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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL
ANALYSE D'UN CORPUS DE VERBES DE SON:
ÉTUDE DE LEURS FONCTIONNEMENTS SYNTAXIQUE,
LEXICAL ET SÉMANTIQUE
MÉMOIRE
PRÉSENTÉ
COMME EXIGENCE PARTIELLE
DE LA MAÎTRISE EN LINGUISTIQUE
PAR
GENEVIÈVE DOMINGUE
AVRIL 2011
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL Service des bibliothèques
Avertissement
La diffusion de ce mémoire se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément à l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de. [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»
REMERCIEMENTS
Si ce mémoire est un événement sonore, il doit son existence à de multiples
événements. Les participants à ces événements sont nombreux, et je tiens à les
remercier.
À Sophie Piron, directrice de ce mémoire, professeure au Département de
linguistique à l'UQAM, merci pour ta passion, pour ta compréhension. À Louisette
Emirkanian et Reine Pinsonneault, lectrices de ce mémoire, professeures au
Département de linguistique à l'UQAM, merci pour votre confiance. À mes collègues,
merci pour vos conseils et, surtout, pour votre écoute. À ma famille et à mes amis,
merci pour votre soutien et vos encouragements.
Si ce mémoire est un événement sonore, qu'il tombe dans J'oreille de qui voudra
bien l'entendre.
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES FIGURES vi
LISTE DES TABLEAUX vii
RÉSUMÉ ix
INTRODUCTION 1
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS 2
1.1 Les verbes de son 2
1.1.1 Caractéristiques et classements proposés 2
1.1.2 La polysémie et les verbes de son 4
1.1.3 Choix tenninologique 5
1.2 Objectifs et fondements théoriques 5
1.2.1 Objectif général 6
1.2.2 Les constructions syntaxiques et les restrictions sélectionnelles 6
1.2.3 La sémantique cognitive et le domaine sonore 7
CHAPITRE II VERBES SÉLECTIONNÉS ET CORPUS D'ANALYSE 9
2.1 La sélection des verbes soumis à l'analyse 9
2.\.1 Les verbes sélectionnés 9
2.1.2 Usage et fréquence d'emploi des verbes sélectionnés 12
2.2 La constitution du corpus d'analyse 14
2.2.1 La récupération du corpus 15
IV
2.2.2 Le corpus brut 16
2.2.3 L'élagage du corpus 17
2.2.4 Le corpus d'analyse 22
CHAPITRE III ANALYSE SYNTAXIQUE 24
3.1 La consignation des patrons syntaxiques 24
3.1.1 La consignation du verbe 26
3.1.2 La consignation du sujet 28
3.1.3 La consignation des compléments 29
3.1.4 Le problème de la sélection des compléments 29
3.2 Les patrons syntaxiques des huit verbes analysés 34
3.2.1 Représentativité des patrons syntaxiques issus du corpus 34
3.2.2 Les macropatrons syntaxiques 35
3.2.3 Les micropatrons syntaxiques 38
3.3 Conclusion 48
CHAPITRE IV TYPAGE LEXICAL 50
4.1 L'étape de typage 50
4.1.1 Les types sémantiques 51
4.1.2 Précisions concernant le typage 53
4.2 Association des types aux éléments des patrons syntaxiques 54
4.2.1 Typage des éléments du patron SN V 55
4.2.2 Typage des éléments du patron SN V SN2 59
4.2.3 Typage des éléments du patron SN V SPLoc 61
4.2.4 Typage des éléments du patron SN V SPde 67
4.2.5 Typage des éléments des patrons contenant un datif possessif. 69
4.2.6 Typage des éléments des patrons causatifs 72
4.3 Conclusion 73
CHAPITRE V ANALYSE SÉMANTIQUE 75
v
5.1 La sémantique cognitive 75
5.2 Le schéma conceptuel de la perception auditive 76
5.2.1 Le paramètre de l'émission sonore 76
5.2.2 Le paramètre de la propagation sonore 79
5.2.3 Le paramètre de la réception acoustique 80
5.2.4 Conceptualisation et lexicalisation 81
5.3 Analyse des verbes de son à l'aide du schéma conceptuel. 82
5.3.1 Analyse pour le verbe crisser 82
5.3.2 Analyse pour le verbe gargouiller 90
5.3.3 Analyse pour le verbe crépiter 93
5.3.4 Analyse pour le verbe retentir 98
5.3.5 Analyse pour le verbe bourdonner 105
5.3.6 Analyse pour le verbe bruire 109
5.3.7 Analyse pour le verbe carillonner 113
5.3.8 Analyse pour le verbe tinter 116
5.4 Classement des huit verbes analysés 123
5.4.1 Les verbes ayant un sens lié à la cause de l'émission sonore 126
5.4.2 Les verbes ayant un sens lié à la forme de l'événement sonore 126
5.4.3 Les verbes ayant un sens lié au contenu de l'événement sonore .. 126
5.4.4 Les verbes ayant un sens lié à la propagation sonore 127
5.4.5 Les verbes ayant un sens lié à la réception acoustique 127
5.4.6 Observations 127
5.5 Conclusion 128
CONCLUSION 130
ANNEXE 1 LES MACROPATRONS DANS LE CORPUS ET LES DICTIONNAIRES ... 133
ANNEXE 2 LES MICROPATRONS DANS LE CORPUS ET LES DICTIONNAIRES 135
RÉFÉRENCES 138
LISTE DES FIGURES
Figure 3.1 Taxinomie des macropatrons syntaxiques des huit verbes de son étudiés 36
Figure 3.2 Micropatrons associés au macropatron SN V 39
Figure 3.3 Micropatrons associés au macropatron SN V SN2 .40
Figure 3.4 Micropatrons associés au macropatron SN V SP .41
Figure 3.5 Micropatrons associés au macropatron SN V SP SP 45
Figure 4.1 Relations entre les types associés au SN et les types associés au SPLoc dans le patron SN V SPLoc, pour les huit verbes 62
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 2.1 Les groupes de verbes tirés de Dubois et Dubois-Charlier (1997) et les verbes représentants sélectionnés 11
Tableau 2.2 Les verbes sélectionnés, les groupes qu'ils représentent et les autres
Tableau 2.3 Comparaison de la fréquence des verbes sélectionnés par million de
Tableau 2.5 Nombre d'occurrences pour chaque verbe dans le corpus brut et dans
Tableau 3.1 Répartition des occurrences des verbes analysés selon leurs
Tableau 4.2 Répartition des verbes selon les types associés aux éléments du patron
Tableau 4.3 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les
Tableau 4.4 Répartition des verbes selon les types des éléments du patron
groupes dans lesquels ils se trouvent 12
mots 13
Tableau 2.4 Nombre d'occurrences pour chaque verbe dans le corpus brut 17
le corpus d'analyse 22
macropatrons syntaxiques 37
Tableau 3.2 Les huit verbes de son analysés et leurs micropatrons syntaxiques ........ 46
Tableau 4.1 Répartition des verbes selon les types associés au SN du patron SN V.. 55
SN V SN2 60
patrons SN V et SN V SN2 61
SN V SPLoc 63
VIII
Tableau 4.5 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les patrons SN V et SN V SPLoc 64
Tableau 4.6 Répartition des verbes selon les types associés au SPLoc du patron
Tableau 4.7 Répartition des verbes selon les types associés aux éléments du patron
Tableau 4.8 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les
Tableau 4.9 Répartition des verbes selon les types associés au SPde du patron
Tableau 5.1 Éléments du schéma conceptuel lexicalisés par les éléments des
SJ\I V SPLoc 65
SN V SPde 67
patrons SN V et SN V SPde 68
SJ\I V SPde 69
Tableau 4.10 Typage des éléments du patron SN datposs V 70
Tableau 4.11 Typage des éléments du patron SN datposs V SP 71
Tableau 4.12 Répartition des verbes selon les types associés au SN causatif 73
patrons syntaxiques 124
Tableau 5.2 Classement des huit verbes de son analysés 125
RÉSUMÉ
Cette étude propose une description de huit verbes de son en français: bourdonner, bruire, carillonner, crépiter, crisser, gargouiller, retentir et tinter. L'étude de ces verbes repose sur une analyse de corpus et comporte trois étapes: une analyse syntaxique, un typage lexical et une analyse en sémantique cognitive. L'analyse syntaxique consiste à identifier les éléments qui apparaissent aux côtés des verbes ciblés et de dégager les patrons syntaxiques dans lesquels les verbes de son peuvent entrer. Les patrons syntaxiques sont précisés par le typage lexical: les éléments qui accompagnent les verbes sont associés à des types sémantiques. Les verbes de son sont ensuite représentés à J'aide du schéma conceptuel de la perception auditive proposé par Piron (2006). Les trois premiers paramètres de ce schéma, soit l'émission sonore, la propagation sonore et la réception acoustique, permettent de rendre compte des verbes de son à l'étude. Il est montré que les différentes acceptions des verbes de son correspondent à différents cas d'exploitation du schéma conceptuel.
Mots clés: verbes de son, français, sémantique cognitive, patrons syntaxiques, typage lexical
INTRODUCTION
Ce mémoire est centré sur le fonctionnement d'une classe de verbes spécifique:
les verbes de son (par exemple, gargouiller, retentir, tinter). Ces verbes forment une
classe sémantiquement homogène parce qu'ils expriment tous, dans au moins une de
leurs acceptions, un sens lié à l'émission d'un son.
L'objectif de ce mémoire est d'analyser et de décrire les fonctionnements
syntaxique, lexical et sémantique de certains verbes de son en français. L'intérêt de
cette étude est double. D'une part, les travaux qui ont été consacrés à cette classe de
verbes portent principalement sur J'anglais. D'autre part, parce que ces verbes
relèvent du domaine sonore, ils sont liés à la perception, et le choix de la sémantique
cognitive comme cadre théorique permet d'en faire à une analyse très fine.
Le présent mémoire est organisé comme suit: le premier chapitre expose la
problématique générale et les objectifs de recherche, le deuxième présente la
méthodologie adoptée dans la sélection des verbes étudiés et la constitution du corpus
d'analyse. Le troisième chapitre présente la description syntaxique des verbes de son
sélectionnés, le quatrième concerne leur fonctionnement lexical, et le cinquième est
consacré à l'analyse sémantique.
1.1
CHAPITRE 1
PROBLÉMATIQUE ET OBJECTIFS
Dans ce premIer chapitre, nous exposons d'abord la problématique générale
concernée par ce mémoire, puis nous présentons nos objectifs de recherche et les
fondements théoriques qui y sont rattachés.
Les verbes de son
Dans cette section, nous abordons les verbes de son en présentant des classements
qui ont été proposés en anglais et en spécifiant certaines de leurs caractéristiques.
J.1. J Caractéristiques et classements proposés
Levin (1993) a proposé un classement, établi en fonction du sens et du
comportement syntaxique des verbes, pour plus de 3 000 verbes en anglais. Cette
étude présente les verbes d'émission de son comme une sous-classe des verbes
d'émission 1. Ceux-ci impliquent l'émission d'une substance ou d'un stimulus
particulier à une entité, et un de leurs sens décrit des propriétés intrinsèques de leur
sujet. Par conséquent, les sujets que les verbes d'émission acceptent sont restreints, ce
que Levin (1993 : 233) illustre par les exemples suivants: brooks babble «les
) La classe des verbes d'émission dans Levin (1993) subsume les verbes que Perlmulter décrit comme des verbes de « [n)on-voluntary emission of stimuli that impige on the senses (Perlmutter 1978 : 163).)}
3
ruisseaux bruissent» et wind whistles « le vent siffle» sont tout à fait acceptables en
anglais, mais l'inverse n'est pas possible (*wind babble, *brooks babble). Cependant,
les restrictions de sujets ne sont pas les mêmes d'une langue à l'autre. En français, on
aurait peut être du mal à accepter les ruisseaux sifflent, mais il n'y a aucun doute sur
l'acceptabilité de le vent bruit.
Parmi les verbes d'émission proposés dans Levin (1993) se trouve la sous-classe
des verbes d'émission de son, qui impliquent spécifiquement l'émission d'un son.
Plusieurs verbes de cette sous-classe se retrouvent aussi parmi les verbes de manière
de parler (verbs of manner of speaking) ou les verbes de sons produits par des
animaux (verbs of sounds made by animaIs). Levin (1993) réserve la classe des
verbes d'émission de son aux verbes prenant typiquement des sujets inanimés. En
français, nous pouvons observer le même genre de recoupements. En effet, le
phénomène sonore peut être, entre autres, le résultat d'une action humaine (le jeune
garçon gémit) ou animale (les merles sifflent).
Au sein de la classe d'émission de son en anglais, tous les verbes n'ont pas le
même comportement syntaxique (Levin 1993; Levin et Rappaport Hovav 1995).
Ainsi, certains peuvent prendre un objet, même un objet exprimant un temps (The
bel! chimed the hour). Certains peuvent apparaître avec des directional phrases (The
train whistled into the station). Concernant les alternances, la plupart des verbes
d'émission de son permettent une alternance locative (Birds sang in the trees / The
trees sang with birds) et certains se retrouvent dans des inversions locatives (A
grandfather dock ticked in the hal!way / In the hal!way ticked a grandfather dock)
ou des there-insertion constructions (In the hal!way there ticked a grandfather dock).
Enfin, certains verbes d'émission de son en anglais permettent une construction
transitive avec une interprétation causative (1 buzzed the bel! / The bel! buzzed). Si les
verbes d'émission de son en anglais ne présentent pas tous les mêmes comportements
syntaxiques, il semble que ce soit aussi le cas en français. Par exemple, la
construction transitive avec une interprétation causative est possible avec certains
4
verbes comme sonner (Je sonne les cloches / Les cloches sonnent), malS pas avec
d'autres, comme grincer (*Je grince la porte / La porte grince).
En plus de la classe des verbes d'émission de son, Levin (1993) propose une
autre classe de verbes relatifs à la sémantique sonore. Il s'agit des verbes d'existence
de son (resonate « résonner », sound « sonner»). lis sont considérés comme formant
une sous-classe des verbes d'existence. Ils ne signifient pas, selon Levin (1993), un
phénomène d'émission sonore, mais décrivent plutôt l'existence d'un son, et restent
vagues quant à la nature exacte de celui-ci.
D'autres travaux sur les verbes de sons s'intéressent davantage à la
conceptualisation du son auquel le verbe fait référence. Dans cette perspective, Snell
Hornby (1983) a proposé une caractérisation des verbes de son en anglais à l'aide de
critères acoustiques. Par exemple, rwnble « gronder» s'oppose à whir « ronronner»
en termes de volume, squeak « grincer» s'oppose à rumble « gronder» en termes de
ton, mttle « vibrer» s'oppose à thud « faire un bruit sourd» en termes de résonance
et gurgle «gargouiller» s'oppose à beep « faire bip» en termes de durée. Levin,
Song et Atkins (1997) et Song (1996) rejettent les critères de Snell-Hornby (1983) et
mettent de l'avant la manière dont le son est produit (et non ses caractéristiques
acoustiques) comme critère pertinent dans la description du comportement syntaxique
des verbes de son. En effet, en anglais, les verbes qui décrivent un son produit de
manière externe à l'émetteur de son (par exemple clatter « claquer »,jingle « tinter »,
mttle « cliqueter, faire un bruit de ferraille ») permettent un emploi transitif avec une
interprétation causative, alors que les verbes qui décrivent un son produit de manière
interne à J'émetteur de son (par exemple babble «bruire », gurgle « gargouiller »,
rumble « gronder ») ne le permettent pas (Levin et Rappaport Hovav 1995).
/./.2 La polysémie et les verbes de son
Si certains verbes de son ne semblent posséder que le sens d'émission de son (par
exemple, vrombir), la plupart d'entre eux sont polysémiques, c'est-à-dire qu'ils
présentent plusieurs sens. Il peut être difficile d'identifier Jes sens d'un mot en se
5
servant uniquement de l'introspection. Par exemple, le verbe taper dans l'énoncé Le
volet tape contre le mur est-il un verbe de son ou un verbe de contact? Hors contexte,
il est difficile d'isoler un de ces deux sens. Autre exemple, selon le Trésor de la
langue française (TLF), le verbe claquer peut avoir le sens « produire un bruit sec et
éclatant », comme dans Ses souliers claquent sur le plancher, mais il peut aussi avoir
le sens « faire un geste, un mouvement qui provoque un bruit sec », comme dans La
branche m'a claqué au visage. Dans ce dernier cas, le verbe claquer peut avoir un
sens d'émission de son, mais, d'après la définition proposée par le TLF, ce sens
semble secondaire par rapport au sens de mouvement. En effet, l'émission de son est
causée par le mouvement; sans ce mouvement, le son qui y est associé n'aurait pas
d'existence. Victorri et Fuchs (1996: 54-55) mentionnent que les différents sens
d'une expression polysémique sont loin d'être exclusifs les uns des autres et que
plusieurs d'entre eux semblent parfois être à l'œuvre simultanément. Nous nous
concentrerons sur les sens sonores des verbes de son.
1.1.3 Choix terminologique
Nous avons vu que Levin (1993) distingue les verbes d'émission de son des
verbes d'existence de son. Pour ceux-ci, même si l'attention est portée sur l'existence
d'un son plutôt que sur l'émission d'un son en particulier, il n'en demeure pas moins
qu'ils impliquent automatiquement l'émission d'un son. Autrement dit, l'émission
d'un son est sa condition d'existence. Ainsi, nous emploierons le terme verbe de son
pour faire référence à tout verbe qui comporte un sens relatif à l'émission ou à
l'existence d'un son ou d'un bruit.
1.2 Objectifs et fondements théoriques
Dans cette section, nous précisons les objectifs de ce mémoire amsl que les
domaines de recherche et les fondements théoriques qui y sont rattachés.
6
1.2.1 Objectifgénéral
L'objectif général de ce mémoire consiste à étudier, par une analyse de corpus,
les fonctionnements syntaxique, lexical et sémantique des verbes de son en français.
Il faut préciser que l'analyse ne sera pas appliquée à tous les verbes de son en français.
Huit verbes ont été soumis à l'étude; ils ont été sélectionnés pour représenter la classe
des verbes de son2.
1.2.2 Les constructions syntaxiques et les restrictions sélectionnelles
Levin (1993) a montré comment l'identification des verbes ayant un
comportement syntaxique similaire, en particulier le comportement dans les
alternances syntaxiques, constitue un moyen de définir des classes de verbes
sémantiquement cohérentes. Cependant, la correspondance entre sens et constructions
syntaxiques n'est pas bi-univoque (Sinclair 1991, Victorri et Fuchs 1996, Hunston et
Francis 2000, entre autres). « La complexité de la relation entre sens et constructions
devient plus compréhensible si l'on considère qu'il s'agit d'un cas particulier de la
relation générale entre une expression linguistique et les unités qui la composent. En
effet, parler d'un verbe dans une construction donnée revient [...] à parler d'une
expression linguistique formée de deux unités (généralement) polysémiques: l'unité
lexicale constituée par le verbe lui-même, et l'unité syntaxique constituée par la
construction syntaxique. (Victorri et Fuchs 1996: 60)>> La description des
constructions syntaxiques dans lesquelles un verbe peut apparaître doit être précisée
par les restrictions sélectionnelles de ce verbe. Les éléments apparaissant aux côtés
des verbes seront définis par la classe sémantique à laquelle ils appartiennent.
Ainsi, le premier sous-objectif de ce mémoire consiste à identifier les
constructions syntaxiques dans lesquelles peuvent entrer les verbes de son du corpus,
dans l'ensemble de leurs acceptions sonores, et à comparer ces verbes sur la base de
2 La sélection des verbes soumis à l'étude est présentée au chapitre 2,
7
leur comportement syntaxique. Le deuxième sous-objectif consiste à préciser les
constructions syntaxiques identifiées pour chaque verbe en tenant compte des
restrictions sélectionnelles qu'ils imposent. Les verbes de son étudiés seront
comparés aussi à cette étape.
1.2.3 La sémantique cognitive et le domaine sonore
Le troisième sous-objectif consiste à soumettre les verbes de son sélectionnés à
une analyse en sémantique cognitive. Parce qu'ils partagent un sens d'émission de
son, ces verbes sont liés au domaine de la perception auditive, ce qui pennet d'en
faire une analyse en sémantique cognitive.
Notre étude se basera sur les travaux de Piron (2006, 2008), qui a traité la
polysémie d'un verbe lié au domaine sonore. Dans sa thèse, Piron (2006) a proposé
un modèle d'analyse cognitive qu'elle a appliqué à l'étude du verbe entendre en
français. Ce verbe exprime la perception auditive, mais est aussi particulièrement
polysémique: il présente de nombreux sens et mêle différents domaines (domaines
mental et sensoriel). Piron a analysé les différents emplois du verbe entendre en
faisant ressortir les principes cognitifs liés à la sémantique de ce verbe. Ces principes
constituent en quelque sorte le noyau sémantique du verbe entendre et correspondent,
lorsque ce noyau est déployé, à cinq paramètres (ou étapes) successifs: l'émission, la
propagation, la réception, la captation et la réaction. Piron (2006) a formalisé ces cinq
paramètres cognitifs en un schéma conceptuel du verbe entendre. Ce schéma pennet
d'expliquer ce qui est à l'origine de l'imposante polysémie de ce verbe.
Le schéma conceptuel rend compte du verbe entendre, mais il peut être utilisé
plus largement comme schéma conceptuel de la perception auditive. Puisque les
verbes de son relèvent du domaine sonore, leur analyse devrait pouvoir se faire à
l'aide d'un tel schéma. Nous allons appliquer le modèle d'analyse cognitive de Piron
(2006) à certains verbes de son du français. Nous verrons comment les trois premiers
paramètres de ce schéma, soit l'émission sonore, la propagation sonore et la réception
acoustique, pennettent de rendre compte des verbes de son à l'étude. Nous ne nous
8
attarderons pas à démontrer que la correspondance entre sens et constructions
syntaxiques n'est pas bi-univoque, même une fois les constructions précisées par le
typage lexical. Nous étudierons plutôt les relations entre les constructions
syntaxiques, les éléments du schéma conceptuel et les sens que peuvent prendre les
verbes de son. Ainsi, nous montrerons que les différentes acceptions sonores des
verbes de son peuvent être liées à des différences dans l'exploitation du schéma
conceptuel de la perception auditive.
2.1
CHAPITRE II
VERBES SÉLECTIONNÉS ET CORPUS D'ANALYSE
Cette étude des fonctionnements syntaxique, lexical et sémantique des verbes de
son s'appuie sur une analyse de corpus. Le présent chapitre est consacré à la
méthodologie relative à la sélection des verbes soumis à l'analyse et à la constitution
du corpus.3
La sélection des verbes soumis à l'analyse
Ce mémoire porte sur les verbes en français qui ont au moins un sens d'émission
de son et qui acceptent un sujet inanimé. Sont ainsi exclus les verbes ayant un sujet
animé, comme les verbes de communication (incluant les verbes de parole) ou les
verbes de sons produits par des animaux.
2.1.1 Les verbes sélectionnés
Le dictionnaire électronique de Dubois et Dubois-Charlier (1997) a servi de point
de départ pour établir la liste des verbes soumis à l'analyse. Ce dictionnaire présente
une classification des verbes en français reposant sur 1'hypothèse de 1'« adéquation
entre les schèmes syntaxiques de la langue et l'interprétation sémantique qu'en font
3 Les principes qui sous-tendent la description syntaxique, le typage lexical et l'analyse sémantique seront présentés dans les chapitres subséquents.
10
les locuteurs de cette langue» (Dubois et Dubois-Charlier 1997: JJJ), les schèmes
syntaxiques étant définis d'une part par la nature des constituants de la phrase et
d'autre part par les paradigmes lexicaux de ces constituants. Le classement et
l'analyse syntaxique des 12310 verbes qu'ils ont traités reposent sur des opérateurs
sémantiques, qui « constituent les entités fondamentales de chaque classe» (Dubois
et Dubois-Charlier 1997 : VII). Ces opérateurs, se présentant comme des abréviations
de verbes basiques français, latins ou anglais, définissent le caractère sémantique de
base des verbes. Les opérateurs sémantiques que nous avons jugés pertinents, c'est-à
dire ceux liés à l'émission sonore, sont les suivants: J bruit (émettre un bruit), J son
(émettre des sons), ex bruit (sortir bruit de),j ex bruit (faire sortir bruit de).
Du dictionnaire de Dubois et Dubois-Charlier (1997), nous avons relevé toutes
les entrées verbales caractérisées par l'un de ces opérateurs et prenant un sujet non
animé. Les entrées verbales relevées figuraient dans deux sous-classes de verbes du
classement proposé par ces chercheurs. La première sous-classe correspond aux
verbes de type « faire du bruit, faire un son» et compte 88 entrées verbales, toutes
caractérisées par des opérateurs sémantiques d'émission sonore. Cette sous-classe se
subdivise en deux groupes, selon la possibilité pour chaque verbe de présenter une
alternance causative: les intransitifs sans factitif (par exemple, le feu crépite) et les
intransitifs avec factitif à sujet humain (par exemple, la cloche sonne, le sonneur
sonne les cloches). La deuxième sous-classe correspond aux verbes de type « faire
sortir de soi matière / liquide / odeur / bruit» et contient 44 entrées verbales. Les
seules entrées verbales qui nous intéressent dans cette sous-classe sont de type « faire
sortir de soi bruit» et sont au nombre de 1O. Les verbes de cette sous-classe se
répartissent également en deux groupes, selon leurs constructions syntaxiques: les
intransitifs avec pour sujet le locatif d'origine du bruit (par exemple, l'estomac
gargouille) et les transitifs indirects avec complément en de ou intransitifs (par
exemple, le jardin bruisse de ses pas, le jardin bruisse).
Il
Au total, 98 entrées verbales ayant un sens sonore et un sujet non animé ont été
relevées dans le dictionnaire de Dubois et Dubois-Charlier (1997). Plusieurs de ces
entrées étaient issues du même verbe. Par exemple, il y avait trois entrées pour
bourdonner. Ces entrées ont été ramenées à un seul verbe. Ainsi, les 98 entrées
relevées correspondent à 85 verbes différents. On s'aperçoit que les verbes en français
qui ont au moins un sens sonore et qui acceptent un sujet non animé sont nombreux,
et les étudier tous dépasserait le cadre de ce mémoire. Étant donné l'ampleur de la
tâche d'analyse, le nombre de verbes sélectionnés pour l'analyse a été limité à huit.
La sélection des verbes soumis à l'analyse a été faite de manière à représenter les
deux sous-classes de verbes de Dubois et Dubois-Charlier (1997), et, à l'intérieur de
ces sous-classes, chacun des groupes distingués sur la base des constructions
syntaxiques. Nous avons choisi deux verbes pour représenter chacun des quatre
groupes, ce qui fait un total de huit verbes. Le tableau 2.1 présente les verbes
sélectionnés à partir du dictionnaire électronique de Dubois et Dubois-Charlier (1997)
et les groupes de verbes qu'ils représentent.
Tableau 2.1 Les groupes de verbes tirés de Dubois et Dubois-Charlier (1997) et les verbes
représentants sélectionnés
Groupes de verbes tirés de Dubois et Dubois-Charlier (1997) Verbes représentants sélectionnés
« faire du bruit, un son », intransitifs sans factitif crépiter, crisser
« faire du bruit, un son », intransitifs avec factitif carillonner, tinter
« faire sortir de soi bruit », intransitifs bourdonner, gargouiller
« faire sortir de soi bruit », transitifs indirects et intransitifs bnlire, retentir
Le choix des verbes représentants a été fait en tenant compte des recoupements entre
les différents groupes. Quatre des huit verbes sélectionnés n'apparaissent que dans le
groupe qu'ils représentent (crépiter, crisser, carillonner, bruire) alors que certains se
trouvent aussi dans un autre groupe de verbes sonores (bourdonner, gargouiller,
retentir) ou même dans deux autres groupes (tinter). Ces recoupements, présentés au
12
tableau 2.2, nous assurent que la sélection présente une variété de sens et de
constructions, malgré le nombre limité de verbes.
Tableau 2.2 Les verbes sélectionnés, les groupes qu'ils représentent et les autres groupes
dans lesquels ils se trouvent
Verbes sélectionnés
Groupes représentés Autres groupes
crépiter « faire du bruit, un son », intransitifs sans facti ti f
crisser « faire du bruit, un son », intransitifs sans factitif
carillonner « faire du bruit, un son », intransitifs avec factitif
tinter « faire du bruit, un son », intransiti fs avec factitif
« faire du bruit, un son », intransitifs sans facti ti f
« faire sortir de soi bruit », intransitifs
bourdonner « faire sortir de soi bruit », intransitifs « faire du bruit, un son », intransitifs sans factiti f
gargouiller « faire sortir de soi bruit », intransitifs « faire du bruit, un son », intransiti fs sans factitif
bruire « faire sortir de soi bruit », transitifs indirects et intransiti fs
retentir « faire sortir de soi bruit », transitifs indirects et intransitifs
« faire du bruit, un son », intransitifs sans facti ti f
Il faut souligner que Dubois et Dubois-Charlier (1997) considèrent comme intransitifs
les verbes qui apparaissent sans complément, mais aussi les verbes apparaissant avec
un complément circonstanciel obligatoire. Nous adopterons un classement plus
moderne selon lequel ces derniers correspondent à des transitifs indirects.
2.1.2 Usage et fréquence d'emploi des verbes sélectionnés
Les verbes sélectionnés sont d'usage courant. Dans Le Pelit Robert 2010, pour le
verbe bruire uniquement, la mention moderne oppose l'acception « Produire un bruit
léger, confus. » à j'acception « Retentir. » marquée vieux. L'absence de marque pour
les sept autres verbes indique que leur emploi n'est pas restreint à un domaine
particulier, à des niveaux de langue ou à des régionalismes. Dans le TLF, le verbe
13
bourdonner présente des emplois techniques (musique, médecine) et des acceptions
portant les mentions rare, péjoratif ou familier; une acception du verbe gargouiller
est aussi étiquetée populaire, vieux. Cependant, ces deux verbes offrent
majoritairement des acceptions principales sans marque d'usage, comme les six autres
verbes sélectionnés.
Bien que les verbes sélectionnés soient d'un usage courant, il importe d'observer
aussi leur fréquence d'emploi. À partir de la base de données lexicales du français
contemporain Lexique 3 (version 3.55) accessible sur internet, nous avons fait
ressortir, pour chacun des huit verbes, la fréquence du lemme selon le corpus de sous
titres (Freqlemfilms2) et la fréquence du lemme selon Je corpus de livres
(Freqlemlivres). Le premier corpus est composé des sous-titres de 9474 films ou
saisons de séries (50 millions de mots) et le deuxième, de 218 textes littéraires -don
de l'Atilf- publiés entre 1950 et 2000 (14,7 millions de mots). À des fins de
comparaison, nous avons également relevé la fréquence des verbes sélectionnés dans
la liste de fréquences de Baudot (1992), établie pour un corpus écrit de 1 040 150
mots (21 701 après lemmatisation). Enfin, nous avons relevé la fréquence des huit
verbes dans la Banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS), un corpus
contenant un peu plus de 52 millions de mots. Les différentes fréquences relevées,
calculées par million de mots, sont présentées au tableau 2.3.
Tableau 2.3 Comparaison de la fréquence des verbes sélectionnés par million de mots
Verbes Freqlemlivres Freqlemfilms2 Fréquence Baudot Fréquence BDTS LEXIQUE 3 LEXIQUE 3 (1992)
retentir 25,34 2,86 22,1 ) 7,79
tinter 11,76 0,95 6,73 2,79
crisser Il,49 1,46 1,92 5,58
crépiter 10,20 1,31 2,88 2,19
bourdonner 9,53 2,20 3,85 3,17
bmire 2,97 0,48 0,96 81,19
gargouiller 2,36 0,55 - 1,04
carillonner 1,35 0,41 - -
14
2.2
Dans les quatre échelles de fréquences, les huit verbes ne se présentent pas
exactement dans le même ordre. Des tendances sont toutefois observables. Dans tous
les cas, le verbe retentir se démarque considérablement des autres verbes par sa
fréquence plus élevée. Parmi les fréquences de la BDTS, celle pour le verbe bruire est
étonnamment élevée et contraste fortement avec les autres fréquences pour ce même
verbe. Nous croyons cependant que la forte fréquence du verbe bruire dans la BDTS
peut avoir été causée par la prise en compte dans le calcul de fréquence, du nom
bruit, homonyme d'une forme conjuguée du verbe bruire. Nous pouvons donc dire
que retentir est, parmi les verbes sélectionnés, le verbe ayant la plus haute fréquence.
Aussi, les verbes les moins fréquents le sont dans chacune des échelles
comparées. Les verbes gargouiller et carillonner n'apparaissent pas dans le corpus de
Baudot (1992), et carillonner n'est pas assez fréquent pour figurer dans la liste de
fréquences de la BDTS; ces deux verbes présentent aussi les plus faibles fréquences
dans Lexique 3.
Par ailleurs, en comparant les deux fréquences provenant de Lexique 3 (corpus de
livres vs corpus de films), nous constatons que les fréquences sont beaucoup plus
élevées pour le corpus de livres que pour le corpus de films, et ce, pour chacun des
huit verbes. Le fait que les verbes sélectionnés se rencontrent plus souvent à l'écrit
nous a menée à constituer un corpus provenant essentiellement de textes écrits.
La constitution du corpus d'analyse
Deux étapes ont été nécessaires pour constituer le corpus d'analyse. La
récupération d'exemples nous a d'abord fourni un corpus brut, puis l'élagage de ce
corpus a permis d'établir le corpus d'analyse.
15
2.2.1 La récupération du corpus
Le corpus brut contient essentiellement des exemples qUI proviennent de la
Banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS), mais aussi des exemples
récupérés à l'aide du moteur de veille GlossaNet.
2.2.1.1 La Banque de données textuelles de Sherbrooke
Pour constituer notre corpus, nous avons lancé, pour chaque verbe sélectionné,
une requête par lexème dans la Banque de données textuelles de Sherbrooke (BDTS).
Comme nous l'avons mentionné précédemment, la BDTS est un corpus informatisé
contenant un peu plus de 52 millions de mots. Elle est constituée de textes
représentatifs des différents usages du français au Québec, répartis en cinq grandes
catégories: transcriptions de langue orale (10%), ouvrages didactiques (20%), textes
littéraires (20%), textes journalistiques (20%), textes spécialisés (30%). Les résultats
obtenus sont présentés sous fonne de concordances, le verbe ciblé est précédé des
symboles « 1* », comme en (1). Aussi, chaque exemple de la BDTS est identifié par
un code qui contient deux éléments: le type de texte, ici littéraire, et une série de
caractères indiquant la provenance précise de l'extrait.
(1) [[[Littér]]] L00026:68 ébahis et les paresseux à pattes jaunes, j'atterris dans mon lit. A côté de moi, le téléphone l*cariJJonne absurdement. Il est deux heures et demie. - C'est moi, c'est Lady, dit la voix de Lady. Dors-tu
La présentation sous forme de concordances a l'avantage de faciliter le repérage
des éléments qui gravitent autour du verbe et, de façon générale, Je contexte où
apparaît le verbe est suffisamment large pour que nous y trouvions tous les arguments
du verbe.
2.2.1.2 GlossaNet
Notre corpus a été enrichi d'exemples de l'actualité récupérés grâce à GlossaNet,
un moteur de veille qui fait des recherches quotidiennes dans des textes publiés sur
16
Internet. Nous avons défini une liste de publications à placer sous veille: 36 titres de
langue française, de type presse, toutes catégories confondues (à la une, culture,
opinion/éditorial, politique, sport, etc.), provenant de sept pays (Belgique, Canada,
France, Madagascar, Nouvelle-Calédonie, Réunion, Suisse). Nous avons lancé une
requête par lexème pour chacun de nos verbes, pour une période de veille de 20 jours
(du 29 mai au 17 juin 2010). Les résultats ont été reçus par coulTiel et pouvaient aussi
être consultés via l'interface de GlossaNet. Les résultats sont présentés sous forme de
concordances: le lexème visé est précédé de 250 caractères et suivi de 250 caractères.
En cliquant sur le verbe, un lien permet d'accéder directement à la page web d'où est
issu l'exemple.
(2) eu comme Paul et Barnabé qui siJ10nnaienl le monde antique pour encourager les premières communautés chrétiennes », avance-t-il, se félicitant que sa paroisse « ne repose plus sur le curé mais sur les communautés de base ». La cloche du presbytère retentit. Ce sont ses proches collaborateurs, le P. Misse, qui l'assiste sur la paroisse, Anselme Faletti, diacre et délégué diocésain à la viticulture, ainsi que son épouse Marie-Thérèse, responsable du secrétariat. Dans le salon, un rayon de soleil
Par souci d'économie et de clarté, les exemples qui seront présentés dorénavant
seront parfois abrégés.
2.2.2 Le corpus brut
Le tableau 2.4 présente le nombre d'occurrences récupérées dans la BDTS et dans
GlossaNet pour chaque verbe sélectionné.
17
Tableau 2.4 Nombre d'occurrences pour chaque verbe dans le corpus brut
Verbes Nombre d'occurrences dans le corpus brut Totaux
BDTS GlossaNet
bourdonner 165 49 214 bnlire 4222 605 4827 carillonner 18 1 19 crépiter 114 2 116 crisser 290 38 328 gargouiller 55 2 57 retentir 405 180 585 tinter 145 6 151 Totaux 5414 883 6297
Au total, le corpus brut contenait 6 297 extraits. Ces exemples tirés de la BDTS et de
GlossaNet ont été importés dans un classeur Excel afin que nous procédions à
l'élagage du corpus.
2.2.3 L'élagage du corpus
Cette première étape dans le travail de corpus a consisté à isoler, parmi toutes les
occurrences, celles qui seraient soumises à l'analyse, c'est-à-dire celles qui
répondaient au deux critères suivants: verbe ayant un sens sonore (critère
essentiellement sémantique) et un sujet non animé (critère essentiellement
syntaxique). Pour chaque occurrence, nous avons déterminé si le sens du verbe visé
était sonore ou non, et si son sujet était animé ou non animé. Lorsque, dans une
occurrence, le verbe ne remplissait pas l'un des deux critères (sens sonore, sujet non
animé), il était automatiquement rejeté, et par conséquent ne fait pas partie du corpus
d'analyse. L'élagage du corpus constitue une sorte de pré-analyse du corpus, puisque
déjà à cette étape interviennent des considérations syntaxiques et sémantiques.
2.2.3.1 Élimination du bruit dans le corpus
Avant même de déterminer si nous étions en présence ou non d'un sens sonore, il
a fallu exclure tous les cas où nous n'étions pas en présence des verbes visés. La
18
récupération du corpus brut a été faite à l'aide de requêtes par lexèmes, or nous avons
obtenu plusieurs exemples pour des mots ne correspondant pas aux verbes ciblés,
mais qui en sont des homographes. Nous avons exclu les exemples de ce type. Dans
certains cas, il s'agissait de noms, comme bruit en (3) et gargouille en (4).
(3) [[[JournaJ]] Mardi, le I*bruit était tellement fort qu'un de mes voisins, qui a énormément investi depuis quelques années dans son
(4) [[[Faune]]] [... ] mais ce qui caractérise principalement sa face de I*gargouille à gros yeux, c'est son menton formant un solide bras articulé [... ]
Les participes passés employés sans auxiliaire ont été analysés comme des
adjectifs et ont donc été rejetés du corpus. En (5), carillonnées est employé sans
auxiliaire et complète le nom fêtes. Étant considéré comme un adjectif, il ne fait pas
partie du corpus d'analyse.
(5) [[[Journa]]] Un comptoir de chocolats fins y est ouvert. Et il suit fidèlement les fêtes I*carillonnées.
Une attention a également été portée à la distinction entre participes présents et
adjectifs. Dans les cas où seule l'analyse en adjectif était possible, comme en (6),
nous avons rejeté l'occurrence.
(6) [[[JournaJ]] [... ] Lyne Bessette a lancé un I*retentissant "Go, Geneviève, go!" Des mots dont on entend encore J'écho.
Dans les cas où l'analyse en participe présent était possible, comme en (7), nous
avons évidemment conservé l'occurrence en vue de l'analyse.
(7) [[[Littér]]] [... ] pendant que le chant du Nageur devenait celui du fleuve tout entier,l*retentissant à mes oreilles, strident, parlant d'un paisible chemin [... ]
Enfin, nous avons mis de côté les exemples qui présentaient un verbe autre que celui
étant visé, comme en (8).
19
(8) [[[Littér]]] [... ] maudire icitte sans une bougrine sans un ancêtre sinon Je nôtre hostie d'humus ma jeunesse a I*crissé le camp comme un voleur [... ]
Pour le verbe bruire, souvent nous n'étions pas en mesure de déterminer s'il
s'agissait du verbe bruire ou du verbe bruisser, puisque ces deux verbes présentent
des formes identiques dans leur conjugaison. Plus précisément, ils ont la même forme
à la troisième personne du pluriel à l'indicatif présent (ils bruissent), aux troisièmes
personnes du singulier et du pluriel à l'indicatif imparfait (il bruissait, ils bruissaient)
et au subjonctif présent (qu'il bruisse, qu'ils bruissent), de même qu'au participe
présent (bruissant). En plus de présenter des formes identiques, ces deux verbes
s'apparentent étroitement par leur sens. Selon le TLF, bruisser est un synonyme de
bruire et a été « créé à partir de bruire* dont les anc. formes de l'imp. et du part. prés.
en bruy- furent remplacées par des formes en bruiss- (1789, B. de St-Pierre dans
BRUNOT t. 10, p. 820, note 3) ». Les cas ambigus entre bruire et bruisser n'ont donc
pas été rejetés, étant donné qu'il y avait une possibilité d'y voir le verbe bruire.
Par ailleurs, le corpus brut contenait de nombreux exemples identiques, autant
dans la BDTS que dans GlossaNet. Dans ces cas, nous avons éliminé la répétition en
ne conservant qu'un seul exemple pour l'analyse.
2.2.3.2 Premier critère: verbe ayant un sens sonore
Comme une majorité de verbes en français, les verbes sélectionnés sont
polysémiques. Nous avons conservé uniquement les occurrences où le verbe avait un
sens sonore, en nous basant essentiellement sur les définitions proposées dans le TLF.
L'appartenance au domaine sonore est explicite dans les définitions de type « produire,
émettre, faire entendre un bruit, un son », mais peut aussi être plus indirecte. Ainsi,
un sens du verbe bourdonner, soit « donner l'apparence d'une grande activité un peu
fébrile », appartient d'abord au domaine visuel, mais aussi, corollairement, au
domaine sonore. Les occurrences du verbe bourdonner qui présentent ce sens ont
donc été considérées.
20
En revanche, les sens non sonores ont été exclus. Dans le TLF, le verbe crépiter
présente plusieurs sens liés au domaine sonore (par exemple, «produire une suite
rapide de bruits secs »), mais aussi des sens liés au domaine visuel et qui n'ont rien de
sonore, comme en (9), où crépiter a le sens « produire, de façon répétée, des éclats
intenses ».
(9) [[[Littér]]] Dans ses yeux bruns, quelques étoiles vertes I*crépitèrent sous le coup de "émotion.
De la même façon, en (10), le verbe retentir a le sens « avoir des répercussions )) et
n'exprime aucun phénomène sonore.
(10) [[[Journa]]] "Très probablement, non, parce que leur bien-être mental aura été affecté, ce qui I*retentira sur leur bien-être physique", écrit le Dr Kahn dans son plus récent ouvrage [... ]
Ces exemples sont donc rejetés du corpus. Les exemples poétiques ou jugés trop
littéraires, comme en (l1-12), ont également été exclus, car ils présentent des cas de
figures de style, de jeux de langage.
(lI) [[[Littér]]] [... ] j'ai un habit de plumes fontaines les canards me font des grimaces le tube blanc de céruse I*gargouille de tablettes sans pinceau toile de rinceaux d'orteils doigts de becs des poules je ne sais pas
( 12) [[[Littér]]] « La passion ricoche sur les glands à épingles / et déchirée elle affirme en I*bruissant son immortalité» : ces deux vers terminaux de « Modestie de la dinde» dans les Poèmes [... ]
Ainsi, tous les exemples conservés présentent un sens sonore. A cette étape
d'élagage, nous avons identifié si le sens du verbe était lié au domaine sonore, sans
préciser ce sens. Les différents sens sonores que peuvent prendre chaque verbe de son
seront distingués lors de l'analyse sémantique.
21
2.2.3.3 Deuxième critère: verbe ayant un sujet non animé
Ce deuxième critère fait d'abord intervenir des considérations syntaxiques,
puisqu'il implique l'identification des constituants occupant la fonction de sujet. Les
sujets identifiés sont aussi soumis à une restriction sémantique; ils doivent présenter
le trait non-animé.
L'identification du sujet de chaque occurrence du corpus a nécessité une rapide
analyse syntaxique qui a été faite suivant les critères syntaxiques habituels. Dans les
phrases où le sujet est exprimé, il se trouve en position préverbale (phrase neutre, non
marquée) ou postverbale (cas d'inversion). Le sujet régissant l'accord du verbe, la
désinence verbale a généralement suffi pour déceler ces cas d'inversion. Le sujet
pouvait être un syntagme nominal « plein », auquel cas nous avons identifié son
noyau. Pour les pronoms sujets (il, elle, ils, elles, cela, ça), nous avons récupéré
l'antécédent, lorsque cela était possible. Dans certaines phrases transformées, où le
sujet n'est pas exprimé, il a fallu le récupérer. Dans le cas des subordonnées relatives,
nous avons retrouvé l'antécédent du pronom qui; dans les subordonnées infinitives et
les subordonnées participiales, le sujet est identique au sujet ou à l'objet du verbe
régissant. Aussi, le sujet pouvant être omis dans des propositions coordonnées à
sujets identiques; nous avons récupéré ce sujet. Par ailleurs, dans les constructions
causatives, le sujet correspond à l'agent (et non à l'instigateur). Par exemple, dans
Catherine fait tinter une clochette, clochette (et non Catherine) est le sujet du verbe
tinter.
Pour faire partie du corpus d'analyse, les sujets identifiés devaient répondre à une
condition sémantique: ils devaient présenter le trait sémantique non-animé (aussi dit
inanimé). Ce trait permet entre autres de distinguer les verbes de son des verbes de
parole ou des verbes de sons produits par des animaux. Notre définition de non-animé
est empruntée à Dubois et al. (2001). Par non-an imé, nous entendons les noms qui
dénotent des « choses» par opposition aux noms animés, qui dénotent des êtres
vivants, personnes ou animaux (par exemple, mère, je, mouches), ou considérés
22
comme tels (par exemple, ange, personnage, dieu). Nous avons également considéré
comme animés les collectifs d'humains ou d'animaux (par exemple, le choeur
immense des grillons, les essaims).
2.2.4 Le corpus d'analyse
L'élagage du corpus, c'est-à-dire l'exclusion des exemples ne satisfaisant pas aux
critères expliqués plus haut (verbe ayant un sens sonore et un sujet non animé), a
mené au corpus d'analyse. Le tableau 2.5 pennet d'observer, pour chaque verbe, le
nombre d'occurrences avant l'élagage (corpus brut) et après l'élagage (corpus
d'analyse).
Tableau 2.5 Nombre d'occurrences pour chaque verbe dans le corpus brut et dans le corpus
d'analyse
Verbes Nombre d'occurrences
Corpus brut Corpus d'analyse
retentir 585 209
tinter 151 113 crisser 328 73
crépiler 116 79 bourdonner 214 87
bruire 4827 58 gargouiller 57 14 carillonner 19 14
Totaux 6297 647
Dans le corpus d'analyse, il y a d'importantes différences entre les verbes quant au
nombre d'occurrences. Ces différences s'expliquent par la fréquence des verbes
sélectionnés. En effet, le verbe retentir, qui présente le plus grand nombre
d'occurrences dans le corpus d'analyse, est le verbe que nous avons identifié comme
le plus fréquent parmi les huit verbes sélectionnés (voir sous-section 2.1.2). À
l'inverse, les verbes pour lesquels le corpus d'analyse compte le moins d'occurrences
(gargouiller, carillonner) sont ceux qui affichent les plus faibles fréquences.
23
Une fois le corpus d'analyse constitué, chaque exemple y figurant a été codé. Le
code contient plusieurs éléments. D'abord, J'identification du verbe ciblé dans l'extrait;
ensuite, un numéro de référence situant l'exemple dans l'ensemble des exemples pour
un verbe; puis, la provenance de l'exemple. Pour les exemples provenant de la BDTS,
le code spécifie le type de texte d'où est issu J'extrait (littéraire, journalistique,
didactique, transcriptions de langue orale) ou la thématique dans laquelle le texte
s'inscrit (faune, alts, sociopolitique, chasse, culture, etc.). Par exemple,
crépiter_05_BDTS_Littér indique qu'il s'agit d'un exemple pour le verbe crépiter,
plus précisément le cinquième exempJe du corpus pour ce verbe; J'exemple provient
de la BDTS et est tiré d'un texte littéraire. Pour les exemples provenant de GlossaNet,
le code précise le titre de la page web où est paru l'extrait ainsi que la date de
réception de l'extrait. Un exemple pour le verbe crépiter paru sur la page web du
Dauphiné Libéré et reçu de GlossaNet le 29 mai 2010 est ainsi identifié:
crépiter_14_Glossa_/edauphinélibéréj 00529.
Les 647 exemples constituant le corpus ont été analysés afin de mettre en lumière
les comportements syntaxique, lexical et sémantique des huit verbes de son
sélectionnés. Le prochain chapitre est consacré à la première étape de l'analyse, soit
l'analyse syntaxique.
3.1
CHAPITRE III
ANALYSE SYNTAXIQUE
Ce chapitre débute par une présentation des principes qui sous-tendent l'analyse
syntaxique. La deuxième section est dédiée à la présentation des résultats de cette
analyse et fait ressortir les grandes tendances observées dans le comportement
syntaxique des verbes de son analysés.
La consignation des patrons syntaxiques
L'analyse syntaxique des verbes de son consiste à étudier les constructions
syntaxiques dans lesquelles ils apparaissent. D'importants projets ayant pour objectif
de dresser l'inventaire des propriétés syntaxiques des mots du français ont été réalisés.
À travers ses travaux sur les complétives et le développement du lexique-grammaire,
Gross (1968, 1975) a montré qu'il n'y a pas deux verbes qui aient exactement la
même distribution et qu'il est possible de procéder à des regroupements sur la base
d'analogies entre leurs comportements. La méthode appliquée consiste d'abord à
définir un ensemble de phrases simples, desquelles les phrases complexes sont
dérivées par des transformations formellement définies par la structure syntaxique. La
description d'un mot se fait par l'étude de son comportement dans ces phrases
simples. On observe, par exemple, la présence ou l'absence de compléments pour un
verbe, ou la possibilité pour un complément d'être introduit par une préposition. Puis
25
on étudie les différentes possibilités de transfonnation des phrases où apparaît le mot
ciblé.
En suivant essentiellement les pnnclpes et méthodes de Gross, Le Goffic et
Combe McBride (1975) ont entrepris de faire l'inventaire des constructions
fondamentales du français. Cependant, plutôt que de recenser les nombreuses
propriétés syntaxiques pour chaque mot du lexique, ils ont fait ressortir les
constructions les plus usuelles pour un vocabulaire usuel, poursuivant ainsi des
objectifs plus pédagogiques.
Notre analyse syntaxique des verbes du corpus s'inspire aussi de la grammaire de
patrons (Hunston et Francis 2000; Hunston 2004), qui s'attache à identifier les
patrons associés à un verbe et à les mettre en relation avec des notions de sens. Selon
Hunston & Francis (2000), les patrons d'un mot sont définis comme tous les mots ou
structures qui sont régulièrement associés à ce mot et qui contribuent à son sens. Les
travaux de ces deux chercheures font suite aux analyses phraséologiques de Sinclair
(1991) et s'inscrivent dans une perspective lexicographique. De la grammaire de
patrons, nous retenons essentiellement la méthodologie concernant la consignation
des patrons. D'abord, seules les données issues du corpus ont été considérées. Les
structures syntaxiques dans lesquelles chaque verbe de son apparaît ont été identifiées,
listées et organisées en taxinomie. Ainsi, nous avons identifié la catégorie syntaxique
des principaux constituants autour du verbe. Nous nous sommes limitée à la
consignation des éléments pouvant être considérés comme des arguments du verbe.
Par exemple, pour La salle de séjour bourdonne du bruit des convives, nous avons
catégorisé le sujet comme étant un SN (syntagme nominal) et le complément comme
étant un SP (syntagme prépositionnel) spécifiquement introduit par la préposition de.
Les éléments qui composent les patrons syntaxiques des verbes étudiés
correspondent au sujet, au verbe et aux compléments verbaux. Dans les exemples du
corpus, la position de ces éléments pouvait être variable; dans les patrons syntaxiques,
nous les avons consignés en respectant l'ordre de base (sujet, verbe, compléments).
26
Les modificateurs (de manière, de négation, etc.) n'apparaissent pas dans les patrons
syntaxiques, étant donné que ce ne sont pas des arguments du verbe.
3.1.1 La consignation du verbe
Dans le patron syntaxique, nous trouvons obligatoirement le verbe. Le verbe est
l'élément central du syntagme verbal. Il est noté « V » dans le patron syntaxique.
Aucune distinction n'a été faite quant aux modes et aux temps verbaux dans la
consignation du verbe. Déjà Tesnière (1957 : 107) mentionnait que « l'introduction
d'un auxiliaire (de mode ou de temps) ne change rien à la construction des actants ».
Les temps composés ont donc été traités indifféremment des temps simples, puisqu'ils
ne s'en différencient que par l'aspect accompli, et que cette opposition aspectuelle n'a
pas d'influence sur le nombre et le type des arguments apparaissant aux côtés du
verbe. Par conséquent, les auxiliaires n'apparaissent pas dans le patron. Nous avons
appliqué le même traitement aux semi-auxiliaires, qui ajoutent au verbe des
indications aspectuelles ou modales. Delaveau et Kerleroux (1985 : 41) disent des
semi-auxiliaires qu'ils sont « transparents sémantiquement ». Dans le même esprit,
Riegel, Pellat et Rioux (2004: 336) établissent un parallèle entre le rapport
qu'entretient l'infinitif avec le semi-auxiliaire et le rapport entre le participe passé et
les auxiliaires être ou avoir:
[Le semi-auxiliaire] sert de support aux désinences de temps, de personne et de nombre et apporte une indication aspectuelle ou modale. L'infinitif porte l'essentiel de la signification (état ou processus) et possède les propriétés du verbe; c'est lui qui opère notamment la sélection du sujet et des compléments [... ]
Ainsi, autant les formes composées d'un auxiliaire et d'un participe passé (par
exemple, ont crissé) que les séquences composées d'un semi-auxiliaire et d'un
infinitif (par exemple, s'est mis à bourdonner, ont commencé à retentir) sont notées
« V » dans le patron syntaxique.
27
En revanche, nous avons consigné les constructions causatives (ou factitives).
L'exemple suivant a été noté « SN2 fait V SN » :
(13) tinter_13_BDTS_Lillér Parfois, des coups de fusil faisaient I*tinter mollement une boîte de conserve.
Le SN (une boite de conserve) fait office de sujet de V (tinter), alors que le SN2 (des
coups de fusils) est le sujet de la séquence fait + V, analysée comme une périphrase
verbale à valeur factitive. Les deux éléments de cette séquence, ici faisaient et tinter,
ont des sujets distincts, mais le sujet de l'infinitif ne peut s'intercaler entre les deux4 :
( 14) a. Des coups de fusil t! faisaient tinter. b. *Des coups de fusil faisaient une boîte de conserve tinter.
C'est toutefois possible avec le verbe laisser, qui autorise que le sujet du verbe à
l'infinitif le sépare de ce dernier:
(15) tinter_102_BDTS_Littér Tu laisses I*tinter joyeusement les grelots au col de ton cheval.
(16) a. Tu les laisses tinter joyeusement au col de ton cheval. b. Tu laisses les grelots tinter joyeusement au col de ton cheval.
D'un point de vue syntaxique, faire et le verbe à l'infinitif fonnent un bloc
inséparable. « Cette propriété distinguefaire des autres verbes [comme laisser, voir et
entendre] qui entrent dans le même type de construction infinitive [... ] et pennet de
l'analyser comme un opérateur diathétique (un quasi-auxiliaire de diathèse) qui
permet d'augmenter une phrase de départ d'un actant initial représentant l'instance
qui est en cause du reste du procès» (Riegel, Pellat et Rioux 2004 : 229-230). D'un
point de vue sémantique, la construction causative avec faire ajoute un actant
supplémentaire au verbe, ce qui fait que le patron a été pris en compte.
4 Sauf dans le cas d'un pronom conjoint dans une phrase impérative positive (Fais-!JJ.tinler.)
28
3. /.2 La consignation du sujet
En plus du verbe, un deuxième élément apparaît obligatoirement dans chaque
patron syntaxique; il s'agit du constituant remplissant la fonction de sujet. La
présence obligatoire du sujet en français est mentionnée, entre autres, dans Lazard
(1994: 69) :
dans une langue donnée, il ne peut y avoir de phrase verbale sans la présence d'un certain actant. C'est le cas du terme dit sujet en français et dans beaucoup d'autres langues. Il n'y a pas en français de phrase sans sujet grammatical.
La grande majorité des exemples du corpus comportent un sujet réalisé en un
syntagme nominal. Tous ces sujets sont notés « SN », de même que les sujets des
subordonnées infinitives ou participiales, parce qu'ils sont récupérables.
Quelques rares exemples du corpus comportent un sujet réalisé par le pronom ça.
Dans ces cas, il ne s'agit ni d'un pronom syntaxiquement impersonnel (généralement
remplaçable par le pronom impersonnel i1), ni d'un pronom reprenant un antécédent
nominal. Dans l'exemple suivant, ça a un référent propositionnel. Il renvoie à Je tape
comme un dingue, qui correspond à un événement à l'origine de la production du
bruit. Le pronom ça permet ici d'anaphoriser une proposition, un antécédent n'ayant
ni genre ni nombre (Cadiot 1987; Riegel, Pellat et Rioux 2004).
( 17) crépiter_Of_BDTS_Littér Je m'assois pour écrire. La Remington semble de bonne humeur. Je tape comme un dingue. Çg I*crépite dans la nuit. Les phrases fusent à toute allure.
Le corpus présente un deuxième cas où ça apparaît en position sujet:
( 18) bourdonner_02_Glossa_l'équipej 00613_ - À Johannesburg, de jour comme de nuit, ça "yuyuzela" de partout. ~ bourdonne, ça bourdonne, mais aucun risque de piqures... Encore que!
29
Nous avons analysé ce cas comme une dislocation d'un SN sujet locatif. La phrase
canonique correspondante est Johannesburg bourdonne. Nous considérons alors que
le SN Johannesburg est le sujet du verbe bourdonner. Ainsi, puisque notre corpus ne
contient aucun ça impersonnel et que nous avons pu identifier un antécédent au
pronom ça dans tous les cas (dans le cas où il y a un antécédent propositionnel et
dans le cas d'une dislocation), nous avons noté le sujet ça comme les autres
syntagmes nominaux, soit « SN ».
3.1.3 La consignation des compléments
Chaque patron syntaxique inclut nécessairement un sujet et un verbe, mais la
présence d'un complément n'est bien entendu pas toujours observée. Deux grandes
catégories de compléments ont été relevées: les compléments prépositionnels et les
compléments nominaux. Les compléments prépositionnels contiennent un élément
commun dans la notation, soit « SP ». Ce symbole est suivi de la préposition qui
introduit le syntagme prépositionnel (par exemple, « SPdans », « SPde »). Le pronom
relatif locatif où est aussi noté « SP », accompagné de la préposition locative qui
apparaît lorsque ce complément est réalisé en syntagme prépositionnel. Les
compléments datifs de la possession inaliénable sont notés « datposs » et précèdent le
verbe dans les patrons. Les compléments nominaux sont notés « SN» et les
compléments propositionnels, pronominalisés ou non, sont notés « P ».
3.1.4 Le problème de la sélection des compléments
La consignation des patrons syntaxiques soulève inévitablement le problème de
la distinction entre compléments sélectionnés et compléments non sélectionnés. Déjà
Tesnière (1959) affirmait que la limite entre actants et circonstantsS est difficile à
fixer avec précision. Selon lui, la forme et le sens constituent les deux critères qui
5 L'opposition entre actants et circonstants, établie à la base sur une métaphore théâtrale, est avant tout sémantique. Quand le problème est envisagé dans une perspective syntaxique, nous parlons plutôt de la distinction entre arguments / ajouts (ou adjoints), ou entre compléments sélectionnés / non sélectionnés, ou encore entre compléments essentiels / non essentiels.
30
permettent de distinguer les actants des circonstants. Les actants sont des substantifs
dépendant du verbe et indispensables pour compléter le sens de celui-ci; les
circonstants, adverbiaux, sont essentiellement facultatifs.
Depuis, de nombreux chercheurs se sont penchés sur ce problème encore non
résolu (Bresnan 1982; Pollard et Sag 1987; Cervoni 1990, 1991; Lazard 1994;
Leeman 1998, etc.). Les différentes propositions pour établir la distinction entre
compléments sélectionnés et compléments non sélectionnés font appel à des critères
syntaxiques (tests d'omission, d'insertion, de remplacement, critère d'itérabilité, etc.),
des critères sémantiques (complément sous-entendu, redondance d'une partie du sens
du verbe) et des critères de fonne (préposition spécifique qui introduit le
complément). Mais, quels que soient les critères mis de l'avant, la distinction
demeure floue, ce que Cervoni (1991 : 109-110) résume ainsi:
[... ] du point de vue de la cohésion, il n'existe pas de différence suffisamment nette entre la «transitivité indirecte» et la «circonstance» pour qu'apparaisse comme justifiée la dichotomie qu'impliquent ces deux tennes. Si en effet il est vrai globalement que les compléments indirects sont plus étroitement liés à leur support que les circonstanciels, dès qu'on cherche à établir une frontière entre les uns et les autres, les critères fonnels sont défaillants
L'auteur prône l'hypothèse d'un continuum entre les différents compléments
verbaux6 et montre que la distinction entre compléments essentiels du verbe et
circonstants laisse toujours place à une part d'arbitraire. Quoi qu'il en soit, lors de
l'analyse syntaxique, nous avons dû décider si tel ou tel constituant faisait partie ou
non des patrons syntaxiques des verbes analysés. Comme nous ne disposions pas
toujours de critères satisfaisants pour les distinguer, nous avons parfois dû trancher
sur une base intuitive, ce qui fait que nos décisions lors de la consignation des patrons
syntaxiques peuvent parfois ètre contestables. 11 importe tout de même d'exposer ici
(, On retrouve cette même idée de continuum dans Guimier (1993) et Borillo (1990), entre autres.
31
les grandes lignes que nous avons SUIvIes pour déterminer si un complément est
sélectionné ou non, si un complément est inclus ou non dans le patron syntaxique.
Généralement, on s'entend pour dire que l'omission d'un complément
sélectionné entraîne l'agrammaticalité de la phrase. Toutefois, si un complément peut
être omis sans rendre la phrase agrammaticale, nous ne pouvons pas conclure qu'il
s'agit d'un complément non sélectionné; cela nous indique simplement que ce
complément est facultatif (non essentiel). Or, un complément peut être
syntaxiquement facultatif tout en étant sélectionné sémantiquement. Autrement dit,
l'obligatoire syntaxique ne va pas de paire avec l'obligatoire sémantique.
C'est là précisément que se trouve le problème quand on cherche à identifier les
compléments sélectionnés par les verbes de son. Le plus souvent, ces verbes,
traditionnellement classés comme intransitifs, n'exigent pas la présence d'un
complément, tel qu'illustré en (19). Lorsqu'ils sont accompagnés d'un complément,
comme en (20), il s'agit d'un complément facultatif, qui peut être omis.
(19) bourdonner_28_BDTS_Faune [... ] une pergola tout entourée de moustiquaires. C'est une fin d'après-midi de juillet. L'air I*bourdonne. Deux hommes s'avancent.
(20) bourdonner_66_BDTS_Lillér [...] au séjour de Joseph en Egypte. L'air autour de nous I*bourdonnait du chant de grâce des insectes butineurs. Il embaumait des trois herbes précieuses,
Afin de déterminer si un complément facultatif est sélectionné ou non, il faut recourir
à d'autres critères.
3.1A.1 Les tests syntaxiques
Des tests syntaxiques 7 aident à déterminer si un complément facultatif est
sélectionné ou non. D'abord, nous pouvons appliquer le test de l'insertion de et cela.
7 Nous ne présentons ici que les principaux tests syntaxiques, que l'on trouve notamment dans Tellier (2003), et que nous avons employés lors de l'analyse des exemples du corpus.
32
Si un complément peut être précédé de et cela, il est non sélectionné; si cette insertion
produit une phrase agrammaticale, le complément est sélectionné. Ainsi, le SP
souligné en (21) est sélectionné, alors que celui en (22) ne l'est pas.
(21 ) crisser_65_BDTS_Liltér Jack donna un vigoureux coup de frein. Les pneus I*crissèrent sur l'asphalte et le minibus se mit en travers de la route.
*Les pneus crissèrent, et cela sur l'asphalte.
(22) crisser_45_BDTS_Liltér Les feuilles mortes I*crissent dans l'allée du petit jardin.
Les feuilles mortes crissent, et cela dans l'allée du petit jardin.
Un autre test syntaxique aide à distinguer les compléments sélectionnés des
compléments non sélectionnés: le test de l'antéposition (ou le critère de mobilité).
Parce qu'il dépend du verbe, un complément sélectionné est moins mobile qu'un
complément non sélectionné. Ainsi, l'antéposition simpleS n'est possible que pour les
compléments non sélectionnés. En (23), le SP dans le soubassement est non
sélectionné.
(23) bourdonner_l/_BDTSjittér (... ) feuille par feuille, les précieuses copies. Dans le soubassement, les presses I*bourdonnaient et ébranlaient l'édifice.
Au-delà des critères syntaxiques, il faut aussi faire intervenir des considérations
sémantiques.
3.1.4.2 La sélection sémantique
Dans les cas se situant à la frontière entre argument et ajout, nous avons
considéré comme arguments les compléments qUI entretiennent un rapport
8 Tellier (2003) souligne l'importance de distinguer l'antéposition simple des opérations de clivage et de dislocation, qui peuvent aussi comporter un constituant antéposé. Dans une opération de clivage, le constituant antéposé est aussi encadré par les marqueurs c'est ... qui, et dans lIne opération de dislocation, un constituant antéposé doit nécessairement être repris par un pronom dans la phrase.
33
sémantique étroit avec le verbe. Cela concerne principalement les compléments
locatifs. Tout événement se situe nécessairement à un moment et dans un lieu. Mais
le défi est de déterminer si le lieu évoqué par le complément est plutôt scénique,
cadratique (auquel cas il n'est pas un argument et ne fait pas partie du patron
syntaxique) ou s'il s'agit d'un lieu impliqué dans l'événement exprimé par le prédicat
(auquel cas il est un argument). Les exemples ci-dessous permettent de montrer la
ligne que nous avons suivie quant à la sélection des compléments.
(24) tinter_37_BDTS_Littér [... ] déboulent sur les tables luisantes et brunes, les bouteilles aussi. Les trente-sous I*tintent dans les tabliers de ouéteurs, le ding ding ding ding déding des cashes.
(25) tinter_113_BDTS_Littér On entendit une bouteille I*tinter sur un verre, puis le rire étouffé de Kathleen [... ]
Dans ces deux exemples, l'omission des compléments locatifs soulignés n'entraîne
pas l'agrammaticalité des phrases. Il nous semble toutefois que le SP en (25)
entretient un rapport beaucoup plus étroit avec le verbe tinter que ne le fait le SP en
(24). Le SP dans les tabliers des ouéteurs a été considéré comme non sélectionné
parce qu'il correspond au lieu scénique où tintent les trente-sous. Le SP sur un verre
a été considéré comme sélectionné parce qu'il ne correspond pas au lieu scénique; la
bouteille tinte parce qu'elle est en contact avec un verre, le verre est directement
impliqué dans l'événement. Si le SP sur un verre est omis, il est tout de même sous
entendu; nous pouvons dire que ce complément est sélectionné sémantiquement tout
en étant non sélectionné syntaxiquement. Ainsi, lors de l'analyse syntaxique, de
nombreux compléments plus traditionnellement considérés comme non sélectionnés
ont été inclus dans les patrons syntaxiques des verbes concernés. Il s'agit
essentiellement de compléments syntaxiquement facultatifs mais que nous estimons
sélectionnés sémantiquement. Nos décisions concernant la sélection des compléments
a donc une incidence sur les patrons dégagés pour chaque verbe.
34
3.2 Les patrons syntaxiques des huit verbes analysés
Pour chaque exemple du corpus, nous avons consigné le patron syntaxique
représentant la construction du verbe dans cet emploi. Ces patrons spécifiques ont été
appelés micropatrons. Par la suite, nous avons regroupé les micropatrons de chaque
verbe afin de dégager des macropatrons. Les macropatrons sont en quelque sorte des
constructions modèles desquelles découlent les micropatrons. Autrement dit, à chaque
macropatron sont rattachés un ou plusieurs micropatrons, qui constituent des
variantes dans la réalisation du macropatron.
Dans cette section, nous montrons d'abord que les patrons syntaxiques issus de
l'analyse du corpus reflètent bien les différents emplois attestés pour chacun des
verbes étudiés. Par la suite, nous décrivons le comportement syntaxique de ces verbes,
d'abord au niveau des macropatrons, puis au niveau des micropatrons. Enfin, nous
dégageons les grandes tendances qui ressortent de l'analyse syntaxique.
3.2.1 Représentativité des patrons syntaxiques issus du corpus
La grammaire de patrons ne prend son sens que dans l'examen d'un très vaste
corpus. Même si, pour certains verbes, les occurrences dans notre corpus ne sont pas
très nombreuses, nous nous sommes assurée, par la comparaison avec les entrées de
dictionnaires, qu'elles reflètent l'usage courant.
Ainsi, pour chacun de nos huit verbes, les exemples consignés dans deux
dictionnaires d'usage, le TLF et Le Petit Robert, ont été analysés dans un objectif de
comparaison9. Il en ressort que toutes les constructions du Petit Robert et presque la
totalité des constructions du TLF sont exemplifiées dans le corpus. Seulement deux
macropatrons dégagés des articles du TLF ne sont pas représentés par les exemples du
corpus. Une construction pronominale est consignée dans le TLF pour le verbe
carillonner (macropatron : SN se V); toutefois, cette construction, qui a le sens « se
9 La comparaison détaillée des macropatrons syntaxiques issus du corpus et des macropatrons illustrés dans le TLF et Le Petit Robert se trouve à l'annexe 1.
35
répondre », porte la mention poétique et est exemplifiée par un extrait en vers. Le
deuxième macropatron absent du corpus est SN V SN SP. On en trouve un exemple
dans le TLF dans l'article pour le verbe tinter: Les guzlas nasillent sur trois cordes
(...) pendant que le jet d'eau tinte sa note fraÎche sur les faïences du patio (A.
DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 144). Nous avons préféré ne pas intégrer à nos
patrons ces constructions que nous estimons trop littéraires, et qui sont d'ailleurs
absentes du Petit Robert.
En ce qui concerne les micropatrons 10, le TLF présente quelques rares
constructions qui lui sont propres, mais ces constructions sont associées à des
macropatrons déjà exemplifiés dans le corpus. Par ailleurs, notre corpus offre
plusieurs micropatrons absents du TLF et du Petit Robert. Plusieurs de ces patrons
originaux ne sont cependant illustrés que par un seul exemple du corpus. Aussi, il est
possible pour certains verbes de présenter des micropatrons qui ne sont pas illustrés
par le corpus. Les associations entre patrons syntaxiques et verbes ne peuvent
prétendre être exhaustives. Malgré cela, le corpus a pern1is d'étudier une grande
variété de constructions, et la description aurait été moins riche si nous nous en étions
tenue aux exemples qui figurent dans les dictionnaires d'usage.
En somme, la comparaison des patrons syntaxiques issus du corpus et des patrons
syntaxiques figurant dans des dictionnaires d'usage a peID1is de confirmer que les
constructions généralement admises pour les verbes étudiés sont bien représentées
dans le corpus.
3.2.2 Les macropatrons syntaxiques
Après avoir identifié, pour chaque exemple du corpus, les constructions
syntaxiques (micropatrons) dans lesquelles s'insère le verbe, nous avons procédé à
des regroupements afin d'en dégager des structures plus générales (macropatrons).
III La comparaison détaillée des micropatrons syntaxiques issus du corpus et des micropatrons illustrés dans le TLF et Le Petit Robert se trouve à l'annexe 2.
36
Ces macropatrons ont été organisés en taxinomie ll , selon le nombre et le type
d'arguments pour chaque verbe. Le schéma suivant présente les quatre macropatrons
que nous avons dégagés pour les verbes de son étudiés, du patron le plus simple au
patron le plus complexe.
SNV
~ SN V SN2 SN V SP
1
SN V SP SP
Figure 3.1 Taxinomie des macropatrons syntaxiques des huit verbes de son étudiés
Le premIer macropatron de cette taxinomie est SN V. Il s'agit d'une construction
monoargumentale, dans laquelle l'argument obligatoire, le sujet, est un syntagme
nominal. L'ajout d'un argument à ce patron donne un patron plus complexe, comme
c'est le cas pour le macropatron SN V SN2, où le SN2 occupe la fonction de
complément direct du verbe. Le deuxième argument peut aussi se réaliser en un
syntagme prépositionnel, d'où le patron SN V SP. Dans ce patron, le syntagme
prépositionnel correspond soit à un complément indirect du verbe, soit à un datif
possessif. Enfin, le macropatron SN V SP SP est une construction plus complexe
comprenant à la fois un SP complément indirect et un SP datif possessif.
Ces quatre macropatrons syntaxiques ont été dégagés pour l'ensemble des verbes
étudiés. Or, tous ces verbes n'admettent pas également les quatre macropatrons. Le
Il Nous sommes consciente qu'un choix différent panni la liste des verbes de son choix aurait pu faire ressortir des constructions différentes de celles qui apparaissent dans le corpus. Par exemple, la construction impersonnelle avec les verbes tonner et gronder: il tonne, il gronde. La description syntaxique des huit verbes sélectionnés ne présente donc pas de man ière exhaustive les constructions possibles pour l'ensemble des verbes de son.
37
tableau 3.1 présente la répartition des huit verbes étudiés en fonction des
macropatrons dans lesquels ils peuvent entrer. Les pourcentages équivalent au
nombre d'occurrences représentant un macropatron donné par rapport au nombre
total d'occurrences pour chaque verbe '2 . Par exemple, 65,55 % de l'ensemble des
occurrences du verbe retentir dans le corpus présentent le macropatron SN V.
Tableau 3.1 Répartition des occurrences des verbes analysés selon leurs macropatrons
syntaxiques
Verbes Macropatrons syntaxiques
SN V SN V SP SN V SP SP SN V SN2
crépiter 81,01 % 18,99 %
tinter 80,53 % 15,04 % 0,88 % 3,54 %
gargouiller 78,57 % 14,28 % 7,14%
bruire 66,07 % 33,93 %
retentir 65,55 % 34,45 %
carillonner 57,14 % 14,28% 28,57 %
bourdonner 54,03 % 42,54 % 3,45 %
crisser 53,43 % 45,21 % 1,37 %
12 Dans le corpus, le nombre d'occurrences est hautement variable d'un verbe à l'autre. Par exemple, le verbe retentir offre 2 J0 occurrences, alors que le verbe carillonner ne présente que 14 occurrences. Nous ne pouvons donc pas comparer les huit verbes sur la base du nombre absolu d'occurrences représentant chaque macropatron ou micropatron syntaxique. La comparaison devient possible si nous la faisons sur la base du pourcentage d'occurrences (calculé, pour chaque verbe, selon le nombre d'occurrences présentant un patron donné par rapport au nombre total d'occurrences pour ce même verbe). Par ailleurs, nous ne pouvons pas non plus comparer les différents patrons syntaxiques, tous verbes confondus, d'après leur nombre d'occurrences, car les verbes présentant un nombre élevé d'occurrences (par exemple, retentir, qui présente 15 fois plus d'occurrences que carillonner) viendraient absorber ceux qui présentent un petit nombre d'occurrences, et cela fausserait la répartition. Nous devons nous contenter d'observer, pour chaque verbe, la répartition des occurrences en différents patrons syntaxiques, après quoi nous dégagerons des tendances.
38
Les huit verbes étudiés présentent des cas d'emploi associés au macropatron SN V.
Pour chaque verbe, il s'agit du macropatron le plus représenté dans le corpus. 11 n'est
pas étonnant qu'une si grande proportion d'exemples du corpus présente cette
construction: dans les classements de grammaire traditionnelle, les huit verbes
étudiés sont essentiellement intransitifs. Le macropatron SN V SP est aussi représenté
par tous les verbes étudiés, dans des proportions plus ou moins grandes selon les
verbes. Le rnacropatron SN V SP SP est observé pour quatre verbes seulement:
gargouiller, crisser, bourdonner et tinter. Quant au macropatron SN V SN2, il n'est
représenté que par les verbes carillonner et tinter. Des huit verbes étudiés, ce sont
d'ailleurs les deux seuls pour lesquels nous trouvons un emploi transitif dans le TLF
et Le Petit Robert.
Il est possible, à cette étape, de classer les huit verbes selon les macropatrons
qu'ils présentent. Ainsi, nous pouvons regrouper les verbes retentir, bruire et crépiter,
qui ne présentent que deux macropatrons: SN V et SN V SP. En plus de ces deux
macropatrons, les verbes gargouiller, crisser et bourdonner autorisent le macropatron
SN V SP SP, alors que le verbe carillonner entre dans le macropatron SN V SN2.
Enfin, le verbe tinter est le seul à pouvoir entrer dans les quatre macropatrons.
Nous venons de présenter les macropatrons syntaxiques dans lesquels
apparaissent les verbes de son étudiés en précisant quels sont les verbes associés à
chaque macropatron. Nous allons maintenant décrire comment se réalisent plus
particulièrement ces quatre macropatrons.
3.2.3 Les micropatrons syntaxiques
Les micropatrons associés à un macropatron sont des réalisations particulières de
ce macropatron. Les micropatrons peuvent correspondre exactement au macropatron
auquel ils sont associés; ils peuvent aussi comporter certaines particularités. Il peut
s'agir d'une particularité syntaxique. C'est le cas des constructions causatives, que
nous traitons comme des micropatrons toujours associés à un macropatron qui
39
représente la construction non causative correspondante (par exemple, SN2 fait V SN
est un micropatron associé au macropatron SN V). Aussi, les micropatrons font
parfois appel à des considérations lexicales et sémantiques (par la spécification de la
préposition qui introduit un SP ou par la distinction entre les SP locatifs et les SP non
locatifs). Alors que les macropatrons contiennent des informations exclusivement
syntaxiques, il serait plus exact de qualifier certains micropatrons de patrons
syntaxico-sémantiques.
3.2.3.1 Les micropatrons associés au macropatron SN V
Deux micropatrons sont associés au macropatron SN V :
Macropatron : SN V
Micropatrons : SN V SN2 fait V SN
Figure 3.2 Micropatrons associés au macropatron SN V
Le premier micropatron est identique au macropatron : SN V. Les huit verbes entrent
dans ce micropatron; il s'agit du micropatron le plus fréquent. 11 est exemplifié par le
verbe retentir en (26); l'argument du verbe est souligné.
(26) retentÙ'_98_BDTS_Lillér La sonnerie du téléphone l'l'retentit . Monsieur Tchen était occupé avec un client. AIJait-il répondre?
Le deuxième micropatron, SN2 fait V SN, est une construction factitive, dans
laquelle le SN correspond au SN sujet du macropatron SN V. Bien que nettement
moins fréquent que la construction non factitive, ce micropatron est représenté par
tous les verbes du corpus, à l'exception du verbe gargouiller. En voici un exemple
avec le verbe tinter:
- - -
40
(27) tinter_34_BDTS_Lillér Le laitier fait I*tinter ses pintes de lait, ses demiards de crème, ses chopines de lait au chocolat.
3.2.3.2 Les micropatrons associés au macropatron SN V SN2
Pour le macropatron SN V SN2, nous avons relevé deux micropatrons :
Macropatron : SN V SN2
Micropatrons : SN V SN2 SN V P
Figure 3.3 Micropatrons associés au macropatron SN V SN2
Le micropatron SN V SN2 correspond à un emploi transitif du verbe, où le
complément direct (SN2) est réalisé en un syntagme nominal. Trois verbes présentent
ce cas d'emploi dans le corpus: carillonner, gargouiller, et tinter, exemplifié ci
dessous:
(28) tinterj5_BDTS~illér Un angélus au loin I*tinte ses derniers coups; Une odeur d'abattis flotte dans l'atmosphère [... ]
Des trois verbes admettant la construction transitive directe, seul le verbe carillonner
présente un complément direct réalisé différemment que par un SN. Le complément
est un pronom qui reprend une proposition entière (micropatron SN V P).
(29) carillonner 0/ BDTS Littér JI était six heures et les cent clochers de Montréal k I*carillonnaient bien haut.
Dans cet exemple, le pronom le reprend la proposition il était six heures.
41
3.2.3.3 Les micropatrons associés au macropatron SN V SP
Les verbes du corpus entrant dans le macropatron SN V SP peuvent se réaliser en
six micropatrons, qui correspondent aux six points terminaux dans le schéma suivant:
Macropatron : SN V SP
SN V SP SN datposs V
SN V SPLoc SN2 datposs fait V SN
~ SN V SPLoc SN2 fait V SN SPLoc SN V SPde SN2 fait V SN SPde
Figure 3.4 Micropatrons associés au macropatron SN V SP
Les différentes réalisations du macropatron SN V SP s'organisent d'abord en deux
grands types: nous distinguons les patrons contenant un SP correspondant à un
clitique datif possessif (SN datposs V) et ceux contenant un SP effectivement
introduit par une préposition (SN V SP).
Les micropatrons de type SN V SP
Les prépositions spécifiques apparaissant dans les micropatrons de type SN V SP sont
listées en (30) :
(30) à, à travers, contre, dans, de, de/en, entre, hors de, jusqu'à, sous, sur
Une grande majorité des SP introduits par une préposition spécifique correspondent à
des compléments locatifs. Ainsi, nous avons distingué les SP locatifs (SPLoc) des SP
42
non locatifs. Nous avons systématiquement considéré comme SPLoc tous les SP
introduits par des prépositions typiquement locatives (à travers, dans, de/en, entre,
hors de, jusqu'à, sous, sur) et les SP introduits par à ou contre, car ils introduisent
toujours des compléments locatifs dans notre corpus. Quant aux SP non locatifs, ils
sont tous introduits par la préposition de, alors nous les désignerons à l'aide du
symbole SPde. Tous les SP introduits par de ne font pas partie des SPde; certains SP
introduits par de sont inclus dans les SPLoc. Dans l'exemple en (31), le SP introduit
par de est un SPLoc (il correspond au lieu d'origine de l'émission sonore); dans
l'exemple en (32), le SP introduit par de n'est pas locatif et fait donc partie des SPde.
(31 ) SPLoc : retentir_185_BDTS_Sociop qui salue militairement de quinze coups de mousquet. En même temps, des hauteurs de la Citadelle I*retentissent quinze coups de canon. Le drapeau monte et flotte au-dessus de la tour centrale et la fanfare
(32) SPde (non locatif) : crépiter_68_BDTS_Faune Les falaises, blanchies par les fientes, I*crépitaient des rauques vociférations de myriades d'oiseaux qui y nichaient.
Les patrons SN V SPLoc et SN V SPde sont tous deux sujets à la construction
causative, nous nous retrouvons donc avec quatre micropatrons, exemplifiés ci
dessous:
(33) SN V SPLoc: crisserJ1_BDTS_Littér [00'] ils étaient juste restés assis en silence dans l'obscurité, le dos I*crissant sur le polystyrène, à regarder le ciel dehors.
(34) SN2 fait V SN SPLoc : retentir_152_BDTS_Littér [00'] et, une voix qui semble descendre du ciel, vient faire I*retentir aux oreilles du criminel ces terribles paroles: c'est assez l
(35) SN V SPde : bruire_55_BDTS_Littér [00'] j'écoute le grenier tout entier I*bruire de respirations enfantines, [00']
(36) SN2 fait V SN SPde : retentù'_197_BDTS_Littér [00'] il se promenait dans Victor Hugo, allant chercher des « échos sonores» qu'il faisait I*retentir de sa voix qui tout à coup flûtait.
43
Un exemple contenant un complément locatif (SN V SPLoc) nous a confrontée
au problème du dénombrement des arguments:
(37) retentir_199_BDTS_Littér Ce combat dans le magnifique bassin de Québec présentait un spectacle grandiose. Les détonations I*retentissaient de montagne en montagne, d'un côté jusqu'à la crête des Alléghanys [... ]
Dans ce cas, il est difficile d'admettre que nous sommes en présence de deux
arguments distincts (le SP de montagne et le SP en montagne). Les deux SP sont
indissociables; l'un ne va pas sans l'autre. Suivant la méthodologie de Guimier (1993)
pour l'établissement d'un corpus de circonstants, nous analysons ce cas comme la
juxtaposition de deux groupes prépositiormels, formant un constituant complexe.
C'est la raison pour laquelle ce micropatron apparaît sous le macropatron SN V SP et
non sous le macropatron SN V SP SP.
Les micropatrons de type SN datposs V
Les verbes tinter et bourdonner offrent des exemples qUI correspondent au
micropatron SN datposs V, dont voici un exemple:
(38) SN datposs V: bourdonner_05_BDTS_Littér Mais J'attente est une fièvre corrune une autre. J'avais chaud, j'avais froid, les oreilles me I*bourdonnaient affreusement, et je répondais au hasard à cette bonne Mme Lebrun [... ]
Dans ce micropatron, le SP est réalisé par un clitique datif possessif (me). Ce datif
possessif est nécessairement en relation avec le SN sujet (les oreilles), puisqu'il n'y a
pas d'autres constituants auxquels il puisse être lié. Le patron SN datposs V est
apparenté au patron plus simple SN V. En effet, il est possible d'exprimer la
possession autrement que par le clitique datif, par exemple à l'aide d'un déterminant
possessif dans le SN sujet. L'exemple en (39), modifié de cette façon, correspond au
patron SN V :
44
(39) SN V: J'avais chaud, j'avais froid, mes oreilles bourdonnaient affreusement.
Même si le patron SN datposs V peut être réduit au patron SN V, nous avons tenu à le
considérer comme un micropatron, car « En vertu de la solidarité entre le tout et ses
parties, cette construction fait du tout (ailleurs identifié par une construction
prépositionnelle ou possessive [... ]) un nouvel actant affecté par le procès portant sur
ses parties. (Riegel, Pellat et Rioux 2004 : 227) »
Le deuxième micropatron associé au macropatron SN datposs V, le micropatron
SN2 datposs fait V SN, se réclame d'un héritage multiple: il est en lien à la fois avec
le patron SN2 fait V SN SP et avec le patron SN datposs V. En effet, ce micropatron
contient un datif possessif et présente une structure causative. Dans le corpus, ce
micropatron est représenté seulement par le verbe tinter:
(40) SN2 datposs fait V SN: tinter_02_BDTS_Littér [... ] « Gisèle, qu'est-ce que tu prends'?» Le nom me fit 1* tinter les oreilles et, sans en croire mes yeux, je m'avançai sur le bout de ma chaise et scrutai ses
Ici encore, le clitique entretient un rapport avec le SN sujet. Remarquons que ce
clitique est placé devant l'opérateur fait. Il serait impossible de le trouver entrefait et
le verbe à l'infinitif:
(41 ) *Le nom fit me tinter les oreilles.
3.2.3.4 Les micropatrons associés au macropatron SN V SP SP
Deux micropatrons sont associés au macropatron SN V SP SP. Les deux
contiennent un SP correspondant à un datif possessif. La différence entre ces deux
micropatrons réside dans le second SP, qui est soit un SPLoc, soit un SPde.
45
Macropatron : SN V SP SP
Micropatrons : SN datposs V SPLoc SN datposs V SPde
Figure 3.5 Micropatrons associés au macropatron SN V SP SP
Dans le corpus, les verbes crisser, bourdonner et tinter présentent le micropatron
SN datposs V SPLoc. En voici un exemple avec le verbe tinter:
(42) SN datposs V SPLoc: tinter_04_BDTS_Littér [... ] toutes les cloches du monde lui I*tintaient aux oreilles en un seul coup [... ]
Quant au micropatron contenant un SPde, il est représenté par les verbes gargouiller
et bourdonner, dont voici un exemple:
(43) SN datposs V SPde: bourdonner_08_BDTS_Monogr [... ] ou le clapotement de J'eau contre les flancs de la nacelle: la tête lui I*bourdonne de mille bruits insolites ...
Dans ces deux micropatrons, le clitique datif possessif entretient un rapport soit avec
le SN sujet, soit avec le Sp I3 (plus exactement avec le complément de la préposition).
Cela devient plus évident si nous modifions les phrases en (42-43) en exprimant la
possession par un déterminant possessif plutôt que par un clitique datif:
(44) Les cloches tintent à ses oreilles.
(45) Sa tête bourdonne de mille bruits insolites.
13 Le fait que le SPLoc du micropatron SN datposs V SPLoc entretienne un rapport étroit avec le datif possessif vienl appuyer notre décision de le considérer comme un complément sélectionné.
46
Nous venons de présenter les différents micropatrons associés aux quatre
macropatrons dégagés lors de l'analyse syntaxique des huit verbes de son
sélectionnés. Précédemment, nous avons pu regrouper certains verbes selon leurs
macropatrons; nous allons maintenant observer quels verbes peuvent entrer dans
quels micropatrons.
3.2.3.5 Comparaison des micropatrons des huit verbes étudiés
Le tableau 3.2 présente les relations entre chacun des huit verbes étudiés et les
micropatrons dans lesquels ils peuvent entrer. Le symbole « x» indique, pour un
verbe donné, qu'au moins un exemple dans le corpus correspond à un micropatron
donné.
Tableau 3.2 Les huit verbes de son analysés et leurs micropatrons syntaxiques
Macropatrons Micropatrons ' '- '<Il <Il'= '= t; .:::
~ ~ ~ '= ~ .~ "> (5 <Il:~ .~~ ~ '- ~ ~ .~ ~ ' '(5 '- v v ë:ic::s
~ V 00
SNV SN V x x x x x x x x
SN fait V SN x x x x x x x
SN V SN SN V SN2 x x
SN V P x
SN V SP SN V SPLoc x x x x x x x x
SN V SPde x x x x x
SN datposs V x x
SN2 fait V SN SPLoc x x SN2 fait V SN SPde x
SN2 datposs fait V SN x
SN V SP SP SN datposs V SPLoc x x x
SN datposs V SPde x x
Globalement, ce tableau révèle qu'au nIveau des micropatrons, les huit verbes
présentent tous des comportements différents; il n'y a pas deux verbes qui aient
exactement la même distribution. Nous pouvons tout de même observer des parallèles
47
entre les micropatrons et dégager des tendances en ce qui concerne les particularités
précisées par les micropatrons.
Apropos des rnicropatrons causatifs
Des constructions causatives ont été consignées pour la presque totalité des verbes
(sept verbes sur huit). Le corpus n'offre aucun exemple de construction causative
avec le verbe gargouiller, mais cette construction est pourtant possible. Dans
l'exemple suivant contenant le verbe gargouiller, la cause est exprimée par le SP de
faim:
(46) SN datposs V SPde: gargouiller_03_BDTS_Lillér - Rien qu'à en parler, l'estomac me I*gargouille de faim.
Par un changement de diathèse, il est possible de retrouver la cause comme sujet de
faire, dans le patron SN2 fait V SN :
(47) SN2 fait V SN : La faim fait gargouiller mon estomac.
Aussi, bien que tous les verbes entrent dans le micropatron SN V SP avec une
préposition spécifique (SPLoc ou SPde), la construction causative correspondante ne
se trouve qu'avec les verbes crépiter et retentir. Avec ces deux verbes, il est possible
d'établir un parallèle entre les SP des deux micropatrons (causatifs et non causatifs)
quant au type de préposition. En effet, le verbe crépiter entre dans le micropatron
causatif contenant un SPLoc ou SPde et il peut aussi entrer dans les micropatrons non
causatifs SN V SPLoc et SN V SPde. De la même façon, le verbe retentir peut se
trouver avec un SPLoc ou un SPde autant dans le micropatron causatif que dans le
micropatron non causatif.
48
Ji propos des micropatrons contenant un datVpossess~f
Quatre verbes présentent des micropatrons comportant un datif possessif: tinter,
bourdonner, gargouiller et crisser. Ces quatre verbes peuvent se trouver dans des
micropatrons combinant un datif possessif et un autre SP (SPLoc ou SPde).
Cependant, le micropatron SN datposs V, qui contient un datif possessif sans contenir
de syntagme prépositionnel, est illustré par le corpus seulement avec bourdonner et
tinter.
Par ailleurs, un parallèle peut être observé entre les micropatrons contenant un
datif et un autre SP, et les micropatrons contenant seulement un SP (sans datif). De
façon générale, les types de prépositions (SPLoc ou SPde) que nous trouvons pour un
verbe donné dans le patron SN datposs V SP se trouvent aussi dans le patron
SN V SP de ce même verbe.
Ji propos des types de SP
Chacun des huit verbes étudiés peut se trouver dans un micropatron qui contient un
SPLoc. En revanche, aucun micropatron contenant un SPde n'a été consigné pour les
verbes carillonner et crisser.
3.3 Conclusion
L'analyse syntaxique a consisté à identifier les éléments apparaissant aux côtés
des verbes ciblés afin de faire ressortir leurs patrons syntaxiques, c'est-à-dire les
constructions dans lesquelles ils peuvent entrer. Quatre macropatrons ont été dégagés:
SN V, SN V SN2, SN V SP et SN V SP SP. Nous avons pu faire certains
regroupements sur la base des macropatrons représentés par chaque verbe. Les huit
verbes présentent des exemples correspondant aux macropatrons SN V (le patron le
plus fréquent) et SN V SP. Cependant, les autres macropatrons sont représentés par
49
certains verbes seulement. Le macropatron SN V SP SP est illustré par quatre verbes:
gargouiller, crisser, bourdonner et tinter. Le macropatron SN V SN ne se trouve
qu'avec les verbes carillonner et tinter.
La comparaison des verbes par rapport à leurs micropatrons a montré qu'il est
plus difficile de regrouper les verbes sur la base de leurs micropatrons. En effet,
chacun des huit verbes étudiés présente un comportement syntaxique unique; il n 'y a
pas deux verbes qui présentent exactement les mêmes micropatrons. Toutefois, nous
avons pu regrouper des micropatrons. Ainsi, nous avons pu constater que les huit
verbes peuvent entrer dans des constructions causatives et dans les patrons contenant
un SPLoc, six verbes peuvent entrer dans les patrons contenant un SPde (bourdonner,
bruire, crépiter, gargouiller, retentir, tinter) et quatre verbes entrent dans des
micropatrons contenant un datif possessif (tinter, bourdonner, gargouiller et crisser).
En somme, l'analyse syntaxique a fait ressortir six grandes classes de
comportement pour l'ensemble des verbes de son étudiés: le patron SN V, le patron
SN V SN, le patron SN V SPLoc, le patron SN V SPde, les patrons causatifs et les
patrons contenant un datif possessif. Les éléments qui composent ces patrons seront
précisés lors de la prochaine étape: le typage lexical.
CHAPITRE IV
TYPAGE LEXICAL
Le typage lexical consiste à préciser les restrictions sélectionnelles des verbes
ciblés, c'est-à-dire à préciser quels types sémantiques d'éléments peuvent apparaître
aux côtés de ces verbes. La première section de ce chapitre est une présentation des
principes que nous avons suivis dans l'opération de typage. La deuxième section est
consacrée à la présentation des types associés à chaque élément des patrons
syntaxiques dégagés lors de l'analyse syntaxique, et ce pour chacun des huit verbes.
Enfin, les conclusions concernant le typage sont présentées dans la dernière section.
4.1 L'étape de typage
L'opération de typage lexical permet de préciser l'analyse syntaxique. Riegel,
Pellat et Rioux (2004 : 122) soulignent qu'« [u]n élément lexical peut remplir toutes
les conditions de sous-catégorisation syntaxique pour occuper une position donnée
sans pour autant être compatible avec toutes les unités susceptibles de figurer dans cet
environnement syntaxique». En effet, si tous les verbes du corpus entrent dans le
patron SN V, tous ne sont pas compatibles avec n'importe quel SN :
51
(48) a. La cafetière gargouille.
b. *La chaise/* le ciel/* le courage/*les coups de feu gargouille(nt).
Les phrases en (48) sont toutes grammaticales du point de vue syntaxique, mais les
phrases en (48b) sont asémantiques. Il ne suffit donc pas de dire que gargouiller est
un verbe intransitif, encore faut-il préciser les propriétés sémantiques des éléments
qui figurent dans son environnement. Le verbe impose des restrictions sémantiques
aux éléments qui l'accompagnent. Ces éléments doivent être définis par la classe
sémantique à laquelle ils appartiennent.
Ainsi, chaque élément accompagnant le verbe dans les patrons syntaxiques a été
associé à un type sémantique (entité concrète, entité abstraite, lieu, etc.). Pour le
typage des SN, nous avons isolé le nom constituant le noyau pour ensuite l'associer à
un type. Pour le typage des SP, nous avons associé un type au SN inclus dans le SP,
indépendamment de la préposition introduisant le SP. C'est donc par ellipse que nous
parlerons de types associés aux SP. Avant de présenter le typage en tant que tel pour
chaque verbe, nous présentons d'abord les types sémantiques que nous avons utilisés
et quelques précisions concernant l'opération de typage.
4.1.1 Les types sémantiques
Notre point de départ pour le choix des types à utiliser pour le typage est la liste
de huit traits syntactico-sémantiques tirée de Gross (1994) :
(49) humain, animal, végétal, inanimé concret, inanimé abstrait, locatif, temps, événement
Nous avons apporté certaines modifications et précisions à cette liste; nous l'avons
adaptée selon le contenu du corpus. Puisqu'aucun élément apparaissant aux côtés des
verbes ciblés ne représente un animal, le trait animal est non pertinent pour répondre
aux besoins spécifiques du corpus et ne fait donc pas partie de notre liste de types.
Nous n'avons pas considéré le trait végétal comme un type, parce que nous trouvions
52
plus pertinent de regrouper les végétaux (arbre, feuil/es, buisson, etc.) avec d'autres
éléments de la nature (gravier, neige, eau, etc.) sous le type entité concrète naturelle.
Nous avons distingué le type entité concrète naturelle du type entité concrète artefact,
associé aux objets façonnés par l'humain et aux entités ayant impliqué une
intervention humaine (cloche, téléphone, train, macadam, glaçons, etc.). La
dichotomie artefact / naturel a aussi été appliquée aux lieux, ce qui nous donne les
types lieu artefact (ville, restaurant, église, etc.) et lieu naturel (forêt, mer, montagne,
etc.). Le trait temps n'a pas été considéré comme un type; nous avons préféré répartir
les quelques cas qui auraient pu être typés comme tels dans d'autres classes (par
exemple, le mot heure a été associé au type entité abstraite). Nous avons jugé
pertinent d'ajouter le type partie du corps (oreille, tête, etc.), qui se situe à mi-chemin
entre le type humain et le type entité concrète naturelle. Nous avons aussi ajouté le
type phénomène naturel, qui peut être vu comme un sous-type d'événement (parce
qu'il se déroule dans le temps), mais qui correspond particulièrement à une force de
la nature (vent, feu, etc.). Enfin, nous avons raffiné le type entité abstraite (esprit,
heure, etc.), en ajoutant le type sensation 1état (douleur, plaisir, froid, etc.). Nous
nous retrouvons ainsi avec une liste comportant dix types:
(50) a. entité concrète artefact (ECA) : cloche, téléphone, train, etc. b. entité concrète naturelle (ECN) : arhre,/fmilles, gravier, etc. c. lieu artefact (LA) : ville, restaurant, église, etc. d. lieu naturel (LN) : forêt, mer, montagne, etc. e. partie du corps (PC) : oreilles, tête, etc. f. humain (H) : je, chauffeurs,foule, etc. g. événement (É) : applaudissements, coups de/eu, explosion, etc. h. phénomène naturel (PN) : vent,feu,flammes, etc. 1. entité abstraite (EA) : heure, esprit, etc. j. sensation / état (S) : douleur, plaisir,froid, etc.
Dans les rares cas où un élément ne pouvait être classé dans aucun de ces dix types,
nous lui avons accolé l'étiquette autre. C'est le cas pour les pronoms sujets tout et
rien, et pour les compléments qui expriment un lieu référentiel (LR) comme à droite,
à l'intérieur, etc.
53
4.1.2 Précisions concernant le typage
Une entité peut être vue sous divers angles, et lorsqu' el1e apparaît aux côtés d'un
verbe, ces angles sont conditionnés par le verbe. Lors du typage, nous avons essayé
de faire abstraction du conditionnement par le verbe; nous nous en sommes tenue le
plus possible à un typage général, voire prototypique. La consultation de
dictionnaires d'usage nous a souvent fourni de bonnes pistes. Par exemple, le mot
vague étant généralement défini comme une ondulation à la surface de l'eau (donc un
mouvement), nous l'avons considéré comme un phénomène naturel, et non comme
une entité.
Dans plusieurs cas, cependant, le typage ne pouvait pas se faire purement à
l'aveugle. II a fal1u lever la polysémie de certains termes en ayant recours au contexte.
Par exemple, pour le mot air, nous avons dû recourir à trois types différents. Il a reçu
le type entité concrète naturelle (EeN) s'il s'interprétait comme une substance
gazeuse, en (51); le type lieu naturel (LN) s'il s'interprétait comme un espace occupé
par cette substance, en (52); et le type événement (É) s'il s'interprétait comme une
mélodie, en (53).
(51 ) SN = ECN: gargouiller_J4_BDTS_Littér Thibodeau avala lui-même sa gorgée d'air pour raconter la suite à Pélagie, une gorgée d'air qui I*gargouilla dans sa gorge [... ]
(52) SN = LN: bourdonner_28_BDTS_Faune C'est une fin d'après-midi de juillet. L'air I*bourdonne. Deux hommes s'avancent.
(53) SN = É: linler3J_BDTS_Liltér Au plus chaud du quartier, le paradis du nord: un air de reggae I*tinte dans les poubelles et réveille les chiens aux longs poils gelés.
Nous avons voulu éviter les décisions basées sur l'intuition dans les cas où nous
devions typer des éléments « sonores », comme bruit, son, cri, mélodie, accords, etc.
Traditionnellement, est classé comme concret ce qu'on peut percevoir par les sens.
Un bruit étant perceptible par l'ouïe, il devrait être classé dans les concrets.
54
Gross (1994) rejette cette définition d'ordre philosophique et s'en tient à des critères
syntaxiques. Il compare le fonctionnement du mot bruit et d'un concret comme le
mot table, et montre que le mot bruit fonctionne avec des verbes spécifiques
d'événements, en (54), ce qui est impossible avec le mot table, en (55).
(54) Il s'est produit un grand bruit. Un grand bruit a eu lieu. Un grand bruit a éclaté. Un bruit sec est survenu. (Gross, 1994 : 16)
(55) Il s'est produit une table. Une table a eu lieu. Une table est survenue. (Gross, 1994 : 16)
Il considère donc la classe des bruits comme des « événements acoustiques» et non
comme des substantifs concrets. Suivant cette analyse, nous considérons les bruits,
cris, alarmes, chants, paroles, voix, mots, etc. comme des événements sonores. Nous
avons systématiquement associé ce genre de termes au type événement, bien que
certains tennes - notamment phrase, nom, paroles - puissent être vus, de façon
plus intuitive, comme des entités (concrètes ou abstraites).
4.2 Association des types aux éléments des patrons syntaxiques
La présentation des types associés aux éléments accompagnant les verbes est faite
suivant les six classes issues de l'analyse syntaxique: le patron SN V, le patron
SN V SN2, Je patron SN V SPLoc, le patron SN V SPde, les patrons contenant un
datif possessif et les patrons causatifs.
55
4.2.1 Typage des éléments du patron SN V
Pour le patron SN y 14, que l'on trouve pour tous les verbes étudiés, l'opération
de typage a révélé une grande variété de types pouvant être associés au SN. Or, les
huit verbes n'admettent pas également tous les types de SN, et il n'y a pas deux
verbes qui présentent exactement les mêmes types. Le tableau 4.1 indique, pour
chaque verbe, quels types sont associés au SN sujet du patron SN Y.
Tableau 4.1 Répartition des verbes selon les types associés au SN du patron SN V
Types associés au SN 'Il.> ~ s::s::s::
!::: ~ <Il ~ ' '- '-- ~ Il.> ê)
'- ~ ~'S ~ ~ .~g :~ '" '.,§ c::l è3.t ~ -c <:; b t){)'-'
ECA x x x x x x x x
ECN x x x x
EA x
PC x x x x
LA x x x x
LN x x x x
PN x x x
É x x x x x
autre (tout, rien) x
Certains verbes semblent plus limités que d'autres quant aux types de SN qu'ils
acceptent. Par exemple, le verbe carillonner ne se trouve qu'avec des SN de type
entité concrète artefact (ECA) ou de type lieu artefact (LA), alors que d'autres verbes,
comme bruire ou bourdonner, acceptent beaucoup plus de types de SN et semblent
donc être moins contraignants dans la sélection de leur sujet.
14 Le typage des éléments du patron SN V inclut le typage du SN de la construction causative correspondante (micropatron SN2 fait V SN).
56
4.2.1.1 Typage du SN accompagnant le verbe bruire
Parmi les huit verbes, bruire est celui qui offre la plus grande variété de types
pouvant être associés au SN du patron SN V. Il peut apparaître avec une entité
concrète artefact (pales d'un ventilateur, panneaux métalliques, pendeloques, robe,
etc.) ou une entité concrète naturelle le plus souvent végétale (arbre, buissons,
épinettes, feuilles, peupliers, etc.). Quand le SN qui l'accompagne est un lieu, il peut
autant s'agir d'un lieu artefact (salle de thé) que d'un lieu naturel (champs,forêt, mer,
etc.). Le SN peut aussi représenter un phénomène naturel (vent, vague, etc.) ou un
événement correspondant à une activité (roulade dans les feuilles). Enfin, bruire est
le seul verbe pour lequel nous avons trouvé les pronoms indéfinis tout et rien en
position sujet.
4.2.1.2 Typage du SN accompagnant le verbe bourdonner
Dans le patron SN V, le verbe bourdonner peut apparaître avec un SN de type
entité concrète artefact produisant généralement du bruit (cloche, téléphone,
trompettes, presses, serrure électrique, camions, moteur, etc.). Il peut aussi s'agir
d'un SN représentant une partie du corps liée à l'ouïe (oreilles, tête), d'un lieu
artefact (ville, restaurant, école, postes de travail, boutique, etc.) ou naturel (anses,
air,forêt, etc.), ou d'un événement sonore (bruits, voix).
4.2.1.3 Typage du SN accompagnant le verbe carillonner
Le verbe carillonner est le plus limité quant aux types de SN qu'il accepte. Nous
le trouvons seulement avec une entité concrète artefact (cloches, téléphone) et,
exceptionnellement, avec un lieu artefact (clocher). Ce lieu est précisément destiné à
recevoir un artefact émettant un son.
4.2.1.4 Typage du SN accompagnant le verbe crépiter
Avec le verbe crépiter, le SN peut être une entité concrète artefact. Plus
précisément, il peut correspondre à un objet fonctionnant généralement à l'électricité
57
et jouant un rôle dans la transmission de son (haut-parleur, radios, récepteur de
fréquences, écouteurs, instrument de musique électrique). Il peut aussi s'agir d'objets
qui comportent un mécanisme (machine à écrire, micro-ordinateur, calorifère
électrique, appareil photo, flash, bouilloire, néons), d'une arme ou de projectiles
(mitrailleuses, taser, balles), ou d'une partie d'une construction (âtre, toit). Aussi, le
SN peut être une entité concrète naturelle généralement liée à la combustion (bois,
bûche, etc.), un lieu naturel (lande, forêt, etc.) ou un phénomène naturel (jeu, pluie,
etc.). Enfin, le SN accompagnant le verbe crépiter peut représenter un événement
sonore (bruits, coups defeu, rire, applaudissements, etc.).
4.2. l.5 Typage du SN accompagnant le verbe crisser
Quant au verbe crisser, il apparaît avec une entité concrète artefact (pneus, roues,
lit, plancher, trappe, feuilles de journal, crayon, etc.) ou naturelle (sable, gravier,
neige, glace, etc.). On le trouve aussi avec un SN représentant une partie du corps
(dents). Plus rarement, il apparaît avec un lieu naturel (mer) ou un phénomène naturel
(vent).
4.2.1.6 Typage du SN accompagnant le verbe gargouiller
Avec le verbe gargouiller, les types pouvant être associés au SN sont assez
restreints. Ce peut être une partie du corps liée à la digestion (estomac, ventre, gorge,
etc.), une entité concrète artefact où circule un liquide (cafetière, tuyauterie) ou une
entité concrète naturelle correspondant à une substance plus ou moins liquide (jange).
4.2.1.7 Typage du SN accompagnant le verbe retentir
Le verbe retentir permet trois types de SN : il peut s'agir d'une entité concrète
artefact émettant un son (cloche, sffflet, sonnette, téléphone, trompettes, etc.), d'un
lieu artefact (clocher) ou d'un événement (cri, explosion, applaudissements, coup de
feu, rire, sonnerie, etc.).
58
4.2.1.8 Typage du SN accompagnant le verbe tinter
Avec le verbe tinter, le SN peut être une entité concrète artefact généralement
métallique ou, du moins, composée d'un matériau assez dur (clochette, grelot,
médailles, vaisselle, pièces de monnaie, bracelets, glaçons, etc.). Le verbe tinter peut
aussi être accompagné d'un SN de type événement (voix, rire, air de reggae, etc.). Le
verbe tinter est le seul parmi les huit verbes à présenter un SN de type entité abstraite
(heure). Enfin, lorsque le SN représente une partie du corps, nous trouvons
uniquement des parties du corps liées à l'ouïe (oreil/es).
4.2.1.9 Synthèse du typage du patron SN V
Nous avons vu que, globalement, de nombreux types peuvent être associés au SN
du patron SN V : entité concrète artefact, entité concrète naturelle, partie du corps,
entité abstraite, lieu artefact, lieu naturel, phénomène naturel et événement. Or, les
huit verbes n'admettent pas également tous les types, et il n'y a pas deux verbes qui
présentent exactement les mêmes types. Nous pouvons toutefois dégager certaines
tendances.
Les huit verbes acceptent un SN de type entité concrète. Cependant, n'importe
quelle entité concrète ne peut pas accompagner n'importe quel verbe:
(56) *Sa robe carillonnait.
(57) *Les cloches gargouillent.
Avec les verbes retentir et carillonner, le SN de type entité concrète artefact ne peut
être qu'un artefact émettant un son, c'est-à-dire un artefact dont la conception inclut
une fonction d'émission de son (cloche, sifflet, sirène, sonnette, téléphone, trompette,
etc.). En revanche, bruire, crisser et gargouiller ne s'emploient pas avec ce type de
SN. Quant aux SN de type entité concrète naturelle, ils se trouvent aux côtés de
quatre verbes seulement (bruire, crépiter, crisser et gargouiller); la plupart de ces
verbes acceptent aussi des SN sujets de types lieu naturel ou phénomène naturel.
59
Parmi les quatre verbes autorisant un SN représentant une partie du corps,
bourdonner et tinter se trouvent exclusivement avec des parties du corps liées à l'ouïe;
le verbe gargouiller, des parties du corps liées à la digestion; le verbe crisser, des
dents. Par ailleurs, les verbes tinter et gargouiller sont les seuls à ne pas présenter de
SN de type lieu (artefact ou naturel). Pour ce qui est des SN de type événement, nous
ne les trouvons pas aux côtés des verbes gargouiller, carillonner et crisser. En
revanche, le verbe crisser, tout comme bruire et crépiter, admet un SN de type
phénomène naturel, pouvant aussi être considéré comme un événement. Quant au
type entité abstraite, il semble être réservé au SN accompagnant le verbe tinter. Enfin,
étant donné que le corpus a été constitué de verbes admettant un sujet inanimé, il
n'est pas étonnant de constater qu'aucun des huit verbes étudiés n'apparaît avec un
SN de type humain. Le type sensation / état ne se retrouve avec aucun des huit verbes
dans le patron SN V.
4.2.2 Typage des éléments du patron SN V SNi 5
Nous présentons les types associés aux éléments du patron SN V SN2 en
conservant la relation entre le SN sujet et le SN2. Le tableau 4.2 indique, pour chacun
des deux verbes entrant dans ce patron, quels types sont associés au SN sujet et au
SN2.
IS Le patron SN V SN2 inclut le micropatron SN V P. Par conséquent, le typage du SN2 inclut le type associé au complément propositionnel.
60
Tableau 4.2 Répartition des verbes selon les types associés aux éléments du patron
SN V SN2
Types associés aux SN - SN2 carillonner linter
ECA - É x
ECA - EA x
LA-EA x
PC - É x
É-É x x
Pour le verbe carillonner, avec un SN2 de type entité abstraite, le SN peut être de
type entité concrète artefact (cloche - heure) ou de type lieu artefact (clocher
liberté, indépendance). Le SN et le SN2 peuvent aussi être tous deux de type
événement (musique - sons outrés).
Avec le verbe tinter, le SN2 est toujours un événement, et le SN peut
correspondre à une entité concrète artefact (boules de cuivre - mélodies), à une partie
du corps liée à l'ouïe (oreilles - signal de l'épuisement) ou à un événement sonore
(angélus - coups).
4.2.2.1 Observations concernant le typage du SN
Pour les deux verbes présentant le patron SN V SN2, la comparaison des types
associés au SN de ce patron avec les types associés au SN du patron SN V pour ces
mêmes verbes nous pennet de vérifier si tous les types associés à un patron plus
simple (SN V) sont aussi possibles dans un patron plus complexe (SN V SN2) et,
inversement, si certains types sont exclusifs à ce patron plus complexe. Le tableau 4.3
permet de faire cette comparaison.
61
Tableau 4.3 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les patrons SN V
et SN V SN2
Types du SN du patron SN V SN2 Types du SN du patron SN V
carillonner ECA, LA, É ECA, LA
tinter ECA, PC, É ECA, EA, PC, É
De façon générale, les types associés au SN dans le patron SN V SN2 se trouvent
aussi associés au SN du patron SN V pour ces mêmes verbes. Par exemple, avec le
verbe tinter, les types associés au SN dans le patron SN V SN2 (ECA, PC, É) peuvent
aussi être associés au SN du patron SN V. Une seule exception, cependant, avec le
verbe carillonner, qui accepte un SN de type événement dans le patron SN V SN2
(une musique carillonnant des sons outrés), alors que ce type est absent dans le
patron SN V.
4.2.2.2 Synthèse du typage du patron SN V SN2
Pour chacun des verbes entrant dans le patron SN V SN2, les types pouvant être
associés au SN sujet de ce patron sont sensiblement les mêmes que dans la
construction intransitive (SN V). La relation entre le SN et le SN2 ne semble donc
pas cruciale. Quant au SN2, il correspond toujours à un événement ou à une entité
abstraite.
4.2.3 Typage des éléments du patron SN V SPLOCl6
4.2.3.1 La relation SN - SPLoc
D'abord, nous cherchons à voir si, globalement, n'importe quel type de SN peut
apparaître avec n'importe quel type de SPLoc dans le patron SN V SPLoc. Autrement
16 Le typage des éléments du patron SN V SP inclut le micropatron causatif correspondant: SN fait V SN SP. En revanche, le micropatron SN datposs V n'est pas inclus dans le patron SN V SP. Ce micropatron sera traité en parallèle avec les autres patrons contenant un datifpossessif(SN datposs fait V SN et SN datposs V SP).
62
dit, nous allons vérifier si la relation SN - SPLoc est totalement libre ou si elle
comporte certaines contraintes. La figure 4.1 présente les différentes relations entre
les types associés au SN et ceux associés au SPLoc, tous verbes confondus:
SPLoc =EC-\ -- :;~:;:::.~-:;/
S1\ =E ~-~.
SPLoc =EC1\
S:\" =EC-\ SPLoc =PC
S~ =ECK
S1\- =LA • SPLoc =E
S?,\=PC ...... --f SPLo c =autre (LR;
'0 SPLoc =Ll'
S1\ =P~ .' • SPLoc =P1\
• SPLc c = E.-\
• SPLoc =H
Figure 4.1 Relations entre les types associés au SN et les types associés au SPLoc dans le
patron SN V SPLoc, pour les huit verbes
Nous pouvons observer que, globalement, les SN de types É, ECA, ECN se
combinent avec une plus grande variété de SPLoc, alors que les SN locatifs (LA et
LN) et les SN de types partie du corps et phénomène naturel ne se combinent
qu'avec un ou deux types de SPLoc. La présence d'un de ces derniers types en
position sujet semble donc imposer plus de restrictions quant aux types de SPLoc
figurant dans le même patron_
63
Voyons maintenant plus particulièrement quels types de SN et de SPLoc sont
admis pour chaque verbe, toujours en préservant les combinaisons SN - SPLoc :
Tableau 4.4 Répartition des verbes selon les types des éléments du patron SN V SPLoc
Types associés Types associés "aux SN aux SPLoc '" iù
"" ~"""" "" ~ .~"g ~ i>i (3.::: '~ .;: $'JJ ~:& .~ (3
~ êi (:s '- '-c ..è;'" '-' 0Ij ~ .~'-' '-'
É ECN x x
ECA x x
EA x
H x
PC x x x x x
LA x x
LN x x
autre (LR) x
ECA ECA x x x
ECN x x
PN x
PC x x
LA x
autre (LR) x x
ECN ECA x x
ECN x
LA x
PC x x x x
PN x x
É x x
LA ECA x
É x
PC ECA x
ECN x
PN ECA x
ECN x
Nous pouvons constater que les verbes bourdonner et carillonner ont le même
comportement, car ils permettent une seule et même combinaison SN - SPLoc : un
SN de type événement et un SP de type partie du corps. Pour les autres verbes, étant
64
donné le très grand nombre de combinaisons possibles, il n'est pas possible de
procéder à des regroupements en considérant la relation SN - SPLoc.
4.2.3.2 Observations concernant le typage du SN
Les types associés au SN dans le patron SN V SPLoc sont-ils aussi possibles dans
le patron SN V ? Et, inversement, est-ce que tous les types associés au SN dans le
patron SN V sont possibles dans le patron SN V SPLoc ? Le tableau 4.6 permet de
comparer, pour chaque verbe, les types de SN que l'on trouve dans les patrons
SN V SPLoc et SN V.
Tableau 4.5 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les patrons SN V
et SN V SPLoc
Types du SN du patron SN V SPLoc Types du SN du patron SN V
carillonner É ECA, LA
tinter É,ECA ECA, EA, PC, É
gargouiller ECN ECA, ECN, PC
bruire É, ECA, ECN, PN É, ECA, ECN, LA, LN, PN, autre
bourdonner É É, ECA, PC, LA, LN
crépiter É, ECA, ECN, PN É, ECA, ECN, LN, PN
crisser É, LA, PC ECA,ECN,PC,LN,PN
retentir É, ECA É, ECA, LA
De façon générale, on observe que le SN peut être associé à un plus grand nombre de
types dans le patron SN V que dans le patron SN V SPLoc. Ce dernier patron, plus
complexe que le premier, semble donc plus contraignant.
La plupart des types associés au SN du patron SN V SPLoc se trouvent aussi
associés au SN du patron SN V. Pour trois verbes, en revanche, le SN du patron
SN V SPLoc présente des types originaux par rapport à celui du patron SN V. Avec
les verbes carillonner et crisser, le type événement n'est pas présent dans la
65
construction intransitive, mais il l'est dans le patron avec un SPLoc. Même constat
pour le type lieu artefact avec le verbe crisser, qui autorise toutefois un autre type
locatif (LN) dans la construction intransitive.
En somme, pour tous les verbes, il y a moins de types possibles pour le SN dans
le patron SN V SPLoc que dans le patron SN V, ce qui montre que le type de SN dans
la construction intransitive est plus libre. Aussi, avec certains verbes, des types de SN
sont absents dans le patron SN V mais possibles dans le patron SN V SPLoc, ce qui
suggère que, pour ces verbes, certains types de SN obligent la présence d'un autre
élément.
4.2.3.3 Le typage du SPLoc
Bien que les huit verbes présentent le patron SN V SPLoc, tous n'offrent pas les
mêmes types de SPLoc, comme en témoigne le tableau suivant:
Tableau 4.6 Répartition des verbes selon les types associés au SPLoc du patron SN V SPLoc
Types associés ~ "- "
<:Ils:: s::au SPLoc s:: ~ s:: " .:::..g ~2 "- ~ "- ~ .~ s: ;:,; ~ :~ ~ .~"- "" ~ C> ~ (3 <Il.~ "-<:) \.> t>o è \.> ~ "
PC x x x x x x x x
ECA x x x x x x
ECN x x x x
LA x x x
LN x x
autre (LR) x x
H x
EA x
É x x
PN x x x
Dans l'ensemble, neuf types sont possibles pour Je SPLoc. Des dix types utilisés pour
Je typage, le seul n'étant associé à aucun SPLoc est Je type sensation / état. Certains
66
verbes offrent peu de types de SPLoc (bourdonner, carillonner, gargouiller), tandis
que d'autres en offrent une grande variété (crisser, bruire, retentir).
Tous les verbes sans exception admettent un SPLoc de type partie du corps.
Avec les verbes bourdonner et carillonner, il s'agit du seul type possible pour le
SPLoc, ce qui fait que ces deux verbes offrent le même cas de figure. Les verbes
gargouiller et crépiter fonctionnent sensiblement de la même façon au regard du
typage du SPLoc : en plus du type partie du corps, ils admettent un SPLoc de type
entité concrète (ECA avec gargouiller, et ECA et ECN avec crépiter). Les verbes
bruire et crisser peuvent également être regroupés, puisqu'ils admettent les mêmes
types de SPLoc, à une exception près (bruire offre un type locatif (LA) de plus).
4.2.3.4 Synthèse du typage des éléments du patron SN V SPLoc
Les verbes bourdonner et carillonner n'autorisent qu'une seule et même
combinaison dans le patron SN V SPLoc : un SN de type événement et un SPLoc de
type partie du corps. Il s'agit des seuls verbes que nous pouvons regrouper en
conservant la relation SN - SPLoc.
Dans ce patron, les six autres verbes admettent un SN de type entité concrète
(ECA ou ECN), et c'est d'ailleurs la seule possibilité pour le verbe gargouiller. Selon
le verbe, ce SN de type entité concrète peut se combiner avec des SPLoc très
variables. Ce n'est pas le cas pour le SN de type partie du corps, qui ne se combine
qu'avec des SPLoc de type entité concrète (avec le verbe crisser) et pour le SN de
type lieu, qui ne se combine qu'avec des SPLoc de types entité concrète ou
événement (toujours avec le verbe crisser).
À propos des SPLoc, nous avons pu observer que tous les verbes acceptent qu'ils
soient de type partie du corps. Aussi, les SPLoc de type entité concrète sont les seuls
qui puissent se combiner avec n'importe quel type de SN.
67
4.2.4 Typage des éléments du patron SN V SPde
Rappelons que six verbes sur huit entrent dans le patron contenant un SPde (non
locatif). Le tableau 4.7 présente les types associés au SN et au SPde de ce patron,
pour chacun des six verbes :
Tableau 4.7 Répartition des verbes selon les types associés aux éléments du patron
SN V SPde
Types Types "~associés associés s:: ~ s::au SN au SPde .~ ";:;
~~ Cl~"~ '::: ~ ~ ~ ;:,; :~Cl .§ (S"-Cl-t '-' ~ co
LA ECN x
H x
É x x x x x
ECA x x
LA x
LN ECA x
É x x x x
S x
PC É x x
S x x
ECA É x
S x
ECN S x
É É x
Aucun verbe ne présente exactement le même comportement. Il n'est donc pas
possible de faire des regroupements de verbes si on tient compte de la relation entre le
SN et le SPde. En revanche, nous pouvons souligner qu'une combinaison SN - SPde
est possible avec les cinq verbes sur six, celle où le SN est de type lieu artefact et le
SPde est de type événement. Nous pouvons également constater que les SN dénotant
un lieu (LA, LN) se combinent avec un plus grand nombre de types de SPde, tandis
68
que les autres types de SN (PC, ECA, ECN, É) ne se combinent qu'avec des SPde de
type événement ou de type sensation / état.
4.2.4.1 Observations concernant le typage du SN
Les types associés au SN dans le patron SN V SPde sont-ils aussi possibles dans
le patron SN V ? Et, inversement, est-ce que tous les types associés au SN dans le
patron SN V sont possibles dans le patron SN V SPde? Le tableau 4.8 permet de
comparer, pour chaque verbe entrant dans le patron SN V SPde, les types associés au
SN dans patrons SN V SPde et SN V :
Tableau 4.8 Comparaison des types du SN sujet pour les verbes présentant les patrons SN V
et SN V SPde
Types du SN du patron SN V SPde Types du SN du patron SN V
tinter ECA, LA, PC É, ECA, EA, PC
bruire ECA, ECN, LA, LN É, ECA, ECN, LA, LN, PN, autre
bourdonner LA, LN, PC É, ECA, PC, LA, LN
crépiter LA, LN É, ECA, ECN, LN, PN
retentir É, LA, LN É, ECA, LA
gargouiller PC ECA, ECN, PC
De façon générale, il y a moins de types possibles pour le SN du patron SN V SPde
que pour celui du patron SN V. Aussi, la plupart des types associés au SN dans le
patron SN V SPde sont aussi associés au SN du patron SN V. Trois verbes permettent,
dans le patron SN V SPde, un type de SN qui n'est pas associé au SN du patron SN V;
dans les trois cas, il s'agit d'un lieu (LA ou LN). D'ailleurs, cinq des six verbes
entrant dans le patron SN V SPde permettent un SN dénotant un lieu (LA ou LN).
69
4.2.4.2 Le typage du SPde
Les verbes entrant dans le patron SN V SPde ne permettent pas tous les mêmes
types de SPde, comme nous pouvons le constater dans le tableau suivant:
Tableau 4.9 Répartition des verbes selon les types associés au SPde du patron SN V SPde
Types associés bourdonner retentir bruire tinter crépiter gargoui/ fer
au SPde
É x x x x x
S x x x
ECA x x
ECN x
LA x
H x
Encore ici, on s'aperçoit qu'il n'y a pas deux verbes ayant Je même comportement.
Nous pouvons cependant souligner que le SPde a fortement tendance à représenter un
événement. Le verbe gargouiller ne se rencontre pas avec ce type de SPde, mais
plutôt avec un SPde de type sensation / état (aussi possible avec bruire et
bourdonner).
4.2.4.3 Synthèse du typage du patron SN V SPde
Nous retiendrons du typage des éléments du patron SN V SPde que le type
associé au SN est assez libre: il peut autant s'agir d'un lieu que d'une partie du corps
ou d'une entité concrète. Le lieu se combine avec un SPde de type événement ou
entité concrète; la partie du corps, avec un SPde de type événement ou sensation / état;
et l'entité concrète, avec un SPde de type sensation / état.
4.2.5 Typage des éléments des patrons contenant un datifpossessif
Le regroupement des patrons contenant un datif possessif (SN datposs V,
SN datposs V SP) permet de mettre en évidence certaines conditions concernant le
typage des éléments de ces patrons.
70
Le tableau 4.10 montre quels types d'éléments peuvent apparaître dans le patron
le plus simple, SN datposs V :
Tableau 4.10 Typage des éléments du patron SN datposs VI7
Éléments du patron: SN datposs V
Typage: PC H
1 1 bourdonner, tinter
Exemple: oreilles nous
Le SN de ce patron est de type partie du corps. Pour tous les exemples avec le verbe
bourdonner et avec le verbe tinter, il s'agit d'une partie du corps liée à l'ouïe, en
l'occurrence les oreilles. Quant au clitique datif possessif, il représente une personne,
comme c'est le cas pour tous les datifs possessifs de nos patrons. Dans le patron
SN datposs V, le datif possessif est nécessairement en relation avec le SN sujet. En
effet, la partie du corps évoquée par le SN sujet est une possession inaliénable de la
personne évoquée par le datif.
Le tableau 4.11 présente le typage des éléments du patron SN datposs V SP, qui
compte un argument de plus que le patron SN datposs V. Nous trouvons cinq
séquences de trois types associés aux trois éléments accompagnant le verbe (SN
datposs-SP) : PC-H-S, PC-H-É, ECN-H-PC, ECA-H-PC et É-H-EA.
17 Le patron SN datposs V inclut la construction causative correspondante, soit le micropatron SN2 datposs fait V SN.
71
Tableau 4.11 Typage des éléments du patron SN datposs V SP
Éléments du patron: SN datposs V SP
Typage: PC H S
1 1 gargouiller 1
Exemple: l'estomac me de faim
Typage: PC H É
1 1 bourdonner 1
Exemple: la tête lui de bruits insolites
Typage: ECN H PC
1 1 crisser 1
Exemple: sable vous entre les dents
Typage: ECA H PC
1 1 tinter 1
Exemple: cloches lui aux oreilles
Typage: É H EA
bourdonner1 1 1
Exemple: vers me à l'esprit
Pour le typage des éléments du patron SN datposs V SP, nous pouvons d'abord
constater que le datif possessif correspond toujours à une personne (me, lui, vous),
comme nous pouvions nous y attendre. Un patron contenant un c1itique datif
possessif doit nécessairement contenir aussi un élément représentant une partie
inaliénable du possesseur. En effet, quatre des cinq séquences contiennent un élément
qui représente une partie du corps du possesseur exprimé par le clitique datif
possessif. Ces parties du corps peuvent être diverses (estomac, tête, dents, oreil/es).
La combinaison É-H-EA ne contient pas d'inanimé concret, mais un SP de type entité
abstraite (à l'esprit) qui représente aussi quelque chose d'inaliénable, comme la tête
ou les oreilles, ce qui fait qu'elle est comparable aux autres combinaisons dans
lesquelles nous trouvons un élément de type partie du corps. 11 n'y a donc aucune
entrave à la présence obligatoire d'un élément représentant un tout et d'un élément
représentant une partie du tout.
72
Dans le patron SN datposs V SP, le datif possessif entretient un rapport soit avec
le SN sujet, soit avec le SP (plus exactement avec le complément de la préposition).
En effet, l'élément représentant une partie du tout se trouve en position sujet dans les
séquences PC-H-S et PC-H-É, et comme complément dans les séquences ECN-H-PC,
ECA-H-PC et É-H-EA.
Outre l'élément qui représente le tout (datposs) et celui qui représente une partie
du tout (SN ou SP, selon le cas), il reste un troisième élément dans le patron. Nous ne
nous attardons pas au typage de cet élément, puisqu'il est comparable soit au SN, soit
au SP du patron SN V SP, décrits plus haut.
4.2.6 Typage des éléments des patrons causatifs
Rappelons que le micropatron syntaxique SN2 fait V SN, qui correspond au
macropatron SN V, apparaît dans le corpus pour tous les verbes, à l'exception du
verbe gargouiller. C'est donc dire que, pour tous ces verbes, il peut y avoir une cause
externe à l'origine de l'événement sonore.
Nous avons vu, lors de la description des patrons syntaxiques, que le micropatron
SN2 fait V SN SP n'est pas représenté par tous les verbes du corpus. Cependant,
comme il est possible d'établir un parallèle entre les patrons SN V SP et
SN2 fait V SN SP, et que les huit verbes étudiés permettent la construction causative
SN2 fait V SN, nous devrions, en principe, pouvoir construire des phrases sur le
patron SN fait V SN SP avec tous les verbes autorisant la construction SN V SP.
Du typage des éléments des patrons causatifs, nous présentons seulement les
types pouvant être associés au SN causatif (SN2), c'est-à-dire le SN sujet de faire V
et non le SN sujet de V; le typage de ce dernier a été présenté dans les patrons SN V
et SN V SP.
73
Tableau 4.12 Répartition des verbes selon les types associés au SN causatif
Types associés au SN causatif l...
.~ ,~ l... (..J
<Il.::: ;::; l...
-!:)
l... <Il
'" .;:) l... (..J
·2 s:: <Il ~ l...
1 '2
il;s::s::
~ ~
-!:)
l... <Ils::s::
~ ls (..J
É x x x x x x
PN x x
H x x x X x
ECA x x
Avec six verbes sur sept, le SN causatif peut être de type événement. Les verbes
crépiter et bruire permettent également la présence d'un SN de type phénomène
naturel. La plupart des verbes permettent aussi un SN causatif de type humain, c'est
d'ailleurs le seul type de SN causatif présent avec le verbe carillonner. Enfin, les
verbes crisser et retentir sont identiques, car ils permettent aussi un SN causatif de
type entité concrète artefact, et avec le verbe bourdonner, le SN causatif peut être
une entité abstraite.
4.3 Conclusion
Nous avons pu faire certaines observations et dégager des tendances concernant
le typage des éléments des patrons syntaxiques. Si les verbes étudiés présentent tous
des comportements différents au regard du typage fin, un typage plus général permet
de faire des regroupements.
De façon générale, pour un verbe donné, les types pouvant être associés au SN
sujet dans les patrons comportant plus d'un argument sont les mêmes que dans le
patron SN V. Cinq grands types sont ressortis du typage: entité concrète, lieu,
événement, partie du corps et entité abstraite. Dans le patron SN V, il est possible de
trouver un SN de type entité concrète (ECA, ECN) avec les huit verbes. En revanche,
le verbe tinter est le seul qui accepte un SN sujet de type entité abstraite (EA). Le
type partie du corps (PC) a été associé au SN sujet des verbes tinter, bourdonner,
74
crisser et gargouiller. Les verbes tinter et gargouiller sont les seuls à ne pas accepter
un SN de type lieu (LA, LN), tandis que gargouiller et carillonner n'acceptent pas de
SN représentant un événement (É, PN).
Bien que le type associé au SN sujet soit assez libre dans les patrons plus
complexes, les combinaisons sujet-complément ne sont cependant pas toutes
possibles. Dans le patron SN V SN2, seuls les types événement et entité abstraite ont
été associés au SN2. Dans le patron SN V SPLoc, les combinaisons sont nombreuses.
Nous retiendrons que seul un SPLoc de type entité concrète peut se combiner avec
tous les différents types de SN. Dans le patron SN V SPde, il ressort du typage que,
pour tous les verbes entrant dans ce patron, le SN peut représenter un lieu et le SPde
peut être de type événement. Avec les verbes qui entrent dans les patrons contenant
un datif possessif, le clitique datif possessif correspond toujours à un humain. Aussi,
le patron comporte toujours un élément de type partie du corps. Dans le patron
SN datposs V, ce type est nécessairement associé au SN; dans les patrons plus
complexes, il est associé soit au SN sujet, soit au SP. Enfin, dans les patrons causatifs,
le SN causatif a largement tendance à représenter un événement. Il peut aussi s'agir
d'un humain ou d'une entité concrète.
Dans le prochain chapitre, nous verrons comment les éléments des patrons
syntaxiques associés aux types sémantiques s'insèrent dans le schéma conceptuel de
la perception auditive.
CHAPITRE V
ANALYSE SÉMANTIQUE
Ce chapitre débute par les fondements théoriques de notre analyse sémantique
des verbes de son et une présentation sommaire des trois premiers paramètres du
schéma conceptuel de la perception auditive du modèle d'analyse que nous avons
utilisé. La troisième section est consacrée à l'analyse sémantique des huit verbes de
son à l'étude et au classement qui en résulte.
5.1 La sémantique cognitive
La sémantique cognitive s'inscrit dans le paradigme d'analyse de la linguistique
cognitive. La linguistique cognitive repose sur l'hypothèse que le langage est régi par
des principes cognitifs généraux plutôt que par un module cérébral spécifiquement
dédié au langage. La sémantique cognitive, comme la linguistique cognitive en
général, fait appel à des principes de psychologie cognitive, comme les modèles de la
mémoire, de la perception, de l'attention et de la catégorisation (Croft & Cruse 2004).
Dans cette veine, Talmy (2000) propose une approche reliant les facultés cognitives
générales au langage. La théorie de la sémantique conceptuelle de
Jackendoff (1983, 1990) s'inscrit aussi dans le champ de la sémantique cognitive
parce qu'elle propose une décomposition du sens en primitives sémantiques qui
seraient issues d'une conceptualisation guidée par des principes cognitifs généraux.
76
Dans cette théorie, lackendoff établit un parallèle entre les constructions syntaxiques
et les structures conceptuelles.
5.2 Le schéma conceptuel de la perception auditive
En transposant le schéma d'analyse du domaine visuel de Talmy (2000) au
domaine auditif, et en adaptant les structures conceptelles de lackendoff (1983, 1990),
Piron (2006) a développé un schéma conceptuel de Ja perception auditive qui se
dépJoie en cinq paramètres. Nous présentons ici les trois paramètres qui se sont
révélés pertinents dans l'analyse des verbes de son: l'émission, la propagation et la
réception. Nous précisons quels sont les éléments constituant ces paramètres et
introduisons les représentations formelles proposées par Piron.
5.2.1 Le paramètre de l'émission sonore
L'émission est le premier paramètre du schéma conceptuel de la perception
auditive. Piron (2006) traite J'émission comme une scène conceptuelle à laquelle
correspond une structure événementielle représentant une chaîne causale:
(58) chaîne causale [ événement causal CAUSE événement causé] - 1
1 1
émissiOIl_sonore [ événementphysique CA USEctYllamiqueyhysique événement sailore ]
Cette chaîne est constituée de deux événements liés par une relation de causalité.
L'événement causal est un événement physique. Ce peut être, par exemple, le fait
qu'une branche craque. Cet événement crée une onde dans J'air, un son. Ce son
correspond à J'événement sonore causé (un craquement). Cet exemple d'émission
sonore peut être représenté ainsi:
(59) emissioll_'Ollore [ événementphysiqlle CAUSEctynamiqlle...Jlhysiqllc événement sonar<]
1
une branche craque craquement
77
L'événement sonore est aussi un événement physique, car il s'agit d'un phénomène
acoustique qui relève non pas du domaine de la perception, mais du domaine
physique des sons. La relation causale, elle aussi physique, relève du concept de la
dynamique des forces; elle indique que le premier événement constitue la source du
second événement.
5.2.1.1 L'événement sonore
L'événement sonore comprend une forme et un contenu. Tout événement sonore
peut être défini par des caractéristiques acoustiques d'intensité et de fréquence.
Grosso modo, la variable d'intensité entre en jeu dans la distinction entre un son fort
et un son faible, et celle de fréquence, dans la distinction entre un son grave et un son
aigu. La fréquence permet aussi de distinguer trois modes sonores: le mode verbal, le
mode musical et le mode environnemental J8 . Dans le schéma, ces caractéristiques
acoustiques (intensité, fréquence et modes en découlant) sont liées à l'événement
sonore, plus particulièrement à sa forme.
(60) émission sonore[événementphysiqlle CAUSE événement sonore (forme 1contenu)] - 1 1
la branche craque mode environnemental: craquement
5.2.1.2 L'événement causal
L'événement causal peut être complexe. C'est-à-dire que la cause de l'émission
sonore peut elle-même avoir été causée par un autre événement. C'est ce que Piron
appelle une cause cascade.
18 Les trois modes sonores du schéma de Piron (2006) sont en lien avec trois modes de perception auditive distincts.
78
(61 )
emission_sonore[ [événementphysiqne CAUSE événementphysique] CAUSE événement SOllore ]
1 1 1
quelqu'un tire sur la branche la branche craque craquement
Dans cet exemple, l'événement sonore (le craquement) est causé par un événement
complexe: un premier événement (le fait qu'une personne tire sur la branche) qui
cause un deuxième événement (la branche craque).
L'événement causal peut aussi être décomposé. Piron (2006 : 168) mentionne que
« [c]ertains verbes d'action présentent la particularité [ ... ] de lexicaliser une action
qui permet d'inférer automatiquement un événement sonore résultant de cette
action. » C'est le cas avec notre exemple du verbe craquer. Dans la représentation
suivante, l'action causale est reliée à la forme de l'événement sonore.
(62)
••o'."_W"""[m'i'''!Tnt ACTE Ton] CAUSE ,vén,mem ~,., el conteno)]
la branche craque mode environnemental: craquement
Cette représentation peut se trouver sans problème dans le schéma conceptuel du
verbe entendre. Pour la représentation des verbes de son, cependant, il est nécessaire
de préciser l'action causale, sans quoi aucune différence entre les verbes de son ne
saurait transparaître. Ainsi, dans le paramètre de l'émission sonore, nous avons dû
investiguer davantage l'événement causal en précisant le type d'action impliquée
(mouvement, déplacement, contact, etc.). Nous verrons, à travers les différentes
représentations proposées, comment chaque verbe de son exploite l'événement causal
du paramètre d'émission.
79
5.2.1.3 La localisation de l'émission sonore
Piron inclut aussi dans son schéma les informations spatio-temporelles relatives à
l'émission sonore. Un élément en particulier s'est révélé pertinent dans l'analyse des
verbes de son: la localisation dans l'espace de l'événement sonore, symbolisée par
Lc(E). Le lieu de j'événement sonore est identique au lieu où se produit l'événement
qui en est la cause. Ainsi, dans le schéma, ils sont co-indexés.
(63) émission_sonorelévénementphysiqlle CAUSEdyn,miqlleyhysique événementsonore ]
En somme, le paramètre d'émission sonore comprend deux éléments principaux,
soit un événement causal et un événement sonore, mais aussi des informations
concernant la localisation de l'émission. Lors de l'analyse, nous verrons comment les
huit verbes exploitent ces éléments.
5.2.2 Le paramètre de la propagation sonore
Le deuxième paramètre du schéma, la propagation, est conceptualisé au moyen
d'un chemin sensoriel sonore. Il s'agit d'un chemin fictif, parce que la perception
humaine ne perçoit aucun déplacement véridique, mais elle le conçoit. Ce chemin
possède obligatoirement une source, qui correspond au lieu d'origine de l'émission
sonore. Les ondes partent de ce point et se dirigent dans des directions diverses. La
propagation se fait tous azimuts, il n'y a donc pas de point d'arrivée qui soit spécifié
à cette étape.
Piron représente la propagation sonore par un triplet composé du point de départ
du chemin, soit la localisation dans l'espace de l'émission sonore, symbolisé par
Lc(E), la direction empruntée et le canal utilisé par la propagation.
(64) direction, canal}
80
Si la direction n'est pas spécifiée, nous savons, par inférence, qu'il s'agit de toutes les
directions possibles (360°) à partir du point de départ. Le type de canal emprunté par
le chemin sensoriel sonore est généralement l'air; il est rarement spécifié.
5.2.3 Le paramètre de la réception acoustique
La réception, troisième paramètre du schéma, est traitée comme un cadre
événementiel correspondant à une chaîne causale. Les deux éléments de cette chaîne
(événement causal et événement causé) ainsi que la relation causale relèvent du
domaine de la physique acoustique.
L'événement causal de la réception correspond à un état de réceptivité acoustique,
conceptualisé en un chemin de réceptivité. Ce chemin a pour point de départ le lieu
de réception. À partir de ce point, une attention spontanée se propage sur
l'environnement sonore, généralement par le même canal que dans la propagation
sonore (l'air). Le récepteur est ainsi vu comme un émetteur d'attention.
Seul cet état de réceptivité peut déclencher un réflexe acoustique (un focus
attentionnel spontané), rendant possible la réception acoustique en tant que telle
(l'événement causé). Cet événement causé est une action (le réflexe acoustique) et
comprend un agent (le récepteur), un objet (l'émission sonore) et un instrument
(généralement les oreilles). La représentation de la réception acoustique est la
suivante:
(65)
r<ceplion acouSlique[événement "caustique CAUSE dyn.mique acoustique événement acouslique 1 - 1 - 1
chemin de réceptivité 1
[agent ACTE Réflexe.caustique OBJET émission sonore MOYEN instrument] 1 1
récepteur oreilles
81
L'élément du paramètre de réception qui s'est révélé pertinent dans l'analyse
sémantique des verbes de son étudiés est l'instrument de réception.
5.2.4 Conceptualisation et lexicalisation
Le schéma conceptuel comprend cinq paramètres (Piron 2006). Dans le cas du
verbe entendre, les cinq paramètres du schéma correspondent à cinq étapes
consécutives. Si, par exemple, un verbe conceptualise le troisième paramètre du
schéma (réception), cela implique qu'il conceptualise aussi les paramètres précédents
(émission et propagation). Piron (2006) insiste sur la différence entre la présence
conceptuelle et la lexicalisation d'un élément du schéma. Par lexicalisation, il faut
entendre la concrétisation, la formulation explicite au moyen de mots d'un élément du
schéma. Alors qu'un élément du schéma peut être conceptualisé sans être lexicalisé,
la lexicalisation d'un élément n'est pas possible si cet élément n'est pas conceptualisé.
Lorsqu'un élément est conceptualisé sans être lexicalisé, il est généralement
récupérable dans le contexte ou par notre connaissance du monde.
L'analyse proposée par Piron (2006) fait intervenir la notion de fenêtrage de
l'attention. Dans le paramètre de l'émission sonore, les éléments qui sont lexicalisés
«permettent de mettre l'accent sur des portions de la chaîne causale qui définit
l'émission sonore (Piron 2006: 176)). Si seul l'événement causal est lexicalisé, il
s'agit d'un fenêtrage initial; si seul l'événement sonore est lexicalisé, il s'agit d'un
fenêtrage final; si les deux sont lexicalisés (événement causal et événement sonore),
nous parlons d'un fenêtrage maximal. Nous verrons que les huit verbes ne permettent
pas tous la lexicalisation des mêmes éléments.
Piron (2006 : 143) a montré que « les diverses acceptions [du verbe entendre]
proposent des réalisations variées du schéma de par l'instanciation des différents
éléments au sein de chaque étape ou de par les étapes que chaque acception contient ».
Nous verrons que cela peut aussi s'appliquer aux verbes de son, et nous tâcherons de
voir quels paramètres et éléments du schéma sont lexicalisés par les arguments des
82
verbes de son étudiés. Nous verrons que les diverses acceptions des verbes de son
étudiés proposent des différences dans les paramètres ou les éléments du schéma qui
sont lexicalisés.
5.3 Analyse des verbes de son à l'aide du schéma conceptuel
La représentation des verbes dans le schéma conceptuel est faite en tenant compte
des différentes acceptions que nous avons dégagées pour chaque verbe. Pour aboutir à
ces acceptions, nous nous sommes d'abord basée sur les acceptions proposées dans
les dictionnaires TLF et Le Petit Robert. Ces acceptions ont été modifiées, précisées,
de telle sorte qu'elles reflètent la façon dont chaque verbe exploite le schéma
conceptuel. Ainsi, les différentes acceptions d'un verbe coïncident avec ses
différentes possibilités de lexicalisation dans le schéma, les acceptions d'un verbe
sont le reflet de son exploitation du schéma.
5.3./ Analyse pour le verbe crisser
L'analyse du verbe crisser a permis de dégager une acception générale.
(66) Acception 1 : Émettre un bruit aigu et continu par frottement ou écrasement, ou à J'occasion d'un mouvement.
L'événement sonore associé au verbe crisser est un bruit grinçant, aigu et continu,
plus ou moins fort et souvent désagréable (un crissement). Il s'agit d'un événement
sonore de mode environnemental. Cet événement sonore peut être causé soit par une
action de frottement ou d'écrasement, soit à l'occasion d'un mouvement. Cette
différence dans l'événement qui est à l'origine de l'événement sonore appelle deux
structures différentes, les éléments qui constituent chaque structure de l'événement
causal étant détenninés par le type d'action qu'il contient. Les deux structures que
nous proposons correspondent à deux sous-acceptions.
83
5.3.1.1 Sous-acception 1a: Émettre un bruit aIgu et continu par frottement ou écrasement
La première structure convient à un crissement causé par une action de frottement
ou d'écrasement. Envisagées de manière plus primitives, les actions de frottement et
d'écrasement ont un point en commun: le déplacement d'une entité en contact avec
une autre entité l9 . Ainsi, la particularité de la structure proposée est que j'événement
causal contient deux positions, équivalant aux deux entités impliquées dans l'action
de frottement ou d'écrasement.
(67)
émission sonorc[aclion[agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dynall1lq"cyhysiq"c événement sonorc (forme)]
- 1 1
type: déplacement avec contact
mode environnemental: (crissement)
Dans cette structure, un agent20 se déplace tout en étant en contact avec une entité.
L'action de déplacement appelle une position pour un lieu, qui correspond à l'entité
avec laquelle l'agent est en contact. Cet événement (une entité se déplaçant en contact
avec une autre entité) constitue la cause de l'événement sonore 21 .
19 Il peut s'agir d'un déplacement avec un contact continu (par exemple, les pneus crissent sur l'asphalte) ou d'un déplacement avec un contact discontinu (par exemple, ses pas crissent sur la neige). Ces spécificités aspectuelles mériteraient d'être approfondies, car les caractéristiques aspectuelles de l'événement causal sont en rapport avec les caractéristiques de l'événement sonore produit. Toutefois, nous ne les examinerons pas de plus près, puisque l'étude des caractéristiques aspectuelles des événements du schéma conceptuel dépasse les objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre de ce mémoire.
20 La notion d'agent ne doit pas être comprise dans le sens très strict selon lequel l'agent renvoie à l'instigateur d'une action volontaire. Suivant Piron (2006), nous considérons comme agent toute entité à l'origine d'une action quelconque, ici une action de déplacement.
21 Un crissement peut être produit par un déplacement en contact. Or tout déplacement en contact ne cause pas nécessairement un crissement. Lorsqu'une voiture roule, ses pneus se déplacent sur l'asphalte, mais cet événement ne crée pas automatiquement de crissement. Pour qu'il y ait crissement, il faut une cel1aine résistance de la part d'une ou des entités en contact, et au moins un des deux éléments doit être dur et lisse. Il peut y avoir crissement si, par exemple, le conducteur appuie subitement sur les freins alors qu'il roule vite, ce qui créera un contact forcé entre les pneus de la voiture et la surface sur laquelle ils roulent. Un autre exemple où le contact est forcé: si le conducteur tourne brusquement à grande vitesse, la friction entre les pneus et l'asphalte est augmentée, ce qui provoque le crissement. Nous ne nous attarderons pas sur toutes les conditions devant être remplies pour
84
Nous allons maintenant positionner les éléments des patrons syntaxiques du
verbe crisser dans la structure proposée, afin de voir à quels éléments du schéma
correspondent les arguments du verbe crisser. Dans le patron SN V, il n'y a qu'un
seul argument, gui lexicalise une portion de l'événement causal. En (68), le SN
correspond à l'agent gui se déplace; ce SN est associé au type entité concrète artefact
(ECA). La position qui n'est pas remplie par le SN (le lieu, dans ce cas) apparaît dans
la structure même si elle n'est pas lexicalisée, car elle est sous-entendue.
(68) SN = ECA (pneus, roues, freins, crayon, lime, etc.)
emission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu) CAUSE dynamiqlleJ'hysique événement sonore (forme / contenu))
- 1 1 1 1
SN type: 0 mode environnemental: (crissement) déplacement avec contact
Cette représentation contient un événement causal simple, dont l'agent est considéré
comme la cause immédiate de l'événement sonore. Cet agent peut être issu d'une
cause préalable qui peut être intégrée dans la représentation de manière à former un
événement causal complexe, représenté par une cause cascade:
(69) crisser_47_BDTS_Liltér [... ] et puis je ne sais comment, mon crayon culbute et 1* crisse en diagonale et je retourne bramer [... )
[l'O' ACTE TOO MOYEN T'mmeo. CAUSE rot ACTE TOO LOC]
o 0 SN = ECA SN = ECA type: crayon crayon déplacement
avec contact
qu'un crissement ait lieu, ni pour les événements sonores liés aux sept autres verbes étudiés. Dans les structures que nous proposons pour chaque verbe, nous précisons le type d'action de l'événement causal dans le but de faire ressortir le nombre et le type d'éléments impliqués dans cet événement.
85
Dans cet exemple, le crayon est avant tout l'instrument utilisé par un agent (non
lexicalisé). Cet objet devient lui-même l'agent (au sens large) de l'action qui cause le
crissement.
En plus de permettre la lexicalisation de l'agent de l'événement causal, le patron
SN V permet la lexicalisation du lieu. En (70), le SN correspond au lieu avec lequel
une entité est en contact; ce SN est associé au type entité concrète naturelle:
(70) SN = ECN (gravier, neige)
émission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu J CAUS E dYllamiqllcyhysique événement sOllore (forme / contenu)J
- 1 1 1 1
o type: SN mode environnemental: (crissement) déplacement avec contact
Avec le patron SN V SPLoc, la totalité de l'événement causal peut être lexicalisé.
Lorsque le SN occupe la position d'agent, le SPLoc occupe la position de lieu, tel
qu'illustré en (71) :
(71 ) SN = ECA (pneus, bics, plume, mine du crayon, craie, chaise, tramways) SPLoc = ECA (asphalte, papier, tableau, terrazzo, rails)
SN = ECA (patins de la carriole, lame Gillette) SPLoc = ECN (neige, peau)
SN = PC (dos, pieds) SPLoc = ECA (polystyrène), ECN (tapis de neige)
émission sOllore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dynamiqlle physique événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1 - 1
SN type: SPLoc mode environnemental: (crissement) déplacement avec contact
Dans cette représentation où le SPLoc correspond au lieu, la préposition introduisant
le complément est le plus souvent sur (les pneus crissent sur l'asphalte, les tramways
86
crissent sur les rails mouillés). On observe aussi la présence des prépositions contre
(la lame crisse contre la peau) et à (la craie crisse au tableau noir). Le SPLoc peut
aussi correspondre à l'agent, auquel cas le SN occupe la position de lieu:
(72) SN = ECN (gravier, aiguilles, feuilles morte, neige, macadam), LA (chemin) SPLoc = ECA (pneus, semelles, sandales, bottes, lisses des traîneaux, roues) SPLoc = PC (pieds)
cmission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dyn.miquc physique événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1 - 1
SPLoc type: SN mode environnemental: (crissement) déplacement avec contact
Dans cette représentation où le SPLoc correspond à l'agent, il est généralement
introduit par la préposition sous (le gravier crisse sous les pneus). Nous pouvons
rapprocher les éléments semelles (ECA), sandales/bottes (ECA) et pieds (PC) : ils
sont tous impliqués dans un événement correspondant à une personne qui marche
(des pas). Cela nous mène à un autre cas de lexicalisation dans l'élément causal: le
SN ou le SPLoc lexicalise une cause cascade, c'est-à-dire un événement menant à la
cause immédiate de l'événement sonore.
(73) SN.a = É (pas) SPLoc.a = ECN (gravier, neige)
SN.b = ECN (aiguilles, feuilles mortes), LA (allée) SPLoc.b = É (pas)
cmission sonore[ [rgent ACTE actior CAUSE agent ACTE action LOC lieu] CAUSE événénement sonore]
- 1 1 1 1 1
SN.a 0 type: SPLoc.a mode SPLoc.b déplacement SN.b environnemental:
avec contact (crissement)
L'inversion du SN et du SPLoc par rapport aux positions dans le schéma est possible
ici aussi. Le SPLoc est introduit par sur ou dans lorsqu'il correspond au lieu (ses pas
87
crissent sur le gravier, dans la neige); il est introduit par sous lorsqu'il correspond à
la cause cascade (les feuilles mortes crissent sous ses pas).
Typiquement, la lexicalisation d'une cause cascade est observée chaque fois que
le verbe se trouve dans le patron causatif SN2 fait V SN. Le SN causatif (SN2) peut
lexicaliser la cause cascade en entier s'il s'agit d'un événement (ses pasfont crisser
la neige), mais il peut correspondre à une portion de cette cause cascade. Plus
précisément, le SN2 peut correspondre à un instrument de la cause cascade. Le SN
correspond alors à l'agent de la cause immédiate, tel qu'illustré en (74), ou au lieu de
la cause immédiate, en (75) :
(74) crisser_07_BDTS_Littér De grosses voitures américaines font I*crisser leurs pneus aux feux rouges.
~"""[ 'gent AeTE 'Olion MOYEN inr'm,nt CAUSE Tnt ACTE "Ition LOC li,,]
SN2 = ECA SN 1 = ECA type: voitures pneus déplacement
en contact
(75) crisser_27_BDTS_Jouma Le ciel est gris comme la pierre, et notre ~ fait I*crisser le gravier en roulant sur la crête de la digue KA-OI (... ]
aClioll(agent ACTE action MOYEN instrument CAUSE agent ACTE action LOC lieu]
1 1 1
SN2 = ECA type: SN 1 = ECN jeep déplacement gravier
en contact
Le SN2 peut aussi lexicaliser l'agent de la cause cascade:
88
(76) crisser_OS_BDTS_Littér Quelques chauffards, faisant I*crisser leurs pneus et jouant du klaxon, fuyaient le couvre-feu.
",~,["geol ACTE 'Otion MOYEN i,,"·om,nt CAUSE Tot ACTE "lion LOC lion]
SN2 = H SN 1 = ECA type: chauffards pneus déplacement
en contact
La première structure que nous avons présentée implique deux participants dans
l'action causale (un agent et un lieu) et convient aux cas où le crissement est produit
par une action de frottement ou d'écrasement. Cette structure a permis de représenter
les exemples du corpus répondant à la sous-acception 1a du verbe crisser. Nous
allons maintenant voir comment peuvent être représentés les exemples associés à la
sous-acception 1b.
5.3.1.2 Sous-acception 1b : Émettre un bruit aigu et continu à l'occasion d'un mouvement
La deuxième structure convient à un crissement produit à l'occasion d'un
mouvement. La particularité de cette structure est que l'événement causal ne contient
qu'une seule position, celle de l'agent qui est en mouvement.
(77)
émission sOllore[ac,ion[agent ACTE action] CAUSE ctyn.miqll<...J,hysique événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1
type: mode environnemental: (crissement) mouvement
Dans cette structure, un agent est en mouvement, sans nécessairement se déplacer; il
n 'y a donc pas de lieu dans cet événement causal. L'agent bouge sur lui-même, et
certaines des parties qui le composent sont en contact.
L'agent de cette structure peut être lexicalisé par le SN du patron SN V. Dans ce
cas, il peut s'agir de SN de plusieurs types: entités concrètes artefact ou naturelle,
89
lieu naturel et partie du corps. Puisque l'événement causal de cette structure ne
contient qu'un seul argument, l'événement causal est totalement lexicalisé.
(78) SN= ECA (trappe, lit, plancher, papier de bonbon, feuilles de journal) ECN (glaces du fleuve) LN (mer) PC (dents)
<mission sonore[aclion[agent ACTE action] CAUSE dynamiqlleyhysiqlle événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1
SN type: mode environnemental: (crissement) mouvement
Le patron SN V SPLoc permet lui aussi d'exprimer la sous-acception 2 du verbe
crisser. Le SN demeure l'agent de l'action causale immédiate (l'agent en mouvement)
et le SPLoc, de type phénomène naturel, lexicalise une cause cascade:
(79) crisser_44_BDTS_Littér Les roseaux I*crissent dans le vent, s'inclinent et se relèvent, grandes touffes échevelées d'un vert clair, [... ]
'"",mo ..o~l li 'V'"I,m'"'1 CAUSE T"' ACTE OCr"] CAUSE 'V'"'rn, ..,,~]
SPLoc = PN SN = ECN type: mode vent roseaux mouvement environnemental:
(crissement)
5.3.1.3 Conclusions pour le verbe crisser
Les arguments du verbe crisser, autant dans le patron SN V que dans le patron
SN V SPLoc, lexicalisent toujours des éléments du paramètre d'émission. Plus
précisément, seul un fenêtrage initial est possible: l'événement causal est lexicalisé,
en totalité ou en parties, mais l'événement sonore ne l'est pas. L'attention est portée
spécialement sur l'événement causal. Cela nous indique que le point crucial avec le
verbe crisser, c'est la manière dont le son est produit. Le type d'action de
90
l'événement causal est déterminant, il est directement lié à l'événement sonore
produit.
5.3.2 Analyse pour le verbe gargouiller
L'analyse du verbe gargouiller a mené à la formulation d'une acception
principale pour ce verbe:
(80) Acception 1 : Produire un gargouillement par le passage d'un liquide dans un conduit ou dans une cavité de l'organisme.
Un gargouillement (ou gargouillis) est un événement sonore de mode
environnemental causé par un événement bien précis: Je passage d'un liquide dans un
conduit ou dans une cavité de l'organisme. Le liquide en mouvement, en interaction
avec l'air, est à l'origine du bruit produit. La structure événementielle proposée est la
suivante:
(81 )
emission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dynaJmqlleyhysique événement souorc (forme / contenu)]
- 1 1 1 1
(1 iquide) type: (conduit / mode environnemental: déplacement cavité de l'organisme) (gargouillis)
Nous proposons que l'événement causal du paramètre d'émission pour le verbe
gargouiller contient deux positions: un agent (équivalant à la substance en
mouvement) et un lieu (où se déplace la substance).
5.3.2.1 Acception 1 : Produire un gargouillement par le passage d'un liquide dans un conduit ou dans une cavité de l'organisme
Dans le patron SN V, le SN peut occuper les positions de l'agent ou du lieu. S'il
correspond au lieu, le SN est soit une partie du corps liée à la digestion, soit un
artefact où se déplace un liquide. Le rapprochement entre les parties du corps liées à
91
la digestion et les artefacts où se déplace un liquide n'a nen d'étonnant:
familièrement, la tuyauterie désigne l'ensemble des organes digestifs.
(82) SN = PC (ventre, abdomen, estomac, gorge) SN = ECA (cafetière, tuyauterie)
emission sonore[ [agcnt ACTE action LOC lieu] CAUSE dynalT1lqueyhysique événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1
type: SN mode environnemental: (gargouillis) déplacement
Dans le patron SN V, le SN peut aussi occuper la position de l'agent, auquel cas il est
de type entité concrète naturelle puisqu'il s'agit d'une substance, généralement
liquide. Le corpus n'offre qu'un seul exemple de ce genre:
(83) gargouillerj3_BDTS_Lillér [... ] à grands efforts, ils arrachent leurs jambes à cette fange qui I*gargouille. Coumoyer et Montour marchent l'un à côté de l'autre sur la grève, dans les ténèbres.
emissiou sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dynamlqueyhysique événement sonore (forrne / contenu)]
- 1 1 1 1
SN = ECN type: 0 mode environnemental: (gargouillis)
fange déplacement
Dans cet exemple, la fange est une substance mi-liquide mi-solide qui joue le rôle
d'agent dans l'événement causant le gargouillement. Le contexte permet de
comprendre que cette substance est en mouvement: des individus marchant dans la
fange la font bouger, tout en permettant à l'air d'intervenir, ce qui provoque un
gargouillis. L'ensemble vide relié au lieu indique que ce dernier n'est pas spécifié; en
fait, nous supposons que la fange, de par sa consistance, est à la fois l'agent et le lieu.
Le patron SN V SPLoc permet de lexicaliser la totalité de l'événement causal. Le
SN correspond alors à l'agent et le SPLoc, au lieu:
92
(84) gargouiller_02_BDTS_Journa [... ] à un demi-mètre dans les airs, sur les planches chambranlantes. L'eau I*gargouille hors des puisards, lèche les pieds des ponts et des palais de la Renaissance.
omission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE dynamiqueyhysique événement sonore (forme / contenu)] - 1 1 1
1 1type: 1 déplacement mode environnemental: (gargouillis)
SN = ECN SPLoc = ECA eau puisards
L'événement causal peut être élargi par une cause cascade. Dans l'exemple
suivant, un élément de type sensation / état (faim) correspond à une cause associée au
déplacement d'un liquide dans l'estomac, d'où la cause cascade:
(85) gargouiller_03_BDTS_Littér L'[Acayenne] se passa la langue sur les lèvres: - Rien qu'à en parler, l'estomac me I*gargouille de faim. - Je veux ben croire, dit la mère [Salvail], mais pour la pâte, [...1
omission sonore[ [état CAUSE agent ACTE action LOC lieu] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1 1 1
1 1 type: 1 mode environnemental: (gargouillis) SPde 0 déplacement SN faim estomac (me)22
5.3.2.2 Conclusions pour le verbe gargouiller
Nous avons vu que les éléments des patrons syntaxiques du verbe gargouiller
(SN V, SN V SPLoc et SN V SPde) lexicalisent différents éléments de l'événement
causal. Le fenêtrage est initial: seul l'événement causal est lexicalisé, en totalité ou
en parties. Le paramètre d'émission sonore suffit donc pour rendre compte du verbe
gargouiller.
22 Le datif possessif me apparaît dans le schéma avec le nom estomac, car les deux correspondent au lieu impliqué dans l'événement causal. Ils agissent COmme un SN équivalent à mon estomac.
93
5.3.3 Analyse pour le verbe crépiter
L'analyse du verbe crépiter nous a pennis de dégager trois acceptions pour ce
verbe:
(86) Acception 1 : Produire une suite rapide de bruits secs. Acception 2 : Se manifester en une suite de bruits secs. Acception 3 : Retentir de bruits rapides et secs.
Ces trois acceptions mettent l'accent sur différents éléments du schéma conceptuel.
5.3.3.1 Acception 1 : Produire une suite rapide de bruits secs
Dans cette acception, l'accent est mis sur l'événement causal du paramètre
d'émission. L'événement qui cause un crépitement peut être de différents types.
D'abord, le crépitement peut être produit en rapport direct ou indirect avec le feu.
Directement, il implique une activité de combustion; indirectement, il implique une
réaction entre deux corps dont l'un est plus chaud que l'autre (ce qui inclut le
phénomène de cuisson). Pour en rendre compte, nous proposons la structure suivante,
qui contient un événement causal complexe:
(87)
émission_sonore[ événement CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement SOl1ore (forme / contenu)]
1 1 1
(chaleur) (combustible) type: mode environnemental: combustion / cuisson (crépitement)
Cette structure suggère que deux éléments impliqués dans une activité de combustion
(ou de cuisson) sont à l'origine d'un crépitement. L'agent est généralement un
combustible, une entité qui prend feu. La combustion de cette entité n'est possible
que par l'action d'une énergie, ici une source de chaleur, que nous traitons comme un
événement causant l'activité de combustion. Cette activité peut mener à la production
d'une série de petites explosions (le crépitement).
94
Pour bien saisir la structure proposée (plus particulièrement la constitution de
l'événement causal), nous allons commencer par un cas où tous les éléments de
l'événement causal sont lexicalisés, par le patron SN V SPLoc :
(88) crépiter_56_BDTS_Lillér Un long silence tombe dans la chambre muette. Du bois nouveau I*crépite dans les flammes ...
eveneme", sonorer r événement CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1 1 1 1
SPLoc = PN SN = ECN type: mode environnemental: flammes bois combustion (crépitement)
Une source de chaleur, ici les flammes, contribue à la combustion du bois; cet
événement est susceptible de provoquer un crépitement. Dans un phénomène de
cuisson, le feu n'est pas nécessairement impliqué de façon directe. Dans les exemples
en (89), toujours dans le patron SN V SPLoc, le SPLoc est une entité concrète
représentant la source de chaleur. Cette entité permet à l'entité correspondant au SN
d'être dans une activité de cuisson:
(89) a. crépiter_55_BDTS_Liltér et sur la cuisinière, la viande de porc I*crépitait dans sa graisse bouillante.
b. crépiter_54_BDTS_Liltér J'ai calé la plus forte, une caramélisée de dépanneur, pendant que le souper I*crépitait dans son wok.
événemelll sonorer r événement CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement S(lnore (forme / contenu)]
- 1 1 1 1 1 1
SPLoc = ECA SN = ECA type: mode environnemental: a. graisse bouillante viande cuisson (crépitement) b. wok souper
Dans le patron SN V, le SN lexicalise l'un ou l'autre des éléments de l'événement
causal :
95
(90) SN.a = ECN (bûches, bois, etc.), LN (champs, forêt, lande) SN.b = PN (feu, flammes, etc.)
evenemelll sOllore[ [ événement CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement sOllore (forme / contenu)]
- 1 1 1 1 1 1
SN.b SN.a type: mode environnemental: combustion / cuisson (crépitement)
D'autres types de SN apparaissant comme sujets du verbe crépiter nous ont
amenée à proposer d'autres structures, différentes de celle qui contient un événement
causal lié à une activité de combustion. Un exemple du corpus illustre bien la
nécessité de proposer une représentation différente de celle liée à la combustion pour
rendre compte de ces cas:
(91 ) crépiter_49J3DTS_Littér Dans la pièce, on n'entend plus que la pluie et le feu qui I*crépitent , chacun à sa manière. - Mais comment voulais-tu que je devine, moi? Comment voulais-tu que je
Initialement, le crépitement découle d'une activité de combustion (ou, indirectement,
de cuisson). À paltir de là, toutes sortes d'événements causaux peuvent s'insérer dans
le schéma, pour autant qu'ils puissent être à l'origine d'une série de petites explosions.
L'analogie est faite sur les caractéristiques de l'événement sonore: la rapidité,
l'itération et la dureté du son. Des activités, des actions répétitives qui produisent des
bruits similaires, c'est-à-dire de petites explosions fréquentes, peuvent se trouver
comme événement causal d'un crépitement. Ainsi, l'événement causal de la structure
en (92) contient un agent se déplace et un lieu qui représente le point final de ce
déplacement.
96
(92) SN = PN (pluie), ECN (eau), ECA (gerbe de plomb) SPLoc = ECA (toit, rideau de douche), ECN (eau)
<missioll sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1 1 1
1 type: 1 mode environnemental: (crépitement) SN déplacements SPLoc
avec contacts finaux
Les SN entrant dans cette représentation ont la particularité d'être composés d'une
multitude, d'une pluralité d'éléments, et ils contiennent en eux-mêmes une idée de
déplacement (la pluie est un ensemble de gouttes d'eau qui tombent, une gerbe de
plomb se définit comme l'ensemble des trajectoires des projectiles dans des tirs
successifs). On retrouve bien ici la notion d'itération exprimée par le crépitement.
Quant aux SPLoc, ce sont des entités présentant une surface généralement lisse, une
surface pouvant permettre à l'entité se dirigeant vers elle de rebondir.
Enfin, une autre structure est suggérée par autre type de SN. Dans la
représentation ci-dessous, un SN de type entité concrète artefact se trouve à être un
instrument utilisé par un agent. C'est l'utilisation de cet instrument qui permet au
crépitement d'avoir lieu:
(93) SN = ECA (haut-parleurs, radios de bateau, récepteur de fréquence, instument de musique électrique, appareils photo, flashes, néons, bouilloire, calorifères électriques, cuillères, flashes, machines à écrire, micro-ordinateurs, mitrailleuses, taser, balles, etc.)
<mission sOllore[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE dYllamiqueyhysique événement SOllore (forme)]
- 1
SN mode environnemental: (crépitement)
Dans cette représentation, les artefacts associés au SN sont essentiellement des objets
qui comportent un mécanisme (machine à écrire, appareil photo, etc.), d'une arme ou
de projectiles (mitrailleuses, baffes, etc.), ou des objets qui fonctionnent à J'électricité
1
97
et qui jouent un rôle dans la transmission d'un son (haut-parleur, radios, etc.). Le
crépitement d'un objet destiné à émettre des sons indique que la transmission du son
est alors saccadée, que l'onde sonore n'est pas fluide.
5.3.3.2 Acception 2 : Se manifester en une suite de bruits secs.
Cette acception met l'accent sur l'événement sonore, qui est lexicalisé par le SN
du patron SN V. Ce SN est un généralement un événement sonore de mode
environnemental.
(94) SN = É (applaudissements, bruit, communications radio, coups, coups de feu, pulsions de l'alphabet morse, rafales de mitrailleuses, etc.)
émission ,onore[ [agent ACTE action] CAUSE dynmniqueyhysique événement sonore (forme / contenu)]
- 1
mode environnemental: SN
Le point crucial ici est la forme de l'événement sonore. Le SN qui lexicalise
l'événement sonore possède les caractéristiques acoustiques d'un crépitement: une
succession rapide de bruits secs. Aspectuellement, il s'agit d'une activité composée
d'événements répétés, successifs.
5.3.3.3 Acception 3 : Retentir de bruits rapides et secs
Dans cette acception, l'accent est mis sur le lieu de l'émission sonore. Le patron
SN V SPde traduit cette acception. Le SN correspond au lieu de l'émission et le SPde
lexicalise l'événement sonore:
98
(95) SN = LA (couloirs), LN (falaises) SPde = É (vociférations rauques d'oiseaux, cri aigre de sa crécelle)
cmission 'o!lore[ [agent ACTE action] CAUSE dynamiqucyhysiq!lC événement sonorc (forme / contenu)]
- 1
mode environnemental: SPde
propagaoion sonorc {Lc( E), direction, canal} - 1
1 1
SN [SN, 360°] o (air)
Le lieu de l'émission sonore, Lc(E), se trouve à la fois dans le paramètre d'émission
et dans le paramètre de propagation. Lorsque cet élément est lexicalisé, nous
considérons que la lexicalisation se fait dans le paramètre Je plus avancé des deux
paramètres, soit la propagation.
5.3.3.4 Conclusions pour le verbe crépiter
L'acception 1 du verbe crépiter se réalise par les patrons SN V et SN V SPLoc.
La lexicalisation se fait par un fenêtrage initial du paramètre d'émission
(lexicalisation d'un ou de plusieurs éléments de l'événement causal). Dans
l'acception 2, réalisée par le patron SN V, on observe un fenêtrage final du paramètre
d'émission (lexicalisation de l'événement sonore). Dans l'acception 3, exprimée par
le patron SN V SPde, le SN lexicalise toujours un élément du paramètre de
propagation, et le SPde, l'événement sonore. Les paramètres d'émission et de
propagation suffisent donc pour rendre compte des acceptions du verbe crépiter.
5.3.4 Analyse pour le verbe retentir
L'analyse du verbe retentir nous a fourni trois acceptions pour ce verbe:
(96) Acception 1 : Produire un son qui résonne fortement. Acception 2 : Se faire entendre avec éclat. Acception 3 : Être rempli d'un bruit puissant.
99
La particularité des événements sonores associés au verbe retentir réside dans leurs
caractéristiques acoustiques: le son produit doit être d'une haute intensité. Ainsi,
l'événement causal peut contenir des actions variées, pour autant que le son produit
soit fort et puisse résonner.
5.3.4.1 Acception 1 : Produire un son qui résonne fortement
Dans cette acception, l'accent est mis sur un élément de l'événement causal du
paramètre d'émission. Dans le patron SN V, le SN de type entité concrète artefact fait
référence à l'instrument de l'événement causal. Il s'agit exclusivement d'artefacts
dont la conception inclut une fonction d'émission de son (cloche, klaxons, cuivres,
trompettes, radio, sirène, sonnette, etc.).
(97) SN = ECA (cloche, cloche du presbytère, clochette, corne de brume, cuivres, jobel, klaxons, radio, sifflet, sifflet du bateau, sirène, sirène d'alerte, sonnette, sonnette de la porte, téléphone, téléphone cellulaire, trompettes en plastique, trompettes monocordes, etc)
émission sonore[ action[agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement 'onore (forme / contenu)]
- 1 1
SN modes musical: (sons)
5.3.4.2 Acception 2 : Se faire entendre avec éclat
Cette acception met d'abord l'accent sur la forme de l'événement sonore. Elle se
réalise par les patrons SN V et SN V SPLoc. Dans le patron SN V, les SN de type
événement sont très nombreux. Ils correspondent tous à des événements sonores; ils
lexicalisent donc un élément du paramètre d'émission (fenêtrage final).
100
(98) SN = É (prières, chants, explosions, tirs, tintements de verres, bruit de respiration, accords, alarme, alerte, applaudissements, btuits de balles, syllabes, claquement de porte, coups de feu, coup de fusil, coup de sifflet, coup de sirène, coups, craquement, cri, déflagration, détonation, éclats de rire, éclats de verre, exclamations, fracas, gueling!, huées, hurlement des loups, hymne national, La Marseillaise, Ô Canada, sons de la cloche, mélopée, mesures d'Ô Canada, nom, notes, ovation, «qui put», rafales de mitrailleuses, refrains, répons, rire, salve de coups de canons, sifflet du départ, sifflet final, signaux d'alarme, etc.)
émission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE dynamiqueyhysiqne événement sonore (forme / contenu)]
- 1
modes verbal, musical, environnemental: SN
En ce qui concerne la forme de l'événement sonore, le mode peut être verbal (paroles,
nom, etc.), musical (musique, notes, etc.) ou environnemental (bruit, coup de feu,
craquement, etc.). Il y a aussi des cas mixtes, combinant par exemple le mode verbal
et le mode musical (chant, refrains, odes, etc.). Peu importe le mode, l'événement
sonore peut être exprimé par un terme générique ou par un terme spécifique. Par
exemple, dans le mode musical, nous trouvons le terme générique musique et
plusieurs termes qui lui sont spécifiques (hymne, La Marseillaise, mesures d'Ô
Canada, accords, notes, etc.); dans le mode verbal, nous trouvons le générique
paroles et les spécifiques mot, syllabes, etc. Il peut aussi s'agir d'onomatopées
(gueling!) ou de mots effectivement prononcés (<< Guy, Guy, Guy»). Dans ce dernier
cas, nous observons un cumul de la forme et du contenu de l'événement sonore,
comme avec les SN imprécations, plainte, menaces, qui donnent des informations sur
le contenu exprimé par les sons produits.
L'acception 2 du verbe retentir peut aussi être exprimée par le patron
SN V SPLoc. L'accent est mis sur la forme de l'événement sonore, mais aussi sur la
propagation du son. Dans ce cas, le SN lexicalise toujours un élément du paramètre
d'émission. Rappelons que, dans ce patron du verbe retentir, le SN est soit de type
événement, soit de type entité concrète artefact. Dans le schéma conceptuel, le SN de
type entité concrète correspond à un instrument contenu dans l'événement causal,
101
comme dans le patron SN V (voir exemple 97). Quant au SN de type événement, il
s'insère dans le schéma à l'endroit de l'événement sonore, comme dans le patron
SN V (voir exemple 98). Pour éviter la redondance avec les représentations
précédentes, nous ne présentons que la lexicalisation des SPLoc du patron
SN V SPLoc. Le SPLoc accompagnant le verbe retentir lexicalise la plupart du temps
un élément du paramètre de propagation. En effet, le SPLoc correspond au lieu de
l'émission sonore (qui est le point de départ de la propagation), à la direction
empruntée par les ondes sonores, ou au deux à la fois. Il y des cas où le SPLoc met
l'accent sur le lieu de l'émission (qui correspond, par défaut, au point de départ de la
direction). C'est le cas pour les SPLoc généralement introduits par la préposition de :
(99) retentir_/85_BDTS_Sodop En même temps, des hauteurs de la Citadelle I*retentissent quinze coups de canon.
propagation sonore {Le(E), direction, canal} - 1
1 1
SPLocj [SPLoc;, 360°] o (air)
Il y des cas où le SPLoc fait mention à la fois du lieu de l'émission et de la direction.
Le SPLoc est alors introduit par dans, sur, sous ou à.
(l00) SPLoc en dans = LA (village, enceinte du Forum, remise, rue, salle d'audience), LN (forêt, campagne), ECA (voiture), H (foule)
SPLoc en sur = LA (pont supérieur, hauteurs du camping)
SPLoc en sous = ECA (toit du Colisée, voûtes)
SPLoc en à = ECA (porte)
propagOlion sonore {Le( E), direction, canal} - 1
1 1
SPLOCj [SPLOCj] o (air)
102
Dans les cas où la lexicalisation de la direction est faite par un SPLoc en dans de type
lieu naturel, le SPLoc donne parfois aussi des infonnations à propos du canal de
propagation (dans le ciel, dans la nuit, dans le brouillard) :
(101) SPLoc en dans = LN (ciel, nuit, brouillard)
propagation sonore (Le(E), direction, canal} - 1
1 1
o [SPLOCi] SPLOCj
Il y a des cas où le SPLoc met l'accent sur la direction empruntée par les ondes
sonores, le lieu de l'émission est alors non spécifié, mais il est sous-entendu:
(102) SPLoc en à travers = ECA (murs) SPLoc en de/en = LN (montagne)
propagalion SOllore (Le(E), direction, canal} - 1
1 1
o [SPLOCi] o (air)
Le SPLoc introduit par jusqu'à, quant à lui, est à cheval entre le paramètre de
propagation et le paramètre de réception. Dans l'exemple suivant, la préposition
jusqu'à exprime l'idée d'une limite d'un espace parcouru, le bout du couloir
correspond au lieu d'arrivée du chemin sonore. Or, selon le schéma conceptuel
proposé dans Piron (2006), la propagation se fait tous azimuts et aucun point
d'arrivée n'est spécifié à cette étape. Nous sommes forcée de conclure que le
paramètre subséquent dans le schéma, le paramètre de réception, est ici concerné.
(103) retentir_20IJ3DTS_Littér [...] porte close, Brian lança contre Je mur le verre de Marise, qu'il avait oublié de vider. Le bruit I*retentit jusqu'au bout du couloir. Des portes s'ouvrirent et se refermèrent aussitôt.
Enfin, il y a d'autres cas qui surpassent le paramètre de propagation et permettent la
lexicalisation d'un élément du paramètre de réception. Le SPLoc de type partie du
103
corps (oreilles) correspond à l'instrument de réception; ce SPLoc est introduit par
dans ou à.
(104) retentir_147_BDTS_Littér Déjà, j'entends I*retentir à mes oreilles des cris de colère et des murmures de désapprobation.
r<ception acons,ique[événementacoustique CAUSE cJynmniqne ocon"iqnc événement acoustiqne ] - 1 - 1
chemin de réceptivité 1
[agent ACTE Réflexeacon"lqncOBJET émission sonore MOYEN instrument] 1
SPLoc
Dans cet exemple, la préposition qui introduit le complément est révélatrice: la
préposition à nous fait voir l'instrument de réception (mes oreilles) comme le lieu
d'arrivée du chemin sonore et indique qu'il s'agit bien d'un cas qui concerne le
paramètre de réception.
5.3.4.3 Acception 3 : Être rempli d'un bruit puissant
Cette acception du verbe retentir est associée essentiellement au patron
SN V SPde. L'accent est mis sur le lieu de l'émission sonore (le lieu d'origine de
l'émission ou la direction empruntée par l'émission); il s'agit d'un SN de type lieu
artefact (LA) ou de type lieu nature! (LN). Quant au SPde, il correspond le plus
souvent à l'événement sonore:
104
(105) SN = LA (chambre, Anse-aux-Foulons, église, etc.), LN (étangs, sous-bois, clairières, etc) SPde = É (éclat de rire général, cris d'enfer, prières, chant des crapauds, croassements, cris joyeux, etc.)
emission sonore[ aClion[agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sonore (forme / contenu)] - 1
SPde Le(E) i = SN Le(E) i = SN
propagation_sonore { Le{E) i , direction , canal}
1 1 1
SN; [SN i, 360°] o (air) SNj [ SN j ]
Le SPde peut aussi correspondre à un élément de l'événement causal, comme dans
cet exemple contenant une coordination de SPde :
(J 06) retentir_/95_BDTS_Journa Pendant des siècles, les villes du Moyen Âge et de la Renaissance ont I*retenti des voix des vendeurs à la criée, des sabots sur les pavés el des cloches d'église.
emiSSiOIl_SOnOre[[agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sOllore (forme / contenu)] 1 1
SPde 1
VOIX mode verbal: voix sabots mode environnemental: (bruits de sabots) cloches mode musical: (son des cloches)
Le(E); = SN
propagalion_sonore { Le(E); , direction , canal}
1 1 1
SNi SNi ] o (air) villes
5.3.4.4 Conclusions pour le verbe retentir
Dans l'acception 1 du verbe retentir, qui met l'accent sur l'événement causal du
paramètre d'émission, le SN du patron SN V représente l'instrument étant à l'origine
du son produit. L'acception 2 est réalisée par les patrons SN V ou SN V SPLoc. Le
SN lexicalise l'événement sonore et le SPLoc lexicalise un élément soit du paramètre
105
de propagation, soit du paramètre de réception. Dans l'acception 3, réalisée par le
patron SN V SPde, le SN lexicalise un élément du paramètre de propagation (lieu de
l'émission sonore, direction ou canal de propagation) et le SPde lexicalise un élément
du paramètre d'émission (événement sonore ou événement causal). Le verbe retentir
permet donc la lexicalisation dans les trois premiers paramètres du schéma conceptue 1.
5.3.5 Analyse pour le verbe bourdonner
L'analyse du verbe bourdonner a donné lieu à quatre acceptions pour ce verbe:
( 107) Acception 1 : Émettre un son grave et continu, vibrant. Acception 2 : Se manifester en un son grave et persistant. Acception 3 : Être rempli d'activités bruyantes. Acception 4 : Subir la sensation d'un bruit permanent.
Ces acceptions mettent l'accent sur différents éléments du schéma conceptuel.
5.3.5.1 Acception 1 : Émettre un son grave et continu, vibrant
L'événement sonore associé au verbe bourdonner est un son grave et continu. Ce
son peut provenir d'un instrument utilisé par un agent. Le SN de type entité concrète
artefact du patron SN V correspond à cet instrument:
( 108) SN = ECA (camions, train, cloches, interphone, téléphone, trompettes, vuvuzelas, néon, presses, quatre-cylindres, serrure électrique, etc.)
"mission sanore[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1
SN mode environnemental: (bourdonnement)
Dans cette acception, la lexicalisation se fait dans le paramètre d'émission. Il s'agit
ici d'un cas de fenêtrage ini tial.
106
5.3.5.2 Acception 2 : Se manifester en un son grave et persistant
Dans la deuxième acception pour le verbe bourdonner, on assiste plutôt à un
fenêtrage final du paramètre d'émission. Le SN de type événement du patron SN V
lexicalise l'événement sonore:
(109) SN = É (bruit, mots, ronflement du vent, voix)
émission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE dynnllliqlleyhysique événement sOllore (forme / contenu)]
- 1
mode environnemental: SN
Bien que certains de ces SN soient généralement associés au mode verbal (mots et
voix), l'événement sonore produit relève du mode environnemental. Le verbe
bourdonner attribue à ces événements sonores une idée de prolongement ou de
répétition.
L'acception 2 permet aussi la lexicalisation dans un paramètre subséquent du
schéma, soit celui de la réception. Le SN du patron SN V SPLoc reste associé à
l'événement sonore, et le SPLoc, de type partie du corps, lexicalise l'instrument de
réception:
(110) SN = É (bruits, chants, paroles, rumeurs, accords, phrase, vacarme, etc.) SPLoc = PC (oreilles, cerveau)
émission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE dynamiqueyhysique événement SOliore (forme / contenu)]
- 1
mode environnemental: SN
réeeplioll acouSlique[événementacouslique CAUSE dynamique acouSliqllc événement acous.ique] - 1 - 1
chemin de réceptivité 1
[agent ACTE Réflexeacoustique OBJET émission sonore MOYEN instrument]
SPLoc 1
107
5.3.5.3 Acception 3 : Être rempli d'activités bruyantes
Dans cette acception, l'accent est mis sur un élément du paramètre de
propagation. Dans le patron SN V, l'argument correspond à la fois au lieu de
l'émission sonore et à la direction empruntée par le chemin de propagation. Ce SN est
d'ailleurs de type lieu artefact ou lieu naturel. La cause de l'événement sonore n'est
pas explicite, mais nous savons qu'il s'agit d'une activité fourmillante, fébrile,
comme dans une ruche où de nombreuses abeilles s'affairent.
(1 11) SN = LA (boutique, école, centre, maisons, postes de travail, restaurant, ville, etc.), LN (anses, forêt, bois, air, etc.)
<mission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE dynamiqllephysiqlle événement sOllore(forme / contenu)]
- 1 1
type: mode environnemental: activité fourmillante (bourdonnement)
propagatioll_sonore { Le(E) i , direction canal}
1 1 1
SNi SNi o (air)
La lexicalisation du lieu d'origine du bourdonnement peut aussi se faire par le SN du
patron SN V SPde. Dans ce cas, le SPde précise soit l'événement causal ou
l'événement sonore:
108
(112) SN = LA (bureaux, capitale, cuisines, demeure, village, rue, quais, marché, Laurentie, etc.), LN (forêt, bras de mer, air, entourage, etc.)
SPde = É (activité, activités sylvestres, travail des abeilles, etc.; rumeurs sourdes, bourdonnement d'essaims, etc.)
SPde = ECA (voitures, hydravions), LA (restaurants, hôtels)
émission sonore[[agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement SOl1ore (forme 1 contenu)] - 1
1
SPde= ECA 1 1
mode environnemental: SPde = É
SPde= É, LA
Le(E) i = SN Le(E) i = SN
propltgalion_sonore { Le{E) i , direction canal}
1 1
SNi SNi o (air)
5.3.5.4 Acception 4: Subir la sensation d'un bruit permanent
Cette acception du verbe bourdonner concerne le récepteur. Elle peut être
exprimée par le patron SN V, le SN lexicalise alors l'instrument de réception:
(113) SN = PC (oreilles, tête)
réception acouSlique[événementacouslique CAUSE dynamique acoustique événement "coustiqnt] - 1 - 1
chemin de réceptivité 1
[agent ACTE Réflexeacoustique OBJET émission sonore MOYEN instrument] 1
SN
Le SN du patron SN V SPde peut aussi correspondre à l'instrument de réception.
Dans ce cas, le SPde lexicalise soit l'événement sonore, soit un élément de
l'événement causal:
109
(114) a. SPde = S: bourdonner_85_BDTS~;ttér[... ] pour s'en couvrir la figure mais surtout les oreilles qui maintenant I*bourdonnaient de douleur.
b. SPde = É: bourdonner_84_BDTS~;ttér[... ] au moment où mes tempes cessaient de battre, où mes oreilles ne 1* bourdonnaient plus du son de toutes les cloches du monde [... ]
émission sonore[ [état CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1
SPde= S mode environnemental: SPde = É
5.3.5.5 Conclusions pour le verbe bourdonner
Dans l'acception 1 du verbe bourdonner, laquelle met l'accent sur l'événement
causal du paramètre d'émission, le SN du patron SN V représente l'instrument étant à
l'origine du son produit. L'acception 2 est réalisée par les patrons SN V ou
SN V SPLoc; le SN lexicalise l'événement sonore et le SPLoc lexicalise un élément
du paramètre de réception. Dans l'acception 3, réalisée par le patron SN V SPde, le
SN lexicalise un élément du paramètre de propagation et le SPde lexicalise un
élément du paramètre d'émission (événement sonore ou événement causal). Enfin,
l'acception 4, réalisée par les patrons SN V ou SN V SPde, met l'accent sur
l'instrument de réception. Le SN correspond à cet instrument et le SPde lexicalise un
élément du paramètre d'émission.
5.3.6 Analyse pour le verbe bruire
Le verbe bruire présente trois acceptions:
(115) Acception 1 : Faire un bruit léger. Acception 2 : Se faire entendre de façon confuse. Acception 3 : Être rempli d'un bruit léger, confus.
La première acception met l'accent sur l'événement qui cause l'événement sonore; la
seconde, sur l'événement sonore en tant que tel; et la troisième, sur le lieu où se
propage le son produit.
110
5.3.6.1 Acception 1 : Faire un bruit léger
L'événement sonore associé au verbe bruire est un bruit de faible intensité. 11 est
généralement causé par une entité qui fait un mouvement léger, d'où la représentation
générale suivante:
(J J6)
,,"'"'""__[ ['g,nt ACTE "tTJCAUSE "~'"'"~-"'''''"' "'nom'nt '"~, (ro'T 1cont,nu)1
type: mode environnemental: (bruissement)
mouvement léger
Cette acception peut être réalisée par les patrons SN V SPLoc et SN V. Dans le
patron à deux arguments, un argument cOlTespond à l'agent en mouvement et l'autre
cOlTespond à un événement qui cause le mouvement de cet agent:
( 117) a. SN = ECA (soutane, etc.), ECN (peupliers, feuilles) SPLoc en dans = PN (vent)
b. SN = PN (vent) SPLoc en sous = PN (tempête d'air chaud), É (pas)
'm'."" '""""[1[",nl,m,nl CAUSE 'g'nt ACTE "tion1CAUSE ",n,m,nt ,"""" (fo,m, 1con"nu)] - 1 1 1
a. SN / b. SPLoc 1 1
a. SPLoc / b. SN type: mode environnemental: (bruissement) mouvement léger
Lorsque cette acception est exprimée par le patron SN V, le SN lexicalise l'un ou
l'autre des éléments de l'événement causal:
III
( 118) SN = PN (vent), É (roulade dans les feuilles)
SN = ECA (pales d'un ventilateur, panneaux métalliques, etc.), ECN (arbres, buissons, feuilles, peupliers, etc.)
'm'"',,, _lil'V,"Iemenj CAUSE O>goo' ACTE OC';O"JCAUSE évéocmoo, .,~. (fo,me 1cOOle,,)1 - 1 1 1
SN = ECA, ECN 1 1
SN =PN, É type: mode environnemental: (bruissement) mouvement léger
Cette acception peut aussi être exprimée par le patron SN V SPde, où le SPde
lexicalise l'état qui provoque le bruissement de l'agent:
(1 ] 9) SN = ECA (murs), ECN (arbres) SPde = S (froid, plaisir)
émission sonore[ [état CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)] - y 11
SPde SN 1
mode environnemental: (bruissement)
5.3.6.2 Acception 2 : Se faire entendre de façon confuse
L'acception 2 du verbe bruire est réalisée par le patron syntaxique SN V SPLoc.
Le plus souvent, le SN lexicalise l'événement sonore et le SPLoc lexicalise un
élément du paramètre d'émission:
112
( 120) SN = É (clapotements, notes d'un oiseau, phrases) SPLoc en dans = ECA (voiture), LN (ciel), LN (souterrain)
émissioll sOllore[ [agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)] - 1
SN
Le(E) i = SPLoc Le(E) i = SPLoc
propagation_sonore { Le(E) j, direction , canal}
1 1 1
SPLoc i [ SPLoc i ] o (air)
Toujours avec le patron SN V SPLoc, un autre cas de lexicalisation a été observé: le
SN correspond à l'agent de l'événement causal et le SPLoc correspond à l'instrument
dans le paramètre de réception. 11 s'agit toutefois d'un cas isolé.
(121 ) bruire_40_BDTS_Littér [... ] en sanglots irrépressibles, ponctués de hoquets et de gémissements. IP J29 L'herbe 1* bruissait à mes oreilles. S'y précipitèrent mes larmes tièdes.
5.3.6.3 Acception 3 : Être rempli d'un bruit léger, confus
Dans cette acception, l'accent est mis sur un élément du paramètre de
propagation. Dans le patron SN V, l'argument correspond à la fois au lieu de
l'émission sonore et à la direction empruntée par le chemin de propagation. Ce SN est
d'ailleurs de type lieu naturel ou lieu artefact.
( 122) SN = LN (champs, forêt, mer, etc.), LA (salle de thé)
direction , canal}
1 1
[SN i = LN, LA] o (air)
La lexicalisation du lieu de propagation du bruit peut aussi se faire par le SN du
patron SN V SPde. Dans ce cas, le SPde lexicalise l'événement sonore:
113
( 123) bnlire_55_BDTS_Lillér [... ] chacune dans son petit lit de fer, j'écoute Je grenier tout entier I*bruire de respirations enfantines, (...]
5.3.6.4 Conclusions pour le verbe bruire
L'acception 1 peut être exprimée par les patrons SN V, SN V SPLoc ou
SN V SPde; tous les arguments de ces patrons lexicalisent alors des éléments de
l'événement causal (élément directement impliqué dans l'action causale ou cause
cascade). L'acception 2 est réalisée par le patron SN V SPLoc. Généralement, le SN
lexicalise l'événement sonore et le SPLoc, un élément du paramètre de propagation.
Le SPLoc peut aussi lexicaliser l'instrument du paramètre de réception. L'acception 3,
exprimée par les patrons SN Vou SN V SPde, met l'accent sur le lieu de propagation,
lexicalisé par le SN. Quant au SPde, il lexicalise l'événement sonore.
5.3.7 Analyse pour le verbe carillonner
Nous avons retenu trois acceptions pour le verbe carillonner:
(124) Acception 1 : Produire une sonnerie mélodique, vive et gaie. Acception 2 : Annoncer par un carillon. Acception 3 : Se manifester en une mélodie vive.
5.3.7.1 Acception 1 : Produire une sonnerie mélodique, vive et gaie
Cette acception est exprimée par le patron SN V. La lexicalisation se fait dans le
paramètre d'émission. Il s'agit d'un cas de fenêtrage initial: le SN, de type entité
concrète artefact, correspond à un instrument de l'événement causal.
( 125) SN = ECA (cloches, bourdon, téléphone, grelots)
émission sono",[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 1
SN mode musical: (carillon)
114
Notre corpus contient aussi un exemple avec un SN de type lieu artefact (clocher).
Puisque ce lieu est précisément destiné à recevoir des cloches, nous l'analysons non
pas comme comme le lieu de l'émission sonore, mais plutôt comme le lieu de
l'instrument de l'événement causal. Nous pouvons voir ici un emploi métonymique,
où le contenant (clocher) est exprimé pour évoquer le contenu (cloche). Ainsi, dans
cette acception, la lexicalisation ne dépasse pas le paramètre d'émission.
5.3.7.2 Acception 2 : Annoncer par un carillon
Cette acception est exprimée par le patron SN V SN2. La lexicalisation se fait
dans le paramètre d'émission, par un fenêtrage maximal. Le sujet, le SN, correspond
à l'instrument de l'événement causal, et l'objet, le SN2, correspond à l'événement
sonore. Plus précisément, l'objet lexicalise le cumul de la forme et du contenu de
l'événement sonore.
( 126) SN = ECA (cloches)23 SN2 = EA (liberté, indépendance, heure)
émission sonore[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1 ~I SN mode musical: SN2
Un autre exemple du corpus présente un cas particulier, où les deux arguments du
patron SN V SN2 sont liés à l'événement sonore:
23 Le corpus contient aussi un exemple du patron SN V SN2 où le SN est de type lieu ariefaci (clochers). Nous appliquons la même analyse que pour ce type de SN dans le patron SN V.
115
(127) carillonner_04_BDTS_Littér [... ] haut-parleur propageait dans toute la ville, jusqu'à la terrasse d'un hôtel paisible, une musique I*carillonnant des sons outrés, une imposture, eût dit la mère de Mélanie [... ]
',""","_00',""[ ['geo' ACTE ",ioo MOYEN io""me",] CAUSE 'v'oem,,' .,,"" (fOI7"")] mode musical: SN, SN2
5.3.7.3 Acception 3 : Se manifester en une mélodie vive
Cette acception est exprimée par le patron SN V SPLoc. Le SN est un événement
sonore (il lexicalise donc un élément du paramètre d'émission) et le SPLoc, introduit
par à, correspond à l'instrument du paramètre de réception. Notons que nous ne
trouvons qu'un seul exemple de la sorte dans le corpus.
(128) carillonner_13_BDTS_Littér Le rire de l'étranger I*carillonna comme des grelots aux oreilles d'Angélina.
émission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1
SN=É rire
réception acoustique[événementacouslique CAUSE dynamique aeouslique événement acoustique] - 1 - 1
chemin de réceptivité 1
[agent ACTE Réflexeacousllquc OBJET émission sonore MOYEN instrument] 1
SPLoc oreilles
5.3.7.4 Conclusions pour le verbe carillonner
Les trois patrons où nous trouvons le verbe carillonner correspondent à trois
différentes acceptions. La lexicalisation se fait essentiellement dans le paramètre
d'émission pour les patrons SN V (acception 1) et SN V SN2 (acception 2). Dans ces
116
deux patrons, le sujet correspond généralement à l'instrument de l'événement causal;
dans le patron SN V SN2, l'objet exprime le contenu de l'événement sonore. La
lexicalisation peut aussi se faire dans le paramètre de réception dans le patron
SN V SPLoc (acception 3), où le SPLoc correspond à l'instrument de réception.
5.3.8 Analyse pour le verbe tinter
Nous avons retenu cinq acceptions pour le verbe tinter:
(129) Acception 1 : Produire des sons clairs, aigus. Acception 2 : Se faire entendre par un tintement de cloches ou par un bruit qui s'y apparente. Acception 3 : Annoncer en faisant entendre un tintement. Acception 4 : Retentir de sons clairs. Acception 5 : Ressentir un bourdonnement.
5.3.8.1 Acception 1 : Produire des sons clairs, aigus
Cette première acception met l'accent sur l'événement causal du paramètre
d'émission (fenêtrage initial). Pour cette acception, nous proposons deux types de
structures qui diffèrent par le contenu de l'événement causal. Premièrement, nous
proposons un événement causal où un agent fait une action à l'aide d'un instrument.
Dans ce cas, le son produit est clair et léger; il peut être unique, non répété. Si le SN
du patron SN V est un artefact conçu pour émettre des sons, il correspond à
l'instrument de l'événement causal:
(130) SN = ECA (cloche, clochette, triangle, etc.)
émissiol1 sOl1ore[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement sOl1ore (forme / contenu)]
- 1
SN mode musical: (tintement)
1
117
Deuxièmement, nous proposons un événement causal où un agent fait un
déplacement qui aboutit à un contact avec une entité24. Dans ce cas, l'événement
sonore produit est un ensemble de sons clairs qui se succèdent et produisent des
harmonies aiguës. La notion d'itération importe ici. Ou bien une même entité entre en
contact plusieurs fois avec une autre entité, ou bien plusieurs entités entrent en
contact au moins une fois avec d'autres entités. La position d'agent est occupée par
un SN de type entité concrète artefact. Dans un premier cas de figure, l'agent est en
contact avec lui-même, il est lexicalisé par un SN pluriel ou exprimant une collection:
(l31) SN = ECA (babioles en verre, grelots, bracelets, clés, pièces de monnaie, pintes de lait, service à thé, verres, etc.)
<mission sOllore[ [agent ACTE action] CAUSE événement SOllore (forme / contenu)]
- 1 1 1
SN type. (tintements) contacts répétés
Deuxième cas de figure, le SN entre en contact avec une autre entité, qui correspond
au lieu (non lexicalisé) dans la structure suivante:
( 132) SN = ECA (boîte d'appâts, boîte de conserve, vitres, marteau, etc.)
<missioll sOllore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE événement SOIlOr< (forme / contenu)]
- 1 1 1 1
SN type. 0 (tintements) contacts répétés
24 Cet agent doit être compris au sens large, et il peut correspondre à l'instrument d'une cause cascade. Cette deuxième structure peut donc être vue comme une expansion de la première.
118
Il est possible de lexicaliser et l'agent et le lieu de l'événement causal avec les
arguments du patron SN V SPLoc. Les prépositions qui introduisent le SPLoc, contre
ou sur, accentuent l'idée de contact.
(133) SN = ECA (clochette, fourchette, glaçons, bouteille) SPLoc en contre = ECA (porte, assiette, parois d'un verre) SPLoc en sur = ECA (verre)
omission sonore[ [agent ACTE action LOC lieu] CAUSE événement sono« (forme / contenu)]
- 1 1 1 1
SN type: SPLoc (tintements) contacts répétés
Le patron SN V SPde permet d'élargir la structure de l'événement causal, par la
lexicalisation d'une cause cascade. Dans l'exemple ci-dessous, le pronom en, qui
remplace dufait qu'on se mit àfrapper à sa porte avec une violence inouïe indique ce
qui cause le contact répété des verres:
(134) tinter_BDTS_/09_Littér [... ] point de s'endormir lorsqu'on se mit à frapper à sa porte avec une violence inouïe; les verres en I*tintaient dans le vaisselier.
omission sonore[[agent ACTE action CAUSE agent ACTE action] CAUSE événement sonore]
- 1 1 1 1 1 1
SPde = É SN = ECA type: (tintements) en verres contacts répétés (du fait que ... )
Nous avons vu que quatre patrons syntaxiques pelmettent d'obtenir la première
acception du verbe tinter. Ce qui est constant, c'est que le SN sujet, qui correspond à
l'agent, est toujours de type entité concrète artefact. Cette entité doit pouvoir
permettre au son produit par le contact d'avoir une certaine durée, de résonner, c'est
pourquoi elle doit être faite de métal ou de verre, par exemple.
119
5.3.8.2 Acception 2 : Se faire entendre par un tintement de cloches ou par un bruit qui s'y apparente
Dans cette acception, l'accent est mis sur l'événement sonore. Peu importe que le
SN soit associé aux modes environnemental, verbal ou musical, le verbe tinter
attribue à cet événement sonore les caractéristiques d'un tintement: des sons aigus,
clairs, répétés.
(135) SN = É (air de reggae, angélus, chant de l'eau, mots, rire, voix, vers, etc.)
émission sonore[ [agent ACTE action] CAUSE événement sonore (forme / contenu)]
- 1
SN
En plus d'un SN lexicalisant l'événement sonore, le verbe tinter peut être
accompagné d'un SPLoc introduit par à ou dans qui lexicalise un élément du
paramètre de réception. Ce SPLoc correspond à une partie du corps liée à J'audition
(oreilles, tempes, tête) :
(136) tinter_99_BDTS_ Lil1ér Encouragé par les rires de la tribu qui I*tintaient encore à ses oreilles, Ramook brava [... ]
Un autre exemple du corpus contient un SPLoc introduit par jusqu'à, qui met l'accent
sur un point final du chemin de propagation:
( 137) tinter_112_BDTS_Lillér Il s'en va dresser la table, et les assiettes malmenées I*tintent jusqu'ici.
Dans cet exemple, les sons produits par les assiettes qui s'entrechoquent se propagent,
résonnent jusqu'à un point de réception: ici. L'adverbe ici est un déictique, il renvoie
à la situation d'énonciation pour J'identification du référent (Kleiber, 1986). Ici
désigne le lieu où le locuteur se situe, et ce locuteur est le récepteur, c'est-à-dire
l'agent de l'événement acoustique du paramètre de réception.
120
5.3.8.3 Acception 3 : Annoncer en faisant entendre un tintement
Cette acception met l'accent sur le contenu de l'événement sonore. Elle peut être
exprimée par le patron SN V :
(138) tinterjJ_BDTS_ Littér Donc, ta voix de bronze est éteinte: Te voilà muet à jamais! L'heure plus ne vibre ou ne I*tinte [,',]
émission 50110re[ [agent ACTE action MOYEN instrument] CAUSE événement SOl1ore (forme 1contenu)]
- ~I SN =EA
Dans cet exemple, le SN de type entité abstraite (! 'heure) correspond à une annonce,
à j'information véhiculée par le tintement.
Dans les autres exemples du corpus correspondant au patron SN V SN2, le SN2
lexicalise toujours l'événement sonore:
(139) tinterj5J3DTS_Littér [.. ,] Un angélus au Join I*tinte ses derniers coups [.. ,]
(140) tinter_94_BDTS_Littér les boeufs au champ, les cornes enguirlandées de festons rouges et de boules de cuivre qui I*tintaient des mélodies dandinantes.
Le SN sujet peut lexicaliser lui aussi l'événement sonore (É = angélus) ou un élément
de l'événement causal (ECA = boules de cuivre).
5.3.8.4 Acception 4 : Retentir de sons clairs
Cette acception peut être exprimée par le patron SN V SPde. Le SN correspond à
la fois au lieu d'origine et de propagation du son; le SPde précise des éléments du
paramètre d'émission. Dans l'exemple suivant, les SPde coordonnés identifient un
agent à l'origine du son produit (foules) et deux sortes d'événements sonores
(rythmes, chants) présentant les caractéristiques d'un tintement.
121
(141 ) tinter_J JO_BDTS_Faune La ville entière I*tintait de Iythmes, de chants, de foules aux prompts applaudissements.
émissiol1 sOl1ore[[agent ACTE action] CA USE événement sOl1ore (forme 1contenu)] - 1 1
SPde = H SPde = É foules rythmes, chants
L.(E)j = SN
propagOliol1 sol1or< {Le(E), direction, canal} - 1
1 1
SN; = LA [ SN; ] o (air) ville
5.3.8.5 Acception 5 : Ressentir un bourdonnement
Cette acception du verbe tinter met l'accent sur le récepteur. Elle peut être
exprimée par le patron SN V, le SN lexicalise alors l'instrument de réception:
(142) tinter_46_BDTS_Littér Ovide serrait les poings, fermait les yeux. Ses oreilles I*bourdonnaient.
L'instrument de réception peut aussi être lexicalisé par le SN du patron SN V SPde.
Dans ce cas, le SPde lexicalise l'événement sonore ayant les caractéristiques d'un
bourdonnement: bruit continu, confus. Dans l'exemple ci-dessous, les bruits (SPde)
se répètent inlassablement dans la tête de quelqu'un.
( 143) tinter_08_BDTS_Monogr [... ] sur les branches mortes, ou le clapotement de l'eau contre les flancs de la nacelle: la tête lui I*bourdonne de mille bruits insolites...
émission sOl1ore[ [agent ACTE action] CAUSE événement sOl1ore(forme 1contenu)]
- 1
SPde
bntits
122
Nous trouvons aussi un SN qui lexicalise l'instrument de réception dans le patron
SN V SN2. Le SN2 est un événement sonore.
(144) linler_96_BDTS_Littér Parfois il sentait une torpeur l'envahir, ses oreilles I*tinter le signal de l'épuisement, [n.]
Cet exemple se rapproche de ceux liés à l'acception 3 du verbe tinter (annoncer en
faisant entendre un tintement). Cette acception peut d'ailleurs être réalisée par le
patron SN V SN2.
5.3.8.6 Conclusions pour le verbe tinter
L'acception 1 peut être exprimée par différents patrons: SN V, SN V SPLoc,
SN V SPde. Dans tous les cas, le SN sujet lexicalise un élément de l'événement
causal; et dans les patrons contenant un SP, le SP correspond lui aussi à un élément
de l'événement causal (le SPLoc lexicalise un lieu impliqué dans l'action causale et le
SPde lexicalise une cause cascade).
L'acception 2 met l'accent sur l'événement sonore, qui se réalise par un SN.
Nous pouvons aussi observer, dans cette acception, la présence d'un SPLoc
correspondant à J'instrument du paramètre de réception.
L'acception 3 a de particulier qu'elle met l'emphase sur le contenu de
l'événement sonore, lexicalisé par le SN sujet du patron SN V ou par l'objet du
patron SN V SN2.
L'acception 4 est exprimée par le patron SN V SPde, dans lequel le SN lexicalise
le lieu du paramètre de propagation, et le SPde, un élément du paramètre d'émission
(événement causal ou événement sonore).
L'acception 5 met l'accent sur j'instrument de réception, réalisé par un SN sujet.
Un SPde ou un SN2 peuvent s'ajouter; ils correspondent alors à l'événement sonore.
123
5.4 Classement des huit verbes analysés
Pour rendre compte des huit verbes de son étudiés, les trois premiers paramètres
du schéma conceptuel ont été nécessaires: l'émission, la propagation et la réception.
Nous cherchons maintenant à comparer les verbes quant aux paramètres où se fait la
lexicalisation. Ainsi, nous tenterons de faire des généralisations, de regrouper les
verbes qui lexicalisent les mêmes paramètres du schéma. Pour plus de précision, nous
distinguons l'événement causal et l'événement sonore dans le paramètre d'émission,
car les différents cas de lexicalisation dans ce paramètre (fenêtrage initial, fenêtrage
final et fenêtrage final) ont permis de distinguer certaines acceptions pour un même
verbe. Le tableau 5.1 résume les conclusions tirées pour chaque verbe en ce qui
concerne les éléments du schéma conceptuel lexicalisés par les éléments des patrons
syntaxiques. Dans ce tableau, les différents éléments du schéma conceptuel sont
représentés par des symboles: «c» indique la lexicalisation d'un élément de
l'événement causal du paramètre d'émission; « s », la lexicalisation de l'événement
sonore; « p », la lexicalisation d'un élément du paramètre de propagation; « r », la
lexicalisation d'un élément du paramètre de réception.
124
Tableau 5.1 Éléments du schéma conceptuel lexicalisés par les éléments des patrons syntaxiques
Verbes Acceptions Patrons syntaxiques
SNV SN V SN SN V SPLoc SN V SPde
crisser Acception 1 c c-c
gargouiller Acception 1 c c-c c-c
crépiter Acception 1 c c-c
Acception 2 s
Acception 3 p-s
bruire Acception 1 c c-c c-c
Acception 2 s-p
c - r (rare)
Acception 3 p p-s
carillonner Acception 1 c
Acception 2 c, s - s
Acception 3 s-r(rare)
retentir Acception 1 c
Acception 2 s c, s - p, r
Acception 3 p - c, s
bourdonner Acception 1 c
Acception 2 s s r
Acception 3 p p - c, s
Acception 4 r r c, s
tinter Acception 1 c c-c c-c
Acception 2 s c, s r
Acception 3 s c, s - s
Acception 4 p - c, s
Acception 5 r r-s
125
Le tableau fait ressortir la correspondance entre les différents cas de lexicalisation et
les différentes acceptions pour chaque verbe. Nous pouvons constater que les
différents cas de lexicalisation reviennent d'un verbe à l'autre. Cela veut dire que
plusieurs verbes présentent des acceptions similaires.
Pour l'ensemble des verbes de son étudiés, nous avons pu dégager cinq sens
généraux, directement liés aux différents cas de lexicalisation des éléments du
schéma conceptuel. Chacun de ces cinq sens met J'accent sur un élément particulier
du schéma: l'événement causal, la forme de l'événement sonore, le contenu de
l'événement sonore, la propagation et la réception. Le tableau 5.2 présente le
classement des huit verbes de son analysés selon les sens qu'ils peuvent prendre.
Tableau 5.2 Classement des huit verbes de son analysés
Verbes Sens liés à l'émission sonore Sens lié à la Sens lié à la
propagation réceptionSens lié à Sens lié à la Sens lié au
sonore acoustiquel'événement forme de contenu de
causal J'événement l'événement
sonore sonore
crisser x
gargouiller x
carillonner x x x
crépiter x x x
retentir x x x
bnlire x x x
bourdonner x x x x
tinter x x x x x
Les huit verbes peuvent avoir un sens lié à l'émission, cinq peuvent avoir un sens de
propagation et deux peuvent exprimer un sens mettant l'accent sur la réception.
126
5.4.1 Les verbes ayant un sens lié à la cause de l'émission sonore
Le premier sens est lié à la lexicalisation de l'événement causal du paramètre
d'émission. Pour tous les verbes, il peut se réaliser par le patron SN V. Quand il se
réalise par des patrons plus complexes, les deux arguments lexicalisent soit deux
positions de l'événement causal (si l'événement causal contient deux positions), soit
une position de l'événement causal et une cause cascade.
5.4.2 Les verbes ayant un sens lié à laforme de l'événement sonore
Ce sens insiste sur la forme de l'événement sonore. Il est exprimé par les patrons
SN V ou SN V SPLoc. Dans le patron SN V, seul l'événement sonore est lexicalisé et
l'accent est mis sur les caractéristiques acoustiques de cet événement. Dans le patron
plus complexe, le SPLoc peut lexicaliser soit un élément du paramètre de propagation,
soit un élément du paramètre de réception; le SN sujet lexicalise l'événement sonore.
Par extension, le sujet peut aussi lexicaliser un élément de l'événement causal, parce
qu'il s'agit toujours d'une combinaison d'un élément du paramètre d'émission et
d'un élément d'un paramètre subséquent dans le schéma. Par ailleurs, même si le
SPLoc apporte des infonnations sur le chemin emprunté par l'émission sonore, la
forme de l'événement sonore prédomine.
5.4.3 Les verbes ayant un sens lié au contenu de l'événement sonore
Deux des huit verbes peuvent avoir ce sens: carillonner et tinter. Ce sens se
réalise essentiellement par le patron SN V SN2, dans lequel l'objet correspond au
contenu de l'événement sonore. Le sujet peut correspondre à un élément de
l'événement causal ou à un autre élément de l'événement sonore. C'est le seul sens
(et le seul patron) qui permet un fenêtrage maximal dans le paramètre d'émission.
Ce sens peut aussi être exprimé par le patron SN V, auquel cas le sujet exprime le
contenu de l'événement sonore.
127
5.4.4 Les verbes ayant un sens lié à la propagation sonore
Ce sens met l'accent sur un élément du paramètre de propagation, généralement
le lieu de l'émission sonore ou la direction, lexicalisé par le SN sujet des patrons
SN V ou SN V SPde. Le SPde lexicalise toujours un élément du paramètre
d'émission (l'événement causal ou l'événement sonore). Cinq des huit verbes peuvent
présenter ce sens: crépiter, retentir, bruire, bourdonner et tinter.
5.4.5 Les verbes ayant un sens lié à la réception acoustique
Ce sens met l'accent sur l'instrument de réception (généralement les oreilles,
mais aussi la tête). Les verbes bourdonner et tinter sont les seuls à avoir un SN sujet
qui lexical1se cet instrument. Un exemple du corpus contenant une coordination fait
d'ailleurs bien ressortir la similitude entre les verbes tinter et bourdonner:
( 145) tinter_BDTS_90_Journa et bourdonner_BDTS_4/journa [... ] le niveau sonore d'un marteau-piqueur. Pas étonnant qu'on sorte du cinéma avec les oreilles qui I*tintent ou qui I*bourdonnent...
Ce sens peut être exprimé par le patron SN V SPde; le complément représente alors
un élément du paramètre d'émission (événement causal ou événement sonore).
5.4.6 Observations
L'élément lexicalisé par le sujet est généralement déterminant dans l'expression
d'un sens (quand le sujet lexicalise un élément de l'événement causal, la forme de
l'événement sonore, un élément du paramètre de propagation ou un élément du
paramètre de réception). Par contre, le sens lié au contenu de l'événement sonore est
obtenu par l'objet qui lexicalise ce contenu.
Alors que le patron SN V SN2 exprime essentiellement le sens lié au contenu de
l'événement sonore, les patrons contenant un complément prépositionnel peuvent
exprimer plusieurs sens. Cependant, tous verbes confondus, si le SN peut lexicaliser
des éléments variés dans le patron SN V, il sera plus contraint dans le choix des
128
éléments qu'il peut lexicaliser une fois combiné avec un SP. Nous avons pu tirer
certaines généralisations en ce qui concerne les combinaisons de SPLoc et de SPde
avec le SN sujet.
Ainsi, dans le patron SN V SPLoc, le SN lexicalise toujours un élément du
paramètre d'émission (événement causal ou événement sonore) et le SPLoc lexicalise
un élément d'un paramètre égal ou ultérieur dans le déploiement du schéma. À
l'inverse, dans le patron SN V SPde, le SPde lexicalise toujours un élément du
paramètre d'émission (événement causal ou événement sonore) et le SN lexicalise un
élément d'un paramètre égal ou ultérieur dans le déploiement du schéma.
Notons que, pour les patrons contenant un syntagme prépositionnel (SPLoc ou
SPde), quand les deux arguments lexicalisent des éléments du paramètre d'émission,
il s'agit toujours de deux éléments contenus dans l'événement causal (c - c).
Autrement dit, dans les patrons SN V SPLoc et SN V SPde, la combinaison d'un
argument qui lexicalise un élément de l'événement causal et d'un argument qui
lexicalise l'événement sonore est exclue. Cependant, toujours dans les patrons
contenant un SP, un élément du paramètre de propagation ou du paramètre de
réception peut se combiner avec un ou l'autre des éléments du paramètre d'émission,
c'est-à-dire un élément de l'événement causal ou un événement sonore. Cela peut
aisément s'expliquer par le fait que l'événement causal et j'événement sonore sont
intimement liés, et qu'on peut aisément exprimer la cause pour l'effet produit.
5.5 Conclusion
L'analyse sémantique a consisté à représenter les verbes de son du corpus à l'aide
du schéma conceptuel de la perception auditive développé dans Piron (2006). Les
trois premiers paramètres de ce schéma, soit l'émission sonore, la propagation sonore
et la réception acoustique ont été nécessaires pour rendre compte des verbes étudiés.
129
Dans le paramètre d'émission, nous avons dû investiguer l'événement causal en
précisant le type d'action qu'il contient, afin de faire ressortir le nombre et le type de
participants entrant dans cet événement. Nous avons vu que, pour un verbe donné,
différentes acceptions appellent parfois des représentations différentes.
Pour chaque verbe, et pour chaque acception, nous avons positionné les éléments
des patrons syntaxiques dans le schéma conceptuel. Ainsi, nous avons exposé
différents cas de lexicalisation, et nous avons vu que les différentes acceptions d'un
verbe peuvent y être associées.
La comparaison des verbes nous a permIs de dégager cmq sens sonores,
directement liés à des éléments lexicalisés dans le schéma: l'événement causal, la
fonne de l'événement sonore, le contenu de l'événement sonore, le paramètre de
propagation et le paramètre de réception. Par la suite, les huit verbes ont été classés
en fonction des sens qu'ils peuvent prendre.
CONCLUSION
Cette étude s'est intéressée au fonctionnement des verbes de son, c'est-à-dire des
verbes qui ont un sens lié à l'émission d'un son. Comme la plupart des travaux
consacrés à la description et au classement de ces verbes portent sur l'anglais, notre
objectif était d'étudier les comportements syntaxique, lexical et sémantique de
certains verbes de son en français. Huit verbes ont été sélectionnés de manière à
représenter la classe des verbes de son. Il s'agit des verbes bourdonner, bruire,
carillonner, crépiter, crisser, gargouiller, retentir et tinter. L'étude de ces verbes
s'est faite par l'analyse d'un corpus écrit constitué d'exemples provenant de la
Banque de données textuelles de Sherbrooke et d'extraits publiés sur le web récupérés
à l'aide de GlossaNet. Seuls les exemples où le verbe ciblé avait un sujet non animé
ont été considérés. Après élagage, le corpus d'analyse contenait au total 647
occurrences.
L'analyse des verbes de son sélectionnés a comporté trois grandes étapes:
l'identification des constructions syntaxiques dans lesquelles peuvent entrer ces
verbes, le typage lexical des éléments qui apparaissent à leurs côtés et l'analyse en
sémantique cognitive. L'analyse syntaxique a consisté à identifier les patrons
syntaxiques des verbes étudiés, c'est-à-dire les constructions syntaxiques dans
lesquelles ils peuvent entrer. Les patrons syntaxiques, qui se différencient par la
catégorie et le nombre d'éléments qu'ils contiennent, ont été décrits et organisés en
taxinomie. Six grandes classes de comportement syntaxique ont été dégagées: le
patron intransitif (SN V); le patron contenant un complément direct (SN V SN2); les
131
patrons contenant un complément prépositionnel locatif (SN V SPLoc) et non locatif
(SN V SPde); les patrons contenant un clitique datif possessif; et les patrons causatifs.
Le patron SN V, de loin le plus fréquent, est possible avec tous les verbes étudiés; les
patrons causatifs et le patron SN V SPLoc sont aussi possibles avec les huit verbes.
Les autres patrons (SN V SN2, SN V SPde et ceux contenant un datif possessif) sont
représentés inégalement par les huit verbes.
L'étape de typage, qui relève de la sémantique lexicale, est venue préciser
l'analyse syntaxique. Les éléments apparaissant aux côtés des verbes ciblés ont été
associés à des types sémantiques. Le typage lexical a révélé que les types associés au
SN sujet dans les patrons comportant plus d'un élément sont essentiellement les
mêmes que dans le patron SN V. Tous verbes confondus, le sujet des verbes de son
peut correspondre à une entité concrète, une entité abstraite, une partie du corps, un
lieu ou un événement. Les verbes ont pu être regroupés selon le type de sujet qu'ils
admettent.
L'analyse en sémantique cognitive a consisté à représenter les verbes de son du
corpus à l'aide du schéma conceptuel de la perception auditive proposé par
Piron (2006). Les trois premiers paramètres de ce schéma, soit l'émission sonore, la
propagation sonore et la réception acoustique, ont été nécessaires pour rendre compte
des différentes acceptions des verbes de son. Pour chaque verbe, nous avons
positionné dans le schéma les éléments des patrons syntaxiques associés à des types.
Différents cas de lexicalisation ont été exposés et nous ont permis de dégager cinq
sens sonores pouvant rendre compte de tous les verbes étudiés. Ces cinq sens sont
directement liés à des éléments lexicalisés dans le schéma conceptuel: l'événement
causal, la forme de l'émission sonore, le contenu de l'émission sonore, le paramètre
de propagation et le paramètre de réception. Les huit verbes ont été classés selon les
sens qu'ils peuvent prendre.
Nous avons étudié le fonctionnement des verbes de son sous trois angles:
syntaxique, lexical et sémantique. Étant donné l'ampleur de la tâche liée à l'analyse
132
de corpus, nous nous sommes limitée à l'étude de huit verbes, sélectionnés pour
représenter la classe des verbes de son en français. Il faudrait appliquer le même
traitement à d'autres verbes de son (par exemple, sonner, grincer, tonner) afin de
vérifier si les cinq sens sonores issus de notre analyse peuvent rendre compte d'autres
verbes. Par ailleurs, notre étude étant restreinte aux verbes de son ayant un sujet non
animé, nous n'avons pas pu rendre compte du comportement des verbes de son à
l'égard des constructions causatives et des emplois transitifs avec une interprétation
causative, ce qui serait possible en prenant en considération les sujets animés. Enfin,
il serait intéressant d'étudier plus en profondeur les prépositions spécifiques qui
introduisent les compléments prépositionnels des verbes de son.
ANNEXE 1
Comparaison des macropatrons syntaxiques présents dans le TLF, dans Le Petit
Robert et dans le corpus, pour les huit verbes étudiés
134
Verbes Macropatrons syntaxiques
Dans le TLF Dans Le Petit Robert Dans le corpus
bourdonner SNV SN V SN V
SN V SP SN V SP
SN V SP SP
bruire SN V SN V SN V
SN V SP SN V SP
carillonner SN V SNV SN V
SN V SN SN V SN SN V SN
SN se V
SN V SP
crépiter SN V SN V SN V
SN V SP SN V SP SN V SP
crisser SN V SN V
SN V SP SN VSP SN V SP
SN V SP SP
gargouiller SN V SN V SNV
SN VSP SN V SP
SN V SP SP
retentir SN V SNV SN V
SN V SP SN V SP SN V SP
tinter SN V SNV SN V
SN V SN SN V SN SN V SN
SN V SP SN VSP SN V SP
SN V SN SP
SN V SP SP
ANNEXE 2
Comparaison des micropatrons syntaxiques présents dans le TLF, dans Le Petit
Robert et dans le corpus, pour les huit verbes étudiés
136
Verbes Micropatrons syntaxi ues Nombre
Dans le TLF Dans Le Petit Robert
Dans le corpus d'exemples dans le corpus
bourdonner SN V SNV SN V 45/87
SN fait V SN SN fait V SN 3187
SN datposs V 3/87
SN datposs V SPLoc 1/87
SN datposs V SPde 1/87
SN V SPLoc SN V SPLoc 10/87
SN V SPde 24/87
bruire SN V SN V SNV 35/56
SN fait V SN SN fait V SN 2156
SN V SPLoc SN V SPLoc 14/56
SN V SPde SN V SPde 5/56
carillonner SN V SN V SN V 7/14
SN V SN SN V SN SN V SN 3114
SNV P 1114
SN V SPLoc 1114
SN fait V SN 2114
SN se V
crépiter SN V SN V SN V 60179
SN V SPLoc SN V SPLoc SN V SPLoc 10179
SN V SPde SN V SPde 4179
SN fait V SN 4179
SN fait V SN SPLoc 1179
crisser SN V SN V 27173
SN fait V SN SN fait V SN 12173
SN V SPLoc SN V SPLoc SN V SPLoc 33173
SN datposs V SPLoc 1173
SN fait V SN SPLoc
gargouiller SN V SNV SN V 11/14
SN V SPLoc SN V SPLoc 2114
SN datposs V SPde 1/14
SN datposs V
137
retentir SN V SNV SNV 120/209
SN V SPLoc SN V SPLoc SN V SPLoc 55/209
SN V SPde SN V SPde SN V SPde 13/209
SN fait V SN SPde SN fait V SN SN fait V SN SPde 2/209 SPde
SN fait V SN 17/209
SN fait V SN SPLoc 2/209
tinter SN V SN V SN V 67/113
SN V SPLoc SN V SPLoc 11/113
SN datposs V SN datposs V SN datposs V 1/113
SN V SN SN V SN SN VSN 4/113
SN fait V SN 24/113
SN datposs V SPLoc 1/113
SN V SPde 3/113
SN datposs fait V SN 2/113
SN V SN SPLoc
RÉFÉRENCES
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