements jugĂ©s utiles par rapport
aux besoins scolaires), clarté (buts et moyens à adopter), complexité (difficulté et
étendue du changement désiré) et qualité pratique du changement (présence et
disponibilité des ressources nécessaires).
Dans un autre sens, les caractéristiques et les conditions de réussite des réformes
sont abordées par certains auteurs, tels que McNaughton et al. (2007) qui
affirment que :
Les réformes ont souvent porté à travers le monde sur des aspects de
conformité avec une stratégie top-down.
86
La rĂ©forme Ă©ducative nâest pas linĂ©aire, mais un processus continu de
construction de sens entre les apprenants, les enseignants, les leaders et
une variĂ©tĂ© dâorganisations (p. 31).
La clĂ© dâune rĂ©forme Ă©ducative rĂ©ussie est l'amĂ©lioration dans les relations
parmi tous les participants (p. 31).
Ces auteures Ă©voquant les nombreux Ă©checs pensent quâune rĂ©forme rĂ©ussie qui
installe « une culture généralisée de la qualité et des résultats dans les écoles »,
(McNaughton et al., 2007) nécessite les éléments essentiels suivants :
Pour lâĂ©cole primaire :
A developmental history : son histoire dĂ©termine en partie lâefficacitĂ© des
interventions.
A policy context : les différents éléments institutionnels (rapports, groupe
de travail, orientations et stratégies) qui précÚdent la réforme et qui
lâinfluencent.
Research capacity : Il est nécessaire que les compétences requises
suivant les intĂ©rĂȘts de recherche soient disponibles ainsi que les
dispositifs de recherche adéquats.
à collaborative process : Navigant entre les théories de recherche et les
théories de pratique.
Pour lâĂ©cole secondaire :
Students first;
Inspiring teachers;
Social effects;
Community connectedness;
The place of technology.
3.2.3. Les acteurs et les résistances aux changements
Les rĂ©formes visant lâimplantation de politiques de GAR en Ă©ducation ont souvent
généré des résistances importantes au niveau des acteurs scolaires
87
(Carpentier, 2012; Maroy, 2005; Ozga, 2009). Les enseignants ont vécu les
rĂ©formes actuelles comme une rĂ©duction de leur lâautonomie professionnelle,
accompagnĂ©e dâune augmentation du contrĂŽle et de la charge de travail (Lessard
et al., 2008, 2009; Shipps et White, 2009). De nouvelles formes de conflits
professionnels et bureaucratiques apparaĂźtraient (Shipps et White, 2009), mais
pour les observateurs qui voient le champ Ă©ducatif comme un espace de luttes,
câest un allant de soi des rĂ©formes (Malet, 2009).
Le concept de réceptivité met en évidence les facteurs qui influencent le degré de
collaboration des organisations au changement mis en place par les politiques
(Butler, 2003 cité par Huerta Melchor, 2008). La « réceptivité » des réformes serait
un dĂ©fi majeur auquel les gouvernements sont confrontĂ©s dans lâimplantation des
réformes du fait notamment de la sous-estimation du facteur et des coûts humains
(Caron et Giauque, 2004; Fortier, 2010) de mĂȘme que le changement culturel
nĂ©cessaire (Emery, 2005). Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Anderson (2005, citĂ© par
Lessard et al., 2008) parle du reculturing qui doit accompagner le restructuring.
Lâimportance de la gestion du changement serait aussi sous-estimĂ©e par les pays
de lâOCDE dans la conception et lâimplantation des rĂ©formes de lâaction publique
(Butler, 2003, cité par Huerta Melchor, 2008). Les nouvelles politiques génÚrent
alors des tensions (institutionnelles, managériales et légitimationnelles) dans la
gestion des ressources humaines au Canada et en Suisse (Caron et
Giauque, 2004).
3.2.4. Les dĂ©fis et lâĂ©valuation des rĂ©formes actuelles
Lâenjeu de la rĂ©sistance aux rĂ©formes inspirĂ©es par le NMP se situe au niveau de
la capacité des enseignants à proposer des alternatives crédibles pour influencer
les rĂ©formes dans le sens de prĂ©server leurs intĂ©rĂȘts. Malet, affirme « lâavenir dira
si face à ces diverses formes de sujétion, les enseignants étasuniens et anglais
trouveront les ressources morales, intrinsÚques et/ou extrinsÚques, pour résister
collectivement à ces évolutions ou simplement pour exister » (Malet, 2009,
p. 113).
88
La collaboration reprĂ©sente Ă©galement un dĂ©fi entre les enseignants eux-mĂȘmes.
En effet, la premiÚre difficulté réside dans le fait que la collaboration est prescrite
(Malet, 2009) alors que le travail enseignant est essentiellement individuel. La
deuxiÚme difficulté est due aux comportements de concurrence qui sont
encouragés par la GAR. En effet, la course pour de meilleurs résultats oppose les
Ă©coles, mais peut aussi opposer des enseignants dans le cas des incitatifs
financiers (Hannaway et Woodroffe, 2003), par exemple. Les « Ă©coles, loin dâĂȘtre
des communautĂ©s professionnelles dâapprentissage » seraient plutĂŽt des
« thĂ©Ăątres dâambitions individuelles incompatibles avec un idĂ©al professionnel liĂ©
Ă lâaffirmation dâune Ă©thique et dâune solidaritĂ© professionnelles » (Malet, 2009,
p. 111).
Trois auteurs insistent sur lâimportance de prendre en compte les facteurs qui
favoriseraient lâimplantation rĂ©ussie des changements dans la gestion publique et
en Ă©ducation. Aux Ătats-Unis, la rĂ©tention des enseignants est devenue un
problĂšme politique majeur de mĂȘme que la formation qui « paraĂźt faiblement
compatible avec les enjeux Ă©conomiques qui pĂšsent sur les enseignants et
lâĂ©cole » (Malet, 2009, p.111). Par ailleurs, Gow (1984) met lâaccent sur lâorigine
des facteurs à mettre en avant dans une réforme et sur le rÎle des acteurs dans la
mise en Ćuvre. Ainsi, il Ă©voque les contradictions ou les tensions qui peuvent
naßtre du fait que certains acteurs se réfÚrent à des facteurs externes pour justifier
la pertinence des rĂ©formes alors que dâautres utilisent les facteurs internes pour
justifier leur position. Pour Gow, la volontĂ© du changement devrait ĂȘtre diffusĂ©e et
soutenue par un catalyseur et complétée par des pressions externes et des appuis
internes (Gow, 1984). Par exemple, une commission parlementaire (catalyseur)
pourrait entreprendre une réforme rendue impérative par une forte demande
sociale (pressions externes), et implantée avec le soutien et la collaboration des
organisations professionnelles (appuis internes).
Ces appuis internes sont fondamentaux pour Brassard (2012) pour qui les
conditions pour lâimplantation rĂ©ussie de la GAR concernent directement les
personnels scolaires. Ces conditions, au nombre de quatre, sont lâadhĂ©sion des
89
acteurs, le lien de confiance entre les différents paliers hiérarchiques, la fixation
des objectifs au niveau opérationnel avec les acteurs et la prise en compte du
développement professionnel des acteurs. Ces conditions sont indispensables
pour que la GAR soit implantĂ©e effectivement. Câest dire Ă quel point les
perceptions et les opinions des acteurs seraient des aspects importants dans
lâimplantation de la GAR.
Des études se sont intéressées aux changements dans le domaine éducatif de
maniÚre spécifique comme celle de Meuret (2012) sur les effets de la régulation
par les rĂ©sultats aux Ătats-Unis, un pays oĂč la GAR est implantĂ©e depuis
longtemps. DâemblĂ©e, Meuret Ă©voque la controverse qui entoure la question des
effets de la GAR. En effet, de nombreux acteurs ne voient dans ces politiques que
des sources de détérioration de la qualité des services éducatifs. Pour
McNeil (2000, cité par Meuret, 2012, p.°79), « la régulation par les résultats
signifierait quâon renonce Ă tout enseignement authentique au profit de
compétences mécaniques, que les élÚves faibles et pauvres seront sacrifiés sur
lâautel de la performance chiffrĂ©e. »
Dâautres voient dans la GAR une approche incompatible avec les caractĂ©ristiques
du milieu scolaire et posent la question de lâĂ©valuation dans les politiques de GAR.
Pour Meuret (2012), le dĂ©bat dâordre culturel sur la pertinence de la GAR a laissĂ©
la place Ă celui de lâĂ©valuation de ces effets dans le systĂšme Ă©ducatif. Fort de cela,
il classe les recherches Ă©valuatives de la GAR par rapport aux trois questions
auxquelles elles cherchent à répondre, à savoir : « quel effet les dispositifs de
rĂ©gulation par les rĂ©sultats ont-ils sur le contenu de lâenseignement, sur le travail
et le moral des enseignants, sur les performances scolaires des Ă©lĂšves,
performances moyennes dâune part (efficacitĂ©), performances des plus faibles ou
des dĂ©favorisĂ©s dâautre part (Ă©quitĂ©)? » (Ibid., p. 79). Meuret (2012, p. 85)
présente une synthÚse des principales conclusions auxquelles ont abouti les
auteurs qui ont menĂ© des Ă©tudes sur les effets de la GAR aux Ătats-Unis en faisant
les constats suivants :
90
Les effets de la régulation par les résultats ne sont ni aussi
catastrophiques quâimaginĂ©s par ses adversaires, ni aussi positifs
quâimaginĂ©s par ses partisans;
Ces Ă©tudes montrent [âŠ] quâil y a plus de danger pour lâefficacitĂ© et
surtout lâĂ©quitĂ© des systĂšmes scolaires Ă ne pas sâengager dans une
politique de rĂ©gulation par les rĂ©sultats quâĂ sây engager;
Lâengagement dans une telle politique ne peut donc ĂȘtre que
prudent, accompagnĂ© dâĂ©valuations qui en permettent la
réorientation;
Une prudence politique et technique est requise. Au plan politique,
puisquâil est avĂ©rĂ© que ces dispositifs rĂ©orientent lâenseignement, il
faut sâassurer que les objectifs [âŠ], que les tests, font lâobjet dâun
large accord parmi le public et les enseignants.
Il apparaĂźt que lâĂ©valuation des rĂ©formes visant lâimplantation de la GAR a
gĂ©nĂ©ralement ignorĂ© le point de vue et les besoins dâappropriation des
changements des acteurs. La précipitation dans la mise en place des réformes
(Bourgault, 2004), la faible implication des professionnels des différents secteurs,
et la sous-estimation de lâampleur des changements et des coĂ»ts humains qui leur
sont associés ont entraßné une faible appropriation des changements
(Fortier, 2010). Ainsi, mĂȘme si certains acteurs ont reconnu la pertinence de la
GAR, ils sont largement majoritaires Ă critiquer les modalitĂ©s de sa mise en Ćuvre.
Dâautres acteurs dĂ©noncent lâapproche Ă©conomique largement privilĂ©giĂ©e aux
dĂ©pens dâautres aspects pourtant importants (Fortier, 2010). Les paradoxes notĂ©s
dans les effets de la GAR montrent la nécessité de revoir certains aspects de
lâimplantation de cette approche surtout dans des secteurs comme lâĂ©ducation et
la santĂ©. Lâoptimisme de certains acteurs quant Ă lâaccroissement de la satisfaction
avec lâexpĂ©rience (Bourgault, 2004) reste cependant trĂšs isolĂ© face aux doutes
dâautres acteurs beaucoup plus nombreux, qui contestent mĂȘme la capacitĂ© de la
GAR Ă rĂ©aliser lâaccroissement de performances Ă nature Ă©conomique comme
lâefficience (Fortier, 2010).
91
3.3. LâidĂ©ologie et le rapport de pouvoir
3.3.1. Les dĂ©bats idĂ©ologiques autour des finalitĂ©s de lâĂ©ducation
Les réformes des politiques publiques influencées par le NMP ont suscité de
nombreux dĂ©bats, dont certains idĂ©ologiques. Il en est ainsi en Ă©ducation oĂč de
nombreux acteurs se questionnent sur la compatibilité entre les missions de
service public et de justice sociale de lâĂ©cole et la GAR. Il y aurait une contradiction
entre « la rationalité économique avec une orientation néolibérale » qui « essaie
de reconstruire l'éducation comme "espace privé"» (Novoa, 1994, pp. 24-25) et la
rationalitĂ© Ă©cologique de lâĂ©cole (Meirieu, 2004). Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es,
Novoa trouve que le concept de qualité en éducation trouve son origine dans le
rapprochement de l'idéologie de l'efficience et de l'efficacité et « son utilisation
s'intÚgre dans un processus plus vaste de redéfinition des politiques éducatives,
dans le sens d'une valorisation des retombées économiques et des standards
académiques au détriment des dimensions culturelles et des aspects sociaux »
(Novoa, 1994, p. 25).
Il apparaßt également des « contradictions qui existent actuellement entre les
perspectives néo-libérales et les orientations autoritaires d'une grande partie des
politiques étatiques dans le secteur de l'éducation » (Cole, 1992, et Stoer, 1994,
cités par Novoa, 1994, p. 24-25). En effet, ces contradictions sont observées dans
de nombreux pays (Brassard et al., 2013a; Carpentier, 2012; Malet, 2009;
Ozga, 2009, 2013) et semblent constituer une caractéristique des nouvelles
politiques Ă©ducatives dans lesquelles lâĂ©valuation joue un rĂŽle de plus en plus
important (Maroy et al., 2013, Maroy, 2013). Ă ce propos, Novoa fait remarquer
que les politiques Ă©ducatives de lâUnion europĂ©enne sont « mises en place plutĂŽt
Ă partir de critĂšres qui constituent un ensemble d'instruments d'Ă©valuation et de
contrÎle (normes, standards, modÚles, etc.) que d'objectifs et de propositions »,
ce qui montre que l'éducation est envisagée « comme un problÚme de gestion et
d'organisation et non comme une question sociale et politique » (Novoa, 1994,
p. 26).
92
Au-delĂ des finalitĂ©s de lâĂ©ducation, le choc des valeurs se retrouve aussi dans
lâorientation et la nature de la rĂ©gulation des politiques Ă©ducatives :
The ongoing contest in educational management is mainly between the traditional, input and control-oriented paradigm and the new outcomes-oriented paradigm, which exists in at least two forms: an individualistic, market-driven model vs more communitarian models. [âŠ] The tension between the old and new paradigms of school management is evident in many places but is especially salient where new computerized information and accountability systems make âunpleasantâ information more visible and readily available than in the past (Boyd, 1999, p. 291).
Le choc des valeurs se trouve aussi présent dans les systÚmes de formation des
enseignants oĂč la part de lâuniversitĂ© est relativisĂ©e au profit de certifications visant
Ă instrumentaliser les enseignants pour la performance (Malet, 2009). Gleeson et
Husbands (2003, p. 508) constatent que «°deux approches de lâĂ©cole sâaffrontent
aujourdâhui : lâune rĂ©duit le champ scolaire Ă des tests, des objectifs de
performance et des standards; lâautre est celle des pratiques, des expĂ©riences et
des Ă©preuves en contexte dâapprentissage et de travail : le challenge quotidien de
lâaction dâĂ©duquer. »
3.3.2. LâĂ©volution des pratiques des personnels scolaires
Les réformes se sont traduites par des changements importants sur le travail des
enseignants et des gestionnaires (Lessard et al., 2008, 2009; Shipps et
White, 2009). Lessard et al. (2008, p. 166) synthétise ces changements par les
éléments suivants :
Lâintensification du travail enseignant due aux objectifs dâaccroissement de
la performance des Ă©coles qui se traduit pour les enseignants par des
pressions fortes « conduisant à la surcharge du travail » pendant que « la
prĂ©carisation croissante de lâemploi, et le recours Ă un personnel sous-
qualifié » se développent.
Lâintensification du contrĂŽle du travail enseignant [âŠ] est liĂ©e Ă la
publication des rĂ©sultats des Ă©lĂšves, aux audits dâĂ©tablissements et au suivi
des plans dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
93
LâĂ©largissement du travail et lâobligation faite aux enseignants dâĂ©tendre leur
champ dâactivitĂ© de la classe Ă lâĂ©tablissement et Ă se concevoir comme
membre dâun collectif engagĂ© dans le projet institutionnel dont chacun est
redevable.
La responsabilisation professionnelle individuelle et collective pour la
réussite des élÚves, ou la reddition de comptes du personnel enseignant. Il
sâagit lĂ dâune stratĂ©gie managĂ©riale « visant Ă responsabiliser les
enseignants pour les difficultés des élÚves ».
La rationalisation technique du travail, cohĂ©rente avec lâintensification du
contrĂŽle et la responsabilisation du travail, qui entraĂźne une prescription
croissante du travail de lâenseignant avec une hausse du coĂ»t de
lâ« inattention » Ă la prescription.
La dépossession du métier due à la prise de pouvoir des acteurs extérieurs
(instances politiques) Ă lâĂ©ducation qui ont entrepris les rĂ©formes politiques
avec une orientation marchande (NMP) qui aboutit Ă lâexternalisation de
lâĂ©ducation, Ă sa soumission Ă une logique productiviste, contraire Ă une
vision humaniste et Ă la notion de service public qui Ă©taient
traditionnellement constitutive de lâidentitĂ© du mĂ©tier.
La fragmentation du corps professoral est due à la hiérarchisation des
Ă©tablissements avec la concurrence et les Ă©carts de performance qui
servent de base de classement dans les nouvelles politiques.
Tous ces changements dans le travail enseignant sont lâexpression de lâattention
croissante qui est accordée aux services fournis alors que les personnels
deviennent une ressource comme une autre dans le sens du concept de capital
humain. Ainsi, « le développement professionnel prend sens en référence au
dĂ©veloppement de lâorganisation au point quâil se cantonne, comme la formation,
non Ă lâapprentissage dâun mĂ©tier, mais Ă un apprentissage organisationnel »
(Malet, 2009, p. 109).
La baisse de lâintĂ©rĂȘt pour le travail scolaire est une rĂ©alitĂ© dans de nombreux pays
oĂč les politiques de GAR ont Ă©tĂ© mis en place : « It is no accident, then, that school
94
heads are retiring at a record pace and that the job of school administrators has
become more stressful and less attractive, not only in Britain but in many nations,
including the USA, Australia, and Canada » (Boyd, 1999, p. 287). La dépréciation
du travail scolaire se manifeste au Royaume-Uni par lâaugmentation des
enseignants dĂ©sirant garder un statut dâintĂ©rimaire et, aux Ătats-Unis, par le fort
taux dâabandon dans les cinq premiĂšres annĂ©es de service des enseignants
(Malet, 2009).
Un autre effet des politiques de GAR est le paradoxe dans la perception des
enseignants par la population qui reconnaĂźt en lâenseignant un agent de
changement dont le rÎle est fondamental dans la société. Toutefois, cette
reconnaissance fait suite aux rĂ©formes (Angleterre et Ătats-Unis) qui ont entraĂźnĂ©
une Ă©rosion morale chez les enseignants du fait de « lâalourdissement des
charges » et de « la responsabilité croissante génératrice de stress et
dâĂ©puisement » (Malet, 2009). Câest « comme si cette reconnaissance publique
croissait Ă mesure quâils sâusent » (Malet, 2009, p. 95).
LâĂ©volution du travail enseignant sâest aussi manifestĂ©e dans les modalitĂ©s de
formation et de recrutement des nouveaux enseignants. Dans les systĂšmes
Ă©ducatifs oĂč la formation a Ă©tĂ© universitarisĂ©e comme aux Ătats-Unis et en
Angleterre, lâuniversitĂ© est « souvent identifiĂ©e comme la voie de la
reconnaissance sociale » et « lâinstance de formation garante dâune indĂ©pendance
Ă lâĂ©gard du politique » (Malet, 2009, p. 105). Ainsi, « lâĂ©loignement des universitĂ©s
de la formation des enseignants a Ă©tĂ© ressenti comme une atteinte Ă lâunitĂ© et Ă
lâautonomie de la profession » (Malet, 2009, p. 105). Il en a rĂ©sultĂ© une
multiplication des statuts dâemploi et des conditions de travail pour des
enseignants portant atteinte Ă leur identitĂ© et diffĂ©renciant les conditions dâaccĂšs
Ă la profession.
95
3.3.3. Le point de vue des gestionnaires et enseignants sur la GAR
Les recherches empiriques qui sâintĂ©ressent au point de vue des acteurs sur la
GAR sont rares (Emery et al., 2008). Néanmoins, Emery et al. (2008) présentent
la perception de la performance par les agents publics suisses dans le contexte
des rĂ©formes inspirĂ©es par la nouvelle gestion publique dans lâadministration
publique suisse.
Dans leur cadre théorique et leur problématique, ces auteurs font une synthÚse de
la littérature scientifique sur le sujet et arrivent à la conclusion que les études sur
la perception de la performance par les agents publics sâadressent gĂ©nĂ©ralement
aux acteurs stratégiques ou politiques, aux dépens des acteurs opérationnels. Ils
concluent aussi que la nĂ©cessitĂ© dâinvestiguer le point de vue de ces acteurs
opĂ©rationnels semble ĂȘtre partagĂ©e par la majoritĂ© des chercheurs. Les donnĂ©es
recueillies lors dâentretiens semi-structurĂ©s Ă©taient traitĂ©es et classĂ©es en fonction
des sept mondes décrits par Boltanski et Thévenot. Ensuite, la fréquence des
références a permis de classer les sept mondes. Les résultats montrent que la
conception industrielle de la performance est dominante, suivi des mondes
civique, domestique, marchand et de lâopinion.
Les auteurs comparent ces rĂ©sultats Ă ceux obtenus dans dâautres pays comme
le Canada oĂč les conceptions sâarticulent autour de deux pĂŽles, un marchand et
un civique. Ils concluent alors que la Suisse propose une alternative avec le
triptyque monde industriel, civique et domestique. Ils expliquent ces différences
par le contexte particulier des réformes en Suisse, la nature du service public et
de la conception que sâen font les acteurs.
Pour finir, Emery et al., (2008) précisent la portée exploratoire des résultats
obtenus qui, quoiquâils ne puissent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©s du fait de la faible taille de
lâĂ©chantillon, permettent tout de mĂȘme de poser une hypothĂšse qui appelle
dâautres Ă©tudes Ă grande Ă©chelle. La rĂ©affirmation, dâune part, de la marginalisation
des acteurs opĂ©rationnels dans lâĂ©valuation des politiques et des rĂ©formes
96
rĂ©centes et, dâautre part, de la nĂ©cessitĂ© dâinvestiguer leur perception sur ces
rĂ©formes et ces politiques de lâadministration publique viennent confirmer la
pertinence de notre problématique. Les pistes de recherches complémentaires
suggĂ©rĂ©es par les auteurs (Ă©tudes Ă grande Ă©chelle, dans dâautres pays, etc.)
indiquent des pistes utiles quant à la méthodologie et à la recherche qui est
envisagée.
En Ă©ducation, les Ă©tudes qui portent sur les perceptions et les points de vue des
acteurs de premiÚre ligne sur la GAR et ses effets au Québec sont rares. Dans
une étude réalisée en Italie et portant sur les transformations apportées par
lâimplantation des politiques nĂ©olibĂ©rales, Teresa (2012) prĂ©sente dans une
perspective historique les nombreuses Ă©volutions de la profession enseignante et
le rĂŽle de dĂ©fense des intĂ©rĂȘts jouĂ© par les syndicats dâenseignants. Le texte
discute de nombreux enjeux des réformes réalisées dans la logique du nouveau
management public sur le statut et les conditions de travail des enseignants. En
effet, les enseignants italiens semblent ĂȘtre attachĂ©s Ă la dĂ©mocratisation de
lâaccĂšs Ă lâĂ©ducation pour tous et se mobilisent dans ce sens. Il apparaĂźt Ă©galement
que les réformes du systÚme éducatif ont eu des conséquences positives pour les
gestionnaires opérationnels qui ont gagné en pouvoir (proviseur) alors que les
enseignants voient leurs conditions de travail se dégrader principalement avec
lâaugmentation des contrats de travail Ă durĂ©e dĂ©terminer, les baisses de salaires,
et les motivations financiĂšres discriminatoires pour certains dâentre eux, jugĂ©s plus
mĂ©ritants. Pour eux, la flexibilitĂ© dans lâorganisation du travail est nĂ©cessaire et ils
trouvent pertinentes une plus importante différenciation des rÎles professionnels
des enseignants et la construction de hiérarchies liées aux nouvelles tùches.
(Teresa, 2012)
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Maroy (2005) sâintĂ©resse aux rĂ©sistances des
enseignants face aux rĂ©formes visant leur professionnalisation qui sâinspirent du
modÚle du praticien réflexif. Ces réformes visent à fournir aux enseignants des
mĂ©canismes dâadaptation aux mutations de lâĂ©cole et de son environnement. Dans
un premier temps, il revient sur les constances et les évolutions du métier
97
enseignant, ainsi que sur le sens que les enseignants donnent aux changements
et la façon dont ils les vivent. Les changements prescrits dans les pratiques des
enseignants seraient grandement déterminés par les modes de régulation des
systĂšmes dâĂ©ducation et se dĂ©velopperaient dans trois perspectives, Ă savoir « le
" pilotage " du systĂšme, la conception de lâĂ©tablissement et la professionnalitĂ© des
enseignants (Maroy, 2002) ».
à partir des modÚles de professionnalité et des types identitaires de référence, le
texte traite des invariants de la profession enseignante. Les changements
implantés à travers les nombreuses politiques éducatives des derniÚres années
sont Ă©galement vus avec leurs consĂ©quences sur le mĂ©tier dâenseignant en termes
de charges de travail, de responsabilités et de valorisation de la profession
enseignante. Ainsi, « en Europe, au-delà de spécificités nationales, les
enseignants connaissent des évolutions significatives de leur métier et une
intensification de leur charge de travail qui tient Ă la complexification de lâexercice
de leur métier et à la diversification de leurs charges ». Les changements en
question touchent à des degrés différents les enseignants Maroy (2005).
Par ailleurs, les enseignants éprouvent le « sentiment que les priorités sont fixées
de lâextĂ©rieur » ce qui alimente une impression « de perte dâautonomie et
dâaccomplissement personnel » Ă leur niveau. NĂ©anmoins, certains enseignants
se seraient bien adaptés à ce nouveau contexte professionnel, soit aux évolutions
prescrites de leurs pratiques. Maroy (2005) précise également que « ces
Ă©volutions du travail sont imputables aux transformations du public scolaire de
lâĂ©cole [âŠ] Ă la nature des rĂ©formes et des politiques Ă©ducatives. »
Les prescriptions ne seraient pas les seuls facteurs qui dĂ©terminent lâintensification
du travail des enseignants, dans la mesure oĂč ces derniers veulent rester fidĂšles
Ă leur Ă©thos professionnel. Il dĂ©clare que « câest parce que les enseignants
tiennent encore Ă prodiguer une attention au dĂ©veloppement des Ă©lĂšves, au-delĂ
de leur attention aux performances strictement scolaires et au-delĂ des nouvelles
charges administratives qui leur incombent que la surcharge se fait sentir. Il y a lĂ
98
un mĂ©lange paradoxal de rĂ©sistances aux rĂ©formes et dâimplication dans le
métier. »
Maroy (2005) évoque enfin un malaise chez les enseignants dû à la difficulté de
construire leur identité professionnelle en tenant compte du contexte nouveau
amené par les nombreuses réformes et leurs lots de prescriptions qui façonnent
un nouveau visage Ă lâinstitution scolaire et prescrivent de nouveaux rĂŽles Ă ces
acteurs; ces rÎles étant fort différents de ceux jusque-là promus et fondant
lâidĂ©ologie professionnelle des enseignants. En dĂ©finitive le texte de Maroy montre
que la perception des enseignants européens sur les politiques éducatives et les
rĂ©formes quâelles implantent est influencĂ©e par leur conception du rĂŽle de lâĂ©cole
et du rĂŽle quâils doivent jouer dans le systĂšme Ă©ducatif.
Dans une autre Ă©tude portant sur la formulation des PL 124 et 88, Maroy et
al. (2013) discutent des perceptions des enseignants sur la GAR en Ă©ducation.
Les acteurs qui portent ce rĂ©cit remettent en cause la stratĂ©gie dâamĂ©lioration du
systÚme éducatif proposé par les PL 124 et 88 (planification stratégique et
contractualisation) et les enseignants proposent une « thĂ©orie de lâaction »
diffĂ©rente, essentiellement orientĂ©e vers la promotion des valeurs centrales Ă
lâĂ©ducation comme bien public et vers la mobilisation des personnels Ă©ducatifs,
facteur clé de la réussite (Maroy et al., 2013). Les enseignants proposent cinq
actions principales :
La rĂ©affirmation de lâĂ©ducation comme prioritĂ© nationale;
Un meilleur contrĂŽle des moyens publics;
Lâaccent sur les moyens et le soutien au personnel de « premiĂšre ligne »;
La légitimation des instances de démocratie scolaire;
La crĂ©ation dâun ombudsman pour amĂ©liorer la transparence des CS.
Maroy et al. (2013) constatent que les enseignants adhÚrent à la visée de réussite
du plus grand nombre, mais pas aux stratégies et aux moyens mis en place par la
GAR : les enseignants anticipent un Ă©chec des politiques de GAR, car ils
99
perçoivent le risque que les actions proposées par le gouvernement produisent un
effet contraire Ă lâamĂ©lioration recherchĂ©e (Maroy et al., 2013).
3.4. LâĂ©valuation des politiques Ă©ducatives
3.4.1. Les enjeux et les finalitĂ©s de lâĂ©valuation des politiques Ă©ducatives
LâĂ©valuation est omniprĂ©sente dans les nouvelles politiques publiques en gĂ©nĂ©ral
(Martuccelli, 2010; Neaves, 1998) et en Ă©ducation en particulier (Bradfoot, 2000;
Ozga, 2009; Wiseman, 2010). Dâabord contrepartie de lâautonomie accordĂ©e aux
Ă©tablissements dans les annĂ©es 90, lâĂ©valuation est devenue avec les politiques
dâaccountability un outil de contrĂŽle des systĂšmes Ă©ducatifs (Martuccelli, 2010). En
fait, câest lâĂ©valuation quâelle soit interne ou externe (Ozga, 2009) qui permet de
vĂ©rifier lâatteinte des rĂ©sultats. LâĂ©valuation prĂ©sente alors un enjeu de contrĂŽle
dans la mesure oĂč celui qui dĂ©finit les indicateurs ou les objectifs Ă atteindre
constitue le véritable détenteur du pouvoir (Bradfoot, 2000).
Au niveau des Ă©tablissements, lâenjeu de lâĂ©valuation peut ĂȘtre la survie de lâĂ©cole
comme dans les systĂšmes Ă accountability forte dans lesquels la non-atteinte des
rĂ©sultats peut entraĂźner le congĂ©diement des personnels, la perte dâautonomie ou
la fermeture de lâĂ©cole (Hannaway et Woodroffe, 2003). Au Royaume-Uni, la
crĂ©ation de lâOffice for Standards in Education, Children's Services and Skills
(OFSTED) marque la volontĂ© dâutiliser lâĂ©valuation comme outil de rĂ©gulation
(Ozga, 2009). En effet, le systĂšme de collecte de donnĂ©es sur lequel sâappuie
lâĂ©valuation est caractĂ©ristique dâun modĂšle de gouvernement par les nombres
(Maroy et al., 2013; Ozga, 2009; Wiseman, 2010). Les indicateurs de
performances de lâOCDE visent Ă quantifier quatre grands objets : la production
de diplĂŽmĂ©s et lâimpact de lâĂ©ducation; les ressources financiĂšres et humaines
consacrĂ©es Ă lâĂ©ducation; la participation de la population aux Ă©tudes;
lâorganisation des Ă©coles (Tavenas, 2003).
Au niveau international, lâĂ©valuation prĂ©sente un grand enjeu dans la concurrence
internationale. En effet, pour attirer les investissements et les entreprises, les Ătats
100
doivent démontrer la qualité de leurs ressources humaines et la vitalité de leur
économie de la connaissance. Le développement des évaluations internationales
va dans ce sens et leurs résultats sont devenus des éléments essentiels de prise
de dĂ©cision. Aux Ătats-Unis, le rapport A Nation At Risk affirmait le danger pour le
pays de perdre sa place de leader sâil nâarrivait pas Ă rĂ©aliser des rĂ©sultats
comparables Ă ceux des nations leaders dans ces Ă©valuations. Ce sera le point de
départ de vastes réformes dont la politique dénommée No Child Left Behind votée
en 2002. Ainsi, la « systĂ©matisation des enquĂȘtes internationales mesurant les
acquisitions des Ă©lĂšves a Ă©tĂ© identifiĂ©e par les Ătats-Unis comme le moyen
privilĂ©giĂ© dâaide Ă la dĂ©cision politique en Ă©ducation » (Malet, 2009, p. 99).
Pour Martuccelli (2010, p. 29), lâĂ©valuation est devenue une philosophie de
gouvernement et de légitimation des organisations dans le monde contemporain.
LâĂ©valuation comme philosophie de gouvernement serait « un darwinisme
concurrentiel sous stimulation ou surveillance étatique » soit un « étrange hybride
historique » entre « une conception du monde ayant fait de la compétition
marchande le principe central de la rĂ©alitĂ© sociale et [âŠ] une promotion sui generis
de lâaction Ă©tatique » (Martuccelli, 2010, p. 28). LâĂ©valuation peut ĂȘtre analysĂ©e Ă
travers ses trois finalités (Vollet et Hadjab, 2008, p. 20) :
La finalitĂ© cognitive ou la production de connaissances nouvelles : Il sâagit
dâestimer les effets dâune politique sur la sociĂ©tĂ© Ă lâaide de donnĂ©es
primaires. NĂ©anmoins, il peut sâagir de donnĂ©es secondaires auxquelles les
utilisateurs nâavaient pas accĂšs.
La finalitĂ© normative ou la formation dâun jugement de valeur : lâĂ©valuation
doit aider les responsables à porter un jugement sur les réussites et les
Ă©checs de lâintervention et proposer des arguments pour former ou modifier
les jugements portĂ©s sur lâintervention.
La finalitĂ© instrumentale ou lâinfluence sur la dĂ©cision publique : lâĂ©valuation
doit contribuer Ă lâamĂ©lioration des programmes en dĂ©bouchant notamment
sur la rĂ©orientation stratĂ©gique ou lâadaptation opĂ©rationnelle de
lâintervention publique.
101
3.4.2. Les approches, les objets et les processus de lâĂ©valuation
LâĂ©valuation repose sur huit grands principes qui convergent vers lâaffirmation
selon laquelle « sans Ă©valuation, il nây a dĂ©sormais ni efficience ni progrĂšs »
(Martuccelli, 2010, p. 29). Il sâagit des principes suivants :
Tout est susceptible dâĂȘtre mesurable et Ă terme soumis Ă Ă©valuation;
Tout le monde se doit dâĂȘtre Ă©valuĂ© et mis en concurrence;
LâĂ©valuation, dans la mesure oĂč elle sâappuie sur des rĂ©fĂ©rentiels communs,
une forte crédibilité et sur des critÚres techniques irréprochables, assure
une gestion plus transparente du pouvoir;
LâĂ©valuation en tant que mode de gestion assure la meilleure utilisation
possible des ressources Ă©conomiques et humaines;
LâĂ©valuation augmente lâefficacitĂ© puisquâelle permet de faire Ă©merger, par
comparaison, les bonnes pratiques, ce qui permet par la suite de décliner
des recommandations plus ou moins universelles (grĂące Ă la logique de
Benchmarking);
LâĂ©valuation motive et implique, sans relĂąche, autant les organisations que
les individus, puisquâils visent Ă sâamĂ©liorer de façon constante au vu de la
prochaine Ă©valuation;
LâĂ©valuation, en rendant le pouvoir plus efficace et transparent, est un
puissant mécanisme de légitimation des organisations;
LâĂ©valuation, en tirant, grĂące Ă la rĂ©activitĂ© quâelle assure, les
conséquences des limites des anciennes formes de rationalisation
organisationnelle, inaugure une nouvelle Ăšre dans la rationalisation de nos
sociétés.
Martuccelli (2010) affirme que « la philosophie de lâĂ©valuation sâappuie sur une
sĂ©rie dâamalgames trĂšs discutables entre diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s » et suggĂšre une
distinction entre ce « qui relĂšve du fonctionnement effectif de lâĂ©valuation et ce qui
revient en propre Ă la formation dâune nouvelle imagerie de puissance ». Ainsi,
102
Martuccelli (2010) apporte les critiques suivantes aux principes de lâĂ©valuation
énoncés plus haut :
Toutes les pratiques ne sont pas Ă©galement mesurables : en effet, lâidĂ©e
que tout est évaluable ne prend pas suffisamment en compte la multiplicité
des Ă©lĂ©ments concernĂ©s par lâĂ©valuation et elle est donc une illusion de la
rationalisation qui sous-entend abusivement que lâĂ©valuation des activitĂ©s
et des personnes peut ĂȘtre une pure affaire technique.
LâĂ©valuation nâest pas homologue (Ă©quitable) selon les acteurs : pour eux,
si tout est Ă©valuable, tout le monde doit ĂȘtre Ă©valuĂ© contrairement aux
pratiques dans les organisations oĂč lâĂ©valuation sâinscrit dans une approche
hiĂ©rarchique oĂč le supĂ©rieur Ă©value les subalternes qui lui rendent compte
alors que lui peut Ă©chapper aux sanctions.
LâĂ©valuation nâest pas de lâinformation, mais du pouvoir : en effet, « tout
indicateur est un choix politique par omission [qui] déplace la décision
politique dans le moment de la construction en amont des indicateurs, sans
forcément augmenter la transparence ».
LâĂ©valuation a un coĂ»t : Alors que le marchĂ© opĂšre par une agrĂ©gation
anonyme de conduites, lâĂ©valuation fonctionne aprĂšs expertise, exigeant
une allocation de temps spĂ©cifique â et donc un surcoĂ»t qui « excĂšde ses
avantages supposés ».
LâĂ©valuation est un pouvoir performatif dâun nouveau genre : Le postulat
selon lequel « il est possible de repérer les « best practices » et de les
appliquer, avec des amĂ©nagements Ă la marge, dans nâimporte quel
contexte social » fait que les résultats des évaluations ne tenant pas compte
des contextes sociaux dâaction, peuvent ĂȘtre lĂ©gitimement contestĂ©s par les
acteurs (Courpasson, Thoenig, 2008, p. 56-62). Les indicateurs se réifient
(Rope, Tanguy, 2000), mais finissent aussi par dĂ©terminer lâactivitĂ©
devenant ainsi le but et non plus le moyen. Ainsi, les best practices
deviennent un enjeu de domination notamment dans les relations
internationales.
103
LâĂ©valuation nâest pas isomorphe entre les organisations et les individus :
lâĂ©valuation serait aussi un moyen pour faire accepter les contraintes du
travail au salarié par la responsabilisation. Cette derniÚre amÚne le salarié
à considérer les inégalités de résultats comme des échecs personnels ce
qui fait de lâĂ©valuation un jugement sur les personnes pouvant ĂȘtre
destructeur pour eux.
LâĂ©valuation alimente un type particulier de crise de lĂ©gitimitĂ© : lâĂ©tat
transforme le sens de la légitimité publique en marchandisant la citoyenneté
(Crouch, 2003, cité par Martuccelli, 2010) à travers les évaluations
permanentes de la qualité des services publics et en faisant des citoyens
des usagers de facto. Au niveau des acteurs, lâĂ©valuation entraĂźne aussi
une crise de lĂ©gitimitĂ© dans la mesure oĂč lâĂ©valuation qui est censĂ©e ĂȘtre
porteuse dâobjectivitĂ© de transparence entraĂźne plutĂŽt des frustrations et
des sentiments dâinjustices au niveau des travailleurs qui en arrivent mĂȘme
Ă contester lâautoritĂ© de lâĂ©valuateur.
LâĂ©valuation est une croyance collective dâefficacitĂ© du fait de la sĂ©duction
multiforme quâelle exerce : en effet, la croyance dans lâĂ©valuation sâenracine
dans une expérience ordinaire impossible à démentir; « une aspiration
personnelle et concurrentielle à voir ses engagements reconnus » et le fait
que la croyance qui anime la philosophie de lâĂ©valuation manifeste un
renouveau de la technocratie sont portés stratégiquement par un groupe
particulier dâacteurs.
Il existe plusieurs modĂšles dâĂ©valuation et ce terme recouvre donc plusieurs sens
(Demeuse et Friant, 2012). Solaux (1999, p. 182) distingue trois approches
temporelles :
Lâapproche ex-ante « dresse le bilan de la situation sectorielle et permet
dâidentifier le rĂ©fĂ©rentiel de la politique Ă mettre en Ćuvre en fondant les
décisions prises. »
Lâapproche par le suivi « permet de cerner les obstacles et/ou facteurs
facilitateurs de mise en Ćuvre des dĂ©cisions. »
104
Enfin, lâapproche ex-post « a pour objet de mesurer lâefficacitĂ© des
décisions prises et celle de la conduite des opérations. »
Lâobjet Ă Ă©valuer, lâobjectif qui est assignĂ© Ă cette Ă©valuation, le type dâinformations
quâil est possible de recueillir et lâutilisation qui en sera faite dĂ©terminent entre
autres lâapproche Ă adopter en Ă©valuation de programme (Demeuse et
Friant, 2012, p. 6). Cette Ă©valuation peut prendre la forme « dâĂ©valuations
externes, dâĂ©valuations internes et mĂȘme dâĂ©valuations mixtes nĂ©gociĂ©es » et
impliquer diffĂ©rents acteurs dans la dĂ©finition de lâobjet et des objectifs de
lâĂ©valuation ainsi que lors de leur mise en Ćuvre (Ibid., p. 7). Dans le cas des
politiques prioritaires, avec la volonté de reddition de comptes ou accountability,
lâĂ©valuation peut Ă la fois juger de lâefficacitĂ© ou non des actions et rechercher les
causes des performances observées (Blais, 2006). Demeuse et Friant (2012)
distinguent quatre grandes approches dans lâĂ©valuation des politiques dâĂ©ducation
prioritaire en Europe, soit les approches expérimentales, quasi-expérimentales,
corrélationnelles et comparatives.
Dans lâapproche expĂ©rimentale, il sâagit de mener une expĂ©rimentation formelle
avec devis comportant la mise en place et la comparaison de groupes
expérimentaux et contrÎle avec assignation aléatoire des élÚves pour évaluer
lâefficacitĂ© dâun programme. Dans lâapproche quasi-expĂ©rimentale, moins
rigoureuse, les Ă©tudes ne permettent pas de manipuler (ou de contrĂŽler) les
diffĂ©rentes variables et dâattribuer les sujets; ces Ă©tudes sont exclusivement
menées de maniÚre rétrospective. Demeuse et Strauven (2006, p. 164) font
remarquer que « le manque de contrÎle et de prise d'informations fiables, plus que
l'exception, constitue véritablement la rÚgle dans le domaine des réformes
éducatives et curriculaires dans les pays européens de langue française ».
Lâapproche corrĂ©lationnelle ne permet pas dâĂ©valuer lâefficacitĂ© dâun programme
dans la mesure oĂč le seul calcul des corrĂ©lations ne permet « pas de sâassurer
des facteurs qui influencent, au sens causal véritable, les résultats observés »
(Demeuse et Friant, 2012, p. 8). Enfin lâapproche comparative « permet de mettre
105
en perspective les spécificités et les aspects communs des politiques étudiées qui
ne peuvent apparaĂźtre quâen plaçant chaque systĂšme en regard des autres, aprĂšs
avoir dĂ©terminĂ© une grille commune dâanalyse » (Ibid., p. 9). Cette approche
prĂ©sente lâavantage de comparer les politiques sur des faits en plus des idĂ©es, ce
qui requiert la disponibilitĂ© de donnĂ©es adĂ©quatement traitĂ©es. Lâapproche
comparative présente une faiblesse dans « la nature des liens entre variables et
la maniÚre de mettre ces liens en évidence » (Ibid., p. 10).
En plus des approches, il est « nécessaire de pouvoir formaliser les différentes
facettes de lâĂ©valuation au moyen dâun modĂšle » (Demeuse et Friant, 2012). Ă ce
propos, Bouchard et Plante (2002) proposent une approche analytique de
lâĂ©valuation de la « qualitĂ© » dĂ©clinĂ©e en neuf qualitĂ©s transversales : la
pertinence, la cohérence, l'à -propos, l'efficacité, la durabilité, l'efficience, la
synergie, l'impact et la flexibilité.
Le modĂšle europĂ©en dâĂ©valuation de lâaction publique [Common Assessment
Framework (CAF)] distingue quatre domaines dâĂ©valuation, Ă savoir les rĂ©sultats
bénéficiaires « concernant les clients ou les cibles directement visés par les
prestations de lâorganisme public », les rĂ©sultats personnels des « agents publics
travaillant au sein de lâorganisation analysĂ©e », les rĂ©sultats sociĂ©tĂ© « touchant
lâenvironnement direct, et dans une moindre mesure lâenvironnement indirect, de
lâorganisation analysĂ©e » et les rĂ©sultats en lien avec les performances clĂ©s,
« c'est-Ă -dire avec la mission et les buts officiellement confiĂ©s Ă lâorganisation
analysée » (Emery, 2005, p. 5).
3.4.3. LâĂ©valuation des politiques de GAR au QuĂ©bec
Au QuĂ©bec, les acteurs dĂ©noncent la prĂ©cipitation dans la mise en Ćuvre et la
frustration quâelle a entrainĂ©e chez les employĂ©s (Bourgault, 2004). En effet, les
plans nâĂ©taient pas suffisamment engagĂ©s sur des « objectifs terrain » rĂ©alisables
par les structures opĂ©rationnelles (Ibid.). Pour Fortier, les objectifs nâĂ©taient pas
formulĂ©s de maniĂšre opĂ©rationnelle et le « Manque dâindicateurs correspondants »
106
était réel (Fortier, 2010). Ainsi, « malgré le discours sur la qualité des services aux
citoyens », les acteurs pensent que la primauté des impératifs budgétaires dans
la mise en Ćuvre des changements a prĂ©valu (Ibid.). Les indicateurs sont
essentiellement quantitatifs et orientés vers les outputs, rendant ainsi complexe
lâĂ©valuation des services publics immatĂ©riels comme lâĂ©ducation (Ibid.).
La mise en Ćuvre de la GAR aurait aussi des effets non souhaitĂ©s que certains
auteurs qualifient de paradoxes (Bourgault, 2004; Emery, 2005; Fortier, 2010)
entre les objectifs poursuivis et les rĂ©sultats obtenus dans la mise en Ćuvre
effective. Emery et Giauque (2005) font la synthĂšse de ces paradoxes en quatre
Ă©lĂ©ments. Concernant lâimputabilitĂ© des responsabilitĂ©s, la disponibilitĂ© des
« renseignements détaillés de gestion » favorise un phénomÚne de
« managérialisation » du politique et un phénomÚne de politisation des
gestionnaires alors mĂȘme que lâobjectif Ă©tait de sĂ©parer ces deux sphĂšres de
responsabilité.
Le second paradoxe concerne le renforcement de la « dimension gestionnaire de
lâaction publique » grĂące aux outils et aux processus, « dâimportants progrĂšs
doivent encore ĂȘtre rĂ©alisĂ©s pour atteindre les objectifs initialement fixĂ©s, câest-Ă -
dire orienter les autoritĂ©s politiques sur les Ă©lĂ©ments essentiels de lâaction
publique » (Ritz, 2003, p. 487, cité par Emery et Giauque, 2005).
Le troisiĂšme paradoxe se rapporte Ă lâautonomie des gestionnaires. Il rĂ©side dans
le fait que la GAR ne permet pas de fonder lâaction des acteurs politiques sur la
distinction entre « stratégique » et « opérationnel » (Emery, 2005) : On observe
ainsi « une centralisation administrative au profit de certaines structures comme le
Conseil du trésor, appuyées par trois nouvelles agences centrales [Services
Québec : prestation centralisée des services (guichet unique et gouvernement en
ligne); Centre de services partagés : gestion centralisée des ressources humaines,
matérielles, financiÚres et informationnelles; Agences des partenariats public-
privĂ© : expertise dans la conception, lâĂ©valuation et lâencadrement des projets de
107
partenariats public-privé] qui empiéteront directement sur les activités stratégiques
et opérationnelles des ministÚres » (Fortier, 2010, p. 812).
Enfin, le quatriĂšme paradoxe renvoie Ă lâĂ©mergence dâ« un sentiment de
boutique » et « dâĂ©goĂŻsme institutionnel » (Knoepfel, 2004, citĂ© par Emery et
Giauque, 2005). En effet, lâinstauration des agences et des contrats de prestation
et la responsabilisation des gestionnaires sur leurs objectifs perpétuent et
renforcent le cloisonnement traditionnel observé dans la bureaucratie.
En dĂ©finitive, les acteurs pensent que « ce qui doit compter câest la convivialitĂ© du
processus et la perception de son utilitĂ© ». Ainsi, « il y a lieu dâidentifier avec les
institutions des réseaux les causes des carences, de partager des convictions, de
contractualiser la performance, de pratiquer le financement conditionnel et de
fournir toute lâassistance requise » (Bourgault, 2004, p.°118). Emery (2005, p. 7)
dĂ©clare que « les effets sont contrastĂ©s et ne peuvent en aucun cas ĂȘtre Ă©valuĂ©s
de maniĂšre totalement positive; aux yeux de certains critiques, ce sont mĂȘme les
effets nĂ©gatifs qui lâemporteraient. »
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, Caron et Giauque (2004, pp. 234 et 235) identifient
trois tensions organisationnelles générées par les réformes dans la GRH au
Canada.
La tension institutionnelle vient du fait que « les contraintes externes ont
constitué le moteur de la stratégie des mutations entreprises » alors que
« peu dâattention a Ă©tĂ© accordĂ©e aux contraintes internes, câest-Ă -dire aux
besoins propres aux organisations publiques », le Gouvernement nâayant
pas recherchĂ© lâĂ©quilibre entre les deux types de contraintes. Ainsi,
« lâadaptation des structures et du fonctionnement administratif aux rĂ©alitĂ©s
économiques du début des années 1990 est la stratégie choisie. »
La tension de gestion ou managériale est due à la priorité donnée par le
Gouvernement à « lâoptimalisation de lâorganisation du travail et la
redéfinition des tùches dévolues aux différentes unités administratives »
108
sans prendre en compte le point de vue des agents publics. La réforme a
ainsi été de type top-down.
La tension légitimationnelle vient de la suppression massive de postes de
travail qui « ont contribué à développer un sentiment de méfiance et de
colÚre au sein de la fonction publique canadienne. »
Caron et Giauque concluent que les réformes visant à implanter la GAR se sont
réalisées de maniÚres technocratiques et sans tenir compte a priori des
consĂ©quences sur les acteurs. Pour eux, la logique extrĂȘmement « comptable »
des rĂ©formes engagĂ©es, de mĂȘme que lâimportance accordĂ©e aux contraintes
externes (budgétaires et financiÚres) dans la définition des stratégies des réformes
nâont effectivement pas permis aux acteurs politiques dâapprĂ©hender lâimportance
du facteur humain dans la réussite de ces changements. (Caron et Giauque, 2004,
p. 236).
MalgrĂ© la faible appropriation des changements notĂ©e dans lâimplantation de la
GAR, certains acteurs sont optimistes et pensent que la satisfaction croĂźtra avec
la pratique (concept dâapprentissage continu dâUlrich) ce qui facilitera lâeffectivitĂ©
de la rĂ©forme (Bourgault, 2004). NĂ©anmoins, dâautres acteurs dĂ©plorent la baisse
de leur marge de manĆuvre au profit des Ă©conomies dâĂ©chelle. Fortier (2010,
pp. 817°et 818) constate la « mise Ă lâĂ©cart des valeurs telles que lâĂ©quitĂ©, la
solidaritĂ©, lâimpartialitĂ©, lâintĂ©gritĂ©, induite par les mĂ©canismes abstraits de
quantification et de monĂ©tarisation. » Il sâagit dâune transformation de la
gouvernance qui, depuis années°90, remplace le principe traditionnel et qualitatif
de bien-ĂȘtre public par les marchĂ©s et les normes quantitatives (Ibid.).
De son cÎté, Emery identifie des problématiques en lien avec les nouvelles
pratiques prescrites par la GAR. En effet, « lâinteractivitĂ© entre diffĂ©rents domaines
de politiques publiques rend la âtraçabilitĂ©â des rĂ©sultats problĂ©matique » et la mise
en place et lâalimentation de systĂšmes dâinformation lourds et porteurs dâune
bureaucratie nouvelle (Emery, 2005, p. 8). Dans le mĂȘme sens, Fortier (2010)
identifie la problĂ©matique de la capacitĂ© de lâĂ©tat Ă faire respecter ses lois du fait
109
« de la rĂ©duction des effectifs et de la perte dâexpertises internes ». Lâenjeu est
dâautant plus important que dans le contexte oĂč lâĂtat devient de plus en plus un
adjudicateur de contrats et que les tĂąches de reddition de comptes priment sur le
travail professionnel qualifiant, son attractivitĂ© en tant quâemployeur sâaffaiblit et
cela soulÚve des questions quant à sa capacité de renouvellement (Fortier, 2010).
*
* *
Il apparaĂźt que lâĂ©valuation des rĂ©formes visant lâimplantation de la GAR a
gĂ©nĂ©ralement ignorĂ© le point de vue et les besoins dâappropriation des
changements des acteurs. La précipitation dans la mise en place des réformes, la
faible implication des professionnels des différents secteurs, et la sous-estimation
de lâampleur des changements et des coĂ»ts humains qui leur sont associĂ©s ont
entraĂźnĂ© une faible appropriation de ces changements. Ainsi, mĂȘme si certains
acteurs ont reconnu la pertinence de lâapproche de GAR, ils sont largement
majoritaires Ă critiquer les modalitĂ©s de sa mise en Ćuvre. Dâautres acteurs
dĂ©noncent lâapproche Ă©conomique largement privilĂ©giĂ©e aux dĂ©pens dâautres
aspects pourtant importants. Comme indiqué supra les paradoxes notés dans les
effets de la GAR montrent la nĂ©cessitĂ© de revoir certains aspects de lâimplantation
de cette approche surtout dans des secteurs comme lâĂ©ducation et la santĂ©. La
section suivante présentera comment le cadre de gestion de la GAR se déploie
dans le systÚme éducatif québécois et quels sont les mécanismes auxquels il fait
appel.
Lâimplantation des politiques de gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats est porteuse de
nombreuses problĂ©matiques qui tournent autour de lâorigine idĂ©ologique de la
performance, de lâimplantation des rĂ©formes et du changement souhaitable ou
nĂ©cessaire et de lâĂ©valuation reliĂ©s Ă la gouvernance et Ă la rĂ©gulation. Pour
chacune de ces problématiques, une perspective descriptive et critique a permis
de recenser les aspects jugĂ©s pertinents par rapport Ă lâimplantation des politiques
Ă©ducatives.
110
La premiÚre partie de cette thÚse a dressé un portrait des théories, des approches
et des problĂ©matiques principales dans lâanalyse des politiques Ă©ducatives. Ce
portrait a aidé à situer la présente recherche par rapport au domaine plus vaste de
lâanalyse des politiques Ă©ducatives et dâidentifier les Ă©lĂ©ments utiles Ă la
conception et Ă la mise en Ćuvre de la recherche envisagĂ©e. Cette partie est
restĂ©e gĂ©nĂ©rale de ce point de vue. La partie suivante porte sur le cadre dâanalyse
et la présentation des résultats.
111
DeuxiĂšme partie. Le cadre dâanalyse et la
présentation des données
112
Chapitre 4. Le cadre conceptuel et
méthodologique
La deuxiĂšme partie de la thĂšse est plus contextualisĂ©e Ă lâanalyse de la mise en
Ćuvre de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif du QuĂ©bec. Elle comporte trois
chapitres qui portent sur les Ă©lĂ©ments suivants : le modĂšle dâanalyse et la
méthodologie, la présentation des résultats, ainsi que leur discussion.
Dans ce chapitre quatre le modÚle des « Trois I » de Palier et Surel (2005) et la
méthodologie sont présentés. La définition des concepts théoriques (GAR,
performance, acteur, opinion, perception) qui sont utilisés dans la recherche, la
pertinence et les limites des « Trois I » sont évoquées dans la premiÚre section.
Ensuite, la GAR en tant que politique est prĂ©sentĂ©e telle quâelle se dĂ©ploie de
maniÚre opérationnelle dans le systÚme éducatif à travers ses principes,
processus, outils et conditions de rĂ©alisation dans sa mise en Ćuvre.
Dans la mĂ©thodologie, lâapproche adoptĂ©e, les stratĂ©gies de collecte et le cadre
dâanalyse des donnĂ©es sont exposĂ©s. Chacune de ces trois sections donne les
précisions sur les stratégies et les ressources utilisées pour mener le sondage sur
les opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
sur la GAR et ses effets. Mais également analyser et interpréter les données
collectées.
4.1. La description du modĂšle dâanalyse
Lâapproche des « Trois I » de Palier et Surel (2005), a Ă©tĂ© choisie pour des raisons
pratiques. En effet, elle combine les trois néo-institutionnalismes dans un cadre
dâanalyse tridimensionnelle qui permet de faire Ă la fois lâanalyse cognitive,
stratégique et sociologique des perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement. Ceci rejoint lâobjectif dâanalyser lâimplantation de la GAR sous
lâangle des opinions et des perceptions des acteurs opĂ©rationnels de
lâenseignement primaire et secondaire du QuĂ©bec.
113
4.1.1. La définition des concepts
Les principaux concepts en lien avec la problématique, le cadre théorique et la
méthodologie sont présentés dans la présente section. Quelques définitions
dâauteurs qui aident Ă Ă©lucider les concepts et Ă montrer leurs liens avec la
problématique de la thÚse y sont évoquées. Respectivement, les sections
suivantes donnent une dĂ©finition de la performance, de lâacteur, de la gestion axĂ©e
sur les rĂ©sultats, de lâopinion et de la perception.
4.1.1.1. La performance
Le concept de performance nâaurait pas une dĂ©finition univoque. Pour Sanni
Yaya (2003), la notion est un « fourre-tout » dont les différentes définitions
donnĂ©es selon la discipline, lâĂ©cole de pensĂ©e ou la perspective dâanalyse sont Ă
la base de nombreuses polémiques. Selon Maltais (2012), parler de performance,
c'est réfléchir tant sur les résultats ultimes que l'on cherche à produire que sur les
moyens appropriés pour y parvenir. La notion de performance organisationnelle
renvoie Ă lâefficience (rapport entre les rĂ©sultats et les moyens pour les produire)
dans lâaction de lâorganisation. Cette dĂ©finition est inspirĂ©e de celle de lâOCDE, qui
assimile le concept de performance au : « rendement ou les résultats d'activités
effectuées dans le cadre d'objectifs poursuivis. Sa finalité est de multiplier les cas
dans lesquels les pouvoirs publics atteignent leurs objectifs » (OCDE, 2005,
p. 65).
Knoepfel et Varonne (1999) abordent la performance publique sous lâangle de sa
mesure, étant donné que les politiques publiques sont destinées à apporter des
solutions aux besoins des citoyens. Pour eux, la performance publique est évaluée
au niveau de la satisfaction des besoins sociaux reconnus et au niveau de la
gestion des prestations publiques (Knoepfel et Varonne, 1999). La mesure de la
performance publique permet aussi de donner une légitimité secondaire aux
politiques publiques, dans la mesure oĂč elle fournit une apprĂ©ciation de la capacitĂ©
des institutions (éducatives y compris) à produire à moindre coût des services
114
publics dâune qualitĂ© toujours plus grande (Ibid.). Dans cette conception, la
performance renvoie Ă la satisfaction des besoins sociaux et Ă la gestion efficiente
de la production des services publics. Cette seconde visée de la mesure de la
performance publique sâintĂ©resse au rĂŽle de lâinstitution et de ces acteurs.
Pour Quash (2006), un compromis méthodologique permet de considérer la
performance comme un construit. Ainsi, le sens donné à la notion de performance
par les acteurs peut ĂȘtre dĂ©terminant sur les rĂ©sultats de lâinstitution. En effet, la
performance associĂ©e au rĂ©sultat semble ĂȘtre les fondements et lâessence mĂȘme
de la GAR.
Nous nous inscrivons dans les définitions de Quasch (2006) et de Knoepfel et
Varonne (1999) qui mettent en avant la place des acteurs dans la construction de
la performance et la production de services de qualité au moindre coût. Ainsi la
performance en éducation est pour les fins de la présente étude le niveau de
qualité des services éducatifs et le coût pour le produire que les enseignants et les
directeurs dâĂ©tablissements jugent lĂ©gitime et rĂ©aliste de poursuivre. Dans cette
recherche, la question de la performance publique sera abordĂ©e Ă partir de lâangle
de lâacteur quâil soit gestionnaire ou enseignant.
4.1.1.2. Lâacteur
Le concept dâacteur «°dĂ©signe celui qui agit en tant quâacteur individuel ou acteur
collectif°» (Grossman, 2010). Lâacteur Ă©volue avec les politiques publiques et doit
ĂȘtre capable dâactions stratĂ©giques ayant des rĂ©percussions significatives sur le
processus de politique publique. Ainsi, la notion dâacteur renvoie aux dimensions
de sa contribution au processus politique et de lâimpact ou lâinfluence de cette
contribution sur le résultat (Ibid.).
Lemieux (2009) fait remarquer que de nombreuses définitions du concept insistent
sur les acteurs gouvernementaux (autorités publiques, autorités politiques et
administratives) et nĂ©gligent dâautres comme les administrĂ©s, les spĂ©cialistes, les
groupes dâintĂ©ressĂ©s, les adhĂ©rents des partis politiques qui participent pourtant Ă
115
lâaction publique. Se faisant, câest le point de vue des gestionnaires publiques qui
est adopté (Ibid.).
Pour Howlett et Ramesh (2003), « actors and institutions exist mutually defining
relationship » and « students of the policy sciences have developed the concept
of policy universe, thought of as a fundamental unit containing all possible
international, state and social actors and institutions directly or indirectly affecting
a specific policy area ». Cette dĂ©finition met lâaccent sur les liens entre les acteurs
individuels et les acteurs institutionnels que lâon retrouve dans lâunivers politique.
Nous nous inscrivons dans les définitions de Grossman (2010), Lemieux (2009) et
Howlett et Ramesh (2003). Pour nous, lâacteur est un individu (enseignants et
directions) qui rĂ©alise des tĂąches et participe Ă lâaction dâune institution
(établissements) qui fournit des services éducatifs. Ainsi, certaines responsabilités
comme les tĂąches de gestion ou dâenseignement incombent aux acteurs
individuels alors que dâautres actions qui nĂ©cessitent la collaboration relĂšvent de
la responsabilitĂ© de lâinstitution. Dans notre Ă©tude, nous nous intĂ©resserons
exclusivement aux acteurs individuels (enseignants et directions) qui participent Ă
la mise en Ćuvre opĂ©rationnelle de la GAR et qui ont une responsabilitĂ©, fut-elle
symbolique, dans les résultats du systÚme éducatif.
4.1.1.3. La gestion axée sur les résultats
Les définitions de la GAR sont nombreuses. Nous reprenons ici celles qui nous
semblent les plus rapprochĂ©es de lâobjet de notre Ă©tude. Dâun point de vue
historique, la gestion par les rĂ©sultats est lâune des nombreuses variantes issues
du management by objectives (MbO) dont lâorigine remonte aux annĂ©es dâaprĂšs-
guerre, notamment dans le célÚbre ouvrage de Drucker (1954) ou encore dans
celui dâOsborne (1965). Dans le cadre des organisations publiques, le terme plus
frĂ©quemment utilisĂ© depuis une dizaine dâannĂ©es est celui de « performance »
(OCDE, 2005).
116
Pour lâUNESCO, la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats est « une approche participative
mettant lâaccent sur le travail dâĂ©quipe lors de la planification des programmes, et
est centrĂ©e sur la rĂ©alisation de rĂ©sultats et dâimpacts dĂ©finis et mesurables »
(UNESCO, 2012). Cette dĂ©finition met lâaccent sur lâimplication des acteurs et sur
la collaboration et lâimportance centrale des rĂ©sultats et de leur mesure. Elle serait
tournĂ©e vers « la mise en Ćuvre des programmes et permet de renforcer
lâefficience, lâefficacitĂ© et la responsabilisation de la gestion » (Ibid.).
Shipps et White mettent lâaccent sur le fait que lâobjectif de performance fait suite
Ă une demande qui peut ĂȘtre interne comme externe : « Accountability consists of
demandsâfrom oneself or legitimate othersâ for a demonstration of performance
claims » (Shipps et White, 2009, p. 352).
Pour Ozga, lâ« accountability » doit ĂȘtre responsable :
Intelligent accountability may be understood as a hybrid governing action, produced out of the necessity of providing an effective political response to teacher discontent, escalating costs, system capacity to deal with data flow and analysis; and the need to move the locus of responsibility from active central direction to self-government (Ozga, 2009, p. 155).
Collerette (2010, s.n.) résume la dimension de régulation de la GAR et sa
focalisation sur les résultats en déclarant que la gestion axée sur les résultats est
« fondée en grande partie sur la notion de régulation, elle consiste à diriger
lâattention des membres de lâorganisation sur les rĂ©sultats recherchĂ©s et obtenus,
pour ensuite dĂ©terminer les pratiques quâil faudrait corriger en vue dâamĂ©liorer ces
résultats. »
Dans la présente étude, nous adoptons cette définition de Collerette (2010) qui
met lâaccent sur la focalisation sur les rĂ©sultats et le changement des pratiques
pour de meilleurs rĂ©sultats quâapporte la GAR. En effet, le but de la rĂ©forme qui a
institué la GAR en éducation est la plus grande efficacité et efficience du systÚme
éducatif. DÚs lors, la GAR, vue comme une focalisation sur les résultats et leur
117
amĂ©lioration, interpelle les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissements qui
seront interrogés dans cette recherche.
4.1.1.4. Lâopinion
La notion dâopinion se dĂ©finit de diverses maniĂšres (Stoetzel, 1998, p. 588). Dans
le sens gĂ©nĂ©ral, lâopinion se dĂ©finit comme un savoir, une thĂ©orie, une valeur, un
jugement (Dictionnaire Legendre, 2005, p. 968). La paternité de la théorie de
lâopinion comme source de lâautoritĂ© politique est attribuĂ©e Ă William
Temple (1671) (Stoetzel, 1998, p. 588). Le concept dâopinion publique est attribuĂ©
à Jean-Jacques Rousseau (1762), mais reste trÚs difficile à définir de maniÚre
satisfaisante ou Ă dĂ©limiter (Stoetzel, 1998, pp. 588-589). Lâopinion publique est
celle dâun groupe et renvoie à « un ensemble de phĂ©nomĂšnes qui constitue un
champ dâinvestigation scientifique pour la psychologie sociale » (Stoetzel, 1998,
p. 588). Lâopinion publique subit lâinfluence des stĂ©rĂ©otypes qui constituent « une
sĂ©rie de faits dont lâimportance Ă©tait perçue sans quâon ait pu les relier entre eux
de façon rigoureuse ni en saisir les implications » (Roze, 1998, p. 827).
Dans la prĂ©sente Ă©tude, lâopinion sera entendue comme le jugement et lâensemble
des idées que les enseignants et les directeurs exprimeront individuellement et
collectivement par rapport Ă la GAR en Ă©ducation. Les opinions des enseignants
et des gestionnaires investiguées seront relatives à la pertinence et à la légitimité
de la GAR ainsi quâĂ son potentiel Ă favoriser une plus grande rĂ©ussite des Ă©lĂšves
des Ă©tablissements scolaires.
4.1.1.5. La perception
La perception est une reprĂ©sentation intellectuelle dâobjets (Le Petit Robert, 2009,
p. 1855) et renvoie Ă lâactivitĂ© ou au processus par lequel une personne acquiert
de lâinformation de son environnement (Legendre, 2005). La perception constitue
toujours un processus actif qui sâaccomplit dans le cadre dâune culture
(Boudon, 1992, p. 542). Les préconceptions issues des représentations des
individus commandent le processus de la perception (Lipman, 1922, cité par
118
Roze, 1998, p. 827). De nombreuses Ă©tudes (Emery et al., 2008) qui visent Ă
identifier ou analyser des perceptions dâacteurs dĂ©finissent les opinions de
maniĂšre contextualisĂ©e Ă leur domaine dâĂ©tude.
Dans la présente étude, la perception renvoie aux représentations que les
enseignants se font des effets induits par lâimplantation de la GAR [plan de rĂ©ussite
(PR) et convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative (CGRĂ)] sur leurs
conditions de travail, sur leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s et sur lâefficacitĂ© de lâĂ©cole
(Ă©tablissement et systĂšme Ă©ducatif).
4.1.2. Lâapproche des « Trois I »
Les travaux de recherche mobiliseraient les « Trois I » « alternativement ou
concurremment » dans lâanalyse de la genĂšse, de lâĂ©laboration et de la mise en
Ćuvre des politiques publiques sans chercher Ă les articuler (Hall et Taylor, 1997;
Palier et Surel, 2005). Pourtant la combinaison des intĂ©rĂȘts, des idĂ©es et des
institutions, peut ĂȘtre pertinente (Maroy, et al,. 2013) dans lâanalyse de lâaction
publique. Pour Palier et Surel (2005) la volonté de combiner les trois dimensions
dans lâanalyse est nĂ©e de lâinsatisfaction notĂ©e dans lâutilisation sĂ©parĂ©e des
modĂšles concurrents. Lâapproche des « Trois I » se veut donc une rĂ©ponse aux
limites des analyses avec une seule entrĂ©e, Ă savoir les idĂ©es, les intĂ©rĂȘts ou les
institutions. Palier et Surel voient dans les trois « entrées analytiques », « les trois
temps nĂ©cessaires dâune dĂ©marche qui vise Ă analyser les politiques publiques de
maniÚre inductive, en tenant compte de la pluralité des variables en présence, et
qui permette de comprendre comment sâarticulent et se combinent les
mĂ©canismes causaux Ă lâorigine des phĂ©nomĂšnes Ă©tudiĂ©s » (Ibid., p. 9). En faveur
dâun dĂ©passement de la concurrence entre les trois nĂ©o-institutionnalismes
(historique, stratégique et sociologique), Palier et Surel (2005) proposent
dâarticuler les trois dimensions de lâanalyse dans un processus de la recherche en
trois Ă©tapes, soit :
1) Constituer/identifier une palette dâĂ©lĂ©ments utiles Ă lâanalyse;
119
2) Formuler un faisceau dâhypothĂšses concurrentes ou complĂ©mentaires;
et
3) Hiérarchiser le poids des variables ou le retour des séquences.
Ces trois étapes permettent de réaliser respectivement les trois activités
suivantes :
1) DĂ©composer lâobjet Ă©tudiĂ© en unitĂ©s constitutives basĂ©es sur les idĂ©es,
les intĂ©rĂȘts et les institutions;
2) Décomposer un réel complexe en dimensions (ou variables)
identifiables [âŠ] pour le rendre comprĂ©hensible au moyen des
catĂ©gories dâanalyse existantes, pour permettre ensuite dâeffectuer la
comparaison avec dâautres phĂ©nomĂšnes similaires; et
3) Tester un certain nombre dâhypothĂšses fondĂ©es sur ces variables, telles
quâelles ont Ă©tĂ© dĂ©jĂ parfois formulĂ©es au sein de la littĂ©rature.
Les sous-sections suivantes présentent la façon dont les trois étapes préconisées
par Palier et Surel (2005) sont mis en Ćuvre pour lâanalyse des opinions et des
perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements sur la GAR et ses
effets au Québec.
4.1.2.1. LâĂ©tape 1 : identification des variables pertinentes de lâanalyse
Lâobjet de la prĂ©sente recherche est lâanalyse des opinions et des perceptions des
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur lâimplantation de la GAR dans
le systÚme éducatif du Québec. Les dimensions observées dans les
reprĂ©sentations et vĂ©cus des enseignants et des directeurs portent dâune part, sur
la pertinence des moyens dâimplantation de la GAR dans les Ă©tablissements
scolaires et dâautre part, sur les effets de lâimplantation de la GAR sur leurs intĂ©rĂȘts
(travail), leurs institutions (fonction) et Ă leurs idĂ©es (vision de lâĂ©cole). Ces trois
dimensions sont traduites par Palier et Surel°(2005) dans les concepts de «°jeu
des intĂ©rĂȘts°», de «°poids des institutions°» et de «°dimension intellectuelle des
politiques publiques°».
120
Dans le « jeu des intĂ©rĂȘts » des acteurs, les consĂ©quences socioprofessionnelles
engendrĂ©es par les changements instituĂ©s par lâimplantation de la GAR sur le
travail des enseignants et des directeurs sont abordĂ©es. Il sâagit dâexaminer les
effets des PR et des CGRĂ sur les 6 facteurs qui peuvent ĂȘtre influencĂ©s par les
réformes du NMP et qui permettent de mesurer la perception des enseignants sur
leur travail (Allodi et Fischbein, 2012, p. 380) :
1) Workload : charge de travail, car lâefficience cherche Ă optimiser les
ressources;
2) Control : contrĂŽle du travail, car lâautonomie professionnelle peut baisser;
3) Reward and values : récompenses et valeurs, car le prestige social de la
profession enseignante nâest pas Ă son meilleur niveau;
4) Community and fairness : communauté et justice varient selon les écoles,
mais ne sont pas des conséquences directes des réformes issues du NMP.
Pour cette raison, ces deux dimensions ne sont pas retenues pour la
présente étude.
Ces Ă©lĂ©ments sont analysĂ©s en termes dâenjeux socioprofessionnels pour les
acteurs. Pour Palier et Surel (2005, p. 11), « il est ainsi nécessaire de repérer les
acteurs en prĂ©sence, leurs prĂ©fĂ©rences, leurs forces, leur capacitĂ© dâaction et de
mobilisation, ainsi que leurs stratégies. »
Dans le « poids des institutions », la fonction que lâĂ©cole confĂšre aux enseignants
et aux directeurs et les coĂ»ts dâadaptation aux changements qui en dĂ©coulent sont
abordĂ©s. Il sâagit de voir lâinfluence de la fonction des acteurs sur leur perception
et leur adaptation aux changements institutionnels (Strek et Thelen, 2005)
engendrĂ©s par lâimplantation des PR et des CGRĂ. Lâadaptation des acteurs aux
nouveaux rÎles et responsabilités que leur confÚre la GAR ainsi que le soutien qui
leur est fourni sont aussi regardés. Ces éléments sont analysés en vue de
comparer les coĂ»ts dâadaptation aux changements des acteurs (niveau dâefforts
nĂ©cessaires pour se conformer aux prescriptions de la GAR). Lâobjectif est « de
donner Ă lâobjet dâĂ©tude une profondeur historique nĂ©cessaire pour identifier
121
quelles sont les ressources et les contraintes institutionnelles » (Palier et
Surel, 2005).
Dans « la dimension intellectuelle des politiques publiques », la représentation de
lâefficacitĂ© dâun Ă©tablissement que se font les acteurs est abordĂ©e. Les orientations
et les types dâenseignements idĂ©aux et effectifs de lâĂ©cole perçus par les
enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement sont hiĂ©rarchisĂ©s. Lâeffet de la mise
en Ćuvre des PR et des CGRĂ sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la
poursuite des finalitĂ©s (instruire, socialiser et qualifier) et lâimportance donnĂ©e aux
facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves sont investiguĂ©s. Ces Ă©lĂ©ments
sont analysés dans le sens de voir dans quelle mesure les valeurs des acteurs
influencent leur reprĂ©sentation des effets (obstacle ou levier) des PR et des CGRĂ
sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements. Smyrl avance que « les idĂ©es ne sont plus
simplement des " sentiments partagés " dont les origines sont floues, comme dans
beaucoup de modĂšles sociologiques, mais bien des produits directs des luttes de
pouvoir et dâinfluence (Smyrl, 2002, p. 50).
Cette premiĂšre Ă©tape permet de « constituer une palette dâĂ©lĂ©ments utiles Ă
lâanalyse » en articulant les dimensions des « Trois I » Ă lâobjet de la recherche
(Palier et Surel, 2005) à savoir les représentations et le vécu professionnel des
enseignants et des directeurs par rapport Ă lâimplantation de la GAR dans les
établissements du Québec.
4.1.2.2. LâĂ©tape 2 : formuler un faisceau dâhypothĂšses concurrentes ou
complémentaires
à partir des dimensions et variables identifiées dans la premiÚre étape, des
hypothÚses sont formulées sur les « stratégies des acteurs », les « dynamiques
institutionnelles » et les « changements cognitifs ou normatifs en rapport avec les
changements des politiques publiques » (Palier et Surel, 2005). En effet,
« les Trois I ", reposent sur des courants de recherche existants, permettant de
mobiliser plusieurs hypothĂšses » pouvant ĂȘtre concurrentes ou complĂ©mentaires
122
et permettant chacune de nourrir une interrogation particuliĂšre (Ibid.) sur les
perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement.
Pour analyser les « stratégies des acteurs », la TCR nous semble pertinente parce
quâelle permettra de rechercher un lien entre les reprĂ©sentations des enseignants
et des directeurs de leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels puis de leurs opinions sur
la GAR. Le postulat du CCB semble pouvoir sâappliquer ici. Ainsi, il est fait
lâhypothĂšse que les opinions des enseignants et des directeurs sur la GAR en
éducation sont influencées par les effets perçus de la politique de GAR sur leurs
conditions de travail (charge et relations de travail, développement et autonomie
professionnels, pratiques dâĂ©valuation du travail et prestige social de la
profession). Les liens entre les opinions sur la GAR et les enjeux
socioprofessionnels de son implantation sont recherchés.
Pour analyser les « dynamiques institutionnelles » lâidĂ©ologie professionnelle
(Lessard et al,. 2008) est utilisée. En effet, la fonction des acteurs peut influencer
la reprĂ©sentation quâils se font des changements gĂ©nĂ©rĂ©s par lâimplantation de la
GAR sur leurs rÎles et responsabilités professionnelles. Ainsi, il est considéré que
les types de changements institutionnels (Streek et Thelen, 2005) différents vécus
par les enseignants et les directions, du fait de leur différence de fonction,
influencent leurs opinions sur la GAR, Ă cause des coĂ»ts dâadaptation diffĂ©rents
quâils engendrent. Ces coĂ»ts dâadaptation sont les niveaux dâefforts nĂ©cessaires
aux acteurs pour se conformer aux prescriptions de la GAR. LâhypothĂšse vĂ©rifiĂ©e
est que les coĂ»ts dâadaptations aux changements institutionnels engendrĂ©s par la
GAR sont dĂ©terminĂ©s selon la fonction de lâacteur et influence les opinions des
enseignants et des directeurs sur la GAR.
Pour analyser les « changements cognitifs ou normatifs en rapport avec les
changements des politiques publiques », le référentiel de Muller (1995, 2000,
2005) sera utilisé. Dans la présente recherche, les opinions des enseignants et
des directeurs sur la pertinence de la GAR à favoriser la réussite des élÚves sont
potentiellement liĂ©es Ă la vision de ces acteurs de lâĂ©cole idĂ©ale (humaniste ou
123
Ă©conomique). Il est fait lâhypothĂšse que les visions de lâĂ©cole idĂ©ale (valeurs) des
enseignants et des directeurs influencent leurs représentations des effets du PR
et de la CGRĂ sur la performance des Ă©tablissements dans la poursuite des
finalités (instruire, socialiser et qualifier) et leur opinion sur la GAR.
4.1.2.3. LâĂ©tape 3 : hiĂ©rarchiser le poids des variables ou le retour des
séquences
La troisiĂšme et derniĂšre Ă©tape de lâapproche des « Trois I » consistera Ă la
« hiĂ©rarchisation des variables et la tentative dâexplication causale » a posteriori.
Une fois les analyses stratégique, institutionnelle et cognitive menées, leur relation
avec les opinions sera analysée séparément. Les perceptions des enseignants et
des directeurs sur les effets de lâimplantation de la GAR qui prĂ©sentent un lien
significatif avec les opinions sont considérées avoir un pouvoir explicatif
complémentaire. La force des liens significatifs entre les effets perçus sur les
conditions de travail, les rĂŽles et les responsabilitĂ©s et lâefficacitĂ© des
établissements et les opinions permettra de hiérarchiser le pouvoir explicatif des
variables. La figure 1 prĂ©sente le cadre dâanalyse prĂ©sentĂ© ci-haut de maniĂšre
synthétique.
124
Figure 1. Le cadre dâanalyse des « Trois I » adaptĂ© de Palier et Surel (2005)
Ătape 1 : Identifier une palette dâĂ©lĂ©ments
pour lâanalyse
Thématiques de la collecte de données (questionnaire)
Pertinence des principes, des stratĂ©gies et des outils de la GAR Effets perçus de lâimplantation de la GAR sur les conditions de travail Effets perçus de lâimplantation de la GAR sur les rĂŽles et responsabilitĂ©s Effets perçus de lâimplantation de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements DonnĂ©es socioprofessionnelles
Indicateurs
Opinions positives ou négatives du potentiel de la GAR face à la réussite des élÚves
Perceptions positives ou nĂ©gatives sur les effets de lâimplantation du PR et de la CGRĂ sur les acteurs
Corrélation entre les opinions et les
perceptions
Concept général
ReprĂ©sentations et vĂ©cus des enseignants et des directeurs sur lâimplantation de la GAR en Ă©ducation
Dimensions
Pertinence de la politique de GAR Effets de la mise en Ćuvre de la GAR
Jeu des intĂ©rĂȘts Conditions de travail et rĂ©putation : Charge de travail, relations de travail, dĂ©veloppement et autonomie professionnelle, Ă©valuation et prestige du travail.
Autres avantages acquis ou voulus
Poids des institutions Nouvelles missions ou attentes dĂ©volues Ă lâĂ©cole; soutien accompagnement reçus; adaptations aux nouvelles attentes; maitrise des outils de la GAR.
Dimension intellectuelle des politiques publiques (PP) Vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans les missions (instruire, socialiser et qualifier); orientations idĂ©ales et effectives de lâĂ©ducation; facteurs dâaccroissement de
la rĂ©ussite; types dâenseignement.
StratĂ©gies des acteurs ThĂ©orie des choix rationnels (Boudon, 2004) Lien entre les principes de la GAR et ces consĂ©quences socioprofessionnelles anticipĂ©es ou vĂ©cues. Les opinions des enseignants et des directeurs sur la GAR en Ă©ducation sont influencĂ©es par les effets perçus de la politique de GAR sur leurs conditions de travail (charge et relations de travail, dĂ©veloppement et autonomie professionnels, pratiques dâĂ©valuation du
travail et prestige social de la profession).
Dynamiques institutionnelles ModĂšle du changement institutionnel de Streek et Thelen (2005) Types de changements institutionnels principaux perçus par les enseignants et les gestionnaires et leur traduction en coĂ»t dâadaptation. Les coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels engendrĂ©s par la GAR sont dĂ©terminĂ©s par la fonction de lâacteur et influence les opinions des enseignants et des directeurs sur la GAR.
Changements cognitifs et normatifs en rapport avec PP RĂ©fĂ©rentiel de Muller (1985, 2000) Orientations, valeurs et facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite et leur cohĂ©rence avec lâefficacitĂ© des Ă©tablissements. Les visions de lâĂ©cole idĂ©ale (valeurs) des enseignants et des directeurs influencent leurs reprĂ©sentations des effets du PR et de la CGRĂ sur la performance des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s (instruire, socialiser et qualifier) et leurs opinions sur la GAR.
Ătape 2 : Formuler un faisceau dâhypothĂšses concurrentes ou
complémentaires
Analyse des «°Trois I°» (Palier et Surel, 2005)
HypothĂšse 1 :
Les opinions de la GAR des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement ont un lien avec les effets perçus de son implantation sur leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels (conditions de travail), leurs coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels (rĂŽles et responsabilitĂ©s) et lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement (vision de lâĂ©cole).
HypothĂšse 2 :
Les divergences dâopinions de
la GAR et de perceptions des
effets de son implantation chez
les enseignants et les
directeurs sâexpliquent par les
diffĂ©rences dâidĂ©ologie
professionnelle.
Ătape 3 : HiĂ©rarchiser le poids
des variables
125
4.1.3. La justification du choix des « Trois I »
Le modÚle des « Trois I » a été choisi pour deux raisons principales. Au niveau
théorique, le modÚle des « Trois I » permet « de croiser plusieurs approches
artificiellement sĂ©parĂ©es pour comprendre les dynamiques propres Ă lâaction
publique et [âŠ] de tester des hypothĂšses alternatives ou complĂ©mentaires sur un
mĂȘme objet » (Surel, 2010). Lâanalyse avec le modĂšle des « Trois I » permet
dâanalyser les perceptions sous les angles idĂ©ologique, stratĂ©gique et sociologique
et dâidentifier la ou les variables qui influencent les opinions des enseignants et
des directeurs sur la GAR. Cela est dâautant plus utile que les opinions et les
perceptions des acteurs ont Ă©tĂ© trĂšs peu investiguĂ©es jusque-lĂ . DâoĂč la pertinence
de ne négliger a priori aucune dimension. Toutefois, comme le prévoit la démarche
préconisée par Palier et Surel (2005), le poids des variables et leur portée
explicative seront définis a posteriori.
Au niveau empirique, lâapproche des « Trois I » convient Ă lâĂ©tude oĂč lâanalyse
combinĂ©e des trois dimensions permettrait dâaller chercher une comprĂ©hension
plus fine des représentations et vécus des enseignants et des directeurs sur
lâimplantation de la GAR. Cela pourrait aider Ă amĂ©liorer le pilotage et lâefficacitĂ©
des établissements. Au Québec, le groupe de recherche « New age » a utilisé
cette approche dans le cadre de lâanalyse de la trajectoire des politiques
dâaccountability en Ă©ducation (Maroy et al., 2013). Aussi, ces trois dimensions
peuvent ĂȘtre intĂ©grĂ©es dans un questionnaire qui servira Ă la collecte des donnĂ©es.
4.1.4. Les limites du modÚle des « Trois I »
Lâapproche dâanalyse des « Trois I » nâest pas trĂšs usitĂ©e mĂȘme si la pertinence
de combiner les trois types de variables est généralement reconnue (Surel, 2010).
Trois limites lui sont essentiellement attribuĂ©es. Dâabord, lâapproche nâinduirait pas
« une position ou des propositions théoriques aussi fortes que celles qui sont
revendiquées notamment par le choix rationnel ou le constructivisme » (Ibid.,
pp. 650-651). Ensuite, lâorigine du modĂšle est difficilement identifiable du fait de
126
lâusage fort ancien de ces trois notions en sociologie (Ibid.). Enfin, il y a lâabsence
dâune prĂ©sentation systĂ©matique du champ dâĂ©tudes (Surel, 2010). La section
suivante prĂ©sente le cadre opĂ©rationnel de lâĂ©tude.
4.2. LâopĂ©rationnalisation des concepts : le cadre opĂ©ratoire de la GAR
dans le systÚme éducatif du Québec
Dans le but dâanalyser lâimplantation de la GAR dans le systĂšme Ă©ducatif, il a fallu
décomposer le concept et le rattacher à des réalités signifiantes pour les
enseignants et les directions. La présente section montre comment la GAR est
implantée dans le systÚme éducatif et comment les aspects généraux de cette
politique qui sâappliquent Ă lâadministration publique dans sa totalitĂ© se traduisent
dans les établissements. Ces éléments servent à la construction du questionnaire
qui collecte les opinions et les perceptions des acteurs.
4.2.1. La GAR un cadre de gestion de lâaction publique
Les réformes de la gestion publique dictées par le NMP vont aboutir à la mise en
place dâun cadre de gestion appelĂ© GAR. Dâabord expĂ©rimentĂ©e au Royaume-Uni
et aux Ătats-Unis, la GAR sera le cadre de gestion pour rĂ©former lâadministration
publique dans lâoptique de la rendre plus performante (Emery, 2005). La GAR sera
également un moyen pour faire face aux exigences de qualité des services publics
exprimĂ©es par la sociĂ©tĂ© civile et lâopinion publique (Hutmacher, 2005). Selon
Charbonneau (2012, p. 1), « pour plusieurs auteurs, lâĂ©vĂšnement qui consacra
l'émergence du nouveau management public est la réforme de l'administration
britannique entreprise dans la mouvance du néolibéralisme naissant, lors de
l'arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979. ».
4.2.2. Les principes de la GAR
De nombreuses structures ont défini des principes sur lesquels repose leur
approche de la GAR. Pour le Conseil du trĂ©sor du QuĂ©bec (2002), la GAR sâĂ©difie
sur cinq principes, il sâagit de :
127
1) La prise en considération dans les choix de gestion des attentes
exprimées par les citoyens, en fonction des ressources disponibles;
2) Lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus publics et
mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs;
3) Une plus grande flexibilité de gestion des ministÚres et organismes qui
se manifestent par lâadaptation et lâassouplissement des rĂšgles
administratives qui leur sont propres;
4) La reconnaissance du rĂŽle des sous-ministres et des dirigeants
dâorganismes (responsabilisation) dans lâexercice des contrĂŽles relatifs Ă
la gestion axée sur les résultats;
5) La reddition de comptes portant sur la performance dans lâatteinte des
rĂ©sultats et de lâutilisation optimale des ressources gouvernementales.
Martin et Jobin (2004), proposent une synthĂšse plus succincte des principes en
énonçant que :
La GAR implique la mesure des rĂ©sultats, lâintĂ©gration de lâinformation sur la performance au processus dĂ©cisionnel (politique et de gestion), lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats pour lâamĂ©lioration continue quâun gouvernement accepte sa responsabilitĂ© face Ă ses rĂ©sultats et en rende compte Ă ses citoyens en
faisant des rapports et que les résultats soient le point focal des activités (p. 305).
4.2.3. Le processus de la GAR
Martin et Jobin (2004) proposent un cycle de gestion générique de la GAR à partir
de lâanalyse des modĂšles mis en Ćuvre dans huit Ătats (Australie, Royaume-Uni,
Ătats-Unis, Nouvelle-ZĂ©lande, Canada, QuĂ©bec, Ontario et Alberta). Les Ă©lĂ©ments
communs de leur cycle de gestion de la performance sont la planification
stratĂ©gique, la planification opĂ©rationnelle, la mise en Ćuvre des plans et
programmes, la mesure des rĂ©sultats, la reddition des comptes et lâanalyse et
lâinterprĂ©tation des rĂ©sultats (Martin et Jobin, 2004). Martin et Jobin prĂ©cisent que
« ces cadres de gestion sâintĂšgrent gĂ©nĂ©ralement aux autres enjeux de la gestion
des organisations comme la qualité du service à la clientÚle, la gestion des
128
ressources humaines et des ressources financiÚres et la vérification » (Martin et
Jobin, 2004, p. 304).
4.2.4. Les outils de la GAR
La rĂ©alisation du processus de la GAR repose en grande partie sur lâutilisation
dâoutils qui encadrent les relations et les actions des acteurs. Dans la foulĂ©e des
travaux menĂ©s dans le cadre de lâactivitĂ© conjointe sur la gestion au service de
rĂ©sultats pour le dĂ©veloppement (OCDE, 2009), lâOCDE propose quatre
caractĂ©ristiques ou outils Ă utiliser au service de la GAR. Il sâagit des objectifs et
stratĂ©gies partagĂ©s; dâune budgĂ©tisation axĂ©e sur les performances; dâune prise
de décision fondée sur des faits : prendre des décisions fondées sur des données
statistiques et prenant appui sur des systĂšmes de suivi des performances
(Wiseman, 2010); et de la reddition publique des comptes (OCDE, 2009).
Martin et Jobin (2004) évoquent les outils juridiques et réglementaires notamment
lâutilisation des lois et rĂšglements dans lâimplantation de la GAR. Elles estiment
que « les cadres de la gestion axée sur les résultats des huit juridictions étudiées
sont principalement fondés soit dans des lois, ce qui constitue une approche de
jure, soit dans des rÚgles administratives, ou approche de facto » (Martin et
Jobin, 2004, pp. 306 et 307). Les deux auteures Ă©voquent Ă©galement lâutilisation
de lâĂ©valuation prospective pour accroĂźtre la crĂ©dibilitĂ© des actions
gouvernementales dans ce domaine.
4.2.5. Les conditions de réalisation de la GAR
Quatre auteurs insistent sur lâimportance de prendre en compte les facteurs qui
favoriseraient lâimplantation rĂ©ussie des changements dans la gestion publique. Le
tableau 4 prĂ©sente ces facteurs par niveau dâapplication.
129
Tableau 4. Les facteurs favorables Ă lâimplantation rĂ©ussie de la GAR
Niveau dâaction Environnement Institution Acteurs
Mazouz (2008) Impératif
organisationnel
Impératif managérial
Impératif adaptatif
ImpĂ©ratif dâĂ©valuation
Gow (1984) Les pressions
externes
Le catalyseur La volonté de
changement
Les appuis internes
Brassard (2012) Une approche de
développement
organisationnel et
professionnel
LâadhĂ©sion du
personnel
Un certain lien de
confiance entre les
acteurs du terrain et
lâautoritĂ© intermĂ©diaire
et centrale
La fixation des
objectifs Ă partir de
lâĂ©tablissement et des
besoins des Ă©lĂšves, et
donc avec le
personnel
Datnow et Stringfield (2000, p.184)
Les ressources et le
temps pour soutenir la
réforme soient
suffisants
La culture de lâĂ©cole
change en mĂȘme
temps que sa structure
Les enseignants
soient acteurs du
processus de
changement
Un leadership efficace
soit présent
Mazouz (2008) met lâaccent sur la dimension institutionnelle et Ă©voque les
impĂ©ratifs (organisationnel, managĂ©rial, adaptatif, dâĂ©valuation) qui doivent ĂȘtre
pris en compte dans les nouveaux schémas et pratiques de gestion. Gow (1984)
insiste sur lâorigine des facteurs Ă mettre de lâavant dans une rĂ©forme et sur le rĂŽle
des acteurs dans la mise en Ćuvre. Ainsi, il Ă©voque les contradictions ou les
tensions qui peuvent naßtre du fait que certains acteurs se réfÚrent à des facteurs
externes pour justifier la pertinence des rĂ©formes alors que dâautres utilisent les
facteurs internes pour justifier leur position. La volontĂ© de changement devrait ĂȘtre
diffusée et soutenue par un catalyseur et complétée par des pressions externes et
des appuis internes (Gow, 1984). Ces appuis internes sont fondamentaux pour
Brassard (2012) pour qui les quatre conditions pour lâimplantation rĂ©ussie de la
130
GAR concernent directement les personnels scolaires. En effet, lâadhĂ©sion des
acteurs, le lien de confiance entre les différents paliers hiérarchiques, la fixation
des objectifs au niveau opérationnel avec les acteurs, dont le développement
professionnel est pris en compte, sont indispensables pour que la GAR soit
implantée effectivement.
Datnow et Stringfield (2000, p. 184) identifient la participation des enseignants au
processus de changement, la disponibilité de ressources et de temps suffisants,
la prĂ©sence dâun leadership efficace et le changement simultanĂ© de la culture et
de la structure de lâĂ©cole comme Ă©lĂ©ments indispensables pour lâamĂ©lioration des
rĂ©sultats dans les Ă©coles. Câest dire que les opinions et les perceptions des acteurs
scolaires sont des aspects particuliĂšrement importants dans lâimplantation de la
GAR. Nous allons voir dans la section suivante comment sâarrime le cadre de
gestion gĂ©nĂ©ral de la GAR dans le domaine de lâĂ©ducation en particulier.
4.2.6. Le cadre de gestion de la GAR en Ă©ducation
Il sera question ici, de voir d'une maniÚre plus opérationnelle le déploiement de la
GAR dans le systÚme éducatif québécois, à savoir, les étapes qui constituent le
cycle de gestion de la GAR, les relations entre les différents acteurs institutionnels
dans ce cycle.
4.2.6.1. Le cycle de gestion de la GAR
Les six étapes communes du cycle de la GAR identifiées par Martin et Jobin ne se
retrouvent pas toujours formellement dans tous les pays (Martin et Jobin, 2004,
p. 304). Le modÚle adopté par le Québec comporte quatre étapes principales :
sâengager; rĂ©aliser; rendre compte; apprendre et sâadapter (Gouvernement du
Québec, 2002, cité par Jobin et Martin, 2004, p. 319). Le tableau 5 présente les
correspondances entre le modĂšle de Martin et Jobin (2004), celui du
Gouvernement du Québec et le systÚme éducatif.
131
Tableau 5. Le déploiement du cycle de gestion de la GAR du gouvernement du Québec en éducation
Ătapes Contenu Document support Acteur
Sâengager Les rĂ©sultats stratĂ©giques Ă atteindre; les
stratégies retenues; les mesures utilisées; les
cibles
DĂ©claration de service aux
citoyens; Plans stratégiques;
Projet Ă©ducatif
MELS;
Commissions
scolaires;
Ătablissements
Réaliser Traduction opérationnelle des objectifs par unité
administrative; Définition des stratégies de
rĂ©alisation; Construction dâindicateurs permettant
de piloter lâactivitĂ© au quotidien.
Plan annuel de gestion et
programmes; Convention de
partenariat; Convention de
gestion et de réussite
Ă©ducative
MELS;
Commissions
scolaires;
Ătablissements
Rendre
compte
Rappeler les objectifs; Donner le niveau de
résultats selon les mesures choisies; Apprécier
ce niveau en fonction de la cible fixée, du
contexte et des autres facteurs pertinents.
Rapport annuel de gestion MELS;
Commissions
scolaires;
Ătablissements
Apprendre et
sâadapter
SpĂ©cifier le contexte et lâenvironnement dans
lesquels Ćuvre lâorganisation : facteurs
explicatifs des écarts entre les résultats de
plusieurs années ou entre des unités
semblables.
Rapport annuel de gestion MELS;
Commissions
scolaires;
Ătablissements
Sources : adapté de Martin et Jobin (2004), de Bourgault (2004) et Brassard°(2013).
Le tableau 5 montre que les quatre Ă©tapes du cycle de gestion de la GAR du
modÚle québécois se retrouvent dans le systÚme éducatif et présente pour chaque
étape les actions qui sont menées, les documents qui leur servent de support et
les acteurs impliqués. Le projet de loi 124 imposait déjà aux commissions scolaires
dâavoir un plan stratĂ©gique et aux Ă©coles dâavoir un plan de rĂ©ussite. Avec le PL 88,
la planification stratégique des CS et des écoles est arrimée à celle du MELS.
NĂ©anmoins, les institutions de ces paliers infĂ©rieurs gardent la possibilitĂ© dâajouter
des priorités relatives à des enjeux locaux jugés importants.
La responsabilité de la réalisation incombe également aux institutions des trois
paliers. Ainsi, le MELS doit disposer dâun plan annuel de gestion. Il peut aussi
mettre en place des programmes pour prendre en charge des aspects particuliers.
Le PL 88 impose aux CS dâĂ©laborer des conventions de partenariat avec le
MinistĂšre pour circonscrire leur contribution Ă lâatteinte des objectifs fixĂ©s par le
132
MinistĂšre et aux Ă©coles dâĂ©laborer des conventions de gestion et de rĂ©ussite
éducative qui précisent les cibles et les moyens qui seront mobilisés pour mettre
en Ćuvre les plans de rĂ©ussite. Ces diffĂ©rents documents de mise en Ćuvre des
plans stratégiques doivent contenir des objectifs mesurables et des indicateurs qui
permettent de mesurer leur niveau de réalisation.
La reddition des comptes se fait de maniĂšre verticale et horizontale. Les Ă©coles
doivent rendre compte Ă la CS et Ă leur communautĂ© Ă©ducative (CĂ) de la mise
en Ćuvre du plan de rĂ©ussite.
Enfin, lâapprentissage organisationnel et lâadaptation Ă lâenvironnement sâimposent
aux Ă©coles qui doivent fournir dans leur rapport annuel des explications sur les
rĂ©sultats obtenus et dĂ©gager des perspectives dâamĂ©lioration des services offerts
aux citoyens.
Il apparaßt ici que les écoles ont des responsabilités dans la réalisation des quatre
étapes du processus de la GAR. Lors des débats portant sur le PL 88, le répertoire
de solutions pour résoudre les problÚmes liés au double enjeu de réussite et de
démocratie scolaires
Est structurĂ© autour des notions clĂ©s de dĂ©centralisation, de gestion efficace, dâautonomie des Ă©tablissements, de redĂ©ploiement des ressources directement vers les Ă©coles pour les rendre plus performantes, et enfin dâimputabilitĂ©, non seulement envers le MinistĂšre, mais envers les parents qui en tant que contribuables ont des attentes envers les services Ă©ducatifs fournis (Maroy et al., 2013, p. 82).
Ainsi, les PL 124, 88 et 105 ont fourni le cadre et les outils de planification (plan
de rĂ©ussite) et de contractualisation (CGRĂ) qui formalisent cette responsabilitĂ©.
4.2.6.2. La cohĂ©rence, lâinterdĂ©pendance hiĂ©rarchique et la collaboration
La mise en Ćuvre du processus de la GAR se fait dans une relation
dâinterdĂ©pendance et nĂ©cessite la cohĂ©rence des interventions menĂ©es par les
diffĂ©rents types dâacteurs (Lessard et al., 2009; Martin et Jobin, 2004). La
collaboration et la synergie engendrée sont des impératifs dans la poursuite de
133
lâefficacitĂ© et de lâefficience dans le processus de la GAR (Lessard et al., 2009;
Martin et Jobin, 2004). Cette cohérence hiérarchique passe par une
compréhension partagée des enjeux et des mécanismes de la GAR ainsi que par
une reconnaissance de sa pertinence et une ouverture Ă ses outils de mise en
Ćuvre. Le processus dâappropriation et de transfert dans les pratiques nĂ©cessite
des ressources et un cadre de rĂ©alisation qui doivent ĂȘtre pris en compte dans
lâimplantation de la politique (Carpentier, 2012; Muller, 2005). Turcotte et
Bastien (s.d.) avancent que,
Les changements structurels qui dĂ©coulent de la mise en Ćuvre de la GAR dans les organisations et qui impliquent la crĂ©ation de nouveaux rĂŽles et fonctions sâaccompagnent de lâĂ©mergence dâautres espaces " informatifs " visant des " changements de pratiques ". Ces espaces dĂ©limitent simultanĂ©ment de nouveaux cadres dâinteraction pour envisager lâintervention. (p. 8)
Lâenjeu de cohĂ©rence institutionnelle est une condition de lâefficacitĂ©
organisationnelle et de la collaboration pour la réussite scolaire et la qualité en
Ă©ducation. Maroy et al. affirment que :
Cet enjeu est en effet Ă©troitement associĂ© Ă la qualitĂ© du systĂšme Ă©ducatif dans son ensemble et des services dispensĂ©s aux Ă©lĂšves oĂč chaque palier est amenĂ© Ă jouer un rĂŽle essentiel. LâamĂ©lioration du systĂšme et lâefficacitĂ© organisationnelle passent nĂ©cessairement par la clarification du rĂŽle et des responsabilitĂ©s de chacun dans le sens de " partenariat, de collaboration, d'accompagnement, de soutien " (PLQ, PL88, Courchesne, AssemblĂ©e nationale) pour sâassurer que chacune des composantes du rĂ©seau trouve sa place. (Maroy et al., 2013, p. 76)
Dans la mĂȘme lancĂ©e, ces auteurs affirment quâ
Au-delĂ de la dĂ©finition des missions des diffĂ©rents acteurs [âŠ] lâalignement, la planification stratĂ©gique, et la contractualisation jouent ici un rĂŽle central dans lâarticulation des paliers : ils doivent permettre dâinstaurer une meilleure concertation entre les diffĂ©rents niveaux dâactions, de rĂ©tablir le " lien de confiance " entre les divers intervenants et de mobiliser les acteurs dans une " obligation de travailler ensemble ". (PQ, PL88, Malavoy, AN, citĂ© par Maroy et al., 2013, p. 76).
Ces derniers Ă©voquent Ă©galement un lien entre la lĂ©gitimitĂ© et lâefficacitĂ© des
structures et du systĂšme Ă©ducatif et le manque de coordination entre les paliers
hiérarchiques. Pour eux, le manque de coordination, de concertation des différents
« paliers du systÚme », les difficultés relatives aux modes de gestion du systÚme
134
nuiraient Ă la qualitĂ© dâensemble du systĂšme dâĂ©ducation (Maroy et al., 2013).
Dans le mĂȘme sens, Paquin et Charih (1993, citĂ©s par Bourgault, 2004) citent les
conditions de réussite suivantes pour cette opération :
Il faut impliquer tous les niveaux hiĂ©rarchiques, compter sur une Ă©quipe de direction stable, adapter le processus au cas de chaque organisation, garder le processus simple, accepter de gĂ©rer les conflits inĂ©vitables, consulter, responsabiliser les gestionnaires et intĂ©grer lâopĂ©ration au processus de dĂ©cision central du ministĂšre (p. 111).
La cohĂ©rence hiĂ©rarchique apparaĂźt ici comme une condition de base Ă lâefficacitĂ©
du systĂšme et Ă lâatteinte des objectifs de qualitĂ©. MĂȘme les questions de
gouvernance pourraient trouver une partie de leurs solutions dans cette
coordination et collaboration entre les différents paliers (Ozga, 2009). Néanmoins,
il faut noter que la lĂ©gitimitĂ© des moyens de coordination fait moins lâunanimitĂ©.
Ainsi, pendant que les gouvernants voient la pertinence dâune planification
descendante pour donner corps à cette cohérence, les acteurs opérationnels tels
que les syndicats voient plutĂŽt la pertinence dâune planification ascendante, eu
Ă©gard au statut de professionnel et Ă la position de premiĂšre ligne des enseignants
(Maroy et al., 2013). La lĂ©gitimitĂ© des moyens pour arriver Ă lâefficacitĂ© reste non
résolue. La section suivante présente le cadre méthodologique de la recherche.
4.3. La méthodologie
La présente section précise le devis de recherche qui a été adopté pour mener
lâĂ©tude. Lâapproche mĂ©thodologique, les sujets et leur Ă©chantillonnage, les
stratĂ©gies et les outils de collecte et dâanalyse des donnĂ©es sont ici prĂ©sentĂ©s.
4.3.1. Lâapproche mĂ©thodologique
La recherche est de type quantitatif descriptif, interprétatif et critique. La
méthodologie choisie pour mener cette recherche est de type quantitatif.
Lâapproche quantitative privilĂ©giĂ©e pour la collecte et lâanalyse des donnĂ©es
permet de dégager les tendances dans les opinions et les perceptions des acteurs
sur la GAR et dâidentifier les liens significatifs et leur force entre les variables des
135
opinions et les variables des perceptions de la GAR. Les opinions et les
perceptions des enseignants et des directeurs sont recueillies Ă lâaide dâun
questionnaire traité statistiquement. Pour Lemieux (2009) le questionnaire est un
outil adapté pour recueillir des données auprÚs des acteurs qui participent à la
mise en Ćuvre dâune politique, en plus de permettre de comparer la position des
acteurs opérationnels et des dirigeants.
Quelles sont les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation au regard de la réussite des élÚves des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement?
136
Figure 2. Le schéma synthÚse de la méthodologie
Question spécifique 1 :
Quelles sont les opinions de
la GAR et les perceptions
des effets de son
implantation au regard de la
réussite des élÚves des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement?
Question spécifique 2 :
Quels sont les déterminants
des opinions de la GAR des
enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement?
Question spécifique 3 :
Quelles sont les divergences et
les convergences dans les
opinions de la GAR et les
perceptions des effets de son
implantation entre les
enseignants et les directeurs
dâĂ©tablissement?
Objectif spĂ©cifique 1 : DĂ©crire les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son implantation dans le systĂšme Ă©ducatif au regard de la rĂ©ussite du plus grand nombre dâĂ©lĂšves des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement.
Objectif spécifique 2 :
Identifier les liens et leur force
entre les opinions de la GAR et
les perceptions des effets de son
implantation des enseignants et
des directeurs dâĂ©tablissement.
Objectif spécifique 3 :
Comparer les opinions de la GAR
et les perceptions des effets de
son implantation des enseignants
et des directeurs dâĂ©tablissement
et leurs liens.
ProblĂ©matique des reprĂ©sentations et vĂ©cu des enseignants et des directeurs sur lâimplantation de la GAR dans leurs Ă©tablissements
Question générale :
Quels sont les opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement du QuĂ©bec sur lâimplantation de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats
dans le systĂšme Ă©ducatif?
Objectif général :
Analyser les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son implantation dans le systĂšme Ă©ducatif du QuĂ©bec des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement.
Opinions sur la GAR
Pertinence des principes
Pertinence des stratégies
Pertinence des outils
Perspectives Ă donner Ă la GAR
Perceptions des effets de la GAR
Conditions de travail
RÎles et responsabilités
Efficacité des établissements
Enseignants
Opinions de la GAR et perceptions sur ses effets
Liens significatifs et déterminants
Directions
Opinions et perceptions sur la GAR
Liens significatifs et déterminants
HypothĂšse 1 :
Les opinions de la GAR des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement ont un lien avec les effets perçus de son implantation sur leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels (conditions de travail), leurs coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels (rĂŽles et responsabilitĂ©s) et lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement (vision de lâĂ©cole).
HypothĂšse 2 :
Les divergences dans les opinions de GAR de perceptions des effets de son implantation des
enseignants et des directeurs sâexpliquent par les diffĂ©rences dâidĂ©ologie professionnelle.
Variable dĂ©pendante : VD : Opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR en Ă©ducation Variables indĂ©pendantes : VI1 : Enjeux socioprofessionnels GAR VI2 : CoĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels VI3 : Vision des orientations et de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
Variables témoins (socioprofessionnelles) :
Fonction; Niveau de connaissance de la GARE; ordre
dâenseignement; milieu socio-Ă©conomique desservi; expĂ©rience
professionnelle; Ăąge; statut dâemploi; sexe.
Questionnaire en ligne
Table de fréquence Khi deux de Pearson Phi Analyse de contenu
137
4.3.2. La collecte des données
Lâinvestigation sâest faite Ă travers un sondage en ligne sur la GAR en Ă©ducation
au Québec.
4.3.2.1. La population cible
La population cible est constituée des enseignants et des directeurs des
établissements primaires et secondaires du Québec. La population des
enseignants étudiée compte 51 986 individus soit les permanents du primaire, du
secondaire (FGJ), de la formation générale des adultes et de la formation
professionnelle. La population des gestionnaires étudiée compte 2716 directeurs
dâĂ©tablissement (Statistiques sur le systĂšme scolaire quĂ©bĂ©cois en 2010-2011, les
principales statistiques de lâĂ©ducation, Ă©dition 2012).
4.3.2.2. LâĂ©chantillonnage
Les participants Ă lâĂ©tude ont Ă©tĂ© choisis dans les 38 commissions scolaires du
Québec dont les établissements rendaient accessibles les adresses courriel du
personnel enseignant et de direction. La base de données constituée par les
adresses courriel de 4740 individus a servi au recrutement des participants sur la
base du volontariat. Lâannonce de recrutement contenant le lien pour participer au
sondage était envoyée aux cibles par courriel à partir de la base de sondage
Limesurvey. Les enseignants et les directeurs volontaires cliquaient sur le lien pour
accéder au questionnaire en ligne et le remplir. Les répondants avaient la
possibilitĂ© dâenregistrer des rĂ©ponses partielles et de revenir plus tard continuer.
4725 individus dont les adresses courriel étaient valides ont reçu une invitation.
Des 576 individus (soit 12,19 %) qui ont répondu au questionnaire, seuls 271
(5,73 %) lâont totalement complĂ©tĂ©.
Le faible taux de rĂ©ponses complĂ©tĂ©es situĂ© Ă 5,73 % nâa pas permis dâatteindre
la taille de lâĂ©chantillon thĂ©orique visĂ©e. Avec le niveau de prĂ©cision visĂ© de lâordre
de 95 % et la marge dâerreur de 5 % (Prety, 2003) lâĂ©chantillon thĂ©orique devait
comportait 381 enseignants (sur une population de 51 986) et 337 directeurs (sur
138
une population de 2 716). LâĂ©chantillon enquĂȘtĂ© est composĂ© de deux strates, soit
224 enseignants (marge dâerreur de ±6,55 %) et 47 directeurs dâĂ©tablissement
(marge dâerreur de ±14,29 %) (Combessie, 2007;
http://dimension.usherbrooke.ca/dimension/differentesmargeerreur.html consulté
le 31 mai 2017), est en deçà de lâĂ©chantillon thĂ©orique et nâest donc pas
reprĂ©sentatif de la population enquĂȘtĂ©e. Les nombreuses sollicitations adressĂ©es
de lâhiver 2015 Ă lâhiver 2016 aux commissions scolaires et aux organisations
professionnelles dâenseignants et de directeurs dâĂ©coles ont Ă©tĂ© infructueuses. En
plus les ressources disponibles étaient limitées ce qui justifie que la recherche ait
Ă©tĂ© effectuĂ©e avec cet Ă©chantillon qui nâest pas idĂ©al, mais dĂ©passe le minimum
requis (30 individus) pour calculer des statistiques. Cela constitue une limite
importante de lâĂ©tude. En plus la mĂ©thode dâĂ©chantillonnage non probabiliste
utilisĂ©e ne permet pas dâĂ©valuer les erreurs dâĂ©chantillonnage (Beaud, 2016) et les
motivations particuliĂšres des volontaires peuvent ĂȘtre source de biais dans la
mesure oĂč elles peuvent affecter la validitĂ© des donnĂ©es (DESTE. (s. d.). ConsultĂ©
le 17 mai 2017, Ă lâadresse http://ute.umh.ac.be/methodes/partie3.htm ).
NĂ©anmoins, lâĂ©tude Ă©tant exploratoire, la prioritĂ© rĂ©side dans la validitĂ© interne des
donnĂ©es et les rĂ©sultats ne peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©s Ă la population gĂ©nĂ©rale
quâavec la plus grande prĂ©caution. Lâadministration du questionnaire a Ă©tĂ© directe.
Le tableau 6 présente les caractéristiques détaillées des répondants.
Tableau 6. Les caractĂ©ristiques sociodĂ©mographiques de lâĂ©chantillon
CaractĂšres Sous-caractĂšres Enseignants Directions
N % N %
Sexe Homme 79 36,9 20 42,6
Femme 135 63,1 27 57,4
ND 10
Ăge Moins de 30 ans 12 5,6 0 0
30 Ă 39 ans 59 27,6 5 10,6
40 Ă 49 ans 86 40,2 24 51,1
50Ă 59 ans 49 22,9 15 31,9
60 ans et plus 8 3,7 3 6,4
139
ND 10
Niveau dâĂ©tudes BaccalaurĂ©at 147 70,7 6 12,8
DiplÎme ou certificat universitaire supérieur au baccalauréat et inférieur à la maßtrise
34 16,3 23 48,9
MaĂźtrise 27 13 18 38,3
ND 16
Expérience professionnelle (261)
Moyenne 16,00 10,16
Ăcart type 7,50 6,99
Minimum 1 0
Maximum 37 40
Milieu socioéconomique desservi
Défavorisé (indice 8 à 10) 66 30,8 21 44,7
Moyen (indice 5 Ă 7) 91 42,5 17 36,2
Favorisé (indice 1 à 4) 50 22,3 9 19,1
Ne sais pas 7 3,3
ND 10
Environnement Municipalité de 5 000 habitants et moins 20 9,3 16 34,0
Municipalité de 5 001 à 24 999 habitants 17 7,9 11 23,4
Municipalité de 25 000 à 99 999 habitants 34 15,8 5 10,6
Municipalité de 100 000 à 499 999 habitants 71 33,0 8 7,0
Municipalité de 500 000 habitants et plus 46 21,4 7 14,9
Ne sais pas 27 12,6
ND 9
Effectif des Ă©tablissements (256)
Moyenne 902,39 574,58
Ăcart type 637,29 389,19
Minimum 55 121
Maximum 3500 1525
Ordre dâenseignement
Primaire 71 32,6 19 43,2
Secondaire 147 67,4 25 56,8
ND 6 3
Statut dâemploi Permanents Ă temps plein 154 72,6 43 93,5
Permanent Ă temps partiel 13 6,1 1 2,2
Ă contrat Ă temps plein 29 13,7 2 4,3
Ă contrat Ă temps partiel 16 7,5 0
ND 12 1
140
4.3.2.3. Le plan et la construction de lâoutil de collecte des donnĂ©es
La collecte des opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissements a Ă©tĂ© effectuĂ©e Ă lâaide dâun questionnaire dâopinions, comportant
des questions fermées de type dichotomique ou de Likert et des questions
ouvertes courtes. Le questionnaire comportait trois parties. Dans la premiĂšre
partie, les questions portaient, dâune part, sur la pertinence des principes, des
stratĂ©gies et des outils de la GAR pour la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Dâautre part, sur les
perspectives à donner à la GAR et sur les commentaires généraux de sa
pertinence. Cette partie a permis de collecter les données relatives aux opinions
des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR qui constituent la
variable dépendante. La deuxiÚme partie portait sur les effets perçus de
lâimplantation du PR et de la CGRĂ sur les conditions de travail, les rĂŽles et
responsabilitĂ©s des rĂ©pondants et lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement. Cette partie a
permis de colliger les données relatives aux variables indépendantes qui sont
constituées par : les enjeux socioprofessionnels de la GAR (variable de
perception); les coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels (variable
dâopinion); et la vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements (variable de
connaissance). La troisiĂšme partie comprenait les questions relatives aux
caractéristiques socioprofessionnelles des cibles. Cette partie visait à recueillir les
donnĂ©es relatives aux variables socioprofessionnelles : la fonction; le genre; lâĂąge;
lâordre dâenseignement; lâexpĂ©rience professionnelle; le milieu socioĂ©conomique
desservi, lâenvironnement de lâĂ©tablissement et le statut dâemploi.
Le mĂȘme questionnaire utilisĂ© pour les enseignants et les directeurs
dâĂ©tablissement a Ă©tĂ© administrĂ© Ă lâaide de la base de sondage en ligne
Limesurvey. Les données colligées ont servi à identifier les tendances positives
ou négatives dans les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur lâimplantation de la GAR en Ă©ducation et de les
comparer entre elles.
141
Le questionnaire a été construit en cherchant à minimiser les biais qui pourraient
compromettre la validitĂ© et la fidĂ©litĂ© de lâoutil. DiffĂ©rentes questions tirĂ©es de
questionnaires déjà utilisés dans des recherches similaires comme celle portant
sur lâidĂ©ologie professionnelle des enseignants et des gestionnaires canadiens
(Kamanzi, Riopel et Lessard, 2007) ont été reprises ou adaptées. La formulation
des questions respectait les critÚres de la clarté, de la fidélité et de la neutralité
(Gauthier et al., 1987). Pour minimiser les refus de répondre, le vouvoiement a été
utilisĂ©, lâattractivitĂ© des questions a Ă©galement Ă©tĂ© amĂ©liorĂ©e au maximum et il a
été fait recours au « contexte adoucissant ». La formulation des réponses des
questions fermées respectait les quatre critÚres suivants : les réponses possibles
apparaissaient dans la question; les catégories de réponses étaient exhaustives
et exclusives, incluant une option ne sais pas; et les catégories de réponses étaient
équilibrées (positif/négatif) pour assurer la neutralité. Le questionnaire est
disponible Ă lâannexe 3 (p. 241).
4.3.2.4. La validitĂ© de lâoutil de collecte de donnĂ©es
Le questionnaire a fait lâobjet dâune validation de contenu. Le prototype Ă©laborĂ© Ă
partir du cadre thĂ©orique et des questionnaires utilisĂ©s dans lâanalyse des
politiques Ă©ducatives a fait lâobjet de plusieurs amĂ©liorations. Le comitĂ© qui a
travaillé à opérationnaliser les variables des questions de recherche était composé
dâun professeur en mesure et Ă©valuation, dâun professeur en administration et
planification de lâĂ©ducation, dâun professeur en administration scolaire et de trois
étudiants au doctorat en analyse des politiques publiques. Le comité a effectué 5
séances de travail, pendant lesquelles, les différents membres du comité
apportaient leurs observations et discutaient celles des autres. Les versions
successives ont ainsi fait lâobjet dâamendements et de validations de novembre
2014 Ă mai 2015.
Le questionnaire ainsi obtenu a Ă©tĂ© testĂ© auprĂšs dâun Ă©chantillon de la population
cible de 10 individus composé de 5 enseignants et de 5 directeurs. Ils devaient
142
répondre au questionnaire et faire un commentaire sur sa clarté, la pertinence et
lâordre des questions et rĂ©pondre aux questions suivantes :
Quelles sont les questions que vous recommanderiez de supprimer? Quelles sont
les questions qui n'ont pas été claires pour vous ou que vous n'avez pas
comprises? Quels sont les choix de réponses que vous suggéreriez de modifier,
de retrancher, ou d'ajouter? Quelles sont les questions dont vous recommanderiez
que l'emplacement soit changé? De maniÚre générale comment appréciez-vous
le questionnaire? Tout autre commentaire sur le questionnaire est le bienvenu.
Les réajustements nécessaires ont été effectués par la suite. Ainsi la validité et la
fiabilité du questionnaire ont été améliorées. Les réponses obtenues au mois de
juin et juillet 2015 ont fait lâobjet dâune analyse dont les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©s
au 3e colloque du CRIFPE en mai 2016.
La version finale du questionnaire, une fois approuvĂ©e par le comitĂ© dâĂ©thique a
été saisie sur la base de sondage Limesurvey qui est la seule qui propose
lâhĂ©bergement des donnĂ©es au Canada. Le sondage sâest dĂ©roulĂ© dans la pĂ©riode
du 11 mai 2016 au 7 avril 2017. La durée moyenne pour compléter le questionnaire
Ă©tait dâune trentaine de minutes. Cinq rappels ont Ă©tĂ© envoyĂ©s aux cibles pour tenir
compte de la charge de travail élevée des répondants. Certains enseignants et
directeurs exprimaient leur intĂ©rĂȘt pour lâĂ©tude, mais Ă©voquaient un emploi du
temps trop chargé comme obstacle à leur participation. Ainsi les nombreux rappels
ont permis Ă chaque fois dâaller chercher une vague de rĂ©pondants de plusieurs
dizaines dâindividus. Les cibles avaient la possibilitĂ© de se dĂ©sinscrire de la base
de sondage en cliquant sur le lien prévu à cet effet disponible à cÎté du lien qui
donnait accĂšs au questionnaire dans le courriel de lâannonce de recrutement et
des rappels.
143
4.3.2.5. LâĂ©thique de la recherche
La participation Ă lâenquĂȘte a Ă©tĂ© volontaire et tenue confidentielle. Les rĂšgles
dâĂ©thique et de dĂ©ontologie de la recherche du CERUL ont Ă©tĂ© respectĂ©es dans
les diffĂ©rentes phases de la recherche. Dâabord une autorisation de collecter les
donnĂ©es a Ă©tĂ© obtenue auprĂšs du ComitĂ© dâĂ©thique. Ensuite les instruments
validés par ledit comité ont été utilisés pour le recrutement des participants, le
recueil de leur consentement Ă©clairĂ©, lâadministration/passation du questionnaire,
la gestion et le traitement confidentiel des données.
Lâannonce de recrutement comportait la prĂ©sentation du chercheur, le titre et
lâobjectif de la recherche, les critĂšres dâinclusion, la participation attendue des
cibles, les coordonnées de la personne avec qui communiquer en cas de besoin
et le numĂ©ro dâapprobation de la recherche par le ComitĂ© dâĂ©thique.
Le consentement implicite et confidentiel pour la participation au questionnaire
comportait toutes les informations requises par le comitĂ© dâĂ©thique. Les
renseignements sur le projet de recherche, la participation attendue des cibles, les
rĂšgles de confidentialitĂ©s appliquĂ©es, lâattestation du consentement, les
coordonnées de la personne de contact pour le projet et les coordonnées du
Bureau de lâOmbudsman pour les plaintes et les critiques figurĂ©es sur les
premiĂšres pages du questionnaire pour Ă©clairer le consentement des participants.
La participation et le retrait Ă©taient libres et sans condition pour tous les
participants. La confidentialité des données était assurée à travers les mesures
suivantes :
1) Durant la recherche :
Les noms des participants étaient remplacés par un code dans tout le
matériel et les données contenant des renseignements personnels;
Seul le chercheur a accĂšs Ă la liste contenant les noms et les codes, elle-
mĂȘme conservĂ©e sĂ©parĂ©ment du matĂ©riel de la recherche et des donnĂ©es;
144
Les données en format numérique sont, pour leur part, conservées dans
des fichiers encryptĂ©s dont lâaccĂšs est protĂ©gĂ© par lâutilisation dâun mot de
passe et auquel seul le chercheur a accĂšs.
2) Lors de la diffusion des résultats :
Les noms des participants ne paraissent dans aucun rapport;
Les résultats sont présentés sous forme globale de sorte que les résultats
individuels des participants ne seront jamais communiqués;
Les résultats de la recherche seront publiés dans des revues scientifiques,
et aucun participant ne pourra y ĂȘtre identifiĂ©;
Un résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui
en feront la demande au chercheur dont les coordonnées sont fournies
dans le présent document.
3) Ă la fin de la recherche :
La liste des noms et des codes sera détruite afin que les données qui seront
utilisĂ©es dans le cadre dâautres recherches soient rendues anonymes sans
possibilitĂ© absolue dâidentifier les participants les ayant fournies.
145
Figure 3. Le plan gĂ©nĂ©ral de collecte et dâanalyse des donnĂ©es
Comparaison entre enseignants et
directeurs dâĂ©tablissements
Opinions et perceptions sur la GAR
Liens significatifs et déterminants
HypothĂšse 1 :
Les opinions de la GAR des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement ont un lien avec les effets perçus de son implantation sur leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels (conditions de travail), leurs coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels (rĂŽles et responsabilitĂ©s) et lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement (vision de lâĂ©cole).
Variable dĂ©pendante : VD : Opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements sur la GAR en Ă©ducation Variables indĂ©pendantes : VI1 : Enjeux socioprofessionnels GAR VI2 : CoĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels VI3 : Vision des orientations et de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
Variables témoins (socioprofessionnelles) :
Fonction; Niveau de connaissance de la
GAR; ordre dâenseignement; milieu socio-
économique desservi; expérience
professionnelle; Ăąge; statut dâemploi; sexe.
Opinions sur la GAR
Pertinence des principes
Pertinence des stratégies
Pertinence des outils
Perspectives à donner à la GAR Effets perçus de la GAR sur
les conditions de travail
les rĂŽles des acteurs
les finalitĂ©s et lâefficacitĂ© de lâĂ©cole
Questionnaire en ligne
Table de fréquence Khi deux de Pearson Phi Analyse de contenu
Traitements statistiques Regroupement en unité de sens
HypothĂšse 2 :
Les divergences dans les
opinions de GAR de
perceptions des effets de son
implantation des enseignants et
des directeurs sâexpliquent par
les diffĂ©rences dâidĂ©ologie
professionnelle.
Liens entre opinions et perceptions
Perspectives Ă donner Ă la GAR
Enjeux socioprofessionnels
CoĂ»ts dâadaptation aux
changements institutionnels
Vision des orientations et de
lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
146
5.2.3. Lâanalyse des donnĂ©es
5.2.3.1. Le traitement et lâanalyse statistique des donnĂ©es
Les donnĂ©es colligĂ©es ont fait lâobjet dâun traitement statistique pour dĂ©gager des
tendances quant aux opinions et aux perceptions des acteurs scolaires sur
lâimplantation de la GAR. Pour les questions Ă choix multiples, les rĂ©ponses ont
été décomptées et dichotomisées en tendances positives ou négatives. Les choix
de réponses proposés représentaient les unités de numération. Pour chaque
option de réponse, une quantification a été réalisée. La rÚgle de comptage qui est
le pourcentage a permis de dégager des tendances de groupe pour les différentes
questions. Le logiciel de traitement des données quantitatives SPSS a été utilisé
pour dégager la table des fréquences des réponses aux questionnaires. Les tests
statistiques (Khi deux et Phi) ont permis de faire les corrélations entre les variables
dépendantes (opinions) et les variables indépendantes (perceptions) étudiées.
Une agrégation des réponses a permis de dégager une tendance positive ou
négative des opinions et des perceptions en partant des questions, puis aux
variables et enfin Ă lâĂ©tude dans son ensemble. Ă chaque niveau ont Ă©tĂ© retenues
comme tendance lâopinion et la perception majoritaires.
Les analyses bivariées ont permis de rechercher les liens entre les opinions et les
perceptions de la GAR et de ses effets exprimées par les acteurs scolaires. Le test
statistique du Khi deux de Pearson a Ă©tĂ© utilisĂ© pour tester lâexistence ou non de
liens entre les variables dâopinions et les variables de perceptions. Le test du Phi
a servi Ă Ă©valuer la force des liens significatifs.
Les rĂ©ponses Ă la question ouverte ont Ă©tĂ© regroupĂ©es et font lâobjet dâune analyse
de contenu. Le regroupement des unités de sens a permis de synthétiser les
discours des acteurs scolaires. Les unités de sens obtenues étaient classées en
trois rubriques : les points forts, les points faibles et les changements Ă apporter Ă
la GAR. La grille de traitement des données qui a été utilisée est présentée à la
figure°4.
147
Figure 4. Les grilles de traitement des données (test du Khi deux de Pearson et du Phi)
Variables Dimensions à corréler
Variables dépendantes
Opinions sur la GAR
Perspective Ă donner Ă la GAR
Pertinence des principes
Pertinence des stratégies
Pertinence des outils
Variables indépendantes 1
Enjeux socioprofessionnels de la mise en Ćuvre de la
GAR
Effets sur la charge de travail
Effets sur autonomie professionnelle
Effets sur les relations de travail
Effet sur le développement professionnel
Effet sur les pratiques dâĂ©valuation du travail
Effets sur le prestige de la profession
Variables indépendantes 2
CoĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels
engendrĂ©s par la mise en Ćuvre de la GAR
Types de changements institutionnels perçus
Ăvolution des rĂŽles et des responsabilitĂ©s
Soutien et accompagnement reçu pour la mise en place
des PR et CGRĂ
Nouvelles attentes générées par la GAR au niveau des
CS et des parents
Adaptation aux nouvelles attentes
Variables indépendantes 3
Vision des orientations du systĂšme Ă©ducatif et des
facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite
Efficacité du PR et de la CGRà sur la poursuite des
finalitĂ©s de lâĂ©cole
Variables sociodémographiques
Sexe
Ăge
Fonction
Milieu socioéconomique desservi
Ordre dâenseignement
Statut dâemploi
Discipline principale enseignée
5.2.3.2. Lâanalyse et lâinterprĂ©tation des donnĂ©es
Les donnĂ©es ont Ă©tĂ© analysĂ©es Ă lâaide des thĂ©ories nĂ©o-institutionnalistes
prĂ©sentĂ©es dans le cadre thĂ©orique. Lâanalyse a abordĂ© la dimension cognitive,
stratégique et institutionnelle des perceptions des représentations et vécus des
acteurs des effets de lâimplantation de la GAR. Dans les trois cas, les hypothĂšses
formulĂ©es a priori ont Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ©es Ă partir des donnĂ©es recueillies. Lâanalyse des
donnĂ©es a Ă©tĂ© effectuĂ©e Ă lâaide de la grille dâanalyse Ă©laborĂ©e Ă cet effet et
présentée à la figure 5.
148
Figure 5. La grille dâanalyse des donnĂ©es (identification des liens entre opinions et perceptions)
Variables Caractérisation dichotomique des variables
Recherche de corrélation (déterminants des opinions sur la GAR)
Variable dépendante
Opinions sur la GAR (Perspectives, Principes, Stratégies, Outils)
Positive
Test du (Khi deux de Pearson) entre les variables dĂ©pendantes (opinions) et les variables indĂ©pendantes (perceptions des effets de lâimplantation de la GAR) : Est-ce que lâopinion (positive ou nĂ©gative) de la GAR est liĂ©e Ă une perception (positive ou nĂ©gative) des effets de son implantation pris sĂ©parĂ©ment?
Test du Phi pour les liens significatifs : quelle est la force des liens entre les variables dĂ©pendantes (Opinions) et les variables indĂ©pendantes (perception des effets de lâimplantation de la GAR)?
NĂ©gative
Variables indépendantes
IntĂ©rĂȘts socioprofessionnels (Effets sur le travail)
Positif
NĂ©gatif
CoĂ»ts dâadaptation aux changements (Effets sur les rĂŽles et responsabilitĂ©s)
CoĂ»ts dâadaptation au changement faibles
CoĂ»ts dâadaptation au changement Ă©levĂ©s
Vision de lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement (Effets sur la vision de lâĂ©cole)
Effet levier sur la poursuite des finalités
Effet obstacle sur la poursuite des finalités
Dâune part, lâanalyse des statistiques descriptives a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e sĂ©parĂ©ment pour
enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement, ensuite une synthĂšse gĂ©nĂ©rale a
été effectuée. à chacune de ces deux étapes, les opinions et les perceptions des
groupes en prĂ©sence Ă©taient comparĂ©es. Dâautre part, lâanalyse des rĂ©sultats du
Khi deux a servi Ă identifier les liens entre les opinions et les perceptions des
acteurs. Et le Phi a été utilisé pour évaluer la force du lien et identifier les effets
perçus qui influencer le plus les opinions sur la GAR. Ces analyses bivariées ont
permis de hiérarchiser le pouvoir explicatif ou prédictif des trois types de variables
de perceptions des effets de lâimplantation de la GAR.
Les donnĂ©es permettent dâanalyser les reprĂ©sentations de la politique de GAR
dans le systĂšme Ă©ducatif quĂ©bĂ©cois Ă travers les opinions et les perceptions quâen
149
ont les acteurs. En fonction des résultats de cette analyse, des pistes ou des
perspectives de recherches ont été proposées.
*
* *
Le chapitre quatre a délimité de maniÚre plus précise le devis de recherche adopté.
Le cadre dâanalyse des « Trois I », les concepts principaux de lâĂ©tude, leur
opĂ©rationnalisation et la mĂ©thodologie de collecte ainsi que dâanalyse des donnĂ©es
y sont présentés. En somme, notre étude utilise un sondage en ligne qui recueille,
dâune part, les opinions des enseignants et des directeurs sur la pertinence des
principes, des stratégies, des outils et des perspectives de la GAR pour la réussite
des Ă©lĂšves; Dâautre part, les perceptions des enseignants et des directeurs des
effets des PR et des CGRĂ sur leurs conditions de travail, leurs rĂŽles et
responsabilitĂ©s et lâefficacitĂ© de leurs Ă©tablissements. Les donnĂ©es sont traitĂ©es et
analysées statistiquement (Khi deux et Phi) avec le logiciel SPSS et les résultats
sont interprĂ©tĂ©s Ă lâaide des thĂ©ories nĂ©o-institutionnelles.
150
Chapitre 5. La prĂ©sentation et lâinterprĂ©tation des
résultats
Le chapitre cinq porte sur les rĂ©sultats et leur interprĂ©tation. Dâune part, les
opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements
sont dĂ©crites et comparĂ©es. Dâautre part, les liens significatifs entre les opinions et
les perceptions et leur force sont présentés en comparaison entre les deux
groupes. Une troisiĂšme section fait le point sur les hypothĂšses de recherche et
permet dâinterprĂ©ter les rĂ©sultats au regard dâautres recherches en guise de
conclusion.
5.1. Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur
la GAR
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR
constituent les variables dĂ©pendantes de lâĂ©tude et sont prĂ©sentĂ©es sĂ©parĂ©ment Ă
travers quatre dimensions : les principes, les stratégies, les outils de mise en
Ćuvre et les perspectives. Pour chaque dimension les opinions sont
dichotomisées. Pour chaque item on demande aux personnes de se prononcer sur
la pertinence, selon elles de l'énoncé et les réponses sont classées en deux
groupes : pertinents et non-pertinents. Les réponses ne sais pas (NSP) sont
considérées comme non valides. Pour chaque groupe les scores sont présentés
en valeur absolue (N) et en valeur relative (%). Les données de chaque tableau
sont commentĂ©es dans le sens dâune comparaison des opinions des enseignants
avec celles des directeurs dâĂ©tablissement.
5.1.1. Les opinions sur les principes de la GAR
Les enseignants pensent majoritairement que les principes de la GAR ne
permettent pas la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Les directeurs dâĂ©tablissement pensent le
contraire. Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©coles sur les principes
151
de la GAR sont globalement divergentes. Leurs opinions divergent pour cinq
principes, alors quâelles ne convergent que pour deux principes. Le tableau 7
présente la synthÚse des opinions recueillies.
152
Tableau 7. La pertinence des principes de la GAR pour lâaccroissement de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves
Principes
Enseignants Directions
Pertinents Non
pertinents
Valides3 Pertinent
s
Non
pertinents
Valides
N % N % N % N % N % N %
1.2.1 Lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis,
rendus publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs, permet dâaccroĂźtre
la réussite des élÚves.
99 45,4 119 54,6 218 97,3 41 87,2 6 12,8 47 100
1.2.2 La prise en compte des attentes exprimées par les citoyens
permet de mieux gĂ©rer les fonds attribuĂ©s Ă lâĂ©ducation. 77 35,5 140 64,5 217 96,8 24 52,2 22 47,8 46 97,8
1.2.3 Rendre les acteurs responsables des résultats scolaires
permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. 98 45,6 117 54,4 215 95,9 45 95,7 2 4,3 47 100
1.2.4 Lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats favorisant
lâamĂ©lioration continue des pratiques permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite
des Ă©lĂšves.
136 65,4 72 34,6 208 92,8 45 97,8 1 2,2 46 97,8
1.2.5 La définition de cibles de résultats plus élevées permet
dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. 82 38,1 133 61,9 215 95,9 41 89,1 5 10,9 46 97,8
1.2.6 La reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles
permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. 78 39,2 121 60,8 199 88,8 36 80,0 9 20,0 45 95,7
1.2.7 La reddition de comptes portant sur lâutilisation optimale des
ressources permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. 129 64,8 70 35,2 199 88,8 38 82,6 8 17,4 46 97,8
3 Dans cette colonne on retrouve le nombre total de rĂ©ponses valides (N) et la proportion (%) quâelles reprĂ©sentent par rapport Ă lâĂ©chantillon
total soit 224 pour les enseignants et 47 pour les directions.
153
Le tableau 7 montre que les enseignants pensent dans leur majoritĂ© que lâessentiel
des principes de la GAR sont non-pertinents pour lâaccroissement de la rĂ©ussite
des Ă©lĂšves. Les cinq principes [lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs
prĂ©Ă©tablis, rendus publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs (54,6 %), la prise en
compte des attentes exprimées par les citoyens (64,5 %), la responsabilisation des
acteurs sur les résultats scolaires (54,4 %), la définition de cibles de résultats plus
Ă©levĂ©es (61,9 %) et la reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles
(60,8 %)] sont jugés non pertinents. Par contre, les enseignants trouvent les deux
autres principes [lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats favorisant
lâamĂ©lioration continue des pratiques (65,4 %) et la reddition de comptes portant
sur lâutilisation optimale des ressources (64,8 %)] pertinents pour contribuer Ă
accroßtre la réussite des élÚves.
Contrairement aux enseignants, les directeurs dâĂ©tablissement jugent que tous les
principes de la GAR [lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus
publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs (87,2 %), la prise en compte des attentes
exprimées par les citoyens (52,2 %), la responsabilisation des acteurs sur les
rĂ©sultats scolaires (95,7 %), lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats favorisant
lâamĂ©lioration continue des pratiques (97,8 %), la dĂ©finition de cibles de rĂ©sultats
plus Ă©levĂ©es (89,1 %) et la reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles
(80,0 %) et la reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles (82,6 %)] sont
pertinents pour accroßtre la réussite des élÚves.
Les opinions des enseignants et des directeurs sur la pertinence des principes de
la GAR pour permettre lâaccroissement des rĂ©sultats scolaires sont
essentiellement contradictoires. La zone de convergence entre les enseignants et
les directeurs se situe au niveau des principes de lâutilisation de lâinformation sur
les rĂ©sultats pour favoriser lâamĂ©lioration continue des pratiques (respectivement
65,4 % et 97,8 %) et la reddition de comptes sur les ressources (respectivement
64,8 % et 82,6 %) jugés pertinents.
154
Les fréquences dans les opinions dominantes sont plus élevées chez les
directeurs dâĂ©tablissement (entre 52,2 % et 97,8 %) que chez les enseignants
(entre 54,4 % et 65,4 %).
5.1.2. Les opinions sur les outils de la GAR
Contrairement aux principes, les opinions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement sur les outils dâimplantation de la GAR dans les Ă©tablissements
sont convergentes autant pour le PR que pour la CGRĂ. Le tableau 8 prĂ©sente la
synthĂšse des opinions recueillies.
Tableau 8. La pertinence des outils de mise en Ćuvre de la GAR dans les Ă©tablissements pour la rĂ©ussite du plus grand nombre
Outils
Enseignants Directions
Pertinents Non pertinents
Valides Pertinents Non pertinents
Valides
N % N % N % N % N % N %
1.3.1 Plan de réussite 152 71,0 62 29,0 214 95,5 44 95,7 2 4,3 46 97,8
1.3.2 Convention de gestion et de réussite éducative
117 56,5 90 43,5 207 92,4 35 76,1 11 23,9 46 97,8
Le tableau 8 montre dâune part, que les enseignants (71,0 %) et les directeurs
dâĂ©tablissement (95,7 %) interrogĂ©s reconnaissent la pertinence du PR et dâautre
part, que 56,5 % des enseignants et 76,1 % des directeurs dâĂ©tablissement
reconnaissent cette pertinence pour la CGRĂ.
On note que les acteurs sont plus nombreux Ă approuver le PR dont les scores
sont beaucoup plus Ă©levĂ©s que pour la CGRĂ. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, les
enseignants moins nombreux (71,0 % et 56,5 %) que les directeurs
dâĂ©tablissement (95,7 % et 76,1 %) Ă approuver ces deux outils.
155
Il ressort donc que les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement pensent dans
leur grande majorité que le PR et la CGRà sont pertinents pour permettre
lâaccroissement de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
5.1.3. Les opinions sur les stratĂ©gies dâimplantation de la GAR
Comme en ce qui a trait aux principes, les opinions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement de la pertinence des stratĂ©gies dâimplantation de la
GAR dans les Ă©tablissements sont majoritairement divergentes. Leurs opinions
sont contraires pour les stratĂ©gies de contractualisation et dâalignement
stratégique et convergentes pour la stratégie de planification stratégique. Le
tableau 9 présente la synthÚse des opinions recueillies.
Tableau 9. La pertinence des stratĂ©gies de mise en Ćuvre de la GAR dans les Ă©tablissements pour la rĂ©ussite du plus grand nombre
Stratégies
Enseignants Directions
Pertinents Non pertinents
Valides Pertinents Non pertinents
Valides
N % N % N % N % N % N %
1.3.3 Planification stratégique et opérationnelle
135 63,4 78 36,6 213 95,0 46 97,9 1 2,1 47 100
1.3.4 Contractualisation 95 45,5 114 54,5 209 93,3 35 74,5 12 25,5 47 100
1.3.5 Alignement stratégique
76 36,4 133 63,6 209 93,3 34 72,3 13 27,7 47 100
Le tableau 9 montre que la majorité des enseignants trouvent la contractualisation
(54,5 %) et lâalignement stratĂ©gique (63,6 %) non pertinents. Par contre, les
directeurs dâĂ©tablissement trouvent Ă leur grande majoritĂ© ces deux stratĂ©gies
pertinentes (respectivement 74,5 % et 72,3 %). Par ailleurs, les opinions des deux
groupes sont convergentes pour la planification stratégique qui est jugée
pertinente par les enseignants (63,4 %) et les directeurs dâĂ©tablissement (97,9 %).
On note également que les fréquences dans les opinions dominantes sont plus
Ă©levĂ©es chez les directeurs dâĂ©tablissement (97,9 %; 74,5 % et 72,3 %) que chez
156
les enseignants (63,4 %; 54,5 % et 63,6 %). Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, la
planification stratĂ©gique est la stratĂ©gie qui remporte le plus dâadhĂ©sion, aussi bien
chez les enseignants (63,4 %) que les directeurs dâĂ©tablissement (97,9 %).
Lâalignement stratĂ©gique est la stratĂ©gie qui remporte le moins dâadhĂ©sion des
acteurs autant chez les enseignants (36,4 %) que les directeurs dâĂ©tablissement
(72,3 %). La zone de convergence entre les deux groupes se situe au niveau de
la planification stratégique.
5.1.4. Les opinions sur les perspectives Ă donner Ă la GAR
Les rĂ©pondants ont Ă©galement livrĂ© leurs opinions sur les perspectives Ă donner Ă
la GAR en éducation. Comme constaté précédemment pour les principes et les
stratĂ©gies, les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sont
divergentes. La majoritĂ© des enseignants pensent que la GAR devrait ĂȘtre soit
abolie soit subir des ajustements majeurs pour ĂȘtre maintenue alors que les
directeurs dâĂ©tablissement pensent que la GAR devrait ĂȘtre maintenue soit telle
quâelle soit avec des ajustements mineurs. Le tableau 10 prĂ©sente la synthĂšse des
opinions recueillies.
Tableau 10. Les perspectives Ă donner Ă la GAR en Ă©ducation selon les acteurs de lâĂ©tablissement
Perspectives
Enseignants Directions
Positives NĂ©gatives Valides Positives NĂ©gatives Valides
N % N % N % N % N % N %
4.18 Perspectives Ă donner Ă la GAR
41 22,9
0 138
77,09
179 79,9
1 30
69,76
13 30,2
3 43
91,49
Le tableau 10 montre que les enseignants (77,09 %) ont une opinion négative des
perspectives de la GAR qui devraient selon eux soit disparaitre, soit connaitre des
changements fondamentaux. Par contre les directeurs dâĂ©tablissement (69,76 %)
pensent que la GAR devrait ĂȘtre maintenue telle quelle dans le systĂšme Ă©ducatif
ou avec des ajustements mineurs. Par ailleurs, les enseignants (37,43 %) sont
157
plus nombreux que les directeurs dâĂ©tablissement (6,97 %) Ă penser que la GAR
devrait ĂȘtre abolie.
Il ressort que les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement ont des opinions
majoritairement divergentes pour les perspectives Ă donner Ă la GAR dans le
systĂšme Ă©ducatif. Leurs divergences se situent dans lâampleur de la pertinence de
la GAR et des ajustements à lui apporter en conséquence. Leurs divergences se
situent Ă©galement dans la proportion largement plus importante des enseignants
qui, contrairement aux directeurs dâĂ©tablissement, pensent que lâabolition serait la
meilleure solution. Par ailleurs, autant les enseignants que les directeurs sont
nombreux à envisager que des ajustements soient apportés à la GAR.
Dans mĂȘme ordre dâidĂ©es, les commentaires libres sur la pertinence et lâefficacitĂ©
de la GAR en Ă©ducation ont fait lâobjet dâune analyse de contenu thĂ©matique. Il en
ressort que les commentaires sur la GAR portent essentiellement sur les points
faibles et les changements Ă apporter Ă la politique. Les commentaires relatifs Ă
ses avantages sont rares. Le tableau 11 présente un résumé des commentaires.
Les éléments du tableau sont illustrés par la suite par des citations issues du
discours des répondants.
158
Tableau 11. Les commentaires sur la pertinence et lâefficacitĂ© de la GAR en Ă©ducation
19 Commentaires
Enseignants Directions
Points forts La noblesse de lâobjectif poursuivie par
la GAR LâefficacitĂ© relative de la GAR
Points faibles
Les biais dans lâĂ©valuation (concept de rĂ©ussite biaisĂ©)
La fraude et la manipulation des résultats
Lâabaissement des exigences et le nivellement par le bas
Lâinadaptation de la GAR pour les humains et lâĂ©ducation
LâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre Top-down
Lâinjustice du principe de la responsabilisation des enseignants sur les rĂ©sultats des Ă©lĂšves
Les pressions que la GAR avec ses obligations et principes exerce sur les acteurs scolaires
La bureaucratisation inefficace entrainée par la GAR qui accapare les ressources
LâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre Top-down
La fraude et la manipulation des résultats
Changements Ă apporter
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant sur les diagnostics des enseignants
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles
La réduction de la taille des classes
LâamĂ©lioration du travail de lâenseignant par la formation et lâutilisation des mĂ©thodes pĂ©dagogiques plus efficaces
La reconsidĂ©ration de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs enfants
Le changement de la place et du sens donnĂ©s Ă lâĂ©valuation
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs
La limitation des conséquences négatives de la GAR
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant sur les diagnostics des enseignants
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs
LâamĂ©lioration de la mise en Ćuvre de la GAR
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles
La reconsidĂ©ration de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs enfants
Les commentaires des rĂ©pondants au regard de la pertinence et de lâefficacitĂ© de
la GAR en éducation qui sont reportés dans le tableau 11 sont classés en trois
dimensions : les points forts, les points faibles et les changements Ă apporter. Les
points forts listés sont trÚs peu nombreux et se résument en trois éléments. Pour
159
les enseignants il sâagit de la noblesse de lâobjectif poursuivi par la GAR «°La
réussite du plus grand nombre est un bel objectif°» (RENS-3604) alors que pour
les directeurs dâĂ©tablissement, il sâagit de lâefficacitĂ© de la GAR pour le court terme
et le diagnostic du milieu dans la définition des priorités («°Elle permet d'avoir une
image réelle de notre milieu. Cela évite de porter des jugements axés sur ce qui
semble ĂȘtre. Nous pouvons rĂ©ellement cibler les prioritĂ©s! ») (RDE-1355). Les
points forts identifiés par les enseignants sont différents de ceux identifiés par les
directeurs dâĂ©tablissement.
Les points faibles évoqués par les acteurs scolaires sont les plus nombreux et
portent sur les Ă©lĂ©ments suivants : lâĂ©valuation avec ses biais et ses effets pervers,
lâinadĂ©quation de la GAR avec lâĂ©ducation qui travaille avec des ĂȘtres humains,
lâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre top-down et la bureaucratie
accaparant les ressources et les conséquences négatives de la politique sur les
acteurs. Les citations présentées ci-dessous illustrent ces éléments.
Les enseignants Ă©voquent les points suivants :
lâĂ©valuation et ses biais et effets pervers :
« Il me semble évident qu'on est en mesure d'augmenter ces résultats chiffrés sans pour
autant que les élÚves "réussissent" réellement mieux, c'est-à -dire sans qu'ils aient
nécessairement plus de connaissances ou qu'ils soient plus compétents. En effet, une forte
pression du milieu (MinistĂšre, commission scolaire, direction d'Ă©tablissement, conseillers
pédagogiques, etc.) sur les enseignants peut amener de meilleures notes chez les élÚves,
mais pas pour les bonnes raisons: abaissement des exigences, remédiation et reprises
d'évaluations répétées, pondération arbitraire, grilles d'évaluation non uniformisées,
examens ou évaluations trop faibles écartées du calcul des résultats finaux, élÚves trop
faibles écartés du calcul, jugements de maßtrise arbitraires [...] En quelques clics, c'est fou
4 Ce code signifie : rĂ©ponse enseignant N°360 et il identifie le rĂ©pondant du questionnaire auteur de la citation. 5 Ce code signifie : rĂ©ponse direction dâĂ©tablissement N°135 et il identifie le rĂ©pondant du questionnaire auteur de la citation.
160
Ă quel point on peut modifier les moyennes des groupes, des Ă©coles et des commissions
scolaires! » (RENS-175)
Lâinadaptation de la GAR pour les humains et lâĂ©ducation :
« Le milieu de l'Ă©ducation ne peut ĂȘtre gĂ©rĂ© comme la productivitĂ© dans une usine. Nous
travaillons avec des humains qui ne ressemblent en rien à des machines. » (RENS-214)
lâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre top-down et la bureaucratie
accaparant les ressources :
« On implante des réformes et impose des évaluations qui ont été décidées par des
bureaucrates qui n'ont jamais et/ou trÚs peu mis les pieds dans une classe. L'intégration
massive des Ă©lĂšves HDAA et les coupures draconiennes en Ă©ducation (ex : services aux
élÚves) ont eu un effet dévastateur sur la réussite des élÚves. » (RENS-144)
« Les écoles autonomes et responsables avec du personnel qualifié, voilà la clef du
succÚs. Des sommes astronomiques sont dépensées pour le "fonctionnariat" dans le
systÚme d'éducation. Honte à celui-ci [...] l'élÚve n'est pas au centre des préoccupations
puisque les budgets sont concentrés dans l'administration. » (RENS-108)
les conséquences négatives de la GAR sur les acteurs :
« Ce n'est pas juste de faire porter la réussite des élÚves sur le dos des profs. » (RENS-
314)
« Je crains que la GAR ait pour effet à long terme de donner une image plutÎt négative de
l'enseignant alors qu'il y a beaucoup de préjugés face à cette profession. De plus, on a
plusieurs élÚves en difficulté avec toutes sortes de diagnostics dans nos classes qui
nĂ©cessitent des soins qui ne nous reviennent pas, mais que je dois tout de mĂȘme gĂ©rer.
Ainsi, les enseignants sont devenus des consultants pour les parents, des Ă©ducateurs et
des travailleurs sociaux. Il reste donc peu de place pour l'enseignement. Je crois que le
problĂšme est d'ordre social. Plusieurs semblent vouloir des enfants... sans vouloir ĂȘtre
parents! Or, c'est contradictoire! » (RENS-030)
161
Les directeurs dâĂ©tablissements expriment les Ă©lĂ©ments suivants :
LâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre top-down :
« Il me semble que la conception mĂȘme de la GAR est Ă gĂ©omĂ©trie trĂšs variable selon les
diffĂ©rentes catĂ©gories d'emplois, et mĂȘme au sein des membres d'une mĂȘme catĂ©gorie
d'emplois. Le concept est trÚs flou et n'est assurément pas "descendu" dans les milieux. Il
s'agit d'un exemple éloquent de diffusion "top-down" non réussie. » (RDE-384)
La fraude et la manipulation des résultats :
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement se recoupent dans
lâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie top-down dans la mise en Ćuvre de la GAR et dans la
fraude et la manipulation des résultats que favorise la GAR. Les changements
suggérés par les répondants face à ces points faibles peuvent se résumer en 9
éléments.
Les enseignants proposent :
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant aux
diagnostics des enseignants :
Répondre aux besoins des élÚves en se référant sur les réalités identifiées par les équipes-
écoles au lieu des résultats scolaires chiffrés.
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles :
« Ce n'est pas en disant Ă un malade qu'il doit guĂ©rir qu'il guĂ©rira. De la mĂȘme façon, ce
n'est pas en disant qu'il faut augmenter la diplomation que les élÚves réussiront mieux.
Cette méthode de gestion ne fonctionne pas sans ressources. Chaque enseignant vise la
réussite de ses élÚves, ce n'est pas en me disant qu'il faut augmenter les notes que cela
y changera quelque chose [...] Ce qu'il faut, c'est un filet social fort, des interventions
précoces en bas ùge, un soutien aux familles, moins d'élÚves par classe, plus
d'intervenants... mais contrairement à des objectifs chiffrés, cela n'est pas gratuit... »
(RENS-072)
162
« Bref, on a beau faire de beaux documents bien intentionnés, de belles réunions avec du
monde important, si on ne donne pas aux soldats de premiĂšre ligne les moyens d'appliquer
tout cela, on perd notre temps, notre argent et, surtout, on nuit aux élÚves. » (RENS-024)
LâamĂ©lioration du travail de lâenseignant par la formation et lâutilisation des
méthodes pédagogiques plus efficaces :
« L'accompagnement professionnel par le biais des formations devrait ĂȘtre au cĆur du
changement plutÎt que d'ajouter au fardeau en les rendant imputables de la réussite des
élÚves [...] Plus de soutien à l'élÚve, moins d'élÚves par classe sont les clés du succÚs. Le
modĂšle SuĂšde-Finlande devrait ĂȘtre Ă©tudiĂ© de plus prĂšs [...] pas seulement le principe,
mais l'application sur le terrain... » (RENS-186)
« Il y a trop d'attente en lien avec les notes des bulletins et pas assez en lien avec les
pratiques efficaces en enseignement. Les conventions de gestion devraient voir Ă ce que
tous les enseignants mettent en place ces pratiques efficaces afin de permettre Ă tous les
élÚves de progresser au maximum selon leurs capacités. Donc, augmenter la formation
continue, favoriser les Ă©changes entre collĂšgues, augmenter le support direct pour les
élÚves en difficulté (orthopédagogie, orthophonie, etc.) » (RENS-127)
Le changement de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs enfants :
« Exigeons que les parents suivent leurs enfants et ne se contentent pas de leur demander
s'ils ont fait leurs devoirs dans leur chambre, avec l'ordinateur et le cellulaire ouverts, mais
qu'ils exigent de voir les travaux de leurs enfants. Vous allez voir, ils vont tous réussir! »
(RENS-024)
« En tant que société, il faut également repenser à la place des enfants et aider les parents
avec des projets de conciliation travail-famille. Il n'est pas normal qu'un enfant, dont le
parent travaille, passe parfois 10 heures dans son école, en classe ou au service garde. »
(RENS-358)
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs scolaires :
« Il faut démystifier le concept. Les enseignants en ont peur. Ils se sentent menacés. Ils
ne savent pas comment l'appliquer. Ils ne savent pas ce que c'est et comment c'est
163
bénéfique. Il faut éduquer tous les enseignants et leur montrer les avantages. Sans eux,
ce sera impossible. Le syndicat vilipendera toujours le GAR. » (RENS-363)
Le changement de la place et du sens donnĂ©s Ă lâĂ©valuation :
« Facile de changer des résultats pour favoriser la réussite, mais peut-on parler de vrais
apprentissages svp? De formation des élÚves et de leur esprit? Les résultats sont UN
indicateur de la rĂ©ussite/qualitĂ© de lâenseignement, mais ne devraient jamais ĂȘtre le
SEUL!!!! » (RENS-291)
« Il faut arrĂȘter de comparer les Ă©lĂšves entre eux avec des moyennes de groupe, mais
miser sur les progrĂšs individuels de chacun. Il faut valoriser les forces de chacun et
travailler leurs défis. » (RENS-358)
La réduction de la taille des classes :
« Avec la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats on risque d'ĂȘtre pris dans un piĂšge de notes / les
écoles avec les plus hauts résultats ne représentent pas nécessairement les écoles qui
offrent le meilleur enseignement. [âŠ] ReconsidĂ©rons la possibilitĂ© d'offrir des classes Ă
petit effectif pour les Ă©lĂšves ayant des besoins particuliers... ainsi ils auront le soutien
nécessaire et pourront intégrer une classe à effectif régulier ("réguliÚre") lorsqu'ils seront
plus autonomes dans leurs apprentissages. » (RENS-272)
La limitation des conséquences négatives de la GAR :
Protéger le personnel;
Les élÚves sans difficulté particuliÚre sont négligés.
Les directeurs dâĂ©tablissements proposent :
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant aux
diagnostics des enseignants :
Laisser aux équipes-écoles le choix des moyens pour répondre aux besoins des élÚves.
Adapter la formation initiale des enseignants en conséquence.
164
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs scolaires :
Accompagner la meilleure compréhension des mécanismes de la GAR par les acteurs (en
Ă©quipe-Ă©cole y compris les enseignants).
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles :
DĂ©centraliser les ressources pour la GAR.;
Approcher les ressources de lâĂ©cole.
La reconsidĂ©ration de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs
enfants :
« Je crois qu'il serait important d'investir davantage le rÎle des parents dans l'éducation de
leur enfant. » (RENS-089)
LâamĂ©lioration de la mise en Ćuvre de la GAR :
« Afin de favoriser la rĂ©ussite des Ă©lĂšves, l'utilisation de la GAR devrait ĂȘtre conviviale et
facile d'utilisation pour tous. » (RDE-383)
« C'est à nous d'adapter les méthodes afin de trouver une façon de faire réussir ces élÚves.
La GAR n'est pas une finalité, mais un moyen d'expliquer ce qui se passe sur le terrain, de
rendre des comptes et finalement, d'adapter ou modifier les approches pédagogiques et
de gestion. » (RDE-213)
Les propositions dâamĂ©lioration de la GAR des acteurs scolaires convergent
majoritairement. Cinq éléments sont proposés par les deux groupes alors que trois
éléments sont spécifiques aux enseignants (le changement de la place et du sens
donnĂ©s Ă lâĂ©valuation; la rĂ©duction de la taille des classes; la limitation des
conséquences négatives de la GAR) et un élément provient des directeurs
dâĂ©tablissement (lâamĂ©lioration de la mise en Ćuvre de la GAR).
165
De maniÚre générale, on voit que les commentaires qui ont été recueillis dans le
questionnaire auprĂšs des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la
GAR sont essentiellement convergents. On note cependant que ces
commentaires sont plus importants chez les enseignants dans la rubrique des
points faibles et dans les changements Ă apporter alors quâils sont moins
nombreux pour les points forts. Les commentaires spécifiques aux enseignants
sont surtout relatifs à des aspects pédagogiques alors que ceux spécifiques aux
directeurs dâĂ©tablissements concernent des aspects de gestion.
Les opinions des acteurs de lâĂ©tablissement scolaire sont essentiellement
divergentes mĂȘme si des zones de convergences existent sur certains aspects.
Les enseignants trouvent les aspects théoriques comme les principes et les
stratégies de la GAR non pertinents pour accroßtre la réussite des élÚves alors que
les directeurs dâĂ©tablissement pensent le contraire. Par contre, les enseignants,
comme les directeurs dâĂ©tablissement, trouvent les aspects plus opĂ©rationnels
comme les outils de mise en Ćuvre de la GAR dans les Ă©tablissements pertinents
pour accroßtre la réussite des élÚves. Pour les perspectives, si les acteurs scolaires
sont dâaccord quâil faudrait apporter des ajustements Ă la GAR, les enseignants en
ont une opinion nĂ©gative et proposent quâelle subisse des ajustements majeurs ou
quâelle soit abolie. Par contre, les directeurs expriment une opinion positive sur la
GAR et souhaitent quâelle fasse lâobjet dâajustements mineurs ou quâelle soit
maintenue telle quelle.
Au chapitre des commentaires recueillis, les opinions sur les points forts, les points
faibles et les changements Ă apporter sont Ă©galement convergentes. Les
diffĂ©rences notĂ©es dans les discours sâexpliquent par la diffĂ©rence de fonctions qui
amÚne les enseignants à axer leurs discours sur des aspects pédagogiques et les
directeurs dâĂ©tablissements sur des aspects de gestion. Les deux groupes
interrogés ont aussi abordé dans leurs commentaires les effets pervers de la GAR
sur le systÚme éducatif. La section suivante fait une présentation détaillée de la
166
perception des effets de lâimplantation de la GAR par les enseignants et les
directeurs dâĂ©tablissement.
5.2. Les perceptions des effets de lâimplantation de la GAR
Les perceptions des acteurs sur la GAR sont abordées à travers les trois variables
indĂ©pendantes de lâĂ©tude qui reprĂ©sentent les effets perçus de lâimplantation des
outils de la GAR (PR et CGRĂ) sur les dimensions du travail des acteurs; de leurs
rĂŽles et responsabilitĂ©s et de leurs visions de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements. Dans
ces variables les perceptions des effets sont présentées de maniÚre dichotomique,
positive vs nĂ©gative, pour chaque type dâacteur. Ensuite, une comparaison permet
de vérifier si les perceptions sont convergentes ou divergentes. Les scores des
effets nuls identifiés par les acteurs ont été additionnés aux perceptions négatives
dans la mesure oĂč cela signifie que les outils qui devaient avoir un impact sur les
intrants de la rĂ©ussite, dont le travail des acteurs, leurs rĂŽles et lâefficacitĂ© des
établissements sont inopérants. Un effet nul est donc considéré négatif du fait de
lâabsence de rĂ©sultats malgrĂ© les ressources mises en place.
5.2.1. Sur le travail des acteurs scolaires
Les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur les effets
de la GAR sur leur travail sont présentées à travers cinq sous-dimensions qui
sont : 1) les conditions de travail, 2) les relations de travail (supérieur hiérarchique,
parents et professionnels), 3) le développement professionnel (estime de soi et
acquisition de nouvelles compĂ©tences), 4) les pratiques dâĂ©valuations de leur
travail et 5) le prestige de la fonction. Les perceptions des enseignants sur les
effets du PR et de CGRĂ sur leur travail sont globalement divergentes avec celles
des directeurs dâĂ©tablissement. Le tableau°12 prĂ©sente la synthĂšse des
perceptions recueillies.
167
Tableau 12. Les effets perçus de lâimplantation de la GAR sur le travail des acteurs scolaires
Variables des conditions de travail
Enseignants Directeurs
Positive NĂ©gative Valides Positive NĂ©gative Valides
N % N % N % N % N % N %
Charge de travail
2.4.1 PR 61 29,2 148 70,9 209 93,3 28 62,2 17 37,8 45 95,7
2.5.1 CGRĂ 39 19,6 160 80,4 199 88,8 16 34,8 30 65,2 46 97,8
Relations de travail (supérieur hiérarchique)
2.4.2 PR 86 40,6 126 59,4 212 94,6 33 73,3 12 26,7 45 95,7
2.5.2 CGRĂ 69 34,5 131 65,5 200 89,2 32 71,1 13 28,9 45 95,7
Relations de travail (parents)
2.4.3 PR 94 46,3 109 53,7 203 90,6 33 77,5 9 22,5 40 85,1
2.5.3 CGRĂ 73 37,4 122 62,5 195 87,0 26 65,0 14 35,0 40 85,1
Relations de travail (professionnels)
2.4.4 PR 115 55,6 92 44,5 207 92,4 40 88,9 5 11,1 45 95,7
2.5.4 CGRĂ 90 46,6 103 53,4 193 86,1 36 80,0 9 20,0 45 95,7
DĂ©veloppement professionnel (confiance en soi)
2.4.5 PR 105 48,8 110 51,1 215 95,9 43 91,5 4 8,5 47 100
2.5.5 CGRĂ 76 38,0 124 62,0 200 89,2 36 78,3 10 21,7 46 97,8
Développement professionnel (acquisition compétences)
2.4.6 PR 118 55,7 94 44,3 212 94,6 42 91,3 4 8,7 46 97,8
2.5.6 CGRĂ 91 46,2 106 53,8 197 87,9 35 76,1 11 23,9 46 97,8
Autonomie professionnelle
2.4.7 PR 84 39,6 128 60,4 212 94,6 39 83,0 8 17,0 47 100
2.5.7 CGRĂ 64 31,5 139 68,4 203 90,6 32 71,1 13 28,9 45 95,7
Pratiques dâĂ©valuation du travail
2.4.8 PR 87 43,7 112 56,3 199 88,8 38 82,6 8 17,4 46 97,8
2.5.8 CGRĂ 62 32,0 132 68,0 194 86,6 32 71,1 13 28,9 45 95,7
Prestige social
2.4.9 PR 53 25,5 155 74,5 208 92,8 32 69,6 14 30,4 46 97,8
2.5.9 CGRĂ 48 24,2 150 75,8 198 88,3 27 61,4 17 38,6 44 93,6
Les perceptions des enseignants sur les effets de lâimplantation de la GAR en
rapport avec leurs conditions de travail sont essentiellement négatives [PR (7
168
items) et de CGRĂ (9 items)]. Lâimplantation du PR et de la CGRĂ aurait eu des
effets négatifs ou nuls sur leurs charges de travail (respectivement 70,9 % et
80,4 %); leurs relations de travail [avec le supérieur hiérarchique (respectivement
59,4 % et 65,5 %) et avec les parents (respectivement 53,7 % et 62,5 %)]; leur
développement professionnel en termes de confiance en soi (respectivement
51,1 % et 62,0 %); leur autonomie professionnelle (respectivement 60,4 % et
68,4 %; les pratiques dâĂ©valuation de leur travail (respectivement 56,3 % et
68,0 %) et le prestige de leur profession aux yeux de lâopinion publique
(respectivement 74,5 % et 75,8 %). Les effets perçus de la CGRà sur leurs
relations de travail avec les professionnels (53,4 %) et le développement
professionnel en termes dâacquisition de compĂ©tence (53,8 %) sont Ă©galement
négatifs ou nuls. Seuls les effets du PR sur les relations de travail avec les
professionnels (55,6 %) et le dĂ©veloppement professionnel en termes dâacquisition
de compétences (55,7 %) sont perçus positivement.
Par contre les perceptions des directeurs dâĂ©tablissement sur les effets du PR
(neuf items) et de la CGRĂ (huit items) sont essentiellement positives. Les effets
du PR relatifs Ă la charge de travail (62,2 %); aux relations de travail [avec le
supérieur hiérarchique (73,3 %), avec les parents (77,5 %) et avec les
professionnels (88,9 %)]; au développement professionnel [confiance en soi
(91,5 %) et acquisition de compĂ©tences (91,3 %)]; aux pratiques dâĂ©valuation du
travail (82,6 %); Ă lâautonomie professionnelle (83,0 %); et au prestige de la
fonction (69,6 %)] sont appréciés positivement. Aussi, les directeurs voient des
effets positifs de la CGRà sur leurs relations de travail [avec le supérieur
hiérarchique (71,1 %), avec les parents (65,0 %) et avec les professionnels
(80,0 %)]; au développement professionnel [confiance en soi (78,3 %) et
acquisition de compĂ©tences (76,1 %)]; aux pratiques dâĂ©valuation du travail
(71,1 % contre 28,9 %); Ă lâautonomie professionnelle (71,1 %); et au prestige de
la fonction (61,4 %)]. Seuls les effets sur la charge de travail (65,2 %) sont jugés
négativement.
169
Les zones de convergences entre les perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur les effets de lâimplantation de la GAR sur leurs
conditions de travail concernent les relations de travail avec les professionnels et
le dĂ©veloppement professionnel en termes dâacquisition de nouvelles
compétences perçues positivement pour le PR et la charge de travail perçue
nĂ©gativement pour la CGRĂ. On constate aussi quâautant les enseignants que les
directeurs dâĂ©tablissement sont plus nombreux Ă percevoir des effets positifs pour
le PR que pour la CGRĂ.
En somme, on constate que les perceptions des effets de la mise en Ćuvre du PR
et de la CGRĂ sur les conditions de travail sont divergentes, majoritairement
négatives chez les enseignants et majoritairement positives chez les directeurs
dâĂ©tablissement. Ăgalement, les enseignants sont plus nombreux Ă percevoir un
effet nul de la GAR sur leurs conditions de travail. Par ailleurs, il apparaĂźt quâaussi
bien pour le PR que pour la CGRĂ les directeurs dâĂ©tablissements sont plus
nombreux Ă avoir une perception similaire avec des scores du groupe majoritaire
largement au-dessus de 70,0 % (13 items) lĂ oĂč les enseignants prĂ©sentent des
scores majoritaires inférieurs à 60,0 % pour la moitié des items (huit).
Ces rĂ©sultats vont dans le mĂȘme sens que les opinions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur les stratĂ©gies dâimplantation de la GAR. Les
enseignants ont une opinion positive autant de la planification stratégique que des
effets sur le travail de lâimplantation du PR qui en est lâoutil opĂ©rationnel. La
contractualisation dont les enseignants ont eu une opinion négative est mise en
Ćuvre avec la CGRĂ dont les effets sur leur travail sont jugĂ©s nĂ©gatifs ou nuls. De
mĂȘme, les directeurs dâĂ©tablissement qui ont une opinion positive pour les deux
stratégies en question ont des perceptions positives des effets sur leur travail de
leurs outils dâimplantation. Ces rĂ©sultats confirment partiellement les opinions sur
les outils qui Ă©taient jugĂ©s pertinents autant le PR que la CGRĂ. La section
suivante porte sur les effets de la mise en Ćuvre des PR et CGRĂ sur les rĂŽles et
responsabilités des acteurs scolaires.
170
5.2.2. Sur les rÎles et les responsabilités des acteurs
Les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur les effets
de lâimplantation de la GAR sur leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s sont prĂ©sentĂ©es Ă
travers sept variables : 1) les types de changements institutionnels vécus;
2) lâĂ©volution des rĂŽles et responsabilitĂ©s des acteurs; 3) le soutien et
lâaccompagnement reçu pour sâadapter; 4) la connaissance des contenus des
outils de mise en Ćuvre; 5) les nouvelles attentes gĂ©nĂ©rĂ©es; 6) lâadaptation aux
nouvelles attentes et 7) les occasions de discussion de la GAR. Les perceptions
des enseignants sur les effets de la mise en Ćuvre du PR et de la CGRĂ sur leurs
rÎles et responsabilités sont essentiellement divergentes. Le tableau 13 présente
la synthĂšse des perceptions recueillies.
171
Tableau 13. Les effets perçus de la GAR sur les rÎles et les responsabilités des acteurs scolaires
Variables rÎles et responsabilités
Enseignants Directeurs
Positive NĂ©gative Valides Positive NĂ©gative Valides
N % N % N % N % N % N %
Soutien et accompagnement
3.6.1 PR 49 24,4 152 75,6 201 89,7 25 55,6 20 44,4 44 93,6
3.6.2 CGRĂ 33 16,9 162 83,0 195 87,0 25 56,8 19 43,2 44 93,6
Connaissance du contenu des outils
3.7.1 PR 145 68,1 68 31,9 213 95,0 42 95,5 2 4,5 44 93,6
3.7.2 CGRĂ 118 55,7 94 44,3 212 94,6 41 93,2 3 6,8 44 93,6
Type de changements institutionnels vécus
3.9.1 PR 58 32,6 120 67,4 178 79,4 25 58,1 18 41,9 43 91,4
3.9.2 CGRĂ 47 27,5 124 72,6 171 76,3 20 45,5 24 54,5 44 93,6
Ăvolution des rĂŽles et responsabilitĂ©s
3.10.1 PR 45 23,6 146 76,4 191 85,2 30 69,8 13 30,3 43 100
3.10.2 CGRĂ 38 20,8 145 79,2 183 81,7 26 61,9 16 38,1 42 100
Nouvelles attentes
3.11.1 PR 56 32,1 118 67,8 174 77,6 10 23,3 33 76,7 43 91,4
3.11.2 CGRĂ 52 31,2 115 68,9 167 74,5 9 20,9 34 79,1 43 91,4
Adaptation aux nouvelles attentes
3.12.1 PR 88 57,9 64 42,1 152 67,8 34 85,0 6 15,0 40 85,1
3.12.2 CGRĂ 73 52,9 65 47,1 138 61,6 32 82,1 7 17,9 39 82,9
Dans le tableau 13, il apparaĂźt que les enseignants jugent le soutien et
lâaccompagnement reçus dans la mise en Ćuvre des PR et des CGRĂ faibles
alors que les directeurs dâĂ©tablissements les jugent Ă©levĂ©s. Pour le PR, 75,6 %
des enseignants ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de sĂ©ances dâinformation ou nâont reçu aucun
soutien. Seuls 24,4 % dâentre eux ont reçu de la formation seule ou jumelĂ©e Ă de
lâinformation. Par contre, 55,6 % des directeurs dâĂ©tablissement ont reçu de la
formation seule ou jumelĂ©e Ă de lâinformation et 44,4 % ont reçu de lâinformation
ou nâont reçu aucun soutien. Pour la CGRĂ 83,1 % des enseignants ont bĂ©nĂ©ficiĂ©
de sĂ©ances dâinformation ou nâont reçu aucun soutien. Seuls 16,9 % dâentre eux
ont reçu de la formation seule ou jumelĂ©e Ă de lâinformation. Par contre, 56,8 %
172
des directeurs dâĂ©tablissement ont reçu de la formation seule ou jumelĂ©e Ă de
lâinformation et 43,2 % ont reçu de lâinformation seule ou nâont reçu aucun soutien.
Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, les enseignants ont essentiellement perçu des effets
nĂ©gatifs de lâimplantation des PR et des CGRĂ sur les missions de leur
établissement et leurs rÎles et responsabilités professionnelles. Par contre, les
directeurs dâĂ©tablissement ont une perception positive de ces changements
institutionnels pour la PR. Les enseignants ont perçu un accroissement des
missions de leur institution qui sâest traduit par une augmentation de leurs rĂŽles et
responsabilitĂ©s. Les directeurs dâĂ©tablissement ont perçu une transformation des
missions de leur institution qui sâest traduite par une transformation de leurs rĂŽles
et responsabilités. Pour le PR, 67,4 % des enseignants perçoivent un effet nul ou
lâaccroissement des responsabilitĂ©s de leur Ă©tablissement qui sâest traduit par un
effet nul ou un ajout de leurs nouveaux rÎles et responsabilités aux anciens
(76,4 %). Par contre 58,1 % des directeurs dâĂ©tablissement perçoivent comme
effet une transformation des responsabilitĂ©s de leur Ă©tablissement qui sâest traduit
par une transformation de leurs rÎles et responsabilités (69,8 %).
Pour la CGRĂ, les tendances sont diffĂ©rentes : 72,6 % des enseignants perçoivent
un effet nul ou lâaccroissement des responsabilitĂ©s de leur Ă©tablissement et 79,2 %
dâentre eux perçoivent un effet nul ou lâaccroissement de leurs rĂŽles et
responsabilitĂ©s. Ăgalement, 54,5 % des directeurs dâĂ©tablissement perçoivent un
effet nul ou lâaccroissement des responsabilitĂ©s de leur Ă©tablissement au moment
oĂč 61,9 % dâentre eux perçoivent que leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s ont Ă©tĂ© soit
transformés soit remplacés progressivement par les nouveaux.
Enfin, les occasions de discuter de la GAR occupent des places différentes dans
les classements des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement. Les
discussions informelles avec les collĂšgues (47,8 %), lâĂ©laboration du PR (38,8 %)
et lâĂ©laboration du projet Ă©ducatif (34,8%) constituent respectivement les trois
contextes dans lesquels les enseignants discutent le plus de la GAR. LâĂ©laboration
173
de la CGRĂ (80,9 %), lâĂ©laboration du PR (78,7 %) et les Ă©changes informels avec
les collĂšgues (76,6 %) constituent respectivement les trois contextes dans
lesquels les directeurs discutent le plus de la GAR. Outre la différence dans le
classement des contextes de discussion de la GAR, il apparaĂźt que les proportions
de directeurs (6,4 %) qui ne discutent de la GAR dans aucun contexte sont
largement moins nombreuses que celles observées chez les enseignants
(12,9 %).
Ăgalement, les groupes majoritaires sont plus reprĂ©sentatifs chez les directeurs
dâĂ©tablissement (supĂ©rieur Ă 75,0 %) que chez les enseignants (infĂ©rieur Ă
50,0 %). Le tableau 14 présente la synthÚse des données recueillies.
Tableau 14. Les contextes dans lesquels les acteurs scolaires ont lâoccasion de discuter de la GAR
3.8.1 Contextes de discussion de la GAR
Enseignants Directeurs
Oui Non Valides Oui Non Valides
N % N % N % N % N % N %
Le Conseil dâĂ©tablissement
43 19,2 181 80,8 224 100 31 66,0 16 34,0 47 100
Les fonctions de délégué syndical
29 12,9 195 87,1 224 100 3 6,4 44 93,6 47 100
LâĂ©laboration du projet Ă©ducatif
78 34,8 146 65,2 224 100 33 70,2 14 29,8 47 100
LâĂ©laboration du plan de rĂ©ussite
87 38,8 137 61,2 224 100 37 78,7 10 21,3 47 100
LâĂ©laboration de la convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative
55 24,6 169 75,4 224 100 38 80,9 9 19,1 47 100
Les Ă©changes informels avec mes collĂšgues
107 47,8 117 52,2 224 100 36 76,6 11 23,4 47 100
Aucun 29 12,9 195 87,1 224 100 3 6,4 44 93,6 47 100
Contrairement aux quatre sous-dimensions évoquées précédemment, les
enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement ont des perceptions convergentes
174
pour le niveau de connaissance du contenu du PR et de la CGRĂ, les nouvelles
attentes que ces outils ont générées au niveau des commissions scolaires et des
parents et lâadaptation Ă ces attentes. Une proportion de 68,1 % des enseignants
et de 95,5 % des directeurs dâĂ©tablissement a une connaissance Ă©levĂ©e du
contenu du PR et 55,7 % des enseignants et 93,2 % des directeurs ont une
connaissance Ă©levĂ©e des contenus de la CGRĂ. Ici Ă©galement, la proportion des
enseignants (31,9 % et 44,3 %) ayant une faible connaissance des outils est plus
Ă©levĂ©e que celle des directeurs dâĂ©tablissement (4,5 % et 6,8 %).
Autant les enseignants que les directeurs perçoivent un effet négatif dans
lâaccroissement important des nouvelles attentes gĂ©nĂ©rĂ©es par la mise en Ćuvre
du PR et de la CGRĂ (67,8 % des enseignants et 76,7 % des directeurs pour le
PR et 68,9 % des enseignants et 79,1 % des directeurs pour la CGRĂ) au niveau
des commissions scolaires et des parents dâĂ©lĂšves. NĂ©anmoins, les deux groupes
jugent leur adaptation Ă ces nouvelles attentes facile (57,9 % des enseignants et
85,0 % des directeurs pour le PR; 52,9 % des enseignants et 82,1 % des
directeurs pour la CGRĂ).
Il apparaĂźt que les effets de lâimplantation de la GAR sur les rĂŽles et les
responsabilitĂ©s des acteurs de lâĂ©tablissement sont perçus de maniĂšre divergente
par les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement. Les premiers perçoivent
majoritairement des effets nĂ©gatifs par rapport au soutien et Ă lâaccompagnement
reçus, aux changements institutionnels, Ă lâĂ©volution de leurs rĂŽles et
responsabilités professionnelles et aux nouvelles attentes générées. Seules leurs
connaissances des contenus des outils et leur adaptation aux nouvelles attentes
sont jugĂ©es positives. Par contre, les directeurs dâĂ©coles perçoivent des effets
majoritairement positifs pour toutes les variables en question sauf les
changements institutionnels vécus avec la CGRà et les nouvelles attentes
générées. Les contextes de discussion de la GAR sont également différents chez
les deux groupes dâacteurs scolaires.
175
En somme, les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur
les effets du PR et de la CGRà sur leurs rÎles et responsabilités sont
majoritairement divergentes. Ces rĂ©sultats renseignent sur le coĂ»t dâadaptation
aux changements institutionnels induits par la GAR. Il apparaĂźt que les
enseignants ont un coĂ»t dâadaptation aux changements plus Ă©levĂ© que les
directeurs dâĂ©tablissement. Cela peut sâexpliquer par le fait que les gestionnaires
ont de par les tĂąches professionnelles que leur confĂšre lâĂ©tablissement un rĂŽle plus
actif dans lâimplantation de la GAR qui les amĂšne Ă avoir une reprĂ©sentation plus
positive de ses effets. Ăgalement, par le fait que lâaccroissement des
responsabilitĂ©s des Ă©coles ne sâest rĂ©percutĂ© que sur les enseignants ou autres
personnels, car les directeurs affirment nâavoir pas connu lâaccroissement de leurs
rÎles et responsabilités. La section suivante présente les effets perçus de
lâimplantation de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements.
5.2.3. Sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s du
systĂšme Ă©ducatif
Les perceptions des acteurs scolaires des effets de lâimplantation de la GAR sur
lâefficacitĂ© des Ă©tablissements sont prĂ©sentĂ©es Ă travers quatre variables, Ă
savoir : 1) lâefficacitĂ© du PR et de la CGRĂ dans la poursuite des finalitĂ©s du
systĂšme Ă©ducatif, 2) les facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite les plus efficaces et
3) la vision des orientations idĂ©ales et effectives de lâĂ©ducation mises en Ćuvre
dans les Ă©tablissements. Les perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement sur les effets de lâimplantation de la GAR sont convergentes pour
les quatre variables évoquées. Le tableau 15 présente la synthÚse des effets
perçus.
176
Tableau 15. Les perceptions sur les effets de lâimplantation de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme Ă©ducatif
Finalités du systÚme éducatif
Enseignants Directeurs
Effet levier Effet
obstacle Valides Effet levier
Effet obstacle
Valides
N % N % N % N % N % N %
Instruire
4.16.1 PR 149 75,6 48 24,4 197 87,9 44 95,7 2 4,3 46 97,8
4.17.1 CGRĂ 126 67,7 60 32,3 186 83,0 41 87,2 6 12,8 47 100
Socialiser
4.16.2 PR 145 74,4 50 25,6 195 87,0 43 93,5 3 6,5 46 97,8
4.17.2 CGRĂ 125 69,1 56 30,9 181 80,8 38 80,9 9 19,1 47 100
Qualifier
4.16.3 PR 141 73,8 50 26,2 191 85,2 43 93,5 3 6,5 46 97,8
4.17.3 CGRĂ 124 68,1 58 31,9 182 81,2 42 89,4 5 10,6 47 100
Les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement pensent que les effets de
lâimplantation des PR et des CGRĂ ont Ă©tĂ© positifs pour la poursuite des finalitĂ©s
du systĂšme Ă©ducatif : instruire, socialiser et qualifier. Respectivement 75,6 %,
74,4 % et 73,8 % des enseignants et 95,7 %, 93,5 % et 93,5 % des directeurs
dâĂ©tablissement pensent que la mise en Ćuvre du PR a eu un effet levier dans la
poursuite des trois finalitĂ©s dans leur Ă©tablissement. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es,
respectivement 67,7 %, 69,1 % et 68,1 % des enseignants et 87,2 %, 80,9 % et
89,4 % des directeurs dâĂ©tablissement jugent que les CGRĂ ont Ă©galement eu un
effet levier dans la poursuite des trois finalités.
On remarque par ailleurs que les enseignants et les directeurs sont plus nombreux
Ă reconnaĂźtre lâeffet levier pour la PR que pour la CGRĂ. Dans le mĂȘme sens, les
directeurs sont plus nombreux Ă reconnaĂźtre cet effet levier que les enseignants
pour les deux outils.
177
La convergence des perceptions des acteurs scolaires est Ă©galement manifeste
pour le principal facteur dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du plus grand nombre dans
lâĂ©tablissement. Le tableau 16 prĂ©sente les diffĂ©rents facteurs selon lâimportance
que leur accordent les acteurs.
Tableau 16. Lâimportance que les enseignants et directeurs affirment accorder aux facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite dans lâĂ©tablissement
Facteurs dâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du plus grand nombre
Enseignants Directeurs
Importance élevée
Importance faible
Valides Importance élevée
Importance faible
Valides
N % N % N % N % N % N %
4.15.1 La qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant
207 95,4 10 4,6 217 96,8 47 100 0 0,0 47 100
4.15.2 Lâintervention des Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s
197 91,6 18 8,4 215 95,9 46 97,9 1 2,1 47 100
4.15.3 Les capacités naturelles des élÚves
189 87,9 26 12,1 215 95,9 33 71,7 13 28,3 46 97,8
4.15.4 La qualitĂ© de lâenvironnement scolaire de lâĂ©tablissement
206 94,9 11 5,1 215 95,9 46 97,9 1 2,1 47 100
4.15.5 Le soutien qui est donné par les parents à la maison
199 93,0 15 7,0 214 95,5 41 89,1 5 10,9 46 97,8
4.15.6 Le style de leadership du directeur de lâĂ©cole
188 87,4 27 12,6 215 95,9 47 100 0 0,0 47 100
La qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant est considĂ©rĂ©e par
lâĂ©crasante majoritĂ© des enseignants (95,4 %) et tous les directeurs
dâĂ©tablissement (100 %) comme le facteur le plus important pour lâamĂ©lioration de
la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. Les directeurs dâĂ©tablissement (100 %) identifient
Ă©galement le leadership de la direction comme facteur le plus important alors que
178
les enseignants (87,4 %) le considĂšrent comme Ă©tant le moins important. Les
enseignants (94,9 %) et les directeurs dâĂ©tablissement (97,9 %) identifient comme
deuxiĂšme facteur le plus important la qualitĂ© de lâenvironnement scolaire de
lâĂ©tablissement. Pour le troisiĂšme facteur le plus important, on note une diffĂ©rence
entre les enseignants (93,0 %) qui identifient le soutien qui est donné par les
parents Ă la maison, et les directeurs dâĂ©tablissement (97,9 %) qui identifient
lâintervention des Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s. Ce dernier facteur est classĂ© en
quatriĂšme position par les enseignants (91,6 %) lĂ oĂč les directeurs
dâĂ©tablissement (89,1 %) classent le soutien donnĂ© par les parents Ă la maison.
Enfin, autant les enseignants (87,9 %) que les directeurs dâĂ©tablissement (71,7 %)
classent les capacitĂ©s naturelles de lâĂ©lĂšve en cinquiĂšme importance pour
lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du plus grand nombre dâĂ©lĂšves.
Les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement ont Ă©galement des perceptions
convergentes de la vision des buts idéaux du systÚme éducatif et des buts mis en
Ćuvre effectivement dans leur Ă©tablissement. Le tableau 17 prĂ©sente les dĂ©tails
de leurs perceptions.
Tableau 17. Les perceptions des enseignants et des directeurs sur les buts dominants dans le systĂšme Ă©ducatif
Orientations (idéales et effectives)
Enseignants Directeurs
Accord DĂ©saccord Valides Accord DĂ©saccord Valides
N % N % N % N % N % N %
Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu
4.13.2 Idéales 192 88,5 25 11,5 217 96,8 47 100 0 0,0 47 100
4.14.2 Effectives 164 79,6 42 20,4 206 91,9 45 95,7 2 4,3 47 100
Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâĂ©conomie
4.13.1 Idéales 112 53,6 97 46,4 209 93,3 35 74,5 12 25,5 47 100
4.14.1 Effectives 90 47,4 100 52,6 190 84,8 23 54,8 19 45,2 43 91,4
179
Autant les enseignants (88,5 %) que les directeurs dâĂ©tablissement (100 %)
pensent que le systÚme éducatif doit fournir un enseignement tourné vers les
besoins de dĂ©veloppement de lâindividu. Dans la mĂȘme lancĂ©e, 79,6 % des
enseignants et 95,7 % des directeurs dâĂ©tablissement jugent que leur
établissement fournit un enseignement tourné vers les besoins de développement
de lâindividu. On note Ă©galement ici que les frĂ©quences dans les groupes
majoritaires sont plus Ă©levĂ©es chez les directeurs dâĂ©tablissement que chez les
enseignants.
Dans le mĂȘme registre, les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement pensent
que lâorientation idĂ©ale dâun systĂšme dâenseignement doit ĂȘtre lâĂ©quitĂ©. Le
tableau 18 présente les perceptions recueillies.
Tableau 18. Les perceptions sur le type dâenseignement dominant dans le systĂšme Ă©ducatif
Types dâenseignements (idĂ©aux et effectifs)
Enseignants Directeurs
Accord DĂ©saccord Valides Accord DĂ©saccord Valides
N % N % N % N % N % N %
Ăquitable (Favoriser une Ă©galitĂ© des chances scolaires pour tous)
4.13.4 Idéaux 190 89,6 22 10,4 212 94,6 45 95,7 2 4,3 47 100
4.14.4 Effectifs 168 82,0 37 18,0 205 91,5 45 97,8 1 2,2 46 97,8
Ăgalitaire (Favoriser une Ă©galitĂ© des rĂ©sultats et des acquis scolaires)
4.13.5 Idéaux 115 56,4 89 43,6 204 91,0 27 62,8 16 37,2 43 91,4
4.14.5 Effectifs 124 64,9 67 35,1 191 85,2 30 75,0 10 25,0 40 85,1
Ălitiste (Favoriser les meilleurs Ă©lĂšves)
4.13.3 Idéaux 51 23,8 163 76,2 214 95,5 9 19,6 37 80,4 46 97,8
4.14.3 Effectifs 69 34,3 132 65,7 201 89,7 12 25,5 35 74,5 47 100
Les enseignants (89,6 % et 82,0 %) comme les directeurs dâĂ©tablissement (95,7 %
et 97,8 %) pensent que lâĂ©cole idĂ©ale et leur Ă©tablissement devraient favoriser une
égalité des chances scolaires pour tous (enseignement équitable). On note
180
également ici que les fréquences sont plus élevées chez les directeurs
dâĂ©tablissement que chez les enseignants.
Il ressort ici que les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
sur les effets de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements sont essentiellement
convergentes. Tous les acteurs scolaires perçoivent que le PR et la CGRà ont eu
des effets positifs dans la poursuite des finalités du systÚme éducatif. Ces outils
ont eu un effet levier pour les trois finalités : instruire, socialiser et qualifier. Les
acteurs scolaires pensent aussi que la qualité de la prestation professionnelle de
lâenseignant est le facteur le plus important pour lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du
plus grand nombre. Enfin, les acteurs opĂ©rationnels pensent que lâĂ©cole devrait
fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu
et offrir une égalité de chances scolaires (enseignement équitable), telle que cela
se passe actuellement dans leur Ă©tablissement.
Nous constatons que les perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement des effets de lâimplantation de la GAR sur leur travail, leur rĂŽle et
responsabilitĂ©s et leur vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements sont plutĂŽt
divergentes. La divergence représente la tendance générale qui se dégage aussi
bien pour les effets de la mise en Ćuvre des PR et de CGRĂ sur leur travail que
sur leurs rÎles et responsabilités. Il faut noter cependant que de maniÚre
spécifique, il existe des points de convergence dans ces perceptions, mais qui
restent minoritaires par rapport aux divergences. Par ailleurs, les perceptions des
acteurs sont convergentes pour les effets sur leur vision de lâefficacitĂ© des
Ă©tablissements.
Dans un autre registre, il est constaté que les fréquences dans les groupes
majoritaires sont dans lâensemble plus Ă©levĂ©es chez les directeurs dâĂ©tablissement
que chez les enseignants. Ce qui fait que les perceptions sont plus consensuelles
chez les premiers et plus partagées chez les deuxiÚmes.
181
Le troisiÚme constat majeur réside dans le fait que les perceptions des effets sont
plus positives pour le PR que pour la CGRĂ autant chez les enseignants que les
directeurs dâĂ©tablissement. Le tableau 19 prĂ©sente une synthĂšse des rĂ©sultats
obtenus.
182
Tableau 19. La synthĂšse des conclusions sur les opinions et les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement
Variables Enseignants Directeurs
Principes Selon les enseignants, la majorité des principes sont non-pertinents. Les directeurs trouvent tous les principes pertinents sauf celui de la prise
en compte des attentes des citoyens.
StratĂ©gies de mise en Ćuvre
Les enseignants trouvent les stratégies non pertinentes (contractualisation et alignement stratégique) excepté la planification.
Les directeurs trouvent les stratégies (planification, contractualisation et alignement stratégique) pertinentes.
Outils de mise en Ćuvre
Les enseignants trouvent le PR et la CGRĂ pertinents. Les directeurs trouvent le PR et la CGRĂ pertinents.
Perspectives Ă donner Ă la GAR
La majoritĂ© des enseignants pensent quâil faut apporter des ajustements majeurs (39,6%) ou mineurs (18,9%) ou abolir (37,4%) la GAR.
La majoritĂ© des directeurs pensent quâil faut apporter des ajustements mineurs (58,1%) ou majeurs (23,2%) ou la maintenir telle quelle (11,6%) la GAR.
Commentaires généraux sur la GAR
Points forts :
Noblesse de lâobjectif poursuivi par la GAR
Points forts :
LâefficacitĂ© de la GAR pour le court terme
Le diagnostic du milieu pour la définition des priorités
Points faibles :
Biais dans lâĂ©valuation avec la fraude et la manipulation des rĂ©sultats et le nivellement par le bas
Lâinadaptation de la GAR pour les humains et lâĂ©ducation
Les pressions que la GAR exerce avec ses obligations et principes sur les acteurs
Top-down et bureaucratisation inefficace qui accapare les ressources entrainée par la GAR
Points faibles :
LâinefficacitĂ© de la stratĂ©gie de mise en Ćuvre Top-down
La fraude et la manipulation des résultats
183
Variables Enseignants Directeurs
Changements Ă apporter :
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant sur les diagnostics des enseignants
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles
LâamĂ©lioration du travail de lâenseignant par la formation et lâutilisation des mĂ©thodes pĂ©dagogiques plus efficaces
Le changement de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs enfants
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs
Le changement de la place et du sens donnĂ©s Ă lâĂ©valuation
La réduction de la taille des classes
Et la limitation des conséquences négatives de la GAR
Changement Ă apporter :
La définition de la réponse aux besoins des élÚves en se référant sur les diagnostics des enseignants
La promotion de la GAR auprĂšs des acteurs
La fourniture de ressources supplémentaires aux écoles
La reconsidĂ©ration de la place des parents dans lâĂ©ducation de leurs enfants
LâamĂ©lioration de la mise en Ćuvre de la GAR
Leur travail et son prestige
Les perceptions des effets de la mise en Ćuvre du PR et de CGRĂ sur le travail sont essentiellement nĂ©gatives (sept items pour le PR et neuf items pour la CGRĂ relatifs Ă la charge de travail, aux relations de travail, dĂ©veloppement professionnel, aux pratiques dâĂ©valuation du travail, Ă lâautonomie professionnelle et au prestige de la profession).
Seules les perceptions des effets de la mise en Ćuvre du PR sur les relations de travail et le dĂ©veloppement professionnel sont positives.
Les perceptions des effets de la mise en Ćuvre du PR et de la CGRĂ sur le travail sont totalement positives pour les directeurs dâĂ©tablissements.
Seules les perceptions des effets de la mise en Ćuvre de la CGRĂ sur la charge de travail sont nĂ©gatives.
Leurs rĂŽles et les responsabilitĂ©s dans lâĂ©cole
Les enseignants ont essentiellement perçu des effets nĂ©gatifs de la mise en Ćuvre des PR et des CGRĂ sur les responsabilitĂ©s de leur Ă©tablissement et leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s professionnelles.
Les enseignants ont vĂ©cu comme changement institutionnel un accroissement des responsabilitĂ©s de leur institution qui sâest traduit par un ajout de leurs nouveaux rĂŽles et responsabilitĂ©s aux anciens.
Les coĂ»ts dâadaptation aux changements Ă©levĂ©s mĂȘme si les enseignants dĂ©clarent sâadapter facilement aux nouvelles attentes des CS et des parents gĂ©nĂ©rĂ©es par la mise en Ćuvre de la GAR.
Les directeurs dâĂ©tablissements ont une perception nĂ©gative de ces changements institutionnels.
Les directeurs perçoivent une transformation ou un accroissement des responsabilitĂ©s de leur institution qui sâest traduit par une transformation de leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s.
Les coĂ»ts dâadaptation aux changements sont faibles dâautant plus que les directeurs dĂ©clarent sâadapter facilement aux nouvelles attentes des CS et des parents. Par ailleurs, lâaccroissement des responsabilitĂ©s des Ă©tablissements a Ă©tĂ© absorbĂ© par les autres personnels notamment les enseignants, vu que les directeurs dĂ©clarent que leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s ĂȘtre transformĂ©es.
184
Variables Enseignants Directeurs
Les orientations et lâefficacitĂ© du systĂšme Ă©ducatif
Les enseignants voient que le PR et la CGRà ont eu un effet levier dans la poursuite des trois finalités : instruire, socialiser et qualifier.
Ils pensent aussi que la qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant est le facteur le plus important pour lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du plus grand nombre.
Ăgalement, que lâĂ©cole devrait fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu et offrir une Ă©galitĂ© de chances scolaires (enseignement Ă©quitable), telles que cela se passe actuellement dans leur Ă©tablissement.
Les directeurs voient que le PR et la CGRà ont eu un effet levier dans la poursuite des trois finalités : instruire, socialiser et qualifier.
Ils pensent aussi que la qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant est le facteur le plus important pour lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite du plus grand nombre.
Ăgalement, que lâĂ©cole devrait fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu et offrir une Ă©galitĂ© de chances scolaires (enseignement Ă©quitable), telles que cela se passe actuellement dans leur Ă©tablissement.
185
Au terme de ce premier niveau dâanalyse, il apparaĂźt que les variables effets perçus
sur le travail et sur les rÎles et responsabilités ont un pouvoir explicatif de la
diffĂ©rence des opinions entre les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement.
Le deuxiĂšme niveau dâanalyse vise la recherche de liens significatifs entre les
opinions de la GAR et ses effets perçus de son implantation. La section suivante
présente les résultats obtenus.
5.3. Les liens entre les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs dâĂ©tablissement sur lâimplantation de la GAR
Pour tester sâil existe un lien significatif entre les opinions de la GAR et les
perceptions des effets de son implantation, le test du Khi deux de Pearson a été
utilisé pour ajuster les différentes analyses. Ce test a permis de rechercher dans
une analyse bivariée un lien entre les variables des opinions et celles des
perceptions des effets. Pour les différentes analyses, aussi bien chez les
enseignants que pour les directions, nos hypothĂšses de travail Ă©taient les
suivantes :
HypothĂšse nulle (H0) : Il nâexiste aucun lien significatif entre lâopinion
(variable dépendante) et la perception (variable indépendante).
HypothÚse alternative (H1) : Il existe un lien significatif au seuil de α = 5 %.
Toutes les analyses sont ajustées sous IBM SPSS 24 et interprétées au seuil de
5 %. Toute valeur p inférieure à 0.05 est considérée comme significative, donc
permettant de conclure Ă lâexistence dâun lien entre les variables impliquĂ©es.
Une fois un lien significatif identifiĂ©, lâintensitĂ© du lien est estimĂ©e, du fait de la
nature du tableau croisĂ© (variable opinion Ă quatre niveaux), Ă lâaide dâun Phi. Les
valeurs de la statistique varient entre 0 (absence de relation) et 1 (relation trĂšs
186
élevée). La valeur de chaque variable est interprétée suivant la grille (Rea et
Parker, 2005) ci-aprĂšs.
Tableau 20. Grille dâinterprĂ©tation de la valeur du test de Phi
Valeur Interprétation
0,00 et moins de 0,10 relation négligeable
0,10 et moins de 0,20 relation faible
0,20 et moins de 0,40 relation modérée
0,40 et moins de 0,60 relation relativement forte
0,60 et moins de 0,80 relation forte
0,80 Ă 1,00 relation trĂšs forte
Source : adaptée de Réa et Parker (2005)
La question relative aux perspectives à donner à la GAR a été retenue pour faire
les analyses, car nous estimons quâelle est reprĂ©sentative des diffĂ©rentes variables
relatives aux opinions. Cette question sâintitule : Selon vous, que faudrait-il faire
par rapport Ă la GAR en Ă©ducation? Elle offrait quatre choix de rĂ©ponse : lâabolir;
lui apporter des ajustements majeurs; lui apporter des ajustements mineurs; et, la
maintenir telle quelle. Ces choix de réponses ont été regroupés en deux opinions :
perspectives positives (maintenir telle quelle et ajustements mineurs) et
perspectives négatives (abolir et ajustements majeurs). Les choix de réponses des
questions relatives aux perceptions des effets ont été utilisés dans leur format
dichotomisĂ© dans les tableaux croisĂ©s tels quâils apparaissent dans les statistiques
descriptives présentées dans les sections 5.1.1 à 5.2.3. Ces regroupements
permettaient de disposer dâune frĂ©quence de 5 et plus dans 80 % des cellules des
tableaux croisĂ©s comme lâexige la rĂšgle dâutilisation valide du test du Khi deux.
La statistique du khi deux obtenue Ă partir de tableaux croisant cette question et
les trois autres questions relatives aux opinions révÚle un résultat significatif pour
187
la totalité des items chez les enseignants et six items sur 12 pour les directeurs
dâĂ©tablissement. Le tableau 21 prĂ©sente les rĂ©sultats.
188
Tableau 21. Les liens entre les perspectives Ă donner Ă la GAR et les autres variables dâopinions de la GAR
Variables des opinions sur la GAR
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl)
P Phi Relation Khi 2 (ddl)
P Phi Relation
Principes de la GAR
1.2.1 Lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs, permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
7,201 (1) 0,007 0,217 Modérée 4,388 (1) 0,036 0,319 Modérée
1.2.2 La prise en compte des attentes exprimĂ©es par les citoyens permet de mieux gĂ©rer les fonds attribuĂ©s Ă lâĂ©ducation.
6,69 (1) 0,010 0,211 Modérée 3,525 (1) 0,060 - -
1.2.3 Rendre les acteurs responsables des rĂ©sultats scolaires permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
19,644 (1) 0,000 0,363 Modérée 2,363 (1) 0,124 - -
1.2.4 Lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats favorisant lâamĂ©lioration continue des pratiques permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
15,321 (1) 0,000 0,322 Modérée 2,285 (1) 0,131 - -
1.2.5 La dĂ©finition de cibles de rĂ©sultats plus Ă©levĂ©es permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
23,122 (1) 0,000 0,394 Modérée 2,241 (1) 0,134 - -
1.2.6 La reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
40,362 (1) 0,000 0,531 Relativement
forte 17,412 (1) 0,000 0,652 Forte
1.2.7 La reddition de comptes portant sur lâutilisation optimale des ressources permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
12,827 (1) 0,000 0,300 Modérée 8,971 (1) 0,003 0,462 Relativement
forte
Stratégie de la GAR
1.3.3 Planification stratégique et opérationnelle 20,137 (1) 0,000 0,364 modérée 2,363 (1) 0,124 - -
189
Variables des opinions sur la GAR
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl)
P Phi Relation Khi 2 (ddl)
P Phi Relation
1.3.4 Contractualisation 34,458 (1) 0,000 0,479 Relativement
forte 12,655 (1) 0,000 0,542
Relativement forte
1.3.5 Alignement stratégique 27,42 (1) 0,000 0,429 Relativement
forte 18,648 (1) 0,000 0,659 Forte
Outils de la GAR
1.3.1 Plan de réussite 16,117 (1) 0,000 0,326 Modérée 0,84 (1) 0,359 - -
1.3.2 Convention de gestion et de réussite éducative 31,519 (1) 0,000 0,463 Relativement
forte 4,927 (1) 0,026 0,342 Modérée
190
Les résultats du Khi deux montrent des liens significatifs entre les opinions des
enseignants sur le potentiel des principes, des stratégies et des outils de la GAR
Ă favoriser lâaccroissement de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves et les perspectives quâils
entrevoient pour la GAR. De maniÚre générale, les relations sont plutÎt modérées
(huit items) Ă relativement forte (quatre items). De maniĂšre spĂ©cifique, dâune part,
la relation avec les principes est modĂ©rĂ©e (six items sur sept), dâautre part, la
relation avec les stratégies et les outils est relativement forte (trois items sur cinq)
pour la contractualisation, lâalignement stratĂ©gique et lâoutil leur correspondant
quâest la CGRĂ et modĂ©rĂ©e pour la planification stratĂ©gique et le PR sont pendant.
Les enseignants qui ont une opinion négative ont tendance à penser que la GAR
devrait ĂȘtre abolie ou faire lâobjet dâajustements majeurs. Câest donc les opinions
sur le principe de la reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles et les
stratĂ©gies de contractualisation et dâalignement stratĂ©gique qui influencent le plus
ou prĂ©disent le mieux lâopinion gĂ©nĂ©rale nĂ©gative des enseignants sur la GAR. Les
trois variables dâopinions qui prĂ©sentent une relation relativement forte avec les
perspectives à donner à la GAR chez les enseignants sont appréciées
négativement ce qui est représentatif de leur opinion générale négative sur la
GAR.
Chez les directions, il existe une relation entre les opinions sur les principes (la
reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite
des Ă©lĂšves; la reddition de comptes portant sur lâutilisation optimale des ressources
permet dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves et lâatteinte de rĂ©sultats en fonction
dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs, permet
dâaccroĂźtre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves), les stratĂ©gies (contractualisation et alignement
stratĂ©gique) et les outils (CGRĂ) et leurs opinions des perspectives Ă donner Ă la
GAR. Ces relations sont fortes (Reddition de comptes et alignement stratégique),
relativement fortes (reddition de comptes et contractualisation) et modérées
(Lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus publics et mesurĂ©s
Ă lâaide dâindicateurs et la CGRĂ). Les opinions sur les principes, les stratĂ©gies et
191
les outils de la GAR des directeurs influencent ou prĂ©disent lâopinion gĂ©nĂ©rale
positive des directeurs sur la GAR.
Les zones de convergences se trouvent dans le pouvoir de prédiction des opinions
sur les stratégies (contractualisation et alignement stratégique) et les principes (la
reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles) sur les opinions gĂ©nĂ©rales
des acteurs sur la GAR. Ces liens significatifs et leur force Ă©tablissent la
représentativité des opinions des acteurs sur les perspectives à donner à la GAR
par rapport à leurs opinions globales sur la GAR. Les analyses de corrélation entre
les opinions et les perceptions des effets de la GAR ont donc été réalisées avec
la question des perspectives Ă donner qui expriment les tendances des opinions
des acteurs sur la GAR. Les sections suivantes présentent les résultats obtenus
pour les trois types de variables des effets perçus de la GAR.
5.3.1. Les intĂ©rĂȘts socioprofessionnels de lâimplantation de la GAR
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR ont un
lien significatif avec leurs perceptions des effets de lâimplantation des PR et des
CGRĂ sur leur travail. Ce lien est plus fort chez les enseignants que pour les
directions. Le tableau 22 présente les données détaillées.
192
Tableau 22. Les résultats du test Khi deux de Pearson et du Phi des liens entre les opinions et les effets perçus sur le travail
Variables des conditions de travail (intĂ©rĂȘts socioprofessionnels)
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl) P Phi Relation Khi 2 (ddl)
P Phi Relation
Charge de travail
2.4.1 PR 15,734 (1) 0,000 0,327 Modérée 3,467 (1) 0,063 - - 2.5.1 CGRà 17,885 (1) 0,000 0,354 Modérée 2,135 (1) 0,144 - -
Relations de travail (supérieur hiérarchique)
2.4.2 PR 30,142 (1) 0,000 0,448 Relativement
forte 0,366 (1) 0,545 - -
2.5.2 CGRĂ 28,146 (1) 0,000 0,444 Relativement
forte 3,522 (1) 0,061
Relations de travail (parents)
2.4.3 PR 25,129 (1) 0,000 0,421 Relativement
forte 4,484 (1) 0,034 0,344 Modérée
2.5.3 CGRà 21,292 (1) 0,000 0,391 Modérée 4,535 (1) 0,033 0,345 Modérée Relations de travail (professionnels)
2.4.4 PR 25,912 (1) 0,000 0,420 Relativement
forte 4,478 (1) 0,034 0,330 Modérée
2.5.4 CGRĂ 35,602 (1) 0,000 0,510 Relativement
forte 3,849 (1) 0,050 0,306 Modérée
DĂ©veloppement professionnel (confiance en soi)
2.4.5 PR 31,116 (1) 0,000 0,454 Relativement
forte 4,19 (1) 0,041 0,312 Modérée
2.5.5 CGRĂ 48,025 (1) 0,000 0,577 Relativement
forte 5,182 (1) 0,023 0,351 Modérée
Développement professionnel (acquisition compétences)
2.4.6 PR 20,448 (1) 0,000 0,369 Modérée 9,862 (1) 0,002 0,485 Relativement
forte
2.5.6 CGRĂ 26,686 (1) 0,000 0,434 Relativement
forte 9,364 (1) 0,002 0,472
Relativement forte
Autonomie professionnelle
193
Variables des conditions de travail (intĂ©rĂȘts socioprofessionnels)
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl) P Phi Relation Khi 2 (ddl)
P Phi Relation
2.4.7 PR 34,612 (1) 0,000 0,479 Relativement
forte 1,292 (1) 0,256 - -
2.5.7 CGRĂ 35,601 (1) 0,000 0,494 Relativement
forte 1,26 (1) 0,262 - -
Pratiques dâĂ©valuation du travail
2.4.8 PR 26,419 (1) 0,000 0,430 Relativement
forte 0,84 (1) 0,359 - -
2.5.8 CGRĂ 38,682 (1) 0,000 0,526 Relativement
forte 2,622 (1) 0,105 - -
Prestige social de la fonction
2.4.9 PR 23,622 (1) 0,000 0,401 Relativement
forte 2,036 (1) 0,154 - -
2.5.9 CGRĂ 23,675 (1) 0,000 0,408 Relativement
forte 3,723 (1) 0,054 - -
194
Les analyses Ă©tablissent un lien significatif entre les opinions et les effets du PR
(neuf items) et de la CGRĂ (neuf items) sur le travail des enseignants en termes
de charge de travail, de relations de travail, de développement professionnel,
dâĂ©valuation du travail et de prestige de la profession. La relation est relativement
forte (14 items/18) Ă modĂ©rĂ©e (quatre items). Les variables pratiques dâĂ©valuation
du travail, autonomie professionnelle, développement professionnel, relations de
travail et prestige de la fonction ont une influence relativement forte sur lâopinion
des enseignants. Ces derniÚres appréciées négativement (excepté relation de
travail avec les professionnels et développement professionnel en termes
dâacquisition de compĂ©tences pour le PR) et la charge de travail corroborent les
opinions nĂ©gatives et pourraient mĂȘme les prĂ©dire. MalgrĂ© le lien statistiquement
significatif, les deux variables apprĂ©ciĂ©es positivement nâauraient pas de pouvoir
prédictif, car elles sont contraires aux opinions négatives.
Cela signifie que si un enseignant a une perception négative des effets de la GAR
sur lâune de ces variables, il y a des chances relativement fortes ou modĂ©rĂ©es quâil
ait une opinion négative de la GAR.
Pour les directions, les analyses Ă©tablissent des liens significatifs entre les
opinions et les effets perçus de la CGRà (quatre items) et du PR (quatre items)
sur les relations de travail et le développement professionnel. La relation est
modérée (six items) à relativement forte (deux items). Ces résultats montrent que
dâune part, les perceptions positives des directeurs sur les effets de la mise en
Ćuvre des PR et des CGRĂ sur le dĂ©veloppement professionnel (acquisition de
nouvelles compétences) influencent modérément leurs opinions sur la GAR.
Dâautre part, les perceptions positives des directeurs sur les effets de la mise en
Ćuvre des CGRĂ sur leurs relations de travail avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique, les
parents et les professionnels influencent leurs opinions sur la GAR.
Cela confirme les résultats des statistiques descriptives qui établissent une
perception positive des effets de la GAR sur le travail des directeurs et corrobore
195
leur opinion générale positive de la GAR. Cela signifie que si une direction a une
perception positive des effets de la GAR sur développement professionnel et les
relations de travail, il y a des chances respectivement modérées et relativement
fortes quâil ait une opinion positive de la GAR.
Les perceptions des effets de la GAR sur leurs conditions de travail influencent
donc les opinions des acteurs sur ce mode de gestion. Cette influence est plutĂŽt
relativement forte à modérée chez les enseignants et modérée à relativement forte
chez les directeurs dâĂ©tablissement.
La zone de convergence se situe dans lâinfluence des opinions des enseignants et
des directeurs par les variables de relations de travail et développement
professionnel. Par ailleurs, la tendance est la mĂȘme pour le PR et la CGRĂ chez
les enseignants et les directeurs avec autant de liens significatifs pour les deux
outils. Enfin, la variable dĂ©veloppement professionnel en termes dâacquisition de
nouvelles compétences pour la CGRà a une influence relativement forte sur les
opinions autant des enseignants que des directeurs alors que la variable relation
de travail avec les parents a une influence modérée pour les deux groupes.
Cependant, chez les enseignants deux items nâont pas de pouvoir prĂ©dictif. Aussi,
la force de la relation est plus grande chez les enseignants si on considĂšre le
nombre de variables et la force de la relation. Enfin la relation nâexiste pas pour 10
variables chez les directeurs alors quâelle existe pour les 18 variables chez les
enseignants. Ces rĂ©sultats permettent de conclure la diffĂ©rence des intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels entre les enseignants et les directions.
Ces résultats confirment les conclusions des analyses descriptives qui montrent
une divergence dans les perceptions des effets de lâimplantation de la GAR sur le
travail des acteurs scolaires. Les rĂ©sultats confirment Ă©galement dâune part, les
études qui évoquent souvent les conséquences de la GAR sur le travail des
enseignants (Malet, 2009 et 2010). Dâautre part, les Ă©tudes sur lâidĂ©ologie
professionnelle qui affirment que la mise en Ćuvre des nouvelles politiques
196
éducatives a un effet positif sur le développement professionnel des directeurs
dont ils revalorisent la fonction (Lessard et al., 2008).
5.3.2. Les coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels des acteurs
scolaires
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement de la GAR ont un
lien avec leurs perceptions des effets de lâimplantation des PR et des CGRĂ sur
leurs rÎles et responsabilités. Le tableau 23 présente les données détaillées
197
Tableau 23. Les résultats du test Khi deux de Pearson et du Phi des liens entre les opinions et les effets perçus sur les rÎles et responsabilités
Variables des rĂŽles et des responsabilitĂ©s (coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels)
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl)
P Phi Relation Khi 2 (ddl) P Phi Relation
Soutien et accompagnement
3.6.1 PR 1,556 (1) 0,212 - - 3,57 (1) 0,059 - - 3.6.2 CGRĂ
0,681 (1) 0,409 - - 6,662 (1) 0,010 0,403 Relativement
forte Connaissance du contenu des outils
3.7.1 PR ,111 (1) 0,739 - - 2,393 (1) 0,122 3.7.2 CGRà ,533 (1) 0,465 - - 5,081 (1) 0,024 0,352 Modérée
Type de changements institutionnels vécu 3.9.1 PR 0,759 (1) 0,384 - - 2,401 (1) 0,121 - - 3.9.2 CGRà 1,757 (1) 0,185 - - 0,231 (1) 0,631 - -
Ăvolution des rĂŽles et responsabilitĂ©s 3.10.1 PR 7,209 (1) 0,007 0,226 ModĂ©rĂ©e 0,029 (1) 0,865 - - 3.10.2 CGRĂ 6,088 (1) 0,014 0,212 ModĂ©rĂ©e 0,352 (1) 0,553 - -
Nouvelles attentes 3.11.1 PR 1,699 (1) 0,192 - - 3,612 (1) 0,057 - - 3.11.2 CGRĂ
,984 (1) 0,321 - - 7,791 (1) 0,005 0,436 Relativement
forte Adaptation aux nouvelles attentes
3.12.1 PR 7,025 (1) 0,008 0,252 Modérée 1,535 (1) 0,215 - - 3.12.2 CGRà 10,879 (1) 0,001 0,328 Modérée 3,317 (1) 0,069
198
Les résultats du Khi deux de Pearson établissent des liens significatifs entre les
opinions et les effets de lâimplantation du PR et de la CGRĂ (en termes
dâĂ©volutions des rĂŽles et responsabilitĂ©s et dâadaptation aux nouvelles attentes)
sur les rÎles et responsabilités des enseignants. La relation est modérée pour les
quatre items. En se rĂ©fĂ©rant aux rĂ©sultats des statistiques descriptives, câest la
variable évolution des rÎles et responsabilités qui influence ou prédit le mieux les
opinions des enseignants. En effet, la perception négative des enseignants pour
cette variable est en cohérence avec les opinions négatives des enseignants sur
la GAR. Ce qui nâest pas le cas pour la variable adaptation aux nouvelles attentes
dont la perception est positive contrairement aux opinions des enseignants. Cela
signifie que si un enseignant a une perception nĂ©gative de lâimplantation de la GAR
sur lâĂ©volution de ses rĂŽles et responsabilitĂ©s, il y a des chances modĂ©rĂ©es quâil ait
une opinion négative de la GAR.
Les résultats du Khi deux établissent un lien similaire pour les directeurs
concernant la CGRĂ (en termes de nouvelles attentes des parents et des CS, de
soutien accompagnement reçu et de connaissance du contenu des outils). La
relation est relativement forte pour les deux premiÚres variables et modérée pour
la troisiĂšme. En se rĂ©fĂ©rant aux rĂ©sultats des statistiques descriptives câest le
soutien accompagnement reçu et la connaissance du contenu des outils qui
influencent ou prédisent les opinions des directions. En effet, la perception positive
des directeurs pour ces variables est en cohérence avec les opinions positives des
directeurs sur la GAR. Cela signifie que si une direction a une perception positive
de lâimplantation de la GAR sur le soutien accompagnement reçu et la
connaissance du contenu des outils il y a respectivement des chances
relativement fortes et modĂ©rĂ©es quâil ait une opinion positive de la GAR.
Les perceptions des effets de la GAR sur leurs rÎles et responsabilités influencent
donc les opinions des acteurs scolaires. On note pour la variable indépendante
coĂ»ts dâadaptation aux changements une diffĂ©rence entre les enseignants et les
199
directeurs mĂȘme si le lien avec la variable dĂ©pendante est Ă©tabli pour les deux
groupes. Le lien significatif porte sur quatre items pour les enseignants et trois
items pour les directions. Chez les enseignants les deux items concernent le PR
et les deux autres la CGRĂ. Chez les directeurs les trois items portent sur la
CGRĂ. La force de la relation modĂ©rĂ©e chez les enseignants et relativement forte
et modĂ©rĂ©e chez les directeurs dâĂ©tablissement constitue Ă©galement une
différence. Enfin, les deux variables dont la force du lien est la plus élevée sont
différentes entre les enseignants (évolution de ses rÎles et responsabilités) et les
directeurs (soutien accompagnement reçu). La zone de convergence se situe dans
le fait que le lien est significatif pour les deux groupes.
Ces résultats confirment les conclusions des analyses descriptives qui montrent
une divergence dans les perceptions des effets de la GAR sur les rĂŽles et
responsabilités des acteurs, mais également les conclusions de Lessard et
al. (2008, 2009) sur lâĂ©volution du travail scolaire engendrĂ© par les nouvelles
politiques Ă©ducatives. En effet, les directeurs qui se reconnaissent comme des
relais de la politique ont connu un coĂ»t dâadaptation aux changements moins Ă©levĂ©
que les enseignants, mĂȘme si les deux groupes affirment sâĂȘtre adaptĂ©s facilement
aux nouvelles attentes (Lessard et al., 2008).
5.3.3. La vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR ont un
lien avec leurs perceptions des effets de la mise en Ćuvre des PR et des CGRĂ
sur lâefficacitĂ© de leurs Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme
Ă©ducatif. Ce lien est sensiblement le mĂȘme pour les enseignants et les directions.
Le tableau 24 présente les données détaillées.
200
Tableau 24. Les rĂ©sultats du test Khi deux de Pearson et du Phi des liens entre les opinions et les effets perçus de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s
Variables de lâefficacitĂ© des outils dans la poursuite des finalitĂ©s (vision de lâĂ©ducation)
Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl) P Phi Relation Khi 2 (ddl)
P Phi Relation
Efficacité des outils dans la poursuite des finalités (instruire)
4.16.1 PR 14,911 (1) 0,000 0,325 Modérée 0,389 (1) 0,533 - -
4.17.1 CGRà 18,069 (1) 0,000 0,363 Modérée 9,322 (1) 0,002 0,466 Relativement
forte Efficacité des outils dans la poursuite des finalités (socialiser)
4.16.2 PR 11,993 (1) 0,001 0,293 Modérée 7,442 (1) 0,006 0,416 Relativement
forte 4.17.2 CGRà 16,752 (1) 0,000 0,356 Modérée 3,46 (1) 0,063 - -
Efficacité des outils dans la poursuite des finalités (qualifier)
4.16.3 PR 10,812 (1) 0,001 0,281 Modérée 7,442 (1) 0,006 0,416 Relativement
forte
4.17.3 CGRà 15,518 (1) 0,000 0,340 Modérée 13,057 (1) 0,000 0,551 Relativement
forte
201
Les résultats du Khi deux de Pearson établissent un lien entre les opinions et les
effets de la mise en Ćuvre du PR et de la CGRĂ (effet levier dans la poursuite des
finalitĂ©s) sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements. Chez les enseignants la force du lien
est modérée. Au regard des statistiques descriptives les effets perçus de la GAR
sur lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement dans la poursuite des finalitĂ©s (instruire,
socialiser et qualifier) nâinfluencent pas ou ne permet pas de prĂ©dire les opinions
des enseignants sur la GAR. Les perceptions positives des variables dâefficacitĂ©
des établissements ne sont pas en cohérence avec les opinions négatives sur la
GAR. Toutefois il est constatĂ© que les perceptions positives de lâefficacitĂ© des
établissements sont en cohérence avec les opinions positives sur la pertinence
des outils (PR et CGRĂ).
Les résultats établissent chez les directeurs un lien similaire pour le PR (effet levier
dans la poursuite des finalités socialiser (0,41) et qualifier (0,41)) et la CGRà (effet
levier dans la poursuite des finalités instruire (0,46) et qualifier (0,55)). Les
perceptions des effets de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements influencent
fortement les opinions des acteurs scolaires. La relation est relativement forte pour
les quatre variables. Au regard des statistiques descriptives, les perceptions
positives des effets de la GAR sur les Ă©tablissements influencent fortement les
opinions des directeurs sur la GAR. Cela signifie que si une direction a une
perception positive de lâimplantation de la GAR sur lâefficacitĂ© de son
Ă©tablissement (effet levier) dans la poursuite des missions de socialisation et de
qualification, il y a des chances relativement fortes quâil ait une opinion positive de
la GAR.
On note sur le plan des variables indépendantes des effets perçus sur les visions
de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements une similitude au plan statistique entre les
enseignants et les directions. Cependant, le lien positif porte sur six items pour les
enseignants alors quâil porte sur quatre items pour les directions. En plus a relation
est forte chez les directeurs et modérée chez les enseignants. Par ailleurs, la
202
tendance est la mĂȘme pour les enseignants et les directeurs Ă savoir la moitiĂ© des
items pour le PR et lâautre moitiĂ© pour la CGRĂ. Par contre lâinfluence ou le pouvoir
de prédiction important noté chez les directeurs au regard des statistiques
descriptives ne se retrouvent pas chez les enseignants. Ces derniers ayant une
perception positive de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements contradictoire avec leurs
opinions nĂ©gatives de la GAR. La vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
nâinfluence donc pas les opinions des enseignants sur la GAR contrairement aux
directions.
5.3.4. Les autres déterminants (caractéristiques socioprofessionnelles)
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements sur la GAR ont
un lien avec leurs caractéristiques socioprofessionnelles. Ce lien est trÚs différent
chez les enseignants et les directions. Le tableau 25 présente les données
détaillées.
203
Tableau 25. Les résultats du test Khi deux de Pearson et du Phi des liens entre les opinions et les caractéristiques socioprofessionnelles des acteurs
Variables socioprofessionnelles Enseignants Directeurs
Khi 2 (ddl) P Phi Relation Khi 2 (ddl) P Phi Relation
5.21 Sexe 1,557 0,212 - - 5,736 (1) 0,017 0,37 Modérée
5.25 Fonction 31,337 (1) 0,000 -0,40 Relativement
forte 31,337 (1) 0,000 -0,40
Relativement forte
5.28 Milieu socioéconomique desservi 4,097 0,043 -0,17 Faible 0,705 (1) 0,401 - -
5.31 Ordre dâenseignement 8,254 0,004 -0,23 ModĂ©rĂ©e 0,105 (1) 0,746 - -
5.33 Statut dâemploi 8,55 0,003 0,24 ModĂ©rĂ©e 0,459 (1) 0,498 - -
204
Les résultats du Khi deux de Pearson établissent un lien entre la fonction des
acteurs scolaires et les opinions sur la GAR. La force de ce lien (-0,40) est
relativement forte autant chez les enseignants que les directions. Par ailleurs, le
lien est établi entre les opinions et le milieu socioéconomique desservi (-0,17),
lâordre dâenseignement (-0,23) et le statut dâemploi (0,24) des enseignants. La
force de la relation est faible pour la premiÚre variable et modérée pour les deux
suivantes. Chez les directeurs le lien est significatif pour la variable genre (0,37)
en plus de la fonction. La relation est de force modérée.
La zone de convergence se situe au niveau de la fonction. Au regard des
statistiques descriptives, la variable socioprofessionnelle de la fonction influence
les opinions des acteurs scolaires dans la mesure oĂč la diffĂ©rence de fonction est
en cohérence avec la différence des opinions. Cela corrobore les résultats des
Ă©tudes sur lâidĂ©ologie professionnelle de Lessard et al. (2008) qui affirment la
différence de perception en lien avec la différence de fonction entre les directeurs
et les enseignants sur les politiques Ă©ducatives. Les directeurs ayant une
perception plus positive des effets des politiques que les enseignants.
Il apparaĂźt que les perceptions des effets de la mise en Ćuvre des PR et des
CGRĂ influencent les opinions des acteurs scolaires sur la GAR. Le Khi deux a
permis dâĂ©tablir les liens significatifs entre les opinions des acteurs scolaires et
leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels, leurs coĂ»ts dâadaptation aux changements et
leur vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements.
Les liens significatifs sont plus nombreux chez les enseignants (32 items) que chez
les directeurs dâĂ©tablissement (17 items). Par contre les relations sont plus
nombreuses chez les enseignants (15 items/32) que chez les directeurs (neuf
items/17). Les relations sont aussi plus nombreuses avec les variables intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels (enseignants 18 items et directeurs huit items) que sur les
deux autres types de variables. Les effets de la mise en Ćuvre de la CGRĂ (neuf
items) sont plus déterminants que ceux des PR (six items) pour les directeurs
205
dâĂ©tablissement alors que pour les enseignants on retrouve un Ă©quilibre (PR 14
items et CGRà 14 items). La CGRà comme le PR présente sept relations
relativement fortes chez les enseignants. Chez les directeurs la mĂȘme tendance
est observée (cinq relations relativement fortes pour la CGRà vs trois pour le PR).
Le tableau 26 présente la synthÚse des variables qui présentent un lien significatif
avec les opinions des acteurs scolaires.
Tableau 26. Les liens statistiquement significatifs entre les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR et ses effets perçus
Variables Enseignants Directeurs Zones de convergences
IntĂ©rĂȘts socioprofessionnels
Charge de travail
Relations de travail
DĂ©veloppement professionnel
Autonomie professionnelle
Ăvaluation du travail
Prestige de la profession
Relations de travail
DĂ©veloppement professionnel
Relations de travail
DĂ©veloppement professionnel
CoĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels
Ăvolutions des rĂŽles et responsabilitĂ©s
Adaptation aux nouvelles attentes
Soutien-accompagnement reçu
Niveau de connaissance des outils
Nouvelles attentes des parents et de la CS
Vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
Efficacité des établissements dans poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier)
Efficacité des établissements dans poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier)
Efficacité des établissements dans poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier)
Caractéristiques socioprofessionnelles
Fonction
Milieu socioéconomique desservi
Ordre dâenseignement
Statut dâemploi
Fonction
Genre
Fonction
206
La comparaison entre les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement fait
ressortir des différences et des similitudes pour les variables qui ont un lien
statistique significatif avec les opinions des acteurs sur la GAR. NĂ©anmoins les
zones de divergences sont plus nombreuses que les zones de convergences. Les
convergences sont prĂ©sentes pour les variables intĂ©rĂȘts socioprofessionnels,
vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements et les caractĂ©ristiques
socioprofessionnelles. Les divergences résident dans le fait que certaines
variables qui ont un lien pour les enseignants nâen ont pas pour les directeurs et
inversement. Au regard des statistiques descriptives, certaines variables de
perception des effets nâinfluencent pas ou ne permettent pas de prĂ©dire les
opinions des acteurs scolaires. Il sâagit des perceptions des enseignants du
développement professionnel en termes de confiance en soi dans la mise en
Ćuvre de la CGRĂ, de lâadaptation aux nouvelles attentes et de la vision de
lâefficacitĂ© des Ă©tablissements. Chez les directeurs cette situation nâest observĂ©e
quâau niveau des nouvelles attentes des parents et des CS.
Au chapitre des intĂ©rĂȘts socioprofessionnels, le lien est significatif pour les cinq
variables (charge de travail; relations de travail; développement professionnel;
Ă©valuation du travail; et prestige de la profession) chez les enseignants alors que
ce lien nâexiste que pour deux variables (relation de travail et dĂ©veloppement
professionnel) chez les directions. Sur le plan des coĂ»ts dâadaptation aux
changements institutionnels, le lien existe pour les quatre variables (soutien-
accompagnement reçu; niveau de connaissance des outils; et nouvelles attentes
des parents et des CS) chez les directeurs dâĂ©cole, alors quâil nâexiste que pour
deux variables (évolutions des rÎles et responsabilités et adaptation aux nouvelles
attentes) chez les enseignants. Concernant la vision de lâefficacitĂ© des
Ă©tablissements, le lien existe autant pour les directeurs que les enseignants. Enfin,
pour ce qui est des caractéristiques socioprofessionnelles cinq variables (fonction;
milieu socioĂ©conomique desservi, ordre dâenseignement et statut dâemploi)
influencent les opinions des enseignants alors que seuls le genre et la fonction
influencent les opinions des directions.
207
Au niveau empirique, les variables des perceptions ayant une influence ou un
pouvoir prĂ©dictif des opinions chez les enseignants sont les intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels (charge de travail; relations de travail; développement
professionnel; autonomie professionnelle; pratiques dâĂ©valuation du travail; et
prestige social de la profession), les coĂ»ts dâadaptation aux changements
institutionnels (évolutions des rÎles et responsabilités) et les caractéristiques
socioprofessionnelles (la fonction, le milieu socioĂ©conomique desservi, lâordre
dâenseignement et le statut dâemploi).
Chez les directeurs ce sont les intĂ©rĂȘts socioprofessionnels (relations de travail et
dĂ©veloppement professionnel), les coĂ»ts dâadaptation aux changements
institutionnels (soutien-accompagnement reçu; connaissance des outils et
nouvelles attentes des parents et de CS), la vision de lâefficacitĂ© des
établissements dans poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier) et les
caractéristiques socioprofessionnelles (la fonction et le genre).
La zone de convergence des déterminants des opinions des enseignants et des
directeurs se situe au niveau des intĂ©rĂȘts socioprofessionnels en termes de
relations de travail et de développement professionnel; et les caractéristiques
socioprofessionnelles en termes de fonction qui dĂ©termine les coĂ»ts dâadaptation
aux changements institutionnels. Le tableau 27 présente la synthÚse des
déterminants des opinions sur la GAR.
208
Tableau 27. Les déterminants des opinions des enseignants et des directeurs sur la GAR
Variables Enseignants Directeurs Zones de convergences
IntĂ©rĂȘts socioprofessionnels
Charge de travail
Relations de travail
Ăvaluation du travail
Autonomie professionnelle
Pratiques dâĂ©valuation du travail
Prestige de la profession
Relations de travail
DĂ©veloppement professionnel
Relations de travail
DĂ©veloppement professionnel
CoĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels
Ăvolutions des rĂŽles et responsabilitĂ©s
Soutien-accompagnement reçu
Niveau de connaissance des outils
Adaptation aux nouvelles attentes
Vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
Efficacité des établissements dans poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier)
Caractéristiques socioprofessionnelles
Fonction
Milieu socio-Ă©conomique desservi
Ordre dâenseignement
Statut dâemploi
Fonction
Genre
Fonction
5.4. Conclusion
La présente recherche visait notamment à vérifier deux hypothÚses :
1) HypothĂšse 1 :
Les opinions de la GAR des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement ont un
lien avec les effets perçus de son implantation sur leurs intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels (conditions de travail), leurs coĂ»ts dâadaptation aux
209
changements institutionnels (rĂŽles et responsabilitĂ©s) et lâefficacitĂ© de leur
Ă©tablissement (vision de lâĂ©cole).
2) HypothĂšse 2 :
Les divergences dans les opinions de GAR de perceptions des effets de son
implantation des enseignants et des directeurs sâexpliquent par les diffĂ©rences
dâidĂ©ologie professionnelle.
Les rĂ©sultats de lâĂ©tude dĂ©crits dans les sections prĂ©cĂ©dentes confirment les deux
hypothÚses. Pour la premiÚre hypothÚse, il a été démontré avec le test du Khi deux
que les variables des effets perçus sur le travail (intĂ©rĂȘts socioprofessionnels), les
rĂŽles et responsabilitĂ©s (coĂ»ts dâadaptation aux changements) et lâefficacitĂ© des
Ă©tablissements (la vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements) avaient un lien avec
les opinions de la GAR. Autant pour les enseignants que les directeurs
dâĂ©tablissement, le Khi deux a dĂ©montrĂ© des liens significatifs dont la force a Ă©tĂ©
mesurée avec le Phi.
La deuxiĂšme hypothĂšse est confirmĂ©e par les rĂ©sultats. La diffĂ©rence dâopinions
des enseignants avec les directeurs dâĂ©tablissements est corroborĂ©e par leur
diffĂ©rence dans les perceptions des effets de lâimplantation de la GAR sur leur
travail et leurs rÎles et responsabilités. Les enseignants qui ont une opinion
négative sur la GAR ont une perception négative de ses effets sur leur travail
(intĂ©rĂȘts socioprofessionnels) et sur leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s (coĂ»ts
dâadaptation au changement).
Les directeurs dâĂ©tablissement qui ont une opinion positive de la GAR ont une
perception positive de ses effets sur leur travail (intĂ©rĂȘts socioprofessionnels) et
sur leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s (coĂ»ts dâadaptation au changement). La
divergence dans les opinions se retrouve également dans les effets perçus de la
GAR. Il sâavĂšre donc que la diffĂ©rence dans les opinions prĂ©sente un lien avec la
diffĂ©rence des intĂ©rĂȘts socioprofessionnels et des coĂ»ts dâadaptation aux
210
changements institutionnels des acteurs scolaires (enseignants et directions). Ces
deux variables prĂ©sentent un lien avec lâidĂ©ologie professionnelle dans la mesure
oĂč la diffĂ©rence de fonction entre les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement
entraßne une différence dans leurs conditions de travail et leurs rÎles et
responsabilités. Ces différences sont porteuses de représentations différentes des
acteurs scolaires sur les effets de lâimplantation de la GAR qui impactent
différemment leurs pratiques professionnelles.
Globalement la divergence des opinions et des perceptions des enseignants et
des directeurs dâĂ©tablissements est largement Ă©tablie par les rĂ©sultats de la
présente étude.
Toutefois, il faut noter que de maniÚre spécifique, il existe des zones de
convergences. Dâabord, dans les opinions, la pertinence des outils et la
perspective dâajustement de la GAR font consensus. Ensuite, concernant les
perceptions, les enseignants et les directeurs sâaccordent sur lâefficacitĂ© des outils
de la GAR dans la poursuite des finalités (instruire, socialiser et qualifier) du
systÚme éducatif dans leurs établissements. Enfin, les déterminants des opinions
des acteurs scolaires sont les relations de travail et le développement
professionnel et la fonction. Le tableau 28 présente ces zones de convergences.
211
Tableau 28. La synthÚse des résultats
Opinions et perceptions sur la GAR DĂ©terminants des opinions sur
la GAR
Principes
Opinions essentiellement contradictoires pour la pertinence des principes de la GAR dans lâaccroissement des rĂ©sultats scolaires.
La zone de convergence se situe :
principes de lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats pour favoriser lâamĂ©lioration continue des pratiques et
reddition de comptes sur les ressources.
IntĂ©rĂȘts socioprofessionnels (effet travail) :
charge de travail
relations de travail
CoĂ»ts dâadaptation aux changements (effet idĂ©ologie professionnelle) :
fonction
StratĂ©gies Convergence dans la pertinence de la planification. Divergence dans la pertinence de la contractualisation et de lâalignement stratĂ©gique
Outils Convergence dans la pertinence des outils
Perspectives
La majoritĂ© des acteurs opĂ©rationnels pensent que la GAR devrait ĂȘtre maintenue avec des ajustements :
majeurs pour les enseignants
mineurs pour les directeurs dâĂ©tablissements ils devaient ĂȘtre.
Commentaires généraux sur la pertinence de la GAR
Les opinions des enseignants et des directeurs dâĂ©coles se recoupent :
inefficacitĂ© de la stratĂ©gie top-down dans la mise en Ćuvre de la GAR et
dans la fraude et la manipulation des résultats que favorise la GAR.
Les propositions dâamĂ©lioration de la GAR convergentes :
5 Ă©lĂ©ments sont proposĂ©s par les deux groupes alors 3 Ă©lĂ©ments sont spĂ©cifiques aux enseignants (Le changement de la place et du sens donnĂ©s Ă lâĂ©valuation; La rĂ©duction de la taille des classes; La limitation des consĂ©quences nĂ©gatives de la GAR) et
1 Ă©lĂ©ment aux directeurs dâĂ©tablissements (LâamĂ©lioration de la mise en Ćuvre de la GAR).
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale on voit que les commentaires des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements sur la GAR sont essentiellement convergents. On note cependant que ces commentaires sont plus importants chez les enseignants dans la rubrique des points faibles et dans les changements Ă apporter alors quâils sont moins nombreux pour les points forts.
Les commentaires spécifiques sont surtout relatifs :
212
à des aspects pédagogiques pour les enseignants et
aux aspects de gestion pour les directeurs dâĂ©tablissements.
Effets perçus sur le travail
Les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sur les effets du PR sur leur travail sont essentiellement convergentes avec celles des directeurs dâĂ©tablissements.
Par contre, les perceptions des enseignants des effets de la CGRĂ sur leur travail sont divergentes avec celles des directeurs dâĂ©tablissements.
-
Effets perçus sur les rÎles et responsabilités
Les perceptions des enseignants sur les effets de la mise en Ćuvre du PR et de la CGRĂ sur leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s sont essentiellement divergentes.
Convergentes pour trois sous-dimensions (connaissance du contenu des outils de mise en Ćuvre, les nouvelles attentes gĂ©nĂ©rĂ©es et lâadaptation aux nouvelles attentes) et
divergentes pour les quatre autres sous dimensions (type de changements institutionnels vĂ©cus, lâĂ©volution des rĂŽles et responsabilitĂ©s des acteurs scolaires, le soutien et accompagnement et occasion de discussion de la GAR).
-
Effets perçus sur la vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements
les perceptions des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements sur les effets de la GAR sur les orientations et la performance des Ă©tablissements sont essentiellement convergentes.
-
213
Chapitre 6. Discussion des résultats
Le chapitre six est consacré à la discussion des résultats. Ces derniers sont mis
en dialogue avec les rĂ©sultats dâautres recherches prĂ©sentĂ©es dans la premiĂšre
partie de la thĂšse. Ensuite les perspectives et les limites de la recherche sont
évoquées dans les deux derniÚres sections. Ce chapitre permet de situer la
recherche dans le champ du domaine dâĂ©tude autant en termes de prospectives
que de perspectives.
6.1. Discussion des résultats
Les opinions recueillies auprÚs des répondants montrent une différence entre les
enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement dĂ©terminĂ©es entre autres par leur
fonction et leur différence de perception des effets de la GAR. Les directeurs ont
une perception positive de la GAR à leur trÚs large majorité alors que les
enseignants ont plutÎt une perception négative. Les opinions des enseignants et
des directeurs présentent un lien significatif avec leur fonction. Ces résultats
corroborent les conclusions de Lessard et al. (2008) sur lâidĂ©ologie professionnelle
qui affirment que les perceptions des directeurs de lâutilitĂ© des politiques
Ă©ducatives sont plus grandes. Cependant nous nuançons lâaffirmation de Lessard
et al., (2008) selon laquelle les directeurs dâĂ©tablissement ont connu une
augmentation de leur charge de travail, car nos résultats montrent un
accroissement de la charge de travail seulement dans lâimplantation de la CGRĂ.
Les directeurs identifient plutĂŽt la transformation de leurs rĂŽles et de leurs
responsabilitĂ©s avec la mise en Ćuvre du PR. Au contraire les enseignants
perçoivent dans leur trĂšs large majoritĂ© lâaccroissement de leur charge de travail,
des rÎles et responsabilités de leurs établissements et des leurs.
Nos rĂ©sultats vont Ă©galement dans le mĂȘme sens que les conclusions de Lessard
et al. (2008) sur lâadaptation des acteurs, enseignants comme directeurs, aux
214
prescriptions des politiques. Les acteurs sâadaptent aux nouvelles attentes que
lâimplantation de la GAR a engendrĂ©es au niveau des CS et des parents. MĂȘme si
cette adaptation aux nouvelles attentes a été relativement facile pour les deux
types dâacteurs, le soutien inĂ©gal reçu prĂ©figure que le coĂ»t dâadaptation aux
changements a été différent entre les enseignants et les directeurs. Les
enseignants avec le faible soutien reçu et les occasions de discuter de la GAR
moins nombreuses ont absorbĂ© un coĂ»t dâadaptation aux changements plus Ă©levĂ©
que les directeurs; dâautant plus que les aspects abordĂ©s par la GAR sont plus
Ă©loignĂ©s de leurs tĂąches dâenseignement. On peut par ailleurs constater que les
cibles dans les PR et les CGRà en lien avec la réussite des élÚves interpellent
plus directement les enseignants. Les rĂ©sultats des Ă©lĂšves peuvent ĂȘtre plus
facilement liĂ©s Ă un enseignant quâĂ un directeur dâĂ©cole qui est indirectement
responsable de tous les Ă©lĂšves. Lâaction de coordination place les directeurs dans
une posture dâintervention indirecte sur la rĂ©ussite des Ă©lĂšves contrairement aux
enseignants.
Les enseignants évoquent pour leur part les difficultés à assurer un enseignement
de qualitĂ© pour tous leurs Ă©lĂšves dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es que les auteurs
critiques (Novoa, 1995; Malet, 2009) notamment dans le cas des classes
hĂ©tĂ©rogĂšnes avec lâintĂ©gration des Ă©lĂšves HDAA par exemple. Les Ă©lĂšves nâayant
pas de difficultés particuliÚres seraient selon eux "Sacrifiés" du fait du nivellement
par le bas qui est opĂ©rĂ©, lâenseignant ne pouvant offrir un accompagnement
particulier Ă tous du fait du plus grand besoin dâaide des Ă©lĂšves HDAA. En plus les
enseignants rapportent mettre beaucoup plus de temps à répondre aux demandes
des parents [nouveaux impératifs dans les relations école-communauté
(Boyd, 1999)] alors mĂȘme que cela ne fait pas, de leur point de vue, partie de leurs
tĂąches professionnelles normales, vu quâils ne sont pas des Ă©ducateurs
spécialisés. Ces nouveaux rÎles assignés aux enseignants ne sont pourtant pas
comptabilisĂ©s comme de nouvelles tĂąches dans le sens oĂč ils ne sont pas
rĂ©munĂ©rĂ©s en heures supplĂ©mentaires et quâils ne bĂ©nĂ©ficient pas dâallĂšgements
de leurs autres tĂąches. Cela est dâautant plus difficile que les enseignants nâayant
215
pas reçu de formation pour exercer ces nouveaux rĂŽles doivent quand mĂȘme
réaménager leur emploi du temps et acquérir le savoir-faire nécessaire pour
réaliser ces tùches. Cela amÚne à penser que les efforts demandés aux acteurs
dans lâimplantation de la GAR sont trĂšs inĂ©gaux. Paradoxalement, la
reconnaissance des résultats obtenus met plus en avant les directeurs
dâĂ©tablissement. Les rĂ©sultats des Ă©coles leur Ă©tant attribuĂ©s en totalitĂ© alors que
les enseignants ne se voient reconnaßtre que les résultats des élÚves de leur
classe. La forme de moyenne dans laquelle sont présentés les résultats des élÚves
dans les PR et les CGRĂ qui servent de supports aux rĂ©sultats dâensemble
favorise cette plus grande reconnaissance du mérite des directeurs
dâĂ©tablissement comparĂ©s aux enseignants dont lâapport partiel est moins visible.
De nombreuses critiques de la philosophie de lâĂ©valuation (Martuccelli, 2009) se
retrouvent dans les commentaires des acteurs qui perçoivent plusieurs biais et
manipulations qui font perdre Ă lâĂ©valuation son objectivitĂ© et le pouvoir de rendre
compte de la réussite réelle des élÚves. à ce propos, la fédération autonome de
lâenseignement dĂ©nonçait dans un article paru dans Le Devoir le « tripotage »
« des résultats des examens pour gonfler artificiellement le taux de réussite des
élÚves » au primaire et au secondaire (Le Devoir, 28 avril 2017). Selon le sondage
menĂ© par ce syndicat dâenseignants, 47,0 % des rĂ©pondants indiquent avoir vu les
notes de leurs élÚves modifiées sans leur consentement. Selon les résultats du
mĂȘme sondage, 20,0 % des enseignants ont dĂ©jĂ reçu une demande de modifier
des rĂ©sultats dâĂ©lĂšves notamment pour atteindre les cibles (Le Devoir, 28 avril
2017). Dans le mĂȘme article, il est affirmĂ© que le ministre de lâĂducation
reconnaissait que les rĂšgles du ministĂšre permettent de porter les notes de 58 et
59 % à la note de passage qui est 60 % (Le Devoir, 28 avril 2017). Le référent
Ă©tant non le travail et les compĂ©tences de lâĂ©lĂšve, mais les objectifs chiffrĂ©s du
systĂšme (Malet, 2009). Cela entre en contradiction avec les politiques
pédagogiques qui sont en approche par compétences. En effet, un des principaux
avantages de lâapproche par compĂ©tences rĂ©side dans lâefficacitĂ© externe
(rĂ©ussite Ă©ducative) de lâĂ©cole quâelle vise Ă accroitre. Les apprenants peuvent
216
utiliser leurs compĂ©tences, quel que soit le niveau dâĂ©tude quâils vont atteindre.
Cette approche trĂšs pragmatique de la rĂ©ussite est en contradiction avec lâaspect
trĂšs administratif de lâefficacitĂ© interne (rĂ©ussite scolaire) amenĂ©e par la GAR. Le
manque de cohĂ©rence apparaĂźt Ă©galement dans le choix des outils dâimplantation.
La CGRà met en relief la notion de réussite éducative dans sa dénomination dans
un sens similaire Ă lâapproche par compĂ©tences, mais dans ses prescriptions met
lâaccent sur la rĂ©ussite scolaire.
Les résultats obtenus montrent que les perceptions des acteurs sur les effets de
la GAR ne sont ni totalement positives, ni totalement négatives comme le concluait
Meuret (2012) dans sa méta-analyse des évaluations des politiques de GAR
effectuĂ©es aux Ătats-Unis. Autant les enseignants que les directeurs
dâĂ©tablissement perçoivent des effets positifs et nĂ©gatifs de lâimplantation de la
GAR sur leur travail, leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s et sur lâefficacitĂ© des
établissements. Cela peut amener à déplacer le débat de la pertinence de la GAR
du terrain des valeurs (origine nĂ©olibĂ©rale) Ă celui de lâefficacitĂ© (impact sur la
réussite des élÚves). Il serait intéressant de changer les aspects jugés négatifs
pour aller vers une forme de GAR nouvelle, plus éloignée de la forme actuelle,
mais plus adaptĂ©e aux enjeux et aux spĂ©cificitĂ©s du secteur de lâĂ©ducation. Un tel
pragmatisme serait de nature Ă faciliter le dialogue des acteurs et donc
lâintelligence collective et la synergie nĂ©cessaires pour conjuguer les efforts et
concentrer les énergies sur les vrais défis de la réussite des élÚves. En effet tous
les efforts consacrés à la gestion des résistances des enseignants pourraient
servir Ă la recherche dâapproches pĂ©dagogiques et de gestion plus efficaces dans
la mobilisation des forces des acteurs.
Concernant les effets perçus sur les conditions de travail (intĂ©rĂȘts), nos rĂ©sultats
appuient les conclusions de certains auteurs (Lessard et al., 2008, 2009; Shipps
et White, 2009) qui affirment que la GAR entraĂźne une perte dâautonomie
professionnelle et lâaccroissement de la charge de travail et du contrĂŽle pour les
acteurs. Dans nos rĂ©sultats, cette perte dâautonomie professionnelle est allĂ©guĂ©e
217
dans les commentaires libres sur la GAR. Les enseignants Ă©voquent des
pressions des directeurs dâĂ©tablissement sur eux pour ajuster leurs Ă©valuations en
fonction de critĂšres externes comme lâatteinte des cibles. La participation qui Ă©tait
favorisĂ©e par la dĂ©centralisation des annĂ©es 90 serait plus fonctionnelle vu lâaction
indirecte de la GAR sur lâintervention pĂ©dagogique des enseignants. La
recentralisation et la normalisation qui accompagne la GAR ne favorisent pas la
crĂ©ativitĂ© et lâinnovation des enseignants. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, leur
motivation peut ĂȘtre entravĂ©e par lâabsence de consĂ©quences directes
(récompenses ou sanctions) en lien avec les résultats obtenus. Le souhait des
enseignants de voir lâintervention organisĂ©e Ă partir de leur diagnostic et des
préoccupations pédagogiques pourrait favoriser une meilleure utilisation du focus
sur les résultats que permet la GAR pour une plus grande réussite des élÚves.
Les conclusions de Malet (2009) sur la baisse du prestige social (appréciation
nĂ©gative de lâopinion publique) des enseignants avec la GAR sont confirmĂ©es dans
la présente étude. Par contre, la détérioration des relations de travail et du
dĂ©veloppement professionnel des enseignants (Malet, 2009) nâest pas confirmĂ©e
par les rĂ©sultats, car les rĂ©pondants perçoivent un effet positif de lâimplantation de
la GAR sur ces aspects de leurs conditions de travail. Ces deux dimensions sont
jugées positivement autant par les enseignants que par les directeurs
dâĂ©tablissement.
Relativement aux effets perçus sur les rÎles et responsabilités (institutions), nos
résultats renvoient à la sédimentation des politiques (Maroy et al., 2013) avec la
superposition de rÚgles et de rÎles issus de différentes politiques qui ne sont pas
toujours faciles à combiner. Les enseignants perçoivent un accroissement de leurs
rÎles et responsabilités qui se manifestent dans le fait que de nouvelles tùches
sâajoutent aux anciennes. Pendant ce temps, les ressources, notamment le
soutien accompagnement (formation), seraient plutĂŽt faibles. Cela contribue aux
coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels Ă©levĂ©s des enseignants qui
vivent diffĂ©remment la mise en Ćuvre de la GAR que les directeurs
218
dâĂ©tablissement qui connaissent Ă©galement une transformation de leurs rĂŽles et
responsabilitĂ©s. Ces derniers supportent un coĂ»t dâadaptation aux changements
institutionnels moindre du fait de la proximité des prescriptions de la GAR avec
leurs tĂąches professionnelles et du plus grand soutien quâils ont reçu dans sa mise
en Ćuvre. Les dispositifs de soutien pour lâimplantation des changements planifiĂ©s
(Turcotte et Bastien, s.d.), amenés par les PL 124 et 88 instituant la GAR dans les
Ă©tablissements scolaires ont surtout concernĂ© les directeurs dâĂ©tablissements. Ces
derniers reconnaissent avoir bénéficié de formation alors que les enseignants
nâont eu que de lâinformation. Pourtant les deux groupes avaient de nouvelles
prescriptions Ă mettre en Ćuvre dans leurs pratiques professionnelles. Le fait que
seuls les directeurs dans leur posture de gestion soient impliqués directement
dans lâĂ©laboration et la transmission du PR et de la CGRĂ nâenlĂšve pas le besoin
des enseignants de comprendre les changements qui leur sont demandés.
Lâappropriation est une Ă©tape importante pour la mise en Ćuvre efficace des
nouvelles prescriptions. Par ailleurs, le PR qui a était instauré comme un outil de
mis en Ćuvre du projet Ă©ducatif est mieux apprĂ©ciĂ© que la CGRĂ qui est un outil
de contractualisation. Le CGRĂ est au service de la CS contrairement au PR qui
est au service de la communauté qui a élaboré le projet éducatif. Cela montre
lâimportance de lâappropriation et de lâadhĂ©sion de tous les acteurs aux
changements Ă implanter.
Ă propos des effets perçus de la GAR sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements (idĂ©es),
nos rĂ©sultats montrent que les enseignants et les directeurs ont la mĂȘme
perception dâefficacitĂ© du PR et de la CGRĂ dans la poursuite des finalitĂ©s
instruire, socialiser et qualifier. Les outils pour lesquels ils expriment une opinion
positive ont eu un effet levier dans la poursuite des finalités du systÚme éducatif
dans les Ă©tablissements. La qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant
sâavĂšre le facteur que tous les acteurs considĂšrent comme ayant le plus fort
potentiel pour lâamĂ©lioration de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves. La majoritĂ© sâentend aussi
sur le fait que lâorientation humaniste mise en Ćuvre dans leur Ă©tablissement est
conforme à leur idéal.
219
Ăgalement, lâenseignement qui permet lâĂ©galitĂ© des chances (Ă©quitĂ©) fourni dans
leur établissement est conforme à leur idéal. Ces résultats confirment les études
qui dĂ©signent lâeffet enseignant comme Ă©tant le facteur principal de la rĂ©ussite des
Ă©lĂšves. Le choc de valeurs (Meirieu, 2004; Tochon, 2010) entre lâorientation
humaniste de lâĂ©cole et lâorientation Ă©conomique de la GAR qui est une rĂ©sultante
du NMP est manifeste dans les commentaires des acteurs. Cependant, nous
apportons une nuance en ce sens que le choc des valeurs nâest pas vĂ©cu dans la
mesure oĂč les acteurs perçoivent une harmonie entre leur idĂ©al en termes
dâorientations et de type dâenseignements Ă fournir dans les Ă©tablissements et ce
qui existe effectivement. Cela pourrait sâexpliquer par le fait que la GAR ne soit
pas encore suffisamment bien intégrée dans les pratiques des acteurs. Aussi, le
type de GAR mis en Ćuvre au QuĂ©bec Ă©tant de nature nĂ©o-statiste (douce) (Maroy
et al., 2013), les implications de sa mise en Ćuvre seraient moins prononcĂ©es au
niveau des Ă©tablissements. La GAR, telle quâimplantĂ©e, reste surtout un ensemble
de rÚgles de gestion qui ne sont pas suffisamment arrimées aux pratiques des
Ă©tablissements (Maroy, 2013). Les rĂ©pondants Ă©voquent dâailleurs cette
dimension bureaucratique de la GAR dans leurs commentaires sur sa pertinence
et son efficacité.
Par ailleurs, nos rĂ©sultats montrent quâil existe des liens entre les opinions des
acteurs et leurs perceptions des effets de la GAR sur leurs conditions de travail,
leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s et lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement, lâanalyse de la
force des liens significatifs Ă©valuĂ©e Ă lâaide du Phi a permis de dĂ©finir la force des
relations entre les variables. Le lien est plus fort au niveau des variables relations
de travail et développement professionnel et fonction. Autant chez les enseignants
que chez les directeurs dâĂ©tablissement, ces trois variables prĂ©sentent un lien
statistique significatif qui est confirmé par la concordance de la tendance négative
pour les enseignants et positive pour les directeurs entre les opinions et les effets
perçus.
220
Ces résultats renvoient à la faible prise en compte du coût humain et de la
dimension culturelle dans la mise en Ćuvre de la GAR (Fortier, 2010;
Bourgault, 2004; Emery, 2005). Les acteurs ont évoqué de nombreuses
inadĂ©quations de la politique de la GAR, notamment avec les ĂȘtres humains et le
mĂ©tier dâenseignant. La faiblesse du soutien accompagnement dans la mise en
Ćuvre de la GAR pour laquelle les acteurs scolaires ont essentiellement reçu de
lâinformation constitue un constat dans ce sens. Lâaccroissement de la charge de
travail autant en volume quâen complexitĂ© Ă©voquĂ© dans les commentaires confirme
la faible prise en compte du coĂ»t humain. Les enseignants Ă©voquent lâintĂ©gration
des Ă©lĂšves ayant des difficultĂ©s dâapprentissage dans les classes rĂ©guliĂšres sans
pour autant que des ressources adéquates et des cibles adaptées ne soient mises
en place. Les réponses aux sollicitations des parents sont également citées
comme Ă©tant un facteur dâalourdissement de la tĂąche des enseignants. Les
pressions exercĂ©es sur les enseignants pour lâatteinte des cibles principalement
dans lâĂ©valuation entraĂźnent une dĂ©tĂ©rioration des relations de travail et menacent
lâautonomie professionnelle (Malet, 2010). Tous ces Ă©lĂ©ments alourdissent le coĂ»t
humain de la mise en Ćuvre de la GAR et intensifient le travail enseignant. Aussi
le coĂ»t rĂ©el des rĂ©sultats semble ĂȘtre sous-estimĂ© dans la mesure ou le travail non
rĂ©munĂ©rĂ© des enseignants et directeurs nâest pas comptabilisĂ© dans les rapports
oĂč sont prĂ©sentĂ©s les rĂ©sultats. Les coĂ»ts sociaux des effets pervers entraĂźnĂ©s par
la surcharge de travail et la pression Ă la performance semblent aussi ne pas ĂȘtre
comptabilisés.
Enfin, nos résultats montrent que la cohérence hiérarchique dans les opinions sur
la GAR fait défaut. La prépondérance des divergences par rapport aux zones de
convergences dans les principes de la GAR et ses stratégies rend difficile cette
cohĂ©rence. NĂ©anmoins, les convergences dâopinions sur la planification
stratĂ©gique, la pertinence des outils et leurs effets perçus sur lâefficacitĂ© des
Ă©tablissements peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme un dĂ©but de cohĂ©rence
hiĂ©rarchique. Lâambivalence des stratĂ©gies dâimplantation et la faible cohĂ©rence
horizontale et verticale quâelle gĂ©nĂšre rendent complexe et difficile une Ă©valuation
221
rĂ©elle des rĂ©sultats de la GAR. Par lĂ mĂȘme, câest la pertinence des rĂ©formes
suivantes dans un contexte dâamĂ©lioration et de changement continus qui devient
plus difficile à assurer. Les gains de réussite éventuels étant difficilement
attribuables Ă une ou lâautre orientation, il devient difficile de privilĂ©gier les
orientations les plus prometteuses. LâinconvĂ©nient supplĂ©mentaire de la
juxtaposition et de lâaccumulation des rĂšgles accentue la complexitĂ© de la GAR et
les modalitĂ©s de sa mise en Ćuvre. Cette complexitĂ© pose un enjeu dâaccessibilitĂ©
de la politique aux acteurs qui doivent la comprendre et la mettre en Ćuvre de
façon contextualisĂ©e Ă leurs besoins locaux. Lâabsence de nombreuses conditions
jugĂ©es nĂ©cessaires pour la rĂ©ussite de lâimplantation de la GAR amĂšne une
question sur la conception et lâĂ©laboration des politiques Ă©ducatives.
La derniĂšre rĂ©forme (projet de loi 105) de la mise Ćuvre de la GAR qui a apportĂ©
une simplification dans les documents utilisés laisse en suspens certaines
réserves des acteurs. Notamment la nécessité de partir du diagnostic des acteurs
de lâĂ©cole pour identifier les solutions efficaces pour accroĂźtre la rĂ©ussite des
Ă©lĂšves. Les stratĂ©gies de la contractualisation et de lâalignement stratĂ©gique
décriées par les enseignants qui les assimilent au top-down ont été renforcées.
Cela corrobore Ozga, (2009) qui affirme que les nouvelles politiques Ă©ducatives
mettent en place une recentralisation et la dĂ©possession du niveau local quâest
lâĂ©tablissement et McNaughton et al., (2007) qui voit que les rĂ©formes se font
essentiellement dans une approche top-down.
222
6.2. Pistes de recherche
Les rĂ©sultats de cette recherche ont permis dâanalyser les reprĂ©sentations et vĂ©cus
des acteurs sur lâimplantation de la GAR dans les Ă©tablissements. Il est ressorti
quâil y avait globalement une divergence des opinions et des perceptions entre les
enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement sur la GAR et son implantation. Cela
nous amÚne à conclure que la cohérence hiérarchique entre les acteurs des
Ă©tablissements est faible. La question de lâamĂ©lioration de la cohĂ©rence
hiĂ©rarchique se pose alors puisquâelle est considĂ©rĂ©e comme une condition de
réussite de la politique de la GAR. Les zones de convergences identifiées dans
cette étude comme la pertinence de la planification stratégique, des PR et des
CGRĂ, lâeffet levier du PR et de la CGRĂ sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans
la poursuite des finalitĂ©s, la prestation de lâenseignant comme facteur le plus
important dans lâĂ©tablissement pour amĂ©liorer la rĂ©ussite des Ă©lĂšves pourraient-
elles servir de pont pour une plus grande cohérence hiérarchique et une plus
grande efficacitĂ© de lâimplantation de la GAR dans les Ă©tablissements pour
lâaccroissement de la rĂ©ussite des Ă©lĂšves?
Les résultats de la présente étude restent exploratoires et généralisables
seulement avec prĂ©cautions parce que lâĂ©chantillon nâest pas reprĂ©sentatif. Des
recherches similaires pourraient ĂȘtre rĂ©alisĂ©es avec un Ă©chantillon reprĂ©sentatif Ă
lâĂ©chelle des commissions scolaires, des rĂ©gions ou de la province de QuĂ©bec et
ailleurs. Les effets de la GAR sur les conditions de travail et les rĂŽles et les
responsabilitĂ©s des acteurs pourraient Ă©galement ĂȘtre Ă©tudiĂ©s de maniĂšre plus
détaillée. Une étude plus approfondie des opinions et de leurs justifications
pourrait par ailleurs faire lâobjet de recherches dans la continuitĂ© de celle-ci.
Ces diffĂ©rentes recherches pourraient ĂȘtre descriptives, mais Ă©galement
explicatives. Elles confirmeraient ou infirmeraient les diffĂ©rences dâopinions et de
perceptions entre les enseignants et les directeurs dâĂ©tablissement. Les liens entre
les variables dâopinions et de perceptions se prĂȘteraient bien Ă de telles Ă©tudes.
223
Dans une perspective plus mĂ©thodologique, dâautres recherches rĂ©alisĂ©es sur les
objets avec un cadre théorique différent ou une approche qualitative seraient
pertinentes.
6.3. Les limites de la recherche
LâĂ©tude des opinions et des perceptions des enseignants et des directeurs
dâĂ©tablissement prĂ©sente des limites qui sont inhĂ©rentes aux recherches
scientifiques notamment les ressources, la méthodologie utilisée et les sujets.
Dâabord, les ressources Ă©tant limitĂ©es, lâaccĂšs Ă un Ă©chantillon reprĂ©sentatif nâa
pas pu ĂȘtre obtenu. Les diffĂ©rentes sollicitations aux commissions scolaires nâont
pas connu le succÚs escompté. Le contexte de conflit entre les enseignants et le
gouvernement pendant lâannĂ©e 2016 a rendu plus difficile les dĂ©marches pour
trouver des commissions scolaires ou des organisations professionnelles qui
acceptent de collaborer en distribuant le questionnaire. Ainsi, lâĂ©chantillonnage
alĂ©atoire simple nâa pu ĂȘtre effectuĂ©. La stratification de lâĂ©chantillon nâa pas pu
ĂȘtre contrĂŽlĂ©e du fait des effectifs faibles notamment dans le groupe des directeurs
dâĂ©tablissements. La participation Ă©tant volontaire, la reprĂ©sentativitĂ© de
lâĂ©chantillon nâa pu ĂȘtre vĂ©rifiĂ©e. Par ailleurs les deux groupes comparĂ©s Ă©taient
de taille différente. Les enseignants étaient beaucoup plus nombreux (224) que
les directeurs dâĂ©tablissement (47). Ainsi les rĂ©sultats sont exploratoires et ne
peuvent ĂȘtre gĂ©nĂ©ralisĂ©s quâavec prĂ©cautions.
DeuxiĂšmement, lâoutil de collecte de donnĂ©es utilisĂ© prĂ©sente des limites. Le
questionnaire a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© pour les besoins de lâĂ©tude et bien que certains
Ă©lĂ©ments soient inspirĂ©s dâautres questionnaires utilisĂ©s dans des contextes
similaires, il reste que les cibles ont pu avoir des compréhensions plus ou moins
différentes des questions. Par ailleurs les questions fermées encadraient les
possibilitĂ©s de rĂ©ponses et ont peut-ĂȘtre limitĂ©es le choix des participants Ă la
recherche. Lâinformation recueillie sur les thĂšmes abordĂ©s nâest donc pas
exhaustive. Lâoutil de collecte a fait lâobjet dâune validation de contenu, mais
224
gagnerait Ă ĂȘtre Ă©prouvĂ© dans des tests de fidĂ©litĂ©. Cela permettrait de rĂ©aliser
lâĂ©tude avec un Ă©chantillon reprĂ©sentatif et dâutiliser lâoutil ainsi stabilisĂ© dans
dâautres contextes et Ă dâautres pĂ©riodes. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es,
lâopĂ©rationnalisation des concepts et des questions de recherche a peut-ĂȘtre
orientĂ© les rĂ©sultats de lâĂ©tude.
Enfin, les mĂ©thodes de traitement et dâanalyse des donnĂ©es ont privilĂ©giĂ© certaines
informations. Le fait de procéder par la majorité pour qualifier les opinions et les
perceptions des enseignants et des directeurs par exemple ne permet pas de tenir
compte dans lâanalyse des groupes minoritaires. Le regroupement des rĂ©ponses
dans lâanalyse pour la dichotomisation des opinions et des perceptions a fait perdre
des informations qui auraient pu enrichir lâanalyse. Les tests statistiques utilisĂ©s
prĂ©sentent des marges dâerreur qui mĂȘme si elles ne remettent pas en cause la
validitĂ© des rĂ©sultats obtenus doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es.
225
Conclusion générale
LâĂ©tude des opinions de la GAR et des perceptions sur ses effets des enseignants
et des directeurs a permis dâanalyser les reprĂ©sentations et vĂ©cus de ces acteurs
de lâimplantation de la politique de GAR dans les Ă©tablissements au QuĂ©bec. Il
ressort de cette analyse que la GAR en Ă©ducation nâest ni totalement positive ni
totalement nĂ©gative comme lâa soulignĂ© Meuret (2012) dans son Ă©tude des effets
des politiques de GAR aux Ătats-Unis. Les enseignants ont des opinions et des
perceptions majoritairement négatives contrairement aux directions. Les
représentations des enseignants et des directeurs sont globalement divergentes,
rĂ©vĂ©lant une faible cohĂ©rence hiĂ©rarchique entre ces acteurs clĂ©s de lâimplantation
de la GAR dans lâĂ©tablissement. Cette faiblesse de cohĂ©rence hiĂ©rarchique est
porteuse de tensions entre les acteurs qui ne favorisent pas la collaboration et la
synergie pourtant nĂ©cessaire pour lutter efficacement contre lâĂ©chec et le
dĂ©crochage scolaire Ă lâorigine des rĂ©formes du dĂ©but des annĂ©es 2000 (Gosselin
et Lessard, 2007).
Du point de vue des enseignants la majorité des principes et des stratégies de la
GAR ne sont pas pertinents pour la réussite des élÚves et seraient plutÎt sources
dâeffets non dĂ©sirĂ©s qui ne contribuent pas aux intĂ©rĂȘts des individus et de la
société. En revanche, les outils utilisés sont considérés comme pertinents et ils
ont favorisĂ© lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s du
systĂšme Ă©ducatif.
Du point de vue des directeurs dâĂ©tablissement les principes, les stratĂ©gies et les
outils de la GAR sont pertinents pour soutenir lâimplantation de la GAR et la
rĂ©ussite du plus grand nombre dâĂ©lĂšves quâelle vise et ont ainsi eu un effet levier
dans lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme
Ă©ducatif.
226
Autant les enseignants que les directeurs trouvent Ă la GAR un potentiel et un effet
positif sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements qui les amĂšne Ă penser quâelle devrait
ĂȘtre maintenue dans le systĂšme Ă©ducatif. Cependant, ce maintien demande que
des ajustements soient apportés à son implantation.
Comme les opinions, les représentations des enseignants et des directeurs des
effets de lâimplantation de la GAR sont majoritairement divergentes. Les
enseignants perçoivent globalement des effets nĂ©gatifs de lâimplantation des PR
et des CGRà sur leurs conditions de travail et sur leurs rÎles et responsabilités
professionnels. Leurs charges et relations de travail, leurs autonomie et
développement professionnels, leur évaluation et le prestige de leur fonction ont
Ă©tĂ© globalement impactĂ©s nĂ©gativement par la GAR. De mĂȘme leurs rĂŽles et
responsabilitĂ©s ont Ă©voluĂ© dans le sens dâun accroissement alors que le soutien
quâils ont reçu est faible au moment oĂč les attentes des CS et des parents ont
augmentĂ©. En somme lâimplantation de la GAR a nui Ă leurs intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels et gĂ©nĂ©rĂ© pour leurs pratiques un coĂ»t dâadaptation aux
changements institutionnels Ă©levĂ©. Ils trouvent cependant que lâeffet de la GAR sur
lâefficacitĂ© des Ă©tablissements est positif tant que le systĂšme reste orientĂ© vers le
dĂ©veloppement de lâindividu (humaniste) en fournissant un enseignement
Ă©quitable qui permet de conserver lâaccessibilitĂ© qui est chĂšre aux critiques des
nouvelles politiques Ă©ducatives.
Les directeurs contrairement aux enseignants trouvent quâen plus de lâeffet positif
(effet levier) sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements, lâimplantation de la GAR a
contribué à améliorer leurs conditions de travail et leurs rÎles et responsabilités.
En somme lâimplantation de la GAR a servi leurs intĂ©rĂȘts socioprofessionnels et
gĂ©nĂ©rĂ©s pour leurs pratiques un faible coĂ»t dâadaptation aux changements
institutionnels.
Par ailleurs, il a été constaté que le PR est perçu comme ayant eu des effets plus
positifs que la CGRĂ qui est lâoutil de mise en Ćuvre de la contractualisation dans
227
les Ă©coles. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, les commentaires ont beaucoup portĂ© sur
les points faibles de la GAR notamment la stratégie top-down qui est la
matĂ©rialisation de lâalignement stratĂ©gique.
Lâanalyse des liens entre les opinions et les perceptions des enseignants et des
directeurs sur lâimplantation de la GAR montre que les reprĂ©sentations des effets
de la GAR des acteurs influencent leurs opinions de cette politique. Les opinions
des enseignants sont ainsi en cohĂ©rence avec les effets perçus de lâimplantation
de la GAR. Les stratĂ©gies jugĂ©es non pertinentes sont Ă lâorigine dâeffets nĂ©gatifs
dans lâimplantation de la GAR sur les conditions de travail des acteurs et sur leurs
rÎles et responsabilités. En revanche, les outils qui sont jugés pertinents ont eu
des effets positifs sur lâefficacitĂ© des Ă©tablissements dans la poursuite des finalitĂ©s
du systĂšme Ă©ducatif. Le PR, lâoutil de mise en Ćuvre de la seule stratĂ©gie jugĂ©e
pertinente par les enseignants, a entraĂźnĂ© moins dâeffets nĂ©gatifs que la CGRĂ.
Par ailleurs, les perspectives que les enseignants voudraient voir donner Ă la GAR
corroborent ces rĂ©sultats dans la mesure oĂč ils souhaitent un maintien de la
politique avec des ajustements majeurs. Autrement dit, de conserver ce qui a
produit des effets positifs et de changer ce qui a entraßné des effets négatifs.
Les opinions positives des directeurs de la GAR sont en cohérence avec leurs
perceptions positives des effets de son implantation sur leurs conditions de travail,
leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s et leur vision de lâefficacitĂ© de leur Ă©tablissement. Les
principaux aspects que les directeurs trouvent négatifs sont les effets de la GAR
sur leur charge de travail et lâaugmentation des attentes (CS et parents) quâelle a
engendrĂ©e. Les directeurs Ă©voquent Ă©galement la bureaucratie et lâinsuffisance
des ressources comme faiblesse Ă corriger notamment en favorisant le principe
de subsidiarité. Les perspectives que les directeurs voudraient voir donner à la
GAR corroborent ces rĂ©sultats dans la mesure oĂč ils souhaitent un maintien de la
politique avec des ajustements mineurs. Ce qui sous-entend que les aspects
positifs largement dominants sont à consolider et les aspects négatifs à changer.
La divergence dans les opinions et les perceptions des enseignants et des
228
directeurs sur la GAR est donc nette et cela confirme notre premiĂšre hypothĂšse
sur lâexistence dâun lien entre les opinions de la GAR et les perceptions sur les
effets de son implantation sur les acteurs et leur Ă©tablissement.
Les liens significatifs et leur force identifiés entre les opinions et les perceptions
des effets sont Ă©galement divergents entre les enseignants et les directions. Les
nombreux liens significatifs entre les effets perçus sur les conditions de travail, les
rĂŽles et responsabilitĂ©s et la vision de lâefficacitĂ© des Ă©tablissements et les opinions
de la GAR montrent que les perceptions des effets de lâimplantation des
enseignants et des directeurs influencent leurs opinions de la GAR. Cependant,
les variables qui influencent les opinions sont majoritairement différentes chez les
enseignants et les directeurs en ce sens que les variables des perceptions qui
présentent un lien significatif avec les opinions sont différentes chez les deux types
dâacteurs scolaires. Les zones de convergences pour les dĂ©terminants ne portent
que sur les relations de travail, le développement professionnel et la fonction. Ces
trois variables sont à la fois des déterminants des opinions des enseignants et des
directions.
Les relations identifiées sont relativement fortes ou modérées chez les directeurs
et les enseignants. Lâexplication des divergences dâopinions et de perceptions des
acteurs par rapport Ă lâimplantation de la GAR sur leurs conditions de travail et
leurs rÎles et leurs responsabilités, se trouve dans leur idéologie professionnelle
différente selon la fonction. Cette idéologie professionnelle différente pour les
enseignants et les directeurs (Lessard et al., 2008), explique les différences de
reprĂ©sentation entre les enseignants et les directions. En effet, lâidĂ©ologie
professionnelle qui « a une dimension normative, véhiculant une vision idéale du
travail qui sert de justification aux revendications du groupe ou de fondement Ă la
rĂ©sistance Ă des Ă©volutions perçues comme contraires aux valeurs et aux intĂ©rĂȘts
du groupe » (Lessard et al., 2008, p.96) influencent les perceptions des acteurs
sur les effets de lâimplantation de la GAR sur leurs conditions de travail (intĂ©rĂȘts
socioprofessionnels) et leurs rĂŽles et responsabilitĂ©s (coĂ»ts dâadaptation aux
229
changements institutionnels) ainsi que leurs opinions de la GAR (pertinence des
fondements et des moyens dâimplantation). La perception des effets sur lâefficacitĂ©
des établissements étant similaire pour les deux groupes comparés, alors que
leurs opinions sont différentes, son pouvoir explicatif est nul.
En définitive, les opinions de la GAR et les perceptions des effets de son
implantation des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement sont globalement
divergentes, les enseignants ayant des opinions et des perceptions plutĂŽt
nĂ©gatives, contrairement aux directeurs dâĂ©tablissement. Ces divergences
sâexpliquent par leur idĂ©ologie professionnelle diffĂ©rente. Cependant, il existe de
nombreuses zones de convergences entre les deux groupes autant au niveau des
opinions et leurs dĂ©terminants quâau niveau des perceptions.
Nos rĂ©sultats montrent quâil y a des divergences sur des aspects fondamentaux
comme les principes qui fondent la GAR et lui donnent son essence, comme
lâimputabilitĂ©, la reddition de comptes ou la dĂ©finition de cibles chiffrĂ©es, les
stratĂ©gies dâimplantation et les effets du PR et de la CGRĂ autant sur les
conditions de travail que sur les rÎles et responsabilités des acteurs. Par ailleurs,
les divergences sur les perspectives Ă donner sont assez nettes. MĂȘme si tous les
acteurs pensent quâil faudrait maintenir la GAR, la distance entre des ajustements
majeurs et des ajustements mineurs est grande. Les ajustements majeurs
traduisant une insatisfaction globale appelant des changements profonds de
grande envergure contrairement aux ajustements mineurs qui traduisent une
satisfaction globale.
Les convergences au niveau de la pertinence des outils et de leur efficacité dans
la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme Ă©ducatif, de la plus haute importance Ă
accorder au facteur prestation professionnelle de lâenseignant pour accroĂźtre la
rĂ©ussite, lâorientation humaniste et lâenseignement Ă©quitable fourni dans les Ă©coles
comme dans lâidĂ©al des acteurs scolaires restent trĂšs intĂ©ressants. Ces Ă©lĂ©ments
pourraient servir de base pour bùtir une plus grande cohérence hiérarchique au
230
niveau des Ă©tablissements dont la plus grande synergie des acteurs pourrait
permettre de meilleurs rĂ©sultats pour les Ă©lĂšves Ă lâimage de ce qui peut ĂȘtre fait
dans le leadership partagé.
Les rĂ©sultats de la prĂ©sente Ă©tude ont une portĂ©e scientifique dans la mesure oĂč
ils contribuent à documenter les représentations des enseignants et des directeurs
sur lâimplantation de la GAR et ses effets dans les Ă©tablissements primaires et
secondaires au Québec. Nos résultats confirment ou apportent des nuances aux
conclusions dâautres recherches, notamment sur lâidĂ©ologie professionnelle et sur
lâimplantation de la GAR en Ă©ducation.
Dâabord, nos analyses confirment le pouvoir explicatif de lâidĂ©ologie
professionnelle sur les représentations des enseignants et des directeurs sur les
politiques éducatives (Lessard et al., 2008) avec les trois déterminants des
opinions trouvés à savoir les relations de travail, le développement professionnel
et la fonction. Les résultats confirment également les conclusions sur la
sédimentation des politiques (Maroy et al, 2013) dans les réformes de la GAR en
Ă©ducation avec les enseignants qui voient leurs nouvelles responsabilitĂ©s sâajouter
aux anciennes. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es la recentralisation et la dĂ©possession
du local dans les réformes des politiques éducatives (Ozga, 2009) sont aussi
observées avec les nombreuses critiques des enseignants et des directeurs sur
lâapproche top-down, la contractualisation, lâalignement stratĂ©gique et la
localisation des ressources dans les paliers supĂ©rieurs dans lâimplantation de la
GAR. La prĂ©sence de la philosophie de lâĂ©valuation (Malet, 2010;
Martuccelli, 2009) est aussi avĂ©rĂ©e avec les nombreux biais et effets pervers quâils
entraßnent que les enseignants ont dénoncés.
Ensuite, la faible prise en compte du coût humain et de la dimension culturelle
dans la mise en Ćuvre de la GAR (Bourgault, 2004; Emery, 2005; Fortier, 2010;
Malet, 2009) apparaßt dans la faiblesse du soutien reçu par les enseignants. Le
choc des valeurs (Meirieu, 2004; Tochon, 2010) nâest cependant pas vĂ©cu par les
231
rĂ©pondants qui voient dans leur Ă©tablissement la mise en Ćuvre dâune orientation
humaniste et dâun enseignement qui permet lâĂ©galitĂ© des chances conforment Ă
leurs idĂ©aux de lâĂ©ducation. Les rĂ©sultats mitigĂ©s de lâimplantation de la GAR
(Meuret, 2012) sont aussi confirmés dans les divergences des perceptions des
effets de lâimplantation de la GAR qui sont positifs pour certains acteurs et nĂ©gatifs
pour dâautres.
Enfin la détérioration des conditions de travail des acteurs (Lessard et
al., 2008, 2009; Malet, 2009; Shipps et White, 2009) avec lâimplantation des
politiques de GAR se confirme surtout chez les enseignants qui perçoivent
majoritairement des effets nĂ©gatifs sur leurs conditions de travail de lâimplantation
des PR et CGRĂ. Cette dĂ©tĂ©rioration apparaĂźt Ă©galement dans la perte
dâautonomie et les pressions subies par les enseignants (Malet, 2009).
Les rĂ©sultats confirment Ă©galement la pertinence de lâapproche des « Trois I »de
Palier et Surel (2005) qui a permis de conduire cette recherche. Les trois Ă©tapes
préconisées se sont avérées pertinentes et opérationnelles pour identifier les
variables, les hypothĂšses de recherche, la construction du questionnaire et
lâanalyse et lâinterprĂ©tation des donnĂ©es.
Au plan social, les résultats de cette étude contribuent à documenter les
divergences, mais aussi les convergences dâopinions et de perceptions des
enseignants et des directeurs dâĂ©tablissement qui sont les principaux acteurs de
lâimplantation des politiques dans les Ă©tablissements. Les zones de convergences
de vues identifiées pourraient servir de point de départ à un dialogue nécessaire
pour la collaboration et la synergie des acteurs dans la prise en charge des
nombreux défis de la réussite des élÚves. La cohérence hiérarchique reconnue
comme lâune des conditions Ă lâimplantation rĂ©ussie de la GAR ainsi amĂ©liorer
pourrait aider Ă rĂ©duire les tensions dans lâimplantation des rĂ©formes Ă©ducatives.
232
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248
249
Annexes
Annexes 1 : Lâannonce de recrutement
Bonjour,
Je me nomme Pascal-Waly FAYE et je suis Ătudiant au doctorat en Administration et Ăvaluation en Ăducation de l'UniversitĂ© Laval. Ma thĂšse s'intitule : Ătude comparative des opinions et des perceptions des enseignants et des gestionnaires de lâenseignement primaire et secondaire du QuĂ©bec sur la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats et ses effets. Je suis dirigĂ© par M. Denis Savard, professeur Ă l'UniversitĂ© Laval.
Dans le cadre de ma recherche doctorale, je suis Ă la recherche de participants pour une Ă©tude sur la pertinence et le potentiel de la GAR dans la rĂ©gulation du systĂšme Ă©ducatif. LâĂ©tude vise Ă comparer les opinions et les perceptions des enseignants et des gestionnaires de lâenseignement primaire et secondaire du QuĂ©bec sur la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats (GAR) et ses effets par rapport Ă son potentiel Ă accroitre la «°rĂ©ussite du plus grand nombre°».
La recherche va se dérouler en deux phases :
Le sondage par questionnaire sera adressĂ© Ă lâensemble de lâĂ©chantillon des enseignants et gestionnaires. Il sera rempli en ligne pour une durĂ©e approximative de 30 Ă 60 minutes. Si vous ĂȘtes intĂ©ressĂ©, cliquez sur le lien pour rĂ©pondre au questionnaire en ligne;
Des entrevues semi-dirigĂ©es dâune durĂ©e dâ1h 30 environ. Les entretiens comprendront des questions ouvertes. Ils seront enregistrĂ©s et retranscrits. Des courriels de demande de rendez-vous vous seront envoyĂ©s pour cette seconde phase;
Aucune compensation monĂ©taire nâest offerte.
Les critÚres de sélection sont :
Ătre enseignant ou directeur travaillant dans un Ă©tablissement dâenseignement primaire ou secondaire ou de formation des adultes;
Ătre enseignant ou directeur travaillant dans une organisation professionnelle regroupant des enseignants ou des directeurs ;
Accepter de participer Ă lâentrevue.
Si vous avez des questions sur la recherche ou pour participer Ă lâĂ©tude, veuillez communiquer avec le responsable du projet, Mr Pascal-Waly FAYE, par courriel ou par tĂ©lĂ©phone :
418 556-2131, poste 12360
Merci beaucoup, votre collaboration est précieuse pour la réussite de cette recherche.
250
Ce projet a Ă©tĂ© approuvĂ© par le ComitĂ© dâĂ©thique de la recherche de lâUniversitĂ© Laval : No dâapprobation 2014-286 A-3 / 06-05-2016.
251
Annexes 2 : Le feuillet dâinformation pour un consentement implicite et
confidentiel
TITRE DE LA RECHERCHE :
ĂTUDE COMPARATIVE DES OPINIONS ET DES PERCEPTIONS DES
ENSEIGNANTS ET DES GESTIONNAIRES DE LâENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET
SECONDAIRE DU QUĂBEC SUR LA GESTION AXĂE SUR LES RĂSULTATS ET
SES EFFETS
CHERCHEUR PRINCIPAL : Pascal-Waly Faye,
Ătudiant au doctorat Ă la FacultĂ© des sciences de lâĂ©ducation Ă lâUniversitĂ©
Laval
CONTEXTE DU PROJET : Projet de recherche doctorale en administration et Ă©valuation en Ă©ducation
dirigĂ© par Denis Savard, professeur Ă la FacultĂ© des sciences de lâĂ©ducation
Ă lâUniversitĂ© Laval
RENSEIGNEMENTS SUR LE PROJET :
Ce projet de recherche vise Ă comparer les opinions et les perceptions des enseignants6 et des gestionnaires de lâenseignement primaire et secondaire du QuĂ©bec sur la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats (GAR) et ses effets par rapport Ă son potentiel Ă accroitre la rĂ©ussite du plus grand nombre dâĂ©lĂšves.
Les rĂ©sultats de cette recherche permettront dâamĂ©liorer la connaissance du point de vue des enseignants et des gestionnaires sur la pertinence et le potentiel de la GAR dans la rĂ©gulation du systĂšme Ă©ducatif. La comprĂ©hension du lien entre les effets perçus et les opinions des enseignants et des gestionnaires apportera une contribution utile, dâune part, dans la connaissance des mĂ©canismes et des dynamiques Ă lâĆuvre dans les rĂ©formes des politiques publiques et, dâautre part, dans la comprĂ©hension des processus de changement en Ă©ducation. Les rĂ©sultats contribueront aussi Ă vĂ©rifier lâapplicabilitĂ© de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats et ses effets perçus.
VOTRE PARTICIPATION :
Votre participation à cette recherche, consiste à remplir le présent questionnaire comprenant 30 questions portant sur la pertinence, les principes et les outils de la Gestion axée sur les résultats (GAR) ainsi que son potentiel à favoriser la réussite du plus grand nombre. Bien que les réponses à chacune des questions soient importantes pour la recherche, vous demeurez libre de choisir de ne pas répondre ou encore de mettre fin à votre participation à tout moment, sans avoir à vous justifier.
CONFIDENTIALITĂ
Les chercheurs sont tenus dâassurer la confidentialitĂ© aux participants. Ă cet Ă©gard, les mesures qui seront appliquĂ©es dans le cadre de la prĂ©sente recherche sont dĂ©crites ci-dessous.
6 Dans ce questionnaire, le masculin a valeur dâĂ©picĂšne, il dĂ©signe les personnes des deux genres.
252
Durant la recherche :
votre nom sera remplacé par un code dans tout le matériel et les données contenant des renseignements personnels;
seul le chercheur aura accĂšs Ă la liste contenant les noms et les codes, elle-mĂȘme conservĂ©e sĂ©parĂ©ment du matĂ©riel de la recherche et des donnĂ©es;
tout le matériel de la recherche sera conservé dans un classeur verrouillé, dans un local sous clé;
les donnĂ©es en format numĂ©rique seront, pour leur part, conservĂ©es dans des fichiers encryptĂ©s dont lâaccĂšs sera protĂ©gĂ© par lâutilisation dâun mot de passe et auquel seul le chercheur aura accĂšs.
Lors de la diffusion des résultats :
les noms des participants ne paraĂźtront dans aucun rapport;
les résultats seront présentés sous forme globale de sorte que les résultats individuels des participants ne seront jamais communiqués;
les rĂ©sultats de la recherche seront publiĂ©s dans des revues scientifiques, et aucun participant ne pourra y ĂȘtre identifiĂ©;
un court résumé des résultats de la recherche sera expédié aux participants qui en feront la demande au chercheur dont les coordonnées sont fournies dans le présent document.
AprĂšs la fin de la recherche :
la liste des noms et des codes sera dĂ©truite afin que les donnĂ©es qui seront utilisĂ©es dans le cadre dâautres recherches soient rendues anonymes sans possibilitĂ© absolue dâidentifier les participants les ayant fournies.
REMERCIEMENTS :
Votre collaboration est prĂ©cieuse pour nous permettre de rĂ©aliser cette Ă©tude. Câest pourquoi nous tenons Ă vous remercier pour le temps et lâattention que vous acceptez de consacrer Ă votre participation.
ATTESTATION DU CONSENTEMENT :
Le simple retour du questionnaire rempli sera considĂ©rĂ© comme lâexpression implicite de votre consentement Ă participer au projet.
RENSEIGNEMENTS SUPPLĂMENTAIRES:
Si vous avez des questions sur la recherche ou sur les implications de votre participation, veuillez communiquer avec le responsable du projet : Mr Pascal-Waly FAYE au numĂ©ro de tĂ©lĂ©phone 418 656-2131, poste 12360, ou Ă lâadresse courriel [email protected].
Ce projet a Ă©tĂ© approuvĂ© par le ComitĂ© dâĂ©thique de la recherche de lâUniversitĂ© Laval : N dâapprobation 2014-286 A-3 / 06-05-2016.
PLAINTES OU CRITIQUES :
Si vous avez des plaintes ou des critiques relatives Ă votre participation Ă cette recherche, vous pouvez vous adresser, en toute confidentialitĂ©, au bureau de lâOmbudsman de lâUniversitĂ© Laval aux coordonnĂ©es suivantes :
Bureau de lâOmbudsman Pavillon Alphonse-Desjardins, bureau 3320
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2325, rue de lâUniversitĂ© UniversitĂ© Laval QuĂ©bec (QuĂ©bec) G1V 0A6 Renseignements - SecrĂ©tariat : (418) 656-3081 Ligne sans frais : 1-866-323-2271 Courriel : [email protected]
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Annexes 3 : Le questionnaire
ĂTUDE COMPARATIVE DES OPINIONS ET DES PERCEPTIONS DES ENSEIGNANTS ET DES GESTIONNAIRES
DE LâENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET SECONDAIRE DU QUĂBEC SUR LA GESTION AXĂE SUR LES RĂSULTATS ET SES EFFETS
Consignes
Le questionnaire qui suit comporte 5 parties : 1. Les opinions sur la GAR; 2. les enjeux socioprofessionnels de la GAR; 3. les coĂ»ts dâadaptation aux changements institutionnels; 4. la vision des finalitĂ©s et de la performance de lâĂ©cole; 5. les renseignements sociodĂ©mographiques.
Si vous nâavez pas dâopinion sur une question ou si la situation ne sâapplique pas, cocher la case sans rĂ©ponse. Si vous n'avez pas la rĂ©ponse, cocher la case ne sait pas.
NB : dans le texte projet Ă©ducatif* renvoie aussi aux orientations et objectifs dans le cas des centres de formation.
NB : La gestion axée sur les résultats (GAR) est une approche de gestion fondée sur des résultats mesurables répondant aux objectifs et aux cibles définis préalablement en fonction des services à fournir. En éducation, les projets de loi 124 et 88 ont entrainé des modifications de la LIP qui modifie le projet éducatif et instaure le plan de réussite et la convention de gestion et réussite éducative dans les établissements scolaires ainsi que les plans stratégiques et les conventions de partenariat dans les commissions scolaires.
Section 1 : Pertinence des principes, des outils et des stratégies de la GAR
1. Quel est votre niveau de connaissance de la gestion axée sur les résultats et du projet éducatif?
N° ĂnoncĂ©s Aucune connaissance
Faible ĂlevĂ© NSP NRP/NA
1 2 3 4 5 6
1.1.1 La gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats â â â â â â â â â 1.1.2 Le projet Ă©ducatif* â â â â â â â â â
255
2. Indiquez votre degrĂ© dâaccord ou de dĂ©saccord concernant la pertinence des principes de la gestion axĂ©e sur les rĂ©sultats par rapport Ă la rĂ©ussite du plus grand nombre.
N° Principes Totalement en désaccord
1
Assez en désaccord
2
Un peu en désaccord
3
Un peu en accord
4
Assez en accord
5
Totalement en accord
6
NSP NRP/ NA
1.2.1 Lâatteinte de rĂ©sultats en fonction dâobjectifs prĂ©Ă©tablis, rendus publics et mesurĂ©s Ă lâaide dâindicateurs, permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.2.2 La prise en compte des attentes exprimĂ©es par les citoyens permet de mieux gĂ©rer les fonds attribuĂ©s Ă lâĂ©ducation.
â â â â â â â â
1.2.3 Rendre les acteurs responsables des rĂ©sultats scolaires permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.2.4 Lâutilisation de lâinformation sur les rĂ©sultats pour lâamĂ©lioration continue permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.2.5 La dĂ©finition de cibles de rĂ©sultats plus Ă©levĂ©es permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.2.6 La reddition de comptes portant sur lâatteinte des cibles permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.2.7 La reddition de comptes portant sur lâutilisation optimale des ressources permet dâaccroitre la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
256
3. Indiquez votre degrĂ© dâaccord ou de dĂ©saccord concernant la pertinence des outils et des stratĂ©gies de mise en Ćuvre de la GAR dans les Ă©tablissements scolaires.
N° Outils et stratégies Totalement en désaccord
1
Assez en désaccord
2
Un peu en désaccord
3
Un peu en accord
4
Assez en accord
5
Totalement en accord
6
NSP NRP/ NA
1.3.1 Le plan de rĂ©ussite constitue un outil pertinent pour dĂ©finir les actions de mise en Ćuvre du projet Ă©ducatif dans les Ă©coles.
â â â â â â â â
1.3.2 La convention de gestion et de réussite éducative constitue un outil pertinent pour définir la contribution de votre école aux résultats de la commission scolaire.
â â â â â â â â
1.3.3 La planification stratégique (projet éducatif et plan de réussite) favorise la réussite des élÚves.
â â â â â â â â
1.3.4 La convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative entre la commission scolaire et lâĂ©tablissement favorise la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
1.3.5 Lâorientation par les commissions scolaires du contenu des conventions de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative favorise la rĂ©ussite des Ă©lĂšves.
â â â â â â â â
257
Section 2 : Effets perçus de la GAR sur le travail des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements.
4. Quels sont les effets de la mise en Ćuvre des plans de rĂ©ussite sur votre travail?
N° ĂnoncĂ©s Aucun effet
Effet positif Effet négatif NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
2.4.1 Votre charge de travail â â â â â â â â â 2.4.2 Vos relations de travail avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique â â â â â â â â â
2.4.3 Vos relations de travail avec les parents â â â â â â â â â
2.4.4 Vos relations de travail avec les autres intervenants (conseillers pĂ©dagogiques, collĂšgues, orthopĂ©dagogues, psycho-Ă©ducateurs âŠ)
â â â â â â â â â
2.4.5 Votre dĂ©veloppement professionnel en termes de sentiment dâefficacitĂ© personnelle (de confiance en soi)
â â â â â â â â â
2.4.6 Votre dĂ©veloppement professionnel en termes dâacquisition de nouvelles compĂ©tences (formation continue, journĂ©e pĂ©dagogique, âŠ)
â â â â â â â â â
2.4.7 Votre autonomie professionnelle â â â â â â â â â
2.4.8 Les pratiques dâĂ©valuation de votre travail â â â â â â â â â
2.4.9 Le prestige de votre profession ou de votre fonction â â â â â â â â â
5. Quels sont les effets de la mise en Ćuvre des conventions de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative sur votre travail?
N° ĂnoncĂ©s Aucun effet
Effet positif Effet négatif NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
2.5.1 Votre charge de travail â â â â â â â â â 2.5.2 Vos relations de travail avec le supĂ©rieur hiĂ©rarchique â â â â â â â â â
2.5.3 Vos relations de travail avec les parents â â â â â â â â â 2.5.4 Vos relations de travail avec les autres intervenants (conseillers
pĂ©dagogiques, collĂšgues, orthopĂ©dagogues, psycho-Ă©ducateurs âŠ) â â â â â â â â â
2.5.5 Votre dĂ©veloppement professionnel en termes de sentiment dâefficacitĂ© personnelle (de confiance en soi)
â â â â â â â â â
2.5.6 Votre dĂ©veloppement professionnel en termes dâacquisition de nouvelles compĂ©tences (formation continue, journĂ©e pĂ©dagogique, âŠ)
â â â â â â â â â
2.5.7 Votre autonomie professionnelle â â â â â â â â â
2.5.8 Les pratiques dâĂ©valuation de votre travail â â â â â â â â â
2.5.9 Le prestige de votre profession ou de votre fonction â â â â â â â â â
258
Section 3 : Effets perçus de la GAR sur les rĂŽles et responsabilitĂ© des enseignants et des directeurs dâĂ©tablissements
6. Quels sont les activitĂ©s de soutien et dâaccompagnement dont vous avez bĂ©nĂ©ficiĂ©? (cochez toutes les rĂ©ponses applicables).
N° Outils de la GAR Aucune activitĂ© ActivitĂ©s dâinformation
Activités de formation
ActivitĂ© dâinformation + activitĂ©s de formation
NSP NRP/NA
3.6.1 Le plan de rĂ©ussite â â â â â â
3.6.2 La convention de gestion et de réussite éducative
â â â â â â
7. Quel est votre niveau de connaissance des contenus du plan de réussite et de la convention de gestion et de réussite éducative de votre établissement?
N° Outils de la GAR Aucune connaissance
Faible ĂlevĂ© NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
3.7.1 Le plan de rĂ©ussite â â â â â â â â â
3.7.2 La convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative â â â â â â â â â
8. Dans quel cadre/contexte avez-vous discutĂ© de la GAR (cocher toutes les rĂ©ponses qui sâappliquent)?
N° Cadres/contextes NSP-NRP-NA
3.8.1 Le Conseil dâĂ©tablissement â â Les fonctions de dĂ©lĂ©guĂ© syndical â â LâĂ©laboration du projet Ă©ducatif â â LâĂ©laboration du plan de rĂ©ussite â â LâĂ©laboration de la convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative â â Les Ă©changes informels avec mes collĂšgues â â Aucun â â
3.8.2 Si autre prĂ©ciser â â
9. Selon vous, lequel des changements institutionnels suivants correspond le mieux Ă lâeffet quâa entrainĂ© la mise en place des plans de rĂ©ussite et des conventions de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative sur les missions et les responsabilitĂ©s de votre Ă©tablissement?
N° Activités Aucun changement
Accroissement des responsabilités
Remplacement progressif des responsabilités
Baisse des responsabilités
Transformation des responsabilités
NSP NRP/NA
3.9.1 Le plan de rĂ©ussite â â â â â â â
3.9.2 La convention de gestion et de réussite éducative
â â â â â â â
259
10. Laquelle des situations suivantes correspond le mieux Ă lâeffet quâa entrainĂ© la mise en place des plan de rĂ©ussite sur vos rĂŽles et vos responsabilitĂ©s professionnelles?
N° Outils de la GAR Aucun changement
Vous avez de nouveaux rĂŽles et de nouvelles responsabilitĂ©s qui sâajoutent aux anciennes.
Vos nouveaux rÎles et vos nouvelles responsabilités remplacent progressivement les anciennes.
Vos rÎles et responsabilités ont diminué.
Vos rÎles et responsabilités ont été transformés.
NSP NRP/NA
3.10.1 Le plan de rĂ©ussite â â â â â â â
3.10.2 La convention de gestion et de réussite éducative
â â â â â â â
11. Estimer les nouvelles attentes des commissions scolaires, des parents ou des élÚves que la mise en place des plans de réussite et des conventions de gestion et de réussite éducative a entrainé.
N° Outils de la GAR Aucune attente
Faible ĂlevĂ© NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
3.11.1 Le plan de rĂ©ussite â â â â â â â â â 3.11.2 La convention de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative â â â â â â â â â
12. Comment estimez-vous votre adaptation Ă ces nouvelles attentes?
N° Nouvelles attentes TrÚs facile
Facile Peu facile
Peu difficile
Difficile TrĂšs difficile
NSP NRP/NA
1 2 3 4 5 6
3.12.1 Nouvelles attentes gĂ©nĂ©rĂ©es par le plan de rĂ©ussite â â â â â â â â
3.12.2 Nouvelles attentes générées par la convention de gestion et de réussite éducative
â â â â â â â â
260
Section 4 : Effets perçus de la GAR sur la poursuite des objectifs et des finalités du systÚme éducatif
13. Indiquez votre degrĂ© dâaccord ou de dĂ©saccord concernant les buts et les orientations que lâĂ©ducation peut raisonnablement poursuivre.
N° Buts et orientations Totalement en désaccord
1
Assez en désaccord
2
Un peu en désaccord
3
Un peu en accord
4
Assez en accord
5
Totalement en accord
6
NSP NRP/ NA
4.13.1 Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâĂ©conomie
â â â â â â â â
4.13.2 Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu
â â â â â â â â
4.13.3 Favoriser dâabord les meilleurs Ă©lĂšves (enseignement Ă©litiste)
â â â â â â â â
4.13.4 Favoriser une égalité des chances scolaires pour tous (enseignement équitable)
â â â â â â â â
4.13.5 Favoriser une égalité des résultats et des acquis scolaires (enseignement égalitaire)
â â â â â â â â
14. Indiquez votre degrĂ© dâaccord ou de dĂ©saccord concernant les buts et les orientations que votre Ă©tablissement met actuellement en Ćuvre.
N° Buts et orientations Totalement en désaccord
1
Assez en désaccord
2
Un peu en désaccord
3
Un peu en accord
4
Assez en accord
5
Totalement en accord
6
NSP NRP/ NA
4.14.1 Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâĂ©conomie
â â â â â â â â
4.14.2 Fournir un enseignement tournĂ© vers les besoins de dĂ©veloppement de lâindividu
â â â â â â â â
4.14.3 Favoriser dâabord les meilleurs Ă©lĂšves (enseignement Ă©litiste)
â â â â â â â â
4.14.4 Favoriser une égalité des chances scolaires pour tous (enseignement équitable)
â â â â â â â â
4.14.5 Favoriser une égalité des résultats et des acquis scolaires (enseignement égalitaire)
â â â â â â â â
261
15. Indiquez le degrĂ© dâimportance que vous accordez aux facteurs/Ă©lĂ©ments suivants pour amĂ©liorer la rĂ©ussite du plus grand nombre des Ă©lĂšves.
N° Facteurs/éléments Aucune importance
Importance faible Importance élevée NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
4.15.1 La qualitĂ© de la prestation professionnelle de lâenseignant â â â â â â â â â
4.15.2 Lâintervention des Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s â â â â â â â â â
4.15.3 Les capacitĂ©s naturelles des Ă©lĂšves â â â â â â â â â
4.15.4 La qualitĂ© de lâenvironnement scolaire de lâĂ©tablissement â â â â â â â â â
4.15.5 Le soutien qui est donnĂ© par les parents Ă la maison â â â â â â â â â
4.15.6 Le style de leadership du directeur de lâĂ©cole â â â â â â â â â
16. Quel type dâeffet la mise en Ćuvre des plans de rĂ©ussite a sur la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme Ă©ducatif?
N° Finalités Aucun effet Effet levier Effet obstacle NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
4.16.1 Instruire â â â â â â â â â
4.16.2 Socialiser â â â â â â â â â 4.16.3 Qualifier â â â â â â â â â
17. Quel type dâeffet la mise en Ćuvre des conventions de gestion et de rĂ©ussite Ă©ducative a sur la poursuite des finalitĂ©s du systĂšme Ă©ducatif?
N° Finalités Aucun effet Effet levier Effet obstacle NSP NRP/NA 1 2 3 4 5 6
4.17.1 Instruire â â â â â â â â â
4.17.2 Socialiser â â â â â â â â â 4.17.3 Qualifier â â â â â â â â â
18. Selon vous, que faudrait-il faire par rapport Ă la GAR en Ă©ducation?
N° ĂnoncĂ©s NSP-NRP-NA
4.18 Lâabolir â â Lui apporter des ajustements mineurs â â
Lui apporter des ajustements majeurs â â La maintenir telle quelle â â
Quels seraient ces ajustements? ______________________________________________________________________________________________________________________________________________
______________________________________________________________________________________________
______________________________________________________________________________________________________________________
262
19. Avez-vous dâautres commentaires Ă formuler au regard de la pertinence et de lâefficacitĂ© de la GAR en Ă©ducation?
______________________________________________________________________________________________________________________________________________
______________________________________________________________________________________________________________________________________________
______________________________________________________
Section 5 : Renseignements sociodémographiques
20. Quel est votre genre?
NRP
5.20 Masculin
FĂ©minin
21. Ă quelle classe dâĂąge appartenez-vous?
NRP
5.21 Moins de 30 ans
30 Ă 39 ans
40 Ă 49 ans
50 Ă 59 ans
60 ans et plus
22. Quel est votre plus haut niveau dâĂ©tudes complĂ©tĂ©?
NRP
5.22.1 Baccalauréat
DiplÎme ou certificat universitaires supérieur au baccalauréat et inférieur à la maitrise
MaĂźtrise
Doctorat
5.22.2 Si autre préciser
23. Combien dâannĂ©es dâexpĂ©rience possĂ©dez-vous dans le poste que vous occupez prĂ©sentement?
263
24. Quelle est votre fonction principale?
NRP
5.24.1 Direction
Enseignant
24a.Quelle est la discipline principale ou le poste qui vous occupe essentiellement?
NRP
5.24.2 Arts (musique, danse, art visuel, art plastique et art dramatique)
Développement personnel (éducation physique et à la santé, enseignement moral et religieux)
DĂ©veloppement professionnel
Langues (français, anglais)
Mathématique, sciences et technologies
Univers social (géographie, histoire et éducation à la citoyenneté)
Autre
24b.Quel poste occupez-vous actuellement?
NRP
5.24.3 Direction dâun Ă©tablissement
Direction adjointe dâun Ă©tablissement
Direction de plusieurs Ă©tablissements
Direction adjointe de plusieurs Ă©tablissements
Autre
25. Selon vous, votre établissement dessert-il surtout un milieu socio-économique réputé :
Indice NRP
5.25 Défavorisé (indice 8 à 10)
Moyen (indice 5 Ă 7)
Favorisé (indice 1 à 4)
26. Dans quel type dâenvironnement votre Ă©cole est-elle situĂ©e?
NRP
5.26 Municipalité de 5 000 habitants et moins
Municipalité de 5 000 à 24 999 habitants
Municipalité de 25 000 à 99 999 habitants
Municipalité de 100 000 à 499 999 habitants
Municipalité de 500 000 habitants et plus
264
27. Combien y a-t-il dâĂ©lĂšves approximativement dans votre Ă©tablissement ?
28. Travaillez-vous principalement?
NRP
5.28.1 Au primaire
Au secondaire
28a.Au secondaire, travaillez-vous au : (sinon passez Ă la question suivante)?
NRP
5.28.2 Secteur général des jeunes
Secteur général des adultes
Secteur professionnel
29. Indiquez le statut dâemploi qui correspond Ă votre situation actuelle.
NRP
5.29 Permanent Ă temps plein
Permanent Ă temps partiel
Ă contrat Ă temps plein
Ă contrat Ă temps partiel
30. Accepteriez-vous dâĂȘtre recontactĂ© dans la deuxiĂšme phase de cette recherche pour participer Ă des entrevues semi-dirigĂ©es dâenviron 60 minutes?
NRP
5.30 Oui
Non
Votre participation est grandement appréciée.